Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-96-21-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 14 octobre 1998

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 ZEJNIL DELALIC

7 ZDRAVKO MUCIC

8 HAZIM DELIC

9 ESAD LANDZO

10 L'audience est ouverte à 10 heures 05.

11

12 M. le Greffier (interprétation). - Je voudrais corriger une erreur. Hier,

13 deux documents ont été présentés. Le premier, qui a été coté 111/3, devra

14 être renuméroté 110/3. Le second document, par conséquent, portera la cote

15 111/3.

16 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Mesdames et Messieurs. Les

17 parties peuvent-elles se présenter, s'il vous plaît ?

18 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les Juges, je

19 m'appelle Grant Niemann et je suis avec mes collègues, Me Mc Henry et

20 M. Huber, pour l'accusation.

21 M. le Président (interprétation). - La défense peut-elle se présenter ?

22 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

23 Je m'appelle Edina Residovic, je défends M. Zejnil Delalic, en compagnie

24 de mon collègue Eugène O'Sullivan, professeur du Canada.

25 M. Morison (interprétation). - Bonjour, je m'appelle Howard Morison et je

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1 représente, en compagnie de M. Greaves et de Mme Buturovic, l'accusé

2 Zdravko Mucic.

3 M. Karabdic (interprétation). - Bonjour, je m'appelle Salih Karabdic, je

4 suis avocat à Sarajevo, je défends M. Hazim Delic, en compagnie de

5 M. Thomas Moran, avocat au Texas.

6 Mme Boler (interprétation). - Bonjour, je m'appelle Nancy Boler et je

7 représente Esad Landzo.

8 M. le Président (interprétation). - Nous allons commencer dès ce matin

9 avec Maître Morison, me semble-t-il.

10 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, je voudrais simplement poser

11 une question très brève sur la procédure suivie hier après-midi, lorsque

12 M. Delic s'est levé et a pris la parole. Cela ne prendra pas très

13 longtemps, je voudrais simplement l'évoquer dès maintenant.

14 M. le Président (interprétation). - Allez-y.

15 M. Niemann (interprétation). - Ceci constitue une préoccupation pour

16 l'accusation, car ceci pourrait avoir trait à la question plus large du

17 procès lui-même. C'est pourquoi je voudrais évoquer cette question dès

18 maintenant.

19 Le problème est le suivant... Bien entendu, nous ne pouvons pas protester

20 lorsqu'un accusé décide de prendre la parole juste avant que vous ne

21 prononciez la sentence. Mais le problème se pose parce qu'il y a eu une

22 modification des articles du Règlement de procédure et de preuve. Dans ces

23 modifications, il est dit que ceci ne peut se produire à un stade

24 antérieur, étant donné les problèmes pratiques que cela peut entraîner.

25 Cependant, la situation semble être la suivante : si un accusé,

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1 effectivement, s'adresse à vous à ce stade de la procédure et parle de

2 questions relatives à la culpabilité ou à l'innocence, à ce moment-là, il

3 ne peut le faire en ne prêtant pas serment. Je crois que, par conséquent,

4 cette procédure n'est pas particulièrement adaptée. Mais, étant donné

5 l'existence de l'article 95-C, les procédures de ce type, lorsqu'une

6 personne peut témoigner de sa culpabilité ou de son innnocence sans prêter

7 serment, ont été abolies dans la plupart des systèmes juridiques. Donc,

8 devant ce Tribunal, la question ne se pose pas non plus.

9 Je dis que c'est une préoccupation pour nous, Monsieur le Président, parce

10 que ceci peut évoquer certains problèmes entre les co-accusés. Il ne

11 s'agit pas simplement d'une préoccupation de l'accusation, mais ceci pose

12 également un certain nombre de questions quant aux comportements entre les

13 co-accusés et l'impossibilité de mener un contre-interrogatoire.

14 Cela pose aussi des questions vis-à-vis du public et vis-à-vis des

15 victimes, parce que certaines choses peuvent être dites sans que nous

16 puissions les contredire, ou sans qu'elles puissent être soumises à un

17 contre-interrogatoire.

18 Il me semble, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, qu'une

19 solution qu'il serait possible d'adopter serait la suivante : si un accusé

20 demande à s'exprimer devant vous sur l'atténuation de la peine à ce stade,

21 il faudrait que lui soit demandée une déclaration qui pourrait être

22 examinée par les parties avant qu'elle ne soit prononcée. Et s'il y a des

23 questions qui ont trait à la culpabilité ou à l'innocence, elles peuvent

24 être abordées avant.

25 Il est difficile de demander à un accusé qui n'est pas expert en droit de

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1 faire une déclaration qui soit uniquement limitée à l'atténuation de la

2 peine.

3 Quelle est la distinction entre les questions relatives à l'atténuation de

4 la peine et celles liées à la culpabilité ou à l'innocence. Je ne peux pas

5 affirmer qu'une personne accusée puisse faire véritablement cette

6 distinction. Par conséquent si, au cours de ce procès, d'autres demandes

7 de ce type sont formulées, ou d'ailleurs devant le Tribunal en général,

8 cette procédure pourrait être adoptée. Une déclaration préalable pourrait

9 être fournie afin que certaines questions puissent être abordées, que des

10 témoins en répliquent et éventuellement puissent être convoqués. Je crois

11 que la procédure serait tout à fait juste vis-à-vis de l'accusé, que

12 l'accusé n'aurait pas à répondre à certaines choses dans le cadre d'un

13 contre-interrogatoire.

14 M. le Président (interprétation). - Mais... Je crois qu'hier, vous avez

15 déjà formulé une objection n'est-ce pas ? Je vous ai répondu, à ce

16 moment là, que l'accusé a la possibilité de faire ce type de déclaration

17 si la Chambre le lui permet. Puisque c'est une déclaration qui n'est pas

18 faite sous serment, ce n'est pas une déclaration qui figure en tant que

19 telle dans le compte rendu.

20 M. Niemann (interprétation). - Oui, mais si ceci a trait à la culpabilité

21 ou à l'innocence de l'accusé, c'est bien ce qui nous préoccupe,

22 Monsieur le Président, parce qu'il s'agit d'une déclaration qui n'est pas

23 faite sous serment. Il ne pourrait pas comparaître en tant que témoin. Or

24 aujourd'hui il existe un mécanisme qui permet à l'accusé, s'il souhaite

25 s'exprimer devant le Tribunal, de le faire par un témoignage sous serment.

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1 Alors, voilà quel est l'objet de ma demande : je vous demande,

2 éventuellement, d'envisager la possibilité de demander à l'accusé si un

3 autre accusé de ce procès décide de prendre la parole, cet accusé pourrait

4 vous demander l'autorisation de déposer une déclaration liminaire. C'est

5 cela qui fait l'objet de ma demande.

6 M. le Président (interprétation). - Nous en prendrons bonne note.

7 Maître Morison, je crois que vous pouvez prendre la parole.

8 M. Morison (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. En fait, les

9 trois premiers témoins de la défense vont être interrogés par Me Buturovic

10 et moi, je m'occuperai des trois derniers.

11 M. le Président (interprétation). - Allons-y.

12 Mme Buturovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Pour

13 aujourd'hui, nous allons citer six témoins pour M. Mucic. J'espère que

14 ceci ne va pas prendre trop longtemps. Les témoins vont se concentrer

15 exclusivement sur la personnalité de M. Mucic. Le premier témoin que

16 j'appelle est Velisa Boskovic.

17 (Introduction du témoin dans la salle d'audience).

18

19 M. Boskovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation). - Prenez place.

22 Mme Buturovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

23 Monsieur Boskovic, auriez-vous l'amabilité de nous dire d'où vous venez,

24 s'il vous plaît ?

25 M. Boskovic (interprétation). - Je suis Monténégrin

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1 Mme Buturovic (interprétation). - Où habitez-vous actuellement ?

2 M. Boskovic (interprétation). - Actuellement, je suis à Podgorica.

3 Mme Buturovic (interprétation). - Monténégro ?

4 M. Boskovic (interprétation). - Oui

5 Mme Buturovic (interprétation). - Où habitiez-vous auparavant ?

6 M. Boskovic (interprétation). - J'ai vécu notamment à Konjic. J'ai

7 travaillé en Bosnie-Herzégovine également.

8 Mme Buturovic (interprétation). - Depuis quand êtes-vous au Monténégro ?

9 M. Boskovic (interprétation). - Je n'ai pas quitté... j'ai quitté la

10 Bosnie en 1992. C'était le 10, 12 avril.

11 Mme Buturovic (interprétation). - Vous pouvez nous dire de quelle

12 confession vous êtes ?

13 M. Boskovic (interprétation). - Orthodoxe.

14 Mme Buturovic (interprétation). - Orthodoxe, merci. Pouvez-vous nous dire

15 maintenant quels sont vos liens avec M. Mucic ?

16 M. Boskovic (interprétation). - Je suis son gendre.

17 Mme Buturovic (interprétation). - En d'autres termes, c'est avec sa soeur

18 que vous êtes marié ?

19 M. Boskovic (interprétation). - Oui.

20 Mme Buturovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire depuis quand vous

21 connaissez la famille Mucic ?

22 M. Boskovic (interprétation). - Je les connais, bien évidemment, je les

23 connais bien. Je connais la famille Mucic depuis plus de 20 ans, avec un

24 certain nombre bien évidemment d'interruptions parce que je n'étais pas en

25 permanence en contact avec eux, et puis j'ai travaillé énormément sur le

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1 terrain ; par conséquent je n'étais pas en contact permanent, mais je les

2 connais très bien, depuis 20 ans.

3 Mme Buturovic (interprétation). - . Merci. Pouvez-vous nous dire depuis

4 quand vous êtes marié avec sa soeur ?

5 M. Boskovic (interprétation). - Depuis 20 ans.

6 Mme Buturovic (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de nous dire la

7 chose suivante : pendant les 20 ans de votre mariage avec la soeur de

8 M. Mucic, M. Mucic, d'après vous, avait-il une aversion vis-à-vis de vous,

9 vu le fait que vous n'avez pas la même confession, que vous êtes

10 orthodoxe, par rapport à sa famille ?

11 M. Boskovic (interprétation). - Non, il appréciait, il aimait tout le

12 monde ; je pense que c'est quelqu'un qui respectait tout le monde en

13 dehors de moi. Il ne haïssait personne, non, absolument pas. C'est dans ce

14 sens-là que je parle : c'est quelqu'un qui aimait les gens, qui ne faisait

15 aucune distinction entre les nationalités, vous en avez parlé, ni entre

16 les religions.

17 Mme Buturovic (interprétation). - Mais je vais vous poser d'autres

18 questions tout à l'heure. Je vous en remercie d'abord, mais je vous pose

19 les questions qui concernent donc la période qui a précédé la guerre. Donc

20 il était quelqu'un qui aimait les gens, qui était en bonne compagnie avec

21 tout le monde ?

22 M. Boskovic (interprétation). - Oui, il était de telle nature : tout le

23 monde aimait bien être avec lui.

24 Mme Buturovic (interprétation). - Dites-moi, s'il vous plaît... Est-ce

25 qu'il était violent, est-ce qu'il était capable de se battre pour un oui

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1 ou pour un non, est-ce qu'il se disputait avec les gens ?

2 M. Boskovic (interprétation). - Non. Tout simplement, lui, il amortissait,

3 au contraire : si jamais il y avait des gens qui avaient des différends,

4 automatiquement il essayait un petit peu de calmer les gens, au contraire.

5 Non non, il réfléchissait avant d'agir, il n'avait jamais ce problème-là.

6 Mme Buturovic (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez

7 nous dire, Monsieur Boskovic, s'il était quelqu'un qui était une personne

8 fiable, et s'il vous promet quelque chose, dans ce cas-là, il le fait ?

9 M. Boskovic (interprétation). - Oui. A ma connaissance, s'il promettait

10 quelque chose, à ce moment-là, véritablement, il le faisait ; c'est une

11 personne totalement fiable à ma connaissance.

12 Mme Buturovic (interprétation). - Entendu. Pourriez-vous nous dire

13 maintenant une autre chose : est-ce qu'il était conséquent dans son

14 comportement ? Est-ce que, dans des situations qui étaient similaires, il

15 réagissait de la même manière ? Tout au moins, à votre connaissance, si

16 vous avez été dans de telles situations avec lui, il réagissait de la même

17 manière quand il se trouvait dans les mêmes situations ?

18 M. Boskovic (interprétation). - Je ne sais pas de quoi vous parlez ; cela

19 dépendait des situations. Je l'ai déjà précisé quand vous m'avez posé la

20 question : c'était quelqu'un de très équilibré, c'était quelqu'un qui ne

21 réagissait pas de suite ; au contraire, il réfléchissait avant de réagir.

22 Mme Buturovic (interprétation). - Je vous remercie. Pourriez-vous me dire

23 maintenant s'il consommait de l'alcool ?

24 M. Boskovic (interprétation). - Non Il était très sportif, au contraire ;

25 il n'a pas bu, non. Je sais, il a fait beaucoup de sport et il était dans

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1 la catégorie des poids lourds, il apprenait également aux enfants à faire

2 du sport... Non, il ne consommait pas d'alcool.

3 Mme Buturovic (interprétation). - Je vous en remercie. Est-ce que vous

4 pouvez nous dire, vu le fait que vous avez vécu dans cette famille-là, si

5 M. Mucic était la personne sur laquelle vous avez pu vous appuyer dans

6 cette famille ?

7 M. Boskovic (interprétation). - Oui. Il avait toujours des conseils, de

8 bons conseils à donner à tout le monde ; il pouvait également recommander

9 à des membres de la famille ce qui était bien à faire, ce qui n'était pas

10 bien à faire... Oui, il avait toujours un bon mot à dire.

11 Mme Buturovic (interprétation). - Eh bien, est-ce que c'était une personne

12 qui mentait ?

13 M. Boskovic (interprétation). - Non, il ne mentait pas. Il ne mentait pas,

14 il ne mentait jamais, du tout.

15 Mme Buturovic (interprétation). - Mais vis-à-vis des autres, comment il

16 était ?

17 M. Boskovic (interprétation). - Non, je vous l'ai dit, il ne mentait

18 jamais.

19 Mme Buturovic (interprétation). - Mais vu le fait que vous avez une autre

20 confession, vous avez dit que, de votre point de vue, il a été quelqu'un

21 qui était toujours en très bons termes avec tout le monde. Est-ce que vous

22 pouvez nous citer qui étaient ses amis ?

23 M. Boskovic (interprétation) - Mais il avait des amis de tous les côtés.

24 En Bosnie, comme vous le savez, le peuple était de confession différente

25 et lui, il avait effectivement des amis qui étaient dans d'autres groupes

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1 ethniques et qui avaient d'autres confessions. Je dirais presque plus avec

2 d'autres qu'avec ceux qui étaient de sa propre confession. Je peux

3 également, à titre d'illustration, vous donnez un exemple : Tchin Tchin*,

4 par exemple, était son ami avec lequel il était très proche, Mirko,

5 malheureusement a été tué.

6 Mme Buturovic (interprétation) - Je vous en remercie. Est-ce que vous

7 pouvez me dire maintenant, est-ce que d'après vous il était plutôt du côté

8 de ceux qui étaient bons ou qui étaient mauvais ?

9 M. Boskovic (interprétation) - Non, il était bon de nature et non il ne

10 pensait jamais des choses qui étaient mauvaises. Non, c'était facile à

11 communiquer avec lui, facile à vivre avec lui, à coopérer avec lui.

12 Mme Buturovic (interprétation) - Entendu. Monsieur Boskovic, est-ce que

13 vous savez que M. Mucic aimait aider les gens avant la guerre, je parle

14 toujours de la période qui a précédé la guerre ?

15 M. Boskovic (interprétation) - Oui, je l'ai dit, il a beaucoup aidé les

16 gens, et il avait toujours des conseils, de bons conseils à donner, je

17 peux parler de manière très concrète. Moi, par exemple, j'ai été

18 transporteur, je travaille comme conducteur et j'ai commencé en 1988 et

19 j'ai commencé à faire ce travail sans savoir grand-chose là-dessus et lui,

20 il a su donner de bons conseils : qui devait m'accompagner, avec qui je

21 devais travailler etc.. Oui, il a été très coopératif, de bon sens.

22 Mme Buturovic (interprétation) - Merci.

23 Pourriez-vous me dire maintenant s'il était une personne pathologique,

24 antisociale, est-ce qu'il pouvait faire mal à quelqu'un d'autre ?

25 M. Boskovic (interprétation) - Non, juste le contraire, il protégeait

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1 l'autre plus que soi-même.

2 Mme Buturovic (interprétation) - Pourriez-vous nous dire s'il était

3 violent ou bien s'il était une personne qui était un peu à l'écart, ou

4 normale ?

5 M. Boskovic (interprétation) - Non, il était tout à fait dans la normale.

6 Quelqu'un qui avait beaucoup d'expérience, beaucoup de compréhension pour

7 les gens qui l'entouraient avec des horizons très ouverts. C'est comme

8 cela que je l'ai connu.

9 Mme Buturovic (interprétation) - Est-ce qu’il était affectif, est-ce qu’il

10 avait beaucoup d'émotion ?

11 M. Boskovic (interprétation) - Oui 100 %. Il était très émotif, il avait

12 de la compréhension pour tout le monde, comme je l'ai dit, et en ce qui me

13 concerne moi-même, ma famille, mes enfants pour sa soeur bien évidemment,

14 il était très attaché, il était très émotif, sa soeur lui a été très

15 proche, plus proche de la chemise comme nous le disons.

16 Mme Buturovic (interprétation) - Est-ce que vous pouvez nous dire s'il

17 avait aidé sur le plan matériel sa famille, sa famille plus large des

18 amis, etc ?

19 M. Boskovic (interprétation) - Oui, si les gens en avaient besoin, s'il

20 était en mesure de le faire, il les aidait, mais s'il n'était pas en

21 mesure de le faire il ne le faisait pas, mais en gros je pense qu'il

22 aidait quand il avait la possibilité de le faire.

23 Mme Buturovic (interprétation) - Entendu. Pourriez-vous nous dire s'il

24 avait visité souvent les membres de sa famille, les amis ?

25 M. Boskovic (interprétation) - Oui, fréquemment. Il s'est consacré

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1 véritablement à sa propre famille, à ses amis. Il a travaillé en Autriche,

2 il venait pratiquement tous les week-ends, même moi je m'étonnais, je me

3 demandais comment avait-il pu faire le voyage comme cela ; tous les

4 vendredis il partait de l'Autriche, il se rendait à Konjic puis, il

5 revenait le dimanche soir, il était très dévoué.

6 Mme Buturovic (interprétation) - Entendu. Tout à l'heure vous avez dit

7 qu'il a fait beaucoup de sport, est-ce que vous savez ce qu'il faisait

8 dans ses temps de loisirs, il avait un hobby ?

9 M. Boskovic (interprétation). - Il était pêcheur, et la pêche... il aimait

10 beaucoup la pêche.

11 Mme Buturovic (interprétation). - Est-ce que vous savez si éventuellement

12 il avait été sanctionné à Konjic, s'il avait commis un acte qui a été

13 susceptible d'avoir eu sanction ?

14 M. Boskovic (interprétation). - Non, cela je ne sais pas, je ne suis

15 absolument pas au courant.

16 Mme Buturovic (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de nous dire

17 maintenant si Mucic, pendant la guerre, avait aidé quelqu'un, qu'il

18 s'agisse d'une personne qui est d'une confession ou d'une autre ; est-ce

19 que vous avez entendu parler de cela ? Parce que vous avez vécu

20 pratiquement tout le temps sur ce territoire, et actuellement vous êtes au

21 Monténégro ?

22 M. Boskovic (interprétation). - Oui, j'ai entendu dire, j'ai entendu dire

23 qu'il avait aidé les gens pour les aider sur le plan des vivres, pour les

24 approvisionner. Cela me paraît bien évidemment pas facile d'en parler,

25 mais je dis qu'on en a beaucoup parlé, à Pogdorica on en parle mais moi,

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1 de toute façon, je le connaissais. Tout le monde dit qu'il a beaucoup aidé

2 les gens.

3 Je parle de la guerre, bien évidemment, et de la période de la guerre.

4 Mme Buturovic (interprétation). - Encore une question, c'est une question

5 qui est peut-être un peu délicate ; si vous ne voulez pas répondre, vous

6 me le dites. Est-ce qu’il y avait des situations... depuis que vous

7 connaissez la famille de M. Mucic, est-ce qu'il avait éventuellement...

8 qu'il attendait quelque chose de vous et que vous n'avez pas répondu à ses

9 promesses, et comment a-t-il réagi parce que vous lui avez promis quelque

10 chose, et vous n'avez pas tout simplement répondu à ses promesses ?

11 M. Boskovic (interprétation). - Non, M. Mucic n'était pas rancunier. Bien

12 évidemment on peut promettre et ne pas tenir la promesse, mais lui n'était

13 pas rancunier. Non, absolument pas. Il savait très bien même plaisanter,

14 si vous voulez, sur... là-dessus et de cette façon, en quelque sorte de me

15 déculpabiliser.

16 Mme Buturovic (interprétation). - Je vous remercie, je n'ai plus de

17 question à poser au témoin. Je vous remercie, Monsieur le Président,

18 Madame et Messieurs les Juges.

19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

20 Le contre-interrogatoire, maintenant.

21 Mme Residovic (interprétation). - Le conseil de la défense de M. Delalic

22 n'a pas de question à poser.

23 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres questions ?

24 La défense d'Esad Landzo n'a pas de questions. Est-ce que l'accusation à

25 des questions à poser ?

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1 M. Niemann (interprétation). - Monsieur Boskovic, vous avez dit que

2 M. Mucic ne savait pas mentir, qu'il n'était pas capable de mentir.

3 Qu'est-ce que vous avez sous-entendu là-dessus ?

4 M. Boskovic (interprétation). - Mais il était comme cela, il ne savait pas

5 cacher, il ne savait pas cacher, même pas ses problèmes, il ne mentait

6 pas, c'est tout ; c'est à ça que je pensais. C'est un type comme cela, il

7 ne savait pas cacher les choses. Voilà, c'est ce que je voulais dire.

8 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous voulez dire qu'il était

9 capable de protéger les gens plutôt que de se protéger soi-même ?

10 Je vais répéter : vous avez dit...

11 M. le Président (interprétation). - Est-ce maintenant bien, est-ce que

12 vous pouvez suivre l'interprétation ? Est-ce que vous entendez maintenant,

13 s'il vous plaît ?

14 Est-ce que vous entendez l'interprétation, maintenant ? Est-ce que vous

15 entendez la cabine BCS, la cabine anglaise, la cabine française ?

16 M. Niemann (interprétation). - Je pense que maintenant ça va.

17 Monsieur Boskovic, vous avez dit, lors de votre déposition, que M. Mucic

18 était capable de protéger plutôt quelqu'un d'autre que soi-même. Au moment

19 où vous l'avez dit, est-ce que vous avez pensé que c'était valable aussi

20 bien pour les Serbes que pour d'autres personnes qui n'étaient pas de

21 cette confession ?

22 M. Boskovic (interprétation). - Oui, je pensais absolument à toutes les

23 personnes, indépendamment de leur confession, indépendamment de la

24 catégorie à laquelle ils appartenaient, indépendamment du groupe ethnique.

25 M. Niemann (interprétation). - D'après vous, par conséquent, au moment où

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1 il était dans le camp de détention, s'il fallait par exemple défendre

2 quelqu'un pour qu'on ne le batte pas, il serait intervenu ?

3 M. Boskovic (interprétation). - Je ne sais pas quoi vous répondre.

4 Mme Buturovic (interprétation). - Objection, Monsieur le Président !

5 M. Niemann (interprétation). - Je ne pense pas que l'objection est

6 correcte.

7 M. Morison (interprétation). - Je pense que l'objection consiste dans le

8 fait que, en effet, cette déclaration se fonde sur l'hypothèse.

9 M. Niemann (interprétation). - C'est sur ce qu'il a témoigné. Il a dit

10 tout à l'heure qu'il aurait été capable de protéger les autres plus que

11 soi-même.

12 M. le Président (interprétation). - Mais c'est son expérience.

13 M. Morison (interprétation). - Effectivement, c'est de la théorie, de

14 l'hypothèse !

15 M. Niemann (interprétation). - Si je dis que M. Mucic avait déclaré lui-

16 même qu'il avait très peur de rester dans le camp de détention pendant la

17 nuit pour qu'il ne soit pas battu par les gardes, et quand il s'adressait

18 pour l'aide et que c'était la raison pour laquelle il ne pouvait pas aider

19 les témoins de son côté, est-ce que, pour vous, cela est logique ou non ?

20 M. le Président (interprétation). - Je ne suis pas sûr que le témoin ait

21 bien compris la question.

22 M. Boskovic (interprétation). - Non, ce n'est pas ce que vous me posez

23 comme question... Je ne vous comprends pas du tout.

24 M. Niemann (interprétation). - Je vais vous répéter la question, si vous

25 voulez bien.

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1 M. Boskovic (interprétation). - Oui, s'il vous plaît, répétez la question.

2 M. Niemann (interprétation). - Lors de votre témoignage, vous avez dit que

3 M. Mucic aurait protégé plutôt quelqu'un d'autre que soi-même, même s'il

4 était lui-même en danger dans ce cas-là. Et si je vous dis que lui-même a

5 déclaré qu'il avait peur de rester à Celebici pendant la nuit et qu'il ne

6 pouvait pas se permettre d'aider les Serbes car il avait peur d'être battu

7 par d'autres personnes, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que cela

8 aurait été possible ?

9 M. Boskovic (interprétation). - Je n'était pas à Konjic, comme je l'ai dit

10 tout à fait au début. Par conséquent, je ne sais même pas ce qu'il s'est

11 passé à cet endroit-là. J'ignore complètement tous les détails. J'ai parlé

12 de la période qui a précédé la guerre, j'ai parlé de sa personnalité, j'ai

13 parlé de ce qu'il était, comment je l'ai connu... Je vous ai déjà expliqué

14 que je n'étais pas sur place.

15 M. Niemann (interprétation). - En d'autres termes, vous dites que vous ne

16 pouvez parler de lui, tout simplement, que jusqu'au début de la guerre.

17 M. le Président (interprétation). - Vous parlez en son propre nom.

18 M. Niemann (interprétation). - Mais je voulais tout simplement savoir ce

19 qu'il sait sur Mucic.

20 M. le Président (interprétation). - Vous savez peut-être autre chose sur

21 Mucic, sur la base de ce qu'il avait dit, alors que le témoin vous parle

22 de ce qu'il avait dit.

23 M. Niemann (interprétation). - Mais il nous a parlé de Mucic jusqu'au

24 début de la guerre.

25 Je poursuis. Vous avez dit qu'il a travaillé en Autriche. Pour qui

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1 travaillait-il en Autriche ? Etes-vous au courant ?

2 M. Boskovic (interprétation). - Je ne sais pas exactement.

3 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous savez quel était son

4 travail ?

5 M. Boskovic (interprétation). - Non, je ne peux pas vous le dire, je ne

6 sais pas.

7 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie.

8 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres témoins que vous

9 voulez citer ? Si vous avez d'autres témoins -ou bien si vous avez

10 d'autres questions également...

11 Mme Buturovic (interprétation). - Je vous remercie. Nous avons d'autres

12 témoins.

13 M. le Président (interprétation). - Dans ce cas, nous pouvons remercier le

14 témoin. Il peut disposer.

15 Monsieur Boskovic, vous pouvez disposer. Je vous remercie de votre

16 témoignage.

17 M. Boskovic (interprétation). - Je vous remercie.

18 (Le témoin, M. Boskovic, quitte la salle d'audience).

19 M. le Président (interprétation). - Je vais vous demander de citer le

20 témoin suivant.

21 Mme Buturovic (interprétation). - C'est Adilovic Ljilja.

22 (Le témoin, Mme Adilovic, est introduite dans la salle d'audience).

23

24 M. l'Huissier (interprétation). - Veuillez prêter serment, s'il vous

25 plaît.

Page 15166

1 Mme Adilovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

3 M. le Président (interprétation). - Veuillez vous asseoir.

4 Mme Buturovic (interprétation). - Puis-je commencer ?

5 M. le Président (interprétation). - Oui, allez-y.

6 Mme Buturovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

7 Madame Adilovic, pouvez-vous décliner votre identité ?

8 Mme Adilovic (interprétation). - Je m'appelle Ljilja Adilovic.

9 Mme Buturovic (interprétation). - Quel est votre nom de jeune fille ?

10 Mme Adilovic (interprétation). - Puljanin.

11 Mme Buturovic (interprétation). - Où êtes-vous née ?

12 Mme Adilovic (interprétation). - A Konjic.

13 Mme Buturovic (interprétation). - Pourriez-vous être plus précise, s'il

14 vous plaît, pour ce qui est de l'endroit précis où vous êtes née et où se

15 trouve votre famille?

16 Mme Adilovic (interprétation). - Ma famille vient de Donje Selo.

17 Mme Buturovic (interprétation). - Veuillez nous indiquer comment, ou quel

18 est votre lien de parenté avec M. Mucic.

19 Mme Residovic (interprétation). - Excusez-moi, je crois que le nom de

20 jeune fille n'est pas bien apparu sur le compte-rendu. Peut-être

21 devrait-on répéter ce nom.

22 Nous avons ici "Puljanin", avec un "p".

23 Mme Buturovic (interprétation). - Votre nom de jeune fille est Kuljanin,

24 n'est-ce pas, avec un "k" ?

25 Mme Adilovic (interprétation). - C'est exact.

Page 15167

1 Mme Buturovic (interprétation). - Madame Adilovic, pouvez-vous vous dire

2 aux Juges de quelle confession vous êtes ?

3 Mme Adilovic (interprétation). - Je suis chrétienne orthodoxe et je viens

4 du groupe ethnique serbe.

5 Mme Buturovic (interprétation). - Depuis combien de temps connaissez-vous

6 M. Mucic ?

7 Mme Adilovic (interprétation). - Depuis 22 ans.

8 Mme Buturovic (interprétation). - Et quel est votre lien de parenté ?

9 Mme Adilovic (interprétation). - Mon mari et sa femme sont frère et soeur.

10 Mme Buturovic (interprétation). - Puisque vous vous connaissez depuis

11 assez longtemps, que pouvez-vous nous dire par rapport à M. Mucic ? Quel

12 type d'homme est-il ?

13 Mme Adilovic (interprétation). - C'est un homme très honnête, c'est un ami

14 honnête.

15 Mme Buturovic (interprétation). - Connaissez-vous bien la personnalité de

16 M. Mucic ?

17 Mme Adilovic (interprétation). - Je le connais assez bien, oui, parce que

18 nous habitions dans la maison qui appartenait à sa mère, à la mère de sa

19 femme plus précisément. C'est pourquoi nous nous voyions régulièrement.

20 Mme Buturovic (interprétation). - Pouvez-vous être plus précise quant à la

21 fréquence de vos entrevues, de vos rencontres ?

22 Mme Adilovic (interprétation). - Nous nous voyions tous les jours.

23 Mme Buturovic (interprétation). - Par conséquent, ces contacts étaient

24 quotidiens, n'est-ce pas ?

25 Mme Adilovic (interprétation). - Oui.

Page 15168

1 Mme Buturovic (interprétation). - Très bien. Vous a-t-il jamais aidée, je

2 parle de la période précedant la guerre ?

3 Mme Adilovic (interprétation). - Oui, bien sûr, il était toujours très

4 avenant et chaque fois que nous avions besoin d'une aide quelconque,

5 notamment financière, il était toujours prêt à nous apporter son aide.

6 Mme Buturovic (interprétation). - Etant donnée votre confession, orthodoxe

7 donc, et le fait que M. Mucic pratique une religion différente, vous

8 êtes-vous jamais sentie mal à l'aise en sa compagnie, vous êtes-vous

9 parfois sentie menacée ?

10 Mme Adilovic (interprétation). - Non, jamais.

11 Mme Buturovic (interprétation). - Par conséquent, jamais vous ne vous êtes

12 sentie mal à l'aise à ses côtés ?

13 Mme Adilovic (interprétation). - Non, au contraire, je me suis toujours

14 sentie très à l'aise lorsque j'étais avec lui.

15 Mme Buturovic (interprétation). - Très bien, passons à autre chose.

16 Etant donné la période que vous avez passée ensemble, M. Mucic a-t-il eu,

17 à un quelconque moment, de mauvaises intentions à votre égard ?

18 Mme Adilovic (interprétation). - Non, je n'ai jamais rien remarqué dans ce

19 sens et je suis sûr qu'il n'a jamais eu de mauvaises intentions à mon

20 égard.

21 Mme Buturovic (interprétation). - Merci. Avez-vous jamais parlé, abordé la

22 question de l'appartenance ethnique avec lui ?

23 Mme Adilovic (interprétation). - Oui, avant la guerre nous en parlions

24 mais personne n'a jamais insulté qui que ce soit, nous traitions tout le

25 monde comme des êtres humains et pas comme des membres d'une communauté

Page 15169

1 particulière.

2 Mme Buturovic (interprétation). - Eh bien, je pense que vous avez déjà

3 répondu à la question que j'allais vous poser. Mais au cours de ces

4 conversations, lorsque la question de la nationalité ou de la confession

5 était abordée, M. Mucic exprimait-il son opinion de façon très forte,

6 était-il assez tranchant sur ce sujet ?

7 Mme Adilovic (interprétation). - Non non non, nous prenions ceci sur le

8 ton de la plaisanterie, mais ceci n'était pas un sujet particulièrement

9 épineux dans notre famille.

10 Mme Buturovic (interprétation). - Merci. Pourriez-vous dire qu'il avait

11 une opinion négative des Serbes ?

12 Mme Adilovic (interprétation). - Je peux affirmer que non.

13 Mme Buturovic (interprétation). - Merci. Savez-vous qui était son meilleur

14 ami ?

15 Mme Adilovic (interprétation). - Son meilleur ami était Mirko Cecez, c'est

16 un de mes cousins.

17 Mme Buturovic (interprétation). - Quel est votre lien de parenté avec

18 lui ?

19 Mme Adilovic (interprétation). - Ma mère et son père sont frère et soeur.

20 Mme Buturovic (interprétation). - Cela veut-il dire que Pavo n'était

21 absolument pas discriminé étant donné son appartenance ethnique, ou bien

22 sa confession ?

23 Mme Adilovic (interprétation). - Bien entendu, parce qu'il avait des amis

24 parmi les Serbes, parmi les Musulmans... Il avait beaucoup d'amis.

25 Mme Buturovic (interprétation). - Très bien. Vous nous avez dit que votre

Page 15170

1 cousin était le meilleur ami de M. Mucic ?

2 Mme Adilovic (interprétation). - C'est exact.

3 Mme Buturovic (interprétation). - Savez-vous quelles relations, quels

4 rapports il entretenait avec ses autres amis, les amis orthodoxes ? En

5 avait-il d'autres ?

6 Mme Adilovic (interprétation). - Oui, outre Mirko, il avait beaucoup

7 d'amis à Donje Selo et dans la ville de Konjic même.

8 Mme Buturovic (interprétation). - Au cours de cette période, savez-vous si

9 des incidents se sont produits au cours desquels certaines personnes

10 vivant à Konjic éprouvaient un certain ressentiment, une certaine colère

11 vis-à-vis de M. Mucic ?

12 Mme Adilovic (interprétation). - Non, non, jamais.

13 Mme Buturovic (interprétation). - Monsieur Mucic était-il rancunier ?

14 Mme Adilovic (interprétation). - Non.

15 Mme Buturovic (interprétation). - Savez-vous ou quelqu'un vous a-t- il dit

16 ou avez-vous vu vous-même M. Mucic au cours de la guerre aidant qui que ce

17 soit, des membres de votre famille ou vous personnellement ?

18 Mme Adilovic (interprétation). - Il m'a aidée, moi-même, il a aidé mes

19 parents et ma tante. C'est Kovilka* Boskovic qui m'en a parlé. Elle m'a

20 dit que s'il n'avait pas été là, parce qu'elle habitait en Donje Selo,

21 elle et sa famille avaient peur. S'il n'avait pas été là, elles n'auraient

22 pas pu traverser l'épreuve de la guerre parce qu'il les aidait souvent. Il

23 leur ramenait de la nourriture.

24 Mme Buturovic (interprétation). - Avec l'autorisation des juges j'aimerais

25 poser une question supplémentaire au témoin. Je ne sais pas si le témoin

Page 15171

1 sera à même d'y répondre ou souhaitera d'y répondre. La femme de M. Mucic,

2 son ex-femme, sait-elle que vous êtes ici aujourd'hui et que vous

3 témoignez en tant que témoin de personnalité ?

4 Mme Adilovic (interprétation). - Oui, elle le sait. Elle sait que nous

5 l'aimions beaucoup, et nous lui avions dit que nous allions témoigner quoi

6 qu'elle en pense.

7 Mme Buturovic (interprétation). - Merci beaucoup.

8 Mme Adilovic (interprétation). - De rien.

9 Mme Buturovic (interprétation). - J'en ai terminé de l'interrogatoire de

10 ce témoin, Monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il d'autres questions ?

12 Mme Rešidovic (interprétation). - Pas de question.

13 Mme Boler (interprétation). - Pas de question.

14 M. Karabdic (interprétation). - Pas de question.

15 M. le Président (interprétation). - L'accusation a-t-elle des questions à

16 poser ?

17 M. Niemann (interprétation). - Merci, oui, Monsieur le Président. Que

18 vouliez-vous dire lorsque vous dites que les habitants de Donje Selo

19 n'auraient pas bien traversé l'épreuve de la guerre. Que vouliez-vous

20 dire ?

21 Mme Adilovic (interprétation). - Je n'ai pas parlé des habitants de

22 Donje Selo. j'ai été plus précise, j'ai parlé de ma tante. Elle avait peur

23 des soldats provenant d'un groupe ethnique différent, d'une armée

24 différente et M. Mucic l'a aidée elle et sa famille en amenant de la

25 nourriture et il les protégeait également.

Page 15172

1 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit également que M. Mucic

2 n'insultait personne sur la base de l'appartenance de ces personnes à un

3 groupe ethnique et qu'il n'était pas non plus discriminé par des personnes

4 qui appartenaient à un groupe ethnique ou à des communautés ethniques

5 différentes. L'avez-vous jamais vu en train d'humilier d'autres personnes,

6 d'autres communautés ethniques, notamment, des Serbes ? Soit pendant la

7 guerre soit avant la guerre ?

8 Mme Adilovic (interprétation). - Au cours de la guerre je n'en sais rien

9 parce que je n'étais pas là-bas mais je sais qu'il n'a jamais fait cela

10 avant la guerre

11 M. Niemann (interprétation). - Je suppose que vous n'avez pas entendu

12 parler d'incidents qui se seraient produits au cours de la guerre et au

13 cours desquels il aurait humilié des Serbes et particulièrement une

14 personne serbe sur la base de son appartenance ethnique dans le camp de

15 Celebici

16 Mme Adilovic (interprétation). - Non, non, je ne suis au courant de rien,

17 de tout cela parce que je n'étais pas là.

18 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de questions.

19 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Merci de ce

20 témoignage. Vous pouvez disposer.

21 Mme Adilovic (interprétation). - Merci.

22 Mme Buturovic (interprétation). - Je voudrais maintenant appeler le témoin

23 suivant : SeJo Adilovic.

24 (Le témoin, Mme Adilovic quitte la salle d'audience)

25

Page 15173

1 (Le témoin, M. Adilovic est introduit dans la salle d'audience)

2 M. Adilovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 M. le Président (interprétation). - Veuillez vous asseoir.

5 Mme Buturovic (interprétation). - Puis-je poursuivre ?

6 M. le Président (interprétation). - Allez-y.

7 Mme Buturovic (interprétation). - Merci. Bonjour Monsieur Adilovic.

8 M. Adilovic (interprétation). - Bonjour.

9 Mme Buturovic (interprétation). - D'où venez-vous ?

10 M. Adilovic (interprétation). - De Konjic, en Bosnie.

11 Mme Buturovic (interprétation). - Quel lien de parenté avez-vous avec

12 M. Mucic ?

13 M. Adilovic (interprétation). - Je suis le frère de son ex-femme.

14 Mme Buturovic (interprétation). - Ont- ils divorcé ?

15 M. Adilovic (interprétation). - Oui.

16 Mme Buturovic (interprétation). - En tant que ex-beau-frère de M. Mucic

17 pensez-vous le connaître bien ?

18 M. Adilovic (interprétation). - Oui, je le connais assez bien.

19 Mme Buturovic (interprétation). - Depuis combien de temps le

20 connaissez-vous ?

21 M. Adilovic (interprétation). - Depuis plus de 20 ans.

22 Mme Buturovic (interprétation). - Vous fréquentiez-vous ?

23 M. Adilovic (interprétation). - Oui, très fréquemment, nous avions un

24 rapport très proche, oui.

25 Mme Buturovic (interprétation). - Etant donné que vous le connaissez

Page 15174

1 depuis si longtemps, pourriez-vous décrire la personnalité de M. Mucic ?

2 M. Adilovic (interprétation). - Oui, bien sûr. C'était une personne très

3 populaire, très aimée. Il était vu comme une personne qui avait une bonne

4 personnalité, qui était prêt à aider les autres dès que l'occasion se

5 présentait. Il a beaucoup aidé ma famille et nous étions toujours

6 ensemble.

7 Mme Buturovic (interprétation). - Avait-il beaucoup de personnalité et sa

8 personnalité était-elle cohérente ?

9 M. Adilovic (interprétation). - Oui, bien sûr, et on pouvait lui faire

10 confiance lorsqu'il disait quelque chose.

11 Mme Buturovic (interprétation). - Quelle est la confession de votre

12 femme ?

13 M. Adilovic (interprétation). - Elle est Serbe et donc chrétienne

14 orthodoxe.

15 Mme Buturovic (interprétation). - Et vous ?

16 M. Adilovic (interprétation). - Je suis Musulman.

17 Mme Buturovic (interprétation). - Et votre soeur a épousé une personne

18 appartenant à quel groupe ethnique ?

19 M. Adilovic (interprétation). - Un Croate

20 Mme Buturovic (interprétation). - Etant donné votre situation, étant donné

21 que votre femme est chrétienne orthodoxe, avez-vous remarqué dans le

22 comportement de M. Mucic certains signes indiquant qu'il éprouvait une

23 certaine animosité vis-à-vis des Serbes ?

24 M. Adilovic (interprétation). - Non, au contraire. Il voyait beaucoup ma

25 femme et il avait beaucoup d'amis parmi les Serbes.

Page 15175

1 Certains des cousins de ma femme étaient ses meilleurs amis, il avait

2 également des amis parmi les communautés musulmanes et croates. C'est une

3 personne qui n'a jamais pris en compte la confession ou l'appartenance

4 ethnique d'une personne.

5 Mme Buturovic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, il avait

6 presque des rapports meilleurs avec votre femme qu'avec d'autres ?

7 M. Adilovic (interprétation). - Oui, avec elle et avec ses cousins à elle.

8 Il avait un ami très proche qui était le cousin de ma femme.

9 Mme Buturovic (interprétation). - Merci.

10 Pouvez-vous nous décrire sa personnalité, était-il une personne active,

11 voulait-il contribuer au bien-être de la société ou bien avait-il plutôt

12 une attitude passive ? Etait-il fauteur de trouble dans la société ?

13 M. Adilovic (interprétation). - Non, au contraire, il était toujours

14 d'humeur joviale, très sociable et il avait beaucoup d'amis. C'est tout ce

15 que je peux vous dire.

16 Mme Buturovic (interprétation). - C'est donc la façon dont vous pourriez

17 le décrire ?

18 M. Adilovic (interprétation). - Oui, tout à fait.

19 Mme Buturovic (interprétation). - Etait-il assez lunatique, réagissait-il

20 rapidement ou bien avait- il des remords parfois ?

21 M. Adilovic (interprétation). - S'il se comportait de cette façon et si

22 par la suite il avait des regrets, c'était en ce qui concerne les enfants.

23 Il y avait beaucoup d'enfants dans nos familles. Et s'il y avait des

24 problèmes parmi les enfants il serait la personne qui parlerait avec eux

25 et si jamais on pouvait le voir nerveux c'était à cause de cela.

Page 15176

1 Mme Buturovic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire à propos de

2 M. Mucic, est-ce qu’il se contrôlait bien, c'est-à-dire est-ce qu'il avait

3 le contrôle sur son comportement ?

4 M. Adilovic (interprétation). - Oui, effectivement, il se contrôlait bien.

5 Mme Buturovic (interprétation). - Pouvez-vous donner un exemple, sinon ce

6 n'est pas grave ?

7 M. Adilovic (interprétation). - Je préfère ne pas l'essayer.

8 Mme Buturovic (interprétation). - Très bien. Vu que cela fait très

9 longtemps que vous connaissez M. Mucic déjà, est-ce que vous pouvez nous

10 dire si vous connaissez également sa famille plus proche et plus

11 lointaine ?

12 M. Adilovic (interprétation). - Oui, je connais toute sa famille.

13 Mme Buturovic (interprétation). - Par rapport à cela, pouvez-vous nous

14 dire si vous avez remarqué au sein de la famille de M. Mucic si d'un

15 quelconque côté, du côté de sa mère ou de son père, qu'il y a eu des cas

16 de personnalité psychopathologiques ?

17 M. Adilovic (interprétation). - Non.

18 Mme Buturovic (interprétation). - Que pouvez-vous dire à propos d'eux ?

19 M. Adilovic (interprétation). - Il s'agissait de personnes

20 semblables à Strapko* c'est-à-dire ils vivaient dans leur quartier

21 et ils étaient tout à fait aimés par leur entourage. Ils n'ont pas

22 du tout été atteints par le genre de maladie que vous avez

23 mentionné, pas du tout.

24 Mme Buturovic (interprétation). - Très bien. Merci. Pouvez-vous nous dire

25 aussi si vous le savez si à quelque moment que ce soit vous avez pu

Page 15177

1 remarquer si M. Mucic, dans certaines situations, ne se comportait plus de

2 manière normale ?

3 M. Adilovic (interprétation) - Pour autant que je m'en souvienne, non.

4 Mme Buturovic (interprétation) - Très bien. Pourriez-vous nous dire

5 également s'il était violent ou agressif envers des personnes de sexe

6 opposé ?

7 M. Adilovic (interprétation) - Non, au contraire il était très attentif

8 envers elles.

9 Mme Buturovic (interprétation) - Que pouvez-vous dire en parlant de lui,

10 s'agissait-il d'une personne polie, cultivée ou pas ?

11 M. Adilovic (interprétation) - Je pense qu'il s'agissait d'une personne

12 extrêmement polie et cultivée. Je pense que cela est prouvé par tout ce

13 que j'ai déjà dit. Il s'agit d'une personne admirable. Je ne sais pas que

14 dire d'autres.

15 Mme Buturovic (interprétation) - Dites-nous également, s'il vous plaît,

16 d'après vous, est-ce que M. Mucic avait du respect pour les autres

17 personnes. Par exemple, est-ce qu'il vous respectait vous-même, c'est-à-

18 dire est-ce qu'il respectait votre opinion lors de vos entretiens, lors de

19 vos rencontres ?

20 M. Adilovic (interprétation) - Oui, dans chaque discussion, dans chaque

21 entretien il aimait bien entendre l'avis de l'autre personne et il

22 respectait tout de suite la personne qui exprimait sa propre opinion.

23 Mme Buturovic (interprétation) - Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît,

24 Monsieur Adilovic, si vous le savez, quelles étaient ses opinions à propos

25 d'une société mixte vue la structure ethnique de la Bosnie.

Page 15178

1 M. Adilovic (interprétation). - Je pense que le fait qu'il avait été marié

2 avec ma soeur prouve quelle était son opinion à cet égard, parce qu'il ne

3 faisait pas de différence entre les différents groupes ethniques.

4 Mme Buturovic (interprétation) - Etant donné que vous avez dit vous-même

5 que vous venez d'une famille mixte et que dans votre famille les trois

6 confessions sont représentées, est-ce que vous pouvez nous dire comment se

7 sentait M. Mucic dans une telle ambiance ? Dans une ambiance d'une sorte

8 de mini Bosnie-Herzégovine ? Est-ce qu'il était isolé ? Est-ce qu’il

9 prenait part aux discussions ou bien est-ce qu'il était isolé et asocial ?

10 M. Adilovic (interprétation). - Non, au contraire il était très social, il

11 aimait être entouré par les gens, il aimait la société. Je l'ai déjà dit,

12 la confession et le groupe ethnique ne voulait rien dire pour lui, c'était

13 quelqu'un que toujours, que tout le monde aimait avoir en sa compagnie.

14 Mme Buturovic (interprétation) - Très bien. Merci. Est-ce que vous pouvez

15 nous dire, s'il vous plaît, est-ce que vous savez si à quelque moment que

16 ce soit et à qui que ce soit, il a fait du mal, à vous par exemple ou à

17 votre femme ?

18 Même s'il s'agissait d'un geste qui n'était pas accompagné par des mots ?

19 M. Adilovic (interprétation). - Je peux vous donner beaucoup d'exemples de

20 situations dans lesquelles il m'a aidé, mais pas d'exemple de situations

21 telles que vous les avez mentionnées.

22 Mme Buturovic (interprétation) - Très bien. Dites-nous, s'il vous plaît,

23 maintenant sur la base de son comportement et d'après vos connaissances,

24 étant donné que vous dites que vous le connaissez bien, est-ce que vous

25 pouvez nous dire si vous pouvez conclure qu'il s'agit d'une personne

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1 malade ?

2 M. Adilovic (interprétation). - Pavo n'est pas quelqu'un de malade, il ne

3 l'a jamais été.

4 Mme Buturovic (interprétation) - Merci beaucoup Monsieur Adilovic.

5 Monsieur le Président, je n'ai plus de question à poser à ce témoin.

6 Merci.

7 Mme Residovic (interprétation). - La défense de M. Delalic n'a pas de

8 question pour ce témoin.

9 M. Karabdic (interprétation). - Nous non plus, la défense de M. Delic.

10 Mme Boler (interprétation). - Nous n'avons pas de question.

11 M. Niemann (interprétation). - Monsieur Adilovic, est-ce que vous avez

12 vécu à Konjic avant la guerre en 92 ? S'il vous plaît, prononcez oui ou

13 non pour le transcript.

14 M. Adilovic (interprétation). - Oui.

15 M. Niemann (interprétation). - Au moment où vous avez vécu là-bas avez-

16 vous entendu parler d'un camp à Celebici ?

17 M. Adilovic (interprétation). - Oui.

18 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous saviez quel était le but de

19 ce camp, comment il était utilisé ?

20 M. Adilovic (interprétation). - (Le témoin fait signe de la tête).

21 M. Niemann (interprétation). - Donc je suppose que vous saviez que les

22 Serbes de la municipalité de la région, de Konjic y étaient détenus ?

23 M. Adilovic (interprétation). - (Le témoin fait signe affirmatif de la

24 tête).

25 M. Niemann (interprétation). - Et je suppose qu'en même temps un certain

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1 nombre de personnes ont été maltraitées là-bas. Est-ce que vous en avez

2 entendu parler ?

3 M. Adilovic (interprétation). - Je savais qu'ils avaient été emmenés

4 là-bas, mais je ne savais pas qu'ils y avaient été maltraités.

5 M. Niemann (interprétation). - Monsieur Mucic a occupé une fonction au

6 sein de cette institution, n'est-ce pas ?

7 M. Adilovic (interprétation). - Je savais qu'il faisait quelque chose,

8 mais je ne savais pas exactement quoi. Je vais mieux expliquer. J'étais

9 membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et j'ai passé très peu de temps à

10 Konjic.

11 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous pensez que le fait d'être à

12 la tête d'un camp où on détenait uniquement des Serbes était typique pour

13 quelqu'un qui était favorable à tous les groupes ethniques ?

14 M. Morison (interprétation). - J'ai une objection ! Tout d'abord, le

15 Procureur propose une hypothèse au témoin, c'est-à-dire que M. Mucic était

16 chargé du camp.

17 Deuxièmement, il lui demande de faire un commentaire sur la base de cette

18 hypothèse. Il s'agit-là d'une manière tout à fait inappropriée de poser la

19 question. Il est également inapproprié de poser cette question à ce stade

20 de la procédure, c'est-à-dire après la présentation des pièces à

21 conviction de l'accusation.

22 M. Niemann (interprétation). - Je vais m'expliquer. Tout d'abord, le

23 témoin a dit que M. Mucic n'avait aucune idée préconçue par rapport à

24 quelque groupe ethnique que ce soit, et moi, j'essaye de dire qu'il n'est

25 pas cohérent qu'une personne de ce genre soit chargée d'un camp où les

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1 prisonniers et les civils étaient détenus sur la base de leur appartenance

2 ethnique. C'est une autre question de savoir s'il a été forcé de se

3 retrouver dans cette position.

4 M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que c'est ce que le

5 témoin essaye de dire, il ne l'a jamais affirmé.

6 M. Niemann (interprétation). - Non, mais ce qu'il dit, c'est que M. Mucic

7 était quelqu'un de très tolérant vis-à-vis de tous les groupes ethniques

8 et moi, ce que j'essaye de dire, c'est que tel n'a pas été le cas. C'est

9 ce que j'essaye de démontrer au cours de mon contre-interrogatoire.

10 M. Jan (interprétation). - (Hors micro).

11 M. Niemann (interprétation). - Je pense qu'il serait naïf de la part de

12 qui que ce soit venant de la région de Konjic, que ce camp à Celebici se

13 basait sur le principe du volontariat.

14 M. Jan (interprétation). - Cela n'a pas été dit, mais il a été dit que

15 c'était créé à cause de la sécurité des détenus.

16 M. Niemann (interprétation). - Oui, mais même s'il s'agissait de leur

17 sécurité, les civils étaient là et ils se sont trouvés dans une situation

18 difficile. Mais nous n'avons pas entendu de témoignage selon lequel

19 M. Mucic aurait dit : "Ecoutez, je ne suis pas du tout d'accord avec cela

20 et je ne veux pas participer à cela."

21 M. le Président (interprétation). - Si je me souviens bien, il n'a pas dit

22 quelle était sa fonction au sein de ce camp.

23 M. Niemann (interprétation). - Très bien. Je vais poser une autre

24 question.

25 Est-ce que vous avez entendu M. Mucic utiliser les mots comme Chetnik ou

Page 15182

1 Balija ?

2 M. Adilovic (interprétation). - Non, jamais.

3 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous diriez que ce serait

4 conforme à son caractère d'employer ce genre de termes ?

5 M. Adilovic (interprétation). - Non, cela ne serait pas conforme à son

6 caractère.

7 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de question à poser.

8 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Y a-t-il d'autres

9 questions, des questions supplémentaires ou est-ce que le témoin peut

10 disposer ?

11 Dans ce cas-là, veuillez citer à la barre votre témoin prochain.

12 Vous pouvez disposer, Monsieur.

13 (Le témoin, M. Adilovic, quitte la salle d'audience.)

14 M. Morison (interprétation). - Slava Boskovic, s'il vous plaît.

15 (Le témoin, Mme Slava Boskovic, est introduit dans la salle d'audience).

16

17 Mme Boskovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

18 vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

19 M. Morison (interprétation). - Puis-je commencer ?

20 Veuillez décliner votre identité, s'il vous plaît.

21 Mme Boskovic (interprétation). - Je m'appelle Slava Boskovic.

22 M. Morison (interprétation). - Si je ne me trompe pas, vous êtes la soeur

23 de l'accusé M. Mucic ?

24 Mme Boskovic (interprétation). - Oui, je suis la soeur de Zdravko Mucic.

25 M. Morison (interprétation). - Peut-être est-ce une question un peu

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1 délicate, mais est-ce que vous êtes sa soeur aînée ou cadette ?

2 Mme Boskovic (interprétation). - Je suis sa soeur aînée, mais en même

3 temps, je suis son unique soeur.

4 M. Morison (interprétation). - Là, c'est encore moins délicat : vous avez

5 combien d'années de plus que lui ?

6 Mme Boskovic (interprétation). - J'ai quatre ans et trois mois de plus que

7 lui.

8 M. Morison (interprétation). - Merci.

9 Veuillez expliquer comment il était quand il était enfant, étant donné que

10 c'est souvent très important pour établir le caractère d'un homme. Comment

11 se comportait-il lorsqu'il était un garçon, c'est-à-dire lorsqu'il avait

12 plus de six ou sept ans ? Comment se comportait-il ?

13 Mme Boskovic (interprétation). - C'était un enfant joyeux, mais en même

14 temps obéissant et très calme.

15 M. Morison (interprétation). - Vis-à-vis de ses parents ou vis-à-vis de

16 vous ?

17 Mme Boskovic (interprétation). - A la fois vis-à-vis de ses parents et

18 vis-à-vis de moi.

19 M. Morison (interprétation). - Et qu'est-ce qu'il aimait faire pendant

20 qu'il était garçon ? Quels étaient ses passe-temps préférés ?

21 Mme Boskovic (interprétation). - Il aimait toujours le sport.

22 M. Morison (interprétation). - Et en particulier ?

23 Mme Boskovic (interprétation). - Témoin. - Je ne sais pas. Il aimait bien

24 pêcher, il aimait bien courir et puis il aimait travailler beaucoup.

25 M. Morison (interprétation). - Est-ce qu'il avait un cercle d'amis

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1 lorsqu'il était petit garçon ?

2 Mme Boskovic (interprétation). - Oui.

3 M. Morison (interprétation). - Et ses amis, est-ce qu'ils appartenaient au

4 même groupe ethnique ? Est-ce qu’ils étaient de même origine ou pas ?

5 Mme Boskovic (interprétation). - Ils étaient d'origines différentes.

6 M. Morison (interprétation). - Quand je dis cela, je veux parler de

7 groupes ethniques ou religieux, de confessions différentes.

8 Mme Boskovic (interprétation). - Ces personnes appartenaient aux

9 confessions différentes. Il y avait à la fois des Musulmans, des Croates,

10 des Orthodoxes.

11 M. Morison (interprétation). - Lorsqu'il était adolescent, est-ce que vous

12 avez continué à vivre avec lui, dans la même maison ?

13 Mme Boskovic (interprétation). - Oui, nous avons vécu dans la même maison

14 pendant longtemps.

15 M. Morison (interprétation). - Et comment décririez-vous vos rapports de

16 frère et soeur ? Parfois il s'agit de rapports très proches, parfois il

17 s'agit de très mauvais rapports entre frère et soeur... A quoi ressemblait

18 votre rapport à vous ?

19 M. Boskovic (interprétation). - Notre rapport a toujours été très, très

20 bon.

21 M. Morison (interprétation). - Vous êtes mariée avec Velisa Boskovic,

22 c'est-à-dire le premier témoin qui a témoigné ici aujourd'hui...

23 Mme Boskovic (interprétation). - Oui.

24 M. Morison (interprétation). - Et lui, il est du Monténégro ?

25 Mme Boskovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Morison (interprétation). - Est-ce que cela a crée un quelconque

2 problème, pour autant que vous le sachiez, entre votre frère et votre

3 mari ?

4 Mme Boskovic (interprétation). - Non.

5 M. Morison (interprétation). - Et vos parents, comment ont-ils réagi

6 lorsque vous avez épousé cet homme ?

7 Mme Boskovic (interprétation). - Ils n'ont pas du tout réagi par rapport

8 au fait que j'ai épousé un Montenegrin, ni au fait qu'il était orthodoxe.

9 M. Morison (interprétation). - Quel âge aviez-vous lorsque vous vous êtes

10 mariée ?

11 Mme Boskovic (interprétation). - 27 ans, je pense, à peu près.

12 M. Morison (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment-là, vous avez quitté

13 votre famille et votre frère ?

14 Mme Boskovic (interprétation). - Non, je n'ai pas quitté la maison

15 familiale, étant donné que nous avons tous continué à y vivre pendant

16 assez longtemps.

17 M. Morison (interprétation). - Donc, même après votre mariage, vous avez

18 continué à voir votre frère... Vous êtes restée en contact avec lui ?

19 Mme Boskovic (interprétation). - Oui, étant donné que nous avons vécu dans

20 la même maison. Chacun avait son propre appartement, mais nous avons vécu

21 dans la même maison.

22 M. Morison (interprétation). - Lorsqu'il est devenu un jeune homme,

23 lorsqu'il a eu 20 ans et plus, est-ce que vous pouvez nous donner une

24 description de son caractère ? Par exemple, si vous étiez une maîtresse

25 d'école et si vous deviez rédiger un rapport, qu'est-ce que vous auriez

Page 15186

1 mis dans ce rapport ?

2 Mme Boskovic (interprétation). - J'aurais écrit que c'est quelqu'un de

3 bon, que c'est quelqu'un d'obéissant, qui n'a pas de problème à l'école

4 avec les autres élèves. Il était toujours vraiment le meilleur dans tout.

5 M. Morison (interprétation). - Est-ce que, par la suite, vous avez eu des

6 enfants ?

7 Mme Boskovic (interprétation). - Oui, j'ai deux fils.

8 M. Morison (interprétation). - Quel âge ont-ils aujourd'hui ?

9 Mme Boskovic (interprétation). - L'un d'eux a 18 ans, l'autre 19 ans.

10 M. Morison (interprétation). - Comment se comportait votre frère envers

11 vos fils lorsqu'il grandissait ?

12 Mme Boskovic (interprétation). - Ils ont un très bon rapport, ils aiment

13 beaucoup mon frère, et c'est quelqu'un de très important pour eux.

14 M. Morison (interprétation). - Est-ce que, à quelque moment que ce soit,

15 lorsque vous analysiez votre frère de son plus jeune âge jusqu'à

16 maintenant, est-ce que vous avez pu voir un comportement violent et des

17 tendances asociales se développer chez lui ?

18 Mme Boskovic (interprétation). - Non, je n'ai jamais remarqué ce genre de

19 comportement, il a toujours été quelqu'un de bon, de souriant et, même si

20 je suis sa soeur, j'aimerais bien garder un rapport amical avec lui parce

21 qu'il était toujours agréable.

22 M. Morison (interprétation). - Merci beaucoup, je n'ai plus de questions à

23 poser à ce témoin.

24 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des questions d'autres

25 conseils de la défense ?

Page 15187

1 Mme Residovic (interprétation). - La défense de M. Delalic n'a pas de

2 questions à poser.

3 M. Karabdic (interprétation). - La défense de M. Delic n'a pas de

4 questions ?

5 Mme Boler (interprétation). - La défense de M. Landzo n'a pas de

6 questions.

7 M. Niemann (interprétation). - Pas de questions, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez disposer, Madame. Merci.

9 Mme Boskovic (interprétation). - Merci à vous.

10 (Le témoin, Mme Boskovic, quitte la salle d'audience)

11 (Mme Mirjana Mucic est introduite dans la salle d'audience)

12

13 Mme M. Mucic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. le Président (interprétation). - Veuillez vous asseoir.

16 M. Morison (interprétation). - Puis-je continuer ? Veuillez décliner votre

17 identité, s'il vous plaît ?

18 Mme M. Mucic (interprétation). - Je m'appelle Mirjana Mucic.

19 M. Morison (interprétation). - Quels rapports avez-vous avec l'accusé,

20 M. Mucic ?

21 Mme M. Mucic (interprétation). - Vous voulez dire, quels liens familiaux

22 nous avons ?

23 M. Morison (interprétation). - Oui.

24 Mme M. Mucic (interprétation). - Il est le frère de mon mari.

25 M. Morison (interprétation). - Où vivez-vous en ce moment ?

Page 15188

1 Mme M. Mucic (interprétation). - En Allemagne.

2 M. Morison (interprétation). - Et vous avez vécu en Allemagne depuis

3 combien de temps ?

4 Mme M. Mucic (interprétation). - Quatre années.

5 M. Morison (interprétation). - Avant cela, où avez-vous vécu ?

6 Mme M. Mucic (interprétation). - A Konjic.

7 M. Morison (interprétation). - Depuis combien de temps au total

8 connaissez-vous M. Mucic ?

9 Mme M. Mucic (interprétation). - Depuis plus de 15 ans.

10 M. Morison (interprétation). - Le connaissiez-vous avant que vous ayez

11 marié son frère ?

12 Mme M. Mucic (interprétation). - Oui, pendant à peu près deux ans.

13 M. Morison (interprétation). - Et comment décririez-vous les rapports

14 entre vous et M. Mucic ? Est-ce qu’il s'agissait d'une connaissance

15 superficielle ou est-ce que vous avez eu l'occasion de bien le connaître ?

16 Mme M. Mucic (interprétation). - Pendant... au cours de toutes ces années,

17 nous avons eu l'occasion de nous connaître très bien.

18 M. Morison (interprétation). - Et votre famille est de Konjic, elle

19 aussi ?

20 Mme M. Mucic (interprétation). - Oui.

21 M. Morison (interprétation). - Est-ce qu'il a eu l'occasion de connaître

22 votre famille, de même que vous-même ?

23 Mme M. Mucic (interprétation). - Oui.

24 M. Morison (interprétation). - Dites-nous quelque chose de la nature

25 générale du rapport entre M. Mucic et votre famille. Quel était le rapport

Page 15189

1 entre lui et sa famille ? Est-ce qu'il s'entendait bien avec eux ?

2 Mme M. Mucic (interprétation). - Oui, tout à fait, c'est quelqu'un de très

3 sociable, il rendait toujours visite à mes parents, il les amusait, il

4 aimait toujours plaisanter avec mon père.

5 M. Morison (interprétation). - Nous avons déjà entendu, et ceci n'a pas

6 été contesté, que M. Mucic avait plusieurs personnes dans son entourage et

7 que ses amis étaient de groupes ethniques différents. Est-ce que vous

8 pouvez citer de tels exemples, vous aussi ?

9 Mme M. Mucic (interprétation). - Oui, tout à fait. Mon beau-frère avait

10 beaucoup d'amis appartenant à tous les groupes ethniques, et les Serbes et

11 les Musulmans et les Croates. Il aimait toujours être entouré par beaucoup

12 de personnes.

13 M. Morison (interprétation). - Est-ce que vous faisiez partie de son

14 cercle social ?

15 Mme M. Mucic (interprétation). - Oui.

16 M. Morison (interprétation). - Est-ce que vous l'avez vu, à quelque moment

17 que ce soit, exprimer des idées préconçues par rapport à quelqu'un sur la

18 base de son appartenance ethnique ou sur la base de sa confession plutôt

19 que sur la base de différences personnelles entre lui et cette personne ?

20 Mme M. Mucic (interprétation). - Pavo n'a jamais exprimé une telle

21 attitude envers ces personnes, il aimait tout le monde quelle que soit son

22 origine.

23 Me Morison (interprétation). - Quelle serait sa réaction si jamais

24 quelqu'un avait fait quelque chose qu'il désapprouvait ou qui ne lui

25 plaisait pas ?

Page 15190

1 Mme M. Mucic (interprétation). - Il essayait d'expliquer que ce n'est pas

2 bien, que ce n'est pas bon, que les choses pourraient se résoudre d'une

3 autre manière. Il était toujours calme et il aimait toujours donner des

4 conseils.

5 Me Morison (interprétation). - Je vais vous poser la même question que

6 j'ai posée au témoin précédent, et peut-être elle a été un peu surprise et

7 vous ce sera peut-être le cas aussi, imaginez que vous deviez écrire un

8 trait, un rapport très court à propos de M. Mucic comme une maîtresse

9 d'école ou par exemple comme un ancien employeur, et si vous deviez écrire

10 quelque chose sur son caractère, sur les traits de base de son caractère

11 en quelques phrases, que diriez-vous ?

12 Mme M. Mucic (interprétation). - C'est une question intéressante, il est

13 très difficile de s'exprimer par les mots, mais il s'agit d'une personne

14 magnifique, d'une personne intègre et je suis très heureuse de l'avoir en

15 tant qu'ami, en tant que beau-frère, que ce soit une personne avec qui

16 j'ai vécue.

17 Me Morison (interprétation). - Merci beaucoup, je n'ai plus de question à

18 poser à ce témoin.

19 M. le Président (interprétation). - Est-ce qu'il y a d'autres questions ?

20 Mme Residovic (interprétation). - La défense de M. Delalic n'a pas de

21 question.

22 M. Karabdic (interprétation). - La défense de M. Delic n'a pas de

23 question.

24 Mme Boler (interprétation). - La défense de M. Landzo n'a pas de question.

25 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que l'accusé, M. Mucic, vous a déjà

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1 montré les cassettes vidéo qu'il a filmées à Celebici dans la région de

2 Konjic en 92 ?

3 Mme M. Mucic (interprétation). - Non.

4 M. Niemann (interprétation). - L'avez-vous déjà entendu utiliser des

5 termes tels que Balia* ou Chetnik ?

6 Mme M. Mucic (interprétation). - Non jamais.

7 M. Niemann (interprétation). - Merci je n'ai plus de question à poser.

8 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Je pense que

9 maintenant nous allons faire une pause. Nous allons suspendre l'audience

10 et nous retrouver ici à midi.

11 (L'audience est suspendue à 11 heures 30 et reprise à 12 heures 05)

12 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez continuer Maître Morison.

13 Me Morison (interprétation). - Merci Monsieur le Président, Madame et

14 Messieurs les Juges. Nous allons demander le dernier témoin de venir ici ;

15 c'est Sanda Mucic.

16 (Le témoin, Mme Sanda Mucic est introduit dans la salle d'audience)

17

18 Mme S. Mucic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

19 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

20 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie vous pouvez vous

21 asseoir. Vous pouvez poursuivre, Maître Morison.

22 Me Morison (interprétation). - Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,

23 vous présenter à la Chambre ?

24 Mme S. Mucic (interprétation). - Mucic Sanda.

25 Me Morison (interprétation). - Vous êtes bien la fille de M. Mucic, accusé

Page 15192

1 dans cette affaire ?

2 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui.

3 Me Morison (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel âge avez-

4 vous ?

5 Mme S. Mucic (interprétation). - J'ai 15 ans.

6 Me Morison (interprétation). - Et maintenant vous vivez à Vienne ?

7 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui.

8 Me Morison (interprétation). - Depuis quand ?

9 Mme S. Mucic (interprétation). - Six ans.

10 Me Morison (interprétation). - Pourriez-vous, s'il vous plaît, revenir

11 quelque peu dans la période où vous étiez toute jeune, où vous avez vécu

12 avec votre père et mère à Konjic ? Pouvez-vous nous décrire votre enfance,

13 est-ce que c'était une enfance agréable ou triste ?

14 Mme S. Mucic (interprétation). - C'était une enfance très heureuse.

15 Me Morison (interprétation). - Je pense que vous avez un frère ?

16 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui.

17 Me Morison (interprétation). - Il est âgé ou plus jeune ?

18 Mme S. Mucic (interprétation). - Il a deux ans de plus.

19 Me Morison (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire comment

20 avez-vous vécu au sein de votre famille ? Est-ce que vous pouvez décrire

21 votre vie ?

22 Mme S. Mucic (interprétation). - J'étais très heureuse, j'étais bien

23 entourée, on était tous heureux.

24 Me Morison (interprétation). - Eh bien, tous les pères par moment sont

25 quelque peu durs vis-à-vis des enfants pour bien élever leurs enfants.

Page 15193

1 Est-ce que vous pouvez nous décrire votre père ? Comment il était à votre

2 égard quand vous étiez toute petite ?

3 Mme S. Mucic (interprétation). - Il était calme, il n'a jamais crié au

4 contraire il a parlé avec nous. Mes souvenirs sont toujours agréables vis-

5 à-vis de mon père.

6 Me Morison (interprétation). - Au moment où vous êtes devenue adolescente,

7 nous avons tous des enfants de cet âge-là, nous savons que ce sont les

8 liens qui ne sont pas toujours faciles. Est-ce que vous pouvez me dire

9 comment vous vous êtes comportée vis-à-vis de votre père ?

10 Mme S. Mucic (interprétation). - C'est un bon père, c'est un bon copain et

11 je pouvais toujours lui parler et dire tout ce que je ressentais, il me

12 donnait des conseils et c'était toujours agréable de communiquer avec mon

13 père même à l'âge de l'adolescence.

14 Me Morison (interprétation). - Ceci voudrait dire que c'était un copain

15 pour vous ?

16 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui.

17 Me Morison (interprétation). - Eh bien, votre père et votre mère ont

18 divorcé cela nous le savons, est-ce que vous pouvez nous dire à quel

19 moment cela s'est produit ?

20 Mme S. Mucic (interprétation). - C'était à Konjic qu'ils ont divorcé, nous

21 avons vécu ensuite à Vienne ensemble et c'est en 83 ou 84, je ne me

22 souviens plus exactement de l'année où ils ont divorcé définitivement.

23 1993, 1994.

24 Me Morison (interprétation). - Et pendant que vous avez vécu ensemble,

25 avant que ces difficultés se produisent et qui ont donc provoqué le

Page 15194

1 divorce, est-ce que vous pouvez nous dire comment était... quel était le

2 comportement de votre père vis-à-vis de votre mère ? Pouvez-vous décrire

3 le comportement de votre père ?

4 Mme S. Mucic (interprétation). - Il a toujours été très calme, il était

5 toujours très bon vis-à-vis de ma mère, il ne s'est jamais disputé avec ma

6 mère ; moi je n'ai jamais entendu des disputes entre mes parents, je ne

7 sais pas ce qui s'est passé, mais je n'ai jamais entendu des choses entre

8 eux.

9 M. Morison (interprétation). - Il y a une question maintenant un petit peu

10 délicate que je vais vous poser, mais je me dois de vous la poser. Est-ce

11 que vous étiez plus proche de votre père ou de votre mère ?

12 Mme S. Mucic (interprétation). - J'étais aussi proche de ma mère que de

13 mon père, mais peut-être un peu plus avec mon père. J'ai vécu quelques

14 dernières années avec mon père et c'est lui qui m'avait conseillé, c'est

15 lui qui avait financé mes études ; c'est plutôt avec lui que j'étais

16 proche.

17 M. Morison (interprétation). - Et avez-vous remarqué, comme membre de

18 cette famille, qu'il se comportait de la même manière vis-à-vis de votre

19 frère ?

20 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui, de la même manière.

21 M. Morison (interprétation). - Quelles étaient les relations, vos

22 relations avec votre mère ? Etait-elle quelque peu plus difficile,

23 était-elle un peu plus sévère vis-à-vis de vous ?

24 Mme S. Mucic (interprétation). - Elle était un petit peu sévère mais papa

25 n'a jamais permis qu'elle nous batte, qu'elle crie, qu'elle nous crie

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1 après, non.

2 M. Morison (interprétation). - Eh bien, peut-on conclure qu'il vous a

3 protégé, en effet ?

4 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui.

5 M. Morison (interprétation). - Votre père se trouve emprisonné depuis un

6 certain temps et vous, vous êtes à Vienne. Eh bien maintenant, dans quels

7 rapports êtes-vous avec votre père ?

8 Mme S. Mucic (interprétation). - Je l'appelle souvent, on communique par

9 téléphone ; je me sens un petit peu mal à l'aise mais on est en bon

10 contact et j'aimerais bien pouvoir revivre avec lui.

11 M. Morison (interprétation). - Est-ce qu'il vous conseille encore,

12 maintenant ? Est-ce qu’il vous inspire dans vos réactions ?

13 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui, il me donne des conseils, il me

14 dirige ; dans un certain sens, il a une très grande expérience.

15 M. Morison (interprétation). - Nous avons entendu par d'autres témoins que

16 votre père a travaillé en Autriche et qu'il retournait régulièrement chez

17 lui, qu'il passait pratiquement tous les week-ends, c'est ce que nous

18 avons appris. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

19 Et je pense qu'il a été... et qu'il avait payé également vos études, votre

20 formation, scolarisation ?

21 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui.

22 M. Morison (interprétation). - Est-ce que vous pouvez maintenant nous

23 donner quelques-unes de vos propres impressions, ne pas répéter les

24 paroles que vous avez entendues, mais véritablement donner votre

25 impression, nous préciser quelles étaient vos impressions ?

Page 15196

1 Nous avons entendu que votre père avait des amis qui étaient de confession

2 différente et qui appartenaient aux groupes ethniques différents.

3 Avez-vous remarqué qu'il avait des antagonismes vis-à-vis d'autres

4 personnes qui étaient tout simplement dans l'autre communauté, ou qui

5 étaient d'une autre confession ?

6 Mme S. Mucic (interprétation). - Non, nous avons beaucoup, nous avons eu

7 beaucoup d'amis ; il avait des amis qui venaient de groupes ethniques

8 différents et de confession différente, qui nous visitaient souvent.

9 M. Morison (interprétation). - Est-ce que cela a influencé votre propre

10 rapport vis-à-vis des personnes de confession différente et de nation

11 différente ?

12 Mme S. Mucic (interprétation). - J'avais toujours des amis qui étaient de

13 confession différente ; même au sein de notre famille il y avait des

14 personnes de confession différente. Ce qui était important, c'est qu'on

15 s'entende bien, c'est tout, et qu'on reste ensemble.

16 M. Morison (interprétation). - Nous avons entendu par ailleurs qu'il avait

17 des amis de confession différente, des personnes qui venaient de groupes

18 ethniques différents. Avez-vous quelques exemples, savez-vous que votre

19 père avait aidé des personnes qui étaient de confession différente ?

20 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui, il avait aidé beaucoup de personnes.

21 Moi, j'étais toute petite à Konjic, mais je sais qu'il avait beaucoup

22 d'amis, je sais qu'il avait aidé les gens, soit sur le plan matériel, soit

23 pour les appuyer sous une autre forme... Cela, je le sais.

24 M. Morison (interprétation). - Après le divorce de votre père et de votre

25 mère, ils sont restés en contact ?

Page 15197

1 Mme S. Mucic (interprétation). - Ils ont vécu séparément. Ils

2 s'entendaient de temps à autre. Ma mère travaillait, papa également

3 travaillait, nous avons visité ma mère, parce que ma mère au début ne

4 tarvaillait pas. Et souvent avec mon père on allait visiter ma mère.

5 M. Morison (interprétation). - Entendu. Et une fois que votre mère était

6 partie après le deuxième divorce et le divorce définitif où est-ce que

7 vous avez vécu ?

8 Mme S. Mucic (interprétation). - Avec mon père et avec mon frère.

9 M. Morison (interprétation). - Pendant que vous viviez ensemble avec votre

10 père et votre frère, et vous n'étiez pas à côté de votre mère, vous étiez

11 loin par rapport à elle, est-ce qu'il a essayé d'influencer votre rapport

12 vis-à-vis de votre mère ? Est-ce qu’il a fait des choses qui étaient

13 désagréables ? Avait-il dit des paroles qui n'étaient pas correctes ?

14 Mme S. Mucic (interprétation). - Au contraire il nous disait : nous avons

15 divorcé mais c'est votre mère, par conséquent, il faut lui rendre visite.

16 Il n'a jamais parlé en utilisant un vocabulaire qui n'était pas correct

17 vis-à-vis de notre mère, au contraire.

18 M. Morison (interprétation). - Une fois de plus, je vais vous demander de

19 parler en utilisant votre propre expérience et ce que vous avez vu vous-

20 même. Est-ce que vous avez vu votre père dire quelque chose ou faire

21 quelque chose qui représentait une certaine vengeance ou qu'il était

22 violent dans son comportement est-ce qu'il y avait quelque chose de ce

23 genre-là qui vous avez surpris ou préoccupé ?

24 Mme S. Mucic (interprétation). - Non.

25 M. Morison (interprétation). - Maintenant, je vais vous poser la question

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1 que j'ai déjà posée aux autres témoins qui ont été cités à la barre pour

2 vous, comme sa fille, ce serait probablement difficile de faire mais

3 essayez de le faire.

4 Si vous étiez, par exemple, son employeur et si vous deviez décrire votre

5 père, dire quel était son caractère, l'état de son caractère, comment vous

6 l'auriez décrit

7 Mme S. Mucic (interprétation). - J'aurais dit que c'était une personne

8 correcte, appliquée au travail, quelqu'un qui est bien, gentil.

9 M. Morison (interprétation). - S'il était, disons, dans la situation à

10 demander un travail qui demande l'honnêteté notamment, au moment où il

11 fallait gérer l'argent... est-ce que vous direz que c'était véritablement

12 quelque chose qui correspondait à son caractère ?

13 Mme S. Mucic (interprétation). - Oui. (Signe de tête du témoin).

14 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il de contre-interrogatoire ?

15 Mme Rešidovic (interprétation). - Nous n'avons pas de questions à poser.

16 M. Karabdic (interprétation). - Nous n'avons pas de questions à poser.

17 Mme Boler (interprétation). - Nous non, plus nous n'avons pas de questions

18 à poser.

19 M. le Président (interprétation). - L'accusation, s'il vous plaît ?

20 M. Niemann (interprétation). - Non.

21 M. Morison (interprétation). - Je vous remercie.

22 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez disposer.

23 (Le témoin, Mme S. Mucic quitte la salle d'audience)

24

25 M. Morison (interprétation). - Monsieur le Président, Madame le Juge et

Page 15199

1 Messieurs les Juges, c'est comme cela que nous avons épuisé la liste des

2 témoins que nous avions l'intention de citer à la barre.

3 Maintenant je me dois de vous dire que tout ceci se fonde sur les

4 documents qui ont été versés au dossier, il y a quelques autres documents

5 supplémentaires. C'est la raison pour laquelle nous allons peut-être citer

6 les témoins d'abord et ensuite à vous présenter oralement un certain

7 nombre de déclarations supplémentaires.

8 Compte tenu du fait, Monsieur le Président, qu'un certain nombre de

9 témoins ne sont pas d'ici, ils doivent se rendre de loin. Il y a également

10 un certain nombre de personnes qui n'ont pas vu notre accusé, je vais vous

11 demander de bien vouloir le laisser rester chez lui dans la prison demain

12 s'il vous plaît, que l'accusé reste en prison demain ?

13 M. le Président (interprétation). - Vous allez pouvoir le représenter ?

14 Tant qu'il est représenté ici dans le prétoire, bien évidemment, il peut

15 rester en prison. De toute façon, il peut s'appuyer sur son avocat. Il

16 peut donc être excusé s'il est représenté.

17 M. Morison (interprétation). - Bien entendu, la décision lui revient mais

18 il peut renoncer à ce droit de présence dans le prétoire. Il peut demander

19 à ses conseils de le représenter. Bien entendu, c'est à lui de décider.

20 M. le Président (interprétation). - Très bien, qu'il reste en prison,

21 demain. Maître Residovic, prenez la parole.

22 Mme Residovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

23 Comme vous le savez, nous avons proposé, dans le document écrit, de citer

24 onze témoins, mais compte tenu du fait que l'accusation avait accepté

25 l'authenticité des documents -il ne les conteste pas- nous avons donc tout

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1 de suite décidé de ne pas citer les quatre témoins.

2 Je voudrais également vous informer que Mira Pusalic*, qui attend une

3 intervention chirurgicale à Konjic, ne pourrait pas se rendre dans ce

4 prétoire ; par conséquent elle nous a présenté un document écrit, sa

5 déclaration écrite.

6 Et nous avons les six témoins, actuellement sur la liste, avant de citer

7 ce témoin ; compte tenu du fait que l'accusation n'a pas contesté les

8 documents que nous avons versés au dossier, je vais demander que tous les

9 originaux soient versés au dossier comme éléments de preuve, enregistrés

10 sous les cotes que le greffier nous dira, et ce seraient donc les éléments

11 de preuve de la défense.

12 Je vais demander à l'huissier de bien vouloir nous aider, le greffe

13 également, et de bien vouloir verser au dossier les documents écrits.

14 Me Niemann (interprétation). - Je pense qu'il y a un petit problème, parce

15 que nous nous sommes mis d'accord en effet ce matin : j'aimerais voir les

16 documents avant de les verser au dossier.

17 Mme Residovic (interprétation). - Je ne parle pas des documents dont on a

18 parlé ce matin, je vais vous donner tous les originaux ; vous avez donc

19 ces documents que je vous ai présentés, il s'agit des informations qui

20 portent sur Zejnil Delalic, qui n'a jamais été sanctionné dans le cadre du

21 droit pénal en Allemagne ; il n'a pas été non plus sanctionné à Jablanica*

22 en Bosnie-Herzégovine, et ensuite le casier judiciaire -également vierge-

23 de Delalic et de ses activités sportives, de Vienne également qui parle de

24 ses activités humanitaires et ensuite l'élément de preuve également du

25 5 octobre 98, qui date de ce... depuis qu'il était en prison, et il s'agit

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1 par conséquent d'un document qui fait partie de tous les documents écrits

2 que nous vous avons présentés, et sa déclaration également qui avait été

3 donnée le premier jour devant le Tribunal.

4 C'est maintenant que je demande que les originaux soient versés au

5 dossier, je demande également à la Chambre de constater que ces documents

6 représentent les éléments de preuve devant le Tribunal, devant cette

7 Chambre.

8 Auriez-vous l'amabilité de me donner le numéro, s'il vous plaît, la cote

9 sous laquelle cela a été enregistré ?

10 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agira du document D 191/1,

11 (l'interprète se corrige) 192/1, 193/1, 194/1, 195/1. D, bien sûr,

12 puisqu'il s'agit de pièces de la défense. Donc, de D 191 à D 195/1.

13 Mme Residovic (interprétation). - La Chambre accepte-t-elle ces éléments

14 de preuve ?

15 M. Jan (interprétation). - Je pense que cela a déjà été accepté. (Hors

16 micro.)

17 Eh bien, peut-on soumettre ces documents à l'accusation, afin qu'elle

18 puisse consulter les documents ? Je crois que nous pouvons parvenir à un

19 accord sur ces documents, n'est-ce pas ?

20 Mme Residovic (interprétation). - Je pensais que Mme Mc Henry avait déjà

21 confirmé qu'il s'agissait des documents qui faisaient partie intégrante du

22 dossier écrit que j'avais soumis, et qu'elle était pour, qu'elle n'allait

23 pas contester.

24 M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection en ce qui concerne le

25 document 192/1, pas d'objection sur le document 193/1, pas d'objection sur

Page 15202

1 le document 194/1, pas d'objection sur le document D195/1. Merci,

2 Monsieur le Président.

3 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Est-ce que, Monsieur le

4 Président, vous acceptez les documents que j'ai demandé de verser au

5 dossier ?

6 M. le Président (interprétation). - Oui.

7 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie.

8 Est-ce que je peux citer maintenant le premier témoin, Alija Buturovic ?

9 (Le témoin, M. Buturovic, est introduit dans la salle d'audience)

10

11 M. Buturovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. le Président (interprétation). - Asseyez-vous, s'il vous plaît.

14 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que je peux commencer, s'il vous

15 plaît ?

16 M. le Président (interprétation). - Oui, je vous en prie.

17 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, M. Buturovic.

18 M. Buturovic (interprétation). - Bonjour.

19 Mme Residovic (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de vous

20 présenter à la Chambre ? Vous direz votre nom et votre prénom.

21 M. Buturovic (interprétation). - Je m'appelle Alija Buturovic, je suis né

22 le 17 septembre 1946, je suis né à Seunici*, la municipalité de Konjic.

23 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes de quelle nationalité et de

24 quelle confession ?

25 M. Buturovic (interprétation). - Je suis bosnien, je suis ressortissant de

Page 15203

1 Bosnie-Herzégovine.

2 Mme Residovic (interprétation). - Qu'est-ce que vous faites dans votre

3 vie ? Quelle est votre formation ?

4 M. Buturovic (interprétation). - Je suis professeur de géographie et,

5 actuellement, je me trouve dans l'Institut chargé de travail social, à

6 Konjic.

7 Mme Residovic (interprétation). - Puis-je attirer votre attention sur la

8 réponse du témoin... Cette réponse disait : "je suis Musulman de Bosnie".

9 Or, dans le compte-rendu, il est indiqué qu'il s'agit d'une question. Je

10 vous renvoie d'ailleurs à l'heure, à savoir 12:35:50 à 12:35:56 dans la

11 version en anglais.

12 M. le Président (interprétation). - Oui, mais de toute façon, on va le

13 corriger. Ce n'est pas le plus important parce que, de toute façon, tout

14 est marqué sur le transcript.

15 Vous pouvez poursuivre, Maître Résidovic.

16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, est-ce que vous

17 connaissez M. Zejnil Delalic et depuis quand le connaissez-vous ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Je connais M. Zejnil Delalic depuis

19 toujours, enfin depuis l'âge de 16 ans, quand j'étais tout jeune, au

20 moment où nous nous sommes inscrits au lycée. Nous avons passé quatre ans

21 ensemble au lycée.

22 Mme Residovic (interprétation). - Si vous le savez M. Buturovic... A cette

23 époque, M. Delalic vivait dans quelle ville ?

24 M. Buturovic (interprétation). - C'est un hameau, Ostrujac**, au sud par

25 rapport à Konjic. Il a vécu dans une famille ouvrière, une nombreuse

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1 famille ouvrière, et il venait tous les jours à l'école et revenait de

2 l'école par un transport commun qui rassemblait les élèves.

3 En ce qui me concerne, moi aussi, je suis à 10 kilomètres par rapport à

4 lui, également d'une famille nombreuse ouvrière, par conséquent tous les

5 deux nous avons vécu dans des familles très modestes dans lesquelles on

6 vivait très durement.

7 Mme Residovic (interprétation). - Quand vous dites, Monsieur Buturovic,

8 qu'il s'agissait d'une famille nombreuse, qu'est-ce que vous voulez dire ?

9 Il y avait combien d'enfants au sein de la famille Delalic ?

10 M. Buturovic (interprétation). - Je sais que c'était une famille

11 nombreuse, ils étaient neuf au moins. A ma connaissance, ils étaient neuf,

12 peut-être même un peu plus, mais c'est à ma connaissance neuf.

13 Mme Residovic (interprétation). - Compte tenu du fait qu'il s'agissait

14 d'une famille modeste et pauvre, est-ce que vous pouvez me dire si déjà à

15 cet âge-là -par conséquent à l'âge d'un adolescent, de 15 à 17 ans- Zejnil

16 Delalic a été obligé de travailler pour pouvoir financer sa

17 scolarisation ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Je me souviens entre autres que

19 M. Zejnil Delalic n'emmenait jamais de manuels, il ne pouvait pas les

20 acheter. Et nous avons, à plusieurs reprises, été obligés de travailler,

21 d'avoir des activités physiques dures pour avoir un peu d'argent, pour

22 pouvoir payer le transport. Nous avons nettoyé les villes, nous avons été

23 des livreurs, nous avons aidé les familles et M. Delalic et moi-même

24 étions obligés de travailler parce que c'était une recette qui était

25 indispensable pour nous.

Page 15205

1 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez déclaré que Zejnil Delalic

2 devait prendre le train pour aller à l'école et pour revenir à son village

3 le soir, et qu'il devait participer à des travaux difficiles d'un point de

4 vue physique. Quel type d'élève était-il à l'école ?

5 M. Buturovic (interprétation). - J'ai un souvenir très net de

6 Zejnil Delalic à cette époque, et je sais que c'était un très bon élève.

7 Il était très doué dans les sciences humaines particulièrement, en

8 histoire notamment, en géographie, en langues étrangères, en littérature.

9 Je me souviens d'ailleurs qu'il était Président du groupe littéraire qui

10 existait dans notre école.

11 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, après avoir terminé

12 vos études secondaires à Konjic, avez-vous continué à voir Zejnil Delalic

13 et à le fréquenter ? Si c'est le cas, pouvez-vous nous dire où est quand

14 vous le rencontriez ?

15 M. Buturovic (interprétation). - A la fin du lycée, je me suis inscrit à

16 l'école de pédagogie à Sarajevo, alors que Zejnil Delalic s'est inscrit à

17 l'université de philosophie à Sarajevo, la même année où nous avons

18 terminé tous deux nos études secondaires.

19 Mme Residovic (interprétation). - Zejnil Delalic a-t-il dû travailler afin

20 de financer ses études à l'université ?

21 M. Buturovic (interprétation). - Oui, les problèmes étaient encore plus

22 aigus à l'époque. A ce moment-là, nous faisions tous les deux partie du

23 service des étudiants à Sarajevo qui regroupe un grand nombre d'étudiants.

24 Par conséquent, nous avons dû rechercher différents petits "boulots" pour

25 trouver l'argent nécessaire au financement de nos études. Nous

Page 15206

1 travaillions sur des chantiers de construction par exemple, nous devions

2 aider à apporter des matériaux de construction, couper du bois de

3 chauffage. Par conséquent, nous faisions des travaux assez éprouvants d'un

4 point de vue physique. Nous travaillions également au cours du week end.

5 Mme Residovic (interprétation). - Merci Monsieur Buturovic.

6 A une certaine époque, lorsque vous ne vous êtes pas vus fréquemment, ou

7 plutôt à une certaine époque avez-vous cessé de vous voir et si oui

8 pourquoi ?

9 M. Buturovic (interprétation). - Après avoir terminé mes études à l'école

10 de pédagogie, je suis allé à Prozor pour travailler dans l'école de Prozor

11 qui se trouve à 45 kilomètres de Sarajevo, et après avoir obtenu son

12 diplôme de philosophie Zejnil est allé à l'étranger. Evidemment, à ce

13 moment-là nous avons cessé de nous voir. Et peu de temps après, j'ai

14 entendu dire qu'il était devenu homme d'affaire et qu'il avait beaucoup de

15 succès dans ce domaine.

16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, nous avons donc un

17 homme, un jeune homme pauvre qui doit financer lui-même ses études et qui

18 finit par devenir un homme d'affaires remportant de nombreux succès.

19 Zejnil est-il le type de personne qui oublierait ses amis et son pays une

20 fois le succès atteint ?

21 M. Buturovic (interprétation). - Le fait que nous ayons cessé de nous voir

22 n'a pas duré très longtemps. Zejnil Delalic, lorsqu'il était en vacances,

23 revenait très régulièrement dans son pays. Il revenait dans sa

24 municipalité et nous nous regroupions, nous nous voyions à nouveau. Nous

25 nous remémorions les souvenirs de notre enfance, nos années d'université.

Page 15207

1 Ces brèves rencontres, d'ailleurs, étaient suffisantes pour me faire

2 comprendre que Zejnil Delalic était une personne tout à fait disposée à

3 aider ses amis, à aider les institutions locales dans tous les domaines de

4 la société de la vie sociale : la culture, les arts, les institutions

5 sociales, etc. C'était une personne très sincère et très intègre, et il

6 était prêt à aider ses amis et la ville dont il était originaire en

7 général.

8 Mme Residovic (interprétation). - Au cours de sa jeunesse, Zejnil Delalic

9 était-il un jeune homme sociable ? Aimait-il être accompagné ou être

10 entouré d'autres personnes ?

11 M. Buturovic (interprétation). - Il était très apprécié au lycée et à

12 l'université. Par la suite, lorsqu'il revenait de l'étranger, lorsqu'il

13 était en vacances, il exprimait toujours sa volonté d'aider, d'apporter

14 son assistance aux personnes de la région. Il était très sociable et il

15 aimait toujours apporter son aide à ses amis qui se trouvaient dans des

16 situations délicates, il trouvait toujours des solutions pratiques et

17 raisonnables.

18 Pour les hommes de notre génération, le milieu de la personne ou sa

19 confession, son appartenance ethnique n'avaient pas beaucoup d'importance.

20 Mme Residovic (interprétation). - Vous venez de le décrire comme étant une

21 personne sociable. Respectait-ils toutes les personnes qu'il fréquentait,

22 ou bien essayait-il d'imposer à leurs yeux ses opinions ?

23 M. Buturovic (interprétation). - Eh bien, lorsqu'ils contactaient ses amis

24 et ses partenaires d'affaires, il les traitait toujours de façon juste, il

25 n'essayait jamais de s'imposer en tant que dirigeant.

Page 15208

1 Bien entendu, il avait ses propres opinions sur un certain nombre de

2 choses -ce n'était que naturel-, mais il était tout à fait disposé à

3 écouter l'opinion d'autrui, et puis finalement il proposait toujours une

4 solution qui semblait acceptable pour tous.

5 Mme Residovic (interprétation). - Revenons à quelque chose dont vous avez

6 parlé entièrement. Vous avez dit qu'il voulait aider à la fois ses amis,

7 sa famille et le milieu d'où il venait en général. Pouvez-vous nous donner

8 des exemples précis permettant d'illustrer cette volonté de Zejnil Delalic

9 qui était un homme d'affaires important, qui travaillait à l'étranger et

10 qui se souvenait très bien de sa ville natale et de ses amis ?

11 M. Buturovic (interprétation). - Eh bien, sa ville natale, Ostrojets*, qui

12 se trouve dans un endroit extrêmement joli, a réussi à mettre sur pied un

13 club de voile sur le lac, et c'est quelque chose auquel a participé

14 Zejnil Delalic. Il est parvenu à organiser également d'autres clubs de

15 sport dans la région.

16 Cependant, à cause de l'agression en Bosnie-Herzégovine, le projet n'a pu

17 aboutir. A cette époque-là, Konjic était connu pour être une petite ville

18 tranquille où la vie culturelle était très active. Il y avait notamment le

19 club "Meredva"*, une association artistique et culturelle. Il y avait

20 notamment un groupe de théâtre qui était extrêmement performant, qui

21 jouait dans toute la Yougoslavie et même à l'étranger.

22 Il y avait également une chorale qui fonctionnait très bien, qui était

23 dirigée par un chanteur russe et cette chorale se déplaçait également

24 beaucoup en Europe. Par conséquent, lorsqu'il a fallu acquérir

25 suffisamment d'équipements et lorsqu'il a fallu rassembler des fonds

Page 15209

1 nécessaires au financement de ce type d'associations, Zejnil Delalic y a

2 contribué largement, soit directement, soit par l'intermédiaire de ses

3 amis et de ses contacts d'affaire.

4 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, Vous avez dit que

5 vous aviez été directeur d'école. Zejnil Delalic a-t-il jamais aidé votre

6 école , afin d'améliorer le niveau d'éducation fourni, dispensé aux

7 étudiants, aux élèves de cette école ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Oui, effectivement, j'ai été directeur

9 d'une école élémentaire qui, selon nos lois, devait assurer l'éducation

10 primaire, les classes primaires. Et c'était un village relativement

11 pauvre, l'école abritait ou accueillait environ 800 élèves, et

12 l'équipement était très médiocre. La bibliothèque n'était pas très bonne

13 et d'autres équipements manquaient.

14 Par conséquent, lorsque Zejnil Delalic a visité l'école -je crois que

15 c'était en 1982-, il m'a demandé s'il pouvait faire quoi que ce soit. Je

16 lui ai répondu qu'effectivement, il y avait quelque chose qui manquait. Il

17 m'a donc signé un chèque d'un montant, je crois, d'environ huit mille

18 deutshmarks ; ce qui nous a permis d'acheter des livres, ainsi que

19 d'autres éléments nécessaires, notamment un rétroprojecteur et d'autres

20 outils nécessaires à l'enseignement.

21 Nous avons acheté un certain nombre d'outils extrêmement pointus, et grâce

22 à ce soutien technique, notre école a reçu un certain nombre de

23 récompenses, de prix, notamment la récompense à Hassan Kikic*, qui était

24 très importante dans notre pays à l'époque.

25 Mme Rešidovic (interprétation). - Très bien, merci. Monsieur Buturovic,

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1 les juges savent déjà que Konjic et Iablanisa* sont des villes qui

2 abritent une population mixte, comme c'est d'ailleurs le cas dans la

3 plupart des villes en Bosnie-Herzégovine. Vous venez vous-même d'une

4 région pauvre, les routes ne sont pas extrêmement bien entretenues, il n'y

5 a pas énormément de routes goudronnées. Zejnil Delalic a-t-il tenté

6 d'améliorer la qualité de vie de toutes les personnes qu'il connaissait

7 quelle que soit leur appartenance ethnique ? Pourriez-vous nous donner des

8 exemples de ses efforts ?

9 M. Buturovic (interprétation). - J'ai déjà dit que c'est une zone

10 géographique très importante, trois cents kilomètres carrés avec quelque

11 chose comme huit mille habitants. Les infrastructures permettant de relier

12 cette région sont très limitées. Par conséquent, nous avions un système

13 qui s'appelait la contribution personnelle. Les citoyens devaient voter et

14 permettre ainsi la construction d'une route. C'était une sorte de

15 référendum. Monsieur Delalic a effectivement influencé ces activités et

16 c'est grâce à lui que ces travaux ont finalement abouti. Je connais un

17 certain nombre d'exemples au cours desquels il a contribué financièrement,

18 mais pas financièrement seulement, à un certain nombre de projets,

19 d'écoles, d'institutions publiques et beaucoup de personnes ont profité de

20 son aide. Les gens qui habitent dans cette région sont la plupart des

21 agriculteurs. Ils ne travaillent pas beaucoup dans des usines ou dans

22 d'autres institutions. Je sais que grâce à M. Zejnil Delalic un certain

23 nombre de personnes ont réussi à trouver un travail à l'étranger, en

24 Europe occidentale. Certaines personnes y sont toujours et vivent une vie

25 relativement confortable.

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1 Mme Rešidovic (interprétation). - Lorsque Zejnil Delalic a aidé ses

2 voisins, dans cette zone pauvre où il vivait, a-t-il fait une quelconque

3 distinction entre les personnes selon leur confession, selon leur groupe

4 ethnique. Ceci a-t-il influencé son choix, lorsqu'il a proposé à certaines

5 personnes d'aller travailler à l'étranger ? Et lorsqu'il a choisi d'aider

6 la famille de ces gens qui sont restés sur le territoire de la

7 Bosnie-Herzégovine ?

8 M. Buturovic (interprétation). - J 'ai encore des liens très proches avec

9 cette région d'un point de vue professionnel et je sais qu'il y avait des

10 familles nombreuses croates qu'il a aidées à passer en Autriche ou en

11 Allemagne. Je sais qu'il y avait un homme appelé Sveto Zuza qui était

12 maçon serbe. Et grâce à l'aide de Zejnil il a pu se rendre à l'étranger.

13 Et puis il y a eu également les familles Pozder, Sutlic, Sokolovic, Agic*,

14 tout cela pour vous dire qu'il ne faisait pas de discrimination entre les

15 Serbes, les Musulmans et les Croates.

16 Mme Rešidovic (interprétation). - Merci. La question suivante aura trait à

17 votre relation avec M. Delalic avant la guerre et au cours de sa jeunesse.

18 Monsieur Buturovic, que faisiez-vous lorsque la guerre a éclaté ? Et où se

19 trouvait M. Zejnil Delalic, si vous le savez ?

20 M. Buturovic (interprétation). - En 1986, j'ai été nommé au poste de

21 directeur du centre des affaires sociales à Konjic. C'était une

22 institution municipale. C'est ce poste que j'occupais encore en 1991-1992,

23 lorsque la guerre a éclaté d'abord en Croatie, puis en Bosnie.

24 Mme Residovic (interprétation). - Savez-vous qu'à la veille de la guerre,

25 Hasim**, le frère de Zejnil, est décédé ? Et savez-vous que Zejnil est

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1 revenu à Konjic à ce moment-là ?

2 M. Buturovic (interprétation). - Oui, je suis allé à l'enterrement de son

3 frère décédé. J'étais à Konjic, je savais donc qu'il s'était rendu à

4 Konjic à ce moment-là.

5 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit avoir été directeur du

6 centre des affaires sociales, et vous avez dû traiter le cas d'un grand

7 nombre de réfugiés qui affluaient dans la zone de la municipalité de

8 Konjic et dans la ville de Konjic elle-même. Pouvez-vous nous en parler

9 plus précisément ?

10 M. Buturovic (interprétation). - La guerre en Croatie, en 1991, a

11 effectivement influencé la situation qui prévalait dans ma municipalité.

12 En 1991, un nombre important de réfugiés, principalement de la Slavonie

13 orientale, de Borovo Naselje et Vukovar, des réfugiés croates et serbes...

14 Etant donné leur arrivée, j'ai été nommé responsable du comité municipal

15 chargé des réfugiés qui arrivaient de Croatie.

16 Mme Residovic (interprétation). - Au début de la guerre, les nôtres sont-

17 ils venus à Konjic et avez-vous parlé de ceci à Zejnil Delalic ? Quelle

18 était son attitude vis-à-vis de cette situation ?

19 M. Buturovic (interprétation). - Au début du mois d'avril 1992, la guerre

20 en Bosnie-Herzégovine.a commencé. Elle a également éclaté sur le

21 territoire de ma municipalité. Au cours de cette période, parfois, j'ai

22 rencontré Zejnil Delalic, au cours de réunions très brèves. J'ai continué

23 à travailler avec mon équipe, qui avait été nommée pour ce faire.

24 Il y avait encore des réfugiés croates et serbes de Slavonie orientale et,

25 au début du mois d'avril, les réfugiés de l'est de l'Herzégovine ont

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1 commencé à faire leur apparition à Konjic. Lorsque le pilonnage de Konjic

2 a débuté, vers le 4 mai 1992, un nombre important d'habitants des villages

3 environnant Konjic est venu dans la ville, fuyant l'agresseur et la

4 destruction, la torture et les mauvais traitements qui accompagnaient

5 l'agression. Par conséquent, des milliers de réfugiés ont afflué dans la

6 ville, même, au début de la guerre.

7 Mme Residovic (interprétation). - Les juges connaissent un certain nombre

8 d'éléments et d'événements qui se sont produits à ce moment-là. Mais

9 j'aimerais que vous nous disiez où étaient logés ces réfugiés et si

10 Zejnil Delalic a contribué à cela ou si, vous-même, vous avez demandé

11 qu'il vous prodigue certains conseils ou une aide quelconque ?

12 M. Buturovic (interprétation). - Etant donné que le chaos s'est installé

13 dans la ville et dans la région, la population n'était pas prête à assumer

14 tout ce qui se passait. L'institution dont j'étais responsable et qui

15 devait se charger des réfugiés tentait du mieux qu'elle pouvait de loger

16 toutes ces personnes. Comme nous n'étions pas tout à fait organisés pour

17 ce type de situation ; au départ, nous les avons logés dans des bâtiments

18 de l'école, dans des caves de résidence particulière, dans des usines,

19 dans les quartiers réservés aux ouvriers, et l'officier chargé des

20 affaires économiques, ainsi que les représentants de Karika Cemer Ahmet*

21 et enfin le président de la présidence de guerre, ont fait l'objet d'une

22 demande de ma part afin que je puisse obtenir de l'aide.

23 D'autre part, Zejnil Delalic m'a fourni un certain nombre de conseils,

24 notamment sur la meilleure façon de loger ces réfugiés, parce qu'à

25 l'époque des centaines d'obus tombaient sur Konjic et au moment où nous

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1 avons reçu cette première vague de réfugiés, il a d'abord fourni des

2 boîtes, des boîtes de conserve, des médicaments pour les enfants, tout

3 ceci provenant de ses réserves personnelles.

4 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, au cours des

5 premiers jours de la guerre, en juin par exemple, lorsqu'il n'y avait pas

6 suffisamment de place pour loger ces gens dans les écoles, dans les caves,

7 Zejnil Delalic n'a-t-il pas proposé sa propre maison pour y loger un

8 certain nombre de réfugiés jusqu'à ce que votre comité trouve une solution

9 adéquate ?

10 M. Buturovic (interprétation). - Etant donné que ce comité n'était pas

11 organisé pour ce type de situation et qu'il y avait un grand nombre de

12 victimes parmi les civils, le dispensaire était alors transformé en

13 hôpital de guerre, ce qui est aujourd'hui l'hôpital municipal, d'ailleurs.

14 Et donc ce dispensaire était plein de personnes blessées et malades ; par

15 conséquent M. Delalic a proposé la cave de sa propre maison et mon

16 adjoint, avec mes collègues également, s'y est rendu à plusieurs reprises

17 et a ramené certains éléments nécessaires. Dans la cave de sa maison,

18 parfois il y avait entre 10 et 15 personnes qui venaient de... entre

19 autres... Nevesinje également.

20 M. le Président (interprétation). - Bien. Nous allons nous retrouver à

21 14 heures 30.

22 (L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 30.)

23 M. Moran (interprétation). - Avant l'entrée du témoin, j'ai deux choses à

24 annoncer. Tout d'abord, que Me Karabdic a dû s'absenter, il viendra dans

25 deux minutes.

Page 15215

1 M. le Président (interprétation). - Qu'avez-vous dit ?

2 M. Moran (interprétation). - Excusez-moi. Il s'agit de deux choses.

3 Me Karabdic est en train d'examiner la déclaration de Mme Delic, il sera

4 de retour dans deux minutes.

5 Deuxièmement, Mme Delic, la femme de M. Delic, se trouve dans cette ville,

6 ce qui est une chose assez rare. Donc M. Delic demande de s'absenter si

7 possible demain pour être avec sa femme. Bien évidemment, je vais rester

8 ici pour le représenter.

9 M. le Président (interprétation). - Oui, je suppose que c'est acceptable.

10 Il pourra s'absenter demain.

11 M. Moran (interprétation). - Merci.

12 Mme Boler (interprétation). - J'ai une question à poser. Je voudrais

13 savoir combien de temps il nous reste pour les déclarations finales ?

14 Donc, je suppose que cela se passera demain ou après-demain. Je sais qu'il

15 a été dit qu'il fallait que les arguments soient brefs.

16 M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que nous ayons parlé

17 d'arguments. Nous avons mentionné la possibilité de soumettre des mémoires

18 brefs et non pas d'avoir des discussions. Donc je suppose qu'il faudrait

19 compter quelques minutes pour chaque argument définitif.

20 Mme Boler (interprétation). - Quinze minutes, cela serait trop long ?

21 M. le Président (interprétation). - Absolument. De toute façon, vous avez

22 déjà écrit ce qu'il devait être écrit.

23 Mme Boler (interprétation). - Très bien.

24 M. Niemann (interprétation). - Etant donné que nous parlons de cela, je

25 vais vous dire quelle est notre position. Nous avons déjà rédigé notre

Page 15216

1 mémoire et nous n'avons pas eu le temps de répondre par écrit au mémoire

2 de la défense. Mais je pense qu'il nous faudra au maximum une heure pour

3 tout couvrir. Et...

4 M. le Président (interprétation). - Combien de temps vous faudra-t-il pour

5 vous, pour vos témoins ?

6 Mme Residovic (interprétation). - C'est justement ce dont je voulais

7 parler. Nous n'allons pas avoir besoin de beaucoup de temps pour tous les

8 témoins. Je pense que tous les témoins parleront pendant moins longtemps

9 que ce qui a été indiqué, sauf le témoin que je suis en train

10 d'interroger.

11 Donc, je pense et j'espère que demain, avant midi, nous en aurons terminé

12 avec tous nos témoins. Ce qui veut dire que, tout comme les autres, nous

13 aurons pris environ une journée pour l'audition de nos témoins.

14 En ce qui concerne les plaidoiries, si le Procureur demande, en ce moment,

15 une plaidoirie... c'est-à-dire une heure pour son réquisitoire à propos de

16 chacun des accusés, nous proposons, dans ce cas-là, de recevoir un

17 document écrit, ce qui nous permettra de nous préparer de notre côté.

18 M. le Président (interprétation). - De quelle sorte de réquisitoire par

19 écrit parlez-vous ? Il n'est pas nécessaire de le faire. Nous avons

20 demandé aux conseils d'écrire les réquisitoires et les plaidoiries, donc

21 par écrit. Tout ce que vous devez faire maintenant, c'est de préparer les

22 mémoires concernant le fait que vous avez cité à la barre vos propres

23 témoins.

24 Je suis sûr que l'heure dont le Procureur a parlé ne concerne pas les

25 témoignages de vos témoins.

Page 15217

1 Mme Residovic (interprétation). - Peut-être l'interprétation n'a pas été

2 suffisamment précise. Moi, je ne propose pas de faire des mémoires par

3 écrit, des plaidoiries par écrit, mais je souhaiterais savoir combien de

4 temps il nous faudrait, oralement, pour faire cela. Je pense que 10 à

5 15 minutes nous suffiraient.

6 M. le Président (interprétation). - C'est ce je pense. Je pense que c'est

7 normal dans une telle procédure, étant donné que vos plaidoiries ne seront

8 pas autres choses que les résumés de ce qui a été dit.

9 Mme Boler (interprétation). - Me Residovic a donc dit qu'elle aurait

10 terminé d'ici demain midi, donc je suppose que nous procéderons aux

11 plaidoiries après-demain, c'est-à-dire vendredi. Mais peut-être que ce

12 sera le cas dès demain après-midi, tout de suite après le déjeuner.

13 M. le Président (interprétation). - Nous reparlerons de cela plus tard.

14 Veuillez citer à la barre votre témoin prochain.

15 Mme Residovic (interprétation). - Je cite à la barre M. Alija Buturovic,

16 s'il vous plaît.

17 M. le Président (interprétation). - Veuillez rappeler au témoin qu'il est

18 toujours sous serment.

19 M. le Greffier (interprétation). - Je vous rappelle, Monsieur, que vous

20 êtes toujours sous serment.

21 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

22 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, avant la pause nous

23 avons parlé de la manière dont M. Delalic vous a aidé plusieurs fois à

24 propos du logement des réfugiés. Dites-moi, s'il vous plaît,

25 Monsieur Buturovic : s'agissait-il du seul grand problème auquel la ville

Page 15218

1 de Konjic avait à faire face, de même que vous-même dans le cadre de la

2 fonction que vous exerciez à l'époque ?

3 M. Buturovic (interprétation). - Il ne s'agissait là que d'un des

4 problèmes auxquels je faisais face lors de mon travail. Konjic avait plus

5 de 15 000 réfugiés dès la fin du mois d'avril et début mai, et environ

6 22 000 de plus traversaient la ville dans leur route vers la Dalmatie. Les

7 conditions de vie étaient très difficiles dans la ville, étant donné que

8 les pilonnages étaient constants ; les maisons étaient incendiées ; des

9 écoles, des usines étaient incendiées, des appartements aussi... donc la

10 situation était très complexe.

11 En ce qui concerne le logement des réfugiés, la situation était

12 particulièrement difficile étant donné que Konjic, ni à l'époque ni

13 aujourd'hui, ne dispose pas d'établissements hôteliers, sauf un petit

14 établissement de ce genre comportant environ 40 lits. Cela était le

15 problème principal.

16 Ensuite, il y avait aussi le problème de pénurie d'aliments. Ensuite, un

17 autre problème a été créé à cause du fait que toute la population, quel

18 que soit leur statut social, au bout d'un mois ou un peu plus, a dépensé

19 toutes les réserves en matière de nourriture, argent, et toutes les autres

20 vivres.

21 Mme Residovic (interprétation). - Quand vous parlez de ces pénuries, vous

22 dites qu'à l'époque vous exerciez toujours vos fonctions, et vous vous

23 occupiez de la population civile ; pouvez-vous nous dire si

24 Zejnil Delalic, durant cette période, c'est-à-dire entre avril et juin et

25 au cours de l'été 92, a continué à vous aider avec ses fonds privés ;

Page 15219

1 c'est-à-dire, est-ce qu'il vous a aidé à résoudre certains de ces

2 problèmes ? Et si tel a été le cas, de quelle manière l'a-t-il fait ?

3 M. Buturovic (interprétation). - J'ai été le président d'un organe

4 municipal et j'ai été chargé du logement et de la nourriture pour les

5 réfugiés. J'ai été entouré par un certain nombre de collaborateurs et

6 moi-même et les collaborateurs, nous avons lancé plusieurs appels ;

7 moi-même je me suis rendu personnellement chez mon collègue qui

8 travaillait au centre pour les affaires sociales, de même que chez le

9 représentant de la Croix-Rouge pour lancer un appel. Et nous avons

10 également contacté tous les amis à travers toute l'exYougoslavie pour

11 chercher de l'aide. Quant à M. Delalic, il a donné des contributions

12 plusieurs fois à partir de ses propres réserves. Un de mes collaborateurs

13 s'y est rendu et il a pris certaine quantité de thés, de médicaments. De

14 nombreuses personnes ont répondu à cet appel quelle que soit leur

15 appartenance ethnique.

16 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez parlé du pilonnage constant de

17 la ville. Quelles en ont été les conséquences, et est-ce que suite à cela

18 vous avez eu une certaine communication avec M. Delalic et quelle était

19 son attitude envers ce problème ?

20 M. Buturovic (interprétation). - A cause de cette situation extrêmement

21 grave, j'ai demandé des conseils à chaque personne pour laquelle je

22 considérais qu'elle était capable de nous aider. Zejnil Delalic a toujours

23 été capable de suggérer de bonnes solutions, et surtout au moment de la

24 levée du blocus de Bradina, nous avons discuté et je lui a dit que Konjic

25 risquait de subir une catastrophe humanitaire, que la situation était sans

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1 issue, et il a dit -je me rappelle très bien- : "Camarade Alija, nous

2 sommes tous dans une situation difficile, mais la situation est quand même

3 la plus difficile pour les Serbes qui sont à Donje Selo."

4 Je dis cela, parce qu'à l'époque, à cause de ces pilonnages constants, à

5 cause de la famine, à cause de toutes les difficultés et des pénuries, les

6 hostilités de la population envers les Serbes augmentaient tous les jours,

7 et cette ambiance anti-serbes était exprimée également de manière

8 différente, y compris au sein des institutions municipales.

9 Cependant, je pense que moi-même, mon collègue et M. Delalic étions

10 d'accord sur ce point. Nous avons agi en accord avec cette attitude.

11 Mme Residovic (interprétation). - Ces paroles dont vous vous souvenez et

12 qu'il vous a adressées lors d'un entretien en disant que la situation est

13 difficile pour tout le monde, mais surtout et encore plus pour les Serbes

14 à Donje Selo, est-ce qu'il essayait de suggérer qu'il fallait qu'au sein

15 de votre travail, vous devriez faire attention à tout le monde et non pas

16 plus aux autres groupes ethniques par opposition aux Serbes ?

17 M. Buturovic (interprétation). - Lors des premiers mois de la guerre

18 -étant donné que Konjic est une ville petite, une petite ville-, les

19 convois humanitaires de la Croix-Rouge internationale et des organisations

20 humanitaires n'arrivaient pas jusqu'à Konjic. Au début, s'il y avait de

21 l'aide humanitaire qui était acheminée, il s'agissait pratiquement d'une

22 aide humanitaire symbolique, organisée par le biais d'organismes tel que

23 Mejamed* et d'autres organismes semblables "Caritas"* par exemple. Mais de

24 toute façon, il s'agissait de quantité insignifiante.

25 C'est à ce moment-là que la présidence de guerre a donné des instructions

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1 à mon organisme, à l'organisme au sein duquel je travaillais, d'établir

2 les critères pour la répartition de l'aide alimentaire. Mon équipe a

3 travaillé là-dessus, ils ont établi les listes de personnes qui devaient

4 recevoir des petites quantités de farine et d'autres vivres. C'était une

5 situation extrêmement tendue. Beaucoup de personnes arrivaient et il nous

6 a fallu avoir recours à la police pour faire face à la situation.

7 M. Jan (interprétation). - Dites-lui de vous répondre à la question que

8 vous lui avez posée, plutôt que de donner une longue explication de la

9 situation qui ne nous intéresse pas forcément.

10 Mme Rešidovic (interprétation). - C'est ce que j'allais faire. Ma question

11 est la suivante : avec les paroles que vous avez citées, est-ce que

12 M. Delalic essaye de vous suggérer qu'il fallait que vous traitiez tous

13 les citoyens y compris les Serbes sur le pied d'égalité. Est-ce qu'il

14 s'agissait là de votre attitude également ?

15 M. Buturovic (interprétation). - Oui, nous avons discuté de cela. Il a dit

16 que non seulement les Serbes mais tous les autres non-Musulmans devaient

17 être traités de la même pas manière. Et ceci a été appliqué et reste le

18 cas encore aujourd'hui.

19 Mme Rešidovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, vous avez dit que

20 vous avez été président du comité municipal pour les réfugiés, est-ce que

21 au sein de votre comité vous aviez des coordinateurs qui ont coordonné

22 avec d'autres organisations humanitaires dans la ville ?

23 M. Buturovic (interprétation). - Oui, étant donné que la situation se

24 compliquait dès le début des hostilités, ce comité a reçu un nouveau nom

25 celui du comité de coordination pour la relocalisation de réfugiés et pour

Page 15222

1 l'accueil et la répartition de l'aide humanitaire. Cette institution s'est

2 vu attribuer de nouvelles tâches et devoirs, et effectivement, il y avait

3 des coordinateurs qui coordonnaient entre nous et les organisations

4 humanitaires locales sur le terrain.

5 Mme Rešidovic (interprétation). - Merci. Etant donné que la population à

6 Konjic avant la guerre et en 1992 a été mixte, pouvez-vous nous dire

7 quelle était la structure nationale de votre comité de coordination à

8 Konjic en 1992 ?

9 M. Buturovic (interprétation). - J'ai été le président du comité de

10 coordination. Il y avait sept ou huit membres, mis à part moi-même, mais

11 je sais que celui qui représentait Mehmet* était M. Jamba Rusarem*,

12 qu'Arita* était représenté par Mariam Miic*, une troisième personne qui

13 était le représentant de la Croix-rouge internationale.

14 Mme Rešidovic (interprétation). - S'il vous plaît dites-nous simplement

15 quelle était la structure ethnique des membres de ce comité. Est-ce qu'il

16 s'agissait de membres d'un seul groupe ethnique ou de plusieurs groupes

17 ethniques ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Plusieurs groupes ethniques ont été

19 représentés au sein de ce comité. Il y avait à la fois des Serbes, des

20 Croates et des Musulmans.

21 Mme Rešidovic (interprétation). - Tout à l'heure, vous avez dit que les

22 organisations internationales pendant un certain temps n'ont pas réagi

23 face à cette catastrophe humanitaire qui s'est produite à Konjic.

24 Pouvez-vous nous dire à quel moment le premier convoi humanitaire

25 transportant de l'aide est arrivé en ville, et qu'est-ce que qu'il

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1 comportait ?

2 M. Buturovic (interprétation). - Le premier convoi de l'UNHCR est arrivé à

3 Konjic au mois d'août 1992. Encore une fois, à cause des pilonnages, il

4 lui a fallu six heures avant d'entrer en ville. Il s'agissait d'un convoi

5 assez petit qui comportait 60 tonnes de vivres dont environ 30 tonnes de

6 farine. Le reste était des haricots, un peu de sel, et puis un peu de

7 purée de tomate. Donc, cela a été un convoi qui a permis à subvenir aux

8 besoins minimums de la population.

9 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que c'est à ce moment-là que les

10 premières couvertures ont été acheminées dans la ville ?

11 M. Buturovic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas, je ne me

12 souviens pas que tel était le cas.

13 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je ne vois pas ce

14 qui est visé par ce genre de question. Je comprends qu'éventuellement le

15 témoignage de M. Buturovic peut être quelque peu pertinent, mais je ne

16 vois vraiment pas la pertinence de la question, de savoir si les

17 couvertures sont arrivées à Konjic à ce moment-là.

18 M. Jan (interprétation). - (Hors micro).

19 Ce qui nous intéresse surtout, c'est le rôle de M. Zejnil Delalic. En ce

20 qui concerne les pénuries, nous avons entendu déjà les dépositions de

21 plusieurs témoins, maintenant nous souhaitons savoir quel était le rôle de

22 Zejnil Delalic dans cette affaire.

23 Mme Residovic (interprétation). - Oui, je comprends. Ce qui m'étonne,

24 c'est que le Procureur ne comprend pas la pertinence de ces questions,

25 étant donné que les circonstances aggravantes mentionnées par le Procureur

Page 15224

1 étaient les circonstances dans lesquelles le crime a été commis, c'est-à-

2 dire la situation qui régnait à Konjic aux alentours, à l'époque.

3 Quant à nous, nous nous sommes basés sur le jugement dans le procès Tadic.

4 Hier, nous avons consulté un expert, nous considérons qu'il est nécessaire

5 de savoir quelle a été la situation qui régnait à Konjic à l'époque et

6 quels étaient les efforts faits par Zejnil Delalic afin d'améliorer cette

7 situation ; donc, les circonstances dans lesquelles le crime a été commis

8 -et c'est ce dont le Procureur parle dans plusieurs pages dans son

9 mémoire- doivent être tenues en compte lors de la détermination de la

10 sentence.

11 M. Niemann (interprétation). - Mon problème est, d'un côté je ne vois pas

12 le lien entre cela et M. Delalic. Deuxièmement, si le conseil veut dire

13 qu'il s'agit d'une circonstance atténuante, là elle peut le faire si elle

14 le souhaite, mais dans ce cas-là, cela implique pour moi que je devrais

15 procéder à un contre-interrogatoire beaucoup plus vaste que ce qui a été

16 précédemment prévu.

17 En ce qui concerne l'affaire Tadic, les circonstances générales concernant

18 Prijedor et Kosarac*, à l'époque, sont quelque chose dont nous avons déjà

19 discuté au cours de ce procès et dont il n'est pas nécessaire de discuter

20 lors de la procédure concernant les circonstances atténuantes.

21 M. le Président (interprétation). - En fait, la question concernant les

22 conditions sociales générales et autres ont été effectivement mentionnées

23 plusieurs fois au cours de ce procès, mais ce qui est important en ce

24 moment, c'est le rôle de M. Delalic par rapport à l'atténuation de son

25 éventuelle culpabilité. Donc je ne vois pas comment, dans ce cas-là, les

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1 conditions, les circonstances générales peuvent être pertinentes.

2 Mme Residovic (interprétation). - Je souhaite simplement dire que le

3 témoin Olujic*, Miro Golubuvic* a parlé de la farine qui a été envoyée à

4 Donje Selo au sein d'un convoi, et j'ai une question à ce sujet. Le

5 18 août, quand ce convoi est arrivé, c'est-à-dire vers la mi-août, est-ce

6 que vous avez discuté avec Zejnil Delalic à propos du fait qu'il fallait

7 éventuellement traiter les Serbes d'une manière différente ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Avant l'arrivée du convoi qui a eu lieu

9 le 18 août, j'ai rencontré M. Zejnil Delalic plusieurs fois. A Celebici,

10 la cérémonie de prestation de serment a eu lieu, et j'ai été content de

11 savoir qu'il arrivait et cette fois-ci, il m'a dit : "Alija, s'il te

12 plaît, n'oublie pas les Serbes de Donje Selo" et j'ai eu beaucoup de

13 problèmes avec mon équipe ; il a fallu les convaincre qu'il fallait que

14 l'on renonce à une partie de cette aide déjà peu importante l'acheminer

15 aux Serbes de Donje Selo, aux réfugiés de Donje Selo et donc nous avons

16 décidé, nous avons établi une quantité de 4 950 kilos, et ceci était

17 acheminé à Donje Selo par Zoran Cecez.

18 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Et à propos de tous ces

19 entretiens, et tout ce que vous avez dit, est-ce que vous considérez que,

20 durant toute cette période, Zjenil Delalic continuait à être la même

21 personne que la personne que vous avez connue auparavant, c'est-à-dire :

22 est-ce qu'il avait un même rapport envers tout le monde, et est-ce qu'il

23 ressentait les malheurs de tout le monde ?

24 M. Buturovic (interprétation). - Personnellement, je suis convaincu que

25 Zejnil Delalic est resté comme il était avant la guerre, c'est mon

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1 sentiment, et qu'il sentait les souffrances de tout le monde. Ceci s'est

2 manifesté à plusieurs reprises, et cela s'est manifesté également à

3 plusieurs moment.

4 Mme Residovic (interprétation). - Autant que vous connaissez M. Delalic,

5 pouvait-il faire du mal à quelqu'un ?

6 M. Buturovic (interprétation). - Non, je ne crois pas du tout.

7 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce qu'un homme que vous avez décrit,

8 et dans des circonstances de guerre, au moment où il y avait un certain

9 nombre également de personnes qui avaient des sentiments pas toujours

10 favorables à l'égard de groupes ethniques d'où vous venez, est-ce qu'à

11 cette époque-là, Delalic pouvait se mettre d'accord avec une telle

12 personne ? Est-ce qu’il pouvait rejoindre une autre activité, ou

13 éventuellement se joindre à ceux qui voulaient faire mal aux Serbes, par

14 exemple, ou aux Croates ?

15 M. Buturovic (interprétation). - Non, je suis persuadé, je suis même

16 convaincu que M. Delalic n'aurait pas pu changer son attitude ; par

17 conséquent il n'avait jamais imposé quoi que ce soit qui soit différent.

18 Je suis sûr, même, qu'il avait ce sentiment de tolérance qui s'était

19 poursuivi, même pendant la guerre il savait écouter les autres et savoir

20 ce que les autres pensaient.

21 Je me souviens qu'au moment où il avait parlé de Donje Selo et des Serbes,

22 il avait dit : "Tu auras peut-être des problèmes" et je les ai eus, ces

23 problèmes-là, j'ai été critiqué de la part de la présidence de guerre, de

24 la part également du comité municipal, car c'est justement dans cette

25 direction que j'ai envoyé les vivres, les produits alimentaires, avant

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1 d'envoyer au dispensaire, avant d'envoyer à l'hôpital les aliments, avant

2 de donner à une autre institution les aliments dont je disposais, je les

3 ai dirigés vers Donje Selo ; moi, j'ai tout simplement pensé

4 qu'effectivement c'était bien d'agir ainsi.

5 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie. Le Tribunal le sait,

6 la Chambre plutôt le sait déjà, que Delalic a quitté en octobre la ville

7 de Konjic ; vous êtes probablement au courant qu'il avait une propagande

8 très intense qui a été menée à son égard... Ce n'est pas de cela que nous

9 allons parler, mais je voulais tout simplement vous poser la question, si

10 vous étiez au courant que Zejnil Delalic, une fois avoir quitté Konjic,

11 avait essayé d'aider la population de Konjic, indépendamment du groupe

12 ethnique, indépendamment de la confession des personnes qu'il voulait

13 aider. Est-ce que vous le savez, et comment vous le savez, s'il vous

14 plaît ?

15 M. Buturovic (interprétation). - Oui, il y a plusieurs exemple que j'ai en

16 tête. Je sais qu'il avait aidé plusieurs personnes, il y avait toujours

17 des possibilités de contacter, même si Konjic a été encerclée, je sais

18 qu'il avait... Il s'est occupé des blessés, également de ceux qui ont été

19 des victimes de guerre, surtout de ceux qui étaient malades. Et depuis le

20 début du conflit, il a été bloqué pratiquement, au moment où Konjic a été

21 encerclée, où on ne pouvait absolument pas envoyer l'aide humanitaire, la

22 communauté internationale avait essayé de faire quelque chose en passant

23 par Jablanica, et d'approvisionner Konjic par les parachutes. Et un de mes

24 collègues qui était dans le cadre de ce comité municipal m'avait dit à

25 plusieurs reprises que les parachutes qui emportaient entre 200 et

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1 500 kilos d'aliments étaient les aliments, les produits alimentaires qui

2 ont été envoyés par Delalic. Je ne sais pas comment il a pu se mettre en

3 contact avec ces gens-là, avec ces institutions internationales, mais il

4 l'a fait.

5 Mme Residovic (interprétation). - Après tout ce que vous nous avez dit,

6 tout ce que vous nous avez raconté sur M. Delalic, il fallait par exemple

7 décrire sa personnalité ; qu'est-ce que vous auriez dit,

8 Monsieur Buturovic ? Comment il est ? Quel est l'homme ?

9 M. Buturovic (interprétation). - Très brièvement, je dirais qu'il s'agit

10 d'une personne éthique, qui est un homme aux aspects humanitaires,un

11 cosmopolite... avec une grande moralité, quelqu'un qui véritablement

12 comprenait tout le monde, et qui ne faisait certainement aucune

13 distinction entre les trois groupes ethniques dans notre ville, dans notre

14 municipalité.

15 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, compte tenu du fait

16 que vous avez eu de nombreuses activités à Konjic, je voudrais vous poser

17 d'autres questions, si vous le voulez bien. Vous êtes encore maintenant à

18 la tête du centre chargé des affaires sociales. Est-ce que votre centre

19 s'occupe également de retour des réfugiés à Konjic ?

20 M. Buturovic (interprétation). - Le centre chargé des affaires sociales a

21 pour activité la protection des enfants, de la délinquance, des

22 adolescents et des jeunes.

23 Mme Residovic (interprétation). - Mais est-ce que vous pouvez me répondre

24 directement ?

25 M. Buturovic (interprétation). - Oui, depuis le tout début, notre centre a

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1 également dressé les listes...

2 M. Niemann (interprétation). - Objection ! Comment cette question

3 peut-elle être pertinente et avoir affaire avec les circonstances

4 atténuantes ? Cela n'a rien à voir avec les circonstances atténuantes pour

5 M. Delalic.

6 Mme Residovic (interprétation). - Je ne comprends pas mon confrère.

7 L'affirmation de Me Niemann était que personne ne pouvait plus retourner à

8 Konjic. Par conséquent, c'est une circonstance aggravante, il l'avait

9 précisé dans son mémoire écrit. Alors qu'ici, nous avons la personne qui

10 peut nous affirmer, nous confirmer que les Serbes retournaient à Konjic.

11 Ce sont les circonstances atténuantes pour tous les accusés, pour mon

12 client également. Il s'agit des circonstances atténuantes, à mon avis.

13 M. le Président (interprétation). - Mais quelle est l'importance de la

14 question que vous posez, s'il vous plaît, Maître ? Vous parlez d'un

15 élément de preuve... Auriez-vous l'amabilité de me préciser de quel

16 élément de preuve il s'agit ? Bien évidemment, vous avez raison de dire

17 que l'accusation en a parlé... Mais où voulez-vous en arriver, s'il vous

18 plaît, Maître Residovic ?

19 Mme Residovic (interprétation). - Il s'agit d'une ville qui est ouverte et

20 qui retourne à la maison de Zejnil Delalic. Cela concerne la situation

21 générale. Même les gens qui étaient en prison, dans le camp de détention

22 de Celebici, retournaient chez eux. Il y a un certain nombre d'autres

23 personnes. Par exemple, Petko Grubic* et sa famille sont retournés à

24 Konjic, alors que Me Niemann avait cité d'autres exemples. Là, je

25 considère que j'ai tout simplement le droit d'avancer devant la Chambre un

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1 certain nombre de faits qui sont bien fondés. C'est également un élément

2 qui serait pris en compte par la Chambre au moment où on va parler des

3 circonstances atténuantes.

4 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, supposons

5 qu'effectivement nous avons disposé de ces éléments de preuve du

6 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, de la SFOR, etc. Ils participent

7 toujours au rapatriement des personnes, ou plutôt au retour des réfugiés,

8 etc. Donc, supposons que les gens, véritablement, peuvent retourner à

9 Konjic, dans la région de Konjic... Est-ce que, Monsieur le Président,

10 c'est un résultat direct de ce que M. Delalic avait fait ? Si on peut

11 constater que c'est véritablement le résultat direct de ses activités, à

12 ce moment-là, bien évidemment, je retirerais mon objection. Mais il ne

13 s'agit que d'hypothèses. Les gens ne retournent pas parce que M. Delalic a

14 fait quelque chose de bien à leur égard, mais tout simplement parce qu'il

15 y a la politique actuelle, qui n'a rien à voir à M. Delalic.

16 M. Moran (interprétation). - Je pense que je sais de quoi il s'agit, je

17 sais de quoi parle mon confrère. Me Niemann avait, en autres, cité un

18 certain nombre de faits qui sont des accusations, qui rentrent dans le

19 cadre de circonstances aggravantes et qui parlent de la situation générale

20 qui pourrait avoir un impact sur la détermination de la peine.

21 Par conséquent, je pense que Me Residovic essaie de démontrer qu'il ne

22 s'agissait pas de circonstances aggravantes mais, au contraire, de

23 circonstances atténuantes et que, par conséquent, lors de la détermination

24 de la peine, il faudrait en tenir compte.

25 M. le Président (interprétation). - A mon avis -je pense que mes collègues

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1 le pensent également, il y a très peu de choses qu'il faudrait exclure des

2 débats, d'autant plus quand il s'agit des circonstances atténuantes ou des

3 circonstances aggravantes sauf, bien évident, des éléments de preuve qui

4 ne peuvent pas être acceptés par cette Chambre.

5 Si on accepte un élément, dans ce cas-là il doit être bien fondé. Ceci

6 dépend de nombreuses choses, ceci dépend de la manière dont vous examinez

7 les témoins, s'il y a des choses pertinentes ou pas pertinentes, et si

8 vous avez les preuves sur lesquelles vous vous fondez en avançant un

9 certain nombre d'éléments, s'il s'agit de circonstances atténuantes ou de

10 circonstances aggravantes.

11 Mme Residovic (interprétation). - Permettez-moi, s'il vous plaît, de

12 poursuivre, car il y a une thèse de purification ethnique qui ressort du

13 mémoire de l'accusation. Par conséquent, il me semble que c'est

14 extrêmement important.

15 Monsieur Buturovic, auriez-vous l'amabilité d'être très précis et très

16 bref dans vos réponses et de répondre encore à un certain nombre de

17 questions que je permettrais de vous poser, s'il vous plaît ?

18 Est-ce que, dans votre centre, il y a une base de données sur l'ensemble

19 de la population qui a été expulsée et qui retourne à Konjic ?

20 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

21 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire combien de

22 réfugiés se trouvent actuellement à Konjic, des réfugiés qui viennent

23 d'autres Républiques ?

24 M. Buturovic (interprétation). - A Konjic, actuellement, il y a

25 8 000 personnes déplacées qui se trouvent dans la municipalité de Konjic

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1 et dans les villages environnants.

2 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez passé toute la période de la

3 guerre à Konjic. Monsieur Buturovic, auriez-vous l'amabilité de nous dire

4 s'il y avait quelqu'un qui avait expulsé vos amis Serbes de manière

5 violente et si les Serbes partaient, est-ce que vous savez comment ils

6 sont partis et pourquoi ils sont partis ?

7 M. Buturovic (interprétation). - Je reviens une fois de plus à 92, je

8 reviens au mois d'avril 92 quand la majorité de la population serbe était

9 partie de Konjic et sous l'influence du parti socio-démocrate. Il y a donc

10 un village à 18, 20 kilomètres de Konjic et c'est là où ils ont formé leur

11 propre entité, mais il y avait également d'autres agglomérations qui ont

12 été formées comme cela, Croates, Musulmans, etc.

13 Par conséquent, il n'y avait pas véritablement d'expulsion, on ne peut

14 parler d'expulsion, on ne peut pas parler par conséquent de nettoyage

15 ethnique.

16 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, auriez-vous

17 l'amabilité de me dire si un certain nombre de vos concitoyens serbes

18 étaient restés pendant toute la guerre avec vous à Konjic ?

19 M. Buturovic (interprétation). - Oui, nous avons toujours les Serbes et

20 notamment des intellectuels ; c'est la majorité d'intellectuels qui sont

21 restés pendant toute la guerre à Konjic, et y ont pratiquement partagé le

22 bien et le mal ; et cette partie de la population reste et réside toujours

23 à Konjic.

24 Mme Residovic (interprétation). - Revenons à 92, peut-être un peu plus

25 tard. Y avait-il des Serbes qui occupaient un certain nombre de postes

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1 importants, politiques, militaires, des postes sociaux ?

2 M. Buturovic (interprétation). - Il y a un certain nombre de Serbes qui se

3 trouvaient à un certain nombre de postes, je connais par exemple

4 Dragan Andric. C'est mon ami, il était officier à la JNA de

5 Bosnie-Herzégovine, et, actuellement, il réside à Konjic, il a des

6 affaires privées actuellement, il a une société. Ensuite,

7 Nedeljko Stojanvoc, également, il a été directeur d'une compagnie

8 électrique à Konjic et lui, également, continue à travailler dans cette

9 société.

10 Il y avait également d'autres citoyens qui travaillaient au sein du comité

11 municipal. Actuellement, c'est à lui de prendre la responsabilité en ce

12 qui concerne un certain nombre de projets, qui sont des projets

13 humanitaires.

14 Ensuite, au centre pour les affaires sociales, le professeur de pédagogie

15 Milutin Milosevic qui est un Serbe, ensuite Mirko Mirovic qui est le

16 directeur de l'école élémentaire, qui a 200 personnes ; c'est une école

17 qui était nombreuse. Il y en a d'autres également, je peux vous donner

18 d'autres exemples.

19 Mme Residovic (interprétation). - Bien évidemment vous pouvez nous donner

20 d'autres exemples, je ne doute guère, mais je pense que pour la Chambre

21 cela suffit déjà. Pourriez-vous nous dire, compte tenu du fait que vous

22 êtes citoyen de Konjic, qu'il y avait également un certain nombre de

23 personnes serbes, enfin des insurgés qui étaient à Celebici ? Est-ce que

24 qu'il y avait un certain nombre parmi eux qui sont restés à Konjic et qui

25 ont continué à vivre avec vous pendant la guerre ?

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1 M. Buturovic (interprétation). - Oui. Il y avait un certain nombre de

2 prisonniers qui ont été échangés, c'était légal. Il y en a qui sont partis

3 de Celebici, mais à ma connaissance il y a un certain nombre de détenus de

4 Celebici qui sont restés à Konjic, Mirko Mrkajic par exemple, qui se

5 trouvait au niveau de la municipalité à l'époque, et je sais

6 qu'actuellement il organise le retour des Serbes à Konjic.

7 Ensuite, je connais Zarko Kulas également qui avait une boutique Adidas à

8 Konjic, qui est resté également, qui était détenu à Celebici et qui est

9 retourné. Je connais Mirko Kuljanin de Brojsane* qui est agriculteur, il a

10 été toujours agriculteur, il est resté à Konjic, il a le bétail, les porcs

11 et les veaux, etc.

12 Mme Residovic (interprétation). - D'accord. Ca suffit, vous n'êtes pas

13 dans l'obligation bien évidemment de nous citer toutes ces personnes-là.

14 Monsieur Buturovic, dites-moi, s'il vous plaît, si les personnes en

15 question qui sont parties pour des raisons différentes de Konjic, soit

16 parce que qu'elles étaient échangées soit parce qu'elles voulaient partir

17 de cette ambiance de la guerre. Est-ce que ces gens retournent à Konjic ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Depuis six mois, à peu près, nous

19 connaissons un processus assez intense de retour et beaucoup réclament de

20 retourner à Konjic, pas uniquement les Serbes mais également des

21 Musulmans, des Croates. Tous ceux qui sont partis de Konjic pour des

22 raisons différentes. Nous avons une base de données là où je travaille

23 actuellement. Nous disposons de beaucoup de données. Je sais que plus de

24 300 familles serbes, 900 membres au total ont réclamé le retour à Konjic.

25 Ils se sont adressés à notre comité municipal. Ceci est une donnée par

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1 exemple. Ensuite, je sais que sur les 300 familles il y en a une

2 cinquantaine qui sont déjà de retour.

3 M. le Président (interprétation). - (Hors micro)

4 Est-ce que vous voulez donc lier tout ce que vous posez comme question aux

5 circonstances atténuantes ?

6 Mme Rešidovic (interprétation). - -Il s'agit de circonstances atténuantes

7 car je considère que c'est de la manière dont je pose les questions et

8 dont j'obtiens les réponses peuvent aller en faveur des circonstances

9 atténuantes et de cette manière-là annuler les circonstances aggravantes

10 dont l'accusation s'en est servie.

11 J'ai encore quelques questions, Monsieur le Président, à poser à

12 Monsieur Buturovic. Ensuite, je poserai les mêmes questions aux autres

13 témoins et je me réfère à l'accusation, cette fois-ci, car elle a parlé

14 des circonstances aggravantes. Moi, je pense que c'était totalement

15 inexacte.

16 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je pense qu'il y a

17 un malentendu et qu'on ne donne pas une bonne interprétation de ce que

18 j'avais dit. Il y a, comme je l'ai dit, un certain nombre de personnes qui

19 sont parties pour des raisons qui ne sont pas les raisons dont parle

20 Me Residovic. Il y en a qui retourne mais c'est une question politique.

21 Cela n'a rien à voir avec M. Delalic, rien à voir avec un certain nombre

22 d'accusés. Nous savons fort bien qu'il y a d'autres raisons pour

23 lesquelles les gens retournent à Konjic.

24 D'abord, il y a la communauté internationale qui s'intéresse davantage au

25 retour des réfugiés, et, ce retour n'a rien à voir avec M. Delalic. Ce

Page 15236

1 n'est certainement pas M. Delalic qui contribue à ce retour.

2 Mme Rešidovic (interprétation). - M. Buturovic, est-ce que Konjic est la

3 première ville qui a été intitulée la ville ouverte grâce à ce caractère

4 multiethnique et Zejnil Delalic y a également contribué ?

5 M. le Président (interprétation). - Si vous ne connaissez pas d'autres

6 faits qui peuvent aller en faveur de votre client, je vous prie ne pas

7 poser de tels genres de questions. Il vaut mieux vous arrêter. Il va sans

8 dire que maintenant nous vivons une autre situation sur le terrain. C'est

9 la paix qui est revenue.

10 Par conséquent, on parle d'une période qui avait précédé cette période-là.

11 Cela n'a rien à voir avec la contribution d'une personne ou d'une autre

12 même, donc même pas de votre client. On parle donc de l'activité de

13 M. Delalic et de tout ce qui peut aller en faveur des circonstances

14 atténuantes dans son cas. Si vous pouvez le prouver, nous allons vous

15 écouter bien évidemment sinon M. Buturovic ne vous donne pas la réponse

16 qui concerne l'activité directe de M. Delalic. Il parle des conditions

17 générales et ces conditions générales, effectivement, sont définies par

18 l'attitude de la communauté internationale et par la paix qui est revenue

19 dans ce pays.

20 Mme Rešidovic (interprétation). - Monsieur Buturovic...

21 M. le Président (interprétation). - Soyez concret s'il vous plaît,

22 Maître Residovic.

23 Mme Rešidovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, est-ce que vous

24 savez qu'en 1992 au moment où vous avez rencontré de temps à autre

25 M. Delalic, il avait continué à maintenir ses relations d'amitié avec les

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1 personnes qui n'étaient pas de sa confession ou de son groupe ethnique ?

2 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

3 Mme Rešidovic (interprétation). - Vous avez dit que Dragan Andric était

4 votre ami ?

5 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

6 Mme Rešidovic (interprétation). - Est-ce qu'en 1992, il est également ami

7 de M. Delalic ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

9 Mme Rešidovic (interprétation). - Est-ce que, lors des rencontres dans sa

10 maison en 1992, vous avez pu également rencontrer des personnes qui

11 étaient de confession différent et appartenaient à des groupes ethniques

12 différents ?

13 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

14 Mme Rešidovic (interprétation). - Savez-vous de quelle nationalité était

15 la secrétaire non pas tout à fait la secrétaire mais la femme de ménage de

16 sa maison en 1992 ?

17 M. Buturovic (interprétation). - C'était Mlle Mira Pusalic, je pense

18 qu'il est Croate, oui, il est Croate.

19 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez que l'exemple de

20 Delalic, en 92, se voulait justement pour maintenir ce caractère

21 multiethnique ?

22 M. Buturovic (interprétation). - Oui, en 92, effectivement, il avait fait

23 tout pour que ce caractère multiethnique se maintienne. Il s'était lié

24 d'amitié avec tout le monde et il est resté véritablement ami avec tout le

25 monde, et au moment où on a parlé de Konjic comme d'une ville ouverte,

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1 c'est lui qui en a donné l'exemple.

2 Pendant que Zejnil Delalic était à Konjic, il avait contribué

3 effectivement pour que Konjic devienne la première ville ouverte comme

4 elle était proclamée. C'était par la suite que cela s'est produit, c'est

5 en juillet 97.

6 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, est-ce que

7 Gordan Delalic, la Serbe, venait souvent chez M. Delalic ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Oui, je l'ai aperçue plusieurs fois,

9 notamment ces derniers mois, et j'en ai parlé avec elle. C'est une Serbe.

10 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez,

11 Monsieur Buturovic, que maintenant -et c'était le cas également en 92-

12 mais même avant la guerre, il y avait des personnes qui étaient des amis

13 et qui étaient absolument d'appartenances différentes du point de vue

14 ethnique et de confessions différentes ?

15 M. Buturovic (interprétation). - Oui, ça oui, je le connais.

16 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez

17 Petka Gordana Grubac ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Oui, neuropsychiatre et son épouse ; on

19 se connaissait très bien, je les connaissais très bien effectivement, oui,

20 et lui également évidemment.

21 Mme Residovic (interprétation). - Avez-vous eu la possibilité de

22 rencontrer ces personnes cette année ?

23 M. Buturovic (interprétation). - Madame Gordana Grubac est venue me rendre

24 visite à mon bureau, elle est venue demander la possibilité de revenir

25 chez elle ; c'est une procédure administrative et il faut demander que les

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1 biens soient restitués.

2 D'ailleurs, cela ne lui a posé aucun problème. Elle a demandé au locataire

3 qui vit actuellement dans son appartement si elle pouvait venir dans son

4 appartement et prendre certaines de ses affaires. Cela n'a posé aucun

5 problème.

6 Mme Residovic (interprétation). - Oui. D'accord. A-t-il exprimé la volonté

7 de revenir habiter à Konjic ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

9 Mme Residovic (interprétation). - Merci. Monsieur Buturovic, puisque votre

10 institution dispose de cette base de données très intéressante, avez-vous

11 reçu une demande de la part de la défense de Zejnil Delalic afin de lui

12 communiquer les informations pertinentes ? Et avez-vous effectivement

13 communiqué ces informations au Président de la municipalité ?

14 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

15 Mme Residovic (interprétation). - Et j'aurais une autre question à vous

16 poser. Vous connaissiez M. Zejnil Delalic en tant que jeune homme, puis,

17 par la suite, en tant qu'adulte. Etait-ce une personne très émotive ? Son

18 comportement, son attitude étaient-ils justes vis-à-vis d'autrui ?

19 M. Buturovic (interprétation). - C'était une personne très émotive, oui,

20 très sensible. C'était une personne juste, toujours prête à apporter son

21 aide. Comme je vous l'ai dit, c'était une personne très cosmopolite, très

22 humaine et j'ai beaucoup d'estime pour lui. Je le respecte beaucoup.

23 Mme Residovic (interprétation). - Pouviez-vous lui faire confiance ?

24 M. Buturovic (interprétation). - Oui, tout à fait.

25 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, je ne voudrais pas

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1 vous blesser, mais je pense que vous êtes parmi les personnes qui ont

2 beaucoup souffert au cours de la guerre. Le Tribunal a eu la possibilité

3 de voir sur une vidéo que votre appartement a été l'un des premiers à être

4 détruit au cours de la guerre, et que vous avez vous-même vécu une

5 tragédie, que votre enfant est maintenant handicapé suite à la guerre.

6 Mais pouvez-vous me dire, quelle a été votre réponse lorsque je vous ai

7 posé des questions auparavant à propos de Zejnil Delalic ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Ce que j'ai dit est plus ou moins la

9 chose suivante : j'ai dit que si Zejnil Delalic avait été sur place

10 pendant la guerre ou avant la guerre, je pense que je n'aurais eu aucun

11 problème.

12 Maintenant, je dois emmener mon fils à Tel-Aviv pour qu'il y subisse une

13 opération chirurgicale qui va me coûter beaucoup d'argent, et je crois que

14 je vous ai dit quelque chose comme ça ; si Zejnil Delalic s'était trouvé à

15 ce moment-là à l'endroit où il était avant la guerre, je n'aurais pas eu à

16 dépenser tout cet argent et je n'aurais surtout pas eu de problème à

17 trouver l'argent nécessaire.

18 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, lorsque vous êtes

19 venu à La Haye, vous m'avez communiqué un certain nombre de documents

20 originaux relatifs à la réception d'aide humanitaire, et notamment de

21 farine, et vous m'avez communiqué certaines informations du conseil de

22 coordination. Et, par exemple, l'identité des personnes qui ont été les

23 récipiendiairesde cette farine, n'est-ce pas ?

24 M. Buturovic (interprétation). - Oui. A Donje Selo.

25 Mme Residovic (interprétation). - J'ai communiqué ces documents à

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1 l'accusation, et si vous n'avez pas d'objection j'aimerais demander le

2 versement de ces documents. Il s'agit de documents relatifs à la situation

3 prévalant en 91, et je pense qu'ils contribuent à atténuer la peine

4 encourue par l'accusé. Si vous ne le souhaitez pas, je n'insisterai pas ;

5 cependant, il s'agit de documents originaux qui ont été communiqués par ce

6 témoin.

7 M. le Président (interprétation). - Pourquoi considérez-vous qu'il est

8 important de verser ces documents au dossier ? Quoi qu'il en soit, si vous

9 pensez que c'est important, vous pouvez évidemment en demander le

10 versement.

11 Me Niemann (interprétation). - Je fais objection à la pertinence de ces

12 documents parce qu'ils n'ont aucun rapport avec M. Delalic.

13 M. le Président (interprétation). - Aucun rapport ?

14 Me Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

15 Mme Residovic (interprétation). - J'ai d'autres exemplaires pour les

16 Juges, j'ai déjà communiqué un exemplaire de ces documents à

17 l'accusation ; ces documents viendront à l'appui du témoignage de

18 M. Buturovic. Ce ne sont pas les originaux, bien sûr, que je vous

19 communique ; il s'agit de photocopies, et ceci vient conclure mon

20 interrogatoire.

21 M. le Président (interprétation). - Mais vous n'avez pas d'objection au

22 versement de ces documents, Maître Niemann, alors ?

23 Me Niemann (interprétation). - Eh bien je les étudierai au cours du

24 contre-interrogatoire.

25 M. le Président (interprétation). - Y a-t'il des interrogatoires du côté

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1 de la défense ?

2 M. Moran (interprétation). - Non, pas de questions, Monsieur le Président.

3 M. Morison (interprétation). - Pas de questions, Monsieur le Président.

4 Mme Boler (interprétation). - Pas de questions non plus,

5 Monsieur le Président.

6 M. le Président (interprétation). - L'accusation atelle des questions ?

7 Me Niemann (interprétation). - Monsieur Buturovic, vous avez dit que

8 M. Delalic avait contribué au fait que Konjic soit déclarée ville ouverte

9 en 1997. Pouvez-vous nous détailler le type de contribution apportée par

10 M. Zejnil Delalic ?

11 M. Buturovic (interprétation). - La communauté internationale s'est

12 demandée pendant un certain temps si la ville de Konjic obtiendrait le

13 statut de ville ouverte. Elle a supervisé la situation à Konjic à partir

14 du début de l'agression, et les représentants de certaines organisations

15 internationales savaient que, dès le début de la guerre, les personnes se

16 trouvant à Konjic, quel que soit leur nom, quelle que soit leur

17 appartenance ethnique, étaient traitées de façon juste et équitable. Il

18 était de notoriété publique que l'aide humanitaire était répartie de façon

19 équitable également.

20 Moi, j'ai suivi de très près les événements qui se sont produits au cours

21 de cette période et tous les événements de 1992 ont finalement contribué

22 au fait que Konjic ait reçu le statut de ville ouverte.

23 Me Niemann (interprétation). - Mais qu'est-ce que la communauté

24 internationale a pu observer dans le comportement de M. Zejnil Delalic

25 en 1992, et comment M. Delalic a-t-il pu contribuer au fait que Konjic

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1 soit déclarée ville ouverte en 97 ?

2 M. Buturovic (interprétation). - Son attitude vis-à-vis des habitants de

3 Konjic, quelle que soit leur appartenance ethnique, était une attitude de

4 non-discrimination.

5 Me Niemann (interprétation). - Comment peut-on s'assurer qu'il y a bien eu

6 cette reconnaissance de la communauté internationale ? Y a-t-il des

7 documents qui font mention du nom de M. Zejnil Delalic et de sa

8 contribution dans le cadre de la déclaration de ville ouverte de Konjic ?

9 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, je fais objection

10 à cette question. Le témoin a dit que c'était une contribution d'ordre

11 général qui a permis de mettre en place des conditions favorables dans la

12 ville.

13 M. Buturovic (interprétation). - Non, il n'y a pas eu de reconnaissance

14 d'individu à individu, c'était une reconnaissance générale.

15 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, je crois que ma collègue a mal

16 cité le compte rendu. Si elle souhaite s'y pencher, elle verra que le

17 témoin a déclaré au cours de son témoignage que M. Delalic avait contribué

18 à cet état de fait et c'est sur cela particulièrement que posait ma

19 question. Mais je pense que le témoin nous a répondu, merci.

20 Lorsque M. Delalic vous a parlé de l'aide à apporter aux Serbes de

21 Donje Selo, quel poste d'autorité occupait-il à ce moment-là et en quelle

22 qualité vous parlait-il de cela ?

23 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, cette question

24 porte sur la responsabilité et n'a rien à voir avec les circonstances

25 atténuantes.

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1 M. Niemann (interprétation). - Mais c'est le conseil qui a obtenu ce

2 témoignage ! J'ai effectivement exprimé certaines objections... Elle a

3 fondé ce témoignage sur une base tellement large que, à mon avis, il est

4 tout à fait pertinent de savoir si Zejnil Delalic a oeuvré de sa propre

5 initiative, d'un point de vue personnel, ou si plutôt il occupait une

6 position professionnelle, officielle, au moment où il a choisi d'opérer

7 ainsi.

8 Ma collègue parle d'éléments de preuve visant à atténuer la peine. Elle a

9 fait cela dans un certain nombre de domaines et nous devons pouvoir

10 répndre à l'attitude adoptée par Me Residovic.

11 M. le Président (interprétation). - C'est une question tout à fait

12 légitime, Maître Residovic. Je crois que le témoin peut expliquer dans

13 quelles circonstances certaines choses ont été faites ! Je ne pense pas

14 qu'il y ait d'ambiguités.

15 Mme Residovic (interprétation). - Oui, le témoin va répondre, mais je ne

16 voudrais pas que l'accusation cite à mauvais escient mes questions.

17 Celles-ci figurent d'ailleurs dans le compte rendu. Le témoin a parlé de

18 réunions personnelles avec Zejnil Delalic.

19 M. Niemann (interprétation). - Cependant, je tiens à dire que je n'ai pas

20 mal cité le compte rendu. Je suis opposé à cette interprétation de mes

21 questions.

22 Monsieur, je vous ai demandé il y a un instant si M. Delalic occupait une

23 fonction officielle quand il a proposé d'attribuer de l'aide aux Serbes de

24 Donje Selo dans la municipalité de Konjic, en 1992... Détenait-il un poste

25 lui conférant une certaine autorité ?

Page 15245

1 M. Buturovic (interprétation). - Nous nous sommes rencontrés à ce moment-

2 là au cours d'une cérémonie pendant laquelle certains membres de l'armée

3 de Bosnie-Herzégovine ont prêté serment. C'est à ce moment-là que nous

4 nous sommes rencontrés. Je crois qu'il m'a dit : "Alija, nous sommes dans

5 une situation difficile et peut-être que les Serbes qui se trouvent à

6 Donje Selo vivent une situation encore plus délicate que la nôtre." Par

7 conséquent, il n'a pas dit que telle ou telle chose devait être faite, il

8 n'a fait que formuler des suggestions.

9 M. le Président (interprétation). - Mais vraisemblablement, le témoin n'a

10 pas parlé parce qu'il occupait une position officielle.

11 M. Niemann (interprétation). - Cependant, vous portiez un uniforme, n'est-

12 ce pas, à ce moment-là ? Je veux dire : Zejnil Delalic portait un uniforme

13 à ce moment-là, n'est-ce pas ?

14 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

15 M. Niemann (interprétation). - Et je crois que ceci s'est produit à la

16 caserne de Celebici, n'est-ce pas ?

17 M. Buturovic (interprétation). - Devant la caserne de Celebici.

18 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann vous a posé la question

19 suivante, à savoir : cela s'est-il passé à la caserne de Celebici, quand

20 cette cérémonie a eu lieu et qu'il portait un uniforme ?

21 M. Buturovic (interprétation). - Je me trouvais devant la caserne, je ne

22 suis pas entré dans la caserne. Je n'étais pas militaire, par conséquent,

23 je n'avais pas de tâche particulière à exécuter. Je suis simplement venu

24 assister à la cérémonie de prestation de serment.

25 M. Niemann (interprétation). - Mais c'était bien à Celebici ?

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1 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

2 M. Niemann (interprétation). - Et au cours de cette cérémonie, vous a-t-il

3 suggéré que les Serbes qui se trouvaient à Celebici, ou les familles de

4 Serbes qui se trouvaient à Celebici, devraient recevoir une aide et une

5 assistance particulière ?

6 M. Buturovic (interprétation). - Non. Il n'a fait qu'exprimer son opinion.

7 Il a dit qu'il n'aurait... que je ne devrais jamais succombé au sentiment

8 anti-serbe qui existait dans la ville de Konjic à l'époque.

9 M. Niemann (interprétation). - Les Serbes qui se trouvaient à Donje Selo à

10 ce moment-là devaient donc recevoir de l'aide selon Zejnil Delalic. Il

11 s'agissait bien de réfugiés de Bradina n'est-ce pas ?

12 M. Buturovic (interprétation). - Un certain nombre de Serbes se trouvant à

13 Donje Selo sont restés à Donje Selo et un certain nombre d'entre eux ont

14 reçu le statut de réfugiés de Bradina qui, en fait, était un statut assez

15 privilégié pour les réfugiés.

16 M. Niemann (interprétation). - Et ces réfugiés de Bradina se trouvaient là

17 à cause de la guerre, n'est-ce pas ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Contrairement à d'autres zones de la

19 municipalité un peu éloignées, le village de Donje Selo n'a reçu qu'assez

20 peu d'obus.

21 M. Niemann (interprétation). - Vous avez parlé du fait qu'il y avait

22 certains Serbes qui sont restés à Konjic au cours de la période de la

23 guerre et par la suite. Constituaient-ils, disons, 2 % de la population

24 serbe qui se trouvait à l'origine à Konjic ? Moins peut-être ?

25 M. Buturovic (interprétation). - Je ne dispose pas des statistiques sous

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1 les yeux, mais je pense qu'ils étaient plus de 2 %, peut-être 5 %, mais je

2 ne peux pas vous donner cette information.

3 M. Niemann (interprétation). - Si je devais affirmer la chose suivante, à

4 savoir que au cours du procès certains témoins ont déposé des rapports,

5 des rapports émanant du HCR, disant que seulement 2 % des Serbes se

6 trouvant dans la région de Konjic y sont restés par la suite, vous

7 n'auriez pas de chiffres qui pourraient venir contredire ces rapports,

8 n'est-ce pas ?

9 M. Buturovic (interprétation). - Pourriez-vous répéter la question s'il

10 vous plaît ? Si c'était une question.

11 M. Niemann (interprétation). - Oui, c'était une question. Ce que j'étais

12 en train de vous demander, c'est la chose suivante. Si certains éléments

13 de preuve avaient été versés devant cette Chambre, montrant qu'en 1994 le

14 HCR a montré que pas plus de 2 % de la population serbe totale qui se

15 trouvait à Konjic est effectivement restée à Konjic, vous n'auriez pas de

16 chiffres qui pourraient venir contredire les rapports du HCR, n'est-ce

17 pas ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Je n'ai pas de chiffre, mais je pense que

19 5 % au moins des Serbes sont restés à Konjic. En fait, dans ma base de

20 données, il est indiqué que des représentants du HCR ont effectivement

21 visité notre bureau et qu'ils ont utilisé les informations dont nous

22 disposons dans la base de données. Je suis sûr que le chiffre est

23 supérieur à celui que vous nous soumettez, mais il ne s'agit pas seulement

24 de Konjic, il y avait Celebici, Podorasac, etc. C'est tout ce que je peux

25 vous dire à propos de Konjic. Il y avait Donje Selo également.

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1 M. Niemann (interprétation). - Vous avez parlé des réfugiés occupant des

2 bâtiments dans la zone de Donje Selo aux environs de Konjic et à Konjic

3 même. Pourquoi les réfugiés n'ont-ils pas été installés ou ne se sont-ils

4 pas logés dans la caserne de Celebici ? Le savez-vous ?

5 M. Buturovic (interprétation). - Non, je ne sais pas pourquoi, mais je ne

6 sais pas quelle caserne était ouverte à ce moment-là. Moi, je travaillais

7 dans des structures civiles, je faisais mon travail le plus honnêtement

8 possible et je ne sais pas ce qui se passait dans les structures

9 militaires, d'ailleurs je ne sais toujours pas ce qui s'y passe.

10 M. Niemann (interprétation). - Vous avez parlé d'une visite rendue par

11 Mme Grubac. Elle est venue vous rendre visite pour vous demander une

12 autorisation de se rendre dans son ancien appartement afin de récupérer

13 certaines de ses affaires, vous vous en souvenez ?

14 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

15 M. Niemann (interprétation). - Pourquoi avait-elle besoin d'une

16 autorisation afin de se rendre chez elle dans sa propre maison et d'y

17 récupérer certaines de ses affaires ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Elle n'avait pas besoin de mon

19 autorisation, elle est venue chez moi parce que nous étions voisins et

20 parce que j'avais été un de ses bons amis, et qu'en fait nous étions

21 restés bons amis. Je ne lui ai pas donné d'autorisation, je l'ai juste

22 envoyée à un guichet où elle devait se rendre et déposer officiellement sa

23 demande. C'est donc de là qu'elle a obtenu cette autorisation du

24 responsable qui se trouvait à ce guichet. Elle a donc emporté un certain

25 nombre d'objets dont elle avait besoin, mais elle n'avait pas besoin de

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1 mon autorisation.

2 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, je suis désolé d'avoir mal

3 expliqué la situation. Alors je vous poserai la question suivante :

4 pourquoi a-t-elle eu besoin de se rendre devant un quelconque responsable

5 de la municipalité avant de rentrer chez elle pour récupérer certaines de

6 ses affaires ?

7 M. Buturovic (interprétation). - Je crois que la raison en est simple.

8 Toutes ces personnes souhaitant rentrer dans un endroit qui était

9 auparavant leur résidence, doivent d'abord signaler leur volonté aux

10 autorités municipales afin de vérifier si quelqu'un s'est installé de

11 façon temporaire dans cette résidence, si la résidence existe toujours, si

12 elle est en bon état. Cette femme s'est donc présentée à un bureau

13 constitué par la municipalité sur l'initiative d'une organisation

14 américaine. Elle est venue à ce bureau. Elle a dit : "J'ai un appartement

15 dans la rue du Maréchal Tito, au n° 6, je voudrais pouvoir y retourner."

16 Elle a d'abord reçu des informations sur l'état global de son appartement.

17 M. Niemann (interprétation). - Pourquoi, le savez-vous, a-t-elle emporté

18 certains meubles ? Avait-elle l'intention d'y revenir dans son

19 appartement ? Pourquoi aurait-elle décidé d'emmener certaines de ses

20 affaires si elle avait l'intention de revenir dans son appartement ?

21 M. Buturovic (interprétation). - Elle a pris ce qu'elle demandait. Peut-

22 être qu'elle n'a pas tout retrouvé, peut-être certains objets ont disparu,

23 certains meubles ont été détruits mais elle a soumis un formulaire à la

24 municipalité, aux autorités. Elle demandait à pouvoir retourner à

25 l'appartement qui était sa propriété. Elle voulait donc retourner dans cet

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1 appartement quand toutes les conditions le permettraient.

2 M. Niemann (interprétation). - Je voudrais maintenant parler des pièces

3 dont le versement a été demandé. Je n'ai pas la cote de ces documents mais

4 ces pièces pourraient-elles être soumises au témoin, s'il vous plaît ? Je

5 crois que c'est 196/1, 197/1, 198/1.

6 M. le Greffier (interprétation). - Oui, elles ne sont pas totalement

7 terminées. Je finis de les numéroter et je les ferai passer.

8 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)

9 Maître Niemann, je voudrais savoir si ces documents sont pertinents dans

10 le cadre de l'atténuation de la peine. Ces pièces peuvent-elles être

11 soumises au témoin ? J'ai les originaux n'est-ce pas ? Est-ce que ces

12 pièces pourraient-elles être communiquées au témoin s'il vous plaît ?

13 (Toujours hors micro).

14 Un certain nombre de noms dans ces documents sont des noms serbes

15 normalement ?

16 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas une connaissance approfondie de

17 ces questions, excusez-moi. Je m'en suis rendu compte à plusieurs

18 reprises. Tout n'est pas toujours tout à fait cohérent.

19 Je vous invite à consulter la pièce 196/1. C'est une décision de la

20 présidence de guerre de Konjic. Afin d'accélérer ce processus, je voudrais

21 déterminer pourquoi ces documents ont trait directement à M. Delalic et

22 pourquoi ces documents pourraient contribuer à faire la preuve qu'il

23 existe des circonstances atténuantes. Tout d'abord, pour ce qui est du

24 premier document M. Delalic avait-il un lien quelconque avec la présidence

25 de guerre à votre avis ?

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1 M. Buturovic (interprétation). - Monsieur Delalic occupait en fait la

2 même position que tous les autres membres. Il était coordinateur entre

3 l'armée et les autorités municipales pour des tâches établies par la

4 présidence de guerre. Tous les membres de cette organisation étaient des

5 coordinateurs. Il y en avait un qui était chargé de la coordination avec

6 d'accord Karitas*, un autre de la coordination avec Mehamed*. Il y avait

7 une Indira Buturovic également qui était chargée de la protection

8 sanitaire.

9 M. Niemann (interprétation). - Nous n'avons besoin de passer en revue tous

10 ces noms mais je voudrais obtenir certains détails de votre part, êtes-

11 vous en train de dire que son poste, sa fonction de coordinateur relatif

12 aux questions militaires, implique-t-elle qu'il pouvait également

13 coordonner vos activités ? Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire ?

14 Mme Residovic (interprétation). - J'objecte à nouveau,

15 Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation). - Il n'a pas parlé d'opérations

17 militaires.

18 M. Niemann (interprétation). - Je retire,excusez-moi, ce que j'ai dit.

19 Cependant je vois qu'il est dit dans le compte rendu "coordinateur entre

20 l'armée et les autorités municipales". Alors j'utiliserai les mêmes mots

21 que le témoin, excusez-moi. Etant donnée la fonction de M. Delalic en tant

22 que coordinateur entre l'armée et les autorités municipales, pouvait-il,

23 de ce fait, contribuer à vos activités dans le cadre de votre comité ?

24 Mme Residovic (interprétation). - J'objecte à nouveau parce que

25 l'accusation rentre dans le domaine de la responsabilité de

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1 M. Zejnil Delalic, alors que le témoin ne faisait que tenter de souligner

2 la composition ethnique de ce comité qui était constitué de Serbes, de

3 Croates et de Musulmans en 1992. Je ne pense pas que l'une quelconque de

4 mes questions ait suivi cette ligne et qu'il ait été question à un moment

5 donné de la responsabilité de mon client.

6 M. le Président (interprétation). - Je suppose que c'est ce que faisait le

7 témoin, il essayait de dire dans quelle mesure Delalic l'aidait, mais je

8 pense qu'il parlait en sa qualité de particulier et non du point de vue

9 professionnel, officiel.

10 M. Niemann (interprétation). - Mais, Monsieur le Président, il s'agit des

11 documents présentés par Me Residovic, je ne fais que les étudier ; elle

12 les présente et moi j'essaie d'en comprendre la signification.

13 M. Jan (interprétation). - Mais elle dit que ce document est utilisé pour

14 montrer ce qu'était le comité de coordination.

15 M. Niemann (interprétation). - Mais je suis incapable de comprendre quel

16 est le lien entre ces documents et la possibilité d'atténuer une

17 éventuelle peine.

18 M. Jan (interprétation). - Mais elle essayait de répondre à votre argument

19 selon lequel des Serbes ont été expulsés de Konjic, étant donné l'attitude

20 de ces personnes. Il était question de la sévérité de la peine, n'est-ce

21 pas ?

22 M. Niemann (interprétation). - Mais je croyais qu'elle parlait du retour

23 de ces personnes et je crois que ceci a trait à une situation totalement

24 différente.

25 M. Jan (interprétation). - Mais ce qui est dit par Me Residovic, c'est que

Page 15253

1 ce document montre que les Serbes sont encore présents, qu'ils

2 participaient aux activités, notamment dans le cadre de ce comité de

3 coordination, il y avait aussi des membres Serbes.

4 M. le Président (interprétation). - Nous allons lever l'audience et nous

5 reprendrons les travaux à 16 heures 30.

6 (La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 35.)

7 M. Niemann (interprétation). - Puis-je continuer ?

8 M. le Président (interprétation). - Allez-y.

9 M. Niemann (interprétation). - Merci. Monsieur Buturovic, je vous ai

10 montré le document, pièce à conviction n°196. Est-ce que vous affirmez que

11 certains des noms qui sont énumérés là comme membres du comité, que

12 certaines de ces personnes étaient des Serbes ?

13 M. Buturovic (interprétation). - Vesna Bektovcevic est journaliste de la

14 radio-télévision de Konjic, elle travaille encore aujourd'hui à ce

15 poste-là, et sa tâche était d'informer de manière objective à propos des

16 décisions adoptées par le comité.

17 M. Niemann (interprétation). - Ce comité, est-ce que qu'il s'est opposé à

18 votre proposition concernant l'acheminement de l'aide à Donje Selo ?

19 M. Buturovic (interprétation). - Non.

20 M. Niemann (interprétation). - Donc ce comité a soutenu cette

21 proposition ?

22 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

23 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous me dire pourquoi vous croyez

24 que M. Delalic lui-même a été lié, d'une certaine manière, à ce document ?

25 Dans le cadre de l'atténuation de sa sentence, est-ce que vous savez

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1 pourquoi il est lié à ce document ?

2 M. Buturovic (interprétation). - J'ai déjà dit plusieurs fois qu'avec

3 M. Delalic j'ai plutôt entretenu des liens d'amitié, des liens personnels,

4 mais parfois je lui posais la question de savoir ce qu'il pensait ce qui

5 fallait faire, etc. Il s'agissait d'entretiens officieux et nous

6 considérions tous les deux qu'il fallait envoyer une partie de ce convoi à

7 Donje Selo et vous pouvez voir, d'après les documents, que c'est d'abord

8 Donje Selo qui a reçu l'aide, ensuite les malades et les blessés de

9 l'hôpital de Konjic, ensuite la boulangerie qui produisait des petites

10 quantités de pain pour les camps de réfugiés, ensuite c'était la

11 population dans une situation extrêmement grave du point de vue social au

12 sein des communautés locales.

13 M. Niemann (interprétation). - Mais mis à part le fait que Delalic vous a

14 dit qu'il fallait envoyer cela à Donje Selo, mis à part ce fait-là, il

15 n'avait pas d'autres liens avec ce document, n'est-ce pas ?

16 M. Buturovic (interprétation). - Non.

17 M. Niemann (interprétation). - Merci. J'ai cru comprendre que vous avez

18 dit (peut-être que je me trompe) qu'une sorte de comité qui occupait un

19 poste d'autorité était contre votre proposition d'envoyer de l'aide, de la

20 nourriture aux Serbes de Donje Selo. Pourriez-vous me dire de quel comité

21 il s'agissait ?

22 M. Buturovic (interprétation). - Le Comité de coordination était chargé de

23 coordonner les activités entre "Mejamed"* "Caritas"* et la Croix-Rouge, et

24 le centre pour les affaires sociales. J'ai été nommé par la présidence de

25 guerre de la municipalité à la tête de ce comité. Donc, avant la

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1 répartition de l'aide humanitaire, on s'adressait à moi ; les membres de

2 ce comité s'adressaient à moi en me posant la question de savoir s'il

3 était vraiment nécessaire d'envoyer d'abord de l'aide à Donje Selo, étant

4 donné qu'il y avait des cas plus urgents. Par exemple, j'ai reçu beaucoup

5 de critiques du Président de l'autorité économique qui était nommée, elle

6 aussi, par la présidence de guerre. Et parfois, les membres de ce conseil

7 économique, où il y avait plusieurs hommes d'affaire importants, c'est eux

8 qui me critiquaient de manière assez véhémente par rapport à cette

9 décision, c'est-à-dire qu'ils n'étaient pas favorables à l'idée d'envoyer

10 d'abord de l'aide à Donje Selo. Donc la présidence de guerre et le centre

11 médical étaient les seules institutions civiles qui fonctionnaient à

12 l'époque.

13 M. Niemann (interprétation). - Cette farine n'était-elle pas assurée par

14 l'UNHCR ?

15 M. Buturovic (interprétation). - Oui, c'est l'UNHCR qui l'a envoyée au

16 Comité de coordination.

17 M. Niemann (interprétation). - Mais si l'UNCHR l'a envoyée, je suis sûr

18 qu'ils ont insisté pour que cela ne soit pas acheminé uniquement aux

19 membres d'un seul groupe ethnique.

20 M. Jan (interprétation). - (Hors micro)

21 Vous parliez d'une ambiance anti-Serbes dans la ville ,et je suppose qu'à

22 cause de cela il y avait des personnes qui étaient tout à fait contre le

23 fait d'envoyer de l'aide d'abord aux Serbes.

24 M. Niemann (interprétation). - Ce que j'essaie de dire, c'est que l'UNHCR

25 considérait certainement que c'est complètement inacceptable que l'aide

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1 aille à un groupe ethnique uniquement : par exemple, juste aux Musulmans,

2 ou juste aux Serbes et non pas aux Croates.

3 M. le Président (interprétation). - Je pense que c'est ce qu'il essaie de

4 dire, je pense qu'il veut dire que Donje Selo avait la priorité.

5 M. Niemann (interprétation). - Je comprends son témoignage, mais si

6 M. Delalic a dit d'envoyer de l'aide à Donje Selo d'abord, c'est peut-être

7 parce que l'UNHCR a suggéré qu'il faudrait que cette aide soit répartie à

8 tous les groupes ethniques ; et moi, je ne serais pas surpris si cela

9 était le cas.

10 M. Jan (interprétation). - Je comprends qu'à cause de cette ambiance

11 anti-Serbes, cela influençait les répartitions de l'aide humanitaire.

12 M. Niemann (interprétation). - Je pense que dans ce cas-là, l'UNHCR aurait

13 retiré l'aide humanitaire.

14 M. le Président (interprétation). - Mais cela se produirait seulement plus

15 tard, après l'acheminement, après la distribution de cette aide

16 humanitaire.

17 M. Niemann (interprétation). - J'ai un document ici, que j'ai reçu de la

18 part de la défense qui n'est pas reversé au dossier, et je crois qu'il est

19 indiqué que l'UNHCR basé à Split a envoyé cette farine, et qu'il ne

20 s'agissait pas de la Croix-Rouge ou d'une autre institution humanitaire.

21 M. Jan (interprétation). - Mais le Comité de coordination n'a pas pris en

22 compte l'ambiance anti-Serbes au moment de la répartition de la farine.

23 M. Niemann (interprétation). - Mais l'UNHCR l'aurait fait.

24 M. Jan (interprétation). - Ils auraient fait objection seulement si le

25 comité avait accepté cette ambiance anti-Serbes.

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1 M. Niemann (interprétation). - Je pense que si l'aide avait été envoyée

2 uniquement aux Musulmans et non pas aux Serbes de Donje Selo, que cela

3 aurait créé des problèmes au sein de l'UNHCR.

4 Mme Residovic (interprétation). - Je veux dire simplement que le témoin

5 n'a pas dit que M. Delalic a dit qu'il fallait qu'il envoie de la farine à

6 Donje Selo, comme ceci a été cité par Me Niemann. Le témoin a dit lui-même

7 qu'il s'agissait là du premier acheminement de la farine par la communauté

8 internationale, c'est-à-dire l'UNHCR, envoyé à Konjic. Il n'y a pas de

9 document secret, nous avons discuté de tous les documents et tous les

10 documents ont été soumis au Procureur.

11 M. Niemann (interprétation). - Mais je pense qu'il y avait une confusion,

12 et si l'on relit le transcript, on peut voir qu'il n'a jamais été

13 clairement indiqué que l'UNHCR se trouvait à l'origine de ce convoi. Donc,

14 si vous me le permettez, je souhaite montrer au témoin ce document.

15 M. Jan (interprétation). - Ce n'est pas vraiment important.

16 M. le Président (interprétation). - De toute façon, cela ne change rien.

17 M. Niemann (interprétation). - J'ai fait objection à tous les autres

18 documents.

19 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agit du document D202/1,

20 concernant le comité de coordination et du logement des personnes

21 déplacées.

22 M. Niemann (interprétation). - Ce document 202 indique, n'est-ce pas, que

23 les 4 950 kilos de farine ont été pris de l'aide humanitaire envoyée par

24 l'UNHCR, basée à Split à l'époque, où il était indiqué de manière précise

25 que cela devait être envoyé aux réfugiés à Donje Selo.

Page 15258

1 M. Jan (interprétation). - Réfugiés ? Les Serbes étaient des locaux.

2 M. Niemann (interprétation). - Le document parle de réfugiés à Donje Selo.

3 M. Jan (interprétation). - Il y avait des Serbes à Donje Selo.

4 M. Niemann (interprétation). - Il y avait des réfugiés et c'est ce que le

5 témoin a dit. Le témoin essayait de dire que, si la farine a été envoyée

6 aux Serbes de Donje Selo, c'est à cause de ce que l'accusé M. Delalic a

7 dit, alors que ce document montre quelque chose de tout à fait différent.

8 M. Jan (interprétation). - Vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit. Les

9 Serbes étaient des locaux de Donje Selo et ce document parle de réfugiés.

10 Les réfugiés étaient des Musulmans qui ne sont pas venus de différentes

11 parties de Bosnie.

12 M. Niemann (interprétation). - Ce n'est pas la manière dont je comprends

13 cela. Je pense que ce document parle des réfugiés de Donje Selo qui sont

14 arrivés de Bradina, donc il s'agissait de Serbes.

15 Question au témoin : est-ce qu’il est vrai que ce document concerne la

16 farine reçue par l'UNHCR basée à Split, où il est indiqué précisément

17 qu'il fallait l'envoyer aux réfugiés à Donje Selo ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Ce document fait partie d'un formulaire

19 que nous utilisions au sein du centre de distribution où il est indiqué

20 quelle est la quantité de vivres qui devait être envoyée à une certaine

21 partie. Quant à l'UNHCR, il avait une confiance totale dans le Comité de

22 coordination. L'acheminement devait concerner les personnes déplacées et

23 les réfugiés.

24 Il s'agit d'une période de la guerre dans laquelle nous nous sommes vus

25 dans une situation... Nos fonctions ont changé totalement. L'UNHCR n'a

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1 jamais mentionné très précisément Donje Selo, il a simplement indiqué

2 qu'il fallait envoyer cela aux personnes déplacées et aux réfugiés. Il

3 avait confiance dans le Comité de coordination, dans le sens où il était

4 sûr que le comité allait s'acquitter de cette tâche de manière équitable.

5 M. Niemann (interprétation). - Et les réfugiés qui étaient à Donje Selo,

6 il s'agissait de Serbes qui se sont réfugiés suite aux opérations

7 militaires, suite aux combats qui ont lieu à Bradina, n'est-ce pas ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Merci. Encore une question. La pièce à

10 conviction n°197, veuillez l'examiner s'il vous plaît. Je pense que

11 d'après ce document, la farine d'abord a été utilisée pour produire du

12 pain, et ensuite, cela a été envoyé à Donje Selo, n'est-ce pas ?

13 M. Buturovic (interprétation). - Non, d'après ce document, il est clair

14 que seulement huit jours après que la farine a été envoyée à Donje Selo,

15 la boulangerie de la ville qui produisait du pain uniquement pour les

16 personnes déplacées, les réfugiés... c'est donc huit jours plus tard que

17 cette boulangerie a reçu 4 000 kilos de farine. Donc, il y avait un retard

18 important. Il s'agissait de la cuisine nationale, et, dès le début, il y

19 avait 3 200 personnes concernées par la nourriture distribuée par cette

20 instance. Donc il s'agissait pratiquement de toute la population qui avait

21 besoin de cela.

22 A cause de la situation et des circonstances, la plupart des personnes

23 avaient besoin de ce genre de nourriture distribuée, et c'est le Comité de

24 coordination qui a organisé cela, qui a recueilli de la nourriture de

25 foyers différents dans la ville de Konjic. C'est ainsi que nous avons

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1 fonctionné tous les jours, et Donje Selo a reçu la priorité en ce qui

2 concerne l'envoi de cette nourriture ; ceci a également été approuvé par

3 l'UNHCR. Ils ont approuvé également l'envoi de l'aide à l'hôpital de

4 Konjic où il y avait beaucoup de personnes blessées.

5 M. Niemann (interprétation). - Mais en fait, vous n'aviez pas beaucoup

6 d'influence sur cela, étant donné que c'est l'UNHCR qui a assuré la

7 farine, et il fallait que cette farine aille aux réfugiés, n'est-ce pas ?

8 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Donc, de toute façon, cela n'a rien changé

10 si M. Delalic vous a dit d'envoyer cela.. De toute façon, il fallait que

11 cela se passe, étant donné que cela avait été prédéterminé.

12 M. Buturovic (interprétation). - Non, Delalic a tout simplement exprimé

13 son opinion et il n'a jamais agi en tant que quelqu'un qui avait une

14 autorité supérieure. Il a dit quelle était son opinion, mais il n'avait

15 pas un rôle spécifique dans la distribution de la nourriture.

16 M. Niemann (interprétation). - Donc, c'est un hasard si son opinion a

17 coïncidé avec les exigences de l'UNHCR, n'est-ce pas ?

18 M. Buturovic (interprétation). - L'UNHCR n'a pas dit que la farine devait

19 être envoyée là-bas d'abord ; tout simplement, ils se sont fiés à notre

20 comité en ce qui concerne la distribution de l'aide humanitaire. Après le

21 premier don, Konjic a été la première ville en Bosnie-Herzégovine en

22 matière de quantité de nourriture qui a été distribuée grâce au travail du

23 Comité de coordination. Nous avons eu suffisamment de nourriture, donc

24 nous avons distribué de la nourriture et nous avons envoyé de la

25 nourriture aussi à Jablanica et autres endroits pour aider les gens à

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1 survivre.

2 M. Niemann (interprétation). - Il faudrait qu'on explique encore une

3 chose, peut-être. J'ai mal cité vos propos ; j'ai dit que vous aviez parlé

4 des statistiques de l'UNHCR concernant le pourcentage de Serbes à Konjic

5 en 94, dans leur étude effectuée en 94 ; je pense que j'ai dit qu'il y

6 avait uniquement 2 % qui sont restés. Alors, afin de clarifier, vous

7 pouvez répondre comme vous voulez, mais je veux juste dire que ce que j'ai

8 essayé de dire, c'était que selon cette étude, il y avait 2 % de Serbes

9 en 94, par opposition à 15 % avant la guerre.

10 M. Buturovic (interprétation). - Je pense que ces chiffres sont exacts. Je

11 dis donc qu'avant la guerre il y avait 50 % de Serbes. Ce que j'ai dit,

12 c'est qu'à mon avis, en 92, le nombre de civils serbes augmentait à

13 environ 5 % d'après le premier recensement de réfugiés, de personnes

14 déplacées et de personnes qui sont restées dans leur foyer ; et ce premier

15 recensement a été effectué en 93. Mais là, nous ne parlons pas uniquement

16 de la ville de Konjic, étant donné que la ville de Konjic comprenait

17 uniquement un tiers de la population totale de la municipalité de Konjic,

18 mais je ne connais pas les données concernant toute la municipalité.

19 M. Niemann (interprétation). - Donc, il faudrait parler de deux choses.

20 Nous parlons de la municipalité, et ensuite j'ai vu que dans les

21 transcripts il est marqué 50 % de Serbes, alors que j'ai dit 15 % ; c'est

22 15 et non pas 50 %. Je n'ai plus de questions.

23 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur le Président, le Procureur vous

24 a montré un document avec les instructions données au centre de

25 distribution, disant que c'est l'UNHCR qui a donné ces instructions selon

Page 15262

1 lesquelles il fallait envoyer cette aide à Donje Selo. Dites-nous : est-ce

2 que cette quantité de farine faisait partie de la quantité totale de

3 30 000 tonnes que vous avez déjà mentionnée ?

4 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

5 Mme Residovic (interprétation). - Cette quantité-là a été distribuée selon

6 les critères établis par votre comité de coordination.

7 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

8 Mme Residovic (interprétation). - Et l'influence de M. Delalic au sein de

9 votre entretien était de confirmer votre opinion personnelle selon

10 laquelle il fallait traiter tout le monde sur un pied d'égalité ?

11 M. Buturovic (interprétation). - Tout à fait.

12 Mme Rešidovic (interprétation). - Merci beaucoup. Je souhaite vous poser

13 une question concernant la question de mon collègue M. Niemann, concernant

14 la visite de Mme Grubac et son entrée dans l'appartement. Dites-nous, s'il

15 vous plaît, lorsqu'on parle du droit de locataire, est-ce qu'il s'agit de

16 la propriété ou est-ce qu'il s'agit de quelqu'un qui vit dans un

17 appartement qui appartient à la société ?

18 M. Buturovic (interprétation). - Veuillez répéter votre question...

19 Mme Rešidovic (interprétation). - Quand nous parlons du titulaire du droit

20 de locataire, est-ce que qu'il s'agit de la personne qui est propriétaire

21 de l'appartement ou bien s'agit-il des appartements dont l'Etat est le

22 propriétaire ?

23 M. Buturovic (interprétation). - Le titulaire du droit de locataire

24 n'implique pas nécessairement que la personne est propriétaire de

25 l'appartement, mais cela donne le droit à ce titulaire de retourner dans

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1 l'appartement quand toutes les conditions sont remplies.

2 Mme Rešidovic (interprétation). - Je suppose qu'en ce qui concerne la

3 famille Grubac, la propriété privée (telle que leur maison de campagne)

4 continue à être la propriété privée ?

5 M. Buturovic (interprétation). - Oui, cela continue à être leur propriété

6 privée par opposition à l'appartement qui est toujours dans la propriété

7 sociale.

8 Mme Rešidovic (interprétation). - Je souhaite également vous poser la

9 question de savoir si les appartements dont l'Etat était propriétaire et

10 qui ont été abandonnés par leur propriétaire, par leur locataire, pendant

11 la guerre, est-ce que la loi concernant ces appartements était appliquée

12 quel que soit les locataires qui ont quitté l'appartement, qu'il s'agisse

13 de Serbes, de Croates ou de Musulmans ?

14 M. Buturovic (interprétation). - Oui et c'est exact que les appartements

15 qui ont été abandonnés pendant la guerre ont été temporairement déclarés

16 ouverts ou libres. A l'époque il y avait une instance municipale qui était

17 chargée de s'occuper de ces affaires. Il y avait même une loi qui était

18 passée relative à ces questions. Après la guerre, cette loi a été annulée

19 à Konjic. Des personnes ont quitté Konjic pour des raisons différentes. Il

20 y en a qui sont partis afin d'éviter la conscription ou bien pour toutes

21 sortes d'autres raisons. Mais maintenant ce sont les instances municipales

22 qui s'occupent de leurs affaires en ce qui concerne les appartements.

23 Mme Rešidovic (interprétation). - Monsieur Buturovic, pouvez-vous nous

24 dire quelle est votre situation, votre appartement a été complètement

25 détruit n'est-ce pas ? Où vivez-vous ?

Page 15264

1 M. Buturovic (interprétation). - Le 4 mai, mon appartement a été pilonné

2 et il a été détruit. J'ai reçu de la part de l'instance municipale un

3 appartement sur la base provisoire. C'est un appartement appartenant à un

4 ami, mais j'attends que mon appartement soit réparé et j'espère que je

5 pourrais y rentrer bientôt.

6 Mme Rešidovic (interprétation). - Et votre collègue pourra regagner son

7 appartement ?

8 M Buturovic (interprétation). - Oui.

9 Mme Rešidovic (interprétation). - Cela vaut également pour le

10 famille Grubac ?

11 M. Buturovic (interprétation). - Tout à fait.

12 Mme Rešidovic (interprétation). - Ma dernière question concerne toujours

13 le contre-interrogatoire en ce qui concerne le pourcentage de la

14 population serbe qui est restée à Kojnic. Est-il vrai que la plus grande

15 partie des Serbes est partie Kojnic en 1992, suite à l'appel lancé par le

16 SDS et qu'ils l'ont fait sur la base du volontariat ?

17 M. Buturovic (interprétation). - Oui.

18 Mme Rešidovic (interprétation). - Je n'ai plus de question à poser ?

19 M. le Président (interprétation). - Avez-vous d'autres témoins ? Ce témoin

20 peut disposer ?

21 Mme Rešidovic (interprétation). - Oui, tout à fait.

22 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Vous pouvez disposer.

23

24 (Le témoin quitte la salle d'audience).

25 M. le Greffier (interprétation). - Document 209/1.

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1 Mme Rešidovic (interprétation). - Je vais demander d'appeler le témoin

2 Nebojsa Manigodjic.

3 (Le témoin, M. Manigodjic, est introduit dans la salle d'audience.)

4

5 M. Manigodjic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai

6 la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

7 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie, asseyez-vous.

8 Mme Residovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur. Auriez-vous

9 l'amabilité de décliner votre identité ?

10 M. Manigodjic (interprétation). - Je m'appelle Nebojsa Manigodjic.

11 Mme Residovic (interprétation). - Vous êtes de quelle nationalité ? A

12 quelle ethnie appartenez-vous ?

13 M. Manigodjic (interprétation). - Je suis Serbe et je suis citoyen de

14 Bosnie-Herzégovine.

15 Mme Residovic (interprétation). - Que faites-vous dans la vie, quelle est

16 votre formation ?

17 M. Manigodjic (interprétation). - Je suis architecte.

18 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez

19 M. Zejnil Delalic ? Si vous le connaissez, auriez-vous l'amabilité de dire

20 depuis quand vous le connaissez ?

21 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, je le connais. Je le connais

22 depuis 1973. Enfin, nous nous connaissons de manière plus intense à partir

23 de 1973.

24 Mme Residovic (interprétation). - Dites-moi, s'il vous plaît, est-ce que

25 vous savez que Zejnil Delalic a construit une maison pour sa famille à

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1 Konjic ? Est-ce que vous avez participé à la construction de sa maison ?

2 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, je suis au courant. C'est justement

3 à partir de cette date-là que nous avons commencé à nous connaître car je

4 vous ai dit que j'étais architecte, et c'est depuis qu'il a commencé la

5 construction de sa maison que nous nous sommes connus. Depuis, nous avons

6 développé cette amitié.

7 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que vous savez où habitait, à

8 cette époque-là, Zejnil Delalic ?

9 M. Manigodjic (interprétation). - La famille Delalic avait une maison à

10 Ostrojec* et Zejnil habitait, à cette époque-là, en Allemagne.

11 Mme Residovic (interprétation). - Merci.

12 Au moment où sa maison a été construite, vous avez continué à rencontrer

13 Zejnil Delalic ? Est-ce que vous lui avez rendu visite ? Est-ce que vous

14 êtes devenus amis, est-ce que vous êtes allé chez lui ?

15 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, notre amitié s'est approfondie

16 depuis et nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises -pour dire plus

17 précisément, chaque fois que c'était possible car Delalic habitait

18 l'Allemagne. Chaque fois qu'il revenait, on essayait de se réunir, de se

19 voir. Nous avons passé un certain temps ensemble, cela dépendait, bien

20 évidemment, de beaucoup de choses, du temps dont on disposait.

21 Mme Residovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire qui étaient les

22 personnes qui se réunissaient ensemble avec Zejnil Delalic ? A quel groupe

23 ethnique ils appartenaient, de quelle confession ils étaient... Est-ce que

24 vous pouvez nous en dire un peu plus là-dessus ?

25 M. Manigodjic (interprétation). - Mais c'étaient des amis qui étaient

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1 d'origine de Jablanica. Mais il y avait d'autres personnes, des personnes

2 qui venaient d'ailleurs. C'étaient des personnalités éminentes, qui

3 avaient occupé à l'époque des postes politiques importants. Mais il y

4 avait également des personnes qui étaient des artistes et qui étaient

5 assez connus à l'époque.

6 Mme Residovic (interprétation). - Est-ce que Zejnil, quand vous étiez

7 amis, a montré une attitude différente vis-à-vis des membres d'autres

8 groupes ethniques ? Je pense aux Serbes, aux Juifs, aux Croates, aux

9 Musulmans... Pouvez-vous me dire s'il avait une attitude différente vis-à-

10 vis de ceux qui n'appartenaient pas à son groupe ethnique et avec lesquels

11 vous étiez à Konjic ?

12 M. Manigodjic (interprétation). - Non, je ne l'ai absolument pas remarqué.

13 Je n'ai aperçu aucun détail, je ne m'en suis pas rendu compte... Non,

14 absolument pas. Il n'a jamais fait de distinction entre les gens qui

15 appartenaient à un groupe ethnique, d'autres qui appartenaient à un autre

16 groupe ethnique... Non, il n'avait pas un comportement particulier vis-à-

17 vis de quelqu'un qui appartenait à son groupe ethnique... Non.

18 Mme Residovic (interprétation). - A votre connaissance,

19 Monsieur Manigodjic, est-ce que Zejnil Delalic aimait bien et aidait les

20 clubs ou les gens qui étaient à Jablanica, qui étaient à Konjic (si vous

21 le savez, bien évidemment), ainsi que les associations ? Avait-il aidé un

22 certain nombre d'associations ?

23 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, je suis au courant. Je sais même

24 très bien et je peux même vous énumérer quelques actions auxquelles il

25 avait participé. En ce qui me concerne, j'ai participé à deux actions très

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1 concrètes.

2 Premièrement, ces actions étaient liées à un échange entre deux écoles. Il

3 y avait une école qui était à Jablanica et l'autre était une école à côté

4 de Francfort.

5 Il s'agissait de deux écoles qui avaient à peu près les mêmes programmes

6 scolaires, et dans le cadre de leurs programmes respectifs il y avait

7 également une section qui portait sur la construction, et c'est le profil

8 d'architecture. Grâce aux connaissances de Zejnil Delalic, et les

9 connaissances qu'il avait parmi les professeurs de cette école de

10 Francfort, nous avons réussi à organiser un projet, à mettre sur pied un

11 projet. Et c'est comme cela que les deux écoles se sont mises en contact,

12 ils ont organisé un certain nombre de manifestations, tout d'abord des

13 visites des élèves, tout d'abord donc des élèves de l'école allemande qui

14 s'étaient rendus à Jablanica et ensuite les élèves de l'école de Jablanica

15 sont allés en Allemagne.

16 Mme Residovic (interprétation). - Comme vous connaissez bien

17 M. Zejnil Delalic, nous allons revenir sur un certain nombre d'autres

18 exemples. Pourriez-vous nous dire si M. Zejnil Delalic avait essayé, par

19 son exemple, de promouvoir la qualité de la vie dans une région qui était

20 pauvre ; je pense à la région de Jablanica. Qu'en pensez-vous,

21 Monsieur Manigodjic ?

22 M. Manigodjic (interprétation). - Il avait effectivement essayé d'aider un

23 petit peu à la promotion des régions et comme nous avons vécu après la

24 guerre, et comme nous avons vécu dans un milieu assez pauvre, il avait

25 essayé chaque fois, quand il le pouvait, de contribuer à l'amélioration de

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1 la vie dans cette région : soit directement, en finançant... par le

2 financement d'un certain nombre d'activités, soit d'une autre façon.

3 Mme Residovic (interprétation). - Nous parlons bien évidemment de ce que

4 vous pensez sur Zejnil Delalic avant la guerre. Pouvez-vous nous dire

5 comment vous l'auriez décrit ? Il était comment ? Quelle personnalité

6 avait-il ? Quel était son caractère ?

7 M. Manigodjic (interprétation). - Nous étions des amis, je l'ai déjà

8 précisé, et c'est une amitié qui dure depuis 3 ans, 30 ans, pardon.

9 Pendant 30 ans, nous avons connu des moments agréables, nous avons passé

10 des soirées longues, nous avons discuté entre nous, mais à aucun moment,

11 pendant ces 30 ans, je n'ai jamais senti que cet homme pouvait agir

12 différemment vis-à-vis des personnes qui provenaient d'un groupe ethnique

13 ou d'un autre. C'est-à-dire... Il n'a jamais changé, il a toujours eu le

14 même comportement vis-à-vis des gens, il s'est toujours comporté de la

15 même manière, il a toujours essayé d'aider les gens qui en avaient besoin.

16 Et jusqu'à nos jours, et même après tout ce chaos, toute cette tragédie

17 que nous avons traversée, moi je n'ai pas changé mon point de vue, et je

18 n'ai pas pu le changer parce qu'il n'y a aucun détail de notre vie commune

19 qui pourrait me faire dire autre chose sur sa personnalité.

20 Mme Residovic (interprétation). - Vous connaissez probablement le poète

21 Miso Maric, qui est de nationalité serbe. Maintenant nous le représentons

22 comme cela, c'est également un chansonnier, un poète. Il était à l'époque

23 du club d'Indexi. Est-ce que, lui-aussi, il a été ami de Zejnil ?

24 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, ils étaient de très bons amis, cela

25 je le sais très bien. Miso Maric, je l'ai rencontré plusieurs fois, comme

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1 Zejnil d'ailleurs. Je l'ai bien dit, il avait des amis parmi les hommes

2 politiques, d'autres parmi les artistes. A l'époque, c'étaient les gens

3 qui étaient bien vus, et qui avaient une renommée. Je parle de la période

4 de l'ex-Yougoslavie ; on était tous ensemble et on aimait bien se voir.

5 Mme Residovic (interprétation). - Pendant toute cette période qui avait

6 précédé la guerre, vous avez dit que vous n'avez pas changé du tout votre

7 point de vue ; est-ce que vous avez pu remarquer chez Zejnil Delalic un

8 sentiment de nationalisme, ou bien une étroitesse nationale ou

9 confessionnelle vis-à-vis de vous ou vis-à-vis de quelqu'un d'autre qui

10 était avec vous, copain ?

11 M. Manigodjic (interprétation). - Non, vraiment non, je n'ai jamais vu

12 comme cela Zejnil et je n'ai jamais senti quoi que soit chez lui sur ce

13 plan-là.

14 Mme Residovic (interprétation). - Monsieur Manigodjic, vous avez passé la

15 guerre à Jablanica ; avez-vous eu l'occasion de rencontrer

16 Zejnil Delalic ? Est-ce que vous avez ressenti qu'il avait maintenu ou

17 changé son point de vue vis-à-vis de vous ou vis-à-vis d'autres personnes

18 qui appartenaient à d'autres groupes ethniques ?

19 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, en 1992 j'ai eu l'occasion de

20 rencontrer deux à trois fois Zejnil Delalic à Jablanica. C'était déjà la

21 guerre. Ce n'étaient pas les rencontres qui ont été organisées, c'était

22 tout à fait par hasard, parce que chacun occupait un autre poste de

23 travail, avait des activités différentes. On n'avait pas beaucoup le temps

24 non plus de nous rencontrer pour passer le temps agréablement. Mais, même

25 pas, lors de ces rencontres, je n'ai jamais aperçu un changement, quel que

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1 soit ce changement, de sa part vis-à-vis de moi et que je pourrais

2 qualifier d'une façon qui serait différente, disons qualifier de

3 nationalisme. Non, je n'ai jamais véritablement remarqué entre lui et moi

4 un changement, mais je pense qu'il n'a pas épousé une autre attitude vis-

5 à-vis des autres non plus.

6 Mme Residovic (interprétation). - Vous avez dit que vous l'avez rencontré

7 en présence d'autres personnes qui étaient des hommes politiques, des

8 hommes de culture, des sportifs, des artistes, etc. Est-ce que

9 Zejnil Delalic vous a respecté ? Est-ce qu'il avait agi en votre présence

10 sur un pied d'égalité avec tout le monde, ou bien éventuellement il

11 souhaitait en quelque sorte s'imposer à vous ? Ou bien vous donner des

12 conseils ?

13 M. Manigodjic (interprétation). - Au moment où on se retrouvait ensemble,

14 il y avait un certain nombre de gens qui avançaient des idées différentes,

15 il y avait des actions dont j'ai parlé, j'en ai parlé d'une. Il y avait

16 d'autres idées également qui étaient avancées, toutes les idées ne

17 provenaient pas de Zejnil Delalic, mais il y en avait d'autres également

18 qui avançaient des idées différentes ou qui proposaient des choses

19 différentes. Il y avait des amis qui avançaient de telles idées, mais non,

20 je ne peux pas dire que c'est lui qui voulait s'imposer, qui voulait nous

21 apprendre des choses. Je pourrais dire qu'il s'est beaucoup appliqué pour

22 mettre en oeuvre des idées qui ont été lancées, parce qu'il a été en

23 mesure de le faire, il avait plus de moyens ; nous, on n'avait pas autant

24 de moyens que lui..

25 Mme Residovic (interprétation). - J'ai dit que j'allais revenir à cette

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1 idée, j'ai une question à vous poser auparavant. Quand est-ce que vous

2 avez quitté Jablanica, et où êtes-vous parti par la suite ? Est-ce que

3 vous avez rencontré Zejnil Delalic par la suite ?

4 M. Manigodjic (interprétation). - Je vais vous demander de me préciser

5 votre question..

6 Mme Residovic (interprétation). - Mais après la guerre, quand est-ce que

7 vous avez quitté Jablanica ? Où est-ce que vous êtes allé, et est-ce que

8 vous avez rencontré Zejnil Delalic ?

9 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, après la guerre j'ai quitté la

10 Bosnie-Herzégovine pour la première fois en avril 95. Je suis parti en

11 Allemagne pour rendre visite à quelques cousins, quelques membres de ma

12 famille, et puis je suis passé par Vienne où il y avait beaucoup d'amis

13 qui venaient de Jablanica. J'avais apporté un certain nombre de messages

14 de Jablanica et je suis allé dans le club d'amis, enfin c'est une

15 association des amis de Bosnie-Herzégovine qui se trouve à Vienne. J'avais

16 l'intention de rester une journée, pas plus, mais Zejnil, une fois de

17 plus, était très chaleureux vis-à-vis de moi, comme toujours il l'a été...

18 Comme c'était avant la guerre... C'est la raison pour laquelle je suis

19 resté trois, quatre jours même si c'était pas prévu.

20 Mme Residovic (interprétation). - En d'autres termes, il a maintenu ce

21 rapport très amical indépendamment de la confession, indépendamment de

22 l'appartenance ethnique, etc. Donc c'est le même comportement qu'il avait

23 au moment où vous l'avez rencontré à Vienne, n'est-ce pas ?

24 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, absolument. Il a eu la même

25 attitude, le même comportement, enfin c'est un gentleman.

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1 Mme Residovic (interprétation). - Nous allons revenir à cette question ;

2 ce sera ma dernière question que j'aimerais vous poser,

3 Monsieur Manigodjic. Vous avez dit que lors de ces années où vous étiez

4 amis, il y avait également cette idée qui a été lancée de mettre en

5 contact les deux écoles, et que c'était le résultat d'un certain nombre

6 d'hommes d'affaires en Allemagne. Est-ce qu'il est vrai que vous m'avez

7 donné quelque chose qui appartenait à votre dossier personnel, quelques

8 lettres de remerciements, quelques articles également de journaux, dans le

9 cadre desquels on parle des activités, des mérites de Zejnil Delalic et,

10 entre autres on a parlé également de ce contact et de cette coopération si

11 on peut dire intergouvernementale, et de ce contact entre les jeunes

12 personnes. Est-ce que c'est vrai que vous m'avez donné de telles lettres,

13 de tels articles, de telles lettres de remerciements ?

14 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, c'est ma propre documentation, ma

15 documentation personnelle, étant donné que j'ai gardé cette documentation

16 qui portait justement sur cet échange qui a été effectué. Je pourrais bien

17 évidemment vous donner un peu plus de détails, je pourrais vous dire

18 également quelles étaient les personnes qui se sont occupées, également

19 comment le schéma financier a été mis en place, etc.. Je pourrais vous

20 donner plus de détails.

21 Mme Residovic (interprétation). - Vous aussi, vous étiez parmi les

22 personnes qui avaient participé dans ces rencontres et dans l'organisation

23 de ces rencontres ?

24 M. Manigodjic (interprétation). - Oui, moi aussi j'étais un des

25 organisateurs, depuis l'idée qui a été lancée jusqu'à la mise en oeuvre de

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1 cette idée.

2 Mme Residovic (interprétation). - Je vous remercie et je vais demander à

3 l'huissier de bien vouloir m'aider pour distribuer la copie de ce

4 document, et de le verser au dossier, étant donné qu'il parle justement de

5 cette activité de Zejnil Delalic en 81 ; son activité, donc, de 1981.

6 M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le Président.

7 Mme Rešidovic (interprétation). - Je vais demander, s'il vous plaît,

8 d'enregistrer ces documents et de nous dire sous quelle cote les documents

9 vont être enregistrés.

10 J'ai terminé avec les questions que je voulais poser à ce témoin.

11 M. le Greffier (interprétation). - D 202/1 et D 203/1.

12 Le premier document porte sur l'association de Neretva, de la rivière de

13 Neretva. Le document D 203/1 porte sur les deux écoles : l'école

14 élémentaire et l'école secondaire et l'échange des élèves.

15 Mme Rešidovic (interprétation). - Je demande, Monsieur le Président, que

16 tout soit versé.

17 M. le Président (interprétation). - Oui, on avait accepté le versement au

18 dossier.

19 Mme Rešidovic (interprétation). - Je vous remercie.

20 M. le Président (interprétation). - Y avait-il d'autres activités ? On

21 n'en avait pas parlé. Il n'y avait pas d'objection à ce sujet-là ? Il

22 s'agit des documents qui datent de 1981 et au fond, cela ne concerne pas

23 la période dont on a parlé là. L'accusation a-t-elle des objections ?

24 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce que je peux

25 commencer le contre-interrogatoire ?

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1 M. le Président (interprétation). - Demain, s'il vous plaît. On lève la

2 séance.

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4 L'audience est levée à 17 heures 30.

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