Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 23 janvier 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 14 heures 27.)

4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, merci de

5 nous donner le numéro de l'affaire.

6 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames

7 les Juges.

8 Affaire n°IT-98-34-T, le Procureur contre Naletilic et Martinovic.

9 M. le Président (interprétation): Pardon de ce petit retard; c'est qu'il y

10 a eu une audience qui a été organisée dans cette salle d'audience ce matin

11 et qui s'est achevée très peu de temps avant que nous-mêmes commencions

12 nos travaux. Nous savons tous quelle est l'importance de la ponctualité.

13 C'est la raison pour laquelle je vous donne ces éléments d'information.

14 Je vais demander à l'huissier d'introduire le témoin.

15 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)

16 Bonjour, Monsieur le Témoin.

17 Sir Garrod (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation): Je vous rappelle que vous êtes toujours

19 tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée.

20 Sir Garrod (interprétation): Je le comprends.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, vous pouvez commencer.

22 (Interrogatoire principal du témoin, Sir Martin Garrod, par M. Scott.)

23 M. Scott (interprétation): Bonjour, Sir Martin.

24 Sir Garrod (interprétation): Bonjour.

25 Question: Nous allons passer en revue un certain nombre de documents cet

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1 après-midi mais, avant de le faire, je voudrais revenir sur certaines

2 choses que vous avez dites hier.

3 Je voudrais d'abord attirer votre attention sur les éléments du 19

4 septembre 1993. Est-ce qu'à cette date ou aux alentours de cette date,

5 vous avez rencontré un officier de la BiH, appelé Esad Humo?

6 Réponse: Tout à fait. J'avais précédemment rencontré Arif Pasalic, mais

7 j'ai eu une réunion dans son quartier général avec Esad Humo, qui était le

8 commandant adjoint de l'une des brigades de la BiH.

9 Question: Est-ce que vous vous souvenez si, ce jour-là, Humo vous a fait

10 part d'un certain incident qui s'était produit quelque temps auparavant?

11 Réponse: Oui. Il y avait deux choses qui le préoccupaient vraiment. Tout

12 d'abord, il voulait attirer mon attention sur le fait que le HVO utilisait

13 des prisonniers pour creuser des tranchées sur la ligne de front.

14 Deuxièmement, il m'a dit que, deux jours auparavant, quatre prisonniers

15 avaient été habillés avec des uniformes du HVO et avaient été placés sur

16 la ligne de front, l'objectif étant bien sûr de voir d'où provenaient les

17 tirs dont ils auraient été la cible. L'un de ces détenus a été gravement

18 blessé, les trois autres ont réussi à passer de l'autre côté de la ligne.

19 M. le Président (interprétation): Maître Meek.

20 M. Meek (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les

21 Juges. Pardon ne pas m'être pas levé plus tôt pour faire cette objection,

22 mais il semble que M. Humo soit décédé; il ne revient donc pas à ce

23 Tribunal de se pencher sur ce qu'il a pu faire ou dire. Nous n'avons pas

24 la possibilité de le faire venir ici pour lui faire subir un contre-

25 interrogatoire portant sur ce qu'il aurait pu dire et qui nous est

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1 rapporté ici par Sir Martin Garrod.

2 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà rencontré ce problème

3 hier, si je ne m'abuse. Et la Chambre a déjà rendu sa décision.

4 Par conséquent, Monsieur Scott, poursuivez.

5 Sir Garrod (interprétation): Monsieur le Président, permettez-moi

6 d'ajouter que le général Pasalic est décédé, c'est vrai: il s'est noyé

7 mais, pour autant que je le sache, Esad Humo est encore en vie

8 aujourd'hui.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, poursuivez.

10 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 Hier, nous avons parlé des camps de détention et nous avons notamment

12 parlé de la visite que vous avez faite au camp de Dretelj. De façon plus

13 générale, je voudrais vous demander ceci: au cours de vos entretiens avec

14 de hauts représentants du HVO, est-ce que vous n'avez jamais entendu l'un

15 d'entre eux vous donner des justifications pour l'existence de ces camps?

16 Sir Garrod (interprétation): Non. Les camps n'étaient pas un sujet qui

17 était abordé. Jamais aucune justification ne m'a été donnée pour la

18 justification de ces camps.

19 Question: Je vais maintenant vous demander de regarder dans le classeur

20 qui doit être toujours entre vos mains, de regarder donc la pièce 611.1.

21 Vous savez que nous avons beaucoup regardé de documents hier, ils sont

22 tous vers la fin du classeur.

23 Je peux peut-être vous aider, vous, les Juges. Il s'agit d'un rapport

24 portant sur les événements de la journée du 24 septembre 1993. Il émane du

25 CC de Mostar, il est destiné au RC de Zenica.

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1 Réponse: Oui, j'ai trouvé ce document.

2 Question: Je ne vais pas vous poser des questions particulièrement

3 détaillées, mais je vous demande de commencer par regarder les deux

4 premières pages de ce document. D'ailleurs, la troisième page m'intéresse

5 aussi.

6 Une bonne partie de ce rapport fait simplement état d'une réunion que vous

7 avez eue avec Slobodan Praljak à peu près à cette date-là, c'est-à-dire le

8 24 septembre 1993?

9 Réponse: C'est exact.

10 Question: Dans le premier paragraphe, sous l'intitulé "Activités

11 politiques", il apparaît un certain nombre de d'informations. Est-ce qu'il

12 était effectivement à l'époque le numéro 1, le chef du HVO?

13 Réponse: Oui, tout à fait.

14 Question: J'attire maintenant votre attention sur ce qui apparaît en haut

15 de la page 3. Je voudrais simplement que la Chambre de première instance

16 voie le lien qui existe entre ce qui apparaît là et ce que vous avez pu

17 dire. Dans le cadre de cet entretien que vous avez eu avec le général

18 Praljak, ce jour-là, est-ce que vous essayiez en fait d'obtenir la

19 permission du HVO afin qu'une équipe de la BBC puisse pénétrer dans

20 Mostar?

21 Réponse: Oui. En fait, j'ai attendu que nous ayons atteint la fin de notre

22 entretien parce que j'ai pensé qu'effectivement, j'aurais peut-être des

23 difficultés à obtenir ce que je cherchais.

24 Pardon, je poursuis. Lorsque j'ai soulevé cette question, alors qu'il

25 avait été jusqu'alors très souriant et très agréable, il est devenu tout à

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1 fait désagréable, il était en colère.

2 Question: Et nous parlons de la même équipe de la BBC que celle dont vous

3 nous avez parlé précédemment, n'est-ce pas? Celle qui a tourné le film

4 dont Jeremy Bowen faisait partie?

5 Réponse: C'est exact.

6 Question: Poursuivez.

7 Réponse: Eh bien, il m'a dit qu'il pensait que la BBC était totalement

8 partiale et qu'en aucune façon, il n'allait permettre à la BBC de rentrer

9 dans Mostar Est. Il ne l'autoriserait sous aucune condition.

10 Je suis ensuite allé voir les membres de l'équipe de la BBC et je leur ai

11 dit d'essayer de contacter directement Slobodan Bozic et Bruno Stojic.

12 C'est ce qu'ils ont fait et ils ont alors obtenu l'autorisation qu'ils

13 cherchaient. Donc on peut dire que, dans ce sens, la décision prise par

14 Praljak a été cassée, si vous voulez. On est passé outre.

15 Question: Très bien. Nous poursuivons sur cette même page, mais ce qui

16 nous intéresse cette fois-ci, c'est ce qui apparaît juste au-dessus de

17 l'intitulé 3 "Activités militaires". Il est fait à plusieurs reprises

18 référence au colonel Akrap.

19 Est-ce que vous avez eu de nombreux contacts avec cet homme, que ce soit

20 par téléphone, que ce soit personnellement, que ce soit sous d'autres

21 formes?

22 Réponse: Nous nous ne sommes rencontrés qu'une seule fois. J'ai assisté à

23 une réunion organisée par M. Tadic qui était le responsable des affaires

24 humanitaires pour les Croates. Nous essayions d'organiser le déplacement

25 d'un convoi de nourriture, un convoi conjoint entre les Bosniens et les

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1 Croates, qui était destiné à la Bosnie centrale. Il était particulièrement

2 irrité et il a, en fait, fait en sorte que la réunion, d'une certaine

3 façon, n'aboutisse pas. Il n'arrêtait pas d'évoquer la question de

4 l'évacuation des blessés dans le cadre d'un accident d'hélicoptère, etc.

5 Lorsque je lui ai demandé quel était son poste, il ne m'a pas répondu; il

6 a simplement dit: "C'est un secret".

7 Question: Est-ce que vous avez jamais appris que l'officier Akrap était un

8 officiel de la HV?

9 Réponse: Non, je ne le savais pas.

10 Question: Je vous demande maintenant de regarder de ce qui apparaît à la

11 page suivante. Nous n'allons pas revenir sur ce point, mais est-ce qu'il y

12 a bien là le récit de ce que vous nous avez raconté hier, à savoir que des

13 détenus ont été évacués du camp de Dretelj pour être placés sur une île au

14 large de la côte croate?

15 Réponse: C'est parfaitement exact. J'ai reçu cela de M. Baranzani, qui

16 était responsable du CICR de Medjugorje.

17 Question: Un nom n'est peut-être pas surgi de ce que vous avez dit hier.

18 Vous avez fait référence à un homme appelé Bozo Raguz.

19 Pour que cela apparaisse dans le compte rendu et au cas où son nom

20 reviendrait dans la conversation à l'avenir, pourriez-nous dire qui il

21 était et quel était son rôle?

22 Réponse: Oui, je l'ai rencontré lorsque nous sommes arrivés à Mostar.

23 C'était un officier de liaison qui était en contact avec la communauté

24 internationale. Il était au HVO à Mostar.

25 Question: Est-ce que vous avez eu un certain nombre de rencontres avec

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1 lui?

2 Réponse: Oui, je l'ai rencontré à plusieurs reprises.

3 Question: Nous passons à la pièce suivante. Si vous voulez bien passer la

4 traduction BCS de ce que nous venons de lire, vous devriez trouver la

5 pièce 642.

6 Réponse: Oui.

7 Question: Est-ce que vous pourriez nous confirmer qu'il s'agit là d'un

8 rapport portant sur les événements de la journée du 14 octobre 1993? Il

9 émane du CC Mostar. C'est la quatrième page du rapport qui m'intéresse

10 dans un premier temps.

11 Mais d'ailleurs, je vous demande si la structure de ce rapport vous est

12 familière?

13 Réponse: Oui. Jesus Amatriain, un Espagnol, est la personne en fait qui

14 m'a succédé au CC de Mostar, lorsque je suis parti de Zenica, et il a

15 occupé ce poste plusieurs semaines jusqu'à ce que j'envoie Philip Watkins

16 sur place afin qu'il prenne ce poste de chef du HCC Mostar.

17 Question: Sous le n°6, il y a une référence faite à une invitation faite

18 par le général Andabak et on fait également référence à "Tuta". Et il est

19 indiqué –je cite-: "Lui et "Tuta" sont les seigneurs de la guerre de cette

20 zone. Sir Martin Garrod connaît "Tuta" et son histoire".

21 Est-ce que vous aviez discuté avec M. Amatriain de certaines choses? Est-

22 ce que vous pourriez en fait nous donner des éléments d'information

23 complémentaires qui nous permettrait de comprendre ce qu'il veut dire

24 lorsqu'il dit que vous connaissez "Tuta" et son histoire?

25 Réponse: Eh bien, pour commencer, je pense que Jesus Amatriain était

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1 également présent lors de ce déjeuner qui était organisé dans la maison du

2 maire de Siroki Brijeg; je suis sûr qu'il était présent. Donc je sais que

3 lui avait eu des contacts avec Ivan Andabak, notamment par le biais de ce

4 lien espagnol. Et il n'y a pas de doute que nous avons discuté de tout

5 cela ensemble.

6 Question: A la page précédente, M. Amatriain fait état du fait que "Tuta"

7 et Andabak ont accordé une certaine protection à deux villages, deux

8 villages musulmans. Est-ce que vous pourriez nous donner des compléments

9 d'information?

10 Réponse: Non, j'étais très heureux de voir cela. Ces villages se trouvent

11 au sud de Mostar, mais je ne peux pas ajouter quoi que ce soit, vraiment.

12 Je ne savais pas… Je ne connaissais pas moi-même ces deux villages.

13 Question: Nous passons maintenant à la pièce 643.

14 Est-ce que vous pourriez d'abord confirmer qu'il s'agit bien là d'un

15 rapport sur la journée du 13 octobre 1993, qui émane du CC de Mostar? Il a

16 été également rédigé par Jesus Amatriain?

17 Réponse: C'est exact.

18 Question: Regardons ce qui apparaît à la page 2, sous le petit b

19 "Minorité", vers la fin du paragraphe qui porte l'intitulé "Commentaires".

20 Il y a une référence qui est faite au fait -je cite-: "Nous n'avons pas eu

21 de problème hier parce que le général Andabak Ivan, l'un des commandants

22 du HVO, est arrivé à ce moment-là et a ordonné à la police militaire de

23 nous laisser passer". Fin de citation.

24 Vous dites "NP" dans ce texte: faites-vous référence exactement: est-ce à

25 la police militaire?

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1 Réponse: Oui, je pense que c'est à la police militaire.

2 Question: Est-ce que M. Amatriain vous a dit quoi que ce soit au sujet des

3 pouvoirs de M. Andabak? Est-ce qu'il avait une compétence particulière qui

4 lui permettait d'émettre des ordres à l'intention de la police militaire?

5 Réponse: Il ne m'a rien dit, mais cela ne me surprendrait pas, étant donné

6 le poste très élevé qu'il occupait dans la hiérarchie militaire.

7 Question: J'attire votre attention sur un bref paragraphe qui se trouve

8 vers le milieu de la page et qui commence par les lettres HCC et par la

9 phrase -je cite-: "Le HCC a essayé cet après-midi de fournir une école et

10 de l'eau à la population de Kosice, mais M. Naletilic, surnommé "Tuta",

11 n'était pas disponible." Fin de citation.

12 Et je voudrais vous demander si M. Amatriain vous a fait part d'éléments

13 d'information qui porteraient sur les liens qu'il a pu avoir avec "Tuta"

14 dans ce cadre?

15 Réponse: Non, je n'ai le souvenir d'aucun élément d'information

16 supplémentaire.

17 Question: La dernière question que je souhaite vous poser est celle-ci:

18 sous le point 6, un certain nombre de choses sont dites. Est-ce que cela

19 vous rappelle le fait M. Amatriain a effectivement eu une rencontre avec

20 Andabak la veille au soir?

21 Réponse: Oui, il a dit qu'il devait le rencontrer et il apparaît

22 clairement qu'il l'a rencontré la veille au soir. Et là, il y a un rapport

23 de la conversation qu'ils ont eu tous les deux.

24 Question: Mais je vais vous demander de vous reporter maintenant à nouveau

25 à votre rapport de fin de mission; il faut revenir un petit peu en

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1 arrière.

2 Réponse: Oui, je l'ai trouvé.

3 Question: Très bien. Hier, j'ai promis aux conseils de la défense…

4 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek?

5 M. Meek (interprétation): Est-ce qu'il y a un numéro de pièce sur ce

6 document?

7 M. Scott (interprétation): Oui, bien sûr: 770.1.

8 Hier, j'ai expliqué aux Juges et aux conseils de la défense que j'allais

9 revenir sur un point pour obtenir des éclaircissements. C'est en haut de

10 la page 3: on parle de la présence de la HV en Bosnie-Herzégovine. Vers

11 les deux tiers de ce premier paragraphe, qui est en fait le prolongement

12 du paragraphe 15, il y apparaît les mots -je cite-: "Même si nous avions

13 connaissance d'un rassemblement des troupes de HVO/HV à Buna, au sud de

14 Mostar…"?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Hier, je vous ai demandé si vous-même ou vos équipes aviez pu

17 observer certaines choses. Je vais vous demander d'éclaircir ce qui a été

18 dit.

19 Pouvez-vous nous dire sur quoi vous vous êtes appuyé pour dire, vous-même

20 et vos équipes, qu'il y avait une présence concentrée de troupes de la HV

21 à cet endroit?

22 Réponse: Cela provenait probablement des opérations de l'équipe M3, qui

23 avait sa base à Medjugorje, et cette équipe avait sans doute fait des

24 observations, mais je ne peux pas me prononcer catégoriquement sur ce

25 point.

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1 M. Scott (interprétation): Merci. Pour conclure, Sir Martin, j'aimerais

2 vous poser une ou deux questions supplémentaires.

3 Peu de temps après que le TPIY a émis des Actes d'accusation contre Dario

4 Kordic et Tihomir Blaskic, en novembre 1995, est-ce que vous avez eu des

5 entretiens avec de hauts représentants du HVO, discussions portant sur ces

6 Actes d'accusation?

7 Sir Garrod (interprétation): Oui.

8 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

9 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

10 objection!

11 Nous sommes bien au-delà du champ couvert par l'Acte d'accusation et

12 j'estime que cette honorable Chambre de première instance a indiqué hier

13 que nous ne nous pencherions pas sur les années 1995 et 1996; ces années

14 ne nous intéressent pas. Or nous venons de boucler la boucle et nous nous

15 retrouvons à nouveau en 1995 et 1996 et c'est tout à fait en dehors de

16 champ couvert par l'Acte d'accusation et sans pertinence.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, vous devez nous

18 démontrer la pertinence de ces questions. Il faut que vous établissiez le

19 lien entre ces questions et cette affaire.

20 M. Scott (interprétation): Merci. Je ne crois pas que les dates aient tant

21 d'importance que cela en la matière, mais je vais essayer d'obtenir l'aide

22 du témoin qui peut vous dire quelle était l'opinion qu'avaient certains

23 hauts responsables croates vis-à-vis de Dario Kordic et, ensuite, je vais

24 lui poser des questions supplémentaires à propos de "Tuta".

25 Il me semble que la Chambre de première instance devrait savoir quelle

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1 était l'opinion que certaines personnes avaient sur place à l'époque.

2 Cette opinion est peut-être toujours tenue par certaines personnes.

3 M. le Président (interprétation): Si vous comptez, à terme, nous parler de

4 l'accusé dans cette affaire, nous allons vous autoriser à poursuivre dans

5 la voie que vous avez empruntée.

6 M. Scott (interprétation): Je vais le faire. Je ne peux pas savoir comment

7 le témoin va répondre, mais j'ai encore quatre questions à lui poser.

8 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

9 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, nous pensons qu'il n'est

10 pas du tout approprié de parler de l'opinion de certaines personnes qui se

11 trouvaient en Bosnie-Herzégovine, de savoir quelle était leur opinion

12 trois ans, quatre ans ou deux ans après les faits qui nous concernent.

13 Nous faisons objection vigoureusement. Nous ne souhaitons pas que ces

14 éléments, qui sont des éléments qui se rapportent à des années qui se sont

15 écoulées après les événements qui nous intéressent, soient évoqués. Non

16 seulement nous nous situons après la période couverte par l'Acte

17 d'accusation, mais nous nous situons en temps de paix. La situation était

18 grandement différente, c'était vraiment un temps de paix.

19 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, l'une de mes prochaines

20 questions est une question qui a été posée dans le cadre de l'affaire

21 Kordic et j'ai été autorisé à la poser dans le cadre de l'affaire Kordic.

22 Je souhaite démontrer que c'est pertinent, mais il faut que je puisse

23 soumettre un certain nombre de choses au témoin avant de pouvoir vous

24 démontrer le but que je vise.

25 (Les Juges se concertent sur le siège.)

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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, il va falloir que vous

2 nous expliquiez la pertinence réelle de cette affaire à laquelle vous

3 faites référence et quel est le lien entre cette affaire et la nôtre qui

4 nous intéresse?

5 M. Scott (interprétation): Si je me réfère à des dépositions précédentes

6 de ce témoin, ce témoin a indiqué que de hauts représentants du HVO ont

7 dit au témoin -je cite-: "Vous devez vous rappeler que Kordic était notre

8 Churchill; et c'était un héros de guerre à nos yeux". (Fin de citation.)

9 Et je voudrais demander à ce témoin, à Sir Martin donc, s'il a obtenu des

10 informations similaires à propos de "Tuta". Comment est-ce que "Tuta"

11 était considéré dans la région de Mostar? Est-ce que "Tuta", de même que

12 Kordic, étaient considérés par un grand nombre de Croates de Bosnie comme

13 un héros de guerre.

14 M. le Président (interprétation): Alors, posez une question directe à

15 propos de l'accusé plutôt que de faire référence à une autre affaire.

16 M. Scott (interprétation): Mais je pensais, Monsieur le Président, que

17 c'était la bonne marche à suivre car, précédemment, nous avions posé des

18 questions relatives aux dirigeants du HVO. Nous pensons que ce n'est pas

19 là quelque chose qui est propre seulement à M. Naletilic, mais qui est

20 propre à nombre de dirigeants qui étaient sur place, en poste à l'époque.

21 Et quand cela a été soulevé précédemment, on m'a autorisé à poser cette

22 question.

23 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

24 M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président, merci de faire

25 preuve d'indulgence à mon égard. Je voulais faire une objection très brève

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1 mais très rigoureuse.

2 Je ne peux permettre cette question, et je proteste énergiquement contre

3 l'introduction, par la petite porte, de certains éléments qui n'ont rien à

4 voir avec l'époque couverte par l'Acte d'accusation.

5 La guerre s'est terminée avec la signature des accords de Washington en

6 1994. Ensuite, la paix s'est installée dans la région et, grâce à Dieu, la

7 paix prévaut toujours, et aujourd'hui, la Fédération est ancrée. Et cette

8 Chambre n'est pas compétente pour entendre quoi que ce soit qui s'est

9 produit pendant cette période de paix.

10 Notre Acte d'accusation prend fin en janvier et, ce qui est plus important

11 encore pour ce qui est de ce témoin -et nous avons lu ses déclarations

12 préalables-, c'est que toute sa connaissance des événements remonte à

13 l'année 1994. Donc tout cela, c'est tout ce qui s'est passé après le 18

14 avril, après l'instauration de la paix. Ensuite, ça porte sur 1995, sur

15 1996.

16 Bien sûr, à l'époque, le témoin était sur place; bien sûr le témoin était

17 soucieux de créer un mouvement unifié à Mostar; bien sûr que le témoin a

18 pu entendre dire beaucoup de choses, il a pu avoir la connaissance d'un

19 nombre d'incidents. Mais tout cela ne fait pas partie de l'Acte

20 d'accusation. Ce que ce témoin a pu entendre en 1995, 1996, 1997 à propos

21 des combats politiques, des opinions politiques, tout cela n'a rien à voir

22 avec notre affaire. Ce que le témoin sait à propos de 1996, il nous l'a

23 déjà dit.

24 Voilà, Monsieur le Président. Merci beaucoup de votre attention, mais je

25 veux très énergiquement protester ici, et j'espère que vous ne donnerez

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1 pas votre accord à cette question.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott, je pense que vous

3 devriez demander de quelle façon l'accusé, dans cette affaire, était

4 considéré en 1993 et 1994. Mais vous ne pouvez pas mentionner l'autre

5 affaire que vous vous proposiez d'évoquer précédemment.

6 M. Scott (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

7 Sir Martin, sur la base de ce que vous avez pu voir en Herzégovine, et

8 dans la région de Bosnie de façon plus générale, en 1993 et au moins au

9 premier semestre 1994, est-ce que vous pourriez nous expliquer quelle

10 était la perception qu'avaient les Croates de Bosnie de M. Naletilic?

11 Qu'en pensaient-ils?

12 Sir Garrod (interprétation): Je dirais que 50% des Croates pensaient que

13 Mladen Naletilic était… pas un homme mythique, mais enfin, un héros, un

14 héros de la guerre. Et ils avaient du respect, de l'admiration pour lui.

15 Je vais illustrer cela d'un exemple, mais c'est un exemple qui m'oblige à

16 parler d'une époque qui n'est pas couverte par l'Acte d'accusation.

17 M. Scott (interprétation): Alors, je ne vais pas vous demander de nous

18 donner cet exemple, Sir Martin.

19 Je vous remercie infiniment, Sir Martin, pour votre déposition et je n'ai

20 plus de questions à vous poser.

21 Merci, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation): La défense souhaite-t-elle procéder à un

23 contre-interrogatoire?

24 Maître Meek, vous avez la parole.

25 (Contre-interrogatoire du témoin, Sir Martin Garrod, par Me Meek.)

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1 M. Meek (interprétation): Bonjour, Sir Martin.

2 Sir Garrod (interprétation): Bonjour.

3 Question: Je m'appelle Christopher Meek, et je suis l'un des conseils de

4 la défense de l'accusé, Mladen Naletilic.

5 Réponse: Oui.

6 Question: Je commencerai par la question suivante: comment souhaitiez-vous

7 que je vous appelle?

8 Réponse: Cela ne me préoccupe pas, absolument pas. Faites comme bon vous

9 semble, faites comme vous semble. Tout est bon.

10 Question: Alors, Sir Martin, est-ce que, en 1995, vous avez mené une

11 enquête qui vous permet d'affirmer que 50% des Croates pensaient que mon

12 client était un héros de guerre? Est-ce que vous avez mené une enquête sur

13 cette question?

14 Réponse: Non.

15 Question: A combien de personnes avez-vous parlé de cela?

16 Réponse: Eh bien, au fil des années, je me suis entretenu avec beaucoup de

17 personnes différentes.

18 Question: Vous avez également indiqué que nombre de Croates pensaient

19 qu'il s'agissait là d'un homme mythique?

20 Réponse: Oui, mais j'ai retiré ce mot: j'ai dit qu'ils avaient beaucoup

21 d'estime et d'admiration pour lui quand je me suis corrigé.

22 Question: Est-ce que vous seriez surpris d'apprendre, Sir Martin, qu'un

23 autre témoin, venu déposer dans cette affaire, a décrit M. Naletilic comme

24 étant un véritable mythe?

25 Réponse: Un mythe? Vous savez, pour moi, un mythe ce n'est pas quelque

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1 chose qui existe vraiment. Et je crois, pour ma part, que M. Naletilic

2 existe bel et bien.

3 Question: Peut-être que la personne existe bel et bien, peut-être que ses

4 activités, que son rôle sont mythiques de par leur dimension.

5 Réponse: Bon. Oui, peut-être que les actions qui lui sont attribuées sont

6 d'ordre mythique. Oui, je vous l'accorde.

7 Question: Et vous êtes bien conscient du fait, n'est-ce pas, que M.

8 Naletilic a pris part à la guerre aux côtés de ses frères musulmans contre

9 l'agresseur serbe?

10 Réponse: Absolument.

11 Question: Est-ce qu'il n'est pas juste de dire, Sir Martin, que ces

12 personnes, dont vous avez déclaré qu'elles pensaient qu'il était un héros

13 mythique, décrivaient peut-être les sentiments qu'ils avaient pour cette

14 personne au cours de la guerre contre les Serbes?

15 Réponse: Tout à fait. Et d'ailleurs, ça a été le cas des autres dirigeants

16 également.

17 Question: Je vous remercie.

18 Sir Martin, si vous désirez vous pouvez consulter le document, je voudrais

19 vous poser quelques questions là-dessus; il s'agit d'un rapport portant

20 sur les événements de la journée du 13 octobre 1993. Il s'agit du document

21 642. Ce n'est peut-être pas nécessaire de le consulter, mais vous avez

22 indiqué que dans ce rapport, vous avez donc dit dans le rapport qu'il y

23 avait deux villages musulmans qui étaient protégés par mon client, M.

24 "Tuta". Vous avez également dit, dans ce rapport, que vous étiez très

25 heureux, fort heureux de l'entendre.

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1 Réponse: Bien sûr, j'étais fort heureux de l'entendre que certaines

2 personnes s'occupent d'une minorité.

3 Question: Fort bien. Et maintenant, est-ce que vous savez combien d'autres

4 villages, dans cette région, étaient protégés par mon client -outre ces

5 deux villages?

6 Réponse: Non.

7 Question: Mais vous n'excluez pas la possibilité que je viens d'évoquer?

8 Réponse: Non, bien sûr que non.

9 Question: Vous avez dit, au cours de l'interrogatoire principal, Sir

10 Martin que vos buts principaux, ceux de l'ECMM, étaient les suivants -il y

11 en avait trois, et je crois que vous les avez énumérés dans leur ordre:

12 c'est-à-dire que, d'abord, c'était un but politique, que le but militaire

13 était en deuxième lieu, et la question humanitaire, vous étiez chargé de

14 cette question en troisième lieu.

15 Réponse: Oui, c'est ainsi que je faisais mes rapports, en énumérant ces

16 trois.

17 Question: Bien, si je fais une pause, Sir Martin, c'est que j'essaie

18 d'éviter le chevauchement; donc je suis la course du curseur du compte

19 rendu d'audience.

20 Réponse: Oui.

21 Question: Par cette affirmation, est-ce que vous voulez dire que vous

22 étiez plutôt intéressé par les affaires politiques qui existaient en

23 Bosnie?

24 Réponse: Oui. Je vais ralentir le débit.

25 Nous essayions d'obtenir pour nos chefs politiques qui se trouvaient dans

Page 8457

1 les capitales, d'obtenir donc une image précise de ce qui se passait dans

2 la mesure où nous le pouvions. Donc des divers courants politiques qui

3 existaient dans le pays, car vous le savez, à ce moment-là, il y avait une

4 chute du plan Vance-Owen et il y avait d'autres discussions qui

5 commençaient à avoir lieu. Et donc, il était absolument essentiel que tous

6 les chefs politiques, qui se trouvent dans nos pays, obtiennent

7 l'information la plus précise possible quant aux affaires politiques.

8 Maintenant, les questions militaires étaient très étroitement imbriquées,

9 liées à ces premières questions. Donc il fallait en faire un rapport

10 également, en deuxième lieu.

11 Question: Donc, l'aide humanitaire n'était pas une priorité sur votre

12 liste?

13 Réponse: Oui, c'était en troisième lieu, si l'on parle de priorité, mais

14 je ne pourrais pas dire que ce n'était pas une priorité du tout, cela

15 était très important pour nous. Nous avons passé beaucoup de temps à

16 traiter des affaires humanitaires. Mais, comme je l'ai déjà dit, c'était

17 plutôt l'aspect politique et militaire, et de faire un rapport de ces deux

18 aspects qui était notre priorité principale -si vous voulez.

19 Question: Lorsque vous avez dit un peu plus tôt que vous obteniez ces

20 informations quant aux questions politiques et militaires, et que vous

21 transmettiez ces messages à vos chefs, est-ce que vous parliez du

22 gouvernement britannique?

23 Réponse: Non, pas du tout, je ne parlais pas du tout du gouvernement

24 britannique, mais pour moi, c'était le centre régional et ensuite le

25 quartier général de l'ECMM. Et de là, bien sûr, ceux-là rendaient à la

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1 présidence de la communauté européenne, et par la suite des capitales des

2 12 pays et des 5 pays de l'ECMM qui formaient la mission d'observation du

3 CSCE. Donc je veux insister que je ne faisais absolument pas de rapport

4 direct au gouvernement britannique.

5 Question: Sir Martin, dites-moi, si vous le pouvez: en 1983, à l'époque,

6 est-ce que les Britanniques avaient un intérêt quelconque pour la Bosnie?

7 Réponse: Oui, certainement, nous avions un intérêt pour la Bosnie en 1993,

8 ainsi que tous les autres pays.

9 Question: Quel était l'intérêt que vous portiez envers la Bosnie?

10 Réponse: Eh bien, nous étions préoccupés. Après la guerre en Slovénie,

11 après la guerre en Croatie, et nous ne voulions certainement pas… En fait,

12 nous étions en train de voir une troisième guerre qui était en train

13 d'avoir lieu en Bosnie. Et nous voulions vraiment, nous avions une

14 détermination, nous voulions essayer de résoudre tous ces problèmes, toute

15 cette problématique.

16 Question: Sir Martin, je vais être bien honnête avec vous. Depuis le début

17 de votre déposition, qui a eu lieu lundi après-midi, vous avez parlé de

18 tant de choses, vous avez abordé tant de sujets, vous avez parlé de tant

19 de choses différentes que je ne sais pas par où commencer mon contre-

20 interrogatoire. Donc je vous prie d'être bien patient.

21 M. Garrod (interprétation): Certainement.

22 M. Meek (interprétation): Dites-nous, si vous le pouvez, si vous le savez,

23 pourquoi est-ce que cela a pris tant de temps pour que le monde occidental

24 réagisse et mette pied dans les Balkans?

25 M. Scott (interprétation): Objection!

Page 8459

1 M. le Président (interprétation): Maître Meek, je crois que cette

2 question n'est pas pertinente, je crois que c'est une question qui est un

3 peu trop politique.

4 M. Meek (interprétation): Pardon?

5 M. le Président (interprétation): La question est un peu trop politique.

6 M. Meek (interprétation): La raison pour laquelle j'ai posé cette

7 question, Monsieur le Président, c'est que Sir Martin a dit que son but

8 principal, au sein de la mission l'ECMM, était politique. Donc je

9 comprends que c'est une question politique, fort bien, mais c'est lui qui

10 a fourni une réponse dans ce sens-là.

11 M. le Président (interprétation): Oui, mais vous le savez, nous sommes

12 dans un Tribunal et nous parlons des responsabilités individuelles, nous

13 n'essayons pas de résoudre des questions politiques; et ce témoin n'est

14 pas un politicien. Il faut le comprendre, c'est un expert en affaires

15 militaires, mais il n'est certainement pas un politicien. Donc je vous

16 demanderai de passer à autre chose.

17 M. Meek (interprétation): Fort bien, Monsieur le Président, merci. Je vais

18 passer à autre chose.

19 Sir Martin, le Président de la Chambre vient de dire que vous êtes

20 certainement un expert militaire. Ma question est la suivante: est-ce que

21 vous êtes venu déposer devant ce Tribunal pour témoigner en tant que

22 témoin militaire?

23 Sir Garrod (interprétation): Au cours de mon service en Bosnie, je n'avais

24 pas un rôle militaire. Tout d'abord, au sein de la mission d'observation

25 de l'ECMM, nous étions considérés comme des civils. Et pour ce qui est du

Page 8460

1 reste de ma mission en Bosnie, j'étais là en qualité de civil tout en

2 ayant eu, bien sûr au cours de ma carrière, une formation militaire.

3 Question: Oui, vous avez une formation militaire assez approfondie, elle

4 est très longue votre formation militaire. Vous avez 37 ans, n'est-ce pas,

5 de connaissances militaires?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Est-ce que vous êtes donc familier avec des règles quant à la

8 guerre ou aux agressions armées qui existent entre les pays?

9 Réponse: Je ne pourrais pas vous citer par cœur les conventions diverses,

10 mais bien sûr que je suis au courant de toutes ces conventions et de

11 toutes ces règles.

12 Question: J'aimerais maintenant vous poser une question: si, par exemple,

13 deux pays qui sont côte à côte, comme par exemple la Suède et la Norvège,

14 se trouvent dans un conflit et que la Suède se porte en tant qu'agresseur

15 et attaque la Norvège, est-ce que vous êtes au courant des règles

16 militaires ou du comportement qui permettraient à la Norvège de se

17 déplacer à l'intérieur des frontières qui la séparent de la Suède, pour

18 protéger leurs pays et neutraliser les agresseurs.

19 Question: Je ne sais pas quelles sont les règles exactes, mais je sais

20 que, si un pays attaque un autre, le pays attaqué a bien le droit de

21 prendre des mesures pour se défendre.

22 Question: Dites-nous précisément, est-il permis d'entrer dans le pays qui

23 est l'agresseur pour pouvoir neutraliser, pour pouvoir faire entrer les

24 troupes dans le pays, pour neutraliser l'agresseur et se défendre contre

25 l'agresseur?

Page 8461

1 Réponse: Je ne peux pas vous citer les règles exactes, mais je crois que

2 le bon sens dicte que oui.

3 Question: Sir Martin, je voudrais apporter quelques précisions quant à

4 votre première mission en Bosnie. Vous avez d'abord été envoyé le 1er

5 juillet 1993 en Bosnie, est-ce que c'est exact?

6 Réponse: Oui, c'est bien cela.

7 Question: Si j'ai bien compris, vous êtes arrivé à Siroki Brijeg d'abord?

8 Réponse: Oui, nous étions basés dans une petite maison qui se trouvait à

9 Siroki Brijeg et c'était le quartier général du CC, du centre de

10 coordination.

11 Question: Et cela vous a pris deux semaines avant de finalement pouvoir

12 rentrer dans Mostar?

13 Réponse: Non, il s'agissait de quatre semaines, sinon six.

14 Question: Six semaines?

15 Réponse: Oui, j'essayais chaque jour d'entrer dans Mostar.

16 Question: Au cours de cette période de six semaines, vous avez fait la

17 connaissance du chef de police de Siroki Brijeg?

18 Réponse: Non, mais je l'ai rencontré à une reprise.

19 Question: Est-ce que vous avez rencontré également le maire de Siroki

20 Brijeg?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Combien d'autres personnes au sein du gouvernement de Siroki

23 Brijeg, au niveau municipal et au niveau de la ville, est-ce que vous avez

24 rencontré?

25 Réponse: Bien peu, parce que je n'ai pas passé beaucoup de temps à Siroki

Page 8462

1 Brijeg. Je n'avais pas compris à ce moment-là combien de personnes

2 vivaient à Siroki Brijeg, se trouvaient là et, le cas échéant, j'aurais

3 passé un peu plus de temps à Siroki Brijeg.

4 Question: Lorsque vous avez finalement pu rentrer dans Mostar et que vous

5 avez établi vos QG, ce qui, selon vous, était six semaines après…

6 Réponse: Non, nous sommes arrivés dans Mostar, nous avons pu rentrer dans

7 Mostar mais nous n'avons pas déplacé la base de Siroki Brijeg parce qu'à

8 ce moment-là, ce n'était pas possible de trouver d'endroit pour situer le

9 quartier général à Mostar, pour loger le quartier général. Donc nous

10 étions toujours basés à Siroki Brijeg et nous voyagions de façon

11 quotidienne à Mostar.

12 Question: Et après avoir établi un quartier général à Mostar, vous dormiez

13 à Siroki Brijeg?

14 Réponse: Oui, c'est cela: nous dormions à Siroki Brijeg.

15 Question: Au cours de la période de 91 jours?

16 Réponse: Oui, outre mes visites à Zenica, à Zagreb ou à d'autres endroits.

17 Question: Après ce premier événement, fort difficile, qui ne vous

18 permettait pas d'entrer à Mostar de façon facile, combien de jours par

19 semaine personnellement, Sir Martin, vous rendiez-vous à Mostar?

20 Réponse: Il est très difficile de me souvenir de cela, mais je pourrais

21 dire néanmoins que c'était deux ou trois fois par semaine pour aller à

22 Ouest et trois fois par semaine dans Mostar Est. Bien sûr, j'avais

23 d'autres champs d'intérêt, mais disons que le point focal de mon intérêt

24 était quand même Mostar.

25 Question: Sir Martin, je vois que vous suivez la course du curseur sur le

Page 8463

1 moniteur et moi, je suis l'interprétation du français; c'est pourquoi

2 j'attends votre réponse. Vous êtes en train d'essayer de voir si...

3 Réponse: Non, non, ça va.

4 Question: J'ai oublié de vous poser une question un peu plus tôt; je vais

5 donc vous la poser maintenant avant que je n'oublie.

6 En parlant des trois champs de responsabilité principale que votre mission

7 de l'ECMM avait -donc je parle du champ politique, militaire et

8 humanitaire-, quelle est la mission, quelle est la branche qui vous

9 permettait de parler pour la BBC et de permettre à une personne d'entrer à

10 Mostar Est pour en faire un documentaire?

11 Réponse: Non, ce n'est pas une catégorie principale qui les intéressait,

12 mais c'était une demande. Nous avions obtenu une demande de la BBC: on

13 nous a demandé la permission d'essayer d'entrer dans Mostar, nous avons

14 essayé de les aider ou d'aider les organisations internationales à chaque

15 fois que nous le pouvions, comme nous connaissions le terrain et nous

16 avions les contacts nécessaires. Donc c'était simplement en réponse à une

17 demande qu'on nous a adressée.

18 Question: Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que cette demande qui

19 vous était adressée ne parvenait pas d'une organisation internationale

20 humanitaire?

21 Réponse: Non, mais nous avions plusieurs demandes adressées à nous de la

22 part de plusieurs personnes différentes. Il y a certaines demandes

23 auxquelles nous avons pu acquiescer et à d'autres non, mais cela nous

24 semblait être une demande assez raisonnable. Donc c'est la raison pour

25 laquelle nous avons accepté de les aider, dans la mesure où nous pouvions

Page 8464

1 le faire.

2 Question: Est-ce que vous avez passé plus de temps, selon vous, dans

3 Mostar Est ou Mostar Ouest au cours de cette période de temps pendant

4 laquelle vous vous y rendiez deux à trois fois par semaine?

5 Réponse: Eh bien, je dirais que je partageais le temps moitié-moitié.

6 Question: Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre quelles sont vos

7 connaissances personnelles quant à la présence des troupes de la HV à

8 Mostar au cours de votre service de trois mois? Parlez-nous de votre

9 expérience personnelle et non de ce que vous avez pu entendre dire?

10 Réponse: Eh bien, je me suis appuyé sur les rapports que mes équipes me

11 rendaient, mais les seuls membres de la HV que j'ai vus personnellement

12 étaient sur une route montagneuse, entre Tomislavgrad et Prozor.

13 Question: Et donc, pour nous situer un peu mieux, est-ce que vous pourriez

14 nous dire quelle est la distance entre Tomislavgrad et Prozor?

15 Réponse: Eh bien, je pourrais dire qu'il s'agit probablement de deux

16 heures de route.

17 Question: Et Tomislavgrad se trouve tout près de la frontière croate et

18 bosnienne?

19 Réponse: Oui, c'est plus près de Split.

20 Question: Et à quelle distance en parlant de la frontière entre la Croatie

21 et la Bosnie, est-ce que Tomislavgrad est située selon vous?

22 Réponse: Je crois qu'en voiture, de la frontière de Tomislavgrad, je crois

23 qu'il s'agissait probablement de trois quarts d'heure à une heure de

24 route. En voiture.

25 M. Meek (interprétation): Je crois que tous les avocats qui se trouvent

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1 dans ce prétoire, y inclus vous-même, ont certainement pu visiter cette

2 région, mais les membres de la Chambre ne connaissent pas bien cette

3 région. Je crois que la Chambre, les membres de la Chambre ne connaissent

4 pas bien cette région.

5 Je voudrais vous demander la question suivante: il s'agit de petites

6 routes sinueuses, n'est-ce pas, pas des autoroutes?

7 Sir Garrod (interprétation): Non, c'est une route goudronnée qui a des

8 mesures normales pour aller jusqu'à Tomislavgrad, mais de Tomislavgrad à

9 Prozor, c'est là que je peux parler d'un sentier de montagne presque.

10 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott?

11 M. Scott (interprétation): Je crois qu'il serait peut-être bon de montrer

12 la carte au témoin. Je vois que vous avez déjà la carte sous les yeux,

13 mais nous avons une pièce: il s'agit de la pièce P3. C'est une carte. Je

14 crois qu'il serait peut-être plus simple de nous servir de cette carte.

15 M. Meek (interprétation): Je voudrais remercier mon éminent collègue de

16 cette suggestion et je voudrais savoir si je peux emprunter donc la carte

17 qui est entre les mains de mon collègue pour la mettre sur le

18 rétroprojecteur, s'il vous plaît?

19 M. Scott (interprétation): Vous pouvez certainement vous servir de ma

20 carte ou de celle qui est entre les mains du Greffe.

21 M. Meek (interprétation): Oui, veuillez placer cette carte sur le

22 rétroprojecteur.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Pour le compte rendu d'audience, nous avons une carte qui a déjà été

25 admise au dossier comme étant la pièce P3. Cette carte est située devant

Page 8466

1 Sir Martin; enfin, nous avons remis cette carte entre les mains de Sir

2 Martin.

3 Sir Martin, si vous le désirez, vous pouvez prendre la carte entre les

4 mains et, de cette façon, vous allez pouvoir peut-être mieux la consulter.

5 Et je vous demanderai également de trouver sur cette carte Tomislavgrad

6 et, si vous trouvez cet endroit, vous pouvez tracer un cercle autour de la

7 ville.

8 Sir Garrod (interprétation): Sur la carte, c'est l'indication qu'on y

9 voit: Duvno.

10 Question: Merci. Et pendant que vous avez la carte entre les mains, Sir

11 Martin, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous indiquer ou nous dire si

12 cette carte indique la frontière qui existe entre la Croatie et la Bosnie?

13 Sir Garrod (interprétation): Oui.

14 M. Meek (interprétation): Est-ce que vous pourriez prendre le feutre rouge

15 que vous avez entre les mains et dessiner, faire un trait à l'endroit où

16 se trouve la frontière?

17 M. Scott (interprétation): (Hors micro.)

18 Nous n'avons pas d'objection, Monsieur le Président.

19 Sir Garrod (interprétation): Permettez-moi de faire une autre indication,

20 s'il vous plaît, d'apposer une autre annotation.

21 M. Meek (interprétation): Je vous remercie, Sir Martin.

22 Vous avez un pointeur quelque part devant vous. L'huissier va...

23 Sir Garrod (interprétation): Oui, je vois. J'ai retrouvé le pointeur.

24 Voici Mostar.

25 Question: Merci.

Page 8467

1 Réponse: Voici Tomislavgrad qui est indiquée sur cette carte comme étant

2 la ville de Duvno. Et la route de montagne qui se trouvait entre

3 Tomislavgrad et Prozor était donc ici. Je crois que vous pouvez voir ce

4 que j'ai dessiné ici, en zigzag; il s'agit de la frontière.

5 Question: Fort bien. Merci, Sir Martin. Maintenant, si nous passons de

6 Tomislavgrad jusqu'à la frontière croate, est-ce que vous pourriez nous

7 dire quelle est la distance en kilomètres qui se trouve entre les deux

8 points, puisque vous avez passé tant de temps dans cette région?

9 Réponse: Eh bien, vous savez, c'est le temps que cela prend pour s'y

10 rendre. La distance n'est peut-être pas pertinente, si vous voulez. Je

11 dirais que cela doit prendre entre un bon trois quarts d'heure.

12 Question: A vol d'oiseau, vous voulez dire?

13 Réponse: Oui, certainement.

14 Question: Bien, merci. Je n'ai plus besoin de la carte.

15 Réponse: Oui, mais peut-être un petit peu plus de temps, je crois.

16 Question: Sir Martin, vous n'en avez pas parlé au cours de

17 l'interrogatoire principal, mais la plupart des membres de l'ECMM et des

18 observateurs qui sont venus témoigner devant cette Chambre ont dit

19 d'ailleurs qu'ils recevaient un briefing avant de partir en mission.

20 Est-ce que vous avez reçu un briefing également ?

21 Réponse: Oui, certainement. J'ai été briefé à Londres puisque j'avais été

22 recruté par le bureau étranger. Donc j'ai pris l'avion pour me rendre à

23 Zagreb et c'est à ce moment-là que j'ai reçu un briefing, au sein du

24 quartier général de l'ECMM, sur la situation en ex-Yougoslavie. Car à ce

25 moment-là, nous ne savions pas où nous serions déployés exactement; on

Page 8468

1 nous a demandé où nous voulions servir notre mission, où nous voulions

2 nous rendre. J'ai dit que je voulais aller en Bosnie et j'étais très

3 heureux de l'obtenir, d'obtenir mon choix. Je me suis donc rendu à Zenica

4 et on m'a donné d'autres briefings. Mais j'ai passé une semaine à Zenica,

5 au centre régional et c'est ensuite qu'on m'a informé que le chef voulait

6 que je me rende à Mostar.

7 Question: Est-ce qu'il serait juste de dire, Sir Martin, que lorsque vous

8 avez reçu votre briefing à Londres, à Zagreb et à Zenica, on vous a

9 informé sur le climat politique qui prévalait à cet endroit, que vous

10 alliez sûrement rencontrer dans la région autour de Mostar, n'est-ce pas?

11 Réponse: Non, ce n'est pas plus particulièrement pour Mostar. A Londres,

12 j'ai reçu un briefing très général sur l'ex-Yougoslavie, sur toute cette

13 zone. Quant à Zagreb, j'ai reçu les zones d'opération de l'ECMM, donc les

14 zones d'opération.

15 On en a parlé en traits très généraux, mais on n'a pas parlé de Mostar, on

16 n'a pas parlé en détail de Mostar. Je crois qu'on en a parlé, mais pas en

17 détail. C'est seulement lorsque je me suis rendu à Zenica que nous avons

18 commencé à parler de zones très spécifiques et de points spécifiques.

19 Question: Je vous remercie de cette réponse. J'imagine que c'est la façon

20 dont cela fonctionne.

21 Donc c'est à Zenica que vous avez appris tous les détails quant à ce que

22 vous deviez vous attendre du point de vue politique et militaire, sur le

23 terrain, donc la situation qui existait, qui prévalait sur le terrain, à

24 Mostar et dans l'Herzégovine du sud-ouest?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et au cours de ces cessions de briefing, on vous a informés, on

2 vous a dit qui étaient les dirigeants politiques, les personnalités

3 politiques et militaires principales pour le HVO et la BiH?

4 Réponse: Je présume que oui, mais je ne me souviens pas exactement de la

5 teneur de ces briefings. Vous savez, vous ne vous souvenez pas de ce que

6 l'on vous dit exactement, mais lorsque vous vous trouvez sur le terrain,

7 c'est là que vous voyez de quoi il s'agit exactement. Donc je dois dire

8 que, pour la plupart de ces briefings que j'ai eus à Londres, à Zagreb et

9 même à Zenica, ce sont peut-être des renseignements qui, pour tout du

10 moins, sont un peu flous.

11 Réponse: Même à Zenica, lorsque vous avez passé une semaine avant de vous

12 rendre à Mostar, vous ne vous souvenez pas avoir posé des questions: à qui

13 devrai-je parler, à quels membres du HVO, à quelles personnes dois-je

14 parler de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

15 Réponse: Non, je ne me souviens pas.

16 Question: Vous ne vous souvenez pas?

17 Réponse: Non, mais quand je suis arrivé sur le terrain, je me souviens que

18 j'ai parlé à la personne, à mon prédécesseur et j'ai obtenu des

19 renseignements de lui directement.

20 Question: Quel était votre prédécesseur?

21 Réponse: C'était Klaus Nissen.

22 Question: Eh bien, c'est Klaus qui vous a donné le plus de renseignements,

23 n'est-ce pas, lorsque vous êtes arrivé sur le terrain à Siroki Brijeg?

24 Sir Garrod (interprétation): Oui, c'était l'information la plus immédiate.

25 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, je remarque qu'il est

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1 l'heure de prendre la pause.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur l'huissier, est-ce que vous

3 pourriez escorter le témoin hors du prétoire d'abord?

4 (Intervention de l'huissier.)

5 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

6 Nous allons reprendre nos travaux à 16 heures.

7 (L'audience, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 16 heures 03.)

8 M. le Président (interprétation): Maître Meek?

9 M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

10 Concernant votre précurseur, une brève question: combien de temps était-il

11 avant Mostar, Klaus, avant votre relève?

12 Sir Garrod (interprétation): Là, je ne saurais vous répondre d'une manière

13 précise, mais je crois qu'il s'agissait de trois ou quatre mois.

14 Question: Dans le briefing très exhaustif que vous aviez eu à Londres,

15 vous aviez appris, n'est-ce pas, que la Croatie avait été attaquée par

16 l'armée de la JNA et que le pays de la Croatie avait été attaqué par les

17 armées serbes de la JNA, l'armée serbe, en 1991/1992, jusqu'au sud de la

18 Croatie? Vous le saviez?

19 Réponse: Oui, je le savais.

20 Question: Est-ce que vous étiez véritablement convaincu qu'il s'agissait

21 d'une agression serbe qui s'était servie de la route à travers la Bosnie-

22 Herzégovine pour attaquer la Croatie du sud?

23 Réponse: Je ne sais pas quelles étaient les routes qui avaient été

24 entreprises, mais ils s'étaient servis de Vukovar. Mais je ne savais pas

25 ce qu'ils avaient pu traverser, comme la Bosnie, mais je ne connaissais

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1 pas les véritables routes, mais bien entendu Vukovar, qui était si proche

2 de la Serbie.

3 M. Meek (interprétation): Est-ce que vous voulez dire Dubrovnik?

4 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président?

5 M. le Président (interprétation): Oui?

6 M. Scott (interprétation): Ces questions n'ont aucune pertinence à notre

7 égard.

8 M. le Président (interprétation): Oui. Maître Meek, quelles sont les

9 questions qui vont mener vers ce conflit international armé? Merci.

10 M. Meek (interprétation): Merci. Sir Martin, êtes-vous conscient de

11 l'accord signé à Split? C'était en 1992, n'est-ce pas?

12 Sir Garrod (interprétation): Oui, je me souviens et je suis conscient de

13 cet accord, mais je ne me souviens pas des éléments de cet accord.

14 Question: Merci. Vous avez indiqué dans votre témoignage principal qu'au

15 cours de votre séjour en Bosnie et dans la zone de Mostar, vous n'aviez

16 pas eu l'occasion de voir l'Héliodrome. Est-ce correct?

17 Réponse: J'ai visité l'Héliodrome, mais je n'avais pas pu y entrer; j'ai

18 essayé, mais je n'avais pas réussi.

19 Question: Etes-vous conscient que l'un de vos membres du M2 avait

20 effectivement visité l'Héliodrome?

21 Réponse: S'il l'avait fait, je ne m'en souviens pas.

22 Question: Dans votre témoignage principal, vous vous êtes servi de

23 différentes sources pour votre information. Est-ce correct?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Pouvez-vous me donner certains exemples de vos sources?

Page 8472

1 Réponse: En parlant aux Bosniaque, aux Croates, aux Serbes et aux

2 différents membres des organisations internationales et aux membres de

3 différentes ONG.

4 Question: Y avait-il quelques sources spécifiques dont vous voudriez dire

5 quelques mots et citer?

6 Réponse: Non, mes sources principales étaient les informations directes

7 obtenues des chefs politiques et militaires croates, et des chefs

8 politiques et militaires bosniaques.

9 Question: Est-ce que personnellement, est-ce que vous aviez un interprète

10 lorsque vous étiez en Bosnie?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que vous pourriez me dire la nationalité ou l'ethnicité

13 de votre interprète?

14 Réponse: Nous nous servions d'interprètes croates dans Mostar Ouest, mais

15 quand nous traversions à l'Est, nous nous servions d'un interprète

16 bosnien; autrement, ils n'étaient pas acceptables s'ils étaient du mauvais

17 côté de la rivière Neretva.

18 Question: Une question. Vous êtes-vous servi également de vos interprètes

19 à titre de sources?

20 Réponse: Non, non, véritablement. Car à part quelques données précises sur

21 les lieux-dits et autres, nous ne nous sommes pas engagés dans des

22 questions. Cela aurait été une situation qui ne conviendrait pas aux

23 règles du jeu.

24 Question: Vous avez dit qu'il serait malvenu de vous servir de vos

25 interprètes à titre de sources?

Page 8473

1 Réponse: Oui.

2 Question: Pourriez-vous me dire le nombre approximatif d'entretiens que

3 vous avez eus et de rencontres avec les Croates par rapport à celles avec

4 les Musulmans?

5 Réponse: Au cours de ces trois mois, oui. Donc il a fallu probablement

6 avoir plus d'entretiens avec les Croates puisque nous vivions du côté

7 croate, puisque nous vivions à Siroki Brijeg. Mais toutes nos rencontres

8 étaient avec les chefs croates grâce auxquels nous voulions rentrer à

9 Mostar, ce qui ne nous permettait pas beaucoup de temps pour nous rendre

10 vers Mostar Est, du côté des Bosniens. Donc naturellement, on avait plus

11 d'entretiens avec les Croates.

12 Question: Concernant cette émission de la BBC, de ce documentaire de la

13 BBC, est-ce que vous avez eu une aide pour vous aider? Cet enregistrement

14 de film était du côté Ouest de Mostar ou bien c'était uniquement pour le

15 côté Est?

16 Réponse: Puis-je me corriger? Je n'ai pas aidé à l'enregistrement de ce

17 film. Tout ce que j'ai fait, c'est de parler avec Praljak. Je leur ai dit

18 de s'adresser directement à Praljak pour qu'ils puissent passer du côté

19 Est et demeurer là. Mais ce qu'ils allaient faire là, c'était leur propre

20 affaire.

21 Question: Lorsque vous dites le terme, "facilité" serait-il un meilleur

22 terme?

23 Réponse: Oui, facilité.

24 Question: Merci. A votre connaissance, est-ce que Jeremy Bowen traversait

25 de Mostar Ouest vers Mostar Est pour faire son documentaire?

Page 8474

1 Réponse: Oui, il aurait dû le faire, s'il voulait le tourner.

2 Question: Merci. Une fois de plus, est-ce que vous savez si Jeremy Bowen

3 et son équipe avaient fait des enregistrements du côté de Mostar Ouest

4 quand ils étaient là?

5 Réponse: Non. A ma connaissance, je ne sais pas. Certainement, le point

6 focal du film avait été la situation à Mostar Est.

7 Question: Hier, vous avez dit, dans votre témoignage principal, ou la

8 journée d'avant, qu'il y avait beaucoup de Croates en Herzégovine qui

9 parlaient de Tudjman au titre de leur président. Est-ce correct?

10 Réponse: Oui, c'est exact.

11 Question: Est-ce que vous pouvez de cette façon dire que les Croates

12 vivant en Herzégovine n'acceptaient pas, excusez-moi, Izetbegovic en tant

13 que leur président légitime?

14 Réponse: C'était seulement une impression que je m'étais faite concernant

15 le président pour les Croates et Tudjman.

16 Question: Est-ce qu'il y avait des raisons pour qu'il se sente de cette

17 façon?

18 Réponse: Oui, il y avait des liens très étroits entre les Croates de

19 Bosnie et la Croatie. Et, comme je l'ai dit, il y avait un certain nombre

20 de membres du gouvernement de Tudjman qui étaient originaires de

21 Herzégovine.

22 Question: Savez-vous, Sir Martin, combien de nationaux croates étaient nés

23 en Bosnie?

24 Réponse: Combien de citoyens croates? Non, non.

25 Question: Si je disais 400.000 approximativement, est-ce que cela vous

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1 semblerait approprié?

2 Réponse: Je ne crois pas que ce soit approprié, mais cela ne m'étonnerait

3 pas.

4 Question: Quelle est la population totale de la Croatie, à votre

5 connaissance? Est-ce c'est aux environs de quatre millions?

6 Réponse: Oui, il me semble qu'il en est ainsi.

7 Question: Sir Martin, est-ce que vous savez que tous les Croates qui

8 vivent n'importe où dans le monde, aux Etats-Unis, en France et ailleurs,

9 peuvent avoir une double nationalité? Est-ce que vous le savez?

10 Réponse: Cela ne m'étonne pas.

11 Question: Savez-vous que ces nationaux peuvent prendre part aux élections

12 en Croatie, d'après la législation croate, et qu'ils ont donc la

13 possibilité de vote double? En êtes-vous conscient?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Ceux qui sont croates: est-ce que vous en êtes conscient?

16 Réponse: Oui, il y a des doubles citoyennetés, avec un double passeport

17 dans le cas des Etats-Unis.

18 Question: Oui, il ne s'agit de rien de particulier dans cette affaire de

19 double nationalité.

20 Réponse: Non, mais je me réfère aux Croates de Bosnie qui avaient des

21 passeports croates et qui pouvaient voter aux élections générales en

22 Croatie, pas aux Croates vivant en Bosnie.

23 Question: Etes-vous conscient qu'un Croate qui a une double nationalité

24 peut même obtenir un poste au gouvernement croate sans vivre en Croatie?

25 Réponse: Cela ne m'aurait pas étonné.

Page 8476

1 Question: Hier, vous avez dit que, lorsque vous aviez décrit la présence

2 d'hommes politiques croates qui étaient présents à ces réunions, est-ce

3 que vous étiez étonné de les voir à Mostar?

4 Réponse: Non.

5 Question: Est-ce que vous êtes…

6 Réponse: Non, je n'étais pas étonné parce que nous étions très conscients

7 des conséquences et de l'incidence que la Croatie avait sur le destin des

8 Croates en Bosnie. Nous nous mettions en consultation avec le gouvernement

9 croate et Tudjman et Granic et autres pour nous aider à effectuer nos

10 tâches à Mostar.

11 M. Meek (interprétation): Ceci me mènerait à la question suivante,

12 notamment de vous demander: au cours de cette période, la communauté

13 européenne avait demandé l'aide de certains hommes politiques de Croatie

14 de vous aider dans ce conflit, dans cette guerre civile?

15 Sir Garrod (interprétation): Nous, à Mostar, certainement. Ils avaient

16 consulté Tudjman Granic et les autres pour nous aider dans votre tâche.

17 M. le Président (interprétation): Maître Meek, pouvez-vous ralentir?

18 L'interprétation française est bien en retard.

19 M. Meek (interprétation): La seule façon pour moi de savoir si la

20 traduction française est achevée, c'est de suivre ce qui est dit dans mon

21 casque. Donc je vais essayer de procéder ainsi.

22 Bien, Sir Martin, hier ou la veille, vous avez évoqué une réunion qui a

23 été organisée à Medjugorje et au cours de laquelle le Président Tudjman a

24 pris la parole, il était présent. Est-ce que vous vous rappelez?

25 Sir Garrod (interprétation): Non, je ne me souviens pas de cette réunion-

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1 là, mais ça ne me surprendrait pas qu'il y ait eu cette réunion. Ceci dit,

2 cette réunion précise, je ne m'en souviens pas. A moins que vous puissiez

3 me renvoyer un document se trouvant dans le classeur de documents?

4 Question: C'était peut-être la réunion de Grude alors?

5 Réponse: La réunion de Grude, ça oui, mais Tudjman n'était pas présent à

6 cette réunion de Grude; c'est Mate Granic qui s'y trouvait, le Ministre

7 des affaires étrangères.

8 Question: Hier ou avant hier, vous avez déclaré que des Moudjahidine se

9 trouvaient sur le terrain, n'est-ce pas?

10 Réponse: C'est exact.

11 Question: Est-ce que vous pourriez me dire et dire aux Juges de cette

12 Chambre de quel pays ces Moudjahidine provenaient?

13 Réponse: Ils venaient de plusieurs pays islamiques. Moi, j'ai pensé

14 personnellement que c'était une grave erreur de les autoriser à pénétrer

15 dans le pays. Je crois que je n'étais pas seul à avoir cette opinion et il

16 m'est arrivé à plusieurs reprises d'évoquer cette question auprès des

17 généraux bosniens en Bosnie centrale.

18 La plupart de ces généraux bosniens ne voulaient pas non plus de ces

19 Moudjahidine, mais ils m'ont assuré qu'ils avaient le contrôle de la

20 situation. Cela dit, je n'étais pas tout à fait convaincu que ce soit le

21 cas.

22 Question: Hier ou avant-hier, vous avez indiqué que le HVO, vous avez

23 donné ce que vous avez appelé des "prétextes" qui essayaient de justifier

24 le fait que certaines unités échappaient à tout contrôle. Et vous avez

25 dit, vous avez pensé qu'il s'agissait de pauvres prétextes ou de prétextes

Page 8478

1 peu valables.

2 Réponse: Oui, mais j'ai également dit que, dans tous les camps, il a été

3 dit à un moment donné ou à un autre, qu'il y avait des unités qui

4 échappaient à tout contrôle, pas seulement du côté croate.

5 Question: Est-ce qu'il pourrait s'agir là d'un exemple de ce qu'un général

6 de la BiH vous aurait dit, à savoir que les Moudjahidine échappaient à un

7 certain contrôle et que ce n'était pas vraiment de leur faute?

8 Réponse: Je n'ai pas le souvenir d'un incident précis, même si une de nos

9 unités à Jablanica s'est fait surprendre par les Moudjahidine qui leur ont

10 pris leur véhicule. Je ne pense pas que cela ait fait l'objet d'un ordre

11 donné par les généraux de la BiH.

12 Question: Est-il juste de dire que, d'un côté comme de l'autre, donc du

13 côté de la BiH comme du côté du HVO, il y avait par moments des factions

14 qui échappaient à tout contrôle?

15 Réponse: C'est exact, mais je n'ai jamais considéré que cela pouvait être

16 utilisé comme une excuse ou une justification pour ce qui pouvait se

17 produire.

18 Question: Ces pays du Moyen-Orient qui envoyaient des Moudjahidine en

19 Bosnie pour qu'ils se battent là-bas, envoyaient également des armes,

20 n'est-ce pas, sur place?

21 Réponse: Je n'ai aucune raison d'en douter. Sans aucun doute, car bien sûr

22 il y avait un embargo sur les armes.

23 Question: Ces pays qui envoyaient des combattants et des armes sur le

24 terrain apportaient également une aide financière à la BiH?

25 Réponse: Je n'ai pas de preuve de cela, mais je pense que c'est de l'ordre

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1 du possible. Tout à fait.

2 Question: Est-ce que vous pourriez me donner, à moi et aux Juges de cette

3 Chambre, votre opinion sur ces Moudjahidine: d'après vous, pourquoi

4 combattaient-ils?

5 Réponse: Eh bien, avec le bénéfice du recul, je dirais maintenant qu'ils

6 se battaient pour une cause religieuse, pour la cause de l'islam, mais je

7 n'ai jamais pu établir précisément la raison de leur présence sur place.

8 Je ne sais pas pourquoi ils se trouvaient là. Peut-être que c'était

9 seulement pour apporter une aide à leurs frères musulmans, je ne sais pas.

10 Question: Est-ce que vous pensez qu'ils étaient là parce qu'ils se

11 battaient pour une Bosnie multiethnique?

12 Réponse: Je pense qu'ils étaient là pour apporter un soutien à la cause

13 musulmane en Bosnie.

14 Question: Vous n'avez pas vraiment parlé de votre carrière militaire, vous

15 avez juste indiqué que c'était une carrière de 37 ans. Mais vous avez été

16 présent sur d'autres théâtres d'opération au cours de ces 37 années de

17 carrière, n'est-ce pas?

18 Réponse: Bien sûr.

19 Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'en Bosnie,

20 en 1993, comme dans d'autres pays où vous vous êtes trouvé dans des

21 situations de guerre, il y avait des rumeurs, des histoires et qui

22 circulaient très vite?

23 Réponse: Oui. En fait, j'avais l'habitude d'établir une comparaison entre

24 ce qui se passait à Mostar et ce qui se passait à Belfast.

25 Question: Vous seriez d'accord avec moi pour dire que, pendant cette

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1 période de guerre civile en Bosnie, ces rumeurs, eh bien, parlaient de

2 faits qui, au fil du temps et des récits, étaient déformés, prenaient une

3 ampleur qui n'avait rien à voir avec ce qui s'était passé à l'origine.

4 Mais cela, c'est le fait de la nature humaine, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui, et puis, il y avait de la désinformation pratiquée par les

6 médias. Cela, c'est vrai aussi.

7 Question: Sir Martin, avec tout cela à l'esprit, est-ce que vous excluez

8 totalement la possibilité qu'il y ait eu des rumeurs qui aient circulé

9 quant au fait que des personnes de l'ECMM avaient été enlevées, qu'il y

10 ait eu un vol armé, un vol de Mercedes de l'équipe de l'ECMM? Est-ce que

11 le fait qu'on ait dit que des Moudjahidine avaient participé à tout cela,

12 est-ce que vous pensez qu'il y avait des rumeurs également qui pouvaient

13 circuler quand au fait que des Moudjahidine tuaient des enfants et

14 violaient des femmes en Bosnie?

15 Réponse: Excusez-moi, je ne vous suis pas.

16 Question: Nous avons établi qu'en temps de guerre, les rumeurs, les

17 histoires circulent très vite. Nous avons été d'accord pour dire, tous les

18 deux, que cela s'est passé en Bosnie, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, les rumeurs se multipliaient. Cela, c'est absolument acquis.

20 Question: Nous avons également dit que l'équipe M1 de l'ECMM avait été la

21 victime d'un enlèvement, d'une attaque à main armée, de vol à main armée,

22 n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Alors, est-ce qu'il n'est pas possible de dire qu'une histoire

25 factuelle de ce type, à laquelle ont pris part des Moudjahidine, avec le

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1 temps et les différents récits, se transforme en une histoire où des

2 Moudjahidine auraient violé des femmes et tué des enfants?

3 Réponse: Je ne vois pas très bien comment cela aurait pu se produire parce

4 que c'est nous qui avons eu connaissance du rapport fait sur cet incident.

5 C'était une question interne. Je ne crois pas que les Croates aient même

6 eu connaissance de cet incident, je ne crois même pas qu'ils étaient au

7 courant de ce qui s'est passé.

8 Parce que, pour nous, bien sûr, ce n'était pas très brillant, pas très

9 reluisant. Nous avons été un peu gênés de tout cela.

10 Question: Mais vous admettrez que cette histoire aurait pu circuler et

11 prendre toute sorte de formes?

12 Réponse: Oui, elle aurait pu bien sûr circuler.

13 Question: Merci. Est-ce que vous pourriez nous donner une estimation du

14 nombre de combattants Moudjahidine qui se trouvaient en Bosnie centrale

15 mais également au sud-ouest de la Bosnie?

16 Réponse: Moi, je dirais qu'il y en avait plusieurs centaines, mais c'est

17 vraiment une estimation.

18 Question: Et vous êtes également d'accord avec moi pour dire, n'est-ce

19 pas, qu'il faut moins d'une centaine de combattants fondamentalistes pour

20 provoquer des dégâts aussi importants, n'est-ce pas? Et nous n'avons qu'à

21 penser à la date du 11 septembre et aux événements de New York?

22 Réponse: Absolument, et c'est la raison pour laquelle j'ai dit que c'était

23 une grave erreur d'avoir permis à ces hommes d'arriver en premier lieu.

24 M. Meek (interprétation): Est-ce que nous allons trop vite?

25 Mme Diarra: Est-ce que nous sommes dans l'Acte d'accusation, ou bien fait-

Page 8482

1 on l'historique du comportement de la solidarité musulmane et des dégâts

2 des Musulmans à travers le monde?

3 M. Meek (interprétation): Je n'ai pas suivi dans mon casque

4 l'interprétation. J'ai dû lire ce qui apparaissait à l'écran. Excusez-moi.

5 Madame le Juge, nous sommes bien dans le champ couvert par l'Acte

6 d'accusation; en tout cas, nous sommes dans le champ couvert par

7 l'interrogatoire principal du Procureur. On a parlé des Moudjahidine dans

8 le cadre de l'interrogatoire principal. C'est une chose.

9 Deuxième chose, nous sommes bien en train de parler de la zone

10 géographique abordée dans le cadre de l'interrogatoire principal et nous

11 traitons des documents soumis à l'intention du témoin où l'on parlait des

12 préoccupations qui étaient celles des Croates quant à certains faits

13 perpétrés par les Musulmans dans la région.

14 M. le Président (interprétation): Mais nous avons passé beaucoup de temps

15 sur cette question des Moudjahidine et nous ne savons pas très bien quel

16 est votre objectif, Maître. Où souhaitez-vous nous emmener?

17 Mme Diarra: Le 11 septembre, je crois que c'est aux Etats-Unis. Et très

18 très récemment.

19 M. Meek (interprétation): Je vous remercie, Madame le Juge. La pertinence

20 de la question que je pose à Sir Martin est celle-ci: dans certains des

21 rapports que nous avons trouvés dans le classeur, on parle du fait que les

22 Croates en Herzégovine parlaient constamment de leur crainte d'avoir à

23 faire face à des Moudjahidine. Et l'ECMM estimait que les Croates

24 n'avaient pas de fondement pour penser à cela?

25 Sir Garrod (interprétation): Moi, je n'ai pas entendu beaucoup de

Page 8483

1 personnes s'exprimer en disant qu'elles étaient préoccupées par les

2 Moudjahidine. En fait, il s'agissait plus souvent de préoccupations émises

3 quant à la création d'un Etat musulman islamique.

4 Question: Merci. Depuis le début de ce procès, Sir Martin, un autre témoin

5 est venu devant nous pour nous parler d'un lieu appelé Bucina. Est-ce que

6 vous avez entendu parler de ce lieu, Bucina?

7 Réponse: Cela me dit quelque chose mais, pour autant, je ne pourrais pas

8 le situer sur la carte et je ne pourrais pas non plus vous dire ce qui

9 s'est passé là.

10 Question: C'était un camp d'entraînement pour les Moudjahidine en Bosnie?

11 Réponse: Ah oui, tout à fait.

12 Question: Cela vous dit quelque chose?

13 Sir Garrod (interprétation): Maintenant, oui.

14 M. Meek (interprétation): Est-ce que vous avez jamais appris que le

15 Président Izetbegovic s'est rendu dans ce camp pour donner aux Musulmans

16 un soutien? Et est-ce que vous savez qu'il n'a pas été décoré par ces

17 Musulmans?

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott?

19 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, j'ai été très calme et

20 silencieux, mais cela se prolonge.

21 Quelle est la pertinence de tout cela? Est-ce qu'on peut faire un lien

22 entre ce qui est dit maintenant et entre un moyen de défense utilisé

23 contre des allégations faites dans l'Acte d'accusation? Vous allez peut-

24 être autoriser cela à se poursuivre, mais moi, je ne crois pas que ce soit

25 pertinent.

Page 8484

1 M. le Président (interprétation): Nous partageons ce point de vue,

2 Monsieur Scott. Nous pensons que la pertinence est assez difficile à

3 discerner.

4 M. Meek (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le Président,

5 je voudrais dire ceci: la pertinence de ce que je dis relève du fait que

6 le témoin a parlé de ce qu'il a fait en Bosnie. Et il nous a dit que les

7 Croates de Bosnie n'acceptaient pas le fait que le Président Izetbegovic

8 était Président de la Bosnie-Herzégovine, ils ne le considéraient pas

9 comme un Président légitime. J'essaie de savoir, en posant des questions à

10 ce témoin, pourquoi les Croates n'acceptaient pas Izetbegovic comme

11 Président légitime.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Scott?

13 M. Scott (interprétation): Si nous partons du principe que cela soit vrai,

14 à savoir qu'il y avait des Croates en Bosnie-Herzégovine qui n'acceptaient

15 pas le Président Izetbegovic comme Président légitime, je demanderai à la

16 Chambre de demander à la défense en quoi cela peut servir de moyen de

17 défense à l'égard des chefs retenus contre les accusés.

18 Est-ce que cela permet à des personnes de détruire des mosquées, est-ce

19 que cela permet d'utiliser des personnes comme bouclier humain? En quoi

20 cela est pertinent dans le cadre d'une défense?

21 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, j'ai bien écouté ce qu'a

22 dit mon éminent collègue de la partie adverse et je voudrais dire, pour

23 être bref, que toute question surgissant dans le cadre d'un contre-

24 interrogatoire n'a pas forcément un lien avec un moyen de défense.

25 J'ai le droit, dans le cadre du contre-interrogatoire, de poser toute

Page 8485

1 question découlant de ce qui a été dit dans le cadre de l'interrogatoire

2 principal et cela a été abordé en interrogatoire principal.

3 M. le Président (interprétation): Oui, mais tout de même, il faut que cela

4 ait un lien avec le cœur de l'affaire. Nous avons passé beaucoup de temps

5 sur la question des Moudjahidine. Voilà plus de quatre mois que nous

6 sommes assis ici et nous pensons que cette question des Moudjahidine

7 n'occupe qu'une partie très infime de l'affaire qui nous occupe.

8 Passez sur ces questions, Maître, et poursuivez votre contre-

9 interrogatoire.

10 M. Meek (interprétation): Merci, je vais le faire, Monsieur le Président.

11 Bien sûr.

12 Mme Clark (interprétation): Voyez-vous, Maître Meek, cela n'est pas du

13 tout contesté: tout le monde, dans cette salle d'audience, accepte le fait

14 qu'il y avait présence sur le terrain des Moudjahidine; ils se trouvaient

15 dans la zone de conflit en Bosnie.

16 Evidemment leur présence n'a fait qu'envenimer les choses, mais cela ne

17 fait l'objet d'aucune contestation. Pourquoi contre-interroger le témoin

18 sur quelque chose sur quoi nous sommes tous d'accord?

19 M. Meek (interprétation): Eh bien, je suis ravi, je suis ravi que nous

20 soyons tous d'accord là-dessus et je m'empresse de changer de sujet.

21 Sir Martin, dans le cadre de votre interrogatoire principal, vous avez

22 parlé de votre connaissance de deuxième ou troisième main des expulsions

23 qui avaient eu lieu, expulsions des Musulmans de la rive ouest, qui

24 avaient été envoyés sur la rive est. Vous vous souvenez de cela?

25 Sir Garrod (interprétation): Oui.

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1 Question: Pourriez-vous nous donner des éléments d'information quelconques

2 sur le nombre de Croates qui auraient pu être expulsés de la rive est pour

3 être envoyés sur la rive ouest?

4 Réponse: Eh bien, c'est très intéressant cette question parce qu'il y

5 avait très peu de Croates à Mostar Est. Et moi, je n'ai jamais pu établir

6 de façon précise quand ces Croates étaient passés de l'autre côté du

7 fleuve. Mais l'une des théories que j'ai toujours à l'esprit était que ces

8 Croates se sont vus ordonnés par le HVO de passer de l'autre côté avant

9 que le pilonnage de Mostar Est commence. Jamais on n'a apporté des

10 éléments qui auraient pu me démontrer que les Croates avaient été expulsés

11 de Mostar Est.

12 Question: On peut donc dire que vous n'étiez pas au courant du fait que

13 seuls douze Croates sont restés à Mostar Est?

14 Réponse: Eh bien, moi, j'aurais dit plutôt 50 parce qu'il y avait encore

15 des couples mixtes, mais c'est vrai que les proportions de Croates étaient

16 plus que minces.

17 Question: Et vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'il y avait environ

18 9.000 Musulmans qui vivaient à Mostar Est pendant cette période de temps?

19 Réponse: Mais c'est un chiffre intéressant que vous avancez parce que,

20 voyez-vous, les Croates disaient effectivement qu'ils étaient 9.000, mais

21 les Bosniens eux disaient qu'ils étaient 3.000. Moi, j'ai essayé de faire

22 une moyenne des deux et, dans toutes les réunions que j'ai données,

23 réunion d'information, je disais qu'il y avait environ 6.000 Musulmans.

24 Mais c'était un chiffre important, une population importante.

25 Question: Si vous le savez, est-ce que vous pouvez nous dire ceci: avant

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1 le 9 mai 1993, qui prenait soin des réfugiés, des personnes déplacées, à

2 Mostar Ouest?

3 Réponse: Eh bien, les Croates étaient la population la plus importante à

4 Mostar Ouest, donc les Croates s'occupaient de tout cela, des réfugiés

5 notamment et des personnes déplacées.

6 Question: Sir Martin, est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos de

7 l'acquisition abusive parfois de propriétés, d'appartements à Mostar?

8 Réponse: J'ai dû vraiment me plonger sur la question parce qu'il y a eu

9 des cas d'expulsion et ces cas d'expulsion ont eu cours jusqu'en 1996. Et

10 Vinko Martinovic, d'après moi, est grandement responsable de tout cela.

11 Question: Merci de cette réponse qui ne répond pas à ma question.

12 Je vous repose ma question: est-ce que vous avez une connaissance

13 quelconque du fait qu'il y avait des problèmes de propriétés,

14 d'appartements à Mostar pendant la période que vous y avez passé, période

15 de trois mois en 1993?

16 Réponse: Eh bien, je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire quand

17 vous dites "propriétés, appartements ou acquisition d'appartements"?

18 Question: C'est une question simple. Savez-vous qui était propriétaire des

19 appartements? Est-ce que les gens accaparaient des appartements? Comment

20 cela se passait-il?

21 Réponse: Avant la guerre, il y avait des baux très clairs de location, qui

22 étaient régis par le conseil municipal, mais après la guerre, tout ce qui

23 prévalait jusqu'à présent s'est effondré et c'est devenu absolument

24 infernal. Avant la guerre, bien sûr, il y avait également des maisons

25 privées.

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1 Question: Je voudrais vous poser une question portant sur l'Héliodrome.

2 Est-ce que vous pourriez me donner le pourcentage des détenus à

3 l'Héliodrome qui étaient originaires de Mostar, par opposition aux détenus

4 originaires d'autres villes ou d'autres régions?

5 Réponse: Excusez-moi, je ne vous suivais pas. Pouvez-vous répéter?

6 Question: Certainement. La question était: savez-vous quel était le

7 pourcentage de détenus à l'Héliodrome qui étaient originaires de Mostar

8 par opposition à des détenus qui auraient été originaires d'autres villes?

9 Réponse: Non, je n'avais pas de chiffre de cette nature à ma disposition.

10 Question: Dans un de vos rapports, il me semble que nous pouvons lire, Sir

11 Martin, et est-ce que j'ai raison de dire que vous faites état "d'environ

12 200.000 Musulmans réfugiés déplacés qui vivaient en Croatie au cours de

13 l'année 1992/1993"?

14 Réponse: Je ne sais pas si ces derniers vivaient en Croatie, mais il est

15 certain qu'il y avait au moins 200.000 Musulmans déplacés qui vivaient

16 dans le sud pour la plupart. Mais je ne peux pas vous donner le chiffre

17 exact pour ce qui est du nombre de personnes qui vivaient en Croatie,

18 exactement.

19 Question: Vous avez dit que, selon vous, ce sort ou ce conflit ou cette

20 guerre civile qui a eu lieu au cours de votre mission de 1992/1993 avait

21 trait plutôt aux territoires?

22 Réponse: Oui, c'est ce que je crois c'est un conflit pour le territoire et

23 la population.

24 Question: Seriez-vous d'accord avec moi, Sir Martin, pour dire qu'il y

25 avait un grand nombre de personnes déplacées qui arrivaient de la région

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1 de Mostar et du sud-ouest d'Herzégovine au cours du printemps et avant

2 votre arrivée?

3 Réponse: Oui, plus particulièrement des réfugiés de la Bosnie centrale.

4 Question: Je crois que, dans l'un de vos rapports, vous dites qu'il a pu y

5 avoir de 20 à 30.000 Croates bosniens qui étaient expulsés, déplacés de la

6 Bosnie centrale et qui s'étaient déplacés au sud de cette région?

7 Réponse: Oui, c'est exact.

8 Question: Et de plus, vous faites également état de certains réfugiés

9 musulmans qui avaient été déplacés à cause de l'agression serbe. Vous

10 parlez d'un chiffre de 20 à 30.000 personnes environ?

11 Réponse: Oui, je n'ai pas de chiffre exact, mais il me semble que c'est à

12 peu près une bonne évaluation.

13 Question: Et cela a créé en soi sinon pas tous les problèmes mais, pour la

14 plupart, cela a créé les problèmes que vous avez vus en Bosnie, lorsque

15 vous avez été déployé à cet endroit?

16 Réponse: Oui, le problème de personnes déplacées, des réfugiés était l'un

17 de nos plus grands problèmes au cours de cette guerre.

18 Question: Vous avez dit hier, au cours de votre déposition, qu'il y avait

19 certaines personnes du HVO que vous avez appelées des radicaux. Est-ce que

20 vous vous souvenez de cela?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Je crois que vous n'avez pas fait mention de radicaux de la BiH

23 au cours de votre témoignage, mais il y en avait, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui, mais ils étaient plus vers Sarajevo, plus au nord, dans la

25 région de Sarajevo; ils n'étaient pas tellement concentrés à Mostar.

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1 Question: Qu'en est-il de Zenica?

2 Réponse: Les généraux avec lesquels j'ai eu des entretiens ou à qui j'ai

3 eu affaire à Zenica étaient plutôt préoccupés par la guerre, par la lutte

4 et ils parlaient constamment de la guerre et des buts de guerre. Ils

5 insistaient pour dire qu'ils se battaient pour une Bosnie unifiée.

6 Je peux poursuivre si vous désirez.

7 Question: Non, j'attends que le compte rendu d'audience prenne note de

8 tout ce qu'on dit; c'est la raison pour laquelle je fais une pause.

9 Vous pouvez poursuivre. Oui, j'aimerais bien entendre la fin de votre

10 réponse.

11 Réponse: Eh bien, les généraux bosniens étaient bien déterminés, pendant

12 le temps que je m'y suis trouvé, de regagner du territoire, de reprendre

13 du territoire qu'ils avaient perdu. Je parle de Zvornik, je parle des

14 régions au nord de la rivière Drina, de Sanski Most, de Prijedor, l'accès

15 vers la rivière Sava au nord et l'accès à l'Adriatique via Neum, par le

16 sud, donc toutes ces zones qui leur appartenaient majoritairement avant le

17 début du conflit.

18 Donc ces territoires qu'ils avaient perdus, qui se trouvaient maintenant

19 entre les mains des Serbes, c'est cela que les généraux bosniens voulaient

20 plutôt arriver à faire.

21 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la BiH voulait

22 arriver à avoir accès à la mer Adriatique et, pour faire cela, elle aurait

23 dû faire la prise de Mostar?

24 Réponse: Je crois que je suis trop rapide, je vais ralentir le débit.

25 Ils auraient d'abord dû prendre Gornji Vakuf et ensuite Prozor; c'est ce

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1 que j'ai dit ce matin. Prozor n'était qu'une clef d'entrée pour les

2 Croates. C'est la raison pour laquelle il aurait fallu qu'ils prennent

3 possession de Gornji Vakuf; de cette façon-là, ils pourraient, en passant

4 par Mostar, avoir accès au sud pour se rendre à la mer.

5 Question: Donc la réponse précise à cette dernière question est la

6 suivante: "Oui, il aurait fallu prendre Mostar outre ces deux autres

7 endroits"?

8 Réponse: Oui, c'est exact. Par contre, la route principale pour aller au

9 sud, la route M17 en réalité se poursuivait au sud jusqu'au côté est de la

10 rivière Neretva. Donc le passage, donc c'était le passage au sud en

11 passant par le côté bosnien de Mostar.

12 Question: Vous avez parlé du général Arif Pasalic, hier ou avant-hier, si

13 je ne m'abuse.

14 Réponse: Oui.

15 Question: Vous croyiez que c'était un homme honorable, si je ne m'abuse?

16 Réponse: Je n'ai eu aucun doute quant à cela: il était préoccupé plutôt

17 par la guerre. Je ne l'ai pas entendu dire ou émettre des propos que je

18 considérais non acceptables ou inacceptables.

19 Question: Mais n'était-il pas l'un des généraux pour lesquels vous avez

20 dit qu'il vous aurait dit qu'il se battrait jusqu'à la fin si nécessaire?

21 Réponse: Oui.

22 Question: N'est-il pas un des généraux que vous pourriez qualifier de

23 radicaux?

24 Réponse: Je fais une distinction entre les militaires qui disent "je vais

25 me battre et lutter jusqu'à ce que j'arrive à mes objectifs"; quand je

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1 parle de radicaux, je parle plutôt de l'aspect politique, de cette

2 dimension politique des buts politiques, en tenant compte bien sûr, comme

3 je l'ai déjà dit, que le côté politique et le côté militaire fréquemment

4 s'imbriquaient ou étaient très étroitement liés.

5 Question: Bien. Vous avez parlé de ce lien étroit qui existait entre les

6 deux, existaient dans les deux armées, dans l'armée de la BiH et l'armée

7 du HVO?

8 Réponse: Oui, justement, je parlais aux politiciens des affaires

9 militaires et aux militaires des affaires politiques.

10 Question: A quel moment avez-vous rencontré le général Pasalic pour la

11 première fois?

12 Réponse: Je crois que c'était le premier jour, quand je suis arrivé dans

13 Mostar Est. Je crois que c'était vers la fin du mois d'août, la deuxième

14 partie du mois d'août.

15 Question: Est-ce que c'était l'un des premiers généraux de la BiH que vous

16 avez rencontrés, avec lequel vous vous êtes entretenu?

17 Réponse: Oui, c'était le seul au sud, c'était la région du 4e Corps;

18 c'était la seule personne que j'ai pu rencontrer.

19 Question: Fort bien. Je vais reformuler ma question. Vous étiez à Zagreb

20 et ensuite à Mostar ou à Siroki Brijeg?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Avant d'arriver à Siroki Brijeg, vous n'aviez parlé à aucun

23 général de la BiH, n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Est-ce que vous avez parlé à des généraux de la BiH avant votre

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1 entretien avec Pasalic, dans Mostar Est, vers la fin du mois d'août 1993?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Hier, vous nous avez dit que vous avez d'abord rencontré mon

4 client "Tuta" au mois d'août, le 15 août 1993. Est-ce exact?

5 Réponse: Oui, c'est exact.

6 Question: Et vous croyiez qu'il était un peu déçu ou il était plutôt

7 fâché, car vous lui avez demandé son nom deux fois et cela ne vous disait

8 absolument rien, son nom ne vous était pas familier?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Vous avez dit, dans votre témoignage, que quand il a exprimé ses

11 points de vue quant à la situation qui prévalait dans la région et plutôt

12 pour ce qui a trait aux Musulmans, vous lui avez dit que les généraux avec

13 lesquels vous avez pris un verre n'étaient bas pas d'accord avec cette

14 idée d'un Etat islamique, n'est-ce pas?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Merci.

17 Réponse: Eh bien, simplement pour vous dire la vérité, j'ai parlé de

18 Musulmans. Si vous lisez mon rapport, je n'ai pas parlé de généraux, mais

19 de Musulmans à Zenica. Mais je n'ai pas rencontré à ce moment-là de

20 généraux.

21 Question: Merci. Je crois que le compte rendu d'audience d'hier pourra

22 parler pour lui-même.

23 Question: Au cours de l'interrogatoire principal, vous avez parlé de

24 nettoyage ethnique, n'est-ce pas? Vous avez utilisé ces termes?

25 Réponse: Oui.

Page 8494

1 Question: Est-ce que vous savez si les Croates avaient fait l'objet de

2 nettoyages ethniques?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que vous avez fait état de cela dans les rapports que

5 vous aviez soumis et qui ont fait l'objet d'un examen dans cette Chambre

6 depuis que vous témoignez?

7 Réponse: Je ne crois pas, car certains événements en Bosnie centrale, ce

8 genre d'événements ont eu lieu plus tôt, avant que je n'arrive en Bosnie

9 centrale. Par exemple Zvornica, Bugojno, Kakanj et ce genre de villes-là.

10 Question: Pour le compte rendu d'audience, je crois qu'à ligne 17 et à la

11 page 49, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, à la ligne 18, je

12 crois que cette ligne est manquante.

13 La question était la suivante: est-ce que vous savez si les incidents au

14 cours desquels les Musulmans nettoyaient ou procédaient à un nettoyage

15 ethnique à l'endroit des Croates…?

16 Est-ce que vous voyez cela? Vous avez compris la question?

17 Réponse: Oui certainement. Oui, et j'avais répondu que oui. Oui, c'est

18 bien cela.

19 Question: Je vous demanderais maintenant d'examiner quelques documents. Le

20 document 553.1.

21 (Le témoin se reporte au document en question.)

22 Est-ce que vous l'avez trouvé? Il s'agit d'un rapport parlant des

23 événements de la journée du 1er août 1993. Est-ce que c'est exact?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Votre signature y apparaît?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Dans ce rapport d'activités militaires, vous parlez d'une

3 rencontre avec le colonel Andabak qui était le commandant des forces

4 spéciales de la BiH?

5 Réponse: Oui certainement. Je crois qu'il y a peut-être une erreur de

6 frappe: je crois que le nom est mal épelé.

7 Question: Pardon?

8 Réponse: Oui, je crois que son grade n'est pas tout à fait exact non plus.

9 Question: Le 1er août 1993, le colonel Andabak, selon vous, était le

10 commandant des forces spéciales de l'armée de la BiH. Vous n'auriez pas

11 mis cela dans votre rapport si vous n'étiez pas sûr de cela?

12 Réponse: Peut-être qu'on m'a donné une information erronée. On m'a donné

13 une information erronée.

14 Question: Où on aurait peut-être pu vous donner également une information

15 correcte, juste, n'est-ce pas?

16 Réponse: Oui, c'est bien possible, mais je ne le crois pas.

17 Question: Si l'on vous a donné une information incorrecte, Sir Martin, à

18 combien de reprises est-ce que cela a pu survenir: qu'on vous donne des

19 renseignements incorrects, que vous les mettiez dans ce rapport et que

20 vous les envoyiez plus loin?

21 Réponse: Je crois que cela a pu se passer très rarement, mais cela a pu

22 néanmoins survenir.

23 Question: J'espère que cela ne se passait pas tous les jours?

24 Réponse: Je ne le crois pas.

25 Question: Sir Martin, je crois qu'au cours de votre service en Bosnie -et

Page 8496

1 parlons plus particulièrement des trois mois au cours desquels vous vous

2 êtes trouvé à Siroki Brijeg, dans la région de Mostar-, vous essayiez

3 certainement de créer une atmosphère de confiance entre les parties pour

4 que vous puissiez vous entretenir avec eux?

5 Réponse: Oui, certainement.

6 Question: Et vous avez essayé d'établir cette confiance. En essayant de ce

7 faire, vous avez tenté d'être le plus honnête possible avec toutes les

8 parties, n'est-ce pas?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Examinons ensemble la pièce P565.2.

11 Réponse: Oui, j'ai trouvé la page en question.

12 Question: De nouveau, il s'agit d'un document qui fait référence à votre

13 première rencontre, à votre première rencontre qui a eu lieu entre vous-

14 même et mon client "Tuta"?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Vous avez dit dans ce rapport, n'est-ce pas -je vais vous

17 demander de vous rendre à la page 2 de ce document-, dans ce rapport, vous

18 faites mention du fait que vous ne lui faites pas confiance, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui, c'est exact.

20 Question: En lisant votre commentaire, il semble que l'une des raisons

21 pour lesquelles vous ne lui faisiez pas confiance est qu'il portait un

22 surnom. Est-ce que c'est exact? C'est la raison pour laquelle vous ne

23 vouliez pas lui faire confiance?

24 Réponse: Non, c'était un commentaire en blaguant. Moi, je fais comme ça,

25 comme une blague. Des fois, j'ai raison de croire ce que je crois et, des

Page 8497

1 fois, je me trompe. Mais je crois que, pour la plupart du temps, mes

2 premières impressions sont les bonnes. Donc j'ai tendance à juger les gens

3 d'après la première impression que j'ai d'eux.

4 Question: C'est la nature humaine, n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui absolument.

6 Question: Nous voulons tous avoir raison, n'est-ce pas?

7 Réponse: Oui, c'est exact.

8 Question: Donc nous savons maintenant qu'au moins dans un de ces rapports

9 vous nous dites que, pour l'un de ces rapports, on vous a donné une

10 information erronée, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui, parce que j'ai appelé Mladen Naletilic le commandant des

12 forces spéciales du HVO. Il ne peut pas y en avoir deux. Donc l'un de ces

13 renseignements n'est pas correct.

14 Question: Et dans l'un des documents, vous dites que vous avez mis une

15 blague, n'est-ce pas? Est-ce que c'est ce que vous nous dites?

16 Réponse: Je crois que vous serez d'accord pour dire avec moi que cette

17 première phrase voulait prendre un caractère humoristique. Mais vous ne

18 trouverez peut-être pas ça drôle, je ne le sais pas.

19 Question: Sir Martin, vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il y a un

20 bon nombre de personnes en Bosnie-Herzégovine qui portent un surnom,

21 n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Est-ce que vous ne faites pas confiance à tous ces gens, car ils

24 portent des surnoms?

25 Réponse: Cela dépend de qui ils sont.

Page 8498

1 Question: Eh bien, si l'on passe un peu plus bas sur la même page, vous

2 dites que "Tuta" était charismatique, était un homme avec beaucoup de

3 charisme, n'est-ce pas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Vous dites également qu'après vous être entretenu avec "Tuta",

6 vous avez cru qu'il serait bon de continuer vos rapports avec lui ou de

7 discuter avec lui, car cela pouvait devenir important?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Donc vous vous êtes servi de mon client. Vous vouliez vous

10 servir de mon client sans le lui faire comprendre, n'est-ce pas?

11 Réponse: Qu'est-ce que voulez-vous dire par "je voulais me servir de votre

12 client"?

13 Je parlais à toutes les personnes qui pouvaient m'informer, qui pouvaient

14 me donner les renseignements nécessaires, grâce auxquelles je pouvais

15 acquérir des renseignements quant à la situation politique, militaire et

16 d'autres situations en Bosnie. J'ai passé un bon nombre d'années en

17 Bosnie, je me suis entretenu avec beaucoup de personnes que je n'aimais

18 pas, mais cela ne m'a pas empêché de leur parler.

19 Question: Vous n'avez jamais parlé à "Tuta" après le 15 août, n'est-ce

20 pas, 1993?

21 Réponse: Oui, nous nous étions rencontrés très brièvement à l'hôtel Ero et

22 c'est à ce moment-là que "Tuta" a dîné avec quelqu'un d'autre, mais c'est

23 tout.

24 Question: Et cela ne figure dans aucun des rapports que vous avez fournis

25 aux membres du Bureau du Procureur, n'est-ce pas?

Page 8499

1 Réponse: Pardon? Quoi exactement?

2 Question: Le fait que vous ayez rencontré "Tuta" brièvement, dans cet

3 hôtel, le 15 août 1993?

4 Réponse: Eh bien, cela ne figure pas dans les rapports de l'ECMM, non,

5 parce que je parle des années 1996 et 1997.

6 Question: Non, je parle des déclarations que vous avez faites, des

7 déclarations préalables que vous avez fournies aux membres du Bureau du

8 Procureur.

9 Vous souvenez-vous, Sir Martin, avoir d'abord parlé avec M. Carry Spork,

10 et vous vous êtes entretenu également avec M. Ramlal Goonewardene?

11 Réponse: Oui, c'était exact.

12 Question: Pendant trois jours, en février 1998, les 17, 18 et 19 février

13 1998?

14 Réponse: Oui, oui.

15 Question: Vous avez relu cette déclaration fournie aux membres du Bureau

16 du Procureur avant de venir témoigner devant cette Chambre, devant le

17 Tribunal, n'est-ce pas, et avant de venir à La Haye?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Le premier rapport a 16 pages, n'est-ce pas?

20 Sir Garrod (interprétation): Oui.

21 M. Meek (interprétation): Vous ne faites pas une fois état de mon client

22 pendant 16 pages. Au cours des trois journées, vous n'avez pas fait état

23 de mon client.

24 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott?

25 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, si mon collègue veut

Page 8500

1 poser des questions concernant un document, il faudrait montrer ce

2 document au témoin.

3 M. Meek (interprétation): Je peux le faire, mais j'ai posé une question au

4 témoin. Je crois que le témoin est en mesure de répondre, n'est-ce pas?

5 Sir Garrod (interprétation): Oui, je suis d'accord avec vous. Je crois que

6 je n'ai pas mentionné son nom dans le document. C'est une autre question,

7 complètement.

8 Question: Merci. A combien de reprises est-ce que vous vous êtes entretenu

9 avec Slobodan Praljak, qui était le général en chef des affaires

10 militaires du HVO?

11 Réponse: Je crois que c'était probablement la seule vraie réunion que j'ai

12 eue avec lui. Si je me souviens bien, il avait accédé à son poste peu de

13 temps avant et, ensuite, il a été licencié de ce poste, une semaine après

14 la destruction du pont à Stari Most.

15 Question: N'est-ce pas M. Roso qui a pris sa place après cela?

16 Réponse: Oui, M. Ante Roso.

17 Question: Vous souvenez-vous quand exactement cela a eu lieu?

18 Réponse: Lorsqu'il a quitté son poste? Je peux vous dire exactement: le

19 Stari Most a été détruit le 9 novembre, donc une semaine plus tard; je

20 parle du 16 novembre. C'est à ce moment-là qu'il a quitté son poste.

21 Question: Et à ce moment-là, vous n'étiez pas basé à Mostar, n'est-ce pas?

22 Réponse: Non.

23 Question: Sir Martin, au cours de l'interrogatoire principal, vous avez

24 décrit la conversation que vous avez eue avec mon client "Tuta" en détail,

25 conversation qui a eu lieu le 15 août 1993.

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1 Vous souvenez-vous de ce que vous avez dit?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que ces

4 points de vue qu'il vous a communiqués, en parlant d'un Etat islamique

5 fondamentaliste qui serait créé, qui est en train de se faire créer,

6 n'était pas quelque chose de nouveau pour vous?

7 Réponse: Non, je l'avais déjà entendu de l'église catholique.

8 Question: Ce n'était pas quelque chose de trop nouveau pour vous?

9 Réponse: Non.

10 Question: Examinons maintenant le document P359 brièvement.

11 L'avez-vous trouvé, Sir Garrot?

12 Réponse: Oui, je l'ai trouvé.

13 Question: Vous avez été plus rapide que moi.

14 Vous faites mention dans ce rapport, à la page 1, en bas de la page, au

15 dernier paragraphe, de la multiplication de drapeaux ou d'érection de

16 drapeaux croates. Qu'est-ce que vous voulez vous dire par là?

17 Réponse: Eh bien, je voulais simplement peut-être dire que ce rapport a

18 été rédigé par le chef du centre régional de Zenica; c'était Jean-Pierre

19 Thebault, et c'était en date du 1er mai, donc deux mois avant mon arrivée

20 en Bosnie.

21 Hier, en déposant, j'ai dit que certains éléments de ce rapport étaient

22 encore pertinents, mais maintenant que vous lisez ce paragraphe précis, je

23 peux vous dire que je ne sais pas précisément à quoi il fait référence ou

24 quelles sont les circonstances auxquelles il se réfère quant à ces

25 drapeaux que l'on érigeait à Travnik.

Page 8502

1 Mais je suis tout à fait conscient que toutes les personnes en Bosnie

2 aiment bien ériger leur drapeau à chaque fois qu'ils en ont l'occasion.

3 Donc je ne sais pas ce que ce geste signifie exactement, à moins que de ne

4 le mettre sur une mosquée, mais on ne fait pas état de cela.

5 Question: Vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'il n'y a rien de

6 vraiment important pour ce qui a trait à ces drapeaux?

7 Réponse: Ah non, non, non. Au contraire, nous avions eu de nombreux

8 problèmes au cours des années justement avec les drapeaux. En réalité, il

9 nous a fallu annuler l'ouverture de deux ponts construits par l'Union

10 européenne parce que nous avions insisté sur le fait que nous ne voulions

11 pas voir des drapeaux nationaux.

12 Question: Des deux côtés?

13 Réponse: Oui des deux côtés. Et comme on voyait défiler des drapeaux des

14 deux côtés, nous avions annulé cela.

15 Question: De quelle année parlez-vous?

16 Réponse: C'était en 1995/1996.

17 Question: Est-ce que vous étiez au courant, au cours des trois mois de

18 votre service en Bosnie, s'il y avait eu des problèmes quelconques qui

19 étaient liés à ces drapeaux croates?

20 Question: Comme j'ai déjà dit, nous avions eu un grand nombre de problèmes

21 avec les drapeaux croates et leur érection. Mais vous parlez du moment où

22 je me trouvais à Mostar?

23 Question: Oui.

24 Réponse: Eh bien, non, je ne crois pas que ce fait était lié à des

25 problèmes, en réalité.

Page 8503

1 Question: Au cours de votre interrogatoire principal, vous avez parlé de

2 livres d'école, vous en souvenez-vous?

3 Réponse: Je crois que c'était peut-être un rapport rédigé par un de mes

4 prédécesseurs, mais je serais fort heureux de les commenter.

5 Question: Etes-vous au courant qu'avant la guerre tous les livres d'école

6 provenaient de Serbie?

7 Réponse: Je crois que je savais, que c'était le cas.

8 Question: Est-ce que vous saviez également que la langue bosnienne n'était

9 pas déclarée officielle ou établie avant 1998?

10 Réponse: Je crois qu'il y a certaines personnes dans ce prétoire qui ne

11 seraient pas d'accord ave moi, mais pour ce qui me concerne, en tant que

12 linguiste amateur, je crois que c'est la même langue.

13 Question: Merci de ce commentaire.

14 Et maintenant une question très brève quant à l'armée du HVO et de la BiH

15 en 1993, est-ce que ces deux portaient les mêmes uniformes?

16 Réponse: Oui, ils ont commencé par porter le même uniforme, mais très

17 rapidement, je crois que c'était en 1993, à un moment donné ils ont changé

18 d'uniformes, et les membres du HVO ont plutôt opté pour un uniforme du

19 style croate.

20 Question: Est-ce que c'était en 1993, après que vous ayez quitté Mostar

21 pour vous rendre à Zenica, que cela a eu lieu?

22 Réponse: Je ne peux pas donner de détails plus précis que ça, je ne me

23 souviens pas plus précisément.

24 Question: Nous avons entendu dans ce prétoire d'autres militaires et je

25 pense qu'ils n'ont peut-être pas eu votre expérience, mais seriez-vous

Page 8504

1 d'accord que dans cette guerre folle, cette guerre civile, en 1993, qu'il

2 était difficile de différencier les trois armées, justement à cause de

3 leurs uniformes?

4 Réponse: Je voudrais dire que je ne considère pas que ce qui s'est passé

5 en Bosnie était une guerre civile, mais laissons cela de côté pour

6 l'instant.

7 Mais je crois que des fois il arrivait que ce soit difficile de

8 différencier de loin -je dis bien de loin-, mais aussitôt qu'on se

9 rapprochait, qu'on était raisonnablement proche de la personne, nous

10 pouvions voir très bien, c'était clair, de quelle armée il s'agissait,

11 surtout à cause des flashs que ces derniers portaient sur leurs manches.

12 M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, je crois que l'heure est

13 venue de prendre la pause.

14 M. le Président (interprétation): C'est exact oui, mais de combien de

15 temps allez-vous avoir encore besoin après la pause?

16 M. Meek (interprétation): Eh bien, je ne peux pas donner une fausse

17 évaluation à la Chambre, mais je crois qu'il me reste peut-être 20 à 30

18 minutes au plus.

19 M. le Président (interprétation): Bien. Nous devons prendre des

20 arrangements si nous ne siégions pas demain, et s'il faut siéger nous

21 allons devoir informer le Greffe et les gens de la sécurité pour assurer

22 une salle d'audience.

23 Donc Maître Par, est-ce que vous auriez des questions en contre-

24 interrogatoire et pourriez-vous nous donner une évaluation du temps que

25 cela va vous prendre?

Page 8505

1 M. Par (interprétation): Oui, Monsieur le Président, Mesdames les Juges,

2 je crois que nous allons avoir besoin au moins d'une heure probablement,

3 selon une évaluation très libre bien sûr.

4 M. le Président (interprétation): Merci bien. Nous reprendrons nos débats

5 à 17 heures 45.

6 (L'audience, suspendue à 17 heures 18, est reprise à 17 heures 50.)

7 (Le témoin, Sir Martin Garrod, est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation): A vous, Maître Meek.

9 M. Meek (interprétation): Sir Martin, nous pouvons voir la pièce 559?

10 Sir Garrod (interprétation): Oui, j'ai trouvé cette pièce.

11 Question: C'est un document qui porte la date du 4 août 1993, rapport

12 spécial, à l'intitulé; "Jean Thebault".

13 Pouvez-vous jeter un regard à la page 2, section 2? Regardez, relisez le

14 texte. Veuillez le relire, s'il vous plaît?

15 Sir Martin, ce document indique que: "Au moins, si ce n'est le 4 août

16 1993, que la situation à l'égard de 30 à 40.000 civils à Mostar, et cela

17 bien avant toute attaque de l'armée de la BiH…" Vous voyez cela? Est-ce

18 que vous êtes d'accord avec cette constatation?

19 Réponse: Ici, nous parlons de la date de mi-mai à mi-août. Je ne puis me

20 rappeler, je le regrette,. Mai, juin, juillet: quand l'armée de la BIH a

21 commencé?

22 Question: Puis-je rafraîchir un peu votre mémoire?

23 Sir Martin, êtes-vous conscient de l'attaque de mars de 1993 à Konjic?

24 Réponse: Pas en grand détail.

25 Question: Vous en étiez conscient?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: En avril 1993, il y a l'attaque de la BiH, une attaque de

3 Trusina?

4 Réponse: Je ne sais pas où se trouve Trusina.

5 Question: Connaissez-vous l'attaque de mars 1993?

6 Réponse: C'était une attaque avant mon arrivée.

7 Question: Est-ce que cela pourrait être possible que c'était un des cas où

8 Jean-Pierre Thebault aurait obtenu des informations incomplètes?

9 Réponse: Là, je ne puis donner de réponse.

10 Question: Veuillez maintenant regarder le même document à la page 2, c'est

11 sous-section B.

12 Réponse: Oui, j'y suis.

13 Question: La seconde phrase commence par: "Ces opérations avaient suivi

14 une mutinerie de soldats musulmans face au HVO, ce qui avait donné

15 l'occasion à l'armée de la BIH de créer un corridor entre Jablanica et

16 Mostar le long de la rivière Neretva."

17 Réponse: Oui, j'ai trouvé.

18 Question: Savez-vous si l'armée de la BIH avait des soldats espions dans

19 le HVO, qui avaient tourné subitement leurs armes contre le HVO?

20 Réponse: Jusqu'au moment où les conflits avaient commencé, les Musulmans

21 étaient directement engagés dans les forces du HVO et attaquaient

22 conjointement les forces serbes; donc il y avait des Musulmans dans les

23 unités du HVO.

24 Question: Pourriez-vous confirmer, connaissez-vous quoi que se soit que

25 certains de ces soldats musulmans au sein du HVO avaient été de ceux qui

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1 attendaient pour le moment de réagir?

2 Réponse: Non, je ne dis pas de cette façon. Je dirais que, lorsque les

3 conflits se sont engagés, ils savaient très bien où était leur légitimité

4 de combat. Et ils savaient qu'il y avait les casernes de Mostar Est qui

5 avaient été ensuite prises par l'armée de la BIH.

6 Question: Hier, vous aviez parlé de très mauvaises conditions qui

7 existaient à Mostar Est?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Savez-vous, Sir Martin, qu'au cours de la période entre juin

10 1993, dans Mostar Ouest, il y avait des rationnements d'eau?K Dans Mostar

11 Ouest?

12 Réponse: Il y avait des rationnements d'eau, mais il y avait de quoi

13 rationner l'eau.

14 Question: Vous aviez indiqué que vous n'aviez pas bien pu comprendre

15 pourquoi le HVO emmenait des détenus vers l'île?

16 Réponse: Oui, je n'ai pas très bien compris.

17 Question: Avez-vous jamais été conscient de la nécessité qu'il y avait un

18 grand manque de nourriture à l'époque?

19 Réponse: C'était certainement une procédure pour alléger la situation et

20 le CICR avait dit que les détenus de Dretelj seraient mieux s'ils étaient

21 ailleurs.

22 Question: Continuons. Nous allons, si vous me suivez, rapidement terminer.

23 Hier, vous aviez parlé de l'obus, du pilonnage de Mostar Est. Vous vous

24 souvenez de votre déposition hier?

25 Et là, vous aviez dit aussi que les Serbes étaient encore en train de

Page 8508

1 pilonner Mostar Est. Pourriez-vous nous dire aujourd'hui, ou ne le pouvez-

2 vous pas, quelles étaient les mosquées qui avaient été victimes du

3 pilonnage des Serbes?

4 Réponse: Oui, bien entendu. Les pilonnages du côté serbe étaient beaucoup

5 moins fréquents, mais il faut dire que tous les ponts avaient été détruits

6 par les Serbes.

7 Question: Quelles sont les preuves que vous pourriez dire que le pilonnage

8 des Serbes n'avait pas causé la destruction de certains ou de certaines,

9 ou de toutes les mosquées de Mostar Est?

10 Réponse: Oui, il y avait certainement très probablement des dommages

11 encourus par les bâtiments et aussi par les mosquées.

12 Question: Vous aviez mentionné hier, concernant le plan de paix de Vance-

13 Owen, que là, les Croates avaient compris ce plan?

14 Réponse: Oui, c'est la façon dont moi je comprends la situation.

15 Question: Vous aviez également confirmé que "pratiquement tous les Croates

16 s'engageaient dans la même chanson", vous l'avez dit?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-ce que vous pourriez me dire que, lors de votre mission en

19 Bosnie, en ayant dit que les soldats de l'armée de la BIH chantaient le

20 même ton, la même chanson, qu'ils étaient victimes?

21 Réponse: Oui, ils disaient constamment qu'ils voulaient une Bosnie

22 unifiée.

23 Question: Vous avez témoigné devant cette Chambre, devant ce Tribunal ici,

24 au moins une seule fois?

25 Réponse: Une seule fois.

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1 Question: Vous avait-on demandé, vous a-t-il été demandé par le Bureau du

2 Procureur d'avoir à déposer pour une autre affaire?

3 Réponse: On m'avait parlé d'une autre affaire, au sujet d'une autre

4 affaire, l'OTP.

5 Question: Qu'est-ce que cela veut dire?

6 Réponse: Le Bureau du Procureur. Oui, on m'a adressé la parole, j'en ai

7 été saisi, mais je ne savais pas de quoi il devrait être question.

8 Question: Vous aviez parlé de Dario Kordic et de vos contacts avec Dario

9 Kordic et de ses opinions. Vous vous souvenez de cela? Et vous aviez dit

10 hier qu'il y avait pratiquement un thème général -vous vous souvenez de

11 votre témoignage- et là, vous aviez dit que vous estimiez que Dario Kordic

12 avait des liens très étroits avec Boban?

13 Réponse: Je croyais qu'ils étaient même dans une relation de parenté, mais

14 je ne le sais pas.

15 Question: Et vous avez dit que les idées de Kordic reprenaient les idées

16 de Boban, parce qu'ils étaient très proches. Vous l'avez dit?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Est-ce que c'est une forme de culpabilisation si quelqu'un a des

19 liens étroits?

20 Réponse: Je savais très bien que Boban était un grand nationaliste, il

21 était le créateur de la République croate de Herceg-Bosna. Il était tout à

22 fait normal que sa position face aux autorités et tous ceux qui étaient

23 autour de lui reflétait son point de vue.

24 Question: Vous avez dit hier qu'il y avait une blague, une anecdote en

25 Bosnie. Et vous l'avez dit en croate et c'est "Merci, Vance-Owen."

Page 8510

1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce que les Musulmans ont dit cette blague?

3 Sir Garrod (interprétation): Non, je ne peux pas me souvenir. Je ne sais

4 pas si c'étaient les Croates également.

5 M. Meek (interprétation): Hier, vous nous avez brièvement parlé des

6 détenus, des entretiens que vous aviez eus avec le CICR et que le sujet

7 des détenus a été un problème très grave.

8 Pourriez-vous nous dire, est-ce que c'est le même type de difficultés qui

9 serait dans la même situation que les détenus afghans qui se trouvent

10 maintenant à Cuba?

11 M. le Président (interprétation): Nous en revenons maintenant à des

12 questions qui sont hors de notre Acte d'accusation. Merci.

13 M. Meek (interprétation): Hier, vous avez dit que vous aviez ressenti que

14 Siroki Brijeg était une zone croate très importante?

15 Sir Garrod (interprétation): Oui, c'était une zone très importante croate,

16 vous l'avez dit. Je ne me souviens d'aucun Musulman ou Serbe qui vivrait à

17 Siroki Brijeg.

18 Question: Hier, vous avez également parlé de M. Granic; c'était lorsque

19 vous nous aviez parlé de cette question brûlante des détenus et vous avez

20 dit que personne ne pourrait rentrer s'il ne rentrait pas en Bosnie.

21 Réponse: Non, j'avais entendu quelque chose autour de cela, je n'avais pas

22 de fait sûr et crédible concernant s'ils pouvaient retourner en Bosnie ou

23 pas.

24 Question: Donc vous ne pourriez pas le confirmer. Merci.

25 Vous aviez dit hier que vous aviez des sentiments mitigés concernant la

Page 8511

1 situation où les Musulmans et les Croates s'étaient mis d'accord

2 concernant la situation de l'ECMM?

3 Réponse: Oui. Tant les Croates que les Bosniens avaient exprimé leur

4 enthousiasme pour notre retour au centre de Jablanica. Peut-être que le

5 terme de "sentiment mitigé" est trop fort, mais c'était un désir qui était

6 émis; mais nous-mêmes nous le désirions ardemment.

7 Question: Pourquoi aviez-vous cette impression mitigée?

8 Réponse: Peut-être que la phrase de sentiment mitigé… Non, nous voulions

9 ardemment retourner à Jablanica. Peut-être que je ne m'étais pas bien

10 exprimé, mais les raisons pour lesquelles les Croates et les Musulmans

11 voulaient que nous regagnions Jablanica étaient des raisons différentes.

12 C'est peut-être une formulation plus appropriée.

13 Question: Dans votre témoignage dans le cas de Kordic, vous avez dit que

14 les Croates voulaient la paix au bout de six mois?

15 Réponse: J'ai eu, j'étais à l'époque à Zenica, mais j'avais eu le

16 sentiment comme quoi les Croates voulaient arrêter les luttes. Ils étaient

17 dans la défensive, les Bosniaques avaient du succès. Et il y avait

18 également le massacre à Stupni Do; il y avait des grands problèmes à Vares

19 qui était une grande perte pour les Croates. Avec la perte de Vares et

20 l'idée que l'armée de BIH pourrait aller de Tuzla jusqu'à Gornji Vakuf.

21 Donc c'était quelque chose de très important. Donc mon impression est

22 qu'ils étaient conscients que plus la lutte durait et plus ils allaient

23 perdre.

24 Question: Le fait est qu'au cours des derniers six mois, après l'accord de

25 Vance-Owen, les Croates désiraient ardemment la paix, mais cela ne s'est

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1 pas produit à cause de l'armée de la BIH?

2 Réponse: Aucun Croate, jusque la fin de l'année, n'avait dit qu'il voulait

3 la paix. C'était mon interprétation de la situation.

4 M. Meek (interprétation): Vous aviez dit que vous ne vous souvenez d'aucun

5 rapport de pillage pendant que vous étiez à Mostar.

6 Dans votre rapport, vous l'avez dit donc: pillages, vol, expulsion, la

7 prise de leurs biens personnels, pillages.

8 Pouvez-vous attirer mon attention sur ce que vous voulez, à quoi vous

9 voulez porter mon attention? Oui.

10 J'ai besoin de l'aide de l'huissier.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 C'est la page 5 du texte en anglais. Veuillez le montrer à Sir Martin.

13 Sir Garrod (interprétation): Oui, c'était en été 1993. Je ne me souviens

14 d'aucun témoignage de pillage ou de quoi que ce soit, ou d'expulsion de

15 quelque nature que ce soit.

16 Mme Clark (interprétation): Je crois que c'est quelque chose de tout à

17 fait différent. Il faudrait vous signaler que ceci est radicalement

18 différent de ce que vous avez formulé dans votre texte. Il faudrait que

19 vous vous relisiez et vous devriez demander à Sir Martin de se prononcer.

20 C'est mon seul commentaire.

21 M. Meek (interprétation): Est-ce que c'est la question qui commence à la

22 ligne 2 de la page 69?

23 Je m'excuse, j'aurais dû pendant votre mission en Bosnie, pendant ces

24 trois mois de votre mission en Bosnie… (?)

25 Sir Garrod (interprétation): Nous savons que beaucoup avaient été expulsés

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1 et qu'ils devaient quitter leur domicile dans les vêtements qu'ils

2 portaient à point nommé.

3 Question: C'est un fait que vous dites dans votre rapport que vous ne

4 pouvez rapporter et faire référence à quoi que ce soit d'expulsion? Vous

5 le dites dans votre rapport?

6 Réponse: C'est exact. C'est tout ce que je voulais dire.

7 Question: Une dernière question: c'est quelque chose concernant l'accord

8 de Washington de 1980.

9 Réponse: C'est en mars 1994.

10 Question: Est-ce qu'à l'époque, le HVO avait été considéré comme

11 l'autorité supérieure militaire dans la région en Bosnie-Herzégovine?

12 Réponse: A ma connaissance, il avait été arrêté que le HVO et la BiH

13 allaient continuer sous l'actuelle Constitution pour s'unifier sous un

14 commandement unifié.

15 M. Meek (interprétation): Nous vous remercions beaucoup, Sir Martin.

16 M. le Président (interprétation): Un autre contre-interrogatoire, Maître

17 Par?

18 (Contre-interrogatoire du témoin, Sir Martin Garrod, par Me Par.)

19 M. Par (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Bonsoir, Sir Martin. Je m'appelle Zelimir Par, je suis l'un des conseils

21 de la défense de Vinko Martinovic. Je vais vous poser un certain nombre de

22 questions qui portent sur ce que vous avez dit ici.

23 Hier, vous avez remarqué que nous avons eu un certain nombre de

24 difficultés à établir votre statut: est-ce que vous êtes un témoin expert,

25 est-ce que vous êtes un représentant de la communauté internationale, est-

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1 ce que vous êtes un simple témoin oculaire? Je n'ai pas besoin de vous

2 rappeler ce qui s'est passé.

3 La Chambre a établi que nous devions vous traiter comme un observateur

4 indépendant. Alors, voici ma question: pouvez-vous personnellement définir

5 votre statut? Pourriez-vous nous aider à trancher cette question et à

6 résoudre ce dilemme?

7 D'après vous, est-ce que vous êtes un observateur, un témoin oculaire, un

8 général?

9 Sir Garrod (interprétation): Je ne suis pas ici en tant que général. J'ai

10 déjà expliqué que, pendant toute la période de temps que j'ai passée en

11 Bosnie, j'agissais en tant que civil. Je dirai en revanche que je suis ici

12 du fait des connaissances et de l'expérience que j'ai acquises au cours

13 des cinq années et demie que j'ai passées presque exclusivement à Mostar,

14 alors que j'occupais quatre différents postes à Mostar et dans la région.

15 Question: Je vois, mais j'essaie de mettre les choses au point. Vous étiez

16 là-bas en tant qu'observateur, c'est-à-dire en tant que témoin qui est

17 considéré comme qualifié pour observer certains événements.

18 Alors je me demande si vous déposez en tant qu'observateur ou si votre

19 déposition est le résultat non seulement de votre mission mais également

20 de vos connaissances générales? Je ne sais pas si vous me comprenez bien.

21 Réponse: Je vous comprends, mais voyons si je peux essayer d'apporter un

22 éclaircissement.

23 Lorsque je servais au sein de la mission d'observation de la Communauté

24 européenne, j'étais effectivement observateur, j'aidais à la tenue de

25 réunions, j'essayais de faire ce que je pouvais dans le cadre de nos

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1 tâches. Mais à partir de là, nous sommes allés sur le terrain et nous

2 avons pris part à un travail d'ordre tout à fait pratique. Nous n'étions

3 pas en train d'observer, nous étions sur le terrain à faire des choses.

4 Question: Bien. Alors revenons un peu en arrière.

5 Peut-être que vous pouvez nous donner une définition plus précise de ce

6 qu'est un observateur de l'ECMM? Quels étaient les critères qui

7 présidaient à la désignation de telle ou telle personne comme observateur?

8 Réponse: Eh bien, généralement, ces personnes étaient choisies dans les

9 rangs de l'armée: ancien commandant, ancien lieutenant-général. Enfin là,

10 je parle uniquement de ce qui s'est passé aux Royaumes Unis. Donc là,

11 d'anciens membres des forces de l'armée britannique.

12 Moi, j'étais beaucoup trop âgé pour accomplir une telle tâche, mais ils

13 m'ont tout de même choisi. Si nous en venons aux critères de sélection, il

14 y avait d'abord un entretien très poussé, un entretien qui permettait de

15 savoir si vous étiez une personne qui correspondait à la tâche qui allait

16 lui être confiée. Mais, au départ, on ne choisissait que d'anciens

17 militaires parce que le fait d'avoir une expérience militaire allait être

18 très utile sur le terrain. Mais, par la suite, des personnes avec des

19 profils différents -d'anciens diplomates, d'anciens avocats- ont été

20 choisis, mais le fait d'avoir un parcours militaire était très utile du

21 fait de la nature du travail et du fait également qu'il s'agissait d'un

22 travail potentiellement dangereux.

23 Question: Merci. Revenons maintenant aux tâches qui étaient confiées aux

24 observateurs militaires.

25 Est-ce que les observateurs ne devaient n'enregistrer que certains faits?

Page 8516

1 Est-ce que cet observateur devait, sur la base de ce qu'il avait observé,

2 consigner des faits et envoyer ces rapports à une personne qui allait

3 statuer sur l'importance à donner à ces faits? Ou bien est-ce que cet

4 observateur devait également essayer d'interpréter ces faits pour en

5 arriver à certaines conclusions, pour essayer de faire certaines

6 prévisions? Quelles étaient les tâches d'un observateur?

7 Réponse: Comme je crois l'avoir dit, hier, notre tâche première, c'était

8 de faire état de ce qui se passait en matière politique, militaire et

9 humanitaire; dans cet ordre. Mais, par ailleurs, nous accomplissions

10 toutes sortes d'autres tâches: présider des réunions, participer à des

11 négociations, organiser l'acheminement de l'aide humanitaire, etc.

12 Mais nos rapports ne portaient pas seulement sur ce que nous observions ou

13 sur ce qui était dit dans des réunions; ces rapports portaient également

14 -et là, je parle de rapports hebdomadaires notamment-, portaient sur une

15 évaluation de la situation. A la fin du rapport, nous établissions ce qui

16 nous semblait être la situation qui prévalait, ce que tout cela signifiait

17 à nos yeux, à nous qui rédigions le rapport. Nous parlions de l'évolution

18 des choses, des dangers qui pouvaient surgir. Il s'agissait effectivement

19 non seulement de faire un rapport, mais d'interpréter ce qui se passait.

20 Question: Nous parlons encore et toujours des observateurs et de leur

21 mission.

22 Est-ce que les observateurs observent seulement le comportement des

23 parties belligérantes ou est-ce qu'ils essaient également de voir quel est

24 le travail des autres organisations internationales qui participent au

25 conflit? Ou est-ce que cela se limite au comportement des parties au

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1 conflit?

2 Réponse: Non, nous avions des rencontres avec des représentants des

3 organisations internationales. C'était une source d'information très

4 importante. Donc il y avait des discussions et pas seulement à Mostar avec

5 des Croates et des Bosniens, mais également avec les représentants de la

6 force militaire internationale, la Forpronu, le HCR, le CICR, etc. Parce

7 qu'il fallait "ratisser large". Il fallait obtenir autant d'opinions que

8 possible, qu'elles concordent ou pas, et autant d'informations que

9 possible.

10 Question: Je vous comprends. Je comprends que ces organisations

11 internationales aient été la source de certains types d'informations. Ces

12 organisations représentaient une partie de l'activité internationale, mais

13 ma question est celle-ci: votre rôle de moniteur et d'observateur

14 s'étendait-il également aux activités de la Forpronu? Est-ce que vous

15 deviez faire rapport de ces activités? Est-ce que vous faisiez rapport sur

16 les activités du HCR ou du CICR? Est-ce que les observateurs étaient

17 également compétents pour contrôler, d'une certaine façon, et observer les

18 activités des organisations que je viens de citer?

19 Réponse: Absolument. Nous faisions rapport des problèmes que rencontrait

20 par exemple le HCR, pour dire quels étaient les convois qu'ils avaient

21 organisés. Nous parlions des difficultés auxquelles la Forpronu se

22 trouvait confrontée. Ils essayaient d'obtenir nos conseils et nous

23 essayions d'obtenir également leurs conseils; cela allait dans les deux

24 sens.

25 Question: Mais je pensais à quelque chose de bien concret, à savoir ceci:

Page 8518

1 pendant toute la durée de la guerre, les deux parties ont fait objection

2 au fait que la Forpronu ou d'autres organisations interviennent. A

3 différents moments de votre déposition, vous avez indiqué que des convois

4 d'aide humanitaire ont été bloqués.

5 Est-ce que vous savez s'il y a eu également des objections parce qu'il

6 aurait été dit que la Forpronu utilisait ses véhicules pour transporter

7 des armes ou des personnes? Est-ce que ce n'est pas cela qui aurait été

8 utilisé comme prétexte pour ériger des barrages routiers? Est-ce que vous

9 avez entendu quoi que soit de ce genre, si vous l'avez entendu dire? Est-

10 ce que vous avez fait un rapport sur ces questions? Est-ce que vous avez

11 entendu parler de la Forpronu ou de quelque autre organisation qui aurait

12 utilisé ses équipements afin d'aider une partie au conflit?

13 Réponse: Oui, j'ai entendu parler de certaines allégations. Mais jamais on

14 ne m'a donné l'illustration concrète pour fonder ces allégations. Ces

15 allégations étaient toujours extrêmement floues et jamais elles n'étaient

16 suffisamment précises ou fondées pour que moi-même ou que mes équipes

17 essayions de nous lancer dans une enquête sur le sujet. C'était trop

18 vague.

19 Question: Je m'attache toujours à la tâche des observateurs.

20 Est-ce qu'un observateur doit également faire une évaluation politique de

21 l'une des parties belligérantes? Est-ce que vous, en tant qu'observateur,

22 vous avez essayé de faire une évaluation des opinions qui prévalaient du

23 côté croate. Vous avez entendu, ces opinions étaient exprimées.

24 Est-ce qu'il vous revenait de faire une évaluation de ces opinions et de

25 dire "Eh bien, vous savez, les Croates ont tort" ou bien "Les Bosniens ont

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1 tort"? Est-ce que cela faisait partie de vos compétences?

2 Réponse: Eh bien, il est bien certain que l'une de nos tâches était

3 d'évaluer les informations qui nous étaient données, de donner une

4 évaluation de ce qui se passait. Nous devions donner notre évaluation des

5 opinions qui étaient formulées par différents dirigeants. Cela faisait

6 partie des informations considérées comme très importantes.

7 Si nous faisions notre travail correctement, ensuite, dans les capitales

8 des pays de l'Union européenne, les personnes compétentes auraient des

9 faits avérés sur lesquels réfléchir et sur la base desquels travailler.

10 Question: Si je vous ai bien compris, vous vous en teniez à une méthode de

11 travail bien précise. Il y avait un système qui vous permettait de

12 recueillir l'information, de la traiter et de la transmettre. Je suppose

13 qu'il y a une méthode de travail bien établie à laquelle vous avez eu

14 recours: cela n'a pas été laissé à la discrétion de chacun des

15 observateurs. Il y avait une méthodologie, certaines règles qui devaient

16 être suivies? Vous l'avez suivi et vos collègues aussi?

17 Réponse: Oui. Pour ce qui est de la procédure de transmission

18 d'informations, c'était quelque chose qui avait été établi de façon très

19 claire.

20 Mais pour ce qui était de la teneur des rapports, eh bien, cela dépendait

21 de l'observateur qui le rédigeait, cela dépendait de la rigueur avec

22 laquelle il accomplissait ses tâches. Et différents observateurs

23 produisaient différentes qualités de rapports; les évaluations qu'ils

24 proposaient étaient parfois de nature très différente. Et au bout d'un

25 moment, on s'apercevait que certains individus avaient des opinions

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1 particulièrement intéressantes alors que d'autres n'avaient que des

2 opinions d'intérêt négligeable.

3 Mais les méthodes de transmission d'informations étaient standardisées.

4 Mais je le répète, pour ce qui est de la façon dont l'observateur

5 accomplissait son travail sur le terrain, il y avait vraiment des

6 différences d'une personne à une autre.

7 Question: Vous avez fait des observations, vous avez envoyé vos rapports,

8 votre mission était bien lancée.

9 Comment est-ce que le travail de votre mission a été accueilli? Est-ce que

10 vos rapports ont été bien accueillis? Quelle évaluation en a été faite?

11 Est-ce que vous receviez des informations en retour quant à l'accueil qui

12 avait été réservé à vos rapports au niveau supérieur?

13 Réponse: Nous n'avions pas ce type d'information sur une base quotidienne

14 parce que les personnes étaient trop occupées.

15 Mais si l'on envoyait un rapport spécial sur un sujet bien précis, sur un

16 sujet d'importance, et si ce rapport était considéré comme intéressant, on

17 recevait le message suivant: "Très bon rapport, rédigé par "x". Excellente

18 analyse de la question". Et parfois, il y avait même des questions

19 supplémentaires qui étaient posées, on nous invitait à essayer de trouver

20 une réponse.

21 Donc, oui, nous avions des informations en retour.

22 Question: Nous avons maintenant mieux compris de quelle façon vous

23 recueilliez ces informations, de quelle façon vous transmettiez ces

24 informations.

25 Maintenant, ce qui m'intéresse, c'est justement ces informations que vous

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1 receviez depuis les échelons supérieurs. Vous nous avez simplement dit que

2 cette information est envoyée vers un centre et, sur la base de cette

3 information, la communauté internationale établit certaines règles et

4 prend certaines décisions.

5 Pourriez-vous me dire quelle était la destination finale de cette

6 information? Et pouvez-vous nous dire de quelle façon l'information qui

7 vous est envoyée depuis le centre d'analyse est utilisée pour essayer de

8 poursuivre votre mission?

9 Réponse: Comme je l'ai déjà dit, la majorité des messages n'empruntaient

10 qu'un seul chemin: ils allaient du centre de coordination au centre

11 régional, au quartier général de Zagreb; ensuite, à la présidence de

12 l'Union européenne et aux différentes capitales.

13 Mais je dois préciser immédiatement que je n'ai pas le souvenir d'avoir

14 reçu depuis certaines capitales des informations en retour. Nous obtenions

15 parfois ce type d'informations du quartier général de l'ECMM de Zagreb.

16 Généralement, nous pensions que "pas de nouvelle, bonne nouvelle", n'est-

17 ce pas. Et s'il y avait quelque chose qu'ils souhaitaient nous demander à

18 propos de ce que nous avions envoyé, eh bien, ils nous feraient signe.

19 Parfois, je le répète, on recevait un petit message très concis "Bravo,

20 merci pour ce rapport". C'est tout.

21 Question: Je ne parle de votre rapport en particulier ou de vos rapports.

22 Moi, ce qui m'intéresse, c'est en fait l'objectif visé par ce recueil

23 d'informations.

24 Vous recueillez des informations sur le terrain, mais sans doute quelqu'un

25 avait-il été invité à essayer de recueillir ce type d'informations ou à

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1 travailler sur ce type d'informations. Je suppose qu'il était important

2 d'obtenir une information précise parce que la qualité de l'information et

3 la qualité du traitement qui lui était réservé allaient avoir un impact

4 sur ce qui se passait à terme sur le terrain.

5 Moi j'aimerais savoir si cette information venait de différents endroits

6 et convergeait vers une même centre. Je me demande si cette information

7 était rassemblée, puis ensuite, quelqu'un l'utilisait, essayait d'en

8 déterminer l'utilisation possible.

9 Est-ce qu'au niveau de la communauté internationale, quelqu'un prenait la

10 décision de l'utiliser d'une certaine façon? Est-ce qu'il y avait des

11 décisions de ce type qui étaient prises à certains échelons?

12 Réponse: Eh bien, je vais vous donner un exemple précis, si vous voulez.

13 En Bosnie, lorsque j'étais responsable du centre de coordination de

14 Mostar, je recevais des rapports de mes quatre équipes, et ce, sur une

15 base quotidienne. Une partie de cette information m'était destinée et

16 c'était à moi de réagir à ces informations. Cela supposait que

17 j'intervienne. Pour ce qui est d'autres types d'information, je la faisais

18 remonter vers le centre régional. Et certaines des informations qui

19 étaient transmises au centre régional devaient être traitées par le centre

20 régional. Et c'était à ce centre d'agir.

21 Mais il pouvait y avoir également, parmi ces éléments d'information, des

22 éléments qui allaient être envoyés à un échelon plus élevé, c'est-à-dire

23 au quartier général de Zagreb. Et le produit fini, si vous voulez, c'était

24 le rapport de coordination envoyé par le quartier général de Zagreb aux

25 différentes capitales et qui leur donnait un instantané quotidien de la

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1 situation qui prévalait en Bosnie sur les plans politique, militaire et

2 humanitaire, entre autres.

3 Question: Pourquoi est-ce que j'insiste sur tout cela? Eh bien, pour la

4 raison suivante: en Bosnie, l'attitude générale vis-à-vis de l'ECMM était

5 qu'à partir du moment où l'ECMM est arrivé en Bosnie, tous ceux qui se

6 considéraient comme victimes ont été très heureux d'être les témoins de

7 l'arrivée de ces organisations internationales, parce qu'ils se sont dit

8 qu'enfin quelqu'un venait sur place pour voir ce qui se passait, qu'enfin

9 quelqu'un allait raconter ce qui se passait. Les gens pensaient que cela

10 allait résoudre les problèmes.

11 Mais par la suite, nombre de personnes ont été vraiment déçues par cette

12 mission parce que les résultats, s'il y en avait, arrivaient trop tard et

13 parfois n'arrivaient pas du tout.

14 Alors, je vous demande si vous avez eu connaissance de cette opinion

15 ressentie par certaines sections de l'opinion publique? Est-ce que vous

16 avez eu la perception de ce ressentiment à l'égard des organisations

17 internationales et de l'ECMM, ressentiment parce que les espoirs avaient

18 été déçus?

19 Réponse: Tout ce que je peux dire, c'est que je suis désolé d'entendre

20 cela. Bien sûr que j'ai entendu des gens s'exprimer de la façon que vous

21 avez décrite. Mais je dois souligner ici encore que l'ECMM, comme son nom

22 l'indique, était une mission d'observation.

23 Il ne s'agissait pas d'apporter des denrées alimentaires comme le HCR, il

24 ne s'agissait pas d'assurer une aide militaire comme la Forpronu, il ne

25 s'agissait pas d'assurer une aide médicale comme le CICR. C'était une

Page 8524

1 mission d'observation qui devait permettre au Ministère des affaires

2 étrangères des différentes capitales d'obtenir les informations dont ils

3 avaient besoin.

4 Et c'était une période de temps très délicate, c'est la période de temps

5 pendant laquelle on passe du plan Vance-Owen au plan d'action de l'Union

6 européenne, au plan du groupe de contact. Il s'agissait d'informations

7 cruciales dont les capitales avaient besoin pour avoir une idée précise de

8 ce qui se passait sur place.

9 Je sais que les attentes étaient peut-être beaucoup plus importantes que

10 ce que l'ECMM était à même de fournir, mais au moins les capitales

11 recevaient-elles les informations dont les hommes politiques avaient

12 besoin.

13 Question: Cela, c'est un aspect de la chose. Vous fournissez une

14 information, de l'information de l'intérieur, c'est-à-dire qui a été

15 puisée sur place, en Bosnie, et vous envoyez cette information vers des

16 centres extérieurs.

17 Est-ce que cela faisait partie de vos tâches d'essayer de transmettre

18 certaines choses dont vous pensiez qu'il fallait que la communauté

19 internationale les mette en œuvre? Est-ce qu'une partie de votre travail

20 en Bosnie consistait à essayer d'exercer une influence sur les personnes

21 avec lesquelles vous étiez en contact, en leur communiquant les opinions

22 et les points de vue de la communauté internationale?

23 Réponse: Tout à fait, et je crois l'avoir dit hier: nous, les

24 observateurs, devions jouer un rôle en matière d'organisation de réunions,

25 en matière d'organiser les négociations entre les différentes factions. Et

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1 ça, c'était une partie très importante de notre travail: essayer de

2 rapprocher les deux parties, de les asseoir à la même table et, dans la

3 mesure du possible, de rapprocher les points de vue.

4 Question: Nous allons maintenant commencer à parler de ces réunions

5 d'information, ces briefings.

6 Si je vous ai bien compris, vous êtes désigné comme étant observateur.

7 D'abord, vous recevez des informations d'ordre général, ensuite des

8 informations plus précises sur la situation politique, militaire, etc.,

9 qui prévaut dans la zone où vous allez être envoyé. Cela fait partie de

10 ces réunions d'information.

11 Ensuite, vous entendez parler de ce que la communauté internationale pense

12 de toutes ces questions et l'on vous informe des voies que vous devriez

13 explorer. On vous dit exactement quels devraient être exactement vos

14 objectifs.

15 Arrêtez-moi si je me trompe ou si je déforme les choses.

16 Ma question est celle-ci: après ces réunions d'information, alors que vous

17 êtes sur le point d'être envoyé en mission, est-ce que vous disposez déjà

18 de cette lunette d'observation spéciale au travers de laquelle on vous

19 demande de regarder la situation d'une façon particulière? Est-ce que vous

20 observez les choses à travers ce prisme un petit peu particulier qui vous

21 a été donné par la communauté internationale, un prisme qui vous dit ce

22 que vous devez faire et de quelle façon vous devez travailler?

23 Réponse: Je crois que les membres de l'ECMM se voyaient accorder une

24 grande liberté de manœuvre. En fait, la façon de travailler dépendait de

25 l'envergure de chaque observateur de ses capacités de travail. Peut-être

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1 que son quartier général allait lui donner des instructions. Cela a été

2 mon cas, on m'a dit: "Ecoutez, allez faire un rapport sur tel ou tel

3 sujet".

4 Mais sinon, s'il n'y avait pas d'instruction; nous avions vraiment les

5 rênes libres, nous pouvions décider de ce qui était important ou pas, nous

6 pouvions décider de ce sur quoi nous voulions nous pencher ou pas.

7 Question: Toutes ces questions, Sir Garrot, portent sur la position qui

8 est la nôtre, conseils de la défense.

9 Vous nous avez dit beaucoup de choses à propos de votre déposition. Vous

10 nous avez dit pourquoi, d'après vous, il y avait eu ce conflit à Mostar.

11 Vous nous avez parlé de la nature des contacts et des liens: qui faisait

12 quoi, qui empruntait les idées de qui.

13 Et la position de la défense est celle-ci: vous avez fait une déposition

14 qui est, en fait, une histoire simplifiée de ce qui s'est passé à Mostar.

15 Vous avez fait un récit de Mostar, mais récit qui est le résultat des

16 observations que vous avez faites à travers le prisme que je décrivais

17 tout à l'heure, de cette loupe qui vous a été donnée par la communauté

18 internationale et qui vous pousse à déclarer qu'une partie était coupable

19 et que l'autre était innocente comme l'agneau. C'est notre position et

20 c'est la raison pour laquelle j'ai posé les questions que je vous ai

21 posées.

22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Scott?

23 M. Scott (interprétation): Monsieur le Président, j'ai suivi ce qui a été

24 dit par le conseil de la défense, mais je ne crois pas que ce qui est dit

25 est juste à l'égard du témoin.

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1 Ce témoin a une expérience de cinq ans et demi sur le terrain entre Mostar

2 et Zenica. Il a sans doute énormément de connaissances à propos de tout ce

3 qui s'est passé là-bas. Essayer de dire que le témoin nous présente une

4 histoire simplifiée de ce qui s'est passé, c'est aller un peu loin.

5 La défense a fait objection à chaque fois que nous avons essayé de faire

6 parler le témoin d'autre chose que de ce qui s'est passé pendant les

7 premiers mois de 1994.

8 Je ne crois pas que ce soit très juste de dire cela à propos du témoin.

9 Sir Garrod (interprétation): Je peux répondre.

10 M. le Président (interprétation): Maître Par, il me semble que vous n'êtes

11 pas en train de poser une question au témoin; vous êtes en train de faire

12 une affirmation, ma foi, assez longue, ce qui n'est pas particulièrement

13 autorisé. Il faut que vous ayez cela à l'esprit.

14 Nous comprenons que vous ayez des opinions différentes et nous comprenons

15 que vous vouliez les confronter avec celles qu'a le témoin, mais ce n'est

16 pas l'endroit. L'endroit est mal choisi: il ne s'agit pas de nous faire

17 part de vos opinions personnelles.

18 Sir Garrod (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que je peux

19 répondre? Je serais particulièrement heureux de le faire.

20 M. Par (interprétation): Avec votre permission, Monsieur le Président,

21 j'ai fait état de la position qui était celle de la défense, précisément

22 pour pouvoir être équitable, juste et correct à l'égard du témoin, Sir

23 Garrot.

24 En d'autres termes, ces questions ne dissimulent rien du tout. J'essaie

25 simplement de dire quelle est notre position et j'essaie aussi de mettre à

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1 l'épreuve certaines des choses que le témoin a dites. J'essaie d'obtenir

2 certains détails. Je n'essaie pas du tout de minimiser l'importance de ce

3 que dit ce témoin.

4 Je crois que justement, c'est un témoin avec lequel on pourrait

5 s'entretenir pendant des heures, surtout quand on essaie de confronter

6 deux opinions divergentes.

7 Ma question allait être celle-ci: vous, Sir Garrot, vous avez présenté les

8 opinions qui étaient les vôtres. Est-ce que ces opinions se fondent sur ce

9 que vous étiez prêt à faire? Est-ce qu'elles se sont fondées sur ce qui

10 vous a été dit? Est-ce que cela ne découle que de ce que vous avez fait

11 sur place, en conformité aux instructions qui vous avaient été données?

12 Sir Garrod (interprétation): Si je comprends bien votre question, vous me

13 demandez si j'ai formé mes opinions simplement à travers ce prisme. Donc

14 est-ce que je ne les ai pas déformées parce que je ne les ai regardées que

15 d'un seul angle? Est-ce qu'en fait, je n'agissais que sur instruction et

16 est-ce que je ne réfléchissais que sur instruction?

17 Je crois que c'est dans ce classeur qu'il y a un document qui indique que

18 j'ai dit, je crois, à Prlic, à un moment donné, que certes, je recevais

19 des informations de mon propre gouvernement au Royaume Uni, mais cela

20 n'arrivait quasiment jamais. Et si cela allait vraiment se produire,

21 j'allais faire mes valises et partir dès que cela se produisait.

22 Nous n'étions pas placés sous un contrôle politique, d'aucune nature.

23 Absolument pas.

24 Les observateurs avaient compétence pour faire un rapport d'information et

25 pour le transmettre. S'il était établi qu'il y avait une erreur qui

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1 s'était glissée dans le rapport, on pouvait toujours se débarrasser de

2 l'observateur qui n'avait pas fait son travail, mais il n'y avait aucune

3 pression politique exercée sur les observateurs qui les auraient poussés à

4 dire certaines choses et à n'en pas dire d'autres.

5 J'espère que cela répond à votre question.

6 Mme Clark (interprétation): Est-ce que je peux ajouter quelque chose, Sir

7 Garrot?

8 Je crois que Me Par vous a posé une question qui est très importante, qui

9 est très valable, et il a exprimé sous forme d'affirmation la position

10 dans laquelle il se trouve en tant que conseil de la défense pour M.

11 Martinovic et tel c'est que vous en tant qu'observateur de l'ECMM, vous

12 saviez ce qui se passait dans la région de Mostar. Il vous a donc posé la

13 question: "Est-ce que la politique de l'Union européenne avait

14 prédéterminé vos points de vue?" Et en disant cela, je crois que Me Par

15 veut dire: est-ce que vous ne pensiez pas qu'un côté avait plus raison que

16 l'autre?

17 Sir Garrod (interprétation): Je ne crois pas que c'était l'Union

18 européenne qui nous donnait la politique ou le ton, car vous devez sans

19 doute savoir que divers membres de l'Union européenne avaient des points

20 de vue bien différents de ce qui se passait en Bosnie. Donc le point de

21 vue au sein de l'Union européenne n'était pas unifié et je crois que mon

22 point de vue était tout à fait impartial. Je n'étais certainement pas du

23 tout contaminé par quelque forme de mouvement politique ou de l'ECMM. Nous

24 étions traités en tant qu'adultes et nous étions jugés par le travail que

25 nous faisions.

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1 M. Par (interprétation): Je vous comprends tout à fait, Sir Martin. Mon

2 intention n'était pas de faire une allusion, oppression politique mais je

3 voulais dire en tant qu'homme, est-ce que vous avez des préjugés? Chaque

4 personne est encline à des préjugés. Si l'on vous fournit un certain

5 nombre d'informations, donc ce prisme, ces lunettes desquelles je parlais,

6 je voulais dire est-ce que vous n'étiez pas sous une influence non, pas

7 politique mais personnelle, de préjugés que l'on vous aurait inculqué?

8 Est-ce que vous êtes déjà arrivé sur le terrain en ayant des préjugés en

9 Bosnie?

10 C'est ce que je voulais vous demander comme question et vous m'avez bien

11 expliqué; j'ai bien compris que vous étiez impartial et que vous étiez un

12 observateur tout à fait impartial. J'ai bien compris votre réponse.

13 Sir Garrod (interprétation): Je dois dire, et je dois être bien honnête

14 avec vous, lorsque je suis arrivé en Bosnie, je ne connaissais pas bien la

15 situation. La Bosnie de l'époque, pour une personne qui se trouve à des

16 milliers de kilomètres de là, était une chose assez complexe. Je lisais

17 les journaux certes, mais cela m'a simplement donné un centième de

18 l'histoire. Et lorsque je suis arrivé en Bosnie, je dois vous dire, je

19 peux vous l'assurer, que j'avais un esprit tout à fait ouvert. Mes points

20 de vue étaient formés avec les événements qui ont eu lieu au cours des

21 semaines, des mois et des années qui se sont écoulés.

22 Question: L'une de mes questions que je voulais vous poser -et je vais

23 vous la poser maintenant- est la suivante: vos points de vue

24 d'aujourd'hui, les points de vue dont vous nous faites part au cours de

25 votre témoignage, est-ce que c'est le même point de vue que vous aviez à

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1 l'époque? Et ce que vous nous dites aujourd'hui, est-ce que cela a été le

2 résultat d'un ensemble d'informations que vous avez recueillies depuis,

3 c'est-à-dire après tout ce que vous avez vu à Mostar et après tous les

4 événements de Mostar? Est-ce que vos points de vue d'aujourd'hui sont les

5 mêmes qu'en 1993, lorsque vous vous êtes trouvé sur place? Est-ce que

6 votre opinion personnelle a évolué en quelque sorte?

7 Réponse: Eh bien, pour ce qui est de Mostar, il est certain que la ville

8 de Mostar est bien différente aujourd'hui de l'endroit que j'ai connu en

9 1993. Donc en 1998, elle différait bien de Mostar 1993, mais les problèmes

10 dont nous parlons depuis 48 heures sont encore là. Il y a encore un désir

11 de former une troisième entité: la République Croate d'Herceg-Bosna. Il y

12 a toujours une volonté pour que Mostar devienne une capitale, soit une

13 capitale. Il y a encore une volonté pour un certain mouvement de

14 fondamentalistes. La situation est meilleure, mais certains courants sous-

15 jacents et les problèmes sous-jacents sont encore là. Ils sont évidents et

16 ils existent encore.

17 Question: La toile de fond de ma question en réalité était basée sur le

18 document. Vous avez aujourd'hui commenté sur un document; il s'agit d'un

19 rapport datant de 1993 et il vous a demandé si tout ce qui est inclus dans

20 ce rapport de 1993 est exact, si vous mainteniez tout ce qui est dit dans

21 ce rapport; et vous avez dit que oui.

22 Donc je vous pose la question suivante: nous avons certes un rapport de

23 1993, mais est-ce que c'est un point de vue que vous partagez aujourd'hui

24 ou est-ce qu'en 1993, vous aviez ces mêmes points de vue? Et vous croyez

25 que ce rapport était tout à fait correct? C'est la question que je voulais

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1 vous poser.

2 Car il est peut-être facile de dire aujourd'hui que tout est correct, que

3 vous êtes d'accord avec ce rapport, mais en 1993, est-ce que vous

4 disposiez de suffisamment d'informations pour pouvoir vous baser sur ces

5 dernières?

6 Réponse: Eh bien, je crois que, lorsque M. Scott m'a posé la question, à

7 savoir si je pouvais confirmer mon rapport, je crois que j'ai répondu que

8 oui: c'est bel et bien mon rapport, ce sont mes points de vue tels

9 qu'exprimés dans ce rapport et je n'avais absolument aucune raison de

10 changer le point de vue ou les informations qui sont contenues dans ce

11 rapport, donc quant aux événements de 1993.

12 Question: Bien. Je crois que je vous ai compris. Bien, je comprends

13 maintenant. Cela peut nous permettre maintenant de parler de certaines

14 thèses qui pourraient être contradictoires entre vous et moi.

15 En fait, vous avez dit quelques affirmations au cours de votre témoignage

16 et j'aimerais vous poser la question suivante: l'une des thèses

17 principales que nous pouvons voir au cours de votre témoignage, c'était de

18 parler du côté croate et du côté bosnien musulman. Donc vous avez dit que

19 les Bosniens, les Musulmans étaient pour une Bosnie multiethnique, alors

20 que les Croates étaient contre ce fait.

21 Est-ce qu'il s'agit bien d'une affirmation que vous avez dite au cours de

22 votre témoignage? Est-ce que c'est l'une, d'après vous, des raisons du

23 conflit?

24 Réponse: Voilà l'un des problèmes principaux que nous avons rencontrés à

25 Mostar: est-ce que Mostar sera une ville multiethnique, est-ce que Mostar

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1 sera une ville divisée ou une ville croate? C'était le problème

2 fondamental que nous avions eu au cours des années.

3 Question: Donc ce problème de la division de Mostar, c'est l'histoire de

4 la Bosnie entière; le problème s'étend sur la région complète. Il fallait

5 bien se poser la question: est-ce que la Bosnie serait divisée ou est-ce

6 qu'elle serait une Bosnie multiethnique? Mais je crois qu'il s'agit d'un

7 problème multiethnique qui, dans le cas de Mostar, se trouve à une échelle

8 un peu réduite.

9 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire cela: que l'une des

10 parties désirait obtenir une Bosnie divisée, d'autres personnes désiraient

11 obtenir une Bosnie multiethnique? Est-ce que vous ne croyez pas que ce

12 problème que l'on rencontre en Bosnie, pour toute la région de Bosnie, en

13 fait, peut être transposé à Mostar?

14 Réponse: Je suis d'accord pour dire que Mostar est un microcosme bosnien,

15 eu égard à sa nature multiethnique qui prévalait avant le début du

16 conflit. Mais bien sûr, que nous avons la Republika Srpska maintenant, et

17 je ne désire pas simplement émettre des hypothèses quant à ce que l'avenir

18 nous réserve. Mais il est certain que j'aimerais bien voir une Bosnie

19 unifiée telle qu'elle était avant le début du conflit.

20 Question: Nous sommes donc d'accord qu'il s'agit là d'un problème qui est

21 transposé sur un plan un peu plus réduit et que les raisons du problème

22 doivent être trouvées au moment où l'on a procédé à la division de la

23 Bosnie. Et donc, dans cette histoire, il nous manque un élément: ce sont

24 les Serbes dans l'histoire du microcosme.

25 J'aimerais maintenant vous poser une question concrète: si vous-même, Sir

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1 Martin, au cours de votre évaluation de Mostar, si vous avez évalué les

2 deux côtés, le côté croate et le côté bosnien musulman, si au cours de

3 cette évaluation, vous croyez qu'il est nécessaire, si l'on regardait

4 sérieusement la raison de la guerre à Mostar, est-ce que vous pourriez

5 inclure également l'agression serbe et le plan Vance-Owen?

6 D'après tout ce qui s'est passé, est-ce que vous croyez que tous ces

7 facteurs ont fait en sorte que le conflit éclate le 9? Croyez-vous qu'il y

8 a peut-être d'autres facteurs?

9 Réponse: J'ai déjà dit hier que je ne considère pas que la guerre en

10 Bosnie est une guerre civile, car bien sûr, elle a commencé par

11 l'agression serbe: Milosevic, les paramilitaires, Zeljko Ramanovic, ainsi

12 de suite, Bijeljina. Ensuite, nous avons la JNA: 70% du pays était entre

13 les mains des Serbes pendant plusieurs mois.

14 Je suis donc tout à fait d'accord pour dire qu'il y a certainement des

15 problèmes. Mais il faut bien voir de quelle façon ou à quel moment les

16 conflits ont commencé en Bosnie, il faut bien évaluer et comprendre

17 pourquoi est-ce que les Croates et les Musulmans ont commencé le conflit

18 entre eux et ont commencé à se battre les uns contre les autres.

19 Je crois qu'il s'agit de problèmes de territoire, comme je l'ai déjà dit

20 hier. C'est peut-être un malentendu de la part des Croates, une mauvaise

21 lecture du plan de Vance-Owen.

22 Quant aux provinces, je crois que les Croates croyaient qu'il s'agissait

23 de provinces croates, alors que ce n'était pas du tout l'intention du

24 plan. Et je crois que c'était devenu à ce moment-là un problème de

25 territoires. C'est là que les tirs ont commencé.

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1 Question: Je suis d'accord avec vous et, justement, c'est pourquoi

2 j'essaie de voir avec vous… Nous avons parlé des Serbes, nous avons parlé

3 du plan Vance-Owen, donc il y a eu d'autres facteurs qui ont causé les

4 tensions. Mais tout cela, c'est une conséquence des informations que les

5 organismes internationaux et je ne sais qui d'autre, les rapports que tout

6 le monde envoyait pour que cela se définisse dans le plan Vance-Owen, donc

7 êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ce n'est pas facile de trouver

8 le coupable pour le 9 mai, le début du conflit, mais que tous les facteurs

9 doivent être pris en compte? Certains facteurs qui ne se trouvent pas

10 seulement des deux côtés de la Neretva, mais qu'il y a plusieurs autres

11 facteurs auxquels nous ne pouvons pas donner de réponse facile comme pour

12 dire, par exemple, que les Croates sont des méchants?

13 Réponse: Le début du conflit n'a pas débuté à Mostar; cela s'est étendu

14 sur Mostar. Mais quand le conflit a commencé à Mostar, je suis d'opinion

15 que le HVO avait planifié, par exemple, l'expulsion de tous les détenus.

16 Cela demandait une planification bien envisagée. Il faut envisager une

17 planification bien complète avant de faire quelque chose de pareil. Il

18 faut procéder à une planification logistique qui doit être très bien

19 organisée.

20 Donc je suis d'avis que les conflits ont été planifiés d'avance.

21 M. Par (interprétation): Sir Garrot, je vois qu'il est 19 heures. Monsieur

22 le Président, Mesdames les Juges, je poursuivrai demain, si vous n'avez

23 rien contre cela, car je vois l'heure arriver.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je suis navré. Nous

25 allons devoir vous garder ici pour encore un jour. Nous vous remercions de

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1 votre coopération.

2 Sir Garrod (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Il

3 n'y a absolument aucun problème.

4 M. le Président (interprétation): Bien, Monsieur le Témoin.

5 Veuillez raccompagner le témoin, Monsieur l'huissier.

6 Mme Clark (interprétation): Avant que vous ne quittiez le prétoire, je

7 voulais dire que, depuis les quatre mois que nous avons entendu cette

8 affaire, je crois ce que l'on vient d'entendre, ici, au cours des échanges

9 entre vous-même et Me Par, a été des plus intéressants. Ce sont les

10 éléments de preuve les plus intéressants que nous ayons entendus depuis le

11 début de cette affaire.

12 M. le Président (interprétation): Pour des raisons de logistique, nous

13 allons devoir reprendre nos travaux demain après-midi à 16 heures.

14 Nous allons lever la séance.

15 (L'audience est levée à 19 heures 03.)

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