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1 (Mercredi 17 octobre 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 36.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez bien citer
6 l'affaire?
7 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit
8 de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre M. Naletilic et M.
9 Martinovic.
10 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Maître Krsnik.
11 M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 Je voulais tout simplement vous informer qu'aujourd'hui, je viens de
13 remettre toutes les pièces à conviction que je voulais présenter pour le
14 versement au dossier. Nous allons certainement rajouter également d'autres
15 pièces à conviction.
16 Je voulais aussi préciser que P11.18 et P8.8 existent déjà.
17 Je voudrais tout simplement dire que la photographie P11.18 n'a pas pu
18 être reconnue par le témoin ainsi que la photographie, si vous vous
19 souvenez, du ministère de la Défense. Donc il s'agit des deux
20 photographies que le témoin n'a pas pu reconnaître.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Stringer, je vous en prie.
22 M. Stringer (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les
23 Juges.
24 En ce qui concerne les pièces à conviction 11.18 et 8.8, le conseil de la
25 défense a raison: le témoin n'a rien reconnu sur ces pièces à conviction.
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1 Mais il s'agit de pièces à conviction qui ont été versées au dossier. Le
2 fait que le témoin n'a rien reconnu suffit pour dire qu'il n'y a pas de
3 raison de présenter, une fois de plus, à l'adoption ces pièces à
4 conviction; d'autant plus que la Chambre est parfaitement consciente du
5 fait que la déposition a démontré que le témoin ne pouvait pas reconnaître
6 ces pièces à conviction. C'est la raison pour laquelle on ne voit pas du
7 tout le besoin de procéder une fois de plus à la mise en cause de ces
8 documents.
9 M. le Président (interprétation): Mais il y a des systèmes juridiques
10 selon lesquels, si le témoin ne reconnaît pas quelque chose, ça constitue
11 déjà une preuve.
12 M. Stringer (interprétation): Je suis parfaitement d'accord avec vous,
13 mais, de toute façon, c'est la déposition qui compte: c'est elle qui est
14 la plus importante. C'est à cette déposition que vous allez donner du
15 poids, alors qu'il s'agit déjà de pièces à conviction qui ont été versées
16 au dossier, qui ont été admises. Je ne connais pas peut-être, je ne
17 comprends pas les intentions de la défense.
18 M. le Président (interprétation): Mais il est vrai, vous avez raison, que
19 les pièces à conviction 11.18 et 8.8 ont déjà été admises au dossier.
20 Mais c'est à nous, à la Chambre, de voir quelle est la valeur probante de
21 ces pièces à conviction étant donné que le témoin n'a rien reconnu sur les
22 photographies qui ont été présentées. C'est la raison pour laquelle il
23 n'est pas indispensable s'il faut présenter de nouveau l'admission de ces
24 deux-pièces à conviction ou pas; ce n'est vraiment pas le plus important.
25 Ce qui est important, c'est que le témoin, lors de la déposition, n'a pas
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1 reconnu ces pièces à conviction et il serait correct vis-à-vis de la
2 défense d'accepter ces deux photographies comme les pièces à conviction de
3 la défense.
4 M. Stringer (interprétation): Est-ce que j'ai le droit encore de dire deux
5 petites choses, s'il vous plaît?
6 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.
7 M. Stringer (interprétation): Par conséquent, nous n'avons plus
8 d'objection en ce qui concerne l'adoption des documents qui ont été
9 proposés par la défense. Il s'agit des documents qui sont issus du
10 Tribunal en Allemagne. Mais, d'un autre côté, il s'agit de documents qui
11 sont assez volumineux. Il est vrai que nous avons obtenu tous ces
12 documents de la défense au cours de l'étape qui a précédé l'ouverture du
13 procès, mais nous n'avons pas obtenu ces pièces comme les pièces de la
14 défense qui ont été bien numérotées, etc. Je ne sais pas si,
15 éventuellement, la défense le fera.
16 M. le Président (interprétation): Mais qu'est-ce qu'on va faire avec les
17 déclarations préalables. Il y a les trois classeurs. Nous avons d'abord un
18 jugement, ensuite nous avons des lettres, la correspondance. Nous avons
19 également des déclarations préalables de témoins. Moi, je n'ai pas reçu
20 tous ces classeurs.
21 M. Stringer (interprétation): Monsieur le Président, mais je pense que je
22 l'ai déjà dit. J'ai dit quelle était notre attitude en ce qui concerne les
23 déclarations qui ont été signées par le témoin et qui ont été données par
24 le témoin, et notamment les déclarations qui ont été données devant les
25 autorités allemandes. Nous sommes d'avis que la Chambre d'instance
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1 pourrait donc éventuellement poser la question de l'authenticité, de la
2 fiabilité également de ces déclarations. De toutes façons, ces
3 déclarations ne peuvent pas constituer une preuve. Nous pourrions par
4 conséquent demander le versement au dossier de toutes les déclarations et
5 ne pas citer à la barre ces témoins. Il faut voir tout simplement quel est
6 le poids et la valeur probante de toutes ces déclarations, d'autant plus
7 que les déclarations données devant les autorités allemandes ont été
8 retirées par le témoin.
9 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Maître Meek.
10 M. Meek (interprétation): Certes, nous allons remettre au Bureau du
11 Procureur toutes les pièces à conviction et tous les documents. J'ai
12 aujourd'hui une réunion avec la Greffière, nous allons donc pouvoir
13 numéroter tous les documents. La photocopieuse n'a pas marché hier, c'est
14 la raison pour laquelle on n'a pas pu vraiment photocopier tous les
15 documents. Je pense que pendant la pause déjeuner nous allons pouvoir y
16 arriver, et tous les documents vont être remis au Bureau du Procureur et à
17 toutes les parties. Nous avons les trois classeurs, nous avons le jugement
18 et les trois lettres.
19 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Meek. La Chambre
20 d'instance décidera sur la question une fois que tous les documents auront
21 été remis à la Chambre.
22 Est-ce que nous sommes prêts pour entendre le témoin suivant?
23 M. Scott (interprétation): Oui, nous sommes prêts. Je voudrais tout
24 simplement, à titre d'introduction, dire quelques mots. Mais avant de le
25 faire entrer, Monsieur le Président, je vais vous informer de quelque
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1 chose.
2 Vous avez probablement remarqué hier après-midi qu'il y avait quelque
3 confusion à ce sujet-là. Nous avons donné une nouvelle liste modifiée des
4 témoins et c'est la raison pour laquelle nous allons donc prolonger les
5 auditions des témoins jusqu'à la moitié du mois novembre. Nous allons tous
6 faire pour mettre à jour cette liste des témoins, et ceci, de toute façon,
7 nous le ferons quelques semaines auparavant. Nous avons une liste pour les
8 30 jours à l'avance. Je pense que vous disposez de cette liste aussi bien
9 la Chambre que la défense. Moi, j'en ai informé la défense. Bien
10 évidemment, nous n'allons pas débattre maintenant, mais nous attendons que
11 la défense va également se comporter de la même manière vis-à-vis de nous
12 et qu'elle allait donc nous communiquer les listes 30 jours avant de citer
13 les témoins, comme nous l'avons fait.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, vous venez de me
15 rappeler également un certain nombre de témoins qui vont témoigner par la
16 conférence vidéo. Vous n'êtes pas sans savoir qu'au mois de novembre cette
17 Chambre d'instance aura d'autres obligations. C'est la raison pour
18 laquelle ces témoignages par vidéo conférence pourraient être organisés
19 début novembre ou début décembre.
20 M. Scott (interprétation): Je ne pense pas que ceci pourrait se faire au
21 début du mois de novembre si l'expérience, mon expérience est bonne à ce
22 moment-là. Je dois vous dire que ceci demande beaucoup de temps. Il est
23 indispensable d'envoyer également des requêtes officielles au Gouvernement
24 américain. C'est notre Procureur Carla del Ponte qui le fait et,
25 honnêtement parlant, je pense que le début du mois de novembre est quelque
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1 peu optimiste. Je pense que c'est plus tard que nous pourrions organiser
2 ce type de témoignage.
3 M. le Président (interprétation): Maître Meek, je vous en prie.
4 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, M. Scott, M. Stringer et
5 puis la défense également sont arrivés à un certain accord. Je vais en
6 parler avec M. Scott et M. Stringer, mais je pense que nous nous sommes
7 déjà mis d'accord sur le fait que nous ne faisons pas objection sur ce
8 type de procédure. Mais il y a un certain nombre de conditions que nous
9 avons posées, je suis sûr qu'ils vont convenir avec ce que nous allons
10 leur dire et que nous allons aboutir à un accord.
11 M. le Président (interprétation): En d'autres termes, Maître Meek.
12 M. Meek (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation): Par conséquent, vous allez donner votre
14 programme à temps? C'est le cas?
15 M. Meek (interprétation): Oui.
16 M. Scott (interprétation): Excusez-moi, je voulais commencer mais je vois
17 que Me Krsnik est levé.
18 M. Krsnik (interprétation): Je ne vais pas abuser de votre temps mais il
19 me faut quand même réagir à ce que mon éminent collègue a dit: qu'il
20 s'attend également à ce que la défense leur communique la liste des
21 témoins 30 jours avant, comme ils l'ont fait. Mais il est un fait que nous
22 avons déjà commencé le procès et que nous n'avons pratiquement du temps,
23 même pas pour prendre nos repas, à tel point nous sommes occupés.
24 Par conséquent, si on avait vraiment la liste des témoins 30 jours avant
25 le début du procès, à ce moment-là la défense aurait cru et aurait
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1 considéré que c'était correct de la part du Bureau du Procureur. Mais la
2 liste des témoins, nous l'avons eu deux jours avant l'ouverture du début
3 du procès et je ne peux pas ne pas réagir à ce qu'avait dit mon éminent
4 confrère, M. Scott.
5 M. le Président (interprétation): Mais si j'ai bien compris, Maître
6 Krsnik, le Bureau du Procureur vous a remis une liste par un ordre de
7 citation au sein de 30 jours.
8 Par conséquent, vous avez déjà cette liste pour pouvoir vous préparer pour
9 le contre-interrogatoire. Et là, je m'adresse à M. Scott: est-ce que c'est
10 exact?
11 M. Scott (interprétation): Oui, c'est exact. Je pense qu'il ne faut pas
12 débattre de cette question-là mais, si jamais il y a quelque chose qui
13 n'est pas clair, je vais vous demander de bien vouloir éventuellement nous
14 accorder un petit peu de temps pour pouvoir discuter de ces questions-là.
15 Parce qu'il n'est pas exact et il n'est pas correct de la part de Me
16 Krsnik de donner de telles déclarations; il le sait. Et moi, je suis
17 absolument prêt à remettre à la Chambre d'instance toute la correspondance
18 et tout ce que nous avons fait pour bien coopérer avec la défense.
19 M. le Président (interprétation): Merci. Je pense que vous allez faire
20 entrer le témoin et que vous allez également nous dire, très brièvement,
21 dans quel sens on peut considérer que son témoignage est pertinent.
22 M. Scott (interprétation): Il s'agit de M. Seid Smajkic. Il est Mufti; par
23 conséquent, c'est un chef religieux de Mostar du plus haut degré. C'est au
24 sujet des paragraphes 9 jusqu'à 11 de l'Acte d'accusation. Ensuite, des
25 allégations générales: paragraphe 21; chef d'accusation 1: "Persécutions":
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1 paragraphes 9 à 12; ensuite, paragraphes 46 à 47: chef 18: "Déplacements
2 forcés". Paragraphe 53: chefs 19 et 20: "Destruction des biens"; chef 22:
3 "Destruction des institutions religieuses": paragraphe 56.
4 (Le témoin, M. Seid Smajkic, est introduit dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Merci. Vous voulez bien donner la
6 déclaration solennelle?
7 M. Smajkic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je vous en prie, vous
10 pouvez disposer.
11 (Interrogatoire principal du témoin par Maître Scott.)
12 M. Scott (interprétation): Bonjour, Monsieur Smajkic. Auriez-vous
13 l'amabilité de décliner votre identité? Si vous voulez bien nous épeler
14 également votre nom et votre prénom?
15 M. Smajkic (interprétation): Bonjour, je m'appelle Seid Smajkic: S-E-I-D,
16 S-M-A-J-K-I-C.
17 Question: Vous êtes né en 1947, vous avez passé toute votre vie à Mostar
18 ou dans la région de Mostar: est-ce que c'est exact?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Est-il exact de dire qu'à peu près à partir de 1980, vous êtes
21 au poste de Mufti -nous allons donc donner la description de ce terme-,
22 vous êtes donc Mufti de Mostar?
23 Réponse: Oui, c'est exact. Absolument.
24 Question: Pourriez-vous très brièvement dire à la Chambre ce que c'est
25 qu'être Mufti, quelles sont vos responsabilités?
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1 Réponse: C'est le chef religieux dans la région. Par conséquent, cette
2 fonction comprend toutes les activités religieuses qui ont lieu dans une
3 région, dans le cas concret l'Herzégovine et un peu au-delà. C'est une
4 personne qui suit les activités religieuses, les écoles également qui sont
5 mises en place, les célébrations, les fêtes religieuses, les activités
6 touchant à l'organisation de tout ce qui concerne la communauté islamique.
7 Voilà. C'est pour la Chambre d'instance, c'est pour vous: ça correspond au
8 "bishop", l'évêque au sein de l'église catholique.
9 Question: Merci. Vous êtes depuis 1980 à ce poste: est-ce exact?
10 Réponse: Oui. En 1975, j'étais Mufti en exercice et depuis 1980,
11 effectivement, j'ai été désigné Mufti. J'ai cette distinction.
12 Question: Je pense que vous l'avez déjà dit dans votre réponse, mais je
13 voudrais être quand même mettre au clair: pourriez-vous nous dire quelle
14 est la région géographique sur laquelle vous avez vos prérogatives?
15 Réponse: C'est Konjic, Prozor, Jablanica au nord; Mostar, Ljubuski,
16 Tomislavgrad, Livno, Glamoc, Capljina, Stolac et Neum. Selon la
17 répartition actuelle au sein de la fédération, c'est Trebinje, Bileca,
18 Gacko, Nevesinje, Ljubinje, en Republika Srpska. Ça, ce sont donc les
19 régions où j'ai la responsabilité et les prérogatives.
20 Question: Comme vous l'avez dit précédemment, on pourrait par conséquent
21 appeler cette région "Herzégovine", est-ce que c'est exact?
22 Réponse: C'est exact.
23 Question: Maintenant, je voudrais dire quelque chose de plus concret en ce
24 qui concerne les zones particulières de votre responsabilité parce que
25 nous allons y revenir au cours de vos dépositions. Quelle est votre
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1 fonction par rapport aux fonctionnaires et autres responsables qui sont
2 vos subalternes? Excusez-moi si je ne me suis pas bien exprimé. Des
3 leaders religieux, si je peux dire ainsi.
4 Réponse: Eh bien, la municipalité a ses propres institutions. Il y a cette
5 communauté islamique; au niveau de la municipalité, elle comprend
6 également plusieurs imams. Et dans les organes du pouvoir, on peut
7 également intégrer les personnes civiles, notamment quand il s'agit des
8 affaires, des biens immobiliers, mobiliers, juridiques et autres. Alors
9 que pour ce qui concerne la vie proprement religieuse, on peut dire que
10 nous avons encore d'autres types d'organisation qui s'occupent donc de la
11 vie des fidèles. Et c'est moi qui suis le supérieur, bien évidemment.
12 Question: Mais est-ce que vous avez une responsabilité? Quelles sont vos
13 prérogatives en ce qui concerne le suivi des activités de toutes ces
14 personnes? Est-ce que ces communications vont d'en bas vers le haut, du
15 haut vers le bas?
16 Réponse: Mais dans les deux sens! Ça me paraît logique.
17 Question: Auriez-vous l'amabilité de dire à la Chambre, très brièvement,
18 concernant par conséquent vos tâches, vos responsabilités: quelles sont
19 l'organisation et la structure ou l'organigramme de votre communauté
20 islamique?
21 Réponse: En ce qui concerne les organes de la communauté islamique, il y a
22 d'abord -comme je l'ai dit- un certain nombre de structures au sein de la
23 municipalité. Nous avons besoin par exemple des établissements de culte,
24 tels que les mosquées. Il s'agit également d'un certain nombre d'autres
25 établissements dont nous avons besoin; par exemple, où on organise la
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1 catéchèse, où il faut donc leur apprendre des bases, les bases de la
2 formation religieuse.
3 Ensuite, nous avons également des locaux officiels, nous avons des
4 appartements de fonction également pour les imams, donc tout ceci doit
5 être géré en quelque sorte par la municipalité. Nous pouvons dire que
6 c'est au niveau municipal qu'ils ont pour tâche d'organiser la vie
7 religieuse, et ce sont eux qui sont responsables, qui me sont
8 responsables, qui sont responsables aux instances supérieures pour la mise
9 en applications de toutes ces activités, la mise en oeuvre de toutes ces
10 activités et la protection des établissements religieux.
11 Question: Excusez-moi mais je vais vous arrêter ici, juste un petit
12 moment. Vous nous avez relaté plein de choses en ce qui concerne
13 l'organisation de la vie religieuse, les organes également que vous avez
14 en place. Mais en ce qui concerne les mosquées, je voudrais vous poser la
15 question suivante: si par exemple une collectivité locale islamique
16 souhaite construire une mosquée dans son territoire, dans sa région, est-
17 ce que c'est vous qui devez donner un aval? Est-ce que c'est vous qui
18 devez également entendre une décision à ce sujet-là?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Je vais essayer de vous poser la question autrement. Si par
21 exemple, une mosquée dans une région avait été détruite, est-ce qu'il vous
22 appartient d'apprendre cela, est-ce qu'on vous en parlera? S'il s'agit
23 bien sûr de la zone de votre responsabilité.
24 Réponse: Oui, absolument.
25 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, avec votre permission je
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1 vais passer assez rapidement au mois d'avril 1992. Je voudrais, pour
2 éviter un vide total, poser un certain nombre de questions tendancieuses
3 pour guider le témoin à travers son curriculum vitae.
4 M. le Président (interprétation): Très bien.
5 M. Scott (interprétation): Monsieur Smajkic, est-il exact qu'à peu près au
6 début de 1992, ce qu'on appelle parfois "l'armée des Serbes et des
7 Monténégrins" a pris le contrôle de toute la région de Mostar contre à la
8 fois les Croates et les Musulmans ou les Bosniens de la région.
9 M. Smajkic (interprétation): Oui, ceci s'est produit au mois d'avril 1992.
10 Question: Très bien. Monsieur Smajkic, vous avez entendu ce que j'ai dit
11 au Président; donc peut-être que vous allez avoir l'impression qu'il
12 s'agit de questions très génériques. C'est peut-être vrai et je vais tout
13 simplement vous demander de me confirmer ces questions dont je vais vous
14 parler. Il s'agit de questions vraiment générales.
15 Donc, au mois d'avril 1992, est-il exact de dire qu'il y a eu un conflit
16 armé, que ce conflit s'est intensifié au cours du mois d'avril, entre le
17 mois d'avril et le mois de juin 1992?
18 Réponse: Oui, on peut dire que, même avant le 1er avril, il y a eu des
19 conflits, des combats sporadiques mais, à partir du mois d'avril, en
20 effet, ce conflit devient de plus en plus intense jusqu'au début du mois
21 de juin.
22 Question: Serait-il exact de dire, à nouveau pour faire une sorte
23 d'introduction, qu'au cours du printemps 1992, peut-être même un peu plus
24 tôt, la communauté bosnienne ainsi que la communauté croate, à des
25 différents degrés, ont collaboré ou bien ont tenté de collaborer pour
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1 s'opposer aux Serbes?
2 Réponse: Oui, c'est exact.
3 Question: Et ma dernière question dans cette série de questions: est-il
4 exact de dire que, vers la moitié du mois de juin 1992, les Serbes se sont
5 retirés de la ville de Mostar et ils se sont retirés vers des régions
6 montagneuses autour de Mostar?
7 Réponse: Oui, entre le 16 et le 18 juin 1992, c'est exact, oui. Grâce à
8 des efforts conjoints du HVO et de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, cela
9 s'est produit, en effet. C'est exact.
10 Question: C'est justement la prochaine question que je voulais vous poser.
11 Monsieur Smajkic, il a été dit -et la Chambre a entendu dire- que c'est
12 uniquement grâce aux Croates du HVO que ces Serbes ont été repoussés de la
13 ville de Mostar: est-ce exact, d'après vous, d'après ce que vous savez?
14 Réponse: J'ai été témoin de tout cela parce que j'étais présent dans la
15 ville de Mostar, la ville encerclée par l'agresseur -comme nous avons
16 l'habitude de l'appeler- serbe et monténégrin. Et je sais pertinemment que
17 le HVO ou le côté croate, met souvent en avant sa supériorité concernant
18 le rôle qu'ils ont joué dans la défense de la ville, en mettant en marge
19 en quelque sorte le rôle joué par les Bosniens.
20 Mais je peux vous dire, je peux vous affirmer, de bonne foi, que le plus
21 grand nombre de victimes se trouvait du côté bosnien et que les Bosniens,
22 bien sûr dans les cadres des unités du HVO, ont joué ce rôle décisif pour
23 repousser les Serbes de Mostar. Bien qu'après tous ces événements,
24 évidemment, on peut faire des évaluations après coup et on peut dire que…
25 C'est-à-dire que je crois que les Serbes ont été "chassés" de Mostar par
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1 une sorte d'accord, mais bien sûr, nous pourrions en parler de façon plus
2 détaillée.
3 Question: Peut-être que nous allons en parler, mais nous allons avancer
4 pour l'instant.
5 Mais, puisque vous avez parlé de cela, vous avez dit que cette expulsion
6 des Serbes de Mostar correspondait en réalité à une sorte d'accord:
7 pourriez vous, s'il vous plaît, puisque vous en avez parlé, l'expliquer
8 davantage pour les Juges de la Chambre?
9 Réponse: En sachant quelles étaient les forces serbes, monténégrines et
10 les forces de la JNA dans la vallée de la Neretva, il paraît parfaitement
11 incroyable pour un spectateur impartial de voir de quelle façon, en
12 quelques jours, aussi rapidement, on a pu faire une telle percée et
13 chasser de telles forces en dehors de la ville de Mostar, et même au-delà
14 de la vallée de la Neretva.
15 Question: Je vais vous poser une question à nouveau pour essayer de
16 terminer ce sujet. S'ils n'ont pas été chassés par la force, comment se
17 fait-il que ces forces serbes se soient retirées? De quelle façon, comment
18 cela s'est-il produit?
19 Réponse: Bien sûr qu'il y a eu des opérations de combat, qu'il y a eu des
20 morts, mais une telle action-éclair n'était pas possible. On ne pouvait
21 pas en arriver à un tel résultat. Ce n'était pas possible de les forcer à
22 se retirer, de forcer ces forces à se retirer là où elles se sont
23 retirées.
24 Je sais qu'il y a eu un certain nombre d'accords de passés entre le côté
25 croate et le côté serbe autour de la ville de Mostar. Et moi-même, je
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1 pourrais dire que j'ai participé à un tel événement pour ainsi dire.
2 Question: Très bien. Nous allons abandonner ce sujet pour un instant.
3 Peut-être que nous allons y revenir d'ailleurs dans quelques instants
4 mais, ayant en tête ce que vous avez dit, je voudrais attirer votre
5 attention sur un événement ou un document.
6 Vous souvenez-vous qu'à peu près le 29 avril 1992 un document a été signé
7 entre différents membres de la communauté croate et de la communauté
8 bosnienne concernant la défense de la ville de Mostar?
9 Réponse: Oui, je suis parfaitement au courant de cela et je vous remercie
10 de m'avoir rappelé ce document puisque beaucoup de choses se sont
11 produites depuis. Et il est exact que, vu le temps qui s'est écoulé, il
12 est difficile de se rappeler de tous les événements dans l'ordre
13 chronologique. Si par exemple on n'a pas les documents sous les yeux,
14 c'est difficile de se remémorer, de se rappeler tous ces documents comme
15 ça, de tête.
16 Effectivement, je suis au courant de ce document et je connais son
17 contenu.
18 Question: Très bien.
19 Je vais demander à l'huissier de nous aider. Je ne sais pas si ceci a déjà
20 été fait. Nous disposons d'un dossier des pièces à conviction que nous
21 avions l'intention d'utiliser avec ce témoin. Je pense que les conseils de
22 la défense ont déjà reçu ces documents. Il s'agit de documents qui sont
23 placés, de façon générale, en ordre chronologique et en suivant leur
24 numérotation. Je dis "de façon générale" parce que peut-être qu'il y
25 aurait quelques exceptions.
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1 J'espère, Monsieur le Président, que ceci va faciliter l'examen de ce
2 dossier.
3 M. le Président (interprétation): Maître Scott, nous vous avons donné la
4 permission de poser un certain nombre de questions en guidant le témoin en
5 suivant les événements de 1992 et nous avions espéré que vous alliez
6 arriver directement aux événements de 1993.
7 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais dire à la
8 Chambre, en toute bonne foi, que nous allions parler assez longuement de
9 la période de la deuxième moitié de 1992, puisque vous en avez entendu
10 parler des autres témoins. Il s'agit du moment où le HVO a pris le pouvoir
11 dans la région. Je vais donc essayer de passer assez rapidement par cette
12 période, mais je vous dis que nous avons beaucoup de choses à discuter
13 pendant cette période-là.
14 M. le Président (interprétation): Très bien. Ce n'est pas le premier
15 témoin, de toute façon, qui en parle.
16 M. Scott (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
17 M. le Président (interprétation): J'espère que vous allez avoir ceci en
18 tête.
19 M. Scott (interprétation): C'est exact. Peut-être que je vais aider la
20 Chambre et vous, Monsieur le Président, si je vous dis que c'est peut-être
21 la dernière question que je vais poser au témoin aujourd'hui. Nous allons
22 ensuite, après ce témoin, passer à une autre catégorie de témoins et, avec
23 tout le respect que je dois à la Chambre, c'est la dernière occasion pour
24 le Bureau du Procureur d'entendre ce contexte, le contexte de l'affaire,
25 donc d'entendre parler de façon générale de ces événements. Je vais de
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1 toute façon m'efforcer d'aller le plus rapidement possible, et je peux en
2 tout cas vous affirmer que c'est le dernier témoin de ce genre.
3 M. le Président (interprétation): Très bien. Vous pouvez continuer.
4 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
5 Monsieur Smajkic, je vais vous demander d'examiner ce dossier contenant
6 les pièces à conviction et qui se trouve sous vos yeux. Vous allez voir
7 que souvent sont placées d'abord les traductions en anglais et ensuite
8 suivent les traductions en langue BCS pour la Chambre, et parfois en
9 langue française. Malheureusement pour le Juge Diarra, pas toujours; nous
10 ne disposons pas toujours de ces traductions.
11 Je vais attirer votre attention sur la pièce P125. Est-ce que vous
12 pourriez tout d'abord examiner ce document pour un instant? Il s'agit donc
13 d'une copie de la décision en date du 29 avril 1992.
14 M. Smajkic (interprétation): Oui.
15 Question: Après avoir entendu parler le Président et en suivant son
16 conseil pour ainsi dire, je vais vous demander tout de suite de parler des
17 différentes phrases qui se trouvent dans le document. Donc je vais tout de
18 suite, si vous me le permettez, vous demander d'examiner ces portions-là.
19 Il a été dit, Monsieur Smajkic, que par ce document, le HDZ donc le parti
20 croate de Bosnie, le HDZ ou le HVO, a été donné les droits, par ce
21 document on leur a donné le droit de prendre la ville de Mostar. Est-ce
22 exact?
23 Réponse: Non, ce n'est pas exact. Le HVO a eu uniquement la responsabilité
24 de la défense de la ville de Mostar, alors que la cellule de crise est
25 restée une autorité civile, mais le HVO a utilisé ce prétexte pour faire,
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1 pour ainsi dire, un putsch et pour prendre le pouvoir civil pour créer le
2 gouvernement de guerre de Mostar. Ils ont donc pris le contrôle aussi bien
3 au niveau civil que militaire de la ville de Mostar. Aussi, on a laissé la
4 possibilité ouverte pour le ministère des Affaires intérieures qui fait
5 partie des forces de la défense ainsi qu'à la Défense territoriale qui
6 était composée exclusivement de forces bosniennes, donc on leur a laissé
7 la possibilité de continuer à exister. Aussi dans un des points…
8 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, avec votre permission?
9 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y, Maître Seric.
10 M. Seric (interprétation): Le témoin n'a pas répondu à la question du
11 Procureur. Par sa réponse, il devine quelles étaient les pensées des
12 autres, il en tire des conclusions qui n'ont aucun lien avec la question.
13 Et je veux vous demander de ne pas prendre en compte cette réponse.
14 M. Krsnik (interprétation): Moi aussi, j'élève une objection mais elle est
15 différente, d'une autre nature. Moi, je veux vous dire que le témoin ici
16 est un homme de religieux, ce n'est pas un politique et je ne pense pas
17 qu'il soit en mesure de faire des évaluations politiques. Je pense que ces
18 questions-là devraient être interdites au Procureur. Il ne s'agit pas ici
19 d'un expert en politique.
20 M. le Président (interprétation): Je pense que tout le monde a le droit
21 d'avoir une opinion concernant la politique, quelle que soit sa
22 profession. Donc, dans ce cas précis, ces questions sont permises. Mais il
23 y a toutefois un problème tout de même avec les réponses.
24 Monsieur le Témoin, je vais vous demander de vous efforcer de répondre
25 clairement aux questions posées par le Procureur et de ne pas vous étendre
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1 de façon superflue par rapport aux questions posées.
2 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie de vos
3 conseils. Je dois dire que j'ai posé la question au témoin de savoir si
4 c'était vrai ou si ce n'était pas vrai; le témoin m'a répondu que c'était
5 vrai. Donc je pense qu'il s'agissait d'une réponse directe, il a répondu
6 de façon directe à ma question. C'est vrai qu'ensuite, il a continué, il a
7 élaboré quelque peu.
8 En tout cas, je vais essayer de lui poser des questions spécifiques.
9 Monsieur Smajkic, par exemple, je voudrais vous demander de parcourir ce
10 document et ceci va structurer quelque peu votre déposition. Donc
11 pourriez-vous, s'il vous plaît, vous rendre en bas de la première page en
12 version BCS. Au premier paragraphe, donc, on parle de membres du ministère
13 de l'Intérieur.
14 Est-ce que qu'à l'époque, à l'époque de la signature de ces documents, il
15 s'agissait d'un organe multiethnique, d'une force de police multiethnique?
16 M. Smajkic (interprétation): Oui.
17 Question: Et après la signature de ces documents, que s'est-il passé avec
18 cette force de police? Que s'est-il passé après la signature de ces
19 documents?
20 Réponse: Après, quand le HVO a pris le pouvoir, eh bien, la structure de
21 commandement de la police a été changée. Donc sont restées en fonction,
22 uniquement les personnes qui étaient favorables à l'option politique de la
23 Communauté croate d'Herceg-Bosna.
24 Question: Je vais attirer votre attention sur le prochain paragraphe, le
25 paragraphe 3, où il est dit que "le HVO consiste en des membres
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1 appartenant aux peuples musulmans et croates".
2 Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire à la Chambre s'il y avait des
3 Musulmans qui avaient des postes d'importance, de commandement au sein du
4 HVO? Est-ce qu'il y en avait qui étaient Musulmans?
5 Réponse: Non, non, pas aux postes de commandement.
6 Question: Maintenant, je vais attirer votre attention sur la première
7 partie du paragraphe n°4. Il est écrit que "la composition ethnique des
8 soldats d'active va refléter la composition de la population".
9 Est-ce que ceci s'est passé? Est-ce que les officiers du commandement du
10 HVO correspondaient à la composition ethnique du HVO, c'est-à-dire au
11 caractère multiethnique du HVO?
12 Réponse: Non, non. Ces officiers, les cadres, eh bien, en tout cas ceux
13 qui étaient importants, venaient tous du côté croate.
14 Question: Pour être plus efficace, en pensant à ce qu'a dit M. le
15 Président, en ce qui concerne les paragraphes 5 et 6, il est écrit que "la
16 structure ethnique de ces institutions de police, de renforcement de la
17 loi, devraient correspondre ou refléter la composition ethnique des
18 soldats d'active".
19 Pourriez-vous nous dire si c'était exact? Est-ce que les forces de
20 l'application de la loi et des structures juridiques ont effectivement pu
21 refléter la composition ethnique de la communauté?
22 Réponse: Non, pas du tout. Ceci n'a pas été le cas. C'est vrai que, dans
23 ce document, il est écrit que "ces représentations devraient être
24 proportionnelles". Cependant, c'est le HVO qui a pris le pouvoir: ce sont
25 eux qui ont créé cette police militaire et cette police militaire a
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1 marginalisé l'autorité de la police civile. Donc le ministère de
2 l'Intérieur qu'ils ont créé, eh bien, ils ont licencié tous les Musulmans
3 qui se trouvaient dans la structure de la police et toutes ces personnes
4 qui ne reconnaissaient pas l'autorité croate et qui n'étaient pas loyaux.
5 Donc ils ont tous été licenciés.
6 Question: Je voudrais maintenant à nouveau attirer votre attention sur les
7 paragraphes allant de 7 à 9.
8 Je vais vous poser la question suivante: dans les deux paragraphes, on
9 parle de la reconnaissance ou de la nécessité de prendre en considération
10 les organes légaux de la République de Bosnie-Herzégovine. Pourriez-vous,
11 s'il vous plaît, décrire à la Chambre quelle était l'attitude du HVO par
12 rapport au Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo?
13 Réponse: Eh bien, ce gouvernement tout simplement ignorait les autorités
14 de la République de Bosnie-Herzégovine. Il a étouffé, pour ainsi dire, le
15 travail de la cellule de crise et s'est approprié toutes les autorités
16 civiles, ce qui était parfaitement contraire à l'esprit de la loi de
17 l'Etat de Bosnie-Herzégovine. La cellule de crise devait créer un conseil
18 exécutif de la municipalité de Mostar pour permettre aux organes civils de
19 la municipalité de fonctionner. Cependant, le HVO a complètement détruit
20 cela et s'est approprié totalement le pouvoir. Donc, un mois plus tard, le
21 président de la municipalité, élu de façon légale, s'est retiré; il s'est
22 retiré -il s'agissait de Gagro-, il s'est retiré en guise de protestation,
23 puisqu'il ne pouvait pas continuer à faire son travail.
24 Question: Et pour rafraîchir la mémoire des Juges de la Chambre, M. Gagro
25 était un Croate: est-ce exact, Monsieur le Témoin?
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1 Réponse: Oui, c'est exact.
2 Question: Avant de continuer dans votre réponse, vous avez parlé de ce
3 gouvernement-ci. Vous avez dit que ce gouvernement-ci avait ignoré toutes
4 les institutions de la Bosnie-Herzégovine. Pourriez-vous dire à quel
5 gouvernement vous pensez exactement?
6 Réponse: Je pense au gouvernement de guerre, à la présidence de guerre de
7 la ville de Mostar, présidé par M. Jadranko Topic.
8 Question: Et il appartenait à quel parti politique?
9 Réponse: Au HDZ, la Communauté démocratique croate.
10 Question: Environ à ce moment-là, après l'accord du 29 avril, on vous a
11 demandé d'aller à Split, en Croatie, afin de faire une apparition à la
12 télévision croate?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Est-ce que vous pourriez relater cela à la Chambre? Veuillez
15 faire un récit en employant vos propres termes, mais essayez d'être
16 concis, s'il vous plaît.
17 Réponse: J'ai reçu la demande de faire partie d'une émission télévisée à
18 Split, avec la délégation constituée d'un politique bosnien et d'un chef
19 religieux; et, de l'autre côté, se trouveraient un homme politique croate
20 et un représentant de la communauté catholique. Le jour prévu, nous sommes
21 venus au studio, à Split, et nous avons été accueillis avec de véritables
22 ovations. Je n'ai pas compris tout de suite ce qui se passait. Cependant,
23 on s'est approché de M. Topic pour le féliciter du poste du maire de la
24 ville de Mostar. Son frère, Marin, qui était avec lui, a dit "qu'enfin,
25 les Croates ont reçu leur capitale". A la question directe posée par le
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1 présentateur à M. Topic, la question de savoir qui, pour lui, était le
2 Président de la Bosnie-Herzégovine, quelle était la personne que lui
3 reconnaissait comme Président, il a déclaré publiquement que c'était Mate
4 Boban.
5 M. Scott (interprétation): Qu'avez-vous compris par rapport à votre rôle
6 là-bas, compte tenu de ce que vous venez de dire? Pourquoi est-ce qu'il
7 voulait que vous veniez? Est-ce que vous pouvez nous le dire, sur la base
8 de ce que vous avez vu et entendu?
9 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
10 M. Meek (interprétation): Objection, Monsieur le Président. Puisque cette
11 question invite le témoin à procéder à une spéculation pure et simple.
12 M. Scott (interprétation): Je vais reformuler.
13 M. le Président (interprétation): Allez-y.
14 M. Scott (interprétation): Je ne vous demande pas d'essayer de vous mettre
15 dans la tête de quelqu'un d'autre, mais qui vous a invité à Split?
16 M. Smajkic (interprétation): Ce sont les personnes du Conseil de la
17 défense croate. Et Ismet Hadziosmanovic, qui était à l'époque le Président
18 du SDA, m'a invité et a envoyé un homme politique, Camil Salahovic, et il
19 s'est adressé directement à moi pour me demander de représenter la
20 communauté musulmane. Il a été dit que ce Camil Salahovic allait parler de
21 la politique lors de cette réunion, que je ne devais pas traiter de la
22 politique, mais que je devais lancer un appel pour demander de l'aide
23 humanitaire pour la ville de Mostar, qui était déjà assiégée et pilonnée à
24 l'époque. De toutes façons, les caméras devaient enregistrer et garder les
25 traces du fait que les Musulmans et les Croates constituaient un seul
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1 front à l'époque. C'était ce qui était prévu et c'est pour cela que nous
2 devions y aller.
3 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric.
4 M. Seric (interprétation): J'ai une objection par rapport à la dernière
5 partie de la réponse de ce témoin: parce qu'encore une fois, il exprime
6 son opinion par rapport aux intentions de quelqu'un d'autre. Je ne pense
7 pas qu'il s'agisse là de la manière appropriée de déposer.
8 M. Scott (interprétation): Je vais répondre brièvement. Je ne demande pas
9 au témoin de faire cela; peut-être, parfois, mes questions sont mal
10 comprises mais je ne les pose pas de manière à inviter le témoin à
11 spéculer. Mais je pense que le témoin peut parler de ses observations, de
12 ce qu'il a vu se passer autour de lui et il peut adopter ses propres
13 conclusions par rapport à ce qui s'est passé et il peut faire part de cela
14 avec la Chambre.
15 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric?
16 M. Seric (interprétation): Je n'ai absolument pas d'objection par rapport
17 aux questions mais à la fin de la réponse du témoin. Le témoin a commencé
18 à parler de ce qu'il pensait que quelqu'un d'autre pensait.
19 M. le Président (interprétation): Non, je ne le pense pas. Je pense que le
20 témoin a donné une réponse parfaite à la question. Au moins, nous savons
21 quel était son rôle lors de cet entretien télévisé, et ceci nous intéresse
22 beaucoup.
23 Poursuivez, Monsieur Scott.
24 M. Scott (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
25 Je vais reparler maintenant de ce dont vous nous venez de nous parler.
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1 Lorsqu'on vous a demandé d'aller à Split pour faire une apparition à la
2 télévision croate, est-ce qu'on vous a demandé ou est-ce qu'on vous a dit
3 de vous mettre dans vos habits religieux entièrement? En tant que Mufti,
4 est-ce que vous deviez porter votre robe de service?
5 M. Smajkic (interprétation): Oui.
6 Question: Et est-ce que qui que soit vous a dit ce à quoi on s'attendait
7 de vous lors de cette émission télévisée?
8 Réponse: Non, pas à Mostar. Cependant, dans le studio, ils s'attendaient à
9 ce que de notre part également nous soutenions cette option, l'option
10 représentée par Mate Boban.
11 Question: Et pendant la période que vous avez passée là-bas, est-ce que
12 d'autres représentants, M. Topic ou les autres, est-ce qu'ils ont parlé de
13 la rivière de Neretva? Est-ce que la rivière de Neretva a fait l'objet de
14 la discussion?
15 Réponse: Je n'ai pas reçu la traduction mais j'ai pu comprendre la langue
16 anglaise.
17 A la question posée par le présentateur à M. Topic, la question de savoir
18 quelle était la limite des frontières posées à Mostar, il a dit que
19 c'était la rivière de Neretva. Donc cela veut dire qu'à ce moment là,
20 selon l'option prévue par les hommes politiques croates, Mostar devait
21 être divisée en parties croate et serbe.
22 Moi, je ne suis pas un homme politique, Monsieur le Président, Mesdames
23 les Juges, mais à ce moment-là l'homme politique qui devait intervenir au
24 nom du parti musulman, du parti politique musulman, il s'est agenouillé
25 pour implorer M. Topic pour que celui-ci dise que le but du HVO est de
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1 libérer l'ensemble du territoire de la ville de Mostar, et non pas de
2 parler de la rivière de Neretva qui devait diviser la ville en deux
3 parties. Je me souviens très, très bien du fait qu'il a dit qu'il n'osait
4 pas retourner dans la ville de Mostar ni apparaître devant le peuple
5 bosnien, à moins que Topic ne retire cette déclaration.
6 Question: Avant de poursuivre pour le compte rendu, veuillez nous dire
7 quel était le nom de cet homme musulman, ce deuxième représentant bosnien
8 ou musulman qui a demandé cela à M. Topic?
9 Réponse: C'était Camil Salahovic surnommé "Limi", un avocat.
10 Question: Et avez-vous assisté à l'occasion, lorsque M. Topic a répondu à
11 la demande de M. Salahovic?
12 Réponse: Il n'y a pas d'interprétation.
13 Oui.
14 Question: Excusez-moi. Veuillez nous dire si vous rencontrez des
15 problèmes.
16 Ma question était de savoir si vous étiez présent lorsque M. Topic a
17 répondu à M. Salahovic, lorsque M. Salahovic lui a parlé de ses
18 préoccupations?
19 Réponse: J'étais présent. La télévision a arrêté de diffuser le programme,
20 et une discussion véhémente s'est entamée concernant cette demande de M.
21 Salahovic et cette déclaration de M. Topic; mais il ne l'a pas reniée, il
22 ne l'a pas retirée.
23 Question: Passons maintenant à autre chose. Est-ce qu'approximativement à
24 ce moment-là, vous avez appris qu'un accord avait été passé entre les
25 Croates et les Serbes concernant les frontières en Bosnie-Herzégovine?
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1 Réponse: Bien sûr, tout ceci poussait à croire qu'il y avait un accord qui
2 avait été établi par avance entre les Serbes et les Croates concernant la
3 division du territoire. Et ceci était d'ailleurs évident sur le terrain.
4 Question: Je souhaite attirer l'attention de la Chambre à la pièce à
5 conviction suivante, à savoir 126.1. Ceci se trouve dans le classeur que
6 tout le monde a reçu, y compris M. Smajkic. Je dois vous dire que ce
7 document existe seulement en anglais, au moins en ce qui concerne les
8 parties que j'ai pu examiner moi-même.
9 Réponse: Oui.
10 Question: Les Juges de la Chambre ont déjà vu cela. Je demanderai de
11 l'aide aux interprètes. Et je demanderai que l'on passe à la page 2,
12 paragraphes 1, 2 et 3.
13 Et puisque ceci n'est pas en BCS, je vais vous lire cela et vous poser
14 plusieurs questions.
15 1) "Dans la ville de Mostar la partie serbe ne concerne que la rivière de
16 Mostar, constitue la frontière alors que le camp croate considère que
17 l'ensemble de la ville appartient au camp croate."
18 2) "Le sud de Mostar, le camp croate considère que l'ensemble du
19 territoire délimité en 1939, autrement dit les frontières de
20 Hrvatska/Banovina doivent faire partie de l'unité constitutive croate. La
21 partie serbe considère que la rivière de Neretva doit constituer la
22 frontière entre les parties croate et serbe."
23 Je pense que nous n'avons pas besoin d'examiner le paragraphe 3.
24 Maintenant, je souhaite attirer votre attention sur le paragraphe 6:
25 "Compte tenu de l'accord…"
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1 Je vais ralentir, je m'excuse.
2 "Compte tenu de l'accord décrit ci-dessus, il n'y a plus de raison d'un
3 conflit armé entre les Croates et les Serbes sur l'ensemble du territoire
4 de la Bosnie-Herzégovine." Ce document a été rédigé le 6 mai 1992, à 24
5 heures, et porte les noms de Radovan Karadzic et Mate Boban.
6 Voici ma question: en ce qui concerne ce qui vient de vous être lu, est-ce
7 que vous pourriez nous dire si vous avez eu connaissance de ce genre de
8 développement, autour du mois de mai ou juin 1992?
9 Réponse: Je n'avais pas ce document devant moi. En ce qui concerne
10 l'accord Karadzic et Boban, nous savons qu'une telle rencontre a eu lieu.
11 Cependant, je ne connaissais pas le contenu de cet accord. Cependant, je
12 peux vous assurer du fait que ce qui se passait sur le terrain
13 correspondait tout à fait à ce document. Donc peut-être qu'il y a eu
14 quelques petites variations concernant les rapports entre les Serbes et
15 les Croates; peut-être qu'au début, la frontière prévue était la rivière
16 Neretva et peut-être qu'après, compte tenu de l'échange des territoires,
17 cette frontière a été déplacée pour inclure les frontières de l'ancienne
18 Banovina; ça, c'est vrai.
19 Mais en ce qui concerne mes contacts avec les forces armées serbes dans la
20 vallée de la Neretva, pendant l'agression encore, j'ai pu voir une forte
21 résistance provoquée par le retrait de la vallée de la Neretva, en vertu
22 de cet accord. Et ils étaient ouvertement fâchés avec leurs responsables
23 politiques et Karadzic à cause du fait d'avoir accepté de se retirer
24 ainsi, sans une forte résistance, de la vallée de la Neretva.
25 M. Scott (interprétation): Très bien. Je souhaite, Monsieur Smajkic, vous
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1 poser encore quelques questions concernant ce sujet. Ensuite, nous allons
2 en terminer avec ce document.
3 Vous venez de mentionner les frontières de la Banovina: d'après vous,
4 Banovina représentait quoi?
5 M. Smajkic (interprétation): Il s'agissait de la création de l'ancienne
6 Croatie, opérée lors de la Deuxième Guerre mondiale et nous pouvons dire
7 aussi à l'époque de l'Etat de Pavelic. Je vais être encore plus ferme et
8 dire que la raison pour laquelle j'ai dit que, parfois, ils faisaient
9 semblant, par exemple le HVO faisait semblant de lancer une offensive,
10 sans vraiment essayer de s'emparer des territoires, lorsqu'ils
11 atteignaient les frontières de la Banovina: je ne l'ai pas dit par hasard,
12 puisque les forces armées de la Bosnie-Herzégovine, si elles le
13 souhaitaient, auraient pu pénétrer plus loin. Cependant le HVO, qui était
14 notre partenaire à l'époque, refusait d'aller au-delà des frontières de la
15 Banovina. C'est un signe tout à fait clair et convainquant.
16 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric?
17 M. Seric (interprétation): Je fais objection à la partie de la réponse du
18 témoin dans laquelle le témoin parle de ses connaissances historiques,
19 comme s'il était un expert, alors qu'il avance des faits complètement
20 erronés s'agissant de la Banovina.
21 M. le Président (interprétation): Eh bien, d'une part, le témoin exprime
22 son opinion concernant ces événements et ceci peut concerner
23 éventuellement un certain contexte historique.
24 D'autre part, Monsieur Scott, nous avons passé presque une heure en
25 traitant de ce contexte et nous n'avons toujours pas pu réaliser si tous
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1 ces événements concernent les parties pertinentes de l'Acte d'accusation.
2 Vous n'avez même pas encore mentionné le nom de l'accusé, M. Naletilic
3 "Tuta".
4 Nous devons entendre les dépositions directes concernant les accusés et
5 non pas un ensemble de déclarations concernant le contexte dans lequel les
6 événements se déroulaient à Mostar. Nous savons que le contexte nous est
7 important, mais si nous avons trop d'informations, nous finirons par être
8 perdus.
9 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je suis tout à fait
10 d'accord avec vous et le Procureur essaie de prouver, entre autres choses,
11 que la conduite à laquelle ces accusés ont participé faisait partie d'une
12 campagne systématique et étendue, et d'un plan systématique et répandu; et
13 que ceci se basait sur les critères religieux, politiques et ethniques. Et
14 qu'ils n'agissaient pas de manière individuelle, mais que leur
15 comportement faisait partie d'un schéma, d'un plan concocté par le HVO, le
16 HDZ et soutenu par le Gouvernement croate, dès 1992 et même avant.
17 Et nous nous trouvons face à l'exigence de prouver cela. Lors de la
18 procédure préalable au procès, j'ai compris que, malheureusement, la
19 Chambre n'avait pas accepté cela.
20 Je vois que Me Seric aura une objection, mais je souhaite d'abord
21 terminer. Au cours de la période préalable au procès, nous avons demandé
22 aux conseils de la défense des deux accusés d'accepter un certain nombre
23 de points.
24 Nous avons fourni à la défense un accord potentiel sur les faits, y
25 compris les faits que je viens de mentionner. Ils ont refusé, ils ont
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1 contesté absolument tout, ils n'ont jamais accepté d'exprimer leur accord
2 sur quoi que ce soit.
3 Donc il y a 150 faits portant sur le contexte qu'ils ont refusé
4 d'accepter. Donc je sais qu'ils ont le droit de le faire, mais ceci ne
5 laisse pas d'autre choix au Procureur que de prouver tous ces faits.
6 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Seric?
7 M. Seric (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je suis d'accord
8 avec vous et le Procureur essaie, par le biais de ce témoin qui doit
9 parler des faits, de lier mon client à une création qui existait pendant
10 la Deuxième Guerre mondiale; c'était une création oustachi et je pense
11 qu'il est complètement absurde de demander à ce témoin-là de déposer au
12 sujet de ce genre de questions.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, nous considérons qu'il
14 nous est très important d'entendre ce témoin, mais nous souhaiterions que
15 vous le fassiez de la manière la plus concise et la plus efficace
16 possible.
17 M. Scott (interprétation): Oui, je vais essayer de le faire conformément à
18 vos instructions exprimées, il y a quelques minutes. Je vais essayer de
19 procéder de manière plus efficace. Mais, si je le fais, dans ce cas-là, à
20 un moment, je ferai objection et j'essaierai de me plier aux instructions
21 que la Chambre me donnera.
22 Pour terminer, Monsieur le Président, en ce qui concerne ce document, j'ai
23 encore deux questions et, ensuite, nous pourrons passer à autre chose.
24 Lorsque vous avez entendu parler de ces événements, qui se sont déroulés
25 approximativement à ce moment-là et qui concernent la rencontre entre
Page 4003
1 Karadzic et Boban, dans la ville de Graz en Autriche, est-ce que vous avez
2 jamais appris si des représentants bosniens ont été invités à assister à
3 ces pourparlers lors desquels il fallait dresser les frontières de la
4 Bosnie-Herzégovine?
5 M. Smajkic (interprétation): Il n'y a pas eu de représentant bosnien.
6 Question: Et ma dernière question concernant cela: est-ce que vous savez
7 quelle a été la réponse de la Communauté bosnienne à Mostar? Qu'avez-vous
8 pu observer en tant que leader religieux musulman? Quelles étaient les
9 réactions de la population face à ce plan ou ce document qui prévoyait la
10 division de l'Herzégovine?
11 Réponse: Le peuple bosnien était absolument contre toute division de
12 l'Herzégovine ou de la Bosnie-Herzégovine puisque, lors de cette année-là,
13 la Bosnie-Herzégovine constituait un Etat reconnu mondialement et reconnu
14 par les Nations Unies et même par la Croatie elle-même.
15 Et je souhaite, avec la permission des Juges, dire la raison pour laquelle
16 je me suis retrouvé moi-même dans ce contexte politique, même s'il ne
17 s'agissait pas là de mes activités prioritaires -et ceci constituera à la
18 fois la réponse à votre question-: c'est parce que la population bosnienne
19 s'est adressée à moi. Ils n'étaient pas encore avec la décision de céder
20 le pouvoir au HVO; ils se sentaient trahis par leur leader bosnien parce
21 que leurs responsables politiques ne disaient rien, ne prenaient aucune
22 mesure afin d'empêcher ce genre d'activités.
23 Question: Monsieur Smajkic, je souhaite maintenant que vous examiniez les
24 pièces à conviction 157.7, 162.1 et 162.2; il s'agira des documents
25 suivants qui font partie du classeur. Veuillez le faire en tenant compte
Page 4004
1 des instructions des Juges.
2 Est-ce que vous reconnaissez ces trois documents en tant que documents à
3 la rédaction desquels vous avez participé? Est-ce que vous êtes au courant
4 de ce dont il s'agit?
5 Réponse: Oui, j'ai participé activement à tous les stades de la
6 préparation de ces documents.
7 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire, brièvement, quelle était la
8 raison pour laquelle ces communiqués de presse ont été rendus publics? Le
9 premier date du 10 juillet 1992, le deuxième du 8 août 1992 et le
10 troisième du 9 août 1992. De quoi s'agissait-il? Pourquoi ces communiqués
11 ont-ils été rédigés et quel était leur but prévu?
12 Et je procède ainsi, Monsieur le Président, afin de ne pas passer trop de
13 temps en traitant des documents de manière individuelle.
14 Réponse: Ces documents reflètent le souhait de toutes les institutions
15 bosniennes, qu'il s'agisse des institutions militaires, civiles,
16 politiques et autres, de régler les questions, de régler les problèmes
17 avec les Croates, puisqu'ils ne souhaitaient pas suivre le développement
18 entamé. Nous avons donc souhaité obtenir un traitement sur pied d'égalité
19 en ce qui concerne la représentation politique, la langue, l'affectation
20 des personnes aux fonctions importantes, puisque les personnes étaient
21 nommées aux postes importants en vertu des décrets du HVO.
22 Et puis, nous prévoyions un accord de gentleman, qui devait être traduit
23 dans la vie réelle afin d'écarter tous les problèmes éventuels et toutes
24 les violences qui commençaient déjà à se sentir dans la vie de tous les
25 jours.
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1 Donc nous avons souhaité éviter tout conflit et nous avons souhaité
2 procéder à la libération de Mostar et de l'ensemble du territoire,
3 ensemble, avec eux. Puisque nous avons pu voir qu'ils ne souhaitaient pas
4 cela; dans la réalité, j'ai pu voir que, lorsqu'on s'emparait d'un certain
5 nombre de territoires et lorsqu'on pouvait s'emparer d'autres territoires,
6 le camp croate ne souhaitait pas aller plus loin. Donc, clairement, il y
7 avait des entraves posées par les responsables du HVO, alors que nous
8 avions les symboles et les insignes conjoints et que nous souhaitions
9 absolument adopter une position claire et ferme par rapport à
10 l'adversaire, par rapport aux criminels de guerre; nous souhaitions
11 protéger les valeurs de civilisation et autres: les valeurs religieuses et
12 traditionnelles, et autres, de tous les peuples.
13 M. Scott (interprétation): Je vais vous arrêter, Monsieur Smajkic. Je vois
14 qu'il est 11 heures.
15 Monsieur le Président, j'ai encore quelques questions seulement concernant
16 ce document. Ensuite, je passerai à autre chose.
17 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons reprendre nos travaux à
18 11 heures 30.
19 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 37.)
20 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik, c'est à vous la
21 parole.
22 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, mon
23 client a été obligé de quitter le prétoire, de passer un examen médical
24 d'urgence. Il ne sent plus le côté son côté gauche, du tout, depuis ce
25 matin; donc on l'a emmené d'urgence dans un centre médical, je ne sais pas
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1 où, pour l'examiner.
2 Bien évidemment, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous pouvons
3 poursuivre. C'est toujours également le souhait de mon client. Mais est-ce
4 qu'on pourrait travailler jusqu'à une heure, aujourd'hui, pour que je
5 puisse me rendre dans la cellule de détention, dans le quartier
6 pénitentiaire pour voir comment ça va avec sa santé? Puis, je vais vous en
7 informer demain matin, à 9 heures 30, Monsieur le Président.
8 M. le Président (interprétation): Nous sommes évidemment désolés
9 d'apprendre que votre client se trouve mal. J'espère vivement qu'il sera
10 examiné d'urgence par le médecin mais, d'un autre côté, je ne peux qu'être
11 content d'apprendre de vous que nous pouvons poursuivre en son absence,
12 pour ce qui concerne la matinée.
13 Pour ce qui concerne l'après-midi, je pense tout d'abord qu'il nous faut
14 obtenir le rapport du médecin, donc savoir si votre client va pouvoir
15 poursuivre le procès, notamment au cours de l'après-midi, et c'est pendant
16 la pause déjeuner que nous nous attendons à ce que vous-même, ou
17 éventuellement le quartier pénitentiaire, nous en informera. Et c'est
18 alors que nous allons prendre la décision concernant votre demande.
19 Est-ce que vous êtes d'accord, s'il vous plaît, Maître Krsnik?
20 M. Krsnik (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, est-ce que vous êtes
22 prêt à demander à votre témoin de rentrer dans le prétoire?
23 M. Scott (interprétation): Oui, tout à fait.
24 (Le témoin, M. Seid Smajkic, est introduit dans le prétoire.)
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, je vous en prie, vous
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1 pouvez poursuivre.
2 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
3 Monsieur Smajkic, en ce qui concerne les documents qui vous ont été remis
4 avant la pause, je serai obligé, en fonction de vos réponses, de vous
5 poser un certain nombre de questions au sujet de chaque document. Je vais
6 vous demander d'être très précis dans vos réponses, donc de répondre
7 directement aux questions.
8 Tout premièrement, la pièce à conviction P157.1.
9 Est-ce que vous vous souvenez du fait que ce document, ensemble avec
10 d'autres, a été envoyé à M. Jadranko Topic?
11 M. Smajkic (interprétation): Je ne vois pas très bien, excusez-moi.
12 Question: Mais il s'agit de la pièce à conviction P157.1; il s'agit des
13 fondements des relations politiques entre les Croates et les Musulmans.
14 Est-ce que vous avez ce document?
15 Réponse: Oui, oui. Tout à fait. Excusez-moi, je n'ai pas vu le début.
16 Question: Bien. Evidemment, je ne vais pas dire qu'il s'agit d'un document
17 qui a été envoyé directement à M. Topic, mais c'est ce que j'aimerais
18 savoir par vous, si vous savez si le document en question, ensemble avec
19 d'autres, a été remis à M. Topic?
20 Réponse: Oui, je le sais. Je le sais d'autant plus qu'à gauche, vous voyez
21 la signature du président du SDA: c'est M. Ismet Hadziosmanovic. Il y a
22 donc la signature qui y figure. Il s'agit du parti politique qui est un
23 parti politique en partenariat avec le HDZ.
24 Question: Il serait peut-être utile d'attirer votre attention sur la toute
25 dernière page de ce document, en version BCS. Est-ce que qu'il y a votre
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1 signature également qui y figure, qui y est apposé, s'il vous plaît?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et maintenant, si vous voulez bien nous aider? En chiffre
4 romain, n°II et p -donc c'est un deuxième alinéa- il est marqué: "Nous
5 demandons un statut d'égal à égal entre les Musulmans et les Croates"?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Est-ce que la communauté bosnienne avait considéré à partir du
8 mois de juillet 1992 qu'effectivement il y avait un traitement et un
9 statut d'égal à égal entre les forces armées musulmanes et croates?
10 Réponse: Non, ça n'a jamais été le cas. Et c'est la raison pour laquelle
11 d'ailleurs tous ces documents ont été rédigés au fur et à mesure et en
12 fonction de la situation politique sur le terrain. On avait un appui mais
13 c'était un appui, plutôt des mots et des paroles, des promesses. Mais dans
14 la pratique, c'était tout à fait le contraire par rapport à ce qui était
15 convenu sur les textes et dans les textes, parce qu'il y avait donc une
16 chose qui a été proclamée et d'autres choses qui se passaient sur le
17 terrain.
18 Question: Maintenant, j'aimerais vous inviter à voir un paragraphe sous le
19 numéro romain III, il y a une référence à la police. Quelle était la
20 situation au sein de la police? Est-ce que c'était à peu près la même
21 situation? Est-ce qu'on peut dire par exemple que c'était quelque chose de
22 contraire par rapport à ce qui est contenu dans ce document? Est-ce que
23 cette requête correspond véritablement à ce qui se passait sur le terrain,
24 parce que tout simplement il n'y avait pas assez de parité, il n'y avait
25 pas d'équilibre, il n'y avait pas la parité entre les Musulmans et les
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1 Croates qui était respectée au sein des forces de la police?
2 Réponse: Oui, c'est tout à fait exact.
3 Question: Et le chiffre romain IV, deuxième phrase -je cite-: "Tous les
4 insignes officiels ainsi que les tampons doivent également porter les
5 symboles, les emblèmes de Bosnie-Herzégovine".
6 Pourriez-vous dire à la Chambre, très brièvement, quelle était la
7 situation à cette époque-là? Et ceci concernant les insignes, les
8 symboles, les emblèmes, les armoiries, enfin tout ce qui a été a été
9 arboré à cette époque-là ou hissé ou porté sur les documents, apposé sur
10 les documents, etc.?
11 Réponse: Eh bien, dans les documents, quand il s'agissait des documents
12 issus du HVO il n'y avait aucun symbole, aucun tampon qui aurait signalé
13 l'existence de Bosnie-Herzégovine. Tout le contraire. Il n'y avait que des
14 tampons, des symboles croates qui étaient totalement contraires aux actes
15 normatifs, à la Constitution et à tous les principes juridiques retenus et
16 sur la base desquels a fonctionné la Bosnie-Herzégovine.
17 En effet, on peut dire que c'était une communauté qui a été organisée
18 selon l'exemple de la République de Croatie, je parle de la communauté de
19 croate d'Herceg-Bosna qui avait pris pour modèle les institutions de la
20 République de Croatie. C'est la raison pour laquelle tous ces symboles,
21 tous ces emblèmes voulaient dire que c'étaient les Croates qui libéraient
22 le territoire, qu'il n'y avait pas de Bosnien d'ailleurs. C'est comme ça
23 que se comportaient aussi bien les dirigeants du HDZ que du HVO à
24 l'époque.
25 Question: Merci. Monsieur Smajkic, nous allons parcourir les documents en
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1 vitesse. La Chambre aura éventuellement des questions supplémentaires à
2 vous poser tout à l'heure à la fin de votre déposition.
3 Nous allons passer maintenant à la pièce à conviction 162.1, donc c'est le
4 document suivant dans votre classeur. J'ai quelques questions tout
5 simplement. Auriez-vous l'amabilité de nous dire comment vous avez rédigé
6 le document, qui l'avait signé, comment il a été produit? Vous ne l'avez
7 pas signé mais est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose au sujet de
8 ce document?
9 Réponse: Mais il s'agit du 8 août 1992, n'est-ce pas, du document qui
10 porte cette date: 8 août 1992?
11 Question: Oui, tout à fait.
12 Réponse: Eh bien, il s'agit d'un document qui constitue l'expression de la
13 volonté du peuple bosnien qui s'exprime au sujet…, donne sa position au
14 sujet des questions importantes de l'époque concernant la guerre, les
15 institutions illégales, le droit et coutumes de guerre. Ce n'est pas
16 l'individu qui pourrait arbitrer, dans un cas ou l'autre, ce qui est
17 arrivait. La protection de tous les citoyens et les résidents du
18 territoire que nous avons contrôlé. Donc cela exprime la volonté et la
19 position du peuple bosnien vis-à-vis de tout cela, de tous ces éléments.
20 Certes, je n'ai pas signé ce document mais c'est une résolution en effet
21 qui a été rédigée par un groupe d'intellectuels de Mostar. Il y en avait
22 152, 152 Bosniens intellectuels au total qui ont rédigé cette résolution.
23 Ils ont distribué à Mostar, Konjic, Jablanica, cette résolution. Ils ont
24 demandé que le document soit signé par les citoyens, par les résidents. Il
25 y en avait plus de 10.000 qui l'ont signé!
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1 Question: Et maintenant, si vous voulez bien voir le paragraphe 1,
2 quatrième paragraphe dans ce même chapitre. Je vais vous donner du temps
3 pour lire. C'est une phrase qui commence: "Les Musulmans s'emploient pour
4 un Etat unifié, souverain de Bosnie-Herzégovine, et ne reconnaissent
5 aucune entité para étatique". Est-ce que c'était véritablement une
6 attitude générale, principale de la communauté bosnienne?
7 Réponse: Oui, tout à fait.
8 Question: Et maintenant, nous allons passer à la pièce à conviction 162.2,
9 le document suivant.
10 Il s'agit d'un documentaire qui, tel qu'il se présente, traite d'un
11 certain nombre de questions par lesquelles on exprime la préoccupation au
12 sujet des réfugiés, des Bosniens qui se déplacent vers des régions en
13 dehors de Mostar. Est-ce exact, Monsieur le Témoin?
14 M. Smajkic (interprétation): Oui, il s'agit de l'accueil de réfugiés en
15 provenance de territoires qui ont été sous le contrôle des Serbes. Quand
16 les Serbes se sont retirés de Mostar, les réfugiés ont afflué vers Mostar
17 et, notamment, il s'agissait de réfugiés de Nevesinje, de Gacko;
18 actuellement, c'est la Republika Srpska.
19 M. le Président (interprétation): Un petit moment. Maître Meek, je vous en
20 prie?
21 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, en ce
22 qui me concerne, sur l'écran que je suis, je vois que la transcription
23 s'est arrêtée et à partir de la quinzième ou seizième ligne. Je ne sais
24 pas si c'est le cas partout.
25 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, est-ce que vous
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1 voulez vérifier?
2 M. Scott (interprétation): Oui, effectivement, Me Meek a raison; moi,
3 c'est pareil: la transcription s'est arrêtée. Un problème technique.
4 Est-ce qu'on va essayer? Je pense que le compte rendu se poursuit.
5 M. le Président (interprétation): Oui, tout à fait.
6 M. Scott (interprétation): Excusez-moi, mais je vais essayer de reformuler
7 les questions de tout à l'heure; on avait un problème technique.
8 Par conséquent, on est en train de parler de la pièce à conviction 162.2.
9 Je pense qu'il n'y a pas de réponse de votre part dans le compte rendu. Il
10 s'agit de l'évacuation, plutôt de déplacements des Musulmans et des
11 réfugiés bosniens, ceux qui sont arrivés à Mostar.
12 Pourriez-vous dire à la Chambre quel était le problème lié aux réfugiés,
13 aux personnes déplacées? Qu'est-ce qui s'était passé sur place?
14 M. Smajkic (interprétation): Mais, en effet, il y avait des forces serbes
15 qui ont persécuté un certain nombre de populations. C'est la raison pour
16 laquelle, de l'Herzégovine de l'Est, il y a un certain nombre de réfugiés
17 et de personnes déplacées qui sont arrivés à Mostar. Et moi-même, j'ai
18 accueilli un certain nombre de réfugiés; notre communauté religieuse
19 également.
20 Mais la partie croate ne voulait pas que ces gens-là restent à Mostar et
21 ils ont préparé des bus, même pas des bus mais des camions, des camions
22 pour transporter ces gens-là à Zenica où, d'après eux, devaient habiter
23 des Musulmans. Bien évidemment que nous, nous étions réticents et nous
24 avons montré cette réticence de manière très ferme pour ce comportement.
25 Mais, d'un autre côté, ils accueillaient -ceci pour éclairer la Chambre-,
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1 ils acceptaient volontiers les Croates qui arrivaient à Mostar Est. Et
2 d'un côté, par conséquent, on a essayé d'évacuer les Bosniens de Mostar et
3 de faire venir les Croates d'autres territoires à Mostar pour pouvoir
4 justement aboutir à l'objectif qui fut le leur.
5 Par conséquent, le document en question représente une démarche que les
6 Bosniens ont entreprise à l'égard du Gouvernement croate; nous avons tout
7 simplement dit, dans le document, que la déportation des Bosniens ne se
8 passerait pas facilement.
9 Question: Bien. Nous allons poursuivre, toujours en nous référant à ce
10 même document.
11 Vous avez dit que, tout au contraire, il y avait des Croates qui étaient
12 des réfugiés et qu'on les a laissés rester, qu'on ne les a pas expulsés,
13 qu'on ne les a pas déportés, n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui, c'est tout à fait cela.
15 Question: Maintenant, nous allons passer sur d'autres points.
16 Monsieur Gagro a été élu par les Croates à la tête de la cellule de crise.
17 Je pense qu'il avait déployé des efforts pendant un certain temps encore
18 pour que la cellule de crise puisse se maintenir comme un organe de
19 pouvoir conjoint?
20 Réponse: Oui, c'était au cours du mois de mai; donc depuis le 29 avril
21 jusqu'à la fin du mois de mai, il a déployé des efforts dans ce sens et
22 après, il n'avait plus aucun rôle. C'est la raison pour laquelle il avait
23 démissionné.
24 Question: Qui a réduit ce rôle, anéanti ce rôle?
25 Réponse: Le HVO.
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1 Question: Pourriez-vous répondre à la question suivante?
2 Quand le HVO a pris le pouvoir à Mostar ou le HDZ, est-ce qu'ils ont
3 travaillé à partir des institutions qui existaient déjà, des institutions
4 gouvernementales de la République de Bosnie-Herzégovine, ou bien est-ce
5 qu'ils ont créé de nouvelles institutions?
6 Réponse: Ils avaient créé de nouvelles institutions de sorte que nous
7 avions des institutions séparées, la police -ou le MUP- et toutes les
8 autres institutions.
9 Question: La Chambre doit savoir déjà que M. Boban était le président de
10 l'Herceg-Bosna. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre s'il y a jamais
11 eu une élection démocratique où des Bosniens avaient voté en faveur de
12 Boban pour le poste de Président?
13 Réponse: Non, pas du tout. De la même façon qu'ils avaient fait ce coup
14 militaire dans les organes du pouvoir, eh bien! de la même façon, ils ont
15 fait ce putsch-ci au sein même du HDZ de Bosnie-Herzégovine. De sorte que
16 le président légalement élu, M. Kljujic, avait été destitué; ensuite, M.
17 Brkic, jusqu'à ce que la personne qui devait mettre en oeuvre ce plan ne
18 soit élue. Donc les plans provenant des Accords de Karadordzevo ou plus de
19 Graz.
20 Question: Monsieur Smajkic, je vais vous arrêter là. Nous allons
21 continuer.
22 Monsieur le Président, je vais à nouveau poser un certain nombre de
23 questions en guidant le témoin. Evidemment, il appartient aux Juges de la
24 Chambre de décider si je peux le faire ou non.
25 Est-il correct, Monsieur, qu'au cours de cette période, à la suite de la
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1 prise du pouvoir par le HVO à Mostar, le bureau de poste à Mostar était
2 renommé "le bureau de poste croate"?
3 Je n'examine pas de document. Pourriez-vous tout simplement répondre à ma
4 question?
5 Réponse: Non. Pas seulement la poste d'ailleurs. Toutes les institutions
6 dans la ville se sont appelées dorénavant des "institutions croates". Par
7 exemple, la diffusion en eau, la distribution d'eau devenait la
8 "Distribution de l'eau croate". Chaque entreprise, chaque institution
9 s'appelait "croate", avait reçu cet adjectif.
10 Question: Pourriez-vous dire ce qui s'est passé dans les écoles publiques
11 à Mostar, en ce qui concerne les programmes scolaires et la langue?
12 Réponse: Eh bien! tout de suite, on a commencé à utiliser le programme
13 croate. L'université, qui s'appelait avant l'"Université Dzemal Bijedic",
14 a été renommée "Université croate de Mostar". En ce qui concerne les
15 conseils exécutifs, c'était surtout des Croates avec deux ou trois
16 Bosniens considérés comme loyaux qui étaient gardés. Ensuite, c'est la
17 langue croate qui a été utilisée dans les écoles. Aussi ils ont essayé
18 d'introduire les manuels croates dans les programmes, mais nous ne l'avons
19 pas accepté.
20 Autrement dit, c'est vraiment les Croates qui ont pris un rôle
21 prépondérant, poussant les Bosniaques dans la marge de la culture,
22 religion, etc. Leurs droits n'étaient plus reconnus.
23 Question: Je vais passer au document suivant.
24 Je vais vous poser la question suivante: est-ce que vous avez entendu
25 parler, est-ce que vous avez eu des réunions, est-ce que vous avez parlé
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1 avec M. Topic ou un autre dirigeant du HVO appelé Jadranko Prlic,
2 concernant cette question de l'utilisation de la langue dans l'école? Et
3 si c'était le cas, pourriez-vous nous dire quand?
4 Réponse: Eh bien! je vais être très bref. A la fin du premier semestre
5 1993, nous avons rencontré M. Prlic et son équipe. Ils sont venus au
6 bureau du SDA de l'époque. Nous voulions résoudre ces problèmes de
7 l'utilisation de la langue puisque, dans tous les diplômes, dans les
8 livrets scolaires, il était écrit que nos enfants apprennent la langue
9 croate. Et nos professeurs, les membres du corps enseignant d'origine
10 bosnienne ont boycotté l'enseignement; ils ne voulaient pas continuer avec
11 le deuxième semestre de l'année scolaire 1992/1993. Et même les enfants,
12 ils ne voulaient plus aller à l'école.
13 Donc M. Prlic est venu me voir pour discuter de cette question avec moi.
14 Ils m'ont demandé d'être présent, ce sont les Bosniens qui m'ont demandé
15 d'être présent. Puisqu'ils me faisaient confiance, ils voulaient que je
16 sois présent. Et puisque des politiciens du SDA, lors d'autres réunions
17 qui se sont déroulées précédemment, avaient perdu toute crédibilité
18 puisque, à chaque fois qu'il y avait des discussions avec le HVO et le
19 HDZ, eh bien, ils faisaient des concessions. Donc à cette occasion-là, M.
20 Prlic a déclaré que la langue bosniaque, bosnienne, n'existait pas tout
21 simplement.
22 Question: Je n'ai pas voulu vous interrompre. Excusez-moi, mais, à la fin
23 de ces négociations, est-ce que vous pourriez nous dire quel était le
24 résultat? Donc M. Prlic a dit tout simplement que la langue bosnienne
25 n'existait pas, c'est cela?
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1 Réponse: Oui, oui, c'est cela.
2 Question: Peut-être que les Juges de la Chambre n'ont pas encore entendu
3 parler de M. Prlic. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire qui était
4 cette personne-là, Jadranko Prlic?
5 Réponse: Jadranko Prlic était le Président du Gouvernement de la
6 Communauté croate d'Herceg-Bosna, donc c'était le Premier ministre croate,
7 enfin l'homme le plus influent dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna.
8 Question: Nous allons examiner le document suivant: le document P168.1.
9 Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit, s'il vous plaît?
10 Réponse: Eh bien! vous parlez de ces documents à l'en-tête de la
11 Communauté croate du HDZ?
12 Question: Excusez-moi, je pense que c'est le document précédent. Il s'agit
13 d'une sorte de certificat ou quelque chose comme cela?
14 Réponse: Oui, oui, c'est vrai. Eh bien! c'est bien le document dont je
15 parlais. On voit clairement que, dans l'année scolaire 1992-1993, une
16 personne bosnienne, qui a suivi des études secondaires dans le domaine de
17 l'électricité, eh bien! on voit que la première langue étudiée, c'est la
18 langue croate. Voyez, c'est la première matière enseignée.
19 Et vous pouvez aussi voir qu'au fond de ce document, on voit l'écusson
20 croate: c'est un symbole croate en arrière-fond du document. Donc
21 l'écusson qui se trouve sur le drapeau croate.
22 Question: Je vais vous interrompre un instant -excusez moi-, puisque je
23 préfère vous entendre me répondre de façon plus succincte.
24 Donc vous avez parlé de ce symbole et je voudrais que tout le monde puisse
25 le voir. Vous parlez de ce symbole qui se trouve en arrière-plan, au
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1 milieu de la page?
2 Réponse: Oui, c'est exact.
3 Question: Donc ce qui se trouve derrière le texte, en arrière-plan du
4 texte? Vous parlez de ce damier, n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui, oui. C'est exact: c'est un symbole croate.
6 Question: Et en haut de cette page, n'est-il pas écrit: "La Communauté
7 croate d'Herceg-Bosna"?
8 Réponse: Oui, oui. Herceg-Bosna.
9 Question: Donc, en voyant le nom de cette personne, vous pouvez dire qu'il
10 s'agit d'un étudiant musulman?
11 Réponse: Oui, oui, je le connais personnellement, je connais sa famille.
12 Question: Est-ce qu'à un endroit quelconque de ce certificat d'étude, il
13 est écrit qu'il a étudié la langue bosniaque?
14 Réponse: Non.
15 Question: Donc, quand vous dites qu'on parle de la langue croate, vous
16 parlez de la première ligne dans le paragraphe encadré où il est écrit en
17 langue croate "Hrvatski jezik".
18 Réponse: Oui. Si je peux ajouter, ce document a été imprimé à Grude, au
19 début de 1992, comme vous pouvez le voir.
20 Question: Donc vous parlez de ce qui se trouve en bas de page, à gauche,
21 n'est-ce pas?
22 Réponse: Oui, oui. Donc cela veut dire que ce document avait été préparé
23 dès le début de 1992, dès que la Communauté croate avait été constituée
24 puisqu'elle a été constituée au mois de novembre 1991; donc il y a eu tout
25 de suite une suite logistique de séparer l'Etat et on a préparé les
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1 documents qui allaient corroborer l'existence de cet Etat.
2 Question: Donc la date que vous voyez en bas de page, à gauche, il semble
3 qu'il s'agit du mois de janvier 1992?
4 Réponse: Oui, oui.
5 Question: Je pense que les Juges de la Chambre vont tirer leurs propres
6 conclusions de cette information.
7 Monsieur le Témoin, je voudrais continuer pour gagner du temps, puisque
8 nous allons parler de beaucoup de choses différentes. Et vous avez vous-
9 même évoqué un certain nombre de sujets. Bien sûr, la Chambre, les Juges
10 de la Chambre vont pouvoir vous poser des questions eux-mêmes.
11 Maintenant, je vais parler de membres bosniens ou musulmans du HVO, à
12 l'époque. Pourriez-vous nous dire s'il est exact que la communauté
13 bosnienne avait proposé, en réalité désigné, demandé des symboles communs,
14 c'est-à-dire un symbole qui pourrait être porté aussi bien par les soldats
15 croates que bosniens? Un symbole qui serait neutre, commun aux deux
16 groupes? Est-ce que cela s'est produit?
17 Réponse: Oui, je suis au courant de cela. Très bien même, parce que j'ai
18 vu les symboles proposés moi-même, personnellement. Seulement, il n'y
19 avait que le côté bosnien qui était prêt à accepter de tels emblèmes. Par
20 exemple, on a proposé que, d'un côté d'un symbole, d'un insigne, se trouve
21 le lys, le symbole bosnien et, de l'autre côté, le symbole croate, la
22 composante croate du HVO. Cependant, le côté croate n'a jamais accepté. Il
23 s'agissait pourtant d'une intention plutôt bonne.
24 Question: Donc, pour que ceci soit clair, on a proposé, on a fabriqué un
25 symbole qui avait d'un côté le lys, le symbole de la République de Bosnie-
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1 Herzégovine et, de l'autre côté, le symbole du HVO? Vous pensez par
2 exemple au damier croate?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Est-ce qu'il existait des insignes arborant de tels symboles?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Est-ce que vous avez vu des soldats musulmans porter de tels
7 insignes?
8 Réponse: Oui, j'en ai vu beaucoup puisque, au début, ils ont porté de tels
9 insignes. Ils l'ont porté pendant une certaine période, mais comme le côté
10 croate ne l'a jamais accepté, eh bien! ils ont abandonné l'idée.
11 Question: Nous allons passer au document suivant. Il s'agit de la pièce
12 P173.1. Je pense que c'est le document suivant dans votre dossier.
13 Pourriez-vous examiner ce document et nous dire si vous que connaissez ce
14 document?
15 Réponse: Quelle est la date du document, s'il vous plaît?
16 Question: Le 14 septembre 1992. Monsieur le Président, je peux dire à la
17 Chambre que c'est l'avant-dernier document se référant à l'année 1992.
18 Monsieur le Témoin, connaissez-vous ce document?
19 Réponse: Oui.
20 Question: S'agit-il d'une nouvelle communication venant de la part de la
21 communauté bosnienne, où elle fait état des différents griefs de la
22 Communauté, à l'époque?
23 Réponse: Oui, c'est précisément cela. Dans un des paragraphes, on dit
24 qu'il faudrait corriger toute une série d'erreurs systématiques, faites
25 par le HVO, et qui ont nui aux rapports entre les Croates et les Bosniens.
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1 Vous avez le document sous vos yeux. Je ne voudrais pas le commenter trop
2 longuement, mais on voit toute une série de faits. Mais ce qui est surtout
3 important pour moi dans ce document, c'est le fait que ce document avait
4 été signé par le président du Conseil régional du SDA, le Dr Ismet
5 Hadziosmanovic, un homme qui était respecté aussi bien par le côté croate
6 que par nous-mêmes. Donc s'il avait signé ce document, eh bien, ceci
7 corrobore l'existence de ces problèmes, de ces discriminations, tout aussi
8 bien au niveau civil qu'au niveau militaire, qui existaient à l'époque.
9 Par exemple, c'est très important de faire état d'un point où l'on dit que
10 le HVO avait interdit le travail de la Radio Mostar et qu'il a appelé,
11 comme il est écrit, le poste de Radio croate, la Radio croate. Donc c'est
12 devenu la Radio croate de Mostar, avec les Croates qui y travaillaient;
13 ils devaient informer le public dans le sens qui leur convenait.
14 Question: Monsieur Smajkic, je voudrais vous poser deux questions avant
15 d'en terminer avec ce document. Je vais vous demander de regarder à peu
16 près à la moitié du document: il s'agit du paragraphe n°2; à peu près n°2.
17 Apparemment, il y a en tout 15 paragraphes.
18 Donc est-ce qu'on parle à nouveau ici de ces insignes communs, des efforts
19 de la communauté bosnienne pour aboutir à l'utilisation des insignes
20 communs?
21 Réponse: Oui, c'est exact. On en parle dans ce paragraphe.
22 Question: En ce qui concerne le paragraphe n°6, pourriez-vous nous dire ce
23 qui s'est passé avec les biens des réfugiés bosniens, quand on les
24 envoyait soit en République de Croatie soit ailleurs? Que s'est-il passé
25 avec leurs biens mobiliers ou immobiliers?
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1 Réponse: Eh bien, tous leurs biens avaient été confisqués, surtout les
2 voitures et tous les biens qu'ils avaient sur eux. Aussi l'aide
3 humanitaire qui traversait ces territoires n'aboutissait pas à leur
4 adresse bosnienne.
5 Question: Est-ce qu'il y a eu un changement de taille suite à cette lettre
6 signée par M. Hadziosmanovic? Est-ce qu'on a satisfait aux demandes de la
7 communauté bosnienne, à une quelconque de ces demandes?
8 Réponse: Non, absolument rien n'a changé.
9 Question: Excusez-moi de vous poser une question que j'ai omis de vous
10 demander. Il s'agit du paragraphe 15: il s'agit de votre rôle.
11 Dans le paragraphe 15 donc, on parle de la restriction de circulation des
12 hommes de religion. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé à l'époque,
13 quelle était la situation à l'époque?
14 Réponse: La police du HVO, qui se trouvait à tous les points de contrôle
15 aux sorties de la ville, refusait toute circulation. Elle ne laissait
16 passer personne, sortir de la ville, sans une autorisation préalable.
17 Nous, par exemple, dans les territoires de municipalités de Capljina et
18 Stolac, en dehors de Mostar, des fois il fallait qu'on se rende à des
19 funérailles pour y faire un service religieux. Eh bien, nous ne pouvions
20 pas recevoir des autorisations pour de tels déplacements. Donc nous en
21 avons informé M. Hadziosmanovic -c'était notre représentant politique- et
22 nous lui avait parlé de ce problème: nous lui avons demandé de tenter de
23 résoudre ce problème puisque qu'il fallait le faire avec le HDZ et le HVO.
24 Question: Très bien. Je vais vous demander maintenant d'examiner le
25 document P190; c'est le document suivant. Je vais vous poser deux
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1 questions au sujet de ce document.
2 Vous reconnaissez ce document, n'est-ce pas?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Et ce document vous est adressé? A la première page, on voit
5 qu'il est adressé à Mufti Seid Smajkic?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Vous souvenez-vous des circonstances dans lesquelles M. Jadranko
8 Topic vous a adressé cette lettre, le 11 novembre 1992?
9 Réponse: Eh bien! j'avais demandé à M. Topic, qui était à l'époque le
10 représentant du pouvoir, de me trouver des bureaux puisqu'à l'époque, je
11 travaillais du côté ouest de la ville, dans des locaux très simples, dans
12 ce qui était avant le foyer des élèves où se trouvaient aussi des réfugiés
13 de Nevesinje et des autres villes ou villages.
14 Il ne s'est pas beaucoup préoccupé de ma demande. Mais, en revanche, il a
15 réussi à trouver des locaux, d'excellente qualité, pour mon confrère,
16 l'évêque Peric.
17 Question: Monsieur le Témoin, je vais vous arrêter un instant. Je vais
18 vous demander de porter votre intention au deuxième paragraphe de la
19 lettre de M. Topic où il dit quelle est la position du HVO à l'époque.
20 Réponse: Monsieur Topic a fourni à l'évêque les bâtiments d'un grand
21 homme, de Bosniaques, du maire de Mostar. Et ces locaux ont été donnés à
22 l'évêque. Moi, j'étais contre cette décision puisque j'ai considéré qu'il
23 s'agissait d'une décision illégale puisqu'il ne représentait pas
24 l'autorité légale de Bosnie-Herzégovine. S'il avait été aussi le maire de
25 ma ville à moi, il se serait débrouillé pour me trouver des locaux à moi
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1 aussi. Et c'est pour cela qu'il m'a envoyé cette lettre, pour me menacer,
2 pour me dire que je devrais m'occuper de mes affaires et pas de la
3 politique.
4 Question: Je vais revenir au paragraphe n°2.
5 Pourriez-vous nous dire si, dans ce paragraphe, se trouve un résumé de la
6 position du HVO à l'époque?
7 Réponse: Oui, je le vois.
8 Question: Je vais maintenant attirer votre attention sur un autre
9 paragraphe qui commence par: "Nous regrettons de voir…" allant jusqu'à la
10 fin. Est-ce que c'est de cela que vous parliez quand vous avez dit qu'on
11 vous a dit de dégager, pour ainsi dire?
12 Réponse: Oui, c'est bien cela, c'est bien cet épisode-là; c'est de cela
13 que je parlais. Moi, je considérais que cette décision était illégale et
14 j'ai protesté. Je lui ai envoyé ma protestation par écrit. Moi, j'étais
15 bien content qu'il trouve les locaux pour l'évêque, c'est normal, mais
16 lui, il m'avait dit personnellement, il m'a dit: "Je ne peux pas dormir,
17 l'évêque vient me voir demain". Et moi, je lui ai dit que moi-même, je
18 participais à la cérémonie de consécration de l'évêque. Je suis allé à
19 Ravno pour cette cérémonie. Et j'étais bien content d'ailleurs qu'il ait
20 ces locaux, mais j'ai voulu aussi avoir mes locaux à moi.
21 Mais lui, il m'a répondu que tout ceci dépendait de moi. Ce que j'ai
22 compris de la façon suivante: j'ai compris qu'il voulait que je me
23 soumette à leur volonté, que je reste bien modeste et que je renonce aux
24 intérêts, à la défense des intérêts du peuple bosnien.
25 Question: Nous allons continuer, s'il vous plaît.
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1 Je vais vous poser la question suivante, juste pour rappeler à la Chambre
2 un autre événement: est-il exact que, vers la fin de l'année 1992, un
3 homme qui s'appelait Ziad Demirovic est nommé au poste du président
4 régional du SDA remplaçant M. Hadziosmanovic.
5 Réponse: Oui, Zijad. Z-I-J-A-D.
6 Question: Oui. Excusez-moi, je me suis trompé.
7 Réponse: Oui, il est devenu le Président du Conseil régional du SDA pour
8 la Bosnie-Herzégovine.
9 Question: Nous allons passer au mois de janvier 1993. Pourriez-vous dire
10 aux Juges de la Chambre s'il y a eu des ultimatums faits par le HVO au
11 mois de janvier 1993? Et si tel est le cas, pourriez-vous nous en parler?
12 Réponse: Il y avait sans arrêt des ultimatums. Pour parler le plus
13 brièvement possible, nous, le peuple bosnien et la population bosnienne de
14 la République de Bosnie-Herzégovine, nous avons reçu l'ultimatum selon
15 lequel, avant le 20 janvier, il fallait se soumettre au commandement du
16 HVO, sinon le HVO allait désarmer ou plutôt les expulser sur des
17 territoires qui, selon eux, étaient des territoires musulmans.
18 Question: Monsieur Smajkic, je vais essayer de procéder très rapidement
19 avec vous. Veuillez examiner avec moi les pièces à conviction P214 et
20 P215.
21 Pour le compte rendu d'audience, j'indique que le premier est la décision
22 de Jadranko Prlic du 15 janvier 1993, alors que le deuxième document est
23 l'ordre donné par Bruno Stojic, le ministre de la Défense croate, en date
24 encore une fois du 15 janvier.
25 Je souhaite que vous examiniez ces documents brièvement en langue BCS.
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1 Est-ce que ce qui figure dans ces documents correspond à ce que vous savez
2 des événements qui se sont déroulés sur le terrain en janvier 1993?
3 Réponse: Je n'ai pas examiné ces documents, mais les Bosniens étaient très
4 angoissés à l'époque. Ils demandaient que nous exprimions notre volonté
5 lors d'une réunion conjointe puisqu'il s'agissait des questions de la vie
6 et de mort, puisque nous avons pris cet ultimatum très au sérieux et nous
7 comprenions que le HVO était prêt à réaliser leur menace. C'est pour cela
8 que nous nous sommes réunis, nous avons élaboré un certain nombre de
9 documents et nous avons les avons envoyés à tous les acteurs importants,
10 pour que ceux-ci empêchent la réalisation de ces menaces, puisque nous
11 voyions qu'un bain de sang était imminent et que la situation allait se
12 dégrader pour aller dans un sens non souhaité.
13 Comme je l'ai dit, je n'ai pas vu ces documents-là, mais des hommes
14 politiques, des militaires du corps d'armée disposaient de ces documents.
15 Et sur la base de cela, nous avons rédigé -je crois que c'était encore une
16 fois en janvier, le 17 janvier-, donc nous avons essayé de faire en sorte
17 que l'escalade du conflit soit évitée.
18 Question: Je souhaite attirer votre attention sur un certain nombre de
19 points avant d'attirer l'attention sur vos documents.
20 En ce qui concerne les documents P214, donc la décision de Jadranko Prlic,
21 il est dit: "Cette décision sera exécutée dans les cinq jours à compter
22 d'aujourd'hui, le 15 janvier 1993. Donc veuillez tenir compte de cela."
23 Et puis, si vous examinez maintenant le paragraphe 7 de l'ordre de M.
24 Stojic de la même date, il est écrit: "Le délai d'exécution de cet ordre
25 est fixé à 19 heures, le 20 janvier 1993".
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1 Voici donc ma question: est-ce que les leaders politiques bosniens, à
2 l'époque, savaient que, si un certain nombre de choses n'étaient pas
3 réalisées avant le 20 janvier, une certaine action allait être lancée?
4 Réponse: Mais c'est justement pour cela que nous nous sommes réunis:
5 c'était ce qui nous a poussés à nous réunir et à rédiger le document dont
6 nous parlerons. Donc les Bosniens croyaient profondément que nos
7 partenaires, les partenaires jusqu'à ce moment-là, souhaitaient vraiment,
8 très sérieusement, expulser les forces qui n'étaient pas prêtes à se
9 mettre sous leurs ordres, même si nos hommes y étaient nés, et n'allaient
10 céder à quiconque le droit de défendre leur identité et leur existence.
11 Justement afin d'éviter que ces menaces ne se réalisent, nous avons réuni
12 tous ces représentants de la population bosnienne et nous avons vraiment
13 pris cela très au sérieux.
14 Question: Merci. Avant de parler de ces documents, vous avez dit quelque
15 chose dans votre réponse: vous avez dit "nos partenaires"; c'est consigné
16 au compte rendu d'audience. Mais de qui parliez-vous?
17 Réponse: Moi, je parlais du HVO qui, formellement, était notre partenaire
18 dans la défense de la Bosnie-Herzégovine, vous savez.
19 Question: Veuillez examiner maintenant les documents 218 et 219. Ce sont
20 les deux documents suivants dans votre classeur.
21 Monsieur le Président, la Chambre se souviendra peut-être du fait que ces
22 documents ont déjà été examinés par la Chambre auparavant; donc nous
23 n'allons pas nous attarder trop. Mais je pense que le témoin a expliqué
24 leur contexte.
25 En ce qui concerne le document 218, est-ce que vous êtes l'un des
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1 signataires de ce document, avec M. Demirovic et les autres?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et maintenant, je souhaite attirer votre attention sur le
4 document suivant: la proclamation des Musulmans de l'Herzégovine, la pièce
5 P219. Avez-vous signé cette déclaration?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Est-ce qu'il s'agit là des documents dont vous nous avez parlé
8 tout à l'heure, qui ont été préparés par les leaders bosniens, face à ces
9 ultimatums émis par M. Prlic et M. Stojic?
10 Réponse: C'est exact.
11 Question: Je n'ai qu'une question concernant le document P218: paragraphe
12 3, ce que vous dites là-dedans, par rapport à ce que vous avez vu faire
13 par le HVO, quelle était la différence entre les deux?
14 Réponse: Je n'ai pas compris quel est le paragraphe dont vous parlez?
15 Question: Bien sûr. Le paragraphe 3, qui commence par les mots: "Nous
16 sommes décidés, etc."
17 Réponse: Oui.
18 Question: Donc, par rapport à ce qui est écrit ici par le leader bosnien,
19 est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se déroulait effectivement sur le
20 terrain, en ce qui concerne le HVO?
21 Réponse: Voici ce que je peux dire. En ce qui concerne un certain nombre
22 de propositions, ils souhaitaient les placer sous forme de faits
23 accomplis. Donc, en ce qui concerne un certain nombre de provinces où ils
24 étaient majoritaires, où les Croates étaient majoritaires, ils
25 considéraient qu'il s'agissait là de provinces entièrement croates. Et
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1 c'est ainsi qu'ils essayaient de régler les choses là-bas. Mais nous
2 n'avons pas accepté ce genre de propositions, qui étaient nombreuses dès
3 le début de l'agression contre la Bosnie-Herzégovine. Nous ne les avons
4 pas acceptées comme des faits accomplis, mais nous avons considéré qu'il
5 fallait discuter de tout cela, qu'il fallait d'abord terminer la guerre
6 et, ensuite, trouver un accord définitif sur tous ces détails.
7 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, je pense qu'il s'agit de
8 documents qui sont très intéressants et contiennent beaucoup de détails
9 très intéressants mais, bien sûr, il revient à la Chambre de poser
10 éventuellement d'autres questions concernant les détails contenus dans ces
11 documents.
12 Que s'est-il passé après le 20 janvier 1993? Que s'est-il produit en
13 Bosnie ensuite?
14 M. Smajkic (interprétation): Rien ne s'est passé, mais les tensions
15 existaient. Il y avait une escalade jusqu'au 9 mai, date à laquelle le HVO
16 a lancé une offensive contre la partie bosnienne. Donc, tout simplement,
17 il y avait des tensions, des influences politiques qui ont reporté les
18 choses quelque peu. Nous attendions quelque chose et les Croates
19 s'attendaient à ce que nous acceptions leurs propositions de solution sous
20 la pression.
21 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?
22 M. Meek (interprétation): Je fais objection à la réponse du témoin, car il
23 est en train de spéculer. Il n'est pourtant pas approprié que ce témoin le
24 fasse.
25 M. Scott (interprétation): Oui, je vais poser une question parce que le
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1 témoin en fait, dans sa réponse, anticipait ma question suivante.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, nous sommes
3 satisfaits de la première partie de votre réponse et c'est la réponse à la
4 question posée. Ensuite, le Procureur, si quelque chose n'est pas clair,
5 va poser une autre question. Veuillez suivre une telle procédure, Monsieur
6 le Témoin. Merci.
7 M. Scott (interprétation): Monsieur Smajkic, en ce qui concerne ce
8 document, la charte des Musulmans et la proclamation des Musulmans, qui
9 portent toutes deux la date du 17 janvier 1993, est-ce que votre
10 communauté a reçu des réponses satisfaisantes? Est-ce que les conditions
11 se sont améliorées pour la communauté bosnienne, après ces documents?
12 M. Smajkic (interprétation): Il n'y a eu aucune amélioration des choses et
13 aucune réponse n'a été reçue.
14 Question: Est-ce que vous vous souvenez qu'après le 20 janvier 1993, un
15 conflit violent ou des conflits violents ont éclaté à des endroits tels
16 que Gornji Vakuf, Busovaca et d'autres endroits, entre les populations
17 bosnienne et croate? Donc après cette date butoir?
18 M. Smajkic (interprétation): Oui, effectivement, je suis au courant de
19 cela, mais moi, j'étais focalisé sur le terrain de l'Herzégovine et je
20 n'ai simplement pas pensé de cet autre terrain. Mais effectivement, en
21 Bosnie-Herzégovine, il y a eu un conflit violent et complètement superflu
22 à l'automne 1992. C'était en Herzégovine, à Prozor, et les forces croates
23 ont commis un véritable massacre contre la partie musulmane. C'était au
24 début de l'automne 1992.
25 M. Meek (interprétation): Encore une fois, j'ai une objection: mon
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1 collègue de l'accusation a posé la question concernant ce qui s'est passé
2 après janvier 1993, alors que le témoin est en train de parler de
3 l'automne 1992; ceci n'est pas approprié, il ne répond pas à la question.
4 Je fais objection.
5 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous connaissez
6 maintenant le contenu du conseil de la défense. Poursuivez.
7 M. Meek (interprétation): Et puis cette dernière réponse, nous souhaitons
8 que ceci soit retiré du compte rendu d'audience. En ce qui concerne
9 Prozor, il s'agit d'un emplacement qui n'est pas mentionné dans le cadre
10 de l'Acte d'accusation. Donc ceci ne devrait pas figurer au compte rendu
11 d'audience.
12 M. le Président (interprétation): Vous savez, Maître Meek, il doit y avoir
13 des règles tout à fait strictes en ce qui concerne le retrait de certaines
14 parties du compte rendu d'audience et la Chambre de première instance va
15 prendre la décision appropriée, après avoir examiné tous les moyens de
16 preuve. N'oubliez pas cela si vous voulez soulever d'autres objections.
17 Veuillez poursuivre, Monsieur Scott.
18 M. Scott (interprétation): Je souhaite vous poser une question concernant
19 un incident. Votre secrétaire ou plutôt sa voiture, est-ce qu'elle a été
20 confisquée par un officier du HVO, en avril 1993?
21 M. Smajkic (interprétation): Oui, par M. Misic, qui était le commandement
22 du 4e Bataillon.
23 Question: Oui, si je puis, je souhaite vous poser quelques questions très
24 concrètes au sujet de cela, Monsieur Smajkic. Nous allons en traiter très
25 brièvement. Le secrétaire s'appelait Ihsan Mutevelic, M-U-T-E-V-E-L-I-C:
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1 est-ce exact?
2 Réponse: Oui, c'est exact.
3 M. Scott (interprétation): Est-ce qu'il est exact de dire que, lorsque cet
4 homme est allé protester à cause de la confiscation de sa voiture, ce
5 commandant du HVO, Misic, a sorti son pistolet…
6 M. le Président (interprétation): Oui?
7 M. Meek (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président. Toute la
8 matinée, j'ai toléré cela dans le cadre du contexte, mais il s'agit de
9 questions très suggestives et j'ai vraiment de fortes objections à cette
10 manière de poser des questions.
11 M. Scott (interprétation): Oui, comme je l'ai dit, je peux poser des
12 questions de manière différente. Sans problème.
13 M. le Président (interprétation): Oui, veuillez le faire puisque nous
14 arrivons maintenant au point crucial.
15 M. Scott (interprétation): Très bien. Je pense que c'est peut-être ainsi
16 que nous pouvions procéder de manière plus rapide, mais je vais reformuler
17 ma question.
18 A ce moment-là, qu'a fait M. Misic par rapport à votre secrétaire?
19 M. Smajkic (interprétation): Lorsque celui-ci est allé protester
20 directement auprès du commandant de ce bataillon pour demander que la
21 voiture lui soit restituée, il lui a montré les documents en expliquant
22 qu'il était le secrétaire du Mufti et, à ce moment-là, le commandant Misic
23 lui a placé le pistolet dans la bouche et il l'a soumis au pire traitement
24 possible. Ensuite, il lui a dit…
25 M. le Président (interprétation): Objection, Maître Meek?
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1 M. Meek (interprétation): Non, il n'y a pas d'objection, mais je ne sais
2 pas s'il s'agit de mes écouteurs: j'entends l'interprétation qui est
3 interrompue sans cesse. Je ne sais pas s'il ne s'agit que de moi ou des
4 autres.
5 M. le Président (interprétation): En ce qui concerne les miens, je n'ai
6 pas de problème.
7 M. Meek (interprétation): Oui, mais peut-être qu'on peut attendre pour
8 voir si ça fonctionne, car j'ai sans cesse des interruptions.
9 M. le Président (interprétation): Peut-être la Greffière d'audience peut-
10 elle vérifier cela, parce que moi, je ne rencontre aucun problème
11 technique.
12 M. le Président (interprétation): Est-ce que ça va?
13 M. Scott (interprétation): Monsieur le Témoin, excusez-moi de vous avoir
14 interrompu. Est-ce que vous pourriez poursuivre?
15 M. Smajkic (interprétation): Monsieur Misic insultait de la pire manière
16 possible mon secrétaire et il lui a placé le pistolet dans la bouche; il
17 lui a dit que, s'il souhaitait reprendre la voiture, il fallait que moi,
18 je vienne personnellement pour lui parler personnellement. Moi, je ne suis
19 pas allé, bien sûr, mais il a envoyé deux policiers dans mon bureau pour
20 que ceux-ci m'amènent chez lui. J'ai trouvé un moyen pour éviter cela;
21 donc, je ne me suis pas présenté et la voiture est restée confisquée.
22 Question: Pourriez-vous dire quelque chose aux Juges concernant les
23 événements qui se sont déroulés au printemps, avant le 9 mai? Donc, avant
24 le 9 mai, est-ce qu'il y a eu des intellectuels bosniens qui ont été
25 arrêtés en Herzégovine?
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1 Réponse: Il y a eu un véritable pogrom lors duquel on capturait, déjà à ce
2 moment-là, les intellectuels dans la région de Stolac. Donc, en février,
3 mars, avril, toutes les personnalités bosniennes de renom ont été suivies
4 et même, à ce moment-là, on les a amenées pour subir des interrogatoires
5 par la police et on leur a interdit de travailler.
6 Question: Et qui leur a interdit de travailler?
7 Réponse: Les autorités du HVO de l'époque.
8 Question: Est-ce que vous pourriez dire approximativement aux Juges
9 combien d'intellectuels bosniens ont reçu un tel traitement ou bien ont
10 été ainsi détenus pendant cette période?
11 Réponse: Moi, je sais puisque j'ai été informé de ce qui se passait à
12 Stolac et à Capljina. Je sais donc qu'il y avait environ cent
13 intellectuels: des médecins, des professeurs, des ingénieurs qui ont été
14 harcelés de toutes les manières possibles.
15 Question: Passons maintenant à autre chose. Saviez-vous, avez-vous appris
16 à un moment qu'en avril, fin mars ou début avril 1993, il y avait une
17 nouvelle série de demandes ou plutôt d'ultimatums posés par les leaders du
18 HVO?
19 Réponse: Je sais que je n'ai pas eu ce document-là mais je sais que notre
20 sommet politique en Bosnie-Herzégovine a reçu ça. Je n'ai pas ce document
21 mais je sais que M. Izetbegovic et le sommet militaire ont reçu cela de la
22 part du HVO et de la part de Mate Boban, parce que nous avons été informés
23 de cela et nous vivions dans l'angoisse puisque le conflit avait déjà
24 éclaté. Parfois, on tirait, il y avait des tireurs embusqués, on détenait
25 des gens, on passait des gens à tabac; et on s'attendait donc à ce que le
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1 jour maudit arrive.
2 Question: Très bien. Lorsque vous dites "M. Izetbegovic", est-ce que vous
3 voulez parler du Président de la République de Bosnie-Herzégovine?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Très bien. Je souhaite que vous examiniez maintenant les trois
6 documents suivants.
7 Monsieur le Président, je parle maintenant des pièces à conviction P288,
8 P274. Il s'agit de l'un des documents qui ne suivent pas très exactement
9 l'ordre. Et puis 277. Mais pour économiser le temps, peut-être que je peux
10 indiquer que seulement le troisième de ces documents a également la
11 version en langue serbo-croate.
12 Monsieur le Témoin, je souhaite attirer votre attention sur la partie
13 serbo-croate de la pièce à conviction 277, il s'agit d'un article de
14 presse. Veuillez simplement examiner cette partie, le titre de l'article.
15 On dirait que ceci contient le mot "l'ultimatum" du HVO. Puis, il y a la
16 traduction en anglais de cela.
17 Est-ce que vous pouvez examiner cela et nous dire si ceci traite de ce
18 dont vous venez de parler? Et est-ce que vous avez compris qu'il
19 s'agissait là d'un autre ultimatum?
20 Réponse: Oui, c'est justement cela. Je n'ai pas vu cela mais il s'agit
21 effectivement de cet ultimatum puisque ceci est conforme à ce qui se
22 passait sur le terrain. Et j'ai quelques informations: même si nous étions
23 de Sarajevo, nous essayions de nous mettre en contact avec M. Izetbegovic
24 à ce moment-là pour savoir de quelle manière il fallait répondre.
25 Question: Je souhaite maintenant attirer votre attention sur la pièce à
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1 conviction P288. Je vais lire cela en anglais, le témoin recevra
2 l'interprétation. Si on regarde le cinquième paragraphe de la pièce 288,
3 le paragraphe qui commence par le titre et puis il y a la date "Banja
4 Luka, le 10 avril".
5 Cinquième paragraphe: "A la fois les Croates et les Musulmans s'attendent
6 à ce qu'un conflit réel éclate encore après le 15 avril, la date butoir
7 posée par le leader, Mate Boban, pour que toutes les unités musulmanes se
8 retirent de ladite province croate, selon le plan Vance-Owen".
9 Est-ce que c'est conforme à vos souvenirs?
10 M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, j'ai une objection
11 puisque le témoin a déjà dit qu'il n'a jamais vu ce document alors qu'on
12 lui demande de faire un commentaire sur cet article de presse.
13 M. le Président (interprétation): Oui, je suis d'accord avec le conseil de
14 la défense.
15 M. Scott (interprétation): Je lui demande de faire un commentaire sur les
16 faits et non pas sur l'article.
17 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, peut-être pourriez-vous
18 reformuler votre question; parce que d'après la question, vous invitez le
19 témoin à spéculer sur cette question.
20 M. Scott (interprétation): Très bien. Je vais la reformuler.
21 Monsieur Smajkic, est-ce que vous vous souvenez que vous et les leaders
22 bosniens à Mostar, à l'époque, étiez au courant d'une certaine date butoir
23 autour du 15 avril, et des attentes à ce que les choses se dégradent après
24 cette date-là? Si vous le savez dites-le-nous, sinon dites simplement que
25 vous ne le savez pas.
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1 M. Smajkic (interprétation): Je sais que nous avions des contacts. A
2 l'époque, on avait juste un téléphone portable et il était très difficile
3 de communiquer avec Sarajevo, mais je sais que les tensions allaient dans
4 ce sens-là et que sur le terrain des choses se déroulaient déjà. Des gens
5 étaient harcelés, tués. Il y avait des tireurs embusqués. Les gens étaient
6 arrêtés et amenés en prison. Donc je ne connaissais pas très exactement
7 quelle était la date en question mais il y avait une escalade totale et
8 évidente qui était imminente à ce moment-là.
9 Nous essayions d'arrêter cela et je suis allé voir l'évêque Peric à
10 l'époque pour lui demander qu'il apaise de son côté les passions; c'est ce
11 qui est contenu dans un de mes documents.
12 Question: Monsieur le Président, je vois quelle heure il est, mais peut-
13 être que si je peux avoir encore une ou deux minutes, je pourrais terminer
14 en ce qui concerne ce point et puis commencer avec un autre sujet après le
15 déjeuner.
16 Vous êtes donc allé à cette réunion avec l'évêque Peric, l'évêque
17 catholique. Et est-ce que qui que ce soit d'autre est allé avec vous?
18 Réponse: Oui, mon secrétaire et M. Demirovic.
19 Question: Et que s'est-il passé lors de cette réunion? Pourquoi est-ce que
20 vous y êtes allé?
21 Réponse: Eh bien, déjà à ce moment-là -et le document en question parle de
22 cela- même si moi je n'en ai pas parlé, nous avons vu des nids de
23 mitrailleuse et nous avons pu voir que l'on prenait déjà un certain nombre
24 de positions sur la ligne de démarcation. La ligne qui sépare la ville en
25 deux sur le Bulevar.
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1 Je suis allé voir l'évêque et je lui ai dit: "Ecoute, toi et moi, tu n'as
2 qu'à mettre ton uniforme et je vais mettre le mien. Et on n'a qu'à aller
3 tout simplement pour démanteler ces sacs de sable que nous avons vus sur
4 la rue et pour montrer aux gens de quelle manière ils devaient vivre pour
5 empêcher les tirs" parce que tout indiquait que c'était ce qui se
6 préparait.
7 Question: Vous avez dit que vous deviez mettre tous les deux vos
8 uniformes, je suppose que vous parlez de vos robes de service et que vous
9 deviez aller renverser les sacs de sable?
10 Réponse: Exactement.
11 Question: Et qu'a fait l'évêque Peric?
12 Réponse: Il a dit qu'il ne pouvait rien faire dans ce sens puisqu'il
13 s'agissait des questions dont le secteur politique et militaire devait
14 traiter. Nous n'étions pas contents de cette réponse donc nous sommes
15 allés voir M. Tolja qui était le dignitaire de la province d'Herzégovine
16 et nous y sommes allés au sein du même groupe. Nous l'avons invité
17 également pour qu'il fasse quelque chose, pour qu'il fasse un appel
18 semblable à la population et aux responsables pour que le conflit soit
19 évité. Nous considérions que l'église devait faire quelque chose allant
20 dans ce sens. Mais malheureusement sa réponse était semblable à celle de
21 Peric qui disait "qu'il ne fallait pas se mêler de cela, nous sommes des
22 religieux, il revient aux autres de s'en occuper".
23 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, nous pouvons terminer
24 maintenant.
25 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance vient de
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1 recevoir l'information venant du quartier pénitentiaire selon laquelle M.
2 Naletilic ne pourra pas assister à l'audience cet après-midi. Il doit voir
3 un médecin.
4 Maître Krsnik, nous souhaitons donc savoir quelle est votre opinion
5 concernant la possibilité de siéger cet après-midi?
6 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, j'ai un peu peur. Moi,
7 justement, j'avais proposé d'aller le voir au quartier pénitentiaire pour
8 parler avec les médecins et pour voir de quoi il s'agit. Parce que je suis
9 la situation de santé de mon client depuis plusieurs années déjà, parce
10 que je sais ce qu'il a traversé et je sais à quel point il souhaite
11 assister aux audiences. Je sais qu'il ne souhaite pas interrompre les
12 audiences et c'est pour cela que je suis très préoccupé parce que la
13 dernière fois quand je lui ai parlé, il ne sentait absolument pas la
14 moitié de son corps, ni les mouvements de sa main. Ceci indique que la
15 situation est extrêmement sérieuse, grave.
16 Bien sûr, je ne peux pas me prononcer plus; je ne suis pas un médecin.
17 Bien sûr, ma réponse sera positive: oui, nous pouvons poursuivre. Mais je
18 suis vraiment sérieusement préoccupé parce qu'il s'agit d'une situation
19 soudaine qui est apparue, il y a une heure.
20 Vous savez, nous ne pourrons, de toute façon, pas terminer notre travail
21 en ce qui concerne ce témoin aujourd'hui parce que comme vous le voyez,
22 l'interrogatoire principal est toujours en cours et ensuite il y aura moi.
23 Vraiment, si vous me le permettez, je souhaite vraiment aller au quartier
24 pénitentiaire pour voir de quoi il s'agit. Rien qu'à cause de cela, bien
25 sûr.
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1 Ou bien une autre proposition: peut-être qu'au lieu de commencer à 14
2 heures 30, nous pouvons commencer à 15 heures, ce qui me permettrait
3 d'avoir le temps d'y aller et de retourner ici. Mais je me plierai à votre
4 décision. De toute façon, comme je l'ai déjà dit, nous ne terminerons pas
5 ce témoin aujourd'hui. Mais je vais me plier à la décision de la Chambre
6 quelle qu'elle soit.
7 M. le Président (interprétation): Cette Chambre de première instance
8 réalise que ce témoin est un témoin clé dans l'affaire présente et nous
9 aurions dû entendre sa déposition dès le début de la procédure. Nous avons
10 déjà réalisé et remarqué que M. Naletilic participait aux procédures, à la
11 procédure préalablement en consultant souvent son avocat.
12 Et compte tenu de la situation de santé de M. Naletilic, afin de traiter
13 l'accusé et l'équipe de la défense de l'accusé de manière équitable, nous
14 avons pris la décision de ne pas siéger cet après-midi de manière à ce que
15 Me Krsnik puisse aller au quartier pénitentiaire cet après-midi et voir
16 dans quel état se trouve M. Naletilic. Merci.
17 Nous allons lever l'audience jusqu'à demain matin.
18 (L'audience est levée à 13 heures 07.)
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