Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Mardi 18 juin 2002.)

  2   (Audience publique.)

  3   (L'audience est ouverte à 14 heures 18.)

  4   M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire je vous prie

  5   Madame la Greffière.

  6   Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames

  7   les Juges, il s'agit de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre Mladen

  8   Naletilic et Vinko Martinovic.

  9   M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, est-ce que vous êtes prêt

 10   pour interroger votre témoin suivant?

 11   M. Krsnik (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les

 12   Juges. Je suis tout à fait prêt, ce sera notre premier témoin expert. Il

 13   témoignera en session publique. Il s'agit de Stiepo Andrijic, et nous

 14   sommes en effet tout à fait prêts à l'interroger. Merci.

 15   M. le Président (interprétation): Je vous remercie également.

 16   Pouvons-nous faire entrer le témoin je vous prie?

 17   M. Krsnik (interprétation): Pendant que nous attendons le témoin Monsieur

 18   le Président, Mesdames les Juges, je voudrai dire que je vais d'abord

 19   interroger le témoin sur des circonstances qui sont très troublantes pour

 20   la défense, et ce n'est pas la première fois que cela arrive. Il y a des

 21   nouvelles autres qui sont tout aussi troublantes et qui vont dans le sens

 22   de l'obstruction de la défense. Mais je voudrais que nous entendions

 23   d'abord la défense et j'ai tout préparé à votre intention; je ne voudrais

 24   pas en parler d'avance pour ne pas voir la Juge Clark et les autres Juges

 25   de la Chambre me dire que je suis en train de témoigner moi-même.


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  1   J'attendrai le témoin, je vous soumettrai les documents et vous verrez

  2   forcément de quoi il s'agit.

  3   (Le témoin, M. Stiepo Andrijic, est introduit dans le prétoire.)

  4   M. le Président (interprétation): Bonjour Monsieur le Témoin.

  5   M. Andrijic (interprétation): Bonjour.

  6   M. le Président (interprétation): Je vous prie de nous donner lecture de

  7   la déclaration solennelle conformément à ce qui est écrit sur le papier

  8   que M. l'huissier est en train de vous tendre.

  9   M. Andrijic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Vous pouvez vous

 12   asseoir, je vous prie.

 13   (Le témoin s'assoit.)

 14   Maître Krsnik, à vous.

 15   (Interrogatoire principal du témoin, M. Stiepo Andrijic, par Me Krsnik.)

 16   M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Bonjour Monsieur

 17   le Témoin.

 18   M. Andrijic (interprétation): Bonjour.

 19   Question: Je vous demanderai de bien vouloir m'écouter attentivement pour

 20   entendre certaines instructions pour que nous puissions fonctionner

 21   convenablement. Je sais que c'est la première fois que vous vous trouvez

 22   dans une situation analogue et il vous faut un petit moment pour vous

 23   habituez Monsieur le Professeur.

 24   D'abord je voudrais attirer votre attention sur la présence d'un moniteur

 25   en face de vous; vous voyez un grand point noir qui se déplace, un curseur


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  1   noir qui se déplace sur le moniteur.

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Etant donné que nous parlons la même langue, vous et moi, je

  4   vous serais gré de faire en sorte, afin que nos éminents interprètes

  5   puissent procéder à l'interprétation de ce que nous disons en deux

  6   langues, de bien vouloir commencer à répondre une fois que le curseur

  7   cessera de défiler sur l'écran devant vous.

  8   Réponse: Bien.

  9   Question: Vous voyez le curseur s'est arrêté.

 10   Réponse: En effet.

 11   Question: Dès le tout début, je voudrais que vous vous présentiez à la

 12   Chambre, que vous nous donniez votre nom et prénom, votre date de

 13   naissance, lieu de naissance, et par la suite, nous vous interrogerons sur

 14   votre curriculum.

 15   Réponse: Je m'appelle Stiepo Andrijic, je suis né il y a 58 ans. Je dirai

 16   d'abord que ce que je fais à présent; puis par la suite je reviendrai sur

 17   le passé vers l'année de naissance et ainsi de suite.

 18   Je suis enseignant, je suis professeur à temps plein à la faculté

 19   d'économie de l'université de Sarajevo. Je suis enseignant également à la

 20   faculté d'économie de l'université de Split. Qui plus est, je conduis

 21   toutes les études de 3e cycle pour ce qui est du fonctionnement de la

 22   gestion des banques et des assurances à la faculté d'économie de Zagreb.

 23   Je suis président de l'association des économistes, de l'association Benko

 24   Kortolic à Mostar et de l'association des actuaires de la Bosnie-

 25   Herzégovine dont le siège se trouve à Sarajevo.


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  1   J'ai fait mes études élémentaires dans ma localité natale, puis j'ai fait

  2   les études secondaires à Kakanj, plutôt le collège à Kakanj, puis l'école

  3   secondaire d'économie à Sarajevo, la faculté d'économie à Sarajevo, les

  4   études de 3e cycle à l'institut des sciences économiques de Belgrade qui

  5   fonctionnait sous la conduite du professeur Branko Horvat. J'ai eu mon

  6   doctorat ès sciences à la faculté d'économie à Sarajevo en 1975.

  7   S'agissant des organisations professionnelles, je dirais que j'ai exercé

  8   les fonctions, à savoir celle du président de l'association des

  9   économistes de la ville de Sarajevo. Je suis membre du comité chargé des

 10   sciences économiques à l'Académie des sciences et des arts de la Bosnie-

 11   Herzégovine. Les matières que j'ai enseignées sont les suivantes: macro-

 12   économie, économétrie et paiements internationaux. J'ai été président de

 13   la Commission chargée des sciences et des arts à l'université de Sarajevo

 14   et j'ai été membre de plusieurs rédactions de revues scientifiques.

 15   S'agissant des activités extra-universitaires, j'ai exercé les fonctions

 16   de gouverneur de la banque centrale de Bosnie-Herzégovine, j'avais été

 17   membre du gouvernement de la Fédération de la Bosnie-Herzégovine, j'étais

 18   aussi ministre sans portefeuille. J'avais assumé la conduite d'une étude

 19   concernant les projets de privatisation sur le territoire de la

 20   Fédération.

 21   Puis j'ai été à la tête d'une équipe d'experts du gouvernement de la

 22   Fédération chargée de cette privatisation, équipe qui a préparé 14 lois

 23   cadres qui ont été soumises à toute la procédure réglementaire et qui ont

 24   été adoptées au parlement. La dernière des fonctions que j'ai assumée

 25   avait été celle de président du comité administratif de l'agence chargée


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  1   de la privatisation au sein de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

  2   Je pense que cela suffit.

  3   Question: Merci Monsieur le Professeur, j'espère que vous ne m'en voudrez

  4   pas si je vous… Je dois vous dire Monsieur le Professeur ou Monsieur

  5   l'académicien?

  6   Réponse: Comme vous voulez.

  7   Question: Merci. Il me sera plus facile de m'adresser à vous en disant

  8   Monsieur le Professeur. C'est un réflexe qui m'est resté depuis le temps

  9   où j'étais étudiant.

 10   Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez reçu des témoignages de

 11   mérite pour les activités scientifiques que vous avez déployées à ce jour?

 12   Réponse: Oui, en effet. En 1999: prix qui est celui de la ville de

 13   Sarajevo pour les résultats scientifiques réalisés dans l'économie

 14   quantitative et pour les activités que j'ai déployées au niveau de

 15   l'université.

 16   Question: Et pour ce qui est des distinctions internationales?

 17   Réponse: J'ai reçu une charte d'humanisme qui m'a été discernée par une

 18   association internationale chargée de l'humanisme.

 19   Question: Donc c'est une charte internationale d'humanisme?

 20   Réponse: Oui, c'est exact.

 21   Question: Monsieur le Professeur, avant que de commencer à vous posé des

 22   questions et avant que de vous confier à l'interrogatoire de M. le

 23   Procureur, étant donné que vous avez été convié par le Bureau du

 24   Procureur, vu que nous avons votre rapport d'expert, je voudrais vous

 25   demander si vous vous êtes entretenu avec quelque journaliste que ce soit


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  1   concernant votre témoignage d'aujourd'hui?

  2   Réponse: Non.

  3   Question: Est-ce que vous avez fait des déclarations concernant votre

  4   rapport d'expert à quelque journaliste que ce soit? J'entends rapport

  5   d'expert que vous avez rédigé à l'intention de ce Tribunal.

  6   Réponse: Non.

  7   Question: Je voudrais demander à Mme la Greffière de demander à M.

  8   l'huissier de nous fournir le D1/389… Je m'excuse, je m'excuse. Nous

  9   n'avions pas envisagé le versement au dossier de cette pièce à conviction

 10   et nous avons mis une cote provisoire. Je demanderai à M. l'huissier de

 11   distribuer ces pièces-là à M. le Procureur et aux Juges de la Chambre.

 12   (Intervention de l'huissier.)

 13   M. Krsnik (interprétation): C'est quelque chose que nous avons préparé

 14   aujourd'hui, nous allons faire trois copies à l'intention de la Chambre,

 15   mais je voulais juste poser quelques questions à M. le témoin concernant

 16   ce papier, ce document. Nous allons faire suffisamment de copies à

 17   l'intention de la Chambre pendant la pause.

 18   M. le Président (interprétation): Est-ce que l'huissier pourrait placer ce

 19   document sur le rétroprojecteur? Et je crois que le Procureur a besoin

 20   d'un exemplaire.

 21   M. Poriouvaev (interprétation): Oui, Monsieur le Président, en effet,

 22   j'allais vous le demander puisque je n'ai rien sur mon pupitre.

 23   M. Krsnik (interprétation): Monsieur Poriouvaev, nous avons une copie pour

 24   vous.

 25   M. Poriouvaev (interprétation): Merci. Mais pourquoi ne l'avez-vous pas


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  1   remise auparavant?

  2   M. Krsnik (interprétation): Oui, vous avez tout à fait raison, je m'excuse

  3   de ne pas vous avoir donné cela auparavant. Mais je tiens à préciser que

  4   nous n'allons pas proposer ceci pour versement au dossier, ceci doit

  5   servir juste d'information.

  6   Monsieur le Professeur, je voulais juste vous demander si vous étiez au

  7   courant de l'article qui est présenté sur le rétroprojecteur actuellement?

  8   M. Andrijic (interprétation): Eloignez-le. Non, non ce n'est pas cet

  9   article-là.

 10   Question: Monsieur l'huissier, je vous prie de placer sur le

 11   rétroprojecteur la version anglaise et de remettre à M. le professeur la

 12   version en BCS entre les mains.

 13   Réponse: Excusez-moi, est-ce que quelqu'un pourrait en donner lecture?

 14   Question: Oui, je voudrais que vous lisiez le texte "La Légitimité de la

 15   monnaie croate".

 16   Réponse: Oui, mais moi je l'ai lu, cela, il y a près d'un mois déjà.

 17   Question: Je crois que cet article-là… Vous avez été troublé par cet

 18   article parce qu'on avait parlé de poursuite pénale à votre encontre à

 19   votre sujet. Est-ce que cela parle de votre expertise? Quand est-ce que

 20   vous avez lu cela?

 21   Réponse: Cela a été publié, il y a à peu près un mois. Je puis juste vous

 22   donner un commentaire: ceci est quelque chose de très vilain, de très

 23   désagréable. Et dans notre langue, quand nous nous servons de ces termes-

 24   là, c'est assez négatif.

 25   Question: Nous n'avons plus de question à ce sujet.


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  1   Monsieur le Président, nous allons vous faire parvenir une copie de ce

  2   texte. Je ne vais pas fatiguer davantage le témoin à ce sujet. Je tenais

  3   juste à dire qu'il y a un mois, à peu près, dans l'hebdomadaire de

  4   Sarajevo qui s'appelle "Dani", il a été publié ce texte-là concernant le

  5   témoignage de M. Andrijic devant ce Tribunal.

  6   Je crois qu'il serait intéressant d'essayer de savoir, d'apprendre comment

  7   ils se sont procuré le rapport d'expert du témoin ici présent. Mais nous

  8   n'allons pas fatiguer le témoin avec ces questions-là.

  9   Monsieur le Professeur, veuillez avoir l'amabilité de nous dire si vous

 10   avez été membre de quelque parti que ce soit depuis 1990 à ce jour?

 11   Réponse: Non.

 12   Question: Monsieur le Professeur, avez-vous exercé quelque fonction que ce

 13   soit au sein des instances du pouvoir du HZ-HB, à savoir Communauté croate

 14   d'Herceg-Bosna, ou de la République croate d'Herceg-Bosna?

 15   Réponse: Non.

 16   Question: Monsieur le Professeur, dites-moi, je vous prie, dans les

 17   autorités, les instances du pouvoir de la République de Bosnie-Herzégovine

 18   de l'époque, quelles sont les fonctions que vous aviez exercées et quand

 19   est-ce que vous les avez quittées? Dites-nous aussi pour quelles raisons?

 20   Réponse: J'ai été gouverneur de la banque centrale depuis la fin avril

 21   1992 jusqu'au 5 octobre de l'année 1993. Ce qui signifie que j'ai exercé

 22   pendant un an et demi ces fonctions de gouverneur.

 23   Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je dirais que j'ai

 24   été révoqué le 5 octobre 1993, et ce, pendant que je me trouvais à

 25   Washington, à l'assemblée régulière annuelle du fonds monétaire


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  1   international et de la Banque mondiale.

  2   Question: Qui vous a révoqué? Pourquoi?

  3   Réponse: Eh bien, normalement cela devrait être la présidence de la

  4   République de la Bosnie-Herzégovine, mais à ce moment-là il n'y avait dans

  5   la présidence que trois membres qui, en 1992, avaient été élus aux

  6   élections normales régulières à ces fonctions de membres de la présidence.

  7   Bien entendu, la signature avait été celle du Président de la présidence

  8   de Bosnie-Herzégovine.

  9   Question: Mais prononcez donc son nom!

 10   Réponse: Monsieur Alija Izetbegovic.

 11   Question: Est-ce que cette révocation avait été légale? Est-ce que M.

 12   Alija Izetbegovic et ces trois autres membres de la présidence avaient là

 13   quelque chose de légitime?

 14   Réponse: Je suis économiste, je ne suis pas juriste, mais sur sept membres

 15   s'il n'y a que trois membres de présents pour prendre une décision, je ne

 16   pourrais pas en conclure autrement.

 17   Question: Dites-nous, je vous prie, s'agissant de cette assemblée du fonds

 18   monétaire international ou des autres organisations monétaires

 19   internationales, lors donc de cette assemblée, est-ce que l'on a fini par

 20   contester la légitimité de votre Présidence pour ce qui était de la

 21   présentation de la Bosnie-Herzégovine?

 22   Réponse: Non, pas du tout.

 23   Question: Mais a-t-on contesté vos fonctions de la part des Bosniens

 24   musulmans qui avaient membres de la délégation ou est-ce que cela a été le

 25   cas dans d'autres organes ou organisations?


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  1   Réponse: Non, pas du tout. J'ai assumé mes fonctions jusqu'au bout.

  2   Question: Mais dites-moi alors, pourquoi vous avez été révoqué?

  3   Réponse: Je ne puis que citer ce qui figure dans la décision et ce qui a

  4   été publié au Journal officiel. Il y a été dit que je n'avais pas effectué

  5   mes fonctions de façon régulière, de façon appropriée.

  6   Question: Et pouvez-vous vous dire si cela avait été exact?

  7   Réponse: Comment voulez-vous que ce soit exact, si je m'étais trouvé à

  8   l'assemblée annuelle de cette organisation en ma qualité de gouverneur

  9   avec un ordre de mission en bonne et due forme, et avec tout ce qui avait

 10   été prévu que je représente comme position là-bas.

 11   Question: Dernière question de ma part, Monsieur le Professeur, je vous

 12   demanderais d'expliquer à la Chambre quelles avaient été les attributions

 13   et les tâches du gouverneur de la banque centrale à l'époque?

 14   Réponse: C'est une chose a tout à fait notoire, le gouverneur d'une banque

 15   centrale a des attributions, ou plutôt la banque centrale a des

 16   attributions d'exercice de pouvoir monétaires; elle conduit la politique

 17   monétaire, et à l'extérieur de cela, elle n'a pas d'autres attributions.

 18   Elle est automne, elle répond de ce qu'elle fait devant le parlement et

 19   ceci dans le cadre de la loi. Donc nous répondons au parlement de

 20   l'application de la loi. Et c'est à peu près l'essentiel de ce que je

 21   pourrais dire.

 22   Question: Je voudrais vous demander également si c'est bien votre

 23   signature sur l'opinion d'expert que vous avez signé au mois de mars, le

 24   22 mars de l'année 2002.

 25   Question: Oui.


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  1   Question: Et c'est bien votre opinion d'expert?

  2   Réponse: Oui, tout à fait.

  3   M. Krsnik (interprétation): Merci Monsieur le Professeur, je n'ai pas

  4   davantage de questions et j'ai votre rapport d'expert, j'ai votre

  5   témoignage, le texte de témoignage. Je vais vous demander de répondre aux

  6   collègues du Bureau Procureur qui ont demandé que vous veniez témoigner

  7   ici. Merci beaucoup.

  8   M. Andrijic (interprétation): Je vous en prie.

  9   M. le Président (interprétation): Merci Maître Krsnik.

 10   Pour ce qui est du contre-interrogatoire maintenant, Me Poriouvaev.

 11   (Contre-interrogatoire du témoin, M. Stjepo Andrijic, par Me Poriouvaev.)

 12   M. Poriouvaev (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 13   Je voudrais que M. l'huissier distribue un classeur de documents qui

 14   contient nos pièces à conviction pour usage éventuel.

 15   (Intervention de l'huissier.)

 16   Professeur, je ne pense pas avoir beaucoup de questions à votre intention,

 17   mais je crois quand même en avoir quelques-unes.

 18   Ma première question sera la suivante: Avez-vous jamais été qualifié pour

 19   servir d'expert en question ou en matière d'ordre financier?

 20   M. Andrijic (interprétation): Je n'ai jamais été cela, mais partant de

 21   tous les éléments dont j'ai parlé, je crois que dans ce cas-ci je pourrais

 22   fort bien l'être.

 23   Question: (Hors micro.) Excusez-moi.

 24   Si on juge des notes biographiques qui sont jointes à votre rapport, vous

 25   n'avez jamais pratiqué des tâches d'employé de banque avant d'être nommé


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  1   gouverneur de la banque centrale de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas?

  2   Réponse: C'est bien cela.

  3   Question: Avez-vous publié des ouvrages sur des questions financières,

  4   notamment l'utilisation de cartes pour des transactions financières

  5   nationales et internationales?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Qu'avez-vous publié? Vous vous en souvenez? Vous pouvez peut-

  8   être nous donner les titres de vos ouvrages qui ont été publiés?

  9   Réponse: Eh bien, des articles sur l'arbitrage des monnaies, la conversion

 10   de la dette. C'est difficile pour moi de me souvenir de tous ces articles,

 11   mais je pourrais vous donner une liste.

 12   Question: Avez-vous déjà témoigné en tant qu'expert financier dans les

 13   tribunaux nationaux?

 14   Réponse: Oui, une fois à Sarajevo.

 15   Question: Vous avez témoigné pour l'accusation ou pour la défense?

 16   Réponse: Je crois que c'est la chambre qui m'avait demandé de venir

 17   témoigner.

 18   Question: Quand?

 19   Réponse: Il y a une vingtaine d'années, c'est-à-dire 10 ans avant la

 20   guerre.

 21   Question: C'était une affaire civile ou pénale?

 22   Réponse: C'était un crime financier.

 23   Question: Vous venez de dire, Monsieur le Professeur, que vous aviez été

 24   nommé gouverneur de la banque centrale en avril 1992. C'est bien cela?

 25   Réponse: C'est cela.


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  1   Question: Qui vous a nommé à ce poste?

  2   Réponse: La présidence de la République de Bosnie-Herzégovine. La tâche

  3   leur incombait. Et ensuite, il y a eu l'approbation de l'assemblée.

  4   Question: N'y avait-il pas de parlement à ce moment-là pour vous nommer

  5   gouverneur de la banque centrale, ce qui aurait été la situation normale?

  6   Réponse: La guerre avait déjà commencé, le parlement a cessé de

  7   fonctionner, et donc les dispositions de la Constitution en temps de

  8   guerre s'appliquaient déjà.

  9   Question: Où se trouvait votre bureau principal en 1992 et en 1993 jusqu'à

 10   ce que vous ayez été démissionné de votre poste?

 11   Réponse: Dans le bâtiment de la banque nationale de Bosnie-Herzégovine.

 12   Question: A Sarajevo?

 13   Réponse: Oui, à Sarajevo dans la rue Titova.

 14   Question: Votre bureau s'y trouvait pendant toute l'époque, 1992 et 1993?

 15   Réponse: Oui, en effet, j'ai occupé ce bureau pendant cette période.

 16   Question: Aviez-vous des députés, des assistants?

 17   Réponse: Il y avait un vice-gouverneur.

 18   Question: (Hors micro.)

 19   Réponse: J'avais deux sous-gouverneurs. En Bosnie-Herzégovine, il y a

 20   toujours trois membres en tout.

 21   Question: Qui était responsable de tout ce qui était transaction

 22   monétaire, change de monnaies étrangères? Vous-même ou l'un des vice-

 23   gouverneurs?

 24   Réponse: L'un des vice-gouverneurs s'occupait des tâches relevant des

 25   monnaies étrangères.


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  1   Question: Avez-vous présenté un rapport annuel à la présidence, plutôt que

  2   devant le parlement puisque le parlement n'existait plus à cette époque?

  3   Réponse: Oui, et la présidence examinait en fait l'ensemble des documents

  4   qui auraient été normalement examinés par le parlement, à savoir tout ce

  5   qui avait trait à la politique en matière de prêts et les différents

  6   rapports s'y référant.

  7   Question: A quel moment ce rapport a-t-il été présenté? Est-ce que vous

  8   vous en souvenez?

  9   Réponse: Je crois que c'était en avril 1993 pour l'année précédente.

 10   Question: Votre rapport a-t-il été approuvé par la présidence?

 11   Réponse: Je crois que oui.

 12   Question: Vous ont-ils fait des remarques de fond concernant la manière

 13   dont vous avez occupé votre fonction de gouverneur de la banque, à cette

 14   époque je veux dire, après la présentation du rapport annuel?

 15   M. Andrijic (interprétation): Autant que je m'en souvienne, non.

 16   M. Poriouvaev (interprétation): Merci beaucoup. Nous reviendrons un peu

 17   plus tard à ce sujet. J'aimerais maintenant passer à votre rapport et

 18   j'aimerais vous poser quelques questions. Est-il vrai que le dinar

 19   d'Herzégovine a été introduit comme monnaie nationale le 15 août 1992?

 20   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik.

 21   M. Krsnik (interprétation): Votre Honneur, est-ce que je peux demander à

 22   mon confrère de clarifier une chose? On a parlé du dinar de Bosnie-

 23   Herzégovine et d'Herceg-Bosna, de quoi s'agit-il précisément?

 24   M. Poriouvaev (interprétation): Excusez-moi, je voulais bien dire le dinar

 25   de Bosnie-Herzégovine.


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  1   J'attends votre réponse, Monsieur le Témoin. Est-il vrai que ce dinar a

  2   été introduit le 15 août 1992, c'est-à-dire que la décision a été prise le

  3   15 août 1992 d'introduire le dinar de Bosnie-Herzégovine?

  4   M. Andrijic (interprétation): En effet, il a été introduit le 15 août

  5   1992. Il était utilisé dans les zones accessibles.

  6   Question: Auparavant seul le dinar yougoslave était la monnaie utilisée en

  7   Bosnie-Herzégovine, c'est bien vrai?

  8   Réponse: Formellement et juridiquement oui, mais dans la réalité ce dinar

  9   n'existait plus et toute la comptabilité se tenait en dinar yougoslave.

 10   Question: En fait, le dinar yougoslave existait donc encore comme monnaie,

 11   une fois que la nouvelle monnaie avait été introduite, c'est bien cela?

 12   Réponse: Non non, la nouvelle monnaie a été introduite le 15 août. Jusque-

 13   là, nous utilisions le dinar yougoslave, mais nous avions des problèmes de

 14   liquidité, nous manquions de liquidité.

 15   Question: J'ai une deuxième question dans cette série de questions. Avait-

 16   on le droit d'utiliser une autre monnaie, autre que le dinar yougoslave,

 17   avant cette date du 15 août 1992?

 18   M. Andrijic (interprétation): Dans les périodes de guerre, toutes les

 19   monnaies disponibles sont utilisées.

 20   M. Poriouvaev (interprétation): Y a-t-il eu une décision officielle

 21   permettant l'utilisation de monnaies étrangères sur le territoire de

 22   Bosnie-Herzégovine?

 23   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik?

 24   M. Krsnik (interprétation): J'aimerais demander… En fait, j'aimerais

 25   demander à l'accusation d'accorder un peu plus de temps au témoin pour


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  1   qu'il puisse terminer ses réponses. Parfois l'accusation reprend trop tôt!

  2   M. le Président (interprétation): Je crois que c'est une demande tout à

  3   fait légitime. J'avais cru comprendre également que le témoin avait

  4   terminé sa réponse. Monsieur Poriouvaev, laissez finir le témoin!

  5   M. Poriouvaev (interprétation): Pouvez-vous terminer votre réponse? Y a-t-

  6   il une décision officielle permettant l'utilisation d'autres monnaies

  7   avant l'introduction d'une nouvelle monnaie avant le 15 août 1992?

  8   M. Andrijic (interprétation): D'après la loi en vigueur à l'époque -et en

  9   fait, ces lois dataient d'avant la guerre en Bosnie-Herzégovine-, on

 10   pouvait utiliser des monnaies étrangères dans certains contextes précis,

 11   mais les paiements en espèces devaient être en monnaie locale.

 12   Mais toute la Bosnie-Herzégovine était entourée, encerclée, on n'y avait

 13   plus accès, et vous savez que la monnaie nationale se trouvait à Belgrade

 14   et que l'on ne pouvait faire parvenir des espèces à la Bosnie-Herzégovine.

 15   C'est pourquoi nous avons dû utiliser, pour les paiements en espèces, ce

 16   que nous avions dans le territoire de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire ce

 17   que nous avions dans les coffres-forts de la banque centrale. Cela ne

 18   suffisait pas pour le fonctionnement du système de paiement et pour les

 19   transactions diverses.

 20   Question: J'aimerais passer au point 6 de vos conclusions, si vous le

 21   voulez bien. Dans le paragraphe 6, vous dites que: "L'ensemble des banques

 22   nationales et les transactions étaient contrôlées par la banque

 23   nationale", c'est bien cela? Vous vous référez à quelle période de temps

 24   lorsque vous dites cela dans votre rapport?

 25   Réponse: A l'époque où j'étais gouverneur. Je ne peux pas parler que de


Page 12572

  1   l'époque où j'étais moi-même gouverneur jusqu'au moment où j'ai été

  2   remercié.

  3   Question: Je ne vous pose pas de question sur une autre période, je ne

  4   vous pose que des questions qui sont pertinentes. Pouvez-vous expliquer

  5   comment la banque nationale a pu réguler, gérer l'ensemble des activités

  6   de la banque, une fois que la situation en Bosnie-Herzégovine est devenue

  7   extrêmement difficile en 1992, en effet, 1993 Sarajevo était isolée?

  8   Réponse: En tant que banque centrale, nous avons géré la situation, les

  9   banques fonctionnaient et coopéraient directement à l'époque. A l'époque,

 10   10 nouvelles banques se sont installées à Sarajevo, l'une à Mostar, et des

 11   licences ont été octroyées à des branches de banque dont le siège était à

 12   Sarajevo. Mais en fait puisqu'ils n'étaient plus en contact avec Sarajevo,

 13   nous leur avons octroyé une licence provisoire pour la durée de la guerre.

 14   Il s'agissait d'une mesure provisoire. Il fallait le faire pour maintenir

 15   un semblant de système bancaire en fonctionnement.

 16   Question: Avez-vous reçu des rapports à intervalle régulier de ces banques

 17   locales?

 18   Réponse: Le terme régulier est difficile à définir en temps de guerre.

 19   Nous avions des contacts, certains contacts, mais nous ne pouvions

 20   communiquer par téléphone avec Sarajevo; seules des liaisons satellites

 21   fonctionnaient. Nous avons fait ce que nous avons pu aussi souvent que

 22   possible, et par l'intermédiaire des bureaux de Zagreb puisque le

 23   gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait ses bureaux à Zagreb; ils ont

 24   donc aidé la banque centrale de Bosnie-Herzégovine.

 25   Question: Peut-on dire, Monsieur le Professeur, qu'au cours de la période


Page 12573

  1   où vous étiez gouverneur de la banque centrale, il était extrêmement

  2   difficile, voire presque impossible de contrôler les banques locales?

  3   Réponse: Il ne s'agit pas de dire que je pense pouvoir, mais au contraire

  4   que nous avons pu y arriver. Etant donné les circonstances, l'ensemble des

  5   banques a respecté les décisions prises par la banque centrale, et je

  6   crois que cette institution a travaillé à un niveau satisfaisant étant

  7   donné les circonstances.

  8   Question: Et ce qu'on a pu faire des audits des transactions bancaires par

  9   une organisation d'audit?

 10   Question: Nous ne pouvions qu'examiner les rapports. C'était le seul

 11   contrôle possible. Et en ce qui concerne le contrôle sur pièce, cela se

 12   faisait que lorsque les zones étaient accessibles, c'est-à-dire depuis

 13   Sarajevo ou dans les zones environnantes de Bosnie-Herzégovine.

 14   Question: Est-ce que vous pensez que le simple contrôle des rapports

 15   correspond à un contrôle efficace?

 16   Réponse: Ce n'est pas aussi satisfaisant que par temps de paix, mais nous

 17   avons fait tout notre possible pour que le système soit aussi complet que

 18   possible. Et je crois pouvoir dire que nous avons fonctionné par temps de

 19   guerre mieux que d'autres institutions, tout du moins pendant que j'étais

 20   gouverneur.

 21   Question: Est-il vrai que ce que vous dites concernant le contrôle

 22   efficace est une exagération?

 23   Réponse: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'étant donné les conditions en

 24   vigueur, quelle que soit l'institution, il y avait des difficultés de

 25   communication, mais les contacts étaient satisfaisants étant donné ces


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  1   circonstances.

  2   Question: En votre qualité de gouverneur de la banque nationale, je pense

  3   que vous étiez au courant du fait que certaines autorités locales

  4   prenaient des décisions, introduisaient l'utilisation de monnaies

  5   étrangères comme moyen de paiement dans ces territoires. Même avant le 15

  6   août 1992.

  7   Réponse: Je n'en ai pas connaissance. Je n'en ai pas connaissance.

  8   Question: Vous n'étiez pas au courant de cela en votre qualité de

  9   gouverneur de la banque centrale? Vous ne saviez pas que l'on utilisait

 10   des monnaies étrangères sur certains lieux?

 11   Réponse: Je crois que la monnaie étrangère était utilisée dans tous les

 12   territoires libres. Je ne dis pas simplement que je le pense, mais je sais

 13   que c'est le cas.

 14   Question: Est-ce que les autorités locales avaient une autorisation pour

 15   ce faire?

 16   Réponse: Cela m'est très difficile de le dire du point de vue juridique.

 17   Du point de vue formel, la réponse est non. Mais par temps de guerre, il

 18   faut bien trouver une solution pour permettre la survie des gens, même à

 19   Sarajevo lorsque l'on n'avait pas de monnaie locale, nous avons utilisé

 20   tout ce qui était disponible, toutes les espèces disponibles, mais il y

 21   avait des accords d'échange. Même dans le centre de Sarajevo, l'unité de

 22   monnaie d'échange était un paquet de cigarettes, notamment la marque Drava

 23   qui valait environ 6 marks allemands.

 24   Question: Et qu'en est-il des transactions autres qu'en espèces?

 25   Réponse: Je n'ai pas bien compris la question.


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  1   Question: Je parle des transactions non en espèces, c'est-à-dire entre

  2   entreprises, des paiements, des factures de compte à compte?

  3   Réponse: Je dois vous dire qu'aucune transaction n'a eu lieu de ce type

  4   tout simplement parce que l'économie ne fonctionnait pas, et que le peu de

  5   produit que l'on avait distribué… Il n'y avait pas de transactions de

  6   paiement dans les circonstances de l'époque en Bosnie-Herzégovine.

  7   A Sarajevo et dans d'autres lieux encerclés, il n'y avait pas d'échange,

  8   de telle sorte qu'il puisse y avoir des transactions autres qu'en espèces.

  9   Au sein de la population certains avaient des restes d'espèces d'avant la

 10   guerre, et toutes les espèces disponibles étaient utilisées par les

 11   habitants.

 12   Question: J'aimerais demander à l'huissier de bien vouloir montrer la

 13   pièce 136.2 et la 136.3.

 14   (Intervention de l'huissier.)

 15   Il s'agit donc d'une décision de la cellule de crise de la municipalité de

 16   Kiseljak. Est-ce que vous avez le document sous les yeux?

 17   Réponse: Oui.

 18   Question: Voulez-vous lire le document quelques instants?

 19   (Le témoin lit le document.)

 20   Réponse: Je l'ai lu.

 21   Question: Aviez-vous une banque locale dans la municipalité de Kiseljak?

 22   Réponse: A cette époque, je crois savoir qu'il n'y avait pas de banque

 23   locale. Il y avait une branche qui était sans doute fermée.

 24   Question: Vous voyez qu'il s'agit ici d'une décision en date du 15 juin

 25   1992. Est-ce que cette décision était légale?


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  1   Réponse: Oui, je vois cela.

  2   Question: Qu'est-ce que vous voyez ou qu'est-ce que vous ne voyez pas?

  3   M. Andrijic (interprétation): Un instant s'il vous plaît. Il m'est

  4   difficile de vous dire si cette décision était légale ou pas. Il

  5   s'agissait d'une zone de guerre encerclée et une telle décision n'est pas

  6   conforme avec le fonctionnement de la banque centrale. Mais il est très

  7   difficile de laisser les habitants dans une zone encerclée sans espèces,

  8   puisque l'utilisation du dinar yougoslave avait cours légal, mais ils

  9   n'avaient plus d'espèces. Et ce qui est plus important c'est la deuxième

 10   partie de cette décision qui dit que toute monnaie étrangère peut-être

 11   utilisée pour les paiements.

 12   M. Poriouvaev (interprétation): J'aimerais regarder le document suivant,

 13   le 136.3, s'il vous plaît.

 14   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik?

 15   M. Krsnik (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Comme vous

 16   voyez, j'ai attendu la fin de ce document, que la source précise que cela

 17   provient du témoin du Tribunal. Est-ce que l'on pourrait nous dire si

 18   c'est la personne qui a signé ce document? Est-ce qu'il a témoigné? Qui

 19   est vraiment à l'origine de ce document? Parce que tout ce que l'on dit

 20   ici "ce témoin du Tribunal".

 21   M. le Président (interprétation): Monsieur le Procureur excusez-moi.

 22   M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Président, nous avons reçu ces

 23   documents, les deux autres, d'un témoin qui a témoigné dans une autre

 24   affaire. Si besoin est, nous pouvons passer en audience à huis clos

 25   partiel, et je pourrai vous dire dans quelle affaire.


Page 12577

  1   M. le Président (interprétation): Oui, nous allons passer en séance à huis

  2   clos partiel.

  3   (Audience à huis clos partiel à 15 heures 16.)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13   (Audience publique à 15 heures 16.)

 14   M. Poriouvaev (interprétation): Alors Monsieur le Professeur, vous dites

 15   que toutes ces décisions ont été prises simplement en faveur de la

 16   population locale, est-ce exact?

 17   M. Andrijic (interprétation): Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que

 18   j'ai dit c'était que, dans ces circonstances, il fallait veiller à ce que

 19   les ventes puissent se faire parce que, dans cette zone, on ne pouvait pas

 20   trouver d'espèces. Je veux dire que le dinar yougoslave n'était pas

 21   disponible. La seule solution pour cette municipalité qui était encerclée,

 22   la seule solution c'était donc d'imprimer des coupons, des bons d'échange

 23   qui pourraient à ce moment-là être utilisés sous forme d'argent.

 24   Vous savez que le papier monnaie n'est qu'un bon d'échange, donc c'était

 25   la solution qui a été trouvée. Et vous voyez que, dans cette situation,


Page 12578

  1   n'importe quelle monnaie pouvait être utilisée, comme le mark allemand, le

  2   dollar, le shilling autrichien qui étaient utilisés comme monnaies

  3   d'origine dans une enclave assiégée. C'était une solution raisonnable. Je

  4   ne pense pas que c'était une décision politique, c'était une décision

  5   raisonnable pour assurer un certain fonctionnement à l'économie, même si

  6   c'était minimal.

  7   Est-ce que vous me permettez d'ajouter quelque chose?

  8   Question: Oui, oui, je vous en prie.

  9   Réponse: Dans la zone de Bihac, on imprimait de tels bons d'échange qui

 10   étaient calqués sur le mark allemand, parce qu'ils n'avaient absolument

 11   pas d'argent. A Tuzla, on a fait la même chose, à Zenica aussi.

 12   Nous étions à Sarajevo, nous avions donc la possibilité matérielle

 13   d'imprimer ces bons d'échange qui étaient différents de ceux qu'on

 14   utilisait comme argent dans le reste du territoire libre. Bien entendu, il

 15   ne s'agissait pas de la même chose parce que c'était fait par la banque

 16   nationale, mais pour ainsi dire dans chaque partie encerclée de Bosnie-

 17   Herzégovine, on veillait à ce que des échanges puissent se faire, des

 18   ventes puissent se faire. Il fallait que le commerce puisse se dérouler.

 19   Cela voulait dire qu'il fallait également une monnaie locale qui devait

 20   apparaître. C'est une solution purement économique. Cela permettait de ne

 21   pas gaspiller de l'argent, d'imprimer davantage de billets de banque -s'il

 22   en existait déjà d'autres- en plus du dinar croate. Toutes les devises

 23   mondiales étaient utilisées.

 24   Question: Je voudrais montrer au professeur les pièces P151.1 et P157.4

 25   (Intervention de l'huissier.)


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  1   (Le témoin parcourt le document.)

  2   Monsieur le Professeur, je ne veux pas dire que vous étiez censé connaître

  3   ces deux lettres. Mais ce que je vous voudrais vous demander, et j'espère

  4   que vous comprendrez, c'était que certaines parties de la population

  5   ethnique de Kiseljak pouvaient avoir motif d'être mécontentes de ce genre

  6   de décision. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi?

  7   M. Andrijic (interprétation): Oui.

  8   M. Poriouvaev (interprétation): Je vous remercie, il me semble que c'est

  9   le moment de l'interruption d'audience.

 10   M. le Président (interprétation): Il nous reste encore cinq minutes, si

 11   vous voulez terminer l'examen de ces deux documents.

 12   M. Poriouvaev (interprétation): Oui, oui, j'en ai fini de ces deux

 13   documents, je vais passer un autre sujet.

 14   M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

 15   M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je

 16   dois dire que ces documents fournis par le Procureur, là encore ce sont

 17   des documents qui sont sans date, on ne sait pas de qui il s'agit, il y a

 18   des signatures, il n'y a pas de nom dactylographié. Moi, je peux vous

 19   taper un tel document en 10 minutes. Nous ne savons pas qui sont ces gens

 20   qui ont signé, de quoi ils sont membres. Il y a une signature, il n'y a

 21   pas de date, on ne dit pas à qui, à quel organisme ils appartiennent, à

 22   qui ils s'adressent, à qui cela est destiné, on ne sait rien de ces

 23   témoins.

 24   M. le Président (interprétation): Eh bien, je pense qu'on répondra à ces

 25   questions lorsque nous aurons vu ces deux documents. Monsieur le


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  1   Procureur, vous pouvez continuer vos questions, et, après vos questions,

  2   vous pouvez répondre à la question posée par le conseil de la défense au

  3   sujet de l'origine de ce document.

  4   M. Poriouvaev (interprétation): Je peux répondre tout de suite. Ces

  5   documents nous ont été fournis par le même témoin que celui qui nous a

  6   donné les deux premiers documents. Et ils ont été acceptés par nous dans

  7   un ensemble de documents; c'est pourquoi nous les avons utilisés ici. Pour

  8   ce qui est de l'acceptation de ces documents par ce prétoire, le conseil

  9   de la défense peut présenter ses objections.

 10   M. le Président (interprétation): Oui, bien sûr mais j'ai aussi une

 11   question.

 12   Dans le coin droit de la version en BCS, il y a un tampon. Est-ce qu'il

 13   s'agit de la date de ce document ou de la date de dépôt de ces documents?

 14   M. Poriouvaev (interprétation): C'est une note de l'enquêteur lorsqu'il a

 15   reçu le document du témoin.

 16   M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre vos questions sur

 17   ces deux documents.

 18   M. Poriouvaev (interprétation): J'ai terminé mes questions sur ces deux

 19   documents. J'ai eu ma réponse du témoin, il a reconnu avec moi qu'il y

 20   avait motif pour certaines parties de la population de la région d'être

 21   mécontentes.

 22   M. le Président (interprétation): Très bien, nous allons prendre une

 23   suspension d'audience maintenant jusqu'à 16 heures.

 24   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 25   (L'audience suspendue à 15 heures 27, est reprise à 16 heures 02.)


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  1   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur le Procureur, vous pouvez

  2   vérifier ce document.

  3   M. Poriouvaev (interprétation): J'ai vérifié le transcript, et je crois

  4   que je vous ai induit en erreur. Si vous regardez en haut à droite dans le

  5   coin du document original, j'entends le document 155.1, vous voyez le

  6   sceau confirmant que le document a été reçu par la municipalité de

  7   Kiseljak le 8 juillet 1992 pour le premier. Et la pièce à conviction

  8   157.4, même sceau en haut à droite. Ce document a été reçu le 13 juillet

  9   1992. Et en bas à gauche du premier document, vous voyez une note de

 10   l'enquêteur. Je vous prie de m'excuser.

 11   M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

 12   Maître Krsnik?

 13   M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges, en

 14   effet c'est exactement cela, j'attendais que le Procureur le dise.

 15   Et je vous pose la question: le 13 juillet 1992, la Bosnie-Herzégovine

 16   internationalement reconnue ne pouvait pas être qualifiée de République

 17   socialiste de Bosnie-Herzégovine, municipalité de Kiseljak, comme c'est

 18   indiqué sur le sceau, et c'est pourquoi je me suis posé la question de

 19   quoi il s'agissait parce qu'à ce moment-là on l'appelait simplement

 20   République de Bosnie-Herzégovine, ensuite République a été omis, mais en

 21   juillet 1992 ce n'était pas la République socialiste de Bosnie-

 22   Herzégovine.

 23   M. le Président (interprétation): Eh bien, Maître Krsnik, nous traiterons

 24   de ce point lorsque nous verrons s'il y a lieu d'accepter ces documents

 25   comme éléments de preuve. Je vous remercie de votre observation.


Page 12582

  1   Vous pouvez continuer, Monsieur le Procureur.

  2   M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Professeur, dans votre rapport

  3   point 1, vous dites que l'on a introduit le deutsche Mark comme moyen de

  4   paiement, est-ce exact?

  5   M. Andrijic (interprétation): En effet.

  6   Question: Et quelle est la politique financière du leadership d'Herceg-

  7   Bosna qui n'était pas du tout isolé du monde extérieur? Je ne crois pas

  8   que vous l'ayez analysé dans votre rapport. Ai-je raison?

  9   Réponse: Ce n'était pas nécessaire.

 10   Question: Professeur, saviez-vous qu'à un moment le président de la

 11   communauté d'Herceg-Bosna, Mate Boban, a pris un arrêté introduisant le

 12   dinar croate comme monnaie et que cela a fait l'objet d'une adoption

 13   juridique.

 14   M. Andrijic (interprétation): Je n'en ai pas connaissance, mais je peux

 15   commenter si vous voulez.

 16   M. Poriouvaev (interprétation): Pourriez-vous regarder une pièce dont le

 17   numéro est 183? Pièce à conviction 183.

 18   (Intervention de l'huissier.)

 19   Il s'agit là de deux décrets. Le premier sur la mise en œuvre d'une loi

 20   sur l'ordre public de la République de Bosnie-Herzégovine sur le

 21   territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna pendant la guerre ou la

 22   menace éminente de la guerre, et l'autre qui est aussi un décret sur la

 23   mise en œuvre d'une loi sur la sécurité routière également sur le

 24   territoire de cette communauté d'Herceg-Bosna. Je voudrais appeler votre

 25   attention sur l'article 3 du premier décret et l'article 2 du deuxième


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  1   décret.

  2   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Krsnik?

  3   M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas à quoi

  4   ressemble la copie du professeur, mais nous n'avons pas d'article 3 en

  5   croate, nous n'avons que la première moitié d'une phrase. Si vous voulez

  6   bien regarder, c'est l'original en croate. Je ne sais pas ce que vous avez

  7   mais l'article 3, je n'ai que deux-tiers à peu près de la première phrase,

  8   rien d'autre. Je ne sais pas si le professeur a le texte complet.

  9   M. le Président (interprétation): Il me semble que dans la version

 10   anglaise et dans la version BCS, il n'y a pas de correspondance, que cela

 11   ne correspond pas, mais je ne suis pas sûr.

 12   Monsieur le Procureur pourriez-vous nous éclairer?

 13   M. Poriouvaev (interprétation): Moi j'ai ici l'article 3 du premier décret

 14   et l'article 2 du deuxième décret. Tout est sur la même page dans la

 15   version BCS.

 16   M. le Président (interprétation): Je ne suis pas tout à fait convaincu de

 17   la teneur de ces deux articles.

 18   M. Poriouvaev (interprétation): C'est page 8, n°6 en langue croate.

 19   M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

 20   M. Krsnik (interprétation): Vous avez tout à fait raison Monsieur le

 21   Président. J'ai regardé la traduction en anglais, et la traduction en

 22   anglais ne correspond pas à l'original en croate. Pour l'article 2, c'est

 23   le décret sur les amendes qui sont prescrites en cas d'infraction à la

 24   législation sur l'ordre public. Et en anglais, c'est tout à fait autre

 25   chose.


Page 12584

  1   L'article 3, je ne le vois pas. Je ne vois que deux-tiers de cette phrase,

  2   comme je le disais. Et le reste non. La version anglaise n'a donc rien à

  3   voir avec l'original en croate, et je suis persuadé que nos interprètes

  4   résoudront ce problème très rapidement.

  5   M. Poriouvaev (interprétation): Je crois que les interprètes peuvent nous

  6   aider si nous donnons la version anglaise.

  7   M. le Président (interprétation): Oui. Pour ce qui est de l'article 3,

  8   vous parlez de la page 00860161 dans la version anglaise?

  9   M. Poriouvaev (interprétation): Les chiffres sont 782 de la version

 10   anglaise: l'article 3 pour le premier décret et l'article 2 pour le

 11   deuxième décret. C'est sur la même page.

 12   M. le Président (interprétation): Oui, et en version BCS c'est à quelle

 13   page?

 14   M. Poriouvaev (interprétation): Dans la version BCS c'est 162, les trois

 15   derniers chiffres sont 362.

 16   M. le Président (interprétation): Je vous remercie. C'est de là que venait

 17   le problème, la confusion.

 18   M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, non, il n'y a pas de

 19   confusion. Les pages que vous avez lues, 782; en version croate c'est 162.

 20   La traduction en anglais n'a rien à voir avec l'original en croate.

 21   M. le Président (interprétation): On peut peut-être demander aux

 22   interprètes de confirmer les choses.

 23   M. Poriouvaev (interprétation): Oui, je crois qu'ils ont le texte.

 24   Monsieur le Président, nous avons nous aussi des exemplaires incomplets de

 25   l'original à la page 160 de la version en croate. Je crois que le problème


Page 12585

  1   est un problème de photocopie: il manque une partie de l'article 3 du

  2   premier décret. Ça n'a pas été photocopié avec le début de l'article 2 du

  3   décret sur la législation sur la sécurité routière.

  4   M. le Président (interprétation): Pour l'article 3, je n'ai qu'une phrase

  5   sur mon exemplaire en version BCS.

  6   M. Poriouvaev (interprétation): Mais l'article 2 est complet, l'article 2

  7   du deuxième décret.

  8   M. Krsnik (interprétation): Oui, c'est vrai. Mais est-ce que les

  9   interprètes pourraient nous aider et nous dire si l'article 2, page 782,

 10   est identique à l'article 2, page 162, de l'original en croate?

 11   Interprète: C'est une chose qui peut être visible à l'œil nu Monsieur le

 12   Président. L'article 2 dit…

 13   (Note de l'interprète: Me Krsnik n'a pas terminé sa phrase.)

 14   (La cabine française: pour ce qui est de l'article 2 en BCS, la traduction

 15   anglaise correspond à ce qui est dit dans l'originale croate. Alors que

 16   l'article 3 n'est pas lisible, c'est-à-dire il manque pratiquement tout le

 17   texte de la phrase, enfin de l'article, sauf la première phrase, le début

 18   de la première phrase où l'on voit que le début de cette première phrase

 19   correspond à ce qui figure dans la traduction anglaise, à savoir qu'une

 20   sanction, une amende pécuniaire sera déterminée et imposée en dinar

 21   croate, etc.)

 22   M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Maintenant s'agissant

 23   de l'article 3 de la même page, parce que nous n'avons qu'une phrase de

 24   l'article seulement.

 25   M. Krsnik (interprétation): Ce n'est pas seulement cela le problème, mais


Page 12586

  1   la traduction est absolument divergente.

  2   (Note de l'interprète de la cabine française: Ce n'est pas le cas.)

  3   M. Poriouvaev (interprétation): Je ne vois pas ce qu'il y a de différent.

  4   M. Krsnik (interprétation): L'original croate dit, d'après ce que je puis

  5   lire ici: "Les amendes pécuniaires sont déterminées et prononcées en dinar

  6   croate", alors que l'article 3 en version anglaise dit que: "Ce décret

  7   entrera en vigueur à la date…"

  8   (Note de l'interprète de la cabine française: Maître Krsnik lit le mauvais

  9   article de traduction, à savoir…)

 10   M. Krsnik (interprétation): C'est précisément ce que je fais: l'article 3.

 11   Parce que l'article 3 de la version anglaise ne correspond pas à ce qui

 12   est dit.

 13   (L'interprète de la cabine BCS est en train de dire à Me Krsnik qu'il lit

 14   l'article 3 du mauvais décret.)

 15   M. Krsnik (interprétation): Ce que je vois de l'article 3 ne correspond

 16   pas à la traduction de ce qui figure dans la traduction anglaise.

 17   Interprète de la cabine française: Il y a confusion entre les décrets

 18   auxquels se réfère Me Krsnik.

 19   M. le Président (interprétation): Je crains qu'il nous faille demander aux

 20   interprètes de nous donner la traduction de l'article 2 de ce décret en

 21   version anglaise, pour ne que nous entendions où la différence se situe.

 22   Interprète: Oui, Monsieur le Président, mais quel décret?

 23   M. le Président (interprétation): Page 162, colonne de droite.

 24   M. le Président (interprétation): Oui, c'est cela.

 25   (Il est en train d'écouter la cabine anglaise.)


Page 12587

  1   Interprète de la cabine française: Nous allons donner une traduction

  2   française de ce même article 2: "Des amendes pécuniaires seront

  3   déterminées et prononcées en dinar croate dans les mêmes valeurs nominales

  4   dans lesquelles cela a été prescrit en vertu de la loi telle que cité à

  5   l'article 1 du présent décret."

  6   M. Poriouvaev (interprétation): Si vous vous penchez sur l'article 3, vous

  7   voyez que ça commence par la même phrase. Il s'agit donc… on peut

  8   compléter, mais c'est la même phrase.

  9   M. le Président (interprétation): Nous allons prendre note et vous pouvez

 10   continuer Monsieur le Procureur.

 11   M. Poriouvaev (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 12   Professeur, étiez-vous au courant de cette décision, à savoir de ce

 13   décret?

 14   M. Andrijic (interprétation): Non.

 15   Question: Que se passe-t-il pour ce qui est de votre contrôle effectif

 16   dans ce cas-là? Quand on dit "contrôle effectif", j'entends les activités

 17   déployées par les banques locales?

 18   Réponse: Il ne s'agit tout d'abord pas d'une décision émanant de la

 19   banque. Deuxièmement, je crois qu'il faut convenir de revenir en 1992 et

 20   1993 en Bosnie-Herzégovine, et voir ce qui pouvait être fait et dans

 21   quelle mesure cela pouvait être fait.

 22   Mon commentaire, si vous vous le voulez, serait le suivant. Des

 23   réglementations de ce genre vous en trouverez dans toutes les régions qui

 24   ont été définies en Bosnie-Herzégovine: Bihac, Tuzla et Zenica. Vous allez

 25   toujours voir qu'il est prévu des amendes libellées en deutsche Mark, en


Page 12588

  1   mark allemand.

  2   Question: Mais est-ce que l'une quelconque de ces décisions, voire

  3   décrets, avait été révoquée par vos soins, à savoir par les autorités de

  4   la banque appropriée?

  5   Réponse: Cela ne faisait pas partie des attributions de la banque

  6   centrale. Ces décrets ou ces lois étaient de nature fiscale, et la banque

  7   centrale ne traite que de la partie monétaire des lois.

  8   Question: Mais est-ce que vous vous étiez adressé avec une telle

  9   proposition aux autorités appropriées?

 10   Réponse: Il n'avait pas été possible de communiquer, il n'y avait pas de

 11   voie, de moyen de communication avec Sarajevo. Cela avait été impossible.

 12   Question: Il n'y avait donc pas de moyen de communiquer avec certaines

 13   parties de la Bosnie-Herzégovine. Comment les choses se passaient-elles au

 14   niveau de l'Herceg-Bosna? Y avait-il des moyens de communiquer avec

 15   l'Herceg-Bosna?

 16   Réponse: Depuis Sarajevo, il n'y avait que des moyens de communication

 17   vers quelque autre région que ce soit. Par conséquent, il n'y avait pas

 18   moyen d'envoyer des télécopies par satellite. Et tous les départements

 19   depuis Bihac, Tuzla, Zenica, Gorazde, la Bosnie centrale, puis

 20   l'Herzégovine avaient essayé dans les circonstances, qui étaient celles du

 21   moment, de faire fonctionner quelque moyen de paiement que ce soit. Il

 22   s'entend que toute région avait recherché des modalités pour que cela se

 23   fasse de la façon la plus efficace et la moins onéreuse qui soit.

 24   Question: Mais est-ce que les banques locales vous avaient informé de la

 25   situation avec le dinar croate ou avec d'autres monnaies étrangères, et


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  1   concernant les décisions ou décrets qui avaient été promulgués par les

  2   autorités locales s'agissant des usages des monnaies étrangères?

  3   Réponse: Les banques ne prenaient pas soin de cela, cela ne relevait pas

  4   de leurs attributions. Cela est du domaine de la politique fiscale. Ce

  5   n'est pas un domaine pour ce qui est, par exemple, de la prescription des

  6   sanctions. Et je dirai que tout département en Bosnie-Herzégovine avait

  7   adopté à l'époque une réglementation locale, alors que les sanctions

  8   avaient, comme ici, été prescrites dans une monnaie qui était disponible,

  9   à savoir la monnaie en espèces. Rien n'avait fonctionné sans monnaie en

 10   espèces parce que l'économie ne tournait pas.

 11   Question: Monsieur, il est tout à fait clair que la situation a été

 12   difficile. Mais si des amendes étaient censées être payées au travers des

 13   banques et devaient être payées par le biais des banques, les banques qui

 14   exerçaient leur travail devaient être au courant de la situation avec les

 15   monnaies?

 16   Réponse: Vous n'avez pas raison. Cela se passait par le biais du service

 17   de comptabilité publique et cela, à l'époque, était payé en espèces au

 18   niveau du tribunal même. Il y avait certains segments de ces paiements qui

 19   se faisaient par le biais du service de comptabilité, mais il n'y avait

 20   pratiquement pas de paiement en argent scriptural.

 21   Question: Monsieur, dans votre rapport, au point "G", vous dites que très

 22   souvent les opérations de paiement étaient effectuées en monnaies stables,

 23   et vous indiquez le dollar américain, le mark allemand, le franc suisse et

 24   le dinar croate. Est-ce que vous estimez que le dinar croate était à

 25   l'époque une monnaie stable?


Page 12590

  1   Réponse: Je ne pense pas, c'est un fait que cela avait été à l'époque une

  2   monnaie stable.

  3   Question: Est-ce que vous voulez dire par là que le dinar croate avait été

  4   une monnaie stable en 1992?

  5   Réponse: Cette monnaie était relativement stable, elle était rattachée au

  6   mark allemand et le taux de change variait très peu.

  7   Question: Est-ce que cette monnaie-là était convertible?

  8   M. Andrijic (interprétation): La notion de convertibilité devrait faire

  9   l'objet d'un débat quelque peu plus large. Une monnaie est considérée

 10   comme étant convertible lorsque les gens veulent bien d'elle, mais la

 11   notion de convertibilité n'est plus une notion classique et il est très

 12   difficile de parler à l'époque actuelle de la convertibilité des monnaies.

 13   M. Poriouvaev (interprétation): Monsieur le Professeur, je voudrais qu'on

 14   vous montre une pièce à conviction qui serait celle qui porte la cote

 15   4933.

 16   (Intervention de l'huissier.)

 17   Afin de faciliter notre tâche ici, j'ai rattaché à cette première page des

 18   copies d'extraits de journaux qui reproduisent les taux de change

 19   officiellement en vigueur au sein de la République de Croatie.

 20   Monsieur le Professeur, j'aimerais vous demander de vous pencher sur cette

 21   première page et si vous le souhaitez vous pouvez également consulter les

 22   extraits du journal Vijesnik qui sont joints.

 23   (Le témoin parcourt le document.)

 24   Monsieur le Professeur, vous venez de dire à la Chambre de première

 25   instance que le dinar croate était une monnaie relativement stable. Je


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  1   vous prie maintenant de vous pencher sur le mois de janvier 1992 où le

  2   rapport était de 55 dinars croates pour un deutsche Mark. Puis je vous

  3   prie de voir le mois de novembre 1992, le taux de change a évolué de six

  4   fois au détriment du dinar croate.

  5   M. le Président (interprétation): Maître Krsnik.

  6   M. Krsnik (interprétation): Monsieur le Président, pour le malentendu de

  7   tout à l'heure, c'est moi qui ai eu tort parce que j'ai regardé, je me

  8   suis penché sur l'article du mauvais décret. Je crois que vous l'avez

  9   compris, mais maintenant je tenais à préciser pour ce qui est de la

 10   version croate, il est question d'un taux de change afférant à 100 marks

 11   allemands, et on dit 5546,4215 pour ce qui est du taux de change.

 12   Je ne sais pas qui a préparé cette pièce à conviction, qui est celle de

 13   P933, je ne sais pas si c'est un expert financier, mais ceci ne correspond

 14   pas du tout au taux de change qui est donné par le journal Vijesnik; l'un

 15   n'a rien à voir avec l'autre. Jamais il n'est dit qu'un mark allemand

 16   était changé pour 55 dinars croates, parce qu'on avait toujours pris le

 17   taux de change pour 100 marks allemands tant de dinars, et vous verrez

 18   dans l'original qu'on dit 1.000 shillings font tant de dinars, un dollar

 19   américain fait tant de dinars, et ainsi de suite.

 20   M. le Président (interprétation): Maître Krsnik, M. le témoin est un

 21   expert en la matière, il sera tout à fait à même de nous dire de quoi il

 22   s'agit.

 23   (Le témoin lit le document.)

 24   M. Andrijic (interprétation): Allez-y.

 25   M. Poriouvaev (interprétation): Seriez-vous d'accord avec moi pour dire


Page 12592

  1   que le dinar croate n'avait pas été une monnaie stable à l'époque?

  2   Réponse: Moi, j'étais en train de parler des années 1993 et 1994.

  3   Question: Mais nous sommes en train de parler des années 1992 et 1993.

  4   C'était la période où vous vous trouviez à la tête de la banque centrale.

  5   Aurais-je donc raison de dire que le dinar croate avait une valeur

  6   décroissante à l'époque?

  7   Réponse: Oui, à l'égard des monnaies étrangères, mais pour ce qui est du

  8   pouvoir d'achat en Croatie, même la valeur de cette monnaie ne chutait

  9   pas.

 10   Question: Mais il serait exact de parler d'hyper-inflation?

 11   Réponse: Oui, par rapport aux monnaies étrangères, mais l'inflation est

 12   mesurée par rapport au pouvoir d'achat d'une monnaie nationale.

 13   Question: Pourquoi pensez-vous que les dirigeants d'Herceg-Bosna n'avaient

 14   pas choisi d'introduire le mark allemand pour faire de cette monnaie-là la

 15   monnaie utilisée dans la région ou sur le territoire?

 16   Réponse: Il y avait probablement des disponibilités d'usage du dinar

 17   croate, et deuxièmement tout le commerce vers la Bosnie-Herzégovine, donc

 18   non seulement au sein de l'Herceg-Bosna mais vers la Bosnie-Herzégovine se

 19   passait au travers de la Croatie. Et il avait été tout à fait justifié

 20   d'utiliser la monnaie étrangère du pays avec lequel il y avait des

 21   échanges commerciaux les plus importants. C'est ce qui s'était avéré comme

 22   étant économiquement parlant la chose la plus justifiée à faire.

 23   Question: Comment se fait-il que cela puisse être justifié sur le plan

 24   économique?

 25   Réponse: Vous avez des échanges qui sont de la plus grande envergure avec


Page 12593

  1   ce pays, et il n'y a pas de nécessité de procéder à des conversions de

  2   monnaie, et les paiements pouvaient être effectués directement dans la

  3   monnaie concernée. Cela arrive très souvent même en temps de paix.

  4   Question: N'avait-il pas été plus sage d'utiliser le mark allemand comme

  5   étant une monnaie convertible pour avoir un fonctionnement stable du point

  6   de vue économique?

  7   Réponse: Il fallait tout simplement avoir suffisamment d'espèces en mark

  8   allemand, ce qui signifiait que les marchandises importées en Bosnie-

  9   Herzégovine en provenance de Croatie devaient être payées en monnaie

 10   étrangère, à savoir en mark allemand, puis refaire la conversion en dinar

 11   croate. Je pense que cela n'était pas justifié, cela avait été tout à fait

 12   injustifié sur le plan économique. Et il était justifié, dans de telles

 13   situations, de mettre en place -pas de mettre en place- d'utiliser,

 14   disons, la monnaie du pays avec lequel vous aviez des échanges commerciaux

 15   des plus grands, des plus importants.

 16   Question: Mais vous savez parfaitement bien que l'Herceg-Bosna n'était pas

 17   une île isolée, il était tout à fait aisé au contraire d'introduire le

 18   mark allemand, n'est-ce pas?

 19   Réponse: Non, je vous explique une fois de plus qu'il était tout à fait

 20   justifié, normal d'utiliser la monnaie du pays à partir duquel vous

 21   importiez le plus parce qu'il n'y avait pas à faire des conversions entre

 22   trois monnaies pour satisfaire à vos obligations. Et les importations

 23   faites par l'Herceg-Bosna concernaient toute la région, tout le territoire

 24   de la Bosnie-Herzégovine: pour le département de Sarajevo, pour le

 25   département de Tuzla et ainsi de suite. C'était la seule façon, la seule


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  1   voie d'accès de marchandises à l'époque.

  2   Question: Ce que vous êtes donc en train de nous dire c'est que le dinar

  3   croate pouvait être imprimé en Croatie et envoyé en Herceg-Bosna?

  4   Réponse: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

  5   Question: Mais où cela était-il imprimé?

  6   Réponse: Je pense en Allemagne, pour autant que je le sache.

  7   Question: Professeur, serait-il juste de dire que la décision de prendre

  8   le système financier national, pour ce qui est d'une monnaie faible,

  9   n'était pas en fait une chose qui avait été motivée par des raisons

 10   pragmatiques mais par des raisons politiques?

 11   Réponse: Non, les raisons étaient tout à fait pragmatiques et économiques.

 12   Question: Une autre question qui concerne votre position de gouverneur.

 13   Vous avez expliqué tout à l'heure à la Chambre de première instance qu'au

 14   mois d'avril votre rapport avait été approuvé par la présidence de la

 15   Bosnie-Herzégovine, et tout à coup en octobre 1993 vous aviez été révoqué

 16   de ces fonctions?

 17   Réponse: C'est exact.

 18   Question: Pourriez-vous expliquer un peu mieux avec davantage de détails

 19   les raisons pour lesquelles cette décision vous concernant était prise, et

 20   d'après la façon dont vous avez compris cela?

 21   Réponse: Je pense que je vais pouvoir parler de fait et non pas de la

 22   façon dont j'ai compris les choses. Tout d'abord, ma révocation avait été

 23   illicite et n'avait pas été le résultat d'un mauvais travail de ma part.

 24   Nous avions travaillé au maximum dans les circonstances données, les

 25   circonstances du moment.


Page 12595

  1   Deuxièmement, j'avais été le dernier croate dans les organes de la

  2   République de Bosnie-Herzégovine qui n'avait pas voulu quitter ces

  3   fonctions à Sarajevo. Aussi la seule solution possible était celle de ma

  4   révocation. Bien entendu, j'ai continué à exercer mes fonctions à la

  5   faculté de Sarajevo, et à partir du moment où il avait été possible,

  6   physiquement parlant, de revenir, j'ai exercé mes tâches aussi bien à la

  7   faculté de Zenica, en passant de Tacin par Kresevo et pour arriver à

  8   Zenica.

  9   Aussi ce que je pourrais en dire et en conclure c'est que, pour ce qui est

 10   des tâches de gouverneur, il n'y avait aucune raison de me révoquer. Je

 11   répète donc que j'ai été révoqué parce que je ne voulais pas m'en aller de

 12   Sarajevo.

 13   Question: Professeur, serait-il exact de dire qu'à un moment donné vous

 14   aviez travaillé en qualité de président du comité de gestion chargé du

 15   programme de privatisation au sein de la Fédération?

 16   Réponse: Oui, j'avais été le premier président du comité d'administration

 17   de cette agence fédérale chargée de la privatisation. D'ailleurs, c'est

 18   une chose que j'avais déjà précisée.

 19   Question: Serait-il exact de dire, Professeur, qu'au mois de mai de l'an

 20   2000 vous avez été révoqué de cette position par le Bureau du haut

 21   représentant?

 22   Réponse: C'est exact.

 23   Question: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi? Quelles avaient été les

 24   raisons?

 25   Réponse: Je vais être bref. Je puis vous montrer la lettre ouverte que


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  1   j'ai adressée à M. Petritsch après ma révocation, et vous y trouverez

  2   l'explication complète, mais en une seule phrase. Si vous souhaitez

  3   entendre ces raisons, je dirais ce qui suit.

  4   Je n'ai jamais été une personne obéissante lorsque j'exerçais des

  5   fonctions, et comme je n'étais pas en mesure d'accepter qu'on me donne des

  6   ordres, des ordres émanant du haut représentant pour ce qui est de la mise

  7   en application de la privatisation au-delà des normes et de la législation

  8   en vigueur, il s'en est ensuivi une révocation.

  9   Question: Mais vous étiez censé approuver ou exécuter les instructions ou

 10   les ordres émanant du haut représentant?

 11   Réponse: Non, il n'y avait pas d'instruction ou d'ordre qui se trouvait

 12   au-dessus de la loi, mais il y avait eu des ordres donnés verbalement qui

 13   m'avaient demandé de travailler en dehors du cadre des lois. Et s'agissant

 14   des ordres écrits, ils ont toujours été réalisés. J'ai d'ailleurs souvent

 15   demandé dans mes entretiens avec le bureau du haut représentant de faire

 16   en sorte que ce qu'il me demandait oralement devait faire l'objet de

 17   décision du haut représentant et que ces décisions seraient

 18   alors réalisées. Mais aucun ordre verbalement donné ne pourrait être

 19   accepté par mes soins pour une mise en œuvre quelconque. Car il n'est

 20   guère logique qu'une personne qui avait auparavant réalisé un projet de

 21   privatisation, une personne qui avait rédigé avec une équipe à elle des

 22   textes de loi de privatisation, et en ma qualité du comité

 23   d'administration de cette agence chargée de la privatisation…

 24   Question: Excusez-moi.

 25   Réponse: Fasse obstruction à la réalisation même du projet professionnel


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  1   qui émane de cette même personne. Vous devez tout de même avouer que cela

  2   serait illogique.

  3   Question: Mais qui vous avez donné des ordres verbaux?

  4   Réponse: Des représentants du bureau du haut représentant.

  5   Question: Pouvez-vous nous fournir des noms ou des fonctions?

  6   M. Andrijic (interprétation): A mes yeux, les noms importent peu. Pour

  7   tout ce qui se faisait au niveau du haut représentant, la responsabilité

  8   doit être assumée par le haut représentant. Lorsque j'étais doyen à la

  9   faculté, j'étais devenu responsable de ce qui faisait à la faculté.

 10   M. Poriouvaev (interprétation): Je voudrais que l'on montre maintenant au

 11   témoin la pièce à conviction 932.

 12   (Intervention de l'huissier.)

 13   Malheureusement ce document est en langue anglaise uniquement, mais ce qui

 14   nous intéresse en fait porte sur deux phrases. On peut peut-être demander

 15   l'aide des interprètes. Il s'agit du passage qui porte sur les raisons de

 16   la révocation de M. M. Andrijic.

 17   M. Krsnik (interprétation): Votre honneur, je pense qu'en accord avec

 18   votre habitude consistant à traiter le témoin avec égalité, il faudrait

 19   demander aux interprètes de traduire l'ensemble du texte qui porte sur les

 20   raisons de sa révocation, à moins que son anglais lui permette de

 21   comprendre le texte.

 22   M. Andrijic (interprétation): Oui, en effet j'entends et cela me convient.

 23   M. le Président (interprétation): En effet, le témoin connaît cette

 24   décision, nous devons demander au témoin d'expliquer ce qu'il en pense.

 25   Vous avez la parole Monsieur le Témoin.


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  1   M. Andrijic (interprétation): Je voudrais demander aux interprètes de bien

  2   vouloir faire une traduction en vue de cet article, s'il vous plaît.

  3   M. le Président (interprétation): Le Procureur, pouvez-vous nous dire quel

  4   est le texte exactement qui vous intéresse?

  5   M. Poriouvaev (interprétation): D'abord le passage décision à la page 1 du

  6   document 932, et puis peut-être aussi le reste du texte si ce n'est pas

  7   trop, ainsi nous aurons toutes les informations et ce sera en effet tout à

  8   fait juste auprès du témoin. D'accord?

  9   M. le Président (interprétation): Voulez-vous, s'il vous plaît, nous

 10   donner lecture de ce passage et les interprètes vont l'interpréter à vue.

 11   M. Poriouvaev (interprétation): D'accord.

 12   "Décision: retirer M. Stiepo Andrijic de sa position de président du

 13   gestion de l'agence fédérale de privatisation. Cette décision prend effet

 14   immédiatement.

 15   Les raisons pour la révocation: Monsieur Stiepo Andrijic a de façon

 16   persistante et grave empêché dans de nombreux cas le processus de

 17   privatisation de se poursuivre dans la fédération de Bosnie-Herzégovine en

 18   sa qualité de président du conseil de gestion de l'agence fédérale de

 19   privatisation.

 20   En particulier, M. Stiepo Andrijic est responsable d'avoir retardé

 21   l'adoption des règlements en accord avec les normes internationales

 22   nécessaires pour la mise en place d'un système d'offres et d'appels

 23   d'offres transparents. La non-adoption de ces réglementations a eu pour

 24   résultat des résultats à ces appels d'offres insatisfaisants et un manque

 25   évident de transparence.


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  1   Deuxième point. Il a insisté contre l'avis des experts tant nationaux

  2   qu'internationaux en matière de privatisation sur l'adoption d'un délai

  3   arbitraire et non nécessaire fixé au 29 février 2000 pour la publication

  4   de l'ensemble de ces appels d'offre. Cette date, ce délai a fait que les

  5   entreprises ont été privatisées sans le niveau de préparation acceptable

  6   nécessaire, et cela s'est fait dans le cadre de réglementations erronées.

  7   Pour ces deux raisons, le gouvernement de la Fédération de Bosnie-

  8   Herzégovine a dû annoncer la suspension de ce processus d'appel d'offres.

  9   Contrairement à l'avis exprimé par le HCR, visant à mettre en œuvre les

 10   recommandations formulées par la Commission de surveillance des

 11   privatisations, alors que le respect de ces recommandations aurait

 12   entraîné la vente de grands hôtels, entre autres, dans le cadre d'une

 13   réglementation de privatisation à grande échelle qui aurait eu des

 14   résultats plus satisfaisants.

 15   En empêchant la mise en oeuvre des accords du gouvernement fédéral avec la

 16   communauté internationale, ces accords comprenaient un certain nombre

 17   d'entreprises stratégiques qui ont été offertes à des investisseurs, et

 18   l'annonce faite le 10 mai 2000 par M. Andrijic est allée en désaccord avec

 19   ce texte."

 20   Monsieur le Témoin, s'agit-il là d'ordres verbaux concernant la mise en

 21   oeuvre du programme de privatisation ou est-ce que c'était M. Petritsch ou

 22   quelqu'un d'autre qui vous aurait donné ces ordres?

 23   M. Andrijic (interprétation): Je vais renvoyer à la Chambre ma propre

 24   lettre que j'ai envoyée à M. Petritsch portant sur les différents éléments

 25   de cette décision. Mais je pense, en effet, qu'il me faut vous donner


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  1   quelques explications préalables.

  2   D'abord, pour commencer, la décision visant à révoquer le président du

  3   conseil de gestion de l'agence de privatisation a été supprimée. En fait,

  4   ce conseil de gestion comportait 9 membres, chacun avait une voix. Cela

  5   signifie que le président ne pouvait rien faire contre les 8 autres. Le

  6   simple fait de révoquer le président… En fait, on a gardé les 8 autres.

  7   C'est cela que signifie cette décision. Ma voix n'avait pas plus

  8   d'importance que les autres. Toutes les décisions sont adoptées par le

  9   Conseil, aucune décision ne pouvait être prise sans l'accord du conseil.

 10   Premier point.

 11   Deuxième point. C'est un sujet de fond, c'est fondamental. J'ai déjà

 12   expliqué que cela n'a pas de sens et je vous prie de m'excuser si je

 13   prononce le mot de folie. Ce serait une folie pour un professeur qui a

 14   consacré toute sa vie à la privatisation, que cette même personne puisse

 15   empêcher le projet d'être réalisé. Donc tout cela est tout à fait injuste

 16   et va à l'encontre de la loi.

 17   En effet, on indique ici le délai du 29 mai, c'était la date qui figurait

 18   dans les textes réglementaires. Le texte parle des grands hôtels, etc.,

 19   les hôtels ont été privatisés en accord avec la loi, en conformité avec la

 20   loi. Le texte porte également sur une décision du gouvernement qui devait

 21   être changée.

 22   Dans notre texte de loi portant sur la privatisation, le mot

 23   "gouvernement" n'est pas utilisé une seule fois. Notre loi sur la

 24   privatisation n'accorde aucun pouvoir au gouvernement. C'est d'ailleurs

 25   tout à fait logique. Vous ne pouvez pas avoir un gouvernement qui va durer


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  1   peut-être deux ou trois mois et qui devra décider du destin de propriétés

  2   qui existent depuis des générations. Le fait donc de mentionner le

  3   gouvernement dans le contexte de la privatisation n'est pas convenable;

  4   c'est erroné.

  5   Je vous expliquerai rapidement. Vous savez le peu de propriété qui

  6   subsistait… On ne pouvait pas admettre que les propriétaires deviennent

  7   des citoyens de la Fédération. Et si on ne pouvait permettre qu'ils soient

  8   contournés, il fallait néanmoins agir en conformité avec la loi et il

  9   fallait trouver un coupable, et donc le coupable c'était tout simplement

 10   celui qui ne permettait pas le respect de la loi, plutôt le non-respect de

 11   la loi.

 12   Question: Merci beaucoup. Mais je vous poserai une question brève: qui

 13   vous a donné des ordres illégaux à vos yeux oralement?

 14   Réponse: Ce qui est écrit ici, tout cela va à l'encontre de la loi et à

 15   l'encontre de nos règlements en matière de privatisation. Peu importe que

 16   ce soit le député de M. Petritsh ou de son clerc, ce sont les

 17   représentants de l'OHR. Naturellement, c'est M. Petritsh qui porte la

 18   responsabilité.

 19   Question: Professeur, serait-il juste de dire que dans ce contexte, alors

 20   que vous étiez président de ce conseil, vous aviez accordé certains

 21   avantages aux Croates bosniaques et aux Croates de manière générale dans

 22   la mise en oeuvre des projets de privatisation?

 23   Réponse: Puis-je répondre dans notre belle langue croate? Cela n'est pas

 24   vrai. J'ai coopéré plutôt davantage avec les zones musulmanes, car ces

 25   zones avaient besoin davantage d'assistance. Les séances du conseil de


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  1   gestion avaient lieu à plus de 90% dans les sièges des comtés puisque nous

  2   pensions que cela les aiderait.

  3   M. Poriouvaev (interprétation): Lorsqu'il s'agit d'hôtels, savez-vous qui

  4   a obtenu la propriété de ces hôtels suite à la privatisation?

  5   M. Andrijic (interprétation): Eh bien, je vous garantis que la

  6   privatisation de l'hôtel à Sarajevo qui s'appelle Holiday Inn -c'est bien

  7   de celui-là qu'il s'agit-, il y avait un appel d'offres publiques et je

  8   peux vous assurer que cet appel d'offre s'est fait selon les règles. Par

  9   la suite, lorsque j'ai été révoqué, il y a eu des tentatives pour annuler

 10   cette vente, mais cela n'a pas été fait puisqu'on n'a pas pu trouver de

 11   défaut à cette privatisation.

 12   M. Krsnik (interprétation): Il s'agit de l'Holiday Inn, l'hôtel s'appelle

 13   Holiday Inn pour le transcript. Mais ce que je voudrais dire c'est qu'il

 14   s'agit ici d'un témoin expert. Ses connaissances peuvent être remises en

 15   cause, mais je crois que chacun voit ce que fait l'accusation.

 16   On essaie de porter du discrédit sur ce témoin, je pense qu'on essaie de

 17   discréditer le témoin et non pas ce qu'il dit. Evidemment, je suis très

 18   heureux qu'on ait pu parler de la réalité à l'époque en Bosnie-

 19   Herzégovine, et je suis très heureux que vous ayez pu entendre comment on

 20   a pu violer les principes de la démocratie au nom de la démocratie.

 21   M. le Président (interprétation): Je pense que votre dernière question

 22   était un tout petit peu en dehors de la portée de cet interrogatoire.

 23   M. Poriouvaev (interprétation): Eh bien, pour qu'un témoin soit crédible,

 24   il doit être crédible en tant qu'individu. C'était en effet le but de ma

 25   question, c'était de discréditer le témoin.


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  1   M. le Président (interprétation): Je pense que vous vous approchez de la

  2   fin, essayez d'accélérer si vous pouvez.

  3   M. Poriouvaev (interprétation): Dernière question. Est-il vrai que la Kuna

  4   croate est encore utilisée à l'Ouest de Mostar?

  5   M. Andrijic (interprétation): Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

  6   Question: Est-ce que c'est utilisé pour des paiements?

  7   Réponse: Seulement dans des paiements scripturaux en monnaie étrangère. En

  8   espèces, pour dire la vérité, à Mostar et en Bosnie-Herzégovine, on

  9   utilisait les monnaies qu'on avait dans la poche. Et en ex-Yougoslavie

 10   pour tout ce qui étaient paiements scripturaux, ils utilisaient des marks

 11   allemands ou des shillings autrichiens, c'est-à-dire les monnaies

 12   convertibles; et en effet la Kuna croate est également une monnaie

 13   étrangère.

 14   M. Poriouvaev (interprétation): C'était ma dernière question.

 15   M. le Président (interprétation): Contre-interrogatoire?

 16   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Stiepo Andrijic, par

 17   Me Krsnik.)

 18   M. Krsnik (interprétation): Je n'avais pas prévu de poser des questions,

 19   mais je dois clarifier certains points.

 20   Monsieur le Professeur, aviez-vous un droit d'appel à l'encontre de cette

 21   décision?

 22   M. Andrijic (interprétation): Non.

 23   Question: Vous voulez dire qu'on pouvait prendre une décision pour vous

 24   révoquer?

 25   Réponse: C'était comme cela. Cela va à l'encontre de la Constitution.


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  1   Question: Je ne comprends pas.

  2   Réponse: Eh bien, cette personne va à l'encontre de la Constitution.

  3   Question: Qu'est-ce que vous voulez dire? S'agissait-il du parlement qui a

  4   promulgué la Constitution?

  5   Réponse: Non.

  6   Question: Dites-nous, est-ce que la même personne, le haut représentant,

  7   est-ce qu'il a révoqué d'autres personnes, les a relevées de leurs

  8   fonctions?

  9   Réponse: Oui. Et j'aimerais ajouter une phrase. A ce moment-là, on m'a

 10   supprimé mes droits civiques dans le pays dans lequel je suis né.

 11   Question: Je ne comprends pas?

 12   Réponse: C'est un fait.

 13   Question: Pouvez-vous expliquer?

 14   Réponse: Eh bien, je n'ai plus le droit d'occuper un poste élu.

 15   Question: Qui vous en empêche?

 16   Réponse: Eh bien, cette décision.

 17   Question: Y a-t-il d'autres individus qui n'ont plus le droit d'être élus?

 18   Réponse: J'aimerais mieux ne pas en parler, mais je vous dirai la chose

 19   suivante: je suis la seule personne qui ait été révoquée d'un poste

 20   professionnel et non pas politique, et maintenant on me renie mes droits

 21   civiques: je ne peux pas être élu à un poste électif. Ceci va à l'encontre

 22   de la déclaration internationale des Droits de l'homme. On m'a supprimé le

 23   droit d'exercer mes fonctions et j'ai subi donc un préjudice financier.

 24   Question: Avez-vous essayé de faire appel?

 25   Réponse: Oui, les autorités m'ont dit que la décision était définitive, la


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  1   décision de M. Petritsch et qu'il n'y avait pas de droit d'appel.

  2   Question: Mais d'où viennent ces droits du haut représentant? D'où cela

  3   vient-il?

  4   Réponse: Je ne sais pas.

  5   Question: Savez-vous que certains juges et ainsi que des procureurs ont

  6   été révoqués de leurs fonctions?

  7   Réponse: C'est vrai.

  8   Question: Dites-nous, vous n'avez pas été révoqué parce que vous avez

  9   refusé d'accorder la préférence aux usines autrichiennes et à la capitale

 10   autrichienne?

 11   Réponse: Je préférerais ne pas entrer dans la discussion de cette

 12   privatisation qui a eu lieu après ma révocation. En effet, il y a certains

 13   détails qu'il faudrait regarder de plus près.

 14   Question: Pouvez-vous nous dire si le dinar bosniaque a été frappé? Est-ce

 15   que le dinar a été frappé?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Quand et où?

 18   Réponse: A Celje

 19   Question: Dans quelle République se trouve cette ville?

 20   Réponse: En Slovénie.

 21   Question: Et d'autres billets ont été frappés en 1993?

 22   Réponse: Non, parce que nous n'avions pas les moyens, et deuxièmement il y

 23   avait des problèmes de transport. La valeur et la quantité frappée la

 24   première fois… Enfin c'était la seule fois.

 25   Question: En fait, il n'y avait pas en Bosnie, c'est-à-dire à Sarajevo de


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  1   dinar bosniaque?

  2   Réponse: Non ou très peu, parce que les prix augmentaient très rapidement

  3   et donc la valeur nominale ne représentait qu'environ 5% de tous les

  4   paiements.

  5   M. Krsnic (interprétation): Est-ce que cela signifie Monsieur le

  6   Professeur que c'était plus cher de frapper la monnaie que la valeur

  7   faciale de cette même monnaie?

  8   M. Andrijic (interprétation): Eh bien, étant donné qu'elle était plus ou

  9   moins convertible, il fallait investir à peu près autant d'argent que pour

 10   l'imprimer.

 11   M. le Président (interprétation): Nous voyons très clairement cela dans le

 12   témoignage écrit de ce témoin.

 13   M. Krsnik (interprétation): Oui, tout à fait votre Honneur, mais en fait

 14   mes questions découlent des questions posées par mon confrère concernant

 15   le système de paiement à Sarajevo. On a même dit que le paquet de

 16   cigarettes était utilisé comme monnaie d'échange.

 17   Pouvez-vous nous dire comment vous avez reçu paiement de votre salaire à

 18   l'université?

 19   M. Andrijic (interprétation): Eh bien, en général c'était de l'aide

 20   humanitaire très souvent, et s'il y avait des espèces c'étaient en marks

 21   allemands.

 22   Question: Avez-vous reçu des cigarettes en guise de paiement?

 23   Réponse: Oui, tout à fait.

 24   Question: Monsieur le Professeur, y a-t-il une différence entre la

 25   comptabilité financière, la science, l'enseignement et les systèmes de


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  1   paiements et les transactions financières?

  2   Réponse: Eh bien, tout cela fait partie des sciences économiques, mais le

  3   domaine monétaire est un peu à part de tout ce qui est politique

  4   budgétaire, et en fin de compte la banque nationale est souveraine. C'est

  5   la seule autorité qui prend les décisions, et la politique budgétaire

  6   relève du gouvernement et notamment du ministre de l'Economie et des

  7   Finances. Ce sont deux choses qui sont incompatibles du point de vue de la

  8   prise de décision.

  9   Question: Vous êtes expert en banque et en politique monétaire?

 10   M. Andrijic (interprétation): Tout à fait.

 11   M. Krsnik (interprétation): Merci beaucoup, je n'ai plus de question.

 12   Merci votre honneur.

 13   M. le Président (interprétation): Le Juge Clark a une question.

 14   (Questions au témoin, M. Stiepo Andrijic, par Mme la Juge Clark.)

 15   Mme Clark (interprétation): Je poserai très peu de questions car nous

 16   aurons bientôt une pause et je crois que nous avons un autre témoin qui

 17   nous attend. Vous nous avez expliquer dans votre rapport que suite à

 18   l'écroulement du dinar de Bosnie-Herzégovine qui s'est produit très peu de

 19   temps après sa création, la monnaie croate n'était qu'une parmi d'autres

 20   monnaies étrangères qui était utilisée à l'époque sur le territoire de

 21   Bosnie-Herzégovine, c'est bien cela?

 22   M. Andrijic (interprétation): Oui. Elle était utilisée comme toute autre

 23   monnaie étrangère.

 24   Question: Est-ce que le dinar a complètement disparu à cette époque?

 25   Réponse: Oui, il y avait des quantités et de cette monnaie puisque tout ce


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  1   qui était transaction scripturale, c'est-à-dire les comptes courants,

  2   c'était vraiment négligeable. Il n'y avait pas grand chose. Et les

  3   espèces, il n'y avait plus d'espèces dans cette monnaie.

  4   Question: Je vous pose la question suivante pour savoir si vous pouvez

  5   nous répondre puisque vous étiez impliqué dans la politique monétaire et

  6   financière: à l'extérieur de Sarajevo, dans d'autres zones de Bosnie-

  7   Herzégovine, comment est-ce que les forces de l'armée et du HVO étaient

  8   payées puisqu'il y avait des combats à Bihac et ailleurs? Comment est-ce

  9   qu'ils touchaient leur solde en 1992 et 1993? J'exclus évidemment

 10   l'Herceg-Bosna, mais à l'intérieur de la Bosnie?

 11   Réponse: Eh bien, il y avait très peu de paiement aux militaires. Ils

 12   vivaient essentiellement de l'aide humanitaire. Je ne peux pas dire qu'ils

 13   recevaient vraiment une solde à ce moment-là. Du fait de la privatisation,

 14   ces salaires ou soldes étaient versés sous forme de bons d'achat dans le

 15   processus de la privatisation.

 16   Ce que je veux dire c'est que les salaires ont été payés plus tard sous

 17   forme de certificats qu'on pouvait utiliser dans le processus de

 18   privatisation, et même chose pour le HVO et pour l'armée.

 19   Question: Une sorte de reconnaissance de dettes alors. Je vais vous poser

 20   maintenant une question à laquelle vous pourrez peut-être répondre. En

 21   République de Croatie, pendant l'époque très difficile pour la population

 22   de ce pays, en 1992 et 1993, comment est-ce que les soldats de la

 23   République de Croatie ont été payés? Est-ce qu'ils étaient payés en dinar

 24   croate ou en monnaie forte?

 25   Réponse: Je ne sais pas exactement s'ils recevaient leur solde ou pas.


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  1   S'ils la recevaient, c'était sans doute dans leur monnaie nationale.

  2   Question: Est-ce que vous savez si les citoyens de la Croatie à l'époque

  3   étaient satisfaits de recevoir des paiements dans leur monnaie nationale

  4   ou est-ce qu'ils insistaient pour avoir des dollars ou des shillings

  5   autrichiens, des francs suisses, ou en monnaie forte?

  6   Réponse: Il n'y avait pas de problème si l'on touchait de l'argent en

  7   monnaie nationale, en dinar croate, les gens très rapidement les

  8   convertissaient en monnaie forte. Les gens ne trouvaient donc pas que

  9   c'était particulièrement important.

 10   Question: Je crois que vous avez dit, Monsieur le Professeur, que le fait

 11   que la monnaie croate était utilisée par le HVO en Herceg-Bosna comme

 12   monnaie officielle ne signifiait pas nécessairement qu'il y avait une

 13   participation de la République de Croatie dans leurs affaires. Je crois

 14   que c'est cela l'essentiel de ce que vous avez dit. Est-ce que vous

 15   acceptez la possibilité que l'on peut interpréter ainsi?

 16   Réponse: Eh bien, une analyse objective logique et même scientifique

 17   montrerait qu'il s'agissait de relations économiques, de problèmes

 18   économiques et qu'il n'y avait pas de composante politique à cela parce

 19   qu'au bout du compte, aussi bien dans l'armée de Bosnie-Herzégovine que

 20   dans les régions dites musulmanes, les marks allemands étaient utilisés.

 21   Et à mon sens, c'est aussi une monnaie étrangère. Le dollar aussi bien sûr

 22   était utilisé, et toutes les autres devises étrangères.

 23   Mais dans les zones contrôlées par l'armée Bosnie-Herzégovine, même les

 24   paiements scripturaux étaient faits, à partir de l'automne 1992, en marks.

 25   Alors même les comptes courants et les comptes en banque étaient en marks.


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  1   En ce sens, on ne peut pas faire de distinction entre les parties de

  2   Bosnie-Herzégovine non plus, soit par le fait qu'on utilisait les monnaies

  3   étrangères parce qu'on les utilisait un petit peu partout de la même

  4   façon.

  5   Question: Une dernière question. Est-ce que vous savez, compte tenu des

  6   arguments que vous avez avancés à propos de la Croatie, qui était le

  7   principal fournisseur de biens qui étaient nécessaires à la Bosnie-

  8   Herzégovine? Autrement dit le principal importateur de marchandises serait

  9   aussi un exportateur de marchandises. Mais pour les citoyens de Bosnie-

 10   Herzégovine y compris d'Herceg-Bosna, la Croatie était le principal

 11   fournisseur, et par conséquent ce serait économiquement raisonnable que

 12   les parties de Bosnie-Herzégovine fassent leur commerce en monnaie croate.

 13   Est-ce que vous savez si de façon générale dans les zones contrôlées par

 14   les Musulmans, par les Bosniaques, les mêmes arguments valent, et que la

 15   monnaie croate était généralement utilisée?

 16   Réponse: La monnaie croate était utilisée dans la mesure où on en

 17   disposait. Par exemple, à Zenica et Tuzla, les marchandises étaient payées

 18   en dinar croate si on en avait. Ce n'était pas qu'on préférait une monnaie

 19   à une autre. On utilisait tout, on utilisait ce qu'on avait pour payer les

 20   marchandises. A Sarajevo, j'avais des dinars croates dans ma poche, c'est

 21   ce que j'utilisais pour mes paiements.

 22   Question: Alors, comment est-ce que vous expliquiez qu'il y avait des

 23   dinars croates en Bosnie-Herzégovine? On les envoyait de Croatie? Comment

 24   cela se fait qu'on en trouvait, alors que de façon générale on ne

 25   disposait pas tellement d'argent?


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  1   Réponse: Bien. Vous savez que la Croatie avait un certain nombre de

  2   réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine et ces gens-là recevaient de

  3   l'argent, ils étaient logés. Il y avait plus d'un million de réfugiés de

  4   Bosnie-Herzégovine et de Croatie, ils étaient logés, on leur donnait de

  5   l'aide alimentaire, mais on leur donnait également une compensation ou des

  6   indemnités monétaires, et c'était versé en dinar croate.

  7   C'était beaucoup d'argent qui était donné et qui venait du budget et qui

  8   était donné aux citoyens croates de Bosnie-Herzégovine. Lorsqu'ils

  9   arrivaient dans une région donnée, ils portaient avec eux des dinars

 10   croates. Et n'importe où en Bosnie-Herzégovine, ils pouvaient utiliser les

 11   dinars croates pour leurs paiements, à Bihac, Tuzla, Zenica. Ils pouvaient

 12   en même temps utiliser des shillings, des deutsche marks, etc.

 13   Mme Clark (interprétation): Je vous remercie d'avoir répondu à mes

 14   questions Monsieur le Professeur.

 15   (Questions au témoin, M. Stiepo Andrijic, par Mme la Juge Diarra.)

 16   Mme Diarra: Merci, Monsieur le Président.

 17   Professeur, je voudrais savoir si vous avez fait l'objet de poursuite et

 18   de condamnation pénale à la suite des faits qui ont été à l'origine de

 19   votre révocation?

 20   M. Andrijic (interprétation): Je n'ai jamais été condamné.

 21   Question: Est-ce la peur de poursuite pénale qui vous retient et vous

 22   empêche d'attaquer cette décision illégale et inconstitutionnelle, qui

 23   vous prive de vos droits civiques et civils après votre révocation? Sinon

 24   lorsqu'il n'existe pas un texte de portée générale qui justifie une telle

 25   exclusion, elle ne saurait s'impliquer à un citoyen.


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  1   Réponse: Dans cette décision, on dit que je n'ai pas le droit de faire

  2   appel de cette décision.

  3   Question: A mon sens, elle est illégale, si elle n'a pas comme base un

  4   texte de portée générale et impersonnel s'appliquant à tout citoyen, si

  5   j'ai parfaitement compris.

  6   Réponse: Si vous m'avez bien compris, le haut représentant est une

  7   autorité, une autorité compétente. J'ai promis de vous envoyer ma lettre

  8   ouverte adressée à M. Petritsch. Je puis dire devant cette Chambre qu'il

  9   me paraît tout à fait inconcevable qu'une personne puisse me priver de mes

 10   droits fondamentaux avec une simple signature, c'est-à-dire les droits

 11   civiques et civils. Le texte dit en fait que je ne vaux pas mieux qu'un

 12   chien.

 13   Mme Diarra: Je vous remercie d'avoir voulu répondre à ma question.

 14   M. le Président (interprétation): Y a-t-il d'autre question à la suite,

 15   des questions des Juges?

 16   Maître Krsnik, soyez très bref s'il vous plaît, très bref.

 17   (Questions supplémentaires au témoin, M. Stiepo Andrijic, par Me Krsnik.)

 18   M. Krsnik (interprétation): Je vais essayer d'être très bref. La Chambre

 19   trouve certains faits difficiles à croire, c'est pourquoi il est très bon

 20   qu'on les lui explique. Il est tout à fait inconcevable qu'une personne

 21   puisse priver une autre personne de ses droits fondamentaux, mais c'est ce

 22   qui s'est passé.

 23   Est-ce que vous avez jamais été accusé de quelque chose? Est-ce que vous

 24   avez été accusé de quelque chose Monsieur le Témoin?

 25   M. Andrijic (interprétation): Non. En tant que fonctionnaire de la


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  1   République croate, aucun Croate ne pouvait subir une sanction sans être

  2   accusé. C'est pour cela que j'ai dit que je n'avais jamais été condamné

  3   parce que les accusations criminelles ont été suspendues.

  4   M. Krsnik (interprétation): Bien. Monsieur le Professeur revenons à la

  5   question de Mme Diarra: cela paraît inconcevable. Je vous demande de nous

  6   expliquer comment se fait-il que vous n'ayez pas le droit d'appel? Est-ce

  7   qu'il n'y a pas à Strasbourg une cour internationale et comment quelqu'un

  8   peut-il au-dessus…

  9   M. le Président (interprétation): Je crois que cette question est

 10   étrangère à cette affaire.

 11   M. Krsnik (interprétation): Je suis d'accord Monsieur le Président. Je

 12   vais présenter des données montrant que 250 personnes ont été privées de

 13   tous leurs droits civils et civiques par décision du haut représentant,

 14   sans aucun droit d'appel de cette décision. Exactement comme cela s'est

 15   passé pour le professeur et sans recours juridique ou constitutionnel.

 16   M. Andrijic (interprétation): Excusez-moi, est-ce que je peux encore

 17   intervenir en tant que témoin devant ce Tribunal?

 18   M. le Président (interprétation): Il se fait tard, je crois que ce sujet

 19   ne fait pas l'objet de cette procédure. Monsieur le Procureur, avez-vous

 20   des questions?

 21   (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Stiepo Andrijic par M.

 22   Poriouvaev.)

 23   M. Poriouvaev (interprétation): Oui, Monsieur le Président, une seule

 24   question.

 25   Je vous invite à prendre la pièce 932. Où avez-vous vu dans ce document


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  1   que vous étiez privé du droit de vote?

  2   M. Andrijic (interprétation): Pourriez-vous traduire le deuxième passage,

  3   en fait le troisième qui commence le troisième paragraphe qui commence

  4   par…

  5   M. Poriouvaev (interprétation): "Dans l'exercice des pouvoirs dont

  6   bénéficie le haut représentant en vertu de l'article 5 de l'annexe 10 de

  7   l'accord cadre général de paix en Bosnie-Herzégovine, d'après lequel le

  8   haut représentant est l'autorité finale sur place en ce qui concerne

  9   l'interprétation de l'accord sur les mises en œuvre civiles de l'accord de

 10   paix." (Fin de citation.)

 11   C'est le deuxième paragraphe.

 12   M. le Président (interprétation): Maître Krsnik?

 13   M. Krsnik (interprétation): Cela dépasse la portée de la question de Mme

 14   Diarra. Madame Diarra a demandé s'il était privé de ses droits d'être élu

 15   et non pas droit de voter. Madame Diarra lui a demandé s'il pouvait être

 16   élu ou s'il pouvait élire, et il a répondu que non.

 17   M. le Président (interprétation): Je crois que Mme Diarra et Mme Clark ont

 18   indiqué également qu'elles demandaient s'il avait été privé de ses droits

 19   par ce décret; donc je crois que le professeur pourrait répondre à cette

 20   question. Vous pouvez répondre.

 21   M. Andrijic (interprétation): Evidemment, on dit dans cette décision que

 22   je peux élire, mais que je ne peux pas être élu. Je ne suis pas expert en

 23   droit, mais en droit romain c'est indivisible, c'est inséparable l'un de

 24   l'autre. Le droit d'élire est d'être élu. Il est humiliant que j'ai le

 25   droit de voter pour d'autres, mais je n'ai pas le droit d'être élu moi-


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  1   même. Pour moi c'est la même chose. Je ne peux pas accepter le fait que je

  2   peux voter pour d'autres, mais que je ne puisse pas moi-même être élu. A

  3   mon avis, c'est une nouveauté juridique, c'est une invention, c'est

  4   quelque chose de nouveau que de pouvoir élire d'autres personnes mais de

  5   ne pas pouvoir être élu soi-même.

  6   M. Poriouvaev (interprétation): Je crois Monsieur le Président, que ce

  7   document est assez clair et n'appelle aucun commentaire.

  8   M. le Président (interprétation): Merci Monsieur le Témoin d'être venu à

  9   La Haye pour nous éclairer. Nous apprécions beaucoup vos efforts.

 10   L'huissier va vous reconduire hors de la salle, nous vous souhaitons un

 11   bon retour dans vos foyers.

 12   M. Andrijic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

 13   (Le témoin, M. Stiepo Andrijic, est reconduit hors du prétoire.)

 14   (Questions relatives à la procédure.)

 15   M. le Président (interprétation): Pour ce qui est du document, nous

 16   attendons les conclusions écrites des deux parties. Nous croyons savoir

 17   que le conseil de la défense a des objections sérieuses à ce document

 18   utilisé par le Procureur. Et nous allons entendre le témoin suivant à

 19   partir de 18 heures. Y a-t-il des mesures de protection à prendre pour que

 20   les mesures nécessaires puissent être prises?

 21   M. Meek (interprétation): Oui, nous demandons des mesures de protection et

 22   l'utilisation d'un pseudonyme.

 23   M. le Président (interprétation): Très bien, cela sera fait. Nous

 24   reprendrons à 18 heures.

 25   (L'audience, suspendue à 17 heures 35, est reprise à 18 heures 02.)


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  1   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Meek.

  2   M. Meek (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

  3   M. le Président (interprétation): Etes-vous prêt pour votre témoin?

  4   M. Meek (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

  5   M. le Président (interprétation): Pourriez-vous faire entrer le témoin,

  6   s'il vous plaît?

  7   Mme Clark (interprétation): C'est bon de vous voir vous reposer Maître

  8   Krsnik.

  9   M. Seric (interprétation): Monsieur le Président, pendant qu'on prépare

 10   l'entrée du témoin, permettez-moi de dire quelque chose.

 11   Hier, le conseil de la défense a présenté une motion de suspension avant

 12   que nous partions, pour prendre les exposés supplémentaires: ce serait

 13   entre le 1er et le 5 juillet.

 14   Par la suite, nous avons présenté une autre motion pour avoir une autre

 15   suspension après la défense, pour que M. Naletilic termine son exposé de

 16   son témoignage, afin de nous permettre d'arriver de Mostar à Zagreb et par

 17   la suite à La Haye, et pour nous préparer pour les témoignages de nos

 18   témoins.

 19   Nous voudrions recevoir votre décision d'urgence quelle qu'elle soit. La

 20   saison touristique a commencé, les vols sont surchargés, il est difficile

 21   de trouver des chambres d'hôtel, et les vols pour Mostar n'ont lieu que

 22   trois fois par semaine: les lundi, mercredi et vendredi. C'est une des

 23   raisons objectives pour lesquelles nous avions demandé une interruption

 24   non seulement avant mais aussi après le voyage.

 25   Nous vous demandons de prendre cette décision d'urgence pour que nous


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  1   puissions réserver nos vols.

  2   M. le Président (interprétation): Je vous remercie d'avoir rappelé vos

  3   motions de suspension.

  4   Nous avons reçu la première motion mais pas la deuxième, je crois qu'elle

  5   a été adressée à nos bureaux par l'intermédiaire du Greffe. Nous attendons

  6   la réponse du Procureur pour que nous puissions prendre une décision. Tant

  7   que nous n'avons pas reçu cette réponse, nous ne pouvons pas prendre de

  8   décision.

  9   Est-ce que vous pourriez faire entrer le témoin, s'il vous plaît?

 10   (Le témoin NK est introduit dans le prétoire.)

 11   (Audience publique avec mesures de protection.)

 12   M. le Président (interprétation): Bonjour Monsieur le Témoin.

 13   Témoin NK (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

 14   M. le Président (interprétation): Pourriez-vous faire cette déclaration

 15   solennelle que vous avez sur le papier devant vous?

 16   Témoin NK (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 17   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 18   M. le Président (interprétation): Merci. Voulez-vous vous asseoir, s'il

 19   vous plaît.

 20   (Le témoin s'assoit.)

 21   Maître Meek.

 22   (Interrogatoire principal du témoin NK par Me Meek.)

 23   M. Meek (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je vous ai remis

 24   le nom du témoin son pseudonyme est NK; j'ai un exemplaire supplémentaire

 25   ici si vous le désirez.


Page 12618

  1   Bonjour Monsieur.

  2   Témoin NK (interprétation): Bonjour.

  3   Question: Je vais vous poser des questions cet après-midi. Vous avez vu

  4   que vous avez un écran devant les yeux avec un point qui se déplace, mais

  5   comme nous ne parlons pas la même langue, je pense qu'il est peu probable

  6   que nous parlions simultanément. Dans vos réponses, essayez de ne pas

  7   révéler votre identité.

  8   Des mesures de protection ont été prises: vous aurez un pseudonyme, vous

  9   serez appelé le témoin NK, et on vous a accordé également la possibilité

 10   de dissimuler votre visage.

 11   Pourriez-vous dire à la Chambre où vous êtes né?

 12   Réponse: Je suis né le 4 juin 1955 à Siroki Brijeg.

 13   Question: Où habitez-vous actuellement?

 14   Réponse: A Siroki Brijeg.

 15   Question: Pourriez-vous, Monsieur le Témoin, dire à la Chambre qu'elle a

 16   été votre expérience militaire dans l'ex-Yougoslavie?

 17   Réponse: Dans l'ex-Yougoslavie, j'ai été dans l'armée, j'étais membre de

 18   la défense antiaérienne en 1974.

 19   Question: Pendant combien de temps?

 20   Réponse: 15 mois.

 21   Question: Après ce service militaire, pouvez-vous dire à la Chambre où

 22   vous avez vécu jusqu'en 1991, Monsieur le Témoin?

 23   Réponse: En quittant l'armée, j'ai travaillé à Siroki Brijeg jusqu'en

 24   1977. Et puis, je suis allé en Autriche en 1977 et je suis resté jusqu'en

 25   juin 1991.


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  1   Question: En 1993, étiez-vous membre du Bataillon disciplinaire?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Aviez-vous des tâches principales dans ce Bataillon

  4   disciplinaire en 1993?

  5   Réponse: La défense antiaérienne 12.7 browning.

  6   Question: Est-ce que vous parlez d'autre langue que le croate?

  7   Réponse: L'allemand.

  8   Question: Où avez-vous appris l'allemand?

  9   Réponse: En Autriche.

 10   Question: Témoin NK, connaissez-vous un individu appelé Falk Simang?

 11   Réponse: Oui.

 12   (Note des interprètes: Les interprètes vous demandent de parler un petit

 13   peu plus fort et plus près du micro, si possible.)

 14   Question: Pourriez-vous dire à la Chambre quand vous avez fait la

 15   connaissance de Falk Simang?

 16   Réponse: Au début de 1993.

 17   Question: Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances vous avez fait

 18   la connaissance de Falk Simang au début de 1993?

 19   Réponse: J'étais dans le restaurant Park, je prenais un verre et Ralph me

 20   l'a présenté et m'a dit il y a un autre allemand.

 21   Question: Où est le restaurant Park, de quelle ville?

 22   Réponse: A Siroki Brijeg.

 23   Question: Et pour l'information de la Chambre qui est le Ralph qui vous a

 24   présenté Falk Simang?

 25   Réponse: Ralf Rudiger, c'est ainsi qu'il s'est présenté à moi.


Page 12620

  1   Question: Est-ce que vous savez pourquoi Ralf Rudiger vous a présenté Falk

  2   Simang?

  3   Réponse: Parce que j'étais le seul à pouvoir communiqué avec lui en

  4   allemand.

  5   Question: Savez-vous combien de temps Falk Simang est resté dans le

  6   Bataillon des condamnés, après que vous ayez fait sa connaissance en 1993?

  7   Réponse: Jusqu'à la fin de 1993 pendant le conflit entre l'armée de

  8   Bosnie-Herzégovine et le HVO.

  9   Question: Et pouvez-vous nous dire quelle a été votre relation avec Falk

 10   Simang dans le Bataillon des condamnés?

 11   Réponse: Au début la relation a été normale, et par la suite je me suis

 12   aperçu qu'il était surtout un menteur et puis aussi alcoolique. Il n'était

 13   pas normal. Il se comportait comme un sauvage.

 14   Question: En 1993, Monsieur le Témoin, est-ce quelqu'un dans le Bataillon

 15   des condamnés en dehors de vous a fait fonction de traducteur pour Falk

 16   Simang?

 17   Réponse: 99% du temps c'était moi, lorsqu'il a vu M. Andabak tout à fait

 18   par accident il pouvait échanger quelques mots avec lui, mais à 99% du

 19   temps c'est moi qui le faisais. Il était avec moi tout le temps.

 20   Question: Est-ce que Ralf Rudiger vous a dit qui l'avait informé qu'il

 21   devait vous présenter Falk Simang au restaurant Parc?

 22   Réponse: Il m'a dit que j'allais voir Andabak, et Andabak lui avait dit de

 23   me le présenter.

 24   Question: En 1993, pouvez-vous dire à la Chambre quelle proportion de

 25   temps vous avez passé avec M. Simang?


Page 12621

  1   Réponse: Eh bien, 99% du temps nous étions ensemble tout le temps. Il ne

  2   pouvait aller nul part, enfin il ne pouvait pas mettre deux mots de croate

  3   bout à bout.

  4   Question: Où vivait Falk Simang en 1993 pour autant que vous le sachiez?

  5   Réponse: A Siroki Brijeg. Des fois il dormait à l'hôtel, des fois chez

  6   moi, des fois c'est chez la jeune fille Marina.

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 11   M. le Président (interprétation): Bien. Maître Meek, si vous avez besoin

 12   d'informations de la part de ce témoin, vous ne devez pas perdre de vue le

 13   fait que ce témoin-ci se trouve sous des mesures de protection.

 14   M. Meek (interprétation): Peut-être devrions nous passer à huis clos

 15   partiel, si vous n'avez rien contre.

 16   M. le Président (interprétation): Tout à fait, passons à huis clos

 17   partiel.

 18   M. Meek (interprétation): Est-ce que nous sommes à huis clos partiel?

 19   (Audience à huis clos partiel à 18 heures 16.)

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  3   (Audience publique avec mesures de protection à 18 heures 17.)

  4   M. Meek (interprétation): Est-ce que vous connaissez un homme dénommé

  5   Vlado Raic?

  6   Témoin NK (interprétation): Je connais un certain Vlado Susak qui est de

  7   Siroki Brijeg alors que ce Vlado-là, je ne le connais pas.

  8   Question: Et Vlado Susak pour autant que vous le sachiez parlerait-il

  9   l'allemand?

 10   Réponse: Non.

 11   Question: Est-ce que vous connaissez Maximilian Raic?

 12   Réponse: Je le connais, je l'ai vu une ou deux fois à Siroki Brijeg, et

 13   pour autant que je le sache, il se trouvait à l'Héliodrome avec...

 14   (L'interprète n'a pas entendu le nom.)

 15   M. Meek (interprétation): Monsieur, vous-même et Falk Simang, avez-vous

 16   pris part à quelque action que ce soit à Doljani et ce, vers le 19 ou 20

 17   avril 1993?

 18   Témoin NK (interprétation): Non. Ce jour-là, j'ai dû emmener ma mère à

 19   Mostar à l'hôpital, chez un ophtalmologue pour se faire opérer de la

 20   cataracte, et ce jour-là Falk était venu avec moi.

 21   Mme Clark (interprétation): Maître Meek, je ne me souviens pas de quoi que

 22   ce soit qui aurait été dit à M. Simang. Il n'avait pas été suggéré que M.

 23   Simang s'était trouvé à un autre endroit. Peut-être auriez-vous dû le lui

 24   dire?

 25   M. Meek (interprétation): Eh bien, Madame la Juge, cela avait dû être dit,


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  1   mais comme vous le savez, de par votre expérience, il y a des choses que

  2   nous découvrons, que nous dévoilons après que les faits ont eu lieu.

  3   Mme Clark (interprétation): Bien entendu, il serait bien utile à la

  4   Chambre d'avoir pu voir la réaction de M. Simang concernant une

  5   information aussi importante.

  6   M. Meek (interprétation): Cela peut être bien vrai, mais si vous vous en

  7   souvenez, M. Simang avait témoigné de façon inconsistante.

  8   Mme Clark (interprétation): Ne parlez pas de cela devant ce témoin-ci! Ce

  9   que je voulais commenter c'est qu'il s'agit là d'un aspect très matériel

 10   de l'affaire, et il est grandement dommage que vous n'ayez pas présenté la

 11   chose à l'époque au témoin.

 12   M. Meek (interprétation): Mais nous découvrons des éléments

 13   quotidiennement, des éléments nouveaux quotidiennement.

 14   Mme Clark (interprétation): Mais, comme vous le savez, là où nous

 15   pratiquons le droit, vous vous trouveriez en situation difficile.

 16   J'accepte le fait que pour ce qui est des crimes de guerre, la pratique

 17   ici soit différente.

 18   M. Meek (interprétation): Merci Madame la Juge.

 19   Témoin NK, avez-vous été présent aux funérailles d'un certain "Cikota" en

 20   avril 1993?

 21   Témoin NK (interprétation): Oui.

 22   Question: Et à ces funérailles-là, avez-vous vu M. Mladen Naletilic?

 23   Réponse: J'ai appris qu'il était là, mais il y avait trop de gens là-bas,

 24   il y avait plus de 3.000 personnes; je n'ai pas pu le voir. Et ils ne

 25   pouvaient pas être tous présents au cimetière même, il y en a beaucoup qui


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  1   n'ont même pas pu se rapprocher du cimetière.

  2   Question: Et pendant ces funérailles, y avait-il là-bas Falk Simang de

  3   présent avec vous?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Après le décès de "Cikota", avez-vous ouï-dire par d'autres

  6   soldats ou d'autres personnes des récits afférant à sa mort?

  7   Réponse: J'ai ouï-dire qu'il avait péri sur la montagne, sur les monts ou

  8   les collines autour de Jablanica, mais je n'ai pas pu déterminer à quel

  9   endroit exactement parce que je n'étais pas là-bas.

 10   Question: Monsieur, s'agissant de ces récits, les avez-vous rapportés à

 11   Falk Simang?

 12   Réponse: Oui, parce qu'il ne pouvait pas l'apprendre par qui que ce soit

 13   d'autre.

 14   Question: Et vous-même ou Falk Simang avez-vous dû vous déplacer vers

 15   Doljani après ces funérailles de "Cikota" quelle que soit la raison de ces

 16   déplacements?

 17   Réponse: Non.

 18   Question: Témoin NK, où vous trouviez-vous le matin du 9 mai 1993?

 19   Réponse: Chez moi, à Siroki Brijeg, à la maison.

 20   Question: Est-ce que quelque chose est arrivé ce matin-là?

 21   Réponse: Il est arrivé quelque chose. Andabak m'avait appelé et il m'avait

 22   dit d'aller sur la colline de Galac qui se trouve au-dessus sur les

 23   hauteurs de Mostar, vers Siroki Brijeg.

 24   Question: Et qu'avez-vous fait après ce coup de fil de la part d'Andabak?

 25   Réponse: Je suis allé chercher Falk Simang et nous sommes descendus en


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  1   ville, puis nous avons pris une voiture et sommes allés vers 11 heures du

  2   matin vers Galac.

  3   Question: Pouvez-vous dire, Monsieur, à la Chambre quelle avait été votre

  4   tâche-là à Galac?

  5   Réponse: Dans le cas où il y aurait des combats, notre tâche avait

  6   consisté en la percée une ligne pour garder les arrières et pour prévenir

  7   les autres d'arriver à la colline.

  8   Question: Et de quelle façon pouviez-vous accomplir cette mission en vous

  9   trouvant sur cette colline?

 10   Réponse: De quelle façon-ci, si l'armée de la Bosnie-Herzégovine avait

 11   percé des lignes en se dirigeant vers Siroki Brijeg, nous aurions ouvert

 12   le feu bien sûr.

 13   Question: Mais avec quoi auriez-vous ouvert le feu?

 14   Réponse: Eh bien, au moyen de ce browning PAM12.7, il s'agit d'une arme

 15   russe.

 16   Question: Est-ce qu'il s'agit d'une arme antiaérienne?

 17   Réponse: Oui, on peut s'en servir comme arme antiaérienne, mais on peut

 18   s'en servir pour combattre l'infanterie aussi.

 19   Question: Monsieur le Témoin, sauriez-vous dire à la Chambre de première

 20   instance pendant combien de temps, vous, Ralf et Falk Simang êtes-vous

 21   restés sur ces positions sur les hauteurs de Mostar, après être arrivés

 22   là-bas vers 11 heures du matin ce 9 mai?

 23   Réponse: Nous sommes revenus vers le 10, au début de l'après-midi, vers 2

 24   ou 3 heures de l'après-midi. Nous sommes revenus à Siroki Brijeg,

 25   j'entends.


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  1   Question: Quand vous dites "nous", vous entendez les trois?

  2   Réponse: Oui, bien entendu.

  3   Question: Témoin NK, étiez-vous au courant d'une action quelconque à

  4   laquelle aurait participé Falk Simang et à laquelle vous n'auriez pas pris

  5   part vous-même?

  6   Réponse: Non, cela n'aurait pas été possible.

  7   Question: Témoin NK, au meilleur de vos connaissances, pourriez-vous nous

  8   dire si le Bataillon des condamnés avait des canons de type Bofors?

  9   Réponse: Non, juste Browning 12.7, parce que Bofors c'est du 40

 10   millimètres. Browing 12.7 fait 12,7 millimètres, comme son appellation le

 11   dit.

 12   Question: Est-ce que c'est là le plus gros calibre que le Bataillon des

 13   condamnés ait eu à sa disposition?

 14   Réponse: Le plus gros calibre dans notre unité avait été ce browning 12.7

 15   millimètres.

 16   Question: Est-ce que le Bataillon des condamnés avait pu se procurer des

 17   chars d'après ce que vous avez pu en savoir?

 18   Réponse: Non, en aucun cas.

 19   Question: Monsieur, lorsque vous vous trouviez aux côtés de ce canon

 20   Browning 12.7 millimètres, est-ce que vous vous serviez de Motorola pour

 21   communiquer?

 22   Réponse: Oui, tout à fait normal, nous devions avoir des moyens de

 23   communication.

 24   Question: Sauriez-vous dire à la Chambre, Monsieur, qui est-ce qui vous

 25   donnait des ordres par le biais de ces Motorola?


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  1   Réponse: De la part d'Ivan Andabak ou de Zeljko Vukoja qui avaient assumé

  2   des responsabilités à ce sujet.

  3   Question: Témoin NK, avez-vous reçu des ordres quelconques par Motorola de

  4   la part de M. Nladen Naletilic "Tuta"?

  5   Témoin NK (interprétation): Non.

  6   M. Meek (interprétation): Merci.

  7   Monsieur le Président, Mesdames les Juges, je n'ai plus de question à

  8   l'intention de ce témoin.

  9   M. le Président (interprétation): Bien. Y a-t-il des questions au contre-

 10   interrogatoire?

 11   M. Stringer (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 12   (Contre-interrogatoire du témoin NK par M. Stringer.)

 13   Il y a des documents que nous avons préparés pour le contre-

 14   interrogatoire, je pense que cela a déjà été distribué à l'intention de la

 15   Chambre et je voudrais que cela soit communiqué à nos confrères de la

 16   défense également.

 17   (Intervention de l'huissier.)

 18   Je me propose, Monsieur le Président, de confier en outre à M. l'huissier

 19   un classeur de documents pour qu'il puisse distribuer ces documents le

 20   plus vite possible.

 21   En s'adressant au témoin: Monsieur, quel avait été votre grade à l'époque

 22   que vous étiez membre de ce Bataillon des condamnés?

 23   Témoin NK (interprétation): Je n'avais aucun grade, j'étais un simple

 24   soldat.

 25   Question: Excusez-moi, Monsieur le Président, j'essaie de m'organiser là


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  1   où je me trouve.

  2   Vous n'aviez pas une position de responsabilité ou de supérieur au sein du

  3   Bataillon des condamnés?

  4   Réponse: Non.

  5   Question: Quand avez-vous rejoint les rangs du Bataillon des condamnés?

  6   Réponse: Début 1992.

  7   Question: Avez-vous été participant à la campagne conduite contre les

  8   Serbes pour libérer Mostar en juin 1992?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Est-ce que Mladen Naletilic avait joué un rôle de commandant ou

 11   de leader au sein du Bataillon des condamnés et en corrélation avec cette

 12   campagne?

 13   Réponse: Pour ce qui est des combats avec les Serbes, oui il y avait

 14   plusieurs commandants, Pero Cavar, Andabak, Marinko Mikulic.

 15   Question: Mais à l'époque, Monsieur, est-ce que M. Naletilic avait occupé

 16   les fonctions les plus élevées?

 17   Réponse: Mais non, les positions étaient toutes sur pied d'égalité.

 18   L'objectif c'était de défendre Siroki Brijeg, nous n'avions pas tenu

 19   compte des positions ou des grades des uns et des autres.

 20   Question: Je voudrais que l'on montre maintenant au témoin une pièce à

 21   conviction qui est le 354.1.

 22   (Intervention de l'huissier.)

 23   Monsieur le Témoin, s'agissant des documents qui vous seront montrés, nous

 24   les avons en deux langues, à savoir en langue anglaise et en votre langue

 25   maternelle. Si vous vous penchez sur la chose, je crois que vous pourriez


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  1   voir d'abord qu'il y a une version anglaise et juste après votre version à

  2   vous. Je voudrais donc vous demander si ce que vous voyez sur cette page-

  3   là est la carte d'identité de M. Falk Simang?

  4   Réponse: Oui. Je pense que oui.

  5   Question: Est-ce que des papiers d'identité analogues avaient été délivrés

  6   à tous les membres de ce Bataillon des condamnés pour autant que vous le

  7   sachiez?

  8   Réponse: Toutes les cartes d'identité étaient les mêmes.

  9   Question: Vous avez témoigné du fait de l'arrivée de M. Simang je crois

 10   vers le début de 1993, c'est exact?

 11   Réponse: C'est exact.

 12   Question: Et il est resté membre de ce Bataillon des condamnés pendant

 13   toute la durée ou le reste de la durée des conflits avec les Musulmans,

 14   peut-être jusqu'en début 1994?

 15   Réponse: C'est vers la fin 1993, vers le mois de novembre qu'il était

 16   encore là, puis il est parti sans le dire à personne. Il a tout à coup

 17   disparu.

 18   Question: Monsieur Naletilic parlait l'allemand, n'est-ce pas?

 19   Réponse: Oui, il avait vécu en Allemagne, il est tout à fait normal qu'il

 20   parlait l'allemand.

 21   Question: Par conséquent, il pouvait communiquer directement avec tous les

 22   autres membres de ce Bataillon des condamnés qui étaient venus

 23   d'Allemagne?

 24   Témoin NK (interprétation): Oui, il pouvait le faire, s'ils se

 25   rencontraient, enfin s'il rencontrait les uns et les autres à Siroki


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  1   Brijeg.

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 24   M. le Président (interprétation): Je vois.

 25   M. Meek (interprétation): Vous voyez ce que je veux dire.


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  1   M. le Président (interprétation): Je crois que oui.

  2   Monsieur Stringer, vous devrez faire très attention concernant les mesures

  3   de protection, et si nécessaire nous pouvons passer à huis clos partiel.

  4   M. Stringer (interprétation): Je ne pense pas que cela soit nécessaire,

  5   Monsieur le Président. Je suis tout à fait d'accord avec mon éminent

  6   confrère, et peut-être serait-il nécessaire d'expurger certains éléments

  7   du témoignage tout à l'heure, notamment celui concernant l'incident du

  8   restaurant.

  9   Monsieur le Témoin, vous avez sous les yeux une pièce à conviction qui est

 10   la pièce 931A, s'agit-il là de votre pièce d'identité émanant du HVO

 11   disant que vous étiez membre du Bataillon des condamnés?

 12   Témoin NK (interprétation): Oui.

 13   Question: Je voudrais que l'on montre maintenant au témoin la pièce à

 14   conviction 931.

 15   (Intervention de l'huissier.)

 16   Monsieur, est-ce la copie de la partie arrière, du verso de votre carte

 17   d'identité de membre du HVO?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Je voudrais attirer votre attention sur le coin en bas à droit,

 20   et je voudrais vous demander d'essayer de reconnaître le nom du commandant

 21   qui figure en signature sur cette pièce d'identité?

 22   Réponse: Je n'arrive pas à le lire, ce n'est pas clair.

 23   Question: Mais est-ce que ce n'est pas "Tuta" que l'on voit?

 24   Réponse: Ceci ressemble davantage à un "P" qu'un "T" pour autant que je

 25   puisse le voir.


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  1   Question: Avez-vous entendu parler de quelqu'un qui porterait le nom de

  2   "Puta"? Qui serait cette personne appelée "Puta"?

  3   Réponse: J'ai dit que la signature ne semble pas être claire.

  4   Question: Mais le nom de "Tuta", est-ce que dans cette signature il ne

  5   s'agirait pas du nom de "Tuta"? Et cet homme-là avait été le commandant du

  6   Bataillon des condamnés dont vous étiez membre vous-même.

  7   Réponse: Il avait été commandant en 1992, mais pendant très peu de temps.

  8   M. Stringer (interprétation): Je voudrais maintenant que l'on montre au

  9   témoin la pièce à conviction P406.

 10   M. Meek (interprétation): Monsieur le Président, pendant que mon collègue

 11   est en train de chercher cette pièce à conviction, à savoir le 931B, je ne

 12   parle pas la langue croate, mais au-dessus de la signature…

 13   M. Stringer (interprétation): Je m'excuse d'interrompre mais s'il y a des

 14   objections à formuler sur la pièce à conviction, je voudrais que cela soit

 15   fait sans la présence du témoin.

 16   M. Meek (interprétation): Mais je voulais faire objection au fait qu'il

 17   s'agissait là du Bataillon des condamnés, et qu'il s'agit de la Brigade de

 18   Siroki Brijeg.

 19   M. Stringer (interprétation): Monsieur le Président, je fais objection

 20   pour ce qui est de continuer à parler de cela sans la présence du témoin.

 21   Le témoin dispose de la pièce à conviction, il s'agit de sa carte

 22   d'identité, il est la personne qui est la mieux placée pour témoigner à ce

 23   sujet et non pas le conseil de la défense en la présence du témoin.

 24   M. le Président (interprétation): Eh bien, Maître Meek, je crois que vous

 25   pouvez soulever cette objection lorsque nous versions ces pièces à


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  1   conviction au dossier.

  2   M. Meek (interprétation): Je m'excuse, Monsieur le Président.

  3   M. le Président (interprétation): J'ai aussi une question à l'intention de

  4   M. Stringer. Tout d'abord, ce document n'a pas été traduit en anglais. Par

  5   conséquent, nous sommes en position désavantagée pour ce qui est de la

  6   teneur du document.

  7   Deuxièmement, à quel moment ce document a-t-il été délivré? Peut-être

  8   pourriez-vous poser la question au témoin? Et si vous le savez, peut-être

  9   pourriez-vous nous la fournir ou poser la question au témoin en lui

 10   demandant de le faire?

 11   M. Stringer (interprétation): Monsieur le Témoin, cette carte d'identité

 12   vous a-t-elle été délivrée au moment où vous avez rejoint le Bataillon des

 13   condamnés?

 14   Témoin NK (interprétation): Oui.

 15   Question: Est-ce que cela est resté votre carte d'identité pendant toute

 16   la période où vous étiez membre de ce Bataillon des condamnés?

 17   Réponse: Oui. Les cartes d'identité ont changé et j'en ai en fait deux.

 18   Question: Monsieur le Président, pour ce qui est de la traduction du texte

 19   de ce document, nous pouvons fournir cela à la Chambre de première

 20   instance. Toutefois, je pense qu'en ce moment-ci la Chambre peut se

 21   pencher sur la traduction de la carte d'identité de M. Falk Simang que

 22   nous avons déjà identifiée.

 23   M. le Président (interprétation): Merci. Je crois que cela pourrait servir

 24   de référence.

 25   M. Stringer (interprétation): Mais nous allons toutefois vous fournir une


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  1   traduction du document.

  2   M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

  3   M. Stringer (interprétation): Témoin, avez-vous sous les yeux cette pièce

  4   à conviction 436?

  5   Témoin NK (interprétation): Oui.

  6   Question: Vous verrez que les premières pages sont en anglais, ce sont les

  7   traductions. Et ensuite vous trouverez le texte dans votre langue. Voulez-

  8   vous regarder quelques instants ces documents?

  9   Réponse: Oui. Merci.

 10   M. Stringer (interprétation): Je voudrais vous demander si vous voyez ce

 11   qui est marqué au-dessus du nom "Tuta".

 12   Témoin NK (interprétation): Un instant s'il vous plaît.

 13   (Le témoin regarde le document.)

 14   M. le Président (interprétation): Maître Meek.

 15   M. Meek (interprétation): Est-ce que M. Stringer peut nous expliquer s'il

 16   y a un ou deux documents? Il me semble que dans la version croate, bien

 17   que je comprenne cette langue, mais je vois un nom Miljenko Lasic et

 18   ensuite un autre texte manuscrit. Est-ce que c'est quelque chose qui

 19   figure au dos?

 20   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Stringer.

 21   M. Stringer (interprétation): En effet, c'est une pièce mais si vous

 22   regardez d'abord l'ordre, c'est signé Miljenko Lasic, il s'agit d'un

 23   certificat indiquant que la famille de M. Pero Jurcevic ne doit pas être

 24   dérangée. C'est daté du 8 juin 1993. Et ensuite, vous avez une note

 25   manuscrite signée "Tuta" demandant la protection de cet individu. C'est


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  1   donc ainsi qu'il faut regarder le document.

  2   M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

  3   M. Stringer (interprétation): Savez-vous s'il s'agit bien de la signature

  4   de Mladen Naletilic "Tuta" qui figure en bas de ce document?

  5   Témoin NK (interprétation): Oui, en effet on voit une signature qui est

  6   Miljenko Lasic et l'autre pourrait être celle que vous dites.

  7   Question: La pièce 696, s'il vous plaît?

  8   Vous étiez membre du Bataillon des condamnés en novembre 1993, n'est-ce

  9   pas?

 10   (Intervention de l'huissier.)

 11   Réponse: En 1993, oui.

 12   Question: Connaissez-vous le nom Robert Nosic?

 13   Réponse: Non.

 14   Question: Connaissez-vous un incident qui s'est produit en novembre 1993,

 15   au cours duquel M. Naletilic et d'autres ont déplacé un prisonnier du

 16   siège de la police militaire à Mostar qui s'appelait Robert Nosic? On

 17   avait dit qu'il avait blessé par balle un membre du Bataillon des

 18   condamnés. Est-ce que cet incident vous rappelle quelque chose Monsieur?

 19   Réponse: Je ne sais rien sur cet incident, je n'étais pas présent, je ne

 20   peux rien vous dire.

 21   Question: En regardant ce document qui est signé "colonel Marijan Biskic",

 22   de la police militaire du HVO, envoyé du commandant du Bataillon des

 23   condamnés, Mladen Naletilic en personne, ma question est de savoir si

 24   Mladen Naletilic était bien le commandant du Bataillon des condamnés en

 25   novembre 1993?


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  1   Réponse: Non.

  2   Question: Autrement dit le colonel s'est trompé, le colonnel Biskic a

  3   envoyé sa lettre à la mauvaise personne?

  4   Réponse: Oui, je crois qu'il s'est trompé. J'en suis sûr.

  5   Question: J'aimerais que l'on présente au témoin la pièce 299.1 ainsi que

  6   la pièce 301.1.

  7   (Intervention de l'huissier.)

  8   Vous avez témoigné à propos de Sovici Doljani en avril 1993 et vous avez

  9   dit que vous avez accompagné votre mère chez l'oculiste. Est-ce que

 10   d'autres membres du Bataillon des condamnés ont participé ont participé

 11   aux opérations de combat à Sovici Doljani mi-avril 1993?

 12   Réponse: Je n'en sais rien, je n'y étais pas, j'ai accompagné ma mère à

 13   l'hôpital et donc je ne peux rien vous dire sur ces événements parce que

 14   je n'étais pas présent.

 15   Question: Mais vous nous avez parlé du décès de "Cikota" là-bas, mais vous

 16   n'étiez pas présent, n'est-ce pas?

 17   Donc je répète ma question: vous étiez membre du Bataillon des condamnés,

 18   vous étiez à Siroki Brijeg, n'est-il pas vrai que les unités du Bataillon

 19   des condamnés ont mené des batailles, des opérations de combat à Sovici

 20   Doljani mi-avril 1993, n'est-ce pas vrai?

 21   Réponse: Il se pourrait que ce soit le cas, mais je n'étais pas moi-même

 22   présent. Comment est-ce que je peux savoir qui était présent. J'ai entendu

 23   dire que "Cikota" a été tué dans les environs, dans les collines, les

 24   montagnes autour de Jablanica, donc je n'en sais pas plus.

 25   Question: Connaissez-vous un lieu qui s'appelle Sovicka Vrata?


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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Pouvez-vous, si vous plaît regarder la pièce 299.1 s'il vous

  3   plaît?

  4   Le document est daté du 15 avril 1993, il s'agit d'un ordre selon l'accord

  5   entre un certain nombre de personnes, etc. y compris Mladen Naletilic,

  6   "Tuta" ainsi que le colonel Ivan Andabak. Cet ordre prévoit qu'un peloton

  7   PDV ainsi qu'une unité de reconnaissance doivent se rendre à Sovicka Vrata

  8   le 15 avril 1993 à 10 heures du matin. Qu'est-ce que c'est justement que

  9   ce peloton PDV, s'il vous plaît?

 10   Réponse: Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que signifie ce sigle. J'ai

 11   entendu parler d'une taxe que l'on a pu appeler PDV, d'une taxe que l'on

 12   appelle PDV en Croatie, mais ici je ne comprends pas.

 13   Question: Est-ce que vous connaissez les caractéristiques autour du

 14   village de Doljani?

 15   Réponse: Oui, ce lieu est au bout, tout au bout du village.

 16   Question: Vous êtes allé déjà à ce lieu?

 17   Réponse: Oui, après la guerre car j'ai des terrains.

 18   Question: Le Bataillon des condamnés était impliqué dans des opérations de

 19   combat à Doljani, encore une fois plus tard au cours de l'été 1993, n'est-

 20   ce pas?

 21   Réponse: Je n'en ai pas connaissance, vous savez, je n'étais qu'un simple

 22   soldat. Je ne peux pas tout savoir, je n'étais pas commandant.

 23   Question: Ou êtes-vous allé avec Simang, Falk Simang au cours de l'année

 24   qu'il a passé avec cette unité? Vous nous avez dit que vous étiez avec lui

 25   99% du temps, quelles étaient les opérations militaires auxquelles il a


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  1   participé, s'il a participé ou est-ce que vous étiez toujours à Siroki

  2   Brijeg avec M. Simang?

  3   Réponse: Nous n'étions pas toujours à Siroki Brijeg. J'étais à la montagne

  4   de Galac le 30 juin, j'étais ensuite à Djubrani, nous avions des positions

  5   de réserve à cet endroit avec Falk et Ralf.

  6   Question: Quand est-il de Travnik?

  7   Réponse: Je n'étais pas à Travnik, d'ailleurs je ne suis jamais allé à

  8   Travnik, avant ou après les événements.

  9   Question: J'aimerais maintenant que vous regardiez la pièce 301.1 s'il

 10   vous plaît, si vous l'avez.

 11   Le document est daté du 16 avril 1993. Au point 2 on parle d'une liaison

 12   filaire avec les installations à Boksevica ainsi qu'à Sovicka Vrata. Est-

 13   ce que vous voyez ce passage au paragraphe 2?

 14   Puis, on parle de pièces d'artillerie qui ont été installées à Sovicka

 15   Vrata, vous y voyez la liste des Howitzers 122 millimètres, des chars de

 16   bataille 130 millimètres. Ma question est la suivante: vous avez parlé des

 17   armements que possédait le Bataillon des condamnés. N'est-il pas vrai que

 18   ce Bataillon des condamnées avait à sa disposition, était appuyé par des

 19   pièces d'artillerie de calibres divers dans de nombreuses opérations de

 20   combat, y compris à Sovici ce jour-là?

 21   Réponse: Non. Sovici est dans la zone de Posusje et ce n'était pas dans

 22   leur domaine de responsabilité. Cela ne faisait par partie de Siroki

 23   Brijeg.

 24   M. Meek (interprétation): Regardez s'il vous plaît le paragraphe 7. N'est-

 25   il pas vrai que Mladen Naletilic "Tuta" était présent à Sovici, était


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  1   responsable de ces opérations par le biais des unités d'artillerie qui se

  2   trouvaient à Sovici Vrata?

  3   Témoin NK (interprétation): Eh bien, il ne pouvait pas être là puisqu'il

  4   n'était pas le commandant. Il s'était retiré du Bataillon des condamnés en

  5   1992, aux environs de juillet, pour des raisons de santé. Il ne pouvait

  6   donc être là, il ne pouvait y être. Peut-être qu'il a pu se promener en

  7   privé, mais c'est tout. Je n'étais pas présent moi-même, donc je ne peux

  8   pas en dire plus.

  9   M. le Président (interprétation): Monsieur Stringer, je crois que l'heure

 10   est venue. Nous allons reprendre demain matin à 9 heures.

 11   M. Meek (interprétation): J'ai eu 22 minutes d'interrogatoire en direct

 12   avec ce témoin, et le contre-interrogatoire a duré quelque 35 minutes. Je

 13   me demande quel est le Règlement ici concernant la durée des

 14   interrogatoires. J'avais cru comprendre que les contre-interrogatoires ne

 15   devaient pas durer plus longtemps que l'interrogatoire principal. J'ai

 16   quant à moi toujours essayé de respecter les limites de temps. Nous

 17   faisons de notre mieux.

 18   Ce témoin a été présent ici depuis plus d'une semaine, le Greffe nous a

 19   déjà punis, nous avons quelque 12 témoins ici à La Haye en ce moment, nous

 20   faisons de notre mieux pour faire avancer les choses. Et je pense que

 21   l'égalité des armes et la règle en la matière a été violée par

 22   l'accusation parce que nous avons passé 2 heures en tout avec un témoin.

 23   M. le Président (interprétation): En effet, j'apprécie vos efforts d'être

 24   efficaces et je crois qu'aujourd'hui on peut dire que les témoins ont

 25   répondu assez rapidement. Je vais consulter mes collègues, mes consœurs


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  1   afin de voir quel sera le temps à consacrer au contre-interrogatoire de ce

  2   témoin. Mais nous devons quitter les lieux à 7 heures.

  3   M. Meek (interprétation): Ma seule remarque c'est que l'on fasse respecter

  4   les mêmes règles à l'accusation qu'à la défense.

  5   M. le Président (interprétation): Oui, en effet, j'ai bien compris.

  6   M. Krsnik (interprétation): Brièvement, votre Honneur, nous avons fait

  7   venir un certain nombre de membres du Bataillon des condamnés qui vont

  8   témoigner, il y en a une quinzaine de témoins. C'est pourquoi nous nous

  9   concentrons sur des points tout à fait spécifiques. Les 10 prochains

 10   témoins sont également membres du Bataillon des condamnés, et nous nous

 11   concentrons sur certains éléments précis de l'Acte d'accusation ou sur des

 12   points particuliers du témoignage des témoins précédents, et nous espérons

 13   que vous allez pouvoir les entendre tous.

 14   M. le Président (interprétation): Monsieur Stringer, nous n'avons plus le

 15   temps d'en discuter ce soir, nous devons clore la session ce soir. Nous

 16   allons nous retrouver demain matin à 9 heures. Merci.

 17   (Le témoin NK est reconduit hors du prétoire.)

 18   (L'audience est levée à 19 heures 05.)

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12   Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

13   pagination anglaise et la pagination française.

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