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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-96-21-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mercredi 11 mars 1998
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5 (Les accusés sont introduits dans la salle.)
6 (L'audience est ouverte à 10 heures 05.)
7 M. le Président (interprétation). - Bonjour, mesdames et
8 messieurs. Les parties peuvent-elles se présenter, s'il vous plaît ?
9 M. Nieman (interprétation). - Bonjour monsieur le Président,
10 mesdames et messieurs les juges. Je comparais avec mes collègues,
11 Mme McHenry, M. Turone, M. Khan et M. Dixon au nom de l'accusation.
12 M. le Président (interprétation). - Les comparutions pour la
13 défense s'il vous plaît ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour monsieur le Président.
15 Je m'appelle Edina Residovic, je défends M. Zejnil Delalic en compagnie de
16 mes confrères, maîtres Eugene O’Sullivan, professeur au Canada et
17 Ekrem Galijatovic, avocat de Sarajevo.
18 M. Olujic (interprétation). - Bonjour monsieur le Président, je
19 m'appelle Zeljko Olujic et je comparais pour la défense de M. Mucic. Je
20 suis avocat de Croatie. Je comparais avec mon collègue M. Michael Greaves,
21 avocat du Royaume-Uni.
22 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président,
23 madame et messieurs les Juges. Je m'appelle Salih Karabdic, je suis avocat
24 à Sarajevo. Je représente M. Delic avec mon confrère, Thomas Moran, avocat
25 de Houston, Texas aux Etats-Unis.
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1 M. Ackerman (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président,
2 je m'appelle John Ackerman et, avec ma consoeur, Mme McMurrey, nous
3 représentons M. Esad Landzo. Je vous remercie.
4 M. le Président (interprétation). - Il me semble qu'aujourd'hui,
5 nous devons examiner les requêtes et les réponses à ces requêtes. Comment
6 allons-nous procéder et quels sont les conseils de la défense qui vont
7 commencer à plaider leurs requêtes ? Bien évidemment, nous allons avoir la
8 présentation orale des arguments de la défense.
9 M. Ackerman (interprétation). - C'est moi qui vais commencer,
10 M. Moran prendra la suite, puis Mme Residovic et enfin M. Olujic.
11 M. le Président (interprétation). - Avant de commencer,
12 j'aimerais simplement préciser un certain nombre de points au vu de ma
13 lecture de ces requêtes. Il apparaît, dans les requêtes, que les arguments
14 sont présentés parfois à titre alternatif. C'est bien ce qui apparaît dans
15 votre requête, n'est ce pas ? Et la demande d'acquittement est suivie
16 d'une demande alternative d'abandon de certains des chefs d'accusation.
17 Est-ce ainsi que vous allez procéder ? Allez-vous plaider à titre
18 alternatif ?
19 M. Ackerman (interprétation). - Je crois que nous allons
20 demander soit un acquittement, soit un abandon des chefs d'accusation.
21 Cela dépendra de la décision que vous rendrez, monsieur le Président.
22 Cette décision s'appuie-t-elle sur des faits, vise-t-elle à un
23 acquittement ou s'appuie-t-elle sur des faits juridiques ou sur des points
24 juridiques permettant d'arriver à l'abandon des charges ?
25 M. le Président (interprétation). - Mais dans la mesure où votre
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1 requête est acceptée, n'est-ce-pas ?
2 M. Ackerman (interprétation). - Oui bien sûr.
3 M. le Président (interprétation). - Et si ce n'est pas le cas ?
4 Si votre requête est rejetée ?
5 M. Ackerman (interprétation). - Si elle rejetée, nous
6 poursuivrons, nous appellerons nos témoins à la barre.
7 M. le Président (interprétation). - Vous savez que le règlement
8 a toujours été très clair sur ce point. Lorsque l'on présente des requêtes
9 et lorsque vous choisissez d'appuyer celles-ci sur la présentation des
10 témoins de l'accusation ou sur des points de droit, ou lorsque vous
11 souhaitez simplement plaider une absence de preuve suffisante pour mener
12 l'affaire à bien, cela aura des conséquences différentes. Si jamais vous
13 décidez de clore votre affaire, vous n'aurez pas le droit d'avancer
14 d'autres éléments de preuve à décharge parce que vous aurez accepté les
15 principes juridiques et les moyens de preuve avancés par l'accusation et
16 vous serez tenu par cela.
17 Si d'autre part, vous n'émettez pas de commentaires sur les
18 éléments de preuve, si vous remettez en question certains points de droit,
19 alors vous serez en droit de présenter vos propres éléments de preuve dans
20 le cadre de la présentation de témoins à décharge.
21 J'ai remarqué que votre requête analyse dans le détail tous les
22 éléments de preuve avancés par l'accusation et tous les points de droit et
23 que vous contestez la plupart de ces éléments. Mais, à proprement parler,
24 vous n'acceptez pas les éléments de preuve tels qu'ils ont été présentés
25 par l’accusation. Au contraire, vous les contestez et vous demandez un
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1 acquittement. Ce qui signifie, si vous demandez un jugement
2 d'acquittement, que vous appuyez toute votre stratégie sur les éléments
3 présentés par l'accusation, pour ce qui est de l'acquittement, je le
4 précise bien.
5 M. Ackerman (interprétation). - Les accusés à ce stade,
6 monsieur le Président, s'appuient sur des faits, notamment sur ce qui a
7 été dit dans le cadre de l'affaire Tadic, dans le cadre de la charge qui
8 incombe à chacune des parties. D'après nous, à ce stade de la procédure,
9 d'un point de vue factuel, pour ce qui est de chacun des éléments avancés
10 à l'appui de chaque crime, l'accusation doit avoir établi un certain
11 nombre de présomptions et d'après nous pour certain des chefs
12 d'accusation, l'accusation n'a pas réussi à avancer suffisamment
13 d'éléments à
14 l'appui des chefs d'accusation.
15 Il faut absolument que tous les faits soient démontrés au-delà
16 de tout doute raisonnable. Maintenant, l'accusation a fini de présenter
17 ses témoins et, au vu de l'état des éléments de preuve proposés par
18 l'accusation, nous déclarons que celle-ci n'a pas donné des moyens de
19 preuve suffisants concernant chacun des chefs d'accusation reprochés aux
20 accusés. Tel est notre argument. Nous ne disons pas qu'il faut que vous
21 analysiez chacun des moyens de preuve qui ont été avancés pour savoir
22 s'ils ont été prouvés au delà de tout doute raisonnable. Ce n'est pas
23 notre argument principal.
24 M. le Président (interprétation). - En fait, vous pensez que des
25 faits sont encore sujet à controverse et dans le cas où ces points ne sont
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1 pas résolus, vous allez continuer à travailler et présenter vos éléments
2 de preuve.
3 M. Ackerman (interprétation). - Bien entendu. Dans la mesure où
4 l'accusation n'a pas permis d'avancer suffisamment de présomptions pour
5 chacun des actes d'accusation, nous pourrions poursuivre.
6 M. le Président (interprétation). - Etant donné que vous avez
7 présenté ces choses à titre alternatif, vous devez faire un choix. Vous ne
8 pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il faut avoir l'une des
9 deux choses.
10 M. Ackerman (interprétation). - Peut-être que le titre que nous
11 avons donné à la requête, requête aux fins d'acquittement ou requête aux
12 fins d'abandon des charges, n'était pas le mieux choisi, mais nous ne
13 pensions pas que la Chambre de première instance allait penser que le
14 terme "acquittement" impliquait qu'il fallait analyser tous les éléments
15 de preuve avancés jusqu'ici et prendre une décision qui se basait sur le
16 critère de preuve qui est celui du doute raisonnable et au-delà du doute
17 raisonnable. Ce que nous disons est qu'il y a insuffisance de faits
18 avancés, qu'il n'y a pas de présomptions suffisantes pour les chefs
19 d'accusation qui ont été établis.
20 C'est la raison pour laquelle nous avons demandé soit un
21 acquittement, soit un abandon des chefs d'accusation.
22 Nous avons donc choisi de plaider ces deux choses à titre
23 alternatif de telle sorte que, si la Chambre de première instance pensait
24 que c’était l'acquittement qui était approprié du fait de l'absence de
25 présomptions, la Chambre serait à même de décider un acquittement. Mais si
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1 c’est une erreur que nous avons commise, nous allons bien sûr retirer cet
2 argument de l’acquittement, simplement déclarer que nous voulons un
3 abandon des chefs d'accusation par absence de preuves suffisantes.
4 M. le Président (interprétation). - Je crois que chacune des
5 requêtes aux fins d'abandon des chefs d'accusation se base sur le fait
6 qu'il n'y a pas suffisamment de présomptions qui ont été avancées. Mais
7 cela n'aborde que certains champs du problème de la présomption. Lorsque
8 vous parlez de l'acquittement sur la base d’une détermination des faits,
9 etc., vous êtes en train de partir de l'hypothèse selon laquelle vous vous
10 basez sur ce qui a été présenté par l'accusation. Cela ne devrait pas être
11 le cas.
12 Si vous êtes absolument convaincu du fait que vous n’avez pas
13 besoin de continuer à présenter des éléments de preuve, votre stratégie
14 repose entièrement sur ce qui a été présenté dans le cadre des témoins de
15 l’accusation
16 M. Ackerman (interprétation). - Mais je ne parle qu'au nom de
17 M. Landzo, Monsieur le Président.
18 M. Moran (interprétation). - C'est moi qui suis responsable de
19 cette demande d'acquittement. En fait, dans ma pratique, j'avais
20 l'habitude de penser que c'était l'acquittement qu'il fallait demander
21 dans le cas où il n'y avait pas suffisamment de présomptions avancées.
22 C'est de ma faute si la terminologie n'est peut-être pas adaptée à la
23 situation, et je m’en excuse.
24 Mais, au nom de mon client, M. Delic, je voudrais préciser que,
25 si la Chambre de première instance déclare qu'il y a présomption pour
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1 l’une quelconque des charges retenues
2 contre l'accusé, alors nous présenterons des éléments de preuve. Nous
3 allons demander bien évidemment à la Chambre de première instance
4 d'analyser les moyens de preuve en travaillant dans le sens de
5 l'accusation. Nous allons essayer de voir pour chacun des chefs
6 d’accusation s’il y a effectivement suffisance des moyens de preuve, ou
7 non.
8 M. le Président (interprétation). - Merci.
9 Mme Residovic (interprétation). - Dans le système juridique d’où
10 je viens, à ce stade du procès, la Chambre de première instance décide
11 s'il existe toujours des bases pour présumer que l'accusé a bien exécuté
12 l'acte qui lui est reproché. C'est de cette façon que l'on se détermine au
13 sujet d'un éventuel abandon des charges.
14 Nous présentons les choses de façon alternative, comme nos
15 collègues, car nous affirmons qu'il n'existe pas de présomptions de base.
16 Nous en restons à ce point de vue concernant notre client, en tout cas. De
17 toute façon, si sur quelque point de l'acte d'accusation que ce soit, la
18 Chambre de première instance devait penser que les présomptions de base
19 existaient, alors la défense de M. Delalic accepterait d'entendre ces
20 témoins.
21 M. Olujic (interprétation). - Monsieur le Président, au nom de
22 Zdravko Mucic, je tiens à dire que nous considérons également que, à ce
23 stade du procès, nous estimons que les interrogatoires principaux de
24 témoins sont achevés. La preuve est apportée de façon éclatante de
25 l'insuffisance des présomptions de base présentées par le Procureur. Il y
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1 a donc toutes les raisons valables pour un abandon des charges. Nous
2 l'avons établi de façon écrite avec tous les arguments nécessaires.
3 Nous pensons avoir apporté tous les arguments convaincants
4 nécessaires pour prouver que ces présomptions de base n'existaient pas.
5 Mais si la Chambre de première instance n'acceptait pas notre
6 argumentation, nous accepterions bien sûr d'entendre également nos témoins
7 de la défense.
8 M. le Président (interprétation). - Parfait, nous avons
9 maintenant une idée claire de
10 la situation. Nous avions un petit doute quant à la procédure à adopter.
11 Vous avez tous, je crois, lu les mémoires de l'accusation ou de la
12 défense, selon votre cas. Pour les points de désaccord - je n'ai pas lu le
13 mémoire que je viens de recevoir ce matin -, je crois cependant qu'il
14 conviendrait que vous vous limitiez chacun à aborder les questions qui
15 portent encore à controverse ou sur lesquelles il n'y a pas d'accord
16 existant, plutôt que de revoir l'intégralité de ce que vous avancez dans
17 votre mémoire.
18 Nous avons chacun les documents en main. Nous allons maintenant
19 écouter M. Ackerman qui va commencer à plaider les arguments avancés dans
20 sa requête.
21 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, Madame
22 et Messieurs les juges, une fois encore bonjour. Je salue également tous
23 mes confrères de l'accusation. Comme vous l'avez suggéré, Monsieur le
24 Président, je vais essayer d'être succinct et concis. Je crois que les
25 mémoires qui ont été déposés dans le cadre de ces requêtes sont vraiment
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1 exhaustifs, qu'ils n'omettent rien. Toutes les questions ont été
2 clairement décrites et analysées. Je ne crois pas que je puisse ajouter
3 grand-chose. Tout apparaît dans le mémoire que nous avons déposé. Je
4 crois que ces mémoires ont été bien écrits, bien argumentés, qu'ils vous
5 ont été présentés dans les meilleures conditions possibles.
6 Sans doute avez-vous des questions à poser, questions relatives
7 à ce qui se trouve dans la teneur de ce document. J'espère qu'à nous
8 quatre, nous arriverons à couvrir tout le champ de vos questions.
9 Les accusés Landzo, Delic et Delalic ont présenté un mémoire
10 conjoint, mais ils vont également présenter des arguments conjoints à
11 l'appui de ce document.
12 Par conséquent, chacun d'entre nous ne va pas aborder chacune
13 des questions analysées dans le mémoire. Nous nous sommes réparti la tâche
14 et nous allons chacun aborder certaines des questions qui apparaissent
15 dans notre document. Quant à moi, je vais très succinctement aborder la
16 question du conflit international armé. Je vais essayer de démontrer si
17 oui ou non l'article 3 commun aux Conventions est inclus dans l'article 3
18 du Statut. La question est de savoir si ce Tribunal a compétence pour
19 juger de crimes relevant de l'article 3 commun.
20 Pour commencer, je crois qu'il est nécessaire de dresser un peu
21 le décor de la situation sur laquelle nous nous penchons. Ce Tribunal a
22 été créé conformément au chapitre 7 de la charte des Nations Unies.
23 L'objectif de la création de ce Tribunal était d'aider les Nations Unies à
24 restaurer la paix et à la maintenir en ex-Yougoslavie.
25 Le mandat principal de ce Tribunal est de faire tout ce qui est
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1 en son pouvoir pour aider les Nations Unies dans ce sens.
2 La mission toute particulière de ce Tribunal est donc de citer
3 en justice et d'assurer un procès équitable aux personnes qui se sont
4 rendues coupables de violations du droit international humanitaire dans le
5 cadre du conflit en ex-Yougoslavie.
6 Puisqu'il apparaît que cette mission vise à aider les
7 Nations Unies à restaurer la paix en ex-Yougoslavie, cela implique
8 nécessairement que la mission de ce Tribunal est publique. Cette mission
9 ne peut réussir que si le Tribunal convainc les résidents de
10 l’ex-Yougoslavie et les habitants du monde entier de la validité de sa
11 mission. Le public doit être convaincu que ce Tribunal exerce une action
12 apaisante. Il faut que l'on considère le Tribunal comme un lieu où la
13 justice et la parfaite objectivité prévalent.
14 Je crois que ce Tribunal ne peut espérer résoudre des questions
15 extrêmement complexes en Bosnie, en Serbie, en Bosnie-Herzégovine, en
16 Croatie. Etant donné que vous citez à comparaître des Serbes, alors bien
17 entendu les Serbes ne vous considéreront pas comme un tribunal équitable.
18 C'est vrai pour toutes les autres ethnies en présence.
19 Nous avons lu les journaux, les lettres qui nous ont été
20 envoyées et qui ont été envoyées au bureau du Procureur, provenant de
21 différentes organisations. Nous avons lu les critiques émises à l'égard de
22 ce Tribunal. Nous pouvons essayer de démontrer au monde et aux citoyens de
23 l’ex-Yougoslavie que le Tribunal est effectivement un lieu où la justice
24 prévaut.
25 C'est un lieu où le mot « équité » a toute sa place. J'espère que plus
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1 tard, lorsque nous regarderons en arrière, lorsque nous évaluerons notre
2 travail, dans quelques années, nous serons à même de dire que nous avons
3 satisfait à ce critère, que nous avons rempli notre mission.
4 Selon moi, la seule chose qui pourrait nous permettre de remplir
5 notre mission dans les conditions les plus satisfaisantes, c'est de nous
6 préoccuper avant toute chose du respect du droit et de la justice. Pour ce
7 faire, je crois qu'il faut absolument que nous agissions en tant que
8 système juridique indépendant. Il faut que nous puissions faire toute
9 confiance à nos juges, que nous puissions être convaincus que nos juges
10 vont remplir leur mission avec honnêteté, dignité et sans crainte, sans
11 idées préconçues non plus.
12 Si nous regardons ce qui s'est passé au cours de l'histoire, si
13 nous regardons les actions des juges dont nous avons appris à connaître le
14 nom, des juges que nous vénérons pour le travail qu'ils ont accompli, nous
15 nous apercevons que sans exception, ces juges ont fait preuve d’une totale
16 équité au moment de l'exercice de leur fonction et encore aujourd’hui, des
17 juges qui ont fait preuve d'une totale honnêteté et d’intégrité, qui ont
18 agi sans crainte et sans idée préconçue.
19 A l'époque, ce qu'ils ont pu faire tel ou tel jour n'a pas été
20 apprécié par nombre de personnes, n'a pas été reconnu par une large
21 fraction du public. Maintenant que nous avons le bénéfice de l'expérience,
22 nous savons qu'ils ont agi en toute honnêteté et en toute équité. C'est la
23 raison pour laquelle nous les respectons. Ils ont montré dans leur travail
24 qu'ils savaient être indépendants. C’est la clef qui soutient leur
25 engagement total à l’égard de la justice et du respect du droit.
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1 Tout ce que nous pouvons vous demander, Madame et Messieurs les
2 Juges et à toutes les parties présentes dans ce prétoire, c'est d'agir
3 ainsi qu'agissent les juges. Il est important qu'en fin de compte, ce
4 Tribunal soit considéré comme un Tribunal qui a fonctionné de façon juste
5 et dans le respect absolu de la loi.
6 J'aimerais maintenant parler brièvement du problème du conflit
7 international.
8 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges. Vous savez
9 tous que la Chambre de première instance s’est penchée sur ce problème,
10 dans la décision prise au moment du verdict de l'affaire Tadic. Pour
11 l'essentiel, il a été décidé qu'à partir du 19 mai 1992, il n'était plus
12 question de conflit international.
13 La conclusion adoptée en conséquence stipule que les personnes
14 n'étaient plus protégées par les Conventions de Genève, puisque le conflit
15 n'était pas international. Le problème que nous discutons ici aujourd'hui
16 consiste à déterminer quel sera l'effet pour la Chambre de première
17 instance dans laquelle nous oeuvrons, de cette décision pour
18 l'affaire Tadic.
19 Nous affirmons devant vous, Monsieur le Président, que cette
20 décision Tadic devrait avoir un effet exécutoire, ou en tout cas, un effet
21 assez important sur l'action de la Chambre d’instance dans laquelle nous
22 travaillons. Le problème du conflit armé dans cette affaire se pose de
23 façon identique. Le bureau du Procureur a eu la possibilité de présenter
24 ses éléments de preuve et de les vérifier avant le début de
25 l'affaire Tadic, ce qu'il a donc fait.
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1 A moins que le bureau du Procureur n'ait cité devant cette
2 Chambre de première instance, des témoins qui n'étaient pas disponibles ou
3 en mesure d'apporter des éléments de preuve qui n'existaient pas à
4 l'époque de l'affaire Tadic, nous estimons qu'au terme de la notion de
5 collatéralité, les effets de la décision prise dans l'affaire Tadic
6 devraient être automatiquement appliqués à notre Chambre de première
7 instance, en tout cas concernant les éléments de preuve. Seuls pourraient
8 subsister éventuellement, à titre d'innovation, les éléments juridiques.
9 En effet, le bureau du Procureur, dans ce cas-là, ne devrait pas être
10 autorisé à représenter à multiples reprises des éléments de preuve
11 identiques.
12 La question qui se pose, si ce que je viens de dire est juste,
13 se présente de la manière suivante. La Chambre de première instance,
14 chargée de l'affaire Celebici, diffère de celle qu'a eu
15 à traiter le bureau du Procureur dans l'affaire Tadic. Ce que nous disons
16 à première vue, c'est qu'il n'existe aucune différence significative.
17 Prenons, par exemple, le témoignage le plus important de
18 l'affaire Tadic et celui dans l'affaire Celebici. Dans les deux cas, il
19 s'agit du témoignage du Pr Gow. Vous vous souviendrez que le Pr Gow, assis
20 à la chaise des témoins, a été interrogé quant aux nouvelles informations
21 relatives à la nature du conflit qu'il apportait dans l'affaire Celebici,
22 en comparaison avec les éléments qu'il avait apportés dans
23 l'affaire Tadic. Il a répondu qu'il ne possédait aucune nouvelle
24 information, que peut-être il avait appris certaines choses à partir de la
25 fin de l'affaire Tadic, mais que cela n'avait en rien modifié son avis
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1 fondamental au sujet du conflit dans l'ex-Yougoslavie.
2 Le bureau du Procureur vous a dit à ce moment-là que le journal
3 intime de Borisav Jovic, qui a été versé au dossier de l'affaire Celebici,
4 n'était pas disponible à l'époque de l'affaire Tadic et que cette
5 existence du journal intime de Borisav Jovic constituait une différence.
6 Vous vous souviendrez que, dans l'affaire Tadic, le Pr Gow a été
7 interrogé au sujet d'une vidéo qui était issue d'une émission de la BBC,
8 au sujet de la mort de la Yougoslavie. Borisav Jovic était interviewé dans
9 cette émission et dans les réponses qu'il a fournies au cours de cette
10 interview, il a dit exactement les mêmes choses que celles contenues dans
11 son journal intime.
12 Donc j'affirme qu'il s'agit bien d'un élément similaire, sinon
13 identique. En fait, la question qui se pose ne consiste pas, à mon avis, à
14 savoir si de nouvelles informations sont apparues, sont devenues
15 disponibles depuis la fin de l'affaire Tadic, mais quelle est l'importance
16 de ces éléments ?
17 Bien entendu, si ces éléments portaient directement sur le
18 contrôle exercé par la République fédérale yougoslave sur les forces
19 bosniaques, si ces éléments portaient sur ce fait,
20 ils auraient une importance tout à fait manifeste pour déterminer s'il y
21 avait ou non conflit international. Mais si la République fédérale
22 yougoslave n'exerçait pas effectivement un contrôle clair sur les forces
23 armées de Bosnie, il ne peut être question de conflit armé international.
24 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.) Une conclusion adoptée
25 sur un point peut-elle être pertinente dans une autre affaire ?
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1 M. Ackerman (interprétation). - Oui.
2 M. Jan (interprétation). - Sans qu'il y ait conclusion de faite
3 entre les parties ?
4 M. Ackerman (interprétation). - Pour autant qu'il y ait identité
5 au sujet des parties et c'est ce que je suis en train de démontrer ici. Le
6 bureau du Procureur a été une partie au procès dans les deux affaires.
7 M. Jan (interprétation). - Je ne suis pas sûr que ce soit bien
8 la manière la plus appropriée d'examiner les choses. En effet, les témoins
9 entendus dans toute affaire sont entendus indépendamment. Un fait démontré
10 dans une affaire peut-il être considéré pertinent dans une autre affaire
11 sur la simple base du fait qu'il s'agit d'une infraction pénale dans un
12 procès civil par exemple, lorsque les parties sont les mêmes ?
13 M. Ackerman (interprétation). - Je pense que cela dépend des
14 circonstances. Lorsqu'un fait est démontré à l'encontre d'une partie, par
15 exemple à l'encontre du bureau du Procureur dans l'affaire Tadic, en
16 raison du fait que le bureau du Procureur était une partie prenante dans
17 l'affaire Tadic et qu'il l'est également dans l'affaire Celebici,
18 j'affirme que cette partie ne peut pas être réentendue sur les mêmes faits
19 dans une deuxième affaire.
20 Maintenant, que la décision prise dans une affaire soit
21 contraignante dans une autre affaire, cela dépend bien sûr de la Chambre
22 de première instance qui en décide. C'est une décision qu'il vous
23 appartient de prendre, monsieur le Président, madame et messieurs les
24 juges. J'affirme simplement que le poids des arguments que nous donnons
25 doit être pris en compte et que le problème ici est un problème de
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1 conviction. Ai-je bien répondu à votre question,
2 monsieur le juge ?
3 M. Jan (interprétation). - Du mieux que vous avez pu.
4 M. Ackerman (interprétation). - Je vous remercie. Je crois en
5 fait avoir dit tout ce que je souhaitais dire au sujet de la nature du
6 conflit, conflit international armé ou pas. Nous voyons bien que ce
7 problème est implicitement abordé dans chacun des chefs d'accusation de
8 l'acte d'accusation. Le bureau du Procureur est donc tenu de prouver qu'il
9 existe bien un conflit international armé, à l'appui de chacun des chefs
10 d'accusations déterminés par lui.
11 J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet de l'article 3
12 du statut, au sujet du fait de savoir si oui ou non il y a l'article 3
13 commun
14 Je vous inviterai à regarder avec attention ce que nous avons
15 écrit à ce sujet dans nos mémoires. Je n'ai pas l'intention de revenir en
16 détail sur ce que nous avons dit dans nos écrits. L'une des questions qui
17 se pose à vous aujourd'hui consiste à déterminer dans quelles mesures vous
18 seriez éventuellement lié par la décision prise par la Chambre d'appel de
19 l'affaire Tadic au sujet du fait de savoir si, oui ou non, l'article
20 commun 3 fait partie des compétences de ce Tribunal. Ce que nous répondons
21 à cette question, c'est non. Nous répondons non pour plusieurs raisons.
22 D’abord, nous estimons qu'il convient de ne pas perdre d'esprit
23 lorsque cette question est examinée, le fait que la décision rendue par la
24 Chambre d'appel de l'affaire Tadic était une décision préliminaire
25 reposant sur des requêtes déposées au cours du procès. Ce n'était pas une
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1 décision faisant suite à un procès complet et à un examen approfondi et
2 exhaustif de l'ensemble des questions qui se posaient.
3 Cette décision peut donc être considérée éventuellement comme
4 rien de plus qu'une autorisation à poursuivre l'affaire. C'est-à-dire
5 comme une manière de remettre le bureau du Procureur en face de sa
6 décision de prouver que l'article 3 commun fait partie du droit coutumier
7 international. Nous croyons qu'aussi bien dans l'affaire Tadic que dans
8 l'affaire Celebici, le bureau du Procureur a échoué, en tout cas en
9 partie, dans cette tâche. Nous ajoutons à ce que je viens de dire que la
10 décision prise par la Chambre d'appel de l'affaire Tadic n'est pas
11 contraignante pour vous.
12 Nous l'ajoutons parce que le fait de savoir si tel ou tel
13 élément appartient ou non au droit coutumier international est une
14 question complexe qui fait intervenir à la fois des points de droit et des
15 points de faits. Ce n'est pas simplement une question juridique parce que
16 comme vous le savez, si une partie affirme que tel ou tel corpus du droit
17 est entré dans le droit international coutumier, conformément à ce que je
18 viens d'affirmer, cette partie est tenue de présenter des éléments de
19 faits à l'appui de son assertion.
20 Quels sont donc les avis et les pratiques des Etats eu égard à
21 cette assertion ? Les différents Etats concernés considèrent-ils que ce
22 corpus du droit s'applique à leur situation nationale ? Les auteurs qui
23 rédigent les textes de droit considèrent-ils, de façon régulière, que ce
24 corpus du droit fait bien partie du droit coutumier international ?
25 Je crois que ce sont là des questions auxquelles chacun est tenu
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1 de répondre pour se prononcer dans un avis juridique, comme on les appelle
2 en général de par le monde, portant sur cette question. Si vous examinez
3 l'article 3 commun dans ce contexte, je crois que la réponse que vous
4 pouvez apporter est encore une fois négative. A mon avis, il apparaît tout
5 à fait manifestement que la Chambre d'appel de l'affaire Tadic n'a pas eu,
6 entre les mains, tout ce dont elle aurait eu besoin pour se prononcer dans
7 une décision aussi difficile.
8 Il me semble tout à fait manifeste qu'un certain nombre
9 d'éléments lui manquaient. Rappelons-nous qu'une requête préliminaire n'a
10 pas été soutenue par un texte suffisamment conséquent et n'a pas eu la
11 possibilité d'être défendu de façon suffisamment prolongée.
12 Rappelons-nous que le bureau du Procureur, dans sa réponse au
13 mémoire préalable au procès, a pris une position prise en compte par la
14 Chambre d'appel de l'affaire Tadic, mais qui n'a pu être défendue avec une
15 argumentation orale suffisante, ni avec des textes écrits
16 suffisamment exhaustifs.
17 Nous affirmons que c'est là un problème à prendre en compte.
18 Rien, par exemple, dans la décision prise par la Chambre d'appel de
19 l'affaire Tadic, ne fait état du rapport du Secrétaire général des Nations
20 Unies au sujet de la création du Tribunal du Rwanda. Ceci n'est pas évoqué
21 dans la décision prise par la Chambre d'appel Tadic. Apparemment, cet
22 élément n'a pas été pris en compte et n'était même pas connu d'ailleurs
23 des juges qui siégeaient dans cette Chambre d'appel.
24 Or, je crois que cette déclaration du Secrétaire général des
25 Nations Unies était capitale. En effet, il affirme, s'agissant du statut
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1 du Tribunal du Rwanda, que l'article commun 3 est devenu un article du
2 droit pénal pour la première fois. C'est quelque chose qui est dit trois
3 ans à peu près après la création de notre Tribunal.
4 Le bureau du Procureur n'a pas répondu à notre argumentation sur
5 ce point. Le bureau du Procureur n'a pas fait la moindre tentative
6 d'expliquer au Tribunal de l'ex-Yougoslavie pour quelles raisons le
7 Secrétaire général des Nations Unies aurait bien pu faire cette
8 affirmation s'il n'avait pas été convaincu de la véracité de ses dires.
9 Aucune tentative n'a pris la peine d'inclure un article qui
10 incluait tout à fait précisément l'article 3 commun. Si le Conseil de
11 sécurité avait, à l'époque de la rédaction du Statut du Tribunal du
12 Rwanda, estimé que l'article 3 commun était déjà intégré au Statut du
13 Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie, il n'aurait eu aucune
14 raison d'introduire la totalité de l'article 3 commun dans le texte du
15 Statut du Tribunal du Rwanda puisque celui-ci aurait déjà été introduit
16 dans le Statut de notre Tribunal.
17 Une raison bien précise a présidé à l'introduction de cet
18 article 3 commun dans le texte des Statuts du Tribunal du Rwanda et cette
19 raison est que le Conseil de sécurité a éprouvé un intérêt particulier à
20 le faire. Dans le texte du Secrétaire général des Nations Unies, il est
21 stipulé que, pour la première fois, l'article 3 commun devient un article
22 du droit pénal et ce, trois
23 ans après la création de notre Tribunal.
24 M. Jan (interprétation). - Une information simplement. Le Rwanda
25 est-il signataire des Conventions de Genève ?
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1 M. Ackerman (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre
2 avec assurance. Je crois que cela est le cas, qu'il n'y a eu que deux ou
3 trois exceptions dont la Birmanie qui n'ont pas signé les Conventions de
4 Genève. Il me semble que le Rwanda les a probablement signés, mais je peux
5 compléter ma réponse par écrit dans les 24 heures, si vous le jugez
6 nécessaire.
7 Aimeriez-vous que je le fasse ?
8 M. Jan (interprétation). - Oui, j'aimerais que vous me répondiez
9 de façon précise.
10 M. Ackerman (interprétation). - Je pourrai vérifier ce fait dans
11 les quelques heures qui viennent, monsieur le Juge.
12 Enfin, il y a un dernier point que j'aimerais discuter devant
13 vous aujourd'hui. C'est la réponse fournie par le bureau du Procureur qui
14 déclare qu'en examinant les déclarations faites par divers représentants
15 au Conseil de sécurité, au moment où le Statut du TPIY a été élaboré, il
16 apparaît clairement qu'il était entendu que l'article 3 commun devait être
17 inclus dans l'article 3 du Statut.
18 Monsieur le Président, si nous lisons de façon très
19 précautionneuse cette remarque, nous nous rendons compte, sans l'ombre
20 d'un doute, que ce n'est pas la réalité. A savoir que ces représentants au
21 Conseil de sécurité, dans les remarques qu'ils ont prononcées, n'avaient
22 pas l'intention de laisser entendre que l'article 3 commun était intégré à
23 la pratique judiciaire de ce Tribunal. J'aimerais revenir sur ce point de
24 façon plus précise.
25 La brève réponse fournie par le bureau du Procureur sur cette
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1 question fait état des remarques prononcées par les délégués français,
2 américain, britannique et hongrois au Conseil de sécurité. Le délégué
3 français s'exprimant au sujet de l'article 3 du Statut a déclaré ce qui
4 suit : "J'aimerais faire quelques commentaires brefs sur ce sujet, le
5 sujet étant le Statut , d'abord
6 l'expression' loi aux coutumes de la guerre' utilisée dans l'article 3 du
7 Statut recouvre précisément, de l'avis de la France, la totalité des
8 obligations qui découle des accords relatifs au droit humanitaire en
9 vigueur sur le territoire de l'ex-Yougoslavie."
10 Le délégué français parle de l'accord du 22 mai, conclu par la
11 Republika Srpska, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine et portant sur
12 l'application d'un certain nombre d'articles des Conventions de Genève
13 sous l'égide du Comité international de la Croix rouge.
14 Maintenant, passons aux remarques proférées par Mme Albright et
15 nous trouvons les mêmes arguments. Elle déclare : "Il est entendu que les
16 lois aux coutumes de la guerre évoquées dans l'article 3 recouvrent la
17 totalité des obligations qui découlent des accords de droit humanitaire
18 conclus sur le territoire de l'ex-Yougoslavie à l'époque de la commission
19 des actes, y compris les obligations comprises dans l'article 3 commun des
20 Conventions de Genève et dans le protocole additionnel de 1977 à ces
21 conventions."
22 La déléguée américaine estime donc que l'accord du 22 mai
23 recouvre l'article 3 commun et le protocole n°1. Si l'on regarde les
24 remarques du délégué britannique au Conseil de sécurité, Sir David Hannay,
25 on voit que rien n'est dit au sujet de l'article 3 commun ou des accords
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1 du droit humanitaire international. Ensuite, nous prenons M. Erdor de
2 Hongrie qui ne parle ni de l'article 3, ni de l'article 3 commun. J'ai...
3 M. Jan (interprétation). - Cet accord du 22 mai, je crois que le
4 dernier article stipule qu'il n'entre en vigueur que si les différentes
5 parties l'ont ratifié. L'ont-elles ratifié ?
6 M. Ackerman (interprétation). - Pas à ma connaissance, peut-être
7 mais pas à ma connaissance. C'est une autre question sur laquelle je crois
8 être d'accord avec le bureau du Procureur, à savoir que cet accord du
9 22 mai n'a aucune incidence sur notre affaire car, dans l'acte
10 d'accusation, il n'a pas été évoqué et aucun des chefs d'accusation
11 stipulés dans l'acte ne repose sur ce texte. La Chambre d'appel de
12 l'affaire Tadic l'a évoqué, le bureau du Procureur l'a accepté et nous
13 avons présenté nos arguments à ce sujet.
14 M. Jan (interprétation). - Mais quand vous aurez terminé la
15 présentation de votre argument sur ce point, la déclaration de guerre
16 publiée au mois de juin par l'Etat bosniaque comporte un article 4
17 traitant du droit humanitaire et de son application. L'avez-vous vu ?
18 M. Ackerman (interprétation). - Je ne crois pas m'en souvenir de
19 façon précise.
20 M. Jan (interprétation). - N'est-ce pas un document de la même
21 nature que ceux dont vous parlez ?
22 M. Ackerman (interprétation). - Je pense que ces représentants
23 du Conseil de sécurité que je viens d'évoquer ne se sont pas exprimés sur
24 la base de leur idée que l'article 3 commun serait inclus dans
25 l'article 3. Simplement parce qu'ils estimaient que les infractions
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1 poursuivies au titre de l'article 3 pourraient l'être au titre de
2 l'article 3 commun en vertu de l'accord du 22 mai conclu par les parties
3 prenant part au conflit en Bosnie-Herzégovine.
4 M. Jan (interprétation). - Trois parties sont mentionnées comme
5 ayant commis l'agression. L'une d'elles est la Republika Srpska, la
6 deuxième est un parti politique et la troisième un parti démocratique,
7 parti terroriste, n'est-ce pas ?
8 M. Ackerman (interprétation). - J'ai parlé de ce point
9 particulier avec le Pr Gow. Effectivement, cela constitue un problème et
10 c'est sans doute le problème le plus important pour la Chambre de première
11 instance qui traite de l'affaire Celebici et cela sera un problème pour
12 toutes les Chambres de première instance de ce Tribunal et de tous les
13 Tribunaux, à savoir le problème de crédibilité. Ici, il est tout à fait
14 manifeste que le problème de crédibilité est beaucoup plus grave, plus
15 important, que celui qui se pose à quelques Tribunaux que ce soient où
16 j'ai eu l'occasion de travailler par le passé. Et ce, parce que la
17 participation des différentes parties au conflit en ex-Yougoslavie et les
18 déclarations de ces différentes parties belligérantes visaient très
19 fréquemment un résultat déterminé, mais ne se préoccupaient guère de
20 savoir si le contenu de ces déclarations était authentique, véridique ou
21 pas.
22 Vous vous rappellerez par exemple ma discussion au sujet de
23 Lord Owen avec le
24 Pr Economides qui y a répondu en déclarant que la partie la plus
25 difficile, la plus frustrante de son travail a consisté à déterminer si
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1 les gens auxquels il s’adressait lui disaient la vérité ou pas.
2 Un élément qui apparaît avec une clarté extraordinaire, c'est
3 que, pendant une période assez prolongée, le gouvernement de Bosnie-
4 Herzégovine a éprouvé le plus grand désir de se présenter aux yeux du
5 monde comme la victime d’une agression extérieure, de façon à tenter
6 d'obtenir une assistance matérielle.
7 Mais je crois qu'une déclaration de cette nature est tout à
8 fait politique et que nous n'avons pas intérêt à l'examiner en priorité.
9 Ce que nous avons plutôt intérêt à examiner en priorité, ce sont les
10 faits survenus sur le terrain, Monsieur le Président. Mais, en tout cas,
11 Monsieur le juge Jan, c’est de cette façon que je répondrai à votre
12 question.
13 M. le Président (interprétation). - J’aimerais savoir s'il est
14 possible d'apporter quelque clarté sur un certain nombre de faits. Les
15 arguments que vous avez présentés au sujet de l'article 3 commun comme
16 étant intégrés à l'article 3 du Statut reposent sur l'interprétation qui
17 a été donnée au libellé de l'article 3 du Statut. Parce que, ce que vous
18 vous efforcez de laisser entendre, c'est que les éléments figurant dans
19 l'article 3 du Statut n'envisageaient pas les différents éléments
20 matériels pris en compte dans l'article 3 commun, n'est-ce pas ?
21 M. Ackerman (interprétation). - Oui.
22 M. le Président (interprétation). - Pensez-vous que cela
23 corresponde avec la définition du mot "comprenne" utilisé dans
24 l'article 3, mot recouvrant un certain nombre d'éléments et qui n'inclut
25 pas nécessairement des éléments manquants.
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1 M. Ackerman (interprétation). - Monsieur le Président, dans
2 l'article 3, il est manifestement permis d'inclure d'autres infractions
3 que celles qui sont stipulées nommément. Aucun problème à ce sujet. Si,
4 par exemple, un Etat devait adopter un statut pénal stipulant que les
5 éléments suivants sont illégaux - casser un parcmètre, cracher sur le
6 trottoir, jeter des
7 pierres sur une voiture, par exemple -, et si un Procureur devait
8 déclarer, puisqu'il est stipulé dans l'article que ces actes, entre
9 autres, sont des infractions, nous allons poursuivre l'accusé pour
10 meurtre en vertu de ce statut.
11 Ce serait tout à fait ridicule et exagéré parce que le
12 principe en question et l'utilisation des termes "entre autres" ne
13 signifie pas que l'on puisse aller à des extrêmes inconsidérés. Chaque
14 fois que des termes aussi vagues que "entre autres" sont utilisés dans
15 un texte de droit, cela pose un problème grave. La seule manière, à mon
16 avis, de correspondre à l'intention du Statut consiste à interpréter les
17 mots "entre autres" comme faisant référence à des infractions
18 similaires, comparables.
19 Si l'on prend l'article 3 commun et qu'on le compare aux
20 Conventions de La Haye, on se rend compte que c'est simplement une
21 tentative de la part de l’auteur de placer dans un contexte un peu
22 différent les dispositions de la Convention de La Haye.
23 Aucun effort n'a été fait pour inclure l'article 3 commun dans
24 le statut d'un Tribunal international. Lorsque le Conseil de sécurité a
25 voulu le faire, il l’a fait de façon tout à fait claire, tout à fait
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1 complète et explicite. Il l'a fait dans la rédaction d'un article
2 complet du Tribunal pénal international chargé du Rwanda.
3 Alors que si vous regardez les mots "entre autres" utilisés
4 dans notre Statut, à mon avis, mon argument devient tout à fait clair.
5 En comparant les mots "entre autres" utilisés chez nous et la
6 déclaration du Secrétaire général des Nations Unies pour le Tribunal du
7 Rwanda, la comparaison est tout à fait parlante.
8 M. le Président (interprétation). - Je ne parlais pas de
9 l'expérience vécue après la création de notre Tribunal. L'expérience du
10 Tribunal du Rwanda est venue ultérieurement à la nôtre et, peut-être
11 d'ailleurs, qu’elle est un résultat précis, concret de l'expérience
12 désormais existante au sein du Tribunal pénal international de l’ex-
13 Yougoslavie.
14 Ce que l’on peut dire, me semble-t-il, c’est que lorsque le
15 Statut du Tribunal
16 pénal international TPIY a été rédigé, il eut été possible d’inclure la
17 disposition en question comme incluant tout autre élément significatif.
18 Je ne dis pas que telle était l'intention déclarée des auteurs du texte,
19 je dis simplement que c'est une possibilité et que les termes "entre
20 autres" auraient pu inclure tout acte, si les infractions envisagées
21 sont bien recouvertes par les termes "entre autres".
22 M. Ackerman (interprétation). - Si c'est le cas, Monsieur le
23 Président, si de façon très générale, l'intention des auteurs avait
24 consisté à inclure toute autre infraction, quelle que soit sa nature,
25 alors, cela change complètement notre exercice.
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1 M. le Président (interprétation). - Je dis simplement que le
2 terme "inclure", "englober" n'est pas équivalent à l'expression "entre
3 autres". Le terme "inclure", "englober", recouvre un nombre d'éléments
4 bien plus important que le nombre d'éléments impliqués dans
5 l’utilisation du terme "entre autres". Il est question de violation du
6 droit au cours d'un contexte de guerre.
7 M. Ackerman (interprétation). - C'est ce que les auteurs des
8 textes juridiques évoquent en général comme étant le contenu du droit de
9 La Haye, qui se penchent donc sur le droit applicable en période de
10 guerre et pas simplement sur des questions humanitaires.
11 En outre - et je pense que c’est un élément crucial -, lorsque
12 le bureau du Procureur cherche à inclure dans l'article 3 commun un
13 élément disputé du droit coutumier international, comme le dit la Cour
14 de justice internationale, je dis simplement que le bureau du Procureur
15 n'est pas en droit de le faire.
16 En effet, pour s'approcher de la réalisation de la tâche qui
17 incombe au Procureur, il faudrait que celui-ci soit capable, au moins,
18 d'évoquer une seule affaire où que ce soit dans le monde où l'article 3
19 commun a été à la base d'une poursuite pénale.
20 Je suis convaincu, Monsieur le Président, que vous avez une
21 expérience bien supérieure à celle de quelques autres personnes
22 présentes dans ce prétoire. Mais la Chambre
23 d'appel de l'affaire Tadic a fait référence à un certain nombre de
24 procès qui se sont jugés dans votre pays, au Nigeria, et fait référence
25 également à des articles publiés par la presse.
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1 Je ne crois pas que, dans ces affaires jugées au Nigeria,
2 l'article 3 commun ait été utilisé comme base du jugement, malgré les
3 affirmations faites dans ce sens par le bureau du Procureur. Il
4 s'agissait d'affaires de meurtres qui ont été jugées sur la base
5 exclusive du droit national nigérian. Aucun autre élément, et surtout
6 pas l'article commun 3, n'est intervenu pour dicter au juge - notamment
7 dans l'affaire impliquant un soldat biafrais -, pour impliquer dans le
8 jugement prononcé à l'issue de ce procès, l'article 3 commun. Jamais
9 personne n'a trouvé un procès dans lequel l'article 3 commun a été à la
10 base de l'action fondamentale du Procureur.
11 Bien entendu, si personne ne traite l'article 3 commun comme
12 la base d'un verdict, cela n'empêche pas la communauté des nations de le
13 faire. Le Congrès des Etats-Unis, après les remarques prononcées par
14 Mme Albright devant le Conseil de sécurité, a adopté la loi sur les
15 crimes de guerre de 1996. Il a adopté également les dispositions
16 relatives aux infractions graves des Conventions de Genève de 1949, mais
17 en a exclu de façon précise les violations du droit commun.
18 Donc, même en 1996, le Congrès des Etats-Unis n'estimait pas
19 que l'article 3 commun faisait partie intégrante de l’article 3 de notre
20 Statut. Puis-je répondre à d'autres questions, Monsieur le Président ?
21 M. le Président (interprétation). - Je vois bien ce que vous
22 voulez dire. Vous vous basez sur le fait que, dans le cadre de la
23 création du Statut du TPIR, l'article 3 commun était déclaré comme
24 partie intégrante du droit pénal. Mais, le fait que des infractions du
25 droit humanitaire soient tenues comme des infractions du droit pénal,
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1 c'est quelque chose d'assez rare, n'est-ce pas ? Ce n'est pas quelque
2 chose qui a été fait régulièrement, sauf peut-être dans le cas où un
3 pays décide de le fermer dans le cadre des législations nationales. Même
4 si ceci
5 est un peu nouveau, cela ne surprendrait personne. C’est peut-être une
6 des choses qui arrive dans le cadre de l’application de la loi. Cela ne
7 représente pas forcément mon opinion sur la question. J’écoute
8 simplement vos arguments.
9 M. Ackerman (interprétation). - Si c'est vrai et si ce qu'a
10 dit le Secrétaire général est vrai, s'il est vrai que c'est la première
11 fois que l’article 3 commun a revêtu un caractère pénal dans le cadre de
12 ce Statut, et s'il n'y a aucune preuve que qui que ce soit ait remis en
13 cause cette déclaration, il faut préciser que le Conseil de sécurité a
14 adopté cette déclaration. Il n’y a rien qui prouve que l'un quelconque
15 des membres du Conseil de sécurité ait dit : "Attendez un instant, cela
16 nous l’avons déjà fait dans le cadre du TPIY. C’est quelque chose qui a
17 été acceptée." S’il est exact que l’article 3 commun a revêtu un
18 caractère pénal pour la première fois, alors cela n'a pas eu lieu
19 en 1992, lorsque les événements qui nous concernent ici se sont
20 déroulés.
21 M. le Président (interprétation). - Oui, mais, cela a peut-
22 être été évoqué à l'époque, et peut-être que des parallèles pourront
23 être tirés de cela un peu plus tard. Mais cela ne veut pas dire que ce
24 n’est pas quelque chose qui peut être fait par le biais de la
25 législation.
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1 M. Ackerman (interprétation). - Nous pensons que lorsque le
2 bureau du Procureur affirme que l'article 3 commun fait partie du droit
3 commun international, il faut qu'il le prouve absolument. Il faut qu'il
4 en fasse la démonstration. La Cour a adopté des critères extrêmement
5 précis sur ce point.
6 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
7 M. Ackerman (interprétation). - Je voudrais simplement ajouter
8 quelque chose à titre personnel. Il se peut fort bien que ce soit la
9 dernière fois que je m'adresse à vous dans cette salle d'audience. Je
10 voudrais préciser que je me suis senti particulièrement honoré et
11 heureux de travailler ici. J'ai été très heureux de pouvoir travailler
12 dans le cadre de ce Tribunal, très heureux des rapports que j'ai
13 entretenus avec tous mes collègues. Vous allez
14 tous beaucoup me manquer à l'avenir, et vous m'êtes tous très chers. Je
15 tiens à le dire. Je vais me sentir un peu seul, une fois rentré à
16 Houston, au Texas. J'espère qu'un jour, je pourrais revenir vous voir et
17 vous saluer.
18 M. le Président (interprétation). - Maître Ackerman, nous
19 avons été très heureux de vous connaître. Vous avez eu un apport
20 particulièrement important dans le cadre des travaux de ce Tribunal. Je
21 vous remercie pour votre intervention.
22 Maître Moran, je vous en prie.
23 M. Moran (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
24 Bonjour, Madame et Messieurs les juges. Je vais aborder un certain
25 nombre de points et je vais bien entendu moi aussi essayer d’être
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1 succinct. Je vais tout d’abord aborder les arguments de l’accusation
2 selon lesquels ce Tribunal ne devrait pas déterminer quels sont les
3 éléments qui permettent de déterminer les crimes imputés à l’accusé.
4 Deuxièmement, je traiterai de la question de la nationalité et,
5 troisièmement, je parlerai du statut des personnes considérées comme
6 prisonniers de guerre.
7 J'aborderai enfin là et j'appliquerai cette question générale à
8 la question plus particulière de M. Delic parce qu'il se trouve dans une
9 position différente de celle des autres accusés. Dans sa réponse à notre
10 mémoire, le bureau du Procureur déclare, en résumé, aux pages 9 et 10 de
11 son mémoire, que le moment n'est pas venu pour la Chambre de première
12 instance de déterminer quels sont les éléments des crimes imputés. Il dit
13 qu'il faut attendre la fin de tous les éléments de preuve et les arguments
14 de tous les conseils qui souhaitent s'exprimer.
15 Pour moi, c'est quelque chose d'un peu bizarre. Il faut d'abord
16 définir un crime et ensuite, un acte d'accusation est établi à l'encontre
17 des auteurs du crime.
18 L'accusation doit alors répondre à son obligation d'avancer des
19 éléments de preuve à l'appui de chacun des chefs d'accusations établis.
20 Puis, à ce stade du procès, s'il est apparu que l'accusation n'a pas
21 réussi à prouver tous les chefs d'accusation avancés, alors la Chambre de
22 première instance doit prendre une décision.
23 Je ne vois pas comment la Chambre pourrait se prononcer sur
24 cette requête, à moins qu'elle n'ait une idée de ce qui constitue un
25 crime. Le bureau du Procureur avance que l’acte d’accusation a défini ce
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1 qu'est un crime. Pour moi, c'est bizarre. Lorsque le Conseil de sécurité a
2 créé ce Tribunal, il n'a pas voté une loi, il n'a pas créé de nouveaux
3 types de crimes. Le Conseil de sécurité n’est pas un corps législatif.
4 Il a simplement créé un Tribunal dont la mission est d'examiner
5 des allégations selon lesquelles certaines personnes ont enfreint
6 certaines lois. On parle beaucoup du statut, on déclare qu’il vise à la
7 création de tel ou tel type d'infraction. En fait, le statut donne
8 simplement à ce Tribunal, la compétence d'avoir connaissance de certains
9 types d'infraction. Je suis sûr que le Secrétaire général ne me
10 contredirait pas, si je dis que le statut a créé une loi ou créé un crime.
11 Personne ne dirait cela. Personne ne dirait que le statut définit un
12 crime.
13 Dans le rapport du Secrétaire général, au paragraphe 34, il
14 apparaît clairement que le Conseil de sécurité souhaitait seulement créer
15 un Tribunal qui examinerait les allégations avancées. C'est absolument
16 fondamental et vous le verrez dans le cadre de mes arguments à venir. Dans
17 un certain nombre de domaines, il apparaît que le statut du Tribunal
18 pourrait avoir défini des crimes de façon un peu différente ou très
19 différente de ce qui est défini dans les conventions pertinentes, que nous
20 appliquons et interprétons ici.
21 J'en viens maintenant à la question de la nationalité. Vous
22 connaissez très bien notre position sur ce point. J'ai déjà exprimé mon
23 point de vue sur la question, dans le cadre d’une requête que j'ai déposée
24 il y a plus d'un an. J'ai le regret de dire que cela remonte déjà à un
25 certain temps.
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1 Notre position est la suivante : pour qu'une personne soit
2 déclarée comme étant protégée dans le cadre de la Convention de Genève sur
3 les civils, il faut que celle-ci satisfasse aux critères apparaissant dans
4 l’article 4 de cette Convention.
5 M. le Président (interprétation). - Etes-vous en train de nous
6 dire qu'il devrait y avoir des définitions d'infraction substantielles
7 dans le cadre du droit pénal international, à partir desquelles
8 l'accusation pourrait avoir déduit ou tiré les infractions pénales qu'elle
9 a allégué contre certains accusés ?
10 M. Moran (interprétation). - Je dis qu'il y a un corpus de droit
11 international. Celui-ci existait avant même la création de ce Tribunal. Ce
12 droit international continuera d'exister longtemps après la disparition de
13 ce Tribunal. Le droit ne cesse d'évoluer, de changer. J'essaie de dire,
14 Monsieur le Président, que lorsque le Conseil de sécurité a créé ce
15 Tribunal, il n'avait pas la compétence nécessaire pour voter des lois. Je
16 crois qu'il n'y a pas de contestation sur ce point.
17 Si vous lisez mon mémoire initial, il est dit que M. Douglas, un
18 juriste, adopte lui-même cette position. C'est là, je crois, la seule
19 position possible. Le Conseil de sécurité n’a pas défini de nouvelles
20 infractions, mais il a simplement créé un forum, un lieu où des procès
21 pourraient être tenus. Bien entendu, un corps de loi existe, sinon, on ne
22 pourrait pas définir une infraction. Certaines parties de ce droit sont
23 constituées par le droit coutumier de la guerre, d’autres par le droit
24 traditionnel de la guerre.
25 Je crois, par exemple, que tout le monde est d'accord pour dire
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1 que les quatre Conventions de Genève de 1949 constituent du droit positif.
2 Elles n'ont pas été établies comme étant des statuts pénaux. Elles sont
3 simplement des éléments du droit international positif. Les protocoles
4 supplémentaires de 1977 constituent eux aussi du droit positif. Si vous
5 vous penchez sur ces protocoles, vous pouvez essayer de déterminer ce
6 qu'est ce type de droit, ensuite vous pouvez appliquer ce droit.
7 C'est un peu plus difficile lorsque l'on parle du droit
8 coutumier de la guerre. Dans ce cadre-là, aucune réunion n'a abouti à la
9 rédaction d'un document écrit. Il nous faut maintenant regarder comment
10 ces lois ont été appliquées et concernant ce droit coutumier, nous devons
11 essayer de savoir quelle est l’opinion des pays du monde sur ce qu'est le
12 droit international.
13 Des pays diront : ceci est du droit international coutumier
14 parce que tout le monde l’applique de cette façon-là et nous pensons que
15 nous aussi, nous devons l’appliquer ainsi. Le meilleur exemple que je
16 puisse vous donner est celui de la responsabilité du supérieur
17 hiérarchique. Nous avons à la fois, dans ce cas, le droit coutumier et le
18 droit traditionnel, classique.
19 Le droit coutumier s'articule autour de cinq ou six affaires qui
20 ont eu lieu après la Seconde guerre mondiale, l’affaire Yamashita*,
21 l’affaire des otages, l'affaire du commandement supérieur,
22 l'affaire Toyota et puis, dans une certaine mesure, toutes celles
23 présentées dans le cadre du Tribunal de Tokyo. Sur la base de tous ces
24 éléments, les pays du monde ont déclaré : "La responsabilité du supérieur
25 hiérarchique, c'est cela."
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1 Ils ont commencé à appliquer ce droit sur la base de ce qu'ils
2 avaient décidé. Nous avons tous fait référence à des manuels militaires en
3 provenance des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Nous avons également cité
4 un certain nombre de décrets provenant de la RSFY, qui réglementait
5 certaines situations militaires dans ce pays. Ceci montre bien quelle est
6 l'interprétation que font les pays du monde du droit coutumier de la
7 guerre.
8 Je pense qu'il est plus difficile d'interpréter le droit
9 coutumier que le droit classique. Vous avez un document auquel vous
10 pouvez-vous référer, il y a un écrit. La Cour internationale de justice a
11 toujours reconnu le droit coutumier, le droit international. Elle
12 l'applique quotidiennement. Tout cela fait partie d'un certain corpus de
13 droit. Ai-je répondu à votre question, ai-je dépassé votre question ?
14 M. le Président (interprétation). - Poursuivez, je vous en prie.
15 M. Moran (interprétation). - Sur la question de la nationalité,
16 c’est un chef d’accusation découlant de l'article 2. La question est de
17 savoir si ces personnes sont ou non protégées. Cela découle de l'article 4
18 de la Convention de Genève sur les civils. Cette
19 Convention dit que les personnes satisfaisant à certains types de critères
20 sont des personnes protégées par la Convention. Je crois que la phrase
21 utilisée est "Les personnes, qui sont entre les mains d'une partie dont
22 elles ne sont pas ressortissantes, sont protégées mais dans le cas
23 contraire, où vous êtes entre les mains d'une partie dont vous êtes
24 ressortissant, vous n'êtes pas protégé au titre de l'article 4 de la
25 Convention de Genève sur les civils."
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1 Le terme de nationalité a une acception reconnue par la plupart
2 des avocats internationaux. Nous pensons que cette Chambre de première
3 instance et que tout tribunal ou toute personne est capable de lire ce
4 paragraphe qui n’est pas ambigu. C'est parfaitement clair. L’accusation
5 semble penser que c'est parfaitement clair ou pense que ce ne devrait pas
6 être appliqué, que nous ne devrions pas donner à ces termes leur acception
7 généralement reconnue. Ma position est exactement à l'opposé de cela. Nous
8 devons appliquer cet article ainsi qu'il est rédigé.
9 Nous l’avons appris du Pr Economides. Il est venu pour nous
10 aider à mieux comprendre ce qui constitue le droit coutumier international
11 et le droit classique international. Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup
12 d'éléments du droit international classique qui portent sur la question de
13 la nationalité. Le Pr Economides et ses collègues, au sein de la
14 Commission du droit international, essayent d'établir un corps de droit
15 qui s'appliquerait à la question de la nationalité. Il est venu nous
16 expliquer ce qui constituait la nationalité des personnes. Suite à la
17 sécession d'un pays, suite à des conflits, etc., il nous a expliqué
18 comment des personnes deviennent des ressortissants, des citoyens des pays
19 ou des endroits où ils ont l'habitude de résider.
20 Pour être un peu plus clair, si une personne réside
21 habituellement dans un secteur déterminé et si cette région devient
22 subitement un Etat indépendant, alors ces personnes deviennent des
23 ressortissants de ces pays. Alors peut-être qu'à un moment donné, elles
24 auront le droit d'exercer leur droit d'option, de choisir une autre
25 nationalité. C'est un droit qu’elles doivent décider d'exercer. Rien dans
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1 cette affaire ne nous montre que qui que ce soit n'ait essayé
2 d'exercer ce droit d'option. Rien dans cette affaire tend à suggérer que
3 les habitants de la région de Konjic par exemple sont devenus des citoyens
4 ou des ressortissants de la Bosnie suite à la déclaration d'indépendance
5 de la Bosnie-Herzégovine. Rien ne nous montre qu'ils avaient vraiment un
6 droit d'option. Rien ne nous montre qu'ils auraient pu choisir une
7 nationalité autre que la nationalité bosniaque.
8 Lors du témoignage du Pr Gow, j'ai fait passer un certain nombre
9 de documents, notamment la constitution de la République fédérale de
10 Yougoslavie. Dans cette constitution, les articles 2 et 17 montrent, si on
11 les lit ensemble, très clairement qu'il n'y avait pas de droit d'option
12 prévu dans le cadre de cette constitution.
13 Je ne sais pas si c'est une question de fait ou de droit qui a
14 été posée à la Cour, j'y ai réfléchi toute la nuit, mais lorsque le
15 Pr Economides a déclaré dans le cadre de son témoignage...
16 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.) Il a déclaré que la
17 République socialiste fédérative de Yougoslavie avait cessé d'exister le
18 jour où le Conseil de sécurité avait voté une résolution et je lui ai
19 demandé si ce Conseil avait reconnu ce qui s'était passé ou bien si, du
20 fait du vote de cette résolution, la RSFY avait cessé d'exister. Il a
21 insisté sur le fait que celle-ci avait cessé d'exister le jour même où le
22 Conseil de sécurité avait voté.
23 Quant au Pr Gow, il a eu un avis différent sur la question. Il a
24 déclaré que la RSFY avait cessé d'exister lorsque le Président n'avait pas
25 eu l'autorisation de devenir président de la RSFY. C'était la position
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1 adoptée par le Pr Gow.
2 M. Moran (interprétation). - Ma position est que la question de
3 la cessation de la fin de l'existence de la RSFY est plutôt une question
4 juridique. Je crois que cette Chambre de première instance peut décider ou
5 possède les moyens lui permettant de décider, du point du droit, si la
6 RSFY a effectivement cessé d'exister en une date précise et même, et cela
7 est vrai, si cette date intervient après mai 1992 sur la base des
8 explications fournies par le Pr Economides.
9 Les résidents de la Bosnie-Herzégovine ont peut-être été des
10 personnes qui ont joui de la double nationalité, celle de la Bosnia-
11 Herzegovina et celle de RSFY. Mais lorsque celle-ci a cessé d'exister, je
12 crois que cela s'est passé le 27 avril au plus tard, il n'y avait plus de
13 nationalité de la RSFY. Toutes les personnes concernées sont devenues des
14 citoyens de la Bosnie-Herzégovine.
15 A ce moment-là, et jusqu’à ce que des efforts réels soient
16 déployés pour essayer de couper ce lien de nationalité existant, toutes
17 les personnes concernées et quel que soit leur statut, qu'elles soient
18 prisonnières, membres de l'armée bosniaque ou du gouvernement bosniaque,
19 sont restées des ressortissantes de la Bosnie-Herzégovine. Elles devront
20 rester des citoyennes jusqu'à ce qu'elles prennent des mesures actives
21 pour cesser d'être des ressortissants de cette entité.
22 Monsieur le Président, on me dit que la pause est prévue pour
23 11 heures 30. Puis-je simplement terminer sur ce point et reprendre par la
24 suite ?
25 Il me faudrait peut-être plus de cinq minutes pour finir.
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1 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous allons
2 suspendre l'audience et revenir à midi.
3 (L'audience, suspendue à 11 heures 25, est reprise à 12 heures.)
4 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez reprendre.
5 M. Moran (interprétation). - Merci, monsieur le Président.
6 Pourquoi me suis-je tellement étendu sur la question de la nationalité ?
7 Tout simplement parce que cela découle d'un chef d'accusation invoqué au
8 titre de l'article 2. C'est le Procureur qui doit communiquer des moyens
9 de preuve démontrant que ces personnes étaient protégées au titre des
10 Conventions de Genève.
11 Le Procureur, dans le cadre de sa stratégie pour cette question,
12 essaie de prouver que ces personnes sont identifiables avec l'une ou
13 l'autre des parties impliquées au conflit.
14 Mais le fait de savoir si quelqu'un peut être protégé au titre
15 des Conventions de Genève portant sur les prisonniers de guerre, quelle
16 que soit sa nationalité, entraîne la question : "Comment doit s'appliquer
17 la convention de Genève sur des civils ?"
18 Monsieur le Président, je crois pour ma part que cette position
19 est tout à fait déplacée. Elle n'a pas de raison d'être. Si les rédacteurs
20 de ces conventions avaient voulu déclarer que les personnes sont protégées
21 dès lors qu'elles sont identifiables avec l'une des deux parties au
22 conflit, alors ils l'auraient déclaré explicitement. Or, ils ont très
23 clairement établi leurs objectifs, dans le cadre des commentaires que nous
24 avons déjà cités. En outre, dans le cadre de l'affaire Tadic et de la
25 décision de la Chambre d'appel, les positions de l'accusation, qui étaient
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1 similaires à celles que je viens d'expliquer, ont été rejetées.
2 Dans le paragraphe 76, il me semble que c'est le Juge Cassese
3 qui émet l'hypothèse selon laquelle il pourrait y avoir une situation où
4 les Serbes de Bosnie se trouvaient aux mains des Musulmans de Bosnie et
5 dans ce cadre, la Chambre d'appel a déclaré que les Serbes de Bosnie ne
6 constituaient pas une entité. En conséquence, ils ne pouvaient pas se
7 trouver entre les mains d'une partie dont ils n'étaient pas
8 ressortissants.
9 Il se trouve que c'est précisément cette hypothèse qui a été
10 étudiée, il y a quelque quatre mois, avant l'établissement de l'acte
11 d'accusation dans l'affaire qui nous intéresse. Il se trouve que,
12 précisément, cette hypothèse reflète la situation de l'affaire qui nous
13 intéresse. Dans le cadre de l'affaire Tadic, la décision de la Chambre
14 d'appel a été prise en mai dernier et si l'on se penche à la fois sur
15 l'opinion majoritaire de la chambre d'appel et sur l'opinion dissidente de
16 Mme le Juge McDonald, on s'aperçoit que la question de la nationalité n'a
17 aucune pertinence dans la question qui nous occupe.
18 La question de savoir si, oui ou non les Musulmans de Bosnie se
19 trouvaient aux
20 mains de Tadic et de ses collègues, aux mains d'une des parties au conflit
21 dont ils n'étaient pas ressortissants, n'a aucune raison d'être dans la
22 situation qui nous occupe. La Chambre d'appel ou de première instance a
23 déclaré que les Serbes de Bosnie n'étaient pas des agents de la République
24 fédérale de Yougoslavie et par conséquent n'étaient pas des personnes
25 protégées. Cela revient à dire que les Serbes et les Musulmans de Bosnie
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1 avaient la même nationalité.
2 Par conséquent, la Chambre d'appel et la Chambre de première
3 instance, dans le cadre de l'affaire Tadic, semblaient être d'accord avec
4 cette opinion que nous partageons et que nous avançons nous-mêmes.
5 Pour en venir à la question des prisonniers de guerre, il faut
6 se poser la question si les détenus du camp de Celebici doivent être
7 considérés comme des personnes protégées au titre du droit international,
8 notamment au titre de l'article 2 des conventions. Pour être protégés, ils
9 doivent soit être considérés comme des civils, soit comme des prisonniers
10 de guerre. Or, nous avons déclaré, dès l'ouverture, que nous parlions
11 d'eux comme étant des prisonniers de guerre puisqu'il n'existe aucun moyen
12 de preuve qui tend à suggérer qu'ils l'étaient.
13 Dans sa réponse à cet argument, l'accusation a déclaré : "Il se
14 peut que certains d'entre eux aient été des prisonniers de guerre et, en
15 outre, on peut établir si, soit en tant que prisonniers de guerre ou en
16 tant que civils, ils pouvaient être protégés par la convention de Genève
17 portant sur les civils." La première chose que j'ai à dire en réponse à
18 cet argument, c'est que le Procureur doit démontrer, dans le cadre de
19 l'invocation de l'article 2, qu'il s'agit effectivement de personnes
20 protégées. On ne peut pas dire : "Oui ou non", il faut soit prouver que
21 cette personne est civile ou prisonnier de guerre.
22 Pour ce qui est des prisonniers de guerre, j'ai précisé, dans
23 notre mémoire de réponse, la définition qui apparaît à l'article 4 de la
24 Convention. Vous trouverez cette définition, madame et messieurs les
25 Juges, au début de la page 19 de notre mémoire déposé hier.
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1 La Convention de Genève portant sur les prisonniers de guerre
2 établit ou décrit six
3 types de personnes pouvant bénéficier du statut de prisonnier de guerre.
4 Soit elles doivent être membres des forces armées d'une des parties
5 impliquées dans le conflit, qu'il s'agisse de milice ou de corps de
6 volontaires, ce qui est important c'est qu'elles fassent partie des forces
7 armées d'une des parties belligérantes. Sont considérés également comme
8 prisonniers de guerre, des membres des milices ou d'autres corps de
9 volontaires, y compris les unités de résistances organisées qui
10 appartiennent à l'une des parties au conflit.
11 Pour ces groupes précis, ils doivent satisfaire à quatre
12 critères : être commandé par une personne responsable des actes de ses
13 subordonnés, avoir un signe distinctif permettant de les reconnaître à une
14 certaine distance, porter leurs armes de façon ouverte et affichée,
15 conduire leurs opérations conformément aux lois et aux coutumes de la
16 guerre.
17 La troisième catégorie de personnes considérées comme
18 prisonniers de guerre sont des membres des forces armées régulières ayant
19 prêté allégeance à un gouvernement ou à une autorité qui n'a pas été
20 reconnue par l'entité au pouvoir. Cette troisième catégorie découle de ce
21 qui s'est passé dans le cadre de la Seconde guerre mondiale.
22 La quatrième catégorie est constituée par des personnes qui
23 accompagnent les forces armées, qu'ils s'agissent des équipes de pilotes
24 ou de correspondants de guerre.
25 En ce qui concerne la cinquième catégorie, il s'agit des
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1 équipages des bâtiments navals. Pour ce qui est de la sixième catégorie,
2 il s'agit de l'ensemble des personnes qui spontanément s'élèvent contre
3 l'occupant pour défendre leurs possessions et leurs biens. Ces personnes
4 doivent respecter deux critères : porter des armes ouvertement et
5 respecter les lois et coutumes de la guerre.
6 D'après nous, il n'y a que deux possibilités qui permettraient
7 de faire des détenus de Celebici des prisonniers de guerre : soit ils
8 doivent être des membres des groupes de résistance, soit ils doivent faire
9 partie de cette masse de population qui s'élève contre les actions de
10 l'occupant.
11 D'après moi, l'accusation n'a pas fait la preuve du fait que ces
12 personnes pouvaient effectivement être considérées comme des prisonniers
13 de guerre. Pourquoi cela ? Il me semble que de façon générale, il n'a pas
14 été prouvé que ces personnes portaient des uniformes, à une exception
15 près. Il ne semble pas non plus que ces personnes portaient des signes
16 distinctifs. Il n'y a eu aucun témoignage qui ait permis de prouver qu'ils
17 étaient dirigés par un commandant responsable des actes de ces
18 subordonnés.
19 L'accusation n'a pas prouvé que ces personnes ont mené leurs
20 opérations dans le cadre et dans le respect des lois aux coutumes de la
21 guerre, mais d'une façon plus générale, l'accusation avance dans sa
22 réponse à notre requête que ces personnes faisaient partie des forces
23 militaires serbes. Je n'ai rien entendu de tel ou rien de tel n'a été
24 prouvé. Je n'étais peut-être pas là ou je n'ai pas prêté attention à ce
25 qui a été dit, mais personne n'a dit que ces personnes étaient membres des
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1 forces militaires serbes.
2 Bien au contraire, il me semble que les témoins, les uns après
3 les autres, ont déclaré qu'ils s'étaient organisés entre eux pour défendre
4 leurs biens et leurs propriétés. La seule exception à cette affirmation
5 est la déclaration ou la déposition du témoin M.
6 Le Procureur cite, dans sa réponse, certains témoignages se
7 référant à certaines parties du compte rendu indiquant ce qu'ont déclaré
8 ces personnes dans le cadre de leur témoignage. Des éléments qui d'après
9 l'accusation permettent d'affirmer que ces personnes étaient bien des
10 prisonniers de guerre.
11 Nous allons simplement vous renvoyer sur ce que nous avons dit,
12 page 26. La seule chose qui pourrait permettre à l'accusation d'affirmer
13 cela avec raison, c'est ce que nous trouverons dans le cadre de la
14 déclaration du témoin M qui déclare que les personnes concernées étaient
15 des membres d'une unité de police de réserve. Je précise que la police ne
16 fait pas partie des forces armées. En fait, au titre de l'article 43 du
17 premier protocole supplémentaire, il est dit que afin que la police ou des
18 unités paramilitaires puissent jouir du
19 statut de combattants, afin de pouvoir à terme jouir du statut de
20 prisonniers de guerre, elles doivent incorporer leurs forces aux forces
21 militaires et informer la partie adverse de cette mesure.
22 Or, cela n'a absolument pas été le cas ici. Il n'y a pas de
23 preuve. Rien ne permet de prouver que les détenus des camps de Celebici
24 ont été d'une quelconque façon des membres de groupes de résistants, des
25 groupes de militaires appartenant à l'une des parties au conflit.
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1 Il n'y a pas besoin d'avoir entre les mains un accord écrit, un
2 accord spécifique déclarant par exemple, que le gouvernement des Pays-Bas
3 reconnaît que cette unité de partisans fait partie des forces
4 néerlandaises. Il doit y avoir tout de même un élément de preuve, qui
5 montre qu'il y a un accord tacite quant au fait que les partisans
6 appartiennent à l'une des parties en conflit. Or, cet élément est
7 totalement absent ici. Il n'apparaît nulle part.
8 M. Jan (interprétation). - Mais pourquoi tous les Serbes de
9 Bosnie n'ont-ils pas été détenus ? Pourquoi seulement certains d'entre eux
10 ont-ils été choisis pour être détenus ?
11 M. Moran (interprétation). - Je crois que le témoignage du
12 témoin D montre qu'a priori, ils étaient soupçonnés d'avoir violé la loi
13 en vigueur en Bosnie.
14 M. Jan (interprétation). - Ils étaient liés à l'autre partie au
15 conflit.
16 M. Moran (interprétation). - Oui. Mais ils ne peuvent en aucun
17 cas être considérés comme des prisonniers de guerre. Ce n'est pas
18 simplement parce qu'il y avait une guerre ou que quelqu'un reçoit un fusil
19 qu'il peut être considéré comme faisant partie des personnes constituant à
20 terme des prisonniers de guerre. Il suffit de se pencher sur tout ce qui a
21 été dit concernant l'article 4 de la Convention.
22 Tous les commentateurs de l'article 4 stipulent bien qu'il faut
23 absolument qu'il soit prouvé que les personnes concernées avaient un lien
24 spécifique avec l'une des parties au conflit avant qu'elles ne puissent se
25 voir accorder le statut de prisonnier de guerre. Pourquoi ont-ils fait
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1 cela ? Tout simplement parce qu'ils voulaient absolument s'assurer que les
2 personnes concernées
3 faisaient bien partie des forces militaires d’une des parties au conflit.
4 Si vous lisez l’intégralité de l'article 4, vous vous apercevrez que les
5 partisans et les groupes de résistance font effectivement partie des
6 forces militaires de la partie belligérante.
7 M. le Président (interprétation). - Dites-moi, Maître Moran,
8 n’apparaît-il pas dans le cadre des témoignages des personnes qui
9 détenaient les prisonniers, qu'ils considéraient que ceux-ci
10 représentaient une menace ?
11 M. Moran (interprétation). - Effectivement, Monsieur le
12 Président. Je crois que cela découle très clairement du témoignage du
13 témoin D. Etant donné qu'ils étaient des ressortissants de la Bosnie-
14 Herzégovine, les commentaires émis par M. Pictet sur la Convention de
15 Genève portant sur les civils indiquent très clairement qu'au titre du
16 droit international, les autorités de la République de Bosnie-Herzégovine
17 avaient tout à fait le droit d'agir comme bon leur semblait, à l'égard de
18 leur population, dès lors qu'elles ne commettaient pas un crime de
19 génocide ou un crime contre l'humanité.
20 Laissez-moi vous citer un exemple de ce qui s’est passé dans mon
21 propre pays, tiré de l'affaire débattue devant la Cour Suprême des
22 Etats-Unis, suite à la Deuxième Guerre Mondiale. Il s'agit d'une affaire
23 portant sur les cas d'emprisonnement de Japonais pendant la Deuxième
24 Guerre Mondiale. En 1943, la Cour Suprême des Etats-Unis a déclaré qu’il
25 était parfaitement légal que les Etats-Unis placent en détention des
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1 citoyens ayant la double nationalité, à la fois japonaise et américaine,
2 simplement sur la base du fait qu'ils étaient précisément à la fois
3 japonais et américain.
4 Ce n'est certes pas un moment de gloire de la Cour Suprême des
5 Etats-Unis et je détesterais avoir à défendre une telle position, mais
6 ceci a été dit à l'époque et c'est ainsi que la Cour Suprême s'est
7 exprimée. Si le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a déclaré que les
8 personnes concernées étaient des bosniaques. S'il a été déterminé que ces
9 personnes avaient la nationalité bosniaque, il en découle qu'ils avaient
10 le droit d'incarcérer ces personnes, s'ils avaient
11 raison de croire qu'elles représentaient une menace pour la sécurité de
12 l'Etat.
13 M. Pictet émet également un certain nombre de commentaires
14 concernant un autre article de la Convention portant sur les civils. Il
15 déclare que les Etats ont toute latitude pour incarcérer des personnes,
16 dès lors qu'ils ont des raisons de penser que ces personnes constituent
17 une menace pour l’Etat. Ai-je répondu à votre question, Monsieur le
18 Président ?
19 M. le Président (interprétation). - Oui.
20 M. Moran (interprétation). - Je suis là pour ça, Monsieur le
21 Président. N’hésitez pas à me poser d’autres questions.
22 M. le Président (interprétation). - Ce ne sont pas des questions
23 qui portent à controverse. Vous êtes en train d'émettre un certain nombre
24 de suggestions qui, d'après vous, vous semble tout à fait fondées.
25 M. Moran (interprétation). - Oui.
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1 M. le Président (interprétation). - Vous avez bien le droit
2 d'adopter cette opinion.
3 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, l'accusation
4 n'a pas réussi à satisfaire deux critères. Elle n'a pas réussi à prouver
5 qu'il y a suffisamment de présomptions, quant aux chefs d’accusation
6 établis au titre de l'article 2. M. Ackerman a abordé ces questions.
7 La deuxième chose que n'a pas faite l'accusation est de prouver
8 qu'une personne impliquée au titre du chef d'accusation 2 doit être
9 protégée au titre de l’une des quatre Conventions de Genève. Je crois que
10 cela apparaît au paragraphe 15 de l'acte d'accusation, dressé par le
11 bureau du Procureur.
12 On n'a pas prouvé que ces personnes n'étaient pas des
13 ressortissants de la Bosnie-Herzégovine. Le bureau du Procureur n'a pas pu
14 démontrer que ces personnes étaient protégées au titre de la Convention de
15 Genève, portant sur les civils. Il n'a pas été prouvé non plus, que ces
16 personnes étaient des prisonniers de guerre, au titre de la Convention de
17 Genève, portant sur les prisonniers de guerre -je vous renvoie à
18 l'article 4 de cette Convention.
19 Le bureau du Procureur ne peut établir que ces prisonniers
20 étaient considérés comme des prisonniers de guerre au titre de l'article 4
21 sur la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre. Par conséquent,
22 il n'y a pas suffisamment de présomptions qui ont été établies sur ces
23 questions.
24 L'accusation parle également du soulèvement en masse. D'après ce
25 qui est dit dans les Conventions de Genève, le soulèvement en masse
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1 correspond à la réaction d'une population tout entière qui se lève
2 spontanément à l'approche de l'envahisseur et y résiste. La République de
3 Bosnie-Herzégovine n'a pas pu envahir la République de Bosnie-Herzégovine,
4 ce n'est pas possible, cela ne peut pas fonctionner ainsi. Les Etats-Unis
5 ne peuvent pas envahir les Etats-Unis, de même que la Grande-Bretagne ne
6 peut pas envahir la Grande-Bretagne.
7 M. le Président (interprétation). - Même s'il y a des problèmes
8 internes, même s'il y a des dissensions internes ?
9 M. Moran (interprétation). - Je vous renvoie à l'article 2,
10 Monsieur le Président.
11 M. le Président (interprétation). - Vous dites qu’une partie des
12 Etats-Unis ne peut pas envahir une autre partie des Etats-Unis. Je crois
13 au contraire qu'ils peuvent le faire, dans la mesure où ils souhaitent
14 déplacer des personnes qui posent un problème, qui déclarent qu'elles ne
15 sont pas désireuses d'être considérées comme des citoyens des Etats-Unis.
16 Dans ce cas précis, les Etats-Unis peuvent tout à fait agir de la sorte.
17 M. Moran (interprétation). - Vers 1860, il nous a fallu faire
18 face à quelque chose de particulièrement déplaisant, à savoir la guerre
19 civile aux Etats-Unis.
20 Ceux d'entre nous qui proviennent des états du sud des
21 Etats-Unis, ou plutôt nos ancêtres, ont peut-être considéré que les forces
22 américaines étaient des forces d'invasion, mais je ne crois pas que cela
23 aurait pu être reconnu.
24 M. le Président (interprétation). - Cela dépend de quel côté de
25 la barrière vous vous situez.
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1 M. Moran (interprétation). - Il y a eu une situation similaire
2 dans votre pays entre 1960 et 1970, Monsieur le Président, où il y a eu la
3 rébellion au Biafra. Il me semble que le gouvernement ne s’est pas
4 considéré à l'époque comme un envahisseur des régions qui essayaient de
5 faire sécession. Je crois que c'est une question de droit international.
6 De ce point de vue, on ne peut pas considérer que le gouvernement était
7 effectivement un envahisseur. Ce que votre pays était en train de faire,
8 c’est précisément ce que les troupes américaines ont fait en 1861,
9 lorsqu’elles ont essayé de mettre un terme à une rébellion.
10 Il n'a jamais été question de modifier les frontières des
11 Etats-Unis, à cette époque-là. A l'époque, aux Etats-Unis, comme d'une
12 façon générale dans le cas de la communauté internationale, cela n'a
13 jamais été évoqué. Pour revenir à notre affaire, les Nations Unies ont
14 reconnu la Bosnie-Herzégovine comme étant un pays indépendant, délimité
15 par certaines frontières précisément établies. Je crois que la plupart des
16 pays du monde, en mai 1992, avait reconnu la Bosnie-Herzégovine et ses
17 frontières. En tout cas, la Communauté européenne, le Conseil de sécurité
18 et l'Assemblée générale l’ont reconnue. Je répète, la Bosnie ne peut pas
19 s'envahir elle-même. C'est absolument impossible.
20 J'en viens maintenant à la responsabilité du supérieur
21 hiérarchique. C'est une question complexe du point de vue du droit. C'est
22 une question également importante à la fois en terme général et pour ce
23 qui est de son application à la situation de mon client. J'aimerais tout
24 d'abord parler de la question de la responsabilité du supérieur
25 hiérarchique de façon générale et ensuite, je m'attacherai à circonscrire
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1 cette question à la situation de M. Delic.
2 Nous abordons cette question dans notre mémoire à la page 69.
3 C'est là que nous commençons à avancer notre argumentation en la matière.
4 Tout d'abord, je voudrais souligner quelque chose qui apparaît dans le
5 mémoire de l'accusation. Il y est dit, je crois, à la page 48, en réponse
6 à notre réplique, que nous n'avons pas étayé ce que nous disions avec
7 suffisamment de sources juridiques.
8 Je ne suis pas d'accord. Nous citons un certain nombre
9 d’affaires qui viennent à l'appui de notre position en matière de
10 responsabilités du supérieur hiérarchique. Une de nos sources est un livre
11 qui porte sur les crimes contre l'humanité. C'est un livre reconnu par
12 tous les spécialistes et sur lequel nous nous appuyons dans notre mémoire.
13 Le concept de responsabilité du supérieur hiérarchique est
14 apparu pour la première fois en droit international dans le cadre de la
15 Convention de La Haye en 1907. Ce concept s'appliquait au départ aux
16 militaires. Il a notamment été invoqué dans le cadre des procès qui ont
17 été menés après la Seconde Guerre Mondiale. Un certain nombre d'affaires
18 sur le plan national ainsi que d'autres affaires ont été jugées au plan
19 international, notamment le Conseil de contrôle n°10 au titre de la loi
20 portant sur l'Allemagne occupée. Vous le savez, ce Conseil a délimité un
21 certain nombre de zones en Allemagne, qui se sont vu attribuer un
22 tribunal. Dans la zone américaine, ce sont des juges américains qui
23 entendaient les affaires invoquées. Il en est de même dans la zone russe
24 et dans les zones française et britannique.
25 Je me réfère également à l'affaire Toyota et à toutes les
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1 affaires conduites devant le Tribunal de Tokyo : les affaires de prise
2 d'otages et les affaires de commandement hiérarchique. Si l'on prend
3 toutes ces affaires ensemble, à l'exception peut-être de celles qui ont
4 été présentées devant le Tribunal de Tokyo, on s'aperçoit qu'elles
5 traitent toutes de commandant militaire. Il y a d'une façon générale,
6 quatre éléments qui devaient être prouvés dans ces affaires, quatre ou
7 cinq, cela dépend de la position que vous adoptez.
8 Tout d'abord, il fallait prouver quel était le statut du
9 commandant, puis que c'était un commandant qui agissait en tant que tel.
10 Deuxièmement, il fallait absolument prouver que ses subordonnés avaient
11 commis une violation des lois de la guerre. Troisième critère, il fallait
12 que le commandant ait eu connaissance des crimes commis par ses
13 subordonnés. Nous reviendrons sur ce point un peu plus tard. Quatrième
14 critère, il fallait que le commandant ait omis de prendre les mesures
15 nécessaires à la prévention du crime ou omis de mener des enquêtes ou de
16 punir les
17 auteurs du crime.
18 Ceci apparaît très clairement, je vous le rappelle, dans
19 l'article 7-3 de notre statut. Cet article consacre un principe bien
20 différent de celui qui apparaît dans l'article 7-1 de notre statut qui
21 traite, lui, de la responsabilité individuelle. Au titre de l'article 7-1,
22 je suis coupable de ce que j'ai fait, dès lors que j'ai planifié un crime,
23 dès lors que j'ai donné l'ordre de commettre un crime et, dès lors que
24 j'ai moi-même commis un crime, je suis coupable.
25 Dans le cas de la théorie de la responsabilité du supérieur
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1 hiérarchique, je suis coupable parce que quelqu'un d'autre a commis un
2 crime et que moi, je n'ai pas pris des mesures nécessaires pour éviter que
3 cela soit commis.
4 Deux affaires tout à fait exceptionnelles ont été présentées
5 dans le cadre du Tribunal de Tokyo. L'une traitait de l'inculpation de
6 certains membres du gouvernement japonais parce qu'ils avaient omis de
7 prendre des sanctions dans le cadre de mauvais traitements infligés à des
8 prisonniers de guerre. La deuxième affaire est celle du général Muto* -je
9 reviendrai à cette affaire dans une seconde.
10 Suite à toutes les affaires qui ont eu lieu après la Seconde
11 Guerre Mondiale, énormément d'articles ont été écrits, relatifs à ce
12 qu'est la responsabilité du commandement du supérieur hiérarchique. Ce
13 Tribunal est le premier tribunal international à entendre une affaire qui
14 porte sur la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique, et
15 c'est le premier à appliquer le droit international en la matière depuis
16 la Seconde Guerre Mondiale, si je ne m'abuse.
17 Après la Seconde Guerre Mondiale, en 1977-1979, le protocole 1 a
18 été adopté, notamment les articles 86 et 87. Plutôt que d’utiliser la
19 terminologie "commandant", il a utilisé le terme "supérieur hiérarchique".
20 L'objectif des rédacteurs du protocole 1 était de spécifier très
21 clairement que les civils qui avaient le contrôle de la situation pouvait
22 être tenus responsables, au titre de la responsabilité du supérieur
23 hiérarchique. Je vous renvoie au rapport Kahane*,
24 rédigé après le massacre des Palestiniens et à la commission Kahane* qui
25 s'est penchée sur la question de la responsabilité du ministre de la
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1 Défense israélien à l'époque. La commission Kahane* a déclaré qu'au titre
2 de la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique, le ministre
3 était coupable de ce qui s'était passé.
4 Quelle est la question qui nous oppose ici ? Je parle de la
5 situation générale, pas spécifiquement de mon client M. Delic. La question
6 qui nous oppose est de savoir si le fait d'avoir connaissance ou non des
7 actes des accusés ou si le fait de ne pas avoir pris les mesures
8 nécessaires pour empêcher le crime ont été établis. Le statut déclare
9 qu'il faut que la personne concernée ait su ou ait été en mesure de savoir
10 que certains actes étaient commis. C'est d'ailleurs le langage qui a été
11 utilisé par les Etats-Unis, dans le cadre des articles 86 et 87 du
12 protocole 1.
13 La conférence qui a contribué à la rédaction de ce protocole 1 a
14 rejeté cette formulation. J'aborde d'ailleurs la question dans notre
15 mémoire écrit. Les rédacteurs anglais, à l'époque, souhaitaient que les
16 termes officiels, je cite : "avait les moyens de savoir ce qui était en
17 train de se passer", soient utilisés. Quant aux Français, ils souhaitaient
18 que la version officielle déclare, je cite : "était en possession des
19 éléments qui permettaient de savoir ce qui était en train de se passer ".
20 Il y a une grande différence entre ces deux formulations. En
21 fait, on établit trois types de critères différents, selon qu'on adopte
22 l'une des trois formulations. Si l'on dit que le commandant savait ou
23 avait les moyens de savoir, c'est ce qui a été rejeté dans le cadre de la
24 rédaction de la convention du protocole 1, cela veut dire que la personne
25 est coupable, si elle n'a pas essayé d'obtenir des informations.
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1 Si l'on se penche sur la version anglaise du protocole 1, il
2 apparaît que la personne serait coupable, si elle avait eu des
3 informations qui lui auraient permis d'arriver à la conclusion que des
4 crimes avaient été commis, même si elle n'a jamais réussi à rassembler
5 tous les éléments d'information, même si elle n'a jamais essayé de
6 comprendre ce qui s'était passé, elle pourrait
7 tout de même être reconnue coupable d'une infraction.
8 Si l'on se penche maintenant sur la version française du
9 protocole, la personne concernée doit avoir, entre ses mains, des moyens
10 de preuve permettant d'arriver à la conclusion que quelque chose s'est
11 passée. Dans ce cadre-là, la personne concernée doit avoir effectivement
12 déterminé si oui ou non un crime a été commis. Je pense pour ma part que
13 c'est la version française du protocole 1 qui établit le critère approprié
14 en la matière.
15 Il faut que nous acceptions cette version qui est plus étroite
16 que les deux précédentes. Elle permet de circonscrire la question. Il faut
17 essayer toujours en matière de droit, de circonscrire des idées générales
18 le plus possible, pour essayer de circonscrire le champ de définition
19 d'une infraction pénale. Je ne pensais pas au départ que ce problème de
20 cause à effet devait intervenir avec une telle importance dans la
21 définition de la responsabilité pénale. Lorsque j'ai commencé à y
22 réfléchir, je me suis dit que ce que fait un commandant ou ce qu'il ne
23 fait pas, si cela débouche sur un acte ou sur une omission d'agir, il est
24 évident que la cause à effet intervient puisque le résultat peut être un
25 crime et l'omission peut également entraîner la commission d'un crime. Le
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1 Pr Bassiouni fait remarquer qu'il peut y avoir un élément difficile à
2 prouver notamment lorsque l'on parle de commandants qui sont physiquement
3 à quelque distance de l'endroit où le commandement est exercé.
4 En fait, appliquer la théorie de la cause à effet, est à mon
5 avis de la nécessité d'une cause juridique et aboutit à un résultat
6 différent dans l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui. Mais, il n'y a
7 pas de nombreux textes qui ont été écrits sur cette question depuis
8 l'affaire Bassiouni. Franchement j'ai lu beaucoup d'auteurs très
9 compétents en la matière. J'ai lu en fait tous les ouvrages sur lesquels
10 j'ai pu mettre la main et qui traitaient de responsabilité du commandement
11 depuis un an ou un an et demi, et personne n'a jamais abordé le problème
12 de la cause à effet sauf le Pr Bassiouni.
13 Par exemple, la non punition d'une infraction pénale peut être
14 la cause d'une autre
15 infraction. Le fait de ne pas superviser, de ne pas bien vérifier le
16 travail de ces subordonnés pour un commandant ou des unités placées sous
17 son commandement, peut également être à l'origine d'un crime. Le fait de
18 ne pas avoir entraîné de façon appropriée les troupes relevant de sa
19 responsabilité, de ne pas les avoir formées aux lois et aux coutumes de
20 guerre, comme l'exigent les Conventions de Genève, peut également être la
21 cause d'un crime ainsi que le refus de mener une enquête ou le fait de
22 couvrir une personne.
23 On en trouve un exemple dans une affaire qui a impliqué un
24 général américain, dont le nom m'échappe à l'instant, le nom est cité dans
25 notre mémoire, c'était le commandant de la division impliquée dans le
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1 massacre de My Lai en 1967. C'est dans cette affaire où une division de
2 l'armée américaine est arrivée dans un village vietnamien et a massacré un
3 grand nombre de personnes, a commis un grand nombre de crimes de guerre.
4 Le commandant de cette division a mené une enquête qui n'était qu'une
5 mascarade. Aucun problème à ce sujet. Savoir si ces actions ont été ou
6 n'ont pas été la cause du massacre de My Lai n'est pas le plus important
7 car ce qui est tout à fait évident, c'est que la couverture par lui, le
8 fait qu'il ait mené un semblant d'enquête, qui n'était pas une véritable
9 enquête, ce fait a justifié la commission de nouveaux actes de même nature
10 par la suite.
11 Donc, le simple fait que quelqu'un occupe les fonctions de
12 commandant ne signifie pas que cette personne soit coupable en vertu de la
13 théorie de la responsabilité du commandant. Même, s'il est prouvé que ses
14 subordonnés ont commis une infraction pénale. Il est absolument
15 indispensable, à mon avis, que la preuve soit apportée que le commandant
16 avait connaissance du fait qu'il y a eu violation du droit ou il est
17 important de prouver qu'il avait des informations qui l'ont amené à
18 conclure et j'utilise le libellé, les termes proposés par les français, au
19 sujet de l'article 86.
20 Il importe de prouver que ce commandant avait les éléments
21 nécessaires pour savoir qu'une violation des lois de la guerre avait été
22 commise. Ensuite, il faut prouver que soit il n'a
23 pris aucune mesure pour empêcher ces crimes, soit il n'a pas pris les
24 mesures qui relevaient de sa responsabilité pour les punir et que c'est
25 donc sa non-intervention qui a été la cause d'un crime.
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1 Dans l'affaire Hazim Delic, à l'exception du général Moto*,
2 c'est la seule affaire que je connaisse dans laquelle quelqu'un qui
3 n'occupe pas les fonctions de commandant est tenu responsable de crimes
4 commis par d'autres en vertu de la théorie de la responsabilité du
5 supérieur hiérarchique. C'est en tout cas la seule affaire dont j'ai
6 connaissance où une tentative de ce genre est faite dans l'affaire du
7 général Moto*. J'ai cité un article qui parlait d'aberrations, des
8 dirigeants civils ont été tenus responsables dans cette affaire.
9 Je pense que parce que le Tribunal de Tokyo est un Tribunal
10 considéré comme un peu particulier et tout à fait distinct des autres
11 Tribunaux, c'est un Tribunal qui établit un précédent assez douteux, on ne
12 peut pas s'appuyer sur lui de façon générale. Si vous regardez les
13 mémoires déposés par le bureau du Procureur dans cette affaire, je les lis
14 les uns après les autres, une affaire me vient à l'esprit, l'affaire
15 Toyota. Toyota a été commandant des forces navales combinées, des
16 escorteurs japonais et il occupait également un autre commandement. Il
17 était commandant à divers niveaux en même temps. A la fin de la guerre, il
18 est devenu général en chef des forces navales japonaises.
19 Quel que soit le moment qui nous intéresse, il était soit membre
20 de l'état-major de la marine japonaise, soit l'officier de plus haut rang
21 au sein de cette même marine. Il a été jugé en tant que commandant pour
22 les crimes commis par la marine japonaise à Manille. Il s'agissait donc
23 des mêmes crimes que ceux qui étaient imputés au général Yamashita, il
24 s'agissait de la même affaire, des mêmes faits. Ce que le Procureur ne
25 vous a pas dit lorsqu'il a cité l'affaire Toyota, c'est que le général
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1 Toyota a été acquitté sur tous les chefs d'inculpation. La raison pour
2 laquelle il a été acquitté réside dans le fait que ce n'est pas lui qui
3 commandait ces troupes, bien qu'il était par son rang supérieur à chacun
4 et à l'ensemble des commandants de ces troupes.
5 Puis, le bureau du Procureur a également cité une autre affaire
6 dans ses mémoires,
7 l'affaire Mumota. Je lis les propos tenus par le Procureur, c'était une
8 personne importante dans un camp de concentration japonais. En tant
9 qu'officier de haut rang, là le bureau du Procureur cite la Cour suprême
10 américaine, Yamashita exerçait un pouvoir sur les troupes placées sous son
11 commandement.
12 La Chambre de première instance sait bien que je n'aime pas
13 beaucoup citer l'affaire Yamashita* aujourd'hui.
14 M. Jan (interprétation). - Mais le jugement n'a pas été unanime.
15 M. Moran (interprétation). - Non. Je pense que chacun peut le
16 concevoir un peu à sa façon parce que la Cour Suprême n'a pas dû se
17 prononcer sur cette question. Les différents éléments ont été présentés
18 sous des angles différents, mais quelle que soit la juridiction qui doit
19 se prononcer, trancher, nous, nous n'avons pas cette obligation. Parlons
20 du reste des arguments.
21 Le Procureur cite également les lois de la guerre en disant
22 qu'elles imposent à un officier, placé à un poste de commandant, un
23 certain nombre de responsabilités. Il le dit dans l'affaire des droits
24 médicaux, l'affaire des otages, l'affaire du haut commandement, je l'ai
25 déjà cité. J'ai cité un grand nombre d'affaires dans mon mémoire, je ne
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1 vais pas rentrer dans les détails. En tout cas, chaque fois nous étions en
2 face du problème d'un commandant ou de personnes qui sont tenues
3 responsables d'un commandement alors qu'elles n'occupent pas les fonctions
4 de commandant.
5 M. Jan (interprétation). - Mais ceci par rapport à des éléments
6 tout à fait précis qui permettent d'évaluer ce commandement.
7 M. Moran (interprétation). - Personnellement, je ne comprends
8 pas très bien cette théorie de la responsabilité du commandant
9 hiérarchique. Je ne sais pas ce que le mot commandant signifie dans cette
10 expression particulière. Si vous prenez un commandant factuel, il n'est
11 pas commandant pour d'autres raisons, simplement il a pouvoir de vie et de
12 mort sur ses troupes. Il donne ce pouvoir en tant que personne pendant les
13 combats. Il peut dire :
14 Monsieur Jones là-bas et prenez-moi cette colline. Vous serez sans doute
15 tué pendant que vous mènerez cette action. Si le soldat Jones refuse
16 d'exécuter cette action, il va être jeté en prison.
17 Un commandant exerce en fait une responsabilité militaire, bien
18 entendu pendant les combats, mais c'est le seul moment où il le fait. Les
19 personnes qui n'ont pas la responsabilité de commandant peuvent se voir
20 déléguer la responsabilité de commandant par un commandant en poste. Je
21 pense par exemple à ce qui a été dit d'un commandant qui n'avait aucune
22 autorité en tant que personne distincte, mais exerçait les autorités de
23 chef d'état-major, sur des subordonnés de cet état-major. Il exerçait les
24 fonctions de chef suprême de l'armée, même s'il n'en avait pas la
25 responsabilité dans le cadre de la théorie de la responsabilité du
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1 supérieur hiérarchique.
2 Si vous me demandez mon avis, j'ai du mal à me prononcer sur ce
3 sujet. Je pense que les lois aux coutumes de guerre telles qu'appliquées
4 par l'armée, lorsqu'elles sont comparées à la théorie de la responsabilité
5 pénale d'un commandant en vertu de cette théorie de la responsabilité de
6 supérieur hiérarchiques, établissent quelque chose d'assez particulier.
7 Lorsque vous lisez les auteurs qui ont été cités et lorsque vous
8 comparez à ce qui est l'avis des nations en la matière, vous trouvez une
9 différence assez importante. Je pouvais vous citer par exemple la
10 page 2710 de la page du manuel distribué aux soldats américains de façon
11 régulière. Ce n'est pas franchement ma lecture favorable, mais je m'en
12 suis procuré un exemplaire. Le Procureur n'a d'ailleurs jamais cité le
13 manuel du soldat britannique. En tout cas, on trouve dans cet ouvrage que,
14 dans certaines circonstances, les commandants peuvent être considérés
15 comme responsables sur le plan pénal.
16 Nous avons également cité les réglementations yougoslaves de
17 l'époque de la RSFY et l'on trouve comme mot commandant au pluriel et pas
18 chef d'état-major, commandant adjoint, mais le terme commandant.
19 Puis, nous arrivons au protocole 1. Le mot commandant n'est pas
20 utilisé dans le protocole 1. Le mot utilisé dans le protocole 1 est le mot
21 supérieur hiérarchique. Je voudrais
22 dire aux membres de cette Chambre de première instance qu'à ce terme de
23 commandant que l'on trouve dans l'article 86, le terme de supérieur
24 hiérarchique a été choisi dans un but bien précis, à savoir atteindre les
25 responsables civils qui exercent un pouvoir. C'est-à-dire par exemple le
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1 maire qui organise ou autorise la commission d'atrocité. Franchement, on
2 en arrive Hitler. Il était civil, ce n'était pas un soldat, un officier
3 relevant d'une armée quelconque.
4 M. Jan (interprétation). - Mais, il était un commandant
5 supérieur.
6 M. Moran (interprétation). - Il était commandant en chef de
7 l’armée parce qu'il s'est adjugé ce poste, mais il était néanmoins un
8 civil. Spire* était également un civil. Beaucoup d'entre eux l'étaient.
9 Ces civils exerçaient le même genre d'autorité que celle exercée par un
10 responsable supérieur. C'est la signification précise à donner aux termes
11 responsable supérieur hiérarchique dans l'article 86. Si les commandants
12 d'une armée ou si des soldats pouvaient être pris en considération dans
13 tous les cas, on n'aurait pas besoin de l'article 87 qui ajoute des
14 spécifications, des précisions quant aux responsabilités exercées par un
15 commandant une armée. C'est le commandant d'une armée qui exerce
16 personnellement le pouvoir. C'est un commandant d'une armée qui est
17 considéré comme responsable et comme ayant un certain nombre de devoirs au
18 terme du droit international. C'est un commandant d'une armée qui est
19 considéré comme responsable de tout ce que fait son unité ou de tout ce
20 qu'elle ne fait pas.
21 Le procureur demande au Tribunal de réaliser plusieurs actions
22 en même temps. L'une consiste à abandonner 50 années de droit, de théorie
23 juridique depuis le prononcer du verdict dans l'affaire de la
24 responsabilité hiérarchique et des otages et de ne plus se pencher sur le
25 problème de la définition du commandant. Le Procureur nous demande de ne
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1 plus compter le nombre de barrettes sur la manche ou sur l'épaulette d'un
2 responsable de l'armée et de ne pas le comparer à un simple soldat.
3 Indépendamment du fait de savoir si quelqu'un est commandant ou
4 pas, l'autorité et la responsabilité semblent être les mêmes. En deuxième
5 lieu, dans un article de droit que j'ai lu
6 de façon très approfondie, j’ai retrouvé le problème du commandant.
7 Rappelez-vous les droits de la guerre dont nous parlons souvent ici. Le
8 droit de la guerre a été mis au point par des responsables militaires à
9 l'intention de responsables militaires et les choses en sont restées là
10 pendant très longtemps, jusqu'à une période très récente.
11 En période de combats ou même en période de paix, un commandant
12 est responsable de ce que fait son unité. Il est responsable de ce que
13 fait ou ne fait pas son unité. Si celle-ci fait quelque chose de bien, il
14 en est responsable, de même que si elle fait quelque chose de mal. En tout
15 cas, il est responsable de ce que fait son unité parce qu'il est le
16 commandant.
17 Si on commence à considérer quelqu'un qui n'est pas commandant
18 comme responsable de ce qui relève de la responsabilité du commandant,
19 alors on crée une nouvelle obligation au terme du droit international.
20 C'est-à-dire que l'on crée l'obligation pour un subordonné de contrecarrer
21 les ordres de son commandant.
22 M. Jan (interprétation). - Si quelqu'un est en capacité, a la
23 possibilité d'empêcher et de punir et qu'il ne le fait pas, n'est-il pas
24 tout de même responsable ? C'est de cela dont nous discutons. Ce n'est pas
25 de savoir si, au sein de l'armée, il occupait ou non une position de
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1 commandant. Nous parlons de la possibilité qu'avait cette personne de
2 punir ou d'empêcher.
3 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge, c'est un bon
4 critère à appliquer parce ce sont effectivement les commandants qui ont le
5 pouvoir de punir. Nous en avons parlé lorsque nous avons parlé de
6 M. Divjak.
7 M. Jan (interprétation). - De punir ou d'empêcher ?
8 M. Moran (interprétation). - Oui, de punir ou d'empêcher. Le
9 commandant est la seule personne qui a la possibilité d'agir de la sorte.
10 Cela a déjà été dit par rapport à un certain nombre de situations en
11 Bosnie. Maintenant, le Procureur essaie d'établir une distinction entre un
12 commandant de facto et un commandant de jure. Je ne sais pas ce que
13 signifie cette distinction parce que le poste de commandant est une
14 situation définie sur le plan juridique.
15 Franchement, c'est un peu comme être enceinte, on l'est ou on ne l'est
16 pas. Soit vous êtes un commandant et vous commandez, soit vous ne l'êtes
17 pas et vous ne commandez pas. Si vous êtes commandant, vous avez un
18 certain nombre de devoirs et d'obligations. Vous avez des pouvoirs pour
19 exécuter ces obligations et vous pouvez déléguer votre autorité, c'est-à-
20 dire charger quelqu'un d'autre que vous un subordonné de remplir les
21 responsabilités à votre place.
22 On ne peut pas déléguer une responsabilité, mais simplement son
23 autorité. Maintenant, un commandant de facto quelle que soit la
24 signification accordée à ce terme, la personne qui exerce le commandement
25 de facto peut être tout ce qu'on veut. On peut le définir de toutes sortes
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1 de manières, mais il n'est pas commandant dans le cadre de la définition
2 juridique à donner à ce mot, même dans une situation de résistance.
3 Prenons une unité de partisans. Le Procureur nous dit qu'on ne
4 peut pas parler de commandant dans ce cas. Moi, cela m'est égal si on les
5 appelle Georges, Jacques ou Jean, en tout cas la fonction de commandement
6 doit être définie pour exister en tant que responsabilité pénale, dans le
7 cadre d'une définition juridique d'un poste.
8 Il faut donc que, dans une situation de résistance, il y ait une
9 unité militaire répondant aux critères cités dans l'article 4 des
10 Conventions de Genève sur les prisonniers de guerre. Il faut qu'il y ait
11 des parties belligérantes. Il faut que cette résistance relève d'une des
12 parties belligérantes pour qu'il puisse y avoir prisonniers de guerre. Il
13 faut qu'une des parties belligérantes puisse dire : cette unité relève de
14 nous effectivement et nous avons un commandant qui lui donne des ordres.
15 Dans ce cas, il existe un commandant, une responsabilité, des prisonniers
16 de guerre, mais sinon le commandant de l'unité de partisans ne peut pas
17 avoir, sous ses ordres, des soldats qui peuvent prétendre au titre de
18 prisonniers de guerre ultérieurement. S'il n'a pas de subordonnés sous sa
19 responsabilité, il peut exercer le commandement, mais il n'y aura pas de
20 prisonniers de guerre. Avez-vous d’autres questions, Monsieur le
21 Président ?
22 M. le Président (interprétation). - Apparemment, il y a eu
23 quelques confusions
24 entre la notion de commandant et la notion de subordonné direct du
25 commandant qui est en fait un commandant adjoint. Où se situe la
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1 responsabilité à votre avis ?
2 M. Moran (interprétation). - Dans toute unité de l'armée, les
3 commandants commandent et les hommes placés sous leurs ordres sont des
4 subordonnés. Je ne vais pas peut-être pas rentrer dans le détail parce
5 qu'au niveau du général 5 étoiles, par exemple la chose est vraie, mais si
6 on arrive au niveau de l'escadron, c'est-à-dire un groupe de neuf hommes
7 aux Etats-Unis, une unité d'infanterie, on a un chef d'escadron. En fait,
8 au niveau de son escadron, il est le commandant. Ensuite, il y a le chef-
9 adjoint de l'escadron, le chef de peloton. Tout dépend du rang et de
10 l'expérience que l'on a acquis.
11 Dans l'affaire des otages par exemple, le chef d'état-major
12 avait un rang supérieur à celui des commandants qui étaient ses
13 subordonnés. Ces commandants avaient un rang qui était considérablement
14 inférieur à celui du chef d'état-major. Quelquefois, le subordonné est
15 déjà au niveau du colonel. Tout dépend de la position du commandant dont
16 on parle. Chacun, dans la chaîne, a un supérieur et un subordonné. Je
17 crois que le terme de supérieur se rapporte à un civil qui exerce un
18 commandement militaire, c'est-à-dire qu'il a des pouvoirs comparables à
19 ceux d'un militaire, en tout cas le pouvoir de donner des ordres et de
20 punir quelqu'un qui n'a pas obéi à ses ordres ou qui a violé les lois aux
21 coutumes de la guerre. Ce n'est pas clair pour vous, Monsieur le
22 Président ?
23 M. le Président (interprétation). - Pas tout à fait. Si on a une
24 brigade ou un escadron, quelle que soit l'unité, si une infraction est
25 commise au niveau de chacun de ces échelons hiérarchiques, où se situe
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1 cette responsabilité ?
2 M. Moran (interprétation). - Comme dans l'affaire Murffey et
3 Marshod,** on trouve une note en bas de page qui répond exactement à la
4 question que vous venez de poser. Il est stipulé, avec cette décision, que
5 nous scellons peut-être l'avenir du président des Etats-Unis et de ses
6 chefs d'état-major. En fait, ce que nous examinons ici, c'est la portée de
7 la
8 connaissance et du contrôle exercé. Un très bon exemple se trouve je crois
9 dans l'affaire My Lai ou bien dans l’affaire Taylor. Le général Taylor
10 était le procureur militaire américain qui a jugé un procès très important
11 en 1967, 1968, 1969. Il a écrit des lettres au Times de New York, en
12 disant que le président Johnson devrait être jugé, en vertu de la
13 responsabilité du commandant supérieur à cause dans le cadre de l’affaire
14 My Lai. En fait, il avait tort. Il était procureur du procès My Lai. Il
15 avait tort parce que rien ne permettait de prouver que le
16 président Johnson était au courant de ce qui s'était passé. Evidemment, le
17 président des Etats-Unis avait d'autres choses à faire, d'autres problèmes
18 à régler que ceux d'une petite compagnie de 120 soldats environ faisant la
19 guerre à des kilomètres de là. Il avait la totalité de la guerre à régler
20 et à organiser, puis également bien sûr la politique intérieure de son
21 pays à diriger.
22 M. le Président (interprétation). - Pourquoi parlons-nous de
23 cette affaire Yamashita aujourd'hui ? Le général était-il responsable ?
24 M. Jan (interprétation). - C'était un gouverneur militaire. Il
25 devait avoir des connaissances au sujet de la situation. Les atrocités ont
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1 été très importantes. Dans l'une des opinions distinctes, la chose a été
2 dite et il est estimé qu'elle devrait être prise en considération.
3 M. Moran (interprétation). - Je peux vous dire que dans
4 l'affaire Yamashita, aujourd'hui, on trouve des éléments qui nous
5 permettent de nous forger une opinion théorique. Je sais qu'un juge de
6 l'armée américaine préconise d'appliquer l'affaire Yamashita aujourd'hui.
7 Il l'analyse comme un exemple de la responsabilité du responsable
8 hiérarchique.
9 M. Jan (interprétation). - Je voudrais savoir qui était en
10 cause, un sergent ?
11 M. Moran (interprétation). - Cela dépend de l'armée. Selon les
12 armées, les grades diffèrent un petit peu. On a le soldat de première
13 classe, etc. Dans d'autres armées, le soldat de première classe est
14 remplacé par un autre grade, un grade 2 par exemple
15 M. Jan (interprétation). - Si on a un soldat de deuxième classe
16 qui s'apprête à commettre un crime et qui ne s'arrête pas dans la
17 commission de ce crime, n'est-il pas considéré
18 comme responsable ?
19 M. Moran (interprétation). - Non, à moins qu'il ait eu une
20 position de commandement.
21 M. Jan (interprétation). - Parce qu'il y aurait eu inaction dans
22 ce cas ?
23 M. Moran (interprétation). - Cela dépend s'il était ou non en
24 position de commandement.
25 M. Jan (interprétation). - Je ne pense pas que tout dépende de
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1 la situation du statut de la personne. Le critère qui s'applique est le
2 suivant : avait-il ce un poste, une fonction exercée et la possibilité
3 d'arrêter l'auteur du crime ?
4 M. Moran (interprétation). - Oui.
5 M. Jan (interprétation). - Et il ne l'a pas arrêté.
6 M. Moran (interprétation). - Dans votre situation hypothétique,
7 le soldat de deuxième classe Jones peut très bien avoir exercé un
8 commandement. Si la guerre se passait mal, très mal, il peut avoir été
9 dans une certaine circonstance, la personne de plus haut rang dans cette
10 situation et donc avoir eu des fonctions de commandant, en vertu du droit
11 général du commandement militaire.
12 M. Jan (interprétation). - Il était donc en position d'arrêter
13 ou de punir telle ou telle action ?
14 M. Moran (interprétation). - Dans une situation militaire, on
15 parle de commandement, c'est ce qui est important. C'est le chaînon qui
16 nous intéresse. Seul le commandant peut être puni et donc tenu pour
17 responsable.
18 M. le Président (interprétation). - A strictement parler, il
19 avait connaissance de la situation.
20 M. Moran (interprétation). - On peut lui imputer cette
21 connaissance. Dans l'affaire du commandement supérieur, la chose a été
22 discutée. Il a été dit dans un rapport qu'il existait un
23 rapport du quartier-général qui prouvait que des crimes de guerre avaient
24 été commis et que le commandant ne pouvait pas dire : je n'ai pas lu le
25 rapport. Je regrette, ce rapport existe, le commandant doit l'avoir lu et
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1 doit donc être au courant. Qu'il soit content ou pas du contenu du
2 rapport, ce n'est pas la question. S'il pense que des gens lui ont menti,
3 il peut exiger une enquête pour vérifier. C'est pour cela qu'il a des
4 responsabilités générales, plus générales que celles de ses subordonnés.
5 On peut donc lui imputer la connaissance dans tous les cas. C'est ce qui
6 est discuté dans l'affaire Yamashita aujourd'hui. Par ailleurs, dans un
7 autre procès très important, celui d'un capitaine qui exerçait un
8 commandement, la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique a
9 été invoquée par la Cour martiale américaine et les juges qui ont jugé ce
10 procès ont déclaré qu'il y avait, dans les faits, connaissance et que
11 cette connaissance effective rendait le capitaine car il aurait dû se
12 renseigner au sujet des homicides, apprendre que ces homicides et ces
13 meurtres avaient eu lieu et y mettre un terme.
14 M. Jan (interprétation). - Essayer de les couvrir en fait ?
15 M. Moran (interprétation). - Dans cette affaire, il y a eu
16 couverture des meurtres effectivement, mais c'est une question qui va
17 plus loin que ce dont je discutais à l'instant. C'est un autre critère
18 qui s'applique à ce moment-là, le critère de l'article 86. Il y a deux
19 critères dans cet article 86 selon que l'on préfère le libellé français
20 ou anglais.
21 M. Jan (interprétation). - Mais nous avons notre Statut à
22 appliquer, n'est-ce pas, Maître Moran ?
23 M. Moran (interprétation). - Mais en appliquant ce Statut,
24 parce que ce Statut n’établit pas l'existence de crimes positifs, nous
25 devons également tenir compte de ce qu’a dit le Secrétaire général, qui a
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1 stipulé clairement...
2 M. Jan (interprétation). - Le statut du Rwanda ?
3 M. Moran (interprétation). - Non. Dans le rapport relatif à
4 notre statut, il est stipulé qu'on ne crée pas de nouvelles catégories
5 pénales, de nouveaux crimes. Je ne pense pas
6 que quiconque aux Nations Unies pourrait dire que le Conseil de sécurité
7 est un organe législatif, capable d'imposer la définition de nouvelles
8 infractions positives à tel ou tel gouvernement. Tout ce que les membres
9 du Conseil de sécurité ont fait est de reprendre les dispositions
10 existantes du droit international et dire "Nous mettons en place un
11 nouveau tribunal qui va juger les violations de ces dispositions
12 internationales." Monsieur le Juge, je pense que c'est bien ce qui a été
13 dit au Tribunal ?
14 M. le Président (interprétation). - Mais où trouvez-vous la
15 moindre mention du droit positif ?
16 M. Moran (interprétation). - Je pense que le droit positif
17 tombe sous le coup des Conventions de Genève. A l'évidence, l'article 2
18 des Conventions de Genève s'applique. Il n’y a aucun moyen de le
19 contourner. Cet article 2 stipule que l'on doit regarder le libellé des
20 conventions et l'appliquer.
21 M. le Président (interprétation). - Mais les infractions sont
22 définies en tant que telles ?
23 M. Moran (interprétation). - Oui, l'article 144 des Conventions
24 de Genève spécifique aux civils comporte une section, un chapitre qui
25 fait partie de la totalité des Conventions de Genève.
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1 M. le Président (interprétation). - Mais les infractions sont
2 nommées, n’est-ce pas, mais pas définies en tant qu’éléments de droit ?
3 M. Moran (interprétation). - Vous avez raison. Personne ne
4 s’attend à ce que les Conventions de Genève soient un nouveau code pénal.
5 Nous avons nos propres systèmes législatifs, nos propres lois. Qu’on les
6 appelle législation, parlement ou congrès, nous avons nos institutions
7 qui établissent les éléments du droit pénal. Ces institutions vont
8 beaucoup plus loin que définir les infractions aux conventions. Je pense
9 que la question n'est pas de discuter de ce point ici. Par ailleurs, un
10 certain nombre de personnes discutent, analysent, et elles n'ont
11 pas toujours un avis clair ou unanime sur telle ou telle question.
12 La définition d'une infraction, d'un délit constitue déjà un
13 problème peut-être discuté. Il faut tenir compte du problème, du délai,
14 du temps dans lequel il se situe. Je ne voudrais pas être responsable
15 d'une omission ou d'un acte négatif mais, je pense que la responsabilité
16 criminelle est un sujet dont il convient de débattre. Le Statut est assez
17 vague à certains moments sur ce point.
18 (La séance, suspendue à 13 heures 10, est reprise à
19 14 heures 30.)
20 M. le Président (interprétation). - Maître Moran, je vous en
21 prie, vous pouvez reprendre.
22 M. Moran (interprétation). - Merci monsieur le Président.
23 Pendant la pause je suis descendu boire un café dans la galerie du public
24 où il y avait des écrans, je me suis vu travailler, je me suis aperçu que
25 je n'étais pas au meilleur de ma forme pendant ma présentation des
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1 arguments. Je vais essayer de reprendre sur de meilleures bases.
2 Des questions ont été posées par le Juge Jan. Il faut que je
3 m'explique mieux. Le grade et l'autorité au sein d'une unité militaire
4 peuvent être deux choses complètement différentes. On sait bien par
5 exemple que dans l'armée soviétique, les commandants peuvent avoir un
6 grade inférieur que certains des membres de leur état-major. C'est ainsi
7 que les choses se passaient au sein de l'armée soviétique.
8 M. Jan (interprétation). - Il en va de même en matière civile.
9 M. Moran (interprétation). - Oui cela peut tout à fait se
10 présenter de la même façon en matière civile. Ce n'est pas parce que j'ai
11 un grade plus élevé que quelqu'un d'autre que j'ai autant d'autorité que
12 lui. Par exemple dans l'armée de mon pays, il y a un officier qui est un
13 général à deux étoiles mais il ne peut pas donner d'ordre à qui que ce
14 soit et dans d'autre cas à
15 un officier qui a exactement le même rang que lui. Ce sur quoi il faut se
16 pencher lorsque l'on essaie de déterminer la responsabilité du supérieur
17 hiérarchique c'est l'autorité, la capacité d'un individu à émettre un
18 ordre contraignant, un ordre émis à l'égard d'un subordonné qui a une
19 force contraignante sur ce subordonné et qui vous donne également le droit
20 de punir et de contrôler l'action de ce subordonné.
21 Donc, dans l'exemple que vous avez donné monsieur le Juge Jan,
22 le soldat de deuxième classe Jones peut empêcher le soldat de classe 1 de
23 faire quelque chose parce qu'il a un fusil, parce qu'il peut le pointer
24 sur ce soldat et lui dire de ne pas faire ce qu'il est sur le point de
25 faire. Mais cela ne lui donne pas l'autorité juridique de le faire ni le
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1 commandement ou la qualité de supérieur hiérarchique qui lui permettrait
2 de le faire. C'est cela qui nous intéresse.
3 Pour ce qui est de Celebici, il y avait un homme qui a déclaré
4 qu'il était commandant des gardes, de tous les gardes qui travaillaient à
5 Celebici. Je ne sais pas où il se trouve aujourd'hui ni ce qu'il fait,
6 mais nous savons que nous ne pouvons pas lui parler.
7 M. Jan (interprétation). - Absolument, il n'est pas là
8 aujourd'hui, nous ne pouvons pas lui poser la question.
9 M. Moran (interprétation). - C'était lui le responsable de
10 l'ensemble des gardes du camp. Il pouvait leur donner des ordres
11 légalement contraignants et cela tombait dans le champ de sa compétence.
12 Il pouvait également les sanctionner.
13 M. le Président (interprétation). - Mais où avez-vous trouvé
14 tout cela ? Avez-vous trouvé des éléments de preuve vous permettant
15 d'affirmer cela ?
16 M. Moran (interprétation). - Il y a eu des témoignages dans ce
17 sens. C'est lui qui commandait les gardes du camp, c'est irréfutable. En
18 tant que commandant, il avait la capacité et l'autorité nécessaire pour
19 émettre des ordres contraignants à l'égard de ses subordonnés. C'est ce
20 qui caractérise un commandant.
21 Un spécialiste de la question déclare : "La personne qui commet
22 l'infraction était
23 placée sous le commandement de l'accusé. C'est-à-dire que l'accusé avait
24 toute autorité pour émettre les ordres contraignants empêchant la
25 commission d'actes illégaux. Il avait également l'autorité nécessaire pour
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1 s'assurer de la punition des auteurs du crime". Je crois que cela nous
2 explique bien ce que signifie le terme supérieur tel qu'il apparaît dans
3 l'article 86 et dans l'article 7-3 du Statut. Si vous n'avez pas la
4 capacité, l'autorité nécessaire pour émettre de votre propre initiative
5 des ordres légalement contraignants et si n'avez pas le pouvoir de punir
6 le non respect de ces ordres, alors vous n'êtes pas un supérieur
7 hiérarchique.
8 Ce n'est pas parce que vous avez plus de galons sur votre manche
9 ou sur votre épaulette que vous allez avoir l'autorité nécessaire pour
10 faire cela. L'autorité, au sens juridique du terme, est définie d'une
11 telle façon qu'en fait le soldat le plus humble peut empêcher un général
12 de très au rang de commettre un crime de guerre simplement en pointant son
13 fusil vers lui.
14 C'est une situation qui peut se produire mais ce n'est pas de
15 cela que nous parlons lorsque nous parlons de la capacité d'un individu
16 d'empêcher la commission de crime. Il faut que vous ayez la capacité de
17 donner des ordres légalement contraignants. C'est cela qui fait toute la
18 différence.
19 M. Jan (interprétation). - Je crois que c'est la position
20 correcte à adopter en la matière.
21 M. Moran (interprétation). - Si vous n'avez pas l'autorité
22 d'émettre des ordres contraignants, si vous n'avez pas l'autorité
23 nécessaire pour punir une violation d'un ordre contraignant légal alors
24 vous n'êtes pas un supérieur hiérarchique au titre de l'article 87 et de
25 l'article 7-3 de notre Statut. Ce n'est pas le grade qu'il faut regarder
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1 mais les compétences qui ont été accordées à tel ou tel individu. C'est ce
2 qu'ont fait les juges dans le cadre de l'affaire du haut commandement
3 supérieur hiérarchique, dans l'affaire des otages et dans l'affaire
4 Toyota.
5 Ils ont déclaré que la personne qui était inculpée de certains
6 crimes, prenons
7 l'exemple de Toyota, ils ont déclaré qu'il n'était pas le supérieur
8 hiérarchique responsable parce qu'il n'occupait pas vraiment un poste de
9 commandement. Les juges ont déclaré qu'il n'était pas coupable. Ils ont
10 déclaré dans l'affaire des otages et dans l'affaire du haut commandement
11 que les membres de l'état-major, les officiers n'étaient pas coupables
12 puisqu'ils n'avaient pas cette autorité leur permettant d'émettre des
13 ordres contraignants à l'égard de leurs subordonnés. Ils n'avaient pas
14 l'autorité légale leur permettant de punir les violations commises par
15 leurs subordonnés.
16 Je voudrais aborder une dernière chose, je suis sûr que vous me
17 serez gré de mettre un terme à toute cette argumentation. Je voudrais
18 préciser que l'accusation a l'obligation de prouver deux choses.
19 Pour ce qui est du chef d'accusation concernant la détention
20 illégale d'individus, ils doivent prouver le statut de personnes protégées
21 au titre de la convention de Genève pour les civils concernés et il faut
22 qu'ils prouvent que les personnes dont ils parlent sont bien des personnes
23 protégées au titre de cette même convention. Si ces personnes ne se
24 trouvent pas entre les mains d'une partie au conflit dont ils ne sont pas
25 ressortissants, alors elles ne sont pas protégées au titre de la
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1 Convention de Genève. Et même dans le cas où ils correspondraient à la
2 définition de la convention, il faut prouver que la détention est
3 illégale. Il faut établir des preuves dans ces deux cas.
4 Pictet dans ses commentaires portant sur la Convention de Genève
5 stipule que les Etats ont toute autorité pour détenir des individus
6 agissant en tant qu'ennemi en temps de guerre. Je vous rappelle que dans
7 l'affaire qui nous occupe le témoin D a fait un témoignage selon lequel
8 ces personnes étaient suspectées d'avoir commis des infractions.
9 Comme nous l'avons écrit dans notre mémoire, il n'est pas du
10 tout inhabituel d'avoir des cas de détention préventive. L'exemple qui me
11 vient en mémoire c'est que dans le cadre par exemple du droit américain,
12 dans certains types d'affaires, il y a présomption selon laquelle il
13 faut absolument que l'individu inculpé soit soumis à la détention
14 préventive.
15 Si je comprends bien ce qui est appliqué ici, toute personne
16 sera placée en détention préventive sauf s'il peut faire état de
17 circonstances exceptionnelles. Il y a effectivement toujours une
18 présomption de départ qui est celle de la détention préventive.
19 Au vu de cela et au vu des circonstances qui ont présidé à
20 l'arrestation des personnes détenues dans le camp de Celebici, je ne vois
21 pas comment quiconque pourrait dire qu'il n'y a aucun doute quant aux fait
22 qu'ils ne représentaient pas une menace pour l'Etat. On ne peut pas
23 affirmer cela. A priori, dans de telles circonstances, le gouvernement de
24 Bosnie-Herzégovine était dans son droit et avait le droit de placer ces
25 personnes en détention.
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1 Monsieur le Président, madame et messieurs les Juges, si vous
2 avez des questions supplémentaires, je me ferai bien sur un plaisir d'y
3 répondre mais je crois que j'en ai terminé pour ma part. Je laisse la
4 parole à Mme Residovic.
5 M. le Président (interprétation). - A priori, nous n'avons pas
6 d'autres questions à vous poser. Si ce sont là tous les arguments que vous
7 souhaitez présenter, vous pouvez reprendre votre place, maître, et céder
8 la parole à Mme Residovic.
9 M. Moran (interprétation). - Je vous remercie,
10 monsieur le Président.
11 M. le Président (interprétation). - Maître Residovic, pouvez-
12 vous brancher votre micro ?
13 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le
14 Président. Me Ackerman et Me Moran ont exposé les éléments les plus
15 significatifs de notre requête commune.
16 Pour ce qui me concerne, Monsieur le Président, je m'en
17 tiendrai aux éléments qui portent sur l'aspect général de la
18 responsabilité imputée à M. Delalic et ce, conformément aux éléments
19 de preuve qui ont été exposés et aux chefs d'accusation cités dans
20 l'acte d'accusation. Etant donné que le Procureur, dans ces exposés,
21 n'a pas établi l'existence d'arguments de base à l'appui de cet acte
22 d'accusation, nous considérons que tous
23 les chefs d'accusation imputés à M. Delalic doivent être abandonnés.
24 Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous rappeler très
25 succinctement les éléments qui figurent dans le chapitre G de notre
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1 document écrit. Mon client, M. Zejnil Delalic, est accusé en vertu de
2 la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique dans le
3 cadre de l'article 7-3 et des chefs d'accusation 13, 34, 44 et 45. Il
4 est également accusé en vertu de l'article 7-1 du Statut du Tribunal
5 dans le cadre du chef d'accusation numéro 48 qui porte sur sa
6 responsabilité individuelle.
7 Zejnil Delalic est considéré comme celui qui coordonnait les
8 activités des forces bosniaques sur le territoire de Konjic et ce,
9 depuis avril 1992 jusqu'aux alentours du mois de septembre 1992. Il
10 était considéré comme le dirigeant du groupe Tactique commun des
11 forces bosniaques jusqu'à novembre 1992 et ce, depuis le mois de
12 juillet 1992, commandant du groupe Tactique numéro un. Au point 7 de
13 l'acte d'accusation, il est stipulé qu'il était responsable du camp de
14 Celebici, et qu'il avait une position de commandement sur tous les
15 gardiens du camp, ainsi que sur les personnes qui pénétraient dans le
16 camp pour maltraiter les détenus.
17 Ces éléments généraux de l'acte d'accusation se retrouvant
18 dans tous les chefs d'accusation individuelle de l'acte, le Procureur,
19 dans la présentation de ces éléments de preuve, était donc tenu
20 d'établir un niveau de preuve suffisant pour convaincre n'importe quel
21 observateur extérieur, c'est-à-dire un niveau qui eut permis à
22 n'importe quel observateur extérieur de parvenir à la conclusion que
23 mon client avait bien une responsabilité. Selon les termes de notre
24 Statut, le Procureur avait pour devoir d'établir l'existence
25 d'arguments de base prima facie à l’appui de chacun des chefs
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1 d’accusation de l'acte d'accusation.
2 M. Ostberg, membre du bureau du Procureur, lorsqu’il s'est
3 exprimé dans ce Tribunal, a spécifié les responsabilités du Procureur
4 par rapport à mon client, M. Delalic. Il
5 a stipulé précisément que les éléments de preuve du Bureau du
6 Procureur prouveraient que Zejnil Delalic a participé à l'activité de
7 la présidence de guerre de Konjic, qu'il avait été nommé coordinateur
8 des forces participant à la guerre et à la présidence de guerre, qu'il
9 avait joué un rôle actif dans les attaques contre Bradina et d'autres
10 villages dans la région de Konjic. Il a stipulé que, dans ces
11 activités, il avait la responsabilité la plus importante sur la prison
12 de Celebici et donc sur toutes les personnes qui travaillaient dans
13 cette prison.
14 Il a stipulé qu'il s'agissait bien d'un commandement direct,
15 d'une responsabilité hiérarchique directe, que M. Delalic avait
16 connaissance ou des raisons de connaître que des crimes ont été commis
17 dans cette prison, qu'il ne les a pas empêchés, qu'il n'a pas puni les
18 auteurs de ces crimes.
19 Le Procureur a pris l'engagement également d'établir la
20 preuve du commandement direct ou indirect et de la responsabilité dans
21 le cadre de ce commandement, qu'il s'agisse d'un commandement de jure
22 ou de facto. Le Procureur a stipulé très précisément que toutes les
23 personnes qui avaient un rapport avec cette prison se trouvaient sous
24 le contrôle et le commandement de M. Delalic. Le Procureur a dit qu’il
25 allait le prouver et que ces personnes étaient subordonnées à
Page 9711
1 M. Delalic pendant la période qui nous intéresse.
2 Compte tenu de ces déclarations du Procureur, il a été ajouté
3 que le Procureur allait s'efforcer de prouver la filière de
4 commandement avec tous les chaînons participant à cette filière qui
5 permettrait d'arriver jusqu'à M. Zejnil Delalic.
6 Maintenant, ce qui constitue une position assez peu claire du
7 Procureur vis-à-vis de mon client, c'est la déclaration du Procureur
8 selon laquelle il n'allait pas discuter des compétences de
9 Zejnil Delalic établies sur le papier. Considérant qu'il n'existait
10 pas d'organe distinct dans cette période qui eut à lui seul représenté
11 l'organe responsable de la prison de Celebici, le Procureur allait
12 partir du principe que, dans ces conditions, la personne
13 responsable de la prison était mon client, Zejnil Delalic. Dans la
14 phase d’audition de ses témoins, le Procureur n'était pas lui-même
15 absolument sûr de la période durant laquelle mon client était censé
16 avoir rempli certaines fonctions. En effet, le Procureur cite une
17 période qui démarre au mois d'avril, dans ses écrits, alors que, dans
18 ses interventions orales devant la Chambre de première instance, le
19 Procureur a cité la deuxième moitié du mois de mai 1992 comme date de
20 départ de cette période.
21 A cette époque, déjà, le Procureur n'était pas non plus tout
22 à fait sûr que mon client exerçait des positions de commandement du
23 groupe Tactique numéro un. Il ne savait pas déterminer si cette
24 responsabilité commençait au mois de juillet, première moitié de
25 juillet, deuxième moitié de juillet, ou le mois de mai, ou le mois de
Page 9712
1 juin. Cela dit, le Procureur a stipulé qu'il allait se prononcer sur
2 ce point au cours de ses diverses interventions dans le procès. Depuis
3 le premier instant, le problème de la responsabilité de
4 M. Zejnil Delalic dépendait donc des réponses apportées à des
5 questions générales, relatives au commandement.
6 La défense a, depuis le début, affirmé que Zejnil Delalic ne
7 bénéficiait pas du statut de commandant, ni dans l'une, ni dans
8 l'autre des fonctions qu'il a exercées en 1992 dans la région de
9 Konjic. Dans l'exposé de nos arguments au cours de ce procès, nous
10 sommes partis très clairement des critères et des normes généraux qui
11 ont déjà été utilisés dans le procès Tadic. Nous considérons que, dans
12 le procès auquel nous participons, ce qui est en cause est le fait que
13 le Procureur n'a pas établi l’existence d'arguments prima facie d’une
14 part et que, après l’audition des témoins qu’il a cités à la barre de
15 cette Chambre de première instance, le Procureur n'est parvenu qu'à
16 prouver une seule chose, le fait que Zejnil Delalic n'avait pas de
17 poste de commandement dans cette prison. En conséquence, tous les
18 chefs d’accusation retenus contre lui doivent être abandonnés, à notre
19 avis.
20 La défense s'appuie pour ce dire sur des normes précises qui
21 justifient l'abandon
22 de ces chefs d'inculpation. Nous avons établi nos arguments dans notre
23 document écrit, document qui est conjoint avec les arguments des
24 autres membres de la défense. Mais, nous ajoutons par ailleurs que,
25 dans cette affaire et dans d'autres affaires, le Tribunal a établi que
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1 c'était au Procureur qu'incombait le fardeau de la preuve et que,
2 lorsqu'une preuve n'était pas établie de façon appropriée, tout à fait
3 logiquement, il convenait d'abandonner les charges.
4 Bien entendu, il convient de partir pour ce faire des
5 éléments de preuve qui ont été présentés à la Chambre de première
6 instance et que celle-ci a accepté de verser au dossier. Il y a
7 obligation de prouver chacun des éléments de l'acte infractionnel
8 retenus contre les accusés et notamment contre Zejnil Delalic. Par
9 conséquent, vous me permettrez, je pense, de revenir sur chacune de
10 ces éléments, tout en cherchant à ne pas répéter ce qui a déjà été dit
11 dans notre document commun. Mais je souhaite apporter une réponse
12 précise aux différents éléments qui ont été présentés par le Procureur
13 dans sa réponse à notre requête. Mon confrère, Me Tom Moran,a établi
14 un certain nombre d'éléments généraux liés à la responsabilité d'une
15 personne individuelle.
16 Dans ces conditions, pour arriver à l'application de
17 l'article 7-3 et établir la responsabilité en vertu de 7-3 de notre
18 Statut, il importe de répondre à la question posée par le statut de la
19 personne en question. Il est donc indispensable d'établir l'existence
20 d'argument prima facie, c'est-à-dire d'éliminer dans cette phase du
21 procès, la moindre suspicion quant au fait qu'une personne - à savoir
22 dans le cas qui nous intéresse Zejnil Delalic - n'avait pas de
23 position de commandement. C'est important parce qu'étant donnée la
24 nécessité de prouver l'existence d'arguments prima facie, la
25 détermination du statut d'une personne déterminée peut déboucher
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1 éventuellement sur l'interruption du procès, c'est-à-dire l'abandon
2 des charges retenues contre l'accusée.
3 La défense de Zejnil Delalic a, depuis le début du procès,
4 affirmé que, ni en tant
5 que coordinateur, ni en tant que dirigeant du groupe Tactique numéro
6 un, à aucun moment pris en compte dans l'acte d'accusations
7 Zejnil Delalic n'avait ce statut dans la prison dont nous parlons. A
8 aucun moment il n'a eu la moindre responsabilité par rapport aux
9 personnes qui travaillaient dans le camp ou qui pénétraient dans le
10 camp et y ont commis un certain nombre d'actes criminels évoqués dans
11 l'acte d'accusation.
12 Même si entre la rédaction écrite de l'acte d'accusation et
13 la présentation orale des arguments du Procureur, il y a eu un certain
14 laps de temps, pour ce qui nous concerne dans nos documents écrits
15 nous nous en sommes tenus à l'examen de l’acte d'accusation écrit.
16 C'est tout à fait normal. Nous l'avons fait à tout moment lorsque nous
17 avons discuté de la responsabilité des compétences de notre client.
18 A la première réponse apportée par lui à l’une de nos
19 requêtes, le Procureur a affirmé que pendant toute cette période
20 Zejnil Delalic, en tant que coordinateur, avait une fonction militaire
21 immanente et que sa responsabilité découlait des fonctions militaires
22 fondamentales qu'il exerçait.
23 Ceci facilite la tâche à la défense dans sa volonté de prouver
24 que le Procureur ne peut, en aucun cas, en exprimant des arguments de ce
25 genre, prouver l'existence d'éléments prima facie à l'encontre de mon
Page 9715
1 client. Tout ce qui a été entendu au cours du procès prouve le contraire.
2 Je me dois de faire remarquer qu'à aucun moment une filière de
3 commandement n'a pu être prouvée entre les gardiens, les autres personnes
4 qui pénétraient dans le camp pour y commettre des actes criminels et mon
5 client, l'accusé dans cette affaire. Or devant ce Tribunal, il est
6 absolument normal, puisque cette fonction n'a pu être prouvée, de parvenir
7 à l'abandon des charges retenues contre mon client. Compte tenu que nous
8 considérons que l'existence d'éléments prima facie quant au statut de
9 notre client n'a pas été prouvée, il est tout à fait normal d'essayer, à
10 ce moment-là, de constater si oui ou non les éléments relevant de
11 l'article
12 7(3) existent ou non.
13 Si le statut n'a pas pu être prouvé, il nous paraît logique
14 d'affirmer que, dans ces conditions, il est impossible de discuter de sa
15 responsabilité de connaissance ou de non connaissance. Il est également
16 impossible de discuter de son intervention ou de sa non intervention dans
17 le cadre d'un empêchement ou d'une punition de tel ou tel acte.
18 Dans notre document écrit, nous avons traité des différentes
19 questions dans un ordre déterminé. Le Procureur dans sa réponse a adopté
20 le même ordre dans son argumentation. Il est parti du principe que depuis
21 le début du mois de mai 1992, notre client Zejnil Delalic a occupé le
22 poste de commandant. Monsieur le Président, nous avons entendu un grand
23 nombre de témoins au cours de ce procès. Très peu d'entre eux ont parlé de
24 Zejnil Delalic, pour ce simple fait qu'il était dans une position inégale
25 par rapport aux autres accusés présents au cours de ce procès.
Page 9716
1 Malheureusement, la disjonction d'instance a été refusée, alors
2 que cela aurait permis très rapidement de prouver si oui ou non
3 Zejnil Delalic occupait le poste qui aurait pu faire de lui quelqu'un qui
4 assumait des responsabilités particulières par rapport à la prison. Vous
5 constaterez que cela fait plus de deux ans que nous attendons de voir des
6 témoins qui parleraient éventuellement du rôle de Zejnil Delalic dans la
7 prison et des fonctions occupées par lui dans cette même prison.
8 Qu'a fait Zejnil Delalic ? Qu'était-il pendant la période qui
9 nous intéresse à Konjic ? Je crois que les réponses à ces questions
10 seraient les plus à même de prouver si oui ou non il avait un poste de
11 commandant et si oui ou non le Procureur a réussi à établir l'existence
12 d'éléments prima facie à l'appui de sa responsabilité. Dans notre document
13 écrit, nous sommes partis du 18 mai, date à laquelle pour la première
14 fois, Zejnil Delalic intervient dans des rapports entre la présidence de
15 guerre et les personnels armés qui agissaient à Konjic. Dans son rapport,
16 le Procureur affirme qu'à cette période, Zejnil Delalic avait un poste de
17 commandement. Pour prouver cela, il nous parle de la nomination du 2 mai
18 par laquelle
19 Zejnil Delalic a été rendu responsable d'un certain nombre d'activités
20 liées à la logistique. Le Procureur nous soumet également une vidéo de la
21 télévision de Zagreb dans laquelle nous voyons le journaliste s'adressant
22 à Zejnil Delalic par le terme de "commandant".
23 Monsieur le Président, moi, je peux vous affirmer que ces
24 éléments de preuve prouvent exactement l'inverse. Un élément qui a été
25 montré devant ce Tribunal et qui est lié à la date du 2 mai 1992 a mis en
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1 place un organe civil, à savoir la présidence de guerre de la municipalité
2 de Konjic. Cette preuve a été soumise sous la forme d'une autorisation
3 spéciale, qui découlait d'une décision de la présidence de guerre. Elle
4 chargeait Zejnil Delalic d'un certain nombre d'activités dans le cadre des
5 activités logistiques liées au danger imminent de guerre. Dans ces
6 conditions extraordinaires, Zejnil Delalic était chargé d'assurer la
7 préparation à un éventuel danger de guerre et d'organiser l'appui
8 logistique aux forces de défense. Cet élément de preuve montre que
9 Zejnil Delalic n'avait aucune fonction particulière.
10 Le deuxième élément de preuve est la façon dont le journaliste
11 s'adresse à Zejnil Delalic à Zagreb. Je vous renvoie, Monsieur le
12 Président, à d'autres éléments de preuve qui montrent bien ce que
13 Zejnil Delalic a dit au sujet de la preuve dont je suis en train de
14 parler. Il a dit : "Tout de même, vous ne pensez pas que c'est un
15 journaliste de Zagreb qui m'a nommé à des positions militaires !".
16 Quelques jours plus tard, il a été nommé coordinateur de la présidence de
17 guerre. Nous voyons mal comment un commandant pourrait dix jours plus tard
18 devenir coordinateur, ayant remporté le nombre de succès dont parle le
19 Procureur.
20 Les éléments avancés par le Procureur sont sans fondement, en
21 tout cas concernant la responsabilité de Zejnil Delalic ou l'existence
22 d'un poste de commandant occupé par celui-ci. Les éléments liés à la
23 télévision de Zagreb présentés par le Procureur et ceux évoqués par le
24 général Divjak, par le général Pasalic et par d'autres personnes qui
25 vivaient à l'époque dans la région de Konjic et qui sont venus parler à la
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1 barre, montrent bien qu'à l'époque Zejnil Delalic n'avait aucun poste de
2 commandement. Souvenez-vous du général Pasalic et de ce qu'il a dit :
3 "J'ai chargé Zejnil Delalic d'agir en tant que coordinateur entre les
4 forces de Konjic et la présidence de guerre ce qui lui donnait
5 effectivement certaines responsabilités militaires, mais il était mon
6 subordonné. Un coordinateur n'est jamais une personne occupant un poste
7 déterminé. Le poste de coordinateur n'est pas un poste de commandement.
8 C'est moi qui commandait."
9 Dans ces conditions, si c'est un organe civil qui a nommé le
10 coordinateur, il est clair que l'on parle d'une fonction civile et qu'il
11 faut à ce moment-là se pencher sur l'organe civil qui a nommé la personne
12 en question à ce poste. Par la dénomination même de ces fonctions, il
13 apparaît tout à fait clairement que, pendant la période qui nous
14 intéresse, Zejnil Delalic n'occupait aucun poste militaire. Dans ses
15 activités civiles, il avait des taches de coordination entre la présidence
16 de guerre et les forces qui défendaient la région, mais c'est un organe
17 civil qui l'a nommé. Ses compétences ne peuvent être que des compétences
18 civiles. En tout cas, ce n'étaient pas des compétences de commandement ou
19 des compétences lui permettant de donner des ordres dans le cadre de
20 l'armée.
21 Si l'on se souvient de ce qui a été dit par les témoins, il
22 apparaît manifestement que mon client n'avait, à l'époque, aucune
23 compétence de commandement et en tout cas aucune compétence en tant que
24 supérieur hiérarchique pouvant donner des ordres militaires.
25 Compte tenu de ce que nous avons exposé dans notre document
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1 écrit, il apparaît que la période, durant laquelle Zejnil Delalic a
2 exécuté des activités de coordination, s'étend du 18 mai au 27 juillet au
3 plus tard. Cette fonction ne s'arrête pas le 27 juillet, date où un
4 conflit a éclaté avec le HVO, date à laquelle Zejnil Delalic est parti
5 pendant plus d'un mois en un autre lieu pour participer à des activités
6 belligérantes.
7 Le seul élément de preuve sur lequel nous pouvons nous appuyer à
8 ce sujet est l'exposé fait par les deux généraux qui se sont exprimés ici,
9 qui ont dit que le poste de coordinateur n'était pas un poste officiel.
10 Cela a été confirmé également par un certain nombre
11 de militaires qui ont déclaré que ce poste n'existait pas dans
12 l'organigramme des forces armées, quelles que soient ces forces armées, ni
13 dans les documents qui décrivaient les activités exécutées par
14 Zejnil Delalic en tant que coordinateur. Nous avons soumis ces éléments de
15 preuve au Tribunal, nous avons entendu tous les témoins. Ils ont subi des
16 questions dans le cadre d'un interrogatoire principal et d'un contre
17 interrogatoire très animé. Tous ces témoins ont confirmé la thèse avancée
18 aujourd'hui par la défense.
19 Par conséquent, le Procureur n'a présenté aucune preuve relative
20 à cette période permettant de conclure que Zejnil Delalic a occupé une
21 quelconque fonction militaire ou civile, ou qui eut pu faire double emploi
22 par rapport à un poste militaire. Il n'avait donc pas la capacité
23 d'exercer la responsabilité de supérieur hiérarchique, d'émettre des
24 ordres, de superviser l'exécution de ces ordres ou de punir ceux qui ne
25 les avaient pas exécutés.
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1 Les éléments présentés devant cette cour montrent, par exemple,
2 que dans le cadre des batailles de Bradina, le commandement des opérations
3 relevait du HVO pour Bradina en particulier. Nous avons vu aussi qu'à
4 Konjic, il y avait un commandement conjoint impliquant la défense
5 territoriale et le HVO à partir du 12 mai. Ce fait peut être vérifié dans
6 les déclarations de Zdravko Mucic en particulier.
7 Pendant la période de juin et juillet, selon les éléments de
8 preuve présentés au Tribunal, Zejnil Delalic a eu des activités liées à la
9 logistique et a eu une influence sur la présidence de guerre relevant de
10 ses fonctions concrètes. C'est un organe civil, la présidence de guerre,
11 je l'ai déjà dit, qui l'a nommé à ce poste de coordinateur. Cette
12 nomination montre clairement que la présidence l'a chargé de ces
13 responsabilités dans le cadre des préparations à la guerre organisées sur
14 le territoire de la municipalité de Konjic. Ces activités rentraient donc
15 dans le cadre plus général des activités de la mairie. Or une mairie n'a
16 aucune compétence pour donner des ordres militaires ou vérifier
17 l'exécution d'un ordre militaire sur son territoire.
18 Monsieur le Président, madame et messieurs les Juges, je
19 souhaiterais faire une
20 petite pause dans la présentation de mes arguments pour attirer
21 l'attention sur le fait que la traduction du décret visant à la nomination
22 de M. Delalic est erronée et j'aimerais donc que les équipes de traduction
23 s'occupent de rectifier cette erreur. J'espère qu'il ne s'agit que d'une
24 erreur de traduction parce que ce qui apparaît comme étant la mission du
25 coordinateur a été mal traduit. C'est le point 2 de la décision.
Page 9721
1 Il apparaît que le coordinateur de défense doit directement
2 coordonner les opérations menées par les forces de la défense de la
3 municipalité de Konjic et celles menées par la présidence de guerre.
4 Malheureusement, la traduction qui apparaît dans ce document omet de citer
5 le mot entre. Or, ce mot existait bien dans la traduction initiale qui
6 nous a été fournie par le Procureur. Cette omission est extrêmement
7 importante parce que le terme coordinateur exprime bien qu'il y a un
8 rapport entre deux entités et le mot entre, dans ma langue et dans la
9 vôtre également, j'en suis sûre, indique bien qu'il y a cette nature de
10 rapports entre deux entités.
11 Je reprends mes arguments. Il est donc apparent que dans le
12 cadre de sa mission qui lui a été confiée par une entité civile, il devait
13 coordonner des activités, il devait agir en tant que médiateur dans des
14 conditions extrêmement spécifiques et difficiles à Konjic. Il n'est pas
15 possible de déduire de cette définition quelque chose d'autre que l'idée
16 selon laquelle Zejnil Delalic ne faisait qu'exécuter des ordres émis par
17 une entité supérieure.
18 Il est évident qu'il n'était pas lui-même en position de
19 supériorité et d'autorité. C'est un autre argument avancé par la défense
20 et à laquelle s'oppose l'accusation. Celle-ci se déclare exactement à
21 l'opposé de ce que nous avançons. Or, nous maintenons que M. Delalic
22 n'était pas lui-même un supérieur hiérarchique.
23 Dans le cadre des délégations générales concernant la
24 responsabilité du supérieur hiérarchique, une question se pose. Quand une
25 personne civile peut-elle se voir revêtue de l'autorité du supérieur
Page 9722
1 hiérarchique ? Nous avons affirmé que cela ne peut se présenter que
2 lorsqu'une personne civile jouit de la même autorité qu'un commandant
3 militaire. Je ne veux pas
4 répéter encore et encore nos arguments mais je voudrais simplement dire
5 qu'il est clair, au vu de ce que j'ai dit à propos d'un coordinateur,
6 qu'il ne s'agissait pas là d'une mission civile ou d'une mission civile
7 d'autorité supérieure.
8 Je voudrais préciser que coordinateur ne peut en aucun cas voir
9 sa mission être comparée avec la mission d'un commandant militaire
10 supérieur. Je voudrais également préciser ici que l'accusation n'a fourni
11 aucun moyen de preuve pouvant suggérer que Zejnil Delalic en tant que
12 coordinateur a eu un quelconque subordonné placé sous ses ordres, ne
13 serait-ce qu'une simple secrétaire.
14 Le Procureur dans sa réponse à notre requête a fait valoir les
15 pouvoirs actuels dont aurait joui Zejnil Delalic. Comme les moyens de
16 preuve l'ont montrés, il n'était membre d'aucun parti politique ni d'une
17 quelconque organisation ou d'une quelconque entité politique. Il n'avait
18 pas non plus un rôle politique au sein de l'Etat.
19 Dans notre mémoire écrit, nous avons souligné la déclaration du
20 témoin Sabine Manke, du témoin Petko Grubac et nous avons également attiré
21 l'attention de la Chambre de première instance sur certains éléments qui
22 sont très clairs depuis le début de l'affaire et qui concernent
23 Zejnil Delalic. Ces éléments de preuve qui ont été présentés par
24 l'accusation ne viennent en aucun cas corroborer l'allégation selon
25 laquelle Zejnil Delalic avait des fonctions politiques ou des fonctions au
Page 9723
1 sein des structures de l'Etat ou toutes autres fonctions similaires qui
2 lui auraient permis d'assumer une position de supérieur hiérarchique dans
3 le sens donné dans l'introduction générale.
4 La question qui se pose est de savoir jusqu'à quand
5 Zejnil Delalic a été coordinateur. D'après ce qui a été dit et avancé par
6 le conseil de la défense de Zejnil Delalic, cela a été corroboré par
7 nombre de témoignages, il a occupé cette fonction de commandement du 1er
8 groupe tactique après avoir été nommé le 27 juillet. C'est alors qu'il
9 s'est déplacé, qu'il est parti de Konjic pour se rendre aux alentours de
10 Sarajevo.
11 Dès lors, il a cessé d'occuper ses fonctions de coordinateur. Il
12 a même cessé de les occuper avant le 27 juin lorsqu'il a abandonné les
13 opérations de combat à Vranske Stijen. Cela est vrai et a été confirmé par
14 des déclarations de témoins de l'accusation en prétoire. Les témoins Haraz
15 et un autre témoin ont déclaré qu'ils avaient vu Zejnil Delalic en tant
16 que coordinateur au mois de juillet à Vranske Stijen. D'autre part, il a
17 été dit qu'un des témoins a déclaré que juste après qu'il ait été libéré
18 de prison, Zejnil Delalic venait d'arriver d'une localité se trouvant
19 juste à côté de Vranske Stijen. Tous ces faits sont également confirmés
20 par la pièce 126/1.
21 Le Procureur dans sa réponse déclare que Zejnil Delalic jouait
22 un rôle particulièrement important dans le cadre des opérations militaires
23 et dans la région de Konjic. Or, cette Chambre de première instance, à
24 l'encontre précisément de cela, a admis des éléments de preuve tout à fait
25 authentiques et fiables. Je parle des pièces à conviction 124 à savoir
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1 l'ordre émis par le commandant de la défense territoriale de Konjic, émis
2 par le commandement suprême et signé par le responsable compétent,
3 M. Halilovic. Selon cet ordre, l'équipe municipale ou les responsables
4 municipaux de la défense territoriale doivent absolument lancer un certain
5 nombre d'opérations militaires en direction de Kalinovik.
6 En outre, une autre pièce à conviction a été admise au cours des
7 procédures et montre qu'il y avait coordination des opérations de guerre
8 dans la municipalité de Konjic. Il s'agit de la pièce à conviction D125/1.
9 Il apparaît clairement à la lecture de cette pièce que le commandant de
10 ces opérations était le commandant de la défense territoriale Ezad Ramic.
11 Ces pièces à conviction confirment qu'en aucun cas ne se pose la question
12 du rôle militaire qu'aurait pu jouer Zejnil Delalic au cours de cette
13 période. Il s'agit de pièces entièrement dignes de confiance,
14 authentifiées qui ont été présentées et admises par la Chambre de première
15 instance.
16 Hormis ces activités de coordinateur de Zejnil Delalic et outre
17 ses fonctions en tant qu'assistant au sein de la présidence de guerre et
18 parmi ces fonctions, il devait établir un certain
19 nombre de liens avec d'autres entités qui devaient faire face à la tâche
20 pharaonique d'organiser la vie quotidienne à Konjic dans une situation de
21 guerre. Vous avez d'ailleurs entendu un certain nombre de témoins qui ont
22 apporté des éléments d'information sur ce point, notamment les témoins
23 Zebic et Dzajic. Il est apparent, n'est-ce pas, que pendant toute cette
24 période les tâches du coordinateur étaient notamment d'établir des liens
25 lui permettant d'assurer l'approvisionnement et un minimum de conditions
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1 de vie correcte pour toute une population et pour quelque 25 000 réfugiés
2 qui, en très peu de temps, en une période d'un mois, on atteint Konjic. Je
3 vous le rappelle Konjic devait être quotidiennement exposé à au moins
4 60 obus : c'est ce qui tombait sur la ville quotidiennement. De même, il a
5 dû coordonner les rapports existant entre les forces de défense de la
6 municipalité de Konjic et la présidence de guerre. Il ne pouvait pas
7 travailler tout seul pour établir ces liens. Il n'apparaît nul part que
8 Zejnil Delalic occupait un poste tel qui lui permettait de figurer dans la
9 chaîne de commandement.
10 Je vous rappelle que c'est à cette époque que le Général Parlic
11 a déclaré que lorsque les opérations de combat étaient menées, les
12 problèmes quant à la vie quotidienne des citoyens devaient être réglés et
13 qu'en même temps, il fallait que l'armée fonctionne comme elle doit le
14 faire dans des conditions de guerre.
15 Pour conclure, tous ces éléments qui ont trait aux fonctions du
16 coordinateur et qui font référence à ce poste comme étant un poste à
17 prédominance militaire ou plutôt qui explique qu'une personne civile
18 occupant ce poste revêt une autorité militaire et bien sur tous ces
19 éléments ont peu spécifier qu'au vu des éléments de preuve qui ont été
20 présentés par l'accusation. La seule chose que l'on peut dire c'est que
21 Zejnil Delalic qui ne faisait qu'exécuter des fonctions qui lui avaient
22 été confiées par la présidence de guerre, qui étaient des fonctions de
23 coordinateur, qu'il n'avait pas une position de supérieur hiérarchique et
24 d'autorité supérieure.
25 Dans sa réponse à notre requête, le Procureur essaie de nous
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1 renvoyer à certaines circonstances exceptionnelles qui pourraient
2 justifier qu'une personne devienne un supérieur
3 hiérarchique, pas dans le sens juridique du terme mais dans le sens
4 factuel.
5 D'autre part, nous disposons des éléments de preuve qui ont été
6 présentés en prétoire et du témoignage d'un certain nombre de témoins qui
7 nous disent exactement le contraire, notamment les généraux Divjak et
8 Pasalic, qui au cours de leur témoignage ont déclaré qu'en Bosnie-
9 Herzégovine, tout de suite après le début de la guerre, un décret a été
10 émis concernant l'organisation de l'armée et notamment le 15 avril, le
11 décret de fondation de l'armée de Bosnie-Herzégovine a été émis. Le
12 17 avril déjà à Konjic un état major a été créé qui correspondait aux
13 nouvelles réglementations de la république de Bosnie-Herzégovine. Un
14 membre de la république s'est rendu à Konjic pour aider à l'organisation
15 et pour coordonner les activités de ce nouveau corps d'armée avec celles
16 du HVO, notamment le Général Divjak n'a pas seulement confirmé que
17 certaines instructions provisoires avaient été émises concernant
18 l'organisation de la défense territoriale et des états-majors de la
19 république de Bosnie-Herzégovine. Il a également précisé que c'était lui-
20 même qui était à l'origine de ces instructions et comme le Pr Gow l’a
21 déclaré, s'ils ont dit autre chose dans le cadre de leur témoignage en
22 deux occurrences différentes, il faut s'appuyer sur l'ensemble de leur
23 témoignage.
24 Monsieur le Président, ce témoin montre clairement que les
25 états-majors municipaux étaient subordonnés aux états-majors de district,
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1 conformément aux instructions dont je viens de parler. C'est notamment le
2 cas dans le secteur de Mostar. Il faut également préciser que c'était les
3 états-majors municipaux qui étaient directement responsables vis-à-vis de
4 l’état-major de la Bosnie-Herzégovine. En conséquence, dans aucune filière
5 de commandement, dans aucune chaîne militaire de commandement, on ne
6 trouve le poste de coordinateur. On ne peut donc pas trouver dans aucune
7 chaîne de commandement, Zejnil Delalic, notre client. Comme je l'ai déjà
8 affirmé, son rôle n'était que civil.
9 L'argument ensuite avancé par la défense est celui qui vise à
10 essayer de prouver que Zejnil Delalic avait effectivement l'autorité
11 nécessaire pour émettre des ordres et, pour ce faire,
12 l'accusation se réfère à une ordonnance visant à la création d'un lien
13 ferroviaire entre deux lieux différents. Il y a là encore une autre pièce,
14 la pièce 116, qui montre clairement que, le jour même de l'ouverture de ce
15 lien ferroviaire, Zejnil Delalic a déclaré qu'il ne faisait qu'obéir à des
16 ordres qui avaient été émis à son égard. Ce qu’a dit Zejnil Delalic sur la
17 télévision de Konjic, en juin, a été interprété dans le même sens par le
18 général Divjak. Ce dernier a déclaré qu’un coordinateur ne peut en aucun
19 cas apposer sa signature sur ses ordonnances et que, peut-être, il l’avait
20 signé parce qu'il manquait d'expérience en la matière, qu'il ne savait pas
21 comment réagir vis-à-vis de certains ordres. Peut-être aussi qu'il l'avait
22 signé simplement parce qu'il exécutait l'ordre ou parce qu'il était un
23 témoin de la rédaction de cet ordre.
24 Le Procureur, une fois encore, essaie d'établir que
25 Zejnil Delalic possédait effectivement une autorité supérieure. Il essaie
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1 d'établir les liens de Delalic avec la prison en déclarant que Delalic a
2 signé trois déclarations de libération de prisonnier. Dans un certain
3 nombre de requêtes indépendantes, nous nous sommes penchés exhaustivement
4 sur ce point. D'après le témoin C et d’autres témoins que nous avons
5 entendus dans ce prétoire, et qui ont été libérés de la prison, il est
6 apparent que plusieurs centaines de personnes ont effectivement été
7 libérées du camp de Celebici.
8 Seuls trois certificats de mise en liberté ont été présentés.
9 Dès que nous les avons vus, vous, Monsieur le Juge Jan, vous avez remarqué
10 qu'ils n'étaient pas similaires à ceux que nous avions vus préalablement.
11 Vous avez vu qu'une signature apparaissait sur ce document et le témoin
12 Miro Golubovic a déclaré qu'il s'agissait de la signature de
13 Zejnil Delalic. Or, celle-ci avait été apposée au nom de quelqu'un
14 d'autre. C'était donc au nom du responsable de la commission d'enquête que
15 cette signature avait été apposée.
16 Dans ce type de situation et, ainsi que l'a déclaré le témoin
17 Grubac, ceci signifie que la personne qui a signé ces trois certificats de
18 mise en liberté avait toute compétence pour le faire, compétence accordée
19 par une tierce personne. Ce qui est beaucoup plus important ici,
20 c'est que Zejnil Delalic a été accusé d'être le coordinateur et le
21 commandant du premier groupe Tactique. Or, pas un seul de ces certificats
22 de mise en liberté n’a été signé par le coordinateur ou par le commandant
23 du groupe Tactique. Toute tierce personne peut, sur autorisation d'une
24 autre personne, signer ce type de document. Par conséquent, Zejnil Delalic
25 ne peut avoir apposé sa signature en tant que personne jouissant d'une
Page 9729
1 autorité de supérieur hiérarchique.
2 Pour ce qui est de l'existence d'un lien quelconque entre
3 Zejnil Delalic et le camp de Celebici, point sur lequel le Procureur
4 semble déclarer que Delalic occupait dans cette situation le poste du
5 supérieur hiérarchique, nous souhaitons préciser que Delalic n'est entré
6 dans le camp qu'une, deux ou trois fois. Il a d'ailleurs en cette occasion
7 parlé au témoin B. Il a peut-être en cette occasion signé ces certificats
8 de mise en liberté.
9 Je vous rappelle simplement ce qu'a dit le témoin Belin qui a
10 déclaré que le camp de Celebici couvre 85 000 m2 et comporte nombre de
11 bâtiments. Vous avez vu sur les cassettes vidéo de nombreux camions. Vous
12 avez appris par le biais du témoin Belin que la prison ne représentait que
13 cinq pour cent de l'ensemble de l'enceinte du camp. Toute personne entrant
14 dans l'enceinte de la prison de Celebici n'a pas forcément un degré
15 d'autorité hiérarchique quelconque.
16 Si nous nous penchons toujours sur les témoignages des témoins
17 de l’accusation, nous observons que le témoin D a déclaré un certain
18 nombre de choses qui nous permettent d'apporter un peu de clarté sur ce
19 qui s'est passé. Il a sans doute rencontré deux fois Zejnil Delalic qui
20 lui a expliqué un certain nombre de choses. Mais le fait que quelqu'un
21 explique quelque chose à quelqu'un d'autre ne signifie pas que la personne
22 qui donne des explications est dans une position de supérieur
23 hiérarchique. Cela ne veut pas dire qu’il émet des ordres, qu’il contrôle
24 ou qu'il punit qui que ce soit pour manquement à des obligations ou pour
25 non-exécution d'ordre.
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1 Ce témoin d'accusation donc, hormis le fait qu'il a déclaré
2 avoir reçu un uniforme
3 - ce qui est bien normal pour un homme chargé de la logistique -, hormis
4 le fait qu’il a confirmé que les Croates avaient été nommés par d'autres
5 Croates, hormis le fait qu'il a déclaré qu'il était arrivé à Celebici sur
6 instruction du HVO de Mostar à Konjic, qu’il était allé au HVO pour faire
7 état de certains événements dont il avait été témoin à Celebici, il a
8 déclaré qu'il n'avait jamais vu l'original du document présenté dans cette
9 Chambre de première instance comme étant un rapport sur la situation
10 prévalant à Celebici.
11 Ce témoignage ne doit donc avoir aucune influence sur la
12 décision que va prendre cette Chambre de première instance quant à savoir
13 si l'accusation a effectivement prouvé la position occupée par
14 Zejnil Delalic en tant que personne jouissant d'un degré d'autorité de
15 supérieur hiérarchique.
16 Pour ce qui est maintenant des arguments présentés relatifs au
17 groupe Tactique, je vais tâcher d'être très succincte. Je stipule
18 simplement que le coordinateur n'avait aucune fonction militaire clef,
19 comme semble l'indiquer l’accusation. Je souhaite préciser que le
20 coordinateur n’était en aucun cas un supérieur hiérarchique et qu'il était
21 encore moins un supérieur hiérarchique militaire. Durant toute cette
22 période, Zejnil Delalic n'a eu aucun rapport avec la prison et les détenus
23 de la prison. L'accusation n'a rien présenté qui puisse nous permette de
24 placer Zejnil Delalic dans la chaîne de commandement.
25 Enfin, l’entité civile qui l'a nommé à ce poste en fonction de
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1 la constitution et de la loi en vigueur n'a aucune compétence pour ce qui
2 est de la création de prison, pour ce qui est de la nomination de
3 commandant de prison, de directeur de prison et par conséquent cette
4 entité civile n'aurait jamais pu lui donner cette autorité.
5 Pour ce qui est de la position de Zejnil Delalic en tant que
6 supérieur hiérarchique vis-à-vis de la prison et du personnel de la
7 prison, je souhaite préciser que, pendant qu’il était commandant du groupe
8 Tactique numéro un après le 27 juillet, il me semble que les témoignages
9 des généraux Divjak et Pasalic sont extrêmement révélateurs. Ces généraux
10 ont
11 étudié un certain nombre de documents qui leur ont été soumis, notamment
12 des ordres émis par Zejnil Delalic en tant que commandant du premier
13 groupe Tactique. Le commandant du groupe Tactique n'a qu'une mission
14 limitée dans le temps. En l'occurrence, la mission du groupe était de
15 lever le blocus qui pesait sur la ville de Sarajevo car c'était là le
16 problème le plus grave auquel devait faire face les forces de la défense
17 de ce pays.
18 Ce poste ne comprend aucune responsabilité qui pourrait être
19 comparée aux responsabilités qui étaient confiées aux états-majors de
20 district qui étaient créés à cette époque. Par conséquent, Zejnil Delalic
21 n'avait aucune compétence territoriale.
22 M. Jan (interprétation). - (Hors micro et inaudible.)
23 Vous parlez des états-majors de district et d'autres types
24 d'état-major. Pouvez-vous nous expliquer en quoi l'état-major de district
25 et l'état-major municipal différaient ? J'aimerais bien connaître la
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1 différence. Quels sont les rôles respectifs de ces deux types d'états-
2 majors ?
3 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Juge, une ville
4 constitue avec les villages qui l'entourent une municipalité. Plusieurs
5 municipalités constituent une région, plusieurs régions constituent un
6 district. C'est la façon dont était organisé le territoire avant la guerre
7 dans le cadre de la défense territoriale. Cette structure, comme l'a
8 expliqué le général Divjak et comme cela a été présenté dans des
9 instructions provisoires...
10 Mme McMurrey (interprétation). - Excusez-moi, je n'entends pas
11 l'interprétation. Je sais que mon confrère, M. Galijatovic n'entend pas le
12 serbo-croate, je n'obtiens pas non plus d'interprétation. J'espère que
13 cela pourra être réparé de façon à ce que nous puissions suivre.
14 M. le Président (interprétation). - Que se passe-t-il au niveau
15 des interprètes, pouvez-vous nous dire du côté de la cabine et des
16 techniciens si nous nous mettons sur le canal 4 ?
17 Mme McMurrey (interprétation). - Je suis sur le canal 4, mais
18 j'entends le serbo-croate.
19 M. le Président (interprétation). - Apparemment, il y a un
20 problème technique.
21 M. Jan (interprétation). - Aujourd'hui, vous devriez comprendre
22 suffisamment le serbo-croate !
23 Mme McMurrey (interprétation). - Vous avez raison,
24 Monsieur le Juge. Cela dit, je pense que M. Galijatovic ne comprend pas
25 suffisamment l'anglais pour pouvoir suivre aujourd'hui.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Je crois vous avoir apporté
2 les explications nécessaires. Il y a donc un village, au sein d'une
3 municipalité, qui est entouré par un district. Comme l'a dit le
4 général Divjac, trois districts n'ont pas accepté la proposition, à savoir
5 Mostar, Gorazde et Banja Luka. Toutes les villes situées autour de Mostar
6 -Capljina, Jablanica, Konjic- étaient directement liées à la création d'un
7 corps d'armée dépendant du quartier général de Sarajevo. Cette réponse
8 vous convient-elle ?
9 Dans cette situation, le Procureur tente de nous faire oublier
10 la déposition des deux généraux que j'ai citée. Il nous affirme que la
11 nomination de toutes les forces, c'est-à-dire de toutes les composantes de
12 ces forces, permet d'englober la compétence sur la prison de Celebici et
13 tous ces éléments.
14 Mais vous vous souvenez tout de même, je pense, de la déposition
15 du général Divjac qui a déclaré que "toutes les forces" ne pouvait pas
16 signifier "l'ensemble des forces" parce qu'un tel concept n'existe pas
17 dans la loi. Il faut tenir compte des activités de combat et des moyens
18 qui sont utilisés pour mener ces activités de combat.
19 A ce moment-là, Monsieur le Président, nous vous avons soumis un
20 certain nombre d'éléments de preuve tirés de l'ensemble de la région dont
21 relevait le groupe Tactique. Nous avons également vu une vidéo montrant le
22 commandant du quartier général de Prozor, Muharem Saric. Dans ces images
23 vidéo, après la prise de Prozor par les forces du HVO, celui-ci déclarait
24 très clairement qu'il était responsable de son quartier général de
25 district de Zenica, qu'il
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1 relevait donc d'un territoire tout à fait distinct de celui dans lequel
2 agissait Zejnil Delalic.
3 Une partie du territoire était sous la responsabilité de
4 Zejnil Delalic et dépendait directement de Sarajevo. Toutes les autres
5 forces de Prozor étaient placées sous la responsabilité du quartier
6 général du district de Zenica. Le Pr Gow a dit exactement la même chose.
7 Le territoire de Hadzic était dans la zone d'activité de Zejnil Delalic,
8 mais le général Divjac a précisé que dans ce cadre-là, un certain nombre
9 de forces relevaient de lui, sur la base d'une autorisation spéciale.
10 Il a été ajouté, c'est ce que le Pr Gow a dit au début de la
11 guerre, que toutes les forces avant et au début de la guerre étaient
12 subordonnées au quartier général de Sarajevo. Dans ces conditions, au fur
13 et à mesure de l'évolution des événements, l'armée de Bosnie-Herzégovine,
14 la création du premier corps d'armée, etc, sont des éléments nouveaux.
15 Cela peut paraître étonnant d'entendre le général Divjac
16 déclarer que toutes les forces ne représentent pas l'ensemble des forces,
17 mais le général Divjac a très lucidement expliqué que c'était bien le cas
18 et il a donné les éléments à l'appui de ses explications. Un certain
19 nombre d'éléments de preuve ont été versés au dossier dans ce sens.
20 Le groupe Tactique avait par conséquent une mission temporaire
21 limitée. Cette mission recouvrait un certain nombre de tâches précises et
22 il était tout à fait clair que les forces qui étaient détachées pour
23 exécuter ces tâches l'étaient sur une base provisoire.
24 Un certain nombre d'éléments de preuve montrent bien que
25 Zejnil Delalic n'avait pas d'autorité supérieure sur le camp de Celebici
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1 au moment où il avait des responsabilités dans le groupe Tactique n°1. Je
2 rappellerai à la Chambre de première instance que le groupe Tactique n°1
3 existait depuis le 21 mai. Zejnil Delalic a remplacé le colonel Polutak à
4 cette fonction. Il est impossible que des fonctions déterminées suivent la
5 personne. Si Zejnil Delalic était coordinateur, au moment où il a quitté
6 ses fonctions de coordinateur, il a bien fallu que ces responsabilités
7 soient remplies par quelqu'un d'autre.
8 J'insiste sur le fait qu'aucun des éléments de preuve, soumis
9 dans ce procès à la Chambre de première instance, ne permet de conclure à
10 la responsabilité de supérieur hiérarchique de Zejnil Delalic à quelque
11 moment que ce soit sur la prison de Celebici.
12 Les généraux que je viens de citer ont apporté des explications
13 sur lesquelles je viens de revenir de façon très détaillée. Deux ordres
14 ont été rédigés par Zejnil Delalic le 24 et le 28 août, qui pouvaient
15 établir un lien entre Zejnil Delalic et le camp de Celebici.
16 Mais il est tout à fait clairement établi qu'il s'agissait de la
17 transmission d'une instruction provenant du quartier général parce que
18 dans le préambule de ces ordres, il est écrit noir sur blanc que cet ordre
19 est une transmission d'ordres supérieurs venant du quartier général. Les
20 points liés au camp de Celebici indiquent qu'il est demandé que l'enquête
21 menée par la commission soit achevée, or cette commission ne fait pas
22 partie intégrante des autorités chargées du camp de Celebici. Cet
23 organisme a été mis en place conjointement par le HVO et la défense
24 territoriale.
25 La transmission de cet ordre avait un but bien précis :
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1 accélérer la réalisation de l'enquête au sujet d'un certain nombre de
2 personnes de façon à ce que les dispositions nécessaires puissent être
3 prises. L'analyse des éléments de preuve cités par le Procureur dans sa
4 réponse m'a permis de revenir sur un certain nombre de documents que nous
5 avons présentés par écrit.
6 J'ai réexaminé l'ensemble de nos documents et je vois qu'il est
7 impossible de conclure, sur la base de ce qu'affirme le Procureur, que
8 Zejnil Delalic avait le moindre statut de personne ayant une
9 responsabilité de supérieur hiérarchique. Bien au contraire tous ces
10 écrits montrent que Zejnil Delalic n'avait aucune responsabilité de
11 supérieur hiérarchique.
12 Je voudrais revenir sur un élément critique de plus que l'on
13 trouve dans la réponse du Procureur à notre requête. Le Procureur semble
14 s'étonner du fait que dans notre requête écrite nous n'avons jamais cité
15 les documents de Vienne. Permettez-moi, Monsieur le Président,
16 d'insister sur le fait que je parle bien jusqu'à présent d'éléments de
17 preuve que nous avons vus, qui sont authentifiés, qui sont irréfutables.
18 Ces éléments de preuve ont une valeur certaine et prouvent sans l'ombre
19 d'un doute que Zejnil Delalic n'a jamais occupé une fonction de
20 responsabilité, une fonction de compétence et notamment pas une position
21 de responsabilité sur la prison de Celebici.
22 Je dis notamment pas parce que lorsqu'il est devenu responsable
23 du groupe Tactique n°1, il ne fait aucun doute qu'il est devenu commandant
24 militaire et que dans le cadre de cette position de supériorité
25 hiérarchique, il
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1 avait des subordonnés. Mais l'accusation n'a présenté aucun
2 élément de preuve permettant de prouver que les soldats subordonnés à M.
3 Delalic à ce moment-là aient jamais pénétré dans le camp pour y commettre
4 des crimes. Si le Procureur avait réussi à le prouver, M. Delalic aurait
5 été responsable en vertu de l'article 7-3, mais puisque le Procureur ne
6 l'a pas prouvé, je n'ai pas jugé utile de prononcer le moindre mot à ce
7 sujet.
8 Le Procureur semble s'étonner du fait que nous ayons adopté la
9 position adoptée par rapport au document de Vienne. Je vais maintenant
10 vous donner un motif tout à fait concret. Avant-hier soir, nous avons reçu
11 une décision, une réponse à notre document écrit, à notre appel. Puisque
12 l'affaire est encore en cours, il est impossible d'agir, d'intervenir dans
13 cette affaire, mais la vraie raison après celle que je viens de citer,
14 après la soumission d'un si grand nombre d'éléments de preuve dans le
15 procès qui ont été authentifiés et confirmés, c'est que si l'on compare
16 les documents de Vienne aux éléments de preuve dont j'ai parlé
17 précédemment, on ne peut que déclarer que ces éléments de Vienne ne
18 peuvent rien changer au fait que les éléments de preuve présentés
19 antérieurement ont prouvé quelque chose de complètement différent. Je ne
20 dis pas que les documents de Vienne n'aient aucune valeur ou aucune
21 authenticité, il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce point
22 puisqu'une instruction est en cours, mais en tout cas ils ne peuvent pas
23 se comparer quant à l'objectif qu'ils atteignent.
24 Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont pas été authentifiés. Ils n'ont aucun
25 rapport avec le moindre point de l'accusation, avec les connaissances dont
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1 disposaient les auteurs qui ont écrit au moment des événements cités dans
2 l'acte d'accusation. Si nous acceptions de discuter aujourd'hui de ces
3 documents de Vienne, nous nous placerions d'emblée dans une situation
4 inégale. En effet, nous ne sommes pas en mesure, étant donné que nous ne
5 connaissons pas les auteurs de ces documents, de les citer à la barre.
6 Notre position en tant que défenseurs serait particulièrement pénible.
7 Nous ne savons pas quel est le contexte examiné par l'auteur qui a rédigé
8 le document en question. Est-ce parce que cet auteur est dans une
9 situation psychique déterminée ? Est-il ivre ? A-t-il une plainte
10 particulière à prononcer ? A-t-il été dans une situation qui l'a
11 contrainte à mentir et il a donc menti dans des circonstances très
12 précises ? Ou a-t-il été chargé de mener une propagande pour s'opposer à
13 la contre-propagande dont Zejnil Delalic a été la terrible victime à
14 l'époque des faits ?
15 L'ensemble de ces éléments nous place dans l'impossibilité
16 d'utiliser un document authentifié parmi les documents de Vienne pour
17 réfuter ou discuter des arguments exposés par le Procureur à l'égard de
18 Zejnil Delalic.
19 Néanmoins, puisque ces documents de Vienne ont été acceptés par
20 le Tribunal et puisque nous devons accepter les arguments qui ont été
21 utilisés dans l'affaire Tadic, Monsieur le Président, je voudrais vous
22 citer quelques exemples, si vous me le permettez, pour vous dire à quel
23 point nous avons le droit, nous sommes justifiés de ne pas discuter de ces
24 documents de Vienne par rapport au débat qui nous intéresse aujourd'hui, à
25 savoir l'existence ou la non-existence d'éléments prima facie prouvant le
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1 poste occupé par Zejnil Delalic.
2 En effet, de grandes contradictions sont dans ce document. Dans
3 la pièce à conviction 124, il est stipulé qu'en raison des tensions qui
4 prévalaient à l'époque, certains ont été forcés de mentir. Dans l'élément
5 de preuve numéro 118 que Zejnil Delalic a reconnu formellement et qui
6 montre quelles sont ces responsabilités au sein du groupe Tactique
7 numéro 1, il ne fait aucun doute que Zejnil Delalic a été effectivement
8 nommé au poste de commandant du groupe Tactique numéro 1 et qu'il a
9 remplacé le Colonel Polutak à ce poste.
10 Ce qui peut faire l'objet d'un débat, c'est la date à laquelle
11 cela ce fait s'est produit. Il est exact que Zejnil Delalic a reconnu un
12 document, un fax portant la date du 23 juillet, mais vous vous souvenez
13 des propos tenus par tous ceux qui ont parlé des communications, des
14 transmissions entre Zenica et Konjic. Zejnil Delalic a dit : "J'ai trouvé
15 ce document lorsque je suis arrivé au mois d'août à mon poste à Igman".
16 Rien dans tout cela ne permet de dire qu'il existe des arguments prima
17 facie susceptibles de prouver le poste occupé par Zejnil Delalic. Les
18 pièces à conviction 137 et 141 qui ont déjà été versées au dossier par le
19 truchement du témoignage du Général Pasalic ne font que confirmer les
20 éléments dont j'ai déjà parlé. La pièce à conviction 137 du 7 septembre
21 est une information fournie par le commandant du quatrième corps d'armée à
22 M. Pasalic. Rien n'y est dit au sujet de crimes commis contre les détenus
23 en décembre 1992. Ni le commandant Pasalic ni qui que ce soit d'autre
24 n'avait la moindre connaissance au sujet de tels crimes. Si le
25 commandant Pasalic avait eu la connaissance de ces crimes, il aurait
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1 entamé une enquête.
2 Le document pièce à conviction 141 concernant l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine et d'autres éléments sans aucun rapport avec la prison de
4 Celebici, porte sur des poursuites engagées contre Zejnil Delalic à
5 l'issue desquelles il a été libéré, comme vous le savez. Ce sont des
6 éléments qui, juridiquement, n'ont aucune pertinence car ils ne parlent ni
7 des Serbes ni des détenus enfermés dans la prison de Celebici.
8 Ces deux documents doivent être considérés dans le contexte du
9 témoignage du général Pasalic. Notamment, il fait état de certaines
10 fonctions occupées par Edib Saric et lorsqu'on lui a posé la question, ce
11 témoin a déclaré et apporté qu'il n'a pas vérifié quelles étaient les
12 fonctions occupées ni les noms des personnes qui étaient mentionnées. Il a
13 déclaré qu'il s'était fondé sur le rapport établit par sa commission. Vous
14 disposez d'éléments de preuve qui
15 font état de la fonction de Edib Saric. Ces documents ont été admis par la
16 Chambre de première instance.
17 Pour ce qui est des documents de Vienne, l'accusation s'en
18 inspire exhaustivement et il semble très clair que celle-ci ne dispose pas
19 suffisamment de preuves permettant d'établir un commencement d'affaire
20 contre Zejnil Delalic. Puis, l'accusation fournit un certain nombre
21 d'interprétations, par exemple l'interprétation selon laquelle il a joué
22 un rôle très important dans le cadre des opérations menées à Donje Selo.
23 Ensuite, nous avons assisté à la diffusion d'une séquence vidéo.
24 L'accusation a déclaré qu'il était possible d'entendre nombre de voix dans
25 cette séquence vidéo, que Zejnil ne s'y trouvait pas, mais si vous
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1 réécoutez cette cassette, madame et messieurs les Juges, vous vous
2 apercevrez que l'on n'entend pas la voix de l'accusé et aucun expert ne
3 nous permettra de savoir s'il parle et si l'on entend sa voix sur cette
4 cassette vidéo.
5 D'autres pièces à conviction traitent plutôt de certaines images
6 qui ont été filmées lors de la prestation de l'allégeance. Esad Ramic est
7 également cité en un certain nombre d'occasions.
8 Monsieur le Président, je vous rappelle que deux témoins
9 déclarent et donnent le nom de la personne qui était commandant, M. Boric,
10 commandant de la défense territoriale en mai. D'autre part, ils citent
11 Esad Ramic comme étant le commandant à partir du 1er juin.
12 Le premier témoin se trouvait sur la liste du Procureur et
13 celui-ci ne l'a pas appelé à comparaître et lorsque j'ai posé la question
14 pour savoir pourquoi le témoin se souhaitait pas venir, le Procureur a
15 déclaré : "Nous ne souhaitons plus citer ce témoin à comparaître" c'est
16 tout. Un autre témoin aurait pu nous dire ce qui s'est passé, mais le
17 Procureur ne l'a pas non plus cité à comparaître. Nous sommes tous ici des
18 personnes d'expérience, nous avons tous un certain nombre d'années de
19 carrière derrière nous et nous sommes à même d'évaluer des éléments de
20 preuve à leur juste valeur et lorsqu'un Procureur décide de ne pas citer à
21 comparaître ses propres témoins, c'est certainement parce que le témoin ne
22 peut pas confirmer
23 ce que l'accusation souhaite qu'il confirme.
24 Actuellement, l'accusation est sous l'obligation, au titre de
25 l'article 68 du Règlement, de communiquer tous les éléments de preuve à
Page 9742
1 décharge. Le Procureur n'a pas satisfait à cette obligation et se fonde
2 sur des documents qui n'ont pas été authentifiés et qui pourraient nous
3 renvoyer à ce témoin. Il est vrai que le Procureur n'a pas respecté son
4 obligation au titre de l'article 68 du Règlement, mais que dans d'autres
5 circonstances il a satisfait à ses obligations au titre de ce même
6 article. Par exemple, il nous a informé du fait de ce que Dramic avait dit
7 au sujet de Zejnil Delalic, à savoir que celui-ci n'était pas son
8 supérieur immédiat.
9 Si nous prenons tous ces éléments en compte,
10 monsieur le Président, et pour essayer de résumer un petit peu mon
11 argument en réponse à la réplique de l'accusation, je dirai que tous les
12 éléments de preuve présentés par le Bureau du Procureur au cours de
13 l'année qui s'est écoulée confirmaient une chose : Zejnil Delalic en tant
14 que coordinateur ou en tant que commandant du premier groupe Tactique
15 n'était pas une personne recouvrant l'autorité du supérieur hiérarchique.
16 Il n'avait pas autorité sur la prison, ni sur le personnel de la
17 prison. Il n'était pas responsable des tâches qui étaient menées à
18 l'intérieur de la prison ou des activités des personnes qui entraient dans
19 la prison. Zejnil Delalic n'avait pas le statut de supérieur hiérarchique,
20 que ce soit en tant que civil, en tant que coordinateur ou en tant que
21 commandant du premier groupe tactique, position qu'il occupait lorsqu'il
22 était dans les positions de combats, qui se trouvaient assez loin de la
23 ville de Konjic.
24 Pour toutes ces raisons, tous les chefs d'accusation qui
25 apparaissent dans l’acte d’accusation, ayant trait à Zejnil Delalic
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1 devraient d'ores et déjà être abandonnés, parce qu'il n'existe aucune
2 présomption qui permette d'établir sur des bases fondées, que
3 Zejnil Delalic ait été en quelque façon que ce soit, responsable des actes
4 qui lui sont imputés. L'accusation n'a avancé aucune preuve suffisante
5 pour permettre d'établir la responsabilité en la matière.
6 Très brièvement, j'aimerais faire des commentaires sur certains
7 points de l'article 7-3 du Règlement : Zejnil Delalic, en tant
8 qu'individu, avait-il connaissance ou avait-il des raisons de savoir qu'il
9 s'est passé quelque chose de particulier dans l'enceinte de Celebici ou
10 bien a-t-il puni les auteurs des crimes qui ont été commis ou a-t-il mené
11 une enquête sur la personne ou les personnes qui en ont commis dans le
12 cadre de cette enceinte ?
13 Je n'en ai pas pour très longtemps, Monsieur le Président,
14 cependant, je me demande s'il ne serait pas bon que nous prenions une
15 petite pause maintenant.
16 M. le Président (interprétation). - Maître, il me semble que
17 vous pourriez poursuivre sans interruption jusqu'à 16 heures 30, puis nous
18 lèverions la séance jusqu'à demain, parce que vous savez que nous devons
19 assister à la session plénière, si cela vous convient Maître. Nous
20 reprendrions nos travaux demain matin.
21 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
22 Ce n'est que s'il peut être prouvé qu'un individu a une position de
23 supérieur hiérarchique par rapport à ses subordonnés, ce n'est que dans ce
24 cas que sa responsabilité peut être établie au titre de l'article 7-3 du
25 statut.
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1 Je vais aborder maintenant des points juridiques, selon lesquels
2 il faut que pour chaque chef d'accusation, des éléments de preuve
3 suffisants soient réunis. S'il n'y a aucun élément de preuve qui permette
4 de déterminer que l'accusé avait connaissance de ce qui était en train de
5 se faire, les chefs d'accusation doivent être rejetés.
6 S'il n'y a aucune raison de penser qu'il avait des moyens qui
7 lui permettaient de savoir ce qui se passait, là aussi, les chefs
8 d'accusation doivent être rejetés. Si la personne n'était pas en mesure de
9 sanctionner les auteurs des crimes, alors là encore, il y a absence de
10 présomption suffisante et les chefs d'accusation doivent être rejetés.
11 Tous ceux-ci sont des motifs juridiques de rejet des chefs d'accusation et
12 je voudrais émettre un certain nombre de commentaires sur chacun des
13 points que je viens d'évoquer.
14 Mon éminent collègue, Maître Moran, a abordé certains points
15 théoriques de la théorie de la responsabilité du supérieur hiérarchique.
16 Cependant, nous devons également apporter des éléments factuels. Il faut
17 prouver factuellement que M. Delalic était présent, qu'il a été informé
18 par d'autres personnes de ce qui était en train de se passer. Il faut que
19 nous puissions prouver factuellement qu'il était au courant de la
20 commission de certaines infractions. Ceci dit, l'accusation n'a apporté
21 aucun élément de preuve suffisant qui lui permettrait d'étayer de telles
22 affirmations.
23 Dans notre mémoire écrit, nous nous sommes efforcés d'exposer
24 dans le détail cette partie de notre position. Nous avons confirmé
25 qu'aucun des éléments de preuve cité par le Procureur n'a permis de
Page 9745
1 prouver que Zejnil Delalic était présent à quelque moment que ce soit, non
2 pas seulement au moment de la commission d'un crime déterminé, mais même
3 pas dans les locaux, où le crime en question a été commis. Nous avons
4 parlé très clairement de cet incident au cours duquel un coup de feu a été
5 tiré. Quatre témoins en ont parlé. Deux de ces témoins connaissent
6 parfaitement bien Zejnil Delalic et sa famille. L'un de ces deux témoins a
7 déclaré qu'il était seul, l'autre ayant dit avoir reconnu Emir Delalic en
8 présence d'Hazim Delic. D'autres personnes ont déclaré ne pas connaître
9 personnellement Zejnil Delalic, mais avoir vu le chef arriver.
10 Quant aux autres éléments soumis par le Procureur ils ne peuvent
11 pas être considérés comme des preuves puisque des témoins qui
12 connaissaient personnellement et parfaitement bien Zejnil Delalic, ont
13 prouvé que celui-ci n'était pas présent. Milovan Kuljanin a déclaré que ce
14 n'était pas Zejnil Delalic, mais Emir Delalic qui était présent.
15 N'oublions pas non plus que le Docteur Grubac a souligné la grande
16 ressemblance, la terrible ressemblance entre les frères, les cousins, les
17 neveux, les nièces de la famille Delalic. Il a souligné que ceux qui ne
18 connaissaient pas bien cette famille ne pouvaient pas facilement faire la
19 différence entre les différents membres de la famille.
20 Si l'on ajoute ce facteur à l'ensemble des autres facteurs, on
21 se rend compte du poids que pèse notre affirmation selon laquelle
22 Zejnil Delalic n'était pas présent sur les lieux. Le témoin D a témoigné
23 d'un certain nombre de choses...
24 M. le Président (interprétation). - J'ai l'impression que vous
25 reprenez en détail les dépositions des témoins, mais je ne crois pas que
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1 cela soit nécessaire, étant donné que vous les avez développées dans votre
2 écrit.
3 Mme Residovic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,
4 nous en parlons en détail dans le mémoire écrit. Je voulais simplement
5 dire qu'il n'existe pas de possibilité de prouver que Zejnil Delalic
6 savait. Maintenant, Monsieur le Président, Zejnil Delalic pouvait-il avoir
7 des raisons de savoir ? Le Professeur Bakuni* évoque toute une série
8 d'éléments qu'il importe de prouver lorsque l'on veut affirmer qu'un
9 commandant qui ne savait pas, avait des raisons de savoir.
10 Dans ce contexte, l'ensemble des éléments dont nous parlons dans
11 les pages 35, 36, 37 de notre mémoire écrit, démontre à l'envi que
12 Zejnil Delalic ne pouvait pas avoir de raisons de savoir que les prétendus
13 crimes décrits par le Procureur ont été commis dans la prison de Celebici.
14 Nous prenons en compte l'ensemble des éléments à prendre en compte, c'est-
15 à-dire les deux mois passés par Zejnil Delalic dans un lieu différent,
16 l'environnement et le fait qu'aucun des éléments de preuve proposés par
17 l'accusation n'est en mesure de prouver effectivement que Zejnil Delalic
18 avait la capacité de savoir.
19 S'agissant de la punition des auteurs de crime, je me rallie
20 entièrement à ce qu'a dit mon confrère, M. Thomas Moran. Lorsqu'on a une
21 responsabilité, il importe d'empêcher la poursuite de la commission d'un
22 crime en prenant les mesures nécessaires. Je voudrais ajouter qu'au vu des
23 dépositions du général Pasalic et d'autres témoins, il est tout à fait
24 clair qu'à Konjic, à ce moment-là et à d'autres, il n'existait aucun moyen
25 pour sanctionner de tels actes. Il n'existait pas de tribunaux, en
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1 particulier. Si l'on pense qu'une personne pouvait éventuellement avoir
2 connaissance d'un fait, cette personne n'avait aucune possibilité de
3 sanctionner le crime ou l'infraction en question. Ce n'est pas le cas dans
4 l'affaire qui nous intéresse, mais c'est tout de même un élément à prendre
5 en compte. C'est seulement en 1993 que des tribunaux ont été créés pour
6 juger un certain nombres d'affaires. Néanmoins, nous prouvons ici que la
7 personne compétente qui éventuellement aurait pu avoir pour mission de
8 punir les auteurs de telle ou telle infraction ou de tel ou tel crime
9 n'avait pas la possibilité de le faire. Les tribunaux de Mostar, de Zenica
10 et de Sarajevo étaient inaccessibles à Mostar pendant toute la période qui
11 nous intéresse ; à Zenica, depuis le début de l'automne, à cause des
12 conflits qui ont commencé avec le HVO, conflit qui a empêché le passage de
13 qui que ce soit vers Zenica et notamment l'arrivée d'une personne en
14 captivité.
15 A Sarajevo, c'est plus tard, dans l'année, que les tribunaux
16 sont devenus inaccessibles. Mais, en outre, le Procureur n'a jamais
17 apporté la moindre preuve que les organes de la république ont pris des
18 décisions pour transférer les compétences du Tribunal de Mostar, par
19 exemple, vers une autre ville. Même si une personne responsable avait pu,
20 à l'époque, avoir les moyens de savoir que quelqu'un avait commis un acte
21 répréhensible, même dans ces conditions cette personne responsable
22 n'aurait pas pu prendre les mesures nécessaires pour punir l'auteur de
23 cette infraction.
24 Un détail encore. Mon confrère, M. Moran, a souligné que le fait
25 de punir l'auteur d'un crime impliquait également d'empêcher la commission
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1 ultérieure d'un nouveau crime de la même nature. Depuis le mois d'août,
2 selon les positions des témoins, il n'y a pas eu d'acte répréhensible
3 commis. Indépendamment du fait de savoir qui était responsable et, même en
4 partant du principe que cette personne responsable n'était pas
5 Zejnil Delalic, ce responsable a pris les mesures nécessaires puisque,
6 depuis le début du mois d’août, aucun acte de ce genre n'a plus été
7 commis. Les mesures qui ont pu être prises ont eu des résultats. Je ne
8 vous dis pas quelle est l'identité de la personne qui a pris ces mesures.
9 C'est à vous, Monsieur le Président,
10 Madame et Messieurs les Juges, qu'il appartient d'en décider. J'ai rempli
11 les fonctions que vous remplissez aujourd'hui pendant plus de vingt ans et
12 je sais combien est lourde cette responsabilité.
13 Mais je sais qu'aucun élément prima facie n'a été établi, en
14 tout cas pas en rapport avec l'article 7-3 et, à l'égard de mon client, la
15 seule possibilité que possède cette Chambre de première instance est
16 d'abandonner l'ensemble des charges retenues contre lui.
17 Mais il me faut encore quelques minutes pour traiter d'un autre
18 élément, à savoir la relation, le rapport, établi entre la responsabilité
19 personnelle de mon client et la persécution des civils. A cet égard, mon
20 client n'a pas la moindre responsabilité.
21 Mon confrère, M. Moran, a déclaré que la persécution des civils
22 a été vécue par des personnes qui, dans une situation de danger, de
23 guerre, ont subi le blocage des routes. Le général Pasalic a parlé de la
24 nécessité de débloquer les routes. Les habitants avaient des armes
25 achetées par le SDS ou achetées au marché noir. Hors, la détention d'armes
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1 est illégale s'il n'y a pas de permis avec l'arme. Il était donc possible
2 d'agir à l'encontre d'une personne qui avait commis un acte illégal.
3 Mais je ne parle même pas de cela, je parle de la nécessité
4 d'engager des poursuites légales contre ces personnes. Cela a été fait et
5 certaines d'entre elles ont même été traduites en justice. Eu égard au
6 paragraphe 48 de l'acte d'accusation, il n'existe pas non plus la moindre
7 démonstration prima facie dans les arguments avancés par le Procureur et
8 soumis à cette Chambre de première instance. Un observateur extérieur,
9 s'il devait analyser l'ensemble des éléments soumis par le Procureur,
10 verrait à l’évidence que Zejnil Delalic est innocent. La seule conclusion
11 qu'il importe de prendre, la seule mesure qu'il importe de prendre,
12 consiste à abandonner l'ensemble des charges retenues contre lui.
13 Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 M. le Président (interprétation). - Merci infiniment,
15 Maître Residovic, pour votre
16 contribution à ce débat.
17 Comme je viens de le préciser, nous souhaiterions suspendre
18 l'audience d'ici quelques minutes et la reprendre demain matin à
19 10 heures, plutôt que de reprendre maintenant. Nous allons suspendre la
20 séance jusqu'à demain.
21 (La séance est levée à 16 heures 10.)
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