Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 ((Mardi 9 avril 2002.)

2 (Les accusés sont dans le prétoire.)

3 (Audience publique.)

4 (L'audience est ouverte à 09 heures 08.)

5 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire Madame la

6 Greffière.

7 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames

8 les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre Mladen

9 Naletilic et Vinko Martinovic.

10 (Questions relatives à la procédure.)

11 M. le Président (interprétation): Je voudrais savoir si les deux parties

12 ont préparé les listes de documents que je voudrais faire verser au

13 dossier. Oui?

14 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, nous avons préparé la

15 chose et nous avons remis au Greffe la liste que nous étions censés

16 remettre, les pièces à conviction pour le témoin d'aujourd'hui.

17 M. le Président (interprétation): Merci, mais pas pour aujourd'hui,

18 j'avais entendu qu'il s'agissait du témoin d'hier.

19 M. Krsnik (interprétation): Mais nous avons remis la semaine passée cette

20 liste qui accompagnait la comparution de M. Praljak.

21 M. le Président (interprétation): Merci.

22 M. Scott (interprétation): J'ai préparé un projet ici, mais j'aimerais

23 bien le relire lors de la prochaine pause, si vous me le permettez.

24 M. le Président (interprétation): Oui, bien sûr. Sans traduction nous ne

25 pouvons pas donner tous ces documents comme évidence à ce stade; j'espère

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1 que les deux parties peuvent soumettre leurs objections de manière écrite

2 concernant les documents qui les concernent.

3 Maître Krsnik, est-ce que vous êtes prêt pour votre prochain témoin.

4 M. Krsnik (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation): Veuillez faire entrer le témoin, je vous

6 prie.

7 (Le témoin, M. Bozo Rajic, est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation): Bonjour Monsieur le Témoin. Est-ce que

9 vous m'entendez?

10 M. Rajic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, je vous

11 entends.

12 M. le Président (interprétation): Veuillez nous donner lecture de la

13 déclaration solennelle je vous prie.

14 M. Rajic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité toute la vérité et rien que la vérité.

16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

17 M. Rajic (interprétation): Je vous remercie également.

18 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

19 M. Rajic (interprétation): Oui, merci.

20 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y Monsieur Krsnik.

21 (Interrogatoire principal du témoin, M. Bozo Rajic, par Me Krsnik.)

22 M. Krsnik (interprétation): Bonjour Monsieur le Témoin.

23 M. Rajic (interprétation): Bonjour Monsieur l'avocat.

24 Question: Je n'ignore pas que c'est probablement pour vous la première

25 fois que vous venez témoigner devant un tribunal et je tiens à vous

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1 demander d'abord de vous décontracter.

2 Tout d'abord je voudrais vous donner quelques petites instructions. Etant

3 donné que nous parlons la même langue, je tiens à attirer votre attention

4 sur le fait que vous avez un moniteur devant vous et, à chaque fois que

5 vous voyez le rectangle noir défiler, cela veut dire que les interprètes

6 n'ont pas encore traduit. Une fois que cela s'arrêtera, cela veut dire que

7 la traduction est terminée et vous pouvez répondre. Je vous demanderai de

8 faire ces petites pauses pour que l'on puisse suivre. Merci.

9 Réponse: Je vous remercie.

10 Question: Veuillez vous présenter à la Chambre, nous dire où vous êtes né,

11 quelles sont les classes que vous avez faites et où vous travailliez en

12 1990, brièvement.

13 Réponse: Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je m'appelle Bozo

14 Rajic, je suis né le 22 juillet 1943 à Kupres en Bosnie-Herzégovine, je

15 suis marié, je suis père de deux enfants, je n'ai pas de casier

16 judiciaire, et c'est la première fois que je comparais devant un tribunal.

17 Dans la localité où je suis né, j'ai terminé mes études élémentaires;

18 j'avais terminé mes études secondaires d'économie à Bugojno, puis je suis

19 devenu un ingénieur en mécanique et j'ai travaillé avant la guerre et

20 après la guerre à Kupres. J'ai eu plusieurs emplois dans l'administration,

21 dans les finances le commerce, etc.

22 Question: Veuillez nous dire si en 1990 vous aviez été politiquement

23 actif?

24 Réponse: Jusqu'en 1990 je n'avais aucun engagement politique, j'avais été

25 membre, et je n'étais pas membre du seul parti qui existait à l'époque, la

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1 ligue des communistes de Yougoslavie.

2 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi vous n'aviez pas eu

3 d'engagements politiques?

4 Réponse: Il y a beaucoup de raisons, j'essaierai de vous en citer trois.

5 Tout d'abord le marxisme en tant d'idéologie et du point de vue de voir le

6 monde était contraire de la façon dont je percevais l'existence des gens,

7 enfin d'une société d'une manière générale.

8 Deuxièmement, le marxisme sous-entendait, de par la filiation à la ligue

9 des communistes, un athéisme -un athéisme agressif, je dirais- qui n'est

10 pas compatible avec mon éducation catholique.

11 Et la troisième raison, c'est que le parti communiste, de par son

12 organisation, de par sa philosophie et de par ses libertés intrinsèques

13 étouffait toute créativité, et je ne pouvais trouver d'exercice d'une

14 profession où ma créativité pouvait s'extérioriser.

15 Question: Et en 1990, est-ce que vous devenez politiquement actif, et si

16 oui, dites-nous dans quel parti et dites-nous quelques mots à ce sujet,

17 d'une manière générale?

18 Réponse: En 1990, la vague de modifications, de changement démocratique a

19 déferlé sur ma patrie, la Bosnie-Herzégovine, et j'ai décidé de m'engager

20 sur le plan politique, de devenir actif.

21 Tout d'abord parce que j'étais convaincu que toute personne qui a opté en

22 faveur de la démocratie, qui est susceptible d'aider à la mise en place

23 d'une vie démocratique ne saurait être passive. Deuxièmement, pour ce qui

24 est de la filiation au Parti de la Communauté démocratique croate avait

25 été, quant à elle, déterminée par ma volonté de remédier, d'améliorer la

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1 réalité qui était la nôtre.

2 M. Krsnik (interprétation): Veuillez nous dire quelles sont les fonctions

3 que vous avez exercées depuis l'année 1990 et au-delà, pour que la Chambre

4 se fasse une idée?

5 M. Rajic (interprétation): Pendant cette période, j'ai accompli plusieurs

6 types de fonctions dont certaines avaient été bénévoles et d'autres

7 avaient été des fonctions de professionnel. En 1990, dans le courant du

8 mois de septembre, j'ai été élu Président du HDZ à Kupres. J'ai été réélu

9 à cette fonction en début 1992. Au début de la guerre, après l'occupation

10 de ma localité par des forces d'agression serbes, je suis passé au

11 Monténégro puis à Mostar.

12 A Grude, la première tâche professionnelle avait été…

13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Stringer?

14 M. Stringer (interprétation): Je m'excuse, mais s'agissant de la

15 traduction anglaise de l'organisation politique devrait être: Communauté

16 démocratique croate.

17 Est-ce qu'il s'agit d'un parti politique parce que le HDZ, je crois que

18 c'était l'Union démocratique croate, et si nous parlons de ce parti-là,

19 cela nous aiderait beaucoup que de le préciser.

20 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, veuillez nous faire cette

21 clarification.

22 M. Krsnik (interprétation): Certainement, Monsieur le Président. Voyez-

23 vous, Monsieur le Témoin, c'est une tâche très problématique que de

24 traduire fidèlement tout ce que vous dites, vous voyez que les interprètes

25 ont une tâche très difficile.

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1 Vous avez dit que vous avez été Président du comité municipal du HDZ et il

2 s'agissait donc de la Communauté démocratique croate?

3 (Cabine française: En français, c'est Communauté démocratique croate et

4 non pas Union démocratique croate comme en anglais.)

5 M. Krsnik (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous aider à faire la

6 distinction entre HDZ et HZ-HB?

7 M. Rajic (interprétation): Certainement. Eh bien, le premier travail

8 professionnel que j'ai eu à accomplir avait été celui d'adjoint au

9 commandant de la défense. Et je suis en train de parler de la Communauté

10 démocratique Herceg-Bosna au sein du Conseil croate de la défense.

11 En fin 1992, j'ai cessé d'accomplir ce travail et j'ai été chargé ou nommé

12 ministre de la Défense de la République de Bosnie-Herzégovine. J'ai

13 continué à accomplir ces fonctions jusqu'en été 1993 et je suis devenu

14 directeur général de l'agence de presse d'Herceg-Bosna; j'ai accompli

15 cette fonction jusqu'à la fin 1995. Puis j'ai nommé ministre de la

16 Reconstruction et du Développement au sein du gouvernement de la Herceg-

17 Bosna.

18 Puis, en fin de compte, j'ai été élu en 1996 Président du Parti

19 démocratique croate, en 1996 pour la Bosnie-Herzégovine; et une fois que

20 mon mandat a pris fin, je n'ai plus déposé de candidature.

21 En mai 1996, je me suis retiré de la vie politique et je suis resté membre

22 de la Communauté démocratique croate en Bosnie-Herzégovine sans exercer

23 quelque fonction que ce soit au sein du parti ou dans les instances

24 exécutives du pouvoir.

25 (Les interprètes demandent un ralentissement, cela va trop vite.)

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1 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je dois vous

2 rappeler que tout ce que vous dites doit forcément être traduit dans deux

3 langues, aussi vous prierais-je de parler plus lentement. Les interprètes

4 ont beaucoup de mal à vous suivre.

5 M. Rajic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, et veuillez

6 excuser mon manque d'expérience.

7 M. Krsnik (interprétation): Monsieur Rajic, dans la traduction on dit que

8 vous étiez commandant adjoint. A un moment donné on a dit que vous étiez

9 commandant adjoint des forces de la défense de la HZ-HB. Veuillez

10 clarifier: est-ce que vous étiez adjoint du directeur ou du commandant?

11 Est-ce que c'était une fonction civile ou militaire? Qu'est-ce que cela

12 signifie?

13 M. Bozo Rajic (interprétation): En langue croate, le mot "Predstojnik" n'a

14 pas cette signification; c'est un département qui avait été chargé des

15 tâches de la défense. J'avais été donc adjoint du chef du département de

16 la défense.

17 Question: Je m'excuse mais je dois vous interrompre, il y a encore une

18 petite erreur de traduction me semble-t-il. Est-ce que vous avez parlé de

19 la Croatie ou de la langue croate?

20 Réponse: J'ai parlé de la langue croate.

21 Question: Je m'excuse, mais on a dit dans la traduction qu'il s'agit de la

22 Croatie et pas de la langue croate.

23 Réponse: Je suis désolé.

24 Question: Vous pouvez continuer et excusez-moi, je veille au compte rendu

25 d'audience.

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1 Réponse: Je vous ai parlé de tout ce qui avait pris de l'importance pour

2 ce qui est des fonctions que j'avais accomplies jusqu'en 1996.

3 Question: Je voulais savoir si c'était une fonction civile ou militaire?

4 Réponse: Il s'agissait d'aider le département de la défense et j'avais été

5 l'un des adjoints, l'un des adjoints supérieurs.

6 Question: Merci de votre explication.

7 (Les interprètes demandent à Me Krsnik de respecter la pause entre ses

8 propos et ceux du témoin.)

9 Veuillez nous dire, Monsieur le Témoin, quels avaient été vos motifs

10 d'entrer dans la vie politique pour ce qui était donc de rejoindre les

11 rangs du HDZ?

12 Réponse: Bien entendu, comme tant d'autres personnes, j'avais une attitude

13 politique vis-à-vis des questions d'importance dans la vie. Dans le

14 programme de la Communauté démocratique croate, j'ai retrouvé trois lignes

15 directrices qui, pour moi, revêtaient beaucoup d'importance.

16 Tout d'abord, le HDZ proposait une réconciliation au sein du peuple croate

17 qui, suite aux circonstances historiques, notamment aux événements de la

18 Deuxième Guerre mondiale, se trouvait être en dispute et confronté… et

19 mutuellement confronté sur des bases idéologiques. Or, je n'ignorais pas

20 que sans réconciliation nous n'avions aucune perspective politique. Et le

21 HDZ avait pris cette position-là.

22 La deuxième des lignes directrices avait consisté en une exigence très

23 claire de réaménager les relations, les rapports en place dans l'Etat de

24 l'époque, dans cet Etat yougoslave à l'époque, pour ce qui est de la

25 possibilité d'attribuer une pleine autonomie politique aux Républiques

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1 sans pour autant exclure la possibilité de créer un Etat croate

2 indépendant.

3 Et la troisième déterminante a été la suivante: à savoir que le HDZ avait

4 été le parti politique qui garantissait de se battre de la même façon en

5 faveur des droits des Croates au sein de la Bosnie-Herzégovine.

6 Question: Monsieur Rajic, veuillez nous dire quand commence à se mettre en

7 place le HDZ, en tant que parti politique, en Bosnie-Herzégovine?

8 Réponse: Cela variait d'une municipalité à l'autre. Dans ma municipalité à

9 moi, à Kupres, le parti a été créé début juin 1990; dans d'autres

10 municipalités, je ne suis pas au courant des détails, mais d'une manière

11 générale il s'agissait de la période allant d'avril à septembre 1990.

12 Question: Veuillez nous dire si le parti était intervenu à titre autonome

13 et dans quelles régions, au juste? J'entends HDZ.

14 Réponse: Je tiens à vous rappeler qu'à l'époque, il y avait un Etat

15 conjoint qui s'appelait la Yougoslavie et qui était composé de six

16 Républiques et deux provinces autonomes. Le HDZ avait été organisé de

17 manière à pouvoir intervenir sur tout le territoire de l'Etat et cela,

18 enfin ses activités s'étaient exercées sur le territoire de deux

19 Républiques, à savoir la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

20 Question: Mais saviez-vous que d'autres partis également étaient

21 intervenus sur le territoire de la Yougoslavie tout entière?

22 Réponse: Oui, par exemple le Parti de l'action démocratique qui avait son

23 siège à Sarajevo et qui intervenait en Croatie, en Slovénie et en Serbie,

24 à savoir dans la région Sandzak.

25 Question: Monsieur Rajic, veuillez nous dire quels avaient été les lignes

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1 directrices et les objectifs fixés par le programme du HDZ en Bosnie-

2 Herzégovine?

3 Réponse: Mesdames et Monsieur les Juges, je crois qu'il faudrait en

4 répondant à cette question procéder à certaines précisions et

5 délimitations. En effet, nous qui avions suivi et mis en oeuvre ce

6 programme, programme de la Communauté démocratique croate de Bosnie-

7 Herzégovine, avions eu des objectifs qui n'étaient pas par trop ambitieux

8 avant la guerre. Si l'on mesure les choses par rapport à ce qui allait se

9 passer pendant la guerre.

10 Ces objectifs avaient consisté en la chute du régime communiste, la mise

11 en place d'une société pluripartite démocratique, puis la confirmation ou

12 plutôt l'annulation de ce que l'on appelait la propriété sociale et le

13 passage à la propriété privée, puis la protection des droits de l'homme et

14 des libertés, économie de marché et intégration dans l'organisation

15 politique et économique des pays occidentaux.

16 A mon avis, ces objectifs avaient été plutôt réalistes et n'étaient pas

17 mégalomanes du tout. Or, la guerre a commencé, elle a tout chamboulé,

18 bouleversé, et au lieu des objectifs fixés pour des temps de paix, il nous

19 a fallu rechercher des solutions pour tout ce que nous apportait la

20 guerre, ou les dangers de guerre éminents.

21 Question: Veuillez nous dire quelle était l'intention du HDZ pour ce qui

22 est de l'aménagement des rapports entre les intervenants sociaux, pour ce

23 qui est du programme politique du HDZ? S'agissant bien entendu de la

24 Bosnie-Herzégovine.

25 Réponse: La Communauté démocratique croate se trouvait être consciente des

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1 qualités ou des propriétés dans la région dans laquelle elle était appelée

2 à intervenir. Nous n'ignorions pas que la Bosnie-Herzégovine était une

3 communauté pluriethniques et qu'il en était ainsi depuis des siècles, mais

4 que rarement il y avait eu une égalité en droit au sein de celle-ci.

5 C'est la raison pour laquelle nous avions estimé qu'il était indispensable

6 d'organiser la Bosnie-Herzégovine sur des principes démocratiques, partant

7 du fait qu'en Bosnie-Herzégovine il y avait trois peuples constitutionnels

8 égaux en droits, à savoir les Croates, les Musulmans et les Serbes. Et

9 toutes nos réflexions politiques abondaient dans le sens de l'affirmation

10 de l'existence de ces trois nations et de l'octroi des mêmes droits à

11 chacun des citoyens.

12 M. Krsnik (interprétation): Est-ce qu'il y a eu, dans ce programme du HDZ,

13 des modifications pour ce qui est de l'aménagement des rapports au sein de

14 la Bosnie-Herzégovine?

15 M. Rajic (interprétation): S'agissant de nos principes, rien n'a été

16 changé, nous sommes restés fidèles à nos options aux termes desquelles la

17 Bosnie-Herzégovine était l'Etat de trois nations, mais il s'est posé une

18 autre question lorsque les tentatives de réaménagements de la Yougoslavie

19 ont échoué. Il s'agissait de savoir comment et où placer, situer cette

20 Bosnie-Herzégovine.

21 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, comme vous le savez, nous

22 ne sommes pas tellement intéressés par des questions politiques.

23 Ce que nous souhaiterions entendre ici, ce sont les qualités des relations

24 entre les trois groupes ethniques, les Serbes, les Musulmans et les

25 Croates de 1992 à 1993, pour ce qui est de cette région. Nous sommes

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1 également intéressés par le fait de savoir de quelle façon le témoin avait

2 été nommé au ministère de la Défense et de quelle façon le ministère de la

3 Défense avait fonctionné dans cette période-là.

4 Nous voudrions également l'entendre parler de ce qui s'était passé dans la

5 région de Mostar au cours de la période concernée; c'est ce que nous

6 voudrions notamment entendre.

7 M. Krsnik (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Mais il faut que

8 nous parlions des plates-formes politiques pour comprendre les relations

9 entre les trois groupes ethniques et il faut, bien sûr, procéder à une

10 introduction pour parler de ce qui est l'essentiel. Je me suis efforcé de

11 faire une introduction des plus brèves possibles et ma question suivante

12 est l'éclatement des conflits en Bosnie-Herzégovine. Donc, j'espère avoir

13 répondu à l'ensemble des critères posés en m'efforçant, au maximum, de ne

14 pas perdre trop de temps et de faire en sorte que le témoin englobe le

15 plus possible de sujets.

16 M. le Président (interprétation): Oui, je vous demanderai que...

17 Mme Clark (interprétation): Pendant que nous parlons de l'histoire en ex-

18 Yougoslavie, vous avez dit quelque chose d'intéressant Monsieur Rajic.

19 Vous avez en effet dit que la Bosnie-Herzégovine avait été multiethnique

20 pendant des siècles, mais qu'il n'y avait pas d'égalité entre les groupes

21 ethniques.

22 Avant que de passer au conflit qui nous intéresse, je voudrais que vous

23 nous illustriez l'inégalité qui était en place, et qui était privilégiée

24 et qui était moins privilégiée, et pourquoi?

25 M. Krsnik (interprétation): Vous avez entendu, Monsieur le Témoin, la

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1 question posée par Madame la Juge. Pouvez-vous répondre?

2 M. Rajic (interprétation): Oui, votre honneur, je vais répondre aussi bien

3 que je peux le faire. Depuis 500 ans, la Bosnie-Herzégovine n'a jamais été

4 un Etat libre, comme l'aimeraient son peuple et ses citoyens.

5 Malheureusement son histoire est l'histoire d'un pays occupé de

6 protectorat ou de régimes dictatoriaux. En 1463, lorsque la Bosnie-

7 Herzégovine a été prise par les forces ottomanes, l'empire turc, jusqu'à

8 l'arrivée de l'empire Austro-hongrois…

9 Mme Clark (interprétation): Je ne veux pas être mal élevée, je ne voulais

10 pas que vous alliez si loin dans l'histoire, je voulais simplement que

11 vous parliez de l'ex-Yougoslavie moderne, depuis la fin de la Deuxième

12 Guerre mondiale par exemple. Nous savons que l'histoire est très complexe

13 et fascinante, mais je voulais parler de l'ex-Yougoslavie dans votre vie à

14 vous. Je suis désolée de vous avoir interrompu.

15 M. Rajic (interprétation): Merci votre Honneur. Je voulais simplement

16 parler de ceci, faire un petit détour, pour vous rappeler que depuis 500

17 ans la Bosnie-Herzégovine n'a pas été un pays libre, et en ce qui concerne

18 les relations entre les pays, dans l'Etat dans lequel j'habitais jusqu'en

19 1990, du point de vue juridique et formel, ces personnes étaient égales.

20 Mais nous tous qui habitions en ex-Yougoslavie ou plus particulièrement en

21 Bosnie-Herzégovine, nous savons que c'était un Etat qui était dominé par

22 les Serbes, et que c'était un Etat avec un dictateur et une oligarchie

23 communiste. Par exemple, la constitution dit que chaque personne, chaque

24 individu avait le droit d'utiliser son langage propre; mais je sais et

25 c'est bien connu, c'est une idée bien répandue, que des milliers de

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1 Croates en Yougoslavie et en Bosnie-Herzégovine étaient amenés en procès,

2 étaient traduits en justice parce qu'ils voulaient une égalité dans le

3 parler de leur langue maternelle.

4 La même chose était vraie pour la représentation dans les instances les

5 plus importantes de l'autorité politique. Les forces, l'armée, la police,

6 le service étranger, les banques, les grosses entreprises étaient toutes

7 plus ou moins contrôlées par les Serbes. Ce sont des faits que je connais,

8 que j'ai expérimentés, dont j'ai eu l'expérience au cours de ma vie.

9 Mme Clark (interprétation): Je vous remercie. C'est la première fois

10 qu'une personne nous a donné ces faits simples. Je ne savais pas jusqu'à

11 ce que je vous connaisse, si vous alliez dire si c'étaient les Musulmans

12 qui contrôlaient ou si c'étaient les Serbes. Je vous remercie.

13 Maître Krsnik, c'est votre témoin maintenant.

14 M. Krsnik (interprétation): Merci Madame la Juge. Parfois je pars du sujet

15 et vous me ramenez au sujet, je vous en remercie.

16 Nous allons poursuivre plus rapidement, Monsieur Rajic, des développements

17 qui ont suivi. Pouvez-vous nous décrire brièvement les événements de 1990

18 à 1991. Quelles étaient les demandes pour une solution politique des

19 personnes au pouvoir? Et nous allons poursuivre après avec 1992.

20 M. Rajic (interprétation): C'est difficile de décrire cette situation

21 difficile en quelques mots, mais je vais essayer.

22 Bon, j'ai dit que d'autres personnes, excepté les Serbes en Yougoslavie,

23 voulaient que la Yougoslavie soit organisée comme une confédération, et

24 que les Républiques soient octroyées plus d'espace politique et

25 économique.

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1 Les Serbes gérés par la Serbie et le Monténégro, et en soutient de la JNA,

2 ont refusé toute forme d'établissement de l'égalité des Républiques et des

3 citoyens, des personnes. Et lorsque tous les essais pour trouver une

4 solution démocratique ont échoué, tout d'abord les Slovéniens et ensuite

5 les Croates ont utilisé leur droit d'autodétermination et ont voté pour

6 leur indépendance et souveraineté. Après ceci, les politiciens de la

7 Yougoslavie ont répondu avec une agression très brutale et ouverte

8 précédée par une guerre fictive en Slovénie. Et, en 1991, la Croatie a été

9 dévastée, les villes ont été brûlées, le peuple a été expulsé. Et, lorsque

10 les institutions internationales ont essayé d'aider, des décisions ont été

11 prises qui semblaient être des bonnes décisions pour que l'armée se retire

12 de la Slovénie et de la Croatie, qui, je m'excuse, l'armée yougoslave.

13 Question: Oui, il faut le dire à chaque fois s'il vous plaît.

14 Réponse: Donc l'armée yougoslave s'est retirée ou a changé d'endroit. Elle

15 est allée en Bosnie-Herzégovine. En parallèle, en Bosnie-Herzégovine, le

16 Parti démocratique serbe a fait une sorte d'autonomisation, je vais

17 expliquer ce que ceci veut dire. C'est une procédure que les Serbes en

18 Bosnie-Herzégovine utilisaient pour dire qu'il y avait des régions

19 autonomes serbes, appelées ainsi, dans lesquelles le principe était que

20 lorsqu'il y avait 5% de population serbe ou un temple serbe, c'est-à-dire

21 une église, que cet endroit appartenait aux Serbes. L'armée yougoslave

22 leur donnait des armes, ouvertement. Et pour nous, pour les Croates, en

23 Bosnie-Herzégovine dans l'Union démocratique croate, il était clair pour

24 nous que l'agression contre la Bosnie-Herzégovine en suivrait et qu'il

25 nous faudrait, fallait faire quelque chose pour protéger les peuples

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1 croates, biologiquement, contre les disparitions, surtout ayant à l'esprit

2 le fait que la Slovénie et la Croatie étaient devenus des pays autonomes,

3 s'étaient séparés de la Yougoslavie. Donc, voici une explication aussi

4 brève que possible.

5 Question: Quel était le premier acte d'agression en Bosnie-Herzégovine et

6 quelles étaient, là-dessus, des autres partis envers ces actions et

7 comment d'autres partis réagissaient-ils envers ces agressions envers la

8 Croatie?

9 Réponse: En Bosnie-Herzégovine, à cette époque, il y avait trois partis

10 politiques au pouvoir: le Parti politique serbe démocratique, le Parti

11 politique pour l'action démocratique et l'Union démocratique croate. Parmi

12 ceux-ci, pardon, chacun de ceux-ci amenait un certain nombre de

13 représentants de son peuple. L'attitude du Parti démocratique serbe, par

14 rapport à l'agression envers la Croatie, était identique avec l'attitude

15 de tous les autres partis serbes (interruption de l'interprétation)… un

16 soulèvement populaire en République de Croatie. La Communauté démocratique

17 croate de la Bosnie-Herzégovine avait sympathisé profondément avec les

18 souffrances de cette partie du peuple croate qui vivait sur le territoire

19 concerné de la République de Croatie. Et des volontaires croates se sont

20 portés au secours.

21 Question: Vous parlez de volontaires originaires, de volontaires croates

22 originaires de la Bosnie-Herzégovine qui sont allés en Croatie en cette

23 qualité-là?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Vous devez comprendre que, pour nous, les choses sont claires

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1 mais pour ceux qui nous écoutent ce n'est pas forcément toujours clair.

2 Réponse: Oui, je vous remercie. Donc les Croates qui résidaient en Bosnie-

3 Herzégovine se sont organisés en groupe et sont partis en tant que

4 volontaires pour prêter main-forte à la défense de la République de

5 Croatie qui se défendait de l'agression de la Serbie et du Monténégro et

6 de ce que l'on appelait l'armée populaire yougoslave.

7 Hélas, je ne peux passer sous silence le fait que le Parti de l'action

8 démocratique, en sa qualité de force éminente représentant les Musulmans

9 en Bosnie-Herzégovine, conduisait une politique d'inconsistance. Ce parti

10 avait, notamment, beaucoup hésité et c'est de façon très malheureuse qu'il

11 s'était prononcé pour ce qui est de la guerre qui faisait rage en

12 Yougoslavie. Quand je dis malheureuse, j'entends par là que cela était

13 malheureux pour nous, Croates, pour qui la Bosnie-Herzégovine est une

14 patrie, aussi bien.

15 Question: Et dites-nous un peu comment cela s'est manifesté?

16 Réponse: On sait bien que M. Izetbegovic a joué un rôle, a exercé une

17 double fonction en qualité d'une part de Président de Bosnie-Herzégovine,

18 en tant que président du Parti pour l'action démocratique. En cette double

19 capacité, il a déclaré que: "La guerre en Croatie", c'est-à-dire

20 l'agression contre la Croatie, "n'est pas notre guerre.". Par là, il

21 voulait dire la guerre du peuple de Bosnie-Herzégovine. Cette déclaration

22 a été suivie d'une déclaration aux termes de laquelle la neutralité de la

23 Bosnie-Herzégovine a été proclamée dans le cadre de cette guerre qui ne

24 concernait que les Serbes et les Croates, cette guerre qu'il a qualifiée

25 de serbo-croate. Ceci était tout à fait inexact et cette déclaration est

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1 tout à fait contestable sur le plan moral. En effet, chacun sait bien que

2 ce n'était pas une guerre entre les Serbes et les Croates, mais qu'il

3 s'agissait d'une agression contre les Croates et leur tout jeune Etat.

4 Enfin, le Parti pour l'action démocratique, ou plutôt ni le Parti

5 démocratique ni les autorités de Bosnie-Herzégovine n'ont rien fait, ils

6 n'ont pas réagi de façon honorable après le premier acte d'agression

7 contre la Bosnie-Herzégovine. Ils sont restés sans raison lorsque la JNA

8 et les réservistes serbes ont attaqué, ont détruit et brûlés le village

9 croate de Ravno dans le sud-est de la Bosnie-Herzégovine. Ils n'ont pas

10 réagi non plus lorsque la population, la population qui était

11 exclusivement croate a été expulsée.

12 Question: Pouvons-nous maintenant visionner la vidéo, les vidéos n°1 et 2,

13 s'il vous plaît?

14 (Diffusion de la vidéo.)

15 "Le manquement de respect au cessez-le-feu et ce qui s'est passé en

16 Bosnie-Herzégovine et de l'autre côté de la Sava et de la Una annonçait

17 une guerre plus sanglante. Notre devoir serait d'empêcher cela de toute

18 façon. Mais, comme vous le savez, cela n'est pas dans notre possibilité,

19 cela n'est pas du pouvoir de ceux qui sont plus forts que nous. Ce que

20 nous pourrions faire c'est refuser de participer à cette folie. C'est donc

21 partant de la souveraineté de la République, de la position prise par la

22 présidence et en interprétant la volonté de la grande majorité des

23 citoyens de la Bosnie-Herzégovine que je proclame par la présente la

24 neutralité de la Bosnie-Herzégovine dans ce conflit. Aujourd'hui,

25 malheureusement, l'heure est venue où il faudrait beaucoup plus de courage

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1 pour sauver la paix que pour participer à la guerre. Je vous demande donc

2 de prendre le courage dans vos deux mains et de refuser. N'oubliez pas, il

3 ne s'agit pas de notre guerre.

4 Journaliste: Non.

5 Civil interviewé: Nous sommes là pour défendre notre peuple et l'armée

6 doit se retirer.

7 A côté de Listica une colonne de voitures, des camions coupent le passage

8 jusqu'à Polog.

9 L'un des civils: Nous resterons ici jusqu'à leur départ et une fois qu'ils

10 s'en seront allés nous rentrerons chez nous.

11 Journaliste: Les citoyens doutent des bonnes intentions de l'armée. Et,

12 quand on leur demande de savoir pourquoi ils ont arrêté le convoi, ils

13 posent à leur tour des questions. 'Pourquoi ces mouvements? Pourquoi ces

14 vraies munitions auprès des soldats?' Et la direction, la direction

15 avancée par les officiers est Duvanjsko Polje pour des manśuvres, et ils

16 demandent à la population de se calmer.

17 L'officier interviewé: Il s'est avéré que le peuple ne voulait pas de

18 conflit. Pendant la nuit entière nous avons eu des relations tout à fait

19 correctes et tout s'est passé sans incident.

20 Journaliste: Il est difficile d'évaluer le nombre des personnes présentes,

21 ils vont et ils viennent par équipe. Mais, ils ont tous une exigence,

22 l'armée peut aller, rebrousser chemin à partir d'ici. Elle ne peut pas

23 aller plus loin.

24 Journaliste: Cela fait 3 jours qu'à Polog, l'armée et la population

25 gardent leur position. Des parachutistes sont arrivés entre-temps, c'est

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1 la raison pour laquelle Alija Izetbegovic, Jure Pelivan et Stjepan Kljuic

2 sont arrivés pour convaincre l'armée de se retirer et pour convaincre la

3 population de se retirer également.

4 Alija Izetbegovic parle: 'Vous devez comprendre que je ne saurais vous

5 trahir, même si je voulais le faire, je tiens à préciser que j'ai fait

6 neuf ans de prison étant jeune, et étant vieux, je ne sais pas commettre

7 de trahison. Soyez conscients de ce fait-là.'

8 La foule scande: 'Alija, Alija, Alija.'

9 Alija Izetbegovic continue: 'Merci, ce que je veux vous dire, c'est que je

10 puis me tromper. J'évalue les choses en ma qualité d'homme. J'estime que

11 vous devriez laisser passer cette colonne continuer son chemin.

12 Toutefois…'

13 La foule scande: 'Non.'

14 Journaliste:..." (Fin de la diffusion.)

15 M. Krsnik (interprétation): Nous pouvons interrompre, merci.

16 Monsieur Rajic, pouvez-vous expliquer à cette Cour en quelle année cette

17 déclaration a été faite par M. Izetbegovic, cette déclaration de

18 neutralité? Pouvez-vous vous rappeler l'année pendant laquelle il vous a

19 dit: "Ce n'est pas notre guerre"? Première question: en quelle année a été

20 faite cette déclaration? Avez-vous vu vous-même cette émission à la

21 télévision?

22 M. Rajic (interprétation): Oui, je l'ai vue à la télévision, je l'ai

23 regardée dans le journal des informations, dans d'autres émissions

24 diffusées par les chaînes de Sarajevo notamment, et cette déclaration a

25 été faite vers la fin de l'année 1991 lorsque la guerre a éclaté en

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1 Croatie.

2 Question: Pourriez-vous nous dire dans la deuxième partie, on a mentionné

3 Listica: Listica, pouvez-vous nous expliquer où cela se trouve

4 précisément? Dans la deuxième partie de l'émission, de la vidéo que nous

5 avons vue, Listica a été mentionnée?

6 Réponse: Listica est l'autre nom qui est utilisé pour Siroki Brijeg, cela

7 s'est déroulé dans le village Polog, sur la route entre Mostar et Siroki

8 Brijeg, et donc tout cela s'est déroulé en mai 1991, les images que l'on

9 voit avec les tanks.

10 Question: Saviez-vous que Listica est un nom musulman pour Siroki Brijeg?

11 Réponse: C'est absurde, Listica est le nom de la rivière qui coule à

12 travers Siroki Brijeg.

13 Question: Désolé de vous interrompre, vous nous avez donc dit l'année, le

14 lieu également; quel était le problème avec les tanks? Pourquoi la

15 population s'est-elle réunie pour empêcher les tanks de la JNA de passer?

16 Réponse: Est-ce qu'il serait possible de rétablir mon terminal?

17 Question: Bouton n°4.

18 Réponse: Merci. Les événements de mai 1991 qui se sont déroulés dans le

19 village de Polog en fait ont mis en cause une file de tanks, de chars de

20 la JNA, ce groupe de chars a été stoppé par la population croate. Sans

21 être annoncée, avec de vraies munitions, armée de vraies munitions, cette

22 file de chars se dirigeait vers un lieu, une destination dont personne

23 n'était certain.

24 En fait, il y avait deux versions. Première version, ces chars voulaient

25 traverser Imotski et visaient en fait Split, Split était la destination

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1 finale.

2 Question: Imotski et Split, pouvez-vous situer le lieu et le pays?

3 Réponse: En République de Croatie, municipalité de Kupres, c'est-à-dire

4 mon lieu de naissance. La population n'a pas voulu laisser passer les

5 chars sans se faire expliquer au préalable où se dirigeaient ces chars et

6 pour quelles raisons.

7 Question: Alija Izetbegovic a-t-il réussi à convaincre la population

8 rassemblée? Est-ce qu'il s'agissait de Croates? Je parle des gens auxquels

9 il s'est adressé lorsqu'on a entendu en particulier scander le nom

10 "Alija", est-ce que c'était le fait de Croates?

11 Réponse: La municipalité de Siroki Brijeg et les municipalités voisines

12 sont des territoires composés à 100% d'habitants croates, les gens qui

13 étaient réunis devant ces chars étaient exclusivement des Croates, et ces

14 personnes ont manifesté dans des conditions tout à fait décentes, avec

15 tout le respect dû au Président de la présidence, M. Alija Izetbegovic,

16 ils ont exprimé leur respect à M. Izetbegovic, ils ont exprimé leur

17 confiance, mais ils ont néanmoins refusé de laisser passer les chars.

18 Question: Alors en définitive les chars ont-ils pu passer? Ont-ils reçu

19 l'autorisation d'avancer après l'intervention de M. Izetbegovic? Que

20 savez-vous de ce qui s'est passé concernant ces chars par la suite?

21 Réponse: Oui, je connais, je connais cette situation, les gens ont été

22 convaincus qu'il s'agissait d'un exercice militaire qui devait avoir lieu

23 dans les champs voisins de Kupres Polje, et ils se sont arrêtés près de

24 deux villages serbes, de Gornji et Donji, dans la municipalité de Kupres.

25 C'est là que se sont arrêtés les chars et c'est là qu'ils sont restés

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1 jusqu'au début de l'hiver. Et étant donné que j'habitais cette région,

2 moi-même, je sais qu'en raison de la présence de ces chars, l'accès aux

3 forêts était bloqué, était interdit, et ces chars ont armé la population

4 serbe de Kupres.

5 Question: Ont-ils attaqué Kupres? Et que s'est-il passé à Kupres?

6 Réponse: Non, ils n'ont pas attaqué à ce moment-là, ils n'ont pas attaqué

7 Kupres.

8 Question: Je comprends.

9 Réponse: Néanmoins l'attaque est intervenue, elle a eu lieu le 3 avril

10 1993. Après une résistance résolue, avec les Musulmans de Kupres nous

11 avons résisté, mais les forces serbes ont fini par occuper Kupres la nuit

12 du 6 au 7 avril 1992.

13 M. Krsnik (interprétation): Mais qu'en était-il de la population serbe?

14 M. Rajic (interprétation): La population serbe jusqu'au moindre individu a

15 été expulsée, les biens serbes ont été pillés, leurs maisons, leurs biens

16 ont été volés, brûlés. Ce qui n'avait pas été brûlé a ensuite été emporté.

17 M. le Président (interprétation): Oui.

18 M. Stringer (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Mes excuses

19 encore à l'égard du témoin et de l'avocat. Je ne suis pas sûr que nous

20 ayons bien… que les choses soient précises. Parce que la traduction

21 anglaise indique que l'attaque a eu lieu en avril 1993, et deux lignes

22 plus loin, nous voyons que l'occupation de Kupres a eu lieu la nuit du 6

23 au 7 avril 1992.

24 Donc est-ce qu'on pourrait revenir en arrière et être plus précis.

25 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik?

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1 M. Krsnik (interprétation): La première et comme la seconde fois, le

2 témoin a bien dit 1992. Peut-être s'agit-il d'une erreur des interprètes.

3 Permettez-moi de répéter la question à mon témoin.

4 Quand s'est produite l'attaque de Kupres pour la transcription? Est-ce que

5 c'était en 1992 ou en 1993?

6 M. Rajic (interprétation): Eh bien, j'espère que nous comprenons bien la

7 différence entre le début de la guerre et l'attaque d'une part, et

8 l'occupation de la ville par les forces armées serbes.

9 Question: Quand s'est produit cet événement?

10 Réponse: En 1992.

11 Question: L'attaque donc le 3 et 4, et l'occupation le 6 et le 7?

12 M. Rajic (interprétation): Oui.

13 M. Krsnik (interprétation): Très bien. Pouvez-vous nous expliquer dans

14 quelles circonstances et comment la HZ-HB a été créée? Quand, à quel

15 moment, pour quelle raison? Est-ce qu'il s'agit d'organisation publique,

16 de l'Etat? En fait, pouvez-vous nous préciser, nous expliquer ce qu'est

17 cette HZ-HB? Pouvez-vous l'expliquer devant cette Cour?

18 Mme Clark (interprétation): Pendant que nous parlons de la traduction, en

19 fait, je constate qu'il y a un problème dans ce qui a été dit. La ville de

20 Kupres a été occupée après une résistance acharnée; ensuite on nous dit

21 que tous les villageois serbes et les biens serbes ont été spoliés. Je ne

22 comprends pas très bien. La population serbe jusqu'au dernier habitant,

23 jusqu'au moindre habitant a été expulsé. Est-ce que l'on pourrait revenir

24 sur ce passage du témoignage?

25 M. Krsnik (interprétation): Nous avons dit la population non-serbe, non-

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1 serbe. Il s'agissait de la population non-serbe.

2 Mme Clark (interprétation): Désolée, cela n'est pas apparu comme cela dans

3 la transcription.

4 M. Krsnik (interprétation): Eh bien, il m'a été demandé par Mme Clark de

5 regarder justement la transcription, de la vérifier, et moi, je suis en

6 train de me concentrer sur l'interrogation du témoin. Je sais très bien

7 qu'il faut être très vigilant, je l'ai noté la première fois. Je sais

8 qu'il est difficile parfois pour les interprètes d'interpréter une autre

9 langue même pour ceux d'entre nous qui parlent la même langue.

10 Eh bien, il peut être parfois difficile de prêter l'attention nécessaire.

11 Je vais donc demander au témoin de bien vouloir parler plus lentement et

12 de se concentrer, ce qui facilitera grandement la tâche des interprètes,

13 tâche difficile, tâche dont les interprètent désirent s'acquitter à la

14 satisfaction de tous.

15 Nous en revenons à la question où et quand la HZ-HB a été créée? Dans quel

16 contexte, dans quelle condition? Il faudrait ensuite expliquer à cette

17 Cour s'il s'agissait d'une association communautaire, d'une association

18 d'Etat. Précisez donc de la nature de cette organisation?

19 M. Rajic (interprétation): Un peu plus tôt dans la matinée, en réponse à

20 l'une de vos questions, j'ai mentionné les circonstances, les

21 circonstances qui ont abouti à l'agression contre la Croatie. J'ai dit que

22 l'annonce de certaines agressions contre la Bosnie-Herzégovine s'en est

23 suivie. L'agression serbe visait la Croatie, le Parti démocratique serbe

24 de Bosnie-Herzégovine a réalisé une scission qui s'est appliquée

25 concernant environ les deux tiers du territoire. Il a armé la population

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1 serbe et a adressé des menaces tout à fait claires, à savoir que la

2 Bosnie-Herzégovine finirait par être rattachée à la Yougoslavie à l'issue

3 d'un conflit, par la guerre.

4 Par ailleurs, j'ai souligné que le gouvernement légal de Bosnie-

5 Herzégovine et la présidence, par le manque de détermination, par leur

6 politique irrésolue manquant de fermeté n'étaient pas non plus,

7 n'inspirairnt pas non plus confiance. En fait, il jouait avec l'idée d'une

8 Yougoslavie éclatée, avec un modèle asymétrique de régulation des

9 relations, ce qui ne pouvait que provoquer davantage de préoccupations et

10 de craintes au sein de la population croate de Bosnie-Herzégovine. Qui en

11 aucun cas ne souhaitait rester au sein d'une Yougoslavie, faire partie

12 d'une Yougoslavie après la sécession de la Slovénie et de la Croatie.

13 Alors, nous avions connaissance de la gravité des destructions. En

14 Croatie, des milliers de personnes ont été expulsées de chez elles, se

15 sont retrouvées sans abri. Et, l'effondrement dans les défenses de Vukovar

16 nous a montré tout à fait clairement qu'il fallait agir par nous-mêmes.

17 J'ai été le témoin des événements de cette époque, en Bosnie-Herzégovine,

18 et je dois dire très franchement, très sincèrement que je n'ai pas cru en

19 la capacité des autorités légales de la Bosnie-Herzégovine, leur capacité

20 à organiser une résistance efficace face à l'agression.

21 M. Krsnik (interprétation): Monsieur Rajic, je vais vous interrompre ici,

22 parce que je pense qu'une pause, c'est le moment de la pause, Monsieur le

23 Président. Je vous remercie.

24 M. le Président (interprétation): Nous reprendrons à 10 heures 45.

25 (Le témoin, M. Bozo Rajic, est reconduit hors du prétoire.)

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1 (L'audience, suspendue à 10 heures 16, est reprise à 10 heures 46.)

2 M. le Président (interprétation): Veuillez amener le témoin.

3 (Le témoin, M. Bozo Rajic, est réintroduit dans le prétoire.)

4 M. Krsnik (interprétation): Monsieur Rajic, on m'a demandé encore une

5 fois, les interprètes m'ont demandé de faire une pause entre la question

6 et la réponse. Je sais que c'est moi le coupable bien plus que vous. Nous

7 allons essayer de nous concentrer et lorsque vous parlez d'un nouveau

8 concept, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous l'expliquer?

9 Monsieur Rajic, nous avons parlé des causes de l'établissement de la HZ-

10 HB. Vous nous avez dit lors de votre introduction quelque chose à ce

11 sujet. Pourriez-vous me dire, à présent, si les raisons pour la mise en

12 place de la HZ-HB étaient une recherche pour le meilleur modèle d'auto-

13 organisation ou était-ce ou y avait-il d'autres raisons pour cette mise en

14 place?

15 M. Stringer (interprétation): Objection à la formulation de cette

16 question!

17 M. Krsnik (interprétation): Je m'excuse, je vais formuler ma question

18 d'une autre manière. Monsieur Rajic, de manière générale quelles étaient

19 les bases pour l'établissement de la HZ-HB? Pourriez-vous être bref s'il

20 vous plaît?

21 M. Rajic (interprétation): Oui, j'ai décrit un petit peu plus tôt les

22 circonstances qui existaient pendant la guerre en Croatie, et aussi, j'ai

23 décrit l'atmosphère qui prévalait en Bosnie-Herzégovine au sein de la HDZ

24 en Bosnie-Herzégovine. Nous étions au courant du fait que l'agression

25 contre une partie des personnes qui vivaient, des personnes croates qui

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1 vivaient dans la République de la Croatie ne s'arrêterait pas là et que

2 les Croates et les Musulmans qui se trouvaient en Bosnie-Herzégovine

3 seraient également attaqués prochainement par le même agresseur.

4 Les Serbes s'étaient déjà retirés des pouvoirs et instances principales,

5 des instances légales principales, le système constitutionnel dans son

6 ensemble, le système de la défense, à travers les instances de ce que l'on

7 a appelé la Défense Territoriale, avait perdu sa raison d'être. Et sous

8 ces stipulations constitutionnelles, nous devions défendre le pays qui

9 allait nous attaquer puisque ce pays avait déjà attaqué les autres

10 Républiques. Nous devions défendre de manière conjointe la Bosnie-

11 Herzégovine, tous ces peuples et tous ces citoyens.

12 Cependant nous étions témoins d'une attaque de l'intérieur, de préparation

13 d'attaque de l'intérieur de la part des Serbes. Les pouvoirs ne

14 fournissaient aucune garantie quant à la réponse qui s'ensuivrait et cette

15 situation nous est venue le 18 novembre de l'année 1991, que les

16 représentants élus légalement qui représentaient le peuple croate, dans

17 les instances parlementaires de la Bosnie-Herzégovine, dans le but de

18 rechercher le meilleur moyen possible d'organiser, de nous organiser dans

19 le but de défendre les vies et les territoires des peuples croates qui se

20 trouvaient en Bosnie-Herzégovine. Ceci, Mesdames et Messieurs les Juges, a

21 été le but principal de nos motifs, de nos objectifs.

22 Question: Quelle aurait été l'alternative si vous n'aviez pas réalisé,

23 fait ce que vous avez fait?

24 Réponse: L'alternative était une horreur, était horrible. Des morts à

25 grande échelle, destruction, des expulsions et peut-être un scénario très

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1 sombre, peut-être la disparition de la nation croate, des territoires de

2 la Bosnie-Herzégovine. Mais il me semble que je vous dois encore une

3 réponse à votre question, la question que vous avez posée un petit peu

4 plus tôt.

5 Question: La question était: est-ce que la Communauté croate était un

6 Etat, une association ou autre chose, quelque chose d'une nature autre?

7 Réponse: Un des participants du fondement de l'établissement du HDZ, et

8 j'aimerais vous assurer, Mesdames et Messieurs les Juges, que le seul

9 motif que nous avions pour établir le HDZ était le désir d'établir une

10 instance qui préviendrait le génocide des peuples croates dans ce pays. Il

11 n'y avait aucun autre état impliqué, bien que par la suite on ait essayé

12 d'interpréter ceci d'une autre manière.

13 Question: Monsieur Rajic, dans le compte rendu, encore une fois nous avons

14 au lieu de HZ-HB, je lis HDZ. Je dois encore une fois vous demander en

15 relation avec la réponse que vous avez donnée plus tôt: est-ce que vous

16 êtes un des fondateurs du HDZ ou HZ-HB?

17 Réponse: Je suis le fondateur de ces deux instances, mais lors de ma

18 réponse dernière, j'ai mis l'accent sur le fait que je suis l'un des

19 fondateurs de la Communauté croate d'Herceg-Bosna qui s'est passée le 18

20 novembre 1991, et c'est la Communauté d'Herceg-Bosna et ceci a pris place

21 à Grude.

22 Question: Monsieur Rajic, à cette époque quelle était la position

23 statutaire et légale de la Bosnie-Herzégovine?

24 Réponse: A cette époque, dans ces mois, la Bosnie-Herzégovine était encore

25 la République socialiste qui faisait partie de la République fédérale

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1 socialiste de la Yougoslavie.

2 Question: Est-ce qu'elle a demandé l'indépendance? Est-ce qu'elle a reçu

3 une indépendance? Est-ce que nous pourrions la définir comme une entité

4 souveraine?

5 Réponse: Non. A cette époque, la Croatie et la Slovénie avaient déjà voté

6 pour leur indépendance...

7 M. Krsnik (interprétation): Je m'excuse de cette interruption Monsieur

8 Rajic, est-ce qu'ils étaient reconnus en tant que tels par la communauté

9 internationale?

10 M. Rajic (interprétation): Il avait été annoncé qu'ils seraient reconnus,

11 que ces deux Etats seraient reconnus, mais ils n'avaient pas encore été

12 reconnus. La Bosnie-Herzégovine n'avait pas pris de mesures selon les

13 provisions (phon) qui se trouvent dans la Constitution afin d'exercer son

14 droit de devenir un Etat indépendant et autonome.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur, il n'y a aucune discussion sur

16 ces faits.

17 M Krsnik (interprétation): Nous allons procéder par des questions

18 spécifiques sur la HZ-HB. Je vais vous demander quels territoires étaient

19 couverts par la HZ-HB et à qui ce pouvoir s'applique-t-il?

20 M. Rajic (interprétation): La Communauté croate d'Herceg-Bosna couvre les

21 territoires des municipalités de la Bosnie centrale et de la Bosnie du

22 sud, il y a 30 territoires, et il y en a 6 dans la Bosnie du nord, que

23 l'on appelle d'habitude la Posavina, mais je mets l'accent sur le fait que

24 nous nous référons au territoire des municipalités et non les

25 municipalités elles-mêmes.

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1 M. Stringer (interprétation): Merci Monsieur le Président. C'est important

2 que nous soyons précis en ce qui concerne les noms des organisations dont

3 nous parlons, les entités dont nous parlons, etc.

4 Ligne 10 de la page 27, la traduction dit comme suit: "Une référence de la

5 Communauté croate d'Herceg-Bosna", et je pense que nous devrions lire la

6 Communauté croate d'Herceg-Bosna. C'est une distinction importante et il

7 faudrait que nous la fassions de manière consistante dans le compte rendu.

8 Il faut faire une distinction entre la Communauté croate d'Herceg-Bosna et

9 d'autres territoires de la Bosnie-Herzégovine ou la République de Bosnie-

10 Herzégovine.

11 Pour certains, c'est peut-être sans signification, mais pour le compte

12 rendu et pour moi-même je pense que le transcript anglais doit identifier

13 ces entités avec précision, et donc je demande si nous pourrions clarifier

14 ceci pour savoir si nous parlons vraiment de la Communauté croate

15 d'Herceg-Bosna.

16 M. le Président (interprétation): Oui, nous devons être consistants dans

17 l'utilisation de ces termes. Peut-être que Me Krsnik pourrait nous donner

18 une clarification de ceci.

19 M. Krsnik (interprétation): Oui, bien sûr, Monsieur le Juge. Mais le

20 compte rendu suit toujours les phrases qui sont dites par le témoin. Je

21 vais essayer de clarifier. Vous venez d'entendre l'objection de la part de

22 l'accusation. Pourriez-vous clarifier ceci?

23 M. Rajic (interprétation): Oui, bien sûr. La Communauté croate d'Herceg-

24 Bosna n'est pas un parti. Mais une forme d'organisation qui a rassemblé

25 des Croates et leurs activités dans une partie de la Bosnie-Herzégovine en

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1 vue d'une préparation de la défense. Et elle comprend de manière

2 habituelle la forme inverse du nom de Bosnie-Herzégovine: nous avons tout

3 d'abord le nom d'Herceg et en deuxième place Bosna.

4 C'est de cette façon que vous pouvez les distinguer les unes des autres;

5 les distinguer de l'Union démocratique croate de la Bosnie-Herzégovine qui

6 est un parti politique sur le terrain de la République de la Bosnie-

7 Herzégovine.

8 Question: Est-ce que tous les partis et les peuples extérieurs… les partis

9 extérieurs ont-ils participé à l'établissement des instances de la HZ-HB?

10 Réponse: La Communauté croate d'Herceg Bosna, tel que je le comprends, et

11 en termes de ces actions, en ce qui concerne ces actions, était à

12 l'initiative de tous les Croates en Bosnie-Herzégovine; c'était une

13 initiative totale, complète de la part des Croates pour s'organiser face à

14 l'agression et pour soutenir les fonctions vitales de la vie des peuples

15 jusqu'à ce qu'un Etat stable et complet puisse être en opération.

16 Question: Quelle était l'attitude des Musulmans au sein de la HZ-HB?

17 Quelle était l'attitude envers les Musulmans au sein de la HZ-HB?

18 Réponse: Notre attitude envers les Musulmans, pas seulement la Communauté

19 croate d'Herceg-Bosna, mais aussi envers les Musulmans en général, était

20 sincère, amicale et coopérative. Nous savions que l'agresseur avait pour

21 intention le même destin et que seulement si nous étions ensemble, réunis,

22 nous avions une chance de nous en sortir.

23 Question: Que me diriez-vous si je vous demandais que dans cette audience

24 nous avons des témoins qui font partie du peuple musulman et qui ont dit

25 qu'ils ont été discriminés, qu'on a discriminé contre eux, qu'ils ont

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1 perdu leur travail, qu'ils ont été expulsés de leurs écoles, de leurs

2 universités? Que diriez-vous si je vous disais ceci? Qu'avez-vous à dire?

3 Réponse: Pour dire la vérité il n'y a qu'une réponse, ce n'est pas vrai.

4 Il se peut qu'il y ait eu des excès individuels, mais je ne connais pas

5 d'exemple de cette époque de la guerre, d'avant la guerre. Ce que je peux

6 dire à cette Cour est que les Musulmans, dans presque tous les endroits où

7 nous vivions dans des communautés mixtes, nous avons coopéré aussi bien

8 que possible dans les préparations pour notre défense et que de nombreux

9 Musulmans ont travaillé dans les universités, dans les écoles, dans les

10 salles d'audience. Et plus tard parmi le Conseil de défense croate, il y

11 avait nombreux d'entre eux qui se sont battus dans des unités croates,

12 c'est-à-dire dans le Conseil de défense croate.

13 En ce qui concerne le travail, il faut savoir que nous étions en temps de

14 guerre, que l'ennemi mettait à nu tout ce qui existait, c'est-à-dire

15 l'économie, y compris l'économie, et les personnes qui vivaient, voulaient

16 défendre leur famille, leur maison. Les usines fermaient, tout le monde

17 perdait son travail, quelle que soit leur religion ou leur affiliation

18 politique ou ethnique.

19 Et pour dire toute la vérité, je dois dire que la situation était plutôt à

20 l'inverse de ceci. Dans les zones où les Musulmans faisaient partie de la

21 majorité, étaient en majorité, il est tout à fait naturel qu'une partie

22 plus importante dans tous les bureaux soit allouée à la majorité des deux

23 côtés.

24 Question: Pouvez-vous nous dire maintenant la distinction entre la HZ-HB

25 et le HDZ, en tant que partis politiques? Y a-t-il des caractéristiques

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1 constantes en terme de politique?

2 Réponse: Oui. La vie égale une dynamique et tout est sujet à changement.

3 Donc la politique est également sujette à changement à cause des

4 conditions qui changent. Ainsi, ceci s'appliquait également à la politique

5 de l'Union démocratique croate et des pratiques de la Communauté croate de

6 l'Herceg-Bosna.

7 Il y a deux caractéristiques constantes cependant qui ne changent pas, qui

8 n'ont pas changé, depuis le premier jour et jusqu'à ce jour, et je crois

9 que ceci ne changera pas dans le futur non plus. Tout d'abord, nous

10 pensions que la paix était dépassée par d'autres intérêts et nous avons

11 essayé de poursuivre cet idéal politique. Mais, malheureusement, nous

12 n'avons pu réussir, du moins nous n'avons pas assez réussi.

13 Le deuxième principe était le suivant: je le respecte personnellement,

14 c'est-à-dire en Bosnie-Herzégovine à cette époque, maintenant et dans le

15 futur quel qu'il soit, les relations doivent être fondées sur des droits

16 absolument égaux et des solutions identiques pour les trois peuples.

17 Question: Ceci sont des constantes politiques et ce qui a un rapport avec…

18 restait dans la Yougoslavie ou la Yougoslavie croupion?

19 Réponse: Oui, ceci est une question dérivée de cette situation qui s'est

20 avérée, et c'est pour ceci que j'ai mis l'accent sur le fait qu'il y avait

21 des différences entre la pré-guerre et les objectifs de guerre de mon

22 parti.

23 Nous voulions que la Yougoslavie soit réorganisée en un Etat démocratique,

24 une communauté d'Etats démocratiques avec des liens plus vagues en ce qui

25 concerne le pouvoir central, mais les Serbes ont refusé ceci, et en

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1 offrant leur majorité. Ce qui se reflétait dans le principe: un citoyen un

2 vote. Nous avons considéré que ceci était inacceptable dans un Etat

3 multiethnique.

4 Lorsque la République de Slovénie et la République de Croatie ont accédé à

5 leur indépendance, les Croates en Bosnie-Herzégovine et leur avant-garde,

6 le parti, c'est-à-dire l'Union démocratique croate de Bosnie-Herzégovine a

7 pris une position très ferme. La Bosnie-Herzégovine ne doit pas et ne peut

8 pas rester dans la Yougoslavie croupion sous une prédominance clairement

9 serbe.

10 Question: Merci Monsieur Rajic pour ces réponses. Nous allons aller de

11 l'avant.

12 Veuillez nous préciser, je vous prie de nous dire ce que vous savez

13 concernant l'accord entre Izetbegovic et Tudjman en 1991; je parle du 20

14 juillet 1991. Je vais demander l'assistance ou l'aide de M. l'huissier

15 pour la pièce à conviction. Il s'agit de la pièce à conviction P159.

16 (Me Krsnik s'adressant à l'huissier dit qu'il va lui confier la version en

17 croate.)

18 Monsieur le témoin, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire, je

19 voudrais que vous nous disiez si vous êtes au courant de cet accord.

20 Réponse: Oui.

21 Question: Qu'est-ce qui a été convenu au terme de l'accord en question?

22 Réponse: Je suis au courant de l'accord du 21 juillet, non pas du 20,

23 comme vous l'avez dit Monsieur l'avocat.

24 Question: Je me suis trompé. Vous avez raison.

25 Réponse: Il s'agit de l'année 1991. J'étais déjà au courant, mais je viens

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1 de me rappeler trois détails et je tiens à préciser qu'il serait peut-être

2 important d'en parler devant cette Chambre. Tout d'abord, il a été convenu

3 des mesures de défense conjointe, chose qui, je pense, est très importante

4 pour l'évolution des relations notamment.

5 Ensuite, le Conseil croate de la défense, en sa qualité de force armée,

6 donc de force de la défense du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, a été

7 reconnu comme étant une formation légale au même titre que l'armée de la

8 Bosnie-Herzégovine, pour ce qui est de l'exercice des fonctions de défense

9 de la souveraineté et de l'intégrité territoriale.

10 Et troisièmement, au point 1 de l'accord en question, il a été précisé que

11 les deux Républiques se trouvaient être d'accord pour que l'aménagement ou

12 l'organisation future de l'Etat de Bosnie-Herzégovine se fonde sur des

13 principes d'égalité totale en droit des trois peuples constitutifs, à

14 savoir des Musulmans, des Croates et des Serbes.

15 Et s'agissant de l'organisation politique et constitutionnelle, on précise

16 que celle-ci se fonderait sur la mise en place d'unités constitutives, à

17 l'occasion de la création desquelles unités constitutives il serait tenu

18 compte -et j'attire votre attention sur l'ordre des mots- sur les

19 caractères nationaux, enfin ethniques, historiques, culturels, économiques

20 et éléments liés au transport.

21 Question: Pouvez-vous nous dire qui était censé prendre part à la défense

22 du territoire de la Bosnie-Herzégovine en 1992?

23 Réponse: Il s'agissait de deux organisations ou formations militaires tout

24 à fait légales qui rassemblaient en majorité, dans une énorme majorité,

25 les représentants de ces deux peuples ou groupes ethniques, à savoir d'une

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1 part l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine qui était composée en

2 gros et en majeur partie par des ressortissants de ce groupe ethnique

3 musulman, et le Conseil croate de défense qui, lui, était constitué de

4 façon à comporter une majorité de ressortissants de ce groupe ethnique

5 croate de la Bosnie-Herzégovine.

6 Bien entendu, à leurs côtés, il y avait les structures policières qui se

7 rattachaient à ces deux formations, et au sein de ces structures-là, il y

8 avait des membres d'autres groupes ethniques, des membres de minorités

9 nationales et même des Serbes, et il y avait des groupes de volontaires

10 aussi bien.

11 Question: Quels avaient été ces groupes de volontaires au sein du HVO,

12 voire au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

13 Réponse: Je vous ai déjà parlé du fait au terme duquel pendant l'agression

14 sur la République de Croatie, bon nombre de Croates originaires de Bosnie-

15 Herzégovine et originaires de toute une diaspora dans le monde entier

16 s'étaient portés volontaires pour prêter main-forte à la défense de la

17 République de Croatie. Ces gens-là se sont donc joints aux formations

18 militaires et policières sur place. Lorsque la Bosnie-Herzégovine a été

19 attaquée à son tour, bon nombre de ces personnes ou la majorité d'entre

20 eux de ceux qui étaient partis de Bosnie-Herzégovine sont revenus aux fins

21 de défendre leur foyer, leur famille, leur peuple croate et leur patrie,

22 la Bosnie-Herzégovine.

23 D'autre part, suivant des principes de solidarité, de compréhension ou de

24 compassion, le peuple musulman de Bosnie-Herzégovine et son armée étaient

25 aidés par des ressortissants de nations variées, d'origine variée

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1 également, notamment en provenance de pays islamiques.

2 Il convient de préciser que, dans cette phase initiale de la guerre, voire

3 de l'agression contre la Bosnie-Herzégovine, ni les Bosniens, donc ni les

4 Musulmans ni les Croates ne voyaient là aucun problème au contraire.

5 Question: Et vous voulez nous dire que par la suite l'attitude a évolué?

6 Réponse: Oui malheureusement, cette opinion a évoluée radicalement ce qui

7 fait que certains représentants politiques de la nation du groupe ethnique

8 musulman en Bosnie-Herzégovine ainsi que les médias de ce même côté

9 appartenant à ce même parti, tentaient et tentent de nos jours encore de

10 présenter les choses d'une autre façon en se servant du fait qu'il y ait

11 eu des volontaires au sein du HVO qui étaient venus de Croatie et ce, pour

12 dire ou pour accuser la Croatie d'une participation à la guerre en Bosnie-

13 Herzégovine.

14 Question: Monsieur Rajic, il nous faut aller de l'avant et aller un peu

15 plus vite.

16 Nous allons parler maintenant du référendum et je voudrais vous demander

17 quelle est votre position à l'égard de la question qui a été celle qui

18 figurait au référendum et quelle a été l'issue. Je vous prie de dire

19 quelques mots à la Chambre au sujet de ces questions.

20 Réponse: Monsieur l'avocat, je regrette beaucoup si je fais aller

21 l'affaire lentement. Vous pouvez influer sur un gain de rapidité, mais je

22 pense préciser auparavant que pour ce qui est du peuple croate en Bosnie-

23 Herzégovine après l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, ce

24 peuple croate avait jugé que rester en Yougoslavie était pour lui chose

25 tout à fait inacceptable.

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1 Donc conformément à cette option-là, les Croates de Bosnie-Herzégovine

2 sous la conduite du HDZ en Bosnie-Herzégovine, dans un pourcentage des

3 plus importants qui soit, se sont rendus au référendum, référendum relatif

4 à l'autonomie et à la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine.

5 A titre d'illustration, je me dois de dire que le pourcentage des

6 personnes qui se sont présentées au référendum s'agissant des Croates, par

7 rapport au pourcentage des Musulmans qui se sont rendus au référendum

8 avait été incomparablement plus grand pour ce qui est des Croates.

9 Il est un autre fait ou une autre vérité matérielle, parallèlement aux

10 positions bien connues des Serbes, je précise que sans les voix des

11 Croates en Bosnie-Herzégovine, cette Bosnie-Herzégovine en aucune façon

12 n'avait pu accéder à la souveraineté et à quelque autonomie que ce soit.

13 Question: Nous allons aller de l'avant. Veuillez nous dire ce qui a

14 précédé une guerre à grande échelle, après la tenue du référendum?

15 Peut-être pourrions-nous aussi parler, s'agissant de la guerre à grande

16 échelle, des conflits qui ont eu lieu entre les Musulmans et les Croates?

17 Réponse: Veuillez me permettre une petite digression.

18 Question: Allez-y.

19 Réponse: Parce qu'il serait difficile de répondre à votre question sans la

20 digression en question. Selon la façon dont je vois les choses et selon

21 l'expérience que j'en ai, ce qui a généré la guerre entre les Musulmans et

22 les Croates en Bosnie-Herzégovine, cela avait été une injustice qui a été

23 commise à l'égard de ces deux peuples par les agresseurs serbes, en sus

24 des mesures déployées par la communauté internationale, d'une part; puis

25 d'autre part les discordes prévalant entre les représentants de ces deux

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1 peuples pour ce qui est du modèle d'organisation interne de la Bosnie-

2 Herzégovine.

3 Question: Permettez-moi de vous interrompre.

4 Veuillez nous dire, et je tiens à vous dire aussi que dans ce prétoire au

5 sujet du référendum on a soulevé la question de Livno, la question posée à

6 Livno concernant la question qui devait figurer dans le texte ou le

7 libellé du référendum. Je vous pose la question parce que beaucoup

8 d'autres témoins ont témoigné au sujet de ces circonstances-là. Et le

9 Procureur a tenté de préciser ou de faire savoir à la Chambre que le HDZ

10 avait tenu à ce qu'un libellé différent fasse l'objet d'un référendum pour

11 conduire à la sécession.

12 Réponse: Non, non, non, la plate forme en question n'est pas la bonne.

13 Pour bien comprendre de quoi il en retourne, je me propose de reprendre et

14 dire que les Croates en Bosnie-Herzégovine dans leur totalité, donc à près

15 de 100%, s'étaient déclarés en faveur de l'autonomie, de l'indépendance et

16 de la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine; Bosnie-Herzégovine qui

17 n'aurait aucune relation politique ou juridique avec le croupion de la

18 Yougoslavie de l'époque ou quelque Yougoslavie que ce soit à l'avenir. Et

19 le fait d'avoir été favorable à une Bosnie démocratique souveraine et

20 indépendante ne signifiait pas -et je sais que cela ne signifie pas de nos

21 jours non plus- une acceptation de la part des Croates de Bosnie-

22 Herzégovine à quelque Bosnie-Herzégovine que ce soit.

23 Nous avons estimé à la veille du référendum qui se trouvait être fort

24 important pour l'avenir de ce pays, pour les relations entre les Musulmans

25 et les Croates, de résoudre au référendum ou par le référendum même la

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1 question relative à l'avenir du pays et relatif à l'organisation interne.

2 C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas été heureux de voir le

3 libellé de la question du référendum adoptée au parlement de Bosnie-

4 Herzégovine, libellé en faveur duquel ont également voté les représentants

5 du peuple croate dans leur totalité parce que ce libellé n'avait pas

6 déterminé le contenu, la substance intrinsèque de ce que serait cet Etat

7 commun. Et c'est la raison pour laquelle, le 9 février 1992, il s'est tenu

8 à Livno une session du comité central du HDZ de Bosnie-Herzégovine;

9 session à laquelle il a été conclu qu'il devait être essayé de procéder à

10 une rectification du tir au niveau du libellé de cette question au

11 référendum, aux fins de lui faire donner une réponse à la question de

12 savoir comment ce pays allait être aménagé sur le plan interne.

13 La question de Livno à laquelle on se réfère sous cette appellation-là

14 s'énonçait à peu près comme suit:

15 "Etes-vous en faveur ou favorable plutôt à une République indépendante et

16 souveraine de Bosnie-Herzégovine, communauté d'Etat de trois peuples égaux

17 en droit souverain et constitutif, à savoir croate, musulman et serbe,

18 organisé au sein de leur région ou territoire ethnique (cantons)."

19 Malheureusement, cette définition complémentaire de l'Etat n'a pas été

20 acceptée. Et sous l'impératif qui se posait de préserver la Bosnie-

21 Herzégovine contre l'éventualité de rester en Yougoslavie, nous avons

22 convié le peuple à sortir, à présenter au référendum et nous avons voté en

23 faveur de l'indépendance tout en étant conscients de la définition

24 incomplète et des incertitudes qui planaient.

25 C'est pour cela, Mesdames et Monsieur les Juges, que nous estimons à mon

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1 avis que cela ne pouvait être mis en fonction ou considéré comme étant au

2 service du démantèlement de la Bosnie-Herzégovine. Au contraire, cela

3 devait constituer une espèce de mortier ou de ciment pour la substance de

4 l'Etat nouveau. Par la suite, le refus de la part des représentants

5 politiques du peuple musulman pour ce qui était de continuer les débats à

6 ce sujet constituait l'une des causes à la guerre. Pas la seule cause mais

7 l'une des causes.

8 Question: Revenons un peu à la question de ce qui a précédé au conflit à

9 grande échelle entre Croates et Musulmans, pour ensuite reprendre dans la

10 lignée de ce que vous étiez en train de nous exposer.

11 Réponse: Très brièvement, je dirai que certains hommes en puissance au

12 niveau local voulaient mettre en place une organisation telle qu'eux la

13 voyaient. Il y a eu des conflits mineurs de la taille d'incidents. Dans

14 trois cas, à Prozor, à Gornji Vakuf et à Novi Travnik, ce sont-là des

15 choses dont je suis au courant parce que j'avais été partie prenante ou

16 participant à des délégations mixtes musulmano-croates qui s'étaient

17 rendues sur le terrain vers la fin de l'année 1992 pour mettre un terme au

18 conflit et procéder à un déblocage des routes. Pour ce qui est de la

19 guerre au sens large, j'aurais une explication plus large.

20 Question: Pouvons-nous parler de ceux qui sont à l'origine de ce conflit à

21 votre avis, les auteurs de ces conflits selon vous?

22 Réponse: Il y a tout un éventail de possibilités, d'options, et je vais

23 essayer de les limiter à deux thèses ou plutôt à deux déclarations.

24 Premièrement, lorsque la guerre en Bosnie-Herzégovine, dans le cadre de

25 l'agression menée par la Serbie et le Monténégro plutôt, et avec le rôle

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1 actif que jouaient les Serbes qui avaient déjà fait sécession -je parle

2 des Serbes de Bosnie-Herzégovine-, lorsque la guerre s'est traduite par

3 l'expulsion et l'épuration ethnique des populations, de territoires

4 importants dans des parties occidentales et orientales de la Bosnie, des

5 centaines et des milliers de réfugiés ont été littéralement entassés sur

6 un territoire extrêmement limité le long des rivières Neretva, Bosna,

7 Lasva et Vrbas. Un nombre important de ces infortunés, de ces malheureux,

8 qui étaient des réfugiés, ont pu trouver abri dans la République de

9 Croatie et dans un certain nombre de pays occidentaux. Il n'en reste pas

10 moins que la très grande majorité de ces réfugiés se sont retrouvés

11 littéralement entassés dans cette région aux côtés des populations

12 communautés croates et musulmanes qui vivaient là. Je dirai que 70%

13 environ de la population de la Bosnie-Herzégovine, à l'époque, vivait très

14 proche les uns des autres, vivait très proche et occupait un peu plus d'un

15 tiers du territoire de la Bosnie-Herzégovine, donc ils étaient, ils

16 vivaient en très étroite proximité. Une nouvelle catégorie s'est

17 développée en termes psychologiques, une catégorie que je désigne moi-même

18 par l'expression "densité de la vie".

19 L'équilibre, en termes de structures ethniques, qui avait existé par le

20 passé a été considérablement perturbé. Les gens ressentaient un grand

21 sentiment d'insécurité et de crainte, ils se sentaient perdus. Je veux

22 parler naturellement des Musulmans, mais je parle aussi des Croates.

23 Malheureusement, la communauté internationale n'a pas accordé, n'a pas

24 donné grand espoir à quiconque. Elle s'est comportée, elle a réagi de

25 façon pragmatique et elle nous a amenés à penser qu'elle ne souhaitait pas

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1 ou qu'elle ne pouvait pas intervenir pour stopper la machine militaire

2 serbe et que cette communauté internationale, également, prenait note des

3 résultats de la guerre, c'est-à-dire du génocide et de l'épuration

4 ethnique.

5 Etant donné ce climat psychologique, les populations qui se trouvaient sur

6 ce territoire, et c'est là une conviction très profonde que j'exprime, par

7 désespoir plutôt que pour toute autre raison, ces populations ont commencé

8 à se battre entre elles, à se disputer l'espace qui subsistait. C'est la

9 première donnée qui est à l'origine de la guerre.

10 Je voudrais maintenant aborder très rapidement le second facteur que j'ai

11 déjà abordé tout à l'heure. L'absence d'accord entre les représentants des

12 Musulmans et des Croates à propos des structures et du système interne de

13 la Bosnie-Herzégovine. Cette absence d'accord, donc, a joué un rôle de

14 plus en plus important dans le déclenchement de la guerre.

15 Les Musulmans insistaient sur un modèle civique de l'Etat qui, au sein

16 d'une communauté pluriethnique, impliquerait des exigences pour

17 l'occupation de positions dominantes, ce qui n'était pas acceptable ou

18 plutôt non acceptable par des membres de communautés plus limitées, comme

19 les Croates en Bosnie-Herzégovine.

20 De leur côté, les Croates insistaient pour que la Bosnie-Herzégovine soit

21 un complexe d'Etats… pardon, un mécanisme d'Etats complexe, sans tenir

22 compte du fait, sans que l'on accorde d'importance au fait que cette

23 complexité relève de la nature, de la composition république, canton,

24 province ou une structure similaire.

25 Question: Je vous remercie. Je n'ai pas voulu vous interrompre par de

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1 nouvelles questions, mais de fait vous y avez déjà répondu par avance et

2 vous avez corroboré ce que vous avez dit précédemment.

3 Maintenant, nous entrons dans l'année 1993 et la première question est la

4 suivante: quelle est la relation entre la HZ-HB, quelle est leur attitude

5 plutôt vis-à-vis de l'initiative de paix ou de toutes les mesures ou

6 initiatives prises par la communauté internationale?

7 Très rapidement, pouvez-vous nous dire quelle était la position vis-à-vis

8 des initiatives de paix de la communauté internationale? Si vous pouviez

9 répondre très rapidement, cela me permettra de ne pas devoir, cela me

10 permettra de ne pas avoir à poser, à reposer mes questions par suite et

11 cela nous fera gagner du temps.

12 Réponse: Merci beaucoup. Je l'ai déjà dit, je dois le répéter, je dois le

13 répéter et j'insiste parce qu'il n'y a pas d'autres façons de bien

14 expliquer la situation. Les Croates de Bosnie-Herzégovine représentaient

15 la communauté la moins importante en termes numériques.

16 Dispersée dans un territoire adverse, hostile d'un point de vue

17 stratégique, eh bien, nous étions les plus exposés, les plus exposés aux

18 effets d'une guerre, parce que nos forces étaient très sensiblement

19 inférieures en nombre.

20 Donc, l'option, l'option pour nous, était véritablement celle de la paix,

21 très souvent au détriment de la justice, ce qui malheureusement s'est

22 avéré le cas par la suite, ce qui s'est vérifié. Nous l'avions, nous le

23 savions et nous avons adhéré à toutes les offres de paix, à toutes les

24 propositions et à toutes les initiatives émanant des représentants de la

25 communauté internationale, depuis le plan Cutilliero jusqu'au plan Vance-

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1 Owen, le plan Owen-Stoltenberg jusqu'aux accords de Washington et de

2 Dayton, sachant, Monsieur et Mesdames les Juges, que personnellement à

3 l'instar de la grande majorité de Croates qui vivaient en Bosnie-

4 Herzégovine, sachant que nous devions, nous étions parfaitement conscients

5 du fait que ces plans resteraient très éloignés de la justice et de

6 l'équité que nous revendiquions.

7 Nous le savions, mais nous avons accepté ces différentes initiatives

8 plutôt que la guerre. Malheureusement les représentants des deux autres

9 communautés n'ont pas eu la même attitude ou n'ont pas suffisamment suivi

10 la même logique.

11 Question: Alors le plan Cutilliero en particulier, ce plan a-t-il porté

12 préjudice à l'alliance des Serbes et Croates en Bosnie-Herzégovine? Est-ce

13 que les Musulmans ont signé cet accord à votre connaissance et que s'est-

14 il passé par la suite? Quels ont été les effets de ce plan?

15 Réponse: Malheureusement dans de nombreuses situations, Croates et

16 Musulmans ont adhéré aux initiatives, projets et propositions de paix. Les

17 dirigeants musulmans, les dirigeants politiques musulmans néanmoins par la

18 suite ont renoncé à ces initiatives. Telle était également la situation

19 que l'on a observée dans le cadre du plan Cutilliero.

20 Je suis convaincu que l'approbation, l'adoption de ce plan Cutilliero par

21 ces deux communautés aurait pu constituer une garantie absolue et garantir

22 l'absence de conflit entre les deux nations par la suite.

23 Question: De quelles nations?

24 Réponse: Les Croates et les Musulmans.

25 Question: Est-ce que vous êtes en train de dire qu'il n'y aurait pas eu de

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1 conflit entre ces deux communautés?

2 Réponse: Cela aurait été peu réalisable.

3 Question: Qui a pris la décision?

4 Réponse: Monsieur Izetbegovic, le représentant des Musulmans.

5 Question: Très rapidement, les négociations de Genève et le plan Vance-

6 Owen, est-ce que vous avez des choses particulières à nous signifier dans

7 ce contexte? Je vous présente mes excuses pour avoir accéléré les choses.

8 Réponse: Quelque chose… on a vu un similaire assez proche. Les Croates et

9 les Musulmans, ces deux communautés ont accepté le plan Vance-Owen à

10 Genève. Ils l'ont accepté comme une solution qui permettrait d'organiser

11 la Bosnie-Herzégovine, de la structurer en 10 provinces nationales. Sur le

12 plan numérique, en termes de chiffres, chaque communauté devait recevoir

13 trois provinces, bien que ces provinces aient été différentes par la

14 taille du territoire.

15 Sur ces 10 provinces, la province n°7, la province de Sarajevo, avait reçu

16 un traitement particulier, devait recevoir un statut particulier, un

17 statut proche de ce qu'on pourrait qualifier de district. Malheureusement,

18 je l'ai dit tout à l'heure, à nouveau, les Musulmans ont à nouveau décidé

19 de ne plus accepter, de rejeter un plan qu'ils avaient commencé par

20 accepter.

21 Question: Au début, lorsqu'ils ont accepté ce plan, quelle était

22 l'atmosphère parmi les Croates? Est-ce que cela a eu un effet sur votre

23 sort personnel, lorsque vous êtes devenu ministre de la Défense de Bosnie-

24 Herzégovine? Et quelles ont été les incidences du plan Vance-Owen et les

25 négociations de Genève dans ce contexte?

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1 Réponse: C'est une question extrêmement complexe. Je commencerai par

2 répondre à la fin de votre question. Je suis arrivé aux fonctions de

3 ministre de la République de Bosnie-Herzégovine, mais cette nomination

4 n'est pas liée au plan Vance-Owen, lorsque j'y étais en effet et

5 j'occupais déjà ces fonctions précédemment.

6 En novembre 1992, on m'avait demandé en effet d'accepter cette nomination.

7 Pour être tout à fait franc, je ne connaissais ni la portée des

8 responsabilités impliquées ni les possibilités que me réservait cette

9 fonction, cette position. Néanmoins j'ai accepté cette proposition parce

10 qu'au plus profond de moi-même j'avais fait le vśu envers les Croates de

11 Bosnie-Herzégovine, j'avais fait une promesse et, en temps de guerre, il

12 n'est pas possible de rejeter, de refuser une quelconque responsabilité ou

13 des devoirs; sauf naturellement ce que tout être humain doit rejeter ou

14 refuser, à savoir le crime.

15 L'explication était donc la suivante: du côté musulman, des critiques

16 sévères s'étaient élevées contre les Croates de Bosnie-Herzégovine parce

17 qu'ils n'avaient pas… ils avaient refusé un certain nombre de nominations

18 à des fonctions officielles, des positions qui leur revenaient, compte

19 tenu du résultat obtenu par la communauté croate aux élections. Or, ils

20 avaient refusé ces postes. En effet lorsque les Serbes sont partis, ont

21 décidé d'adopter leur propre parti, de lancer une agression, eh bien, si

22 les Croates à leur tour refusaient de participer au gouvernement de la

23 République de Bosnie-Herzégovine, il était clair que la légitimité du

24 gouvernement en cause devenait difficilement justifiable.

25 J'avais conscience de tous ces problèmes et c'est la raison pour laquelle

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1 j'ai accepté ma nomination au poste de ministre de la Défense, alors que

2 je ne savais pas quelle serait la nature de mes fonctions, de mes

3 pouvoirs, de mes attributs, je n'avais pas de… et cela sans bureau, sans

4 signature officielle, sans moyen matériel. En d'autres termes, j'avais

5 parfaitement conscience du fait qu'en acceptant une fonction officielle,

6 une très haute fonction, eh bien, je me suis rendu compte que cela n'avait

7 malheureusement pas de sens en l'absence de moyens.

8 Question: Monsieur le Témoin, je voudrais maintenant présenter la pièce

9 D1/90, mais avant cela je voudrais vous dire que nous avons entendu ici

10 même plusieurs témoins qui nous ont dit que vous aviez donné un ordre, un

11 ordre qui était un ultimatum adressé à l'armée de Bosnie-Herzégovine et à

12 la communauté… ou à la communauté musulmane, et que c'est peut-être à

13 cause de cet ultimatum que la guerre s'est déclarée, que les conflits se

14 sont aggravés entre ces deux communautés. Pouvez-vous répondre à cette

15 remarque?

16 Réponse: Monsieur, je vous suis très reconnaissant, de fait, de me poser

17 la question devant ce Tribunal. Je suis maintenant dans une situation qui

18 me permet de me prononcer alors que personne ne m'avait interrogé sur ce

19 point précédemment.

20 Monsieur et Mesdames les Juges, me permettez-vous de m'expliquer sur ce

21 document, sachant que beaucoup de gens ont tenté de s'en servir contre

22 moi, dans mon pays. C'est un document qui me concerne: moi-même, mon

23 intégrité, mes fonctions.

24 Question: Monsieur le Témoin, tout à l'heure vous avez dit que personne ne

25 vous avait invité à vous prononcer sur ce point précédemment. Au cours des

Page 9779

1 sept dernières années, avez-vous été contacté d'une façon ou d'une autre

2 par les représentants du Bureau du Procureur?

3 Réponse: Non, personne ne m'a contacté.

4 Question: Merci, désolé de cette question. Monsieur, Mesdames les Juges,

5 nous sommes en train d'ouvrir un nouveau chapitre. Nous approchons de la

6 pause suivante, je pense pouvoir en terminer avec cette question dans les

7 quelque 40 minutes qui nous restent, et compte tenu que la pause est

8 prévue, je ne voudrais pas naturellement porter atteinte, troubler le

9 programme.

10 M. le Président (interprétation): Nous allons avoir une pause et ensuite

11 nous entendrons vos explications sur la pièce en question.

12 Nous reprendrons à 12 heures 30.

13 (Le témoin, M. Bozo Rajic, est reconduit hors du prétoire.)

14 (L'audience, suspendue à 12 heures, est reprise à 12 heures 35.)

15 M. le Président (interprétation): Maître Krsnik.

16 M. Krsnik (interprétation): J'aimerais m'excuser pour ce délai. J'ai eu

17 quelque problème avec les vidéos, je voulais simplement vérifier une

18 nouvelle fois.

19 M. le Président (interprétation): J'aimerais vous rappeler qu'il nous faut

20 procéder de façon plus rapide.

21 M. Krsnik (interprétation): Nous arrivons à la dernière section de

22 l'interrogatoire. Nous allons entrer dans l'étape finale.

23 (Le témoin, M. Bozo Rajic, est réintroduit dans le prétoire.)

24 M. Krsnik (interprétation): Monsieur Rajic, je vous ai montré vos ordres,

25 pouvez-vous authentifier le document? Qui l'a signé? Donnez-nous la date?

Page 9780

1 Et dites-nous tout ce que vous savez sur ce document, etc.

2 Le document est le document D1-/90.

3 M. Rajic (interprétation): Pourriez-vous répéter la question s'il vous

4 plaît, la question que vous m'avez posée avant la pause, car je m'excuse

5 mais je ne me souviens pas de tous les éléments de votre question?

6 M. Krsnik (interprétation): Bien sûr. Ma question avant la pause était la

7 suivante: nous avons entendu des témoins dans cette Chambre qui ont

8 témoigné ici que cet ordre de votre part était un ultimatum en tant que

9 tel -et ceci est mon interprétation arbitraire- et que peut-être cet ordre

10 est lié à un conflit plus vaste, à une échelle plus vaste.

11 Quelle est votre explication pour ceci? Que pouvez-vous nous dire à ce

12 propos? Quel est cet ordre, quel est le type de d'ordre? Pouvez-vous

13 authentifier l'ordre? Donnez-nous la date, etc. Est-ce que vous comprenez

14 ma question? Il y a plusieurs questions. Je vois que vous nous donnez des

15 réponses concises et précises, donc je pense que vous pourrez répondre à

16 cette question plus rapidement de cette façon.

17 Mme Clark (interprétation): J'ai lu ce document avant la pause, peut-être

18 que je me trompe, mais lorsque nous nous référions à un document qui

19 s'appelait "l'ultimatum". La semaine dernière, lorsque nous avions un

20 témoin qui comparaissait, je pensais que c'était un document qui était

21 décrit comme 216, qui y ressemblait, mais le contenu et le ton me semblent

22 très différents.

23 Lorsque nous parlions de "l'ultimatum", je ne pense pas que c'était ce

24 document. Il lui ressemble, mais si vous regardez dans le dossier que nous

25 avions reçu à l'origine de la part de la défense -le dossier du témoin qui

Page 9781

1 n'a pas été utilisé-, la pièce à conviction, la pièce 216, vous serez

2 sûrement d'accord avec moi que le ton de ce document est un peu différent.

3 Peut-être serait-il donc mieux, sauf si je me trompe, de simplement poser,

4 demander à ce témoin de répondre à ce document sans l'appeler "un

5 ultimatum"; d'ailleurs ce n'est pas tout à fait juste.

6 M. Krsnik (interprétation): Oui, tout à fait Madame la Juge, j'ai dit un

7 témoin -et c'était un témoin protégé-, et je me souviens, c'était le

8 Témoin O.

9 En référence à cet ordre, et vous avez raison, nous avons appelé le

10 document conjoint ailleurs, donc nous nous sommes référés à différents

11 documents de différents témoins, et cet ordre a été appelé "ultimatum" par

12 le Témoin connu sous le nom de O. Je pose donc des questions à M. Rajic et

13 sur sa personnalité; vous avez donc tout à fait raison en ce qui concerne

14 les autres questions.

15 Mme Clark (interprétation): Personne ne peut faire objection à ce

16 document, c'est un document très docile. J'ai donc maintenant la

17 conscience tranquille, je vous remercie. Donc réponse du témoin?

18 M. Rajic (interprétation): Mesdames et Monsieur les Juges, lorsque j'ai

19 répondu aux questions en ce qui concerne la façon dont je suis devenu

20 ministre de la Défense de la République de Bosnie-Herzégovine, j'ai dit

21 que j'ai accepté le poste comme une tâche et que je démontrais, par là,

22 l'unité des Croates et des Musulmans, avec la connaissance que ces devoirs

23 étaient limités sous ces conditions. Il me revenait donc, de part mes

24 devoirs, de faire des choses très difficiles et précises.

25 En Bosnie Herzégovine, il y avait trois armées. Chacune de ces armées

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1 avait une commande militaire et civile qui lui était propre. Je n'ai pas

2 exercé une commande ou autorité sur ces instances en termes légaux ou en

3 termes réels. A cause du siège de Sarajevo et la situation terrible qui

4 s'y trouvait, je ne pouvais me rendre à Sarajevo et j'ai essayé de faire

5 mes devoirs aussi bien que possible pendant que je me trouvais à Mostar.

6 Il va sans dire que je ne pouvais communiquer avec l'armée des Serbes de

7 Bosnie, mais je ne voulais non plus, ils ne voulaient non plus communiquer

8 avec moi. J'ai gardé le contact avec les deux autres armées, l'armée de

9 Bosnie-Herzégovine, surtout par le biais du commandant, le commandant

10 d'état-major, M. Sefer Halilovic, et avec le Conseil de défense croate,

11 néanmoins, notamment, le chef d'état-major M. Milivoj Petkovic.

12 C'était ce que je pouvais faire au mieux et j'ai réussi à le faire. De

13 temps en temps était de rendre sur le passage pour des transports d'armes

14 ou d'alimentation ou de tout ce qui était médical à l'intention des

15 Musulmans et l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine dans son ensemble. Car

16 de temps en temps, ces livraisons, ces convois faisaient face à des

17 difficultés très sérieuses. Ainsi par exemple j'ai eu un grand succès pour

18 faire un travail de médiateur entre les deux armées: le passage non

19 obstrué entre les convois militaires. Au-delà de ceci je ne pouvais rien

20 faire, au-delà de ce niveau particulier d'activités.

21 Je vais maintenant revenir au sujet, à cet ordre. Pour commencer, je vais

22 l'identifier. C'est un document que j'ai personnellement écrit, c'est 01-

23 /93. La date est le 16 janvier 1993 et j'ai signé ce document de ma main

24 propre. J'ai notifié les instances particulières en Bosnie-Herzégovine,

25 plus particulièrement énumérées en haut à gauche de cet ordre.

Page 9783

1 Comme vous pouvez le voir, l'ordre n'a pas de sceau, car je n'ai jamais eu

2 de sceau. Comment cet ordre est-il venu en existence? Il va sans dire que

3 j'ai observé toutes les procédures de paix, y compris les délibérations de

4 Genève. J'ai appris -et j'étais très heureux d'apprendre- que le plan

5 Vance-Owen avait été accepté, le plan qui se référait à l'organisation de

6 la Bosnie-Herzégovine, dans 10 provinces ethniques sur lesquelles on avait

7 déjà parlé. Et j'étais confiant du fait que l'acceptation de cet accord et

8 son initiation par des représentants, des Croates et des Musulmans de la

9 Bosnie-Herzégovine, que ceci constituait une base merveilleuse pour une

10 défense plus poussée, c'est-à-dire une délibération du pays par des forces

11 conjointes.

12 Si le côté serbe… pendant le temps qu'il lui a été donné d'y réfléchir,

13 les Serbes ont refusé cet accord. Peut-être que mon enthousiasme et mon

14 exaspération par rapport à cet acte et cet accord de paix étaient trop

15 poussés et peut-être que je pensais pouvoir faire plus que ce qui avait

16 été décrit comme étant mon champ de juridiction. Mais voulant faire pour

17 le mieux, comme il est dit dans le préambule de cet ordre, et en vue

18 d'établir une paix de par le territoire de la République de Bosnie-

19 Herzégovine, et pour protéger les citoyens et leurs biens, j'ai donné

20 l'ordre, tout d'abord, j'ai donné cet ordre tout d'abord -et ce n'était

21 pas un accident-, j'ai donné l'ordre que les unités du Conseil de défense

22 croate, car je suis un Croate qui occupait ce poste, -j'étais croate-, que

23 ces unités à cette époque se trouvaient dans les territoires et provinces

24 1, 5 et 9.

25 Et selon cet accord de Genève, ces territoires avaient été proclamés des

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1 provinces musulmanes et il était dit que ces unités devraient être

2 attachées ou se placer sous le commandement de l'armée de la Bosnie-

3 Herzégovine, sous le chef d'état-major. En particulier, j'aimerais attirer

4 l'attention sur le fait que c'est le premier article de mon ordre, et je

5 vais y revenir lorsque je vais répondre à la troisième partie de votre

6 question.

7 La même chose qui avait été ordonnée sous l'article 1 pour le Conseil de

8 défense croate a été aussi ordonnée pour l'armée de la Bosnie-Herzégovine,

9 c'est-à-dire l'ordre était que les forces dans les provinces 3, 8 et 10…

10 proclame que les provinces croates, par cet accord, soient placées sous

11 l'ordre du chef d'état-major du Conseil de défense croate, sous l'article

12 3. Et il explique aussi, de manière aussi évidente que possible et avec la

13 même intention, j'ai ordonné à l'armée de la Republika Srpska de se

14 retirer avec tous les hommes et les matériaux des provinces 2, 4 et 6 qui

15 avaient été proclamées par l'accord de Genève comme étant des provinces

16 serbes.

17 Sous l'article 4, toutes les unités, c'est-à-dire de la première, la

18 deuxième et la troisième, toutes les unités ont été ordonnées, c'est-à-

19 dire toutes les unités dans le territoire de la province n°7, pour qui un

20 statut spécial avait été envisagé; je leur ai donné l'ordre de mettre fin

21 à toute hostilité sans délai.

22 J'ai également ordonné sous l'article 5, il est dit que cet ordre doit

23 rester effectif en ce qui concerne tous les articles précédents jusqu'à ce

24 qu'un accord final a été atteint, signé, c'est-à-dire cet accord.

25 Et un nouvel ordre sur l'état d'opération de l'accord de paix de Genève,

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1 sous la catégorie responsabilité, mon ordre dit seulement ceci: "article

2 6: responsables envers moi pour la mise en oeuvre de cet ordre sont…", et

3 je cite les noms qui sont écrits: "brigadeer Milovoj Petkovic, colonel

4 Sefer Halilovic et général colonel Radko Mladic". L'échéance était le 20

5 janvier 1993 à 24 heures.

6 Et article 8, les commandants des unités, je leur demande de me faire un

7 rapport journalier avec l'heure d'échéance à 11 heures du soir.

8 Voici donc le contenu de ces ordres que j'ai envoyés, qui étaient, selon

9 les pouvoirs qui avaient été investis en ma personne, fidèles à mon option

10 ferme de soutenir les efforts de paix et, comme un représentant croate à

11 cette époque, de légitimer, rendre légitime l'Etat de Bosnie-Herzégovine

12 et finalement la défense.

13 Si je puis, je vais parler de la troisième partie de votre question qui

14 pourrait être très importante, car dans cette Chambre il a été dit, et je

15 ne sais pas que cet ordre pourrait, semblait être un ultimatum. Monsieur

16 et Madame les Juges, vous avez un document et vous avez entendu comme

17 l'ont entendu les autres personnes dans cette Chambre, je ne vois pas un

18 seul mot, une seule lettre qui pourrait ressembler à un ultimatum, je ne

19 vois pas non plus des instruments, des outils, qui pourraient être

20 utilisés pour appliquer une pression, pour faire pression. Et, comme je le

21 comprends, il n'y a aucun ultimatum sans coercition. Vous vous rappelez de

22 ce que j'ai déjà dit.

23 J'en reviens maintenant à l'article 1. Mis à part ce qui a été dit dans

24 cette Chambre, je sais que certaines personnes dans mon pays, la Bosnie-

25 Herzégovine, et en particulier certaines personnes dans les médias,

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1 d'origine musulmane, d'origine politique, ont manipulé cet ordre de

2 manière très dangereuse, et lui ont donné une signification qu'il ne

3 possède pas, et lui ont attribué des faits qu'il n'a jamais poursuivis,

4 qu'il n'a jamais eus et me présentant, présentant ma personnalité de

5 manière très négative.

6 C'est important pour moi de dire que toutes ces spéculations et toutes ces

7 interprétations nouvelles ont toujours omis les articles, tous les

8 articles de cet accord sauf l'article n°2. Ils ont tous analysé sans faute

9 le contenu de l'article 2 et tiré des conclusions, leurs conclusions de

10 cet article sans regarder les autres articles, en laissant les autres

11 articles dans le silence. Je trouve que ceci est inadmissible.

12 Question: Si vous regardez la deuxième page de cet ordre, vous voyez qui

13 doit recevoir cet ordre, j'aimerais informer la Chambre de ceci. Voulez-

14 vous expliquer à qui cet ordre a été donné, à part les trois armées qui

15 étaient sous vos ordres?

16 Réponse: En plus des trois armées pour qui cet ordre était adressé, les

17 autres ont été envoyés à la présidence de la République de la Bosnie-

18 Herzégovine, le gouvernement de la République de la Bosnie-Herzégovine,

19 UNPROFOR, avec les termes de référence demandée par la Bosnie-Herzégovine,

20 la mission d'observation de la Bosnie-Herzégovine et pour les archives

21 bien sûr.

22 Question: Je vais maintenant vous montrer un document dont la cote est

23 IDD1/92. Ma question est la suivante: regardez le document tout d'abord.

24 Est-ce que quelqu'un du côté musulman ou serbe a répondu à cet ordre que

25 vous aviez donné?

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1 (Intervention de l'huissier.)

2 A chaque fois que vous recevez un document, Monsieur le Témoin, je vous

3 prie de vous pencher sur la date de l'ordre, quelle que soit la personne

4 qui l'a rédigé et ce, aux fins d'identification.

5 Vous avez donc maintenant sous les yeux un document qui porte la cote

6 IDD1/92.

7 Réponse: Oui, je me souviens de ce document en effet. Sous le numéro

8 d'ordre 129-1 du 10 février 1993 et cela était sûrement communiqué par

9 paquet, par colis de transmission en provenance du chef d'état-major de

10 l'armée de Bosnie-Herzégovine, M. Sefer Halilovic.

11 Question: Si vous me permettez d'interrompre, on dit ici "à forces armées

12 de la République de Bosnie-Herzégovine". Avait-il été chef d'état-major

13 des forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine? Est-ce que cela

14 sous-entend qu'il était commandant des trois armées en présence?

15 M. Rajic (interprétation): Bien entendu qu'il n'était pas commandant des

16 trois armées en présence. Mais de là maintenant à savoir si cette

17 appellation-là correspondait à la teneur véritable, c'est une chose que je

18 voudrais éviter de commenter.

19 Toujours est-il que le renseignement ou l'information qui a été envoyée

20 par les soins de M. Sefer Halilovic à mon intention ne porte pas sur

21 l'ordre que j'ai émis. Il m'informe ici de l'exécution d'un autre ordre de

22 ma part daté du 9 février 1992 et il dit qu'il l'a réalisé dans son

23 intégralité. Il s'agissait là d'un ordre qui exigeait d'assurer le passage

24 de certains convois vers les territoires sous le contrôle de l'armée de la

25 Bosnie-Herzégovine.

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1 Ce que je voudrais faire remarquer c'est tout à fait autre chose. Monsieur

2 Halilovic, dans la deuxième partie de son information, dit bien: "dans

3 l'espoir que vous viendrez au plus tôt dans la capitale, à savoir

4 Sarajevo, et ce, aux fins de résoudre conjointement toutes les questions

5 en suspens entre les forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine

6 et le HVO…" Et j'attire votre attention sur ce qui suit, je continue la

7 citation: "y compris les questions qui sont relatives à la mise en place

8 de commandement conjoint." Puis après "Veuillez agréer les salutations

9 distinguées", enfin c'est la phrase conventionnelle.

10 Donc il n'est aucun doute qu'il exprime par là sa disponibilité pour ce

11 qui était de mettre en oeuvre la partie de mon ordre qui était relative à

12 la subordination de certaines unités.

13 M. Krsnik (interprétation): Est-ce que vous voulez dire par là que

14 certains des segments de votre ordre ont été obéis et d'autres non.

15 D'autres ont été réalisés ou ont fait l'objet d'une sourde oreille?

16 M. Stringer (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, je

17 voudrais faire objection à la forme dans laquelle la question a été posée.

18 En fait, c'est une question qui guide le témoin.

19 M. le Président (interprétation): Oui. Je crois, Maître Krsnik, que vous

20 pourriez reformuler votre question.

21 M. Krsnik (interprétation): Certainement. Veuillez nous dire, Monsieur le

22 Témoin, quelle est votre évaluation de la conduite de M. Halilovic à votre

23 égard, à l'égard de votre bureau ou de votre fonction s'agissant de

24 l'ordre en question?

25 M. Rajic (interprétation): Il a manifesté de la considération pour ma

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1 personne, compte tenu des fonctions que j'assumais. Et pour autant que je

2 puisse m'en souvenir, il avait été le seul de la direction militaire et

3 politique du peuple musulman en Bosnie-Herzégovine à communiquer de la

4 sorte avec moi, le plus souvent d'ailleurs par téléphone. Mais, il

5 procédait de façon très sélective à ce que je lui demandais de faire. Par

6 exemple, je lui avais demandé, s'agissant des armes et équipements qu'il

7 recevait dans le courant de ces mois-là par les routes passant par Mostar,

8 Konjic et ainsi de suite ne soient pas envoyés vers Visoko, mais plutôt

9 vers des zones très en péril en Bosnie centrale.

10 Question: Excusez-moi de vous interrompre: que se trouvait à Visoko?

11 Pourquoi Visoko?

12 Réponse: Parce qu'à Visoko il n'y avait pas de combat du tout. En plus,

13 j'avais demandé à un moment critique, de réorienter les effectifs qui se

14 trouvaient concentrés dans les environs de Zenica, quand je dis effectif,

15 j'entends force de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et ce pour les emmener

16 vers Srebrenica, Zepa, Gorazde -Srebrenica, Zepa, Gorazde, je répète-,

17 chose qu'il n'a pas faite bien entendu. Et en guise de conclusion, je

18 dirais qu'il réalisait ceux de mes ordres ou celles de mes propositions,

19 suggestions qui ne s'immisçaient pas dans les activités opérationnelles de

20 l'armée elle-même.

21 Question: Je me propose maintenant de vous montrer, Monsieur Rajic, un

22 document qui porte la cote P214.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Peut-être vous avez bien le texte en langue croate?

25 Réponse: Oui. Oui.

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1 Question: Monsieur l'huissier, peut-être pourriez-vous tout de suite

2 préparer la pièce à conviction P215, je vous prie, pour que M. le Témoin

3 puisse l'avoir à disposition.

4 Monsieur le Témoin, nous allons nous pencher d'abord sur le P214 qui se

5 trouve sous vos yeux. Veuillez nous donner lecture de la date et de la

6 signature pour que nous puissions l'identifier.

7 Réponse: On voit clairement sur ce document qu'il s'agit d'une décision

8 émanant du Conseil croate de la défense du 15 janvier 1993, signé par,

9 comme cela est dit ici, le président du HVO, HZ-HB, le Dr Jadranko Prlic.

10 Le deuxième document portant la même date...

11 Question: Il s'agit du P215.

12 Réponse: A la forme d'un ordre, il est signé mais n'a pas de sceau. Ce qui

13 laisse entendre que ceci devrait être un document émanant du Conseil

14 croate de la défense, à savoir du département de la Défense et de son

15 chef, à savoir M. Bruno Stojic, chose que l'on pourrait difficilement

16 accepter comme étant authentique.

17 Question: Tout d'abord, pour que les choses soient tout à fait claires, on

18 dit ici président du HVO, HZ-HB, est-ce que vous pourriez en deux ou trois

19 phrases fournir une explication à l'intention de la Chambre pour ce qui

20 est de la création du HVO, enfin de tout ce que vous savez du HVO? Mais,

21 je vous demande, je vous prie d'être très concis, qu'était-ce que le HVO?

22 Réponse: Sous la notion de HVO, il était sous-entendu un pouvoir exécutif,

23 civil sur les territoires de la Communauté croate de Herceg-Bosna,

24 territoires qui ont été défendus ou qui ont été, par la suite au fur et à

25 mesure que les combats étaient menés, libérés. Mais la même appellation

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1 est portée par la composante militaire du peuple croate en Bosnie-

2 Herzégovine. En sa qualité de force armée de ce peuple qui a été le

3 premier à se lever pour défendre, à se soulever pour défendre la Bosnie-

4 Herzégovine.

5 Question: Je vais vous montrer un autre document, je vais vous demander de

6 le commenter. Il s'agit de la pièce P274 et je vous demanderai d'abord de

7 vous pencher sur le document en question, notamment sa dernière page.

8 (Intervention de l'huissier.)

9 Voilà, dans ce prétoire, nous avons entendu dire que cela aussi

10 constituait un élément de preuve, et je vous demande de vous centrer sur

11 la partie qui se trouve au milieu. Avez-vous retrouvé?

12 Réponse: HVO, ultivativement (phon), c'est ça?

13 Question: Oui.

14 Réponse: Je vois.

15 Question: On a dit que cela était une preuve de l'ultimatum et si l'on se

16 penche sur la date je pense pouvoir dire qu'il s'agit du 5 avril. Vous

17 voyez en haut.

18 Réponse: Oui, je vois, mais c'est difficilement visible.

19 Question: Avez-vous entendu parler de ce journal? Savez-vous nous dire de

20 quel journal il s'agit?

21 M. Rajic (interprétation): Non, je ne savais même pas que ce journal

22 existait, je ne l'ai jamais vu, mais il faudrait que je me penche un peu

23 sur ce qui est dit.

24 M. Krsnik (interprétation): Allez-y, lisez.

25 (Le témoin lit.)

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1 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, il s'agit du P274.

2 M. le Président (interprétation): Merci.

3 M. Rajic (interprétation): Il s'agit d'un pamphlet, il s'agit de la

4 propagande "Grand Serbe" qui, elle, avait intérêt à inciter, à

5 approfondir, à encourager la discorde entre les Croates et les Musulmans.

6 Et ce tract est, facto graphiquement parlant, tout à fait inexact; chose

7 que j'aimerais illustrer par ce qui suit. Ils disent que le HVO avait fixé

8 la date du 15 avril comme étant un délai à l'intention d'Izetbegovic pour

9 la signature d'un document conjoint. Cela n'a aucun sens, c'est juste

10 quelque chose qui vise à piéger quelqu'un.

11 Question: Suite à cet ordre… Merci Monsieur l'huissier, merci.

12 Est-ce que vous avez exercé d'autres activités et jusqu'à quand êtes-vous

13 resté sur ces positions? Quand est-ce que vous quittez ces positions?

14 Suite à la décision de qui quittez-vous ces fonctions -j'entends fonctions

15 de ministre de la Défense-, et où allez-vous?

16 Réponse: Après cet ordre-là, j'ai finalement et définitivement compris que

17 mon rôle avait un caractère plutôt décoratif, parce qu'aucune composante

18 militaire en Bosnie-Herzégovine n'avait besoin d'un ministre de la

19 Défense, chacune d'entre elles ayant sa propre chaîne de commandement ou

20 sa propre structure de commandement; ce qui fait que tout ministre de la

21 Défense de Bosnie-Herzégovine était non seulement indésirable mais aussi

22 chose impossible.

23 Et quand on a commencé à spéculer à mauvais escient avec l'esprit qui

24 était reflété par l'ordre en question, tout d'abord je me suis retiré dans

25 l'esprit, puis en termes réels de ces fonctions, puisque la présidence de

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1 la Bosnie-Herzégovine dans sa composition, qui était invalide, qui était

2 incompétente, avait déclaré cet ordre-là, émanant de ma part, comme étant

3 un acte émis par une personne qui n'avait pas la compétence de ce faire ou

4 l'autorité de le faire.

5 Et, je tiens à attirer votre attention sur le fait que cet acte-là, ce

6 document-là n'a jamais remis en question l'ordre, la substance de l'ordre

7 qui a été émis. Et en début d'été, je ne me souviens plus de la date

8 exacte, la présidence m'a libéré de mes fonctions, et peu de temps après,

9 j'ai assumé les fonctions de directeur de l'agence de presse de la

10 Communauté croate de Herceg-Bosna qui s'appelait HBN, et dont le siège se

11 situait à Medjugorje. Cela a été pour ma part une rupture avec l'armée et

12 les affaires militaires de toute sorte.

13 Question: Veuillez nous préciser l'année et la date, enfin le mois et

14 l'année de votre départ?

15 Réponse: Il s'agissait de juillet 1993.

16 Question: Quand vous avez parlé de l'ordre tout à l'heure, vous entendiez

17 l'ordre émis par vos soins, pas les deux autres ordres dont j'ai parlé?

18 Réponse: Je n'ai rien à voir avec les ordres d'autrui. Moralement et de

19 toute autre façon, je ne puis me trouver, appuyer que ce que j'ai fait

20 moi-même parce qu'en fait les autres questions...

21 Question: Non, mais je vous ai posé la question pour les besoins du compte

22 rendu d'audience.

23 Réponse: Certainement, mais si vous me permettez encore une phrase. Quelle

24 que soit l'interprétation faite par les uns et les autres au sujet de

25 l'ordre en question -et je l'affirme devant cet honorable Tribunal-, s'il

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1 est quelque chose dont je suis fier pour ce qui est de la guerre en

2 Bosnie-Herzégovine, je suis fier du fait de n'avoir ni tué, ni arrêté, ni

3 chassé, ni privé de ses droits qui que ce soit. Je suis également fier du

4 fait d'avoir essayé de faire l'impossible à ce moment-là, à savoir marier

5 l'intérêt politique et l'intérêt militaire des Musulmans et des Croates en

6 Bosnie-Herzégovine contre un ennemi commun. Mais, je suis en train de

7 vivre une satisfaction aujourd'hui: l'armée de la Fédération fonctionne à

8 la lettre, conformément aux ordres que j'ai donnés il y a neuf ans de

9 cela. Merci de m'avoir écouté.

10 Question: Monsieur Rajic, veuillez nous dire si vous avez pris part aux

11 initiatives de paix de la communauté internationale ou émanant du

12 Président Franjo Tudjman en votre qualité de ministre en Bosnie-

13 Herzégovine, comme vous venez de nous l'expliquer vers les mois de mai et

14 juin 1993.

15 Réponse: Je ne sais pas si nous pensons, si nous avons en tête la même

16 chose, Monsieur l'avocat. Dites-nous d'abord combien d'accords de paix ont

17 été conclus avec votre participation. Mais, de toute façon, j'ai en tête

18 les mois de mai et juin.

19 M. Rajic (interprétation): Eh bien, pour qu'il n'y ait pas confusion, je

20 n'ai participé à aucune cession où il y avait eu médiation internationale,

21 mais j'ai été engagé pour ma part dans d'autres circonstances. J'avais été

22 membre de missions mixtes qui oeuvraient à l'interruption des conflits au

23 départ à Prozor, à Gornji Vakuf, à Novi Travnik et ainsi de suite.

24 Maintenant, si vous avez en tête une réunion qui s'est tenue à Medjugorje

25 le 18 mai 1993, sous la présidence de Lord Owen, je puis vous dire que

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1 j'ai été participant à cette réunion.

2 M. Krsnik (interprétation): Je voudrais maintenant que l'on nous présente,

3 de la part de la cabine technique, un enregistrement vidéo.

4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Stringer?

5 M. Stringer (interprétation): Je m'excuse, je voudrais savoir s'il y a une

6 cote quelconque pour ce qui est de l'enregistrement vidéo. Nous avons

7 besoin de ce type d'information.

8 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik?

9 M. Krsnik (interprétation): Oui, IDD1/13.

10 (Diffusion de la cassette vidéo.)

11 "Il n'y a que les Russes qui sont allés à Belgrade pour convaincre les

12 Serbes de ce qu'ils ont essayé de convaincre les Musulmans et les Croates

13 de Bosnie. Ils sont arrivés aujourd'hui à Medjugorje, des représentants du

14 peuple musulman à la réunion ont été proposés par le Président de la

15 République de Croatie, Dr Franjo Tudjman. Egalement à cette réunion, il y

16 a eu avec les coprésidents, Lord Owen et M. Stoltenberg, le général

17 Wahlgren.

18 En compagnie du Président Tudjman, il y avait le ministre de la Défense

19 Gojko Susak et M. Franjo Greguric. La délégation musulmane était

20 constituée par M. Alija Izetbegovic, Ejup Ganic, Rusmir Mahmutcehajic,

21 Haris Silhjdzic et Sefer Halilovic. A Medjugorje, le Président Franjo

22 Tujman sera d'abord salué par le représentant de la HZ-HB, présidée par

23 Mate Boban. Les personnes présentes étaient également Jadranko Prlic,

24 Bruno Stojic, Brana Kvesic et les autres membres du Corps de coordination

25 à savoir Franjo Boras, Mile Ahmadzic, le ministre de la Défense Bozo

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1 Rajic.

2 Dès son arrivée le Président Tudjman avait entamé son discours en parlant

3 de la mission de paix de bonne volonté, en disant, -je cite-: 'J'ai été

4 celui qui avait demandé une réunion à Mostar. Etant donné que nous n'avons

5 pas pu aller à Mostar, nous avons entamé les négociations ici à Medjugorje

6 pour éliminer les raisons des conflits entre Croates et Musulmans.'

7 Ensuite, en compagnie de la Forpronu, les délégations se sont rendues au

8 siège du Bataillon espagnol où cette réunion a eu lieu. Lord Owen et les

9 journalistes ont demandé de faire un commentaire concernant la déclaration

10 de Karadzic, au terme de laquelle le plan de Owen était mort. Celui ci a

11 souri et a fait un signe de la main. Le Président Tudjman a… Plutôt la

12 réunion qui se tient à huis clos, d'après ce que nous apprenons, a été

13 ouverte par Lord Owen qui a remercié le Président Tudjman pour

14 l'initiative de cette réunion.

15 Ensuite, en présence du chef d'état-major Milivoj Petkovic et du

16 commandant des unités musulmanes Sefer Halilovic, ils ont échangé leurs

17 points de vue pour ce qui est des conflits croato-musulmans. Le général

18 Petkkovic a souligné que la raison fondamentale des conflits consistait en

19 la continuité de la guerre par les unités musulmanes à Konjic et

20 Jablanica. Suite à quoi, cela s'est transmis à Mostar.

21 Le général Halilovic a répliqué en accusant le HVO d'avoir provoqué ces

22 conflits. Et je ne sais combien de fois, on a dit que la Forpronu devait

23 entrer dans les villages croates, dans les environs de Konjic. Halilovic

24 avait demandé la réouverture de toutes les communications. Le président de

25 la HZ-HB, Mate Boban, a rappelé que l'on avait signé jusque-là 5-6 accords

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1 et qu'il avait prévenu Lord Owen que Izetbegovic, en dépit de la signature

2 de Zagreb, avait dit que le HVO se trouvait être illégitime et illégal, et

3 qu'il estimait que ce HVO était quelque peu légal et que la HZ-HB était

4 complètement illégale, et que c'était là la raison principale des

5 conflits.

6 Il a dit qu'il était favorable à l'application immédiate du plan Vance-

7 Owen là où cela était possible, mais de façon à ce que les Musulmans

8 n'aient pas un pouvoir proportionnel, comme l'a dit M. Mate Boban.

9 (Les interprètes s'excusent mais c'est très difficile d'aller si vite.)

10 Lord Owen a accepté la responsabilité pour ce qui est de la non-création

11 d'un corps de coordination et il a promis que cela allait être fait très

12 rapidement. Dans le débat, le président croate Franjo Tudjman a ensuite

13 été d'accord avec M. Alija Izetbegovic pour dire qu'il y avait des

14 concepts politiques en arrière fond des conflits. Et il a posé la question

15 de savoir 'comment se fait-il qu'à Mostar il y ait le siège du HVO, de la

16 HZ-HB, que les Croates semblent s'attaquer eux-mêmes.'

17 C'est plutôt inhabituel. Ensuite, on a posé la question de savoir qui

18 était Hadzo Efendic. Il a été présenté comme étant le président du

19 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et cela est tout à fait faux. Chose

20 que l'on peut prouver.

21 Le Président Tudjman a également posé la question de savoir à quoi servait

22 d'accuser constamment la Croatie, le plan de Vance-Owen était une voie

23 vers la paix et il a dit que c'était la dernière fois qu'il voulait

24 investir des efforts pour insister que les Croates et les Musulmans se

25 mettent d'accord: 'si vous ne voulez pas d'aides, dites-le! Nous avons

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1 fait de notre part tout pour que la Bosnie-Herzégovine ne sombre pas.

2 Alors si vous êtes favorable au plan, convenez-en aujourd'hui, tout de

3 suite et dites-le'.

4 Monsieur Neal Peterson au nom de la communauté européenne a également

5 accordé son soutient au plan de Vance-Owen. Suite à cette réunion, Lord

6 Owen et Peterson ont dit aux journalistes que cela était la dernière des

7 chances pour que les Musulmans et les Croates se mettent ensemble et se

8 mettent à réaliser le plan de Vance-Owen.

9 La réunion a eu deux parties. A la réunion militaire, le général Halilovic

10 et Petkovic ont débattu en présence du général Wahlgren sur la façon dont

11 il convenait d'interrompre les conflits; et à l'autre réunion, à la

12 réunion politique, il avait été question de l'application du plan de

13 Vance-Owen. On s'attend à ce que cette réunion prenne fin vers 20 heures."

14 (Fin de la traduction de la cassette vidéo)

15 (Les interprètes n'ont plus de transcript pour ce qui est du reste de

16 l'enregistrement.)

17 M. Krsnik (interprétation): Vous pouvez arrêter la vidéo.

18 (Arrêt de la diffusion de la cassette vidéo.)

19 Je remercie la cabine technique. Nous n'aurons plus besoin de cet

20 enregistrement vidéo pour ce qui est de la journée d'aujourd'hui.

21 Monsieur le Témoin, étiez-vous présent à cette réunion? Est-ce que l'on

22 nous a transmis exactement les choses telles qu'elles se sont faites dans

23 cet aperçu du journaliste? Est-ce que vous pourriez nous dire également,

24 selon vous, ce qui s'est passé au juste à Medjugorje?

25 M. Rajic (interprétation): Ce rapport sur le plan des faits est vrai. Je

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1 n'entrerai pas dans d'autres détails, dans davantage de détails. A cette

2 réunion, un effort, très grand effectivement a été fait, a été tenté par

3 les représentants de la communauté internationale, M. Stoltenberg et M.

4 Owen, ainsi que par le Président Tudjman et M. Boban et d'autres, sans

5 oublier M. Izetbegovic, en vue d'interrompre les conflits, de mettre un

6 terme aux conflits entre Musulmans et Croates, en vue également

7 d'identifier les intérêts communs, et de ce point de vue, je crois que ce

8 compte rendu était juste.

9 M. Krsnik (interprétation): Pouvez-vous nous confirmer que M. Izetbegovic

10 à ce moment-là après tous les accords, etc. a continué à affirmer que le

11 HVO n'était pas une formation légale et licite?

12 M. Stringer (interprétation): Objection! Pouvez-vous reformuler la

13 question?

14 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous reformuler la question,

15 Maître Krsnik?

16 M. Krsnik (interprétation): Ma première question était donc de savoir si

17 ce reportage télévision représentait un compte rendu équitable, juste.

18 Vous avez répondu "oui". Vous êtes-vous reconnu à l'écran?

19 M. Rajic (interprétation): Oui.

20 Question: Alors, reformulons les choses. Que savez-vous, quelle était la

21 position, quelle a été l'attitude de la délégation musulmane pendant tout

22 le déroulement de cette négociation?

23 Réponse: Eh bien, écoutez sa position était quelque chose que nous

24 connaissions déjà, à savoir que la responsabilité du conflit incombait aux

25 Croates. Et qu'aucune responsabilité n'en revenait aux Musulmans qui

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1 n'étaient que victimes de ces conflits, et cette délégation était assez

2 réticente à reconnaître également des victimes du côté croate. En termes

3 poétiques, si l'on peut dire, tout le monde était favorable naturellement

4 aux efforts déployés de concert.

5 Question: Et l'attitude vis-à-vis de la HZ-HB?

6 Réponse: La Communauté croate d'Herceg-Bosna en ce qui concerne ces

7 dirigeants politiques y compris M. Izetbegovic était une question de joker

8 si l'on peut dire. A chaque fois qu'il était nécessaire de transférer la

9 responsabilité sur le côté, sur la partie croate, eh bien, ce joker, cette

10 carte était brandie, on invoquait le manque de légitimité, le caractère

11 illégal, l'absence de coopération, des objectifs suspects, etc.

12 J'ai moi-même relevé un détail, un détail qui va tout à fait à l'encontre

13 de ce qui figurait dans l'accord, dans l'accord d'amitié et de coopération

14 entre la République croate et la Bosnie-Herzégovine, l'accord de Zagreb et

15 d'autres accords. C'est bien effectivement ce dont je parle, je parle de

16 l'accord signé le 21 juillet, il est dit dans cet accord que le HVO est

17 une unité de défense parfaitement légale et licite de la HZ-HB, juste

18 avant la réunion de Medjugorje. Pourtant M. Izetbegovic a entièrement

19 contesté la légalité du HVO, l'a contesté pour la totalité de cette

20 formation. Et vous aurez noté, je pense, sur cette vidéo, que lors de la

21 réunion elle-même M. Izetbegovic a déclaré, a dit, a utilisé les termes

22 "partiellement illégal". Ce qui est parfaitement contradictoire.

23 Question: Au cours de la réunion, est-ce qu'un accord a été conclu pour

24 visiter les camps?

25 Réponse: Oui, j'ai été désigné avec d'autres personnes, Jusuf Pusina,

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1 ministre de l'Intérieur de la République de Bosnie-Herzégovine, Franjo

2 Boras, membre de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, et

3 d'autres hauts responsables. Nous avons donc été désignés pour nous rendre

4 dans un camp appelé Héliodrome, dans la partie sud de Mostar.

5 L'expérience a été éprouvante pour moi, c'était mon premier contact et

6 dieu merci le dernier avec les camps. Nous avons passé très peu de temps

7 dans le camp, nous avons été emmenés au camp par des véhicules de

8 transport de la Forpronu, véhicules blindés, et nous avons pu communiquer

9 avec les prisonniers. Nous leur avons fait savoir qu'ils pourraient être,

10 qu'ils seraient libérés et que le camp serait fermé. Ce qui était une

11 nouvelle très positive pour eux.

12 Naturellement, en ce qui me concerne, je n'ai pas vu la totalité du camp

13 lui-même. Nous nous sommes divisés en plusieurs sous-groupes, deux ou

14 plus, nous avons été répartis en plusieurs sous-groupes. J'ai visité une

15 aile du bâtiment uniquement et j'ai parlé avec quelques-uns des

16 prisonniers. Ceux que j'ai pu voir, uniquement des hommes adultes.

17 Question: Ont-ils été libérés?

18 Réponse: Oui, peu de temps après notre visite, peu de temps après, tous

19 les prisonniers ont été progressivement libérés, certains ont été

20 transférés dans des installations spéciales de la République de Croatie

21 afin qu'ils puissent récupérer à la fois sur le plan physique et mental,

22 et heureusement le camp a été fermé. Je parle des camps qui existaient du

23 côté croate.

24 M. Krsnik (interprétation): Avez-vous pu vous rendre dans des camps, dans

25 la partie est de Mostar?

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1 M. Rajic (interprétation): Non. Malheureusement, il a été établi que les

2 conditions n'étaient pas réunies pour pouvoir passer dans la partie

3 orientale de Mostar et la question restait posée de savoir quelles étaient

4 les véritables raisons de cette opposition à notre visite à ces

5 prisonniers.

6 M. le Président (interprétation): Pour le témoin: pourrait-il nous

7 préciser la date, le mois et le jour de l'année de cette visite au camp de

8 l'Héliodrome à Mostar?

9 M. Rajic (interprétation): Certainement, j'en ai parlé très longuement, je

10 l'ai dit très longuement, mais peut-être cela s'est perdu. Je voulais

11 parler du mois de mai, du 18 mai 1993. Ce jour-là précisément, le jour

12 précisément où la réunion de Medjugorje s'est déroulée.

13 M. le Président (interprétation): Merci.

14 M. Rajic (interprétation): Merci Monsieur et Mesdames les Juges.

15 M. Krsnik (interprétation): Lorsque vous avez parlé des camps dans la

16 partie orientale, qui étaient les détenus de ce camp?

17 M. Stringer (interprétation): A ce stade, Monsieur le Président, il ne me

18 paraît pas clair, une chose ne paraît pas claire. Il ne me paraît pas

19 établi que le témoin avait connaissance de camps dans la partie orientale

20 de Mostar, et la façon dont la question a été formulée par le conseil

21 pourrait induire la réponse, pourrait laisser préjuger que le témoin avait

22 personnellement connaissance de l'existence de ces camps.

23 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik, vous pouvez poser

24 des questions plus précises pour l'établir.

25 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas, je ne

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1 sais pas exactement ce qui est ressorti dans la traduction et ce qui a été

2 dit ici a été transposé en anglais.

3 La réunion a été convoquée par la communauté internationale, un rapport

4 existait, a été examiné, donc il a été décidé de visiter les deux camps.

5 Je crois que tout est tout à fait clair. Le témoin a souligné qu'il avait

6 pu se rendre au camp Héliodrome. En ce qui concerne la partie orientale où

7 il y avait des camps avec des détenus croates, le témoin nous a expliqué

8 les raisons pour lesquelles il ne s'était pas rendu dans ce camp.

9 Je ne comprends donc pas très bien quel est l'objet de l'objection. Il me

10 semble que lorsqu'on utilise le caractère M et la lettre M, à chaque fois

11 que nous allons utiliser ce caractère et cette lettre M, est-ce que le

12 Procureur va sauter sur ses pieds! Je ne sais pas très bien qui joue le

13 rôle de qui ici?

14 M. le Président (interprétation): Ne soyez pas si personnel. Sur ces

15 questions, respectez mes instructions, les instructions de cette Cour de

16 poser des questions sur le camp de prisonniers! Vous pouvez poursuivre.

17 M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Pour conclure,

18 il me reste une question, une question qui va me permettre de conclure

19 l'interrogatoire d'aujourd'hui: avez-vous reçu l'autorisation d'aller

20 visiter les camps dans la partie orientale? Très rapidement oui ou non?

21 Et la communauté internationale a-t-elle, oui ou non, reçu un rapport, de

22 même qu'elle avait reçu un rapport sur le camp Héliodrome au sein de cette

23 commission mixte musulmane, de ce groupe mixte musulman-bosniaque qui

24 avait été désigné pour se rendre dans le camp?

25 M. Rajic (interprétation): Pour éviter toute confusion, lors de la

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1 réunion, lors de la réunion elle-même de Medjugorje, les camps dans

2 lesquels les Musulmans détenaient des prisonniers croates ont été abordés,

3 ont fait l'objet de discussions. Je ne l'ai peut-être pas suffisamment dit

4 précédemment, je le fais maintenant.

5 En outre, j'ai dit également que je ne m'étais jamais rendu dans aucun

6 autre camp, mais je sais également à partir de sources fiables qu'il a

7 existé des camps qui avaient été établis par des Musulmans à Mostar,

8 Jablic… Jablanica, Konjic, Zenica, également, des camps dans lesquels des

9 Croates étaient détenus.

10 Et je voudrais le répéter, nous n'avions pas l'autorisation de rendre

11 visite aux détenus croates, aux Croates donc détenus dans la partie

12 orientale de Mostar, nous n'avons pas pu le faire. Merci.

13 Mme Clark (interprétation): Me permettez-vous de poser une question

14 précise à ce témoin? Lorsque vous parlez du rapport de la réunion de

15 Medjugorje, est-ce que vous parlez d'un rapport écrit, faites-vous état

16 d'un rapport écrit? S'agissait-il d'un rapport écrit? Est-ce que vous,

17 membre de la commission mixte, vous avez eu l'occasion de faire un rapport

18 soit verbalement, soit par écrit à la réunion lors de votre retour du

19 camp?

20 M. Rajic (interprétation): Non, ce n'était pas notre tâche que d'établir

21 un rapport écrit, nous étions, ce que je qualifierais, une voie

22 d'encouragement.

23 Mme Clark (interprétation): Je voudrais revenir là-dessus, la

24 transcription de la bande vidéo était extrêmement rapide puisque nous

25 regardions les images tout en essayant de suivre la bande, les

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1 commentaires. Il semble suggérer que, lors de la réunion, différentes

2 questions ont été abordées et que des rapports, des rapports concernant

3 l'existence de camps de prisonniers de guerre ou de centres de détention

4 ont été abordés.

5 Je vous pose la question de savoir s'il existait un rapport écrit

6 décrivant les conditions du camp Héliodrome et décrivant également

7 l'existence de camps ouverts par les Musulmans. Est-ce que cela était le

8 cas lors de cette réunion précise? Si tel est le cas, je suis sûr que le

9 Bureau du Procureur pourra se procurer ce document qui est certainement un

10 document écrit. Y avait-il un rapport attestant l'existence de camps, d'un

11 camp musulman à ce moment-là, lors de cette réunion?

12 M. Rajic (interprétation): J'ai participé à la séance plénière de cette

13 réunion, j'ai suivi les discussions sur ce point, je n'ai pas connaissance

14 d'un rapport écrit. Peut-être y a-t-il eu, existait-il un rapport, mais

15 personnellement je n'en ai pas connaissance mais c'est un point qui a fait

16 l'objet de discussions.

17 Mme Clark (interprétation): En particulier qu'il existait un lieu précis

18 ou un camp avait été créé par des forces, par les forces musulmanes?

19 M. Rajic (interprétation): Dans la ville de Mostar? Le titre habituel, le

20 nom généralement donné était "camp de l'est", c'était un nom collectif qui

21 recouvrait un certain nombre d'unités de détention, que par chance je n'ai

22 jamais eu l'occasion de visiter, que je n'ai jamais vu. Je ne connais pas

23 non plus les noms individuels de ces différents camps de détention.

24 Mme Clark (interprétation): Merci.

25 M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, de fait, il me reste

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1 une toute dernière question. Si vous souhaitez lever la séance maintenant,

2 je peux très bien attendre demain ou plus tard dans la journée, mais je

3 vous assure que ce point ne devrait pas prendre plus de 10 minutes, voire

4 15 minutes.

5 M. le Président (interprétation): Voulez-vous dire que vous approchez du

6 terme de votre interrogatoire direct, principal?

7 Maître Krsnik, nous venons d'être informés qu'un autre procès doit se

8 dérouler dans cette même salle, nous devons donc quitter la salle en temps

9 et heure. Je crains donc que nous devions revenir sur l'interrogatoire

10 demain matin.

11 Je voudrais vous demander à tous d'emporter vos documents avant de quitter

12 cette salle de Tribunal. A demain matin.

13 (L'audience est levée à 12 heures 47.)

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