Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 6709

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 4 septembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

5 M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,

6 bonjour. Pouvons-nous procéder aux comparutions s'il vous plaît ?

7 M. Niemann (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

8 bonjour. Je m'appelle Grant Niemann et je comparais avec mes collègues

9 Me McHenry, Me Khan, Me Turone et Me Van Dusschoten au nom de

10 l'accusation.

11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Pouvons-

12 nous avoir les comparutions des conseils de la défense s'il vous plaît ?.

13 Mme Residovic. – Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Je

14 m'appelle Edina Residovic. Je représente M. Zejnil Delalic avec mon

15 confrère, Eugene O'Sullivan, Professeur au Canada.

16 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs

17 les Juges. Je m'appelle Zeljko Olujic. Je représente Zdravko Mucic en

18 compagnie de mon confrère, Me Michael Greaves, avocat du Royaume-Uni et de

19 l’Irlande du nord.

20 Madame et Messieurs les Juges, permettez-moi, en mon nom et en

21 celui de mon confrère, d'exprimer notre reconnaissance parce que vous

22 n'avez pas eu recours à des mesures disciplinaires vis-à-vis de mon

23 client. Mais afin que tout soit bien clair, je voudrais dire ici que mon

24 client et moi-même nous sommes entretenus. Mon client m'a déclaré que son

25 intention n'était pas d'entrer en communication avec le témoin qui

Page 6710

1 comparaissait dans le prétoire, mais

2 étant donné la position dans laquelle il se trouvait, il voulait faire un

3 signe à la cabine d'interprétation lorsque le surnom Mucic, Masic et Music

4 ont été cités. Il s'agit de noms tout à fait différents. Il ne voulait pas

5 qu'il y ait de confusion.

6 Il a donc essayé de faire un certain nombre de signes,

7 certainement des signes qui ne sont pas acceptables dans un prétoire et

8 qui sont source de dérangement. Il voudrait remercier la Chambre de

9 première instance qui a fait preuve de compréhension.

10 Mais je répète que mon client n'avait aucune intention d'entrer

11 en communication avec le témoin. Il voulait simplement que chacun puisse

12 voir et il voulait aussi attirer l'attention du service d'interprétation.

13 M. Karabdic(interprétation) - Bonjour, Madame et Messieurs

14 les Juges. Je m’appelle Salih Karabdic, je représente Hazim Delic avec mon

15 confrère, Maître Thomas Moran, avocat à Houston au Texas.

16 M. Ackerman (interprétation). – Bonjour, Madame et Messieurs

17 les Juges. Je m'appelle John Ackerman. Je représente ici M. Esad Landzo

18 avec ma consoeur, Maître Cynthia McMurrey.

19 M. le Président (interprétation). – Merci, Monsieur Olujic,

20 d'avoir expliqué ce qui s'est effectivement produit hier.

21 Il ne faut absolument jamais que nous n'entrions en

22 confrontation avec un témoin ou avec qui que ce soit. Il faut que toute

23 personne prenant part à cette affaire comprenne bien que nous parlons ici

24 de choses graves. Il ne s'agit pas d'une affaire simple. C'est une affaire

25 complexe, non seulement par ses retombées sociales, mais parce que nous

Page 6711

1 parlons de la liberté des personnes qui prennent part à cette affaire.

2 J'espère que vous l'avez compris, je vous remercie de votre intervention.

3 Je crois que nous devons toujours aborder tout ce qui a trait à

4 l'affaire et au procès, avec la plus grande gravité, le plus grand

5 sérieux. Il ne faut absolument pas que des actes

6 commis dans le prétoire puissent être une source de problèmes ou de

7 confusions. Donc, nous demandons à tout le monde d'être bien conscient du

8 fait que nous voulons que ce procès se passe aussi bien que possible et

9 sans autre incident. Je vous remercie.

10 Pouvons-nous introduire le témoin, s'il vous plaît ?

11 M. Karabdic (interprétation). - Madame et Messieurs les juges,

12 avant que le témoin soit introduit, j'aimerais faire une remarque si vous

13 le voulez bien. Je voudrais attirer l'attention de la Chambre de première

14 instance sur le fait qu'au début de ses débats, il a été décidé que nous

15 allions recevoir le transcript le jour même de l'audience, vers 19 heures.

16 Mais je m'aperçois que la coutume a été modifiée et pour ce qui est des

17 débats d'hier, nous n'avons toujours pas reçu le compte rendu de

18 l'audience. Il nous a été dit que la règle était la suivante : nous

19 allions recevoir ce compte rendu le lendemain vers 10 heures.

20 Je voudrais souligner ici que cela ne fait que compliquer notre

21 travail parce que nous ne sommes pas à même de vérifier ce qui est apparu

22 sur le compte rendu et de soulever des objections, si nous en avons à

23 formuler.

24 Ce changement de routine, si je puis dire, a des conséquences

25 très importantes pour nous, notamment aujourd'hui, parce qu'après avoir

Page 6712

1 consulté un certain nombre de mes collègues, nous nous sommes aperçu que

2 nous avions un certain nombre de remarques à faire concernant

3 l'interprétation de la déposition du témoin d'hier et que nous avions des

4 remarques à faire sur le compte rendu d'une façon générale.

5 Les conseils qui parlent à la fois anglais et serbo-croate ont

6 remarqué un grand nombre d'erreurs dans l'interprétation, erreurs qui

7 modifient le sens de ce qui a été dit. Je ne peux pas être plus précis

8 pour l'instant. Je ne peux pas indiquer qu'il s'agit de telle ou telle

9 page ou de telle ou telle ligne parce que je n'ai pas le compte rendu des

10 débats d'hier.

11 Mais je demande que nous puissions réexaminer la cassette des

12 débats d'hier et je demande que l'intégralité du compte rendu soit

13 retraduit, ce qui permettrait de corriger un

14 certain nombre d'erreurs, car il n'est possible de corriger des erreurs

15 qu'en corrigeant les réponses.

16 Mais pour ce qui est de la traduction des questions, ces erreurs

17 ne peuvent pas être corrigées.

18 Dans le courant de la matinée, nous essaierons de reposer ces

19 questions qui ont été mal interprétées, et nous demanderons au témoin de

20 nous donner de nouvelles réponses à ces questions.

21 Mme Residovic. - Madame et Messieurs les Juges, étant donné que

22 la question a été soulevée par les conseils de la défense de M. Delalic,

23 j'aimerais, moi aussi, demander à la Chambre de première instance de nous

24 aider à suivre les débats d'aussi près que possible et de nous aider à

25 nous assurer que tout ce qui est dit dans le cadre de ces débats paraît

Page 6713

1 dans le compte rendu.

2 D'ores et déjà, lors de la déposition de M. Panzer, nous avions

3 remarqué un nombre d'erreurs assez importantes et nous avions attiré

4 l'attention du responsable du service d'interprétation sur ce fait ce même

5 jour. Nous leur avons dit que le témoin disait quelque chose de précis et

6 que nous obtenions quelque chose d'autre dans l'interprétation qui était

7 faite en serbo-croato-bosniaque.

8 Ce n'était pas si grave lorsque les questions étaient posées par

9 M. O'Sullivan et que les questions étaient interprétées ensuite vers

10 l'anglais, mais les erreurs se sont nettement aggravées hier lorsque la

11 question posée en anglais n'était pas traduite de façon correcte en serbo-

12 croate. Donc le témoin ne comprenait pas exactement ce qu'on lui

13 demandait.

14 Par ailleurs, les réponses fournies par le témoin ont conduit à

15 une modification non seulement des noms de lieux, mais ont changé

16 également le contenu même des réponses du témoin aux questions qui lui

17 étaient posées.

18 En outre, je dois faire remarquer que dans ce prétoire, au cours

19 des derniers mois,

20 nous avons très souvent entendu le nom Delalic qui était employé. Zejnil,

21 Sajil, Emir, Sefik, Sijka et bien d'autres prénoms encore. Je suis bien

22 certain que la Chambre de première instance est bien consciente qu'il y a

23 nombre de familles dans la région qui portent ce même nom de famille.

24 Mais nous avons remarqué que dès que le nom de famille Delalic

25 est employé, alors le prénom Zejnil apparaît sur le compte rendu. Nous

Page 6714

1 avons attiré l'attention des personnes concernées sur ce fait et nous

2 avons également écouté les cassettes. Nous avons demandé que les

3 corrections soient reportées sur le compte rendu. Mais à ce jour, nous

4 n'avons toujours pas reçu les corrections.

5 C'est la raison pour laquelle nous voudrions demander à la

6 Chambre de première instance, non seulement qu'elle nous donne l'occasion

7 de réagir à temps à de telles erreurs qui paraissent dans le compte rendu,

8 mais encore que nous recevions des corrections pour toute erreur commise,

9 et ce au plus tard dans les 48 heures qui suivent le moment où l'erreur a

10 été faite.

11 M. Olujic (interprétation). - Nous partageons entièrement ce

12 qui a été dit par nos collègues concernant les problèmes d'interprétation.

13 Mais remarquons que c'est particulièrement hier que les noms

14 Mucic, Masic* et Mucic et Sifrek* Macic* ont été cités, alors que sur le

15 compte rendu il n'était question que de Mucic. Il s'agit là d'une source

16 très importante de confusions. A première vue, il ne semble pas que ce

17 soit aussi grave que cela dès lors que les personnes n'appartiennent pas à

18 la région dont il est question et dès lors qu'elles ne sont pas

19 conscientes qu'il s'agit là de quatre noms bien différents les uns des

20 autres. Je répète, par conséquent, que nous partageons entièrement les

21 vues exprimées par nos collègues.

22 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi de vous avoir

23 tous fait attendre.

24 Vous venez de soulever une question particulièrement grave. Vous

25 avez déposé une

Page 6715

1 plainte particulièrement grave.

2 Vous avez dit que des interprétations avaient été faites qui

3 modifiaient vraiment, substantiellement, le sens de ce qui avait été dit.

4 Vous avez également dit qu'il s'agissait d'erreurs commises à la fois dans

5 les questions et dans les réponses.

6 Ce qui s’est passé fait qu’il est difficile, pour moi, de savoir

7 quelles questions ont été posées et les réponses qui ont été apportées.

8 C'est une question à laquelle il est difficile d'apporter une solution

9 sans donner l'occasion au témoin de revenir sur tout ce qui a pu être

10 demandé et sur toutes les questions qu'il a pu apporter. Car ce n'est

11 qu'ainsi que nous pourrons voir où figurent les erreurs commises sur les

12 noms ou sur d'autres éléments.

13 Il faut poser la question au témoin qui pourra nous dire si, oui

14 ou non, il a bien compris de quoi il s'agissait et si, oui ou non, vous

15 avez bien compris les noms.

16 Pour ce qui est du compte rendu et du fait de l'obtenir le même

17 jour, c'est une question qui relève du Greffe. Il faut que vous le fassiez

18 remarquer aux membres du Greffe, afin qu'ils puissent répondre

19 immédiatement à vos souhaits. Donc là, il sera relativement facile, dès

20 lors que le compte rendu est fourni, de repérer les erreurs qui ont été

21 commises d'ici aux prochaines audiences.

22 Le problème principal de l'interprétation, si j'ai une idée

23 claire de la situation, c’est en l'occurrence qu'il faut savoir exactement

24 qui est l'interprète concerné et son efficacité. Il y a ici un groupe

25 d'interprètes assez important. Etant donné qu'il y a différents niveaux

Page 6716

1 d'interprétation, cela dépend. Mais ce n'est pas quelque chose dont la

2 Chambre de première instance peut s'occuper seule.

3 Nous allons informer le Greffe de ce qui a été dit et je pense

4 qu'il prendra les mesures adaptées.

5 Pour ce qui est du problème immédiat, nous allons peut-être

6 savoir ce qu'il faut faire. Maître Niemann ?

7 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, au nom de

8 l'accusation j'aimerais dire un certain nombre de choses.

9 La Chambre d'instance se trouve confrontée à un problème assez

10 spécifique et assez difficile à résoudre.

11 Les interprètes sont confrontés à une tâche extrêmement complexe

12 parce qu'ils essaient de procéder à une interprétation simultanée. Comme

13 vous le savez, Madame et Messieurs les Juges, cela n'est pas toujours

14 évident. Il y a un système de relais qui peut parfois ralentir un peu les

15 débats. Nous avons l'avantage de disposer d'une interprétation simultanée

16 qui n'est peut-être pas toujours aussi précise qu'elle pourrait l’être,

17 mais d'après mon expérience dans cette Chambre, je crois que

18 l'interprétation est extrêmement précise eu égard au travail considérable

19 que les interprètes doivent réaliser.

20 Madame et Messieurs les Juges, un filet de sécurité existe et il

21 faut l'utiliser dans le cadre de l'interprétation simultanée. Un compte

22 rendu simultané apparaît sur l'écran. Les conseils de la défense sont

23 libres de le regarder, de repérer toute erreur qui apparaît et d’attirer

24 immédiatement l’attention de la Cour sur ces erreurs.

25 Je suis persuadé que vous, Madame et Messieurs les Juges de la

Page 6717

1 Cour, ne seriez pas trop gênés si les conseils -au niveau des débats-

2 soulignaient qu'il y a une erreur. Car je pense qu'il est très important

3 de corriger ce genre d'erreurs en temps et en heure.

4 Je voudrais soulever un autre point, Madame et Messieurs les

5 Juges : il y a également un enregistrement vidéo. Par conséquent, la voix

6 du témoin et l’image physique du témoin sont enregistrées et ne sont pas

7 du tout perdues.

8 En outre, il y a également ce système de transcripts qui sont

9 donnés aux conseils de la défense tous les jours afin qu'elle puisse les

10 examiner et les corriger. Je ne crois pas qu’il soit exact de dire que,

11 quels que soient les enregistrements qui ont été faits lorsque le témoin

12 parle, ces enregistrements sont définitifs. Il y a toujours la possibilité

13 de corriger ces comptes rendus.

14 Tous ces systèmes de correction sont à la disposision des uns et

15 des autres. Je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de pointer du doigt

16 un interprète par rapport à un autre. Je crois qu'il va y avoir des

17 erreurs de temps en temps parce que c'est un processus extrêmement

18 compliqué, auquel nous prenons tous part. Il s'agit d'interprétation, pas

19 de traduction. Il s'agit de restituer dans une autre langue ce que l'on

20 croit avoir été dit dans une autre langue. Il y a toujours une marge de

21 variation, même dans les instances les plus précises.

22 Il faut que nous suggérions aux conseils de la défense d'avoir

23 recours aux outils qu'ils peuvent utiliser, par exemple la télévision, le

24 compte rendu et les enregistrements vidéo.

25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois

Page 6718

1 que notre collègue veut dire quelque chose.

2 Mme Odio-Benito (interprétation). - Je crois qu'il me parle, à

3 moi.

4 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi, Madame le Juge. Je

5 m’excuse, mon anglais n’est pas parfait.

6 Mme Odio-Benito (interprétation). - Merci. Je saisis ici

7 l'occasion qui m’est offerte de dire à chacun qu'il faut parler lentement,

8 précisément, en articulant, parce qu'il est parfois extrêmement difficile

9 pour les interprètes de suivre les débats.

10 Je pense notamment à certaines personnes anglophones.

11 Monsieur Niemann, vous êtes particulièrement visé (rires).

12 Je vous le demande donc : rappelez-vous bien qu'il faut parler

13 de façon claire, il faut parler lentement, cela facilitera grandement le

14 travail que les interprètes doivent effectuer. Je vous remercie.

15 M. Ackerman (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

16 j'aimerais ajouter un certain nombre d'éléments, si vous me le permettez.

17 Tout d'abord, il est impossible pour ceux d'entre nous qui ne parlent pas

18 le serbo-croate, parmi lesquels M. Niemann, de savoir si l'interprétation

19 est précise en regardant simplement ce qui apparaît sur le compte rendu.

20 Donc

21 certains d'entre nous ne sont pas à même de faire ce que M. Niemann

22 suggère de faire.

23 Autre chose : je crois que tout le monde n'a pas bien compris de

24 quoi il s'agit. Si jamais une question est mal interprétée, alors la

25 réponse apportée par le témoin peut avoir peu de rapport avec ce qui a été

Page 6719

1 demandé au témoin. Je dois également souligner le fait que, lors de la

2 déposition de M. Panzer, et ce en dépit du fait que je ne parle pas

3 allemand couramment, loin de là, je le parle suffisamment bien pour savoir

4 qu'en un certain nombre d'occasions, ses réponses en allemand étaient "Je

5 ne sais pas" qui ont très souvent été traduites par "Je ne m'en souviens

6 pas". Pour ce qui est de certaines questions qui ont été posées, cela

7 pourrait entraîner des problèmes assez conséquents.

8 Je ne maîtrise pas assez bien l'allemand ; je n'ai pas soulevé

9 le problème au moment précis, parce que je ne connais pas assez bien

10 l'allemand, mais d'autres personnes, externes à ce prétoire, me l'ont dit

11 par la suite, confirmant ce que j'avais pensé au moment où cela s'était

12 produit.

13 Je n'essaye pas de dire que ceux qui ne parlent pas serbo-croate

14 peuvent échapper à leurs responsabilités, mais j'ai l'impression que ce

15 que M. Niemann suggère n'est pas le plus important.

16 Je crois que c'est Mme le Juge Odio-Benito qui a raison : elle

17 dit qu'il faut que nous parlions lentement parce qu'il faut que les

18 interprètes puissent faire leur travail. Je comprends quelle est la charge

19 de travail à laquelle les interprètes doivent faire face et je sais bien

20 qu'ils font un travail extrêmement difficile. Je crois que la seule

21 solution ici pour nous est d'être un peu plus attentifs. Je demande à ceux

22 qui parlent serbo-croate et à tous ceux qui sont présents dans ce prétoire

23 aujourd'hui de parler beaucoup plus lentement que d'habitude afin que les

24 interprètes puissent faire un travail précis. Je vous remercie.

25 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je suis tout

Page 6720

1 à fait d'accord avec les vues exprimées par M. Ackerman. J'aimerais

2 simplement élaborer un peu sur ce qui a été dit.

3 Aux Etats-Unis, il est d'usage, si l'avocat parle un peu trop vite, que

4 les sténotypistes fassent un signe ou même élèvent la voix et disent :

5 "S'il vous plaît, ralentissez parce que je n'arrive pas à tout saisir!".

6 Les sténotypistes m'ont dit ici que ce n'est pas la pratique utilisée au

7 Royaume-Uni d’où elles sont originaires. Mais peut-être qu'à la fois, les

8 interprètes et les sténotypistes ont parfois à faire face à une tâche

9 extrêmement difficile à accomplir.

10 Je n'arrive d'ailleurs pas à savoir comment les interprètes

11 peuvent être en train d'écouter de l'anglais qui sort de ma bouche et, en

12 même temps, prononcer des mots serbo-croates ou français quelques secondes

13 plus tard. Ils pensent dans deux langues à la fois. Je crois qu'il faut

14 absolument les encourager à faire en sorte que, lorsque l'un de nous parle

15 trop vite —et je crois que je suis coupable en la matière—, les

16 interprètes ou les sténotypistes nous fassent signe. Je les encourage à

17 nous dire que nous allons trop vite, à nous dire qu'il faut répéter,

18 qu'ils n'ont pas bien entendu.

19 Pour ce qui est du compte rendu, par exemple, du fait qu'il faut

20 réexaminer et corriger le compte rendu, je ne m'attends pas à ce que les

21 juges réexaminent, combien ? 6000 pages de compte rendu dans l'instant. Je

22 ne m'attends pas à ce que vous révisiez 7000, 10000 pages de compte rendu

23 en essayant de comparer ce qui est écrit et ce que vous avez entendu C'est

24 impossible, c'est une tâche impossible à accomplir. On ne peut pas

25 demander à des juges d'accomplir ce type de travail.

Page 6721

1 Les trois juges de la Chambre d'instance vont s'appuyer, pour la

2 plus grande partie de leur travail, et dans l'espoir d'arriver à une

3 décision, ils ne vont pas se baser uniquement sur ces mots jetés sur le

4 papier : si tel était le cas, nous n’aurions pas besoin d'avoir des juges

5 qui assistent aux débats ; il suffirait de leur envoyer tous les jours un

6 compte rendu écrit.

7 Donc je crois que changer le compte rendu peut servir pour

8 l'instance d'appel, mais cela n'aide pas la Chambre de première instance à

9 remplir sa fonction de détermination des faits, de ce qui s'est exactement

10 passé.

11 Une fois encore, je crois qu'il faut que les interprètes et les

12 sténotypistes se sentent libres de dire que nous allons trop vite et qu'il

13 faut que nous fassions nous-mêmes attention à ce qu'il faut faire. Moi-

14 même, je sais que je parle un peu trop vite et je sais qu'un des juges ne

15 comprend pas toujours ce que je dis : il faut me le dire. Dites-moi de

16 ralentir, de répéter Je crois que c'est ce que nous devons tous faire,

17 Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation). - Les plaintes que nous avons

19 entendues ce matin concernent la précision de l'interprétation. Je parle

20 vraiment de précision de l'interprétation et c'est ce que je voudrais voir

21 apparaître sur l'écran, s'il vous plaît. Très souvent, je me le rappelle

22 maintenant, des conseils de la défense ont indiqué que des imprécisions

23 apparaissaient sur l'écran. Nous en avons fait part aux cabines

24 d'interprétation ; les erreurs ont été corrigées. Je pense que nous

25 pouvons continuer à appliquer ce système plutôt que d'avoir à tout

Page 6722

1 reprendre, à tout réexaminer et à tout rendre corrigé à une date

2 ultérieure.

3 Toute personne à même d'indiquer des erreurs d'interprétation

4 devrait pouvoir le faire immédiatement et au moment même où ces erreurs

5 sont commises, aux fins que nous ne perdions pas la trace de telles

6 erreurs. Je crois que nous avons la responsabilité de la précision. Nous

7 devons être précis ; il faut que le compte rendu soit précis. Je crois que

8 nous devons saisir l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour

9 essayer de tout faire en sorte pour que tout soit précis.

10 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

11 j'entérine complètement ce que vous venez de dire. Moi aussi en effet, je

12 pense que nous avons tous un travail difficile, tous. Cela implique

13 également, bien entendu, les interprètes.

14 J'aimerais demander à la Chambre de me signaler de ralentir si

15 nécessaire, dans l’intérêt de la précision, pour que tout ce que je dis

16 soit bien réflété dans la transcription des débats.

17 J'attire votre attention sur un autre problème que mon collègue

18 Niemann a signalé,

19 c'est-à-dire que la transcription que nous avons sous les yeux, et qui

20 peut nous aider à réagir immédiatement à toute erreur commise, n'est pas

21 toujours parfaite non plus, car si un témoin parle bosniaque ou serbo-

22 croate, mon collègue, à côté de moi; qui voit le texte anglais, ne sait

23 pas s'il s'agit véritablement d'une traduction fidèle ou pas.

24 Quant à moi qui parle le français, je ne peux pas noter ou

25 remarquer si ce qui a été dit en bosniaque a été interprété correctement

Page 6723

1 en anglais. Donc les erreurs que nous remarquons sont des erreurs de noms

2 ou alors, par exemple, telle ou telle phrase dite par M. Panzer, où l'on a

3 pu remarquer que la traduction en bosniaque était d'utiliser le terme

4 "sentence" comme dans le sens français, dans le sens pénal ou "sentence"

5 qui veut dire phrase en anglais. Les deux mots étant les mêmes, parfois il

6 est difficile de faire la distinction.

7 Je sais aussi que les sténographes ont un travail extrêmement

8 difficile. Il y a des noms qui sont déjà pré-encodées et comme je vous le

9 disais, dès que le terme Delalic est prononcé, automatiquement le prénom

10 Zejnil apparaît. Nous ne le remarquons pas toujours, mais quand nous le

11 remarquons et lorsque nous comparons ensuite la transcription avec les

12 services de traduction, nous leur demandons d'apporter cette correction

13 dans les 48 heures. Sans quoi, nous allons accumuler un arriéré, parce

14 qu'après 5000 pages accumulées, plus personne ne pourra se souvenir des

15 objections que nous avions apportées concernant le témoin Antic si la

16 correction n'est toujours pas présente dans le texte.

17 M. Olujic (interprétation). - Je voudrais revenir sur ce qu'a

18 dit mon collègue Niemann concernant notre possibilité de comparer ce qui

19 se trouve dans la transcription. Mais Me Ackerman a raison de parler de

20 l'écran, car en effet il se passe ceci : ce qui est important, c'est ce

21 que le témoin entend. Lui n'a pas de transcription. Donc en effet, si un

22 nom n'est pas suffisamment bien prononcé via l'interprète, il pourrait

23 répondre de manière incorrecte. Comment pouvons-nous vérifier cela ? Ce

24 n'est que par la suite, au moment où l'on obtient la transcription.

25 C'est pourquoi, Madame et Messieurs les Juges, vous avez raison

Page 6724

1 de dire que ce processus doit être accéléré afin de pouvoir recevoir la

2 transcription le plus rapidement possible et d'avoir la possibilité de

3 réagir à temps. Merci.

4 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie de vos

5 diverses interventions. Je crois que c'est à peu près tout ce que l'on

6 peut faire à ce stade et je pense que vous pourriez peut-être mettre tout

7 cela par écrit pour le greffe. Cela nous aiderait à clarifier la

8 situation.

9 Je crois que dans tout ce qui a été dit ici, nous savons

10 maintenant ce qu'il nous reste à faire, et d'urgence d'ailleurs.

11 Pouvons nous maintenant faire entrer le témoin ? Veuillez

12 inviter le témoin à rentrer.

13 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je

14 voudrais en tout cas vous remercier de nous avoir écouté et d'avoir fait

15 preuve de compréhension par rapport à notre problème.

16 M. le Président (interprétation). - Il est très important aussi,

17 dans ce procès, de bien se comprendre, d'être précis et fidèle à ce qui a

18 été dit des deux côtés, sans quoi notre décision ne reposerait pas sur

19 quelque chose de concret non plus.

20 M. Moran (interprétation). - Vous avez tout à fait raison.

21 M. le Président (interprétation). - Je crois que c'est

22 important.

23 M. Moran (interprétation). - C'est bien pour cela que nous

24 sommes ici.

25 M. le Président (interprétation). - La justice et la vérité en

Page 6725

1 dépendent.

2 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

3 Veuillez rappelez au témoin qu'il est toujours sous serment

4 Mme le Greffier. - Monsieur, je vous rappelle que vous êtes

5 encore sous serment.

6 Témoin T (interprétation). - Oui.

7 M. Moran (interprétation). - Bonjour Monsieur. Pendant les

8 dernières minutes où vous étiez en train d'attendre, nous allons vous

9 expliquer ce qui s'est passé. Nous pensons

10 qu'hier lorsque je vous ai interrogé, il y a eu quelques problèmes

11 d'interprétation à partir de la langue anglaise vers le serbo-croate et

12 ensuite vers l'anglais lorsque vous avez répondu.

13 Je souhaiterais donc vous poser quelques questions qui

14 ressembleront très fort à ce que je vous ai déjà demandé hier, à seule fin

15 de préciser certaines choses, car certains de mes collègues qui parlent

16 votre langue pensent qu'il aurait pu y avoir des erreurs de communication.

17 Vous me suivez ?...

18 Témoin T (interprétation). - Oui, je suis d'accord avec vous.

19 M. Moran (interprétation). - L'une des choses qui m'a été

20 signalée est qu'hier, je vous avais posé des questions concernant la

21 nourriture qui était à la disposition des civils à Konjic. On m'a signalé

22 que lorsque vous avez répondu en serbo-croate, vous avez dit qu'il y avait

23 pénurie d'alimentation. Or si je me souviens bien de l'anglais, vous aviez

24 dit qu'il y avait pas mal de nourriture quand même, alors qu'en est-il ?

25 Témoin T (interprétation). - Je vous ai dit qu'il y avait de la

Page 6726

1 nourriture en quantité suffisante et que la population civile ne

2 connaissait pas de pénurie, ce qui était le cas ailleurs en Bosnie-

3 Herzégovine.

4 M. Moran (interprétation). - Bon, très bien. Je voulais juste

5 être au clair là-dessus. Revenons alors à un autre sujet, Grozdana Cecez.

6 Mettons de côté ce qu'elle a dit. Quelle a été votre relation avec cette

7 dame dans le camp ? Est-ce que vous la voyiez souvent ? Est-ce que vous

8 lui parliez ? Parfois, est-ce que vous preniez un café ou fumiez une

9 cigarette ensemble ? Ce type de choses-là ?

10 Témoin T (interprétation). - Notre relation était assez bonne.

11 C'était une relation comme on peut en avoir avec n'importe qui d'autre,

12 une femme relativement âgée, une femme qui avait l'âge de ma mère. Je la

13 respectais. Assez souvent, je lui donnais une cigarette.

14 M. Moran (interprétation). - Donc en mars/avril 1997, il n'y

15 avait aucune raison pour qu'elle ait pu vous prendre pour quelqu'un

16 d'autre. Dès lors qu'elle parlait de vous, elle n'a

17 pas pu...

18 Mme McHenry (interprétation). - Objection, il ne peut pas dire

19 ce qu'un autre témoin a dit ou fait, si elle aurait pu se tromper ou non.

20 La question ne peut pas être posée.

21 M. le Président (interprétation). - Est-ce que quelqu'un

22 pourrait se tromper sur votre identité étant donné la nature de la

23 relation qui existait ? Est-ce que quelqu'un pourrait se tromper sur vous

24 étant donné la nature de votre relation ? Je crois que cette question peut

25 être posée, et c'est ce que Me Moran souhaite savoir.

Page 6727

1 M. Moran (interprétation). - Monsieur T, vous pouvez répondre à

2 la question.

3 Témoin T (interprétation). - Il y a sans doute eu une erreur car

4 je crois que c'est l'un des autres gardiens qui a peut-être utilisé mon

5 nom à ce moment-là.

6 M. Moran (interprétation). - Au moment où elle était au camp,

7 elle connaissait votre vrai nom ?

8 Témoin T (interprétation). - Oui. Je disais que peut-être

9 quelqu'un d'autre, un autre gardien, aurait pu utiliser mon nom pour la

10 tromper et pour couvrir ses traces.

11 M. Moran (interprétation). - Elle aurait pu alors croire qu'il y

12 avait deux gardiens portant le même nom dans le camp. C'est ce que vous

13 êtes en train de dire ?

14 Témoin T (interprétation). - Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

15 Je n'ai pas dit qu'il y avait deux gardiens. J'ai dit que l'un des autres

16 gardiens avait pu utiliser mon nom pour tromper cette femme, de sorte

17 qu'elle ne sache pas qui a perpétré cet acte.

18 M. Moran (interprétation). - Donc, en quelque sorte, elle aurait

19 pu penser que deux personnes portaient le même nom.

20 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas ce que cela

21 veut dire. Que quelqu'un utilise le nom de quelqu'un d'autre ne veut pas

22 dire que cette personne porte ce nom.

23 M. Moran (interprétation). - Non, je dis simplement qu'il dit

24 qu'elle aurait pu penser qu'il y avait deux personnes du même nom.

25 Revenons à quelque chose d'autre. Au début de l'existence du

Page 6728

1 camp, lorsque vous avez commencé à y travailler en tant que policier

2 militaire du HVO, donc en mai 1992, est-ce que vos fonctions incluaient le

3 fait de reprendre la liste des prisonniers qui étaient amenés au camp, de

4 noter des informations concernant le fait qu'ils portent des armes, etc. ?

5 Témoin T (interprétation). - Je suis désolé, je ne comprends pas

6 cette question.

7 M. Moran (interprétation). - Merci de nous dire que vous ne

8 comprenez pas la question, je vous en remercie. Je vais la répéter et nous

9 allons faire en sorte que vous puissiez me comprendre.

10 Au début, lorsque vous êtes arrivé à Celebici, donc sans doute

11 en mai 1992 -c'est cette période-là qui m'intéresse pour le moment-, vos

12 occupations n'incluaient-elles pas le fait de noter les noms des

13 prisonniers amenés au camp et d'indiquer qui se trouvait dans le camp,

14 ceci avant de devenir chauffeur ?

15 Témoin T (interprétation). - Non, cela ne faisait pas partie de

16 mes fontions.

17 M. Moran (interprétation). - Donc votre seule fonction était

18 d'emmener les gens vers l'endroit où ils étaient interrogés ?

19 Témoin T (interprétation). - Oui, puis, après l'interrogatoire,

20 j'étais de garde auprès du téléphone.

21 M. Moran (interprétation). - Très bien.

22 Monsieur le Président, je souhaiterais que l'on passe à huis

23 clos pendant quelques instants, par mesure de prudence, juste pour une

24 question.

25 M. le Président (interprétation). - Très bien, nous passons en

Page 6729

1 séance à huis clos. Très bien.

2 (L'audience se poursuit à huis clos.)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (Fin du huis clos.)

16 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez continuer.

17 M. Moran (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le

18 Président.

19 Monsieur, est-ce qu’il est vrai que cette femme, Mira, s'est

20 trouvée au camp pendant plusieurs jours et que, pendant ce laps de temps,

21 vous l'avez forcée à se prostituer au camp ? Est-ce exact ?

22 Témoin T (interprétation). - Non. Comme je vous l'ai dit hier, à

23 une occasion je l'ai conduite au camp parce que son frère y était

24 emprisonné. Plus tard, je suis allé me coucher et l'un des gardiens l'a

25 emmenée là où se trouvait son frère, je ne sais plus très bien dans quel

Page 6730

1 hangar ou quel tunnel il était. Alors ce qui s'est passé plus tard, ce qui

2 lui est arrivé par la suite ou le lendemain matin... Je sais que près de

3 la porte d'entrée, il y avait des cris et j'ai vu Hazim qui la frappait

4 avec une batte et qui essayait de l'éloigner, Hazim qui la frappait.

5 M. Moran (interprétation). - Connaissez-vous un homme qui

6 s'appelle Sljivo ? Vous le connaissez, n'est-ce pas ? C'est un homme qui

7 avait des moutons.

8 Témoin T (interprétation). - Il s'appelait Smhajil, pas Sljivo.

9 M. Moran (interprétation). - Smajil Kavazovic.

10 Témoin T (interprétation). - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Il s'appelait également Sljivo.

12 Témoin T (interprétation). - Non, non, son surnom n'était pas

13 Sljivo, son surnom était Koritsa*.

14 M. Moran (interprétation). - Comment se fait-il que vous ayez

15 quitté le camp de Celebici ?

16 Témoin T (interprétation). - Je suis parti tout simplement parce

17 qu'il y avait des conflits entre les forces musulmanes et les forces

18 croates et que je ne me sentais plus en sécurité, alors je suis parti.

19 M. Moran (interprétation). - Ce n'est pas que l'on vous ait

20 ordonné de quitter le camp après cet incident avec Mira, parce que les

21 autorités du camp pensaient que vous aviez eu des comportements

22 répréhensibles ?

23 Témoin T (interprétation). - Ce n'était pas la raison, non.

24 M. Moran (interprétation). - Donc en août ou septembre 1992,

25 M. Delic n'est pas venu vous voir, vous demander les clefs de la voiture,

Page 6731

1 vous dire de disparaître et de ne jamais revenir ?

2 Témoin T (interprétation). - Non. Non, il n'aurait pas pu me

3 l'ordonner puisqu'il n'était pas le commandant du camp. Seul Zdravko Mucic

4 aurait pu m'ordonner de partir.

5 M. Moran (interprétation). - Donc on ne vous a pas ordonné de

6 quitter les installations et de ne jamais revenir étant donné vos

7 activités concernant cette personne, Mira ? C'est bien ce que vous êtes en

8 train de nous dire, n'est-ce pas ?

9 Témoin T (interprétation). - Non, ce n'est pas vrai.

10 M. Moran (interprétation). - Vous dites que ce n'est pas ce que

11 vous dites ou que ce n'est pas vrai ? C'est quoi, en définitive ?

12 Témoin T (interprétation). - J'ai dit que ce n'est pas vrai, que

13 je n'ai rien fait avec Mira et que ce n'est pas la raison pour laquelle

14 qui que ce soit m'aurait ordonné de quitter la prison.

15 M. Moran (interprétation). - Très bien. A propos, est-ce que

16 vous auriez jamais volé des jumelles qui étaient la propriété de l'armée

17 bosniaque et les auriez-vous revendues à ce berger, M. Kovacevic ?

18 Témoin T (interprétation). - Je ne m’en souviens pas.

19 M. Moran (interprétation). - Vous ne vous souvenez pas si vous

20 avez vendu des biens de l’armée et que vous les auriez revendus à d'autres

21 personnes ?

22 Témoin T (interprétation). - Non, je ne me souviens pas avoir

23 fait cela.

24 M. Moran (interprétation). - Bon, très bien. Monsieur, au tout

25 début, lorsque vous êtes arrivé au camp, comment s'appelait le

Page 6732

1 commandant ?

2 Témoin T (interprétation). - Je ne sais plus précisément quel

3 était son nom. Il avait été nommé par les forces du ministère de

4 l'Intérieur.

5 M. Moran (interprétation). - Le MUP ? Le ministère des Affaires

6 intérieures ?

7 Témoin T (interprétation). - Oui.

8 M. Moran (interprétation). - Monsieur, vous souvenez-vous d'un

9 incident ? Ou plus exactement vous souvenez-vous avoir emmené un homme, un

10 des prisonniers, vers cette salle où vous logiez, avec les autres gardes ?

11 Cet homme était un ancien policier de Konjic et je sais que votre père

12 avait eu quelques problèmes avec lui.

13 Témoin T (interprétation). - Mon père n'a jamais eu, de toute sa

14 vie, de problème avec la police. C'était un homme très tranquille. Ce

15 n'est pas vrai !

16 M. Moran (interprétation). - Est-il vrai que vous avez emmené un

17 homme, Jorji Cipovak, dans cette pièce où vous logiez, ainsi que les

18 autres gardes ? Est-il vrai que vous avez donné à cet homme de la crème

19 pour les mains, que vous lui avez demandé d'enduire vos

20 cuisses et vos parties génitales de cette crème afin d’avoir un rapport

21 sexuel avec lui ? Est-il vrai que pendant qu'il le faisait, vous vous

22 moquiez de lui et qu’ensuite vous lui avez fait chanter une chanson dont

23 les paroles incluaient : "au-delà des montagnes vertes".

24 Témoin T (interprétation). - Non, Monsieur, je ne suis pas un

25 malade. Ce n'est pas quelqu'un comme moi qui ferait des choses pareilles !

Page 6733

1 M. Moran (interprétation). - Après cet incident, n'est-il pas

2 vrai que vous êtes sorti dehors avec votre mitraillette, que vous avez

3 retiré la goupille, chargé la mitraillette de balles, tendu votre arme à

4 cet homme pour lui demander de se suicider ? N’est-il pas vrai qu’au

5 moment où il appuyait sur la gâchette, vous le regardiez et que vous avez

6 entendu le chien faire le clic ?

7 Témoin T (interprétation). - Non, ceci n'est pas vrai. Non.

8 M. Moran (interprétation). - Cela ne s'est jamais passé ?

9 Témoin T (interprétation). - Non, pas à moi. Peut-être à

10 d'autres.

11 M. Moran (interprétation). - Monsieur, avez-vous jamais été

12 accusé de traîtrise ?

13 Témoin T (interprétation). - Non.

14 M. Moran (interprétation). - Ou d'un crime quelconque ?

15 Témoin T (interprétation). - Non.

16 M. Moran (interprétation). - D'un délit quelconque ?

17 Témoin T (interprétation). - Non.

18 M. Moran (interprétation). - Monsieur, hier vous nous avez dit

19 qu'après avoir demandé à ces prisonniers de donner leurs biens personnels,

20 vous les avez collectés avec ce casque. Mais quand on vous a demandé de

21 tout rendre ensuite, vous avez dit que vous aviez tous rendus, sauf

22 quelques petits objets insignifiants, tels des montres, des alliances en

23 or. Vous vous souvenez nous avoir raconté cela hier, Monsieur ? Vous en

24 souvenez-vous ?

25 Témoin T (interprétation). - Oui, oui je m'en souviens.

Page 6734

1 M. Moran (interprétation). - S'agissait-il d'alliances du type

2 de celle que je porte ? C’est de cela que l’on parle. Pouvez-vous voir mon

3 alliance, Monsieur ? C'est ce type de bague-là ?

4 Témoin T (interprétation). - Je vous ai dit qu'il s'agissait

5 surtout de vieilles montres, de choses de très peu de valeur, d'objets

6 sans valeur, qui ne représentaient pas de gros montants.

7 M. Moran (interprétation). - N'aviez-vous pas dit également

8 qu'il y avait des bagues en or que vous aviez collectées à ce moment-là ?

9 Témoin T (interprétation). - Oui, je vous ai dit que certains

10 objets avaient été revendus. Mais ils représentaient de petits montants.

11 Ce qui a été revendu a été utilisé pour acheter des cigarettes. Certains

12 de ces objets ont été donnés aux prisonniers serbes. D'ailleurs, pas mal

13 d'entre eux pourraient le confirmer.

14 M. Moran (interprétation). - Donc, Monsieur, je vous demande de

15 répondre à ma question : ces bagues, qui ont été prises et qui n'ont pas

16 été rendues, ressemblaient-elles à mon alliance ?

17 M. le Président (interprétation). - Il a répondu, il a dit que

18 cela ne ressemblait pas vraiment à cela, que c'était des choses sans

19 valeur.

20 M. Moran (interprétation). - Monsieur, avez-vous des biens

21 personnels, de par le monde, qui ont une valeur sentimentale, des biens

22 dont la valeur que cela représente pour vous est bien plus importante que

23 la valeur vénale de l'objet ? Si vous le souhaitez, je peux vous donner un

24 exemple.

25 Témoin T (interprétation). - Oui, il y a des objets personnels,

Page 6735

1 tels que des bagues, des montres.

2 M. Moran (interprétation). - Accordez-moi quelques secondes.

3 Monsieur, hier vous avez indiqué que, concernant leur hygiène, les

4 personnes qui étaient enfermées au camp, donc les prisonniers, devaient se

5 débrouiller avec des toilettes improvisées. Vous souvenez-vous

6 avoir déclaré cela ?

7 Témoin T (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

8 M. Moran (interprétation). - Alors rappelez-vous de votre

9 formation à la JNA. Ces toilettes ressemblaient-elles aux latrines que les

10 soldats creusaient lorsqu'ils étaient loin de tout, sur le terrain ?

11 Témoin T (interprétation). - Oui, cela y ressemblait.

12 M. Moran (interprétation). - Lorsque vous étiez à la JNA, vous

13 étiez stationné dans des installations assez grandes, n'est-ce pas ?

14 Témoin T (interprétation). - Oui.

15 M. Moran (interprétation). - C'était donc des endroits où il y

16 avait pas mal de personnes qui pouvaient séjourner et travailler. Ces

17 installations étaient conçues pour un grand nombre de personnes.

18 Témoin T (interprétation). - Oui.

19 M. Moran (interprétation). - Beaucoup de monde devaient

20 séjourner dans ces installations. Donc au moment où on les a conçues, on a

21 dû inclure de nombreuses d'installations pour la cuisine, l'hébergement,

22 les douches, les toilettes et d'autres choses encore, enfin, tout ce dont

23 un grand nombre de personnes peut avoir besoin pour vivre, n'est-ce pas ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est correct.

25 M. Moran (interprétation). - Donc les hangars de Celebici n'ont

Page 6736

1 pas été conçus pour héberger des centaines de personnes, n'est-ce pas ?

2 Témoin T (interprétation). - Oui, vous avez raison.

3 M. Moran (interprétation). - Donc cela avait été conçu comme un

4 lieu de stockage des marchandises, comme des hangars de stockage. C'est

5 cela, n'est-ce pas ?

6 Témoin T (interprétation). - Oui, en effet.

7 M. Moran (interprétation). - Ils ont été conçus pour héberger,

8 pour habiter et pour

9 y travailler pour quelques soldats seulement ?

10 Témoin T (interprétation). - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Une trentaine, une quarantaine ?

12 Témoin T (interprétation). - Oui.

13 M. Moran (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des douches,

14 des toilettes, des cuisines, des salles de sport pour ces trente ou

15 quarante personnes. C'était bien cela, n'est-ce pas ?

16 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est cela.

17 M. Moran (interprétation). - Mais les installations n'étaient

18 pas suffisantes pour deux cents, trois cents ou quatre cents personnes,

19 n'est-ce pas ?

20 Témoin T (interprétation). - Oui.

21 M. Moran (interprétation). - Alors, les gens qui étaient

22 responsables du camp et ceux qui y travaillaient, vous et les autres, vous

23 deviez improviser, n'est-ce pas ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui.

25 M. Moran (interprétation). - Par exemple, il n'y avait pas moyen

Page 6737

1 d'avoir assez de toilettes avec des chasses d'eau pour tous les

2 prisonniers, n'est-ce pas ?

3 Témoin T (interprétation). - Non, non, il n'y en avait pas

4 assez.

5 M. Moran (interprétation). - Ou des douches ?

6 Témoin T (interprétation). - Non.

7 M. Moran (interprétation). - Et il n'y avait pas de lits mis à

8 la disposition de tout le monde, n'est-ce pas ?

9 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

10 M. Moran (interprétation). - Ou il n'y en avait pas du tout ?

11 Témoin T (interprétation). - Non, il n'y en avait pas du tout.

12 M. Moran (interprétation). - A propos...

13 Je n'ai plus de question à poser au témoin. Je vous remercie de

14 m'avoir permis de reposer certaines questions que j'avais déjà posées

15 hier.

16 M. le Président (interprétation). - Merci. D'autres contre-

17 interrogatoires ?

18 M. Ackerman (interprétation). - Hier, quand on a parlé de

19 l'ordre des intervenants, on a dit que je devais suivre Mme Residovic.

20 Mais si vous le permettez, nous voudrions inverser l'ordre.

21 M. le Président (interprétation). - La décision vous appartient.

22 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

23 Puis-je continuer, Monsieur le Juge ?

24 M. le Président (interprétation). - Oui.

25 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, Monsieur. Je m'appelle

Page 6738

1 John Ackerman et j'aimerais vous poser quelques questions. Si vous ne

2 comprenez pas la question que je vous pose, voulez-vous bien me faire un

3 signe indiquant que vous ne comprenez pas tout à fait et me demander de

4 répéter, de reformuler ma question, de façon que vous la compreniez bien

5 avant d'y répondre ? Est-ce que je peux vous demander cela ?

6 Témoin T (interprétation). - Oui.

7 M. Ackerman (interprétation). - Il fut un temps, n'est-ce pas,

8 au début de cette année, dans le pays où vous habitez à l'heure actuelle,

9 où vous avez fait au moins deux déclarations concernant les expériences

10 que vous avez vécues dans le camp de Celebici.

11 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

12 M. Ackerman (interprétation). - L'une de ces déclarations a été

13 faite devant la police fédérale.

14 Témoin T (interprétation). - Oui.

15 M. Ackerman (interprétation). - La déclaration a été faite en

16 présence d'un membre du bureau du Procureur de ce Tribunal. Est-ce exact ?

17 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

18 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que vous avez fait

19 d'autres déclarations à qui que ce soit, à quelque moment que ce soit,

20 avant d'arriver ici à La Haye, concernant les expériences que vous avez

21 vécues à Celebici ?

22 Témoin T (interprétation). - Oui, j'ai fait une déclaration

23 lundi et mardi. Pardon, dimanche et lundi.

24 M. Ackerman (interprétation). - Avant de venir ici, en dehors

25 des deux déclarations que je vous ai signalées, en avez-vous fait

Page 6739

1 d'autres ?

2 Témoin T (interprétation). - Non je n'en ai pas fait. Non, je

3 n'ai pas fait de déclaration.

4 M. Ackerman (interprétation). - Depuis votre arrivée ici à

5 La Haye —et maintenant je voudrais me référer précisément aux déclarations

6 faites dans le pays où vous résidez à l'heure actuelle— depuis votre

7 arrivée ici à La Haye, avez-vous eu la possibilité de revoir ces

8 déclarations ?

9 Témoin T (interprétation). - Non, je n'en ai pas eues.

10 M. Ackerman (interprétation). - Donc, à aucun moment depuis

11 votre arrivée à La Haye, vous n'avez vu et on ne vous a montré les deux

12 déclarations que vous avez faites devant la police fédérale et au

13 représentant du bureau du Procureur dans votre pays de résidence ?

14 Témoin T (interprétation). - Non.

15 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur, les questions que je

16 vais vous poser pendant les quelques moments à venir maintenant sont des

17 questions pour lesquelles il va falloir que vous connaissiez bien ces deux

18 déclarations. Je pense qu'il est donc important, avant d'aller plus loin,

19 de vous donner la possibilité de les revoir et de les relire pour avoir

20 une certaine connaissance de ce que vous avez dit en ces deux occasions,

21 c'est-à-dire pour en avoir des

22 connaissances d'importance. Puis, je me sens dans l'obligation de vous

23 poser la question suivante : si vous les avez reçues dans la langue

24 anglaise, est-ce que vous pourriez les lire et les comprendre ?

25 Témoin T (interprétation). - Non, je ne le pourrais pas.

Page 6740

1 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Juge, je demande si

2 le bureau du Procureur a des traductions de ces deux déclarations en

3 serbo-croate.

4 Mme McHenry (interprétation). - Non, le bureau du Procureur n'en

5 a pas.

6 M. Ackerman (interprétation). - Donc je dois demander un

7 instant : peut-être les avons-nous ici.

8 Madame et Messieurs les Juges, j'ai deux traductions en serbo-

9 croate, je sais que nous avons une avance de vingt minutes, mais je

10 demande l'indulgence de la Chambre pour bien vouloir lever la séance afin

11 que je les montre au témoin et qu'il ait la possibilité de les repasser

12 avant de continuer à poser les questions. Ceci est très important

13 concernant les questions que j'aimerais poser. Il est très important qu'il

14 ait passé en revue tout le contenu de ces deux déclarations pour être au

15 courant de tout ce (expurgé). Je crois que ce serait plus

16 logique qu'il le fasse pendant que nous ne sommes pas ici à l'attendre,

17 pour qu'on lui donne un peu de temps, en dehors du prétoire, pour passer

18 en revue, de façon détaillée, ces déclarations.

19 Aussi, je demande que nous puissions faire notre pause

20 maintenant plutôt qu'à 11 heures et demie, si cela vous convient.

21 (Les juges se concertent avec le Greffe.)

22 M. le Président (interprétation). - Merci bien. Pour la

23 commodité de tout le monde, je pense que nous pourrons lever la séance.

24 Nous reprendrons à 11 heures 45.

25 On m'a dit que, par mégarde, on a évoqué le nom du pays de

Page 6741

1 résidence. Moi je ne l'ai pas entendu sauf que je le vois dans le compte

2 rendu.

3 M. Ackerman (interprétation). - Je ne pense pas l'avoir dit. Si

4 je l'ai dit, veuillez

5 m'en excuser.

6 M. le Président (interprétation). - Moi, je n'ai pas entendu

7 parce que je suis discret.

8 (Inaudible.)

9 M. Ackerman (interprétation). - Pourrais-je demander à

10 l'Huissier de m'aider à lui présenter ces déclarations avant de lever la

11 séance ? Monsieur T., ce que vous devez faire pendant cette pause, c'est

12 relire attentivement ces deux déclarations afin de pouvoir, par la suite,

13 répondre de façon précise à tout ce que l'on vous demandera concernant ces

14 deux déclarations.

15 M. le Président (interprétation). - Oui, vous pouvez maintenant

16 présenter ces documents.

17 M. Ackerman (interprétation). - Merci beaucoup.

18 M. le Président (interprétation). - Pour qu'il n'y ait pas de

19 confusion, je voudrais que tout soit clair.

20 Mme McHenry (interprétation). - A un certain moment,

21 l'accusation demandera que ce soit marqué, mais que ce soit avant ou après

22 la pause, peu importe.

23 M. Ackerman (interprétation). - Oui, je suis d'accord : il va

24 falloir les marquer.

25 M. le Président (interprétation). - Au moment de la reprise de

Page 6742

1 notre séance, ce sera la première chose à faire.

2 M. Ackerman (interprétation). - Je n'ai pas entendu l'heure de

3 la reprise.

4 M. le Président (interprétation). - A 11 heures 45.

5 (Suspendue à 11 heures 15, la séance est reprise à

6 11 heures 45.)

7 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez poursuivre.

8 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

9 J'ai besoin que la Chambre comprenne que j'ai certaines

10 difficultés à soulever un

11 nouveau problème parce qu’il y en a déjà eus beaucoup. Toutefois, je dois

12 le faire.

13 Je comprends que, pour une raison ou pour une autre, tout ce que

14 nous disons ici entre nous entre d'une façon ou d'une autre, dans le

15 système sonore et est entendu très clairement par le public. Nous, nous

16 n’entendons pas bien avec nos écouteurs. Je ne sais pas si les Juges et

17 l’accusation entendent bien.

18 Mais on me dit que chaque fois que nous avons une conversation

19 privée ici, elle est transmise aux écouteurs de la galerie publique.

20 L'autre jour, lorsque Mme Residovic et M. O’Sullivan ont demandé

21 l’autorisation de consulter, tout le monde dans la galerie publique a tout

22 compris. Si l’on parle français, on a effectivement tout compris. On me

23 dit qu'il y a quelques instants, quand je m’entretenais avec Mme McMurrey,

24 la galerie publique pouvait tout entendre.

25 Je n’ai pas la solution. Faut-il corriger ? Faut-il travailler

Page 6743

1 un peu sur le système sonore ? Ou bien devons-nous faire plus attention ?

2 Je ne sais pas quoi dire, mais au fond c'est un problème sérieux. Mais il

3 va falloir que nous le révisions.

4 M. le Président (interprétation). - Cela pourrait être un vrai

5 problème. Il va falloir que nous regardions un peu le système sonore pour

6 voir pourquoi tout s’entend.

7 M. Ackerman (interprétation). - Cela pourra se résoudre. Il

8 faudra faire attention. Avec l'autorisation de Monsieur le Président, je

9 peux maintenant continuer.

10 Monsieur T, pendant la pause on vous a demandé de passer en

11 revue, avec attention, les deux déclarations dont nous parlions. Avez-vous

12 eu la possibilité de le faire ?

13 Témoin T (interprétation). - (Inaudible).

14 (Les interprètes n'ont pas entendu la réponse du témoin.

15 M. Ackerman répète sa question.)

16 M. Ackerman (interprétation). - Lors de la pause, je vous ai

17 demandé de revoir en détail les déclarations que vous avez faites chez

18 vous. Je vous demande maintenant si vous avez

19 eu la possibilité de les passer en revue toutes les deux ?

20 Témoin T (interprétation). - Je n'ai pas eu assez de temps.

21 M. Ackerman (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

22 il faut que le témoin ait eu le temps de passer en revue les deux

23 déclarations ; c'est très important. Je vous dis, comme responsable de la

24 Chambre, qu'il doit pouvoir le faire avant de lui poser d'autres

25 questions. Je ne sais pas ce que veut faire Monsieur le Président ?

Page 6744

1 M. le Président (interprétation). - A-t-il vraiment compris la

2 question ?

3 M. Ackerman (interprétation). - Je répète ma question : avez-

4 vous eu le temps, pendant la pause, de passer en revue, avec attention,

5 les deux déclarations ?

6 Témoin T (interprétation). - Je vous ai dit que je n'ai pas eu

7 assez de temps. Et je n'ai pas besoin de les regarder.

8 M. Ackerman (interprétation). - Quand vous dites que vous n'avez

9 pas besoin de les regarder, êtes-vous en train de me dire que vous

10 connaissez à fond tout ce qui figure dans les deux déclarations ?

11 Témoin T (interprétation). - Non, pas tout à fait. Je ne me

12 rappelle pas avoir dit certaines choses que je vois écrites, ici. Peut-

13 être s'agit-il d'une traduction défectueuse.

14 M. Ackerman (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

15 je continue à maintenir qu'il est important que le témoin ait le temps de

16 tout passer en revue.

17 M. le Président (interprétation). - Mais il n'est pas en train

18 de dire qu'il ne pourrait pas répondre aux questions concernant des sujets

19 qui y figurent. Il ne dit pas cela !

20 M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez dit hier,

21 Monsieur T, si je ne me trompe pas, que vous n'avez pas une très bonne

22 mémoire. Est-ce exact ?

23 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

24 M. Ackerman (interprétation). - Pendant le temps de la pause,

25 pendant que vous regardiez les deux déclarations, vous nous avez dit

Page 6745

1 également que vous aviez vu des choses que

2 vous ne vous souvenez pas avoir dites dans les deux déclarations, est-ce

3 exact ?

4 Témoin T (interprétation). - Oui, j'ai dit que peut-être la

5 traduction n'était pas bonne. Il y a une différence entre ce que je vois

6 ici et ce que j'ai entendu sur les cassettes dans le pays où j'habite. Je

7 ne me souviens pas exactement de tout ce qui est dit ici.

8 M. Ackerman (interprétation). - Quand avez-vous eu la

9 possibilité d'écouter les cassettes ?

10 Témoin T (interprétation). - Une fois seulement.

11 M. Ackerman (interprétation). - C'était quand ?

12 Témoin T (interprétation). - Il y a un mois, presque

13 immédiatement après l'interrogatoire. Un mois peut-être.

14 M. Ackerman (interprétation). - Je vais vous poser la question

15 suivante : hier, lors de l’interrogatoire mené par Mme McHenry, vous avez

16 dit, devant cette Chambre, que vous n'avez pas dit toute la vérité, quand

17 vous avez fait les déclarations chez vous, pour ce qui concerne

18 l’enregistrement des cassettes vidéo à Celebici. Hier, vous nous avez dit

19 que vous n’avez pas dit la vérité concernant ce point-là. Est-ce exact ?

20 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

21 M. Ackerman (interprétation). - Je me demande si, grâce à la

22 possibilité que vous avez eue de regarder ces deux déclarations, peut-être

23 vous pourrez nous dire les autres endroits de ces déclarations où vous

24 n'avez pas dit la vérité. Ou vous faut-il plus de temps pour passer en

25 revue les déclarations et pouvoir nous dire quels sont les autres éléments

Page 6746

1 où vous n'avez pas tout à fait dit la vérité ?

2 Témoin T (interprétation). - J'ai dit que je n'avais pas tout à

3 fait dit la vérité pour ce qui concerne une chose seulement, quant aux

4 cassettes vidéo.

5 M. Ackerman (interprétation). - Concernant les autres questions

6 que je veux vous poser ce matin, puis-je me fier à ces déclarations que

7 vous avez faites chez vous et me dire s'il

8 s'agissait de déclarations véridiques, à part la partie qui concerne

9 l'enregistrement des vidéocassettes ?

10 Témoin T (interprétation). - Oui.

11 M. Ackerman (interprétation). - Vous pouvez dire cela sans avoir

12 eu la possibilité de tout revoir ? Vous êtes sûr que tout ce que vous avez

13 dit d'autre quand vous avez fait ces déclarations, tout ce que vous avez

14 dit est vrai ?

15 Témoin T (interprétation). - Oui.

16 M. Ackerman (interprétation). - Vous venez de me dire, avant la

17 pause, lorsque je vous posais une question concernant d'autres

18 déclarations, que vous avez fait une déclaration ici à La Haye dimanche et

19 lundi ?

20 Témoin T (interprétation). - Oui.

21 M. Ackerman (interprétation). - S'agit-il d'une déclaration

22 consignée par écrit comme celles que vous avez ici devant vous ?

23 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas.

24 M. Ackerman (interprétation). - Savez-vous s'il y a eu un

25 dispositif d'enregistrement pour les déclarations que vous avez faites ici

Page 6747

1 dimanche et lundi ?

2 M. Jan (interprétation). - Non, attendez : il a dit lundi et

3 mardi, il n'a pas dit dimanche et lundi ; il s'est repris.

4 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que c'est le

5 contraire : il a commencé par dire lundi et mardi, puis il s'est corrigé.

6 Quand avez-vous fait ces déclarations : dimanche et lundi ou lundi et

7 mardi ?

8 Témoin T (interprétation). - Dimanche et lundi.

9 M. Ackerman (interprétation). - Alors, vos déclarations ont-

10 elles été enregistrées, y a-t-il eu une cassette vidéo ou un

11 magnétophone ?

12 Témoin T (interprétation). - D'après ce que j'ai vu, il n'y

13 avait pas eu

14 d'enregistrement, à moins qu'il n'y ait eu des caméras cachées ou des

15 possibilités d'enregistrement cachées.

16 Mme McHenry (interprétation). - L'accusation affirme qu'il n'y a

17 pas eu de matériel d'enregistrement caché.

18 M. Ackerman (interprétation). - Pouvez-vous également dire,

19 Madame McHenry, qu'aucun enregistrement d'aucune sorte n'a été fait qui

20 aurait dû nous avoir été communiqué ?

21 Mme McHenry (interprétation). - Oui.

22 M. Ackerman (interprétation). - Merci. J'accepte ce que vous

23 dites.

24 Monsieur T., j'aimerais vous poser quelques questions concernant

25 la période où vous êtes arrivé pour la première fois au camp de Celebici

Page 6748

1 pour savoir de quoi il s'agira lors des questions que je vous poserai.

2 Témoin T (interprétation). - Oui.

3 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous nous avez dit, à nous

4 tous ici, que vous pensez avoir été dans le camp du mois de mai jusqu'en

5 novembre, plus ou moins. Est-ce bien cela que vous nous avez dit hier ?

6 Témoin T (interprétation). - Oui, lors de cette période.

7 M. Ackerman (interprétation). - Donc, une période de sept mois à

8 peu près, n'est-ce pas ?

9 Témoin T (interprétation). - Oui.

10 M. Ackerman (interprétation). - Et vous nous avez également dit

11 hier que, de votre propre gré, vous êtes devenu membre des forces armées,

12 au moment où les conflits ont commencé dans la zone de Konjic ? Est-ce

13 exact ?

14 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

15 M. Ackerman (interprétation). - Nous avons établi, dans ce cas,

16 que si la guerre a commencé à Konjic en avril, ce serait en avril que vous

17 seriez devenu membre des forces armées

18 pour la première fois.

19 Témoin T (interprétation). - Je n'en ai pas un souvenir très

20 précis : je ne sais pas à quel moment exactement la guerre a commencé.

21 Mais, effectivement, j'ai rejoint les rangs des forces armées au tout

22 début de la guerre. Quelle était la date précise de mon entrée dans les

23 forces armées, je ne sais pas.

24 M. Ackerman (interprétation). - Si c'était en avril, alors c'est

25 au mois d'avril que vous avez rejoint les forces militaires ?

Page 6749

1 Témoin T (interprétation). - Oui. Si c'était en avril, alors

2 oui.

3 M. Ackerman (interprétation). - Dans votre déclaration à

4 l'enquêteur du bureau du Procureur, dans votre pays de résidence —et je

5 parle d'une feuille numéroté 4 6 5 7—, vous avez dit à l'enquêteur du

6 Procureur que vous aviez d'abord rejoint les rangs de la police militaire

7 du Conseil de Défense croate, que vous y êtes resté pendant trois mois et

8 qu'après cela, vous êtes allé dans les casernes de l'armée de Celebici.

9 C'est ce qui apparaît dans ce que vous avez déclaré à l'enquêteur du

10 bureau du Procureur. Avez-vous trouvé ces éléments dans les déclarations

11 que vous avez lues, au moment où vous les avez relues tout à l'heure ?

12 Témoin T (interprétation). - Oui, j'ai remarqué que j'avais fait

13 une petite erreur. Mais je ne crois pas qu'elle soit d'importance.

14 D'abord, j'ai rejoint les rangs de la police territoriale et, ensuite, je

15 suis entré dans la police militaire du HVO.

16 M. Ackerman (interprétation). - Maintenant, vous êtes en train

17 de nous dire que ce que vous aviez dit hier, c'est-à-dire que vous aviez

18 rejoint d'abord les rangs de la Défense territoriale. C'est bien cela la

19 vérité ? C'est plus vrai, en tout cas, que ce que vous avez dit à

20 l'enquêteur du bureau du Procureur dans votre pays de résidence, il y a

21 quelques mois ?

22 Témoin T (interprétation). - Comme je l'ai dit, j'ai fait une

23 erreur. J'ai dit que j'étais d'abord allé dans les forces du HVO, mais en

24 fait je suis d'abord entré dans les rangs de la Défense territoriale. Je

25 ne vois pas pourquoi je dirais un mensonge à ce propos. Je l'ai dit, mais

Page 6750

1 pas dans l'intention de mentir ; j'ai simplement oublié.

2 M. Ackerman (interprétation). - Vous vous rappelez qu'il y a un

3 instant, je vous ai demandé si, outre l'erreur faite sur les cassettes

4 vidéo, il y avait une autre erreur. Je vous ai

5 demandé si vous aviez fait une erreur à un autre endroit.

6 Mme McHenry (interprétation). - Objection,

7 Monsieur le Président. Oublier quelque chose ou faire une erreur, ce n'est

8 pas ne pas dire la vérité. Je fais donc objection à ce que Me Ackerman

9 vient de dire.

10 M. le Président (interprétation). - Il a déjà répondu à cette

11 question, avant votre commentaire sur le fait que ce soit vrai ou pas : il

12 a dit qu'il avait fait une erreur.

13 M. Ackerman (interprétation). - Oui, je crois,

14 Monsieur le Président. Passons au reste de cette déclaration ; oublions

15 cette histoire d'entrée dans le HVO avant la Défense territoriale. Vous

16 avez dit que vous avez servi dans les forces armées pendant trois mois

17 avant d'entrer dans le camp de Celebici. Cette partie de votre déposition

18 est exacte, n'est-ce pas ?

19 Témoin T (interprétation). - Je ne me souviens pas exactement.

20 Je ne sais pas combien de temps j'y suis resté. En gros, trois mois.

21 Etait-ce trois mois, deux mois ou un mois, je ne sais pas. Je ne vois pas

22 pourquoi je mentirais à ce sujet. Je ne vois pas en quoi c'est important.

23 M. Ackerman (interprétation). - La déclaration dit —et je cite—

24 : "Tout d'abord je suis entré dans les forces de la police militaire du

25 Conseil croate de Défense et j'y suis resté trois mois. Par la suite, je

Page 6751

1 suis allé au camp de Celebici."

2 Cela ne dit pas "à peu près" ou "grosso modo". Cela dit : "J'y

3 suis resté pendant trois mois". Alors est-ce une déclaration sincère et

4 exacte que vous avez faite devant l'enquêteur du bureau du Procureur ou

5 pas ?

6 Mme McHenry (interprétation). - Objection, Monsieur le

7 Président, cette question a été posée et a reçu réponse.

8 M. Ackerman (interprétation). - Sa réponse à la question a été :

9 "En gros, à peu près", donc je suis en train de dire que dans sa

10 déclaration, il n'a pas dit "en gros" ou "à peu près", mais qu'il a été

11 extrêmement précis.

12 M. le Président (interprétation). - Veuillez répondre.

13 Témoin T (interprétation). - Je ne me souvenais pas très bien

14 quand on m'a posé la question dans mon actuel pays de résidence. Je n'ai

15 pas pu retrouver immédiatement pendant quelle période je m'étais trouvé

16 là, quand je m'étais trouvé dans la Défense territoriale, quand je m'étais

17 trouvé dans le HVO. Je ne me rappelais pas des dates exactes, tout cela

18 s'est passé il y a cinq ou six ans.

19 M. Ackerman (interprétation). - Je ne vous demande pas d'être

20 précis à la seconde près, mais de me donner un mois précis.

21 Témoin T (interprétation). - Non, mais je disais que j'avais eu

22 très peu de temps, dans mon pays de résidence, pour répondre aux

23 questions, que je n'avais eu que quelques secondes pour réfléchir, pas

24 beaucoup de temps pour réussir à savoir exactement combien de temps

25 j'étais resté dans la Défense territoriale et combien de temps j'étais

Page 6752

1 resté dans le HVO.

2 M. Ackerman (interprétation). - Bon. Lorsque vous avez parlé à

3 l'enquêteur du bureau du Procureur... Le 24 mars 1997, vous avez fait une

4 déclaration à ce sujet devant un représentant de la police fédérale.

5 N'est-ce pas exact ?

6 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

7 M. Ackerman (interprétation). - Puis, par la suite, après cette

8 déposition, on vous a demandé de faire une déposition supplémentaire le

9 28 avril 1997, n'est-ce pas exact ?

10 Témoin T (interprétation). - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Et cette déclaration a duré un

12 certain laps de temps ?

13 Témoin T (interprétation). - Elle a duré plus de trois heures.

14 M. Moran (interprétation). - Il me semble que vous avez été

15 interrogé plus de trois heures par les représentants du bureau du

16 Procureur. N'est-ce pas exact ?

17 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact. Peut-être que

18 c'était trois heures, mais cent questions m'ont été posées dans ce laps de

19 temps.

20 M. Moran (interprétation). - A cette époque-là, lorsque vous

21 avez dit que vous étiez resté trois mois dans les forces de la police

22 militaire avant de vous rendre dans le camp de Celebici, à ce moment-là

23 c'était le souvenir le plus précis que vous aviez, n'est-ce pas ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui, sans doute, quelque chose

25 comme ça.

Page 6753

1 M. Moran (interprétation). - On vous a même posé la question une

2 deuxième fois au cours de cet entretien, après que vous ayez eu le temps

3 de réfléchir à votre première réponse. On vous a reposé la question, on

4 vous a demandé combien de temps vous étiez resté dans les forces de la

5 police militaire avant de vous rendre au camp de Celebici, et votre

6 réponse a été : "Je ne peux pas le dire exactement. Deux ou trois mois".

7 Donc au cours de cet entretien, vous avez dit deux fois que vous

8 y étiez resté peut-être trois mois.

9 Témoin T (interprétation). - Mais pourquoi est-ce si important ?

10 Je ne comprends pas. Qu'importe de savoir à quel moment je suis parti ou

11 combien de temps je suis resté dans telle entité ?

12 M. Ackerman (interprétation). - Mais comprenez-moi bien, je ne

13 vous demande pas de me dire si vous pensez que ces questions sont

14 importantes ou pas. C'est à la Chambre de première instance d'en décider.

15 Moi, je vous pose des questions. N'avez-vous pas dit à deux reprises au

16 cours de cet entretien une fois que vous étiez resté trois mois et, une

17 autre fois, deux ou trois mois ?

18 Mme McHenry (interprétation). - Si je peux être plus précise, il

19 a dit : "en gros deux ou trois mois" et il a précisé qu'il avait commencé

20 à peu près vers le mois de février ou le mois de mars. Il il a ajouté :

21 "Je ne peux pas en être absolument sûr". J'ajouterai que les questions

22 concernant ces éléments ont déjà été posées, ont reçu réponse et ne sont

23 pas franchement pertinentes.

24 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président,

25 j'aimerais bien que

Page 6754

1 Me McHenry me dise à quelle page elle trouve les mots "à peu près deux ou

2 trois mois".

3 Mme McHenry (interprétation). - A la page 6, on vous dit "Trois

4 mois" et vous, vous dites : "Oui, à peu près trois mois, je ne peux pas

5 être tout à fait exact". L'enquêteur dit : "Eh bien, donnez-nous une

6 approximation" et vous répondez : "Oui, en effet, c'est exact".

7 M. Ackerman (interprétation). - Je vous remercie, c'est

8 effectivement ce qui figure en page 6. Donc deux ou trois mois, c'est ce

9 que vous avez dit. Est-ce bien exact ?

10 Témoin T (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, j'ai dit

11 "trois mois". Maintenant, je ne me souviens plus très bien. Peut-être que

12 je pourrais à nouveau me tromper si l'on me reposait la question d'ici un

13 mois. Je ne me rappelle pas exactement.

14 M. Ackerman (interprétation). - Si vous êtes rentré dans les

15 forces militaires au mois d'avril et si vous y êtes resté trois mois avant

16 de vous rendre au camp de Celebici, cela veut donc dire que vous êtes

17 peut-être entré au camp de Celebici vers le mois de juillet, n'est-ce

18 pas ? Cela pourrait être le cas, n'est-ce pas ?

19 Témoin T (interprétation). - Je crois que c'était avant le mois

20 de juillet. Avant le mois de juillet.

21 M. Ackerman (interprétation). - Je vais essayer de vous aider.

22 Je vais essayer de vous rafraîchir la mémoire et de vous aider à retrouver

23 la date exacte. Vous permettez que j'essaie de vous aider ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui.

25 M. Ackerman (interprétation). - Dans ce même entretien avec le

Page 6755

1 bureau du Procureur, on vous a parlé de la prise en charge médicale au

2 camp de Celebici. Vous rappelez-vous avoir répondu à ce type de

3 questions ?

4 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

5 M. Ackerman (interprétation). - Au cours de la pause de tout à

6 l'heure, avez-vous eu la possibilité de revoir cette partie de la

7 déclaration que vous avez faite au bureau du

8 Procureur à cette époque-là ?

9 Témoin T (interprétation). - Oui, je l'ai vue, mais en fait je

10 n'étais pas vraiment concentré, je n'ai pas fait très attention.

11 M. Moran (interprétation). - Eh bien, je vais revenir à l'une de

12 mes premières questions et vous donner l'occasion d'y apporter une réponse

13 différente si vous le souhaitez. La question est la suivante : y a-t-il

14 quoi que ce soit dans ces deux déclarations dont vous vous êtes aperçu -au

15 moment où vous les avez revues, au moment où vous avez écouté les

16 enregistrements- que c'était inexact, outre la question concernant les

17 cassettes vidéo ? Si jamais c'est le cas, si jamais il y a quelque chose

18 d'autre qui est faux, alors j'ai besoin que vous me le disiez maintenant.

19 Témoin T (interprétation). - Non, il n'y a pas d'autres endroits

20 où il y ait quelque chose d'inexact.

21 Témoin T (interprétation). - N'est-il pas vrai que lors de cet

22 entretien avec le bureau du Procureur, on vous a demandé s'il y avait une

23 équipe médicale au camp de Celebici et que vous avez répondu que des

24 médecins venaient de l'extérieur, de la ville, pour examiner les

25 prisonniers ? Ensuite, on vous a posé la question suivante : "Alors il n'y

Page 6756

1 avait pas d'équipe médicale au sein même de la prison, c'était une équipe

2 médicale de l'extérieur qui venait examiner les prisonniers ?" et vous

3 avez répondu "oui". Est-ce que ce sont des déclarations exactes et

4 véridiques ?

5 Témoin T (interprétation). - Deux médecins serbes, qui ont été

6 en prison pendant un certain temps, examinaient les prisonniers. Mais par

7 la suite, après leur libération, j'allais les chercher. Combien de fois

8 par semaine ? Je ne serais pas à même de le dire, mais je les amenais au

9 camp, ils y passaient la journée, et ensuite je les ramenais chez eux.

10 Mais c'est tout ce qui existait en fait d'équipe médicale.

11 M. Moran (interprétation). - Votre réponse à l'enquêteur a été

12 la suivante : "Il n'y

13 avait pas d'équipe médicale au sein même de la prison, mais il y avait des

14 médecins de l'extérieur qui venaient à l'intérieur de la prison voir les

15 prisonniers". C'est ce que vous avez dit. Est-ce exact ?

16 Témoin T (interprétation). - Peut-être que j'ai oublié de dire

17 qu'à un moment donné, ils se trouvaient là, qu'ils y travaillaient pendant

18 qu'ils étaient eux-mêmes en prison. Alors qu'ils étaient eux-mêmes

19 prisonniers, ils pratiquaient la médecine. J'ai simplement oublié de le

20 préciser.

21 M. Ackerman (interprétation). - Donc avons-nous là un autre

22 élément qui ne soit pas véridique dans votre déclaration au bureau du

23 Procureur ? Est-ce qu'il y a quelque chose d'inexact une fois de plus ?

24 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'il serait plus

25 facile que vous indiquiez où se trouvent ces inexactitudes et que vous les

Page 6757

1 lui indiquiez, parce qu'il lui est difficile de se rappeler de ce qu'il a

2 dit il y a quelques mois.

3 M. Ackerman (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le

4 Président.

5 Si votre déclaration au bureau du Procureur était véridique -et

6 c'est ce que vous avez dit-, et vous avez dit qu'il n'y avait pas d'équipe

7 médicale dans le camp de Celebici, et s'il a été établi que les deux

8 médecins serbes ont été relâchés le 22 juillet, alors la période de trois

9 mois à laquelle vous avez fait référence, trois mois au cours desquels

10 vous étiez dans les rangs des forces militaires avant de retourner à

11 Celebici, cela nous amène au mois de juillet, et après le 22 juillet ces

12 deux médecins avaient quitté le camp -n'est-ce pas ?- puisqu'ils venaient

13 de la ville pour s'occuper des prisonniers. C'est exact ou pas ?

14 Mme McHenry (interprétation). - Objection, Monsieur le

15 Président. Tout d'abord, le témoin a déjà dit qu'il était arrivé dans le

16 camp avant le mois de juillet et lorsque le conseil de la défense dit

17 qu'il a parlé de trois mois, le témoin a dit qu'il pensait que c'était à

18 peu près trois mois. Il a dit qu'il avait commencé à peu près au mois de

19 février/mars, ce qui le fait arriver dans

20 le camp au mois de mai ou de juin.

21 En outre, savoir si deux médecins prisonniers dans le camp

22 constituent une équipe médicale est une question tout à fait discutable,

23 et je ne suis pas d'accord pour que des questions soient posées concernant

24 ces points précis. Je crois que ce sont des questions qui ne sont pas

25 pertinentes, qui nous font perdre du temps. Je suis tout à fait de l’avis

Page 6758

1 des Juges qui président cette Chambre. Je crois que vous n'utilisez pas

2 des moyens réguliers pour tenter de récuser ce témoin.

3 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président,

4 Mme McHenry est en train de donner à cette Chambre des éléments tout à

5 fait intéressants de preuve, mais j'aimerais obtenir ces éléments du

6 témoin, si je le pouvais.

7 M. le Président (interprétation). - Alors, posez-lui la

8 question.

9 M. Ackerman (interprétation). - C’est bien ce que je vais faire.

10 Je vous remercie, Monsieur le Président.

11 Monsieur, si ce que vous nous dites aujourd'hui est exact, je

12 pense que votre position est la suivante : vous étiez dans le camp de

13 Celebici pendant une période de sept ou huit mois, s'étendant du mois

14 d'avril, ou du mois de mai, jusqu'au mois d'octobre ou de novembre, est-ce

15 exact ?

16 Témoin T (interprétation). - Oui, à peu près. Peut-être que je

17 suis arrivé en avril, peut-être en mars, je ne sais pas exactement.

18 M. Ackerman (interprétation). - Nous sommes absolument sûrs d'un

19 point, n’est-ce pas ? Je crois que nous pouvons, au moins, être absolument

20 sûrs d'un point, c'est le point suivant : vous travailliez au camp de

21 Celebici le 3 septembre 1992. Car vous nous avez dit que vous étiez

22 présent à la fête qui a été enregistrée et dont nous avons vu la

23 projection hier.

24 Témoin T (interprétation). - Oui, en effet, j'étais présent le

25 3 septembre.

Page 6759

1 M. Ackerman (interprétation). - Donc le 3 septembre 1992, on

2 peut assurer que

3 vous étiez présent à cette fête grâce à ce que nous avons vu sur la

4 cassette vidéo ?

5 Témoin T (interprétation). - Si la date qui apparaît sur la

6 cassette est celle du 3 septembre 1992, alors oui, j'étais présent.

7 M. Ackerman (interprétation). - En outre, aux représentants de

8 la police fédérale de votre pays de résidence, à la question : "Combien de

9 temps avez-vous occupé des fonctions dans ce camp ?", vous avez répondu :

10 "Trois ou quatre mois."

11 Témoin T (interprétation). - Mais là encore, j'ai peut-être fait

12 une erreur parce que je n'ai pas une très bonne mais mémoire. Ce n'était

13 pas une erreur que j'ai faite consciemment.

14 M. Ackerman (interprétation). Nous sommes maintenant conscients

15 du fait que dans votre déclaration faite à la police fédérale, et

16 également dans votre déclaration faite au bureau du Procureur, vous avez

17 fait un certain nombre d'erreurs du fait de votre mauvaise mémoire. Ai-je

18 raison de dire cela ? Vous ai-je bien compris ?

19 Témoin T (interprétation). - Oui.

20 M. Ackerman (interprétation). Vous souffrez toujours,

21 aujourd’hui, de ces troubles de la mémoire alors que vous êtes, en ce

22 moment, assis devant ce Tribunal pour témoigner, n'est-ce pas ?

23 Aujourd’hui, n’est-ce pas ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui, j'ai des problèmes. J'ai dû

25 mal à me rappeler de dates précises et à quel moment certains événements

Page 6760

1 ont eu lieu.

2 M. Ackerman (interprétation). - Donc il faut que nous partions

3 de l'hypothèse que, dans les choses que vous nous dites aujourd’hui, il y

4 a peut-être un certain nombre d'erreurs parce que vous souffrez de ces

5 trous de mémoire ?

6 Témoin T (interprétation). - Comme je l’ai dit, lorsqu'il s'agit

7 de dates précises, c'est très difficile pour moi.

8 M. Ackerman (interprétation). - Mais vous êtes d'accord avec moi

9 pour dire qu'il y a une grande différence entre le fait que vous disiez

10 que vous y étiez sept mois, et le fait de dire

11 à la police fédérale que vous y étiez trois ou quatre mois ? Il y a une

12 différence entre ces deux réponses, n'est-ce pas ?

13 Mme McHenry (interprétation). - Objection, la question a été

14 posée et a reçu réponse. Il n'a pas dit qu'il y avait été sept mois, il a

15 dit qu’il pouvait y être sept mois, qu'il n'en était pas sûr et qu'il ne

16 peut pas donner de date précise. Objection sur ces deux aspects de la

17 question.

18 M. Ackerman (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

19 Président, mais je cherche un document. Je sais bien qu’il est là, mais je

20 ne le retrouve pas.

21 Madame et Messieurs les Juges, dans le compte rendu d’hier, au

22 cours de l’interrogatoire principal, à la page 7, ligne 17 à 24, il y a

23 une question posée par Mme McHenry qui est la suivante, je cite : "Pour

24 avoir une idée générale, combien de temps avez-vous travaillé dans le camp

25 de Celebici ?". La réponse a été la suivante : "J’y suis resté six ou sept

Page 6761

1 mois, peut-être un peu plus longtemps". C'est la déclaration du témoin

2 qu'il a fait hier et je me réfère aujourd’hui à cette déclaration. Il a

3 bien dit sept ou huit mois, peut-être un peu plus longtemps.

4 Monsieur T, vous êtes d'accord pour dire qu'il y a une grande

5 différence entre une période de sept à huit mois et une période de trois à

6 quatre mois ?

7 Témoin T (interprétation). - Oui.

8 M. Ackerman (interprétation). - Si, de ce fait, vous n'êtes

9 resté là disons que trois mois, et si nous savons que vous étiez présent

10 le 3 septembre, alors vous êtes peut-être resté là du 3 septembre au

11 3 décembre, ou bien du 3 juin au 3 septembre, ou à une distance de trois

12 mois entre le mois de septembre et quelque autre mois que ce soit, est-ce

13 bien exact, si nous devons nous en référer à votre déclaration selon

14 laquelle vous n’êtes resté que trois mois ?

15 Témoin T (interprétation). - J'y suis resté entre février, mars

16 et octobre, quelque chose comme ça.

17 M. Ackerman (interprétation). - Je vais revenir un petit peu en

18 arrière et vous poser d'autres questions concernant ces deux déclarations

19 que vous avez faites dans votre pays de résidence.

20 Evidemment, ces deux dépositions étaient en relation avec les

21 choses dont vous avez pu être le témoin ou qui concernaient les

22 expériences que vous avez vécues au cours de votre séjour dans le camp de

23 Celebici. N'est-ce pas exact ?

24 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas, je ne vous

25 comprends pas très bien.

Page 6762

1 M. Ackerman (interprétation). - Les enquêteurs qui vous ont

2 interrogé ont essayé de savoir ce que vous aviez fait au cours de votre

3 séjour au camp de Celebici. C'est cela qui les intéressaient, n'est-ce

4 pas ?

5 Témoin T (interprétation). - Oui.

6 M. Ackerman (interprétation). - Ils voulaient savoir ce que vous

7 saviez à propos des événements qui avaient eu lieu dans le camp de

8 Celebici. Ils voulaient savoir ce que vous-même aviez pu voir. Est-ce

9 exact ?

10 Témoin T (interprétation). - Oui.

11 M. Ackerman (interprétation). - Ils voulaient connaître le nom

12 des personnes qui étaient responsables du camp, le nom des gardes qui

13 travaillaient dans le camp de Celebici. C'est bien cela, n’est-ce pas ?

14 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

15 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez également eu un

16 entretien avec la police fédérale, un entretien qui a duré à peu près une

17 heure. Par la suite, vous avez eu un entretien avec l’enquêteur du bureau

18 du Procureur qui a duré plus de trois heures. C'est bien exact ?

19 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est à peu près cela.

20 M. Ackerman (interprétation). - Au cours de ces quatre heures,

21 au cours

22 desquelles vous avez fait part de vos expériences au camp de Celebici,

23 jamais vous n'avez cité les noms de Landzo ou de Zenga, jamais au cours de

24 ces entretiens ?

25 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas, je ne me souviens

Page 6763

1 pas.

2 M. Ackerman (interprétation). - Vous me ferez confiance si je

3 vous dis que, dans ces entretiens, jamais il n'apparaît que vous ayez cité

4 le nom de Landzo ou de Zenga ? Ou voulez-vous que je vous donne la

5 possibilité de relire intégralement ces déclarations ? Ma parole vous

6 suffit-elle ou pas ?

7 Témoin T (interprétation). - Je vous crois.

8 M. Ackerman (interprétation). - Je vous remercie. Par la suite,

9 vous n'avez plus fait de déclaration concernant cette période de temps

10 avant votre arrivée à La Haye, et avant d'avoir eu un entretien avec

11 Me McHenry, dimanche et lundi dernier, n'est-ce pas ?

12 Témoin T (interprétation). - Excusez-moi, je ne comprends pas la

13 question que vous me posez.

14 M. Ackerman (interprétation). - Vous n'avez pas donné d'autres

15 entretiens, après ceux que vous avez faits dans votre pays de résidence,

16 avant de venir à La Haye et avant d'être interrogé dimanche et lundi par

17 Me McHenry. N’est-ce pas ?

18 Témoin T (interprétation). - Non, je n'ai pas fait d'autre

19 déclaration, rien d’autre.

20 M. Ackerman (interprétation). - Donc, après ces deux entretiens,

21 on ne vous a plus jamais demandé quoi que ce soit à propos des événements

22 de Celebici, sauf lorsque Me McHenry vous a interrogé ici, à La Haye.

23 C'est bien exact, n'est-ce pas ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

25 M. Ackerman (interprétation). - C’est dimanche que vous avez eu

Page 6764

1 le premier entretien avec Me McHenry, n'est-ce pas ?

2 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

3 M. Ackerman (interprétation). - Qui accompagnait Me McHenry au

4 cours de cet

5 entretien ?

6 Mme Residovic (interprétation). - Je voudrais présenter mes

7 excuses à mes collègues, mais une fois de plus l'interprétation qui

8 apparaît ici... Le conseil de la défense a dit -et c'est ce que nous

9 voyons sur le compte rendu, d'après ce que je comprends- qu'il a parlé

10 pour la première fois à La Haye, mais dans le texte anglais. Il y a aussi

11 les mots suivants : "Lorsque vous avez été interrogé par Me McHenry...

12 est-ce exact ?"

13 Donc il nous manque,en tout cas à nous, la moitié de

14 l'interprétation de cette phrase. Il manque quelque chose. Excusez-moi,

15 mais je crois que de ce fait le témoin non plus n'a pas pu obtenir

16 d'interprétation.

17 M. le Président (interprétation). - Vous dites qu'il y a une

18 interprétation qui ne reflète pas précisément la version anglaise de ce

19 qui a été dit ? Vous dites qu'elles ne sont pas similaires ?

20 Mme Residovic (interprétation). - Je veux dire la chose

21 suivante : on a donné une interprétation jusqu'à la phrase "...une

22 interview jusqu'à ce que vous soyez arrivé à La Haye", mais après ce qui

23 vient après la virgule, une partie de la phrase n'a pas été interprétée.

24 Nous n'avons rien entendu. Il n'y a pas eu d'interprétation.

25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois

Page 6765

1 que cela devrait absolument figurer dans la version bosniaque.

2 M. Ackerman (interprétation). - Je vais répéter la question,

3 comme cela nous serons bien certains que le témoin a bien compris.

4 M. le Président (interprétation). - C'est une bonne idée.

5 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur, je vais vous reposer

6 une question car elle n'a pas été interprétée dans son intégralité. Après

7 les entretiens que vous avez donnés dans votre pays de résidence, vous

8 n'avez plus jamais donné d'entretien concernant vos expériences à Celebici

9 avant dimanche dernier, avant l'entretien que vous avez eu ici, à La Haye,

10 dimanche

11 dernier ?

12 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

13 M. Ackerman (interprétation). - C'était un entretien conduit par

14 Me McHenry.

15 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

16 M. le Président (interprétation). - Est-ce que tout est clair

17 maintenant ?

18 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je vous remercie.

19 M. Ackerman (interprétation). - Ma question suivante est celle-

20 ci : qui accompagnait Me McHenry au cours de cet entretien dimanche

21 dernier ?

22 Témoin T (interprétation). - Il y avait un interprète, deux

23 autres hommes, mais je ne me souviens pas de leurs noms.

24 M. Ackerman (interprétation). - Ne vous a-t-on jamais donné le

25 nom de ces deux autres hommes au cours de cet entretien ?

Page 6766

1 Témoin T (interprétation). - Oui, on me les a donnés, mais je

2 les ai oubliés.

3 M. Ackerman (interprétation). - Vous les a-t-on présentés comme

4 étant des avocats appartenant à ce Tribunal ou comme des enquêteurs du

5 bureau du Procureur ? Comment vous les a-t-on présentés ? D'après ce qu'on

6 vous a dit, quel était leur rôle ?

7 Témoin T (interprétation). - On me les a présentés comme étant

8 des enquêteurs travaillant pour ce Tribunal.

9 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que l'un d'entre eux

10 était M. Milner, personne que vous aviez rencontrée auparavant ?

11 Témoin T (interprétation). - Non, il n'est venu que pour le

12 déjeuner. Nous n'avons parlé de rien. Ce n'est pas lui qui a mené

13 l'entretien qui s'est déroulé à La Haye.

14 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que l'un de ces deux

15 enquêteurs vous a posé des questions ou est-ce que seule Me McHenry vous a

16 posé des questions ?

17 Témoin T (interprétation). - L'interrogatoire principal, les

18 questions les plus

19 importantes ont été posées par Mme McHenry. Les deux autres personnes ne

20 m'ont posé que deux ou trois questions sans grande importance.

21 M. Ackerman (interprétation). - Et cette réunion de dimanche

22 dernier, combien de temps a-t-elle duré, d'après vous ? Donnez-nous une

23 estimation, si vous le pouvez.

24 Témoin T (interprétation). - Cela a duré de 10 heures du matin

25 jusque vers 4 ou 5 heures de l'après-midi.

Page 6767

1 M. Ackerman (interprétation). - C'est donc un entretien qui a

2 duré de 6 à 7 heures ?

3 Témoin T (interprétation). - Oui, quelque chose comme ça. Il y a

4 eu plusieurs pauses.

5 M. Ackerman (interprétation). - Ensuite, vous vous êtes retrouvé

6 lundi avec Mme McHenry, n'est-ce pas ?

7 Témoin T (interprétation). - Oui.

8 M. Ackerman (interprétation). - Etait-ce les deux mêmes

9 enquêteurs qui étaient là ?

10 Témoin T (interprétation). - Oui, en effet, il s'agissait des

11 deux mêmes personnes, plus un autre qui était un technicien chargé de

12 l'enregistrement vidéo ou quelque chose comme cela.

13 M. Ackerman (interprétation). - C'est à ce moment-là que vous

14 avez pu revoir les passages de la cassette vidéo que nous avons vus ici

15 hier ?

16 Témoin T (interprétation). - En effet.

17 M. Ackerman (interprétation). - Permettez-moi de vous redemander

18 si l'un ou l'autre des enquêteurs, au cours de cette entrevue de lundi,

19 vous a posé des questions ?

20 Témoin T (interprétation). - Quelques questions, mais pas très

21 importantes. C'était surtout Mme McHenry qui posait les questions.

22 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce qu'au cours de cet

23 interrogatoire... Plus exactement, je vais vous demander combien de temps

24 a duré l'interrogatoire de lundi.

25 Témoin T (interprétation). - A peu près pareil que le dimanche.

Page 6768

1 M. Ackerman (interprétation). - Donc 6 à 7 heures ?

2 Témoin T (interprétation). - Oui.

3 M. Ackerman (interprétation). - Avant de comparaître dans cette

4 Chambre pour déposer, vous aviez passé de 12 à 14 heures, avec des pauses,

5 avec Mme McHenry et ces deux ou trois enquêteurs ?

6 Témoin T (interprétation). - Oui, quelque chose comme cela.

7 M. Ackerman (interprétation). - Donc à un moment donné, au cours

8 de la journée du dimanche ou du lundi, au moment où vous aviez ces

9 entretiens, le nom de Landzo ou de Zenga doit être apparu au cours de ces

10 conversations ?

11 Témoin T (interprétation). - Oui.

12 M. Ackerman (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui a cité

13 ce nom en premier au cours de ces entrevues ?

14 Témoin T (interprétation). - C’est moi qui l’ai cité en premier.

15 M. Ackerman (interprétation). - Est-ce que Mme McHenry ou l'un

16 ou l'autre des enquêteurs, présents au cours de ces douze à quatorze

17 heures d'entretiens, ont utilisé des techniques particulières pour vous

18 aider à surmonter vos trous de mémoire, pour vous aider à retrouver des

19 choses dont vous n'arriviez pas à vous souvenir ?

20 Mme McHenry (interprétation). - Je vais objecter à des questions

21 allant dans ce sens. Le conseil de la défense a reçu, ici, toute la marge

22 de manoeuvre nécessaire. Toute cette série de questions est parfaitement

23 non pertinente dans une autre Chambre. Dans l'affaire Blaskic, je n'ai pas

24 objecté car je ne voulais pas donner l'impression que l'accusation avait

25 quelque chose à cacher.

Page 6769

1 Mais, j'objecte à ce type de questions. Dès lors qu'il s'agit de

2 parler de technique, je ne sais pas trop ce que le conseil de défense a en

3 tête ni ce que le témoin peut imaginer comme étant ce type de technique.

4 En tout cas, nous ne l’avons pas hypnotisé, si c'est cela que vous voulez

5 essayer de nous faire dire.

6 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que vous avez déjà

7 prévu les questions que j'allais poser. Dans certaines juridictions de par

8 le monde, on dit parfois qu'un témoin ne devrait pas déposer si sa mémoire

9 était aidée par des moyens d'hypnose.

10 M. le Président (interprétation). - Vous avez entendu la

11 réponse : il n'y pas eu d'aide extérieure pour l'aider à surmonter des

12 trous de mémoire. Je crois qu'il n'est donc pas utile de poursuivre cette

13 série de questions.

14 M. Ackerman (interprétation). - J'ai entendu que Mme McHenry a

15 dit qu'aucun moyen d'hypnose n'avait été utilisé. Je crois que ceci répond

16 à ma question.

17 Monsieur le Président, je voudrais passer en séance à huis clos

18 pour poser l'une ou l'autre question afin de préciser certaines choses.

19 M. le Président (interprétation). - Nous passons à huis clos.

20 (L'audience se poursuit à huis clos.)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 6770

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgée)

6 (expurgée)

7 (expurgée)

8 (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 (Fin du huis clos.)

12 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais revenir à une

13 question que nous avons abordée quelque peu dans la matinée, Monsieur T.,

14 à savoir votre déclaration aux enquêteurs du bureau du Procureur où vous

15 aviez dit ne pas avoir filmé ce qui s'est passé à Celebici . Hier, vous

16 avez déposé en disant que ceci n'était pas véridique et que vous n'aviez

17 pas été sincère, à ce moment-là. C'est de ceci que je voudrais vous parler

18 maintenant. D'accord ?

19 Témoin T (interprétation). - Oui.

20 M. Ackerman (interprétation). - Hier, vous avez dit ne pas avoir

21 été sincère, car vous aviez peur. Je crois que c'est précisément ce que

22 vous avez dit ? C'est bien cela ?

23 Témoin T (interprétation). - C'est bien cela.

24 M. Ackerman (interprétation). - En fait, vos paroles précises

25 sont : "Je crois parce que j'avais peur de dire que j'avais filmé".

Page 6771

1 Témoin T (interprétation). - Oui.

2 M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous nous dire de quoi

3 vous aviez peur ? De quoi avez-vous peur ?

4 Témoin T (interprétation). - J'avais peur de montrer au

5 commandant cette cassette vidéo. Je pensais qu'il pourrait crier sur moi

6 du fait que j'avais filmé cette séquence.

7 M. Ackerman (interprétation). - Peut-être que vous m'avez mal

8 compris ou peut-être pas. Ma question est la suivante : vous avez dit

9 devant cette Chambre, hier, que vous aviez dit à l'enquêteur que vous

10 aviez menti en quelque sorte, que vous n'aviez pas été sincère, parce que

11 vous aviez peur de dire la vérité, pour une raison ou une autre. Je vous

12 demande : pourquoi avez-vous eu peur de dire la vérité au bureau du

13 Procureur, concernant cette cassette vidéo ?. C'est ce que je souhaite

14 savoir.

15 Témoin T (interprétation). - La raison est que j'avais peur de

16 dire cela. Je pensais qu'il pourrait crier sur moi, je ne sais pas. Je ne

17 l'ai pas dit, en tout cas.

18 M. le Président (interprétation). - Peut-être qu'il y a un

19 malentendu sur la question : pourquoi ne pas avoir dit à l'enquêteur du

20 bureau du Procureur la vérité ? Voilà la question.

21 Témoin T (interprétation). - Je vois, j'avais peur, car il y

22 avait des choses sur cette cassette vidéo qui permettaient de voir que les

23 prisonniers étaient maltraités. J'ai eu peur. J'ai eu peur, si le public

24 entendait que moi j'avais filmé ce film, que certains membres de ma

25 famille puissent en subir les conséquences, qu'ils puissent en souffrir

Page 6772

1 suite à une revanche quelconque ou quelque chose comme cela.

2 M. Ackerman (interprétation). - Pourrait-on suggérer le fait que

3 vous aviez peur de reconnaître cela, parce que cela pourrait vous exposer,

4 vous, à certaines accusations concernant votre rôle à Celebici ?

5 Témoin T (interprétation). - Je n'avais pas peur pour moi-même.

6 J'avais peur, comme je vous l'indiquais, pour ma famille, mes parents,

7 que, si un jour ceci était communiqué au public, l'on sache ce qui s'était

8 passé là-bas.

9 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose donc que ce sont ces

10 mêmes types de crainte qui vous animaient concernant d'autres questions

11 qui pourraient vous donner des inquiétudes pour votre famille qui serait

12 exposée au public, n'est-ce pas ?

13 Témoin T (interprétation). - Je n'ai pas compris votre question.

14 M. Ackerman (interprétation). - Le fait qui vous motivait d'être

15 sincère ou pas devant l'enquêteur du bureau du Procureur, était-ce cette

16 peur que vous aviez que ce que vous pourriez dire pourrait être communiqué

17 à votre famille ou à d'autres personnes et pourrait les discréditer, eux

18 ou vous-même ?

19 Témoin T (interprétation). - Oui.

20 M. Ackerman (interprétation). - Manifestement, ce sont ces mêmes

21 motivations qui vous motiveraient à être peu sincère pour des questions

22 plus graves, telles que la question de savoir si vous aviez commis des

23 viols ou des crimes ?

24 Témoin T (interprétation). - Non, non, cela ne m'aurait pas

25 influencé.

Page 6773

1 M. Ackerman (interprétation). - Vous êtes donc prêt à être peu

2 sincère

3 devant l'enquêteur concernant des films que vous auriez tournés

4 à Celebici ? Par contre, s'il s'avérait que vous étiez coupable de crimes

5 ou de viols, là vous auriez été parfaitement prêt à le reconnaître devant

6 l'enquêteur ?

7 Témoin T (interprétation). - J'ai reconnu le mensonge que

8 j'avais fait concernant la caméra, je l’ai reconnu. Si j'avais menti sur

9 autre chose, je l'aurais reconnu également. Concernant cette caméra vidéo,

10 je vous ai dit que j'avais menti et que maintenant je vous dis la vérité.

11 M. Ackerman (interprétation). - Je vais passer à un autre sujet.

12 Après un court laps de temps lors de vos fonctions à Celebici, votre

13 travail a été ensuite celui de chauffeur ? C'est bien cela ?

14 Témoin T (interprétation). - Oui

15 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous êtes devenu

16 chauffeur, vous n'aviez plus d'autres occupations. C'était ce qui vous

17 occupait à temps plein à Celebici ? C'est bien cela ?

18 Témoin T (interprétation). - Quelquefois, j'étais de garde près

19 du téléphone, comme je vous l’ai dit hier.

20 M. Ackerman (interprétation). - Soit, vous étiez chauffeur,

21 soit vous étiez de garde près du téléphone, mais prêt à redevenir

22 chauffeur dès lors que l'on avait besoin de vous ?

23 Témoin T (interprétation). – Non, lorsque j'étais chauffeur,

24 j'étais chauffeur. Lorsque je n'avais rien à faire, je n'avais pas à

25 conduire qui que ce soit pendant la journée ou la

Page 6774

1 soirée, j'étais dans le bureau où il y avait un téléphone et j'y

2 répondais.

3 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous disiez : « Quand

4 j'étais dans le bureau », vous parliez du bâtiment du commandant où se

5 trouvaient les officiers, où il y avait également des douches etc, où il y

6 avait ces bureaux ?

7 Témoin T (interprétation). - En effet.

8 M. Ackerman (interprétation). - Aviez-vous un horaire précis, y

9 avait-il des heures de la journée auxquelles vous commenciez votre travail

10 et terminiez à une heure précise ?

11 Témoin T (interprétation). - Non, pas vraiment. Il n'y avait

12 pas d'heure de travail précise. Lorsque c'était nécessaire, je faisais ce

13 que l'on me demandait, mais il n’y avait pas d'horaire précis.

14 Témoin T (interprétation). – Travailliez-vous 7 jours, 6 jours,

15 5 jours par semaine ? Y avait-il des jours de congé ou des jours que l'on

16 peut considérer comme tels ?

17 Témoin T (interprétation). - Parfois, je pouvais prendre un jour

18 de congé, des samedis ou des dimanches, ou parfois un autre jour, mais pas

19 très souvent. Je n'ai pas eu beaucoup de jours de congé.

20 M. Ackerman (interprétation). - Pourriez-vous donc nous dire

21 qu'au cours de ce laps de temps où vous passiez le plus clair de votre

22 journée à conduire, c'était donc cela qui vous occupait pour l'essentiel ?

23 Témoin T (interprétation). - Oui, pas tous les jours, parfois

24 c'était la journée complète, parfois pas. Cela dépendait d'un jour à

25 l'autre.

Page 6775

1 M. Ackerman (interprétation). - Si on ne faisait pas appel à

2 vous pour conduire, je suppose que vous attendiez que quelqu'un ait besoin

3 de vous pour aller le conduire quelque part ?

4 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est cela.

5 M. Ackerman (interprétation). - Pour l'essentiel, vos fonctions

6 de chauffeur

7 consistaient à emmener des prisonniers qui étaient libérés et à les

8 ramener vers le village de Donje Selo, puisque c'est là que la plupart

9 d'entre eux se rendaient, est-ce bien cela ?

10 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est cela.

11 M. Ackerman (interprétation). – Il se pouvait que quatre à cinq

12 fois par semaine, vous rameniez des prisonniers libérés vers leur

13 village ?

14 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas précisément combien

15 de fois, je ne m'en souviens pas.

16 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous avez fait votre

17 déclaration, au bureau du Procureur, dans votre pays de résidence, vous

18 souvenez-vous leur avoir dit que c'était quatre ou cinq fois par semaine

19 que vous les rameniez chez eux, là où ils habitaient ? Vous souvenez-vous

20 leur avoir dit cela ?

21 Témoin T (interprétation). - Oui, au cours de la période de

22 libération, parfois il y en avait davantage qui étaient libéré, parfois

23 moins. Cela dépendait. Parfois, il fallait que je les conduise quatre à

24 cinq fois, quelquefois c’était deux fois.

25 M. Ackerman (interprétation). - Il y a donc eu des périodes où,

Page 6776

1 quatre à cinq fois par semaine, vous rameniez des prisonniers libérés chez

2 eux ?

3 Témoin T (interprétation). - Oui, peut-être pas quatre à cinq

4 fois, ce n'est pas littéralement quatre à cinq fois.

5 M. Ackerman (interprétation). - Lorsque vous avez dit à

6 l'enquêteur du bureau du Procureur que c'était quatre à cinq fois par

7 semaine, vous ne l'entendiez pas au sens littéral. C'est quelque chose que

8 vous avez utilisé plutôt de manière figurative ?

9 Témoin T (interprétation). - J'ai dit cela littéralement, mais

10 pas exactement. Je ne peux pas me souvenir de manière précise du nombre de

11 fois dont il s'agissait.

12 M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez dit hier, et je

13 veux être sûr de vous avoir bien compris, que ces libérations de

14 prisonniers étaient surtout du fait des efforts de

15 M. Pavo Mucic qui essayait de faire en sorte que les innocents, les

16 jeunes, les personnes âgées, soient libérés de Celebici. C'est bien cela,

17 n'est-ce pas ?

18 Témoin T (interprétation). - Oui.

19 M. Ackerman (interprétation). - M. Mucic a donc aidé les Serbes

20 autant qu’il le pouvait, n'est-ce pas ?

21 Témoin T (interprétation). - Oui.

22 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur T., je passe à un autre

23 sujet : hier, vous nous avez décrit un incident.

24 Mme McHenry (interprétation). - Permettez-moi de vous

25 interrompre une seconde. J'en suis désolée, Monsieur le conseil : je veux

Page 6777

1 que le compte rendu soit clair. Je viens de retrouver la partie où l'on a

2 demandé au témoin combien de fois il allait ramener les prisonniers chez

3 eux.. Je veux que l'on reprenne la phrase totale prononcée par le témoin.

4 M. Ackerman (interprétation). - Je n'aurai aucun problème au

5 fait que Me McHenry souhaite corriger quelque chose, revenir sur

6 l'interrogatoire qu'elle a fait : elle peut interrompre mon contre-

7 interrogatoire, si elle le souhaite.

8 M. le Président (interprétation). - Bien. Dites ce que vous avez

9 à dire,. Mme McHenry.

10 Mme McHenry (interprétation). - Je voulais simplement dire que

11 l'on note au procès-verbal que ce qui a été dit n'était pas tout à fait

12 correct.

13 M. Ackerman (interprétation). - Je veux revenir à cette partie

14 du procès-verbal auquel Me McHenry vient de faire allusion, pour être tout

15 à fait clair. Si vous vous souvenez bien, on vous a demandé à quel rythme

16 vous rameniez ces prisonniers chez eux : une fois par semaine, deux fois

17 par semaine,... Et vous avez répondu : "Au début, ce n'était pas très

18 souvent, mais, par la suite, lorsque la nourriture coûtait de plus en plus

19 cher, nous ne pouvions plus nourrir les prisonniers et, donc, nous les

20 ramenions quatre à cinq fois par semaine là où ils

21 habitaient, dans leur village. Il m'accompagnait le plus souvent." "Il",

22 c'était Pavo Mucic, est-ce bien cela ?

23 Témoin T (interprétation). - Oui.

24 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

25 M. Ackerman (interprétation). - Revenons au sujet suivant que je

Page 6778

1 voulais discuter avec vous. Au cours de votre déposition d'hier, vous nous

2 avez décrit un incident au cours duquel un prisonnier, appelé

3 Zara Mrkajic, avait été —je cite— "attaché à un pilier électrique avec des

4 menottes ; il avait été tabassé auparavant. Ensuite, on l'y a attaché et

5 on l'y a laissé quatre à cinq heures, on l'a tabassé pendant qu'il se

6 trouvait attaché à ce pilier". Vous souvenez-vous avoir dit cela à propos

7 de M. Mrkajic ?

8 Témoin T (interprétation). - Oui.

9 M. Ackerman (interprétation). - Vous nous avez dit aussi que

10 ceci avait été fait par des personnes externes à la prison ?

11 Témoin T (interprétation). - J'ai dit que, pour autant que je

12 m'en souvienne, ceci était le fait de personnes externes à la prison.

13 M. Ackerman (interprétation). - Ensuite, après avoir fait cette

14 déposition, un peu plus tard, nous étions tous ici dans la salle

15 d'audience et nous avons regardé des cassettes vidéo. L'une de celles-ci

16 nous montrait une petite fête qui avait lieu à Celebici : il y avait des

17 gens qui buvaient de la bière, qui chantaient.. Vous vous souvenez avoir

18 vu cette petite fête, n'est-ce pas ?

19 Témoin T (interprétation). - Oui, oui.

20 M. Ackerman (interprétation). - Vous avez identifié l'une des

21 personnes faisant la fête ce soir là comme étant Zara Mrkajic, n'est-ce

22 pas ?

23 Témoin T (interprétation). - Oui, en effet.

24 M. Ackerman (interprétation). - C'est sans doute un autre

25 Zara Mrkajic que celui

Page 6779

1 qui avait été ligoté au poteau électrique ?

2 Témoin T (interprétation). - Non, c'est la même personne. C'est

3 le même Zara Mrkajic.

4 M. Ackerman (interprétation). - Avez-vous vu, dans les images

5 que l'on a pu voir hier, que cette personne... Y a-t-il des éléments qui

6 vous permettent de croire que cette personne avait été passée à tabac,

7 liée à un pilier, avait-il l'air de quelqu'un qui avait été torturé, dans

8 les images que nous avons vues hier ?

9 Témoin T (interprétation). - Non. Non, car ces images ont été

10 tournées plus tard. Je ne sais pas si c'était beaucoup plus tard.

11 M. Ackerman (interprétation). - La vidéo a donc dû être tournée

12 plus tard, beaucoup plus tard, après cet incident où il a été tabassé ?

13 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas combien de temps

14 plus tard. Je ne pourrais pas vous le dire précisément.

15 M. Ackerman (interprétation). - M. Zara Mrkajic était prisonnier

16 à Celebici pendant pas mal de temps, n'est-ce pas ?

17 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas pendant combien de

18 temps.

19 M. Ackerman (interprétation). - Etait-il là lorsque vous êtes

20 arrivé ?

21 Témoin T (interprétation). - Je ne suis pas sûr. Je crois qu'il

22 est arrivé plus tard.

23 M. Ackerman (interprétation). - Donc, à l'époque du 3 septembre,

24 lors de cette petite fête dont on a discuté hier, y avait-il des éléments

25 de preuve qui nous montraient qu'il avait été ligoté à un pilier ? En tout

Page 6780

1 cas, toutes ces preuves avaient disparu : ce n'était pas visible sur ces

2 images, n'est-ce pas ?

3 Témoin T (interprétation). - Oui, il n'y avait aucune trace de

4 ces tabassages. Pour autant que je sache, je n'ai plus vu qui que ce soit

5 le battre par la suite.

6 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais vous parler de votre

7 déposition d'hier

8 concernant les aliments fournis aux prisonniers de Celebici. Vous nous

9 avez dit hier, je crois, que les prisonniers n'avaient pas suffisamment à

10 manger et que la nourriture était de mauvaise qualité ?

11 Témoin T (interprétation). - Oui, en effet.

12 M. Ackerman (interprétation). - Je suppose que, quand vous

13 disiez que les prisonniers n'avaient pas suffisamment à manger, vous

14 vouliez dire qu'on les laissait mourir lentement de faim, en quelque

15 sorte, qu'on ne leur donnait pas suffisamment à manger pour garder un bon

16 niveau de résistance ?

17 Témoin T (interprétation). - Comme je vous le disais, on les

18 nourrissait une fois ou deux, parfois trois fois ; cela dépendait de la

19 situation. La nourriture était de mauvaise qualité. Pour l'essentiel, ce

20 n'est pas qu'on les laissait mourir de faim : il ne s'agissait pas de

21 mourir de faim, mais on ne les nourrissait pas non plus.

22 M. Ackerman (interprétation). - Pensez-vous que l'on donnait

23 suffisamment à manger pour les maintenir aux mêmes niveaux de poids et de

24 santé que ceux qu'ils connaissaient au moment de leur entrée à Celebici ?

25 ou bien ont-il très rapidement perdu du poids ?

Page 6781

1 Témoin T (interprétation). - Je pense que pour 90 % d'entre eux,

2 ils ont perdu du poids ;. 90 % des prisonniers ont perdu du poids.

3 M. Ackerman (interprétation). - Permettez-moi de vous ramener à

4 la vidéo que vous nous avez montrée hier, où l'on a vu le prisonnier

5 Zara Mrkajic. M. Zara Mrkajic semblait être assez bien nourri lors de ces

6 images prises le 3 septembre 1992, n'est-ce pas ?

7 Témoin T (interprétation). - Oui, car auparavant il était un

8 homme assez fort. Il avait aussi certains privilèges dans la prison. Lui

9 ne connaissait pas de pénurie de nourriture.

10 M. Ackerman (interprétation). - Un homme que l'on a attaché à un

11 poteau et tabassé jouissait de privilèges ? C'est ce que vous nous dites ?

12 Témoin T (interprétation). - Oui. Il avait acquis ces privilèges

13 plus tard.

14 M. Ackerman (interprétation). - Je me demande si l'heure n'est

15 pas venue, Madame et Messieurs les Juges, pour prendre la pause déjeuner ?

16 M. le Président (interprétation). - Vous poursuivrez votre

17 contre-interrogatoire ?

18 M. Ackerman (interprétation). - Oui, j'ai encore quelques

19 points.

20 Mme McHenry (interprétation). - Je voudrais soumettre une

21 question à votre examen : l'accusation demande que tout effort soit fait

22 pour terminer la déposition de ce témoin aujourd'hui. Peut-être pourriez-

23 vous envisager de revenir 15 ou 30 minutes plus tôt ou de travailler plus

24 tard ce soir ? Je voulais soumettre cela à votre attention : il y a

25 certaines raisons pour cela.

Page 6782

1 M. le Président (interprétation). - Nous pourrions peut-être

2 envisager une prolongation de la journée ?

3 Mme Residovic (interprétation). - Permettez-moi,

4 Monsieur le Président : puisque vous suggérez de lever la séance, je ne

5 comprends pas très bien la suggestion de ma collègue : j'avais enlevé mon

6 casque. Je vais donc demander de répéter la demande, car je n'ai pas pu

7 écouter.

8 M. Jan (interprétation). - On demande de terminer le contre-

9 interrogatoire aujourd'hui et de réduire la pause déjeuner d'une quinzaine

10 de minutes.

11 M. le Président (interprétation). - J'ai dit que nous pourrions

12 poursuivre un peu, avoir une pause déjeuner normale, mais prolonger la

13 journée, si c'est nécessaire. Cela dépendra du rythme du contre-

14 interrogatoire.

15 (La séance est suspendue à 13 heures 05)

16

17 La séance, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 35.

18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, si vous

19 le permettez...

20 M. le Président (interprétation). - Si vous avez quelque chose

21 de plus important à dire que la procédure du contre-interrogatoire, allez-

22 y.

23 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je m'excuse auprès de mes

24 collègues. Mais la secrétaire vient de me dire que vous avez reçu notre

25 requête aux fins que vous nous autorisiez à présenter, la semaine

Page 6783

1 prochaine, notre plaidoyer définitif relatif à notre demande de ne pas

2 recevoir tous les éléments de preuve s'ils reviennent.

3 C'est la dernière journée de la semaine, je vous demande de

4 prendre une décision à ce sujet, étant donné nos arguments écrits,

5 arguments que je pense avoir répétés à plusieurs reprises.

6 Nous avons ce droit en vertu d'une lettre venant du Procureur

7 qui, à la suite de la présentation des éléments de preuve d'un certain

8 nombre de témoins de Vienne, nous a informés que M. Panzer serait le

9 dernier témoin que l'accusation compte citer.

10 Nous demandons à la Chambre de nous en informer et de prendre la

11 décision pour permettre les dernières présentations la semaine prochaine.

12 M. le Président (interprétation). - Je pense que nous pourrons

13 revenir à cela lorsque nous reprendrons mardi. On devrait pouvoir le faire

14 mardi, vers 11 heures.

15 M. Niemann (interprétation). - Permettez-moi un commentaire sur

16 le calendrier.

17 Apparemment, ce témoin va nous occuper le reste de l'après-midi.

18 Il nous reste deux témoins présents, ici. L'un est ici depuis jeudi de la

19 semaine dernière ; il attend pour déposer et attendra ici à La Haye

20 jusqu'à mardi de la semaine prochaine. Nous voulons absolument que ces

21 deux témoins déposent le plus vite possible pour qu'ils puissent partir

22 aussitôt que possible.

23 Les arguments juridiques traitent de questions qui ne sont pas

24 aussi urgentes, en tout cas

25 moins urgentes que les impératifs de ces témoins qui sont ici depuis plus

Page 6784

1 de quinze jours. Je demande qu'à la fin de la présentation des arguments,

2 si cela plaît à la Chambre, ils soient entendus. Je ne pense pas qu'ils

3 déposent d'éléments ayant trait à ce que nous avons fait jusqu'à ce stade

4 de la procédure. Nous demandons que ces témoins soient autorisés à déposer

5 pour qu'ils puissent rentrer chez eux et qu’ils ne soient pas obligés

6 d’attendre la conclusion d'arguments juridiques éventuels.

7 Je voudrais dire aussi que tout ce que je pourrais mettre dans

8 une lettre à la défense ne donne aucun droit à la défense. Il s'agit de la

9 Chambre, pour que les décisions soient prises.

10 M. le Président (interprétation). - Cela veut dire qu'il est

11 fort probable que les témoins passent jeudi.

12 M. Niemann (interprétation). - Je pense que ce sera mardi et

13 mercredi ; cela prendra probablement deux jours. Les témoins attendent ici

14 depuis un bon moment parce que les audiences se poursuivent un peu plus

15 lentement que prévu. Je comprends qu'il est difficile d'établir un

16 calendrier précis.

17 M. Jan (interprétation). - Vous avez pris toute la journée

18 d'hier pour interroger le témoin. La défense y a droit aussi.

19 M. Niemann (interprétation). - Je ne fais pas de critique à qui

20 que ce soit. Je dis simplement que tout ce processus est imprécis.

21 M. le Président (interprétation). - Madame Residovic, ces

22 arrangements vous conviennent-ils : qu’après avoir entendu les autres

23 témoins, nous puissions entendre les arguments approfondis ?

24 Mme Residovic (interprétation). - C'est comme vous voulez.

25 M. le Président (interprétation). - Est-ce que les autres

Page 6785

1 témoins vont déposer des éléments concernant cet argument ?

2 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Ce

3 sont des témoins oculaires.

4 Mme Residovic (interprétation). - Nous convenons que les témoins

5 passent, mais nous insistons pour que, quelle que soit la situation, la

6 Chambre puisse nous permettre de présenter nos derniers arguments

7 concernant notre demande. Ce sera peut-être mercredi ou jeudi.

8 M. le Président (interprétation). - Il s’agira de mercredi ou de

9 jeudi selon la longueur de votre contre-interrogatoire. Je crois que nous

10 pouvons y arriver tout de même. Vous pouvez poursuivre votre contre-

11 interrogatoire.

12 M. Ackerman (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

13 Monsieur T, hier, lors de votre témoignage devant cette Chambre, on vous a

14 posé la question suivante —c'est M. Moran qui l'a posée à la page 3O,

15 lignes 18 à 20 du procès-verbal— : "Au fond, vous avez été au camp de

16 façon constante de mai 1992 jusqu'à novembre 1992 ?"

17 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est correct. Comme je vous

18 l’ai dit, je ne me souviens pas exactement s'il s'agissait d'un mois par-

19 ci, d'un mois par-là. Mais c'est plus ou moins cela. C'était vers cette

20 époque.

21 M. Ackerman (interprétation). - Donc affirmez-vous qu'il se peut

22 que vous étiez au camp vers le mois de novembre ?

23 Témoin T (interprétation). - Je pense ne pas y avoir été pendant

24 tout le mois de novembre.

25 M. Ackerman (interprétation). - Vous pensez y être partie au

Page 6786

1 cours du mois de novembre ?

2 Témoin T (interprétation). - Peut-être, je n'en suis pas

3 certain.

4 M. Ackerman (interprétation). - Mais nous savons avec certitude

5 que vous y étiez le 12 août, n’est-ce pas, lorsque la Croix Rouge à

6 visiter le camp ?

7 Témoin T (interprétation). - Oui.

8 M. Ackerman (interprétation). - Si vous avez dit aux enquêteurs,

9 dans votre pays de résidence, que vous y étiez pendant trois ou quatre

10 mois -si cela est vrai- et si vous y étiez jusqu'au

11 mois de novembre, alors la période du mois d’août au mois de novembre

12 comprendrait cette période de trois mois, n'est-ce pas ?

13 Témoin T (interprétation). - Je ne peux pas répondre de façon

14 précise à cette question.

15 M. Ackerman (interprétation). - Bien. Merci. J'ai un dernier

16 sujet à aborder. A l'époque de l'interrogatoire mené par l'enquêteur du

17 bureau du Procureur dans votre pays de résidence, on vous a évidemment

18 posé des questions concernant les allégations selon lesquelles vous avez

19 commis un viol lors de votre séjour à Celebici. L’enquêteur du bureau du

20 Procureur vous a posé des questions à cette date-là, n’est-ce exact ?

21 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

22 M. Ackerman (interprétation). - L’une de vos réponses à

23 l'enquêteur, concernant ce sujet, était : "Si je devais violer quelqu’un,

24 je violerai une jeune fille de 24 ans et non pas une femme de 60". Vous

25 avez dit cela, n’est-ce pas ?

Page 6787

1 Témoin T (interprétation). - Oui, je l’ai dit.

2 M. Ackerman (interprétation). - Je n'ai plus de question à

3 poser. Madame et Messieurs les Juges, je demande que pour le procès-verbal

4 Mme McHenry identifie le nom des deux enquêteurs dont le témoin ne se

5 souvenait pas pendant les deux... (pas de traduction de l’interprète)...

6 concernant l'article qui interdit tout contact entre les témoins et les

7 enquêteurs.

8 Mme McHenry (interprétation). - Nous voulons bien répondre

9 concernant la présence des personnes qui étaient présentes : c'étaient

10 M. Dan Saxon, M. D’Hooge et M. Alisdair Macleod.

11 M. le Président (interprétation). - Est-ce que cela répond à

12 votre question ?

13 M. Ackerman (interprétation). - Oui, je vous en sais gré.

14 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il un autre

15 interrogatoire ?

16 M. Olujic (interprétation). - Merci, Madame et Messieurs les

17 Juges. Permettez moi de

18 m’y retrouver un peu. Bonjour Monsieur T.

19 Témoin T (interprétation). - Bonjour.

20 M. Olujic (interprétation). - J'espère que vous n'êtes pas

21 fatigué en raison de ce long interrogatoire.

22 Témoin T (interprétation). - Oui

23 M. Olujic (interprétation). - Pour ce qui concerne la

24 conversation avec vous et mon entretien, j'espère être aussi bref que

25 possible afin que nous puissions terminer notre travail et rentrer chez

Page 6788

1 nous le coeur léger.

2 Témoin T (interprétation). - Oui.

3 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur T, il y a deux jours

4 j'ai essayé d'établir un contact avec vous et de vous parler. Vous en a-t-

5 on informé ? Je m'appelle Zeljko Olujic. Je suis le conseil de Zagreb. Je

6 suis le conseil de Zdravko Mucic. J'ai dit que je voulais avoir un contact

7 personnel avec vous. Est-ce qu’on vous en a informé ?

8 Témoin T (interprétation). - Oui.

9 M. Olujic (interprétation). - Puis-je savoir pourquoi nous nous

10 rencontrons ici pour la première fois ? Pourquoi nous n’avons-nous pas

11 parlé avant ?

12 Témoin T (interprétation). - Parce que j'avais mal à la tête et

13 que j'étais fatigué.

14 M. Olujic (interprétation). - Est-ce que c’est ce que vous

15 vouliez ou bien était-ce une suggestion de quelqu’un d’autre ?

16 Témoin T (interprétation). - C'est ce que, moi, je voulais.

17 M. Olujic (interprétation). - Monsieur, pendant l'interrogatoire

18 principal, lorsque vous avez été interrogé par le représentant du

19 Procureur, lors de votre arrivée à Celebici le commandant était quelqu'un

20 qui venait du MUP. Est-ce exact ?

21 Témoin T (interprétation). - Oui.

22 M. Olujic (interprétation). - Monsieur T, avez-vous le nom de

23 cette personne ?

24 Témoin T (interprétation). - Non, je le regrette.

25 M. Olujic (interprétation). - J'ai oublié de vous demander

Page 6789

1 quelque chose au début. Lors de notre conversation nous parlons tous la

2 langue serbo-croate, mais tout ceci est traduit dans la langue officielle

3 du Tribunal, c’est-à-dire en anglais et en français.

4 Donc, lorsque je vous pose la question, je voudrais que vous

5 attendiez que la traduction soit passée. Vous entendrez l’interprétation

6 et vous devrez attendre la fin de cette interprétation. Une fois cela

7 entendu, vous pourrez me répondre et essayer de parler aussi lentement que

8 possible lorsque vous répondez, pour que les interprètes puissent

9 effectuer une interprétation exacte.

10 Pendant l’interrogatoire principal, vous avez dit, une fois, que

11 lorsque M. Mucic était le commandant il est resté une ou deux heures dans

12 le camp, et je cite : "Il n'était plutôt pas là que là". Est-ce exact ?

13 Témoin T (interprétation). - Oui.

14 M. Olujic (interprétation). - Veuillez nous dire si M. Mucic est

15 resté une fois au moins, à votre connaissance, dans le camp ou bien s’il a

16 passé la nuit en dehors du camp ?

17 Témoin T (interprétation). - Je me souviens qu'il a passé, une

18 fois, la nuit.

19 M. Olujic (interprétation). - Une fois seulement ?

20 Témoin T (interprétation). - Oui, une fois seulement.

21 M. Olujic (interprétation). - De même, pendant l’interrogatoire

22 principal, vous avez dit qu’aucune d’instruction n’était donnée aux

23 gardes, qu’il n’y avait pas de réunion, rien de semblable concernant

24 l'organisation de ce camp. Est-ce exact ?

25 Témoin T (interprétation). - Oui.

Page 6790

1 M. Olujic (interprétation). - Monsieur T, vous avez évoqué

2 M. Bato Kuljanin. Vous avez dit qu'il avait été physiquement maltraité par

3 des gens qui venaient de l’extérieur. Vous avez dit qu’il s’agissait de

4 gens qui étaient membres du MUP. Est-ce exact ?

5 Témoin T (interprétation). - Oui.

6 M. Olujic (interprétation). - Et M. Bato n'était pas maltraité

7 par les gardes du camp ?

8 Témoin T (interprétation). - Non, il ne l'a pas été.

9 M. Olujic (interprétation). - Monsieur, veuillez nous dire si

10 ces messieurs du MUP portaient des armes. Avaient-ils des armes ?

11 Témoin T (interprétation). - Probablement, oui, mais je ne m'en

12 souviens pas.

13 M. Olujic (interprétation). - Est-ce que M. Mucic aurait pu les

14 désarmer ?

15 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas s'il était là à

16 l'époque.

17 M. Olujic (interprétation). - Mais lorsque la situation se

18 présentait, est-ce que M. Mucic était à même de désarmer les hommes du

19 MUP ?

20 Témoin T (interprétation). - Non, mais il ne pouvait pas les

21 empêcher d'entrer.

22 M. Olujic (interprétation). - Pourquoi n'a-t-il pas pu les

23 empêcher d'entrer ?

24 Témoin T (interprétation). - Il s'agissait de gens qui avaient

25 été sur les lignes de front. Il s'agissait de personnes qui avaient pris

Page 6791

1 les prisonniers et qui venaient pour se venger.

2 M. Olujic (interprétation). - Comment ont-ils pu entrer dans le

3 camp ? Comment sont-ils entrés ?

4 Témoin T (interprétation). - Par la porte.

5 M. Olujic (interprétation). - Quelle porte ?

6 Témoin T (interprétation). - La porte principale.

7 M. Olujic (interprétation). - Monsieur T, à la lumière de tout

8 ce que mes collègues vous ont demandé, je comprends que cela fait un bon

9 moment et que vous ne vous souvenez pas de tout. Cela date déjà de cinq

10 ans. Les gens préfèrent oublier certaines choses.

11 Mais pouvez-vous affirmer qu'au fond, réellement, vous ne vous

12 souvenez pas exactement, que vous ne pouvez pas vous souvenir avec

13 précision de certaines dates, de certains événements, de certaines choses

14 qui se sont passées pendant la guerre dans cette région du monde ?

15 Témoin T (interprétation). - Oui, j'ai des difficultés à me

16 souvenir de certaines heures

17 et de dates précises.

18 M. Olujic (interprétation). - Monsieur T, avez-vous déjà commis

19 un acte criminel tel que défini par le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine

20 ou du pays où vous résidez maintenant ?

21 Témoin T (interprétation). - Oui, j'ai été accusé d'un meurtre

22 en Bosnie-Herzégovine, meurtre que je n'ai pas commis.

23 M. Olujic (interprétation). - Comment avez-vous été accusé ?

24 Comment avez-vous été jugé ? Etiez-vous présent ou était-ce un procès par

25 contumace ?

Page 6792

1 Témoin T (interprétation). - Il s'agit d'un procès que j'ai subi

2 par coercition.

3 M. Olujic (interprétation). - Aviez-vous un grade ?

4 Témoin T (interprétation). - Lors de l'interrogatoire principal

5 et du contre-interrogatoire, vous nous avez dit que vous aviez été

6 interrogé dans le pays de votre résidence actuelle, et ce par les

7 responsables fédéraux et par les représentants du bureau du Procureur.

8 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

9 M. Olujic (interprétation). - Ma question est la suivante : si

10 vous aviez su que vous risquiez d'être jugé, que vous risquiez une

11 accusation de viol, du fait des accusations qui existaient contre vous,

12 auriez-vous demandé tout de suite un conseiller ?

13 Témoin T (interprétation). - Je n'ai pas compris.

14 M. Olujic (interprétation). - Par hypothèse, si vous aviez su

15 qu'on vous accusait de viol, si quelqu'un vous en avait informé,

16 auriez-vous demandé immédiatement la présence d'un avocat de la défense ?

17 S'il y avait un soupçon justifié à l’égard de quelqu'un, auriez-vous

18 demandé la présence d'un conseiller ?

19 Mme McHenry (interprétation) - Je pense que ce sont des

20 questions déplacées. On ne peut pas poser des questions hypothétiques.

21 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez lui poser cette

22 question.

23 M. Olujic (interprétation). - Lorsque les représentants de votre

24 pays de résidence vous

25 ont interrogé, on vous a dit qu'il y avait des accusations de viol contre

Page 6793

1 vous ?

2 Témoin T (interprétation). - Non, on ne me l'a pas dit, on m'a

3 dit simplement que quelqu'un m'avait accusé de viol. Il n'y avait pas

4 autre chose que cela.

5 M. Olujic (interprétation). - Alors, pourquoi n'avez-vous pas

6 demandé qu'il vous soit donné un conseil ?

7 Témoin T (interprétation). - Je ne l'ai pas fait, je n'en ai pas

8 besoin.

9 M. Olujic (interprétation). - Vous vous sentez donc tout à fait

10 innocent ?

11 Témoin T (interprétation). - Oui.

12 M. Olujic (interprétation). - Est-ce que vous voulez bien nous

13 dire, si depuis 1992, lorsque vous êtes parti de la région de Konjic, une

14 organisation quelconque, ou quelqu'un d'autre, vous a dit comment vous

15 devriez déposer dans le cas où l’on vous inviterait à comparaître devant

16 le Tribunal international ?

17 Témoin T (interprétation). - Non.

18 M. Olujic (interprétation). - D'après vous, pourquoi -lorsqu'on

19 vous a interrogé- les enquêteurs ont-ils attendu la fin de

20 l'interrogatoire pour vous demander si vous connaissiez M. Mucic ?

21 Pourquoi ne vous a-t-on pas dit au début qu'on vous accusait de viol ?

22 Témoin T (interprétation). - Je n'en ai aucune idée.

23 M. Olujic (interprétation). - Etes-vous marié ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui.

25 M. Olujic (interprétation). - Où est votre épouse ? Ou plutôt

Page 6794

1 vit-elle avec vous à l'heure actuelle ? Votre femme vit-elle avec vous

2 dans votre pays de résidence actuelle ?

3 Témoin T (interprétation). - Oui.

4 M. Olujic (interprétation). - Etiez-vous marié lorsque vous vous

5 trouviez au camp de Celebici ?

6 Témoin T (interprétation). - Non.

7 M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez

8 chauffeur. Vous avez occupé un certain nombre de fonctions dans les rangs

9 de la JNA. Lorsque vous apparteniez à la JNA, étiez-vous également

10 chauffeur ?

11 Témoin T (interprétation). - Non.

12 M. Olujic (interprétation). - Lorsque vous avez posé une

13 question aux enquêteurs concernant le fait que venir à La Haye vous ferait

14 perdre vos revenus, avez-vous été satisfait de la réponse qu'il vous ont

15 donnée ?

16 Témoin T (interprétation). - Oui, mais maintenant on me dit que

17 je n'aurai pas de compensation pour tous les revenus que j'ai pu perdre du

18 fait de ma présence ici.

19 M. Olujic (interprétation). - Au cours de l'interrogatoire

20 principal, vous avez déclaré que vous connaissiez M. Mucic. Celui-ci vous

21 a-t-il jamais proposé quoi que ce soit d'illégal, d'illicite ? Je parle de

22 marché noir, de promesses illégales, de chantage.

23 Témoin T (interprétation). - Non.

24 M. Olujic (interprétation). - Est-ce que M. Mucic avait un grade

25 dans l'armée ?

Page 6795

1 Témoin T (interprétation). - Non.

2 M. Olujic (interprétation). - M. Mucic ne vous a-t-il jamais

3 donné l'ordre de faire quoi que ce soit qui puisse être considéré comme

4 allant à l'encontre de la loi ?

5 Témoin T (interprétation). - Non.

6 M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic vous a-t-il jamais

7 dit qu'il avait vu des personnes se faire violer ?

8 Témoin T (interprétation). - Non.

9 M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic vous a-t-il jamais

10 dit qu'il savait ou qu'il avait appris qu'il y avait eu des passages à

11 tabac ?

12 Témoin T (interprétation). - Non.

13 M. Olujic (interprétation). - Dites-moi simplement ce que vous

14 savez.

15 Témoin T (interprétation). - Il ne m'a rien dit. Il ne m'a

16 jamais dit qu'il avait assisté à des passages à tabac. Mais, étant donné

17 qu'il recevait des rapports de Hazim, je ne sais pas ce que celui-ci a pu

18 lui dire.

19 M. Olujic (interprétation). - Oui, mais je parle de vous. Vous

20 a-t-il jamais dit qu'il était au courant de certains meurtres ?

21 Témoin T (interprétation). - Non.

22 M. Olujic (interprétation). - Vous a-t-il jamais dit qu'il avait

23 été le témoin de tortures ?

24 Témoin T (interprétation). - Non.

25 M. Olujic (interprétation). - Monsieur Mucic s'est-il jamais

Page 6796

1 montré brutal envers les prisonniers ?

2 Témoin T (interprétation). - Non.

3 M. Olujic (interprétation). - Monsieur T, avant la guerre,

4 aviez-vous jamais vu un uniforme de camouflage ?

5 Témoin T (interprétation). - Dans des films.

6 M. Olujic (interprétation). - Mais pas dans la ville de Konjic ?

7 Témoin T (interprétation). - Non.

8 M. Olujic (interprétation). - Etiez-vous capable de faire la

9 différence entre les uniformes de camouflage de la JNA, de la Défense

10 territoriale, de la HVO ou d'autres entités ?

11 Témoin T (interprétation). - Non, c'étaient des uniformes qui se

12 ressemblaient. Simplement, les insignes étaient différents.

13 M. Olujic (interprétation). - Vous avez déclaré que des membres

14 du MUP étaient entrés dans l'enceinte du camp. Des forces de police de

15 réserve sont-elles jamais entrées dans le camp ? Des réservistes ? Les

16 avez-vous jamais vues dans le camp ?

17 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas. Mais qu'entendez-

18 vous par "réservistes" ?

19 M. Olujic (interprétation). - Non seulement il y a la police en

20 action, mais il y a

21 également des forces de police de réserve. Me comprenez-vous ? Il y a des

22 officiers de police qui ne sont pas des officiers à plein temps, avec des

23 salaires ; il y a des officiers de police qui travaillent en tant

24 qu'officiers de réserve. C'est précisément le nom qu'ils portent.

25 Témoin T (interprétation). - C'est peut-être le cas, mais je ne

Page 6797

1 m'en souviens pas très bien.

2 M. Olujic (interprétation). - Avez-vous vu d'autres types

3 d'uniformes dans le camp, dans la prison ? Vous avez décrit l'uniforme du

4 MUP, mais avez-vous vu des gens porter d'autres types d'uniformes ? Il y

5 avait des membres des groupes de Mirko Pirkic, n'est-ce pas ?

6 Témoin T (interprétation). - Oui, il y avait des membres de

7 Mirko Pirkic, des soldats de Halez* et d'autres soldats, mais je ne sais

8 pas de qui il s'agissait.

9 M. Olujic (interprétation). - Monsieur, comment avez-vous réagi

10 lorsque vous avez entendu les enquêteurs qui ont eu un entretien avec vous

11 dans votre pays de résidence vous dire que Grozdana Cecez avait déclaré

12 que vous l'aviez violée ?

13 Témoin T (interprétation). - J'ai eu une réaction terrible ; je

14 me suis senti très mal à l'aise.

15 M. Olujic (interprétation). - Aviez-vous l'impression d'être

16 victime d'un certain chantage ?

17 Témoin T (interprétation). - Je ne comprends pas : qu'entendez-

18 vous par là ? Pourquoi chantage ?

19 M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit que vous vous

20 sentiez vraiment mal à l'aise. Développez un peu : vous vous sentiez vide,

21 étiez-vous absolument anéanti par ce que vous veniez d'apprendre ?

22 Témoin T (interprétation). - J'étais absolument bouleversé.

23 Jamais je n'aurais pensé que qui que ce soit puisse dire un tel mensonge,

24 notamment venant d'une femme que j'ai aidée. J'étais absolument

25 bouleversé, anéanti.

Page 6798

1 M. Olujic (interprétation). - Monsieur T, dites-nous, s'il vous

2 plaît, comment vous vous êtes senti, au début de l'entretien, lorsque

3 l'enquêteur a déclaré qu'il allait vous poser des questions en s'appuyant

4 sur les demandes du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de

5 La Haye ?

6 Témoin T (interprétation). - Pouvez-vous être un peu plus

7 clair ?

8 M. Olujic (interprétation). - A partir des dépositions que vous

9 avez faites, que vous avez relues aujourd'hui, vous avez bien vu que

10 l'enquêteur vous a dit qu'il allait vous interroger en se fondant sur les

11 demandes du TPI pour les crimes de guerre en ex-Yougoslavie qui se trouve

12 à La Haye, n'est-ce pas ? Qu'avez-vous ressenti à ce moment-là, lorsqu'il

13 vous a dit cela ? Avez-vous eu peur, avez-vous pensé que quelqu'un de

14 l'ex-Yougoslavie voulait vous interroger ?

15 Témoin T (interprétation). - Mais non, bien sûr. Et vous le

16 savez.

17 M. Olujic (interprétation). - Vous avez dit que lorsque vous

18 êtes arrivé au camp de Celebici, il y avait quelques civils qui se

19 trouvaient là, mais que, pour la plupart, c'étaient des personnes

20 capturées autour de Bradina et de Donje Selo. Est-ce exact ?

21 Témoin T (interprétation). - Non. J'ai dit qu'il y avait des

22 prisonniers de Donje Selo.

23 M. Olujic (interprétation). - De Donje Selo ? Et y avait-il

24 également des personnes de Bradina ?

25 Témoin T (interprétation). - Elles sont arrivées plus tard.

Page 6799

1 M. Olujic (interprétation). - Savez-vous s'il y a eu des combats

2 ou si les forces croates et musulmanes sont entrées dans ces villes sans

3 qu'aucune résistance ne leur soit opposée ?

4 Témoin T (interprétation). - Dans certaines villes, il y a eu

5 des résistances ; à Donje Selo, pas vraiment, mais à Bradina, oui.

6 M. Olujic (interprétation). - Qui a essayé de résister ?

7 Témoin T (interprétation). - La population serbe, les habitants

8 serbes.

9 M. Olujic (interprétation). - Etaient-ils armés ?

10 Témoin T (interprétation). - Oui.

11 M. Olujic (interprétation). - Cette résistance était-elle

12 organisée ?

13 Témoin T (interprétation). - Oui.

14 M. Olujic (interprétation). - Y avait-il des commandants sur

15 place ?

16 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Je ne

17 sais pas s'il y avait des commandants. Il y avait des membres de la

18 population locale. Je ne sais pas s'il y avait des responsables parmi eux.

19 Ah ! pardon, je viens de me souvenir : il y avait Vlado Cecez qui se

20 trouvait à Donje Selo. Et aussi Nica*, dont je ne me souviens plus du nom

21 de famille, qui était à Bradina.

22 M. Olujic (interprétation). - Monsieur T, revenons à la

23 situation qui prévalait à l'intérieur de la prison lorsque vous y étiez,

24 car je vous demande simplement de me dire ce dont vous avez eu

25 personnellement connaissance. Les prisonniers devaient-ils procéder à une

Page 6800

1 sorte de salut au drapeau, le matin ? Est-ce qu'un hymne était joué

2 pendant qu'on hissait le drapeau ?

3 Témoin T (interprétation). - Non.

4 M. Olujic (interprétation). - Y a-t-il jamais eu ce type de

5 cérémonie pour les gardes et les soldats ?

6 Témoin T (interprétation). - Non, c'était vraiment extrêmement

7 rare. Et lorsque qu'il y avait ce type de cérémonie, il n'y avait pas de

8 drapeau.

9 M. Olujic (interprétation). - Selon vous, il n'y a jamais eu ce

10 type de cérémonie de façon régulière ?

11 Témoin T (interprétation). - Non, effectivement, cela n'a jamais

12 été régulier.

13 M. Olujic (interprétation). - Quel était le type de discipline

14 qui prévalait dans le camp ?

15 Témoin T (interprétation). - La discipline était bonne lorsque

16 Pavo était encore là ; quand il est parti, la situation s'est un peu

17 dégradée.

18 M. Olujic (interprétation). - Y avait-il des conflits qui

19 surgissaient entre les gardes lorsque M. Mucic n'était pas présent ? Entre

20 les gardes eux-mêmes ?

21 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas. Peut-être que oui,

22 peut-être que non. Je ne

23 me souviens pas.

24 M. Olujic (interprétation). - Je vais maintenant vous poser une

25 question : je vous demande d'y répondre si vous pouvez vous rappeler quoi

Page 6801

1 que ce soit. Au cours de l'automne, avez-vous jamais traversé les

2 territoires tenus par les Serbes avec Zdravko Mucic ?

3 Témoin T (interprétation). - Traversé Donje Selo ?

4 M. Olujic (interprétation). - Oui.

5 Témoin T (interprétation). - Oui, nous y avons emmené des

6 prisonniers.

7 M. Olujic (interprétation). - C'était un territoire placé sous

8 l'autorité des Serbes ?

9 Témoin T (interprétation). - Non. C'était un territoire libre.

10 M. Olujic (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir jamais

11 traversé un territoire tenu par les Serbes avec Zdravko Mucic ?

12 Témoin T (interprétation). - Oui, en une occasion : nous sommes

13 allés, je ne sais plus comment cela s'appelle, en un endroit qui se trouve

14 près de Kricevo*.

15 M. Olujic (interprétation). - Je vois. Comment y êtes-vous

16 allés ?

17 Témoin T (interprétation). - Avec sa voiture.

18 M. Olujic (interprétation). - Ce territoire a-t-il été tenu par

19 les Serbes ? Comment avez-vous été reçus lorsque vous êtes arrivés ?

20 Témoin T (interprétation). - Je n'ai vu personne. Je suis resté

21 au poste de contrôle. Je ne pouvais pas aller au-delà de ce point. Je ne

22 sais pas ce qui s'est passé.

23 M. Olujic (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur. Merci,

24 Madame et Messieurs les Juges. Je n'ai plus de questions à poser au témoin

25 pour l'instant.

Page 6802

1 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Me Olujic.

2 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, avec

3 votre autorisation...

4 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

5 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie. Bonjour,

6 Monsieur T.

7 Témoin T (interprétation). - Bonjour.

8 Mme Residovic (interprétation). - Je m'appelle Edina Residovic.

9 Je représente Zejnil Delalic. Je suis son conseil de la défense.

10 Je sais que vous êtes certainement fatigué et je vais essayer de

11 faire en sorte que mes questions soient brèves, précises, et je vais vous

12 demander, dans le cas où vous ne comprendriez pas une question, de me le

13 dire immédiatement afin que je puisse la reformuler et me faire bien

14 comprendre.

15 Témoin T (interprétation). - Je comprends.

16 Mme Residovic (interprétation). - Veuillez, s'il vous plaît,

17 répondre à mes questions de façon brève et précise, dans la mesure du

18 possible.

19 Témoin T (interprétation). - Je le ferai.

20 Mme Residovic (interprétation). - Ce que M. Olujic vous a dit il

21 y a un instant est toujours valable. Je vous rappelle que nous parlons

22 tous les deux une langue que nous comprenons fort bien. Vous pouvez

23 répondre à mes questions très rapidement. Cependant le plus important ici

24 est que tout ce que nous disions soit bien compris par l'ensemble de la

25 Chambre d'instance et par l'ensemble des collègues qui se trouvent dans ce

Page 6803

1 prétoire. Par conséquent, lorsque je vous pose une question, je vous

2 demande d'attendre que l'interprétation en soit faite. Une fois que

3 l'interprétation est terminée, répondez à la question. Nous éviterons

4 ainsi tout problème d'interprétation pour ce qui est de notre

5 conversation. Je vous remercie.

6 Monsieur T, vous êtes né et vous avez grandi à Konjic, n'est-ce

7 pas exact ?

8 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

9 Mme Residovic (interprétation). - Au début de 1992, vous vous

10 trouviez à Konjic, n'est-ce pas ?

11 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

12 Mme Residovic (interprétation). - Vous vous trouviez à Konjic

13 lorsque l'agression

14 dirigée contre la Bosnie-Herzégovine a été déclenchée en avril 1992 ?

15 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

16 Mme Residovic (interprétation). - Vous étiez conscient que tous

17 les citoyens de Bosnie-Herzégovine, et notamment les membres de la nation

18 croate, étaient en train de suivre de très près, ou avaient suivi de très

19 près, ce qui s'était passé l'année précédente en Croatie ?

20 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

21 Mme Residovic (interprétation). - Vous étiez conscient du fait

22 qu'à Konjic les membres de la communauté croate ont commencé à se préparer

23 pour les événements qui, de fait, se sont produits ultérieurement ?

24 Témoin T (interprétation). - Je crois que tout le monde se

25 préparait, qu'il s'agisse des Croates ou des Musulmans. Tout le monde a

Page 6804

1 commencé à s'armer. Je ne crois pas que des gens aient commencé à se

2 préparer plus tôt que les autres.

3 Mme Residovic (interprétation). - Hier, vous avez déclaré, dans

4 le cadre de votre déposition, que vous-même, en tant que soldat, aviez

5 reçu la mission de vous rendre au camp de Celebici. C'est votre supérieur,

6 Zeljko Brekalo, qui vous en avait donné l'ordre.

7 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

8 Mme Residovic (interprétation). - Zeljko Brekalo était le

9 commandant de la police militaire du conseil croate de la défense, n'est-

10 ce pas ?

11 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

12 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur T, savez-vous quel

13 était le rang occupé par Ivo Vujicevic dans le cadre de la police

14 militaire du conseil croate de la défense ?

15 M. le Président (interprétation). - Peut-on préciser, s'il vous

16 plaît ?

17 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quel

18 était le rang occupé par Ivo Vujicevic dans les rangs de la police

19 militaire ?

20 Témoin T (interprétation). - Je sais que c'était le responsable

21 principal de la police

22 bosniaque pour la région de Donje Selo. Je ne sais pas quel était son

23 grade, je ne sais même pas s'il en avait un. Je n'ai aucune idée de ce qui

24 a pu lui arriver par la suite.

25 Mme Residovic (interprétation). - Donc à cette époque, celle à

Page 6805

1 laquelle nous nous référons, c'est-à-dire avril et mai -époque à laquelle

2 vous faites référence dans votre déposition- Ivo Vujicevic était le

3 commandant de la police militaire de Konjic ?

4 Témoin T (interprétation). - Non, il n'était pas le commandant.

5 C'était un combattant avec un statut un peu spécial. Il s'était porté

6 volontaire, il venait de l'étranger. Il était responsable des opérations

7 menées dans Donje Selo au nom de la police militaire du HVO.

8 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur T,

9 vous avez déclaré hier qu'il y avait eu une interruption de votre séjour

10 au camp de Celebici pendant un certain temps, et qu’ensuite vous n'y avez

11 plus été. Vous avez dit que cela était dû au fait qu'à cette époque-là la

12 police musulmane, comme vous l'avez dit, avait été créée. C'est ce que

13 vous avez dit.

14 Ma question est la suivante : essayez-vous de dire qu'à cette

15 époque-là la police militaire de la Défense territoriale de Konjic était

16 en train d'être créée ? Est-ce son nom officiel ?

17 Témoin T (interprétation). - Oui.

18 Mme Residovic (interprétation). - A partir du début du conflit,

19 est-il exact de dire qu'au sein de la police militaire du HVO, dont vous

20 faisiez partie, il y avait un certain nombre de Musulmans ?

21 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

22 Mme Residovic (interprétation). - La création de la police

23 militaire de la Défense territoriale ne s'est produite que beaucoup plus

24 tard, vers le début du mois de juillet. Vous en souvenez-vous ?

25 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas exactement à quel

Page 6806

1 moment elle a été créée, mais je crois qu'effectivement cela s'est produit

2 plus tard, après la création de la police croate.

3 Mme Residovic (interprétation). - Ce n'est qu'alors qu'une

4 partie des Musulmans de

5 la police militaire du HVO est passée dans les rangs de la police

6 militaire de la Défense territoriale ?

7 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

8 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez également dit que

9 certains heurts avaient eu lieu, certaines confrontations avaient eu lieu,

10 entre les membres du HVO et les membres de la Défense territoriale. C'est

11 bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

12 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

13 Mme Residovic (interprétation). - Vous rappelez-vous si, vers la

14 fin du mois de juin et pendant le courant du mois de juillet, il y a eu

15 des combats près de Borci, près de Glavaticevo, batailles auxquelles les

16 forces du conseil croate de la défense n'ont pas pris part. Le

17 savez-vous ?

18 Témoin T (interprétation). - Oui, je le sais.

19 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous également si cela a

20 été, en fait, la cause du conflit qui a éclaté entre le HVO et la Défense

21 territoriale à Konjic à l'époque ?

22 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas. C'est la première

23 fois que l'on invoque cette raison-là, jamais je n'en ai entendu parler

24 auparavant.

25 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, hier, lorsque

Page 6807

1 vous disiez que des membres de la police du HVO étaient partis du camp de

2 Celebici, en fait cela s'était produit au moment où la police militaire de

3 la Défense territoriale était en train de se mettre en place, moment

4 pendant lequel vous-même n'étiez pas présent pendant deux ou trois jours ?

5 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

6 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie. En tant que

7 citoyen de Konjic, vous êtes entré dans la guerre très tôt. Vous étiez

8 encore très jeune ?

9 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

10 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que cela explique

11 pourquoi hier, en guise de réponse à des questions qui vous ont été

12 posées, vous avez répondu spontanément : "Mais, Messieurs, c'était la

13 guerre. Comprenez moi bien, c'était la guerre !". Vous rappelez-vous avoir

14 fait cette réponse hier ?

15 Témoin T (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas.

16 Mme Residovic (interprétation). - Mais vous pouvez vous rappeler

17 que, pour vous, en tant que tout jeune homme, la guerre, les horreurs, les

18 événements dramatiques qui ont eu lieu à Konjic, étaient pour vous quelque

19 chose d'horrible, une expérience horrible ?

20 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

21 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous confirmer le

22 fait que le bombardement de Konjic a commencé le 4 mai et que par la suite

23 des douzaines, des centaines, d'obus sont tombés sur Konjic ?

24 Témoin T (interprétation). -

25 (L'interprète serbe demande que le témoin répète sa réponse.)

Page 6808

1 M. le Président (interprétation). - Le témoin doit répéter ce

2 qu'il vient de dire. Il faut répéter la question afin que l'interprétation

3 puisse se faire.

4 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur T, pouvez-vous

5 confirmer le fait qu'à partir du 4 mai Konjic a fait l'objet de pilonnages

6 intensifs ? Pouvez-vous confirmer que ces pilonnages ont eu lieu

7 quotidiennement et que des douzaines, des centaines, d'obus sont tombés

8 sur la ville ?

9 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact. Ces obus étaient

10 lâchés par des avions envoyés de positions serbes à Borci.

11 Mme Residovic (interprétation). - Ces obus ont-ils blessé des

12 personnes se trouvant dans des appartements, des écoles, dans l'hôpital,

13 des bâtiments industriels et autres ?

14 Témoin T (interprétation). - C'est tout à fait exact.

15 Mme Residovic (interprétation). - Il y a un instant, on nous a

16 mis en garde. Ma question est beaucoup plus longue que votre réponse.

17 Avant d'apporter une réponse, je vous demande d'attendre que

18 l'interprétation en anglais soit terminée.

19 Témoin T (interprétation). - Mais j'écoute l'interprétation

20 croate !

21 Mme Residovic (interprétation). - Certes, mais -dans le casque

22 qui se trouve sur la table- on peut entendre l'interprétation qui est

23 faite en anglais. Lorsque vous entendez que c'est terminé, répondez alors

24 à ma question. C'est tout ce que je vous demande.

25 Monsieur T, pouvez-vous me dire s'il est exact que Celebici se

Page 6809

1 trouve environ à dix kilomètres au sud de Konjic dans la direction

2 de Jablanica ?

3 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est à peu près cela, dix à

4 quinze kilomètres. Non, dix kilomètres, c'est exact.

5 Mme Residovic (interprétation). - C'est une région qui n'a pas

6 été soumise à des pilonnages quotidiens, comme cela a été le cas pour le

7 centre de la région de Konjic.

8 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact. Peut-être que

9 quelques obus sont tombés sur Celebici, mais peut-être deux ou trois fois

10 en tout et pour tout.

11 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, du point de

12 vue des pilonnages, la région du camp de Celebici était beaucoup plus sûre

13 que la zone du centre ville. Est-ce exact ?

14 Témoin T (interprétation). - Oui, c'était une région plus sûre.

15 C'est exact.

16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous me dire

17 s'il est vrai qu'après la libération de Bradina plusieurs milliers de

18 réfugiés sont arrivés de la Bosnie orientale et de la Herzégovine, des

19 réfugiés qui auparavant s'étaient réfugiés dans d'autres régions ?

20 Témoin T (interprétation). - A quels réfugiés faites-vous

21 référence ?

22 Mme Residovic (interprétation). - Aux Musulmans et aux Croates.

23 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'en ai pas

24 connaissance et je ne m'en souviens pas.

25 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie.

Page 6810

1 Témoin T (interprétation). - Beaucoup de gens venaient de Bosnie

2 orientale : de Zepca, de Srebenica.

3 Mme Residovic (interprétation). - Dans la ville, à ce moment-là,

4 il y avait bien plusieurs milliers de réfugiés qui venaient d'arriver ?

5 Témoin T (interprétation). - Oui.

6 Mme Residovic (interprétation). - Tout cela était la source de

7 nombreuses difficultés du point de vue de l’accueil, de l’alimentation de

8 tous ces réfugiés ?

9 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

10 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit que, dans l'ex-

11 JNA, vous aviez servi dans l'artillerie ? C'est exact ?

12 Témoin T (interprétation). - Oui.

13 Mme Residovic (interprétation). - Le pilonnage de Konjic, qui a

14 eu lieu après le 4 mai, a été réalisé par l'artillerie qui utilisait des

15 armes lourdes, n'est-ce pas ?

16 Témoin T (interprétation). - Oui.

17 Mme Residovic (interprétation). - Ces pilonnages provenaient du

18 côté est de Borci, c'est-à-dire de positions tenues uniquement par les

19 forces serbes, n'est-ce pas exact ?

20 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

21 Mme Residovic (interprétation). - La ville a été pilonnée à

22 partir de ces positions et ce jusqu'au mois de juin 1993, période au cours

23 de laquelle vous avez quitté Konjic, n'est-ce pas ?

24 Témoin T (interprétation). - C'est exact.

25 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur, vous avez déclaré

Page 6811

1 dans ce prétoire qu'il y avait une commission à Celebici dont la mission

2 était d'interroger les prisonniers détenus dans le camp de Celebici. Etes-

3 vous conscient du fait que le premier responsable de la commission

4 d'enquête était l'ex-Juge Goran Lokas ?

5 Témoin T (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je suis

6 désolé.

7 Mme Residovic (interprétation). - Et si je vous rafraîchissais

8 la mémoire ? Ou plutôt permettez-moi de vous demander si vous connaissiez

9 Goran Lokas ?

10 Témoin T (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

11 Mme Residovic (interprétation). - Connaissez-vous

12 Ljerko Kostic ?

13 Témoin T (interprétation). - Ce nom me dit quelque chose, mais

14 je ne me souviens pas de son visage.

15 Mme Residovic (interprétation). - Si je vous rafraîchissais la

16 mémoire, si je vous demandais s'il est vrai que par la suite il est devenu

17 responsable des enquêteurs qui interrogeaient les prisonniers, si je vous

18 disais cela, vous souviendriez-vous de lui ?

19 Témoin T (interprétation). - Je ne m'en souviens pas, je suis

20 désolé. Je me rappelle de quelqu'un qui s'appelait Kuhar, et de quelqu'un

21 qui était, lui aussi, un homme relativement âgé, qui travaillait au

22 ministère des Affaires intérieures, mais je ne me les rappelle pas

23 exactement.

24 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous, Monsieur, que la

25 commission d'enquête sur les prisonniers a déterminé également à quelles

Page 6812

1 catégories ces différents prisonniers appartenaient ?

2 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

3 Mme Residovic (interprétation). - Saviez-vous également que,

4 tout au début, la commission a libéré à peu près cinquante détenus qui ne

5 possédaient pas d'armes et qui n'avaient aucun lien avec les barrières

6 érigées dans la ville ?

7 Témoin T (interprétation). - Autant que je m'en souvienne, il y

8 avait deux petits-enfants qui avaient été libérés et des gens âgés, mais

9 je ne me souviens pas du chiffre.

10 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous que cela avait été

11 fait par la commission qui interrogeait ces personnes ?

12 Témoin T (interprétation). - Oui.

13 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Vous avez parlé hier,

14 et j'essaierai de citer le procès-verbal, d'histoires, de rumeurs qui

15 couraient dans la ville concernant Delalic. On avait dit qu'il avait été

16 responsable de Prozor et de Konjic. C'est ce que vous avez dit ?

17 Témoin T (interprétation). - Oui.

18 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous entendu dire par

19 M. Mucic que Delalic est devenu par la suite commandant du groupe

20 tactique n° 1 et de ces autres personnes également ?

21 Témoin T (interprétation). - Ce sont d'autres personnes qui me

22 l'ont dit. Je ne sais pas si c'est Zdravko Mucic qui me l'a dit. Je ne

23 m'en souviens pas.

24 Mme Residovic (interprétation). - Toutefois, sans doute avez-

25 vous entendu parler Zdravko Mucic qui aurait dit qu'il connaissait assez

Page 6813

1 bien Hazim Delalic parce qu'avant la guerre ils avaient travaillé tous les

2 deux en Autriche ? Est-ce exact ?

3 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

4 Mme Residovic (interprétation). - Lorsque vous vous êtes

5 entretenu avec Mucic, vous avez parlé du fait qu’on pouvait discuter sans

6 aucune gêne avec M. Delalic, qu'il était plus proche de lui que d'autres

7 et qu'il pensait que M. Zejnil Delalic voulait bien l'aider s'il le

8 pouvait. Est-ce bien exact ?

9 Témoin T (interprétation). - Voulez-vous répéter la question ?

10 Mme Residovic (interprétation). - Lors de vos conversations avec

11 M. Mucic, avez-vous entendu dire que, pour certaines choses, il pouvait

12 parler sans problème avec M. Delalic ? Et qu’il était sûr que, si

13 M. Delalic pouvait faire quelque chose pour l'aider, il le ferait sans

14 aucun doute ? Est-ce ce que vous a dit M. Mucic ?

15 Témoin T (interprétation). - Non.

16 Mme Residovic (interprétation). - Dans cette salle d'audience,

17 vous avez dit que vous aviez vu M. Delalic deux fois à Celebici : une fois

18 lors d'une fête et une fois quand il était dans le bureau de M. Mucic.

19 Voulez-vous me dire si vous étiez, oui ou non, présent vous-même dans le

20 bureau où se trouvaient M. Mucic et M. Delalic ?

21 Témoin T (interprétation). - Non.

22 Mme Residovic (interprétation). - Alors vous n'avez jamais été

23 présent lors de ces

24 conversations ?

25 Témoin T (interprétation). - Non.

Page 6814

1 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce vrai que vous avez dit

2 que vous avez vu pour la deuxième fois M. Delalic à une fête ? Je vous

3 demande maintenant s’il s’agit d’une fête qui a eu lieu dans la deuxième

4 quinzaine du mois d'août, fête où un serment solennel a été prêté, où les

5 membres de la Défense territoriale ont prêté un serment solennel. S'agit-

6 il de cela ?

7 Témoin T (interprétation). - Oui.

8 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce vrai qu'à cette époque

9 les soldats de la Défense territoriale de Konjic faisaient la déclaration

10 solennelle devant le commandant Salim Ram* ?

11 Témoin T (interprétation). - Oui.

12 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce vrai que pendant cette

13 fête, M. Delalic est venu d'Igman pour saluer les soldats présents ?

14 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas s'il arrivait

15 d'Igman, je ne me souviens pas.

16 Mme Residovic (interprétation). - Mais il s'agit là de la

17 deuxième fois que vous avez vu M. Delalic. Est-ce vrai ?

18 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est vrai.

19 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur T, dans votre

20 déclaration aux enquêteurs, dans votre pays de résidence, vous avez dit

21 que la caserne de Celebici représentait une installation gigantesque où

22 l'on pouvait héberger jusqu'à 10.000 soldats. Est-ce exact ?

23 Témoin T (interprétation). - Non, j'ai dit que jusqu'à

24 10.000 personnes pouvaient être hébergées, détenues.

25 Mme Residovic (interprétation). - Dans cette salle d'audience,

Page 6815

1 vous avez dit, autant que vous vous en souveniez, que dans la prison de

2 Celebici il y avait au total 120 à 150 prisonniers et qu'on les hébergeait

3 dans trois immeubles seulement. Avez-vous dit cela ?

4 Témoin T (interprétation). - Oui.

5 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous dire si je dis la

6 vérité en disant que les lieux où étaient ces détenus représentaient moins

7 de 5 % de toute la superficie de la caserne ?

8 Témoin T (interprétation). - Je ne sais pas.

9 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que ce serait moins de

10 5 %, cette petite superficie que vous évoquez ? Moins de 5 % par rapport à

11 cet endroit où vous avez dit qu'on pouvait héberger jusqu'à

12 10.000 personnes ?

13 Témoin T (interprétation). - Oui.

14 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Monsieur T, vous avez

15 dit également à l'enquêteur que, dans cette énorme caserne, il y avait

16 beaucoup d'autres installations. Est-ce exact ?

17 Témoin T (interprétation). - Je ne comprends pas. De quelles

18 installations parlez-vous ?

19 Mme Residovic (interprétation). - Des entrepôts de la Défense

20 territoriale, du groupe tactique où on réparait et emmagasinait les armes.

21 Est-ce exact ?

22 Témoin T (interprétation). - Oui.

23 Mme Residovic (interprétation). - Dans cette salle d'audience,

24 vous avez dit aussi qu'il y avait beaucoup de gens qui venaient et

25 partaient de la caserne pour toutes sortes de raisons. Est-ce vrai ?

Page 6816

1 Témoin T (interprétation). - Oui.

2 Mme Residovic (interprétation). - Je voudrais revenir un peu en

3 arrière, à la déclaration que vous avez faite à la police de votre pays de

4 résidence et aussi à l'enquêteur du bureau du Procureur.

5 Est-il exact que le représentant du parquet fédéral vous a

6 informé que l'interrogatoire, qui avait lieu avec vous, se faisait au nom

7 du Tribunal international ?

8 Témoin T (interprétation). - Oui.

9 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact également,

10 Monsieur T, que lorsqu’il

11 vous a informé de certaines accusations qui pesaient contre vous, c'est-à-

12 dire le meurtre de Zeljko Milosevic, il vous a dit, je cite : "Des

13 éléments de preuve, en possession du Tribunal à l'heure actuelle,

14 indiquent que cela n'est pas vrai." ?

15 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est ce qu'il m'a dit.

16 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact qu'à la suite de

17 cela vous vouliez toujours discuter de certaines choses ?

18 Témoin T (interprétation). - Oui, rien n'avait changé, j'étais

19 tel qu’auparavant.

20 Mme Residovic (interprétation). - Je voudrais vérifier certaines

21 choses. A l’époque, aux enquêteurs du Tribunal, vous avez dit que vous

22 vous étiez inscrit à la police militaire du conseil de la défense croate

23 et que vous aviez passé trois mois là-bas. Ensuite, à l'audience vous avez

24 dit que vous avez commencé par être avec la Défense territoriale. Est-ce

25 exact ?

Page 6817

1 Témoin T (interprétation). - Oui, parce que je me suis trompé.

2 J'ai été d'abord avec la TO et après je me suis rendu à la police du HVO.

3 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact, Monsieur T, que

4 tout de suite après avoir donné cette réponse, lorsque l'enquêteur vous a

5 posé la question : "Au moment de faire votre demande auprès de la police

6 militaire, s'agit-il là d'une espèce de mobilisation ou de votre choix ?",

7 vous avez répondu que c'était votre choix.

8 Témoin T (interprétation). - Oui.

9 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact également que

10 vous ayez répondu qu'à cette époque la police militaire était connue sous

11 le nom de HVO ?

12 Témoin T (interprétation). - Oui.

13 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que vous avez

14 présenté des raisons pour expliquer votre inscription auprès de la police

15 militaire, raisons que vous avez répétées devant cette Chambre ?

16 Témoin T (interprétation). - Oui, c'est exact.

17 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact qu'à cette époque

18 vous avez dit que vous deviez connaître des gens, qu'il fallait avoir des

19 contacts afin de faciliter l'inscription avec la police militaire ?

20 Témoin T (interprétation). - Oui.

21 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact que vous avez

22 évoqué un ancien ami qui était décédé et qui vous aurait aidé à vous

23 inscrire ?

24 Témoin T (interprétation). - Oui, Malden Pehar.

25 Mme Residovic (interprétation). - Est-il vrai que l'on vous a

Page 6818

1 donné, à cette époque aussi, un fusil automatique ?

2 Témoin T (interprétation). - Oui.

3 Mme Residovic (interprétation). - Et que vous aviez un bout de

4 tissu avec l'inscription HVO sur votre uniforme ?

5 Témoin T (interprétation). - Non. Lorsque je me suis rendu à la

6 police du HVO, j'ai reçu ces insignes. Jusque là, j'avais été avec le TO.

7 Mme Residovic (interprétation). - Est-il vrai qu'à cette époque,

8 comme aujourd'hui, vous avez déclaré que le commandant de la police du HVO

9 vous a fait envoyer au camp de Celebici par votre commandant

10 Zeljko Brekalo ?

11 Monsieur T, vous êtes-vous trompé en répondant à toutes ces

12 questions ?

13 Témoin T (interprétation). - Non.

14 Mme Residovic (interprétation). - Alors, Monsieur T, vous vous

15 êtes donc rendu à Celebici comme membre de la police militaire de HVO ?

16 Est-ce exact ?

17 Témoin T (interprétation). - Oui.

18 Mme Residovic (interprétation). - Donc, au début de la guerre,

19 vous n'étiez pas membre de la Défense territoriale ?

20 Témoin T (interprétation). - J'ai dit qu’au début j'étais membre

21 du TO et qu’après je

22 suis passé à la police du HVO. Car, à cette époque, la police du HVO

23 assurait la garde de Celebici, donc j'étais membre du HVO.

24 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur T, je ne veux pas

25 vous induire en erreur avec...

Page 6819

1 Témoin T (interprétation). - J'ai répondu de façon véridique :

2 d’abord la mobilisation à la Défense territoriale et après le transfert à

3 la prison de Celebici ; c'est ce que j'ai répondu.

4 Mme Residovic (interprétation). - La guerre en Bosnie a commencé

5 le 6 avril, date de la déclaration de l’indépendance de la Bosnie. Puis,

6 le 9 avril, la Bosnie-Herzégovine a déclaré la mobilisation. Le procès-

7 verbal contient toutes vos déclarations et toutes vos réponses. Je pense

8 que nous pourrons voir si vous avez dit la vérité ou non et je vous en

9 remercie.

10 Témoin T (interprétation). - Je vous en remercie.

11 Mme Residovic (interprétation). - Merci.

12 M. le Président (interprétation). – En avez-vous terminé avec le

13 témoin ?

14 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je l’ai remercié. J'en ai

15 terminé avec mon contre-interrogatoire. Je vous en remercie beaucoup.

16 M. le Président (interprétation). - Droit de réplique ?

17 Mme McHenry (interprétation). – Je demande que les déclarations

18 du témoin au bureau du Procureur et au représentant fédéral soient reçues

19 pour montrer la manière dont on a accepté ou pas ce témoin.

20 M. Jan interprétation). – Je ne comprends pas ce que veut dire

21 Madame McHenry.

22 Mme McHenry (interprétation). - A plusieurs occasions, et même

23 si le témoin a répondu : "trois ou quatre mois" et que par la suite il a

24 dit : "Je ne sais plus exactement, c'était entre les mois de septembre,

25 d’octobre et de novembre", ce type de réponse... Par exemple, un autre

Page 6820

1 conseil de la défense avait dit qu'il n'avait jamais parlé de M. Landzo

2 auparavant. Mais, quand on regarde la déclaration, on dit que l’on n’a

3 jamais posé une question concernant le nom d’un garde

4 ou de quelqu’un que l’on a maltraité. Ce serait pertinent pour le contre-

5 interrogatoire.

6 Donc on ne demande pas la vérité, mais -dans la mesure où chacun

7 des conseils de la défense a utilisé cette déclaration afin d’essayer de

8 récuser le témoin- je pense que cette Chambre a déjà décidé qu’il est tout

9 à fait normal que chacune des parties demande que la déclaration soit

10 versée.

11 Je ne sais pas s’il s’agirait d’une corroboration, mais pour ce

12 qui concerne les questions posées par M. Ackerman, je crois que

13 l'accusation a le droit de montrer ce qu'on lui a demandé et ce qu’on ne

14 lui a pas demandé. Pour tous les autres membres du conseil de la défense

15 qui ont pris des extraits de ce qu’ont dit d’autres parties, elle donne

16 plus d'explications, plus d'éclaircissements, concernant ce qu'on lui a

17 demandé. C'est tout à fait pertinent dans la mesure où il a été récusé.

18 Ce n'est pas pour corroborer, mais c'est parce qu’à plusieurs

19 reprises les conseils de la défense ont essayé de le récuser. Or, souvent,

20 le témoin a dit : "J'ai dit ceci ou cela". A d'autres moments, peut-être

21 aurait-il donné des éclaircissements. Mais je crois qu’il n’est que juste

22 que les Juges aient les deux versions. Au fond, ce n’est pas pour chercher

23 la vérité.

24 M. le Président (interprétation). - J'apprécie ce que vous

25 dites, je comprends ce que vous dites. Mais au moment de la présentation

Page 6821

1 de la déclaration, votre obligation est de demander pourquoi cela a été

2 présenté. Et, ici, c'était aux fins de récusation. Alors, cela aurait du

3 être fait ! Mais si tout ce que vous faites maintenant c’est de proposer

4 que ce soit versé au dossier comme élément de preuve, alors vous devrez

5 dire pourquoi.

6 Mme McHenry (interprétation). - Je pense que même le conseil de

7 la défense admettra qu’on le lui a montré, qu’ils ont parlé en détail de

8 la déclaration aux fins de récusation.

9 Même le conseil de la défense devrait admettre que c'est aux

10 fins de récusation plutôt que d'interrompre le rythme du contre-

11 interrogatoire. Je pensais qu'il serait plus efficace et plus courtois

12 d'attendre la fin pour demander que ces déclarations soient versées au

13 dossier.

14 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il une objection à ce

15 que l'on verse au dossier

16 la déclaration, car tout cela a été utilisé de façon efficace lors du

17 contre-interrogatoire ?

18 M. Ackerman (interprétation). - D'abord, j'objecte à ces

19 pratiques répétées qu'a Mme McHenry de témoigner quant au contenu du

20 document et de choses de ce type-là.

21 Elle vient de parler du contenu de la déclaration devant la

22 Chambre. Je crois que cela est irrégulier, car elle continue au cours de

23 ses objections de dire ce qu’elle veut que le témoin dise ; elle vous dit

24 ce qu'elle croit figurer dans la déclaration.

25 M. le Président (interprétation). - Il ne faut pas interpréter

Page 6822

1 maintenant. Si vous vous souvenez bien, lorsque vous avez mené vôtre

2 contre-interrogatoire, quand vous lui demandiez de nier certaines choses

3 dans la déclaration qu'il avait faite, je vous ai demandé de lui poser ces

4 questions-là, les choses qui selon vous il serait susceptible de

5 reconnaître ou de nier.

6 C'était sur cette base-là que l'on aurait pu récuser le témoin.

7 Mais étant donné que tout a déjà été fait et que la déclaration ne

8 représentait qu'un contexte pour vôtre contre-interrogatoire, je crois que

9 cela mérite que ce soit versé au dossier.

10 M. Ackerman (interprétation). - Au nom de M. Landzo, je voudrais

11 dire que je n'ai pas d’objection à ce que vous voyiez la déclaration, à ce

12 que vous preniez note en la lisant qu’on lui a posé des questions quant

13 aux noms de certains gardes. Il a répondu qu’il ne pouvait pas se souvenir

14 parce que cela remontait trop loin.

15 M. le Président (interprétation). - A en juger par le procès-

16 verbal, nous pourrons voir si la déclaration indique les choses dont il se

17 souvient ou pas.

18 M. Moran (interprétation). - Je n'ai pas d’objection, mais c’est

19 pour indiquer la raison pour laquelle elle n'a pas été récusée. Si je veux

20 lui poser des questions concernant des déclarations incohérentes…

21 M. le Président (interprétation). - Je crois que c'est une façon

22 assez difficile d'expliquer pourquoi cela a été versé au dossier.

23 M. Moran (interprétation). - Il est tout à fait juste, selon les

24 règles de ce Tribunal,

25 d'avoir la déclaration, non pas pour juger de la vérité des déclarations,

Page 6823

1 mais tout simplement pour montrer la véracité. Et c’est pour ces fins

2 limitées que nous n'objectons pas.

3 M. le Président (interprétation). - C'est la seule raison pour

4 laquelle on pourrait le faire.

5 M. Moran (interprétation). - Je comprends cela, Monsieur le

6 Président. Mais à en juger par la déclaration de Mme McHenry, cela me

7 semble un peu plus large que cela.

8 M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas qu'elle ait

9 pensé à autre chose.

10 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je

11 voudrais m'associer à mes collègues. C'est-à-dire que la demande

12 d'adopter* a été présentée de façon très limitée. Nous avons déjà parlé de

13 ces déclarations qui contiennent des faits qui ne figurent ni dans

14 l’interrogatoire principal, ni dans une discussion devant la Chambre. Nous

15 ne parlons pas de ces déclarations comme étant des éléments de preuve pour

16 prouver les faits.

17 J'ai demandé une expurgation que la Chambre n'a pas acceptée.

18 Mais si cette situation se perpétue à l'avenir, on pourrait peut-être dire

19 qu'une partie de ces déclarations doit être ajustée pour correspondre au

20 but utilisé en les versant au dossier.

21 M. Olujic (interprétation). - Nous n'avons rien à ajouter. Nous

22 nous associons à ce qu'ont déjà dit nos collègues. Merci.

23 Mme McHenry (interprétation). - Merci.

24 M. le Président (interprétation). – Merci beaucoup. Je pense que

25 nous allons recevoir les déclarations versées.

Page 6824

1 M. Jan (interprétation). - Il ne s'agit pas d'éléments de preuve

2 matériels.

3 Mme McHenry (interprétation). - Cela est exact. Madame et

4 Messieurs Les Juges, l'accusation pense que le Greffe a déjà les versions

5 serbo-croates. Et voilà, les versions en anglais.

6 M. le Président (interprétation). - Sans les déclarations, il y

7 aurait un manque d’impartialité.

8 Mme McHenry (interprétation). - Parfois quand je pose une

9 question, souvent j'essaie d'expliquer la question, mais je ne souhaite

10 pas présenter maintenant des éléments de preuve.

11 M. le Président (interprétation). - Ce que l'on contestait,

12 traitait du contenu du document en réponse à toute question posée.

13 Mme McHenry (interprétation) - Il est tout à fait normal que les

14 conseils, que ce soit de l'accusation ou de la défense, comme vient de le

15 faire M Ackerman, expliquent pourquoi ils demandent à la Chambre

16 d'accepter que le document soit versé.

17 M. Greaves (interprétation). - Juste avant la pause, dans toutes

18 les juridictions anglaises, on dit que les éléments de preuve viennent du

19 témoin et non pas du banc des conseils.

20 Ma collègue, Mme McHenry, demande toujours la courtoisie. Je

21 suis d'accord avec le fait que l'on doit toujours poser des questions et y

22 répondre de façon courtoise.

23 M. le Président (interprétation). - Je crois que c'est la fin du

24 témoignage de ce témoin.

25 Le témoin peut maintenant disposer.

Page 6825

1 M. Turone (interprétation). - Nous avons un témoin. Je ne sais

2 pas s'il est en train d’arriver ou s’il est déjà là. Mais nous avons nos

3 témoins.

4 M. le Président (interprétation). - Nous l'entendrons à

5 16 heures 30. Merci.

6 La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 30.

7 M. le Président (interprétation). - Monsieur Turone, je crois

8 que c'est vous qui allez maintenant vous occuper du témoin. Nous appelons

9 M. Rajko Draganic, notre témoin suivant.

10 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

11 M. le Président (interprétation). – Le témoin peut-il prêter

12 serment ?

13 M. Draganic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

14 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez vous asseoir.

16 M. Turone (interprétation). – Puis-je commencer ?

17 M. le Président (interprétation). - Oui.

18 M. Turone (interprétation). - Merci. Bonjour, Monsieur.

19 M. Draganic (interprétation). - Bonjour à vous.

20 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous décliner votre

21 identité ?

22 M. Draganic (interprétation). - Je m'appelle Rajko Draganic.

23 M. Turone (interprétation). - Quelle est votre date de

24 naissance ?

25 M. Draganic (interprétation). – Le 28 septembre 1952 à Brdjani

Page 6826

1 Konjic.

2 M. Turone (interprétation). - Quelle est votre appartenance

3 ethnique ?

4 M. Draganic (interprétation). - Je suis serbe.

5 M. Turone (interprétation). - Monsieur Draganic, quelle est

6 votre formation ? Quel a été votre parcours scolaire ?

7 M. Draganic (interprétation). - J'ai terminé l’école secondaire.

8 Je suis menuisier et puis j'ai travaillé également dans la construction,

9 sur des machines-outils.

10 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous préciser quelle

11 fut votre profession au début de 1992 ?

12 M. Draganic (interprétation). - Je travaillais en Libye, dans la

13 construction.

14 M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu une période au cours

15 de laquelle vous êtes

16 revenu à Brdjani ?

17 M. Draganic (interprétation). - Je suis revenu à Brdjani

18 le 28 avril 1992.

19 M. Turone (interprétation). – Monsieur Draganic, est-ce que

20 Brdjani était un village composé d'une majorité de Serbes ? Pouvez-vous

21 nous parler de la composition ethnique de Brdjani ?

22 M. Draganic (interprétation). - Il y avait 70 % de Serbes et

23 30 % de Musulmans.

24 M. Turone (interprétation). - Merci. Comment décririez-vous les

25 relations entre les Serbes et les Musulmans dans le village de Brdjani au

Page 6827

1 moment où vous y êtes arrivé, fin avril 1992 ?

2 M. Draganic (interprétation). - On pouvait déjà sentir que la

3 guerre se préparait, certains entretenaient de bonnes relations, certains

4 autres pas. Nous avions tous peur les uns des autres. Et puis après, le

5 pire est arrivé, le pire qui aurait pu arriver s’est produit. Mais jusqu'à

6 cette guerre, les relations étaient assez bonnes.

7 M. Turone (interprétation). – Y avait-il des négociations entre

8 les Serbes et les Musulmans dans votre village à l'époque ?

9 M. Draganic (interprétation). - Le 10 mai, j'étais chez moi.

10 Nous étions convenus de nous retrouver à la maison de Mehmed Bukvic ; nous

11 avons rédigé un PV de la réunion disant que nous ne nous toucherions pas

12 les uns et les autres, que tout irait bien. Puis, quand je suis arrivé

13 chez moi, les coups de feu ont éclaté et c’est à ce moment-là que l’on

14 s’est retiré à Bradina ; c’est à ce moment-là que la guerre a éclaté.

15 M. Turone (interprétation). - Qu'avez-vous fait du procès-verbal

16 de cette négociation ?

17 M. Draganic (interprétation). - Eh bien, croyez-moi, je ne sais

18 vraiment pas ce qu'il est advenu de ce procès-verbal. Je ne l'ai pas

19 signé, donc je ne peux pas vous en dire quoi que ce soit.

20 M. Turone (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite, après

21 la date du 10 mai ?

22 M. Draganic (interprétation). - Nous, nos femmes et nos enfants,

23 nous nous sommes

24 rendus à Bradina parce que Bradina était essentiellement peuplée de

25 Serbes. Nous pensions être plus en sécurité. Ensuite, le 25, Bradina a été

Page 6828

1 attaquée. Bradina est tombée le 26 très rapidement et bien sûr, nous nous

2 sommes retirés. Je suis parti à Brdjani, chez moi. Nous avons rendu nos

3 armes. Les Musulmans nous ont dit de rendre nos armes et qu'ils ne nous

4 feraient pas de mal. C'est ce que nous avons fait. On est allé au village,

5 on a rendu nos armes, on a signé et on est rentré chez nous.

6 Nous sommes restés chez nous pendant 10 à 15 jours, personne ne

7 nous a dérangés, jusqu'au 15 juin, au moment où ils sont arrivés et ils

8 ont dit que nous devions aller à Podarasac dans une grande cour de

9 récréation, pour faire des déclarations. En tout cas, ils ont dressé la

10 liste de nos noms, ils nous ont mis dans un camion et nous ont emmenés à

11 Celebici ?

12 M. Turone (interprétation). - Revenons à la période au cours de

13 laquelle vous étiez à Bradina. Vous nous parliez d'une arme ; vous aviez

14 donc une arme à cette époque ? Est-ce bien cela ?

15 M. Draganic (interprétation). - Correct.

16 M. Turone (interprétation). - Quel type d'arme possédiez-vous ?

17 M. Draganic (interprétation). - Un fusil M-48.

18 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui vous

19 avait remis cette arme ?

20 M. Draganic (interprétation). - C'est Zivak Stradina* qui

21 m'avait remis cette arme.

22 M. Turone (interprétation). - Est-ce que d'autres personnes

23 avaient reçu une arme à cette même occasion ?

24 M. Draganic (interprétation). - Tout le monde en avait déjà.

25 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire pour quelle

Page 6829

1 raison ces armes avaient été distribuées ?

2 M. Draganic (interprétation). - Tout le monde avait peur que le

3 pire advienne et les gens disaient : "Surveillez votre maison, si jamais

4 quelqu'un l'attaquait", et c'est ce qui s'est passé, malheureusement. Cela

5 s'est passé pour moi, comme ça. Donc j'ai connu cette terrible

6 tragédie. Cela n'aurait jamais dû se produire, mais cela s'est produit.

7 M. Turone (interprétation). - Bien sûr.

8 Monsieur Draganic, vous nous dites avoir remis cette arme. A qui

9 l'avez-vous remise ?

10 M. Draganic (interprétation). - A mon voisin Agan Ramic et

11 quelqu'un qui s'appelait Djiber* était là. Je ne connais pas son nom, mais

12 Agan Ramic était mon voisin ; nous travaillions ensemble dans la même

13 entreprise.

14 M. Turone (interprétation). - Et vous êtes rentré à Brdjani.

15 C'est à ce moment-là, n'est-ce pas ?

16 M. Draganic (interprétation). - Oui.

17 M. Turone (interprétation). - Après que vous étiez rentré à

18 Brdjani ?

19 M. Draganic (interprétation). - Oui.

20 M. Turone (interprétation). - Vous nous disiez, il y a quelques

21 instants, qu'à partir du 15 juin, vous avez été arrêté et emmené à

22 Celebici. Pourriez-vous nous expliquer les circonstances de votre

23 arrestation, le 15 juin ?

24 M. Draganic (interprétation). - Bon... Le 14 juin, mon père est

25 arrivé chez moi en disant que Agan avait dit que je devais renvoyer la

Page 6830

1 clef de ma voiture à la TO.

2 M. Turone (interprétation). - Monsieur Draganic, ralentissez un

3 peu, s'il vous plaît.

4 M. Draganic (interprétation). - Oui. Mon père donc est venu chez

5 moi le 14 juin, dans la soirée, et il m'a dit que je devais rendre mes

6 clefs de voiture parce que Agan les voulait.

7 Entre-temps, un de mes amis, un Musulman, Sefik Perja* -nous

8 avions travaillé ensemble en Libye-, m'a dit : "Rajko, donne-moi tes clés,

9 je m'occuperai de ta voiture". Alors j'ai dit cela à mon père. Mon père

10 est parti pour se rendre au village parce que ma maison était assez

11 isolée. Mon père est revenu et il m'a dit : "Donne-moi les clefs".

12 Alors j'ai envoyé mon fils aîné à Podarac pour retrouver Sefik,

13 puisque celui-ci était déjà parti. Ensuite, Cefik est venu dans une

14 voiture avec deux autres personnes en uniforme. Je ne

15 les connaissais pas. Je me suis rendu au village. Nous avons donné la clef

16 à Agan et à Asco Sultan*, et à d'autres que je ne connais pas. Donc je

17 leur ai donné les clefs et ils m'ont dit que je les traitais mal. "Nous

18 nous attendons à ce que les Chetniks nous tuent à n'importe quel moment".

19 Et j'ai répondu qu'il n'y avait pas de Chetniks ici. Et Agan a dit :

20 "Demain, tu iras à Celebici". Et, effectivement, le 15 juin, j'étais chez

21 moi, j'allais me rendre au café afin de retrouver Perja Cevic* et

22 (Pozacoc* ?). Mon fils aîné est venu à ma poursuite. Il m'a dit : "Papa,

23 Agan a dit que tu devais te rendre dans la cour de récréation, à

24 Podarasac".

25 Quand j'y suis arrivé, j'ai vu qu'il y avait pas mal de gens qui

Page 6831

1 étaient là, qui étaient arrivés du village, et Spago est arrivé. Il a dit

2 que je devais faire une déclaration concernant cette voiture, qu'il avait

3 besoin de ma voiture.

4 Alors j'ai signé ce document,. Puis, il a dit : "Allez là-bas,

5 près de ce camion". Il y avait d'autres personnes du village qui y

6 étaient. Ensuite, ils nous ont enregistrés et nous sommes montés dans ce

7 camion. Lorsque nous avons tous été dans le camion, ils nous ont conduits

8 à Celebici.

9 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire

10 approximativement combien de personnes se trouvaient dans ce camion qui

11 s'est rendu à Celebici ?

12 M. Draganic (interprétation). - Soixante à soixante-quatre

13 personnes.

14 M. Turone (interprétation). - Vous a-t-on dit pourquoi on vous

15 arrêtait ?

16 M. Draganic (interprétation). - Non.

17 M. Turone (interprétation). - Dites-nous à peu près à quelle

18 heure vous êtes arrivés à Celebici, ce 15 juin ?

19 M. Draganic (interprétation). - Nous sommes arrivés vers

20 11 heures, 11 heures 30 ou midi.

21 M. Turone (interprétation). - 11 heures et demie du matin ?

22 M. Draganic (interprétation). - Oui, du matin.

23 M. Turone (interprétation). - Ces camions se sont-ils arrêtés à

24 l'intérieur du camp ou à

25 l'entrée principale du camp ?

Page 6832

1 M. Draganic (interprétation). - A l'intérieur du camp, devant le

2 commandement.

3 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous dire à la Cour, en

4 détail, ce qui vous est arrivé juste après votre arrivée à Celebici ?

5 M. Draganic (interprétation). - Lorsque nous y sommes arrivés,

6 les camions se sont arrêtés. Ils ont relevé la bâche, nous sommes sortis.

7 Au moment de sortir, on nous a demandé de mettre les mains derrière notre

8 tête, de nous aligner contre un mur. Ils ont tiré des coups de feu au-

9 dessus de nos têtes, des rafales de coups de feu et ils nous ont laissés

10 là debout quelques moments. Ensuite, ils ont dit que nous devions faire

11 deux pas en arrière, ce que nous avons fait, et que nous devions vider nos

12 poches de tout ce que nous possédions. Certaines personnes avaient un

13 permis de conduire, des cartes d'identité ou de l'argent. Nous avions

14 enlevé nos lacets, nos ceintures.

15 Et puis l'ordre est arrivé disant que nous devions nous aligner

16 à nouveau contre le mur. C'est ce que nous avons fait. Puis l'ordre

17 suivant a été : "Que les sept premiers me suivent". Je me trouvais dans ce

18 groupe. Ils nous ont emmenés dans des trous d'homme. Ils ont ouvert un

19 trou d'homme.

20 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi de vous interrompre.

21 Avant de passer à cet épisode, revenons, si vous le voulez bien, au fait

22 que vous ayez été alignés contre le mur. S'agissait-il du mur près de

23 l'entrée du bâtiment, près du bâtiment du commandement ?

24 M. Draganic (interprétation). - 'Oui, en effet. Il y avait un

25 mur de béton d'environ trois mètres de haut entre le bâtiment du

Page 6833

1 commandement et ces trous d'homme.

2 M. Turone (interprétation). - Vous deviez vous aligner contre le

3 mur, la tête tournée vers le mur ?

4 M. Draganic (interprétation). - Oui.

5 M. Turone (interprétation). - Tous les soixante ou soixante-

6 quatre d'entre vous ?

7 M. Draganic (interprétation). - Oui, tous.

8 M. Turone (interprétation). - Vous nous parlez de coups de feu

9 ayant été tirés au-dessus de vos têtes. Est-ce bien cela ?

10 M. Draganic (interprétation). - Oui.

11 M. Turone (interprétation). - Est-ce que ces coups de feu ont

12 été tirés contre le mur ?

13 M. Draganic (interprétation). - Non, pas vers le mur, plus haut.

14 Il y avait, je ne sais pas, de la terre, du sable qui volait au-dessus de

15 nous.

16 M. Turone (interprétation). - Donc ces coups de feu ont touché

17 de la terre, de l'herbe qui se trouvait au-dessus de vos têtes. Comment

18 pouviez-vous vous en rendre compte ?

19 M. Draganic (interprétation). - Je ne sais pas quoi vous dire.

20 C'était affeux !

21 M. Turone (interprétation). - Je voudrais savoir comment vous

22 pouvez dire que les coups de feu ont été tirés dans de l'herbe ou du sable

23 qui se trouvaient au-dessus du mur.

24 M. Draganic (interprétation). - Car cette terre et ce sable nous

25 retombaient sur la tête.

Page 6834

1 M. Turone (interprétation). - Pouviez-vous voir qui étaient les

2 personnes qui tiraient ces coups de feu au-dessus de vos têtes ?

3 M. Draganic (interprétation). - Croyez-moi, je ne pouvais pas

4 les voir et je ne le sais pas. Je n'aurais pas osé me retourner.

5 M. Turone (interprétation). - Savez-vous à peu près combien de

6 personnes se trouvaient là ?

7 M. Draganic (interprétation). - Non.

8 M. Turone (interprétation). - Ces personnes criaient-elle

9 pendant qu'ils tiraient ? Disaient-elles quoi que ce soit ?

10 M. Draganic (interprétation). - Elles disaient quelque chose

11 mais, croyez moi, je ne peux pas me souvenir de ce qu'elles disaient.

12 Elles disaient des choses, mais je ne sais plus ce qu'elles disaient.

13 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous me dire à peu près

14 combien de coups de

15 feu ont été tirés à ce moment-là au-dessus de vos têtes ?

16 M. Draganic (interprétation). - Je ne sais pas. Plusieurs

17 rafales. C'étaient des rafales de coups de feu.

18 M. Turone (interprétation). - Monsieur Draganic, pendant combien

19 de temps êtes-vous restés alignés contre ce mur ?

20 M. Draganic (interprétation). - Peut-être une demi-heure, une

21 heure. Je ne sais pas. Cela m'a paru être très long. Combien cela a duré

22 exactement ? Je ne sais pas.

23 M. Turone (interprétation). - Vous nous disiez que quelqu'un

24 s'est saisi de vos documents, de vos objets de valeur. Avez-vous jamais pu

25 récupérer ces biens par la suite ?

Page 6835

1 M. Draganic (interprétation). - Non. Non, moi pas. Je ne sais

2 pas ce qu'il en est des autres. Mais quant à moi, non.

3 M. Turone (interprétation). - Bien. Je vous demande de

4 poursuivre votre récit. Dites-nous ce qui vous est arrivé juste après.

5 M. Draganic (interprétation). - Ensuite, ils nous ont emmenés

6 dans ces trous d'homme, les sept premiers. Nous sommes rentrés dans ce

7 trou d'homme de 4,5 mètres de profondeur et peut-être 1 mètre et quelque

8 de largeur. Il y avait de grosses conduites en dessous. On a passé le

9 reste de la journée là, jusqu'à 7 heures du soir.

10 Et puis quelqu'un a appelé Danilo Zelenovic et Mirko Zivak.

11 C'étaient des hommes plus âgés. Ils étaient asthmatiques et ils criaient.

12 Alors l'un des gardes a dit, je ne sais pas qui c'était : "J'aimerais bien

13 vous laisser sortir, mais je n'ose pas".

14 Ensuite, ils ont fini par relâcher Zelenovic et Mirko Zivak.

15 Nous sommes restés là jusqu'à 7 heures du soir. Ensuite, on nous a ordonné

16 de sortir de ces trous d'homme.

17 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Draganic, je

18 vous demande encore une fois de ralentir le débit de votre récit.

19 Arrêtons-nous quelques instants à cet incident dans le trou d'homme.

20 Pouvez-vous nous décrire en détail comment se présentait ce trou d'homme

21 dans

22 lequel on vous a mis ?

23 M. Draganic (interprétation). - Je vous disais que ces trous

24 d'homme sont de 4 à 4,5 mètres de profondeur et d'un mètre et quelque de

25 largeur. En bas, il y avait de grosses conduites, de gros tuyaux et des

Page 6836

1 vannes avec une espèce de roue qui permettait de les ouvrir ou de les

2 fermer. Nous sommes restés là de midi/1 heure jusqu'à 7 heures, et il y

3 avait un couvercle métallique au-dessus.

4 M. Turone (interprétation). - S'agissait-il d'un couvercle

5 métallique rond ou carré ?

6 M. Draganic (interprétation). - Il s'agissait d'un couvercle

7 métallique carré.

8 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si... Au

9 moment où vous avez été interrogé par un enquêteur du bureau du Procureur,

10 vous avez fait un dessin de ce trou d'homme. Alors, puis-je demander que

11 ce dessin soit marqué pour identification au n° 170, pièce de

12 l'accusation ? Je vais vous demander que cette pièce puisse être marquée,

13 et ensuite montrée au témoin aux fins d'identification. Je crois que les

14 conseils de la défense possèdent copie de ce document.

15 Mme le Greffier. - Ce document portera la cote 172 puisque les

16 documents qui ont été versés juste avant la pause portaient les cotes

17 170 et 171. (A VERIFIER)*

18 M. Turone (interprétation). - Peut-on placer ce dessin sur le

19 projecteur pour que tout le monde puisse le voir ? Je vous remercie.

20 Monsieur Draganic, voulez-vous jeter un coup d'oeil sur ce

21 dessin ? Le reconnaissez-vous ?

22 M. Draganic (interprétation). - Oui.

23 M. Turone (interprétation). - De quoi s'agit-il ?

24 M. Draganic (interprétation). - Il s'agit de ce trou d'homme,

25 celui dont je viens de vous parler.

Page 6837

1 M. Turone (interprétation). - Combien de prisonniers étaient

2 avec vous dans ce trou

3 d'homme ?

4 M. Draganic (interprétation). – Moi-même et six autres.

5 M. Turone (interprétation). - Dans quelle position pouviez-vous

6 vous trouvez à l'intérieur de ce trou d'homme ?

7 Etiez-vous les uns sur les autres ou trouviez-vous tous en bas ?

8 M. Draganic (interprétation). - Nous étions en bas et l'un

9 d'entre nous se trouvait sur la vanne.

10 M. Turone (interprétation). - Comment se fait-il que vous ayez

11 tous pu trouver une place dans ce trou d'homme ?

12 M. Draganic (interprétation). - Eh bien, comme ça. On était bien

13 obligé. Nous n'avions pas le choix.

14 M. Turone (interprétation). - Tout d'abord, je voudrais vous

15 demander de verser cette pièce 172 afin qu'elle soit au dossier.

16 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections ?

17 Mme McMurrey (interprétation). - Il n'y a pas d'objection de

18 notre part.

19 M. le Président (interprétation). - Pas d'objection, donc le

20 dessin de ce trou d'homme est reçu en tant que pièce à conviction n° 172.

21 M. Turone (interprétation). - Le couvercle du trou d’homme

22 était-il fermé au-dessus de vous ?

23 M. Draganic (interprétation). - Oui.

24 M. Turone (interprétation). – Pouviez-vous respirer normalement

25 dans ce trou d'homme ?

Page 6838

1 M. Draganic (interprétation). - On a pu se débrouiller parce que

2 le couvercle ne fermait pas tout à fait bien. Il y avait quelques trous

3 d'ouverture. Ils n'étaient pas totalement étanches, donc nous avions un

4 peu d'air.

5 M. Turone (interprétation). – Pouviez-vous entendre des voix de

6 l'extérieur pendant cette période où vous étiez dans les trous d'homme ?

7 M. Draganic (interprétation). - Oui, en effet.

8 M. Turone (interprétation). – Pouvez-vous nous donner quelques

9 détails sur les voix que vous avez entendues ?

10 M. Draganic (interprétation). - J'ai entendu Zelenovic Slobodan

11 et son père qui se trouvaient dans un autre trou d'homme et Zeljko Zivak

12 qui appelaient à l'aide en disant que leur père était en train d'étouffer,

13 qu'il avait des problèmes cardiaques et qu'il souffrait d'asthme et

14 demandait de l'aide. Ensuite, ils les ont sortis du trou d'homme.

15 M. Turone (interprétation). - S'agissait-il donc d'un autre

16 trou d’homme qui se trouvait tout près du vôtre ? C'est bien cela ?

17 M. Draganic (interprétation). - Je crois qu'il y avait deux ou

18 trois trous d'homme. Je ne sais pas précisément, mais il y en avait

19 plusieurs. Ils se trouvaient à l'intérieur des trous d'homme. Nous

20 pouvions les entendre lorsque nous sommes sortis. Lorsqu'on nous a ordonné

21 de sortir, nous sommes donc tous sortis et nous avons vu les autres tout

22 près.

23 M. Turone (interprétation). - Au moment où on vous a mis dans le

24 trou d'homme, avez-vous pu voir s'il y avait d'autres trous d’homme dans

25 les environs ?

Page 6839

1 M. Draganic (interprétation). - Pour autant que je m'en

2 souvienne, j'ai effectivement vu deux trous d'homme et le troisième, était

3 celui dans lequel je me trouvais moi. Je n'en suis pas absolument certain

4 parce que je n'osais pas regarder. Peut-être qu'il y en avait plus.

5 M. Turone (interprétation). - Et dans la mesure où vous avez pu

6 voir ces choses, est-ce que tous les trous d’homme qui se trouvaient dans

7 cette zone présentaient les mêmes caractéristiques que le vôtre ?

8 M. Moran (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.

9 M. Draganic (interprétation). - Je ne sais pas. Peut-être qu'il

10 y avait des trous plus

11 larges parce qu'il y avait plus de personnes qui se trouvaient à

12 l'intérieur. Peut-être qu'ils étaient utilisés aux mêmes fins, mais je ne

13 sais pas. Je suis incapable de le savoir.

14 M. Turone (interprétation). - Entendu, je vous remercie.

15 Monsieur Draganic, lorsque vous êtes sorti de votre trou, avez-

16 vous été capable de reconnaître l'un quelconque des gardes qui se

17 trouvaient là ?

18 M. Draganic (interprétation). - J'ai vu M. Delic, je n'ai vu que

19 lui. Je ne travaillais pas dans cette région-là. C'était la première fois

20 que je voyais ces gens. Et puis les autres, je ne les connaissais vraiment

21 pas du tout.

22 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites "M. Delic", est-

23 ce que vous connaissez le prénom de cette personne ?

24 M. Draganic (interprétation). - Oui, Hazim Delic.

25 M. Turone (interprétation). - Et que vous est-il arrivé juste

Page 6840

1 après cela ?

2 M. Draganic (interprétation). - Après être sorti de ce trou,

3 nous avons été alignés les uns à côté des autres, les mains au-dessus de

4 la tête et ils nous ont emmenés dans le hangar numéro 6.

5 Nous étions appuyés contre les murs du hangar et puis des

6 groupes de cinq hommes étaient emmenés à l'intérieur du hangar où l’on

7 nous indiquait l'endroit où il fallait que nous nous asseyions. Puis, moi

8 aussi j'ai été emmené à l'intérieur du hangar, nous étions assis sur du

9 béton, il n’y avait rien d’autre, nous étions à même le béton.

10 M. Turone (interprétation). – Monsieur Draganic, qui vous a dit

11 où il fallait que vous vous asseyiez ?

12 M. Draganic (interprétation). - C'était Delic. Monsieur Delic.

13 M. Turone (interprétation). - Comment saviez-vous qu'il

14 s'appelait Hazim Delic ?

15 M. Draganic (interprétation). - Eh bien, je l'ai entendu. J'ai

16 entendu quelqu'un le dire.

17 M. Turone (interprétation). – Monsieur Draganic, j'aimerais

18 maintenant que vous regardiez la maquette qui se trouve devant vous. Vous

19 pouvez-vous levez si cela est nécessaire pour

20 avoir un meilleur aperçu de cette maquette et veuillez nous dire si vous

21 reconnaissez cette maquette.

22 M. Draganic (interprétation). – Oui, je la reconnais.

23 M. Turone (interprétation). - Puis-je demander à l'huissier de

24 donner un pointeur au témoin, quelque chose avec quoi il puisse indiquer

25 ce qui se trouve sur cette maquette et j'aimerais, Monsieur, que vous

Page 6841

1 puissiez nous indiquer un certain nombre de détails. J'aimerais que vous

2 nous indiquiez ce que vous reconnaissez, par exemple l'entrée, le mur. Si

3 vous reconnaissez les éléments dont vous venez de nous parler et si vous

4 n'êtes pas tout à fait à l'aise là où vous vous trouvez, vous pouvez tout

5 à fait vous placer devant la maquette pour être plus à l'aise et mieux la

6 voir.

7 M. Draganic (interprétation). - Voici l'entrée du camp, la porte

8 d'entrée. Voici le bâtiment de commandement, l'infirmerie, le numéro 22.

9 C'est ainsi qu'on en parlait. Et voici le hangar numéro 6 où nous nous

10 trouvions.

11 L'interprète serbe (interprétation) .- Le témoin se trouve très

12 loin du micro et l'interprète peut à peine l'entendre.

13 M. Turone (interprétation). – Monsieur Draganic, s'il vous

14 plaît, pouvez-vous si c'est possible vous placer sur le côté de la

15 maquette, en tout cas essayer de vous rapprocher des micros afin que tout

16 le monde puisse mieux vous entendre ?

17 Pouvez-vous nous montrer le mur dont vous nous avez parlé tout à

18 l'heure ?

19 M. Draganic (interprétation). - Oui, il s'agit de ce mur-ci que

20 j'indique.

21 M. Turone (interprétation). – Arrivez-vous à situer sur cette

22 maquette la position des trous d’homme dont vous avez parlé ?

23 (Le témoin montre l'emplacement.)

24 M. Draganic (interprétation). - Je crois qu'il s'agit de ça, de

25 ce qu'on voit ici. Si ce sont les trous d'homme, alors oui, il s'agit bien

Page 6842

1 de cela.

2 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie, je crois que

3 vous pouvez vous rasseoir maintenant. Je vous remercie.

4 M. Draganic (interprétation). - Il n'y a pas de quoi.

5 M. Turone (interprétation). - Combien de prisonniers y avait-il

6 selon vous dans le hangar n° 6 lorsque vous y êtes entré pour la première

7 fois ?

8 M. Draganic (interprétation). - Je ne sais pas exactement. Peut-

9 être plus de 200, 250 peut-être. Je ne sais pas, je n'en suis pas certain.

10 Je ne sais pas combien de prisonniers il y avait à l'intérieur.

11 M. Turone (interprétation). - D'après-vous, est-ce que le nombre

12 de prisonniers qui se trouvaient dans le hangar n° 6 a évolué au cours de

13 votre séjour dans ce même hangar ?

14 M. Draganic (interprétation). - Je m'y suis trouvé pendant peu

15 de temps. J'y suis resté deux mois et demi et, au cours de cette période,

16 il était constamment plein. Par la suite, ils ont emmené des gens à

17 Konjic. Puis, par la suite, je suis parti, j'ai été libéré, je suis rentré

18 chez moi et je ne sais pas à ce moment-là combien de personnes sont

19 restées à l'intérieur et combien de personne il y avait après que je sois

20 parti.

21 M. Turone (interprétation). – Pouvez-vous s'il vous plaît nous

22 décrire ce hangar numéro 6 ? Quelles étaient ses caractéristiques

23 physiques ? Comment était il bâti ?

24 M. Draganic (interprétation). - Le hangar numéro 6 était un

25 garage militaire si vous voulez, un bâtiment militaire. Nous étions assis

Page 6843

1 en ligne dans le hangar, nous étions alignés, et nous étions également

2 assis le long des deux murs. Moi, j'étais assis dans la troisième ligne à

3 partir de la porte et j'étais le premier de la rangée. Et puis, à l'entrée

4 de ce hangar numéro 6, il y avait une espèce de barre qui était utilisée

5 pour stocker l'eau.

6 M. Turone (interprétation). – J’aimerais que l'on communique au

7 témoin la photocopie de la pièce de l'accusation numéro 1, page 7. Il

8 s'agit d'une carte. J'aimerais que cette pièce soit placée sur le

9 rétroprojecteur et je pense qu'il faudrait également enregistrer cette

10 pièce aux fins d'identification.

11 Non, non, les photocopies sont déjà prêtes, elles sont là. C'est

12 nous qui les avons.

13 Je vous remercie.

14 (Le document est remis au témoin.)

15 M. Turone (interprétation). - Veuillez le placer sur le

16 rétroprojecteur, je vous prie.

17 Monsieur Draganic, reconnaîssez-vous cette carte qui vous est

18 montrée ?

19 M. Draganic (interprétation). - Eh bien, il s'agit d'une carte

20 qui représente le hangar.

21 M. Turone (interprétation). - Est-ce que les prisonniers avaient

22 une place assignée à l'intérieur du hangar n° 6. Il me semble que c'est

23 cela, n'est-ce pas ?

24 M. Draganic (interprétation). - Oui, en effet.

25 M. Turone (interprétation). – Pouvez-vous nous montrer où se

Page 6844

1 trouvait l'entrée, la porte du hangar ? Voici l'entrée.

2 M. Turone (interprétation). - En vous référant à cette carte,

3 veuillez indiquer au Tribunal comment les prisonniers étaient répartis à

4 l'intérieur du hangar. Quelle était la position qu'ils occupaient ?

5 Comment étaient-ils placés à l'intérieur de ce hangar ?

6 Veuillez utiliser le rétroprojecteur qui se trouve à votre

7 droite et indiquer ces positions sur la carte.

8 M. Draganic (interprétation). - Voici l'entrée. Tout le long de

9 ce mur, il y avait la première rangée de prisonniers, ici la deuxième

10 rangée. La troisième allait de là à là, et la quatrième rangée se trouvait

11 là, elle longeait le mur. Il y avait également une rangée sur le mur

12 latéral et une rangée de là à là. Entre ces rangées, il y avait un

13 passage. On pouvait circuler.

14 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait

15 quelque chose qui contenait de l'eau. Pouvez-vous nous indiquer où se

16 trouvait cet élément dont vous avez parlé ?

17 M. Draganic (interprétation). - Oui, cela se trouvait à peu près

18 là. Cela suivait tout le mur. Il y avait comme un canal, comme un fossé

19 avec des barres.

20 M. Turone (interprétation). - Je vois. Est-ce que, vous-même,

21 vous avez toujours occupé la même position pendant toute la durée de votre

22 séjour dans le hangar n° 6 ?

23 M. Draganic (interprétation). - Par la suite, Hazim Delic m'a

24 fait changer de place dix jours avant que je sois libéré, mais avant cela

25 j'avais toujours occupé la même place.

Page 6845

1 M. Turone (interprétation). - Je vais demander à l'Huissier de

2 donner au témoin un crayon, quelque chose, qui lui permette d'indiquer sa

3 position à l'intérieur du hangar n° 6.

4 Monsieur Draganic, j'aimerais que vous indiquiez d'une croix la

5 position que vous avez occupée, votre première position à l'intérieur du

6 hangar.

7 (Le témoin inscrit une marque sur le papier.)

8 C'est la place qui est restée la vôtre jusque dix jours avant

9 votre libération ?

10 M. Draganic (interprétation). - Oui, c'est là qu'on m'a placé

11 lorsque je suis arrivé.

12 M. Turone (interprétation). - Et la place que vous avez ensuite

13 occupée, pouvez-vous nous l'indiquer ? Pouvez-vous, s'il vous plaît,

14 indiquer le chiffre n° 1 à côté de la première marque que vous avez

15 apposée, puis le chiffre n° 2 à côté de la seconde marque que vous avez

16 apposée sur cette carte. Je vous remercie.

17 Monsieur le Président, puis-je demander au témoin de garder

18 cette carte sous les yeux ? Je pense qu'il faudra peut-être y apposer un

19 certain nombre d'autres choses. Il faudra indiquer un certain nombre de

20 choses sur cette pièce tout au long de cet interrogatoire et de cette

21 déclaration.

22 Monsieur Draganic, combien de temps êtes-vous resté à

23 l'intérieur du hangar n° 6 ?

24 M. Draganic (interprétation). - J'y suis resté du 15 juin au

25 30 août 1992.

Page 6846

1 M. Turone (interprétation). - Quelles étaient les conditions de

2 vie à l'intérieur de ce hangar n° 6 ?

3 M. Draganic (interprétation). - Les conditions étaient

4 terribles. On ne peut pas parler de conditions de vie. Nous ne pouvions

5 pas nous laver. Pendant un mois, nous n'avons pas pu nous laver. Il y

6 avait beaucoup de poussière. Il faisait très très chaud. Le hangar était

7 constitué de feuilles d'aluminium. On ne peut pas parler de conditions de

8 vie.

9 M. Turone (interprétation). - Qu'en était-il de

10 l'approvisionnement en nourriture ?

11 M. Draganic (interprétation). - L'approvisionnement était

12 vraiment très mauvais. Au départ, nous recevions 100 grammes de pâté pour

13 neuf personnes et une miche de pain pour treize personnes. Puis, par la

14 suite, on nous a autorisés à recevoir des colis de nourriture envoyés par

15 nos familles, à peu près après un mois. La situation s'est un peu

16 améliorée.

17 M. Turone (interprétation). - Y a-t-il eu des laps de temps où

18 vous êtes resté sans manger pendant un certain nombre de jours à la

19 suite ?

20 M. Draganic (interprétation). - Oui, en effet, le cas s'est

21 présenté.

22 M. Turone (interprétation). - Est-ce que cela s'est produit une

23 fois ou plusieurs fois ?

24 M. Draganic (interprétation). - Cela s'est passé à plusieurs

25 reprises.

Page 6847

1 M. Turone (interprétation). - Pour ce qui est de

2 l'approvisionnement en eau potable, quelle était la situation ?

3 M. Draganic (interprétation). - Parfois il y en avait, parfois

4 il n'y en avait pas, mais d'une façon générale il y avait de l'eau

5 potable.

6 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire les

7 installations sanitaires ? Y avait-il de telles installations ? Y avait-il

8 des toilettes ? Pouviez-vous satisfaire vos besoins naturels ?

9 M. Draganic (interprétation). - Il y avait un trou creusé

10 derrière le hangar, un trou recouvert de planches. C'était cela les

11 toilettes, il n'y avait rien d'autre.

12 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire quelles

13 étaient les installations pour dormir ? Comment dormiez-vous ?

14 M. Draganic (interprétation). - Nous dormions sur ce que nous

15 avions, peut-être un blouson ou ce qu'il y avait. Certaines personnes ont

16 reçu des couvertures de leurs proches ou de leur famille. Nous dormions

17 parfois sur des pulls, mais la plupart du temps nous dormions à même le

18 béton. Il n'y avait pas de lits.

19 M. Turone (interprétation). - Donc vous dites qu'on vous a mis

20 dans le hangar n° 6 le jour même de votre arrivée, c'est-à-dire le

21 15 juin, et que vous y avez été mis après être resté dans le

22 trou. Cela s'est passé vers quelle heure à peu près ?

23 M. Draganic (interprétation). - Vers 19 heures.

24 M. Turone (interprétation). - Et au cours des heures qui ont

25 suivi, au cours des jours qui ont suivi, que s'est-il passé ? Pouvez-vous

Page 6848

1 nous le dire ?

2 M. Draganic (interprétation). - Dans les heures qui ont suivi,

3 après notre arrivée dans le hangar, tout a été tranquille. Il ne s'est

4 rien passé cette nuit-là. Le jour suivant, donc le 16 juin, ils ont amené

5 Scepo Gotovac. Je crois que M. Delic avait un papier à la main. Il est

6 arrivé et a demandé : "Est-ce que vous connaissez Untel et Untel ?". Il

7 parlait de deux personnes. Gotovac a répondu : "Oui, je les connais".

8 Delic a dit : "Tu t'en rappelles, tu les a tués en 1942 !". Gotovac a

9 répondu : non, qu'il ne savait pas. Ils ont commencé à le battre.

10 M. Turone (interprétation). - Quand vous dites : "Ils ont

11 commencé à le battre", à qui faites-vous référence ?

12 M. Draganic (interprétation). - Je crois qu'il s'agissait de

13 M. Delic et de Zenga. C'est lui qui le battait. Et puis il y avait deux

14 autres personnes, mais elles, je ne les connaissais pas. Je ne connaissais

15 pas les noms de ces personnes.

16 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel

17 moment de la journée cela s'est produit ?

18 M. Draganic (interprétation). - Cela s'est passé le 16 juin,

19 vers 13 heures 30, 14 heures.

20 M. Turone (interprétation). - Ce passage à tabac a-t-il eu lieu

21 à l'intérieur du hangar ?

22 M. Draganic (interprétation). - En effet, ils l'ont frappé

23 d'abord à l'intérieur. Ils l'ont emmené à l'extérieur. Par la suite, il

24 était incapable... Je veux dire qu'il avait été frappé. Delic ou Zenga -je

25 ne me rappelle plus très bien- a dit qu'il fallait que deux personnes

Page 6849

1 viennent et le ramènent à l'intérieur en le portant. Ils l'ont porté à

2 l'intérieur du hangar. Zenga lui a appliqué un insigne du SDS sur le

3 front.

4 Il était là et puis, au cours de la soirée, ils sont revenus.

5 Ils l'ont à nouveau sorti du hangar et c'est là qu'il a été frappé à

6 l'extérieur du hangar. Avant cela Zenga est entré, puis il a retiré

7 l'insigne du SDS de son front et il a dit : "Vous savez de quoi il

8 s'agit ? Savez-vous de quel signe il s'agit ? Nous sommes restés

9 silencieux, nous n'avons rien dit.

10 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Draganic,

11 quelle position occupait M. Gotovac lorsqu'il était assis à l'intérieur du

12 hangar ?

13 M. Draganic (interprétation). - Monsieur Gotovac était assis

14 face à moi lorsqu'il est arrivé ce jour-là. Il était assis en face de moi.

15 M. Turone (interprétation). - Donc il était tout proche de vous,

16 n'est-ce pas ?

17 M. Draganic (interprétation). - Il était assis ici, devant moi.

18 M. Turone (interprétation). - Vous nous parliez de Zenga il y a

19 un instant. Qui est Zenga ?

20 M. Draganic (interprétation). - Je sais que son nom de famille

21 est Landzo, mais je ne le connaissais pas avant de le rencontrer là.

22 M. Turone (interprétation). - Quel était son rôle, s'il avait un

23 rôle particulier ?

24 M. Draganic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne sais pas

25 quel était son rôle.

Page 6850

1 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit qu'après voir été

2 battu à l'intérieur du hangar, M. Gotovac avait été sorti de ce hangar.

3 Qu'avez-vous entendu à partir du moment où il se trouvait à l'extérieur ?

4 M. Draganic (interprétation). - Nous avons entendu le bruit des

5 coups. Nous l'avons entendu crier, hurler, gémir.

6 M. Turone (interprétation). - Et combien de temps cela a-t-il

7 duré ?

8 M. Draganic (interprétation). - Cela a duré un bon moment, dix

9 minutes, un quart-d'heure, une éternité. Quand on est en situation

10 d'attente, on a toujours l'impression que cela dure très longtemps. Je ne

11 sais pas très bien combien de minutes se sont écoulées, combien de temps

12 cela a

13 duré.

14 M. Turone (interprétation). - Savez-vous qui a ramené M. Gotovac

15 à l'intérieur du hangar ?

16 M. Draganic (interprétation). - C'est Todor Zelenovic et une

17 autre personne, les personnes qui se trouvaient dans la première rangée,

18 près de la porte. Ce sont eux qui l'ont ramené.

19 M. Turone (interprétation). - Est-ce que quelqu'un a appelé ces

20 deux prisonniers pour leur demander d'aller chercher M. Gotovac et de le

21 ramener dans le hangar ?

22 Mme McMurrey (interprétation). - Objection, Monsieur le

23 Président. La question a été posée et a reçu réponse. Il a dit qu'il ne

24 savait pas s'il s'agissait de Delic ou de Zenga.

25 M. Turone (interprétation). - Je m'excuse, en effet, peut-être

Page 6851

1 que oui. Peut-être a-t-il effectivement dit cela. Est-ce que Gotovac est

2 retourné à la place qu'il occupait, à côté de vous ?

3 M. Draganic (interprétation). - Cette fois-ci, lorsqu'il est

4 revenu, il s'est assis ici dans cette partie du hangar, près de ce mur-là.

5 (Le témoin indique l'emplacement.)

6 M. Turone (interprétation). - Vous dites que lorsqu'il est

7 revenu dans le hangar, il s'est assis là ?

8 M. Draganic (interprétation). - Il était allongé.

9 M. Turone (interprétation). - A quelle distance se trouvait-il

10 par rapport à vous ?

11 M. Draganic (interprétation). - Disons à deux ou trois mètres de

12 moi.

13 M. Turone (interprétation). - Pouvez-vous décrire quel était son

14 état lorsqu'il est revenu dans le hangar ?

15 M. Draganic (interprétation). - Il avait été battu. Il n'était

16 pas en état de s'asseoir. Il était allongé et il réclamait de l'eau. Mais

17 nous n'avions pas d'eau à lui donner, il n'y en avait pas.

18 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment-là déjà il

19 avait quelque chose qui était placé sur son front ?

20 M. Draganic (interprétation). - Oui, oui, c'était au début.

21 M. Turone (interprétation). - Qui a épinglé cet insigne sur son

22 front ?

23 Mme McMurrey (interprétation). - Objection ! Ceci a déjà été

24 posé et a reçu réponse.

25 M. Draganic (interprétation). - Zenga.

Page 6852

1 Mme McMurrey (interprétation). - Objection !

2 M. Turone (interprétation). - Monsieur le Président, pour que

3 tout soit bien clair, je voulais savoir avec quoi cet insigne avait été

4 épinglé sur le front.

5 M. Draganic (interprétation). - Il s'agissait d'une épingle à

6 nourrice. Comment le décrire ? Je crois qu'il y a un dessin, j'en ai fait

7 une esquisse. J'ai décrit cet objet.

8 M. Turone (interprétation). - Oui, nous allons y venir, mais

9 avant cela pouvez-vous décrire cet insigne, ce badge ?

10 M. Draganic (interprétation). - C'était un badge rond. Il était

11 bleu, rouge et blanc et il y avait le signe "SDS" avec un D au milieu.

12 M. Turone (interprétation). - Je demande que ce dessin soit

13 enregistré aux fins d'identification. Je demande ensuite qu'on le présente

14 au témoin.

15 M. le Président (interprétation). - Quel est exactement

16 l'objectif de ce document ? Quel est votre objectif, Maître Turone ?

17 M. Turone (interprétation). - Le témoin était suffisamment près

18 de cette personne pour décrire l'objet qui avait été épinglé sur son

19 front.

20 Mme le Greffier. - Il s'agit du document 173.

21 (Le document est remis au témoin.)

22 M. Turone (interprétation). - Monsieur Draganic, veuillez

23 regarder ce dessin et nous dire si vous le reconnaissez ?

24 M. Draganic (interprétation). - Oui, je le reconnais.

25 M. Turone (interprétation). - Que représente-t-il ?

Page 6853

1 M. Draganic (interprétation). - Eh bien, c'est l'insigne du SDS.

2 M. Turone (interprétation). - Je demande que ce document soit

3 versé au dossier, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation). - (Hors micro.)

5 M. Turone (interprétation). - Oui, 173, Monsieur le Président,

6 en effet.

7 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

8 M. Turone (interprétation). - Vous avez dit qu'à un moment

9 donné, Zenga avait retiré ces badges. Mais avant cela, est-ce que qui que

10 ce soit, un des prisonniers, a essayé de retirer le badge du front de

11 M. Gotovac ?

12 M. Draganic (interprétation). - Non, personne n'a essayé,

13 personne n'osait faire cela.

14 M. Turone (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment-là

15 M. Gotovac saignait ? Avait-il des ecchymoses sur le visage, sur le

16 corps ?

17 M. Draganic (interprétation). - Nous n'avons pas vu. Il portait

18 des vêtements lorsqu'il a été frappé, et je n'ai rien vu de tel.

19 M. Turone (interprétation). - Pourriez-vous nous dire à peu près

20 à quel moment de la journée M. Landzo est venu retirer le badge du front

21 de M. Gotovac ?

22 M. Draganic (interprétation). - Peut-être vers 17 heures,

23 18 heures.

24 M. Turone (interprétation). - Est-il arrivé quelque chose

25 d'autre à M. Gotovac par la suite ?

Page 6854

1 M. Draganic (interprétation). - Par la suite, au cours de la

2 soirée, ils l'ont à nouveau sorti et là ils l'ont à nouveau frappé.

3 M. Turone (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Draganic,

4 pouvez-vous nous dire qui l'a fait sortir du hangar ?

5 M. Draganic (interprétation). - Je crois que c'étaient les mêmes

6 deux personnes,

7 Todor* et puis l'autre, parce que lui n'était pas capable de sortir tout

8 seul. Ils l'ont battu et jeté à nouveau dans le hangar. Il est resté

9 allongé là.

10 M. Turone (interprétation). - Monsieur Draganic, pourquoi est-ce

11 que ces deux prisonniers ont sorti M. Gotovac du hangar ? Quelqu'un leur

12 en a-t-il donné l'ordre ?

13 M. Draganic (interprétation). - Quelqu'un a appelé Gotovac, lui

14 a dit de sortir. Il n'était pas capable de sortir par lui-même. Je crois

15 que Zenga ou Delic, je ne sais plus lequel des deux, a dit : "Il faut que

16 les deux personnes les plus proches de la porte le fassent sortir et le

17 portent". Comme ils se trouvaient dans la première rangée, qui était

18 immédiatement à côté de la porte, ils l'ont pris dans leurs bras et l'ont

19 transporté à l'extérieur.

20 M. Turone (interprétation). - Pour le compte rendu, est-ce que

21 la pièce 173 a été acceptée ?

22 (Le Président acquiesce.)

23 M. Turone (interprétation). - Je vous remercie.

24 Lorsqu'on a dit à M. Gotovac de sortir et lorsqu'il a été emmené

25 dehors pour la deuxième fois de la journée, au cours de la soirée, savez-

Page 6855

1 vous quelle heure il était approximativement ?

2 M. Draganic (interprétation). - Disons qu'il était 20 heures 30,

3 21 heures... Je ne sais pas exactement. C'était le crépuscule, il ne

4 faisait pas encore tout à fait nuit. Ils l'ont appelé. On l'a porté parce

5 qu'il ne pouvait pas sortir par lui-même. Il a été frappé. Puis,

6 évidemment, une fois que cela a été terminé, il s'est mis à crier.

7 Ensuite, il s'est tu. On l'a retransporté à l'intérieur du hangar et c'est

8 là qu'il est mort.

9 M. le Président (interprétation). - Je crois, Monsieur Turone,

10 que nous allons interrompre l'audience ici et nous reprendrons mardi.

11 M. Turone (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, je

12 vous remercie.

13 M. le Président (interprétation). - L'audience de mardi

14 commencera à 11 heures.

15 L'audience est levée à 17 heures 30.

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25