Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 3 décembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

5 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

6 Messieurs. Peut-on faire entrer le témoin, s'il vous plaît ?

7 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

8 Peut-on procéder aux comparutions ? Maître Niemann ?

9 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

10 Madame et Monsieur les Juges. Je comparais avec mes collègues, Me McHenry,

11 Me Dixon et Me Khan, au nom de l'accusation.

12 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Les

13 conseils de la défense peuvent-ils se présenter ?

14 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le

15 Président, Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle Edina Residovic. Je

16 défends M. Zejnil Delalic, en compagnie de mon confrère,

17 Me Eugène O’Sullivan, professeur au Canada.

18 M. Olujic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

19 Juges. Je m'appelle Zeljko Olujic. Je représente Zdravko Mucic, avec mon

20 confrère, Me Greaves, avocat au Royaume-Uni.

21 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

22 Juges. Bonjour, Monsieur le Président. Je m’appelle Salih Karabdic. Je

23 suis avocat à Sarajevo. Je comparais pour la défense de M. Hazim Delic, en

24 compagnie de mon confrère Thomas Moran, avocat à

25 Houston au Texas.

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1 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

2 Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle John Ackerman. Je comparais

3 avec ma consoeur, Me McMurrey au nom de M. Esad Landzo.

4 Mme Residovic (interprétation). - Avant que le témoin ne prête

5 serment, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, je voudrais

6 vous soumettre un petit problème qui a surgi. Me le permettez-vous ?

7 M. le Président (interprétation). - Laissons le témoin prêter

8 serment et ensuite nous vous entendrons, Maître Residovic.

9 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

10 M. le Président (interprétation). - Veuillez faire prêter

11 serment au témoin ; qu’il lise la déclaration qui se trouve sous ses yeux.

12 M. Economides. - Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

15 Maître Residovic, je vous en prie.

16 Mme Residovic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

17 après le contre-interrogatoire du Pr. Economides, nous aimerions savoir

18 quelles seront les procédures qui suivront.

19 Nous savons que l'accusation a déposé une requête pour la

20 citation à comparaître d'un autre témoin expert. En tant que conseil de la

21 défense, nous élevons une objection à cette requête. Nous pensons que le

22 Tribunal devrait se prononcer sur cette requête. Ces requêtes devraient

23 être débattues avant que le témoin de Slovénie n'apparaisse. Nous nous

24 opposons également à de telles pratiques parce que nous sommes obligés de

25 décider et de trancher de telles questions alors que le témoin se trouve

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1 déjà en ces lieux, dans les locaux du Tribunal.

2 J'espère donc que lorsque nous en aurons terminé du contre-

3 interrogatoire du Pr. Economides, nous obtiendrons une décision de la Cour

4 portant sur cette requête.

5 M. le Président (interprétation). - Nous n'y manquerons pas.

6 Suite au contre-interrogatoire, la Chambre se prononcera sur la requête.

7 Maître Niemann, je vous en prie, vous pouvez interroger votre

8 témoin.

9 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je vous

10 rappelle que l'interrogatoire principal est maintenant terminé. C'est au

11 contre-interrogatoire de procéder.

12 M. O’Sullivan (interprétation). - Les contre-interrogatoires se

13 dérouleront dans l’ordre suivant : d’abord les conseils de la défense de

14 M. Mucic, ensuite ceux de M. Delic, puis les conseils de la défense de

15 M. Landzo, enfin les conseils de la défense de M. Delalic.

16 M. Greaves (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me

17 le permettez.

18 Professeur Economides, nous sommes dans la première semaine du

19 mois de décembre 1997. Pour vous, le 1er décembre a marqué un jour

20 important dans votre carrière, n'est-ce pas ? Vous rappelez-vous ce que

21 représente cette date pour votre carrière ?

22 M. Economides. - Le 1er décembre ? C’est mon anniversaire, c'est

23 une grande date. Le 1er décembre peut représenter quelque chose, mais je

24 ne vois pas quoi actuellement !

25 M. Greaves (interprétation). - Si je peux vous le rappeler,

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1 c'est le jour, en 1956, au cours duquel vous avez soutenu votre thèse

2 devant un jury de professeurs de l'université de Strasbourg.

3 M. Economides. - C'est un détail, pour moi, actuellement.

4 M. Greaves (interprétation). - Bien sûr. Le sujet de la thèse,

5 que vous avez choisi de défendre, était la question chypriote et le droit

6 des peuples à disposer d'eux-mêmes.

7 M. Economides. - Exactement.

8 M. Greaves (interprétation). - Peut-on en tirer la conclusion

9 qu'au cours des 41 années qui ont suivi cette thèse, le sujet de

10 l’autodétermination des peuples a été l'un de ceux

11 qui ont occupé le centre de votre carrière et de vos recherches ?

12 M. Economides (interprétation). - Je ne dirai pas le centre,

13 mais c'est une question qui m'a toujours intéressé. Lorsque j'étais jeune,

14 cette question me passionnait vraiment. Depuis lors, j'ai suivi la

15 question, mais elle n'était pas vraiment au centre de mes préoccupations

16 scientifiques.

17 M. Greaves (interprétation). - Vous soutenez toujours tout ce

18 que vous avez pu écrire dans le cadre de votre thèse ?

19 M. Economides (interprétation). - Je crois que oui.

20 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie.

21 Professeur, j'aimerais maintenant aborder avec vous les travaux

22 de la Commission de Venise dont vous êtes membre, n'est-ce pas ? Je crois

23 que le nom exact de la commission est Commission européenne pour la

24 Démocratie par le Droit, n'est-ce pas exact ?

25 M. Economides (interprétation). - Tout à fait.

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1 M. Greaves (interprétation). - En fait, il s'agit là d'un organe

2 du Conseil de l'Europe, n'est-ce pas ?

3 M. Economides (interprétation). - Oui.

4 M. Greaves (interprétation). - Aidez-nous, s'il vous plaît, à

5 être tout à fait clair sur la question ! Comment devient-on membre de

6 cette commission ? Comment est-on nommé à ce poste ou invité à y

7 participer ?

8 M. Economides (interprétation). - D'abord, il faut une

9 déclaration du gouvernement qui veut participer aux travaux de la

10 Commission de Venise. Donc la décision, au départ, est une question

11 gouvernementale, une participation du gouvernement, aux travaux de la

12 commission. C'est le gouvernement lui-même qui nomme son représentant.

13 Moi, j'ai été nommé deux fois -parce que j'ai fait mon second mandat au

14 sein de cette commission- par le ministre des Affaires étrangères de

15 Grèce.

16 M. Greaves (interprétation). - En relation avec les travaux dont

17 vous nous avez parlés lors de votre précédent témoignage, cette commission

18 a produit, lors de sa réunion du mois de septembre 1996, une déclaration

19 qui était accompagnée d'un rapport explicatif ?

20 M. Economides (interprétation). - Oui, tout à fait.

21 M. Greaves (interprétation). - Le Conseil de l'Europe lui même,

22 c'est-à-dire en fait l'organisation mère de cette commission, a proposé un

23 projet de convention portant sur la nationalité, n'est-ce pas ?

24 M. Economides (interprétation). - Oui, mais ces deux choses ne

25 sont pas liées. Ce sont deux choses différentes.

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1 La Commission de Venise a fait son projet de déclaration, que

2 vous venez de mentionner, suivi d'un exposé des motifs et d'un rapport de

3 base.

4 Le Conseil de L'Europe travaillait depuis très longtemps, bien

5 avant la création de la Commission de Venise, sur la question de la

6 nationalité. Il vient de terminer une convention internationale sur cette

7 question qui est une oeuvre du Conseil de l'Europe, et qui n'a aucune

8 relation avec la Commission de Venise, et sa déclaration concernant la

9 succession d'Etat.

10 M. Greaves (interprétation). - Je vois.

11 Pour que tout soit clair, le Conseil de l'Europe est composé de

12 quelque quarante Etats, mais la Bosnie-Herzégovine n'en fait pas partie,

13 ainsi non plus que la République fédérale de Yougoslavie. Est-ce bien

14 exact ?

15 M. Economides (interprétation). - Tout à fait. Pas encore.

16 M. Greaves (interprétation). - Pas encore. De fait, certainement

17 lorsque la situation se sera un peu apaisée et que tout le monde sera

18 satisfait, l'invitation leur sera proposée de faire partie de cet organe.

19 Mais n'est-il pas vrai que la Bosnie-Herzégovine a préparé et participé à

20 l'élaboration de cette convention européenne, à l'invitation du Conseil de

21 l'Europe ?

22 M. Economides (interprétation). - C'est est fort possible parce

23 que quelques Etats

24 participaient aussi à cette commission à titre d'observateurs. Il est fort

25 possible que la Bosnie-Herzégovine soit un des Etats qui aient participé à

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1 l'élaboration de cette convention, mais de la place d'un observateur.

2 M. Greaves (interprétation). - Est-il également exact que ce

3 traité sera ouvert à la signature des pays qui ne sont pas membres du

4 Conseil de l'Europe, mais des Etats qui seront invités par le Comité des

5 ministres à porter leur signature sur ce traité, s'ils le désirent ?

6 M. Economides (interprétation). - Oui, la convention, de par son

7 objet, doit être ouverte à tous les Etats, au plus grand nombre d'Etats.

8 Sans doute, il y a une telle procédure qui permet au Conseil des ministres

9 d'éviter tel ou tel Etat et d'adhérer à la convention pour obtenir le

10 maximum d'acceptation de la convention, du moins sur le plan européen.

11 M. Greaves (interprétation). - Professeur, un éclaircissement

12 s'il vous plaît. Quel est le statut actuel de la convention européenne sur

13 la nationalité ? Cette convention a-t-elle été proposée à la signature des

14 Etats membres ?

15 M. Economides. - Elle a été ouverte à la signature des Etats

16 membres. Actuellement, on est en train de la signer. Elle n'est pas encore

17 entrée en vigueur, d'après mes informations.

18 Pour entrer en vigueur, il faut un certain nombre de

19 ratifications. Nous n'avons pas encore atteint ce stade. Mais, c'est une

20 convention signée, ouverte à la signature, qui va devenir une convention

21 qui sera mise en application d'ici quelque temps. Mais, je ne peux pas

22 prévoir ce délai actuellement.

23 M. Greaves (interprétation). - Nous abordons maintenant les

24 travaux de la Commission du droit international, dont vous êtes membre

25 également. Cette commission travaille, elle aussi, sur le sujet de la

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1 nationalité dans le contexte de la succession d’Etat, n'est-ce pas ?

2 M. Economides. - Oui.

3 M. Greaves (interprétation). - Au mois de juillet 1997, elle a

4 établi un rapport contenant non seulement un certain nombre de

5 commentaires sur ce même sujet, mais également de propositions, de projets

6 d'articles, portant sur ce même sujet du droit international.

7 M. Economides. - Tout à fait.

8 M. Greaves (interprétation). - Ce projet prend la forme en fait

9 d'un projet de traité sur la nationalité dans le cadre de la succession

10 d’Etat, n'est-ce pas ?

11 M. Economides. - Ce n'est pas encore décidé. La tendance de la

12 commission, lors de la session de cette année, était plutôt de faire un

13 projet de déclaration. Mais, après discussion, on a dit qu'il était

14 prématuré de prendre une décision sur la forme. Donc, cela pourrait

15 éventuellement être aussi une convention. Mais je crois que cela sera

16 décidé bien plus tard.

17 Pour le moment, on a un projet d'article. Mais nous ne savons

18 pas si ce sera un projet de déclaration ou de convention.

19 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie infiniment.

20 J'allais vous demander par quelle procédure ce document pouvait devenir un

21 traité, une convention. Il y a eu une première lecture. Est-ce la bonne

22 façon de parler de ce qui s'est produit ?

23 M. Economides. - Tout à fait. Il y a une première lecture. C'est

24 le premier stade. Après cela, les gouvernements vont émettre des remarques

25 sur le projet.

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1 La Commission de droit international va recevoir toutes les

2 remarques des gouvernements. Elle va alors réexaminer tous les projets sur

3 la base des remarques de l'Etat. Puis, ces projets vont être adoptés en

4 seconde lecture.

5 Une fois le projet adopté en seconde lecture, il est renvoyé à

6 l'Assemblée générale des Nations Unies, qui va décider si ce projet

7 deviendra une convention internationale. Dans un tel cas, l'Assemblée

8 générale des Nations Unies va convoquer une conférence internationale

9 spécialement pour transformer ce projet en convention internationale.

10 Donc, il faut encore beaucoup de temps pour que nous arrivions à

11 l'adoption d'une convention internationale, si nous adoptons une telle

12 convention. Beaucoup de personnes soutiennent qu'il faut que ce projet se

13 transforme simplement en projet de déclaration.

14 Si vous voulez une estimation concernant le temps, je puis vous

15 dire que la Commission du droit international va examiner ce projet en

16 seconde lecture en 1999. La question reviendra à l'Assemblée générale en

17 l'an 2000. A partir de là, nous verrons le sort qui sera réservé à ce

18 projet.

19 M. Greaves (interprétation). - Vous avez anticipé un peu mes

20 prochaines questions concernant justement les délais de l'adoption de ce

21 projet de traité. Nous parlons donc du XXIème siècle, n'est-ce pas ? Ce

22 n'est pas avant que ce projet prendra une forme définitive.

23 M. Economides. - (Hors micro.)

24 En effet.

25 M. Greaves (interprétation). - Je vais faire une petite

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1 digression. Je vais vous parler de la convention de Vienne de 1978 portant

2 sur la succession d'Etat. Vous connaissez bien cette convention, n'est-ce

3 pas ?

4 M. Economides. - Oui.

5 M. Greaves (interprétation). - Cette convention est-elle

6 toujours en vigueur ou doit-elle encore recueillir un certain nombre de

7 signataires pour pouvoir s'appliquer ?

8 M. Economides. - (Inaudible)

9 M. Greaves (interprétation). - Merci.

10 Professeur Economides, pour ce qui est du travail de la

11 Commission du droit international, lors de votre dernier témoignage, vous

12 avez dit que de, temps en temps, la Cour internationale de Justice se

13 réfère aux travaux de la Commission du droit international. Même si, pour

14 l'instant, nous n'en sommes qu'à la première lecture de ces travaux, vous

15 rappelez-vous avoir dit cela ?

16 M. Economides. - Oui.

17 M. Greaves (interprétation). - Précisément, pour ce qui est de

18 ces projets d'article dont nous avons parlés ce matin, y a-t-il eu des

19 affaires présentées dans le cadre de cette Cour internationale de Justice

20 où ces travaux ont été mentionnés, soit pour être confirmés, soit pour

21 être infirmés ?

22 M. Economides. - Pour la succession d'Etat, je ne pense pas que

23 la Cour internationale de Justice ait cité quoi que ce soit provenant de

24 la Commission de droit international. Mais, pour la question de la

25 responsabilité internationale, pour d'autres questions, qui sont toujours

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1 en voie de codification devant la Commission de droit international. La

2 cour est arrivée à citer les travaux de la Commission de Droit

3 international ; mais pas pour la succession d'Etat, que je sache. Il faut

4 dire aussi que, concernant la question de la succession d'Etat, c'est la

5 première année que la Commission de Droit international s'occupe de cette

6 question. Aucune affaire devant la Cour internationale de Justice pourrait

7 susciter un certain intérêt pour que les travaux déjà en cours soient

8 éventuellement, éventuellement je répète, cités.

9 M. Greaves (interprétation). - Professeur Economides, la tâche

10 de la Commission de Droit international est double, n'est-ce pas ? Elle

11 doit tout d'abord codifier le droit qui a déjà été mis en place pour ce

12 qui est du droit international en la matière. Ensuite, elle doit assurer

13 la mise en place de l'élaboration du droit à venir, n'est-ce pas ?

14 M. Economides. - Tout à fait.

15 M. Greaves (interprétation). - Donc, en fait, lorsqu'un ensemble

16 de projets, d'articles, est élaboré, il s'agit du résultat de ces deux

17 objectifs. Il s'agit précisément de codifier ce qui est en fait passé dans

18 la pratique du droit international et également de rassembler les

19 propositions, formulées par des personnes telles que vous, pour obtenir ce

20 qui doit être le droit à l'avenir, n'est-ce pas ?

21 M. Economides. - Tout à fait.

22 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie infiniment.

23 J'en viens à la question de la nationalité, à la définition de

24 ce terme, dans le contexte du droit international.

25 Diriez-vous que la définition, traditionnelle, classique, du

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1 terme nationalité est celle qui apparaît dans l'affaire Nottebohm de

2 1955 ?

3 M. Economides. - Oui.

4 M. Greaves (interprétation). - Je vais me permettre de

5 rafraîchir votre mémoire sur la teneur de cette affaire, concernant la

6 définition du terme nationalité. Préférez-vous que je vous donne la

7 version française ou anglaise de cette affaire ? Qu'est-ce que qui vous

8 serez le plus utile ?

9 M. Economides. - Oui.

10 M. Greaves (interprétation). - "Selon la pratique des Etats, les

11 décisions arbitrales et judiciaires, les opinions doctrinales, la

12 nationalité est un lien juridique ayant à sa base un fait social de

13 rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de

14 sentiments joints à une réciprocité de droits et de devoirs. Elle est,

15 peut-on dire, l'expression juridique du fait que l'individu, auquel elle

16 est conférée, soit directement par la loi, soit par un acte de l'autorité,

17 est, en fait, plus étroitement rattaché à la population de l'Etat qui lui

18 confère qu'à celle de tout autre Etat.

19 Conférer par un Etat, elle ne lui donne titre à la protection

20 vis-à-vis d'un autre Etat que si elle est la traduction, en terme

21 juridique, de l'attachement de l'individu considéré à l'Etat qui en a fait

22 son national.".

23 C'est, n'est-ce pas, la déclaration de droit qui a été faite

24 dans le cadre de cette affaire ?

25 M. Economides. - C’est la définition la plus complète, la plus

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1 correcte, de la nationalité, que je connaisse.

2 M. Greaves (interprétation). - Et c'est la définition qui a été

3 utilisée en tant que fondement pour l’ensemble des travaux des deux

4 commissions dont vous êtes membres, n'est-ce pas ?

5 M. Economides. - Oui.

6 M. Greaves (interprétation). - Connaissez-vous le manuel

7 anglais : Droit international d'Oppenheim ? Connaissez-vous cet ouvrage ?

8 C'est un ouvrage de référence, n'est-ce pas ?

9 M. Economides. - Tout à fait.

10 M. Greaves (interprétation). - Cet ouvrage cite précisément et

11 confirme la déclaration de l'affaire Nottebohm. La nationalité d'un

12 individu est en fait sa qualité à être le sujet, le ressortissant, d'un

13 certain Etat.

14 M. Economides. - Oui.

15 M. Greaves (interprétation). - J'aimerais vous soumettre cette

16 proposition, Professeur, pour ce qui concerne le sujet de la nationalité.

17 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est clairement

18 établi, au niveau du droit, que la question de savoir qui est ou qui n'est

19 pas ressortissant d'un Etat particulier est une question qui doit être

20 tranchée par le droit interne de ce même Etat ? Cette question doit être

21 résolue sous réserve des pratiques du droit interne de cet Etat et par les

22 règles du droit international ?

23 M. Economides. - Je suis tout à fait d'accord avec vous. C’est

24 le droit interne qui désigne les ressortissants de cet Etat. C'est une

25 compétence étatique qui relève de la souveraineté de chaque Etat de

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1 déterminer quels sont ses nationaux. Mais cette détermination doit se

2 faire selon le droit international, vous venez d’ailleurs de le dire, sous

3 réserve de la concordance et de l'accord avec les règles de droit

4 international. C'est une compétence étatique, mais qui peut être soumise à

5 un certain contrôle d’accords et avec les règles du droit

6 international.

7 M. Greaves (interprétation). - Cette proposition a été faite

8 en 1923 dans le cadre des décrets sur la nationalité émis en Tunisie et au

9 Maroc. Ils apparaissent dans un certain nombre de traités. C'est un

10 principe qui a été réaffirmé de nombreuses fois, n'est-ce pas ? C'est bien

11 la forme que prend le droit actuellement sur ce sujet, n'est-ce pas ?

12 C'est bien ainsi qu'il en va !

13 C’est à l'Etat national de déterminer quelles sont les règles

14 qui s'appliquent en matière de nationalité. Les conséquences de cela,

15 c'est qu'il ne revient à aucune agence extérieure de dire à un Etat qui

16 sont où qui ne sont pas ses ressortissants, n'est-ce pas ?

17 M. Economides. - En principe, vous avez raison. Mais, dans

18 l'affaire Nottebohm, la nationalité qui a été conférée par le

19 Liechtenstein n'a pas été acceptée par le Guatemala. Un Etat qui n'a pas

20 accepté une décision gouvernementale conférant la nationalité.

21 A la suite de cette opposition, il y a eu un différend juridique

22 entre le Liechtenstein et le Guatemala qui a été porté devant la Cour

23 internationale de Justice. Celle-ci a donné raison, non pas à l’Etat

24 national, mais au gouvernement qui s'est opposé à la reconnaissance de la

25 nationalité du Liechtenstein.

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1 Votre remarque est juste. C'est l'Etat qui donne la nationalité.

2 Mais cela n'est pas, dans tous les cas, incontestable. Cela peut être

3 contesté et même renversé. Cela dépend si le droit interne, lorsqu'il a

4 été appliqué pour donner la nationalité à quelqu'un, est conforme au droit

5 international.

6 Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la tendance générale,

7 pertinente, qui est que l'Etat donne la nationalité à ses ressortissants.

8 Mais il y a des exceptions.

9 M. Greaves (interprétation). - Je reviendrai à l'affaire

10 Nottebohm dans quelques instants.

11 Mais je voudrais traiter d'une autre question, Professeur. Etes-

12 vous d'accord avec

13 moi pour dire que le droit établit clairement que lorsqu'il y a succession

14 d'Etat et qu'elle entraîne la dissolution de l'Etat prédécesseur, la

15 nationalité de l'Etat prédécesseur cesse d'exister ?

16 M. Economides. - Incontestablement.

17 M. Greaves (interprétation). - Par conséquent, dans un cas ou

18 dans le cas de l'ex-Yougoslavie, qui s'appelait la République socialiste

19 fédérative de Yougoslavie, lorsqu'elle a été dissolue, la nationalité de

20 la République socialiste fédérative de Yougoslavie a également disparu.

21 M. Economides. - Oui, lorsque la dissolution a été effectuée, la

22 nationalité de l'ex-Yougoslavie, par la force des choses, a disparu, mais

23 j’ai dit lorsque la dissolution a été rendue, et est opérationnelle. C'est

24 une question particulière.

25 M. Greaves (interprétation). - Je ne vais pas vous demander de

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1 nous dire la date exacte. Je crois que c'est à d'autres d'établir cette

2 date.

3 Vous nous avez dit, lors de votre dernière visite, les moyens

4 par lesquels des personnes peuvent acquérir la nationalité, des moyens

5 reconnus par le droit international. En fait, vous avez mentionné trois

6 moyens. Puis-je vous rafraîchir la mémoire et vous répéter ce que vous

7 nous avez dit ?

8 Il y a d'abord le jus soli. Il s'agit d'obtenir la nationalité

9 par la naissance, je crois que c'est cela.

10 M. Economides. - Par la naissance sur un certain sol.

11 M. Greaves (interprétation). - Puis il y avait le jus sanguinis

12 qui, en termes généraux, veut dire que vous obtenez votre nationalité de

13 vos parents, de votre famille.

14 M. Economides. - Oui.

15 M. Greaves (interprétation). - Troisième moyen que vous avez

16 mentionné, c'est la naturalisation, une pratique bien connue, par laquelle

17 vous demandez à devenir le ressortissant d'un Etat particulier qui peut

18 vous accepter.

19 M. Economides. - Oui.

20 M. Greaves (interprétation). - Le livre d'Oppenheim parle de

21 deux moyens supplémentaires d'octroi de la nationalité ou d'obtention de

22 la nationalité. Je me demande si vous allez les accepter.

23 Tout d'abord, il s'agit de la réobtention d'une nationalité que

24 vous aviez auparavant. S'agit-il, selon vous, d'un moyen d'obtenir la

25 nationalité ?

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1 M. Economides. - Oui, cela existe, mais sur un autre plan. C'est

2 un moyen auxiliaire qui a un caractère plus ou moins exceptionnel.

3 D'ailleurs, je dois préciser que les trois exemples que j'ai donnés n’ont

4 pas été cités pour épuiser tous les cas. Il y a le mariage et encore

5 d'autres cas. Ce sont les exemples les plus frappants. Certainement, il y

6 a d'autres cas. Je suis a priori d'accord avec Oppenheim et d'autres

7 personnes qui donnent une liste complète du cas d'acquisition de la

8 nationalité.

9 M. Greaves (interprétation). - Je n'essaie pas de vous piéger,

10 Professeur, ne croyez surtout pas cela. Je veux simplement que vous

11 sachiez qu'il y a d'autres moyens. C'est quelque chose que je veux

12 souligner pour l'intérêt de tous.

13 Par le passé, la nationalité était obtenue par certaines

14 personnes parce que leur territoire était soit annexé, soit cédé à un

15 autre Etat.

16 M. Economides. - Oui.

17 M. Greaves (interprétation). - Je vous remercie, Professeur.

18 Dans l'affaire Nottebohm, à laquelle j'ai dit que je reviendrai,

19 il est intéressant de regarder les faits afin de pouvoir comprendre la

20 nature du lien effectif- je crois que c'est le terme exact utilisé- afin

21 de décrire le lien de nationalité. En tout cas dans les deux commissions

22 dont vous faites partie, c'est exact, n'est-ce pas ? C'est la formulation

23 type : "le lien effectif" ?

24 M. Economides. - Oui.

25 M. Greaves (interprétation). - M. Nottebohm était allemand de

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1 naissance. Avant

2 les quelques années qui ont précédé la Deuxième guerre mondiale, il avait

3 établi une entreprise au Guatemala. Vous vous en souvenez ?

4 M. Economides. - Oui.

5 M. Greaves (interprétation). - En 1939, lorsque les nuages de la

6 guerre ont assombri l'Europe, M. Nottebohm a pensé que cela aurait un

7 impact très important sur son entreprise. Il a demandé la citoyenneté du

8 Liechtenstein.

9 M. Economides. - Oui, tout à fait.

10 M. Greaves (interprétation). - A ce moment-là, il n'avait pas de

11 lien véritable avec le Liechtenstein, à part avec un frère qui y avait

12 vécu un certain temps, n'est-ce pas ?

13 M. Economides. - Oui.

14 M. Greaves (interprétation). - Ayant obtenu la nationalité du

15 Liechtenstein, il est reparti et a continué à procéder à ses affaires,

16 notamment en Allemagne et au Guatemala. Puis, le Guatemala a déclaré la

17 guerre à l'Allemagne. Il est devenu pour le Guatemala un ennemi, n'est-ce

18 pas ?

19 M. Economides. - Oui.

20 M. Greaves (interprétation). - Ils ont donc décidé de ne pas

21 tenir compte du fait qu'il avait apparemment acquis la nationalité du

22 Liechtenstein.

23 M. Economides. - Oui.

24 M. Greaves (interprétation). - Lorsqu'il a été déporté aux

25 Etats-Unis, il a perdu tous ses biens. Après cela, le Liechtenstein a

Page 9259

1 entamé une procédure afin qu'il puisse récupérer ses biens, n'est-ce pas ?

2 M. Economides. - Oui.

3 M. Greaves (interprétation). - Etes-vous d'accord avec la

4 proposition suivante : l'aspect le plus important de la formulation "lien

5 effectif" ou "lien véritable" est la résidence habituelle ?

6 M. Economides. - Oui.

7 M. Greaves (interprétation). - Ce n'est pas le seul point

8 important, mais les écrivains de référence le considèrent comme étant le

9 principe ou le critère principal du lien effectif, n'est-ce pas ?

10 M. Economides. - Oui, tout à fait.

11 M. Greaves (interprétation). - Mais il serait également

12 convenable de considérer aussi le lieu de naissance, le lieu de

13 l'éducation, les intérêts commerciaux, la carrière, la participation à la

14 vie publique, le lieu de vote et ce genre de choses, n'est-ce pas, et des

15 affaires de famille également ?

16 M. Economides. - Tout à fait.

17 M. Greaves (interprétation). - Ces critères pourraient être

18 utilisés comme dans l'affaire Nottebohm pour déterminer de quel pays une

19 personne est ressortissant et de quel pays elle ne l’est pas ?

20 M. Economides. - Oui.

21 M. Jan (interprétation). - Y a-t-il une distinction entre d'une

22 part la nationalité et d'autre part le domicile ? La résidence habituelle

23 peut indiquer le domicile et non la nationalité, peut-être ?

24 M. Economides. - Ce sont deux choses différentes. Quelqu'un peut

25 avoir la nationalité de tel Etat et avoir son domicile en dehors de cet

Page 9260

1 Etat. Il reste toujours national par exemple du Royaume-Uni, mais il

2 habite en France. Le plus souvent les deux coïncident, nationalité et

3 domicile. Un Grec qui est de nationalité grecque, qui habite en Grèce, va

4 vivre avec les millions de Grecs qui sont dans ce pays.

5 Le domicile et la nationalité sont deux choses différentes. Il y

6 a le plus souvent coïncidence des deux à l'intérieur du même Etat, mais

7 les deux éléments peuvent ne pas ne coïncider, comme le cas que je signale

8 de quelqu'un qui est national d'un Etat, mais qui a son

9 domicile ou sa résidence dans un autre Etat.

10 M. Jan (interprétation). -Excusez moi, Maître Greaves.

11 M. Greaves (interprétation). - Je vous en prie, n'hésitez pas.

12 Pour vous donner un exemple, Monsieur le Professeur, le Juge Jan

13 est citoyen de la République du Pakistan. Maintenant, il habite à La Haye

14 et est domicilié à La Haye. Pourrait-on par exemple traiter la question

15 ainsi ?

16 M. Jan (interprétation). - Oui, mais j'ai l'intention de

17 repartir tout de même !

18 M. Greaves (interprétation). - Je le savais Monsieur le Juge !

19 M. Economides (interprétation). - S'il exerce une fonction

20 internationale, il ne change pas de domicile selon la loi grecque.

21 N'importe quelle fonctionnaire grec, qui travaille aux Nations Unies ou

22 ailleurs, est considéré comme avoir toujours conservé son domicile dans la

23 capitale de Grèce, à Athènes. Il y a changement de domicile lorsque, pour

24 des raisons privées, quelqu'un est installé et a des activités

25 commerciales dans un autre Etat, ce qui est également tout à fait légal.

Page 9261

1 M. Greaves (interprétation). - Professeur, je voudrais

2 maintenant passer aux trois principes que vous avez cités sur la

3 nationalité.

4 Le premier principe était le suivant. Vous avez dit, lors de

5 votre interrogatoire, que la succession d'Etat a le droit d'avoir une

6 nationalité.

7 M. Economides (interprétation). - Oui.

8 M. Greaves (interprétation). - Cela est un principe qui est né

9 de l'article 15 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme,

10 n'est-ce pas ?

11 M. Economides (interprétation). - Oui.

12 M. Greaves (interprétation). - La date de cette déclaration

13 universelle est 1948 ?

14 M. Economides (interprétation). - Oui.

15 M. Greaves (interprétation). - Quant à l'origine de la

16 Déclaration universelle des

17 Droits de l'Homme -corrigez-moi si j'ai tort-, s'agissait-il d'un document

18 né à la suite des événements de la Deuxième guerre mondiale ?

19 M. Economides (interprétation). - En grande partie, oui.

20 M. Greaves (interprétation). - C'était le désir de la communauté

21 internationale que cette guerre ne se reproduise pas à l'avenir, n'est-ce

22 pas ?

23 M. Economides (interprétation). - Tout à fait.

24 M. Greaves (interprétation). - L'une des considérations

25 principales qui ont mené à la création de l'article 15, serait-elle la

Page 9262

1 suivante : à la fin de la guerre, en 1945, notamment en Europe, il y a eu

2 un très grand nombre de personnes déplacées ?

3 M. Economides (interprétation). - Oui, sans doute.

4 M. Greaves (interprétation). - Du fait des changements

5 importants des frontières des territoires qui ont résulté de la guerre, un

6 grand nombre de personnes sont devenues apatrides.

7 M. Economides (interprétation). - Oui.

8 M. Greaves (interprétation). - Un nombre de personnes qui

9 avaient été expulsées de territoires sur lesquels elles résidaient,

10 notamment des personnes allemandes qui avaient vécu en Pologne ou en

11 Tchécoslovaquie ?

12 M. Economides (interprétation). - Oui.

13 M. Greaves (interprétation). - Cette situation a entraîné le

14 fait suivant : il y avait beaucoup de personnes qui n'avaient plus de

15 nationalité, c'est-à-dire qui étaient apatrides.

16 M. Economides (interprétation). - Oui.

17 M. Greaves (interprétation). - Peut-on dire que, depuis 1945,

18 c'est l'apatridie qui a été au coeur des différents traités qui ont été

19 formulés sur le sujet de la nationalité ?

20 M. Economides (interprétation). - Oui.

21 M. Greaves (interprétation). - Cela parce que les apatrides ont

22 entraîné de

23 nombreux problèmes pour les gouvernements européens après la Seconde

24 guerre mondiale. ?

25 M. Economides (interprétation). - Oui.

Page 9263

1 M. Greaves (interprétation). - Deux conventions, une en 1954 sur

2 le statut des personnes apatrides et une autre en 1961 également sur

3 l'apatridie, ont essayé de limiter.

4 M. Economides (interprétation). - Oui.

5 M. Greaves (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire que

6 la proposition d'article de la Convention européenne sur la nationalité et

7 de la Commission du Droit international se sont concentrées également sur

8 le problème de l'apatridie ?

9 M. Economides (interprétation). - Oui, tout à fait.

10 M. Greaves (interprétation). - Cela nous lie au deuxième

11 principe que vous avez énoncé : la nécessité pour les Etats de promulguer

12 des lois qui éviteront l'apatridie pour toute personne.

13 M. Economides (interprétation). - Oui.

14 M. Greaves (interprétation). - Et pas seulement pour un grand

15 nombre de personnes.

16 Je voudrais maintenant passer au troisième principe que vous

17 avez énoncé qui est le suivant : un Etat qui octroie sa nationalité à une

18 personne ou à un groupe de personnes doit respecter la volonté des dites

19 personnes. Vous vous souvenez nous avoir parlé de cela ?

20 M. Economides (interprétation). - Tout à fait.

21 M. Greaves (interprétation). - Il n'y a pas encore de loi

22 confirmée dans le droit international, je vous dirai pourquoi par la

23 suite. Cela vient de l'article 10 des propositions d'article du droit

24 international qui dit la chose suivante : "Les Etats concernés doivent

25 considérer le désir des personnes concernées lorsque ces personnes

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1 auraient la possibilité d'acquérir la nationalité de deux ou plusieurs

2 Etats concernés.".

3 M. Economides (interprétation). - Oui.

4 M. Greaves (interprétation). - Je voudrais vous suggérer la

5 chose suivante. Le droit dit que l'obligation revient aux Etats qui

6 doivent étudier la volonté des personnes et ne pas la suivre véritablement

7 forcément.

8 M. Economides (interprétation). - Si vous me permettez un petit

9 commentaire sur cette dernière remarque, je dirai que l'article 10 que

10 vous venez de lire est tout à fait comme vous l'avez présenté. Mais si

11 vous lisez les articles qui concernent la succession d'Etat de la

12 Commission de Droit international, transfert d'une partie du territoire,

13 l’article 22 : dissolution d'un Etat, l'article 24 : séparation d’une ou

14 des parties du territoire, ainsi que les articles qui suivent. Vous allez

15 voir que dans tous ces articles, la Commission prévoit, à titre

16 obligatoire, le droit d'option.

17 Dans tous les cas, les personnes doivent toutes se prononcer sur

18 leur nationalité en quelque sorte, si elles veulent la nationalité ou non.

19 Je dirai même que ces articles vont, selon moi, très loin, notamment

20 l'article 20. En cas de transfert du territoire, il prévoit le droit

21 d'option, non pas seulement pour des personnes qui ont des liens affectifs

22 avec un autre pays voisin, mais pour toutes les personnes.

23 Si en Bosnie-Herzégovine, il n'y avait pas un Etat indépendant,

24 mais un territoire qui passait en Bosnie-Herzégovine, il aurait fallu que

25 l’on pose la question pas seulement aux Serbes, mais aussi aux Musulmans

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1 et aux Croates pour savoir si vraiment ils voulaient être ressortissants

2 de la Bosnie-Herzégovine.

3 Le droit d'option, selon la Commission de Droit international,

4 en ce qui concerne tous les types de succession, va beaucoup plus loin. Il

5 est prévu presque obligatoirement pour tous les cas de succession, sur une

6 échelle très large.

7 M. Jan (interprétation). - Une petite question. La personne qui

8 se trouve dans l'Etat successeur a-t-elle la possibilité de conserver la

9 nationalité de l'Etat parent, en quelque sorte ? Supposons que l’Etat

10 parent ne l'accepte pas, qu'il n'accepte que ceux qui se trouvent sur

11 son territoire, que se passe-t-il ? Quel est le droit pertinent dans ce

12 cas ? En ce qui concerne le droit de l'Etat, la nationalité porte

13 essentiellement sur la question du droit pertinent, c’est-à-dire du droit

14 de l'Etat ?

15 M. Economides. - Dans un cas de succession d'Etat et le droit de

16 l'Etat successeur, l'Etat successeur qui naît a le droit de donner sa

17 nationalité à toutes les personnes qui avaient la nationalité de l'Etat

18 prédécesseur et qui ont leur résidence, qui habitent, sur le territoire de

19 l'Etat successeur. C'est un droit absolu de l'Etat successeur.

20 D'après les projets que nous citons ici, l'Etat prédécesseur

21 doit retirer sa nationalité du citoyen qui a obtenu la nationalité de

22 l'Etat successeur. Il y a même obligation du retrait de la nationalité. Il

23 est dit que, pour ne pas avoir de cas d'apatridie, l'Etat successeur,

24 prédécesseur, doit s’abstenir de donner sa nationalité à celui qui n’est

25 pas successeur dans la sienne à la personne impliquée dans un cas de

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1 succession.

2 Mais, éventuellement, l'Etat prédécesseur peut ne pas retirer sa

3 nationalité. On l'a vu dans le passé à plusieurs reprises. Auquel cas,

4 dans un tel cas, la personne aura deux nationalités : la nationalité de

5 l'Etat successeur qui lui donne sa nationalité, et la nationalité de

6 l'Etat prédécesseur qui continue d'exister.

7 S'il y a dissolution, l'Etat prédécesseur n'existe plus. Il peut

8 ne pas retirer la nationalité. La personne peut se trouver avec deux

9 nationalités. Cela peut arriver dans pas mal de cas.

10 Je dirai que la Commission de Droit international favorise la

11 double nationalité, et même la nationalité multiple. Elle permet au

12 citoyen éventuellement d'obtenir plusieurs nationalités. Si vous lisez ces

13 articles, vous allez voir que quelqu'un peut obtenir la nationalité d'un

14 ou de plusieurs Etats successeurs. Il peut être slovène et bosniaque en

15 même temps. Cela est un projet et non une loi. Ce sont les cas qui peuvent

16 se présenter.

17 M. le Président (interprétation). - Excusez moi, mais je ne

18 pense pas que votre

19 réponse ait couvert la question posée par mon collègue, le Juge Jan. Il se

20 pose des questions sur les circonstances. Lorsque le droit d'option est

21 refusé par l'Etat prédécesseur, que se passe-t-il à ce moment-là ?

22 M. Economides. - Le droit d'option n'est pas accordé par l'Etat

23 prédécesseur. Il doit toujours être accordé par l'Etat successeur. Il est

24 exceptionnel que l'Etat prédécesseur accorde un droit d'option. L'Etat

25 successeur doit accorder un droit d'option lorsque, dans sa population

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1 nouvelle, il y a des groupes qui, manifestement, ne veulent pas acquérir

2 sa propre nationalité, et veulent conserver la nationalité de l'Etat

3 prédécesseur. Dans un tel cas, l'Etat successeur doit accorder le droit

4 d'option à ces personnes. S'il ne le fait pas, il ne fait que leur

5 imposer, par voix d'autorité, une nationalité que ces personnes ne veulent

6 pas.

7 Le droit d'option est une obligation pour l'Etat successeur et

8 non pas pour l'Etat prédécesseur.

9 M. le Président (interprétation). - Oui, mais vous voulez dire

10 par là qu'un citoyen qui est obligé de devenir un membre de l'Etat

11 successeur ne peut pas adopter à nouveau la nationalité de l'Etat

12 prédécesseur. Il ne peut pas choisir cette nationalité-là, puisque c'est

13 seulement l'Etat successeur qui peut donner ce droit d'option. Cela veut

14 dire que cette personne ne peut pas conserver sa nationalité de l'Etat

15 prédécesseur.

16 M. Economides. - La formule classique du droit d'option se

17 présente de la manière suivante, on l'a vu dans l'histoire : l'Etat

18 successeur vient après un délai raisonnable et dit à une certaine

19 catégorie de citoyens "voulez-vous obtenir la nationalité, ma nationalité

20 ou voulez-vous conserver la nationalité de l'Etat prédécesseur ?". C'est

21 le droit, l'Etat successeur qui offre le choix entre deux nationalités :

22 celle de l'Etat successeur et celle de l'Etat prédécesseur. Mais ceci est

23 fait par l'Etat successeur et non pas par l'Etat prédécesseur. Les

24 personnes ont la faculté d'opter pour la nationalité de l'Etat

25 prédécesseur, si elles le veulent. Ce sont les procédés classiques du

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1 droit d'option.

2 Je vous ai expliqué la dernière fois le cas du Dodécanèse en

3 Grèce, qui sont des îles que la Grèce a prises après la Seconde guerre

4 mondiale. La Grèce, au bout d'un an, a organisé un droit d'option pour la

5 population des îles du Dodécanèse de langue italienne. Il n'y a que ces

6 gens-là qui ont participé au droit d'option. Ces gens-là avaient le droit

7 d'opter pour la nationalité italienne, s'ils le voulaient. S'ils ne

8 prenaient pas cette option, ils étaient censés conserver la nationalité

9 grecque, qu'ils ont eue tout de suite après l'annexion du Dodécanèse à la

10 Grèce. On a offert à tous ces gens-là le droit d'option en faveur de la

11 nationalité de l'Etat prédécesseur, qui était l'Italie.

12 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur.

13 M. Greaves (interprétation). - Professeur, puis-je vous poser la

14 question suivante : Nous parlions de la proposition de l'article 10 dans

15 les propositions d'articles de la Commission du droit international.

16 Je vous ai suggéré que la formulation de cette proposition

17 d'article impliquait qu'il n'y avait pas d'obligation de donner la

18 nationalité au groupe de personnes mentionnées dans l'article 10. Je l'ai

19 suggéré parce que cela est établi dans les commentaires qui sont annexés

20 aux propositions d'articles.

21 Je cite : "L'expression "devra porter considération" implique

22 qu'il n'y a pas d'obligation stricte de donner un droit d'option aux

23 catégories des personnes qui sont mentionnées". Acceptez-vous qu'il

24 s'agit-là du sens qui est inclus dans l'article 10 ?

25 M. Economides. - Oui.

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1 M. Greaves (interprétation). - Merci.

2 De même, la convention européenne sur la nationalité, et plus

3 particulièrement son article 18-2(C), que vous connaissez, j'en suis sûr,

4 a la même formulation, n'est-ce pas ?

5 M. Economides. - Oui.

6 M. Greaves (interprétation). - Je vais vous lire l'article 18-2,

7 il dit la chose

8 suivante : Lors de la décision de l'octroi ou non de la nationalité en cas

9 de succession d'Etat, chaque Etat concerné doit tenir compte de la volonté

10 de la personne concernée. Il s'agit-là du petit (C), n'est-ce pas ?

11 M. Economides. - Oui, c'est cela.

12 M. Greaves (interprétation). - Dans les notes explicatives qui

13 suivent la convention européenne, il est dit la chose suivante : "En ce

14 qui concerne le paragraphe C, la volonté de la personne concernée doit

15 être prise en considération. Cela pourrait donner à la personne le droit

16 d'option en ce qui concerne la nationalité qui serait accordée contre la

17 volonté d'une personne.". Là encore, je suggère qu'il n'y a aucune

18 obligation mentionnée dans cet article. L'Etat n'a aucune obligation de

19 donner le droit d'option dans tous les cas, n'est-ce pas exact ?

20 M. Economides. - Oui.

21 M. le Président (interprétation). - En fait, je voudrais

22 demander la chose suivante au professeur : c'est tout à fait la

23 formulation exacte de la proposition de ces textes. Mais, dans le droit

24 international, l'Etat peut-il de façon obligatoire conférer une

25 nationalité à un groupe de personnes, si le nouveau statut professionnel

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1 vient d'une nouvelle situation, comme une situation de guerre par

2 exemple ? Est-ce bien le sens de ce qui est écrit lorsqu'on prend un

3 groupe de personnes par la force, qu'on l'expulse d'un Etat déjà

4 existant ? Le droit international insiste-t-il sur le fait qu'on peut par

5 la force maintenir leur nationalité ?

6 M. Economides. - La question effectivement est très complexe. Je

7 dirai, d'après le droit international, qu'un Etat peut accorder sa

8 nationalité, notamment à la suite d'une succession d'Etat ; à la suite

9 d'une succession d'Etat et non pas d'une occupation militaire. Lors d’une

10 occupation militaire, d'après le droit de la guerre, l'Etat n'obtient pas

11 la souveraineté. Il ne peut pas changer, sauf s'il viole le droit, la

12 nationalité du territoire occupé.

13 Lorsque nous avons un cas de succession d'Etat, l'Etat

14 successeur a le droit de donner sa nationalité, même par voie d'autorité,

15 à toute la population. On l'a vu dans l'histoire.

16 Mais -et c'est là le collectif- il doit après quelque temps voir quels

17 sont les sentiments de toutes les personnes et ouvrir un droit d'option,

18 lorsque la paix est intervenue, lorsque l'Etat est installé, lorsque tout

19 est vraiment normal, aux personnes qui manifestement ne veulent pas de

20 cette nationalité octroyée par voie d'autorité.

21 Historiquement, nous avons des cas d’option de nationalité

22 recouvrant des milliers de cas d'option de nationalité. C'est la pratique

23 internationale courante.

24 Pour répondre à votre question, je dirai qu’à la suite d'une

25 succession d'Etat, l'Etat a le droit de donner sa nationalité, mais pas

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1 d’une façon indéterminée pendant un laps de temps raisonnable. Après, il

2 doit ouvrir un droit d'option pour ces populations, notamment pour les

3 populations qui, manifestement, ne veulent pas acquérir la nationalité de

4 l'Etat successeur. On l'a vu pendant toute l'histoire.

5 C'est une question juridique très importante que nous débattons

6 actuellement. Effectivement, l'article 10 traite la question de l'option

7 sur une base non obligatoire. La convention du Conseil de l’Europe sur la

8 nationalité la traite aussi d'une manière assez souple.

9 En revanche, la Commission de Venise, qui a fait une

10 déclaration, prévoit le droit d'option comme obligatoire. La Commission de

11 Droit international concernant les cas de succession, articles 20 à 26 que

12 j'ai déjà cités, voit également le droit d'option comme obligatoire.

13 Nous sommes au stade d'une évolution du droit international qui

14 n'a pas encore été tout à fait cristallisée. Est-ce une obligation

15 internationale absolument sûre ? Personnellement, en tant

16 qu'internationaliste, je répondrai affirmativement. D'autres peuvent

17 répondre éventuellement négativement à la même question.

18 Toujours est-il que le droit d'option est quelque chose de très

19 répandu dans la pratique internationale.

20 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Je vous suis

21 très reconnaissant.

22 Pour ma part, j'appréhende un peu que si une situation

23 contraignante existe et que le nouvel Etat compte en son sein une minorité

24 importante de citoyens dissidents, il risque d'y avoir une possibilité

25 d’effets boule de neige sur ce groupe de personnes, qui essaient de se

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1 séparer du pays ; à moins de la possibilité pour elles de changer leur

2 nationalité.

3 Si on les retient de façon obligatoire et qu'elles n’ont pas la

4 possibilité de sortir de cette situation, elles peuvent trouver un autre

5 moyen de s'en sortir. C'est mon avis personnel, cela n'a rien à voir avec

6 le statut actuel du droit international.

7 M. Economides. - Le droit essaie de donner toujours des voies de

8 sortie. Dans le cas que vous venez de mentionner, il y a toujours la

9 possibilité d'octroi de la nationalité d'office, mais il doit y avoir

10 toujours l'obligation d'ouvrir un droit d'option par la suite, lorsque les

11 choses se sont calmées.

12 M. Greaves (interprétation). - Professeur, pouvons-nous passer

13 maintenant, si vous le voulez, bien, à la question de savoir quelle est la

14 nationalité des résidents d'un Etat successeur ?

15 Je reviens sur ce que vous avez dit aux Juges lors de votre

16 dernière comparution ici, à savoir que le règlement est très clair à ce

17 sujet.

18 L'Etat successeur doit accorder sa nationalité à tous les

19 ressortissants de l'Etat prédécesseur qui ont leur résidence sur le

20 territoire de l'Etat successeur.

21 J'aimerais vous poser la question suivante. Je pense que vous

22 trouverez le passage concerné dans le texte des articles de l'ILC,

23 article 4 en l’occurrence. Il est exact, n'est-ce pas, que le projet

24 d'articles stipule la chose suivante : « Sous réserve des dispositions du

25 présent projet d'articles, les personnes qui possèdent une résidence

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1 habituelle dans l'Etat affecté par la succession des Etats sont présumées

2 acquérir la nationalité de l'Etat successeur à la date de cette

3 succession ». Vous rappelez-vous cet article ?

4 M. Economides. - Oui.

5 M. Greaves (interprétation). - Je n'entends rien dans mon

6 casque.

7 (Les interprètes demandent de ralentir le débit de la parole.)

8 C'est une question qui provenait du Juge Jan, qui vous a été

9 posée lors de votre dernière comparution, à savoir le choix qui peut

10 exister entre la succession d'Etat et l'octroi d'un droit d'option. Vous

11 rappelez-vous la question du Juge Jan ?

12 M. Economides. - Je crois, oui.

13 M. Greaves (interprétation). - Est-il exact que l'objet de

14 l'article 4 consiste à traiter ce problème précis du laps de temps qui

15 s'écoule entre la date de la succession de deux Etats et l'adoption d'une

16 législation appropriée ou d'un traité qui permet d'octroyer le droit

17 d'option ?

18 M. Economides. - L'article 4 comme l'article 6 veulent attirer

19 l'attention sur la nécessité qu'il y ait une nationalité dès le

20 commencement de la succession d'Etat, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de

21 vide et que les personnes restent sans nationalité.

22 Ce sont des présomptions qui ne sont pas irréfragables, des

23 présomptions qui peuvent ne pas se produire dans la vie courante parce que

24 la nationalité n'est pas attribuée par une présomption, mais toujours par

25 un acte de l'Etat.

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1 Ces dispositions disent que l'Etat doit légiférer de telle

2 manière qu'il puisse accorder sa nationalité dès le commencement de la

3 succession d'Etat. Cela s'est toujours fait dans l'histoire de cette

4 manière-là. Le premier acte de l'Etat qui devient souverain et indépendant

5 est de désigner les ressortissants qui composent la population du nouvel

6 Etat.

7 Ces deux dispositions soulignent cela, mais le souligne à titre

8 de présomption ou de principe pour que les Etats respectent ces lignes-là.

9 Cela ne veut pas dire que, si un Etat n'a pas accordé sa nationalité, les

10 personnes obtiennent, en vertu de l'article 4, la nationalité de l'Etat

11 successeur.

12 Pour que la nationalité soit possédée, il faut un acte de droit

13 interne de l'Etat qui accorde la nationalité à certaines catégories de

14 personnes, notamment aux personnes qui avaient

15 la nationalité de l'Etat prédécesseur et qui résident sur le territoire du

16 nouvel Etat.

17 M. Greaves (interprétation). - Le processus est à deux étapes.

18 Lorsque la succession d'Etat se produit, la présomption entre en oeuvre en

19 vertu de l'article 4.

20 En temps utile, la législation est adoptée par l'Etat souverain

21 qui établit les bases permettant aux habitants de devenir ressortissants

22 de cet Etat.

23 M. Economides. - Lorsqu'il y a succession d'Etat, c'est le droit

24 interne qui est le droit applicable. C'est le droit qui compte. Le reste,

25 ce sont des lignes de direction, comment le droit interne doit

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1 fonctionner.

2 C'est le droit interne qui doit immédiatement donner la

3 nationalité, comme prévu aux articles que je viens de citer.

4 S'il y a doute, naturellement la présomption aura sa place et

5 pourra jouer. Mais s'il n'y a pas du tout d'acte interne accordant la

6 nationalité, la nationalité ne peut pas être conférée en vertu des

7 articles 4 ou 6.

8 M. Greaves (interprétation). - Pouvons-nous maintenant en

9 arriver aux éléments spécifiques du droit d'option ?

10 Conviendriez-vous avec moi, Monsieur le Professeur, que lorsque

11 nous parlons du droit d'option, deux éléments peuvent survenir ?

12 Premièrement, l'octroi du droit d'option en vertu du traité

13 conclu par les deux parties issues de la succession d’Etat et peut-être

14 même d'autres parties extérieures. Deuxièmement, il peut entrer en oeuvre

15 grâce à l'adoption d'une législation nationale appropriée. Etes-vous

16 d'accord pour dire que ce sont les deux moyens ?

17 M. Economides. - Oui, je suis d'accord. Mais avec une nuance,

18 c'est que le traité international était la voie dans le passé. Le droit

19 d'option était prévu par un traité qui réglait toute la question de la

20 succession d'Etat.

21 Ce traité prévoyait toujours un droit d'option entre deux

22 choses ; il y avait un

23 dilemme : nationalité de l'Etat successeur ou nationalité de l'Etat

24 prédécesseur. Après la Seconde guerre mondiale, le droit d'option s’ouvre

25 en vertu de lois nationales. Ces lois ne donnent pas l'option de choisir

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1 entre deux nationalités, mais donnent seulement une option. Elles ouvrent

2 la nationalité de l'Etat qui légifère, de l'Etat concerné.

3 Je suis tout à fait d’accord avec vous, dans les deux cas, nous

4 avons un droit d'option. Dans le premier cas, choisir entre deux

5 nationalités, dans le second cas, choisir une nationalité déterminée.

6 M. Greaves (interprétation). - La Commission de Venise a établi

7 un questionnaire qu'elle a envoyé aux Etats membres. Ce questionnaire

8 demandait quels étaient les exemples de succession d’Etat dont ils avaient

9 connaissance et ce qui s'était passé à cette occasion. Vous avez répondu à

10 ce questionnaire au nom de votre pays, est-ce exact ?

11 M. Economides. - Oui.

12 M. Greaves (interprétation). - Au cours de votre déposition,

13 lorsque vous avez parlé de l'existence de la possibilité d'un droit

14 d'option, vous avez relaté l'expérience de votre pays sur un certain

15 nombre d'années. Vous avez évoqué un certain nombre d'occasions où le

16 droit d'option a été octroyé.

17 J'aimerais, si vous le voulez bien, Monsieur le Professeur, que

18 nous passions en revue ces exemples. Pouvez-vous d'abord me dire la chose

19 suivante. Je crois comprendre que dans le droit grec, il est impossible

20 aux habitants d'avoir plusieurs nationalités, est-ce exact ?

21 M. Economides. - Ce n'est pas exact. D'après le droit grec, il y

22 a la nationalité grecque bien sûr, mais il y a énormément de Grecs qui ont

23 une double nationalité. La Grèce est un pays qui a beaucoup de Grecs à

24 l'extérieur, en dehors de la Grèce. C'est un pays favorable à la double

25 nationalité, même à la nationalité multiple.

Page 9277

1 Tous les Grecs qui sont installés aux Etats-Unis, il y en a

2 quelques 3 millions, sont en même temps Grecs et citoyens des Etats-Unis,

3 ressortissants des Etats-Unis. Il en est de

4 même des Grecs d’Australie, du Canada et des Grecs qui se trouvent dans le

5 monde entier. La Grèce, sur le plan de la nationalité, est un Etat très

6 souple.

7 M. Greaves (interprétation). - Veuillez m'accorder un instant,

8 je vous prie. J'ai posé cette question, Monsieur le Professeur, parce que

9 les formes qui ont été créées et les exemples en rapport avec la Grèce

10 semblaient indiquer que la nationalité multiple n'était pas possible. Cela

11 semble être faux.

12 M. Economides. - Vous avez raison, cela a été signalé par erreur

13 par le secrétariat du Conseil de l’Europe. Vous avez vu cette erreur que

14 vous avez considérée comme répondant à la réalité. Ce n'est pas vrai. Il y

15 avait une erreur dans le rapport du Conseil de l’Europe. Ce n'est pas

16 exact.

17 M. Greaves (interprétation). - C’est bien la preuve que la

18 Commission n'est pas infaillible.

19 Monsieur le Professeur, pourriez-vous m'aider sur le point

20 suivant, la première fois qu'un droit d'option a été octroyé par votre

21 pays, s'est en 1881. Je vous prie de m'excuser pour la mauvaise

22 prononciation des noms de certaines régions de votre pays, mais je crois

23 qu'il s'agissait d'incorporer à ce moment-là certaines parties d’Ipiros en

24 1881 ?

25 M. Economides. - Oui.

Page 9278

1 M. Greaves (interprétation). - Merci beaucoup. Je vous prie de

2 m'excuser pour avoir massacré la langue grecque. Ce n'est pas une langue

3 que je maîtrise.

4 La deuxième occasion s'est située en 1913 lorsque la Macédoine,

5 la Crête et certaines îles de la mer Egée ont été intégrés à la Grèce.

6 M. Economides. - Oui, tout à fait.

7 M. Greaves (interprétation). - L'occasion suivante s'est située

8 entre 1918 et 1923 lorsque la Thrace occidentale a été intégrée à la

9 Grèce ?

10 M. Economides. - Tout à fait.

11 M. Greaves (interprétation). - La dernière occasion s'est située

12 en 1947 lorsque les îles du Dodécanèse ont également été intégrées à la

13 Grèce.

14 M. Economides. - Exactement.

15 M. Greaves (interprétation). - Tous ces exemples d'octroi du

16 droit d'option ont eu des conséquences assez dramatiques pour les

17 personnes qui ont tenté de l'exercer.

18 En d'autres termes, par l’exercice du droit d'option, dans

19 chacun de ces exemples, sauf deux, le maintien de la nationalité ottomane

20 a été conservé. Je parle de la Thrace occidentale où ce droit a été

21 conservé pour la nationalité bulgare et du Dodécanèse pour la nationalité

22 italienne. Vous aviez le droit de quitter le territoire si vous cherchiez

23 à exercer votre droit, mais vous deviez quitter votre maison.

24 M. Economides. - C'était l'obligation de quitter l'Etat.

25 M. Greaves (interprétation). - Absolument. En effet, c'est une

Page 9279

1 conséquence assez draconienne de l'exercice du droit d'option, n'est-ce

2 pas ?

3 M. Economides. - Exactement.

4 M. Greaves (interprétation). - C'est une conséquence qui se

5 retrouve très couramment dans l'octroi du droit d'option. Ce droit

6 d'option s'est souvent accompagné par l'insistance du pays, qui octroyait

7 le droit d'option, aux personnes en question de quitter le pays. En

8 conviendriez-vous avec moi, Monsieur le Professeur ?

9 M. Economides. - Je suis tout à fait d'accord avec vous.

10 C'est pour cette raison que la Commission de Venise a essayé de

11 changer cette pratique. On a stipulé dans l'article 6 que l'option en

12 faveur de la nationalité de l'Etat prédécesseur ne devait pas avoir des

13 conséquences préjudiciables pour les optants, en particulier en ce qui

14 concerne leur droit de résider sur le territoire de l'Etat successeur et

15 sur leurs biens meubles ou immeubles qui s'y trouvent. On essaie de

16 changer la règle.

17 Effectivement, je suis tout à fait d'accord avec vous, la

18 pratique antérieure était tout

19 à fait inhumaine. Qu'est-ce que ce droit d'option ? Lorsqu'on opte pour la

20 nationalité de l'Etat prédécesseur, il faut quitter l'Etat successeur, il

21 faut emporter les biens, disparaître de l'Etat successeur et quitter le

22 pays. C'est effectivement très violent. C'est pour cela qu'on essaie

23 maintenant de changer cette règle qui était effectivement appliquée

24 jusqu'à la fin de la Seconde guerre mondiale.

25 M. Greaves (interprétation). - Accepteriez-vous de m'aider sur

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1 ce point : depuis 1990 au sein des Etats qui ont répondu au questionnaire

2 comme le vôtre, dans quinze occasions il s'est déroulé une succession

3 d'Etat. Sur ces quinze cas, dans huit cas le droit d'option a été accordé,

4 mais dans six cas il ne l'a pas été. Acceptez-vous cela ?

5 M. Economides. - Je n'ai pas compté les cas. Je sais que le

6 droit d'option n'a pas été accordé dans tous les cas. Cela confirme, à peu

7 près, ce que vous venez de dire.

8 M. Greaves (interprétation). - Compte tenu de la similitude des

9 chiffres et de l'égalité des chiffres, il semble que la pratique des Etats

10 soit très divisée en matière d'octroi du droit d'option ?

11 M. Economides. - Il faut nuancer un peu. La pratique antérieure

12 était beaucoup plus forte.

13 Il n'y a pas l'ombre d'un doute que le droit d'option était

14 quelque chose de très courant, mais avec les conséquences graves que vous

15 venez de signaler.

16 Après la Seconde guerre mondiale, le droit d'option apparaît

17 toujours, mais il n'a pas été suivi dans tous les cas.

18 Le droit international a beaucoup de faiblesses. Il n'est pas

19 toujours respecté. C'est une autre question, un autre chapitre que je ne

20 veux pas ouvrir ici.

21 Les défauts du droit international sont connus de tous. Il y a

22 des violations du droit international qui ne sont jamais sanctionnées.

23 Cela ne veut pas dire que le droit international ou l'obligation n'existe

24 pas, même s’il n'est pas respectée dans tous les cas.

25 Maintenant, je ne me souviens pas dans quel cas le droit a été

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1 accordé et dans quels cas le droit n'a pas été accordé.

2 M. Greaves (interprétation). - Oui. Je ne vais pas passer en

3 revue la longue liste des Etats qui n'ont pas accordé le droit d'option,

4 sinon nous en aurions pour un certain temps

5 Monsieur le Professeur, sur le point suivant, pouvez-vous

6 m'aider : partons du principe que, par traité ou par législation, un droit

7 d'option est effectivement accordé. Si le droit d'option a été accordé aux

8 citoyens ressortissants du pays, il faut qu'il existe un acte formel qui

9 permette d'exercer ce droit d'option, n'est-ce pas ?

10 M. Economides. - Absolument.

11 M. Greaves (interprétation). - Par exemple, un formulaire à

12 remplir pour demander la nationalité que l’on souhaite.

13 M. Economides. - Tout à fait.

14 M. Greaves (interprétation). - L'état dont la nationalité est

15 demandée devrait, par exemple, fournir un certificat de nationalité.

16 M. Economides. - Oui.

17 M. Greaves (interprétation). - Je suppose aussi que, dans

18 pratiquement tous les pays du monde, il existe l'obligation de prêter

19 serment, allégeance, aux pays dont on a demandé la nationalité.

20 M. Economides. - Oui.

21 M. Greaves (interprétation). - Vous ne pouvez pas vous réveiller

22 le matin, en 1913, par exemple, et vous dire : "Je me sens ottoman ce

23 matin." !

24 M. Economides. - Non. Habituellement, il y a certaines règles.

25 Il faut signer un papier.

Page 9282

1 M. Greaves (interprétation). - Tout à fait.

2 Vous nous avez dit, lors de votre dernière déposition, que vous

3 n'aviez pas étudié la

4 question de ce qu'étaient les lois sur la nationalité des Etats de l'ex-

5 Yougoslavie, mais que, pour autant que vous le sachiez, il n'existait pas

6 de droit d'option dans le cas de la Bosnie-Herzégovine en 1992. Et

7 également, qu’en l'absence de ce droit d'option, il était impossible pour

8 les résidents habituels de ce territoire d'opter pour une autre

9 nationalité.

10 M. Economides. - Oui. Tout à fait

11 M. Greaves (interprétation). - La Bosnie-Herzégovine a été assez

12 rapide dans le vote de sa loi nationale puisqu’elle l’a fait le lendemain

13 de la déclaration annonçant son indépendance. Savez vous cela ?

14 M. Economides. - Non. J'ai une trace d'une loi concernant la

15 nationalité de la Bosnie-Herzégovine qui datait du mois d'octobre 1992,

16 alors que l'indépendance a eu lieu bien avant, si je ne me trompe pas.

17 M. Greaves (interprétation). - Oui. Nous n'avons pas besoin

18 d'entrer dans le détail, mais vous êtes d'accord qu'aucun droit d'option

19 n'a été accordé aux résidents habituels ?

20 M. Economides. - Oui.

21 M. Greaves (interprétation). - Dans les faits, ces résidents

22 habituels sont devenus ressortissants de la Bosnie-Herzégovine après la

23 succession d'Etat ?

24 M. Economides. - C’est une question capitale. La

25 Bosnie-Herzégovine devient Etat indépendant en 1992, je crois au mois

Page 9283

1 d'avril. Il n'y a aucune loi qui est votée, alors qu'habituellement la

2 première chose que font les Etats nouvellement arrivant à la souveraineté

3 et à l'indépendance c’est de désigner les ressortissants. La Bosnie-

4 Herzégovine ne fait rien du tout.

5 Cela veut dire que, par voie interprétative, la

6 Bosnie-Herzégovine a maintenu sa loi précédente concernant la nationalité,

7 qui est une loi qui a été votée dans le cadre de l'ex-Yougoslavie. Cette

8 loi continue à être en vigueur. Elle n'a pas été abolie. Il n'y a pas

9 d'autre loi. Il faut donc supposer que la loi antérieure est toujours

10 valable. Or, la loi antérieure disait que tous les Bosniaques sont en même

11 temps des ressortissants de la Yougoslavie.

12 On doit donc accepter que, pendant un certain temps, tous les

13 Bosniaques aient deux nationalités : la nationalité de l'ex-Yougoslavie et

14 la nationalité de Bosnie-Herzégovine, en vertu de la loi qui avait été

15 votée dans le cadre de l'ex-Yougoslavie, dans les années 1900.

16 Par conséquent, je suis d'accord avec vous. Ils étaient tous

17 Bosniaques, mais, en même temps, ils étaient tous nationaux de la

18 République Socialiste Fédérative de Yougoslavie, cela au mois

19 d'avril 1992. Selon moi, il y avait donc une double nationalité pour tout

20 le monde, en interprétant les faits.

21 M. Greaves (interprétation). - Nous en arrivons à la pause. J'ai

22 encore une dernière question à vous poser sur ce sujet,

23 Monsieur le Professeur.

24 Comme vous en êtes convenu précédemment, au moment de la

25 dissolution de la République socialiste de Yougoslavie cette nationalité a

Page 9284

1 cessé d'exister.

2 M. Economides. - Oui.

3 M. Greaves (interprétation). - Merci. Est-ce un moment approprié

4 pour la pause, Monsieur le Président ?

5 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Nous allons

6 maintenant avoir une courte pause. Nous nous retrouverons à midi.

7 L'audience, suspendue à 11 h 30, est reprise à 12 h 04.

8 M. le Président (interprétation). - Peut-on faire entrer le

9 témoin, s'il vous plaît ?

10 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

11 Je vous en prie, Maître Greaves, poursuivez.

12 M. Greaves (interprétation). - Je n'ai plus de question à poser

13 au Pr. Economides. Je vous remercie.

14 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,

15 Maître Moran.

16 M. Moran (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

17 Puis-je poursuivre ?

18 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie,

19 Maître Moran.

20 M. Moran (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Professeur. Je

21 m'appelle Maître Moran, je suis avocat. Je représente un homme appelé

22 Hazim Delic.

23 Je vais vous poser un certain nombre de questions portant sur

24 certaines des choses dont vous avez parlées, lors de votre témoignage, ce

25 matin, ainsi que des questions qui me permettront de mieux saisir ce que

Page 9285

1 vous avez dit lors de vos réponses à des questions qui vous ont été posées

2 par les personnes siégeant, ici, dans ce Tribunal.

3 S’il y a la moindre question que je vous pose qui n’est pas

4 totalement claire, veuillez, s'il vous plaît, m'interrompre et me demander

5 de préciser les choses.

6 Je vais commencer par la chose suivante. Seriez-vous d'accord

7 avec moi pour dire qu'il y a, en gros, quatre sources différentes de droit

8 international qui sont les quatre sources qui apparaissent dans

9 l'article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, la CIJ.

10 Première sources : les conventions internationales, soit de

11 portée générale, soit spécifique, expriment des règles qui sont toutes

12 reconnues par les Etats, qui sont parfois opposés dans le cadre de

13 certaines affaires.

14 Deuxième source : les coutumes internationales, pratique

15 générale, qui est reconnue comme étant source de droit.

16 Troisième source : les principes généraux du droit reconnus par

17 les nations dites civilisées.

18 Quatrième source : l les décisions judiciaires et les doctrines

19 formulées par les plus grands experts de différents pays.

20 Tout ceci permet de déterminer des règles précises de droit.

21 Etes-vous d'accord avec moi pour dire que ce sont les quatre sources

22 principales du droit international ?

23 M. Economides. - Je suis tout à fait d’accord avec vous, avec la

24 précision que les

25 trois premières sources sont des sources principales et la dernière,

Page 9286

1 c’est-à-dire la jurisprudence et la doctrine, une source auxiliaire.

2 M. Moran (interprétation). - Je vais vous montrer deux manuels :

3 le Droit international d’Oppenheim, publié par M. Robert Jennings, et

4 Principes du droit international public de M. Brown.

5 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que ces deux ouvrages

6 sont vraiment des ouvrages de référence pour ce qui est du fonctionnement

7 du droit international ?

8 M. Economides. - Ce sont des ouvrages d'autorité scientifique.

9 M. Moran (interprétation). - En fait, M. Jennings était

10 Président de la Cour mondiale, je ne crois pas que nous puissions remettre

11 en question ce qu'il peut dire sur le droit international.

12 De façon assez générale, le rapport de la Commission de droit

13 international comprend les comptes rendus des sessions du 18 juillet et du

14 12 mai de cette année. C’est un document des Nations Unies qui porte la

15 référence A5/2/10. Un appendice, autre document, porte la

16 référence A/CN/DOC4/480. Ce document a été publié le 22 février de cette

17 année. Un autre document référencé A/CN/CAR/480/A1 a été fait le jour

18 suivant. C’est un rapport portant sur la nationalité dans le cadre de la

19 succession d’Etat établi par le rapporteur de cette commission.

20 Diriez-vous, avec moi, que ceci précise ce qui s'est déroulé

21 lors de ces réunions dans le cadre de la Commission du droit

22 international ?

23 Vous avez eu l'occasion de vous pencher sur ces documents, de

24 les lire avant qu'ils ne soient publiés. Ce sont des documents de

25 l’Assemblée générale.

Page 9287

1 Si vous aviez pensé qu’il y avait quoi que ce soit qui ne soit

2 pas précis dans ces documents, vous auriez pu leur apporter des

3 modifications, émettre un avis contraire, quelque chose de ce genre,

4 n’est-ce pas ?

5 M. Economides. - J'ai lu tous ces documents. Je ne les ai pas

6 amenés dans mes valises naturellement, mais je les ai lus à temps, il y a

7 longtemps.

8 Le rapport fait par le rapporteur spécial est un document qui

9 fait, en principe, foi. Mais cela ne veut pas dire que les textes qui ont

10 été adoptés par la suite reflètent toujours les propositions qui figurent

11 dans les rapports.

12 Ce qui a beaucoup plus de crédibilité et d'autorité, c'est le

13 rapport lui-même, moins le rapport du rapporteur spécial qui est très

14 étendu et qui n'est pas suivi dans tous les cas par la Commission de Droit

15 international.

16 Mais je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que,

17 dans les rapports, on trouve beaucoup plus d'éléments détaillés concernant

18 la question que nous examinons.

19 M. Moran (interprétation). - J'aimerais également discuter avec

20 vous de la Commission de Venise et de son rapport. J'ai un certain nombre

21 d'entre de rapports entre les mains.

22 Je vais parler de ces rapports, de façon générale, avec vous.

23 J’en ai un daté du 10 février et un autre daté des 13 et

24 14 septembre 1996. Vous avez participé, n’est-ce pas, à l’élaboration de

25 ces rapports ?

Page 9288

1 M. Economides. - Oui.

2 M. Moran (interprétation). - Vous auriez pu émettre certaines

3 suggestions concernant des modifications qui auraient été apportées à ces

4 rapports. Si vous aviez pensé que des erreurs s’étaient glissées dans ces

5 rapports, vous auriez pu émettre un avis contraire, n’est-ce pas ?

6 M. Economides. - Oui.

7 M. Moran (interprétation). - Il s'agit de rapports d’autorité

8 pour ce qui est des faits qui y sont relatés, des propositions qui y sont

9 faites.

10 M. Economides. - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Fort bien.

12 Puisque tout cela est clair, seriez-vous d’accord avec moi pour

13 dire que la Chambre d’appel de ce Tribunal a la compétence, a l'autorité

14 nécessaire, pour interpréter et pour décider de ce qui est le droit

15 international ?

16 M. Economides. - Oui, dans le champ de sa juridiction.

17 M. Moran (interprétation). - Fort bien.

18 Professeur, je vais être très franc avec vous. J’étais en train

19 de revenir sur votre témoignage du 30 octobre. J’ai également écouté ce

20 que vous avez dit, ce matin. Très franchement, il y a certaines choses que

21 je n'ai pas très bien comprises. Je vais vous demander de m'aider à mieux

22 saisir ce que vous avez dit. Vous avez déjà répondu à certaines questions

23 que je me posais.

24 Une question vous a été posée le Juge Karibi-Whyte. Cette

25 question était liée à une situation claire et à une occupation d’un

Page 9289

1 territoire. Votre réponse à cette question a été la suivante : une force

2 occupante ne peut pas modifier une nationalité, cela relève du droit

3 humanitaire international, n'est-ce pas ?

4 M. Economides. - Bien sûr. Un Etat qui occupe par la force un

5 territoire ne peut pas changer la nationalité des personnes.

6 L’occupation militaire ne peut changer ni la souveraineté qui

7 appartient à l’Etat qui est militairement occupé, ni la nationalité des

8 personnes qui habitent sur le territoire. Donc, l'occupation militaire ne

9 change pas la nationalité.

10 La Grèce a été occupée par l'Allemagne lors de la Seconde guerre

11 mondiale pendant 4 ans. La Grèce n’est pas devenue un territoire allemand.

12 Les Grecs n’ont pas changé de nationalité pour devenir des sujets

13 allemands. L'occupation militaire est en dehors de notre champ

14 d’application.

15 Je le répète encore une fois : l’occupation militaire ne change

16 ni la souveraineté du

17 territoire, ni la nationalité des personnes. La succession d’Etat légale

18 est tout à fait autre chose.

19 M. Moran (interprétation). - En fait, c'est la Convention de

20 La Haye de 1970 qui établit cela comme étant un principe du droit

21 international ?

22 Dans le cadre d’une guerre, la souveraineté sur un territoire

23 peut être transférée. Un exemple : celui de la Lorraine qui, entre la

24 France et l'Allemagne, a changé d'appartenance d’Etat trois ou quatre fois

25 au cours du même siècle.

Page 9290

1 M. Economides. - Cela s’opère, mais par la voie des traités de

2 paix qui règlent la question de la guerre, qui créent les conditions de

3 paix et qui règlent toutes les questions.

4 La guerre elle-même, en tant qu'événement, ne change pas la

5 situation. Mais s’agissant de la paix qui est convenue par la suite entre

6 les Etats impliqués dans la guerre, les traités peuvent régulariser la

7 situation et la changer complètement sur le plan du droit.

8 M. Moran (interprétation). - Professeur, on vient de me faire

9 passer une petite note. Généralement, je gère bien cette situation mais,

10 là, j’ai oublié de vous préciser que, dans ce Tribunal, il y a deux jeunes

11 femmes Sténotypistes, qui écrivent tout ce que nous sommes en train de

12 dire. Elles ne peuvent pas saisir un hochement de tête, un signe que vous

13 pourriez faire. Il vous faudra répondre par oui ou non après chacune de

14 mes questions, si vous le pouvez.

15 . Prenons l'exemple de l’Alsace et de la Lorraine. Lorsqu’un

16 traité de paix est conclu entre la France et l’Allemagne, dans ce cas

17 précis le traité peut stipuler que la population concernée devient

18 citoyenne de l'Allemagne ou citoyenne de la France.

19 M. Economides. - Absolument.

20 M. Moran (interprétation). - Dans ce sens, une guerre peut

21 apporter des modifications du point de vue de la nationalité ?

22 M. Economides. - Certainement.

23 M. Moran (interprétation). - Ou bien une puissance victorieuse

24 peut simplement annexer un territoire, n’est-ce pas ?

25 M. Economides. - Au début du droit international, c'était

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1 accepté, mais depuis la Première guerre mondiale, et surtout la Seconde

2 guerre mondiale, la force a été bannie complètement.

3 Le recours à la force est considéré comme un acte illicite. Une

4 annexion unilatérale serait un acte illégal qui devrait amener des mesures

5 de sécurité de la part du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

6 M. Moran (interprétation). - Je vois. Mais il y a diverses

7 façons de voir un peuple ou un territoire changer de mains.

8 Il peut y avoir sécession dans le cadre d'un Etat. Certaines

9 parties, certaines régions, d'un pays peuvent décider de faire sécession

10 de ce pays.

11 M. Economides. - Certainement, c'est la voie normale

12 actuellement de la sécession. Le droit d'autodisposition est exercé par

13 certains Etats et ils peuvent devenir indépendants en vertu de ce droit.

14 M. Moran (interprétation). - Il peut également y avoir des cas

15 où des Etats s'unissent pour ne former qu'un seul Etat.

16 D'ailleurs, l'un des exemples que vous avez vous-même cité dans

17 le cadre du rapport de la Commission de Venise est un exemple que je

18 connais fort bien, tout simplement parce que cela touche de très près

19 l'endroit d'où je viens. Il s’agit de l'annexion du Texas par les Etats

20 Unis en 1845, c'est l'un des exemples très précis auxquels vous vous êtes

21 référés.

22 Dans ce cas précis, une nation cesse d'exister n'est-ce pas ?

23 Donc, sa nationalité cesse d'exister par là même ?

24 M. Economides. - C'est tout à fait valable, c'est le cas récent

25 de l'Allemagne. Les deux Allemagnes se sont unies et ont fait un Etat.

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1 Vous avez un cas d'union d'Etats, mais au départ vous avez un traité

2 international qui a réglé toutes les questions, qui se sont opérées par la

3 suite.

4 Naturellement, l'union d'Etats est une façon tout à fait

5 acceptée par le droit international et qui a pour conséquence le

6 changement de la nationalité, mais qui s'opère dans la paix et non pas par

7 un recours à la force illégale.

8 M. Moran (interprétation). - Fort bien. D’autre part, un

9 changement peut intervenir dans le cadre de la souveraineté, lorsqu'une

10 nation explose. Par exemple, l'ex-Union Soviétique, en 1991 a cessé

11 d'exister parce qu'elle s'est dissoute d'une certaine façon.

12 M. Economides. - Un traité de dissolution a été signé et l'ex-

13 Union Soviétique a éclaté complètement effectivement, en vertu d'un traité

14 préalable qui a prévu précisément l'éclatement et la dissolution de l'ex-

15 Union Soviétique. Bien sûr, cela existe.

16 M. Moran (interprétation). - Gardons cet exemple de l'Union

17 Soviétique et parlons du droit international dans le cadre de cet exemple

18 précis.

19 Nous nous rappelons tous qu'en décembre 1991 le

20 Président Gorbatchev a fait un discours et a déclaré qu'il démissionnait.

21 A partir de ce moment-là, l'Union Soviétique a cessé d'exister en tant que

22 telle. Nous sommes d'accord sur ce point, n'est-ce pas ? C'est à titre

23 d'exemple que je me réfère à cela.

24 M. Economides. - Elle a cessé d'exister à partir du moment où

25 ils ont signé le traité dans la capitale de Biélorussie, je ne me souviens

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1 pas de son nom actuellement, qui prévoit la date de dissolution de l'Union

2 Soviétique, 1992 je crois. Je n'ai pas les dates, je n'ai pas étudié

3 spécifiquement ce cas, mais je sais que là on a eu un traité qui a prévu

4 la dissolution de l'Union Soviétique.

5 C'est à partir de ce traité-là que nous avons eu la dissolution

6 de l'Union Soviétique. Ce n'est pas le discours de Gorbatchev qui a mis

7 fin à l'Union Soviétique, mais le traité. Je ne me souviens pas de son

8 nom, mais je crois que c'est le traité qui a opéré cet effet.

9 M. Moran (interprétation). - De toute façon, dans le cadre du

10 droit international et quel que soit notre désir, le mien ou le vôtre,

11 d'être un citoyen de l'Union Soviétique, nous ne

12 pouvons pas le faire, parce que l'Union Soviétique n'existe plus.

13 M. Economides. - Oui.

14 M. Moran (interprétation). - Par conséquent, en vertu du droit

15 international, chacune des Républiques constituant l'ex-Union Soviétique

16 avait l'obligation d'accorder sa citoyenneté, que ce soit en Ukraine ou en

17 Biélorussie, ou que ce soit dans une autre république, à tous les

18 résidents habituels de cette même république ; et cela en vue d'éviter

19 l'apatridie.

20 M. Economides. - Oui.

21 M. Moran (interprétation). - Vous dites qu'un droit d'option qui

22 peut être exercé.

23 M. Economides. - Oui.

24 M. Moran (interprétation). - Cela ne signifie pas que si j'étais

25 un résident habituel de l'Ukraine et que l'Union Soviétique cessait

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1 d'exister je pourrais dire : "Je décide d'exercer mon droit d'option et

2 je veux devenir citoyen du Royaume-Uni". Ce n'est pas envisageable ?

3 M. Economides. - Bien sûr que non.

4 M. Moran (interprétation). - Il faut que les choses se fassent

5 des deux côtés. Il faut que l'Etat dont vous voulez devenir citoyen soit

6 prêt à vous accepter en tant que tel, soit prêt à vous reconnaître comme

7 un de ses ressortissants.

8 M. Economides. - Tout à fait.

9 M. Moran (interprétation). - Si cet Etat ne prévoit pas de faire

10 de vous un de ses ressortissants, vous n'avez aucune option possible,

11 aucun choix ne s'offre à vous.

12 M. Economides. - Oui, dans ce cas c'est vrai.

13 M. Moran (interprétation). - Même si l'Etat dont vous souhaitez

14 devenir ressortissant est prêt à vous reconnaître en tant que tel, dans ce

15 cas-là il faut que vous preniez des mesures précises pour obtenir cette

16 citoyenneté ?

17 M. Economides. - Certainement.

18 M. Moran (interprétation). - Tant que vous ne prenez pas ces

19 mesures, vous ne

20 devenez pas ressortissant de ce pays ?

21 M. Economides. - Tout à fait.

22 M. Moran (interprétation). - Donc, et je parle en toute

23 hypothèse, si j'étais un citoyen ukrainien parce que je suis résidant

24 habituel de cette République, que je souhaite devenir citoyen de la

25 Fédération russe et qu'elle me dise :"Non, M. Moran, nous ne souhaitons

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1 pas que vous deveniez un de nos ressortissants", dans un tel cas je

2 n'aurais aucun choix, aucune option ?

3 M. Economides (interprétation). - Il est évident que vous ne

4 serez pas citoyen de la Fédération de Russie si elle ne vous donne pas

5 cette possibilité par le biais de son droit interne.

6 M. Moran (interprétation). - Par le biais de sa législation

7 interne. Donc, mon choix n'existe pas ?

8 M. Economides (interprétation). - Oui, vous n'avez pas d'autre

9 choix.

10 M. le Président (interprétation). - Vous nous mettez dans une

11 position très difficile, Maître, celle où il n'y a pas d'état qui souhaite

12 vous recevoir en tant que ressortissant. Il y a cependant le cas possible

13 ou un autre état...

14 Pourquoi parler de la Fédération russe maintenant ? Cette

15 proposition est un peu gênante.

16 M. Moran (interprétation). - Entendu, Monsieur le Président.

17 S'il y avait un choix, si la Fédération de Russie me permettait

18 de devenir l'un de ces citoyens, est-ce que l'Ukraine aurait une

19 obligation quelconque de m'autoriser, en tant qu'étranger, mes enfants,

20 mes petits enfants et mes petits enfants, à continuer à vivre sur le

21 territoire ukrainien ? Ou bien est-ce qu'une nation a le droit intrinsèque

22 de décider que des non-citoyens ne pourront pas résider sur son

23 territoire ?

24 M. Economides (interprétation). - J'ai répondu à cette question

25 il y a quelques instants.

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1 On a dit que la pratique, jusqu'à présent, semble admettre cette

2 conséquence que

3 vous venez d'évoquer. Si vous faites un choix qui est contraire, par

4 exemple à la loi de l'Ukraine, la loi de l'Ukraine peut vous demander de

5 quitter le territoire.

6 On a condamné cette pratique comme étant sévère et, aujourd'hui,

7 contraire aux Droits de l'Homme. C'est pourquoi la Commission de Venise a

8 déjà fait une recommandation en faveur du changement de cette pratique. La

9 Commission du Droit international n'a pas encore abordé cette question,

10 mais j'espère qu'elle va le faire prochainement.

11 M. Moran (interprétation). - En fait, la Commission de Venise et

12 la Commission de Droit international, les déclarations, les rapports qui

13 sont faits dans ce cadre, disent : "Voici comment nous souhaiterions que

14 le Droit international soit modifié afin qu'il prévoie des garde-fous

15 supplémentaires".

16 M. Economides (interprétation). - La Commission de Venise essaie

17 de faire ce que l'on appelait tout à l'heure "œuvre de codification", de

18 dire quelles sont les règles qui se dégagent de la pratique actuelle et

19 qui sont en quelque sorte obligatoires pour les états. Mais là où la

20 Commission veut introduire des changements, elle le dit de manière très

21 claire, en indiquant qu'il serait souhaitable que désormais les états

22 fassent ceci où cela.

23 Dans les deux textes, vous avez des points de codification, donc

24 des règles existantes, mais vous avez aussi de nouvelles propositions pour

25 changer le droit existant en faveur de règles nouvelles. Ces deux éléments

Page 9297

1 sont impliqués dans les deux textes, que ce soit la Commission de Venise

2 ou la Commission de Droit international.

3 Mais la Commission de Venise, contrairement à la Commission de

4 Droit international, l'énonce de manière très claire ; là où c'est quelque

5 chose de nouveau, la phrase commence toujours par : "Il serait

6 souhaitable... etc...", donc on comprend que c'est un souhait, une

7 recommandation libellée.

8 Les recommandations de la Commission de Droit international

9 utilisent le même langage. Mais, souvent, on ne peut pas voir si derrière

10 une règle, c’est une règle de codification

11 ou une règle de développement progressif du droit. C'est plus difficile.

12 M. Moran (interprétation). - Par exemple - mais ce n'est pas un

13 exemple que je prends au hasard- en 1947, lorsque le traité de paix a été

14 signé entre la Grèce et l'Italie, traité qui impliquait certaines îles du

15 Dodécanèse, il y a eu un droit d'option, mais, selon la Commission de

16 Venise, les personnes qui choisissaient d'exercer ce droit d'option et de

17 garder la citoyenneté italienne devaient quitter le territoire, n'est-ce

18 pas ?

19 M. Economides (interprétation). - C'est vrai.

20 M. Moran (interprétation). - Il ne s'agissait pas là d'une

21 violation du Droit international de la part de la Grèce, et ce ne serait

22 pas le cas non plus aujourd'hui, n'est-ce pas ? Ou bien voulez-vous

23 changer ce point précis du Droit international ?

24 M. Economides (interprétation). - Je ne peux pas me prononcer

25 mais en tout cas, après la Seconde guerre mondiale, je suis tout à fait

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1 d'accord avec vous, ce n'était pas une violation du Droit international.

2 Maintenant, cinquante ans après, la même réglementation, est-

3 elle ou non conforme au Droit international ? Il faut que ce soit une

4 juridiction qui le dise. La théorie peut dire n'importe quoi, mais ce sera

5 une opinion de théorie. Généralement pas mal de personnes pensent que les

6 Droits de l'Homme ont, entre temps, influencé énormément les droits de la

7 succession d'état et qu'il y a même des obligations nouvelles.

8 Même si je dis ceci, cela aura une autorité vraiment très

9 limitée. Il faut que ce soit une cour internationale qui le prononce, cela

10 aura toute son autorité, mais ceci n'a pas encore été dit.

11 Donc, on peut en rester avec la pratique de la Seconde guerre

12 mondiale ; elle est tout à fait valable, bien qu'il puisse y avoir deux

13 réserves.

14 M. Moran (interprétation). - Très bien. Revenons à notre exemple

15 de l'Ukraine. Je suis un citoyen d'Ukraine. Imaginons que j'aie un droit

16 d'option. Jusqu'au moment où j'exerce ce

17 droit d'option, en demandant à la Fédération russe de m'accorder sa

18 nationalité, je dois allégeance ou respect à l'Ukraine, n'est-ce pas ?

19 M. Economides (interprétation). - Certainement. Tout

20 ressortissant doit allégeance à son état, comme tout état doit protection

21 à son ressortissant. Les deux questions sont en rapport très étroit :

22 l'état doit protection et la personne allégeance ou obéissance,

23 certainement.

24 M. Moran(interprétation). - Donc, je suis un citoyen de

25 l'Ukraine, avant que la nationalité me soit accordée par la Fédération

Page 9299

1 russe. Si j'essaie d'organiser une rébellion en Ukraine par exemple, si

2 j'essaie de renverser le gouvernement, je peux me retrouver dans une

3 situation très grave ?

4 M. Economides (interprétation). - Oui.

5 M. Moran (interprétation). - En fait, on parlera alors de haute

6 trahison.

7 M. Economides. - Oui, a priori on parlera de trahison. C'est un

8 acte de trahison, cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

9 M. Moran (interprétation). - Je vais aborder une ou deux

10 questions supplémentaires et nous en aurons terminé professeur.

11 Lorsque vous avez parlé à M. Greaves, vous avez dit que vous ne

12 vous rappeliez plus de certaines dates, de certaines lois passées par la

13 République de Bosnie-Herzégovine et ce genre de choses, n'est-ce pas ?

14 Etes-vous d'accord pour dire que la date officielle est la date

15 de publication d'une loi au Journal officiel, c'était sans doute la date

16 officielle, n'est-ce pas ?

17 M. Economides. - Oui.

18 M. Moran (interprétation). - Saviez-vous, si vous ne le

19 connaissez pas ce n'est pas grave, je suis simplement curieux, que, dans

20 la Fédération Socialiste Fédérative de Yougoslavie, la nationalité était

21 fondée sur votre nationalité de la République constituante, donc en fait

22 il fallait être citoyen de l’une des Républiques constituantes avant de

23 pouvoir être citoyen de la

24 Fédération ?

25 M. Economides. - Je l’accepte comme étant tout à fait logique.

Page 9300

1 Je sais qu’il y avait deux nationalités. Il y avait une nationalité au

2 sens du droit international, il y avait la nationalité yougoslave qui

3 était la seule valable dans les rapports internationaux de la Yougoslavie.

4 Mais, au sens interne, au sein de l’ex Yougoslavie, il y avait non pas la

5 nationalité, mais la citoyenneté des différentes entités composantes. Vous

6 aviez en même temps deux choses : citoyenneté interne et nationalité

7 yougoslave à l'extérieur.

8 Effectivement, ceux qui étaient citoyen d'une des entités

9 composantes avaient en même temps, nécessairement, la nationalité de la

10 Yougoslavie. Je suis d’accord avec votre analyse.

11 M. Moran (interprétation). - La raison de cette question est que

12 je viens des Etats-Unis et c'est le cas contraire dans mon pays. Ma

13 citoyenneté d’état, en tant qu'état constituant, est fondée sur le fait

14 que j'ai déjà la nationalité américaine. C’est le processus inverse.

15 Pour être citoyen de la Yougoslavie, il fallait d’abord être

16 citoyen de la République à laquelle une personne appartenait. Etes-vous

17 d’accord ?

18 M. Economides. - Oui.

19 Mme Odio Benito (interprétation). - Professeur, pourriez-vous me

20 dire quelle est la différence entre la citoyenneté et la nationalité,

21 entre ces deux concepts ?

22 M. Economides. - La nationalité est une notion de droit

23 international, c’est la nationalité de tous les êtres humains. Ils sont

24 nationaux de leur Etat. La nationalité est réglementée par le droit

25 international. La citoyenneté a une connotation de droit interne. Beaucoup

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1 d’Etats n'ont pas la notion de citoyenneté. En Grèce, la notion de

2 citoyenneté n'existe pas, il y a seulement la question de nationalité.

3 Mais dans certains Etats, par exemple en Yougoslavie, il peut exister la

4 citoyenneté qui est une nationalité interne, mais non pas de caractère

5 international. La citoyenneté est une notion réglementée par le droit

6 interne. Il y avait

7 une citoyenneté dans l'empire britannique, dans la République française

8 avec des effets spécifiques. Il faut aller consulter le droit interne pour

9 voir quelle est la signification et la portée de la citoyenneté.

10 La citoyenneté est une notion qui dépend du droit interne et qui

11 varie d’un Etat à l’autre alors que la nationalité est une notion du droit

12 international public.

13 La citoyenneté américaine, je ne l’ai jamais étudiée, mais la

14 citoyenneté de l’empire britannique peut être différente de celle de la

15 Yougoslavie ou d’autres Etats fédéraux. La réponse dépend du droit

16 interne. C’est une notion de droit interne pour les besoins d'un état

17 fédéral.

18 M. Moran (interprétation). - Je vais vous proposer un exemple et

19 j'espère que cela éclairera votre question.

20 Professeur Economides, êtes-vous d'accord avec moi pour dire

21 qu'après l'adoption des lois de Nuremberg dans les années 30, les Juifs en

22 Allemagne étaient des ressortissants de l’Allemagne, ils avaient un

23 passeport allemand, mais ils n’avaient pas de citoyenneté. S'agit-il là

24 d'un exemple de la différence entre la citoyenneté et la nationalité ?

25 M. Economides. - Oui, cela peut être un exemple selon la

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1 législation allemande de l’époque. C’étaient des gens qui n'avaient pas de

2 droits égaux aux autres nationaux. C'était la notion de quelqu'un qui

3 n'avait pas la plénitude des droits, un citoyen de seconde catégorie en

4 quelque sorte.

5 Il faut le voir dans le cadre de la législation allemande de

6 l’époque. Ce n’est pas un phénomène international, mais purement interne.

7 Je connais d’autres exemples où les nationaux ne sont pas placés

8 sur le même pied d'égalité. Il y a des nationaux de différentes

9 catégories, certains ont tous les droits, d'autres ont des droits réduits,

10 et là souvent on utilise la notion de citoyenneté pour expliquer

11 l’existence des droits réduits pour certaines catégories de personnes.

12 L'essentiel de mon intervention ici est de dire que la

13 citoyenneté doit être lue dans le cadre d'un droit interne pour qu'elle

14 soit comprise.

15 M. Moran (interprétation). - Vous avez également parlé en

16 passant de la notion de double nationalité. Je voudrais suggérer la chose

17 suivante : Lorsque quelqu'un jouit d’une double nationalité, c’est-à-dire

18 deux nationalités, c'est le cas d'un de mes clients, il doit allégeance

19 aux deux pays dont ils ont la nationalité.

20 M. Economides. - Absolument.

21 M. Moran (interprétation). - Lorsqu’il y a un conflit entre ces

22 deux pays, ils peuvent se retrouver face à un dilemme assez important,

23 n’est-ce pas ?

24 M. Economides. - Ce dilemme existe et là on voit vraiment s’il

25 est national de l’un ou de l’autre état. On pourra voir quelle est en ce

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1 qui concerne ses sentiments la nationalité effective.

2 M. Moran (interprétation). - Je voudrais vous demander si vous

3 connaissez une affaire qui est citée dans le livre d'Oppenheim, Kower Po

4 contre Etats-Unis. C'est une affaire qui date de 1951 et qui parlait d'une

5 personne qui avait la nationalité japonaise et américaine. C'est la Cour

6 suprême des Etats-Unis qui en a été saisie à l'époque.

7 M. Economides. - Non, pas du tout.

8 M. Moran (interprétation). - Mesdames et Messieurs les Juges,

9 j’espère que cela a répondu à votre question, Juge Odio Benito ?

10 Mme Odio Benito (interprétation). - Oui.

11 M. Moran (interprétation). - Sinon je pourrais insister un peu

12 plus sur ce point.

13 Dans l'affaire Nottebohm, la façon dont j'ai compris la décision

14 de la cour internationale de justice, au fait, lorsque vous êtes venu pour

15 la première le 30 octobre, vous avez dit qu'il s'agissait de l’affaire

16 Liechtenstein contre Guatemala, n’est-ce pas, il s’agit de la dénomination

17 officielle ? C’est bien le Guatemala ?

18 M. Economides. - Oui.

19 M. Moran (interprétation). - Pourquoi cette affaire a-t-elle eu

20 lieu ? Il n’y avait pas de contact effectif entre M. Nottebohm et le

21 Liechtenstein et le Guatemala n'avait pas à le traiter comme un citoyen du

22 Liechtenstein. La CIJ, cependant, n’a jamais dit que le Liechtenstein

23 n’avait pas d’obligation de le traiter comme un ressortissant du

24 Liechtenstein, un citoyen plus précisément. En fait, la CIJ n’a jamais dit

25 non plus que M. Nottebohm avait un devoir de loyauté et d'allégeance vis-

Page 9304

1 à-vis du Liechtenstein, n'est-ce pas ?

2 M. Economides. - C’est exact.

3 M. Moran (interprétation). - Je vous demanderai un instant,

4 Madame et Messieurs les Juges. Si je peux consulter mes notes très

5 rapidement, je pense que nous pourrons terminer.

6 M. le Président (interprétation). - Il nous reste 20 minutes, je

7 crois.

8 M. Moran (interprétation). - Par le passé, j’ai beaucoup abusé

9 de votre patience, là, j'aimerais faire les choses le plus rapidement

10 possible.

11 M. le Président (interprétation). - Merci.

12 M. Moran (interprétation). - La convention sur la nationalité de

13 Vienne élaborée par la Commission de Vienne à Strasbourg propose dans son

14 article 2 une définition. Elle définit la nationalité de la façon

15 suivante : "La nationalité est le lien juridique entre une personne et un

16 Etat et n'indique pas l'origine ethnique d'une personne". Etes-vous

17 d'accord avec moi pour dire que c'est une déclaration qui entre bien dans

18 le cadre du droit international tel qu'il est actuellement ?

19 M. Economides. - Oui, effectivement, il y a cette définition et

20 je suis d'accord avec vous. Elle rentre dans le cadre du droit

21 international.

22 M. Moran (interprétation). - Et le droit international tel qu'il

23 existait en 194, en 1950, c'est du droit international et cela reste du

24 droit international, n'est-ce pas ?

25 M. Economides. - Oui.

Page 9305

1 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, j'en ai

2 terminé avec le témoin.

3 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Peut-on

4 poursuivre le contre-interrogatoire ?

5 Mme McMurrey (interprétation). - Puis-je poursuivre,

6 Monsieur le Président ? Je vais finir dans les 15 minutes qui nous

7 restent. Je vous le promets.

8 Bonjour, Professeur Economides. Je m'appelle Cynthia McMurrey et

9 je représente Esad Landzo. Je n'ai que quelques points à éclaircir.

10 Tout d'abord, vous avez dit que vous n'avez jamais étudié le

11 droit bosniaque, c'est-à-dire le droit de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

12 pas ?

13 M. Economides. - Oui.

14 Mme McMurrey (interprétation). - Nous avons reçu ici un expert,

15 M. Kalic, qui est venu comparaître et qui a introduit un certain nombre de

16 documents en tant que pièces à conviction. Cette personne était un expert

17 en droit yougoslave.

18 Si M. Kalic avait présenté des documents prouvant que le

19 lendemain de la déclaration de l'indépendance, la Bosnie-Herzégovine avait

20 adopté une constitution stipulant des lois sur la nationalité, alors,

21 cette loi s'appliquerait sur les personnes vivant en Bosnie-Herzégovine à

22 partir d'avril 1992 et par la suite, n'est-ce pas ?

23 M. Economides. - Bien sûr.

24 Mme McMurrey (interprétation). - Par conséquent, si c'était le

25 cas, à partir d'avril 1992 et par la suite, il n'y aurait pas de droit

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1 d'option à offrir à ces personnes, parce que, comme M. Moran l'a dit dans

2 son exemple, la seule citoyenneté, la seule nationalité, à laquelle ils

3 auraient eu droit aurait été celle de la Bosnie-Herzégovine à ce moment-

4 là. Peut-on dire cela ?

5 M. Economides. - Je crois qu'on ne peut pas dire cela.

6 Certainement, la Bosnie-Herzégovine avait le droit immédiatement

7 après la

8 déclaration d'indépendance d'adopter des lois sur la nationalité et de

9 désigner toutes les personnes qui étaient désormais des nationaux du

10 nouvel état.

11 Mais, d'après le droit international, maintenant, nous passons

12 du droit interne au droit international, la Bosnie-Herzégovine devrait

13 s'interroger sur le fait de savoir si tous ces gens-là qui sont devenus

14 des nationaux de Bosnie-Herzégovine voulaient effectivement avoir cette

15 nationalité de Bosnie-Herzégovine. Si des groupes de personnes ne

16 voulaient pas de manière manifeste, notoire, notable, la nationalité, la

17 Bosnie-Herzégovine, d'après la pratique internationale et le droit

18 international, devrait organiser et donner à ces gens-là le droit d'opter

19 pour une autre nationalité, d'un autre état successeur éventuellement,

20 et/ou pour l'état prédécesseur s'il existait.

21 C'était cela la démarche conforme au droit international et

22 cette démarche est relatée actuellement par des textes de droit

23 international concernant cette question, c'est la déclaration de Venise et

24 le rapport de la commission du droit international.

25 Donc, ma réponse en deux mots à votre question, c'est que

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1 certainement la République de la Bosnie-Herzégovine avait le droit de

2 nommer ses citoyens, mais elle avait aussi l'obligation d'examiner

3 l'éventualité de l'organisation d'un droit d'option en faveur de certains

4 groupes de personnes qui ne voudraient pas acquérir la nationalité de

5 Bosnie-Herzégovine.

6 Or, sur cette deuxième question, d'après ce que je sais, quoique

7 n'étant pas expert du droit bosniaque, un tel droit d'option n'a jamais

8 été organisé par la République de Bosnie-Herzégovine.

9 Là, selon moi, il y a une lacune sur le plan du droit

10 international. On a dit tout à l'heure que d'autres états ne l'ont pas

11 fait effectivement. Tous n'ont pas fait un droit d'option, mais je

12 considère personnellement à titre d'expert que cette attitude n'est pas

13 conforme au droit international. Selon moi, le droit d'option est

14 obligatoire.

15 Mme McMurrey (interprétation). - Très bien, Professeur. Une

16 autre question : S'il

17 n'y a pas d'état prédécesseur existant, donc il y a pas le devoir d'offrir

18 ce droit d'option n'est-ce pas ?

19 M. Economides. - Les deux textes que je viens de citer disent

20 qu'en cas de dissolution, il faut ouvrir un droit d'option en faveur

21 d'autres états successeurs parce qu’il peut y avoir des personnes qui

22 habitent en Bosnie-Herzégovine, mais qui sont Croates, Slovènes ou de la

23 République de Macédoine. Il faut donner à ces gens-là un droit d'option

24 pour éventuellement opter pour la nationalité de la Croatie, de la

25 Slovénie, etc.

Page 9308

1 D’autres options existent dans tous les cas, soit en faveur de

2 l’état prédécesseur s’il existe, soit en faveur des autres états

3 successeurs en cas de dissolution de l'état prédécesseur.

4 M. Moran (interprétation). - Cette opinion que vous venez de

5 formuler, vous la fondez sur le travail de la Commission que vous venez de

6 terminer, mais il ne s'agit pas du droit international tel qu'il existe

7 aujourd'hui, n’est-ce pas ?

8 M. Economides. - Cette opinion est basée sur une pratique

9 internationale très longue, une pratique développée par la Commission de

10 Venise. La Commission de Venise a essayé de déceler le droit international

11 actuel. C’est une solution du droit international actuel, mais cette

12 solution n’a pas encore la forme solennelle d'une convention

13 internationale qui le dirait d'une manière vraiment expresse. Nous n'avons

14 pas une certitude totale.

15 Mais, selon moi, c’est déjà une règle de droit international que

16 l'on peut contester, je suis tout à fait d'accord avec vous, tant que nous

17 n'avons pas une convention internationale signée et tout à fait claire, et

18 tant que nous n’avons pas par exemple une décision de la Cour

19 internationale de Justice qui dirait la même chose. Mais c'est une

20 tendance très forte du droit international actuel qui est exprimée par ces

21 textes qui sont les deux textes qui essaient de faire la synthèse sur

22 cette question.

23 M. Moran (interprétation). - Merci beaucoup Professeur, je n’ai

24 plus de question.

25 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous

Page 9309

1 venons juste de noter

2 dans le compte rendu, généralement je ne fais pas ce genre de remarque,

3 une erreur importante.

4 Il y a une ou deux questions sur la page 73/1 où le Professeur

5 Economides a dit : « Je dirai même que le doit international » et sur le

6 compte rendu, il apparaît : « Je ne dirai pas ». Je crois qu'il fallait

7 signaler cette erreur.

8 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

9 M. Niemann (interprétation). - C'est important.

10 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres contre-

11 interrogatoires ?

12 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame

13 et Messieurs les Juges, la défense de M. Delalic n’a pas de question à

14 poser au Pr. Economides. Merci beaucoup.

15 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, voulez-vous

16 procéder à un interrogatoire supplémentaire ?

17 M. Niemann (interprétation). - Merci.

18 Professeur Economides, savez-vous quand le Conseil de Sécurité

19 des Nations Unies a accepté que la République socialiste fédérative

20 yougoslave cesse d’exister en tant qu’entité ?

21 M. Economides. - Oui, vers la fin du mois de septembre 1992.

22 C'est la fameuse résolution 3/7-777.

23 M. Niemann (interprétation). - En ce qui concerne certaines

24 questions qui vous ont été posées par M. Greaves, une personne qui détient

25 la nationalité de l'état prédécesseur continue-t-elle à posséder cette

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1 nationalité jusqu'au moment où elle choisit d'exercer son droit d'option

2 afin de pouvoir acquérir la nationalité de l’état successeur ?

3 M. Economides. - Oui, c'est un fait qu'une personne qui possède

4 la nationalité de l'état prédécesseur continue de l’avoir jusqu'à la

5 dissolution de l'état prédécesseur, si l’état prédécesseur est dissous, et

6 jusqu'au retrait de la nationalité de l'état prédécesseur, si ce dernier

7 retire sa nationalité, ou jusqu'à l'option d'une autre nationalité lorsque

8 ceci implique la perte de la nationalité antérieure.

9 D'après le droit de la succession, lorsque l’état successeur

10 donne sa nationalité à tous les résidents, l'état prédécesseur est obligé

11 de retirer sa propre nationalité.

12 Ceci est prévu par la déclaration de Venise, article 12 et aussi

13 par le projet de la CDI, article 25 paragraphe premier, qui dit que l'état

14 prédécesseur retire sa nationalité aux personnes concernées ; ce sont les

15 personnes qui sont impliquées dans la succession qui remplissent les

16 conditions requises pour acquérir la nationalité de l'état successeur,

17 c'est-à-dire qui sont résidents essentiellement sur le territoire de

18 l'état successeur. Il y a une obligation de retrait.

19 Ma réponse est qu'il faut qu'il y ait retrait de la nationalité

20 ou dissolution de l’état, autrement la nationalité de l’état prédécesseur

21 continue toujours d'exister.

22 M. Niemann (interprétation). - Professeur, est-il possible de

23 rejeter une présomption de nationalité ? Et, si c'est le cas, comment

24 fait-on pour rejeter cette présomption de nationalité ?

25 M. Moran (interprétation). - Je rejette cette remarque. Elle

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1 n'entre pas dans le cadre de notre interrogatoire. Cela n’a pas été

2 mentionné dans notre interrogatoire.

3 M. Niemann (interprétation). - Si, cela l’a été dans le contre-

4 interrogatoire de Me Greaves !

5 M. le Président (interprétation). - Je pense que Me Niemann peut

6 poser cette question au témoin.

7 M. Economides. - J'ai répondu à cette question tout à l'heure en

8 disant que la présomption est valable éventuellement en cas de doute, et

9 si ceci a été fait ou non, et on peut supposer que la présomption peut

10 s'appliquer dans de tels cas.

11 Mais ce qui est important, ce n'est pas la présomption elle-même

12 qui ne donne absolument aucun droit, mais c'est le droit de l'état

13 successeur. Si ce dernier ne fait rien du tout, on ne peut pas par cette

14 présomption considérer couvrir tous les cas.

15 J'avais même dit que c'est une présomption qui n'est pas du tout

16 irréfragable. On peut prouver le contraire, si le contraire est la

17 réalité.

18 Je répète ce que j'ai dit : ce qui est important, c'est le droit

19 interne et non pas la présomption. La présomption, c'est une directive qui

20 est donnée au gouvernement de faire ceci rapidement, mais s'il ne la fait

21 pas, on ne peut rien faire et jouer à la place de l'état successeur. Donc,

22 la présomption a une valeur toute relative.

23 M. Niemann (interprétation). - Professeur, avez-vous une opinion

24 quant à la date à laquelle la nationalité de la RSFY a cessé d'exister, la

25 République Fédérative de Yougoslavie ?

Page 9312

1 M. Economides. - C'est une question difficile et qui joue un

2 rôle important dans le cadre de la présente affaire. Je sais que la

3 nationalité de l'ex-Yougoslavie existait déjà lorsque la Commission

4 Badinter avait, à la fin de 1991, déjà dit que l'ex-Yougoslavie continuait

5 d'exister et qu'elle avait toujours une personnalité internationale.

6 Après, il y a eu un laps de temps, toute l'année 1992.

7 Je considère que la date critique en ce qui concerne cette

8 question, c'est la résolution que vous avez citée du Conseil de Sécurité

9 qui dit pour la première fois que la République Socialiste Fédérative de

10 Yougoslavie a cessé d'exister, mais ceci se passe au mois de

11 septembre 1992.

12 Je dois dire que, d'après le droit international classique, il

13 n'y a aucune règle de droit international qui défend à un état d'exister.

14 Un état peut exister, même s'il perd des parties de son territoire. Mais,

15 ceci n'a pas été vu de cette manière-là par le Conseil de Sécurité. Le

16 Conseil de Sécurité est venu à un moment donné et il a déclaré (je ne sais

17 pas si c'était correct sur le plan du droit international) que cette

18 décision était obligatoire par elle-même. Donc, on ne peut pas la

19 discuter. C'est une décision obligatoire qui crée une obligation pour tout

20 le monde.

21 Dans cette décision, il était dit au mois de septembre 1992 que

22 la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie a cessé d'exister. Je

23 crois qu'il faut supposer que, jusqu'à

24

25 cette date, cette République existait. C'est mon opinion personnelle.

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1 M. Jan (interprétation). - Je voudrais poser une question. Je

2 n'ai pas eu cette résolution sous les yeux. Cette résolution reconnaît-

3 elle un fait qui a déjà eu lieu ou, cette résolution, par son fait même,

4 entraîne-t-elle les événements ?

5 M. Economides. - Actuellement, il faut étudier la décision, mais

6 je crois que cette décision n'a pas eu un effet rétroactif. Elle a

7 constaté qu'au mois de septembre 1992, la République n'existait plus.

8 Maintenant, si elle avait été dissoute quelques jours avant, il faut le

9 déduire de la décision, mais les résolutions n'ont pas d'effet rétroactif,

10 elles ont l'effet de la date de leur adoption.

11 Donc, je considère que c'est au moment où le Conseil de Sécurité

12 a constaté cela que la dissolution prend effet, parce que nous n'avons pas

13 une autre date pertinente. Il n'y a absolument aucune autre date. Il y a

14 même un soutien de la part de la Serbie qu'elle continue la personnalité

15 internationale de l'ex-Yougoslavie. C'était la position officielle de cet

16 état, mais cette position n'était pas acceptée par d'autres composantes de

17 l'ex-Yougoslavie.

18 Là, j'ai dit que le droit international n'interdit pas à un état

19 de poursuivre la personnalité internationale d'un autre état à l'infini,

20 d'une manière perpétuelle. Mais, le Conseil de Sécurité est venu et a dit

21 le contraire. Donc, la société internationale a accepté parce que les deux

22 voies sont possibles : la dissolution et la séparation. Vous avez les deux

23 cas, un état prédécesseur peut continuer d'exister ou il peut disparaître.

24 Donc, je crois que pour la Yougoslavie, on était dans un

25 contexte de séparation jusqu'en septembre 1992, mais à partir de là, on

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1 doit accepter le fait que nous avons affaire à un cas de dissolution.

2 C'est mon opinion personnelle.

3 M. le Président (interprétation). - Avez-vous d'autres

4 questions, Maître Niemann ?

5 M. Niemann (interprétation). - Non.

6 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président,

7 je voudrais

8 demander votre autorisation pour reformuler certaines questions qui ont

9 entraîné au cours du contre-interrogatoire que j'avais plus clairement à

10 l'esprit, mais que j'ai peut-être mal formulées. Puis-je faire cela ?

11 M. Niemann (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.

12 Je n'ai rien dit quant à moi qui ait provoqué une certaine confusion. Je

13 crois que les questions ont été suffisamment posées.

14 M. Moran (interprétation). - Certaines questions ont peut-être

15 entraîné un certain degré d'ambiguïté. Il a dit quelque chose durant

16 l'interrogatoire principal et une autre chose dans le contre-

17 interrogatoire qui ont peut-être entraîné une certaine confusion. Puis-je

18 poser cette question ?

19 M. le Président (interprétation). - Allez-y.

20 M. Moran (interprétation). - Vous avez dit à la fois dans

21 l'interrogatoire principal et dans le contre-interrogatoire que lorsqu'il

22 y a une séparation d'état, la sécession d'un état ou qu'un état éclate et

23 qu'une nouvelle nationalité en résulte, lorsque la souveraineté de

24 nationalité est transférée vous avez dit que les résidents habituels de la

25 zone où la souveraineté est transférée obtiennent immédiatement la

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1 nationalité de l'état souverain. Est-ce exact ?

2 M. Economides. - Oui, c'est exact.

3 M. Moran (interprétation). - Je choisis un exemple. Si l’état du

4 Texas fait sécession des Etats-Unis demain, j'obtiendrai la nationalité de

5 la République du Texas par rapport aux Etats-Unis, n'est-ce pas ? A ce

6 moment-là, je pourrais avoir le droit d’option afin de décider si, oui ou

7 non, je veux devenir ressortissant des Etats-Unis, n'est-ce pas ?

8 M. Economides. - Non, si ce cas se présente, vous allez obtenir

9 en tant que résident la nationalité du Texas, mais vous aurez aussi...

10 L’Interprète française. - Votre micro, s’il vous plaît.

11 M. Economides. - Si vous devenez national de l'état du Texas,

12 parce que vous êtes

13 résident permanent dans cet état, vous conservez aussi la nationalité des

14 Etats-Unis jusqu'à ce que les Etats-Unis vous retirent la nationalité.

15 S’ils ne vous la retirent pas, vous avec la double nationalité. Vous êtes

16 du Texas, mais vous êtes aussi ressortissant des Etats-Unis jusqu'à ce que

17 cette question soit réglée.

18 M. Moran (interprétation). - Fort bien. Donc dans une situation

19 telle que celle de la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie, si la

20 nationalité de la RFSY avait continué après que la Bosnie-Herzégovine

21 devienne un état indépendant, les gens auraient pu avoir la double

22 nationalité, c’est-à-dire la nationalité de la République de Bosnie-

23 Herzégovine et, durant sa durée d’existence, la nationalité de la RSFY,

24 c’est cela ?

25 M. Economides. - C’est cela.

Page 9316

1 M. Moran (interprétation). - Très bien. Dernière question, nous

2 avons parlé de la Commission Badinter.

3 S’ils avaient dit, par exemple, le 4 juillet 1992, le processus

4 de dissolution de la RSFY est maintenant terminé et la RSFY n’existe plus,

5 seriez-vous d'accord avec cette assertion ?

6 M. Economides. - Sur le plan personnel, je n'ai aucune

7 difficulté à être d'accord. Mais, sur le plan scientifique, si vous voulez

8 que nous établissions cela, je dirai que la Commission Badinter émettait

9 des avis que l’on pouvait ne pas accepter. Il n'y a rien d’obligatoire

10 dans les avis de la Commission Badinter.

11 Mais je suis tout à fait d'accord avec vous, si la

12 Commission Badinter a dit cela en 1992, d'une manière très claire, c'est

13 une position forte.

14 M. Moran (interprétation). - Madame, Messieurs les Juges, je

15 vous remercie beaucoup de votre patience et de votre indulgence.

16 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. La

17 Commission Badinter a été formée pour d’autres objectifs. Elle devait

18 donner son avis sur d’autres points, pas forcément

19 sur l’existence de l’état ou non à ce moment-là. Cela n'avait rien à voir

20 avec ce point.

21 Merci beaucoup, Professeur Economides de l’aide que vous nous

22 avez apportée, de tout ce que vous avez pu faire pour nous pour éclaircir

23 les doutes qui restaient dans nos esprits. Merci beaucoup.

24 M. Economides. - C'était un honneur pour moi d'essayer de vous

25 aider dans la mesure de mes possibilités.

Page 9317

1 M. Greaves (interprétation). - Nous voudrions souhaiter un bon

2 anniversaire, Professeur, pour demain.

3 M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant lever

4 l’audience. Nous nous retrouverons à 14 heures 30.

5 L’audience est suspendue à 13 heures 10.

6 L'audience est ouverte à 14 heures 35.

7 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, vous avez

8 toute l'après-midi.

9 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, en

10 effet.

11 Monsieur le Président, je demande la possibilité de discuter de

12 la requête que nous avons déposée le 20 novembre 1997 devant cette Chambre

13 de première instance. Dans cette requête, nous demandons à pouvoir citer

14 un nouvel expert en graphologie.

15 Selon le résultat de notre requête, donc la décision que vous

16 prendrez, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, sur ce

17 sujet, le témoin que nous citerons est un témoin slovène, si vous nous

18 autorisez à le citer à la barre.

19 J'ai été informé que les interprètes de langue slovène, qui

20 seront nécessaires pour permettre la compréhension des propos de ce

21 témoin, ne seront pas disponibles avant demain matin, au cas où vous

22 accéderiez à notre demande.

23 Mais, il y a quelques sujets que ma collègue, Me McHenry,

24 voudrait évoquer devant vous, Madame et Messieurs les Juges, des sujets

25 divers qui sont encore en suspens et qui, néanmoins, exigent l'attention

Page 9318

1 de la Chambre.

2 Je pense que nous pourrons donc utiliser très utilement le reste

3 du temps cet après-midi pour traiter de ces questions en suspens. Puis,

4 nous pourrons entendre le témoin demain matin, selon ce que vous

5 déciderez, Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation). - Bien. Vous pouvez

7 poursuivre.

8 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

9 Cette requête demande donc l'autorisation de citer à la barre un expert en

10 graphologie qui pourra nous donner son avis au sujet des documents qui ont

11 été saisis par la police viennoise dans les locaux d'Inda-Bau. Il y a

12 également d'autres documents que ce témoin, que nous cherchons à citer à

13 la barre, a examinés ; il pourra nous donner également son avis sur

14 d'autres éléments documentaires.

15 Monsieur le Président, la défense a déposé sa réponse à cette

16 requête. Lorsque je dis la défense, je parle du conseil de l'accusé

17 Zejnil Delalic. C'est lui qui a déposé une réponse. Dans cette réponse,

18 figurent un certain nombre de points. Il pourrait être utile pour moi

19 d'aborder également ces points qui figurent dans la réponse de la défense.

20 Le premier point évoqué par la défense et que j'aimerais aborder

21 est le suivant. En raison de ce qu'a dit le témoin Mörbauer au mois de

22 juin de cette année, en réponse aux questions qui lui ont été posées dans

23 le cadre du contre-interrogatoire et en réponse aux commentaires formulés

24 par le Juge Jan, la défense a déclaré que l'accusation devrait être

25 informée du fait que la citation à la barre d'un graphologue dans cette

Page 9319

1 affaire était une nécessité dans ce procès.

2 Monsieur le Président, ce que nous répondons à cet argument est

3 la chose suivante. Toutes sortes de questions peuvent être évoquées à

4 titre d'arguments. Dans le cadre de l'argumentation, un grand nombre de

5 points peuvent être soulevés à quelque stade que ce soit du procès.

6 Mais ces questions ne sont pas liées à une quelconque conclusion

7 que vous pourriez tirer vous-mêmes, Monsieur le Président, Madame et

8 Messieurs les Juges. Dans de nombreux cas, il s'agit uniquement de tester

9 les propos de l'accusation.

10 Donc, j'affirme aujourd'hui, Monsieur le Président, la chose

11 suivante : de quelle autorité dispose la défense pour formuler ces

12 affirmations ? Je ne suis pas en train de dire que votre décision,

13 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, sera contraire à ce

14 que je souhaite. Cela signifie simplement que nous estimons que vous êtes

15 en mesure, vous êtes en droit, de réserver le temps nécessaire à la

16 réflexion avant de statuer sur une question de ce type dans un sens ou

17 dans l'autre.

18 En rapport avec le document qui nous intéresse aujourd'hui, je

19 souhaiterais, plutôt que d'énumérer laborieusement tous les détails de son

20 contenu, vous dire brièvement, Monsieur

21 le Président, que j'ai quelques idées et que nous estimons qu'il comporte

22 des indices de fiabilité.

23 Premièrement, le fait que les objets aient été saisis dans les

24 locaux d'Inda-Bau. Deuxièmement, j'ai déjà décrit assez longuement la

25 relation qui existe entre ces documents et le fait que la déposition du

Page 9320

1 témoin a permis de confirmer la fiabilité de ces documents, dans la mesure

2 où il a mis l'accent sur un certain nombre d'éléments contenus dans ces

3 documents. Enfin, le compte rendu de l'interrogatoire de l'accusé

4 Zejnil Delalic et la confrontation avec certain des documents, pas

5 l'ensemble des documents, mais certains d'entre eux, montrent également

6 qu'il existe un rapport.

7 Nous avons d'autres fondements solides à vous présenter,

8 Monsieur le Président, à l'appui de notre conclusion.

9 Ces documents ont un rapport avec l'accusé Zejnil Delalic. C'est

10 ce que nous affirmons, non seulement parce qu'il les connaît, Monsieur le

11 Président, mais aussi parce que des déductions peuvent être tirées des

12 documents au sujet de l'accusé.

13 A un certain moment du processus, j'ai déclaré que l'identité de

14 l'auteur de la signature importait peu. Je voulais dire par là que

15 l'authenticité du document ne dépend pas uniquement de la signature, mais

16 bien de l'analyse de l'écriture qui a servi à apposer cette signature. Je

17 pense, par exemple, à un cas de falsification de documents.

18 Lorsqu'on essaie de prouver que l'accusé a falsifié la signature

19 de quelqu'un sur un document et d'obtenir l'avantage dans la discussion,

20 il n'est pas suffisant, en tant qu'accusation, de se contenter de

21 présenter le document et de dire : "Nous l'avons trouvé dans tel et tel

22 lieu, donc il a rapport avec les autres documents dont les témoins ont

23 déjà parlés". Ce n'est pas forcément le cas. Il convient de passer à une

24 étape ultérieure et d'apporter une preuve, la preuve que le document a été

25 signé par telle ou telle personne, ou que le graphologue estime qu'il

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1 provient de telle ou telle personne.

2 Mais, Monsieur le Président, la question qui nous a conduits à

3 adopter la position

4 qui est la nôtre aujourd'hui vient en particulier de la décision rendue

5 par vous-même en date du 6 novembre 1997, est en rapport avec le document

6 Mucic et l'écriture ayant servi à rédiger ce document. Ce sont ces deux

7 éléments qui ont tranché la question pour nous, s'agissant de décider s’il

8 convenait de citer à la barre l'expert en graphologique ou pas.

9 Le premier élément, c'est que nous avons constaté la réticence

10 que vous manifestez, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges,

11 à tirer la conclusion que ce document provient, appartient ou a appartenu

12 à l'accusé Mucic. Nous ne remettons pas en cause cette décision en quoi

13 que soit, mais c'est ce qui nous a incité à trancher la question comme

14 nous l'avons fait.

15 L'autre élément, c'est que nous attendions l'échantillon

16 d'écriture. Cet échantillon pouvait influer sur la direction que nous

17 allions prendre en demandant ou pas les conseils d'un expert en

18 graphologie.

19 Ayant donc décidé de citer à la barre ce graphologue, nous avons

20 essayé d’en trouver un qui ait la compétence requise. J'estime que la

21 première audience pourrait avoir lieu très bientôt, étant donné la date de

22 votre décision.

23 Monsieur le Président, c'est la raison pour laquelle nous avons

24 décidé de procéder comme nous l'avons fait. Nous estimions, et nous

25 estimons toujours, que les fondements que nous présentons aujourd'hui

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1 suffisent. Cependant la décision que vous avez rendue le 6 novembre nous a

2 conduit à penser que ces fondements n'étaient peut-être pas suffisants.

3 C'est pourquoi nous avons décidé de demander à citer cet expert en tant

4 que témoin.

5 Comme nous l'avons dit dans notre requête, le témoin ne répondra

6 pas longuement aux questions de l'interrogatoire principal. Je ne peux pas

7 non plus estimer à l'avance la longueur du contre-interrogatoire, mais le

8 sujet n'est pas particulièrement vaste.

9 Nous avons dit clairement que nous cherchions cet élément de

10 preuve en relation avec un seul accusé, l'accusé Zejnil Delalic, et que,

11 s'il y a contre-interrogatoire autre que celui

12 du conseil de l'accusé Zejnil Delalic, on peut se demander quelle en sera

13 la pertinence. Mais nous nous occuperons de ce sujet le moment venu.

14 Je ne pense pas que le contre-interrogatoire puisse concerner

15 plus d'un seul conseil de la défense.

16 Monsieur le Président, dans la réponse apportée par la défense à

17 la décision de la Chambre de première instance dans l'affaire Tadic sur

18 l'ouï-dire, nous trouvons l'idée sous-jacente que le conseil de la défense

19 s’est appuyé sur la décision du Juge Stephen. Peut-être serait-ce utile

20 pour vous, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, que je

21 précise cet aspect de l'argumentation.

22 La défense a déclaré en page 5 de sa réponse, à peu près au

23 milieu de la page, je cite : « En outre, nous affirmons que, sur la base

24 de la décision rendue dans l'affaire Tadic sur le problème de l'ouï-dire,

25 l'accusation doit prouver l'authenticité des documents avant d’en arriver

Page 9323

1 à la démonstration de la fiabilité » (fin de citation).

2 La défense poursuit par les mots suivants, je cite : « Dans la

3 décision rendue dans le cadre de l'affaire Tadic, le Juge Stephen fait

4 remarquer en page 4 de son opinion individuelle que les principes

5 impliqués s’appliquent non seulement aux témoignages oraux, mais également

6 à tous les autres éléments de preuve » (fin de citation).

7 Pour être précis, M. le Juge Stephen, en page 4 de sa décision,

8 fait référence à la distinction qui existe entre témoignage par ouï-dire

9 et témoignage oral direct.

10 Bien que la proposition selon laquelle ce qu'avance la défense

11 dans sa requête peut être un principe relativement applicable, je ne vois

12 pas que la défense puisse tirer profit de la décision rendue dans

13 l'affaire Tadic. En effet, le Juge Stephen établissait clairement une

14 distinction entre les témoignages par ouï-dire et les témoignages oraux

15 directs.

16 Monsieur le Président, ce que le Juge Stephen a déclaré et ce

17 que nous affirmons est important. Nous déclarons que rien dans

18 l'article 89, rien dans le Règlement en général, mais

19 encore moins dans l'article 89 (C) et (D), n'existe à l’appui du point de

20 vue selon lequel un témoignage ne serait admissible et considéré comme

21 pertinent par la Chambre de première instance autrement que si sa valeur

22 probante n’excédait pas considérablement son éventuel effet négatif.

23 Si le Juge Stephen a déclaré cela, c'est parce qu'il apparaît

24 que l'élément de preuve soumis par l'accusation a une telle valeur

25 probante qu'il dépasse de loin son effet préjudiciable éventuel. Cela

Page 9324

1 n'est pas un point qui figure en tant que tel dans le Règlement. A notre

2 avis, toute affirmation selon laquelle ce serait le cas est inexacte.

3 Monsieur le Président, l'autre point qu'avance la défense dans

4 sa requête consiste à dire que l'accusation est dans l'obligation

5 d'apporter la preuve sur ce plan avant de présenter son élément de preuve.

6 L'affirmation parle également de preuve au-delà de tout doute raisonnable,

7 concept que j'ai déjà remis en cause en diverses occasions. Mais

8 l'argument selon lequel il importe de prouver l'authenticité, dès le

9 départ, ab initio est à notre avis un argument erroné.

10 La défense tente de s'appuyer sur la décision rendue dans

11 l'affaire Tadic sur le sujet de l'ouï-dire pour l'appliquer à l'affaire

12 qui nous intéresse. Or, rien dans la décision rendue par la Chambre de

13 première instance dans l'affaire Tadic sur l'ouï-dire ne peut appuyer les

14 dires de la défense.

15 En vérité, j'affirme ici que cette décision a un effet tout à

16 fait inverse. Elle fait spécifiquement référence à ce que j'ai déjà évoqué

17 à plusieurs reprises au sujet de la façon dont les éléments de preuve sont

18 présentés.

19 En page 5, paragraphe 10 de la décision rendue par la Chambre

20 d'instance dans l'affaire Tadic, le Juge McDonald et le Juge Vohrah

21 déclarent, et je vous demande l'autorisation de citer, à ce stade, le

22 texte de la décision car il est très instructif, je cite : « En dépit des

23 restrictions relatives qui pèsent sur l'admissibilité de l'ouï-dire... »

24 (fin de citation).

25 Le Juge McDonald fait ici référence aux pratiques de la

Page 9325

1 Common Law où il existe

2 des restrictions quant à l'admissibilité de l'ouï-dire. Elle ne parle pas

3 de la situation de ce Tribunal en particulier.

4 Elle poursuit, je cite : « Les Juges dans des procès de

5 Common Law menés en l'absence de jury adoptent souvent une démarche

6 légèrement différente » (fin de citation).

7 Elle s'appuie ensuite sur M. McCormicks pour citer le passage

8 suivant, je cite : « Alors que l'admissibilité des éléments de preuve peut

9 être discutée, les attitudes très diverses des cours d'appel, eu égard aux

10 erreurs d'admission et à l'exclusion d'éléments de preuve, semblent venir

11 à l'appui de la pratique judicieuse adoptée par de nombreux juges de

12 chambres d'appel dans des procès sans jury, des juges très expérimentés,

13 qui ont admis provisoirement des éléments de preuve contestés en réservant

14 l'examen définitif de l'admissibilité à une étape ultérieure » (fin de

15 citation).

16 Je fais référence à ce passage de la décision Tadic pour, si

17 vous le permettez Monsieur le Juge, la proposition selon laquelle il est

18 impossible de déclarer que la nécessité d'apporter la preuve de

19 l'authenticité se situe ab initio. Encore moins qu'ab initio, il est

20 indispensable de prouver l'authenticité au-delà de tout doute raisonnable,

21 parce que si tel était le cas, cela contredirait entièrement la

22 proposition qui vient d'être défendue par la Chambre de première instance

23 dans l'affaire Tadic.

24 J'irai même plus loin que cela, Monsieur le Président. Je ne dis

25 pas que l'ouï-dire ne soit pas un élément de preuve au-delà de tout doute

Page 9326

1 raisonnable. Je ne dis pas non plus que les éléments de preuve par ouï-

2 dire doivent être considérés de cette façon automatiquement. Mais, de

3 façon générale, les éléments de preuve par ouï-dire sont souvent

4 considérées par les tribunaux comme moins fiables que les témoignages

5 oraux directs, notamment s'agissant de la nécessité d'apporter une preuve

6 au-delà de tout doute raisonnable.

7 A mon avis, si un élément de preuve, pour pouvoir être admis par

8 cette Chambre de première instance, doit être prouvé au-delà de tout doute

9 raisonnable, alors cet élément de

10 preuve par ouï-dire ne sera jamais admis ou jamais admissible, et deux

11 exigences résulteront de cette situation.

12 La première exigence est que, s'il y a nécessité d'apporter une

13 preuve au-delà de tout doute raisonnable, toute admission d'élément de

14 preuve contestée sera impossible pour vous, Monsieur le Président, Madame

15 et Messieurs les Juges. La deuxième conséquence est que de grandes

16 portions des éléments de preuve par ouï-dire seront sans doute considérées

17 comme non admissibles par la Chambre de première instance et aucun de ces

18 deux principes, à mon avis, ne s'applique.

19 Monsieur le Président, le fait de dire :"Nous devrions avoir su,

20 nous devrions avoir été au courant, qu'il fallait prouver ces documents

21 au-delà de tout doute raisonnable" et le fait de dire que nous aurions dû

22 en être informés depuis le début, étant donné l'exigence d'apporter la

23 preuve de l'authenticité ab initio, est infondé, à notre avis, avec tout

24 le respect que nous devons à cette Chambre d'instance.

25 Mais, ayant entendu cet argument, nous avons donc décidé

Page 9327

1 maintenant de citer à la barre un expert en graphologie. Nous estimons que

2 c'est nécessaire aujourd'hui compte tenu de la décision qui a été rendue

3 par vous, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, et c'est

4 parce que nous ne sommes pas inconscients du risque que nous courons que

5 nous avons déposé cette requête compte tenu du risque de rejet de cette

6 demande.

7 Monsieur le Président, l'autre question qui est abordée par la

8 défense, dont je ne suis pas sûr de la pertinence, mais qu'il convient de

9 traiter ici cet après-midi, est l'assertion selon laquelle, dans sa

10 requête, la défense aurait subi une espèce d'injustice parce que les

11 membres de la Chambre d'instance ont examiné les documents sans en

12 discuter la pertinence, la fiabilité, et ce dans un processus destiné à

13 statuer sur le versement de ces documents au dossier.

14 Je ne comprends pas du tout cet argument. Comment se fait il,

15 Monsieur le Président, que l'on puisse s'attendre à ce que vous statuiez

16 sur un document du point de vue de

17 son admissibilité sans savoir ce que ce document contient, ou de quelle

18 façon il est en rapport avec d'autres documents, et sans entendre la

19 totalité des arguments à son sujet ? Je ne parviens tout simplement pas à

20 le comprendre.

21 Cette question particulière, Monsieur le Président, émane de la

22 décision de l'affaire Tadic sur l'ouï-dire en page 7, paragraphe 17, au

23 milieu de la page. Le Juge McDonald et le Juge Vohrah déclarent la chose

24 suivante, je cite : "En outre, la défense demande que les membres de la

25 Chambre d'instance statuent quant à l'admission de tels éléments de preuve

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1 sans en avoir entendu le contenu" (fin de citation).

2 Et un peu plus loin, le problème est un peu différent mais très

3 similaire, je cite : "Cette procédure, si elle peut être appropriée dans

4 des procès menés devant le Tribunal international, lorsqu'il y a un jury,

5 ne s'applique pas à un procès où seuls les juges interviennent, car les

6 juges sont des personnes entraînées et expérimentées à statuer sur les

7 éléments de preuve dans le contexte qui caractérise leur obtention. Ils

8 sont habitués et ont l'expérience de les apprécier selon le poids qu'il

9 convient de leur accorder. Par conséquent, les juges déterminent la

10 pertinence et la valeur probante des éléments de preuve dans ce cadre".

11 (fin de citation).

12 J'irai encore plus loin que ce que dit la décision. Pour ma

13 part, à moins que vous ayez, Madame et Messieurs les Juges,

14 l'extraordinaire faculté de vous diviser, de vous couper en deux, même

15 dans un procès avec un jury, j'affirme qu'un tribunal, qui respecte le

16 droit, examine les matériaux avant de se prononcer sur leur admissibilité

17 et lorsqu'un tribunal statue sur les faits, c'est exactement cette

18 décision qu'il prend.

19 Dans le cadre du Tribunal où nous nous trouvons, Madame et

20 Messieurs les Juges, nous sommes un Tribunal qui statue sur le droit et

21 sur les faits. Vous êtes donc dans l'obligation de remplir les fonctions

22 d'un tribunal de droit en particulier. Dire que vous ne devriez pas être

23 autorisés à voir les documents et que vous ne devriez pas être autorisés à

24 discuter de leur

25 contenu pour juger de leur admissibilité, revient en fait à vous nier le

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1 droit de remplir vos fonctions en tant que Juges d'un Tribunal qui fait le

2 droit.

3 A mon avis, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les

4 Juges, pour autant qu'une assertion ait été faite au sujet d'une iniquité

5 dans cette affaire, la seule iniquité serait celle qui prévaudrait si vous

6 étiez empêchés de remplir les fonctions qui sont les vôtres. Vous n'êtes

7 pas un jury et seulement un jury, vous êtes un Tribunal qui statue sur les

8 faits et le droit.

9 Il y a encore un autre point dans la réponse de la défense qu'il

10 me paraît utile de commenter. Il se situe en page 6 de la réponse de la

11 défense. Il porte sur le problème de l'exactitude de la preuve de

12 l'authenticité ab initio. La défense à ce stade déclare la chose suivante,

13 je cite : "Il apparaît maintenant que ces documents sont soit les

14 documents de Zejnil Delalic, soit des documents qui n'appartiennent pas à

15 Zejnil Delalic. L'accusation va avoir amplement l'occasion d'argumenter

16 sur le fait que ces éléments de preuve indiquent la culpabilité de

17 l'accusé. Elle va pouvoir s'exprimer sur ce sujet très longuement pour

18 prouver la culpabilité de Zejnil Delalic" (fin de citation).

19 Ce que la défense déclare, c'est que si nous citons à la barre

20 un expert en graphologie et qu'il éclaire les zones grises, les zones

21 d'incertitude qui subsistent encore, vous pouvez, Madame et

22 Messieurs les Juges, estimer qu'il y a là un certain manque de justice. Je

23 me demande comment l’éclairer. Un problème encore incertain peut aboutir à

24 un manque de justice.

25 A mon avis, Monsieur le Président, nous devons aller au-delà de

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1 cela. Ce qui se passe ici, c'est que l'on procède à la recherche de la

2 vérité. Si on appelle à la barre un témoin qui atteint cet objectif, alors

3 comment quiconque peut-il parler d'injustice ou d'inéquité ? J'ai du mal à

4 le comprendre.

5 Il est fort possible que le témoin permette d'accorder un poids

6 supplémentaire à l'argument selon lequel ces documents n'ont pas été

7 écrits par Zejnil Delalic. Si tel est le cas, et si vous-même,

8 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, deviez accepter ces

9 éléments de preuve, ce serait très certainement à l'avantage de l'accusé.

10 Je pense également, Monsieur le Président, que les choses peuvent aller

11 exactement en sens inverse.

12 M. le Président (interprétation). - L'une des préoccupations que

13 nous avons, dans le cadre de notre décision de citer à la barre cet

14 expert, n'est pas que nous craignons ce qu'il va dire, mais ce que nous

15 avons en vue, c'est la conclusion de ce procès. Nous avons quelques

16 réticences à faire quoi que ce soit qui risque d'en prolonger la durée.

17 Nous déclarons, Monsieur le Président, que cet élément de preuve

18 dont nous parlons aujourd'hui est important. Nous estimons qu'il sera

19 susceptible de vous aider à statuer et qu'il est tout à fait essentiel.

20 Mais la défense vous a fait savoir qu'elle ne pouvait pas

21 procéder au contre-interrogatoire aujourd'hui, qu'elle aurait besoin elle-

22 même d'un témoin expert, Monsieur le Président.

23 Donc notre réponse est la suivante : la défense n'a pas besoin

24 d'un expert en graphologie pour que celui-ci lui dise qui est l'auteur des

25 documents en question. La source de toutes ces informations est sous leurs

Page 9331

1 yeux en ce moment même. L'accusé peut le leur dire. Nous n'avons pas cette

2 possibilité. Elle existe pour la défense sans aucun doute. Il n'y a aucune

3 incertitude dans l'esprit des conseils de la défense à ce sujet.

4 La défense n'a pas besoin d'expert pour trancher sur cette

5 question. Si la défense nous dit : "Nous souhaitons un expert pour qu'il

6 conteste l'opinion de l'expert de l'accusation en matière de graphologie",

7 la défense est en droit de s'exprimer et d'agir de la sorte. Mais ce ne

8 serait pas le reflet de la réalité. La défense ne citera pas son témoin

9 dans le cadre de l'audition des témoins de l'accusation. Elle aura tout le

10 temps pour s'organiser et présenter cet élément de preuve en remettant en

11 cause ce que dit l'accusation.

12 A mon avis, Monsieur le Président, s'il y a le moindre doute

13 quant à la capacité de la défense à procéder au contre-interrogatoire d'un

14 expert, je serais surpris qu'un conseil

15 expérimenté se pose ce genre de questions. S'il se les posait, à notre

16 avis, la défense aurait tout le temps de se préparer quant à la façon de

17 procéder dans son contre-interrogatoire et de lire ce qu'elle aurait à

18 lire pour se préparer à la conduite de ce contre-interrogatoire.

19 Donc, Monsieur le Président, nous estimons du côté de

20 l'accusation que le fait de citer un témoin supplémentaire n'aura, de

21 façon réaliste, aucune incidence négative sur la durée de l'audition des

22 témoins de l'accusation car, si la défense a le temps de se préparer à son

23 contre-interrogatoire, elle devrait prendre toutes les précautions pour

24 être en mesure d'y procéder dans les meilleurs délais. Si elle décide de

25 ne pas procéder au contre-interrogatoire, elle pourra le faire avec tout

Page 9332

1 le temps voulu, puisque nous l'avons informée de notre volonté de citer ce

2 témoin.

3 Monsieur le Président, en conclusion, nous déclarons que ce

4 témoin est très important pour l'accusation. Il résulte directement de la

5 décision que vous avez rendue, Monsieur le Président, Madame et Messieurs

6 les Juges.

7 Nous déclarons qu'il n'y a aucun problème d'injustice vis-à-vis

8 de qui que ce soit dans le fait de citer ce témoin à comparaître à ce

9 stade du procès. Il est approprié que vous accédiez à la demande de

10 l'accusation.

11 M. Jan (interprétation). - Puis-je poser une question ? Vous

12 allez non seulement poser des questions à ce témoin expert, mais il y a un

13 autre témoin auquel vous voudriez montrer l'écriture de M. Delalic parce

14 qu'un autre document a été admis, n'est-ce pas ?

15 Laissez-moi m'expliquer plus clairement. Il faut que cet expert

16 puisse avoir un exemple de l'écriture de M. Delalic devant lui lorsqu'il

17 examine les documents contestés. Cela suppose peut-être qu'un autre témoin

18 vienne au box et dise : "Oui, c'est bien un document écrit de Delalic".

19 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Nous

20 avons un document qui, d'après nous, a fait l'objet d'un contrôle adéquat,

21 que nous avons reçu et qui

22 précise que nous l'avons reçu parce qu'il était écrit de la main de

23 Delalic. Ce n'est pas un des documents de Vienne, mais un autre document

24 que nous avons reçu.

25 Je crois que nous avons reçu deux documents. Il est bien stipulé

Page 9333

1 que ce sont des documents qui ont été écrits par l'accusation, qui ont été

2 vérifiés. Ce ne sera pas nécessaire.

3 M. le Président (interprétation). - Bien.

4 M. Niemann (interprétation). - Je suis un petit peu préoccupé

5 par l'approche que vous avez adoptée. Auparavant, j'avais l'impression que

6 vous aviez soumis à la Chambre de première instance la question de

7 l'admissibilité de tous les documents dont vous avez demandé le versement

8 au dossier à l'époque.

9 La défense elle aussi s'était prononcée sur la question. En

10 fait, j'avais l'impression que vous demandiez que nous prenions une

11 décision portant sur la présentation de ces documents.

12 Lorsque j'ai lu votre requête, j’ai regardé les documents pour

13 lesquels vous sembliez avoir des doutes quant à l'authenticité de

14 l'écriture. Je n'ai pas trouvé ces documents mentionnés dans la requête.

15 M. Niemann (interprétation). - C'est absolument exact

16 Monsieur le Président. Nous ne les avons pas décrits dans la requête. Nous

17 pouvons tout à fait vous les communiquer, Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation). - C'est une question

19 différente. En fait, vous demandez l'autorisation de réouvrir les

20 arguments ou de représenter les arguments que vous aviez présentés une

21 fois et de façon définitive.

22 Si vous souhaitez recevoir cette autorisation, vous devez nous

23 présenter des motifs fondés qui nous permettraient d'accéder à votre

24 demande. Une décision a déjà été donnée sur la question. Je ne sais pas si

25 vous nous avez vraiment présenté des motifs fondés.

Page 9334

1 M. Niemann (interprétation). - Je ne cherche pas à réouvrir des

2 arguments,

3 Monsieur le Président.

4 Je me suis déjà prononcé sur l'admissibilité des documents. Je

5 serais surpris que -peut-être que je vais l’être de toute façon- mais j'ai

6 l'impression que par rapport à ce que j'ai pu dire sur les critères de

7 fiabilité, vous n'alliez pas recevoir ces documents.

8 Dans ma requête, j'ai essayé de faire tout ce que je pouvais

9 pour ce qui a trait à cette question. C'est ce que vous avez dit dans le

10 cadre de l'examen des documents de Mucic qui nous a un peu préoccupés.

11 Vous nous avez dit que sur ces documents, alors qu'ils pouvaient être

12 considérés comme admissibles, et en dépit du fait que des éléments avaient

13 été présentés prouvant que ces documents pouvaient être utiles au procès,

14 des éléments de preuve avaient été communiqués à la Chambre de première

15 instance.

16 Il s'agit en fait d'une lettre. Vous avez dit que c'était tout à

17 fait dans le cadre de ces débats, et que cette lettre avait valeur

18 probante. Elle avait été écrite au témoin B par une personne tierce

19 inconnue. C'est cette personne tierce inconnue qui nous préoccupe. Nous ne

20 pouvons pas vous empêcher, Madame et Messieurs les Juges, de dire cela.

21 M. le Président (interprétation). - Mon problème, comme je l'ai

22 dit, est de savoir exactement ce que vous avez en tête. Je ne crois pas

23 que nous ayons le droit de vous laisser présenter quelque chose de

24 nouveau. Vous êtes en train de réouvrir toute cette question.

25 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, les

Page 9335

1 éléments de preuve, que nous cherchons à obtenir, ne portent pas sur la

2 question de l'admissibilité ; pas du tout.

3 Les arguments que j'ai pu avancer dans le cadre de la question

4 de l'admissibilité n'ont rien à voir avec les arguments que je présente

5 actuellement. Je ne cherche pas à réouvrir quoi que ce soit.

6 M. le Président (interprétation). - Vous êtes en train d’essayer

7 de réouvrir toute la question portant sur le versement du dossier de ces

8 documents. Quoique fasse le témoin expert, cela aura trait aux documents,

9 n’est-ce pas ? Ces documents que vous avez déjà versés ?

10 M. Niemann (interprétation). - En effet.

11 M. le Président (interprétation). - Comment allez-vous

12 procéder ?

13 M. Niemann (interprétation). - Monsieur. le Président, je crois

14 que c'est un processus en deux étapes : la première étape est

15 l'admissibilité, l'étape suivante, c'est....

16 M. le Président (interprétation). - Nous avons déjà passé

17 beaucoup de temps pour ce qui est de tous ces documents.

18 M. Niemann (interprétation). - Nous ne sommes pas arrivés à

19 l'étape qui vous permet à vous, Madame et Messieurs les Juges, de donner à

20 chaque élément de preuve l'importance qui lui convient.

21 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas. Je vous

22 laisse décider. Pour ce qui me concerne, je ne crois pas que nous devrions

23 rouvrir la question à ce stade.

24 M. Niemann (interprétation). - Monsieur. le Président, je ne

25 crois pas qu'il s'agit de rouvrir quoi que ce soit. Nous n'avons pas

Page 9336

1 terminé de citer à comparaître tous nos témoins. L'accusation n'a pas fini

2 la présentation de l'affaire. Tant que nous ne l'avons pas fait, nous

3 avons le droit de poursuivre. Bien sûr que si nous l'avions terminé, si

4 nous y avions mis un point final et que nous souhaitions la rouvrir, le

5 problème se poserait. Ce n'est pas le cas.

6 Je crois que la question de savoir quelle est l'importance que

7 vous attachez, Messieurs les Juges, aux éléments de preuve qui vous sont

8 présentés est une question tout à fait d'actualité.

9 M. le Président (interprétation). - Dans ce cas, montrez-nous

10 que vous avez des motifs fondés pour faire ce que vous avancez.

11 M. Niemann (interprétation). - Les voilà, les motifs fondés. Le

12 fait que la lettre de M. Mucic qui est une catégorie toute similaire au

13 document auquel nous nous attachons maintenant a été trouvée en possession

14 d'une personne dont nous disons qu'elle a des liens très forts avec

15 l'accusé Mucic.

16 Cette lettre est d'une catégorie similaire, peut-être pas

17 absolument semblable que si elle avait été saisie dans les locaux.

18 Deuxièmement, il pourrait être démontré qu'il y a eu une

19 relation à double sens entre ce document et un autre témoignage. Nous

20 déclarons qu’en dépit de cela, vous, Madame et Messieurs les Juges, vous

21 avez déclaré que ce document ne prouvait rien, que cela ne prouvait en

22 aucun cas qu’il avait été écrit par l'accusé Mucic. C'est votre décision.

23 Nous la respectons et nous l'acceptons. Maintenant, nous avons

24 l'impression que peut-être vous allez arriver à la même décision portant

25 sur ce même document que nous souhaitons maintenant présenter comme un

Page 9337

1 document recevable.

2 Ce document, saisi sur les locaux, semble contenir un certain

3 nombre d'éléments de preuve important. Nous sommes en train d'essayer de

4 montrer qu'il y a un rapport entre ce document et l'accusé Delalic. Voilà

5 ce que cherche à prouver l’accusation.

6 Si vous, Messieurs les Juges, vous décidez que rien n'a été

7 prouvé, que le lien entre ce document saisi à Vienne et l'accusé Delalic,

8 n'existe pas, alors il nous faut absolument, nous accusation, trouver les

9 éléments de preuve qui nous permettront de vous prouver à vous, Madame et

10 Messieurs les Juges, qu'il y a bien un lien entre ce document et l'accusé

11 Delalic.

12 Quand nous vous aurons présenté ces éléments de preuve, vous

13 pourrez statuer. Vous pourrez nous dire si oui ou non, vous nous permettez

14 d'appeler ce nouveau témoin à comparaître.

15 M. le Président (interprétation). - Vous vous rappelez ce que

16 j'ai dit. Quand j'ai lu votre requête, je n'ai vu apparaître aucun des

17 documents qui avaient été identifiés comme étant des documents soumis à

18 examen. Aucune mention n'y était faite. Vous n'avez pas dit : « Voici

19 quels sont les sujets que nous souhaitons soumettre à examen ». Vous avez

20 parlé de façon très générale dans votre requête.

21 M. Niemann (interprétation). - Peut-être puis-je essayer de

22 modifier ma requête si

23 elle vous pose problème, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne sais

25 pas très bien si vous avez informé la défense de ce qu'ils allaient

Page 9338

1 entendre. Je ne sais pas s'ils savaient à quoi s'attendre. Il est bien

2 certain qu'aujourd'hui, ils ne savent pas exactement à quoi ils peuvent

3 s'attendre.

4 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je ne suis

5 pas tout à fait d'accord parce que...

6 M. le Président (interprétation). - La requête est sous vos

7 yeux. Cela parle de soi-même.

8 M. Niemann (interprétation). - Dans leur requête, ils font

9 spécifiquement référence au fait que l'accusation a bénéficié d'un

10 avantage injuste, inéquitable, en étant autorisé à compulser certains

11 documents dans le détail et à faire des commentaires sur un grand nombre

12 de ces documents, des documents dont ils disent, je cite : « qu'ils sont

13 des documents authentifiés» et dont l'accusation dit : « qu'ils montrent

14 très clairement la culpabilité de l'accusé » (fin de citation).

15 Dans mon esprit, il n'y a aucun doute quant au fait que la

16 défense sait exactement de quels documents nous parlons. Il s'agit des

17 documents saisis par la police à Vienne.

18 M. le Président (interprétation). - J'essaie d'attirer votre

19 attention sur les objections possibles qui pourront vous être opposées.

20 Vous savez ce que j'ai à l'esprit.

21 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, il y a une

22 autre question. Nous avons écrit une très longue lettre au conseil de la

23 défense qui dit très précisément quels sont les documents auxquels nous

24 faisons référence et quels seront les résultats du témoin expert pour ce

25 qui est de ces mêmes documents.

Page 9339

1 M. le Président (interprétation). - C'est une lettre adressée à

2 la défense. Je le sais. Je fais seulement référence à votre requête. A

3 priori, je ne vois rien qui me permette de me

4 prononcer pour l'instant.

5 M. Niemann (interprétation). - Je ne pensais pas...

6 M. le Président (interprétation). - Il faudrait indiquer dans la

7 requête précisément le sujet sur lequel il faut statuer. Ce n'est pas

8 précis.

9 M. Niemann (interprétation). - Je ne pensais pas, M. le

10 Président...

11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

12 M. Niemann (interprétation). - Je ne crois pas qu'il serait bon

13 que nous le fassions. Il n'y a aucun doute dans l'esprit de la défense

14 quant à la nature des documents dont nous parlons. Tout a été expliqué

15 très précisément dans cette lettre.

16 M. Jan (interprétation). - Maître Niemann, le bureau du

17 Procureur a confronté M. Delalic de façon extrêmement détaillée pendant

18 qu'il se trouvait ici à la Haye. On a montré beaucoup de documents à

19 M. Delalic. Est-ce que ces documents lui ont été montrés ? Est-ce que ce

20 sont les mêmes que vous essayez de présenter à l'expertise du témoin,

21 expert en graphologie ?

22 M. Niemann (interprétation). - Certains de ces documents, oui.

23 M. Jan (interprétation). - Quelle était sa position à l'époque

24 sur ces documents ?

25 M. Niemann (interprétation). - Un instant, Monsieur le Juge, si

Page 9340

1 vous me le permettez. Pour autant que je le comprenne, Monsieur le Juge,

2 parmi les documents qui ont été saisis à Vienne, les documents qui ont été

3 rédigés à la main n'ont pas été montrés à Delalic, mais un des documents,

4 échantillon sur lequel nous nous appuyons, a bien été montré.

5 M. Jan (interprétation). - Quelle a été sa position ? Je voulais

6 simplement savoir quelle était sa position. Vous ne lui avez pas montré

7 tous les documents au cours de ces entretiens extrêmement longs que vous

8 avez eus avec lui ?

9 M. Niemann (interprétation). - Nous lui avons montré la lettre

10 échantillon qu'il a rédigée et c'est une lettre que nous avons reçue de

11 lui dans le cadre de toutes ces procédures

12 liées à l'examen de cette affaire.

13 M. Jan (interprétation). - Vous ne lui avait pas montré les

14 documents manuscrits ?

15 M. Niemann (interprétation). - Non, et je n'étais pas présent,

16 Monsieur le Président. Donc je ne sais pas exactement quelle est la

17 réponse à cette question. Nous ne pouvons pas savoir si nous avons raté ou

18 pas l'occasion de lui montrer quoi que ce soit à ce moment là.

19 M. Jan (interprétation). - Ce n'est pas le fait d'avoir eu

20 l'occasion ou pas ; c'est vous qui gérez votre affaire, n'est-ce pas ?

21 M. Niemann (interprétation). - Mais si, Monsieur le Président,

22 il y a une part de hasard dans la mesure où il y a des éléments de preuve

23 qui sont admissibles et qui ont une valeur probante, et s'il se trouve que

24 nous ne pouvons pas présenter ces éléments de preuve à la Chambre pour

25 quelque raison que ce soit. Alors oui, il y a une part de hasard qui

Page 9341

1 rentre en jeu.

2 M. Jan (interprétation). - C'est un cas d'omission, pas un cas

3 de hasard.

4 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais

5 pas si je peux aller plus loin ce que je suis en train de faire. Tout ce

6 que je puis dire, c'est que j'ai essayé d'établir les bases qui me

7 permettent de dire que ces éléments de preuve devaient être acceptés et

8 admis en tant qu'éléments de preuve se prononçant à la charge de l'accusé.

9 Je ne sais que croire au vu de la décision que vous avez prise

10 dans le cadre du document Mucic. Je ne sais pas si vous allez prendre une

11 approche similaire quant au document que je souhaite présenter à votre

12 examen maintenant.

13 M. le Président (interprétation). - Je crois que vous êtes en

14 train d'anticiper dans le bon sens, mais cela ne veut pas dire que tout

15 cela va nécessairement se produire.

16 M. Niemann (interprétation). - La question qui se pose, Monsieur

17 le Président, est de savoir quel est le poids à accorder à ces différents

18 éléments de preuve, ce n'est pas vraiment une question d'admissibilité.

19 M. le Président (interprétation). - Mais c'est toujours comme

20 cela, vous ne pouvez jamais prévoir exactement ce qui va se produire avant

21 que la décision soit rendue.

22 M. Jan (interprétation). - Oui, c'est un jeu de hasard d'une

23 certaine façon.

24 M. Niemann (interprétation). - Dans ma requête, je pense

25 respectueusement que cela ne devrait pas être un jeu de hasard. En tout

Page 9342

1 cas, ce n'est certainement pas un jeu de hasard pour la défense.

2 S'ils ont fait quelque chose de façon inopportune et qu'ils

3 viennent vous voir en vous disant qu'il faut appeler cela un élément de

4 preuve parce que c'est important, donc qu'il faut le faire, il serait

5 extraordinaire que vous, Madame et Messieurs les Juges, vous vous

6 conformiez à cette demande.

7 M. le Président (interprétation). - Dans le cas Mucic, il a été

8 dit très précisément qu'il avait écrit quelque chose, il a été

9 prétendument dit qu'il avait écrit quelque chose.

10 C'est à vous maintenant qu'incombe la charge de prouver qu'il a,

11 de fait, écrit quelque chose. En l'espèce, il y a un certain nombre de

12 circonstances que vous avez prises en compte lorsqu'il s'est agi de

13 déterminer si, oui ou non, Delalic avait écrit ce document. Vous ne l'avez

14 pas directement accusé d'avoir écrit quelque lettre que ce soit.

15 M. Niemann (interprétation). - Mais nous avons dit qu'il s'agit

16 bien d'un document dont il est conscient, dont il est informé.

17 M. le Président (interprétation). - En fait, vous avez peur

18 qu'il ait pu être écrit par lui parce qu'il a été découvert dans les

19 locaux, parmi des objets qui lui appartenaient et des choses qui lui

20 étaient reliées. Il y a tant d'arguments que vous pouvez avancer, mais il

21 n'y a pas une seule allégation directe que vous puissiez formuler, donc ce

22 n'est pas exactement la même chose. Les considérations ne sont pas les

23 mêmes que dans celles de Mucic.

24 Mais je ne rentrerai pas dans le fond, j'essaie simplement de

25 dire un certain nombre de choses. J'essaie de trouver les bases qui

Page 9343

1 permettent de justifier le fait que vous présentiez

2 cette requête.

3 M. le Président (interprétation). - A première vue, il n'y a

4 rien dans cette requête qui nous permette de rendre une décision. Il n'y a

5 là que des allégations générales. Il est un peu difficile, dans ce cas, de

6 se prononcer. En fait, je ne sais pas s'il y a même des questions de fond

7 qui nous permettent de continuer à discuter de cette question. A priori,

8 je ne le crois pas.

9 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, tout

10 l'intérêt de la mention qui a été faite de l'affaire Tadic est que des

11 éléments de preuve peuvent être admis au dossier, et des décisions peuvent

12 être prises non seulement sur l'admissibilité de ces éléments de preuve,

13 mais également sur le poids qu'il faut leur accorder. La décision Tadic a

14 déclaré que ces deux étapes pouvaient être remises à plus tard, pouvaient

15 intervenir bien plus tard lors des débats.

16 C'est bien ce que dit la décision Tadic, il n'y a aucune

17 ambiguïté quant à ce fait d'après nous. C'est une approche que nous vous

18 demandons d'adopter, Madame et Messieurs les Juges. D'après nous, si ces

19 éléments de preuve matérielle sont admis, si la lettre de Mucic est l'un

20 de ces documents et si vous décidez d'adopter une approche particulière

21 concernant les éléments de preuve documentaires, cela ne veut pas dire non

22 plus que nous allons oublier l'affaire et oublier de demander à l'accusé

23 ce qu'il en est.

24 Pour ce qui est de Delalic, nous n'avons pas à prouver qu'il a

25 écrit lui même, nous voulons prouver qu'il était bien conscient de

Page 9344

1 l'existence de ces documents et qu'il s'agit bien de ces documents. Une

2 façon de nous permettre de prouver cela est de savoir s'il les a bien

3 écrits.

4 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

5 M. Niemann (interprétation). - Je suis prêt à faire une copie de

6 la lettre que j'ai envoyée à la défense et à vous la communiquer, Madame

7 et Messieurs les Juges. Mais comme je l'ai dit, elle contient les

8 conclusions de l'expert et je répugne à vous la communiquer, Madame et

9 Messieurs les Juges, avant que vous ne tranchiez cette question.

10 M. le Président (interprétation). - Quelles sont les répliques

11 que la défense souhaite

12 formuler ?

13 M. O’Sullivan (interprétation). - Monsieur le Président, je

14 m'oppose à la requête de l'accusation visant à citer à comparaître un

15 autre témoin expert. Nous avons déposé une réponse et dans cette réponse,

16 il y a deux arguments sur lesquels nous nous fondons pour opposer cette

17 accusation.

18 Au début, nous avions pensé qu'un seul argument suffisait mais

19 nous avons pensé qu'il fallait avancer un deuxième argument, car si vous

20 décidez d'autoriser la venue de ce témoin expert, nous disons, nous, que

21 le délai prévu pour la venue de ce témoin expert n'est pas juste pour ce

22 qui est de la défense.

23 Tout d'abord, pour ce qui est de la requête visant à demander

24 l'autorisation de citer à comparaître ce témoin, je me permets de vous

25 rappeler l'ordonnance que vous avez délivrée le 5 janvier 1997 portant sur

Page 9345

1 la capacité d'appeler ou non des témoins experts à comparaître. Dans cette

2 ordonnance, vous établissez des critères qui doivent être respectés par

3 l'accusation et par la défense, les deux parties devant absolument

4 notifier en temps utile, en bonne et due forme, à la partie opposée la

5 venue de ce témoin expert.

6 Mais ce qui est très important pour nous, ce n'est pas tant le

7 paragraphe 1 de votre ordonnance que je viens de citer, mais le sous-

8 paragraphe 4 du paragraphe 2 qui est assez court et succinct. Si vous me

9 le permettez, je vais le lire. C'est le paragraphe dans lequel vous parlez

10 justement du fait qu'il faut que la notice soit déposée en temps utile.

11 Vous dites : "Si les motifs fondés sont présentés, la Chambre de première

12 instance autorisera le témoignage d'un témoin expert dès lors qu'une

13 notice est déposée en temps opportun. La partie requérant la venue de ce

14 témoin expert devra communiquer la notice dans la forme qui est stipulée

15 au paragraphe 1 ci-dessus et doit également donner une justification pour

16 une notice qui serait intervenue un peu plus tard que la date prévue au

17 paragraphe ".

18 Il est clair que c'est la partie qui cherche à faire venir le

19 témoin expert après les dates

20 avant procès qui sont stipulées, c'est donc bien à cette partie de

21 démontrer qu'il y a bien des motifs fondés de procéder de cette façon.

22 Nous avons déjà entendu votre réaction, Monsieur le Président sur ces deux

23 points. D'abord, la présentation de motifs fondés, ensuite la

24 justification et je crois que l'accusation n'a respecté ni l'un ni l'autre

25 de ces critères.

Page 9346

1 Puis-je vous demander, Monsieur le Président, de considérer la

2 requête de l'accusation à la page 2. L'accusation déclare qu'elle souhaite

3 citer à comparaître un témoin expert afin d'aider la Chambre de première

4 instance à en venir à certaines conclusions en matière d'éléments de

5 preuve.

6 A la page 3, l'accusation déclare que sa requête est justifiée

7 parce que vous, Madame et Messieurs les Juges, ne souhaitez apparemment

8 pas tirer certaines conclusions en matière de valeur probante parce que

9 vous avez refusé de tirer ces conclusions en matière de valeur probante,

10 parce que vous avez peut-être des difficultés à en arriver à tirer

11 certaines conclusions.

12 Je ne vais pas commenter ce que dit l'accusation, je dirai

13 simplement que, d'après moi, cela ne constitue pas la présentation de

14 motifs fondés ou de justification en matière de citation à comparaître de

15 ce témoin.

16 En outre, à la page 3 de cette requête, l'accusation soutient

17 que cette affirmation quant au fait de tirer des conclusions à propos de

18 la valeur probante de certains éléments de preuve, se fonde sur des

19 remarques récentes faites par des membres de cette Chambre.

20 Comme il est indiqué dans notre réponse, cette argumentation est

21 parfaitement incorrecte pour ce qui est de prouver la nature de certains

22 documents en ayant recours à une analyse de l'écriture. Le 2 avril déjà,

23 dans cette Chambre de première instance, dans le cadre du témoignage de

24 M. Gligorevic, la défense de M. Delalic avait demandé que M. Gligorevic

25 fournisse un échantillon d'écriture aux fins d'analyse parce qu'il a dit

Page 9347

1 qu'une signature qui figurait sur un document n'était pas la sienne.

2 Bien évidemment, Madame et Messieurs les Juges, à une date

3 ultérieure, le 10 juin 1997, vous vous êtes prononcés sur une question de

4 ce même type et des parties de cette question apparaissent dans notre

5 réponse.

6 Vous avez lu notre requête. Vous l'avez étudiée. Je ne vais pas

7 m'étendre sur la question. Il me semble qu'à la fois au vu du contre-

8 interrogatoire de l'officier Mörbauer par Mme Residovic et au vu des

9 commentaires du Juge Jan qu'il a fait à l'égard de M. Turone, l'accusation

10 devait être consciente du fait qu'elle devait prouver la nature de ces

11 documents par une analyse de l'écriture.

12 Messieurs les Juges, nous sommes d'avis que le moment auquel

13 cette motion a été déposée révèle bien que l'accusation n'a réagi que

14 beaucoup trop tard à cette situation. L'accusation a eu six mois depuis le

15 mois de juin pour essayer d'obtenir de tels éléments de preuve concernant

16 la validité de l'écriture. Leur incapacité à prouver cet élément de preuve

17 en temps opportun va clairement à l'encontre à la fois de la lettre et de

18 l'esprit de votre ordonnance.

19 Nous disons, avec tout le respect dû, que l'accusation ne peut

20 dire, comme elle le fait dans sa requête, que cette question n'a surgi que

21 très récemment.

22 Hormis ce que je viens déjà de dire, l'accusation est bien

23 consciente de l'existence du Règlement de preuves et de procédures et de

24 l'existence des décisions de ce Tribunal. Je pense plus particulièrement à

25 l'article 89 du Règlement de preuves et à la décision Tadic. Nous sommes

Page 9348

1 revenus très souvent sur ces deux textes. Je ne vais pas répéter ce qui a

2 déjà été dit. Il me semble que là encore, tout cela tend à prouver qu'il

3 n'y a pas de justice fondée qui soit démontrée, que rien ne justifie cette

4 citation à comparaître inopportune d'un témoin expert.

5 Comme il a été dit, lors de votre échange, Monsieur le Président

6 avec M. Niemann, nous avons déjà étudié des arguments présentés amplement

7 par les deux parties, présentés par l'accusation et par la défense, lors

8 de notre dernière audience à la fin du mois d'octobre et au début du mois

9 de novembre.

10 Des argumentations complètes ont été préparées par les deux

11 parties quant à l'admissibilité de ces documents contestés. Ces arguments

12 ont été proférés en ayant une parfaite connaissance des commentaires

13 qu'avaient formulés les Juges en juin de la teneur du Règlement de

14 procédures et de preuves et de la jurisprudence de ce Tribunal.

15 Pour ces raisons, Messieurs les Juges, nous soumettons que la

16 comparution de Mme Stegnar ne doit pas être accordée, mais refusée par les

17 Juges. Le Bureau du Procureur n'a pas de motifs suffisants ou ne peut

18 fournir de justifications suffisantes pour justifier la comparution de

19 cette personne. Le compte-rendu de ce procès montre qu'il n'y a aucun

20 motif sérieux ni aucune justification qui existe. M. Niemann, en

21 présentant ses arguments oraux, n'en a pas fourni non plus.

22 Nous pensons donc que la comparution de ce témoin devrait être

23 refusée, car M. Delalic doit avoir droit à un procès juste et équitable.

24 Nous pouvons passer rapidement à la deuxième question, qui

25 figure également dans notre réponse : si vous, Madame et

Page 9349

1 Messieurs les Juges, faites droit à la requête du Procureur de faire

2 comparaître ce témoin, nous disons que le calendrier établi et le délai

3 proposé par le Procureur est injuste. Le Bureau du Procureur a indiqué

4 qu'il souhaitait appeler cet expert cette semaine. Nous avons déclaré que

5 c'était inopportun.

6 Tout d'abord, je voudrais attirer votre attention sur trois

7 documents liés à cette question, notamment la lettre dont mon collègue a

8 parlé, cette lettre du 18 novembre, leur requête du 20 novembre et le

9 rapport d'un expert que nous avons reçu vendredi dernier, le 28 novembre.

10 Laissez moi commencer en disant que le rapport de leur expert

11 graphologue porte la date du 26 novembre. Malgré cela, ce rapport n'a été

12 reçu par la défense qu'à 3 heures 45, vendredi dernier, le 28 après-midi.

13 Contrairement à ce que vient de dire le Bureau du Procureur, à ce qu'il a

14 dans sa requête, c'est la première fois que nous avons vu le contenu du

15 témoignage

16 de ce témoin. C’était vendredi dernier après-midi.

17 Le Bureau du Procureur a également déclaré que nous avons reçu

18 cette lettre du 18 novembre, mais je dis que c'est tout à fait incorrect.

19 Tout ce que dit cette lettre du 18, c'est que leur témoin a fait une

20 déclaration préliminaire sur certains seulement -et non pas sur tous les

21 documents- et que son rapport nous a été communiqué vendredi dernier au

22 plus tard.

23 Ensuite -et cela va à l'encontre de ce qu'a dit le Bureau du

24 Procureur- nous n'avons pas eu deux semaines, afin de préparer notre

25 contre-interrogatoire de ce témoin. Là encore, je le répète, ce n'est que

Page 9350

1 vendredi dernier que nous avons reçu le rapport de cet expert, que nous

2 avons réussi à contacter un expert, car pour toute personne ayant les

3 qualités requises -et une personne compétente est toujours occupée- il

4 n'est pas facile, en ayant si peu de temps pour se libérer, d'écrire une

5 réponse pertinente et une analyse des documents complète, afin d'étudier

6 quels seront les dires d'un expert du Bureau du Procureur.

7 C'est un point important si nous voulons préparer un contre-

8 interrogatoire sur des points techniques et sur une déclaration faite par

9 un expert sur un point si technique, ce qui est au-delà des possibilités

10 d'un conseil normal.

11 Nous demandons donc l'aide d'une personne extérieure, si cette

12 femme doit effectivement venir témoigner devant ce Tribunal.

13 En outre, en conformité avec l'article 90 de notre Règlement, la

14 défense aimerait que cet expert soit présent au cours du témoignage du

15 témoin expert du Bureau du Procureur, si elle doit venir témoigner.

16 Comme vous le savez, l'article 90 porte sur le témoignage des

17 témoins. La partie qui nous intéresse est la première phrase qui dit la

18 chose suivante : "Un témoin autre qu'un témoin expert qui n'a pas encore

19 témoigné ne doit pas être présent, lorsque le témoignage d'un autre témoin

20 est entendu".

21 Cela montre clairement, Madame et Messieurs les Juges, que cet

22 article explique ou

23 plutôt porte sur la présence d'un expert d'une des parties pendant le

24 témoignage d'un expert de l'autre partie. C'est une interprétation qu'on

25 peut tirer de la formulation même de l'article 90 et également de la

Page 9351

1 décision que vous avez prise le 20 mars 1997 sur la question de la

2 possibilité qui serait laissée aux enquêteurs de suivre les débats.

3 Nous disons, ici, que, si vous accordez au Bureau du Procureur

4 la possibilité de faire comparaître ce témoin, nous aimerions qu'un de nos

5 experts soit présent durant son témoignage.

6 Là encore, à cause du délai qui a été proposé par le Bureau du

7 Procureur, parce que nous n'avons reçu ce rapport que très tardivement, il

8 nous est impossible de convoquer un expert qui puisse se libérer pour

9 cette semaine parce qu'il a ou qu’elle a divers engagements

10 professionnels.

11 Enfin, en ce qui concerne le contre-interrogatoire en général,

12 je dis qu'il est tout à fait inapproprié que le Bureau du Procureur puisse

13 penser qu'il peut prendre une décision au nom de la défense sur le point

14 suivant, à savoir qu'un témoin puisse être qualifié de témoin parlant d'un

15 sujet large, ou de témoin parlant un sujet plus étroit qui va entrer dans

16 un sujet plus en détail ou plus en général, comme ils l'ont fait dans leur

17 requête.

18 Le Bureau du Procureur a essayé de faire comparaître son témoin

19 tout à la fin de la présentation de ces arguments et essaie de presser la

20 défense.

21 Je m'empresse d'ajouter que pendant les neuf mois qu'a duré la

22 présentation des arguments du Bureau du Procureur, ils n'ont pas semblé se

23 presser et aucune pression n'a été exercée sur eux afin qu'ils accélèrent

24 la procédure.

25 Nous déclarons que la manière dont le Bureau du Procureur a

Page 9352

1 décidé de traiter cette question en particulier en dit long sur la manière

2 dont le Procureur estime que la défense devrait contre examiner les

3 témoins. Là encore, il semble qu'il y ait une large indifférence des

4 droits de l'accusé dans ce procès par le Bureau du Procureur.

5 Nous disons que si vous acceptez d'accorder ou de donner droit à

6 la requête du bureau du Procureur, les délais qui nous seront proposés

7 seront injustes et irréalistes.

8 En guise de conclusion, je voudrais ajouter les observations

9 suivantes sur cette question et formuler des commentaires généraux qui

10 viendront soutenir les arguments que j'ai déjà mentionnés.

11 Il me semble que c'est à la fois le langage et le contenu de

12 cette requête qui me gêne. Dans sa requête, le bureau du Procureur essaie

13 de venir fonder sa requête sur certains commentaires sur la nature même de

14 l'exercice. Il semble décrire ce procès comme étant un processus de

15 recherche de la vérité.

16 En ce qui me concerne, puis-je faire remarquer que le Procureur

17 semble avoir oublié que nous participons ici à des procédures pénales. Par

18 conséquent, c'est au Procureur de justifier leur poursuite, que la

19 présomption d'innocence existe et que les critères de preuve reviennent

20 particulièrement au Bureau du Procureur et que c'est à eux plus

21 particulièrement de travailler sur ce point et d'établir des preuves au-

22 delà de tous doutes raisonnables.

23 La charge de cette preuve au-delà de tous doutes raisonnables a

24 été confirmée par cette Chambre de première instance dans sa décision en

25 excluant la déclaration de Mucic qui a été faite à la police de Vienne.

Page 9353

1 Vous avez répondu à une demande de clarification par M. Delalic en disant

2 que le Bureau du Procureur devait prouver tous les éléments de ces

3 arguments.

4 En ce qui concerne les documents de Vienne, le Bureau du

5 Procureur a reconnu et admis qu’ils avaient été soumis à un examen très

6 strict de preuve. Le Bureau du Procureur semble également gêné par le

7 règlement qu'il qualifie « d’extrêmement limitatif » et dans lequel il dit

8 que : « Le critère de la preuve est extrêmement limitatif. ».

9 C'est effectivement ce qu'ils disent explicitement dans leur

10 requête.

11 Là, Madame et Messieurs les Juges, le Bureau du Procureur est en

12 train de dire que les principes d'admissibilité des documents que nous

13 avons consacrés par la décision de Tadic

14 sur l'ouï-dire sont extrêmement limitatifs alors qu'ils ne se résument que

15 par une règle de bon sens des principes de bon sens qui viennent étayer

16 l'article 89.

17 Je suis sûr que vous avez remarqué que le Bureau du Procureur

18 semble soit avoir ignoré ou avoir essayé de contourner le règlement et les

19 décisions de ce tribunal. Ceci est un nouvel exemple de cette tendance.

20 D'autre part, dans sa requête, le Bureau du Procureur dit et je

21 cite : « L'esprit du Statut du Tribunal ainsi que les attentes légitimes

22 du conflit de l'ex-Yougoslavie et de la communauté internationale ». Ce

23 sont les arguments qu’il invoque.

24 Nous disons qu’il serait peut-être approprié de rappeler

25 certains aspects du statut afin d'évaluer, de façon la plus juste

Page 9354

1 possible, l'esprit de ce Statut. Là encore, nous rappelons que c'est un

2 Tribunal de nature pénale dont l'objectif principal est de rendre justice

3 dans l'intérêt des accusés.

4 Nous déclarons que les articles 20 et 21 du Statut prévoient

5 deux dispositions qui définissent au mieux l'esprit de notre Statut,

6 notamment les articles 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 2, 21, 3, 4 B.

7 Nous pensons que ces articles devraient être lus en rapport avec

8 trois articles du Règlement, les articles 87, 89 et 95.

9 L'esprit du Statut dans ce contexte souligne la nécessité

10 d'accorder un procès juste et équitable à l'accusé en conformité avec le

11 Règlement et le droit qui est accordé à l'accusé d'avoir suffisamment de

12 temps pour préparer ses arguments de défense.

13 Comme je l’ai dit, il y a un instant, ce que le Bureau du

14 Procureur décrit comme étant des règles de preuves extrêmement limitatives

15 ne sont que des principes de bon sens émis dans la décision de l'affaire

16 Tadic. Ces principes montrent, selon nous, comment cet éminent Tribunal

17 essaie d’appliquer dans les faits l'esprit du Statut afin de garantir des

18 dispositions qui permettent de maintenir un procès juste et équitable.

19 N'oublions pas que bien que nous acceptions entièrement cette

20 partie du procès qui implique que nous considérions de façon permanente

21 les intérêts des différentes victimes de toutes les violences qui ont été

22 subies en ex-Yougoslavie, nous soulignons, avec tout le respect que nous

23 devons, qu'il n'y a rien dans le Statut, ni dans le Règlement, qui vienne

24 suggérer que soit l'esprit, soit la lettre de ces dispositions permet que

25 ces intérêts viennent faire ombre à ceux qui sont établis dans les

Page 9355

1 articles 20 et 21 du Statut.

2 En ce qui concerne les attentes légitimes de la communauté

3 internationale, nous déclarons que le Statut lui-même est une incarnation

4 écrite de toutes ces attentes puisque les Nations Unies elles-mêmes ont

5 donné leur accord et l’une de ces attentes est que la personne accusée

6 recevra un procès juste et équitable.

7 Si le Bureau du Procureur affirme que ces attentes sont

8 différentes, nous les invitons à les expliciter sans ambiguïté.

9 Pour résumer, nous disons donc que le Bureau du Procureur n'a

10 pas déposé sa demande à temps, n'a pas exposé des motifs suffisants ou des

11 justifications qui permettent d'appeler ce témoin ou de rouvrir cette

12 question.

13 Si cette requête est acceptée par ce Tribunal, et bien ce

14 Tribunal devrait rejeter le calendrier proposé par le Bureau du Procureur

15 parce que les délais proposés sont injustes et violent les droits de

16 l'accusé.

17 M. le Président (interprétation). - Merci. Une réponse ?

18 M. Niemann (interprétation). - D'abord, je trouve qu'il est tout

19 à fait troublant que le conseil suggère des choses selon lesquelles le

20 Bureau du Procureur essaie de contourner les règles ou les décisions de ce

21 Tribunal. C'est une démarche tout à fait inacceptable.

22 Pourquoi le conseil a-t-il décidé d'adopter cette démarche ? Je

23 ne le comprends pas, mais je lui demande simplement de me citer un

24 exemple.

25 En ce qui concerne les autres questions, en ce qui concerne les

Page 9356

1 allégations selon

2 lesquelles nous essayons de limiter le temps du contre-interrogatoire,

3 c’est faux. Il revient aux Juges de déterminer la longueur du contre-

4 interrogatoire. La défense essaie de vous faire croire que pour qu'un

5 procès soit juste et équitable, le contre-interrogatoire devrait pouvoir

6 durer tout le temps que le conseil de la défense juge nécessaire.

7 Selon moi, cela prouve clairement le malentendu du côté de la

8 défense en ce qui concerne le concept de procès juste et équitable. Un

9 procès juste et équitable, c'est une division juste entre une partie et

10 l'autre des droits et possibilités de présenter un argument.

11 La défense ne devrait pas subir de désavantage de quelque

12 manière que ce soit alors que le Bureau du Procureur ne subit pas de

13 désavantage. Je voudrais rappeler que cela marche dans les deux sens.

14 C'est un acte qui requiert un certain équilibre. Cela ne tombe pas

15 simplement dans le domaine de la défense. Je crois que là, la défense a

16 dissimulé cet aspect.

17 En ce qui concerne la présence de l'expert, ils ont reçu un

18 compte rendu, un rapport qui peut être examiné. Ceci peut être examiné par

19 un expert compétent et peut répondre aux arguments qui ont été présentés.

20 Si pour une raison ou une autre, leur expert ne peut pas être présent

21 aujourd'hui et si nous ne connaissons pas les raisons de son absence,

22 autre qu'il est occupé parce qu'il a d'autres obligations, il me semble

23 que la présence de l’expert n'est pas nécessaire.

24 Le conseil de la défense vient de mettre en doute le fait qu'il

25 s'agissait là d’un processus de recherche de la vérité. Si ce n'est pas

Page 9357

1 cela, je ne sais pas ce que c'est parce que ce n'est que par cette

2 recherche de la vérité qu'une décision pourra être prise sur l’innocence

3 ou la culpabilité de l'accusé.

4 Nous avons ici un exemplaire de la lettre que nous avons donnée

5 à la défense, parce que la défense a insisté tellement sur le fait qu'ils

6 n'ont reçu ce rapport que vendredi. Nous leur avons dit dans la lettre que

7 nous aurions ce rapport vendredi. C'est le 18 novembre que nous leur avons

8 donné des détails sur ce point. Je vous la communique.

9 Je crois qu'il n'y a qu'un exemplaire, j'en suis désolé. Madame

10 et Messieurs les Juges, cette demande est fondée étant donné la décision

11 que vous avez prise dans le cadre de...

12 M. O'Sullivan (interprétation). - Je fais objection au fait que

13 cette lettre soit montrée aujourd'hui à la Chambre. Je ne vois pas

14 pourquoi c'est le cas. Je ne pense pas que ce soit une orientation à

15 suivre.

16 M. le Président (interprétation). - Est-ce la lettre qui vous a

17 été envoyée ?

18 M. O'Sullivan (interprétation). - Oui.

19 M. le Président (interprétation). - Alors, quelle est votre

20 objection si elle vous a été envoyée ?

21 M. O'Sullivan (interprétation). - Vous ne devriez pas pouvoir

22 voir le contenu de cette lettre. Mon collègue dit qu'elle contient des

23 informations sur l'expert et sur ses opinions.

24 M. le Président (interprétation). - Si cette lettre vous a été

25 envoyée, elle vous a été envoyée. Je ne vois pas pourquoi la Chambre de

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1 première instance ne pourrait pas la consulter.

2 M. O'Sullivan (interprétation). - Je ne vois pas pourquoi il

3 faudrait la montrer.

4 M. Niemann (interprétation). - Si je peux répondre, c'est lui

5 qui a mentionné cette question et c'est lui qui dit qu'ils n'ont pas

6 obtenu suffisamment d'informations. Il essaie d'insinuer que ce rapport

7 n'a été transmis que vendredi. Eh bien, s'il a posé cette question, c'est

8 comme cela. Mais nous avons le droit de répondre et de vous prouver, à

9 vous Madame et Messieurs les Juges, que nous avons notifié suffisamment

10 les noms et les éléments qu'ils pouvaient entendre, qui pouvaient être

11 mentionnés par ce témoin expert et qu'ils ont eu suffisamment de temps

12 pour préparer leurs arguments. Ils le savaient et j'ai dit, lorsque j'ai

13 expliqué mes arguments, que c'est délibérément que nous ne vous avons pas

14 transmis cette lettre parce qu'elle contenait des conclusions

15 préliminaires. Nous pensions que c’était injuste. Si maintenant il se lève

16 et dit qu'il n'a pas été suffisamment au courant de ces choses, à ce

17 moment-là c'est la réponse qu'il doit s'attendre à recevoir.

18 Cela s'est produit après qu'ils ont dit que nous avons essayé de

19 contourner les décisions de ce Tribunal.

20 M. O'Sullivan (interprétation). - Monsieur le Président, en ce

21 qui concerne cette lettre et la raison pour laquelle j'en ai parlé,

22 c'était simplement pour montrer les délais qui nous étaient proposés et le

23 peu de temps que nous avons eu pour consulter ces différents éléments, pas

24 à cause du contenu même de la lettre.

25 M. le Président (interprétation). - Mais vous êtes encore en

Page 9359

1 train de vous plaindre des dates, que les délais étaient trop courts. Cela

2 ne veut pas dire que la Chambre de première instance n'a pas le droit de

3 voir une lettre qui vous a été écrite et qui parle de ce qui va se passer

4 dans le cadre de ce procès devant cette Chambre. Je ne vois pas où est le

5 problème.

6 M. O'Sullivan (interprétation). - Pour répondre à

7 Maître Niemann, la raison pour laquelle j'ai fait référence à cette

8 lettre, au rapport et à la requête, c'était pour parler des dates et non

9 pas du contenu même des documents. Je me pose des questions sur la

10 pertinence de tout cela. Je dis simplement que le point qui nous intéresse

11 seulement, ce sont les dates et les délais.

12 M. le Président (interprétation). - C'est la lettre que vous

13 avez mentionnée et c'est la date de la lettre plus précisément. Il n'y a

14 pas de contradiction en cela.

15 M. O'Sullivan (interprétation). - Oui, mais le contenu de la

16 lettre n'est pas pertinent. Dans l'argument que je viens de mentionner, je

17 parlais des dates, pas du contenu.

18 M. le Président (interprétation). - Rien ne devrait être

19 dissimulé à la Chambre de première instance si c’est pertinent pour régler

20 la question qui est devant nous. C'est une considération tout à fait

21 différente.

22 Maître Niemann, vous avez terminé ?

23 M. Niemann (interprétation). - Oui.

24 M. le Président (interprétation). - Nous suspendons l'audience

25 jusqu'à 16 h 30.

Page 9360

1 L’audience, suspendue à 15 h 55, est reprise à 16 h 35.

2 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et

3 Messieurs. Nous avons essayé de rendre une décision très courte.

4 La demande qui nous a été soumise provient de l'accusation et

5 porte sur une autorisation de citer à la barre des témoins un expert.

6 L'accusation et la défense ont présenté leurs arguments relatifs à une

7 demande de l'accusation portant sur le versement au dossier de certaines

8 pièces à conviction examinées le 31 octobre 1997. L'accusation a désormais

9 déposé une requête demandant l'autorisation de citer à comparaître un

10 témoin expert en rapport avec ces documents. Bien que le Procureur ait

11 indiqué que les éléments de preuves abordés par l'expert ne concerneront

12 que M. Delalic, les éléments de preuve exigeant la comparution de cet

13 expert ne figurent pas dans la requête. Le représentant de l'accusation a

14 informé la Chambre de Première Instance, dans son argumentation, qu'une

15 lettre avait été adressée à la défense dans laquelle figure la liste des

16 documents intéressés.

17 Le conseil de M. Delalic s'oppose à cette requête. Parmi les

18 fondements sur lesquels il s'appuie, dont certains sont positifs, figure

19 l'argument selon lequel l'accusation n'a pas fait la preuve de l'existence

20 d'un motif valable ou d'une cause justifiant la présentation d'une telle

21 requête. Il a également été déclaré que l'accusation n'avait pas donné

22 suffisamment de temps à la défense pour se préparer à interroger cet

23 expert.

24 Il est reconnu que l'accusation a envoyé quelques informations

25 au sujet de cet expert à la défense, mais la défense considère ces

Page 9361

1 éléments insuffisants pour préparer l'interrogatoire de cet expert. La

2 Chambre de première instance est convaincue que l'accusation n'a pas fait

3 la preuve d'un motif valable justifiant une telle autorisation de rouvrir

4 l'interrogatoire après présentation des derniers arguments des parties au

5 sujet du versement au dossier de ces documents. La raison avancée s'appuie

6 sur une décision récente de la Chambre de première instance et ne

7 constitue pas un motif valable. Il n'a pas été prouvé que l'expert n'était

8 pas disponible avant la date d'aujourd'hui ou qu'il n'y avait aucune

9 raison de le citer à comparaître

10 précédemment. Quant à la possibilité d'authentifier ces documents,

11 l'accusation en est informée depuis déjà plusieurs mois. La Chambre de

12 première instance n'est donc pas convaincue que la défense ait eu

13 suffisamment de temps pour préparer son interrogatoire de cet expert et

14 nous n'estimons pas qu'il est dans l'intérêt de la justice d'accéder à

15 cette demande. Nous ne jugeons donc pas nécessaire de prendre en

16 considération les autres raisons de s'opposer à cette demande et la

17 requête est par conséquent rejetée.

18 Voilà quelle est la teneur de notre décision au sujet de la

19 requête qui nous était soumise aujourd'hui. Je crois que vous avez une

20 autre requête à présenter, n'est-ce pas ? Pouvons nous l'entendre ?

21 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je

22 voudrais évoquer ici ce qui n'est pas en fait une requête, mais deux

23 questions logistiques, avant que nous n'en terminions avec l'audition de

24 nos témoins. Le Greffe a indiqué que je devrais soumettre à l'avance des

25 extraits des vidéos qui ont été montrées au témoin T. Il m'a été dit

Page 9362

1 qu'outre l'original, il convenait également de déposer les autres

2 exemplaires qui ont été montrés aux témoins et qui sont différents de

3 l'original. C'est ce qui a été fait en séance publique. Nous avons

4 plusieurs exemplaires de ces vidéos et je peux les soumettre. Elles ont

5 déjà été identifiées dans le cadre du témoignage. A l'évidence, si la

6 défense souhaite vérifier qu'il s'agit bien des extraits identifiés par le

7 témoin T, je peux lui donner la possibilité de le faire. C'est le premier

8 point que nous voulions évoquer.

9 M. le Président (interprétation). - Je souhaite comprendre au

10 moins un des éléments que vous venez d'évoquer, Maître McHenry.

11 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi,

12 Monsieur le Président, je reprends. Le témoin T a déjà témoigné dans ce

13 prétoire. Il s'agit de quelqu'un qui travaillait au camp de Celebici. Sur

14 la base d'une bande vidéo originale, il lui a été montré des extraits de

15 cassettes qu'il a identifiés. Il m'a été dit, il y a peu, que ces extraits

16 de cassettes vidéo, c'est-à

17 dire les séquences que le témoin a identifiées, devraient être préparées

18 pour que chacun ici, y compris les Juges, la défense et l'accusation,

19 puisse savoir exactement ce que le témoin a vu et identifié. Je crois que

20 cela a été déjà fait, mais je ne sais pas exactement, la défense l'a fait

21 aussi, je ne sais pas si des cotes différentes ont été données à ces

22 séquences dans d'autres affaires. En tout cas, on m'a demandé d'en parler

23 en public dans ce prétoire de façon à ce que les cotes puissent être

24 associées à ces séquences.

25 M. Jan (interprétation). - Ces cassettes vidéo sont-elles

Page 9363

1 préparées par le témoin lui-même ?

2 Mme McHenry (interprétation) - Il s'agit simplement des extraits

3 des cassettes vidéo que le témoin a vus et pour lesquels il a dit : "Oui,

4 j'étais présent sur les lieux", ou bien "J'ai filmé moi-même". Je vous

5 remercie.

6 M. le Président (interprétation). - La défense était-elle au

7 courant de ce point ?

8 Mme McHenry (interprétation) - Oui, Monsieur le Président, je

9 crois qu'il a été convenu avec la défense que se serait fait. Bien sûr, je

10 n'ai pas d'objection si plus tard elle souhaite vérifier.

11 M. le Président (interprétation). - Ces cassettes vidéo font

12 partie des pièces à conviction.

13 M. Jan (interprétation). - Si je me souviens bien, la défense a

14 déclaré que seuls les extraits devraient être versés au dossier et pas les

15 cassettes entières.

16 Mme McHenry (interprétation) - Exactement.

17 M. Jan (interprétation). - Donc, vous avez préparé les extraits

18 et vous souhaitez en demander le versement.

19 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je peux

20 procéder à une certaine vérification mais je dirai en outre qu'avant le

21 début de la séance de cet après-midi, Me McHenry m'a informé qu'elle

22 allait aborder ce sujet. Il me semble qu'il aurait pu être

23 beaucoup plus utile, de façon à s'assurer que nous sommes tous bien sur la

24 même longueur d'onde et compte tenu du fait qu'elle possède ces extraits

25 depuis longtemps semble-t-il, de nous donner une cassette en disant :

Page 9364

1 "Voilà les extraits dont nous pensons qu'ils sont appropriés dans le cadre

2 du témoignage du témoin T, jetez-y un coup d'oeil. Si vous avez la moindre

3 objection, faites-le nous savoir et nous en parlerons". A l'évidence, nous

4 n'avons pas eu la possibilité d'examiner ces cassettes vidéo et j'ai bonne

5 confiance dans le fait que nous aurons une possibilité de le faire et de

6 présenter nos objections le cas échéant. La Chambre de première instance

7 les entendra. Mais il eut été plus logique, me semble-t-il, de prendre les

8 choses dans un ordre différent et de nous donner ces copies d'extraits en

9 nous disant : "Voilà les extraits que nous considérons comme appropriés".

10 M. Jan (interprétation). - Ces extraits ont été préparés

11 séparément de la cassette vidéo.

12 M. Ackerman (interprétation). - Je ne fais pas objection, c'est

13 simplement une proposition.

14 M. le Président (interprétation). - Alors, je suppose que c'est

15 une question de coopération entre la défense et l'accusation.

16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, pour la

17 même raison nous pourrions peut-être aborder d'autres questions.

18 L'accusation à probablement d'autres extraits qui ont été montrés au cours

19 de cette déposition. Peut-être tous ces autres extraits devraient-il être

20 traités de la même manière. J'attire l'attention sur le fait que certains

21 documents dont nous discutons sont également des cassettes vidéo, des

22 cassettes entières. Ce serait une bonne idée que de n'inclure dans les

23 éléments de preuve que les extraits de ces cassettes vidéo correspondant à

24 ce qui a été montré à tel ou tel témoin.

25 M. Greaves (interprétation). - Je n'ai pas grand-chose à dire

Page 9365

1 mais ma collègue, Me McHenry, me dit qu'il s'agit des extraits qu'elle a

2 montrés au témoin. J'accepte ce fait bien

3 entendu. S'il s'avère que ce n'est pas le cas, je lui téléphonerai.

4 Mme McHenry (interprétation) - Merci. Pouvons-nous avoir la cote

5 de ces extraits ?

6 Mme le Greffier (interprétation). - Ces extraits sont issus des

7 cassettes vidéo qui ont déjà été enregistrées comme pièces à conviction de

8 l'accusation 110, 111 et 112. Ils seront enregistrés sous les cotes 110 C,

9 111 C et 112 C.

10 Mme McHenry (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Un

11 autre point, qui concerne toujours notre volonté d'arriver au bout de la

12 présentation de nos témoins, est le point suivant. S'agissant du

13 témoignage de Miloika Antic qui a témoigné avoir été violée dans le camp

14 de Celebici, la défense a tenté de récuser son témoignage à plusieurs

15 reprises en mettant en cause la déclaration préalable qu'elle avait faite

16 au Bureau du Procureur. Il a été porté à notre attention que cette

17 déclaration préalable n'a pas été versée au dossier au moment du

18 témoignage mais, compte tenu du fait qu'elle a été évoquée à plusieurs

19 reprises, l'accusation présente les mêmes arguments qu'au cours de la

20 discussion précédente. Nous pensons qu'il serait bon que vous-mêmes,

21 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, ayez en votre

22 possession cette déclaration préalable de façon à pouvoir déterminer dans

23 quelle mesure la récusation s'impose.

24 Nous ne proposons pas cet élément de preuve comme un élément de

25 preuve sur le fond, mais simplement parce que c'est un élément qui porte

Page 9366

1 sur la crédibilité du témoin dont la récusation est recherchée. J'ai des

2 copies supplémentaires pour la Chambre et pour le conseil de la défense.

3 Le conseil de la défense en a déjà reçu mais j'en ai d'autres.

4 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, compte tenu

5 de la nature limitée de cette proposition, étant donné que la demande ne

6 porte que sur un versement partiel de ces éléments de preuve au dossier,

7 nous n'avons pas d'objection s'il ne s'agit que de rechercher la vérité.

8 Mme le Greffier (interprétation). - Pièce à conviction de

9 l'accusation numéro 209.

10 M. Jan (interprétation).(hors micro) -

11 Mme McHenry (interprétation) - Oui, monsieur le juge, je pense

12 que cela eut été une manière de procéder plus normale dans mon pays

13 également.

14 Monsieur le Président, ce sont les seules questions que nous

15 avions à vous soumettre aujourd'hui et si vous ne voyez pas d'inconvénient

16 à cela, nous devons dire de notre côté que nous n'avons pas d'autre témoin

17 à vous présenter cette semaine.

18 M. le Président (interprétation). - Il y a également cette

19 requête aux fins de supprimer les chefs d'accusation 40 et 41.

20 M. Jan (interprétation).(hors micro) -

21 Mme McHenry (interprétation) - Oui effectivement, Monsieur le

22 Président, si vous voulez nous pouvons vous présenter nos arguments mais

23 je pense que la requête parle d'elle même.

24 M. le Président (interprétation). - Eh bien, dans ce cas, la

25 défense a-t-elle un point de vue à exprimer sur cette requête ?

Page 9367

1 M. Jan (interprétation). - Maître Moran ?

2 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai pas

3 vu cette requête. Chaque fois que l'accusation souhaite supprimer une

4 charge d'accusation contre mon client, j'aimerais qu'elle le fasse plus

5 souvent mais je ne crois pas que ce sera le cas. En tout état de cause, je

6 n'ai pas d'objection par rapport à cette requête.

7 M. le Président (interprétation). - La requête aux fins de

8 suppression de ces chefs d'accusation est retenue.

9 Eh bien, nous essaierons de voir où nous en sommes avant notre

10 retour dans ce prétoire en janvier. Je sais que vous avez indiqué que vous

11 poursuivriez le contre-interrogatoire du Dr Gow. A part cela, je ne vois

12 aucun autre élément de preuve qui puisse être présenté à la

13 Chambre d'instance. Il appartient désormais à la défense de nous indiquer

14 de quelle façon elle va procéder.

15 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, vous vous

16 rappellerez que nous avons déjà discuté -il y a eu accord entre le Bureau

17 du Procureur et la défense sur ce point- de la préparation et du dépôt

18 d'une requête portant sur le retrait des derniers arguments de

19 l'accusation. Je n'en jurerai pas mais je pense que si nous reprenons nos

20 travaux le 12 janvier et si nous entendons le Dr Gow à partir du

21 12 janvier -puisque j'ai cru comprendre que le Dr Gow reviendrait à la

22 barre des témoins ce jour-là-, je pense que son contre-interrogatoire

23 pourrait durer jusqu'au 13 janvier.

24 Compte tenu du fait que nous aurons deux semaines pour préparer

25 nos requêtes et les déposer, l'accusation aura donc deux semaines pour

Page 9368

1 répondre à ces requêtes de suppression de certains éléments de charge,

2 après quoi nous aurons encore une semaine pour répondre à l'accusation.

3 Et puis, dès que les juges auront rendu leur décision, nous

4 sommes prêts à poursuivre l'audition des témoins de la défense. Voilà de

5 quelle façon nous envisageons la suite de ce procès. Je pense que tous mes

6 confrères autour de cette table sont d'accord avec moi, en tout cas, je ne

7 vois personne dire le contraire.

8 Vous vous rappellerez que, lorsque nous avons déjà évoqué cette

9 affaire, nous pensions que c'était là une façon de procéder tout à fait

10 acceptable. Je pense que l'opinion de mes confrères n'a pas changé sur le

11 sujet. Je suis sûr qu'ils sont d'accord avec moi. Voilà ce que nous

12 demandons. Nous espérons que nous pourrons avancer dans ce sens. La

13 préparation d'une requête est en cours, comme vous le savez. Nous aurons

14 sans doute près de 9 000 pages de procès-verbal à examiner à la date

15 d'aujourd'hui et la tâche n'est pas facile. Il y a des questions

16 juridiques qui se posent.

17 Nous avons besoin d'un certain temps pour poursuivre notre

18 travail. Nous avons des

19 requêtes à présenter, nous espérons pouvoir le faire dans les délais. Si

20 ce n'est pas possible nous examinerons peut-être une requête conjointe en

21 rapport avec certaines questions, et puis certaines requêtes seront

22 distinctes. Mais nous essaierons de faire aussi rapidement que possible.

23 Deux semaines est un délai raisonnable, me semble-t-il.

24 Mme Odio-Benito (interprétation). - Maître Ackerman, vous avez

25 dit que le contre-interrogatoire du Dr Gow se terminerait le 13. Votre

Page 9369

1 contre-interrogatoire seulement ou le contre-interrogatoire de tous les

2 conseils de la défense ?

3 M. Ackerman (interprétation). - Madame le Juge, ce que je peux

4 vous dire de plus précis à cet égard. Bien sûr, il est impossible de faire

5 des prévisions absolument exactes. Comme vous l'avez vu, le Dr Gow a

6 tendance parfois à répondre de façon assez longue. Je pense toutefois que

7 nous pourrions terminer le contre-interrogatoire en un jour ou un peu

8 moins. Je ne suis pas sûr du temps qui sera nécessaire pour les autres

9 conseils, mais je pense que nous pouvons raisonnablement parler d'une fin

10 de contre-interrogatoire le mardi 13 pour l'ensemble des

11 contre-interrogatoires. Je n'imagine pas que quiconque souhaite prolonger

12 ces contre-interrogatoires.

13 D'autres conseils auront sans doute des questions un peu

14 différentes de celles qui ont été abordées. Raisonnablement, nous

15 pourrions terminer le 13.

16 Mme Odio-Benito (interprétation). - C'est ce que je pensais,

17 merci beaucoup.

18 M. Jan (interprétation). - Nous avons entendu l'interrogatoire

19 principal du Dr Gow. Nous avons déjà entendu une partie du

20 contre-interrogatoire. Peut-être qu’en décembre vous pourrez préparer

21 votre requête.

22 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Juge, l'ensemble des

23 conseils de la défense utilisera ce temps pour préparer la requête, bien

24 entendu.

25 M. Jan (interprétation). - Elle devrait être prête en janvier,

Page 9370

1 lorsque nous en terminerons avec les réponses du Dr Gow.

2 M. Ackerman (interprétation). - J'aimerais informer les Juges de

3 la Chambre d'instance d'un élément qui me paraît important. Il est tout à

4 fait important pour moi et pour d'autres également, me semble-t-il.

5 Entre la date d'aujourd'hui et le début du mois de janvier, une

6 grande partie du temps sera consacré, de ce côté de la salle en tout cas,

7 à des projets liés à Noël. C'est une période importante pour pas mal

8 d'entre nous. J'ai prévu de passer une grande partie de ce temps avec ma

9 mère qui est en Arizona depuis de nombreuses années. Je ne l'ai pas vu

10 depuis longtemps. je sais que d'autres conseils de la défense ont

11 également prévu de se trouver aux côtés des membres de leur famille

12 pendant cette période. C'est une période qui, normalement, est réservée à

13 la famille. C'est une période qui, pour certain d'entre nous, est plus

14 importante que d'autres années, car nous passons depuis pas mal de temps

15 notre vie à La Haye et nous sommes loin de nos familles.

16 Je comprends bien qu'il est nécessaire d'avancer rapidement dans

17 ce procès. Je comprends que tous ceux qui travaillent dans ce bâtiment

18 souhaiteraient que nous en terminions le plus rapidement possible, mais il

19 me semble qu'une période de congé est importante et peut-être plus

20 importante que les considérations relevant de la rapidité de l'achèvement

21 de ce procès.

22 Nous n'aurons certainement pas la possibilité, simplement parce

23 que certains ne renonceront tout simplement pas à leur projet, de faire le

24 travail nécessaire pour accomplir ce que vous venez de proposer. Je ne

25 peux pas emporter avec moi l'ensemble des pièces à conviction et la

Page 9371

1 totalité du compte rendu lié à ce procès lorsque je voyage dans le monde.

2 Il me faudrait un camion.

3 M. Jan (interprétation). - Mais, sur un CD-Rom, vous avez

4 l'ensemble des pièces à conviction sur quelque chose qui n'a que la taille

5 d'un disque.

6 M. Ackerman (interprétation). - Je ne sais pas comment cela se

7 fait. Si quelqu'un peut me l'indiquer, je serais heureux de procéder

8 ainsi.

9 Beaucoup de travail doit être effectué par l'ensemble des

10 conseils de la défense pour accomplir la totalité de la tâche. Deux

11 semaines, je ne crois vraiment pas que ce soit une période trop longue,

12 étant donné la charge de travail que nous avons. Nous allons tous

13 travailler pendant ces congés, mais nous ne pourrons pas travailler

14 ensemble et de façon aussi organisée que lorsque nous sommes ici.

15 Cela me surprendrait que les membres du Bureau du Procureur

16 n'aient pas le même genre de projets eu égard à leur famille dans le cadre

17 de cette période de congé. C'est un congé assez traditionnel pour

18 l'ensemble d'entre nous en général.

19 M. Moran (interprétation). - Maître Ackerman vient de dire aux

20 Juges que le processus a déjà commencé. J'ai déjà écrit pas mal de choses.

21 J'ai coupé et j'ai réécrit. Je peux vous assurer qu'écrire quelque chose

22 de court est beaucoup plus difficile qu'écrire quelque chose de long.

23 Réduire un écrit, couper un grand nombre de mots est quelque chose de très

24 difficile. L'ensemble des documents que nous avons à examiner

25 nécessiterait des charrettes entières. Je vous assure que c'est un travail

Page 9372

1 difficile.

2 Le conseil de la défense qui vient de s'exprimer et l'ensemble

3 des conseils de la défense savent bien quelle est la somme des documents

4 sur lesquels nous devons travailler. Cette somme constitue 8000 à

5 9000 pages de témoignages. Il y a des aspects juridiques, des aspects

6 factuels. Franchement, tout doit être examiné avec le plus grand soin.

7 En même temps, je pense que l'accusation -soyons justes à son

8 égard- a sans doute le même genre d'idées que les nôtres et anticipe

9 peut-être ce que nous allons dire. Il faut que l'accusation aussi ait

10 quelque temps pour répondre à ce que nous lui dirons.

11 Encore une fois, je pense que le délai évoqué est un délai tout

12 à fait raisonnable et que nous aurons besoin de quelque temps à la fin de

13 l'audition des témoins de l'accusation pour réaliser ce travail.

14 M. le Président (interprétation). - Pensez-vous déjà à la façon

15 dont sera organisée

16 l'audition de vos témoins, de manière que nous nous fassions une idée

17 globale ?

18 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, nous en

19 avons discuté entre nous. Nous avons discuté avec l'ensemble des conseils

20 de la défense et individuellement également. En fait, je souhaitais

21 obtenir quelques précisions des Juges sur la façon dont vous souhaitez que

22 la défense présente ses témoins, d'abord sur le plan technique, comment

23 nous devrons procéder au contre-interrogatoire.

24 Je peux vous dire quelle est la pratique en vigueur dans de

25 nombreux procès avec jury auxquels j'ai participé précédemment. Durant

Page 9373

1 l'audition des témoins de la défense, il y a d'abord un interrogatoire

2 principal ; ensuite, un accusé cite un témoin, donc interrogatoire

3 principal suivi du contre-interrogatoire par le Procureur, suivi du

4 contre-interrogatoire par les autres accusés. C'est la procédure que j'ai

5 observée pour ma part et que j'ai demandé à la Chambre de première

6 instance d'adopter. Je pense que nous devons y réfléchir.

7 M. le Président (interprétation). - En général, c'est la

8 pratique lorsque les conseils de la défense s'entendent entre eux quant

9 aux aspects évoqués dans les contre-interrogatoires avant le début. Cela

10 facilite la vie de tout le monde.

11 M. Moran (interprétation). - Je suis d'accord avec vous,

12 Monsieur le Président.

13 Si je prends comme exemple M. Delalic, je suis sûr qu'il citera

14 un certain nombre de témoins qui n'auront rien à voir avec M. Delic, par

15 exemple. Je n'aurai donc rien à dire à ces témoins. Je pense que ce sont

16 des aspects techniques du problème auxquels il conviendra que nous

17 réfléchissions avant le début de l'audition des témoins de la défense.

18 Je sais que M. Karabdic travaille très dur depuis quelque temps.

19 Il parle avec des témoins dans l'ex-Yougoslavie. Il se prépare à fournir à

20 l'Unité chargée des victimes et des témoins les lieux et d'autres

21 informations relatives à ces témoins, de façon que nous puissions

22 travailler de façon logique.

23 M. le Président (interprétation). - Compte tenu des

24 installations dont nous

25 disposons ici, et dans le but de faciliter le travail de la Chambre

Page 9374

1 d'instance, il est nécessaire que nous sachions exactement quelle sera la

2 durée approximative de l'audition des témoins de la défense de façon à

3 pouvoir déterminer s'il s’agit d'une semaine, de deux semaines ou

4 davantage. Et au moment où nous aurons une idée de la durée de ces

5 auditions, nous pourrons nous faire une idée du contre-interrogatoire.

6 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, surtout ne

7 m'en veuillez pas, je vous en prie, mais je pense que pendant les

8 vacances, je discuterai probablement de ce point et il y aura sans doute

9 dix à quinze témoins factuels. Est-ce une bonne évaluation ? Puis, en

10 raison d'un certain nombre de choses qui ont été évoquées par l'accusation

11 dans ce procès, nous aurons sans doute à désigner un certain nombre

12 d'experts.

13 Si je procède de la sorte, j'y travaillerai pendant les

14 vacances, de façon à trouver les experts compétents dans les domaines qui

15 m'intéressent. Pour le moment, nous entendrons des témoignages.

16 M. le Président (interprétation). - Je sais que vous pourriez

17 attendre jusqu'à la fin de l'audition de vos témoins. A ce moment-là, vous

18 saurez ce qu’il vous reste à défendre. Je pense que c'est la façon normale

19 de procéder.

20 M. Moran (interprétation). - C'est un autre problème cela,

21 Monsieur le Président. Nous ne savons pas, jusqu'à décision des Juges, ce

22 qu'il nous reste à aborder dans nos présentations. Il semblerait que ce

23 soit gaspiller les ressources, que ce soit du gaspillage d'aligner ici un

24 grand nombre de témoins, de les faire attendre dans la salle des témoins,

25 de les faire venir de lieux très éloignés pour que les Juges décident

Page 9375

1 qu'en raison d'un point de droit, ils suppriment tel ou tel chef

2 d'accusation de l'acte d'accusation.

3 Avant de décider de façon plus définitive, nous avons besoin de

4 savoir comment la Chambre d'instance va statuer au sujet de nos requêtes.

5 M. le Président (interprétation). - Nous commencerons par une

6 évaluation de 15

7 jours après la fin de l'audition des témoins de l'accusation qui vous

8 permettra de préparer vos requêtes.

9 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, je pense que

10 c'est le plus raisonnable. Nous en avons déjà discuté en octobre. Je pense

11 que tout le monde était d'accord, y compris les juges, que deux semaines

12 pour nous préparer après la fin de l'audition des témoins de l'accusation,

13 et deux semaines pour l'accusation, pour permettre à l'accusation de

14 répondre, puis une semaine qui nous serait accordée pour répondre à la

15 réponse de l'accusation, seraient des délais les raisonnables.

16 Je pense comme je parle en ce moment. Ya-t-il assez de temps

17 entre maintenant et le 12 janvier ? Je pense que l'accusation va terminer

18 l'audition de ces témoins cette semaine. Les autres Chambres font sans

19 doute des projets par rapport à l’utilisation de ce prétoire au cours des

20 cinq semaines qui restent. Je pense que la Chambre pourrait souhaiter

21 réfléchir également sur la façon dont elle va se donner un ou deux jours

22 pour écouter nos requêtes.

23 M. le Président (interprétation). - Tout dépend des requêtes que

24 vous allez soumettre et des réponses qui leur seront apportées. Nous

25 verrons plus tard.

Page 9376

1 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, avez-vous

3 quelque chose à ajouter ?

4 M. Niemann (interprétation). - Nous n'avons aucune opposition

5 particulière au calendrier proposé, Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation). - C’est donc ce calendrier qui

7 sera adopté. Un délai de 15 jours permettra à chacun de se préparer et de

8 répondre.

9 M. Niemann (interprétation). - Pour nous, ce délai est

10 acceptable, le délai que vient d'indiquer M. Ackerman, quinze jours pour

11 chacune des parties.

12 M. le Président (interprétation). - Et bien, nous aussi, nous

13 ferons tout ce qui est

14 notre possible parce qu'il y a un certain nombre de décisions sur

15 lesquelles nous devons encore statuer. Il nous faut absolument nous

16 assurer que chacun d'entre nous obtient ces décisions afin que nous

17 reprenions nos travaux.

18 Nous allons nous assurer que toutes ces décisions sont abordées

19 afin d'éviter toute confusion au fur et à mesure que nous avançons dans

20 nos travaux. Nous allons vraiment faire tout ce qui est en notre pouvoir

21 de notre côté. Nous aussi, nous allons partir en vacances pour Noël.

22 Certains d'entre nous viennent de très loin. J'espère que chacun d'entre

23 vous profitera de ces périodes de congés. Merci beaucoup.

24 Mme McHenry (interprétation). - Monsieur le Président, je me

25 demande si les conseils de la défense peuvent nous donner une idée de

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1 l'ordre dans lequel ils vont citer leurs témoins à comparaître, quelle va

2 être leur stratégie en matière de procédure ? Quel est le nombre

3 approximatif de témoins qu'ils pensent citer à comparaître ? Car là aussi,

4 cela touche le travail de l'accusation. Comment l'accusation peut-elle se

5 préparer à interroger elle-même ces témoins ?

6 M. le Président (interprétation). - C'est une très bonne idée.

7 Quelqu'un peut-il nous donner ces éléments d'information extrêmement

8 importants pour que nous puissions savoir ce à quoi l'accusation doit

9 s'attendre ?

10 Mme Residovic (interprétation) - Monsieur le Président, je ne

11 crois pas que M. Ackerman ait donné quelque chiffre que ce soit.

12 Maître Moran a avancé certaines évaluations. Il y a déjà un certain temps,

13 nous avons abordé ce même sujet. A l'époque, je plaisantais, mais en fait

14 bien évidemment, nous allons demander que certains des chefs d'accusation

15 pesant contre notre client soient rejetés. La défense ne peut pas, à ce

16 stade de la procédure, donner une quelconque estimation, aussi vague

17 qu'elle soit, concernant le nombre des témoins.

18 M. Olujic (interprétation). - Si l’on nous demande à nous aussi

19 de répondre à cette

20 question, je dirai, tout comme mon éminent collègue, Me Residovic, que

21 nous ne pouvons pas nous non plus savoir à ce stade de la procédure quel

22 sera le nombre des témoins que nous allons citer à comparaître.

23 Il est bien certain que nous n'allons pas en citer beaucoup. N’y

24 voyez pas là matière à me faire reproche, mais il s'agira peut-être de dix

25 à quinze témoins à peu près. Ce nombre comprend le nombre de témoins

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1 experts que nous pensons citer à comparaître.

2 M. Ackerman (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,

3 en dépit du fait que Me McHenry n'était pas particulièrement intéressée

4 par ce que j'aurais pu avoir à dire...

5 Mme McHenry (interprétation). - Excusez-moi, j'ai peut-être fait

6 une confusion de nom.

7 M. Ackerman (interprétation). - Vous êtes toute excusée. Il y a

8 une confusion d’Etat, le Texas, on ne sait jamais très bien lequel de nous

9 deux qui portons une barbe vient du Texas.

10 Sur la base de l'hypothèse, et ce n'est qu'une hypothèse, peut-

11 être que cette hypothèse s'avérera infondée, sur la base de l'hypothèse

12 que nous allons devoir répondre à tous les chefs d'accusation tels qu'ils

13 se présentent à l'heure actuelle, nous pensons comme Me Olujic avoir à

14 citer à comparaître 15 ou 20 témoins. Cela comprendra deux ou trois

15 témoins experts.

16 M. le Président (interprétation). - Oui, je crois qu'il ne faut

17 peut-être pas être trop exigeant ou trop optimiste. Vous avez donné une

18 évaluation du nombre de témoins que vous souhaitiez citer à comparaître.

19 Vous ne pouvez pas donner de chiffres trop précis.

20 M. Niemann (interprétation). - Je reviens sur ce qu’a dit

21 Maître Residovic tout à l'heure. Je voulais simplement ajouter que dans

22 un débat récent qui a été débattu devant une autre Chambre de première

23 instance, le Juge Cassese en est le Président, il a été ordonné à la

24 défense non seulement de produire la liste des témoins avant le début du

25 procès. Et cela précède encore ce qu'a pu dire Mme Residovic. Alors, cela

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1 intervient avant même l'étape à laquelle se

2 référait Me Residovic. Je ne sais pas si le fait qu'elle puisse avoir à

3 faire une requête ou pas, influe vraiment sur sa capacité d'arriver à

4 quelque chose de plus précis. Je suis bien certaine qu'elle est à même de

5 nous donner une estimation.

6 M. Greaves (interprétation). - Puis-je demander à Maître Niemann

7 quelle est l'affaire dans laquelle cette décision est intervenue ?

8 M. Niemann (interprétation). - C'est dans l'affaire Dokmanovic.

9 Non seulement la décision a été donnée de demander à la défense de

10 produire des déclarations de témoins, mais il a également été demandé que

11 l'accusation produise sa liste de témoins et que toutes les pièces à

12 conviction soient communiquées avant le début du procès. En outre, la Cour

13 a demandé à ce que la défense indique les grandes lignes des éléments de

14 défense qui seraient invoqués dans l'affaire.

15 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, je

16 voulais également préciser que nous nous sommes mis d'accord entre

17 conseils de la défense pour que nous présentions nos dossiers dans l'ordre

18 des noms des accusés, tel qu'il apparaît dans l'acte d'accusation et,

19 avant de reprendre ma place, je voudrais souhaiter à tout le monde ici

20 dans la Chambre de Première Instance, aux personnes provenant de Celebici

21 et à tous les autres participants, un congé agréable, des vacances

22 agréables et aussi reposantes que possible. Je vous remercie.

23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie infiniment.

24 C'est une très bonne idée, il me semble que les conseils de la défense se

25 mettent dès maintenant à établir leur liste de témoins, afin qu'ils ne

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1 soient pas soumis à certaines objections qui pourraient provoquer un

2 recours ou un rappel de certains articles du Règlement. Nous ne voulons

3 pas rentrer à nouveau dans ces escarmouches que nous avons connues dans le

4 passé. Bien évidemment, dès que nous pouvons empêcher de telles choses de

5 se produire, les choses en sont facilitées pour tout le monde. Il faut

6 absolument préparer la liste des témoins, parce que l'accusation en aura

7 besoin.

8 Nous pensions que c'était évident, que nous n'avions même pas besoin de le

9 préciser. Au vu des procédures qui ont été utilisées, il me semble que

10 cela est évident. Nous avons maintenant travaillé ensemble depuis bien

11 longtemps.

12 Je vais maintenant souhaiter à chacun d'entre vous de bonnes

13 vacances de Noël, de bonnes fêtes de fin d'année, des vacances reposantes

14 et paisibles et j'espère vous retrouver régénérés à la fin de ce congé.

15 Cela nous permettra à tous de repartir du bon pied.

16 Pour ce qui nous concerne, je le répète, nous nous assurons du

17 fait qu'au moment où vous commencerez à travailler, nous pourrons vous

18 soumettre toutes les décisions nécessaires. Nous ne manquerons pas de

19 mettre un point final à tout ce qui est encore en attente devant nous.

20 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, avant que

21 vous ne partiez, j'ai l'impression que vous êtes en train de nous dire

22 qu'il faut que nous communiquions à l'accusation une liste des témoins.

23 J'ai l'impression que c'était le 21 février dernier, que vous avez émis

24 une ordonnance portant sur le fait qu'il n'y avait pas besoin de

25 communiquer une telle liste.

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1 M. le Président (interprétation). - Oui, mais en vertu des

2 articles 66 et 67.

3 M. Moran (interprétation). - Je vois.

4 M. le Président (interprétation). - Il y a des circonstances qui

5 vous obligent à le faire. Tout dépend de la ligne de défense que vous

6 allez adopter.

7 M. Moran (interprétation). - Je vois. En tout cas, je vous

8 souhaite de très bonnes vacances.

9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

10 L'audience est levée à 17 heures 15.

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