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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-96-21-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Mardi 13 octobre 1998
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 ZEJNIL DELALIC
7 ZDRAVKO MUCIC
8 HAZIM DELIC
9 ESAD LANDZO
10 L'audience est ouverte à 10 heures 15.
11 M. le Président (interprétation). - Bonjour Mesdames et Messieurs.
12 Les parties peuvent-elles se présenter ?
13 M. Niemann (interprétation). : Bonjour, Monsieur le Président. Je
14 m’appelle Grant Niemann. Je représente ce matin l'accusation en compagnie
15 de Me Mc Henry et de M. George Huber.
16 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Du côté de la
17 défense, s’il vous plaît ?
18 Mme Residovic (interprétation). - Je m’appelle Edina Residovic. Je défends
19 M. Zejnil Delalic. A mes côtés, M. Eugene O’Sullivan, professeur de droit
20 au Canada.
21 M. Morison (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président, je m’appelle
22 Howard Morison, je représente ici M. Zdravko Mucic en compagnie de
23 Mme Butorovic* et de Me Greaves.
24 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je
25 m’appelle Salih Karabdic, je suis avocat de Sarajevo ; je représente ici
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1 M. Hazim Delic. A mes côtés, Me Thomas Moran, avocat de Houston, au Texas.
2 Mme Mc Murrey (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président. Je
3 m’appelle Cynthia Mc Murrey. Avec ma consoeur Nancy Bowler je représente
4 ici M. Esad Landzo.
5 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous commençons ce matin
6 par la citation du témoin de Maître Moran.
7 M. Moran (interprétation). - Effectivement, Monsieur le Président. Nous
8 attendons l’arrivée du professeur Tomic.
9 Comme nous l'avons dit hier, Monsieur le Président, tout sera très rapide.
10 Vous avez pris connaissance de la teneur du rapport de cet expert ; nous
11 allons revenir là-dessus brièvement, et le témoin est surtout ici pour
12 répondre aux questions que vous pourriez avoir. J’espère que cette
13 procédure vous convient.
14 M. le Président (interprétation). - Certainement. Tous ceux qui ont eu le
15 rapport entre les mains l’ont lu, bien évidemment.
16 M. Moran (interprétation). - Oui, absolument, je le sais bien,
17 Monsieur le Président. Je voulais simplement qu'il puisse éclaircir
18 certains points du rapport qui auraient pu vous paraître obscurs ; il
19 s’agit ici d'un point de droit et des problèmes pour exposer.
20 M. le Président (interprétation). - Je crois qu'il y a eu peut-être des
21 problèmes quant à la traduction du rapport ?
22 M. Moran (interprétation). - Effectivement, Monsieur le Président.
23 Nous n'avons pas eu recours à notre traducteur habituel, cette traduction
24 a été faite à Sarajevo et m’a été envoyée par courrier électronique. C’est
25 une des autres raisons qui nous ont poussés à citer le professeur à
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1 comparaître devant vous pour pallier toute difficulté. Nous allons laisser
2 au professeur le temps de prêter serment.
3 M. Tomic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.
5 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez prendre place, Monsieur.
6 M. Moran (interprétation). - Bonjour, professeur Tomic.
7 M. Tomic (interprétation). - Bonjour.
8 M. Moran (interprétation). - Pourriez-vous, s’il vous plaît, décliner
9 votre identité, vous présenter et nous dire également quel a été votre
10 parcours et notamment votre parcours professionnel ?
11 M. Tomic (interprétation). - Je m'appelle Zvonimir* Tomic, je suis maître
12 de conférence au département du droit pénal de la faculté de droit de
13 Sarajevo.
14 Je suis né à Sarajevo en 1951 ; j’y ai obtenu le diplôme de la faculté de
15 droit et en 1984 j'ai soutenu une thèse doctorale à l'université de
16 Belgrade, à la faculté de droit de cette université.
17 Puis, en 1990, j'ai soutenu une thèse portant le nom suivant : " Mesures
18 de sécurité dans le cadre de la procédure pénale yougoslave ".
19 M. Moran (interprétation). - Une question que je n'ai jamais posée
20 précédemment ici, quelle est votre appartenance ethnique, Professeur ?
21 M. Tomic (interprétation). - Je suis Croate.
22 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président,
23 Messieurs et Mesdames les Juges, avec l'aide de l'huissier, je voudrais
24 vous faire parvenir des copies de certains passages traduits en anglais du
25 Code de procédure pénale de la RSFY. Je demande à ce que ce document se
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1 voit attribuer la cote suivante des pièces de la défense. Je crois que
2 l'accusation dispose déjà de ce document. Si ce n'est pas le cas, je lui
3 ferai bien sûr parvenir.
4 M. le Greffier (interprétation). - Pièce de la défense 111/3.
5 M. Moran (interprétation). - Je vous remercie.
6 Professeur, je vois que vous avez sous les yeux le Code pénal yougoslave
7 dans sa version originale, dans sa version BCS évidemment. Si vous avez
8 besoin de consulter ce code n'hésitez-pas à le faire. Les juges de cette
9 Chambre le connaissent bien. Nous savons tous les deux qu'il y a eu
10 quelques problèmes de traduction des passages du code qui nous intéressent
11 et nous allons essayer de remédier aux problèmes qui se sont posés.
12 La première question que je souhaite vous poser est la suivante. Nous
13 savons quelle a été la décision prise par Mme le juge Mc Donald dans le
14 cadre de l'affaire Tadic. Il y avait cette question qui se posait relative
15 à la sentence maximale qui pouvait être rendue quant à la peine de mort
16 notamment. Vous êtes au courant de cela n'est-ce pas ? Répondez
17 intelligiblement afin que tout le monde puisse vous entendre. Vous pouvez
18 répondre par un oui ou par un non.
19 M. Tomic (interprétation). - J'ai eu l'occasion de lire certains comptes
20 rendus ou l'intégralité des comptes rendus de l'affaire Tadic.
21 Effectivement, je suis au courant de la sentence qui a été rendue à la fin
22 de ce procès.
23 Dans cette affaire, je ne sais pas en fonction de quelle méthode mais la
24 Chambre a rendu une sentence de 20 ans d'emprisonnement. Pour autant que
25 je puisse en juger, cette sentence a été rendue relativement à un chef
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1 d'accusation, à un seul crime.
2 M. Moran (interprétation). - Je vais vous renvoyer au paragraphe 7 du
3 document que vous avez sous les yeux. C'est dans ce paragraphe où il
4 apparaît que le juge Mc Donald dit que si une peine capitale est déclarée
5 et que s'il convient de choisir une alternative, c'est la sentence de
6 prison de 20 ans qui s'impose. C'est la phrase qui apparaît dans le
7 jugement rendu dans l'affaire Tadic.
8 Je voudrais établir une distinction entre un tribunal qui a le choix
9 d'appliquer une sentence de peine capitale ou une sentence de 20 ans de
10 prison et le tribunal où il faut d'abord établir qu'il y a besoin de
11 déclarer une sentence de peine capitale et qui décide par la suite de
12 délivrer une sentence de 20 ans d'emprisonnement. Essayons d'établir une
13 distinction sur ces deux types de tribunaux ; pouvez-vous nous aidez à
14 établir cette distinction ?
15 M. Tomic (interprétation). - La législation en matière pénale en
16 Yougoslavie prévoyait la peine capitale, prévoyait également des peines de
17 prison et des amendes. La peine capitale ne pouvait pas être appliquée
18 dans le cas d'un seul crime. Elle devait être appliquée seulement si elle
19 était accompagnée d'une peine de prison, une peine maximale de 20 ans de
20 prison. C'est ce que stipulait, à l'époque, le Code pénal de Yougoslavie.
21 Donc le Tribunal avait le choix, soit l'application de la peine capitale,
22 soit une sentence de 20 ans de prison. L'alternative était une peine de
23 prison allant de cinq à 15 ans.
24 Pour les auteurs de crime, il était possible qu'ils se voient condamner à
25 servir une peine de 20 ans de prison et, dans ces cas, une amnistie
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1 pouvait être déclarée. Ces sentences n'étaient servies que dans le cadre
2 de crimes pénaux particulièrement graves. Selon la loi de 1976 qui
3 apparaît dans le Code de procédure pénale de l'ex-Yougoslavie cette
4 sentence dont je viens de parler, cette sentence de 20 ans, ne pouvait
5 être rendue que dans le cadre de huit crimes pénaux.
6 Dans le Code pénal de la République de Bosnie-Herzégovine, une telle
7 sentence ne pouvait être appliquée que dans le cadre de cinq crimes.
8 Par la suite, un certain nombre d'amendements a été introduit dans le Code
9 de procédure pénale et cette sentence de 20 ans d'emprisonnement a été
10 retirée dans le cadre des huit crimes dont j'ai parlé tout à l'heure.
11 Par la suite, cette sentence de 20 ans a également été retirée du Code de
12 procédure pénale de Bosnie-Herzégovine dans le cadre des cinq crimes dans
13 le cadre desquels elle pouvait s'appliquer auparavant.
14 Donc, par la suite, cette sentence de 20 ans de prison ne pouvait plus
15 être rendue, quel que soit le crime commis. La seule sentence qui pouvait
16 être appliquée, alternativement à cette sentence de 20 ans, était celle de
17 la peine capitale.
18 M. Moran (interprétation). - Je m'intéresse maintenant à la période qui
19 sépare les mois de mai et décembre 1992.
20 Tout d'abord, en avril 1992, par voie de décret, la République de Bosnie-
21 Herzégovine, qui venait d'accéder à l'indépendance, a adopté un nouveau
22 Code de procédure pénale. Est-ce bien exact ?
23 M. Tomic (interprétation). - C'est exact. Le 11 avril 1992, conformément à
24 un décret qui a été voté, le Code de procédure pénale a été adopté. En
25 voici la dernière mouture. Ce code a été publié juste avant la guerre. Il
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1 est le Code de la procédure pénale de la République.
2 Certains amendements y ont été apportés depuis. Ce sont des amendements
3 qui traitent notamment du système social et de l'administration du système
4 social.
5 Effectivement, le système qui prévalait antérieurement n'était plus
6 valable. Puis, des amendements ont été introduits dans d'autres domaines,
7 notamment dans le cadre du système politique. Le nom du pays avait changé,
8 on ne parlait plus de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine mais
9 de la République de Bosnie-Herzégovine tout court. Et puis il y a eu des
10 changements qui intervenaient également dans la réglementation des forces
11 armées, etc.
12 Mais, de façon générale, le texte n'a pas bougé, notamment pour la
13 détermination de la sentence et des sentences elles-mêmes.
14 M. Moran (interprétation). - Penchons-nous maintenant sur cette question
15 de la peine capitale et de l'alternative de 20 ans d'emprisonnement.
16 D'après ce que j'ai compris -mais je voudrais que tout le monde saisisse
17 bien ce qu'il en est exactement- un Tribunal était autorisé à déclarer ou
18 à rendre une décision de peine capitale et il était autorisé par la loi,
19 immédiatement après, à transformer cette sentence en une sentence
20 d'emprisonnement de 20 ans. C'est bien cela ?
21 M. Tomic (interprétation). - C'est exact. Le Tribunal pouvait toujours
22 substituer à cette peine capitale une peine d'emprisonnement de 20 ans.
23 Donc, au départ, le Tribunal pouvait rendre une sentence d'emprisonnement
24 de 20 ans pour tous les crimes dans lesquels il était également
25 envisageable d'appliquer la peine capitale. Le Tribunal avait toujours
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1 cette possibilité. Soit le Tribunal condamnait l'accusé à la peine
2 capitale, soit il le condamnait à une peine d'emprisonnement de 20 ans.
3 Cela, c'était une possibilité.
4 L'autre était la suivante : même si le Tribunal commençait par rendre une
5 décision de peine capitale, un Tribunal supérieur, une instance d'appel,
6 pouvait substituer à cette peine capitale une peine d'emprisonnement de
7 20 ans. Mais c'est la première solution qui était la plus communément
8 utilisée.
9 La peine capitale était prévue, en ex-Yougoslavie, dans le cadre d'un
10 nombre assez important de crimes. Cependant, en ex-Yougoslavie, les
11 sentences de peine capitale étaient rarement exécutées. Je n'ai moi-même
12 connaissance que de deux affaires dans le cadre desquelles il y a eu
13 décision de peine capitale et exécution de l'accusé.
14 Je ne tiens pas compte de certains procès qui se sont déroulés en -71...
15 Ces procès étaient des procès de membres de groupes terroristes et de
16 groupes accusés d'activités contre-révolutionnaires qui mettaient la
17 sécurité du pays en danger. Ces procès étaient exceptionnels et ne sont
18 pas vraiment pertinents pour la question qui nous préoccupe.
19 M. Moran (interprétation). - Professeur, si le Tribunal ne choisissait pas
20 au départ de demander la peine capitale, quelle était la sentence maximale
21 qu'il pouvait délivrer, s'il choisissait de ne pas demander la peine
22 capitale ?
23 M. Tomic (interprétation). - La sentence maximale était une sentence de
24 20 ans d'emprisonnement, de 15 ans.
25 M. Moran (interprétation). - Dès lors que le Tribunal ne choisissait pas
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1 d'imposer la peine de mort, n'est-ce pas ?
2 M. Tomic (interprétation). - Oui. La sentence maximale était de 15 ans et
3 la peine minimale de 15 jours.
4 Il était impossible d'appliquer une sentence de plus de 15 ans. Ce n'est
5 que dans le cadre de l'alternative de peine capitale ou 20 ans
6 d'emprisonnement qu'une peine supérieure à 15 ans pouvait être délivrée.
7 Si vous voulez que je rentre un peu plus dans le détail, je peux le faire.
8 D'après les concepts idéologiques qui régissaient la législation
9 yougoslave et selon la théorie pénale yougoslave, au cours des
10 20 dernières années, les tribunaux s'étaient prononcés pour la
11 réhabilitation du criminel ou de l'accusé.
12 Pour sa réinsertion, il était communément admis qu'un accusé pouvait se
13 réhabiliter et se réinsérer dans la société et au sein de sa famille.
14 Donc ces sentences d'emprisonnement très longues étaient évitées dans la
15 mesure du possible, elles n'étaient appliquées que dans le cadre des
16 crimes les plus graves et dans le cadre de circonstances exceptionnelles.
17 M. Moran (interprétation). - Donc les pratiques en matière de
18 détermination de la peine qui étaient en vigueur en ex-Yougoslavie, si je
19 vous ai bien compris, se fondaient notamment sur le concept de la
20 réinsertion et de la réhabilitation de l'accusé ; ce n'était pas une peine
21 que l'on attribuait pour faire un exemple du cas particulier d'un
22 individu, ce n'était pas... l'objectif principal n'était pas celui
23 d'appliquer une peine.
24 M. Tomic (interprétation). - C'est exact. Si l'on essaie de savoir quel
25 était l'objectif des sentences qui étaient déclarées dans le cadre du
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1 droit pénal yougoslave, eh bien cet objectif était d'établir un équilibre
2 entre préventions et sanctions. Il fallait essayer d'influencer d'une
3 certaine façon l'auteur du crime, il fallait essayer de lui donner une
4 chance de réinsertion et de réhabilitation, il fallait essayer également
5 de montrer aux autres auteurs de crimes potentiels quelles étaient les
6 peines qui étaient appliquées dans le cadre de la perpétration de crimes
7 similaires.
8 La peine capitale, comme je l'ai dit, existait dans le cadre d'un certain
9 nombre de crimes et elle avait surtout une fonction préventive.
10 M. Moran (interprétation). - Je vous renvoie, s'il vous plaît, à
11 l'article 48 de votre Code pénal ; c'est à la page 6,
12 Monsieur le Président, de la version dactylographiée dont vous disposez.
13 Je précise d'ailleurs que c'est grâce à Me Residovic que j'ai obtenu une
14 partie de ce document.
15 Professeur, comme vous le savez, les accusés qui sont ici se voient
16 reprocher un certain nombre de crimes et font l'objet d'un certain nombre
17 de chefs d'accusation. D'après les lois en vigueur en ex-Yougoslavie, si
18 quelqu'un était accusé de crimes multiples dans le cadre d'un même procès
19 et lorsqu'il s'agissait de déterminer la sentence à appliquer contre ces
20 accusés, est-ce que le Tribunal se contentait de délivrer une sentence
21 pour chacun des crimes et de les cumuler ?
22 Est-ce qu'il y avait, par exemple, une sentence de 10 ans qui était
23 délivrée pour un crime et de trois ans pour un autre crime, et est-ce
24 qu'ensuite le total de ces années de prison était additionné ?
25 Ou bien est-ce qu'il y avait une autre procédure qui était appliquée, une
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1 procédure qui permettait de délivrer une sentence valable pour plus d'un
2 des crimes qui faisait l'objet du procès ?
3 M. Tomic (interprétation). - Ce dont vous venez de parler est prévu dans
4 une des dispositions du Code pénal de la RSFY. On parle de concurrence des
5 peines, c'est un terme théorique juridique, je ne sais pas si les
6 interprètes arriveront à en trouver l'équivalent, mais je crois que l'idée
7 principale c'est que, justement, il y a une peine qui est délivrée pour un
8 ensemble de crimes qui ont été commis par la même personne. Tous ces
9 crimes font l'objet d'un seul et même procès et, dans un tel cas, il y
10 avait plusieurs possibilités dans le cadre de la détermination de la
11 sentence ; en tout cas, c'était le cas en ex-Yougoslavie pour ce type de
12 situation pénale.
13 Il y avait trois possibilités : la première était celle qu'on appelait le
14 modèle d'absorption, la seconde était appelée le modèle d'aspiration et la
15 troisième était le modèle de cumulation. Ces principes, nous les
16 retrouvons au sein de l'article 48 du Code de Procédure pénale.
17 D'après le principe d'absorption, lorsque l'on traite d'un nombre, d'un
18 certain nombre de crimes, la peine capitale peut être envisagée pour l'un
19 des crimes qui sont cités dans l'acte d'accusation et, dans ce cas, cette
20 sentence absorbe toutes les autres décisions qui pouvaient être rendues
21 dans le cadre des autres crimes commis.
22 D'après ce même système, si la sentence maximale était celle de 20 ans
23 d'emprisonnement, eh bien cette sentence absorbait toutes les autres
24 décisions. Si vous avez un procès où il y a cinq crimes et cinq peines qui
25 sont déclarées et si la sentence maximale qui est déclarée est celle de
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1 20 ans d'emprisonnement, eh bien cette sentence absorbe toutes les autres
2 sentences qui ont pu être délivrées dans le cadre des autres crimes. Cela
3 évitait aux accusés de passer une longue partie de leur vie en prison et
4 c'était en conformité avec le système socialiste qui prévalait à l'époque.
5 D'après le système socialiste, il y avait toujours l'espoir de voir la
6 personne accusée se réhabiliter, il avait toujours l'espoir de voir cette
7 personne se réinsérer dans une vie normale.
8 Le deuxième modèle qui était prévu dans le cadre de la RSFY est le modèle
9 que l'on a appelé le modèle d'aspiration. L'aspiration ou le modèle de
10 l'aspiration est lié à l'idée de rendre la sentence et la punition plus
11 dure pour chacun des crimes. Pour chacun des crimes, le Tribunal rend une
12 sentence et, à la fin de la procédure, le Tribunal choisit de n'imposer
13 qu'une seule de ces sentences.
14 Conformément à ce modèle d'aspiration, si trois crimes, par exemple, sont
15 commis et si trois sentences sont rendues de trois, cinq et sept ans
16 respectivement, eh bien dans certains pays, selon le principe de
17 l'accumulation, cela signifierait que la personne accusée va servir une
18 sentence de 27 ans, mais dans notre pays à nous, la sentence aurait été de
19 15 ans.
20 La sentence est donc la sentence de prison maximale qui pouvait être
21 appliquée dans un tel cas et pour de tels crimes et, comme je l'ai dit,
22 dans certains cas la peine maximale de prison qui pouvait être rendue
23 était celle de 15 ans. C'était la peine maximale qui était prévue par
24 notre système. Ce modèle que je viens de décrire était également appliqué
25 dans le cadre d'autres crimes peut-être moins graves. Par exemple, dans le
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1 cadre de simples délits et de vols.
2 Dans ce cadre-là, il était possible qu'un jeune auteur de crimes passe
3 trois ans à se livrer à ce type d'actes, par exemple à ce type de vols et,
4 dans un tel cas, la peine maximale était de huit ans. Et dans ce cas
5 précis, la sentence finale qui était rendue devait être supérieure à la
6 sentence maximale qui pouvait être rendue pour un crime individuel.
7 Par exemple, si vous aviez des sentences de trois, huit et neuf ans qui
8 étaient rendues, la sentence maximale était une sentence de 10 ans plus
9 un mois, et on pouvait ainsi prolonger la sentence jusqu'à une sentence de
10 15 ans d'emprisonnement.
11 Ce que je viens de dire est valable si on traite de crimes pénaux pour
12 lesquels des sentences de prison sont prévues dans les textes. Donc je le
13 répète, la sentence finale devait être d'un mois plus longue que la
14 sentence maximale qui pouvait être déterminée dans le cadre d'un crime en
15 particulier mais, en même temps, la sentence maximale devait être
16 inférieure à la somme totale des sentences qui auraient dû être délivrées
17 si chaque crime avait été pris en compte individuellement.
18 M. Moran (interprétation). - Hier, nous avons parlé de l'exemple d'un
19 meurtrier en série aux Etats-Unis, un homme appelé Ted Bundi*, vous vous
20 rappelez notre entretien ?
21 M. Tomic (interprétation). - Oui.
22 M. Moran (interprétation). - Et M. Bundi* a assassiné un certain nombre de
23 personnes, et ce sur une période de temps assez prolongée, aux Etats-Unis.
24 Je vous ai demandé ce qui se passerait si un Tribunal devait considérer la
25 sentence qui devait être appliquée à l'égard de M. Bundi*, à l'exception
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1 de la peine capitale. Dans le cadre du droit pénal, quelle peine de prison
2 aurait été décidée à l'encontre de M. Bundi ? Quelle sentence de prison
3 maximale ; nous excluons la possibilité de la peine de mort ?
4 M. Tomic (interprétation). - D'après le système pénal yougoslave, et si
5 par exemple 100 crimes avaient été commis et si la peine capitale avait
6 été prévue pour chacun d'entre eux, mais si la peine capitale n'est pas
7 imposée, alors la sentence alternative aurait été une sentence de 20 ans
8 d'emprisonnement.
9 Pour un simple meurtre, dans un cas d'homicide intentionnel, la sentence
10 maximale prévue par les textes était celle de 20 ans, c'était la sentence
11 maximale qui était prévue par les textes.
12 M. Moran (interprétation). - Une dernière question, en tout cas de ma
13 part, peut-être ensuite les juges en auront-ils pour vous, les membres de
14 l'accusation. Je vous renvoie à l'article 142 du Code pénal que vous avez
15 sous les yeux, plus précisément je vous renvoie au tout premier mot de cet
16 article, il y est dit, je cite : "Toute personne qui en violation du droit
17 international humanitaire et en situation de guerre, conflit armé ou
18 occupation, etc. », fin de citation. C’est à ce passage que je vous
19 renvoie plus particulièrement. Cet article s’applique-t-il à des actes qui
20 auraient été commis dans le cadre d'une rébellion ou d'un conflit interne,
21 un conflit armé interne, ou bien cela s'applique-t-il également dans le
22 cadre d'un conflit international ? C'est une question que je vous pose.
23 Si vous voulez savoir pourquoi je vous pose la question, je vais vous
24 l'expliquer.
25 M. Tomic (interprétation). - Oui, j’aimerais savoir pourquoi vous me posez
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1 la question.
2 M. Moran (interprétation). - Dans le jugement qui a été rendu dans
3 l’affaire Tadic, Mme le Juge Mc Donald a déclaré que ceci ne s'appliquait
4 que dans le cadre de conflits internationaux armés. Mais elle a déclaré
5 également qu'elle allait étudier la question dans le cadre de la
6 détermination de la peine de M. Tadic.
7 Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir si l'article 142 s'applique dans
8 le cadre de conflits internationaux ou bien s’il peut s'appliquer dans un
9 conflit armé qui n'est pas international.
10 M. Tomic (interprétation). - Dans l’article 142, il est clairement dit
11 qu’en violation des lois humanitaires internationales lors d’une guerre ou
12 d’un conflit... Donc on ne mentionne pas s'il s'agit d’un conflit
13 international ou interne, donc on peut à la fois supposer qu'il s'agit
14 d’un conflit interne ou bien international.
15 Donc je ne serais pas d'accord avec l'affirmation selon laquelle cet
16 article ne vise qu'un conflit international ; je ne pense pas qu’il
17 s’agisse là d’une interprétation correcte.
18 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Juge, je n’ai plus de questions
19 en ce moment, et si vous avez des questions je suis sûr que le témoin sera
20 ravi de répondre.
21 M. Jan (interprétation). - J'ai une question : quelle était la sentence
22 normale prévue par la loi yougoslave pour l'homicide intentionnel ?
23 M. Tomic (interprétation). - La peine habituelle était entre cinq et
24 15 ans . Donc lorsque l'on parle de l'homicide ordinaire selon
25 l'article 36 du Code pénal, il s’agit là d’un dernier livre que j’ai
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1 préparé pour donner des cours à mes étudiants... Donc selon ce Code, la
2 peine minimale était de cinq ans ; donc pour le meurtre habituel la peine
3 s’étalait entre cinq et 15 ans. Et ensuite, on parle aussi des homicides
4 graves, et là le minimum était 10 ans, donc la peine s'étalait entre 10 et
5 15 ans ; et pour les cas les plus graves la peine capitale était prévue,
6 qui pouvait être remplacée par la peine de 20 ans de prison.
7 M. Jan (interprétation). - J’ai l’impression que je n’ai pas cette partie
8 comportant l’article 32.
9 M. Moran (interprétation). - Moi non plus, mais je vais vous soumettre
10 cela par la suite aujourd’hui.
11 M. Jan (interprétation). - Y avait-il des instructions prévues par la loi,
12 concernant les cas dans lesquels la peine capitale ne devait pas être
13 déclarée ?
14 M. Tomic (interprétation). - Vous voulez parler des limites de...
15 M. Jan (interprétation). - Par exemple, il y avait l’alternance entre la
16 peine capitale et la peine de prison de 20 ans. Les tribunaux recevaient-
17 ils des instructions quant aux cas dans lesquels il fallait appliquer la
18 peine capitale et les cas dans lesquels il fallait appliquer les peines de
19 prison de 20 ans ?
20 M. Tomic (interprétation). - La peine capitale était la peine la plus
21 grave et donc elle a été fortement limitée ; déjà elle a été limitée dans
22 la législation. Quant à la possibilité de rendre une telle sentence, que
23 ce soit prévu par les Codes pénaux des Républiques ou bien le Code pénal
24 de la Fédération ; par exemple dans le Code pénal en vigueur entre 1976 et
25 1991, les Républiques se voyaient répartir la compétence en matière de
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1 Code pénal et en 1974, après l’adoption de la nouvelle constitution, un
2 nouveau Code pénal a été adopté en 1976, et chaque République et les deux
3 provinces autonomes devaient adopter leurs propres Codes pénaux : Codes
4 pénaux des Républiques et des provinces autonomes.
5 Donc entre 1977 et 1990, il y avait pratiquement neuf Codes pénaux en
6 Yougoslavie : un au niveau de la Fédération, et huit au niveau des
7 Républiques et provinces autonomes.
8 En 1990, la Serbie a changé sa constitution...
9 M. Jan (interprétation). - Est-ce que vous avez dit que le 11 avril 1992
10 la République de Bosnie-Herzégovine a adopté le Code pénal fédéral ? Donc
11 c'est celui-ci qui nous intéresse plus ?
12 M. Tomic (interprétation). - Effectivement.
13 M. Jan (interprétation). - Et selon le Code pénal fédéral cela se réfère à
14 ... c'est-à-dire cela nous intéresse et étant donné que tous les accusés
15 ont commis leur crime après le 11 avril.
16 Quelle était donc la position du Code pénal fédéral à cet égard ?
17 M. Tomic (interprétation). - Il est clairement indiqué, dans l'article 37
18 section 1, qu'il est impossible de prévoir par la loi une peine capitale
19 en tant que peine principale pour un seul crime. Il n'était pas possible
20 que la peine capitale soit rendue comme unique possibilité. Elle devait
21 toujours être accompagnée de peine de prison de quinze ans ou vingt ans
22 alternativement.
23 M. Jan (interprétation). - Dans l'article 37, il est question de crime
24 grave. Comment est-ce que vous faites une distinction d'homicide grave ou
25 pas grave ?
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1 M. Tomic (interprétation). - Ici, Il s'agissait de limitation législative.
2 Il y avait, ensuite, des limitations en ce qui concerne la possibilité de
3 rendre une telle peine. Cela se référait au Tribunal et le Tribunal
4 pourrait le faire uniquement pour les cas les plus graves d'homicides.
5 La peine capitale pouvait être rendue uniquement pour les crimes les plus
6 graves pour lesquels la loi prévoit une telle peine. Cela veut dire que le
7 législateur fédéral ou au niveau de la République devait apprécier le
8 danger abstrait social d'un certain comportement qui serait reflété par un
9 certain crime et il fallait qu'il apprécie si cela mérite la menace d'une
10 peine capitale.
11 Ce sont mes collègues législateurs qui rédigeaient les lois et ce sont eux
12 qui appréciaient le niveau de danger abstrait par rapport à la société.
13 C'est de cette manière qu'ils ont qualifié les crimes différents et prévu
14 la menace de peine capitale.
15 Par exemple, dans le Code pénal de la République, en ce qui concerne le
16 crime de l'homicide, je vous donne un exemple, si quelqu'un tue une autre
17 personne de manière atroce, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire
18 qu'avant la mort, la personne a subi des tortures pendant longtemps,
19 pendant une heure, deux heures, trois heures, qu'elle a subi de graves
20 souffrances psychologiques ou physiques avant de mourir ou bien si elle a
21 été tuée d'une manière particulièrement cruelle ou bien odieuse, c'est-à-
22 dire, par exemple, si la victime n'est même pas consciente d'être tuée au
23 moment où elle est tuée, par exemple si quelqu'un donne du poison à un
24 membre de la famille et si la victime croyait recevoir des médicaments,
25 dans de tels cas la peine capitale était prévue par la loi.
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1 D'autres limitations selon la législation concernent le fait que la peine
2 capitale ne pouvait pas être rendue par rapport à un certain nombre de
3 catégories d'auteurs.
4 M. le Président (interprétation) - Soyons clairs. Est-ce que la peine
5 capitale existe toujours dans votre système comme forme de sanction ?
6 M. Tomic (interprétation). - Pourriez-vous être plus précis ? De quel pays
7 parlez vous ?
8 M. le Président (interprétation) - Dans la République de l'ex-Yougoslavie,
9 est-ce que ceci constitue toujours une forme de peine dans l'ancienne
10 République Yougoslave ?
11 M. Tomic (interprétation). - Monsieur le Président, je dois avouer que je
12 ne connais pas la nouvelle législation de l'Etat qui s'appelle République
13 fédérale de Yougoslavie et qui inclut deux des Républiques de l'ex-
14 Yougoslavie (la Serbie et le Monténégro).
15 Depuis huit ans, je ne me suis pas rendu à Belgrade et je ne sais pas
16 quelle est la situation dans ce pays en ce qui concerne la législation.
17 Je peux vous parler d'autres législations. Par exemple, en Slovénie, la
18 peine capitale a été abolie, de même qu'en Croatie. En Bosnie, pour le
19 moment, c'est sous forme de projet, mais il est prévu d'abolir la peine
20 capitale en Bosnie-Herzégovine également.
21 M. le Président (interprétation). - D'après vos explications, il y a
22 deux situations. D'un côté, la prison de 20 ans peut remplacer la peine
23 capitale et de l'autre côté, vous avez le système de sentence minimale.
24 Personne ne peut être emprisonné pour moins de 15 jours, ni pour plus de
25 15 ans. Là, il s'agit de sentences minimales selon la législation de la
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1 République de Yougoslavie, n'est-ce pas ?
2 M. Tomic (interprétation). - Effectivement. Mais il faut que je précise
3 quelque chose. Le cadre pénal régulier, au sein de la législation
4 yougoslave, était entre 15 jours et 15 ans. Donc il s'agit d'un minimum de
5 15 jours et d'un maximum de 15 ans. La peine de prison de 20 ans était une
6 exception. Il était possible, d'après la loi, de prévoir une telle peine
7 pour certains crimes.
8 Donc, ceci figurait dans la législation mais, comme je l'ai déjà dit, par
9 exemple le 28 juin 1990, le Code pénal fédéral, qui avait prévu
10 huit crimes susceptibles d'être punis par la peine capitale, a éliminé ces
11 huit crimes.
12 Donc, au moment où la guerre a commencé, il n'y avait pas un seul crime,
13 selon le Code pénal yougoslave, pour lequel la peine de prison de 20 ans
14 était prévue. Une seule possibilité restait : l'application alternative
15 sous forme de peine capitale. Le cadre régulier était donc des sentences
16 de prison de 20 ans au maximum.
17 D'après la législation yougoslave, il était toujours nécessaire de prévoir
18 le cadre, en spécifiant la peine minimale et maximale. Par exemple, pour
19 le viol, le cadre était de un an à 10 ans. Donc, là, c'étaient les
20 instructions que les tribunaux devaient suivre.
21 C'était la situation à l'époque et c'est la situation qui règne encore
22 aujourd'hui.
23 M. le Président (interprétation). - Ce que j'essaie de dire, c'est que
24 vous avez adopté un système selon lequel les dispositions de la loi
25 prévoyaient les sentences maximales et minimales. Donc les principes de
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1 détermination de la peine, selon le Code pénal, suivaient une certaine
2 politique selon laquelle il était impossible de rendre une sentence pour
3 plus d'un certain nombre d'années et moins d'un certain nombre d'années
4 pour un certain crime.
5 L'autre cas de figure, c'était la peine capitale en alternance avec la
6 peine de prison de 20 ans. Est-ce une bonne interprétation de la politique
7 suivie au sein de vos codes pénaux ?
8 M. Tomic (interprétation). - Oui. Par exemple, la peine capitale ne
9 pouvait pas être imposée en tant que peine unique, pour quelque crime que
10 ce soit. Donc, il y avait toujours une alternance.
11 Par exemple, la Cour, le Tribunal pouvait imposer une peine capitale en
12 alternance avec une peine de 10 ans de prison ou six ans de prison, etc.
13 Mais normalement, si le Tribunal devait choisir la peine capitale sans
14 mentionner de l'alternance de prison de 20 ans, alors dans ce cas, d'après
15 la loi sur l'amnestie, cette dernière s'appliquait et, automatiquement, la
16 peine devenait une peine de prison de 20 ans. Je ne sais pas si j'ai été
17 clair.
18 M. le Président (interprétation). - Il y a une chose que je ne comprends
19 pas bien, c'est que la sentence minimale est obligatoire mais, selon vous,
20 une peine maximale n'est pas obligatoire... C'est à dire que si vous devez
21 punir quelqu'un avec 15 ans de prison, vous n'êtes pas obligé de le faire,
22 mais vous ne pouvez pas rendre une peine pour une période plus longue ; ou
23 bien, comme vous venez de le dire, si la peine capitale devait être
24 remplacée par une alternative, vous n'étiez pas obligé de faire en sorte
25 que l'alternative soit la prison de 20 ans.
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1 M. Tomic (interprétation). - Je vais vous expliquer. Par exemple, si pour
2 un crime, le cadre juridique était de 15 ans en tant que peine minimale et
3 la peine capitale en tant que peine maximale, dans ce cas, la Cour pouvait
4 choisir entre cinq et 15 ans en prison, ou bien en alternative la peine
5 capitale.
6 M. le Président (interprétation). - Donc, cela veut dire que le minimum
7 est absolu obligatoire, mais cela veut dire aussi que vous ne pouvez pas
8 punir la personne pour moins de cinq ans, ni pour plus de 15 ans. Mais si
9 vous dites que 15 ans est obligatoire, cela veut dire que vous ne pouvez
10 pas dépasser la peine de 15 ans. Et lorsque vous dites "cinq ans était le
11 minimum", vous ne pouvez pas aller en-dessous de cela.
12 M. Tomic (interprétation). - Peut-être n'ai-je pas été suffisamment clair.
13 Il n'y avait pas, pour quelque crime que se soit, prévu par la législation
14 pénale yougoslave, il n'y a jamais eu de peine fixe qui était prévue. Par
15 exemple, disons :"un tel crime recevra une peine de trois ans ou de
16 cinq ans". Pour chaque crime, il y avait un cadre pénal.
17 Par exemple, lorsqu'il s'agit d'un homicide, le cadre a pour minimum
18 cinq ans. Lorsqu'on ne mentionne pas un maximum, il est sous-entendu qu'il
19 s'agit du maximum général de 15 ans. Lorsqu'on parle de meurtre,
20 d'homicide intentionnel, le Tribunal a la possibilité de rendre une
21 sentence s'étalant entre cinq et 15 ans.
22 Vous avez demandé s'il était possible d'aller au dessous du minimum. Bien
23 sûr que oui. Si cela est prévu par la loi, dans ce cas, il était possible
24 d'aller au dessous du minimum. Il existait de telles dispositions d'après
25 la loi, cela s'appelait "l'atténuation de peine", s'agissant des cas où
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1 une peine moins grave que celle prévue par la loi en tant que minimum
2 était appliquée.
3 Le Code pénal yougoslave prévoyait de nombreuses bases qui permettaient
4 d'aller au-dessous des minimums prévus par la loi, même pour libérer
5 l'auteur. Dans la législation il y avait une seule base selon laquelle les
6 tribunaux étaient autorisés à rendre une sentence plus grande que celle
7 prévue par la loi, et là il s'agissait de cas de récidive, multi-récidive,
8 de cas de criminels, d'auteurs de crime qui commettaient des crimes à
9 répétition.
10 Donc là, c'était l'unique base légale, donc les crimes multiples sur la
11 base desquels les tribunaux pouvaient rendre une sentence plus sévère que
12 celle prévue normalement par la loi et ceci était très rarement le cas.
13 Là, il s'agissait de sentences qui se basaient sur le système cumulatif.
14 M. le Président (interprétation). - Donc nous essayons de voir, de faire
15 la part entre la compétence des Cours et les dispositions législatives en
16 matière de la détermination de la sentence.
17 D'après l'article 39, apparemment, il se réfère au fait que personne ne
18 peut être emprisonné pour moins de 30 jours, donc vous ne pouvez pas
19 emprisonner quelqu'un pour sept jours, par exemple. Donc il doit y avoir
20 une minimum de 15 jours.
21 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, il faudrait se baser
22 sur les articles 42 et 43, là on traite du minimum d'après les règles.
23 Articles 42 à 43.
24 Mme Odio-Benito (interprétation). - Docteur, excusez-moi ; est-ce que je
25 peux vous poser une question ?
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1 M. Tomic (interprétation). - Oui.
2 Mme Odio-Benito (interprétation). - Est-ce qu’il y a une différence entre
3 un crime ordinaire et un crime de guerre, lorsque l'on parle de peine
4 prévue pour l'auteur ?
5 M. Tomic (interprétation). - Les Cours appliquaient la loi, donc toutes
6 les conditions étaient prises en considération.
7 Mme Odio-Benito (interprétation). - Oui, mais ici nous avons l'article, le
8 chapitre 16 traitant de différents types de crimes de guerre qui font
9 partie de... c'est-à-dire qui sont énumérés au sein de ce chapitre, et là
10 on voit des différences importantes. Par exemple, en ce qui concerne le
11 génocide contre la population civile, etc.
12 Donc est-ce que là, encore une fois, le cadre juridique serait une peine
13 entre cinq ans et la peine capitale ?
14 M. Tomic (interprétation). - Ce qui est toujours pris en considération,
15 c'est le crime particulier et l'auteur en particulier. Par exemple, le
16 crime dont vous parlez est le crime qui est pratiquement pareil à celui
17 qui est mentionné dans d'autres parties du Code pénal. Donc il s'agit d'un
18 crime, et ensuite le Tribunal doit établir les circonstances et ensuite,
19 en ce qui concerne la peine, elle doit entrer dans le cadre pénal régulier
20 et ce que les juges doivent faire, c'est prendre en considération la
21 personnalité de l'auteur et la gravité du crime afin de rendre la sentence
22 appropriée.
23 Mais les tribunaux étaient obligés de ne pas dépasser le cadre pénal, le
24 cadre juridique prévu pour ce genre de crimes. Parfois, il y avait une
25 pression de l'opinion publique et il y avait une tentation de dépasser ce
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1 cadre, mais cela ne pouvait pas être fait parce que, dans ce cas-là, c'est
2 la Cour d'appel qui aurait pu modifier la sentence, et chaque juge préfère
3 éviter une telle situation .
4 Mme Odio-Benito (interprétation). - Vous êtes en train de me dire qu'une
5 personne qui se rendrait coupable de crimes en série, ou bien d'un crime
6 de guerre, recevrait la même peine ; que d'un point de vue juridique, la
7 sanction visant un meurtrier en série ou un criminel de guerre serait la
8 même ?
9 M. Tomic (interprétation). - Eh bien, le Tribunal ou les juges ou une
10 Chambre de première instance ont la possibilité d'adopter une telle
11 approche que le meurtrier soit un meurtrier en série ou un criminel de
12 valve* mais quelle que soit l'intime conviction du Tribunal. Le Tribunal
13 doit respecter les paramètres de la peine qui sont établis par les textes
14 législatifs. Par conséquent, quelle que soit leur attitude subjective vis-
15 à-vis de l'auteur du crime, les juges doivent respecter certains
16 paramètres juridiques.
17 Bien entendu, si ces juges ne font pas attention suffisamment à la façon
18 dont ils créent un équilibre entre leur attitude subjective et les
19 dispositions législatives, une Cour suprême ou supérieure pourrait,
20 éventuellement, casser leur décision. Par conséquent, ce cadre juridique
21 doit toujours être respecté, quels que soient les crimes spécifiques.
22 Mme Odio-Benito (interprétation). - Bien sûr, ces paramètres juridiques
23 doivent être respectés, mais ici nous parlons d'une peine de prison
24 s'étalant entre cinq ans et plus et la peine capitale. Ce sont donc les
25 paramètres juridiques qui s'appliquent également dans les cas de crimes de
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1 guerre dans votre Code pénal ?
2 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'est cela.
3 Mme Odio-Benito (interprétation). - Merci, docteur.
4 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)Avez-vous un exemplaire de ce Code
5 pénal ?
6 M. Moran (interprétation). - J'ai recherché le Code pénal de la RSFY en
7 anglais. Cela fait des mois que je le cherche et, à ma connaissance, il
8 n'existe pas.
9 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)... Maître Moran ?
10 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge. Nous avons un certain
11 nombre d'exemplaires de ce code en BCS mais je ne pense pas que cela vous
12 servira à grand-chose, n'est-ce pas ? Nous avons recherché la version en
13 anglais du Code pénal, nous pourrions faire traduire certains chapitres,
14 certaines sections, mais la traduction de la totalité de ce Code pénal
15 serait un travail énorme. Peut-être que l'accusation l'a déjà demandée.
16 Mais nous-mêmes n'avons pas les ressources nécessaires pour le faire
17 traduire.
18 M. Jan (interprétation). - (Hors micro) D'après l'article 37-2, la peine
19 de mort n'est pas appliquée de façon automatique, n'est-ce pas ? Elle
20 n'est appliquée que dans des cas extrêmement graves.
21 M. Moran (interprétation). - Oui, effectivement. En fait il y a deux cas
22 seulement dont le professeur Tomic m'a parlé, et pour lesquels la peine de
23 mort a été appliquée. Peut-être qu'il peut vous donner plus de détails ?
24 M. Jan (interprétation). - Il s'agit de cas extrêmement graves, n'est-ce
25 pas ?
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1 M. Moran (interprétation). - Tout à fait, oui.
2 M. Jan (interprétation). - Généralement, ce n'est pas la peine de mort qui
3 est appliquée. C'est pourquoi cela m'intéresserait de pouvoir considérer
4 les dispositions appliquées aux cas d'homicides qui sont prévus dans le
5 cadre pénal.
6 M. Moran (interprétation). - Je peux vous faire traduire cette section.
7 Nous pourrons vous soumettre la section du Code pénal le plus rapidement
8 possible. Nous obtiendrons ces dispositions des sections relatives à
9 l'homicide. Nous pourrons les faire traduire et vous les soumettre. Peut-
10 être pas aujourd'hui mais demain en tout cas.
11 Mais la tâche de traduire tout le Code pénal est extrêmement importante et
12 nous n’avons pas suffisamment de ressources pour le faire.
13 M. le Président (interprétation) - Qu’en est-il de l'annexe 3 que vous
14 venez de nous distribuer ? Je crois qu'elle contient l'article 143 qui
15 traite des crimes de guerre à l'encontre des blessés et des malades,
16 n'est-ce pas ?
17 M. Moran (interprétation). - Oui, effectivement. Nous remercions le
18 professeur Bassuni*, d'ailleurs, pour nous avoir communiqué ce document.
19 M. le Président (interprétation) - Il semble clair que l'on peut condamner
20 une personne à une peine de prison qui ne peut pas être inférieure à
21 cinq ans ou une telle personne peut également être condamnée à la peine de
22 mort.
23 M. Moran (interprétation). - Effectivement, Monsieur le Président.
24 M. le Président (interprétation) - C'est donc une alternative ?
25 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je pense que le
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1 professeur pourrait nous éclairer sur ce point, notamment à la lumière de
2 l'article 143, celui que vous avez utilisé, lorsqu'il est question d'une
3 peine de prison qui ne soit pas inférieure à cinq ans. Il ne pourrait
4 peut-être s'agir que d'une peine de cinquante ans ou de trente ans ou
5 peut-être de quinze ans. Je crois que le professeur pourrait s'exprimer
6 sur cette question.
7 Professeur, puis-je attirer votre attention sur l'article 143 ? C'est
8 l'article auquel vient de faire référence le Président. En bas, il est dit
9 « une personne sera condamnée à une peine de prison non inférieure à
10 cinq ans ou bien à la peine capitale ». Lorsqu'on dit que cette peine ne
11 doit pas être inférieure à cinq ans à un Tribunal, pourrait-il estimer que
12 la personne doit être condamnée à soixante-quinze ans ou
13 quatre-vingt-dix-neuf ans de prison, ou bien le Tribunal se voit-il limité
14 dans sa décision ? Doit-il, par exemple, se limiter à une peine de prison
15 de quinze ans, s'il décide de ne pas appliquer la peine capitale ?
16 M. Tomic (interprétation). - Dans un tel cas, le cadre juridique prévu
17 relatif à la sanction est le suivant : le minimum doit être une peine de
18 cinq ans. Ce qui signifie que la peine peut s'étaler entre cinq et
19 quinze ans de prison, ou bien que la personne puisse se voir condamnée à
20 la peine de mort. La peine de prison peut s'étaler entre cinq et
21 quinze ans. En revanche, la peine de prison de vingt ans n'était utilisée
22 qu'en tant que substitut à la peine de mort. Il ne pouvait pas y avoir une
23 peine de prison de disons... seize ou dix-sept ans. Il s'agissait en tout
24 cas du cadre juridique pertinent à l'époque. Le minimum était de cinq ans,
25 le maximum de quinze ans, ou bien à ce moment-là on pouvait appliquer une
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1 peine capitale.
2 M. Jan (interprétation). - Comment expliquez-vous l'article 38 ? Et
3 notamment la deuxième clause de cet article ?
4 M. le Président (interprétation). - De quel paragraphe parlez-vous ?
5 M. Jan (interprétation). - Le paragraphe 2 de l'article 38.
6 M. Tomic (interprétation). - Excusez-moi, je n’ai pas eu d’interprétation.
7 M. Jan (interprétation). - Je vais vous le lire.
8 (hors micro)
9 Pour des crimes pour lesquels est prévue la peine de mort, et c’est le cas
10 dans l’article 143, vous pouvez prononcer une peine de substitution de
11 20 ans.
12 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi, nous n'avons pas la traduction
13 en anglais, c’est pour cela que le témoin dit qu’il n’a pas eu
14 l’interprétation. L’huissier peut-il intervenir ?
15 M. le Président (interprétation). - L’interprétation, c’est cela ?
16 M. Moran (interprétation). - Oui, effectivement, l’interprétation.
17 Pourrait-on vérifier les canaux d’interprétation, s’il vous plaît ?
18 M. Moran (interprétation). - Je crois qu'il vient de faire ce que je fais,
19 moi, tous les jours : il a posé ses doigts sur les boutons et puis
20 deux secondes plus tard j'entends la version BCS dans mes écouteurs ; je
21 crois que le témoin a fait la même chose.
22 M. Moran (interprétation). - Professeur, le Juge Jan a attiré votre
23 attention sur l'article 38, section 2, du Code, qui dit la chose
24 suivante : " Pour des crimes sanctionnés par la peine de mort, le Tribunal
25 peut décider d'imposer une peine de prison de 20 ans ". Et je crois que le
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1 Juge Jan souhaitait que vous expliquiez la façon dont ce système
2 fonctionnait, n’est-ce pas ?
3 M. le Président (interprétation). - Est-ce une disposition différente de
4 la disposition générale selon laquelle on ne peut pas emprisonner
5 quelqu'un pendant plus de 15 ans ?
6 M. Moran (interprétation). - Oui.
7 M. le Président (interprétation). - C'est une situation différente, parce
8 que selon l'article 143, la peine minimale est fixée à cinq ans. A moins
9 que ce soit la peine capitale qui ne soit appliquée.
10 Par conséquent, vous pouvez condamner quelqu'un à une peine allant jusqu'à
11 20 ans en vertu de l'article 143, malgré la disposition générale de
12 l'article 38, n'est-ce pas ?
13 M. Moran (interprétation). - Oui, 38/2, Monsieur le Président. Et je pense
14 que le professeur pourra vous expliquer la façon dont ce système est
15 appliqué et la façon dont les tribunaux appliquent ces dispositions en
16 Yougoslavie.
17 M. Jan (interprétation). - J’attire maintenant votre attention sur le
18 paragraphe 3, s'il vous plaît.
19 M. Moran (interprétation). - Oui. Professeur, consultez cette partie, s'il
20 vous plaît. Pourriez-vous consulter les paragraphes 2 et 3 de l’article 38
21 et expliquer aux Juges comment ces dispositions sont appliquées par les
22 tribunaux en ex-Yougoslavie, dans l’ex-RSFY, et quelle était
23 l'interprétation donnée de ces paragraphes ?
24 M. Tomic (interprétation). - En vertu du paragraphe 1 de l'article 38,
25 vous voyez une disposition générale. Il est dit que la peine de prison ne
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1 peut pas être inférieure à 15 jours et supérieure à 15 ans. C’est donc le
2 cadre juridique pertinent dans le cadre de ce type de crimes, de délits.
3 Les paragraphes 2 et 3 sont des exceptions, en quelque sorte, à la règle
4 générale et il est prévu la possibilité d'appliquer une peine de prison de
5 20 ans en tant qu’alternative à la peine de mort.
6 Les crimes sanctionnés par l'article 143... Pour ces crimes-là, le
7 Tribunal pouvait rendre une décision visant à imposer une peine de cinq à
8 15 ans ; il pouvait imposer la peine de mort et substituer éventuellement
9 une peine de prison de 20 ans à cette peine de mort. Il fallait prendre en
10 compte les circonstances de l'affaire, la personnalité de l’individu, de
11 l'auteur, son état de santé par exemple, etc. Et ces éléments permettent
12 de déterminer si l'auteur du crime va être condamné à une peine de prison
13 de six ans ou à la peine capitale ; par conséquent le Tribunal devait
14 tenir compte de toutes les circonstances entourant l'affaire en question,
15 tout ce dont je viens de parler, notamment quels étaient les motifs de
16 l’auteur du crime et les conséquences de la perpétration de ce délit ou de
17 ce crime.
18 Par conséquent, le Tribunal devait tenir compte de toutes ces
19 circonstances au moment de déterminer la peine. Bien entendu, les Juges
20 devaient prendre en compte des circonstances atténuantes ou aggravantes
21 et, au vu de tous ces éléments, le Tribunal pouvait alors prendre une
22 décision appropriée sur la peine à appliquer à un auteur particulier d'un
23 crime particulier.
24 Pour ce qui est de la disposition se trouvant dans le paragraphe 3 de
25 l'article 38, c’est une disposition dont j’ai déjà parlé. Si un délit
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1 pénal est commis avec préméditation, la peine prévue par l'article peut
2 aller jusqu'à 15 ans de prison. On peut également imposer une peine de
3 20 ans. Cela s'est produit, comme je l'ai déjà dit, en 1970-1971 dans le
4 cadre d'une affaire très particulière. Mais ce n'est pas une affaire
5 pertinente ici, puisque nous parlons de crimes totalement différents.
6 C'est donc une disposition générale qui avait une nature d'instruction,
7 d'orientation, et qui s'appliquait dans les cadres législatifs de la
8 fédération et aussi dans celui des Républiques. Elle a été utilisée une
9 fois en particulier, et par la suite, il a été établi que cette
10 disposition n'était pas particulièrement pertinente et qu'elle ne pouvait
11 être utilisée que de façon très exceptionnelle. Elle n'était plus
12 nécessaire dans le cadre du Code pénal. Par la suite, cette disposition et
13 d'autres qui n'ont plus été considérées comme pertinentes ont été
14 éliminées du Code pénal. Seuls des principe généraux ont été retenus -ou
15 cette disposition générale a été retenue- ce qui, en termes pratiques, n'a
16 pas une grande signification. Voulez-vous d'autres explications ?
17 M. le Président (interprétation). - Mais ici, ce qui nous intéresse plus
18 particulièrement, ce sont des crimes de guerre. Ils ne font pas partie du
19 Code pénal, n'est-ce pas ? Ils n'ont pas été inclus dans le Code pénal ?
20 M. Tomic (interprétation). - Si vous lisez avec soin mon rapport, vous
21 verrez que j'ai parlé des crimes, des délits pénaux pour lesquels cette
22 sanction était prévue. Je ne pourrais pas vous donner les pages de votre
23 version, mais en tout cas, dans ma version du rapport, dans la version en
24 BCS, il s'agit de la page 10. Peut-être pourrais-je attirer votre
25 attention sur les sections pertinentes de mon rapport, mais là je
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1 demanderais l'aide du service d'interprétation.
2 M. Jan (interprétation). - Je pense actuellement à votre argument selon
3 lequel une sentence inférieure peut être appliquée s'il existe des
4 circonstances atténuantes. Mais là, vous nous présentez une opinion
5 différente parce que la peine de mort n'est pas la sanction habituelle en
6 cas d'homicide volontaire ou intentionnel. Ce n'est que dans des cas
7 extrêmement graves que cette sanction est appliquée, cela fait partie de
8 l'article 38, je crois. Dans l'article 38, il est question de la peine
9 maximale d'emprisonnement qui est de 20 ans. C'est de cet angle que
10 j'examinais les choses.
11 M. Moran (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge.
12 M. Jan (interprétation). - Donc votre argument est que la commutation de
13 la peine de mort en une peine de prison de 15 ans ne peut être faite que
14 s'il existe des circonstances atténuantes ?
15 M. Moran (interprétation). - Oui, je vais vous l'expliquer.
16 M. Jan (interprétation). - Mais cela ne semble pas provenir de la lettre
17 des textes législatifs...
18 M. Moran (interprétation). - Je crois que le professeur peut en parler.
19 M. Jan (interprétation). - Je crois qu'il est en train de nous dire que la
20 peine de mort n'était appliquée que dans un cas, c'était en 1978 ou en
21 1979.
22 M. Moran (interprétation). - Oui, il s'agissait de crimes assez odieux,
23 assez violents, des meurtres extrêmement cruels comme il me l'a décrit.
24 M. Jan (interprétation). - Oui, des crimes extrêmement sérieux n'est-ce
25 pas, extrêmement graves ?
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1 M. Moran (interprétation). - Oui, effectivement. Dans le rapport... Enfin,
2 le professeur sait plus de choses que moi.
3 M. le Président (interprétation). - Oui, mais parfois la façon dont les
4 choses sont formulées dans les textes est est tellement ambigue qu'il faut
5 rechercher de nouvelles explications ou des éléments d'information
6 ailleurs. Si le criminel de guerre doit être traité d'une façon
7 spécifique, ne pensez-vous pas qu'il faut des orientations quant à savoir
8 la façon dont il faut le traiter si le texte n'est pas suffisamment
9 clair ? Ou, inversement, si le texte est suffisamment clair, pensez-vous
10 qu'il faille obtenir l'avis ou les informations d'une autre personne ?
11 M. Moran (interprétation). - Bien, Monsieur le Président, je ne sais pas.
12 M. le Président (interprétation). - Si vous lisez l'article 143, tout cela
13 est très clair. L'article nous dit la façon dont un criminel de guerre
14 doit être traité.
15 M. Moran (interprétation). - Et bien, peut-être pourrais-je poser vos
16 questions au professeur qui pourrait y répondre, ainsi les choses seraient
17 plus claires. Passons donc si vous le voulez bien, à l'article 143,
18 brièvement. Il est prévu une peine de prison qui ne soit pas inférieure à
19 5 ans ou bien la peine capitale. Lorsqu'on consulte l'article 37-2...
20 M. le Président (interprétation). - 37-2 ? Non, 38-2...
21 M. Moran (interprétation). - Oui, 38-2. On dit que le tribunal peut
22 prononcer une peine d'emprisonnement de 20 ans pour des crimes qui peuvent
23 également être sanctionnés par la peine de mort.
24 Concentrons-nous sur l'article 143. Si une personne est condamnée en vertu
25 de l'article 143 et si le Tribunal ne prononce pas une peine de mort, même
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1 s'il s'agit d'une affaire extrêmement grave, quelle serait la peine qui
2 pourrait être appliquée par le Tribunal ? J'aimerais que vous centriez
3 votre explication sur l'interprétation de l'article 38/2 par vos
4 tribunaux. C'est bien cela, Monsieur le Président ?
5 M. le Président (interprétation). - Nous allons faire une pause et nous
6 reviendrons à midi. Ainsi, le témoin aura le temps d'y penser.
7 M. Moran (interprétation). - Oui, je vais le laisser le faire, le laisser
8 penser à ce sujet.
9 M. Jan (interprétation). - (Hors micro).
10 (L'audience est suspendue à 11 heures 30 et reprise à 12 heures 05)
11 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons retrouvé
12 une section, une partie traduite du Code pénal en BCSP relative à
13 l'homicide et nous attendons que la photocopieuse soit chaude. Excusez-
14 moi, on vient juste de me donner les exemplaires, donc avec l'aide de
15 l'huissier j'aimerais qu'ils vous soient communiqués.
16 Je pense que nous avons suffisamment de documents également pour
17 l'accusation, mais il semble que ce soit un document de l'accusation en
18 fait.
19 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui. Je pense qu'effectivement nous
20 avions l'article 36 qui est relatif aux meurtres du Code pénal.
21 M. Moran (interprétation). - Je ne sais pas, c'est sans doute ce que nous
22 distribuons par l'intermédiaire de l'huissier.
23 Cela répondra sûrement à certaines de vos questions. Au cours de la pause,
24 nous avons eu une discussion avec le professeur et je crois qu'il y a eu
25 un malentendu. Il n'a pas très bien compris la question qui lui a été
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1 posée, je pense. Peut-être que je ne l'ai pas reformulée d'une façon
2 appropriée. Par conséquent, je la reposerai.
3 Donc Professeur, pouvez-vous expliquer aux juges, pour ce qui est de
4 l'article 38 paragraphe 2, comment cette disposition était interprétée par
5 les tribunaux de l'ex-Yougoslavie ?
6 M. Tomic (interprétation). - En ce qui concerne l'article 38 paragraphe 2
7 qui prévoit un des cas exceptionnels, cas exceptionnel dans lequel on peut
8 imposer une peine de prison de 20 ans, c'est une disposition dont pouvait
9 tenir compte le Tribunal lorsque le moment venait de déterminer une peine
10 s'étalant entre 5 et 15 ans de prison ou bien la peine capitale.
11 Le Tribunal pouvait parvenir à une solution de compromis. Elle pouvait
12 prononcer une peine aussi longue en tenant compte de l'objectif de cette
13 peine, à savoir objectif de prévention et si le Tribunal décidait
14 d'imposer la peine capitale, dans le cadre d'un crime spécifique, et si
15 l'auteur présentait certaines caractéristiques particulières, ou plutôt si
16 le Tribunal décidait, au vu de toutes ces circonstances, de ne pas
17 appliquer la peine capitale, mais si le Tribunal estimait également qu'une
18 peine de 15 ans n'était pas appropriée, à ce moment-là, le Tribunal
19 pouvait utiliser ce dispositif comme une sorte de soupape de sécurité afin
20 d'éviter que la peine de mort ne se limite qu'aux cas extrêmement graves.
21 Cependant, cette peine de 15 ans n'aurait pas non plus été appliquée ;
22 c'est pourquoi il n'y avait que très peu de cas d'affaires sanctionnés par
23 la peine capitale, et même lorsqu'il était décidé de condamner l'auteur
24 d'un crime à une peine capitale, cette peine était généralement
25 transformée en une peine de prison.
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1 Comme je l'ai déjà dit, je ne suis au courant que de deux cas particuliers
2 de peine de mort qui n'ont pas été transformés et pour lesquels la grâce
3 n'a pas été accordée.
4 M. Moran (interprétation). - Ceci répond-il à votre question
5 Monsieur le Juge ?
6 M. Jan (interprétation). - Oui.
7 M. Moran (interprétation). - C'est bien pour cela que nous sommes ici tous
8 présents, pour répondre à vos questions.
9 Dans l'article 38 paragraphe 3, il est question d'un crime intentionnel et
10 il est dit que la peine de 20 ans peut également être appliquée lorsque
11 des crimes de ce type sont très graves. Comment cette disposition était-
12 elle appliquée en ex-Yougoslavie et comment était-elle interprétée par les
13 tribunaux ?
14 M. Tomic (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, cela était prévu par
15 la loi, c'était possible d'après la loi, c'est-à-dire les législateurs
16 fédéraux au niveau de la République pouvaient le faire.
17 Donc si pour un crime, d'après la loi, la peine prévue est de jusqu'à
18 15 ans, par exemple l'homicide, il est possible de légiférer. Donc cela
19 veut dire que c'est le Parlement fédéral qui doit adopter cette loi et
20 légiférer pour faire en sorte que pour un crime spécifique, la peine
21 capitale soit de 20 ans de prison ou bien cela pouvait être fait par le
22 Parlement de la République. Lorsque cette loi a été adoptée au milieu des
23 années 1970, cela paraissait attirant comme réponse à des crimes
24 spécifiques. Mais dans la pratique, il s'est avéré que ces dispositions
25 sont restées lettre morte. Et même dans les cas où il était prévu
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1 d'appliquer une telle loi, cela ne s'est jamais fait dans la pratique.
2 C'est pour cette raison que d'après le Code pénal, je peux vous donner
3 l'exemple des huit crimes pour lesquels il était prévu d'appliquer la
4 prison de 20 ans, parce que là, il est écrit soit la peine sera de 5 à
5 15 ans, soit de 20 ans. Il était impossible d'avoir une peine de 16 ou
6 17 ans.
7 Si vous voulez, je vais vous énumérer très exactement les crimes pour
8 lesquels cette peine a été prévue. Bien évidemment, il s'agissait de
9 crimes très graves. Il ne s'agissait jamais d'un crime de base, mais il
10 s'agissait toujours de crimes qualifiés. Je vais vous énumérer ces crimes
11 d'après le Code pénal fédéral, donc il y avait le crime qualifié de
12 trahison de secret d'Etat et là, il s'agissait de peine de 20 ans,
13 ensuite, le crime de délit de falsification d'argent. Troisièmement, il
14 s'agissait de vols extrêmement graves, de délivrances de chèques sans
15 provision, ensuite de fraudes professionnelles, de pillages d'armements ou
16 de parties d'instruments de combat, et, ensuite, des crimes graves
17 concernant la mise en danger de la circulation aérienne, c'est-à-dire le
18 fait de kidnapper un avion et de mettre en danger la sécurité du vol. Ceci
19 était particulièrement à la mode dans les années 1970. Pour ces crimes-là,
20 la peine de 20 ans a été prévue le 28 juin 1990, cela dit, le Code pénal a
21 été modifié et la peine de 20 ans de prison par rapport à ces crimes-là a
22 été éliminée, même si le législateur avait la possibilité de prévoir cela
23 dans la loi, encore une fois, mais le juge n'avait pas ce droit-là.
24 D'après le Code pénal, il aurait fallu réécrire les textes afin de
25 réintroduire la peine de 20 ans.
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1 En ce qui concerne le Code pénal de la République de Bosnie-Herzégovine,
2 par contre, une telle peine était prévue seulement pour cinq crimes.
3 Premièrement, des crimes graves contre la santé de personnes, il
4 s'agissait de crimes qualifiés, ensuite falsifications de documents,
5 ensuite vols, ensuite crimes graves à l'encontre de la sécurité et la
6 propriété des personnes, et les crimes allant à l'encontre de la sécurité
7 du trafic de la circulation, par exemple, s'il s'agissait d'un accident
8 grave où l'auteur du crime, le chauffeur qui devait conduire un car rempli
9 d'enfants et si pendant une pause, lors du trajet, il a bu un peu trop, ce
10 qui a causé un accident grave.
11 En juillet 1991, les codes pénaux républicains ont été changés. Cette
12 peine de 20 ans a été éliminée pour de tels crimes, pour certains de ces
13 crimes comme le vol, ils ont été complètement rayés du Code pénal. La
14 peine de 20 ans a été éliminée, donc ce qui est resté c'était uniquement
15 la disposition générale.
16 M. Moran (interprétation). - Donc entre mai et décembre 1992, est-ce que
17 ce que vous voulez dire c'est qu'il n'y avait pas de crimes dans l'ex-
18 Yougoslavie. C'est-à-dire, en fait, en Bosnie-Herzégovine, il n'y avait
19 pas de crimes pour lesquels il était prévu d'appliquer la peine de 20 ans
20 de prison selon l'article 38-3, est-ce exact ?
21 M. Tomic (interprétation). - C'est exact, à la fois d'après les lois
22 fédérales ou républicaines, si vous voulez vous pouvez regarder ces
23 documents et vous ne trouverez aucun crime pour lequel la peine de 20 ans
24 de prison était prévue, étant donné que cela avait été aboli. La seule
25 possibilité dans laquelle la prison de 20 ans pouvait s'expliquer c'était
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1 afin de remplacer la peine capitale. C'était toujours suivant l'idée de
2 donner à l'auteur la possibilité d'être réhabilité.
3 M. Moran (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs et
4 Madame les Juges, si vous n'avez plus de questions. J'ai terminé avec le
5 témoin.
6 M. Jan (interprétation). - Nous avons ici un expert en loi criminelle.
7 Mme Rešidovic (interprétation). - Monsieur le Président,
8 Messieurs et Madame les Juges, j'espère que maintenant j'aurais l'occasion
9 de vous rendre le service que vous m'avez fait jusqu'à maintenant, en
10 matière de connaissances, étant donné que j'ai beaucoup appris depuis que
11 je suis ici. Monsieur le Professeur, bonjour.
12 M. Tomic (interprétation). - Bonjour.
13 Mme Rešidovic (interprétation). - Je suis Edina Residovic et je représente
14 M. Zejnil Delalic. Est-il vrai que nous nous connaissons depuis de longues
15 années ?
16 M. Tomic (interprétation). - Oui.
17 Mme Rešidovic (interprétation). - Il n'est pas nécessaire de dire le
18 nombre d'années.
19 Monsieur le Professeur, vous savez certainement que d'après le règlement
20 de ce Tribunal, en vertu de l'article 101, paragraphe 3, il est possible
21 pour ce Tribunal, au moment de la détermination de la sentence, de prendre
22 en compte la pratique habituelle, c'est-à-dire qu'il peut prendre en
23 considération le grille générale de peines d'emprisonnement tel qu'il est
24 appliqué par les tribunaux en ex-Yougoslavie. Le savez-vous, Professeur ?
25 M. Tomic (interprétation). - Oui.
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1 Mme Rešidovic (interprétation). - C'est pour cela, Professeur, que je vais
2 vous demander de discuter avec moi de cela, afin de faciliter la tâche à
3 ce Tribunal au moment de la détermination de la sentence, au cas où la
4 décision adoptée par ce Tribunal serait de prononcer une telle sentence à
5 l'égard d'un quelconque des accusés ici présents. Je souhaite maintenant
6 revenir sur une partie de votre discussion avec mon collègue,
7 Maître Moran, liée à l'application de l'article 38. Il est peut-être utile
8 de dire au Tribunal qu'il y a une partie générale de notre législation qui
9 est contraignante pour les tribunaux et pour le législateur, et puis qu'il
10 y a une autre partie plus particulière où les crimes spécifiques sont
11 traités.
12 M. Tomic (interprétation). - Oui.
13 Mme Residovic (interprétation). - Et ces crimes spécifiques, au sein de
14 l'ex-Yougoslavie, dans toutes les Républiques -y compris la Bosnie-
15 Herzégovine- étaient répartis en deux parties : au niveau fédéral et de la
16 République.
17 M. Tomic (interprétation). - Oui.
18 Mme Residovic (interprétation). - Donc les crimes spécifiques par
19 lesquels, par exemple, la loi internationale était violée, étaient traités
20 dans le Code pénal fédéral, alors que le vol, le meurtre, etc., étaient
21 traités dans les codes pénaux des Républiques.
22 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
23 Mme Residovic (interprétation). - Maintenant, revenons sur les
24 dispositions de l'article 38 en tenant compte de la manière dont ceci a
25 été appliqué par les tribunaux de l'ex-Yougoslavie. Ces tribunaux, au
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1 moment de la détermination de la sentence, devaient respecter le cadre
2 juridique prévu pour ce crime en particulier ?
3 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
4 Mme Residovic (interprétation). - S'il y avait un crime spécifique, il y
5 avait une sentence minimale prévue et le maximum était de 15 ans de
6 prison. Est-ce exact ?
7 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'est exact. Mais cela ne devait pas
8 nécessairement être toujours le cas, étant donné que 15 ans, c'était une
9 peine maximale en général.
10 Mme Residovic (interprétation). - Oui, mais le législateur pouvait
11 également imposer un minimum et un maximum pour un crime spécifique...
12 M. Tomic (interprétation). - Oui. Pour chaque crime, il y avait un cadre
13 juridique spécifique en ce qui concerne la détermination de la sentence.
14 Le législateur pouvait utiliser plusieurs modèles au moment d'imposer ces
15 cadres, tels que, par exemple, le modèle dit "fermé". Ainsi, un acte
16 criminel est sanctionné d'une peine allant de 5 à 10 ans, c'était le
17 minimum prévu.
18 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je crois que tout cela est clair
19 aux yeux des Juges, mais ma question est la suivante : un tribunal aurait
20 pu prononcer une quelconque peine de prison entre 5 et 10 ans, quelle
21 qu'elle soit. Cependant, si un maximum n'était pas prévu par le texte, le
22 tribunal aurait-il pu prononcer une peine allant de 5 à 15 ans, et ce
23 maximum n'aurait pas pu être dépassé ?
24 M. Tomic (interprétation). - Sauf dans des circonstances exceptionnelles
25 prévues par la loi. Si aucune mention n'était faite d'une peine maximale,
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1 alors dans ce cas, le tribunal estimait que le maximum était le maximum
2 général prévu par nos textes, c'est-à-dire 15 ans.
3 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Le Juge Jan a attiré votre
4 attention sur la disposition contenue dans le paragraphe 2 de l'article 38
5 qui prévoit la possibilité de transformer la peine capitale en une peine
6 de 20 ans de prison.
7 M. Tomic (interprétation). - Oui.
8 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si cette
9 disposition juridique spécifique a été véritablement appliquée, dans les
10 faits, par les tribunaux yougoslaves, de telle sorte que ceci constituait
11 un pouvoir détenu par les tribunaux -pouvoir qui aurait pu être utilisé
12 lorsque le tribunal pensait que la peine de 15 ans n'était pas
13 suffisamment sévère, mais qu'en revanche la peine capitale était
14 considérée comme trop sévère- et, à ce moment-là le tribunal décidait
15 d'appliquer la peine de 20 ans ?
16 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'était une règle générale.
17 M. Jan (interprétation). - Mais pour ce qui est de cet article 38 et de la
18 peine capitale qui est prévue... L'article 37, plutôt ! L'article 37
19 prévoit que la peine capitale ne peut être appliquée que dans des cas
20 extrêmement graves, et que par conséquent, la sanction prévue serait en
21 fait régie par l'article 2 de l'article 38 à ce moment-là, n'est-ce pas ?
22 M. Tomic (interprétation). - Oui. Le mot " prévu " ou " prévoir " est
23 indiqué, ce qui veut dire que la loi donc la possibilité au législateur de
24 déterminer quels sont les cas les plus graves, n'est-ce pas ? Ceux que
25 l’on peut qualifier d’affaires extrêmement graves ?
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1 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
2 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, il n'est pas de la
3 compétence d'un juge de déterminer quels crimes peuvent être qualifiés de
4 crimes extrêmement graves. Un juge ne peut pas décider cela de son propre
5 chef ; dans une situation particulière, il ne peut pas décider s'il
6 s'agissait véritablement d'un crime extrêmement grave, sanctionné par une
7 peine extrêmement grave.
8 M. Tomic (interprétation). - Oui, tout à fait. Un juge ne peut pas créer
9 un crime.
10 Mme Residovic (interprétation). - Le Juge Jan vous a posé une question
11 relative au meurtre ; il vous a dit qu’un meurtre restait toujours un
12 meurtre, n’est-ce pas ?
13 M. Tomic (interprétation). - Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact de dire qu'en vertu de
15 notre Code pénal, un meurtre prémédité entraîne une peine allant de 5 à
16 15 ans de prison, et qu'un juge-dans le cas d'un crime prémédité- a le
17 droit de prononcer une sentence qui tombe dans cette catégorie, c'est-à-
18 dire peut prononcer une peine d'emprisonnement de 5 à 15 ans ?
19 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'est exact ; le maximum était de
20 15 ans.
21 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact de dire que le législateur
22 -et pas le juge- a prévu les crimes extrêmement graves et les meurtres
23 extrêmement graves pour lesquels une alternative à la sentence prévue
24 pouvait être la peine capitale ?
25 M. Tomic (interprétation). - Oui, effectivement, c’était prévu par la loi.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Vous parlez de l'article 36,
2 paragraphe 2 de notre Code pénal, n'est-ce pas ?
3 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
4 Mme Residovic (interprétation). - Et ce n'est que dans ce cas-là, ou en
5 tout cas vous avez parlé de deux cas, dans ces cas de crime qualifié, de
6 crime extrêmement grave, notamment crime de second degré, meurtre commis
7 par vengeance, etc. Et ce n'est que si les faits établis dans le cadre de
8 cette affaire amènent le Tribunal à croire que c'est un crime grave qui a
9 été commis, donc si tous ces éléments sont réunis, à ce moment-là et
10 seulement à ce moment-là, le Tribunal peut décider d’imposer la peine de
11 prison la plus élevée, à savoir 15 ans de prison, ou bien le Tribunal peut
12 choisir d'imposer la peine de mort, n’est-ce pas ?
13 M. Tomic (interprétation). - Oui, c’est effectivement comme cela que
14 fonctionnaient les choses.
15 Mme Residovic (interprétation). - Si le Tribunal, dans une affaire
16 précise, décidait que la sentence prévue n'était pas appropriée étant
17 donnée la gravité du crime, et si ce Tribunal décidait d'appliquer la
18 peine alternative, à savoir la peine capitale prévue également par la loi,
19 est-il exact, Professeur, de dire qu'à ce moment précis, dans ce cas, le
20 législateur -en se fondant sur l’article 38 paragraphe 2 du Code pénal
21 fédéral- se voit accorder la possibilité de substituer une peine de prison
22 de 20 ans à la peine de mort ? Est-ce bien comme ceci qu’il faut
23 interpréter cette disposition du Code pénal ?
24 M. Tomic (interprétation). - Effectivement, ce serait l'application très
25 exacte de notre disposition.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Eh bien, revenons sur quelques articles
2 qui vous ont été mentionnés par le Juge Odio-Benito. Je parle notamment
3 des actes criminels prévus dans des parties spécifiques du Code pénal, à
4 savoir crime contre... ou violation du droit international humanitaire ;
5 je crois que le Juge dispose de la traduction des articles 142 et 143.
6 Professeur, j'aimerais maintenant que vous nous parliez de l’application
7 desdites dispositions, à savoir des dispositions qui prévoient une peine
8 de prison en prévoyant un minimum de 5 ans, et qui prévoient également une
9 peine alternative, à savoir la peine capitale.
10 Lorsque les Tribunaux ont eu à traiter de telles situations, lorsqu'il
11 fallait déterminer qu'un crime grave avait été commis, est-il exact que le
12 Tribunal avait une autre possibilité ? Il pouvait prononcer une peine de
13 prison de 5 à 15 ans, cela dépendait des circonstances dans lesquelles
14 s'était déroulée l'affaire, ou bien le Tribunal pouvait prononcer la peine
15 de mort pour ce crime particulier. Est-ce exact ?
16 M. Tomic (interprétation). - Oui.
17 Mme Residovic (interprétation). - Si notre Tribunal choisissait
18 d'appliquer une peine de prison, cela veut dire qu'il aurait pu prononcer
19 facilement une peine de prison allant de 5 à 15 ans, n'est-ce pas ?
20 M. Tomic (interprétation). - Oui.
21 Mme Residovic (interprétation). - Cependant, si le Tribunal choisissait
22 d'imposer une peine de mort, il avait suffisamment d'autorité et de
23 compétence -et là je parle de la disposition générale- pour substituer une
24 peine de prison de 20 ans à cette peine de mort ?
25 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Professeur, vous connaissez sans doute
2 l’une de ces affaires qui a été jugée par un Tribunal de
3 Bosnie-Herzégovine et qui a eu lieu en 1980 ; et le jugement a finalement
4 été rendu en 1981.
5 M. Tomic (interprétation). - Oui, je vois très bien de quoi vous parlez.
6 Mme Residovic (interprétation). - C'est le seul cas de crime de guerre qui
7 ait jamais été jugé devant un de nos tribunaux, n'est-ce pas ?
8 M. Tomic (interprétation). - Oui.
9 Mme Residovic (interprétation). - C'était un crime de guerre commis à
10 l'encontre de la population civile en 1941, et c’était un cas très grave
11 de crime de guerre ; il a été commis dans des circonstances extrêmement
12 violentes, et la population entière d'un village, et masculine, a été
13 tuée, n'est-ce pas ?
14 M. Tomic (interprétation). - Oui.
15 Mme Residovic (interprétation). - Et les femmes et les enfants ont
16 également été tués ?
17 M. Tomic (interprétation). - Oui.
18 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact qu'au cours de cette
19 affaire, le Tribunal a substitué à la peine de mort une peine de prison de
20 15 ans, et pour l'un des accusés la peine de mort a été remplacée par
21 une... un Tribunal supérieur.., par une peine de 20 ans de prison ; c'est
22 cela ?
23 M. Tomic (interprétation). - Oui.
24 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, le Tribunal connaissait
25 une affaire extrêmement grave, un meurtre extrêmement grave, visant des
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1 femmes et des enfants, n'est-ce pas ?
2 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'était une affaire très grave.
3 Mme Residovic (interprétation). - Et pourtant, le Tribunal de
4 Bosnie-Herzégovine n'a pas opté pour la peine capitale ?
5 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
6 Mme Residovic (interprétation). - Professeur, outre, ou malgré la gravité
7 de ce crime, il y avait peut-être des circonstances atténuantes
8 importantes qui s'appliquaient notamment aux auteurs du crime, mais au
9 crime lui-même ?
10 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'est exact.
11 Mme Residovic (interprétation). - Lorsqu'un Tribunal détermine qu'il
12 existe des circonstances atténuantes même dans le cadre d'un crime aussi
13 barbare, circonstances atténuantes relatives non seulement à l’auteur du
14 crime mais aussi au crime lui-même, est-il exact, Professeur, que le
15 Tribunal, dans ce type de cas, n'est pas lié par le minimum prescrit par
16 la loi ?
17 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
18 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, s'il existe des
19 circonstances telles dans l'application de ces dispositions particulières
20 devant un Tribunal de Bosnie-Herzégovine, le Tribunal a le droit de
21 transformer la peine minimale de 5 ans et de n'imposer qu’une peine de
22 prison d'un an par exemple ?
23 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'est exact.
24 Mme Residovic (interprétation). - Par conséquent, ce sont les
25 circonstances atténuantes qui donnent au Tribunal la possibilité de rendre
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1 une sentence, même dans des affaires aussi graves, une sentence allant de
2 1 à 15 ans de prison ; n'était-ce pas le cas ?
3 M. Tomic (interprétation). - Si.
4 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Professeur.
5 La situation est identique lorsqu'il s'agit de crime qualifié, n'est-ce
6 pas ? Meurtre qualifié. Lorsqu’il s’agit de ce type de meurtre, les
7 circonstances atténuantes sont également prises en compte, et la sentence
8 peut être commuée en une sentence d'un an de prison, n'est-ce pas ? La
9 sentence, la peine peut être réduite ?
10 M. Tomic (interprétation). - Mais nous parlons donc de dispositions
11 générales du Code pénal de l'ex-Yougoslavie qui peut être lié à tout
12 auteur et à tout crime.
13 Mme Residovic (interprétation). - Merci Professeur.
14 Revenons-en maintenant à la question qui vous a été posée par le Juge Jan.
15 Le juge vous a posé la question de savoir ce qui se passait lorsqu'un
16 meurtre était commis, puisqu'un meurtre est toujours un meurtre. Nous
17 avons vu qu'il y avait des cas de meurtres extrêmement graves qu'on
18 appelle des meurtres au premier degré ou au deuxième degré, enfin, la
19 définition varie selon les lois qui sont appliquées.
20 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
21 Mme Residovic (interprétation). - Mais il y a des meurtres qui revêtent
22 une moindre importante, c'est ce qu'on appelle les cas de meurtres
23 privilégiés, c'est l'utilisation qui est faite de ce terme en serbo-
24 croate.
25 M. Jan (interprétation). - Nous partons ici du principe que nous parlons
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1 de meurtres et d'homicides, n'est-ce pas ? Tous les homicides ne sont pas
2 des meurtres cependant ?
3 Mme Residovic (interprétation). - Certes, mais je ne veux pas parler ici
4 des cas d'homicides non intentionnels ou involontaires. J'aimerais
5 toutefois que Monsieur le Professeur nous explique précisément le fait
6 qu'il existe deux autres types de meurtres prémédités, types de meurtres
7 qui sont envisagés par notre législation.
8 Il y a notamment le cas du meurtre prémédité ou de l'homicide
9 intentionnel, cas dans lequel l'auteur réagit à ses émotions, cas dans
10 lequel l'auteur ne peut pas s'empêcher de commettre le crime. Est-ce que
11 j'exprime bien les choses, Professeur ?
12 M. Tomic (interprétation). - C'est exact, et une sentence est prévue qui
13 sanctionne ce type de meurtres.
14 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact, Professeur, de dire que la
15 préméditation est un facteur qui est nécessaire pour qu'on nous dise
16 qu'une personne a commis un meurtre ?
17 M. Tomic (interprétation). - C'est parfaitement exact.
18 Mme Residovic (interprétation). - Toutefois, il est également possible
19 pour l'auteur d'un meurtre de vouloir intentionnellement blesser
20 quelqu'un, son intention provoque la mort.
21 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
22 Mme Residovic (interprétation). - Peut-on donc dire que dans notre système
23 pénal nous avons la notion de blessure grave infligée volontairement ?
24 M. Tomic (interprétation). - C'est exact, cette notion existe.
25 Mme Residovic (interprétation). - Et dans ce type de crimes précis, la
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1 sentence est bien moindre que celle qui est imposée dans d'autres cas ?
2 M. Tomic (interprétation). - C'est exact. Les formes les plus simples de
3 meurtres entraînent une sentence qui va de 5 à 15 ans dans ce titre précis
4 de meurtres que vous venez de décrire, celui de la blessure
5 intentionnelle, de la blessure grave intentionnelle qui entraîne la mort,
6 la sentence est quelque peu différente. La question de la responsabilité
7 pénale se pose de façon différente.
8 Mme Residovic (interprétation). - Donc la question de la responsabilité
9 pénale se pose différemment parce que le résultat de l'acte est différent,
10 le résultat ce n'est pas forcément le meurtre, mais c'est plutôt
11 l'infliction* de blessures graves.
12 M. Tomic (interprétation). - La mort n'est pas le résultat de sa
13 préméditation, le résultat de la préméditation ce sont les blessures
14 graves, ce n'est pas la mort qui a été préméditée, donc pour ce qui est
15 des conséquences que cela entraîne, la sentence est très différente. Dans
16 ce cas précis, la sentence va de 1 an à 10 ans.
17 Mme Residovic (interprétation). - En fin de compte, même si les résultats
18 sont comparables, la sentence n'est pas la même du fait des circonstances
19 qui varient dans un cas et dans l'autre.
20 Bien, Professeur, vous avez consacré nombre d'années à l'étude de ces
21 problèmes, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la pratique des
22 tribunaux en Bosnie-Herzégovine, dont je précise d'ailleurs que c'était
23 une des pratiques les plus implacables de l'ex-Yougoslavie, donc peut-on
24 dire que la pratique des tribunaux était toujours de choisir la sentence
25 minimale des sentences envisagées ?
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1 M. Tomic (interprétation). - C'est exact. Dans la plupart des cas, les
2 sentences qui étaient délivrées étaient les sentences minimales choisies
3 parmi celles qui pouvaient être prévues pour tel ou tel acte. Je vais
4 illustrer ce que je viens de dire d'un exemple.
5 Dans les cas de meurtres, les sentences habituellement prononcées dans le
6 cadre d'un meurtre simple, meurtre simple envisagé par exemple à
7 l'article 36 du Code pénal de Bosnie-Herzégovine, dans ces cas donc, les
8 sentences allaient de 1 an à 6 ans, 6 ans et demi, alors que la loi, elle,
9 envisage un maximum de 15 ans d'emprisonnement.
10 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie mais dans d'autres cas,
11 n'est-ce pas, les sentences étaient encore moindres que celles que vous
12 venez de parler ?
13 M. Tomic (interprétation). - Oui.
14 Mme Residovic (interprétation). - Merci Monsieur le Professeur.
15 Monsieur le Président, si tout est clair à vos yeux maintenant, du moins
16 sur ces points précis, j'aimerais aborder d'autres questions dont elles me
17 semblent qu'elles présentent un intérêt pour l'affaire qui nous préoccupe
18 ici.
19 Professeur, dans votre rapport, vous citez un institut, un principe qui
20 existe au sein de notre pratique pénale et de notre législation pénale,
21 c'est le principe de l'application obligatoire d'une sentence moindre que
22 celles qui sont prévues.
23 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
24 Mme Residovic (interprétation). - C'est l'article 4 du Code pénal de la
25 RSFY qui prévoit cela. Pourriez-vous nous dire quel est le principe de
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1 base qui prévaut dans ce cas précis, quelle est également l'application
2 qui est faite des tribunaux du principe nulus crimen sinlégué* ?
3 Mme Mc Henry (interprétation). - Excusez-moi, Maître Residovic, vous
4 parlez de l'article 4 du Code pénal de la RSFY, est-ce qu’il y a une
5 traduction de cet article ou bien est-ce qu'au contraire vous voulez faire
6 référence à l'article 40 ?
7 Mme Residovic (interprétation). - (Hors micro). L'article 4 du Code pénal
8 de la RSFY est bien celui qui m'intéresse, il traite de l'application
9 obligatoire d'une sentence moindre que celle qui est prévue par la
10 législation.
11 Mme Mc Henry (interprétation). - Y a-t-il une traduction qui existe de ce
12 texte, est-ce que l'un des conseils de la défense dispose de la traduction
13 de ce texte ?
14 Mme Residovic (interprétation). - Ce n'est pas un article très long alors,
15 si vous voulez, je peux vous le lire à haute voix ; peut-être en avons-
16 nous une traduction, mais le plus simple est sans doute que je vous le
17 lise à haute voix sur la base de l'interprétation qui en sera faite et de
18 ce que je vais dire, le professeur nous fera part de son interprétation du
19 texte.
20 Le titre de cet article est, je cite : "application obligatoire d'une
21 sentence réduite".
22 Premier paragraphe, pour ce qui est des auteurs de crimes sanctionnés par
23 le droit pénal, c'est le Code pénal s'appliquant à l'époque qui doit être
24 appliqué.
25 Le paragraphe 2 stipule : "Si après la perpétration de l'acte criminel, il
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1 y a eu modification de la législation pénale, à une seule reprise ou à
2 plusieurs reprises, c'est la loi qui se montre la plus clémente à l'égard
3 de l'auteur de l'acte qui doit prévaloir". Fin de citation.
4 Professeur, pourriez-vous s'il vous plaît nous expliquer le sens de cette
5 disposition et pourriez-vous nous dire comment elle a été appliquée dans
6 la pratique ?
7 J'ai lu aux membres de la Chambre la partie qui nous intéresse
8 particulièrement. Et je voudrais d'autre part vous poser une question
9 précise : quelles lois s'appliquent et quelle est la loi qui s'applique
10 qui est appliquée par les tribunaux, lorsqu'il s'agit de déterminer la
11 peine à rendre ?
12 M. Tomic (interprétation). - Comme vous l'avez dit c'est le premier
13 paragraphe de l'article 4 qui énonce le principe général ; principe
14 général qui traite de l'auteur de l'acte criminel dans le cadre de la loi
15 pénale yougoslave. La loi qui était toujours appliquée, qui devait être
16 appliquée était celle à l'époque en vigueur, la loi qui était en vigueur à
17 l'époque de la perpétration du crime. C'est le principe général, il n'y
18 avait qu'une seule exception à ce principe général.
19 Cette exception, nous la retrouvons énoncée au paragraphe 2 de
20 l'article 4. Il y est stipulé que le législateur fédéral sur la base d'une
21 disposition de la constitution fédérale -je me réfère plus
22 particulièrement à l'article 211 paragraphe 3 de la constitution de la
23 RSFY- donc le législateur sur la base de cette provision constitutionnelle
24 avait l'obligation d'interdire, avait l'obligation de stipuler dans le
25 texte qu'il fallait appliquer la disposition relative à l'application
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1 obligatoire d'une sentence plus clémente.
2 Mme Residovic (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît.
3 M. Tomic (interprétation). - Laissez-moi poursuivre, s'il vous plaît. Si à
4 partir du moment où l'acte est commis et jusqu'à ce que la sentence finale
5 soit rendue, si au cours de cette période de temps il y a eu modification
6 à une ou plusieurs reprises de la législation, le Tribunal entendant de
7 l'affaire était tenu d'appliquer une sentence plus clémente à l'égard de
8 l'auteur de l'acte. C'était une obligation constitutionnelle pour les
9 tribunaux. Si le Tribunal ne se conformait pas à cette disposition
10 constitutionnelle, il se rendait coupable d'une grave erreur, et le
11 verdict rendu pouvait être cassé à un stade ultérieur de la procédure.
12 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur, vous avez
13 répondu à ma question.
14 Cette application obligatoire d'une sentence plus clémente était donc
15 contraignante pour les tribunaux, n'est-ce pas ? Ils étaient liés par
16 cette disposition ?
17 M. Tomic (interprétation). - Absolument.
18 Mme Residovic (interprétation). - Le règlement de ce Tribunal prévoit la
19 prise en compte des pratiques nationales. C'est la raison pour laquelle
20 j'aimerais que vous vous étendiez un peu sur les pratiques utilisées par
21 nos tribunaux, les tribunaux de l'ex-Yougoslavie. J'aimerais notamment que
22 vous fassiez quelques commentaires sur ce que je suis sur le point de
23 dire. Je vais vous demander de confirmer ou d'infirmer ce que je vais
24 dire.
25 N'est-il pas exact, Professeur, que si une loi cesse de considérer un acte
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1 comme un acte criminel, alors le tribunal considère, à partir de ce
2 moment-là, qu'il faut appliquer une sentence plus clémente à l'égard de
3 l'auteur de l'acte ?
4 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
5 Mme Residovic (interprétation). - Est-il également juste de dire que les
6 tribunaux appliquaient comme sentence plus clémente la loi qui, elle-même,
7 prévoyait des sentences plus clémentes ? Ils choisissaient, par exemple,
8 de donner une sentence de prison de 20 ans plutôt que la peine capitale et
9 ils choisissaient de demander une amende plutôt que d'appliquer une peine
10 de prison -c'est un exemple. C'est bien ainsi que l'on peut dire qu'une
11 sentence est plus clémente ?
12 M. Tomic (interprétation). - Oui.
13 Mme Residovic (interprétation). - Professeur, la loi qui abolissait les
14 sentences minimales a également été considérée comme une loi plus
15 clémente, n'est-ce pas ?
16 M. Tomic (interprétation). - Absolument.
17 Mme Residovic (interprétation). - Est-il exact de dire que le tribunal
18 considérait une loi comme étant plus clémente dès lors que cette loi
19 prévoyait la possibilité pour l'auteur de l'acte d'être exempté de toute
20 sanction ?
21 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
22 Mme Residovic (interprétation). - Il y a eu, n'est-ce pas Professeur, des
23 cas où des lois ont été passées, des lois qui abolissaient une sentence
24 minimale spécifique, des lois qui, simultanément, augmentaient la durée de
25 la sentence maximale pour certains actes criminels. C'était bien le cas,
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1 n'est-ce pas ?
2 Et puisque c'était le cas, j'aimerais savoir comment les tribunaux
3 réagissaient par rapport à ces lois. Si, par exemple, la disposition qui
4 prévalait à une certaine époque était une sentence de 3 à 10 ans et si,
5 par la suite, la loi était modifiée et établissait une sentence de 15 ans
6 de prison, dans un tel exemple, pouvez-vous nous dire comment les
7 tribunaux appliquaient de tels textes ? Quelle était la position du
8 tribunal à l'égard à la fois de ce minimum réduit et de cette sentence
9 maximale accrue ?
10 M. Tomic (interprétation). - Dans ces cas précis, les tribunaux pensaient
11 que le cadre juridique qui leur avait été fixé était trop étroit. Cela a
12 été leur réaction face à ces modifications. Lorsque, par la suite, des
13 lois ont été passées, des lois qui élargissaient ce cadre juridique...
14 Non, pardon, je vais revenir sur ce que j'étais en train de dire, je n'ai
15 pas tout à fait complété.
16 Si la situation qui prévalait à une certaine époque était telle que pour
17 un tel acte, le perpétrateur de l'acte allait être puni par une sentence
18 de 1 à 10 ans de prison, et si, par la suite, la situation était telle
19 qu'il était prévu que l'auteur soit condamné à 10 ans de prison, dans un
20 tel cas, la loi prévoyant une sentence minimale était appliquée.
21 Bien évidemment, les sentences maximales envisagées, elles, n'étaient pas
22 modifiées dans de tels cas.
23 Maintenant, dans la situation où une loi était modifiée dans le sens d'une
24 augmentation de la sentence maximale et d'une diminution de la sentence
25 minimale, alors cette loi ne pouvait pas être envisagée comme une loi plus
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1 clémente.
2 Mme Residovic (interprétation). - Je crois que vous vous êtes trompé,
3 non ? Vous voulez parler, en fait, d'une sentence maximale accrue.
4 M. Tomic (interprétation). - C'est exact. Nous parlons à présent de
5 l'application d'une loi plus clémente. Mais de toute façon, c'est la
6 sentence minimale qui était le facteur le plus important, dans tout cas de
7 figure. Mais il est vrai que la sentence maximale qui était fixée avait
8 également son importance.
9 Si, par exemple, le Tribunal décidait d'appliquer une loi qui envisageait
10 une sentence minimale précise et une sentence maximale accrue, la sentence
11 qui était finalement rendue ne pouvait pas aller au-delà de la sentence
12 maximale prévue par la loi qui était considérée comme plus dure à l'égard
13 du perpétrateur de l'acte.
14 Si le tribunal agissait d'une autre façon, il se rendait coupable d'une
15 erreur de justice.
16 Mme Residovic (interprétation). - J'aimerais que vous vous étendiez un peu
17 plus sur ce point, avant que nous ne prenions la pause déjeuner.
18 Par exemple, pour un acte très spécifique qui, auparavant, avait une peine
19 minimale de 3 ans et une peine maximale de 10 ans et si, par la suite, ce
20 crime était puni par une peine minimale de 1 an et par une peine maximale
21 de 15 ans, est-ce que dans un tel cas, le tribunal, dans la pratique,
22 pouvait rendre une sentence d'emprisonnement de 1 an parce que cette
23 sentence de 1 an était plus clémente par rapport à une sentence de 3 ans
24 prévue par la nouvelle loi ?
25 Mais, d'autre part, est-ce que ce tribunal ne pouvait pas prononcer une
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1 sentence supérieure à 15 ans, à 10 ans pardon, quelle que soit la
2 possibilité envisagée par la nouvelle loi, nouvelle loi qui envisageait
3 une sentence maximale de 15 ans ? En effet, si le tribunal avait agi de la
4 sorte, il aurait choisi une sentence plus clémente et le tribunal aurait
5 appliqué une sentence plus dure au lieu d'une sentence plus clémente, ce
6 qui n'aurait pas été dans la bonne application de la loi.
7 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
8 M. Jan (interprétation). - Dans certains pays, des droits fondamentaux
9 existent, ils disent qu'on ne peut attribuer une sentence plus grande que
10 celle qui devait être appliquée au moment où le crime a été commis. Ceci
11 dit, les tribunaux peuvent prendre en compte le fait que l'individu a déjà
12 accompli la peine minimale.
13 Mme Residovic (interprétation). - Et bien, Monsieur le Juge, je me
14 propose, peut-être, d'aborder les questions que vous venez de poser après
15 la pause.
16 J'aimerais, si vous me le permettez, revenir sur ce que j'étais en train
17 de dire au professeur et en finir avec cette question.
18 Professeur, si la peine capitale n'est pas envisagée dans tel ou tel acte
19 criminel, est-il exact que la peine de prison de 15 à 20 ans, de 20 ans,
20 ne pourrait pas être rendue ?
21 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
22 Mme Residovic (interprétation). - Donc, par exemple, si la prison est
23 prévue par la loi et s'il n'y a pas déclaration de la peine capitale,
24 quelle était la sentence maximale qui pouvait être énoncée à l’égard du
25 perpétrateur de l’acte ? Est-ce que c’était 15 ans ?
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1 M. Tomic (interprétation). - Oui, 15 ans.
2 Mme Residovic (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur. Après la
3 pause, nous reviendrons sur la question des circonstances atténuantes et
4 aggravantes, notamment dans le cadre de la personnalité de l’auteur de
5 l’acte. J'essaierai d’être brève, bien entendu.
6 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Nous allons suspendre et
7 nous nous retrouverons à 14 heures 30.
8 (La séance, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.)
9 M. le Président (interprétation). - Maître Residovic, continuez avec votre
10 exercice. En fait, je pensais que le mieux serait que vous meniez
11 directement le contre-interrogatoire à propos des circonstances
12 atténuantes parce que nous ne sommes pas si dans le noir que cela.
13 Heureusement, nous avons eu l'occasion d'examiner les lois en question
14 nous-mêmes.
15 Mme Residovic (interprétation). - Comme je l'ai déjà indiqué, je vais
16 maintenant me pencher sur le contenu de l'article 101 du règlement de ce
17 Tribunal, et je pense que pendant la pause nous avons réussi à obtenir une
18 version en anglais du Code pénal de la République de Bosnie-Herzégovine et
19 si d’ici demain nous trouvons un moment pour photocopier cela, nous serons
20 heureux de vous le remettre, et comme cela vous pourrez l'examiner plus en
21 profondeur.
22 M. le Président (interprétation). - Merci, merci beaucoup. Effectivement,
23 ce serait très... très utile.
24 Mme Residovic (interprétation). - Professeur, comme je viens de le dire,
25 je souhaiterais me pencher plus en détail sur le contenu de l’article 101
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1 du règlement de ce Tribunal. Cet article traite de la manière dont les
2 tribunaux de l’ex-Yougoslavie procédaient à la détermination de la
3 sentence. Jusqu'à maintenant, nous avons parlé des solutions juridiques,
4 des cadres établis et des limites dans lesquelles les tribunaux pouvaient
5 fonctionner librement. Maintenant, je souhaiterais que l’on dise aux Juges
6 de quelle manière cela s'effectuait sur le plan pratique par nos juges, et
7 quelles étaient les circonstances prises en considération au moment de la
8 détermination de la sentence. Etes-vous d'accord avec moi pour procéder
9 ainsi, Monsieur le Professeur ?
10 M. Tomic (interprétation). - Oui.
11 Mme Residovic (interprétation). - Nous avons remis un certain nombre de
12 mémoires accompagnés de la traduction des articles 41 et 42, et je pense
13 que le Procureur a fait de même, et il s’agit-là des articles -je pense
14 que vous serez d'accord avec moi- qui établissent les règles de base
15 valables pour la détermination de la sentence, et celles qui influent sur
16 l'atténuation de la sentence pour que celle-ci soit inférieure à la peine
17 prévue par la loi. Nous n'allons pas maintenant entrer dans tous les
18 détails du texte-même de cette loi, étant donné que je pense que celui-ci
19 est déjà connu, mais dites-moi, Professeur : au moment de la détermination
20 de la peine, les juges prennent-ils en considération le degré de
21 responsabilité pénale de l’auteur du crime ?
22 M. Tomic (interprétation). - Oui, le degré de responsabilité pénale est le
23 critère numéro un lors de la détermination de la sentence, en vertu de cet
24 article. Donc, cela veut dire que ce que nos juges prennent en
25 considération la capacité mentale de l'auteur ou bien le manque de celle-
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1 ci, est-ce exact, conformément à notre législation ?
2 M. Tomic (interprétation). - C'est Exact. Lorsque l'on établissait le
3 degré de responsabilité pénale, on prenait en considération effectivement
4 le degré de capacité mentale ou bien de son inexistence.
5 Mme Residovic (interprétation). - Nous n'allons pas nous pencher sur le
6 manque total de capacité mentale, étant donné que cela constituerait une
7 base de libération de l'auteur, n'est-ce pas ?
8 M. Tomic (interprétation). - Effectivement.
9 Un auteur qui est totalement incapable mentalement ne peut pas être tenu
10 pour responsable du point de vue mental. Il peut être considéré, tenu de
11 recevoir une sorte d'aide médicale.
12 M. Jan (interprétation). - Bien sûr, la responsabilité pénale n'est pas en
13 question dans une situation où aucun crime n'a été commis, mais il ne faut
14 pas poser ce genre de question à un expert.
15 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Juge, j'ai déjà annoncé que
16 nous n'allions par parler de cela, mais le témoin a répondu quand même.
17 Mais maintenant la question est la suivante : Professeur, est-il exact de
18 dire que, si une personne n'est pas suffisamment capable mentalement, les
19 juges peuvent prononcer une peine inférieure à celle prévue par les lois ?
20 C'est-à-dire que même si le minimum est de cinq ans, les juges peuvent
21 prononcer la peine de trois ans, par exemple ?
22 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
23 M. Jan (interprétation). - La peine concerne sa responsabilité, les
24 circonstances dans lesquelles le crime a été commis, et son état au moment
25 où il a commis le crime.
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1 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Juge, il s'agit là des
2 circonstances qui sont prises en considération par les tribunaux en
3 Bosnie-Herzégovine en ce qui concerne la peine.
4 M. le Président (interprétation). - L'article 101 parle de ces aspects-là
5 également.
6 M. Jan (interprétation). - De toute façon, vous ne pouvez pas donner une
7 définition précise de ce qui constitue une circonstance atténuante, c'est
8 aux Juges de déterminer dans quelles circonstances un crime a été commis,
9 au moment de la détermination de la sentence.
10 Mme Residovic (interprétation). - Je sais que ceci est valable partout
11 dans le monde et que vous, dans votre carrière, vous avez déjà fait cela
12 des milliers de fois ; mais étant donné que d'après le règlement il faut
13 tenir compte également de la pratique des Cours, des tribunaux dans l'ex-
14 Yougoslavie, j'ai pensé qu'il serait utile d'entendre ce que l'expert a à
15 dire à ce sujet.
16 M. Jan (interprétation). - Au moment de la détermination de la sentence,
17 il est nécessaire de prendre en considération la totalité des
18 circonstances concernant cette affaire. Il n'est pas possible d'appliquer
19 des définitions. Je ne vois pas quel est votre objectif quand vous posez
20 ces questions.
21 M. le Président (interprétation) - Souhaitez-vous informer la Chambre de
22 première instance de ce qui se passe en ex-Yougoslavie, et dans ce cas-là
23 c'est une bonne idée, étant donné que cela nous permet d'avoir un peu plus
24 de connaissances à ce sujet. Je suppose que dans cette mesure-là ceci peut
25 être utile, mais il n'est pas nécessaire de continuer. Je pense que nous
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1 avons reçu suffisamment d'informations.
2 M. Jan (interprétation). - Cela dépend des faits liés à chaque affaire.
3 Quant à la question de savoir quelles sont très exactement les
4 circonstances atténuantes...
5 Mme Rešidovic (interprétation). - Je peux pas, en ce moment, poser des
6 questions, mais demain je vais citer à la barre un témoin qui va
7 probablement parler des circonstances culturelles liées aux activités de
8 mon client. Mais je pense qu'il est utile que, par le biais d'un témoin,
9 vous entendiez quelle était la pratique judiciaire dans notre pays. Mais
10 si vous estimez que ceci n'est pas nécessaire ni utile, je vais arrêter de
11 poser les questions en ce moment.
12 M. Jan (interprétation). - Vous savez ce que vous devez faire mieux que
13 moi ; moi, je ne voulais faire que de vous proposer des solutions.
14 Mme Rešidovic (interprétation). - Merci. Monsieur le professeur, est-il
15 vrai que les tribunaux à l'époque prenaient en considération les
16 motivations du crime ?
17 M. Tomic (interprétation). - Oui, effectivement. Les motivations
18 constituent une circonstance très importante au moment de la détermination
19 de la peine. Donc il est très important de savoir pour quels motifs un
20 crime a été commis. Par exemple, quand il s'agit d'un homicide ordinaire,
21 le motif peut être soit de s'approprier les biens de l'autre personne,
22 soit la charité. Et en fonction des deux motifs, la peine peut être très
23 différente.
24 Mme Rešidovic (interprétation). - Cela peut être la haine, cela peut être
25 la convoitise, ou bien la charité et, en fonction de cela, la Cour pouvait
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1 déterminer une sentence tout à fait différente.
2 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
3 Mme Rešidovic (interprétation). - Parlons toujours des circonstances, est-
4 ce que les tribunaux prenaient en considération le moment, l'heure à
5 laquelle le crime a été commis, si cela s'est passé pendant la nuit,
6 pendant une nuit orageuse, par exemple ? Est-ce que ce genre de
7 circonstances était pris en considération là aussi ?
8 M. Tomic (interprétation). - Oui. Toutes ces circonstances étaient très
9 importantes. L'instrument avec lequel le crime a été commis, le lieu,
10 l'heure à laquelle le crime a été commis, la situation de la victime, si
11 la victime était handicapée ou pas, les rapports entre l'auteur du crime
12 et la victime : tout cela était pris en considération, ainsi que s'il
13 s'agissait d'un rapport de confiance, par exemple, entre un auteur et son
14 protégé.
15 Mme Residovic (interprétation). - Merci.
16 Et la vie antérieure de l'auteur est-elle, elle aussi, prise en
17 considération ? Par exemple, comment cette personne se comportait dans la
18 société, au travail, par rapport à son entourage, etc...
19 M. Tomic (interprétation). - Oui, la vie antérieure de l'auteur du crime
20 constituait elle aussi un des éléments importants, s'agissant de
21 l'individualisation juridique du crime.
22 M. Jan (interprétation). - Et le statut social ? Est-ce que lui aussi
23 était pris en considération ?
24 Mme Residovic (interprétation). - Non pas le statut social, mais son
25 engagement au sein des activités utiles pour la société... Ce sont les
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1 caractéristiques positives de sa personnalité.
2 M. Tomic (interprétation). - Excusez-moi, mais je n'ai pas terminé. Donc,
3 ces circonstances pouvaient être positives ou négatives mais le tribunal
4 devait prendre en considération et les unes et les autres, pour adopter
5 une décision appropriée.
6 Mme Residovic (interprétation). - Merci.
7 Nos tribunaux, est-ce qu'ils étaient tenus de prendre en considération sa
8 situation familiale, son âge, son rapport avec ses proches, dans la
9 famille et avec ses cousins un peu plus lointains ?
10 M. Tomic (interprétation). - Oui, les tribunaux étaient tenus de prendre
11 en considération cela aussi, c'est-à-dire sa situation familiale, s'il
12 était, par exemple, la personne responsable du bien-être de toute la
13 famille, sa situation financière, s'il était employé ou pas et sa
14 situation sociale en général.
15 Mme Residovic (interprétation). - Dans notre pratique juridique, est-ce
16 qu'était considérée comme importante la façon dont l'auteur du crime se
17 comportait après avoir commis le crime, c'est-à-dire les regrets, les
18 excuses, les tentatives d'éliminer, d'atténuer les conséquences de son
19 crime, et en général, tout son comportement -y compris lors du procès-
20 tout son comportement suite au crime commis ?
21 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'étaient des circonstances qui devaient
22 être prises en considération. Par exemple, s'il était prêt, après avoir
23 commis le crime, à récompenser, à offrir des récompenses pour les
24 dommages, s'il était prêt à s'excuser, comment il se tenait devant les
25 juges lors du procès... ou bien si la personne ne renonçait pas au crime
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1 et considérait que c'était une bonne chose : cela avait une influence très
2 négative à la fin.
3 Mme Residovic (interprétation). - Et finalement, est-ce que dans notre
4 pratique juridique l'on mentionnait également toutes les autres
5 circonstances, c'est-à-dire les caractéristiques de sa personnalité, sa
6 santé, sa responsabilité professionnelle, etc. ? Est-ce que les tribunaux
7 étaient tenus de prendre en considération cela aussi ?
8 M. Tomic (interprétation). - Oui, toutes les circonstances liées à la
9 personnalité de l'auteur du crime devaient être prises en considération
10 par les tribunaux.
11 Mme Residovic (interprétation). - J'ai une seule question encore
12 concernant ce domaine, Monsieur le Professeur. Si toutes ces
13 circonstances, ou bien quelques-unes de ces circonstances qui devaient
14 être prises en considération par les tribunaux pour déterminer une peine
15 de 6, 10 ou 14 ans, si toutes ces circonstances étaient tellement
16 importantes, est-ce exact de dire que dans ce cas-là le Tribunal avait la
17 compétence de prononcer une peine inférieure à celle qui a été prévue par
18 la loi ?
19 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'est exact. Le Code pénal fédéral de la
20 Yougoslavie en vertu de l'article 42 prévoyait cela comme base sur
21 laquelle la peine pouvait être atténuée, et cette base existait si le
22 Tribunal dans le cas précis a établi que des circonstances
23 particulièrement atténuantes existaient, et que cela a incité les juges à
24 considérer qu'une peine atténuée par rapport à celle prévue par la loi
25 serait suffisante. Donc, par exemple, si la peine d'au moins cinq ans
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1 était prévue pour un certain crime, il était possible de prononcer, dans
2 ce cadre-là, selon la loi, une peine d'un an par exemple ou plus.
3 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Je pense que nous avons
4 maintenant couvert le champ d'application de la loi dans notre pratique
5 juridique.
6 M. Jan (interprétation). - Excusez-moi, est-ce que vous avez plusieurs
7 copies de l'article 42 où l'on traite de ces peines ?
8 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Juge, nous avons assuré la
9 traduction de ces dispositions et nous les avons remis ensemble avec notre
10 mémoire concernant la détermination de la peine. Mais si vous voulez je
11 peux vous remettre cela par la suite.
12 Mme Mc Henry (interprétation). - Si je ne me trompe pas, ce dont Me Moran
13 parlait et le texte qu'il a soumis plus tôt aujourd'hui, se trouve sur la
14 page 4 ; il s'agit de l'article 42.
15 Mme Residovic (interprétation). - Et les limites concernant l'atténuation
16 de la peine se trouvent dans l'article 43.
17 Donc, Professeur, en ce qui concerne la détermination de la sentence, j'ai
18 encore trois questions à vous poser. Est-ce exact, Monsieur le Professeur,
19 que devant nos tribunaux les procédures pénales sont menées d'une manière
20 unique, où les procédures concernant à la fois la présentation des pièces
21 à conviction et de celles concernant la détermination de la peine, se
22 passent au sein d'une seule et unique procédure ?
23 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
24 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce exact, Professeur, aussi que si
25 un tribunal chargé d'une affaire rejette une certaine pièce à conviction
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1 soumise par l'une des parties à la procédure, et surtout si ce refus est
2 confirmé par une instance supérieure, que ces éléments de preuve sont
3 considérés comme inadmissibles devant nos tribunaux ?
4 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
5 Mme Rešidovic (interprétation). - Professeur, que se passerait-il si une
6 telle situation se produisait chez nous et si la sentence se basait sur un
7 élément de preuve qui avait été rejeté comme irrecevable ?
8 M. Tomic (interprétation). - Ce verdict serait cassé.
9 Mme Rešidovic (interprétation). - Merci, je n'ai plus de questions.
10 M. Morison (interprétation). - J'ai un certain nombre de questions à poser
11 au témoin. Monsieur Tomic, puis-je vous renvoyer à l'article 36 relatif à
12 l'homicide ?
13 Il semble qu'il y ait un mot qui parle de commission, acte de commission
14 plutôt que acte d'omission, je sais que je lis la traduction de ce
15 document mais chacun des exemples donnés dans l'article 36 semble faire
16 référence à des actes de commission ou de perpétration et non pas des
17 actes d'omission est-ce bien de cela qu'il s'agit dans cet article,
18 d'actes de perpétration et d'omission ?
19 M. Tomic (interprétation). - Dans l'article 36 du Code pénal de la
20 République de Bosnie-Herzégovine, au premier paragraphe, on voit qu'il est
21 question de meurtre ordinaire. Et que la sentence prévue pour sanctionner
22 ce type de crime est une peine minimum de cinq ans. C'est une formulation
23 extrêmement courte d'ailleurs. Dans notre langue il n'y a que quatre mots
24 pour qualifier ce type de crime et d'ailleurs qui sont équivalents aux
25 mots anglais quelqu'un qui prive une autre personne de sa vie. Quand il
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1 est question d'homicide, bien entendu, nous parlons d'acte actif de
2 perpétration. Et il y a toute une série d'actes qui peuvent tomber de
3 cette catégorie de perpétration, par exemple, quand le feu est ouvert sur
4 une autre personne etc..
5 M. Morison (interprétation). - Nous pouvons lire le texte de l'article 36.
6 Nous voyons la formulation en anglais de cet article. Je suppose que la
7 traduction est exacte. La raison pour laquelle je vous ai posé cette
8 question est la suivante : si nous le comparons avec l'article 38, il
9 évident que la loi de Bosnie-Herzégovine envisage l'homicide par
10 négligence c'est-à-dire une omission qui rend la personne qui perpètre
11 cette omission coupable d'un crime.
12 M. Tomic (interprétation). - Il y a, effectivement, une différence très
13 importante. Le meurtre ordinaire qui est envisagé dans l'article 36,
14 paragraphe 1 est sanctionné par une sentence minimum de 5 ans. Le modèle
15 de responsabilité qui est présenté dans l'article exige qu'il existe une
16 préméditation ou une intention délictueuse.
17 Pour ce qui est de l'article 38, nous parlons de crime d'homicide par
18 négligence et selon la loi pénale yougoslave, la responsabilité pénale est
19 prescrite dans le cadre d'homicide par négligence, seulement lorsqu'elle
20 est explicitée dans la loi pertinente. Et étant donné le type de
21 responsabilité pénale car il y a certaines responsabilités pénales de
22 moindre ampleur, moindre importance, que la préméditation, la peine qui a
23 été prévue s'étalait entre six mois et cinq ans. Par conséquent, vous
24 voyez la différence.
25 M. Morison (interprétation). - Effectivement, vous avez déjà répondu à la
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1 question que j'allais vous poser. Ce qui tout à fait encourageant. Par
2 conséquent, nous pouvons dire, quand il existe une omission active ou un
3 acte d'omission, la loi en Bosnie, sans doute, en vertu des distinctions
4 faites entre les cas prévus par l'article 38 et 36, la loi donc prévoit
5 des peines moins lourdes dans le cas d'omission que dans le cas de
6 perpétration. C'est bien exact ?
7 M. Tomic (interprétation). - On pourrait le dire effectivement.
8 M. Morison (interprétation). - La raison qui me fait mentionner ce point
9 est que dans l'acte d'accusation, l'accusé est alternativement accusé
10 d'actes ou omission.
11 Par conséquent, si nous tenons compte de la loi de Bosnie-Herzégovine qui
12 prévoit une peine moins importante dans un cas plutôt que dans l'autre, je
13 crois que c'est une mention qu'il est important de faire. Passons
14 maintenant à l'article 33, dans lequel il est question de sanction. En
15 vertu de l'article 33, pour ce qui est des sanctions et de leur objectif
16 principal, la traduction dit d'empêcher un auteur de commettre des crimes
17 et d'assurer sa réinsertion. J'espère que je ne rentre pas trop dans les
18 détails, mais d'après la traduction on se ne sait pas si le mots " et "
19 est un signe de conjonction ou de disjonction ; j'espère que je ne rends
20 pas la vie trop dure aux interprètes.
21 M. Tomic (interprétation). - Dans l'article 33, au premier paragraphe, la
22 disposition qui est incluse utilise une conjonction de coordination
23 " et ", ce qui veut dire qu'elle exerce une fonction d'inclusion, alors
24 que dans les deux autres paragraphes ce sont des types particuliers de
25 prévention qui sont soulignés, relatifs aux peines infligées et dans le
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1 droit pénal yougoslave il y a d'autres mesures qui jouaient ce type de
2 rôle également, à savoir la prévention des crimes.
3 Il y a en fait huit mesures de protection, de sécurité, prévues dans le
4 cadre de la législation yougoslave. Celle-ci n’est liée qu’à la peine,
5 c'est quelque chose dont nous avons déjà parlé ce matin.
6 M. Morison (interprétation). - Je pensais qu’effectivement c'était une
7 conjonction de coordination, mais je voulais souligner cela à l’intention
8 des Juges et je ne voulais pas me tromper en indiquant cela.
9 Autre possibilité, autre argument que nous allons présenter à l’attention
10 des Juges, au nom de M. Mucic : d’après votre témoignage, peut-on dire que
11 les juges, lorsqu’ils appliquent le droit en Bosnie-Herzégovine, ont en
12 fait un pouvoir discrétionnaire extrêmement important, même lorsque
13 certains minimums sont stipulés par les textes de loi ?
14 M. Tomic (interprétation). - Oui. Ceci nous renvoie au principe de
15 l'individualisation judiciaire de la peine. Je ne parle pas seulement des
16 sanctions, je parle d'autres peines également : la grâce, la mise en
17 liberté, les mesures de sécurité, etc. Les tribunaux avaient effectivement
18 un pouvoir discrétionnaire très important, l'objectif de ce pouvoir étant
19 de parvenir aux meilleurs choix au moment de déterminer la peine
20 appropriée.
21 M. Morison (interprétation). - Je pense que je n'abuse pas de la patience
22 des Juges, mais la question que je vais poser va être plus abstraite que
23 concrète. Nous avons parlé d'emprisonnement, de peine financière ; y
24 a-t-il aussi, dans le Code pénal, des dispositions relatives à ce que nous
25 appelons en Angleterre des " peines de communauté ", à savoir notamment
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1 des travaux d’utilité publique, entre autres ? Ou bien de mise à
2 l'épreuve ?
3 M. Tomic (interprétation). - Votre question est assez intéressante, étant
4 données les nouvelles lois qui viennent d'être passées dans les
5 nouveaux... les Républiques anciennement yougoslaves, je crois que nous
6 avons reçu une influence assez importante des pays d'Europe occidentale et
7 de l’Occident en général ; de nouvelles sanctions pénales ont été
8 introduites.
9 Si l'on étudie de plus près la situation actuelle, auparavant il n'y avait
10 que trois types de sanctions qui étaient prévues : il y avait les amendes,
11 l'emprisonnement et la peine de mort. Il est vrai que lorsque l’on parle
12 d'emprisonnement, les condamnés devaient effectivement participer à des
13 travaux au mieux de leurs possibilités psychologiques et physiques, car il
14 était estimé que le travail avait une fonction éducative également, et
15 puis qu'il servait à assurer la réhabilitation des prisonniers. Ceci
16 devait donc préparer le détenu à réintégrer une nouvelle vie après avoir
17 purgé sa peine. S'il avait été, par exemple, condamné pour vol, il fallait
18 le préparer pour d'autres types de travaux qu'il pourrait réaliser après
19 avoir purgé sa peine de prison.
20 Par conséquent, des dispositions ont été prévues pour que ce type
21 d'individu puisse participer à des activités et à acquérir une formation
22 qui pourrait lui servir par la suite.
23 M. Morison (interprétation). - Merci. En vertu de l'article 142, et je ne
24 prends qu'un exemple, lorsque le Juge Odio-Benito a parlé de cet article,
25 j'ai été frappé car, peut-être que là aussi il fallait demander quelle
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1 était votre interprétation de la disposition. Je crois qu'il est prévu une
2 peine incompressible de cinq ans de prison. Pouvez-vous nous aider sur ce
3 point ? Ce mot "stricte" ou "incompressible" a-t-il quoi que ce soit à
4 voir avec le régime de détention ou avec tout autre chose ?
5 M. Tomic (interprétation). - Jusqu'en 1976, en ex-Yougoslavie, il y avait
6 deux types de peines de prison. La première était une peine de prison
7 simple. Et il y avait également une peine de prison "stricte", selon le
8 mot utilisé dans notre pays. Elle pouvait aller de trois jours à
9 trois ans... Pardon, la peine de prison simple pouvait aller de
10 trois jours à trois ans et la peine de prison stricte allait de cinq ans à
11 15 ans.
12 Cependant, après l'application du nouveau Code pénal en ex-Yougoslavie,
13 après son adoption le 1er juillet 1977, il y a eu une unification des
14 peines de prison. Après cela, il n'est resté qu'une seule peine, à savoir
15 une peine s'étalant de cinq à 15 ans.
16 Par conséquent, le même régime de détermination de peine s'appliquait à la
17 personne condamnée à trois ans de prison ou bien à la personne condamnée à
18 15 ans de prison. Le régime prévalant dans les centres de détention était
19 le même. Les détenus avaient le droit à des sorties.
20 Au début, ce type de sortie avait lieu au sein du centre de détention,
21 puis, après un certain temps, une fois que nous avions réalisé que nous
22 pouvions faire confiance aux détenus, que nous pouvions nous assurer
23 qu'ils ne quitteraient pas le pays, ces personnes pouvaient sortir du
24 centre de détention et passer un certain temps avec leur famille.
25 Les prisonniers pouvaient également apporter leur aide à la famille si
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1 c'était une famille d'agriculteurs, etc., du moment que le détenu rentrait
2 au centre de détention afin de continuer à purger sa peine.
3 Par conséquent, il n'y avait aucune distinction, quelle que soit la
4 longueur ou la durée de la peine à purger. Le régime prévalant dépendait
5 surtout de la psychologie du détenu. Certains détenus ne pouvaient
6 participer à aucun travail au sein du centre de détention, cependant il y
7 avait certains détenus qui pouvaient s'occuper du jardin, du centre de
8 détention ou bien de la cour.
9 M. Morison (interprétation). - Mais la réalité est la suivante : le mot
10 "strict" est relatif au nombre d'années purgées par le prisonnier plutôt
11 qu'au régime de détention à proprement parler, n'est-ce pas ?
12 M. Tomic (interprétation). - Oui, tout à fait.
13 M. Morison (interprétation). - Je vois. Enfin, vous avez parlé de centres
14 de détention, de centres correctionnels. Pouvez-vous nous éclairer ? Si
15 vous ne le pouvez pas, faites-le nous savoir.
16 Nous repartons en 92. Qui était responsable, qui était chargé
17 officiellement de la gestion des centres de détention en Bosnie-
18 Herzégovine ? Par exemple, en Angleterre et au Pays de Galles, nous avons
19 un service du gouvernement et nous avons également certaines prisons
20 privées. Alors, quel était l'organisme chargé officiellement de la gestion
21 des prisons en 1992 ?
22 Mme Mc Henry (interprétation). - Excusez-moi, je ne vois pas quelle est la
23 pertinence de la question, relativement à la peine à appliquer aux
24 accusés.
25 M. Morison (interprétation). - Puis-je m'expliquer, s'il vous plaît ? Je
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1 crois que cela a un lien avec les circonstances atténuantes. Nous parlons
2 de l'hypothèse que M. Mucic est condamné sur un ou plusieurs des chefs
3 d'accusation. L'un de nos arguments est qu'il n'était pas un directeur de
4 prison formé à cet effet, qu'il n'était pas non plus un garde de prison
5 formé à cet effet.
6 Par conséquent, nous pensons que s'il y avait une instance officielle qui
7 était chargée de la gestion des prisons, ceci pourrait apporter de l'eau à
8 notre fontaine.
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Je maintiens mon objection.
10 M. le Président (interprétation). - Je ne sais pas si cela constitue une
11 quelconque différence, il s'agit d'éléments de preuve que nous recevons
12 dans le cadre de cette affaire.
13 M. Morison (interprétation). - Oui, effectivement.
14 M. le Président (interprétation). - Mais si vous pensez que nous devons
15 prendre ceci en compte, nous le ferons.
16 M. Morison (interprétation). - Oui, merci Monsieur le Président. Avant de
17 pouvoir tenir compte de ces éléments je pense que le témoin devrait
18 répondre à la question.
19 M. le Président (interprétation). - Très bien, allons-y.
20 M. Tomic (interprétation). - Oui, bien sûr, je peux vous aider. La peine
21 qui devait être purgée en ex-Yougoslavie relevait de la compétence de
22 trois types d'instance. Il y avait tout d'abord ces centres fermés,
23 semi-fermés et puis ouverts. Il y avait également des prisons qui
24 accueillaient des délinquants juvéniles, mais ce n'étaient pas
25 véritablement des prisons en tant que telles, c'étaient surtout des
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1 centres d'éducation, des foyers ; tout ceci relevait de la compétence du
2 Ministère de la Justice d'une République, au niveau de la République donc.
3 C'était donc la République qui était chargée de la gestion de ces centres.
4 Et la mise en oeuvre ou l'exécution de sanctions d'ordre pénal, était
5 assurée par l'intermédiaire d'une loi précise qui s'appelait la loi
6 relative à l'exécution de sanctions d'ordre pénal et de peines venant
7 sanctionner des délits.
8 J'espère que ce terme en anglais "miss demines*" sera bien traduit. Elles
9 sont constituées notamment par des délits relatifs à la circulation et ce
10 genre de chose.
11 Le régime dépendait du type de centre, le régime le plus clément, bien
12 entendu, était celui qui était en vigueur dans ces centres ouverts comme
13 je les ai appelés. Les accusés venaient travailler le matin, ils devaient
14 travailler toute la journée, et puis, dans l'après-midi ils pouvaient
15 rentrer chez eux et ils pouvaient dormir chez eux. Le lendemain matin, ils
16 devaient se présenter à leur travail à nouveau.
17 Par conséquent, c'était donc ce que nous avons appelé des centres ouverts.
18 En ce qui concerne les centres semi-ouverts, le régime était un peu plus
19 strict et les détenus avaient un traitement moins privilégié, bien que les
20 détenus avaient le droit de quitter le centre et de participer à certains
21 travaux à l'extérieur du centre.
22 Pour ce qui est des centres correctionnels de type fermés, bien entendu
23 cela dépendait du type de crimes commis et de la gravité de la sanction,
24 mais cela dépendait également de la personnalité, des traits de caractère
25 de l'auteur du crime. Les détenus étaient mis en plusieurs catégories et
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1 divisés en plusieurs groupes selon les critères fixés pour chaque
2 catégorie, et, bien sûr, ils ne recevaient pas les mêmes traitements.
3 Il y avait, par exemple, une catégorie de détenus qui n'avait pas le droit
4 de quitter le centre de détention, qui n'avait jamais cette autorisation.
5 Et puis, il y avait la catégorie des détenus qui, parfois, avaient la
6 possibilité de quitter le centre de détention surveillés par des gardes de
7 la prison bien sûr, afin de participer aux travaux nécessaires.
8 Puis, il y avait une troisième catégorie à savoir les détenus qui avaient
9 le droit de quitter le centre de détention sans la surveillance de gardes
10 de la prison.
11 L'administration de ce centre de détention en question faisait confiance
12 aux détenus et, généralement les détenus n'abusaient pas de la confiance
13 qu'ils inspiraient.
14 M. Morison (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur Tomic.
15 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres questions ?
16 Mme Mc Murrey (interprétation). - Oui, j'aimerais poser une question qui
17 sera brève si vous me le permettez.
18 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
19 Mme Mc Murrey (interprétation). - Merci. Bien que mon éminente collègue,
20 Me Residovic, ait déjà parlé de ce point, j'aimerais vous poser la
21 question suivante : en vertu de l'article 41, lorsqu'il est dit que les
22 circonstances à prendre en considération sont notamment le degré de
23 responsabilité pénale, je crois que ceci a trait au défaut partiel de
24 responsabilité mentale, n'est-ce pas ?
25 M. Tomic (interprétation). - Oui, bien sûr, cela a trait à la
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1 responsabilité mentale et à la culpabilité de la personne. Voulez-vous que
2 je vous donne plus de détails ? Lorsque le droit envisage le niveau de
3 responsabilité mentale comme une éventuelle circonstance atténuante, ceci
4 a deux significations : en vertu du droit pénal yougoslave, la
5 responsabilité pénale est constituée de la responsabilité mentale et de la
6 culpabilité. Ces deux éléments peuvent être plus ou moins importants et
7 leur degré peut varier. Alors, si nous laissons de côté le défaut total de
8 responsabilité mentale qui exclut automatiquement l'existence de
9 responsabilité pénale, l'élément qui nous intéresse est le suivant : la
10 responsabilité mentale totale, c'est la première catégorie ; la
11 deuxième catégorie est le défaut partiel important de responsabilité
12 mentale, et il existe une troisième catégorie -qui n'est pas véritablement
13 une catégorie juridique à proprement parler mais qui s’est développée au
14 cours de la pratique- qui est donc la responsabilité mentale atténuée.
15 Je crois que c'est une distinction très importante à faire parce que la
16 responsabilité mentale atténuée n'est pas la même chose qu'une
17 responsabilité mentale extrêmement diminuée. Et ce défaut très important
18 de la responsabilité mentale, cette quasi-absence de responsabilité
19 mentale, représentait à elle seule un type bien précis de base juridique,
20 créant une circonstance atténuante alors qu'une responsabilité mentale
21 atténuée peut être prise en compte en tant que circonstance atténuante au
22 moment de déterminer la peine, mais en tenant compte des paramètres
23 définissant la peine prescrite.
24 Dans le premier cas, les tribunaux iraient au-delà des paramètres de la
25 sanction fixée pour ce crime particulier, mais dans le second cas le
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1 Tribunal resterait dans les limites fixées par les paramètres, fixés eux-
2 mêmes par la loi. Cependant, dans le deuxième cas, il est possible
3 d'appliquer une sentence moins dure en restant toujours dans le cadre de
4 la sanction liée au crime en question. Ai-je bien répondu à votre
5 question ?
6 D'autre part, il faut prouver qu'il y a culpabilité. En vertu du droit
7 pénal yougoslave, la culpabilité était constituée par quatre éléments : le
8 premier élément de culpabilité était la préméditation qui peut être
9 directe ou indirecte. L'autre élément est la négligence qui peut être
10 consciente ou inconsciente. Voulez-vous que je vous donne la qualification
11 juridique de ces deux éléments ? Parce que je crois que ce qui est
12 important au bout du compte, c’est que ces deux éléments incluent des
13 éléments intellectuels et qui ont rapport au sentiment, à la volonté. Il
14 faut donc tenir compte à la fois de la volonté de l’auteur du crime, et de
15 la faculté intellectuelle de ce dernier.
16 Laissez-moi vous donner un exemple : si vous avez un auteur d’un crime
17 qui, à l'époque du crime, était en pleine possession de ses moyens
18 intellectuels, et s’il commet un crime avec préméditation directe, le
19 niveau de culpabilité, le degré de culpabilité sera élevé alors que le
20 niveau, le degré de culpabilité sera bas si la personne n'avait pas été
21 totalement consciente du crime qu'elle était en train de commettre et
22 qu’elle l’avait fait plutôt par négligence. Là, le degré de culpabilité
23 serait moindre.
24 M. Morison (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur Tomic. Lorsque
25 nous avons parlé, ou lorsque nous parlons de ces deux niveaux de manque de
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1 responsabilité mentale, vous avez dit que l'une de ces catégories était
2 une responsabilité mentale atténuée, qui entraînerait une peine
3 inférieure, au minimum précisé par le texte, et la deuxième catégorie dont
4 vous avez parlé, ou la première catégorie, pardon, était la quasi-absence
5 de responsabilité mentale, la deuxième était la responsabilité mentale
6 atténuée qui n'entraînerait pas forcément une peine inférieure au minimum
7 prévu, mais qui en tout cas entraînerait une peine très proche du minimum
8 prévu ; n’est-ce pas ?
9 M. Tomic (interprétation). - Oui, effectivement. Je peux vous indiquer la
10 disposition pertinente : il s’agit de l'article 12 paragraphe 2, dans
11 lequel il est expressément déclaré que l'auteur peut recevoir une peine
12 plus clémente.
13 Mme Mc Murrey (interprétation). - Merci. J’ai une autre question à vous
14 poser sur cette responsabilité mentale atténuée. Dans les tribunaux d'ex-
15 Yougoslavie, quels types d’éléments de preuve étaient nécessaires afin
16 d’établir que la personne, l'auteur du crime, avait en fait une
17 responsabilité mentale atténuée ?
18 M. Tomic (interprétation). - Devant les tribunaux d'ex-Yougoslavie, la
19 question de la responsabilité mentale n'était pas abordée régulièrement,
20 elle ne l'était que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque les
21 circonstances d’une affaire étaient telles qu'elles semblaient indiquer
22 que l'auteur n'était pas en pleine possession de ses capacités mentales au
23 moment de la perpétration du crime.
24 En clair, quand des motifs suffisants existaient pour que l'on suspecte
25 une responsabilité mentale atténuée, le Tribunal convoquait un expert et
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1 demandait qu'une expertise psychologique soit réalisée sur l'auteur. Cette
2 personne donnait son opinion. Ceci prenait généralement deux ou trois mois
3 et ensuite il soumettait un rapport écrit au Tribunal. Il était cité à la
4 barre afin d'expliquer aux juges quel était le profil psychologique de
5 l'auteur lors de la perpétration du crime.
6 Par conséquent, au moment de déterminer la responsabilité mentale de
7 l'auteur d'un crime, le Tribunal aura toujours recours à l'aide d'un
8 expert juré dans ce domaine. Je pense que c'est la même chose dans votre
9 pays n'est-ce pas ?
10 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Oui, effectivement. Mais il y a
11 plusieurs niveaux de responsabilité mentale. Cependant, j'aimerais vous
12 poser une autre question. En ce qui concerne les circonstances
13 atténuantes, je crois que l'âge peut faire partie des circonstances
14 atténuantes, n'est-ce pas, dans le cadre de la détermination de la peine ?
15 M. Tomic (interprétation). - Oui, c'est exact. L'âge peut être pris en
16 compte au moment de déterminer la peine à appliquer. Laissez-moi vous
17 citer un exemple. Si l'auteur était une personne âgée ou une personne
18 malade, et si cette personne devait voler pour des circonstances qui lui
19 sont propres, le Tribunal tiendrait compte de son âge et de sa situation
20 pour déterminer la sentence.
21 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Je vous remercie beaucoup.
22 M. Tomic (interprétation). - Je crois que ceci a également à voir dans les
23 cas de fraude.
24 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Oui, bien sûr, je comprends mais si une
25 personne était jeune, si elle avait 18 ou 19 ans, ceci pourrait constituer
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1 une circonstance atténuante n'est-ce pas ?
2 M. Tomic (interprétation). - Oui, on peut dire les choses comme cela. Ceci
3 pourrait être pris comme une circonstance atténuante bien que, dans le
4 cadre de sanction très sévère, il y a certaines limites qui sont prévues.
5 Même si la personne en question était majeure, très fréquemment, le
6 Tribunal a affaire à une personne qui n'a pas une grande expérience de la
7 vie.
8 Par conséquent, généralement, ces traits de caractères qui ont finalement
9 trait à l'âge de la personne sont pris en compte par le Tribunal.
10 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Mais, Professeur Tomic puisque les
11 tribunaux dans l'ex-Yougoslavie examinent l'ensemble des éléments relatifs
12 à une personne et à un crime, comme l'a dit le juge Jan, et que ces
13 éléments ont tendance à constituer des circonstances atténuantes, le
14 Tribunal considérait également les circonstances prévalant en temps de
15 guerre et tous les événements entourant ce genre de situation.
16 M. Tomic (interprétation). - Oui, le Tribunal de par la loi doit tenir
17 compte de tous ces éléments. Ce n'est qu'en évaluant toutes les
18 circonstances prévalantes que le Tribunal peut parvenir à un verdict
19 approprié. Si le verdict n'est conclu qu'en se basant sur un élément, sur
20 certaines circonstances, une instance supérieure risquera de casser le
21 jugement.
22 Par conséquent, toutes les circonstances doivent être prises en compte. Ce
23 n'est que par ce moyen qu'elles pourront constituer des bases juridiques
24 appropriées au moment de déterminer la sentence.
25 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Je n'ai plus de questions.
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1 M. le Président (interprétation) - Y a-t-il des questions de la part de
2 l'accusation ?
3 Mme Mc Henry (interprétation). - Absolument, merci Monsieur le Président.
4 Bonjour Professeur Goreta, oh pardon, Professeur Tomic, excusez-moi.
5 Professeur, pour ce qui est toujours de cette question de la
6 responsabilité mentale atténuée, vous avez dit qu'il s'agissait là d'une
7 ligne de défense exceptionnelle. Si on a un expert qui se penche sur
8 25 cas de crimes de guerre et qui a 25 cas de crimes établis qu'il y a
9 responsabilité mentale atténuée, seriez-vous surpris d'apprendre qu'une
10 telle situation s'est présentée ?
11 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Me Mc Henry est en train d'induire ce
12 témoin en erreur. Première chose, cet expert dont elle parle s'est penché
13 sur 120 cas et non pas 25, donc Me Mc Henry déforme la présentation des
14 faits.
15 M. le Président (interprétation) - Vous pouvez poser votre question au
16 témoin mais sous une forme différente.
17 Mme Mc Henry (interprétation). - Merci. Je ne pense pas que j'induis le
18 témoin en erreur. Certes, l'expert s'est penché sur d'autres cas mais il a
19 bien précisé qu'il avait étudié de très près 25 cas. Il avait trouvé dans
20 ces 25 cas à chaque fois une responsabilité mentale atténuée. Seriez-vous
21 surpris d'apprendre qu'un témoin expert s'était penché sur 25 cas de
22 crimes de guerre et qu'il a établi qu'il y avait responsabilité mentale
23 atténuée dans chacun de ces 25 cas ?
24 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.)
25 Mme Mc Henry (interprétation). - Si le témoin me dit qu'il ne peut pas me
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1 répondre j'accepterai cette réponse.
2 M. le Président (interprétation). - Peut-être peut-il répondre en fondant
3 son opinion sur son expérience ?
4 M. Tomic (interprétation). - Cela ne me pose pas de problème, je peux
5 répondre à la question. Je ne serai pas du tout surpris par ce type de
6 conclusion. Si l'expert dont vous parlez établit la présence d'une
7 responsabilité mentale atténuée dans chacun des 25 cas dont vous parlez,
8 il se pourrait fort bien que dans tous les cas étudiés, il y avait par
9 exemple intoxication aggravée de l'individu, intoxication par l'alcool ou
10 par la drogue. Très souvent les personnes, en effet, s'enivraient et en
11 état d'ébriété se livraient à toute sorte d'acte et commettaient toute
12 sorte de crime, alors pourquoi pas dans 25 cas.
13 Mme Mc Murrey (interprétation). - Objection. Si ce témoin doit se
14 prononcer sur la base de la question posée par Me Mc Henry, il doit
15 également savoir que ces cas ont été étudiés dans un hôpital où seuls les
16 sujets les plus gravement atteints étaient envoyés, il s'agit donc de
17 situations exceptionnelles ; il faut que le témoin prenne en compte ce
18 facteur.
19 M. le Président (interprétation). - Le témoin donne sa réponse, donne son
20 avis, il faut le laisser faire. Maître Mc Henry vous pouvez poursuivre.
21 Mme Mc Henry (interprétation). - Merci.
22 Monsieur, vous nous avez indiqué que dans l'ex-Yougoslavie, les juges
23 prenaient en compte toute sorte de facteurs, y compris la conduite et le
24 comportement général de l'accusé au cours du procès. Donc en ex-
25 Yougoslavie, des tentatives d'obstruction de la justice étaient-elles
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1 également prises en compte lorsqu'il s'agissait d'étudier l'ensemble des
2 facteurs à prendre en compte et relatifs à l'accusé ?
3 M. Jan (interprétation). - (Hors Micro)
4 Mme Mc Henry (interprétation). - (Hors micro)
5 Je pense certainement que ceci constituerait, oui Monsieur le Juge, une
6 circonstance aggravante. Donc, Monsieur le Professeur, je reviens à vous.
7 Est-ce que c'est quelque chose qui rentrerait en ligne de compte ?
8 Mme Residovic (interprétation). - Pardon, Monsieur le Président,
9 d'intervenir mais je crois que le témoin a indiqué que ceci,
10 effectivement, était une circonstance qui était prise en compte par le
11 Tribunal, je ne sais pas pourquoi il devrait se répéter sur ce point.
12 M. Tomic (interprétation). - Je ne sais pas quoi vous pensez.
13 M. le Président (interprétation). - Mais enfin, quelqu'un a posé une
14 question, pourquoi est-ce qu'on ne peut pas lui poser la question ?
15 Laissez Me Mc Henry poser sa question ! En quoi cela vous concerne-t-il ?
16 Poursuivez Maître. Les réponses apportées par le témoin ne vous concernent
17 en rien directement, Maître Résidovic.
18 Mme Mc Henry (interprétation). - Donc Monsieur, vous êtes d'accord avec
19 moi pour dire que des tentatives d'obstruction de la justice étaient
20 susceptibles d'être prises en compte par un juge lorsqu'il essayait de
21 prendre en compte l'ensemble des facteurs au moment de se prononcer dans
22 une affaire particulière en ex-Yougoslavie ?
23 M. Tomic (interprétation). - Oui, ce type de circonstance était pris en
24 compte au moment de la détermination de la peine.
25 Mme Mc Henry (interprétation). - Je vous remercie.
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1 Et vous êtes d'accord avec moi pour dire que, même si la situation
2 pourrait évoluer à l'avenir, jusqu'en 1992 et aujourd'hui encore, la loi
3 de Bosnie-Herzégovine prévoit la peine capitale, n'est-ce pas ?
4 M. Tomic (interprétation). - Je crois qu'aujourd'hui, effectivement, la
5 peine capitale existe toujours ; la loi prévoyant l'application de la
6 peine de mort existe toujours, il me semble ; il y a un nouveau texte qui
7 a été rédigé, mais il n'a pas encore été voté.
8 Mme Mc Henry (interprétation). - Maître Résidovic, avant la pause
9 déjeuner, vous a posé une question relative à la sentence maximale
10 d'emprisonnement dans les cas où l'emprisonnement à vie était envisagé. Je
11 suis un peu troublée, parce que j'avais l'impression qu'en ex-Yougoslavie
12 il n'était pas possible, dans quelque affaire que ce soit, de prononcer
13 une sentence d'emprisonnement à vie, est-ce que je me suis trompée ?
14 M. Tomic (interprétation). - Effectivement, ce type de sanction n'était
15 pas prévu dans la législation de l'ex-Yougoslavie, la peine capitale était
16 envisagée, il y avait également une peine de prison allant de 15 jours à
17 15 ans, et puis il y avait également toute sorte d'amende qui pouvait être
18 imposée, également la confiscation de biens pouvait être envisagée même
19 si, par la suite, elle a été abolie, mais en tout cas il n'y avait pas de
20 peine d'emprisonnement à vie qui pouvait être appliquée.
21 Mme Mc Henry (interprétation). - Dans l'affaire Tadic on a beaucoup parlé
22 des lois de l'ex-Yougoslavie et de Bosnie-Herzégovine, et l'on a dit, je
23 cite : "L'emprisonnement en tant que sentence était limité à des sentences
24 de 15 ans, ou à 20 ans dans les cas où la peine capitale pouvait également
25 être envisagée comme alternative." Fin de citation.
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1 Cette déclaration est parfaitement valable, n'est-ce pas ?
2 M. Tomic (interprétation). - Pour ce qui est des crimes pour lesquels la
3 peine capitale ou une peine d'emprisonnement était prévue, et pour les
4 crimes où la peine capitale n'était pas envisagée comme étant la seule
5 forme de sanction, les tribunaux avaient deux possibilités qui se posaient
6 d'emblée : soit ils pouvaient décider l'imposition d'une peine de prison
7 allant de cinq à 15 ans, soit ils pouvaient se prononcer pour
8 l'application de la peine de mort. Le tribunal devait établir un choix
9 entre ces diverses possibilités en prenant en compte le fait de savoir
10 dans quelle mesure le perpétrateur de l'acte constituait une menace pour
11 la société. Il fallait que le tribunal se pose la question de savoir si la
12 sentence de prison maximale de 15 ans était suffisante ou bien s'il
13 fallait envisager effectivement l'application de la peine de mort.
14 Si le tribunal choisissait la deuxième solution, à savoir l'application de
15 la peine capitale, il y avait encore un choix à faire. Soit le tribunal se
16 prononçait en faveur de l'application de la peine capitale, soit il se
17 prononçait plutôt en faveur d'une peine d'emprisonnement de 20 ans. Je
18 précise que cette peine d'emprisonnement de 20 ans n'était pas prévue par
19 la loi, mais existait dans le corpus législatif au niveau fédéral.
20 M. le Président (interprétation). - On vous soumet une proposition, alors
21 soit vous la rejetez comme étant inexacte, soit vous formulez votre propre
22 proposition, et ensuite vous nous dites quelle est votre position par
23 rapport à ce que vous êtes en train d'énoncer. Mais le conseil de
24 l'accusation vous a posé une question simple, directe : elle vous demande
25 si ce qu'elle affirmait pouvait être considéré comme valable à vos yeux.
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1 Si vous considérez que c'est valable, il faut le dire. Si ce n'est pas
2 exact, dites à la Chambre de première instance quelle est votre propre
3 position sur le point qui a été abordé. Sinon, tout le monde se perd dans
4 les explications que vous donnez, Professeur.
5 Mme Mc Henry (interprétation). - Professeur, est-ce que la déclaration que
6 j'ai énoncée tout à l'heure était valable ? Si vous l'avez oubliée, je
7 peux la répéter.
8 M. Jan (interprétation). - (hors micro).
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Je suis sûre que cet expert peut me dire
10 si j'ai eu raison d'affirmer ce que j'ai dit tout à l'heure.
11 Monsieur, ai-je eu raison de dire ce que j'ai dit tout à l'heure ?
12 M. Tomic (interprétation). - Excusez-moi, mais il me semble que j'ai
13 apporté une réponse très complète et précise. S'il y a une peine de
14 cinq ans ou une peine capitale...
15 Mme Mc Henry (interprétation). - Pardon, pardon, je ne veux plus
16 d'explication, Professeur. Pouvez-vous répondre par oui ou par non à ma
17 question ? La déclaration énoncée tout à l'heure est-elle juste ou pas ?
18 Je peux vous la répéter si vous le souhaitez.
19 M. Tomic (interprétation). - Oui, veuillez répéter, s'il vous plaît.
20 Mme Mc Henry (interprétation). - Je cite : "l'emprisonnement en tant que
21 sanction était limité à une peine de 15 ans ou à une peine de 20 ans dans
22 les cas où la peine capitale était envisagée comme alternative." Fin de
23 citation.
24 M. Tomic (interprétation). - C'est parfaitement exact.
25 Mme Mc Henry (interprétation). - Je vous remercie.
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1 Vous avez parlé de cette loi qui régissait le fait d'infliger des
2 blessures physiques. Je ne vais pas vous demander d'explication, je crois
3 que nous obtiendrons un exemplaire de cette loi demain. Je voudrais
4 simplement que vous me renvoyiez à un article qui stipule quelle est
5 exactement la loi à appliquer. Pouvez-vous me renvoyer à un article en
6 particulier ?
7 M. Tomic (interprétation). - Vous parlez de la loi régissant les blessures
8 physiques ?
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui.
10 M. Tomic (interprétation). - Vous les trouvez dans les lois de la
11 République.
12 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui, les lois de Bosnie-Herzégovine, mais
13 quelles dispositions, s'il vous plaît ?
14 M. Tomic (interprétation). - Article 42 du Code de procédure pénale de la
15 République. C'est la loi qui régit la question qui vous intéresse, à
16 savoir celle des blessures physiques infligées intentionnellement.
17 Mme Mc Henry (interprétation). - Je vous remercie.
18 Au cours de votre témoignage, nous avons entendu parler du fait que la
19 peine capitale n'était appliquée que dans des crimes particulièrement
20 graves. Mais chacun ici a reconnu qu'il fallait que chaque cas soit étudié
21 individuellement.
22 Dans l'article 36, n'est-il pas exact que le législateur décrit ce qui,
23 d'après lui, constitue un meurtre ou un homicide particulièrement grave ?
24 M. Jan (interprétation). - (Hors micro.).
25 M. Tomic (interprétation). - Je peux continuer ?
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1 M. Jan (interprétation). - La peine capitale n'est déclarée que dans les
2 cas extrêmement graves, extrêmement graves... C'est bien ce qui est dit ?
3 Mme Mc Henry (interprétation). - Absolument, Monsieur le Juge.
4 M. Tomic (interprétation). - Puis-je poursuivre ? Dans l'article 37 du
5 Code pénal fédéral (code qui régit la question de la peine de mort), au
6 paragraphe 2 dudit article, il est énoncé, je cite : "la peine capitale
7 n'est déclarée que dans les cas extrêmement graves tels que définis par la
8 loi." Donc, ce sont les crimes les plus violents qui entraînent
9 l'application de la peine capitale. Il faut vraiment se trouver en
10 présence de circonstances exceptionnellement graves pour que la peine
11 capitale soit appliquée. La loi républicaine, à l'article 36 précise un
12 certain nombre de cas et tout à l'heure j'en ai cité un certain nombre. Je
13 ne crois pas avoir besoin de répéter quoi que ce soit.
14 Mme Mc Henry (interprétation). - Je ne voulais pas dire, Monsieur, que la
15 peine capitale était appliquée dans chacun de ces cas particuliers ; moi,
16 simplement, je voulais dire que la loi de Bosnie-Herzégovine considère
17 comme étant des cas de meurtres particulièrement graves, les cas où
18 l'auteur a agi de façon particulièrement cruelle, de façon volontaire,
19 pour des motifs bas et odieux, les cas où les personnes qui ont été tuées
20 étaient des personnes qui avaient préalablement été privées de leur
21 liberté, les cas où un ou plusieurs meurtres étaient commis. C’est bien
22 dans tous ces cas-ci, n’est-ce pas, dans tous ces cas exceptionnellement
23 graves que la peine capitale pouvait être encourue ?
24 M. Tomic (interprétation). - Dans l'article 36-2, plusieurs alternatives
25 sont énoncées. Et il y a des définitions très précises qui sont données.
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1 Et dans ces cas très précis, la sanction obligatoire est différente.
2 Mme Mc Henry (interprétation). - Et dans ces cas très précis, il y a une
3 sanction obligatoire minimum de dix ans, n’est-ce pas ?
4 M. Tomic (interprétation). - C'est exact.
5 Mme Mc Henry (interprétation). - Je vous remercie. Vous avez cité un cas
6 de crime de guerre qui a été jugé en Bosnie-Herzégovine. Ai-je raison de
7 dire que lorsque la RSFY existait encore, les crimes de guerre étaient
8 entendus par des Cours fédérales plutôt que par des Cours de la
9 République ?
10 M. Tomic (interprétation). - Excusez-moi, mais ce n'est pas exact ; vous
11 disposez d'informations erronées.
12 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien. Je vous remercie. Revenons-en
13 maintenant à la façon dont les juges doivent se prononcer en matière de
14 détermination de la peine. Nous avons reçu une traduction du Code pénal de
15 la RSFY, notamment une traduction des articles 41, 42, 43, 44, 45, 46, 48,
16 49 et 50. Savez-vous pourquoi nous n'avons pas obtenu une traduction de
17 l'article 47 ?
18 M. Tomic (interprétation). - Je ne le sais absolument pas.
19 (interruption du témoin.)
20 Vous savez, c'est une disposition relative à un cas particulièrement
21 grave. Et cette disposition a été retirée du corps législatif le
22 28 juin 90.
23 Je ne sais pas si cette disposition définissait ce qu’était, dans le cadre
24 de la pratique juridique yougoslave, un cas particulièrement grave ; ça je
25 ne le sais pas. Je sais simplement que cette disposition a disparu des
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1 textes, et qu’elle traitait d’une peine d’emprisonnement de 20 ans. Je
2 peux, si vous voulez, vous donner un exemple précis.
3 Mme Mc Henry (interprétation). - Non, je vais essayer de clarifier les
4 choses. Vous nous avez bien dit, n’est-ce pas, que l'article 47 avait été
5 rejeté, retiré du Code en 1990 ?
6 M. Tomic (interprétation). - Oui. A partir du 28 juin 1990, cet article ne
7 faisait plus partie du Code pénal. Et je peux d'ailleurs vous montrer le
8 texte de la loi de 1990. Cette loi précise bien que l'article 47, qui
9 traite des cas particulièrement graves, doit être retiré du Code,
10 supprimé.
11 M. Jan (interprétation). - De quoi parle cet article ?
12 Mme Mc Henry (interprétation). - Il parle des cas les plus graves, et de
13 ce qui doit être fait dans ces cas-là. Si le professeur me dit que cet
14 article a été retiré, eh bien moi je n'ai plus de question à poser sur ce
15 point précis ; je voulais savoir ce qu'il en était. Bien. Dans le premier
16 jugement Erdemovic, une Chambre de ce Tribunal a déclaré que la pratique
17 de la Yougoslavie en matière de détermination de la...
18 M. Moran (interprétation). - Objection, Monsieur le Président. La Chambre
19 d'appel a rendu ce premier jugement nul ; désormais ce jugement n’a plus
20 aucune autorité.
21 Mme Mc Henry (interprétation). - Je ne dis pas que ce jugement fait
22 autorité ou qu'il est contraignant pour qui que ce soit.
23 M. le Président (interprétation). - Elle cherche simplement à obtenir
24 l'opinion du témoin. Poursuivez, Maître.
25 Mme Mc Henry (interprétation). - Merci. Donc, une des raisons qui a poussé
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1 une Chambre de ce Tribunal à dire que la pratique de l’ex-Yougoslavie en
2 matière de détermination de la peine était instructive et peut-être
3 pouvait être utilisée comme ligne d'orientation pour le Tribunal, était
4 non contraignante. J’aimerais maintenant vous poser un certain nombre de
5 questions. Les livres qui ont été publiés et qui comprennent les décisions
6 juridiques qui ont été prises, ces livres permettent-ils de prendre
7 connaissance des faits qui se trouvent au centre des affaires, et
8 permettent-ils de savoir quelles sont les sentences qui ont été prononcées
9 en ex-Yougoslavie ?
10 M. Tomic (interprétation). - En ex-Yougoslavie, comme dans d'autres pays,
11 il y a une tradition qui veut que toutes les procédures légales, tous les
12 procès soient publiés. Et au niveau fédéral, il y avait une publication
13 régulière qui faisait état des débats qui s'étaient déroulés devant les
14 tribunaux les plus importants, je parle des tribunaux fédéraux et de la
15 République. Ceci était extrêmement important, parce que la pratique des
16 tribunaux permet d'aboutir à de nouvelles lois, et ceci indiquait quelles
17 étaient les bonnes pratiques et quelles étaient les mauvaises pratiques.
18 Donc, oui, les choses dont vous parlez existaient.
19 Mme Mc Henry (interprétation). - Et elles existaient à la fois au niveau
20 fédéral et au niveau de la République de Bosnie-Herzégovine ?
21 M. Tomic (interprétation). - Oui, au niveau de la République de
22 Bosnie-Herzégovine il y avait des journaux officiels qui étaient publiés
23 régulièrement, et tout ce qui pouvait être intéressant du point de vue de
24 la pratique légal apparaissait dans ces journaux officiels.
25 Ainsi, les experts et les juristes pouvaient suivre l'évolution de la
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1 pratique. Ils pouvaient ensuite s'adapter à ces nouvelles pratiques ou y
2 apporter, au contraire, des corrections ; tout cela, bien sûr, allait dans
3 le sens d'une meilleure application de la loi.
4 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien. Alors avançons un petit peu.
5 C'est quelque chose que je donne en exemple puisque ce Tribunal ne peut
6 appliquer la peine de mort. Certains experts ont dit que la peine capitale
7 avait été appliquée à 17 reprises en RSFY, entre la période qui va de 1982
8 à 1990 ; cette peine capitale a été appliquée dans des cas qui
9 comprenaient le vol, le meurtre entraînant la mort de la personne et les
10 crimes de guerre. C'est une affirmation que je vous fais, pouvez-vous
11 l'infirmer ? Pouvez-vous, au contraire, la confirmer ? Qu'avez-vous à
12 répondre à cela ?
13 M. Tomic (interprétation). - Excusez-moi, je ne comprends pas la nature de
14 votre question. Vous dites que la peine capitale a été déclarée, ou bien
15 que la peine capitale a été exécutée à 17 reprises dans les cas que vous
16 avez cités ?
17 Mme Mc Henry (interprétation). - Le terme qui a été utilisé exactement,
18 est que la peine capitale a été imposée, alors, moi, je ne sais pas si
19 cela veut dire qu'il y a simplement eu une décision de la Chambre allant
20 dans ce sens-là, ou si, effectivement, la peine capitale a été appliquée.
21 Je vous demande simplement si, au vu de ce qu'a dit cet expert, vous êtes
22 à même de nous répondre quoi que ce soit.
23 M. Moran (interprétation). - Objection.
24 M. Tomic (interprétation). - Je ne sais pas d'où vient cette information.
25 M. Moran (interprétation). - Le témoin dit qu'il ne comprend pas ce que
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1 vous dites.
2 M. le Président (interprétation). - Oui, je crois qu'il faudrait indiquer
3 au témoin quel est l'expert qui s'est prononcé ainsi. Il faut exactement
4 que le témoin comprenne la teneur des propos de l'expert.
5 Mme Mc Henry (interprétation). - Certainement, je parle de
6 M. Ivan Vankevic* et de M. Vecilievic*. Et en répondant à ma question,
7 vous pouvez dire, si par le terme "imposé" on entend prononcer une peine
8 capitale là je suis d'accord, si en revanche par le terme "imposé" on veut
9 dire exécuter une peine capitale, alors là je ne suis plus d'accord. Vous
10 pouvez formuler votre réponse de la façon que vous voulez.
11 M. Tomic (interprétation). - Je ne suis pas d'accord avec l'une quelconque
12 des formulations que vous venez d'employer. Le monsieur dont vous parlez,
13 M. Vacilievic... La personne dont vous parlez, je la connais, mais je ne
14 suis pas d'accord avec ce qu'elle a dit.
15 Mme Mc Henry (interprétation). - Donc, si cet expert dit que la peine
16 capitale a été prononcée à 17 reprises, et si, en revanche, un autre
17 expert dit que cela n'a pas été le cas, est-ce que l'on peut se référer
18 aux journaux officiels pour voir ce qu'il en a vraiment été dans les
19 faits, ou bien est-ce que cela ne servirait à rien parce que les journaux
20 officiels font état de certains cas, mais pas d'autres ?
21 M. Tomic (interprétation). - Je sais que la peine capitale n'a été
22 appliquée que dans des cas extrêmement rares et elle a été exécutée dans
23 les faits que de façon extrêmement rare ; je ne sais pas où M. Vacilievic
24 a pu trouver ces éléments d'information dont vous me faites part. Où
25 a-t-il découvert que la peine capitale avait été exécutée à 17 reprises ?
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1 Je ne le sais pas. J'ai connaissance de deux affaires dans lesquelles il y
2 a eu exécution de l'accusé en Bosnie-Herzégovine, cela s'est passé il y a
3 une vingtaine d'années. Je sais que dans ces deux cas il y a eu,
4 effectivement, une décision d'application de peine capitale et je sais
5 qu'il y a eu exécution de l'accusé ; c'était dans le cas d'un meurtre d'un
6 enfant de 12 ans ; c'était vraiment un cas de vengeance implacable. C'est
7 le seul cas dont j'ai vraiment connaissance.
8 M. le Président (interprétation). - Maître Mc Henry, s'il faut disposer
9 des documents dans lesquels cette déclaration est faite, peut-être
10 devriez-vous le dire au témoin ?
11 Mme Mc Henry (interprétation). - Non, je ne suis pas à même de trouver ces
12 documents, mais d'après ce que je comprends des propos du témoin, il n'est
13 pas à même de me répondre, ni par un oui, ni par un non, en fait, il nous
14 dit qu'il n'est pas sûr de quoi que ce soit, c'est bien cela Monsieur ?
15 M. le Président (interprétation). - Mais simplement il faudrait que vous
16 nous disiez comment vous êtes arrivée en possession de ces éléments
17 d'information. Quelles sont vos sources ? Dites exactement d'où vient
18 cette information au témoin. Si vous dites que cela vient du journal
19 officiel, peut-être que cela va l'aider ?
20 Mme Mc Henry (interprétation). - Professeur,...
21 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)
22 Mme Mc Henry (interprétation). - 1982 à 1990.
23 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)
24 Mme Mc Henry (interprétation). - Monsieur le Juge, le rapport déclare
25 quelque chose, je ne peux pas me prononcer sur la véracité de sa teneur.
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1 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)
2 Vous parlez de 17 cas en l'espace de huit ans.
3 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui, c'est exact.
4 M. Jan (interprétation). - Ce qui vient appuyer la thèse selon laquelle la
5 peine était rarement exécutée, la peine capitale était rarement exécutée.
6 Mme Mc Henry (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Juge. Le rapport
7 de l'expert ne laisse pas entendre qu'il n'y a eu que 17 cas en Bosnie ou
8 en RSFY, 17 cas de meurtre. Il tend à suggérer simplement que la peine de
9 mort a été appliquée à 17 reprises. Moi, je ne peux pas me prononcer sur
10 la véracité de ce rapport, sur sa fiabilité. J'essaie simplement de savoir
11 comment on est arrivé à la détermination d'une telle sentence. J'essaye de
12 comprendre les procédures qui régissaient la détermination de la sentence.
13 M. le Président (interprétation) - Le témoin a dit que cette peine
14 capitale était rarement appliquée. Il ne se souvient que d'une ou que de
15 deux affaires. Moi, je dis que 17 cas en huit ans, c'est moins d'un cas
16 par an, n'est-ce pas ? Et effectivement on peut dire que c'est quelque
17 chose qui se passe rarement.
18 Mme Mc Henry (interprétation). - Certainement ce n'est pas quelque chose
19 qui était communément fait, Monsieur le Président, je ne vais pas être en
20 désaccord avec vous sur ce point. Tout de même, j'aimerais obtenir des
21 informations. Poursuivons, Monsieur, si vous le voulez bien.
22 M. le Président (interprétation) - Non. Nous allons suspendre nos travaux
23 et nous reprendrons à 16 heures 30
24 M. Moran (interprétation). - Avant de suspendre l'audience, un petit point
25 d'intendance. Le professeur a l'obligation de se rendre au bureau des
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1 finances du Tribunal, un bureau qui n'est ouvert qu'entre 16 heures et
2 16 heures 30. Parfois le bureau ouvre un peu plus tard, il y aura peut-
3 être un certain retard au moment de la reprise des travaux.
4 M. le Président (interprétation) - Je suis sûr que tout sera fait pour que
5 le professeur puisse être satisfait. Nous nous retrouverons à
6 16 heures 30.
7 (L'audience est suspendue à 16 heures et reprise à 16 heures 35).
8 M. le Président (interprétation) - Veuillez poursuivre s'il vous plaît.
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Monsieur, est-il exact de dire qu'en
10 mars 1993 un M. Damienovic* a été condamné à mort bien que la sentence
11 n'ait pas été appliquée ?
12 M. Moran (interprétation). - Ce n'est pas pertinent, ceci dépasse la
13 période qui intéresse cette affaire.
14 M. le Président (interprétation) - Ceci n'a pas d'importance.
15 Mme Mc Henry (interprétation). - Il est exact de dire qu'en mars 1993 ,
16 M. Damienovic* a été condamné à mort pour sept meurtres et deux viols
17 qu'il avait commis auparavant, même si la sentence n'a pas été appliquée
18 finalement ?
19 M. Tomic (interprétation). - J'étais présent à ce procès à Sarajevo. Je
20 n'ai pas suivi ce procès jusqu'à la fin. En ce moment, je ne sais pas si
21 c'est exact qu'il s'agissait de sept meurtres ou de plus ou de moins. En
22 tout cas, il s'agissait de plusieurs meurtres et de plusieurs viols et
23 Damienovic* n'était pas tout seul. Il y avait tout un groupe, Damienovic*
24 et puis une femme qui était complice. Mais je ne me rappelle plus les
25 détails techniques.
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1 Mme Mc Henry (interprétation). - Mais il est exact qu'il a été condamné à
2 mort même si cette sentence n'a pas été appliquée n'est-ce pas ?
3 M. Tomic (interprétation). - Je pense que c'est le cas.
4 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien.
5 M. Tomic (interprétation). - Puis-je ajouter quelque chose. Je pense que
6 cette peine a été remplacée par une peine de 20 ans de prison.
7 Mme Mc Henry (interprétation). - Merci. Etes-vous en train de nous dire
8 qu'en vertu de l'article 38, paragraphe 2, dans les affaires qui risquent
9 d'être sanctionnées par la peine de mort, un juge ne peut pas prononcer
10 une peine de 20 ans. Le juge doit prononcer la peine capitale et
11 qu'ensuite il peut commuer cette peine en une peine de 20 ans de prison.
12 Est-ce bien ce que vous êtes en train de déclarer ?
13 M. Tomic (interprétation). - Pour les crimes pour lesquels la peine
14 capitale est prévue, le Tribunal peut également prononcer une peine de
15 20 ans. C'est prévu par la loi donc il n'est pas nécessaire que cela soit
16 un remplacement pour la peine capitale mais le tribunal peut prononcer une
17 peine de 20 ans aussi.
18 Mme Mc Henry (interprétation). - Le juge n'a pas pour obligation de
19 prononcer avant toute chose la peine de mort. Le juge peut prononcer
20 directement un peine de 20 ans d'emprisonnement.
21 M. Tomic (interprétation). - Ceci est clair sur la base de dispositions
22 juridiques.
23 Mme Mc Henry (interprétation). - Très bien. Passons maintenant à
24 l'article 38, paragraphe 30. Etes-vous en train de dire que ce paragraphe
25 a été supprimé ?
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1 M. Tomic (interprétation). - Je pense que vous m'avez mal compris. J'ai
2 dit que cette disposition est restée en vigueur, elle a été en vigueur
3 durant la période concernée par cette affaire. Seulement, cette même
4 disposition se trouvait aussi dans la loi de 1976, et elle est relative au
5 fait que le législateur fédéral, dans cette disposition de caractère
6 général, a laissé ouverte la possibilité, dans la partie spécifique de la
7 loi fédérale ou bien dans les parties spécifiques des Républiques, donc la
8 possibilité de prévoir également, de prononcer une peine de 20 ans.
9 Donc, je pense que je l'ai déjà dit, en 1976 cette possibilité a été
10 appliquée et cette possibilité se référait à huit crimes dans la
11 législation fédérale, et cinq dans la législation de la République. Et le
12 28 juin 1990, la législation a été modifiée, et dans chaque partie de
13 texte cette disposition a été supprimée. Et les crimes ont été supprimés.
14 Donc vous ne trouverez jamais une disposition prévoyant une peine de
15 20 ans pour un crime précis.
16 Ensuite, en 1991, le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a effectué une
17 sorte de réforme de loi de la République, suite à laquelle les
18 dispositions relatives aux cas exceptionnellement graves -par exemple de
19 vol- ont été supprimées. Donc, à l'époque, ces deux lois étaient en
20 vigueur mais depuis, toutes les dispositions mentionnant le fait de
21 prévoir une peine de 20 ans ont été supprimées.
22 Mme Mc Henry (interprétation). - Par conséquent, l'article 38-3 signifie
23 très exactement ce qui est explicité dans l’article, à savoir qu’une peine
24 de 20 ans peut être prononcée en cas de crime grave, et lorsqu’il y a
25 intention, et ceci peut mener à une peine allant jusqu’à 15 ans,
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1 n’est-ce-pas ?
2 M. Moran (interprétation). - Objection quant à la question qui a déjà reçu
3 réponse.
4 Mme Residovic (interprétation). - Je m’excuse, peut-être la confusion est-
5 elle créée par la traduction, l'interprétation. Moi, je viens d’entendre
6 qu'il est possible de prononcer la peine, mais d'après la loi on dit que
7 pour les cas graves de ce crime, il est possible de prévoir une peine ;
8 mais c'est seulement le Parlement en tant qu’organe législatif qui peut
9 prévoir, dans les textes, la peine pour un certain crime. Donc peut-être
10 que la confusion est liée à l'interprétation.
11 Mme Mc Henry (interprétation). - Merci beaucoup, Madame Residovic, pour
12 cet éclaircissement. Effectivement, ceci nous est très utile.
13 M. Tomic (interprétation). - Les interprètes peuvent-ils parler un peu
14 plus fortement ?
15 M. le Président (interprétation). - Oui.
16 Mme Mc Henry (interprétation). - Au cours de votre interrogatoire
17 principal, vous avez dit qu'en ex-Yougoslavie l’un des objectifs de peine
18 n'était pas de créer un modèle ou un exemple pour des comportements
19 futurs.
20 M. Tomic (interprétation). - Veuillez répéter la question, je ne l'ai pas
21 comprise.
22 Mme Mc Henry (interprétation). - En tout cas, j'ai reçu l'interprétation.
23 Me Moran vous a posé une question allant dans le sens suivant, à savoir
24 que dans l’ex-Yougoslavie, une peine n’avait pas pour objectif de faire un
25 exemple d’une personne ou d'un auteur d'un crime particulier.
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1 M. Tomic (interprétation). - Vous parlez de l'objectif de la peine ? C’est
2 ça le sens de votre question ? Etant donné que l'interprète parle de
3 l'intention de la peine, mais vous parlez probablement de l'objectif de la
4 peine, ce qui est visé par le prononcement et l'exécution de la peine à
5 l'encontre de l’auteur du crime. Je répète la disposition de l'article 5
6 de l'ancien Code pénal yougoslave, paragraphe 2. Veuillez interpréter de
7 manière précise le paragraphe 2 : " l'objectif général du prononcé de
8 peine pénale est de réprimer les activités dangereuses pour la société,
9 qui menacent ou violent les valeurs de la société protégée par le Code
10 pénal ", donc ceci est le but de toutes les sanctions pénales. Mais le
11 législateur fédéral a précisé l'objectif de chaque peine, de chaque crime
12 en particulier. Et donc dans l'article 33, il est dit... dans le cadre de
13 l'objectif général des peines (article 5, paragraphe 2), il est précisé
14 quel est l’objectif des sanctions. Et le paragraphe 1 indique la
15 prévention spéciale, c'est-à-dire le but est de rééduquer, de prévenir
16 l'auteur de commettre un nouveau crime ; deuxièmement il s'agit de la
17 rééducation de l’auteur du crime et, troisièmement, il s'agit du
18 renforcement moral de l'auteur, là il s’agit d’une approche typiquement
19 socialiste.
20 Je vous ai parlé également du fait que le concept basé sur les
21 représailles n'était pas en vigueur dans notre système. Bien sûr, il est
22 possible de faire des reproches à une telle affirmation si l'on se base
23 sur les dispositions concernant la peine capitale ; si quelqu'un les
24 prenait en considération, il dirait que moi je ne suis pas sérieux en
25 affirmant ce que j'affirme, mais il faut savoir que la peine capitale
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1 était prononcée très, très rarement. J'ai déjà mentionné les deux cas qui
2 me sont connus, mais là il s'agit de cas particulièrement graves : un père
3 qui rentrait d'Allemagne, qui a tué sa femme et ses six enfants ; il s'est
4 vu prononcer la peine de mort, qui n'a d'ailleurs pas été exécutée, étant
5 donné qu'il s'est suicidé en prison. Mais là, c'est l'un des deux seuls
6 cas que j'ai connus dans ma carrière, des cas où la peine capitale a été
7 prononcée.
8 Mme Mc Henry (interprétation). - Mais il est exact que des peines de
9 20 ans de prison étaient imposées plus fréquemment que des peines
10 capitales, n'est-ce pas ?
11 M. Tomic (interprétation). - On ne peut pas le dire de cette manière. Les
12 peines de prison de 20 ans pour les crimes prévus par le Code pénal de la
13 République n'ont jamais été prononcées. C'est pour cela qu'elles ont été
14 supprimées, étant donné qu'elles ne remplissaient pas la fonction pour
15 laquelle elles ont été introduites. C'est pour cela qu'en 90-91, elles ont
16 été supprimées. Normalement, on les prévoyait comme une alternative à la
17 peine de mort mais, là aussi, c'était très rarement le cas, étant donné
18 qu'il y avait très rarement des peines capitales prononcées. Donc,
19 logiquement, s'il y avait peu de peines capitales, il y avait peu de
20 peines de prison de 20 ans aussi.
21 Mme Mc Henry (interprétation). - Excusez-moi, mais êtes-vous en train de
22 nous dire que, à votre souvenir, il n'y a pas eu plus d'un ou deux cas au
23 cours desquels une peine de 20 ans a été prononcée ?
24 M. le Président (interprétation). - Il dit cela, oui, c'est ce qu'il est
25 en train d'affirmer.
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1 M. Tomic (interprétation). - Oui, voilà.
2 Mme Residovic (interprétation). - Excusez-moi, peut-être y a-t-il une
3 erreur dans le transcript par rapport à ce que j'ai entendu. Le témoin a
4 parlé de deux cas où la peine capitale a été exécutée et ici, il est écrit
5 qu'il s'agissait de deux cas de peine de prison de 20 ans. Il s'agit de
6 deux cas de figure différents. Je ne sais pas si c'est une erreur dans le
7 transcript ou dans l'interprétation.
8 M. Tomic (interprétation). - Je parlais de la peine capitale.
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Je vous posais la question en général.
10 Vous avez effectivement dit qu'il y avait très peu de cas. Vous n'avez
11 parlé que d'un ou deux cas au cours desquels la peine de mort a été
12 prononcée. Moi, je vous demandais si les cas au cours desquels une peine
13 de prison de 20 ans a été prononcée étaient plus fréquents, à savoir si
14 cela s'est produit plus d'une ou deux fois.
15 M. Tomic (interprétation). - Elle pouvait être prononcée pour remplacer la
16 peine de mort.
17 Mme Mc Henry (interprétation). - Oui, je crois que vous nous avez déjà
18 précisé cela, qu'en fait, la peine de prison de 20 ans était plus
19 fréquente que la peine capitale, qu'il y avait moins de peines capitales
20 qui ont été prononcées que de peines de prison de 20 ans. C'est exact ?
21 M. Tomic (interprétation). - Oui, le tribunal pouvait prononcer une peine
22 de 20 ans de prison.
23 Mme Mc Henry (interprétation). - Je n'ai plus de question, merci.
24 M. Moran (interprétation). - Je n'aurai qu'une question, je pense, dans le
25 cadre de mes questions supplémentaires. Je crois que j'ai largement
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1 dépassé les 15 minutes qui m'étaient allouées.
2 Professeur, je crois qu'il reste un peu de confusion dans mon esprit.
3 Peut-être pouvez-vous m'apporter votre concours. La peine de prison de
4 20 ans est donc une alternative qui peut remplacer la peine de mort. Un
5 tribunal pouvait-il décider d'imposer une peine de mort de 20 ans ou bien
6 le tribunal devait-il tout d'abord établir, que la peine de mort était
7 appropriée en vertu du droit et qu'ensuite, le tribunal pouvait décider de
8 commuer la peine capitale en peine de 20 ans de prison ?
9 Mme Mc Henry (interprétation). - Excusez-moi, objection : question déjà
10 posée qui a reçu réponse.
11 M. le Président (interprétation). - Monsieur le témoin, pouvez-vous nous
12 expliquer quelle est votre position ? Je vous ai entendu dire que cette
13 peine de prison de 20 ans n'était plus pertinente, selon le Code pénal, et
14 que cette peine de prison a même été supprimée. Je ne sais pas quelle
15 réponse vous pouvez apporter à toutes ces questions.
16 Est-il exact qu'il n'existe plus une peine de prison de 20 ans, qu'elle
17 n'est plus prévue par la loi ?
18 M. Tomic (interprétation). - Monsieur le Président, en ce qui concerne
19 tous les crimes, à la fois dans le Code pénal fédéral et de la République,
20 il n'y a pas de crime précis pour lequel une peine de prison de 20 ans est
21 prévue. La seule exception, c'est l'article 38, 2 et 3 -et là on parle de
22 cas où la peine de mort est prévue- et, dans ce cas-là, le tribunal peut
23 prévoir dans les textes la peine de prison de 20 ans pour certains crimes
24 extrêmement graves, mais pour le moment ceci n'a pas été fait, ceci n'a
25 pas été prévu par le législateur selon la partie générale du Code pénal
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1 fédéral qui est en vigueur en ce moment.
2 M. le Président (interprétation). - Maître Moran, êtes-vous satisfait par
3 cette réponse ?
4 M. Moran (interprétation). - Oui, je crois et je voudrais remercier le
5 témoin et vous-même de votre patience.
6 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, Professeur Tomic. Je
7 crois que nous n'avons plus de question à vous poser. Nous vous sommes
8 très reconnaissants d'avoir passé toute la journée avec nous.
9 M. Tomic (interprétation). - Merci à vous et je suis très heureux si
10 effectivement ma présence a pu vous être utile ou vous sera utile au
11 moment de la détermination de la sentence.
12 (Le témoin, M. Tomic, quitte la salle d'audience)
13
14 M. le Président (interprétation). - Maître Moran, avez-vous d'autres
15 témoins ?
16 M. Moran (interprétation). - En fait, il y a deux questions qui restent à
17 aborder. Nous présentons une déclaration écrite de Mme Delic ; dès que
18 nous l'aurons dactylographiée, nous pourrons vous la soumettre. Peut-être
19 pourrons-nous faire cela demain, ou en tout cas avant la fin de la
20 semaine. Autre chose : M. Delic voudrait s'adresser au Tribunal et
21 prononcer une déclaration en vue d'obtenir certaines circonstances
22 atténuantes. Peut-être peut-il intervenir dès maintenant, ou plus tard
23 peut-être ?
24 M. le Président (interprétation). - Eh bien, il peut prêter serment dès
25 maintenant et nous pouvons entendre sa déclaration.
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1 M. Moran (interprétation). - Oui, mais d'après ce que j'ai entendu dans
2 l'affaire Tadic...
3 M. le Président (interprétation). - Non, non, nous pouvons faire cela
4 maintenant, en tout cas si M. Delic le souhaite. Je crois qu'il a le droit
5 de comparaître et de se prononcer.
6 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, je ne comprends pas cette
7 procédure. Est-ce que le témoin va prêter serment ou est-ce que nous
8 pourrons le contre-interroger ?
9 M. Jan (interprétation). - Tout accusé peut faire une déclaration.
10 M. Niemann (interprétation). - Non, non, excusez-moi. Vous parlez d'une
11 procédure qui avait lieu en Angleterre, mais ceci a été aboli, elle avait
12 également cours en Australie, mais elle n'existe plus.
13 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)
14 M. Niemann (interprétation). - (Interrompu par le Juge Jan)
15 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)
16 M. Niemann (interprétation). - Va-t-il être soumis à notre
17 contre-interrogatoire ? Telle est ma question.
18 M. Moran (interprétation). - Pour aider Me Niemann, je ne sais pas quel
19 est le droit australien, mais en tout cas aux Etats-Unis la chose est
20 assez claire : les juges qui sont chargés de prononcer la sentence n'ont
21 pas à s'exprimer ou à s'adresser directement à l'accusé s'il souhaite
22 faire une déclaration. (Interrompu par le Juge Jan)
23 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)
24 M. Moran (interprétation). - Dans une affaire américaine -je pourrais
25 d'ailleurs vous amener un exemplaire du compte rendu de cette affaire
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1 demain-, c'est comme cela que les choses se sont passées. D'autre part,
2 dans l'affaire Tadic, le juge Mc Donald a mentionné la possibilité que
3 M. Tadic fasse une déclaration, et je crois que c'est la procédure qui a
4 été retenue par ce Tribunal en général.
5 M. Niemann (interprétation). - Monsieur Tadic a déclaré et nous l'avons
6 contre-interrogé. Donc je ne sais pas de quoi Me Moran est en train de
7 parler. Oui, effectivement, M. Tadic est venu témoigner et nous avons eu
8 la possibilité de le contre-interroger.
9 M. le Président (interprétation). - Mais là il me faut vous renvoyer à
10 l'article 85, n'est-ce pas ? 85 du Règlement ?
11 M. Niemann (interprétation). - Oui, il a pour possibilité de comparaître,
12 mais a-t-il une possibilité de comparaître en tant que témoin ?
13 Effectivement, un accusé peut toujours déclarer, peut faire une
14 déclaration... Je crois que si l'on parle de déclaration sans que la
15 personne prête serment, cela nous renvoie à la préhistoire. Depuis
16 longtemps, ce principe a été aboli dans la plupart des systèmes
17 juridiques, apparemment pas aux Etats-Unis d'après ce que nous dit
18 Me Moran, où ceci est considéré comme n'étant pas nécessaire. Je crois
19 qu'il y a beaucoup de justifications d'un point de vue historique qui
20 viennent étayer l'argument selon lequel l'accusé devrait prêter serment.
21 En tout cas, dans la plupart des juridictions, le fait qu'un accusé vienne
22 témoigner sans prêter serment a été aboli.
23 M. le Président (interprétation). - Oui, mais peut-être qu'il souhaite
24 faire une déclaration afin d'apporter certains éléments qui pourront jouer
25 en tant que circonstances atténuantes dans le prononcé de la sentence ?
Page 15138
1 Des éléments qui n'auront peut-être rien à voir avec sa culpabilité ou son
2 innocence, c'est quelque chose qui est relativement différent.
3 M. Niemann (interprétation). - Je ne sais pas comment cela se fait aux
4 Etats-Unis, mais je serais tout à fait surpris si cela se faisait au cours
5 d'un procès avant même que le jury ait prononcé sa peine, son verdict !
6 M. Moran (interprétation). - Puisque nous parlons de verdict et puisque
7 nous parlons de sanctions, il faut préciser que dans ce Tribunal nous
8 essayons de combiner deux procédures. Je crois que si l'accusé doit faire
9 une déclaration, qu'il ait prêté serment ou non, il faut que sa
10 déclaration soit entendue à ce point et à ce stade de la procédure. Je
11 crois que c'est un droit qui remonte à très longtemps déjà, c'est en tout
12 cas un droit qui m'est familier, et je pense que la plupart des avocats le
13 connaissent également.
14 M. Jan (interprétation). - Mais quelle est la position aux Etats-Unis ?
15 M. Morison (interprétation). - Puis-je apporter mon concours, s'il vous
16 plaît ?
17 Je suis juge dans un tribunal pénal au Royaume-Unis et je rassemble
18 également tous les éléments relatifs à une affaire au sein d'un tribunal.
19 Maître Niemann a tout à fait raison en disant que ce principe de
20 recueillir une déclaration alors que l'accusé n'a pas prêté serment a été
21 aboli. Cependant, l'accusé peut néanmoins faire une déclaration sans avoir
22 à prêter serment du banc des accusés ou de tout autre endroit du Tribunal
23 si les éléments de preuve qui doivent être présentés par l'accusé n'ont à
24 voir qu'avec la possibilité d'atténuer la peine qu'il encourt. Par
25 conséquent, nous n'avons pas de système de verdict ici, mais c'est parce
Page 15139
1 que nous avons une procédure différente. Je suis sûr qu'à ce stade
2 l'accusé aurait la possibilité de faire une déclaration sans avoir à
3 prêter serment si sa déclaration n'a trait uniquement qu'aux éléments
4 pouvant atténuer la peine qu'il encourt.
5 Je ne sais pas si cela dépasse votre compétence, Madame et Messieurs les
6 Juges, c'est quelque chose que je fais de façon permanente dans les
7 affaires dans lesquelles l'accusé ne vient pas témoigner. Je lui demande
8 toujours s'il souhaite faire une déclaration avant que je prononce la
9 peine vis-à-vis de cette même personne.
10 M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que nous ayons à nous
11 excuser à cet égard bien que, effectivement, nous adoptions une procédure
12 nouvelle. Je ne vois pas pourquoi l'accusé n'aurait pas la possibilité de
13 faire une déclaration !
14 M. Morison (interprétation). - Ce sont les lois du Royaume-Uni, Monsieur
15 le Président. Bien entendu, Me Niemann a tout à fait raison également de
16 dire que, lorsque l'accusé veut témoigner et qu'il amène des éléments de
17 preuve... Ou, en tout cas, que le principe selon lequel un accusé a le
18 droit de témoigner alors qu'il n'a pas prêté serment lorsqu'il vient
19 amener des éléments de preuve cruciaux à l'affaire, ce principe-là a été
20 aboli depuis longtemps.
21 M. Jan (interprétation). - Oui, mais lorsqu'il fait une déclaration alors
22 qu'il n'a pas prêté serment, il ne peut pas être contre-interrogé,
23 n'est-ce pas ?
24 M. Morison (interprétation). - Non, pas du tout. Il n'y a aucune base qui
25 justifierait un contre-interrogatoire. La seule occasion au cours de
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1 laquelle un contre-interrogatoire est possible au Royaume-Uni, c'est
2 lorsque la défense cite à comparaître des témoins et que ces témoins
3 prêtent serment. Quant à l'accusé lui-même, il peut prononcer une
4 déclaration, mais sans prêter serment s'il choisit de le faire et s'il
5 choisit d'apporter des éléments qui viendront éventuellement atténuer la
6 sentence qu'il encourt.
7 M. Moran (interprétation). - Nous avons une procédure aux Etats-Unis, dans
8 la procédure pénale notamment, dans le cadre de laquelle une personne a la
9 possibilité de faire une déclaration du banc des accusés sans prêter
10 serment lorsqu'il est question d'innocence ou de culpabilité. Il s'agit
11 simplement de procès qui ont lieu devant des cours martiales, devant des
12 tribunaux militaires. Mais je crois qu'il y a une distinction très
13 importante à faire entre une déclaration qui est faite dans le cadre de
14 l'atténuation de la peine -en tout cas c'est la procédure que je connais-
15 dans des tribunaux dans lesquels ce sont les juges eux-mêmes qui décident
16 de la peine. A ce moment-là, l'accusé, avant le prononcé de la sentence,
17 peut dire tout ce qu'il veut devant le Tribunal s'il pense que les
18 éléments qu'il va apporter aux juges pourrait les convaincre d’atténuer la
19 sanction encourue.
20 M. le Président (interprétation). - Mais je ne sais pas si l’accusé
21 devrait se présenter au banc des témoins, car il ne comparaît pas en tant
22 que témoin, il comparaît en tant que personne accusée ; il doit donc se
23 tenir au banc des accusés.
24 M. Moran (interprétation). - Ecoutez, c’est la procédure que je connais,
25 moi.
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1 M. le Président (interprétation). - Donc nous pourrions peut-être
2 fonctionner, opérer de cette façon ?
3 M. Moran (interprétation). - Oui, effectivement, je crois que c'est la
4 procédure utilisée dans tous les systèmes juridiques que je connais, en
5 tout cas.
6 M. le Président (interprétation). - Très bien. Eh bien, M. Delic peut se
7 prononcer s’il le souhaite, il peut faire une déclaration et apporter les
8 éléments qui pourraient atténuer sa peine.
9 M. Delic (interprétation). - Bonjour tout le monde. Je suis content après
10 deux années passées ici avec vous, d’avoir l’occasion de vous dire quelque
11 chose. Je n'avais pas l’intention de le faire avant, étant donné que j'ai
12 dit tout ce que j'avais à dire aux enquêteurs lors de ma déclaration ;
13 mais après le témoignage de Esad Landzo, je ne peux pas dormir étant donné
14 que moi, jamais de ma vie, je n’ai donné l’ordre à Esad Landzo de tuer qui
15 que ce soit, d’incendier qui que ce soit...
16 Mme Mc Murrey (interprétation). - Excusez-moi, mais là je crois que des
17 éléments sont apportés, relatifs à l’innocence ou à la culpabilité, et pas
18 à la sanction.
19 M. Moran (interprétation). - Tout ce que dira M. Delic...
20 M. Jan (interprétation). - Mais ceci est lié, n’est-ce-pas ? Supposons
21 qu'une personne soit condamnée et que le juge lui demande quel devrait
22 être le contenu de la peine, peut-il, à ce moment-là, déclarer "je suis
23 innocent" ?
24 Mme Mc Murrey (interprétation). - Mais je crois que ceci jette la
25 confusion dans les esprits.
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1 Me Niemann (interprétation). : Excusez-moi. Je pensais que... Je crois que
2 les seuls éléments apportés par l’accusé allaient être des éléments
3 pouvant atténuer la peine, donc j'objecte à ce que l'accusé mentionne
4 toute question qui pourrait avoir trait à la culpabilité ou à l'innocence.
5 Et en ce sens, je partage l'opinion de ma collègue qui vient de
6 s’exprimer.
7 M. Moran (interprétation). - Moi je crois que toute chose que l'accusé
8 souhaite dire, s'il pense que ceci pourrait contribuer à atténuer sa
9 peine, doit être exprimée. Je crois que ceci est arrivé dans un Tribunal
10 de New-York, il y avait un membre de la mafia qui se trouvait là et
11 pendant toute l'audience il a proféré des injures à l'intention des juges
12 pendant une heure, je crois. Et d’ailleurs, il jouait sa vie sur cette
13 affaire.
14 Alors moi je crois que quelles que soient les choses que souhaite exprimer
15 l'accusé à ce stade des débats, cela n’a guère d'importance.
16 M. le Président (interprétation). - Ecoutez, ne confondons pas
17 deux situations. Comme je l'ai dit, et comme je le dis depuis le début,
18 nous nous sommes engagés dans une procédure qui comporte un certain nombre
19 d’ambiguités. Les personnes accusées sont soumises au Règlement de
20 procédure et de preuve de ce Tribunal. Ces personnes sont présumées
21 innocentes et elles doivent actuellement, et à ce stade de la procédure,
22 témoigner afin, éventuellement, d'atténuer leur peine au cas où elles
23 seraient reconnues coupables.
24 Je crois que c’est un point de procédure très important. Si l'accusé
25 décide de se prononcer, et je suppose que l’accusé estime que la Chambre
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1 de première instance devra prendre très sérieusement ce droit, eh bien
2 l'accusé ne doit pas réouvrir des questions qui ont trait à sa
3 culpabilité. Il doit se cantonner à des questions qui lui sont propres,
4 personnelles, et il ne doit pas impliquer dans sa déclaration d'autres
5 accusés qui sont accusés dans le cadre du même procès. Je crois que
6 l'accusé ne doit se prononcer que sur sa propre culpabilité,
7 éventuellement, mais ceci ne doit pas affecter les autres personnes qui
8 sont jugées avec lui.
9 M. Moran (interprétation). - Mais je ne crois pas qu’il veuille dire quoi
10 que ce soit qui puisse avoir un quelconque effet sur la peine imposée à
11 d’autres accusés. Je crois que ce qui se dit actuellement est un dialogue
12 entre la Chambre de première instance et cet accusé-là en particulier.
13 M. le Président (interprétation). - Mais au départ, je me suis dit que
14 lorsqu’il a commencé à parler, il ne s'agissait que d’une déclaration
15 liminaire, qu’il n’irait pas plus loin. Je suis d’accord que si une
16 personne profère certaines accusations à votre encontre, cela vous empêche
17 de dormir. C'est tout à fait compréhensible, mais peut-être qu'il ne
18 devrait pas aborder ce type de questions.
19 M. Moran (interprétation). - Mais je n'ai pas écrit cela, il s’agit
20 simplement de la déclaration de M. Delic ; je ne sais pas ce qu’il va
21 dire, je ne peux pas parler en son nom.
22 Mme Mc Murrey (interprétation). - Puis-je faire une suggestion un
23 instant ? S’il rentre dans ce type de questions relatives à la culpabilité
24 ou à l’innocence, eh bien dans ce cas-là, peut-être devrait-il prêter
25 serment et devrait-il témoigner en tant que témoin ? S’il en reste aux
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1 questions relatives à l’atténuation de la peine et de la sanction, alors à
2 ce moment-là il peut faire une déclaration sans avoir à prêter serment.
3 M. Moran (interprétation). - Bien sûr, je suis d'accord avec le Juge Jan
4 pour dire qu'une personne qui est déclarée coupable devant un jury peut se
5 lever devant le juge qui va prononcer la peine, et dire : "le jury m’a
6 déclaré coupable mais je suis innocent, s’il vous plaît, donnez-moi le
7 bénéfice du doute".
8 M. le Président (interprétation). - Mais je pense qu’il peut dire... Il
9 peut exprimer sa position quelle qu’elle soit et nous fournir tous les
10 éléments qui pourraient atténuer sa sentence, à ses yeux.
11 M. Moran (interprétation). - Je suis d'accord, Monsieur le Président.
12 Me Niemann (interprétation). : Excusez-moi un instant. Je crois qu’il y a
13 un problème dans nos écouteurs car nous obtenons la mauvaise
14 interprétation. Je ne sais pas ce qui se passe, mais je crois que ceci
15 m'empêche de bien comprendre les choses, puisque j'obtiens une
16 interprétation qui n'est pas celle que je devrais recevoir.
17 M. le Président (interprétation). - C’est le mauvais canal, je crois, que
18 vous utilisez. J'entends deux versions : la version en anglais, et
19 l’autre.
20 Monsieur, vous pouvez poursuivre.
21 M. Delic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
22 Puis-je continuer là où je me suis arrêté ?
23 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie, poursuivez M. Delic.
24 M. Delic (interprétation) - Jamais dans ma vie, lors de mon séjour à
25 Celebici, je n'ai jamais donné l'ordre à M. Landzo, et je le regarde dans
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1 les yeux... Je ne t'ai jamais donné l'ordre de tuer, de tabasser
2 quelqu'un, ni de brûler qui que ce soit, ni de forcer les gens à commettre
3 la fellation. Comment n'as-tu pas honte de te mettre devant ces gens-là et
4 de mentir. Tu peux mentir aux autres mais ici tu ne peux les tromper !
5 Mme Mc Murrey (interprétation). - Objection. M. Delic s'adresse à
6 M. Landzo et non pas aux Juges. Nous traitons encore ici de la question de
7 culpabilité et de l'innocence.
8 M. le Président (interprétation). - Si c'est la position que vous
9 souhaitez adopter M. Delic, il aurait fallu également que M. Landzo se
10 rende directement dans le banc des témoins pour dénier ce que vous
11 affirmez contre lui. Parce que, pour l'instant, vous faites des
12 allégations directes à son encontre. Ce qui ne peut avoir lieu. Si vous
13 faites des déclarations relatives à l'atténuation de la peine, c'est à la
14 Chambre de première instance que vous vous adressez et uniquement à elle.
15 M. Delic (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai jamais pu
16 rêver de la possibilité d'avoir quelqu'un qui allait être tellement
17 malicieux pour pouvoir venir ici, témoigner et dire que quelqu'un d'autre
18 lui a donné l'ordre. La première fois où j'ai entendu parler du fait que
19 les deux personnes ont été forcées à commettre la fellation, c'était ici
20 et j'ai passé beaucoup de temps déjà en prison et je vous demande qu'une
21 seule chose : ne permettez pas que j'aille en prison maintenant pour y
22 rester, rien qu'à cause des mensonges de M. Esad Landzo. C'est tout ce que
23 j'avais à dire, merci.
24 M. le Président (interprétation). - Cette déclaration n'a rien à voir avec
25 la question de l'atténuation de la peine et ne touche en rien à la
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1 question des circonstances atténuantes.
2 Mme Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, sur la base du
3 fait que M. Delic s'est adressé à M. Landzo et non pas aux Juges de la
4 Chambre de première instance et au vu du fait qu'il n'a pas abordé la
5 question de l'atténuation de la peine, je demande à ce que toutes ses
6 déclarations soient expurgées du compte rendu et du dossier.
7 M. Niemann (interprétation). - L'accusation se prononce en faveur de cette
8 objection car rien de ce qui a été dit ne traitait de l'atténuation de la
9 peine.
10 M. le Président (interprétation). - Ce n'est pas à vous de vous prononcer
11 là-dessus. C'est aux Juges de la Chambre de première instance de trancher
12 de ce qui fait partie de la question de l'atténuation de la peine et ce
13 qui n'en fait pas partie. Nous avons entendu l'accusé, peu importe,
14 Maître Mc Murrey, que vous fassiez une objection ou pas. C'est à nous de
15 nous prononcer sur la question de l'atténuation de la peine qui sera
16 prononcée. Maître Moran, c'est tout ce que vous avez pour nous
17 aujourd'hui ?
18 M. Moran (interprétation). - Deux problèmes d'intendance,
19 Monsieur le Président, que je souhaiterai soulever. Le greffe m'a informé
20 qu'il souhaite attribuer une nouvelle cote au document que j'ai fourni
21 précédemment. Deuxièmement, j'ai oublié de demander le versement au
22 dossier de ces documents. Je demande le versement au dossier de ces
23 documents, quelle que soit la cote qui leur soit attribuée.
24 M. le Président (interprétation). - Quels que soient ces documents, vous
25 êtes en train d'en demander le versement ?
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1 M. Moran (interprétation). - Oui et je voudrais préciser que nous allons
2 demander le versement au dossier de la déclaration écrite de Mme Delic,
3 quelle que soit également la cote qui lui sera attribuée. C'est la
4 dernière chose que nous souhaitons faire. La défense de M. Delic n'a rien
5 à ajouter.
6 M. le Président (interprétation). - Certainement. Et pour ce qui est de
7 M. Mucic ?
8 M. Morison (interprétation). - Pour ce qui de la défense de M. Mucic, la
9 défense souhaite également aborder la question des circonstances
10 atténuantes. Il y a six témoins que nous souhaiterions citer à
11 comparaître, qui pourront se prononcer dans le sens de l'atténuation de la
12 peine. Je crois que nous devrions suspendre nos travaux et reprendre
13 demain. Je dis cela car il me semble qu'on a beaucoup travaillé
14 aujourd'hui. Vous avez déjà entendu beaucoup d'éléments d'information
15 qu'il va vous falloir étudier. D'autre part, je me suis entretenu avec ces
16 témoins et Mme Rešidovic s'est entretenue également avec ces témoins
17 jusqu'à minuit la nuit dernière, je crois. Nous sommes tous les deux,
18 pardon, je parle de Me Residovic, mais bien sûr je fais référence à ma
19 collègue Me Buturovic*. Bien, tout cela pour dire que je suis moi-même
20 excessivement fatigué. Je sais que les témoins sont restés éveillés très
21 tard la nuit dernière. Je pense que eux aussi sont assez éprouvés par tous
22 ces entretiens.
23 Je ne veux pas, bien sûr, envoyer des critiques à mon collègue M. Moran,
24 mais nous pensions que le professeur déposerait pendant un temps plus
25 restreint.
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1 M. Jan (interprétation). - Nous le pensions aussi.
2 M. Morison (interprétation). - Je dois dire que les six témoins que nous
3 souhaitions citer à comparaître ont passé la journée à attendre dans la
4 salle d'attente des témoins. Je ne crois pas il serait juste à leur égard
5 de les faire comparaître à ce stade de la journée de nos travaux. Puisque
6 nous n'avons que 14 minutes à attendre avant la fin officielle de
7 l'audience, je crois, nous pourrions suspendre et reprendre demain. Je
8 vous assure que demain, nous procéderons plus rapidement. Nous en aurons
9 fini pour le déjeuner.
10 M. le Président (interprétation). - Certainement, s'il vous semble que
11 c'est la meilleure solution, nous pouvons suspendre l'audience et
12 reprendre demain matin à 10 heures.
13 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Monsieur le Président, un instant, s'il
14 vous plaît, Je voulais demander à la Chambre de première instance la
15 permission de pouvoir ne pas assister aux débats qui vont se poursuivre
16 jusqu'à la fin de la semaine. C'est Me Boler* qui me remplacera, me
17 permettrez-vous de ne pas assister aux travaux jusqu'à la fin de la
18 semaine ?
19 M. le Président (interprétation). - Vous êtes tout excusée, Me Mc Murrey.
20 Mme. Mc Murrey (interprétation). - Merci.
21 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, l'audience est
22 levée, jusqu'à demain matin 10 heures.
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24 L'audience est levée à 17 heures 17.
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