Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 15 juillet 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 15 heures 40.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Veuillez citer l'affaire, Madame la

5 Greffière.

6 Mme Thompson (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit

7 de l'affaire IT-98-34-T, le Procureur contre Naletilic et Martinovic.

8 M. le Président (interprétation): Merci.

9 Est-ce que nous pourrions avoir les présentations pour les besoins du

10 compte rendu d'audience?

11 M. Scott (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Kenneth Scott.

12 Voici M. Vasili Poriouvaev, et M. Bos, ainsi que Melle Kimberley à nos

13 côtés.

14 M. le Président (interprétation): Merci.

15 Pour l'accusé?

16 M. Seric (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les

17 Juges. Je suis Branko Seric, je suis membre du Barreau de Croatie. Je suis

18 conseil de M. Martinovic, et à mes côtés M. Zelimir Par qui est co-

19 conseil.

20 M. le Président (interprétation): Bonjour. Pour la défense de M.

21 Naletilic, je vous prie?

22 M. Krsnik (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les

23 Juges. Je suis Kresimir Krsnik, je suis avocat à Zagreb. Monsieur

24 Christopher Meek est co-conseil dans l'affaire, et Mme Mirka Pintar est

25 notre assistante juridique.

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1 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

2 Y a-t-il des questions que les parties en présence voudraient soulever

3 avant que nous entamions?

4 M. Par (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames les

5 Juges. Je voudrais que nous passions quelques minutes à huis clos partiel

6 pour soulever des problèmes auxquels la défense a dû faire face

7 dernièrement.

8 M. le Président (interprétation): Nous allons passer à huis clos partiel.

9 (Huis clos partiel à 15 heures 43.)

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19 (Audience publique à 15 heures 54.)

20 M. le Président (interprétation): Je crois pouvoir dire que nous sommes en

21 session publique.

22 Dans l'affaire qui nous intéresse, nous aimerions demander à l'équipe de

23 la défense de M. Vinko Martinovic de nous communiquer une nouvelle liste

24 de ses témoins. Pour ceux qui ont des difficultés quant à se déplacer

25 cette semaine, je pense pouvoir dire qu'ils pourraient faire ce

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1 déplacement ultérieurement. Est-ce que cela vous convient, Maître Par?

2 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je tiens à vous dire que

3 nous avons ici des témoins; nous avons un groupe de six témoins qui sont

4 déjà ici. Ils figurent sur la liste que nous avons communiquée.

5 Nous espérons pouvoir nous en tenir à l'ordre de comparution qui est donné

6 et nous espérons que ces témoins seront assez brefs. Donc nous pensons

7 terminer avec ce premier groupe à la fin de la semaine ou en début de la

8 semaine prochaine, mais nous n'avons pas, pour le moment, de difficulté

9 majeure concernant les témoins.

10 Je vous remercie.

11 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup.

12 Nous allons commencer aujourd'hui avec la présentation de la déclaration

13 liminaire du conseil de la défense de M. Vinko Martinovic. Nous nous

14 attendons à ce que l'affaire prenne fin d'ici la fin du mois de septembre,

15 ce qui signifie plus ou moins un témoin par jour.

16 Oui, Maître Seric, à vous avec la déclaration liminaire.

17 (Déclaration liminaire de Me Seric.)

18 M. Seric (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

19 Nous avons réparti notre discours liminaire en deux parties. Je vais

20 m'adresser à la Chambre et à nos confrères de l'accusation dans une

21 tentative de présentation des choses, pour ce qui est du contexte de fait

22 et des éléments généraux de l'Acte d'accusation. Mon collègue Me Par va

23 enchaîner, par la suite, avec les chefs d'accusation concrets. Dans la

24 mesure du possible, je vous demanderai de ne pas m'en vouloir de répéter

25 ce que je dis depuis le début du procès, compte tenu du caractère vague de

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1 l'Acte d'accusation et du défaut d'éléments concrets.

2 Mesdames les Juges, Monsieur le Président, rien n'est tel qu'il y paraît;

3 rien n'est si simple ou aussi simple que cela pourrait l'être lettre et

4 vice-versa.

5 Il est une question éternelle, à savoir: la vie est-elle simple et c'est

6 l'homme qui l'a compliquée, ou est-ce que la vie est compliquée et c'est

7 l'homme qui s'efforce de la simplifier?

8 Nous nous trouvons en plein milieu d'une affaire qui parle de guerre.

9 Qu'est-ce que la guerre? Eh bien, c'est une question éternelle. La guerre

10 fait partie de l'histoire de la civilisation, de l'histoire humaine.

11 L'histoire humaine est malheureusement une histoire où il y a eu des

12 guerres; ce sont là des choses que nous apprenons à l'école. Nous

13 apprenons, hélas, les années où telle ou telle autre guerre est survenue,

14 qu'il s'agisse des guerres entre Athènes et Thèbes, des guerres entre

15 l'Autriche-Hongrie et la France ou quelque autre guerre que ce soit. Nous

16 apprenons des dates.

17 Mais la guerre est partie intégrante de la vie sur cette planète. Il y a

18 eu des guerres entre les espèces différentes, tant au niveau des oiseaux,

19 des animaux, et c'est une lutte pour la survie. La guerre a lieu au sein

20 d'une espèce qui est la même espèce, aux fins de la domination, aux fins

21 d'établir le pouvoir. L'instinct visant à l'établissement du pouvoir est

22 un instinct destructeur qui est plus fort que l'instinct sexuel. Mais il

23 est encourageant, aussi. La guerre qui est conçue par l'esprit humain et

24 qui est réalisé par la main de l'homme est un acte des plus terribles qui

25 détruit la guerre. Mais pas une seule personne censée ne saurait justifier

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1 la guerre en tant que telle.

2 Maintenant, si vous êtes attaqué, vous avez toutefois le droit de vous

3 défendre. C'est là un droit naturel et un droit de la nature, c'est un

4 droit qui existe parmi les espèces et parmi les hommes, tant au niveau des

5 communautés qu'au niveau de l'individu pris à part.

6 Je me dois de dire quelque chose au niveau de la légitime défense. Dans

7 cette affaire concrète, j'affirme que les Croates ont agi dans une

8 autodéfense. Ils ont conduit une guerre justifiée. Leurs actes ont

9 constitué une réaction raisonnable, nécessaire et proportionnelle à

10 l'égard de l'attaque, et c'est l'Article 31.1 du Statut de ce Tribunal qui

11 en parle.

12 L'accusation s'efforce de présenter les choses en noir et blanc. Mais

13 comme rien n'est ni noir ni blanc, il en va de même pour ce qui est de

14 Mostar. La vie est constituée de coloris; elle est plus réelle que le

15 cinéma et il convient de le présenter ici, dans la Chambre d'audience, de

16 façon plus réelle, plus exacte que cela ne serait le cas au cinéma, parce

17 que ce n'est qu'ainsi qu'on pourra aboutir à la justice.

18 L'an dernier, vers l'été, c'est face à notre collègue Fourmy que j'ai

19 proposé -et le collègue Scott avait été d'accord- pour que le Statut et le

20 Règlement de procédure et de preuve englobent la comédie "Beaucoup de

21 bruit pour rien". Non, parce que… Pour dire que cela serait plus comique

22 que l'intitulé de cette tragédie ne conviendrait à la position et à la

23 situation de mon client.

24 Il n'avait pas été une figure éminente dans cette guerre, il n'avait pas

25 bénéficié d'attribution particulière ou de pouvoir spécifique. C'était un

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1 homme ordinaire qui venait littéralement de la rue, et qui a pris part à

2 la guerre vers le mois de mai 1993. C'est par un concours de circonstances

3 qu'il est devenir chef d'un petit groupe de jeunes hommes du quartier qui

4 s'appelait "Mrmak", parce que Vinko Martinovic avait un chien qui

5 s'appelait "Mrmak". Imaginez-vous une unité sérieuse qui porterait le nom

6 d'un chien! Mais c'étaient des combattants sérieux sur une ligne de front

7 qui avait à garder quelque 50 ou 70 mètres de ligne de front pendant la

8 guerre.

9 Vinko Martinovic, était là parmi eux, et rien de plus, ni plus ni moins.

10 Il y a eu beaucoup de boucan à son sujet.

11 Nous allons prouver aux Juges de la Chambre que ce "boucan" -entre

12 guillemets- a été créé autour de son nom et ce, par les médias. Ils

13 voulaient produire ou fabriquer un coupable pour tout ce qui s'était passé

14 à Mostar, en dépit du fait que lui-même, en réalité, n'avait pas bougé

15 pratiquement de sa ligne de la défense sur le Bulevar. Des témoins vont

16 venir vous le confirmer ici dans le prétoire.

17 Vinko Martinovic avait été un petit soldat tout à fait ordinaire qui n'a

18 pas joué de rôle particulier dans la guerre. Il n'avait pas un rang élevé

19 dans la hiérarchie militaire. Il avait un degré de responsabilité des plus

20 bas et un niveau d'intervention limité sur un segment des conflits. Sa

21 seule culpabilité avait été celle d'avoir posé un fusil sur l'épaule et

22 d'être allé défendre sa rue, son quartier, son foyer et son peuple.

23 Alors "fama est" disent les Romains. Et pour le prouver, je vais citer la

24 réaction de Hans Kosnik qui était le gouverneur international de Mostar:

25 lorsque, un mois après son arrivée à Mostar, ils ont décidé de l'emmener

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1 au restaurant, restaurant nommé "Stela", il ne l'a pas compris, il n'a pas

2 compris que c'était "Stela", "l'étoile" en latin. Il a rétorqué: "Mais

3 non, pas Stela! Stela va me tuer!", en pensant à "Stela". Et comme M.

4 Kosnik a cru à toutes ces histoires sur "Stela", l'accusation en a fait de

5 même: elle a cru aux histoires forgées de toutes pièces par l'A.I.D.,

6 malheureusement, à l'aide des services secrets croates qui souhaitaient

7 protéger quelqu'un d'autre.

8 L'accusation a fait sienne la position des Musulmans dans ce conflit. Elle

9 a repris des témoins dont le passé et le présent posent certains

10 problèmes: ils étaient soumis à l'influence de l'A.I.D.

11 Pour conclure cette partie, Monsieur le Président, Mesdames les Juges, le

12 problème de la Bosnie-Herzégovine, que vous le croyez ou non, a depuis

13 toujours constitué la quadrature du cercle. C'est le point de départ

14 obligatoire en Bosnie-Herzégovine et dans la communauté internationale, et

15 devant ce Tribunal aussi.

16 Il faut prendre cela comme point de départ. En Bosnie-Herzégovine, il

17 existe trois entités politiques religieuses et culturelles qui ont été

18 créées durant l'histoire, qui ont souffert des interventions artificielles

19 de toutes parts, et même des interventions au nom de la démocratie, au nom

20 de la communauté internationale, mais qui se sont montrés, qui ont prouvé

21 leur caractère de force.

22 On ne peut pas parler au nom d'une partie uniquement. En Bosnie-

23 Herzégovine, il existe des Musulmans, des Bosniens. On peut les appeler

24 comme eux le souhaitent: des Serbes et des Croates. N'est-il pas naturel

25 que chacune de ces populations désire une entité qui lui soit propre. La

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1 Bosnie-Herzégovine appartient à ces citoyens, cela est exact, mais la

2 réalité veut qu'il s'agisse de trois types différents, et la solution est

3 une solution préalable pour tout ce qui est économique, culturel et

4 linguistique et d'autres solutions également.

5 Soit la Bosnie-Herzégovine serait un Etat où tous ses citoyens, sur tout

6 le territoire, seront souverains ou bien ne le seront pas. Mais dans ce

7 cas précis, il faudrait procéder à la "cantonisation", et non seulement de

8 reconnaître l'individualité ethnique, mais également l'intégrité

9 territoriale et politique. La communauté internationale semble hésiter

10 entre ces deux solutions et l'accusation semble faire de même. Par

11 moments, leur position est radicale puisqu'ils protègent la fédération

12 inconditionnellement, alors qu'il n'y a pas d'unité fédérale. Elle va être

13 menée à sa fin.

14 Les témoins qui seront appelés à comparaître et que l'on entendra au

15 courant de ce procès, sont d'humeur hostile, par rapport à qui? Par

16 rapport aux Musulmans puisqu'ils sont victimes, puisque leur option

17 politique est automatiquement la bonne!

18 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, j'estime que certains points

19 seront éclairés et que l'on trouvera une formule pour la Bosnie-

20 Herzégovine, pour qu'elle ne reste pas -pour citer un linguiste croate-:

21 "Dans une position inconfortable".

22 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, puisque la défense est

23 confrontée aux chefs d'accusation et aux faits qui sont exposés dans

24 l'Acte d'accusation, nous allons prouver…, il reste certains points qu'il

25 n'est pas nécessaire de prouver.

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1 Il est exact, par exemple, que la Croatie a proclamé son indépendance, le

2 25 juin 1991.

3 Il n'est également pas nécessaire de prouver que la Communauté européenne

4 a reconnu la République de Croatie, le 15 janvier 1992.

5 Il est exact, de même, que la Bosnie-Herzégovine a proclamé son

6 indépendance, le 3 mars 1992.

7 Il est exact que la Communauté européenne a reconnu la République de

8 Bosnie-Herzégovine, le 6 avril 1992.

9 Il est exact que la République de Croatie a reconnu la République de

10 Bosnie-Herzégovine, le 7 avril 1992.

11 Il est exact que la République de Bosnie-Herzégovine est devenue membre

12 des Nations Unies, le 22 mai 1992.

13 Il est exact aussi que, le 18 novembre 1991, l'existence de la communauté

14 croate d'Herceg-Bosna a été proclamée en tant qu'entité politique,

15 culturelle, économique et territoriale sur le territoire de la Bosnie-

16 Herzégovine.

17 Il est exact que, le 18 novembre 1991, la communauté croate d'Herceg-Bosna

18 a été proclamée.

19 Mais, le point litigieux est le suivant: est-ce que cela aurait dû être

20 une entité territoriale, économique, culturelle et politique, de la

21 manière dont l'accusation l'affirme?

22 La défense a déjà prouvé, avec toute une série de documents que le

23 Procureur lui a fournie, grâce aux témoins dont certains avaient des

24 pseudonymes, et d'autres ont témoigné sous leur vrai nom, tel que Maric,

25 Rajic et Davor Marjanovic.

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1 L'accusation a fourni à la défense une annexe, en fait, un acte

2 d'accusation quelque peu élargi avec l'exposé des faits. Je vais donc

3 juste suivre, afin de vous faciliter également la tâche, ces thèses qui

4 ont été exposées par l'accusation, que je vais reprendre et qui seront les

5 thèses de la défense.

6 L'accusation a affirmé que l'objectif de la création de la communauté

7 croate d'Herceg-Bosna était l'établissement des liens étroits avec la

8 République de Croatie.

9 Il n'est pas exact, affirme la défense, que l'objectif était d'établir les

10 liens proches avec la République de Croatie, de telle manière qu'essaie de

11 le prouver l'accusation.

12 Depuis le 18 novembre 1991, lorsque la communauté croate d'Herceg-Bosna a

13 été créée, lorsque la JNA et les Serbes de Bosnie-Herzégovine ont effectué

14 l'agression contre le peuple croate, le Gouvernement de la Bosnie-

15 Herzégovine n'a pas été en mesure de protéger puisqu'il n'était pas encore

16 préparé pour la défense. Les Croates se sont organisés eux-mêmes, ils ont

17 organisé leurs unités et ils ont créé, à travers ce processus, leur

18 communauté croate qui comprenait Vrh Bosna, Herceg-Bosna, Posavina et la

19 Bosnie centrale.

20 Par la suite, avec l'accroissement des attaques dans la partie centrale

21 d'Herceg-Bosna, le besoin était créé de procéder à la création des unités

22 croates, au niveau municipal, pour organiser la défense. Dans ce but, les

23 représentants du peuple croate, qui étaient élus de manière légale lors

24 des élections multipartites en 1990, donc les membres du HDZ, lors d'une

25 réunion qui a eu lieu le 18 novembre 1991 à Grude, ont pris la décision

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1 dont il a été question auparavant.

2 L'accusation affirme que, dans la communauté croate d'Herceg-Bosna, la

3 langue et la monnaie croate étaient utilisées. En effet, la monnaie croate

4 a été utilisée, mais j'affirme -et nous allons le prouver- beaucoup moins,

5 en une moindre mesure, que les deutschemarks. Et on ne peut pas tirer des

6 conclusions sur l'expansionnisme de la République de Croatie à l'égard de

7 la République de Bosnie-Herzégovine.

8 Vient la question de la langue. Le peuple croate a, depuis toujours,

9 utilisé la langue croate. Et le peuple musulman qui habitait dans la

10 région de l'Herzégovine a également utilisé la même langue. En effet, la

11 langue bosnienne ou musulmane n'a jamais existé, et les témoins l'ont

12 évoqué; Slobodan Praljak, Stjepo Andrejic, Jozo Maric, et bien d'autres.

13 L'accusation affirme -je cite-: "La République de Croatie a ouvertement

14 fait savoir qu'elle soutenait les intentions et les aspirations de la

15 communauté croate d'Herceg-Bosna".

16 L'accusation affirme que la République de Croatie a effectivement soutenu

17 la communauté croate d'Herceg-Bosna, mais c'est difficile à prouver. La

18 pièce à conviction n°155 contient une lettre du Président Tudjman adressée

19 à M. Alija Izetbegovic, du 5 juillet 1999. Cette lettre confirme tout ce

20 que la défense de Naletilic et de Martinovic affirme ici.

21 L'accusation poursuit -je cite-: "La République de Croatie a donné aux

22 Croates de Bosnie le droit à la citoyenneté croate". C'est exact, la

23 République de Croatie leur a donné effectivement la nationalité croate,

24 mais dans le cadre d'une double nationalité. Elle n'a pas annexé cette

25 partie de la population.

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1 L'accusation affirme que, suite à la décision du 14 septembre 1992, la

2 Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a proclamé la communauté

3 croate d'Herceg-Bosna illégale. Il est exact que la Cour constitutionnelle

4 a proclamé, a décidé que la communauté croate d'Herceg-Bosna n'était pas

5 légale, mais la légitimité, les pouvoirs de cette Cour constitutionnelle

6 sont douteux. Nous allons prouver que, de fait, la Cour constitutionnelle

7 n'existait plus, à l'époque.

8 Il s'agit donc d'une question de rhétorique. Si la Cour constitutionnelle

9 a décidé que la communauté croate d'Herceg-Bosna n'était pas légale,

10 pourquoi alors le Président Alija Izetbegovic participait à des

11 négociations et des pourparlers avec des représentants d'une entité qui

12 n'existait pas et qui était illégale?

13 Monsieur le Président, et Mesdames les Juges, nous avons des documents que

14 nous venons d'obtenir, il y a un jour ou deux, qui vont prouver ce que je

15 viens d'affirmer.

16 Ensuite, l'accusation affirme -je cite-: "La communauté internationale n'a

17 jamais reconnu la communauté croate d'Herceg-Bosna autoproclamée. La

18 communauté internationale n'a jamais non plus reconnu la République croate

19 d'Herceg-Bosna autoproclamée également, le 28 août 1993."

20 Qu'est-il exact dans tout cela? C'est exact, mais cela ne veut rien dire

21 parce que cette reconnaissance n'a jamais été réclamée. Mais si nous

22 entrons dans un discours plutôt théorique, nous pouvons dire qu'un Etat

23 est défini–et ceci figure dans "Word Book Encyclopedia" de 1990-, donc que

24 le territoire, la population et la souveraineté, à ce propos, que le terme

25 "d'Etat" veut dire: un territoire où la population est organisée sous un

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1 gouvernement souverain. Ce qui est important, donc, c'est que l'Etat même

2 reconnaisse la validité du droit international et de s'y conformer.

3 Donc la communauté croate d'Herceg-Bosna n'était rien d'autre qu'une

4 entité de défense qui a été créée uniquement pour que les Croates de

5 Bosnie-Herzégovine puissent se défendre de l'agression de la JNA. Et elle

6 a agi, pendant toute cette période, de manière légale.

7 Les documents prouvant la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna,

8 de la République croate d'Herceg-Bosna et du HVO montrent bien qu'il ne

9 s'agissait que d'organisations provisoires qui ont été créées justement

10 parce qu'il y a eu la guerre.

11 A la différence des Serbes en Republika Srpska qui ont adopté une

12 Constitution, qui ont créé tout un ensemble de lois, la communauté croate

13 d'Herceg-Bosna appliquait les lois qui étaient en vigueur en République de

14 Bosnie-Herzégovine.

15 Des nouvelles lois et nouveaux décrets ont été adoptés afin de combler les

16 lacunes et d'adapter les lois de la Bosnie-Herzégovine là où c'était

17 nécessaire mais, en règle générale, les lois de Bosnie-Herzégovine

18 s'appliquaient, sauf dans les cas où il fallait les modifier.

19 La communauté croate d'Herceg-Bosna et la République croate d'Herceg-Bosna

20 voulaient qu'on trouve une solution pour tous les trois peuples de Bosnie-

21 Herzégovine et que les Croates obtiennent le statut d'un peuple

22 constitutif.

23 La communauté croate d'Herceg-Bosna a créé des institutions, mais ce

24 n'était qu'une nécessité parce que le système en République de Bosnie-

25 Herzégovine ne fonctionnait plus, la présidence ne fonctionnait plus, le

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1 gouvernement ne fonctionnait plus. Donc tout ce qui forme un Etat ne

2 fonctionnait pas. Il s'agissait du pouvoir, la prise du pouvoir,

3 l'application du pouvoir sur tout le territoire de l'Etat pratiquement

4 n'existait plus depuis donc le centre de cet Etat même.

5 La question qui se pose est la suivante: la présidence et le gouvernement

6 de Sarajevo exerçaient-ils un pouvoir quelconque à Banja Luka? Il est

7 clair que non!

8 Exerçaient-ils un pouvoir quelconque à Pale: la présidence, le Président

9 Alja Izetbegovic, le gouvernement? Non, bien sûr que non. Quiconque

10 affirme quoi que ce soit de ce genre, ne fait que mentir.

11 Est-ce qu'ils contrôlaient la situation dans la partie orientale de

12 l'Herzégovine? Non. Les autorités de Sarajevo ne pouvaient même pas

13 communiquer avec le reste de l'Etat, elles n'avaient aucun contrôle sur

14 ces parties.

15 D'après les témoins experts, nous savons qu'il n'y avait pas de contrôle

16 sur les frontières, que le système bancaire ne fonctionnait pas, que l'on

17 ne payait pas d'impôt, que les PTT… -même si cela semble banal le fait est

18 qu'il n'y avait pas de communication- on n'obtenait pas le courrier: les

19 PTT ne fonctionnaient pas. Les citoyens de Mostar ne pouvaient

20 communiquer, ni par le téléphone ni par la poste, avec leur famille à

21 Brcko, Zenica, Sanski Most, etc. Afin que la vie se déroule de manière

22 plus ou moins normale, on était obligés d'organiser des services. Il ne

23 s'agissait pas d'imposition, d'option politique. Il s'agissait

24 d'organiser, de faire en sorte que la vie se déroule plus ou moins

25 normalement sur le territoire qui pouvait être contrôlé par les Croates.

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1 De même, il a fallu former le HVO, le conseil de défense croate, afin de

2 pouvoir se défendre de l'armée de la Republika Srpska et de la JNA.

3 Par la suite, comme c'était une armée bien organisée, une armée qui avait

4 une composante civile et militaire, il ne s'agissait que de la conséquence

5 logique que les Croates ont éprouvé pour mettre en place ce système.

6 Je ne sais pas quand vous avez programmé de faire la pause?

7 M. le Président (interprétation): Probablement vers 5 heures, nous ferons

8 une pause de 30 minutes.

9 M. Seric (interprétation): Merci.

10 Nous avons entendu, tout au long de ce procès, beaucoup de choses sur la

11 participation de la communauté internationale qui était indispensable et

12 qui a influencé tout ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine et en ex-

13 Yougoslavie dont résulte la situation actuelle, c'est-à-dire que nous nous

14 retrouvons tous dans ce prétoire, et que je m'adresse à vous en ce moment-

15 ci. S'il n'y avait pas eu de volonté de la part de la communauté

16 internationale, nous n'aurions probablement jamais eu l'occasion de nous

17 rencontrer, par malheur ou par bonheur.

18 Donc la communauté internationale a certainement pu mettre fin à la guerre

19 à n'importe quel moment. J'affirme qu'elle avait la force nécessaire pour

20 ce faire, mais la guerre a duré quatre ans et c'est parce que la

21 communauté internationale, soit par bêtise, par ignorance, ou parce

22 qu'elle le désirait, c'est un fait qui est dû à la communauté

23 internationale. Ce n'est pas moi qui affirme cela, c'est Adrien Hastings,

24 un historien qui l'affirme, un professeur de théologie et de l'histoire

25 des religions à l'université de Leeds.

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1 Les opérations dans les Balkans auraient été très dangereuses dues aux

2 montagnes et aux zones inaccessibles. Il s'agit d'une grande forteresse

3 contre un ennemi dont la stratégie s'apparente à celle de Giapu; le

4 général qui a participé à la guerre du Vietnam, donc le général Barry

5 McCaffrey, en a témoigné devant le Sénat en Amérique, le 11 avril 1992.

6 Toutes ces estimations étaient décourageantes. Déjà en août 1992, on

7 l'affirmait devant des gens qui ont participé à la guerre du Vietnam, et

8 pour eux c'était déjà décourageant puisqu'ils avaient justement connu la

9 guerre du Vietnam…

10 Paul Williams, lors d'une table ronde qui s'est tenue à Budapest en 1998,

11 a affirmé ceci: "Il n'existe rien de tel que la communauté internationale,

12 il ne s'agit que... -là je vais utiliser un euphémisme pour ne pas le

13 citer- … un groupe de pays qui dirigent le monde: ce sont les Etats-Unis,

14 la Russie, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Union

15 européenne. Et ensuite leurs objectifs sont purement égoïstes: ce n'est

16 pas la prévention du nettoyage ethnique qui les intéresse ou du génocide,

17 ce sont leurs intérêts".

18 L'intérêt des Etats-Unis était de préserver le statu quo, de préserver

19 l'intégrité territoriale de la République socialiste fédérative de

20 Yougoslavie.

21 L'Allemagne avait des intérêts économiques, parce qu'un afflux massif de

22 réfugiés ne l'intéressait pas.

23 La Grande-Bretagne voulait préserver son statut de grande puissance, même

24 si cela lui est difficile. Mais, les liens historiques qui lient la Serbie

25 à la Grande-Bretagne et les rapports qui existent entre les deux familles

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1 royales.

2 Les Français voulaient maintenir un équilibre en Europe, alors que la

3 Russie voulait préserver son image de grande puissance. Et les Chinois

4 voulaient jouer en parité avec les Etats-Unis, à cause justement de leur

5 situation au Tibet.

6 C'est pour cela que la communauté internationale voulait maintenir le

7 conflit confiné sur ce territoire, sur le territoire de la Croatie et de

8 la Bosnie-Herzégovine, afin qu'il ne s'élargisse pas au Kosovo.

9 La première réaction du Gouvernement des Etats-Unis, quand on leur a dit

10 qu'il y avait des camps de concentration, fut qu'ils ne pouvaient pas le

11 croire. Ils disaient que ce n'était pas vrai, que ce n'était pas possible.

12 Et le rôle décisif a été joué par le facteur CNN où le journaliste, M. Roy

13 Gotman, s'est rendu à Manjaca, le 19 juillet 1992 -c'est un camp qui se

14 trouve à 15 kilomètres au sud de Banja Luka- et quand il a publié son

15 article, le 2 août, dans des journaux à large distribution, et qu'en

16 première page le titre était: "Camps de la mort en Bosnie". Cela a

17 vraiment lancé une réaction massive. Il y avait des articles d'après

18 lesquels on estimait qu'il y avait quelque 30.000 Musulmans et Croates qui

19 étaient enfermés dans ces camps, rien que dans la région de Banja Luka.

20 Ces scènes, évidemment, ont rappelé au monde la solution finale des nazis

21 à la question juive. Le grand public et les organisations humanitaires

22 également se sont emparés de la chose et ont exercé des pressions sur les

23 Etats-Unis qui ont lancé des sanctions contre Belgrade. Je vous parle là

24 des paroles du professeur Paul Williams, suite aux discussions de la table

25 ronde, guerre en Croatie et Bosnie-Herzégovine, qui a eu lieu en 1998 à

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1 Budapest.

2 La défense affirme également que l'article 3 du document sur la

3 proclamation de la HZ-HB, et daté du 18 novembre 1991, indiquait que

4 Mostar était la capitale de cette communauté. La désignation de Mostar

5 comme capitale de la communauté croate autoproclamée a été réaffirmée dans

6 le décret du Président de la HZ-HB datée du 8 avril 1992, et faisant du

7 conseil croate de défense, le HVO, l'organe suprême exécutif, avec Mostar

8 comme quartier général.

9 Cette désignation a été réaffirmée par le décret, pris par ce même

10 Président en date du 28 août 1993, par lequel la HZ-HB se rebaptisait:

11 "République croate de Bosnie-Herzégovine". Au cours de l'histoire, Mostar

12 a été considérée capitale de la Bosnie-Herzégovine et vraiment la ville la

13 plus importante de la région.

14 Cette région de la municipalité de Mostar compte parmi d'autres les

15 villages suivants: Rastani, Bijelo Polje, Vojno, Potoci, Rudnik, Ilici,

16 Djikovina, Panjevina, Rodoc, Podhum, Zahum et Blagaj.

17 Avant le début du conflit, la municipalité de Mostar, d'après en tout cas

18 le recensement officiel de la population de 1991, se composait des

19 communautés suivantes parmi les 126.628 habitants: 34,6% ou 43.856 étaient

20 des Musulmans. 33,9%, à savoir 43.037 habitants étaient des Croates, 18,8%

21 à savoir 23.846 personnes étaient des Serbes, 9,9% à savoir 12.768

22 personnes étaient des Yougoslaves, et 2,4% à savoir 3.121 personnes

23 étaient d'une autre origine ethnique. La défense est d'ailleurs d'accord

24 avec ces chiffres et ne les conteste pas.

25 La défense, en outre, affirme que le conseil de défense croate, déjà en

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1 octobre 1992, fut attaqué par des Musulmans bosniaques dans la ville de

2 Prozor. Ce n'est pas vrai, et nous le prouverons; nous montrerons que le

3 HVO n'a pas attaqué des Musulmans à Prozor, c'était plutôt l'inverse.

4 Cependant, il faut analyser tout ce qui a précédé cette escalade du

5 conflit entre les Musulmans et les Croates en Bosnie-Herzégovine.

6 Monsieur le Président, Mesdames les Juges, nous avons entendu, et nous

7 entendrons encore, que la victoire des parties basées sur des clivages

8 ethniques au cours des premières élections multipartis/multipartistes

9 indiquent clairement que le communisme et l'esprit yougoslave

10 internationale ont joué le rôle d'excuse, ce qui n'a pas vraiment mis un

11 terme au chauvinisme ou au nationalisme.

12 Le Parti musulman d'action démocratique, le SDA, a recueilli la majorité

13 de la population musulmane; son objectif était de préserver la Bosnie-

14 Herzégovine comme étant une entité politique distingue, indépendamment du

15 fait de savoir si elle deviendrait incorporée dans un Etat plus large qui

16 viendrait à être créé. Son autre objectif était de créer, en fin de

17 compte, une société totalement islamique.

18 L'autre parti, le Parti serbe démocratique, le SDS, quant à lui, portait

19 le même nom que le parti des Serbes en Croatie, mais il avait davantage de

20 poids, tant sur le plan idéologique et également sur le plan numérique,

21 par rapport aux deux autres populations qui étaient présentes en Bosnie-

22 Herzégovine.

23 Ces deux partis serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine faisaient

24 partie intégrante d'un mouvement politique serbe dont le centre était

25 Belgrade. Son objectif s'est résumé par une déclaration très claire disant

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1 que tous les Serbes vivraient dans un seul et même Etat, ce qui ne fait

2 que corroborer le fait qu'ils ne reconnaissent pas les frontières

3 républicaines et que leur objectif était de créer des frontières

4 ethniques.

5 Le parti des Croates, en Bosnie, l'Union démocratique croate, s'appelait

6 également du même nom en Croatie. Contrairement aux chefs de ce parti qui

7 étaient présents au cours de la période avant-guerre, les électeurs ont

8 manifesté très clairement qu'ils se tournaient vers Zagreb et vers le

9 Président croate. Et le parti plaidait en faveur de la décentralisation du

10 gouvernement en Yougoslavie, en transformant le pays en Confédération, de

11 sorte que les frontières internes de la République puissent être

12 maintenues. Et ce n'était que si cette Confédération ne pouvait voir le

13 jour, qu'une séparation de la Yougoslavie serait inscrite à l'ordre du

14 jour, à condition évidemment qu'il y ait égalité entre les trois peuples

15 constituants.

16 Les partis qui ont gagné les élections, ont organisé ensuite le

17 gouvernement en fonction du modèle de divisions durables qui, forcément,

18 n'ont pas toujours été fondées sur des aspects naturels et démocratiques.

19 Et donc, les partis ethniques ont dit très clairement au départ quelles

20 étaient leurs opinions sur l'avenir de la Bosnie-Herzégovine et qu'ils

21 n'étaient pas d'accord avec ce qui se passait. Dès lors, ce n'était pas

22 tellement étonnant puisque c'était également vrai concernant leur

23 interprétation du passé et du présent.

24 La guerre en Croatie, en 1991 ou en 1992, a affecté les Bosniaques et les

25 Croates d'Herzégovine, de la même manière que ce fut le cas dans leurs

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1 propres pratiques. Donc, les Croates considéraient qu'il s'agissait

2 d'attaques contre les Croates, quelle que soit la République dont ils

3 provenaient. Certains étaient serbes; peu importe quelle était la

4 République dont ils provenaient. C'était pareil également pour des

5 Bosniaques et des Croates de l'Herzégovine qui ont rejoint les rangs de la

6 guerre. Les Serbes de Bosnie et d'Herzégovine, d'autre part, ont également

7 rejoint les efforts de guerre en Croatie en grand nombre, parce qu'ils

8 considéraient que c'était leur identité nationale qui était perçue comme

9 étant les gardiens de Yougoslavie.

10 Ensuite, il y a eu réduction des activités de la part des corps des

11 officiers de l'armée yougoslave, les nouvelles recrues faisant leur

12 service militaire régulier, et des corps de réservistes ont été organisés

13 par l'armée populaire yougoslave. Il y avait des volontaires, et tous ceux

14 qui ont rejoint les rangs de manière volontaire n'étaient pas trop élevés.

15 Dès lors, au début des attaques de la JNA en Croatie, les zones de Bosnie

16 Krajina et à l'est de l'Herzégovine ont servi de zones de soutien pour les

17 attaques en Slavonie occidentale; elles ont servi également de base de

18 soutien dans le sud de la Croatie depuis l'embouchure de la Neretva.

19 Les commandants de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine ont même

20 payé des réservistes bosniens et herzégoviniens sans avoir eu

21 l'approbation préalable de la Présidence de la République socialiste, qui

22 s'appelait encore Bosnie-Herzégovine, en utilisant les fonds de l'état-

23 major républicain de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine.

24 Il faut savoir qu'à l'époque, la souveraineté républicaine de la Bosnie-

25 Herzégovine était telle qu'il aurait été plus simple de répondre à la

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1 question de savoir si elle existait.

2 Comme j'ai pu vous l'indiquer préalablement, une partie du territoire de

3 Bosnie-Herzégovine ne pouvait suivre la trace des populations locales; il

4 s'agissait surtout d'une zone d'attaque sur la République de Croatie.

5 Et outre l'utilisation de ces territoires de Bosnie-Herzégovine, l'armée

6 populaire yougoslave a également attaqué les Croates en Bosnie-

7 Herzégovine; ce qui fut confirmé par des destructions de villages croates

8 en Bosnie-Herzégovine de l'Est. Les symboles de cette attaque ont été

9 illustrés par le village de Ravno, qui représente vraiment les souffrances

10 que ces populations ont endurées.

11 Alors, est-ce que la Bosnie-Herzégovine est l'agresseur aux yeux de la

12 Croatie? La Bosnie et l'Herzégovine ont été le théâtre des opérations à

13 partir desquelles des opérations d'attaque des armées populaires

14 yougoslaves ont été lancées contre la Croatie et certains d'ailleurs ont

15 mêmes -blague à part- tout de suite fait leur la politique du centre de

16 Belgrade qui, à l'exception des zones frontalières habitées par les

17 Croates, étaient des zones de guerre.

18 Il y avait également des zones frontières qui n'ont pas joué un rôle très

19 favorable pour la Croatie, avec des rôles fort peu favorables pour la

20 Croatie et des bases opérationnelles ordinaires que la JNA n'a pas pu

21 vraiment utiliser correctement. Ce sont des faits auxquels on n'a pas

22 attaché un poids suffisant, et les trois populations constituant la

23 Bosnie-Herzégovine avaient une attitude tout à fait claire concernant la

24 guerre en Croatie. Les Croates et les Serbes y participaient, alors que

25 les Musulmans essayaient de rester en marge, conformément aux propos

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1 d'Izetbegovic disant qu'il ne s'agissait pas de leur guerre.

2 Si nous considérons que la Bosnie-Herzégovine est une région qui a

3 fonctionné au niveau territorial actuel, à savoir entre 1878 jusqu'en

4 1918, puis entre 1945 et 1991, nous pourrions conclure que la Bosnie-

5 Herzégovine a toujours subsisté partant d'un statut particulier.

6 Il importe de dire également que ce statut, à savoir cette garantie de

7 survie et d'indivisibilité, s'était toujours située en dehors des

8 frontières de la Bosnie-Herzégovine.

9 Au sein de la monarchie austro-hongroise, cela se trouvait sous ingérence

10 de ministères conjoints. Au niveau de la Yougoslavie socialiste, cela

11 était basé sur les antagonismes entre la question croate et serbe, à

12 l'occasion de quoi, vers la fin de l'existence de cet Etat, on a adjoint

13 de façon active la question musulmane. Et vers la fin des années 80, pour

14 garantir l'équilibre qui avait maintenu la Bosnie-Herzégovine ensemble, on

15 a commencé à détruire les fondements même de cet équilibre pour finir par

16 y aboutir vers l'automne 1991.

17 L'accusation dit que s'est ensuivi, par la suite, un conflit armé entre le

18 HVO et les forces de la Bosnie-Herzégovine qui s'est prolongé jusqu'au

19 mois de février 1994.

20 Or, les événements de 1992, les conflits armés de 1992 avaient connu des

21 avant-propos politiques qui se sont déroulés dans la deuxième moitié de

22 1991. Et je crois que la défense du co-accusé, Naletilic, la défense faite

23 par notre confrère, l'a déjà déterminé.

24 Dans un sens politique, les Serbes de Bosnie en date du 24 octobre 1991

25 ont créé une assemblée, un parlement du peuple serbe en Bosnie-

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1 Herzégovine. Partant d'un plébiscite du peuple serbe qui s'est tenu le 9

2 et 10 octobre 1991, on a confirmé l'existence et proclamé des Régions

3 serbes autonomes en Bosnie-Herzégovine.

4 Le pas suivant est le pas qui a eu lieu le 21 décembre 1991, qui a

5 consisté en la création d'une République serbe de Bosnie-Herzégovine, ce

6 qui s'est fait le 9 janvier 1992.

7 C'est là que l'on a entamé le processus de séparation des organes centraux

8 de la République sur une partie du territoire de Bosnie-Herzégovine pour

9 le conduire jusqu'à un aboutissement. Par la suite, suite aux Serbes, les

10 Croates de Bosnie-Herzégovine ont témoigné de la nécessité de s'organiser

11 sur le territoire de la République, parce que cette république devenait de

12 plus en plus petite.

13 A la réunion des présidents des cellules de crise dans des communautés

14 régionales de Herzégovine et de Travnik, notamment à Grude, le 12 novembre

15 1991 il a été conclu de la nécessité pour le peuple croate en Bosnie-

16 Herzégovine d'entamer la conduite d'une politique déterminée et active

17 censée aboutir à la réalisation d'un rêve séculaire qui consisterait en la

18 réalisation d'un Etat croate conjoint.

19 Et alors que les conclusions en question parlaient d'une stratégie des

20 Croates de Bosnie-Herzégovine qui consisterait en la création d'une

21 Croatie souveraine dans ces frontières ethniques et historiques possibles,

22 six jours plus tard, la chose a été éliminée parce qu'on a adopté une

23 décision de création d'une communauté croate d'Herceg-Bosna qui disait que

24 cette communauté allait respecter les pouvoirs, les autorités

25 démocratiquement élues de la République de Bosnie-Herzégovine tant qu'il y

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1 aura indépendance de l'Etat de Bosnie-Herzégovine par rapport à l'ex-

2 Yougoslavie et à toute Yougoslavie éventuelle.

3 Dans sa décision de souveraineté du parlement de Bosnie-Herzégovine

4 adoptée en date du 15 octobre 1991, il a été dit, entre autres, que la

5 République de Bosnie-Herzégovine se développerait en tant que République

6 civile, souveraine et indivisible.

7 Dans les conflits entre la Serbie et la Croatie, elle se proposait de

8 rester neutre, alors que dans la communauté yougoslave, elle ne saurait y

9 demeurer que si la Serbie et la Croatie y restaient, ce qui était la

10 réplique de la position musulmane.

11 S'agissant des autres populations, à savoir les Serbes et les Croates, la

12 position était déjà anachronique. La Yougoslavie s'était décomposée et la

13 Bosnie-Herzégovine était une Yougoslavie en tout petit.

14 Les Musulmans, aux yeux des Croates et des Serbes, n'étaient toujours pas

15 des ennemis, mais pas des alliés non plus. Et c'est une situation qui dure

16 jusqu'en avril 1992, date à laquelle une nouvelle page dans l'histoire de

17 la Bosnie-Herzégovine vient à être tournée.

18 La période allant jusqu'au début des conflits jusqu'en Bosnie-Herzégovine

19 est caractérisée par les préparatifs des parties pour la guerre.

20 L'intensité de ces préparatifs n'est pas identique, notamment parce que

21 les étapes ou les points de départ sont différents.

22 Ceux qui ont pris les devants, c'est le Parti démocratique serbe, parti

23 serbe qui est approvisionné en armes par la JNA serbisée. Les Croates, via

24 le HDZ, se procurent également des armes, mais dans des quantités

25 nettement moins importantes que ce n'est le cas pour les Serbes.

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1 Toutefois, ces quantités sont suffisamment importantes pour leur faire

2 perdre leur sentiment d'infériorité, notamment en raison du désarmement de

3 la Défense territoriale de la République par les soins de la JNA.

4 Ce sont les Musulmans qui connaissent une situation des plus défavorables;

5 en partie, parce qu'ils s'étaient trouvés pris entre les chefs politiques

6 et les aspirations de la population. Mais ils ont, très tôt, fait des pas

7 sur ce plan-là également. La Ligue patriotique musulmane a été créée le 2

8 mai 1991. C'est à ce moment-là qu'on ne pouvait la traiter qu'en qualité

9 de travail militaire appartenant à un parti.

10 Puis, à nos foyers de la police de Sarajevo: en date du 10 juin 1991, à

11 l'occasion d'une réunion de ces opérateurs publics oraux originaires de la

12 Yougoslavie entière, sous l'égide du SDA, il s'est créé un Conseil de la

13 défense nationale du peuple musulman avec la Ligue patriotique qui était

14 une aile militaire.

15 Donc la scène politique en Bosnie-Herzégovine avait rappelé la scène

16 politique du royaume de Yougoslavie, du temps des accords entre Dragisa

17 Cvetkovic et Vladtko Macek, à l'époque donc où les représentants

18 politiques des Serbes et des Croates avaient résolu les problèmes les plus

19 importants en mettant les Musulmans "quelque part de côté", entre

20 guillemets.

21 Ce qui est commun dans cette "course à l'armement", c'est le principe

22 ethnique qui était le sien. Tous s'armaient à part; chacun pour soi. Et

23 lors de la tenue de ce conseil militaire de la Ligue patriotique musulmane

24 dans le village de Mehurici, à proximité de Travnik, qui s'est tenu donc

25 dans la nuit du 7 au 8 février 1992, on a conclu qu'il y avait là, à leur

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1 disposition, entre 60 et 70.000 membres armés.

2 C'est donc vers la fin du mois de février que l'on a promulgué et adopté

3 une directive afférente à la défense de la souveraineté, qui disait que la

4 Ligue patriotique à l'égard des forces visant à briser la Bosnie-

5 Herzégovine -et on sous-entendait par là le SDS avec l'armée yougoslave,

6 ainsi que l'aile extrémiste du HDZ- donc cette directive qui avait été

7 promulguée, avait fixé pour tâche principale la protection de la

8 population musulmane, la sauvegarde de l'intégrité et de la totalité de la

9 Bosnie-Herzégovine aux fins d'assurer une vie conjointe de toutes les

10 populations et de toutes les minorités nationales sur le territoire

11 conjoint de Bosnie-Herzégovine.

12 Au point 3, on avait même convié les populations de Sandzak, du Kosovo et

13 de Macédoine à se solidariser –c'est ce qui a été écrit dans le texte-

14 avec notre lutte, juste aux fins d'entamer immédiatement des activités de

15 combat –et je précise que c'est déjà en février qu'on avait rédigé la

16 chose-, donc d'entamer immédiatement des activités de combat pour lier les

17 effectifs de l'ennemi sur ces territoires-là et pour affaiblir sa

18 puissance de frappe sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.

19 En même temps, ils ont établi des contacts visant à la coopération et à la

20 collaboration avec le peuple croate en Bosnie-Herzégovine contre un ennemi

21 conjoint. Donc par rapport au début du mois, cela avait été un progrès

22 notable parce qu'on ne se dit plus ennemi, ou se trouvait à l'opposé de ce

23 qu'ils avaient désigné par l'aile extrémiste du HDZ.

24 Je crois que je ne pourrai en finir avec ce premier segment.

25 M. le Président (interprétation): Oui, en effet. Nous allons faire

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1 maintenant une pause et nous allons reprendre à la demie.

2 (L'audience, suspendue à 17 heures 03, est reprise à 17 heures 33.)

3 (Questions relatives à la procédure.)

4 M. le Président (interprétation): Avant que nous commencions, Monsieur

5 Seric, est-ce que vous pourriez nous faire savoir, dans votre demande

6 concernant les mesures de protection, de quelle nature elles seront pour

7 ces témoins? Jusqu'à présent, nous n'avons pas encore reçu de demandes en

8 vue de prévoir des mesures protectrices pour ces témoins.

9 M. Seric (interprétation): Mesdames et Monsieur les Juges, je crois que

10 nous avons déjà parlé de cela mais, en tout état de cause, je vais vous

11 répéter cette question et je la reprendrai dans le courant de la journée

12 de demain.

13 Notre premier témoin n'a pas besoin de mesures de protection et, pour ce

14 qui est d'un certain nombre d'autres qui suivront à la barre, les premiers

15 témoins, ils auront un pseudonyme, déformations du visage et de la voix. A

16 l'exception du témoin n°2 pour lequel nous demandons qu'il y ait huis clos

17 complet, il devrait être à la barre jeudi.

18 M. le Président (interprétation): Très bien. Fort bien.

19 Madame la Greffière?

20 Mme Thompson (interprétation): Je voudrais informer la défense que si des

21 mesures de protection, telle que la déformation de la voix, sont

22 demandées, il faut un préavis de 24 heures pour l'équipement audiovisuel

23 afin que l'on puisse préparer l'équipement. Je voudrais donc simplement

24 que vous m'avertissiez du nombre de témoins qui devront être protégés par

25 le biais de cette déformation de la voix.

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1 M. le Président (interprétation): Autre question également: combien de

2 temps faudra-t-il pour terminer votre déclaration liminaire? Nous avons

3 l'intention d'entendre le premier témoin demain.

4 M. Seric (interprétation): Fort bien. Aurons-nous la possibilité de

5 terminer et d'entendre le premier témoin demain? Je ne le sais pas. Cela

6 ne dépend pas uniquement de la défense. Si nous n'avions pas commencé avec

7 du retard, j'aurais sans doute pu terminer ma déclaration liminaire

8 aujourd'hui et Me Par aurait terminé demain.

9 En tout état de cause, nous commencerons à entendre le premier témoin

10 demain et je pense que la défense devrait avoir terminé d'interroger le

11 premier témoin demain également.

12 M. le Président (interprétation): Comme je l'ai dit à Me Par, le dernier

13 jour du procès de M. Naletilic, nous avions dit que la déclaration

14 liminaire devrait constituer un résumé de l'affaire et non pas tout un

15 étalage des diverses preuves. Je pense également qu'il s'agit d'une

16 présentation des opinions de la défense, c'est-à-dire d'une présentation

17 de vos opinions.

18 Ici, vous parlez à des Juges et non pas à un jury. Nous sommes bien au

19 courant de l'affaire. Nous siégions dans cette affaire depuis déjà pas mal

20 de temps. Pour tout ce qui est de l'historique de l'affaire, je pense que

21 nous avons tout de même une idée assez claire de la nature de vos

22 opinions. Je vous demanderai, dès lors, d'être le plus concis possible

23 dans cette déclaration liminaire.

24 Je crois que nous avons vraiment besoin d'entendre ce premier témoin.

25 En tout état de cause, vous pouvez poursuivre, Maître Seric.

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1 (Déclaration liminaire de Me Seric, suite.)

2 M. Seric (interprétation): Bien. Je vais poursuivre, Monsieur le

3 Président, Mesdames les Juges, en vous disant qu'au cours des années 1991

4 et 1992, la JNA a rassemblé ses troupes, ses équipements techniques et les

5 a fait sortir de Slovénie et de Croatie. Et à partir de là, la JNA a

6 entamé une guerre pour entourer les zones ethniques serbes.

7 Ils y ont assez vite réussi dans l'est de la Bosnie, dans des régions où

8 la majorité de la population est musulmane. Pour ce qui est du sud-ouest

9 de Bosnie, ils ont bien réussi à Kupres mais ils ont rencontré un double

10 échec dans les régions autour de Livan. Ils n'ont pas réussi non plus pour

11 occuper Sarajevo ainsi que dans la vallée de la Neretva. C'est vers la fin

12 du mois de mars que des attaques ont été lancées ou ont été entamées à

13 Posavina.

14 Je vous prie de m'excuser, je vous ai sans doute lu mon texte fort

15 rapidement et trop rapidement. Etant donné que vous m'avez demandé d'être

16 concis, c'est pourquoi j'ai lu encore plus vite. Il m'est fort difficile

17 de réduire cette déclaration -non seulement je l'ai préparée, je l'ai mise

18 par écrit- surtout du fait qu'un certain nombre de faits n'ont pas été

19 présentés jusqu'à présent, même si vous avez pu en entendre parler

20 directement ou indirectement de la bouche de témoins.

21 Mais, dans le cadre de cette affaire, les choses n'ont pas toujours été

22 présentées sous ce jour. En tout état de cause, notre déclaration

23 liminaire ne sera pas aussi longue que ce ne fut le cas d'autres.

24 Dans la zone de la Krajina Bosanska où il n'y avait pas vraiment de

25 résistance majeure, la pratique de purification ethnique a commencé par

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1 l'ouverture de camps de concentration; pratique qui, par la suite, s'est

2 étendue à d'autres parties de la République serbe de Bosnie-Herzégovine.

3 Il semble qu'au cours de cette première étape de la guerre, la JNA ou

4 l'armée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, à partir du 2 mai, a

5 essayé d'occuper tout ce qu'ils pouvaient dans ces régions qui étaient

6 accessibles par voie de chars. Dans des régions, par contre, où les chars

7 ne pouvaient pénétrer, soit à cause de la nature du terrain inaccessible

8 ou à cause d'une résistance majeure, là, ils ont beaucoup moins bien

9 réussi de manière plus éparse. Après le début, ils n'ont pu réussir

10 qu'avec beaucoup d'efforts et avec des engagements majeurs de troupes et

11 de matériels, ainsi que d'équipements techniques. Ce fut le cas à

12 Bosanska-Posavina et à Jajce.

13 Au cours de cette première étape de la guerre pour les Croates et les

14 Musulmans, ils ont essayé de consolider leur ligne de défense et dans ce

15 contexte, l'importance des réussites croates est, sur le plan stratégique,

16 beaucoup plus importante pour un motif simple: c'est que c'est lié

17 également aux réussites de la Croatie sur lesquelles pesaient des menaces

18 et qui constituaient la base logistique.

19 Il faut bien avoir cela en tête: la Croatie était la base logistique, la

20 base de soutien, et les activités de défense et d'opérations de l'armée de

21 Croatie ou des corps de garde nationaux le long des frontières, le long du

22 nord et de l'est de la partie orientale de Bosnie-Herzégovine, signifient

23 qu'ils donnaient un appui direct à l'armée de Bosnie-Herzégovine du fait

24 que, par ces opérations de combat, ils faisaient le lien avec certaines

25 parties des troupes de Serbes de Bosnie et permettaient ainsi à l'aide

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1 humanitaire de passer et, à la logistique, également de passer.

2 Ce que je voudrais vous dire, c'est qu'il y a eu pas mal d'amnésie

3 collective concernant cet aspect des choses, non seulement en Bosnie et en

4 Herzégovine mais également en Croatie.

5 Lorsqu'il y a eu la chute de Jajce et de la Bosanska Posavina, la guerre

6 avec l'armée de la Republika Srpska s'est terminée. Et lorsque Livno fut

7 défendue avec une partie de la vallée de la Neretva, ce qui a mis fin

8 d'ailleurs à ces combats, le conseil de défense de Croatie a pu arriver à

9 un statu quo avec les Serbes. Après quoi, il y a eu d'autres combats à

10 Posavina. Il y a eu plusieurs rencontres entre les chefs des Serbes de

11 Bosnie et des Croates en dehors de la Bosnie et de l'Herzégovine, mais qui

12 n'ont pas permis d'atteindre des résultats concrets.

13 La conclusion en est que les forces du HVO, en plus des problèmes et

14 difficultés auxquels ils ont dû faire face, ont maintenu sous leur

15 contrôle quelque 70% de l'espace libre en Bosnie-Herzégovine. Et ce

16 faisant, le peuple croate s'était défendu lui-même ainsi que la plus

17 grande partie des Musulmans.

18 C'est l'armée de Bosnie-Herzégovine qui avait le moins de raisons d'être

19 satisfaite. C'est elle qui, en fait, fin 1992, avait sous son contrôle le

20 plus faible rapport entre l'ombre des effectifs et la superficie des

21 régions sous son contrôle. Et les conflits musulmano-croates ouverts ont

22 connu un prélude bien avant les premiers jours des conflits à Mostar et

23 ont culminé avec la scission qui s'est opérée entre l'armée de Bosnie-

24 Herzégovine et le conseil croate de la défense, le HVO.

25 La présidence de la Bosnie-Herzégovine avait publié un décret afférent à

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1 l'unification des forces armées bosno-herzegoviennes en date du 9 avril

2 1992.

3 Le HVO, en date du 15 avril, a créé son grand état-major. Et ce qui était

4 en place, était un caractère tout à fait musulman de ce régime d'Alija

5 Izetbegovic.

6 La structure de ce régime bosnien au sein duquel le SDA était la force

7 dominante, alors que le HDZ était censé assumer le rôle d'un partenaire

8 subordonné, c'est précisément ce qui a accéléré la décomposition de l'Etat

9 bosniaque.

10 C'est donc vers le mois de janvier 1993 que Sefer Halilovic avait accusé

11 les hommes politiques croates de ce conflit entre l'armée de la Bosnie-

12 Herzégovine et le HVO. Le 20 mai 1992, le HVO avait été encore considéré

13 comme partie intégrante de l'armée de Bosnie-Herzégovine et, de par

14 l'accord signé en date du 21 juillet entre Tudjman et Izetbegovic, avait

15 fait en sorte que le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient été

16 considérés comme parties intégrantes des forces armées de Bosnie-

17 Herzégovine qui étaient censées être reliées au travers d'un état-major

18 conjoint.

19 Les dissensions politiques au sein des forces armées de Bosnie-Herzégovine

20 et leur décomposition en deux parties -à savoir, le HVO en sa qualité

21 d'effectif croate et l'armée de Bosnie-Herzégovine en tant qu'armée du

22 parti du SDA- se sont faites sous l'influence prédominante des Musulmans.

23 Le plan Vance-Owen datant de janvier 1993 avait été la goutte d'eau dans

24 un verre déjà plein à ras bords, parce que la partie croate avait

25 interprété que ce plan donnait la légitimité, pour ce qui était de la mise

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1 en place de trois provinces, qui prévoyait pour les Croates le placement

2 sous le commandement du HVO et cela a donné lieu à des combats.

3 Après les opérations à Trebevic, moyennant lesquels Alija Izetbegovic

4 avait placé sous son contrôle la 9ème Brigade motorisée et la 10ème Brigade

5 de montagne, il avait mis sous son contrôle le gouvernement parce que le

6 gouvernement était pratiquement devenu un organe du parti musulman du SDA

7 avec Haris Silajdzic à sa tête. Et c'est de là que date la transformation

8 de l'idéologie prévalant au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Et

9 c'est de plus en plus l'élément bosno-musulman qui prévaut.

10 Cette orientation islamique au sein de l'armée a été conduite par Rusid

11 Muminovic, chef du gouvernement chargé des questions confessionnelles dans

12 la Direction chargée des questions politiques de l'armée de Bosnie-

13 Herzégovine, qui a affirmé que l'armée de Bosnie-Herzégovine, à savoir la

14 communauté islamique, ne devrait pas seulement s'en tenir aux besoins des

15 croyants, mais de faire en sorte que l'enseignement de l'islam et la

16 tradition musulmane constituent à l'avenir des fondements principaux de

17 l'essor du peuple musulman des Bosniens, notamment si l'on souhaitait que

18 l'armée ressemble à son propre peuple.

19 Donc le patriotisme islamique et le patriotisme religieux étaient

20 synonymes de la lutte de libération bosnienne, et nous avons vu se mettre

21 en place des unités de la 7ème Brigade musulmane et de ceux qui s'étaient

22 appelés "les Cygnes noirs", qui avaient été des unités des plus radicales

23 dans leurs motifs islamiques extrémistes. Ces unités-là ont constitué le

24 fondement pour l'organisation parallèle au niveau de la chaîne de

25 commandement dont s'était servie Izetbegovic et son homme de confiance

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1 Hasan Cengic.

2 Les Accords de Washington, en date du 3 mai 1994, ont modifié, à titre

3 définitif, l'armée de Bosnie-Herzégovine en armée musulmane. Ce qui fait

4 que l'armée de Bosnie-Herzégovine est en fait devenue une armée du parti

5 du SDA, indépendante du contrôle des instances de l'Etat. Ce qui fait

6 qu'au mois d'avril 1994, la direction de l'armée chargée du moral avait

7 annoncé l'élaboration d'un projet de recherche où le rôle personnel

8 d'Alija Izetbegovic a été proclamé comme étant déterminant pour ce qui est

9 de l'organisation du peuple. Et le 22 octobre 1994, Alija a été proclamé

10 commandant d'honneur de cette 7ème Brigade musulmane fondamentaliste et

11 islamiste.

12 En fin de compte, ce sont les institutions de la Défense territoriale qui

13 se sont développées pour devenir l'armée de Bosnie-Herzégovine. Au sein de

14 l'état-major, il y avait quelque 18% de Croates mais, très rapidement, le

15 SDA réalise ses positions et commence à conduire une politique au sein de

16 l'armée de la police, qui faisait que les Bosniens étaient le peuple

17 principal de la Bosnie-Herzégovine, et qui visait à considérer la Bosnie-

18 Herzégovine comme étant de nature à préconiser aux Serbes et aux Croates

19 de Bosnie-Herzégovine de se diriger vers leur "patrie de réserve".

20 Le SDA avait donc falsifié l'histoire du pays, ce qui fait que l'on avait

21 reconnu, là, un projet tout à fait reconnaissable d'unification de la

22 Bosnie-Herzégovine qui visait à faire en sorte que les Bosniens, plus

23 nombreux, soient considérés comme la population principale ou plutôt le

24 facteur principal; ce qui a justifié les accusations émanant des Serbes et

25 des Croates disant qu'Izetbegovic était en train d'édifier un pays

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1 musulman.

2 Le 18 mars 1992, Boban et Karadzic et Izetbegovic, sous l'égide de

3 Cutilleiro, adoptent une déclaration de principe concernant l'aménagement

4 constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine qui s'énonce comme suit: "La

5 Bosnie-Herzégovine devrait être un Etat indépendant composé de trois

6 unités constitutives."

7 Mme Diarra: Monsieur, s'il vous plaît, veuillez ralentir si possible.

8 L'interprète: Merci, Madame le Juge.

9 M. Seric (interprétation): "La Bosnie-Herzégovine est censée être un pays

10 indépendant composé de trois unités constituantes, fondées sur des

11 principes nationaux qui tiendraient compte de critères économiques

12 géographiques et autres. Alors que le fondement à partir duquel le groupe

13 de travail effectuerait ses activités, devrait être la lutte fondée, basée

14 sur la majorité absolue ou relative sur le plan national s'agissant de

15 toute municipalité."

16 Le conflit de l'armée de Bosnie-Herzégovine et du HVO était en fin de

17 compte une lutte pour l'espace vital. Les Serbes avaient pris plus de 60%

18 du territoire de la Bosnie-Herzégovine en chassant de là-bas les Bosniens

19 et les Croates. Les Bosniens ont trouvé refuge, notamment au niveau de la

20 Bosnie centrale, ce qui a contribué à modifier de façon très nette

21 l'équilibre démographique. Et l'arrivée des Bosniens sur des territoires à

22 population croate majoritaire a été jugée par les dirigeants du HDZ de

23 Bosnie-Herzégovine comme étant une confiscation des territoires aux

24 Croates et il y a eu conflit à Gornji Vakuf.

25 Toutefois, lors des conflits les plus violents entre l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine et le HVO, est demeurée en place une coopération incessante

2 sur bien des lignes de front conjointes, à savoir allant de Orasje au nord

3 de la Bosnie, et passant par la région de Tuzla, vers la zone de

4 responsabilité du 2ème Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine au niveau des

5 lignes de front de Sarajevo. Pourquoi je le dis? Parce que c'est ce qui

6 illustre le mieux qu'il s'agit là d'un caractère de conflit armé non

7 international.

8 L'accusation affirme que le conseil croate de la défense s'était attaqué,

9 dès le mois d'octobre 1992, aux Bosniens musulmans de la ville de Prozor.

10 Cependant, le conflit musulmano-croate ouvert qui a caractérisé cette

11 année 1993 toute entière avait connu ses avant-propos datant des premiers

12 jours de la Bosnie-Herzégovine. Il ne conviendrait pas de négliger une

13 situation. Par exemple, au poste de sécurité publique de Bugojno, on a

14 distribué des munitions à la police de guerre mais on ne l'a fait qu'à

15 l'intention des membres musulmans, en leur disant de dissimuler la chose à

16 l'égard des membres de cette police qui étaient de nationalité croate.

17 A Gornji Vakuf, s'installent donc des relations tendues entre les Croates

18 et les Musulmans. Quoique les deux phrases que je viens de prononcer

19 illustrent, à première vue, une situation prévalant fin 1992 et début

20 1993. Ce sont des choses qui ont été écrites, ce n'est pas moi qui l'ai

21 écrit ou qui l'ai conclu maintenant aujourd'hui, dix ans plus tard.

22 Cela a été écrit à l'époque et cela figure au rapport régulier qui émane

23 de ce que l'on avait appelé "le commandement de la 3e Division des

24 Partisans de la JNA" qui, à la veille de l'éclatement des conflits armés

25 en Bosnie-Herzégovine, avait été chargé d'une zone de responsabilité

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1 allant des plateaux de Kupres en passant par la vallée de la rivière Vrbas

2 jusqu'à la région de Janje.

3 Ces relations de défiance mutuelle qui avaient été enregistrées par les

4 organes de renseignements militaires de cette 3e Division des Partisans

5 avaient été de règle dans tous les milieux où il y avait à peu près le

6 même pourcentage des deux ou des trois populations, à savoir où le nombre

7 des uns n'était pas suffisamment supérieur par rapport au nombre des

8 autres. C'est donc à ces régions-là que l'on ne pouvait pas imposer de

9 solution à l'autre partie.

10 C'est donc à cet effet que nous pourrions constater qu'en Bosnie-

11 Herzégovine, il y avait eu des régions, de par la composition ethnique,

12 qui étaient des régions à composition égalisée et des régions où la

13 composition ethnique était plus prédominante pour les uns ou pour les

14 autres. Donc les conflits qui avaient précédé à la guerre ouverte ont eu

15 lieu précisément dans des régions de ce genre et, pour être plus précis,

16 sur le territoire de la Bosnie centrale.

17 Il n'en est pas ainsi, par rapport à cette règle générale, s'agissant du

18 conflit à Sarajevo au niveau de la cité de Stup qui avait constitué une

19 petite oasis croate dans une région qui était habitée essentiellement par

20 des Musulmans. C'est donc sur le territoire de Uskoplje, à savoir de

21 Gornji Vakuf, qu'il y a eu les premiers conflits entre le HVO et la TO, la

22 Défense territoriale, dès la fin avril 1992, pour que cela reprenne les 20

23 et 21 juin de cette même année 1992.

24 Début mai, nous avons eu déjà un conflit à Busovaca qui s'est réitéré le

25 mois d'après. C'est à Novi Travnik que, dans l'après-midi du 19 juin, il y

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1 a eu un conflit entre les unités du quartier général de la Défense

2 territoriale d'une part, et des unités du HVO et du HOS, les forces armées

3 croates, de l'autre côté. Les tensions entre les nations, à savoir entre

4 les ethnies, avaient été présentes au niveau de Konjic et début août, il y

5 a eu un conflit, un premier conflit à Kiseljak.

6 Toutefois, dans cette première phase de l'intolérance entre les Musulmans

7 et les Croates, il convient de mentionner la date du 17 août 1992, date à

8 laquelle les unités de la Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine ont

9 fait irruption dans une cité croate à Stup, dans Sarajevo.

10 Compte tenu des séquelles qui s'en sont ensuivies pour la communauté

11 croate de Sarajevo, cet incident diffère des conflits précédents qui

12 avaient été des conflits au niveau local, et cela nous pousse à poser une

13 question justifiée pour savoir d'où a été généré le conflit en question.

14 La chronologie des conflits entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine,

15 tel que cela est connu à l'opinion publique sur le plan général, commence

16 par des événements à Prozor. Ils ont été précédés par des tensions entre

17 le HVO et la TO de Bosnie-Herzégovine en Bosnie centrale, qui ont prévalu,

18 notamment dans la ville de Travnik.

19 (Maître Krsnik s'entretient avec Me Seric.)

20 Mes collègues me disent que, dans le transcript, figure "l'armée croate" à

21 la place du "conseil croate de défense", HVO.

22 Donc la température et les tensions ont monté, suite à une émission de

23 télévision de Sarajevo où un soi-disant massacre a été effectué contre les

24 membres de la Défense territoriale dans le village de Lijesce, alors que

25 les images montrent les membres des unités du HVO de Travnik -le massacre

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1 a eu lieu le 15 mai 1992 dans la montagne de Vlasic- ou ont été torturés

2 et tués par des Chetniks, les membres du HVO.

3 Ensuite, il y a eu une fusillade et une attaque armée dans le village de

4 Rastovci, municipalité de Novi Travnik, dirigée contre l'officier de

5 l'état-major de la Bosnie centrale.

6 Dans le village de Karaula, les membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine

7 ont tiré sur le véhicule du commandant du HVO de Jajce; un conflit verbal

8 entre le HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine concernant la station-

9 service à Novi Travnik, lorsque le commandant de l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine a dit: "Soit vous nous remettez la station, soit on commence

11 la guerre". Et s'est ensuivi le meurtre du commandant de la Brigade de

12 Travnik.

13 La situation s'est détériorée dans la zone de Bosnie centrale et sur le

14 territoire de Gornji Vakuf. Le 21 octobre 1992, le quartier général du HVO

15 informait qu'à Gornji Vakuf et Prozor, la situation était très tendue et

16 le conflit pouvait être déclenché d'un moment à l'autre.

17 S'agissant de cette situation, dans la partie de la zone opérationnelle,

18 toutes les mesures de sécurité ont été prises pour empêcher le conflit

19 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, surtout à Prozor et Gornji

20 Vakuf. Mais le conflit a éclaté le 23 octobre et il s'est terminé par

21 l'échec total des unités locales de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

22 Affirmer que le HVO a attaqué les unités de l'armée de Bosnie-Herzégovine

23 à Prozor est très "osé" -entre guillemets- et n'est fondé que sur des

24 préjugés.

25 Lors de la réunion des représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine et

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1 du HVO, qui a eu lieu le 6 novembre 1992 à Jablanica, les membres de

2 l'armée de Bosnie-Herzégovine ont accepté de remplacer leur commandant de

3 Prozor. Ce qui n'est pas un fait négligeable, compte tenu des événements

4 qui se sont ensuivis.

5 Un autre problème qui surgit lorsqu'on aborde les relations entre le HVO

6 et l'armée de Bosnie-Herzégovine, constitue l'existence de deux structures

7 parallèles dans la Bosnie centrale. Il s'agit d'une méfiance profondément

8 ancrée et une des questions auxquels l'histoire va répondre…

9 Ceci est illustré par l'un des membres de la présidence de guerre de Novi

10 Travnik. "Le problème fondamental réside dans le fait qu'il existe deux

11 autorités: celle du HVO et la nôtre, soi-disant régulières. Il y a des

12 collisions, des conflits et cela va se reproduire. Le Président ne peut

13 pas entrer sur le territoire de la municipalité, il vaudrait mieux que

14 nous nous séparions, nous allons de nouveau nous battre. Il y a eu

15 plusieurs propositions que les Musulmans et les Croates créent un

16 gouvernement. Nous avons essayé qu'il y ait une parité dans le

17 gouvernement". (Fin de citation.)

18 Le problème de l'existence de deux pouvoirs parallèles est un problème

19 clef des relations croato-musulmanes en Bosnie centrale, donc sur le

20 territoire où la guerre…, la situation s'est détériorée.

21 En analysant les raisons qui ont amené à la guerre à Prozor, le commandant

22 de la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest a conclu qu'afin

23 de prévenir les conflits, il faudrait qu'il existe deux commandements,

24 deux armées, deux logistiques. De même, le commandant de la 17ème Brigade

25 de la Krajina de l'armée de Bosnie-Herzégovine a estimé que l'un des

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1 problèmes, à cause duquel Jajce n'a pas été défendue, résidait dans le

2 fait que la ville a été défendue par deux commandements.

3 La solution la plus connue qui a été proposée était l'ordre qui émanait de

4 Bozo Rajic, le ministre de la Défense de l'époque, daté du 15 juin 1993

5 -et on en a entendu déjà parlé dans ce prétoire-, qui n'a constitué qu'une

6 tentative vouée à l'échec de définir les responsabilités et les pouvoirs

7 qui auraient pourtant défini les positions des deux parties.

8 Les Serbes ont conquis un territoire; le nettoyage ethnique a été effectué

9 et un énorme nombre de réfugiés s'est retrouvé sous le contrôle de l'armée

10 de Bosnie-Herzégovine et du HVO. La structure ethnique… l'équilibre

11 ethnique a été menacé.

12 La plupart des personnes déplacées, des personnes qui ont été chassées de

13 chez elles, venaient des milieux ruraux, dans des milieux, dans des

14 villes, donc dans des milieux urbains, et leur mentalité était différente.

15 Il faudrait noter que les villes avaient une expérience de

16 multiculturalité, et il en va de même pour Mostar, mais ce n'était pas le

17 cas dans les villages.

18 A Mostar aussi, il s'est produit une détérioration de l'équilibre ethnique

19 démographique et de l'équilibre des mentalités, des mœurs.

20 L'accusation affirme que, le 9 mai 1993, les forces croates ont commencé

21 une offensive militaire d'envergure contre la population bosnienne

22 musulmane de la ville de Mostar et contre les positions de l'armée de

23 Bosnie-Herzégovine dans la ville même.

24 Suite aux pourparlers de Genève, les dirigeants politiques et religieux

25 des Musulmans de Bosnie publient un avertissement, l'avertissement de

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1 Mostar, daté du 5 janvier 1993 où ils affirment leur soutien à Alija

2 Izetbegovic et refusent le concept de confédération. "Les Musulmans

3 d'Herzégovine sont chez eux et ceci doit être clair aux yeux de tous",

4 dit-on dans cette lettre. Par la suite, on affirme que les Bosniens et les

5 Musulmans soutiennent le partage de l'Herzégovine en trois provinces, avec

6 une province musulmane dans la vallée de la rivière Neretva et que, s'il

7 le fallait, il y aurait une mobilisation totale des Musulmans. La lettre a

8 été signée par Zija Demirovic, au nom du SDA; le Mufti d'Herzégovine,

9 Hadji Smajkic et l'avocat Faruk Cupina, le Président du Conseil des

10 Musulmans d'Herzégovine.

11 Depuis cette date, la tension monte et il y a de plus en plus de conflits.

12 Les Bosniens musulmans tirent sur la fourgonnette qui transportait les

13 soldats du HVO. Arif Pasalic, le commandant du 4ème Corps de l'armée de la

14 République de Bosnie-Herzégovine annonce à la radio que Mostar sera

15 libérée de la population non musulmane; ce qui représente une stratégie de

16 la politique du nettoyage ethnique et religieux.

17 D'après les instructions des dirigeants politiques et militaires, les

18 Musulmans de Bosnie quittent les rangs du HVO et les lignes de front. Ils

19 viennent à l'encontre des soldats du HVO, ils les maltraitent, ils les

20 soumettent à des tortures. Ils sèment la peur chez les non-Musulmans et

21 encouragent les tensions. On est en train de provoquer le clivage au sein

22 même du HVO entre les Croates et les Bosniens musulmans qui en faisaient

23 partie. On prépare le plan d'opération de l'attaque contre la partie

24 occidentale de Mostar et ses environs. Le commandement de la 41ème Brigade

25 motorisée, le 20 avril 1993, publie un ordre en vue de préparer les

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1 activités, qui a été signé par Midhat Hajro en sa qualité de commandant.

2 Cet ordre avait pour but de préparer les unités de l'armée de Bosnie-

3 Herzégovine, en vue d'agir sur la zone de Cekrk, de barrer la route Rodoc-

4 Mostar, de fournir le soutien aux unités du 2ème Bataillon dans la région

5 du lycée de Benka, ensuite l'avenue Rudnik, et sur les parkings de Bijeli

6 Brijeg-Rondo, et autour de la faculté. Ce plan d'opération a été concentré

7 sur les objectifs se situant sur la rive droite de la Neretva. Nous allons

8 le prouver.

9 Le début des conflits entre l'armée de la Bosnie-Herzégovine et du HVO se

10 situe le 9 mai 1993, lorsque les forces bosniennes ont attaqué la caserne

11 du HVO Tihomir Micic. Le lendemain, le général Sefer Halilovic, le

12 commandant de l'état-major de l'armée de la République de Bosnie-

13 Herzégovine annonce, à Zenica, le début du conflit final avec les Croates.

14 Le 30 juin 1993, entre 2 heures 30 et 3 heures du matin, le conflit armé a

15 commencé entre les Musulmans et les Croates de la municipalité de Mostar.

16 Sur le territoire de Bijelo Polje, les Musulmans qui étaient membres du

17 HVO se sont tournés contre leurs combattants et leurs alliés.

18 On vient de me dire que, dans le transcript, figure "le HV", donc l'armée

19 croate, à la place du "HVO".

20 Les Musulmans, membres du HVO, ont tourné leurs armes contre les Croates,

21 membres du HVO. On a entendu la voix: "Rendez vos armes, vous êtes

22 encerclés par l'armée musulmane. Les hommes de Zuka sont autour de vous.

23 Quelque chose ne tourne pas rond dans la politique. Vous serez relâchés

24 dans quelques jours, juste le temps qu'il faut pour que ceci soit réglé."

25 Nous allons le prouver, Monsieur le Président, Mesdames les Juges.

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1 Je souhaiterais ajouter s'agissant de cette question, la question de

2 conflit entre les Musulmans et les Croates, qu'un théologien contemporain

3 Hanz Kueng, qui étudie ce qui est commun à toutes les religions du monde,

4 il a dit et disait depuis des années: "qu'il n'y aurait pas de paix et il

5 ne peut pas y en avoir tant que les religions ne tentent pas d'étudier ce

6 qui leur est commun, surtout celles qui sont dans leur voisinage. Il n'y

7 aura jamais de bonnes bases pour la paix sans cela".

8 L'accusation affirme, pendant la période couverte par l'Acte d'accusation:

9 "Les autorités du HVO ont introduit diverses mesures de persécution du

10 peuple, des civils musulmans."

11 Du point de vue de la présentation de nos moyens de preuve et des éléments

12 de preuve que nous allons exposer, il convient de noter que la persécution

13 ou le crime de persécution devrait être compris au sens restreint du

14 terme. On peut le reprocher à notre client que, dans le cadre des autres

15 crimes et délits qui relèvent de la responsabilité de ce tribunal, il faut

16 tenir compte du statut du Tribunal international militaire; et selon ce

17 statut, il est nécessaire que la persécution fasse partie des autres actes

18 prohibés. Le droit international coutumier en parle. Il faudrait signaler

19 l'acte 7.1 du Statut de Rome, du Tribunal pénal international, qui dispose

20 que "la persécution doit être liée avec d'autres actes criminels relevant

21 de la responsabilité du Tribunal pénal international."

22 Donc l'acte criminel de persécution doit être perpétré en liaison avec un

23 autre acte criminel prévu par le Statut du TPI. Et pour qu'il y ait

24 intention criminelle, donc pour qu'il y ait intention de priver la victime

25 de ses droits fondamentaux à cause uniquement de son appartenance à un

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1 groupe ou à une communauté, il faudrait le prouver; il faudrait qu'il y

2 ait une preuve évidente de cette intention discriminatoire.

3 Cela est donc l'intention concrète et l'intention générale qui

4 prouveraient que notre client possédait les connaissances nécessaires du

5 contexte dans lequel il agissait. Nous affirmons -et nous allons le

6 prouver avec les témoins qui vont comparaître durant cette semaine- que ce

7 n'est pas le cas.

8 L'accusation affirme que les Musulmans de Bosnie étaient licenciés dans

9 les entreprises publiques et privées. L'accusation, en affirmant cela, n'a

10 fourni aucune preuve pour notre client, Vinko Martinovic. Cette

11 affirmation ne représente pas une constituante de l'acte criminel de

12 persécution.

13 Nous savons tous ce que ce terme veut dire; nous sommes tous très

14 impliqués dans cela. Mais pour ce qui est de mon client, dans le cadre de

15 ce procès, il faudrait aborder la question du nettoyage ethnique.

16 Le modèle de la guerre qui est devenu malheureusement typique dans

17 l'histoire moderne, typique pour notre époque, constitue l'histoire. Les

18 persécutions et le phénomène du nettoyage ethnique représentent… sont des

19 représentants typiques (sic) de la définition ethnique de l'Etat.

20 Le terme même s'apparente, du point de vue idéologique et linguistique, à

21 ce qu'étaient les nettoyages, au sens stalinien du terme, ainsi qu'à

22 l'idéologie nationale socialiste.

23 Le nettoyage ethnique est une expression qui figure dans les

24 dictionnaires, dans un dictionnaire qui n'a jamais été imprimé. Il existe

25 donc en tant que terme bureaucratique, froid, et il suggère que…, il

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1 comprend la planification et l'exécution. Les mécanismes de cette

2 épuration ethnique comprennent des moyens de contrôle illimités de

3 personnes, d'une discrimination sociale et bureaucratique, des mesures

4 policières et l'extermination physique.

5 Dans sa partie, l'accusation n'a rien réussi à prouver dans ce sens. Avec

6 nos témoins qui seront cités ici, dans ce prétoire, et qui vont

7 comparaître avant les vacances judiciaires, donc grâce à ces témoins nous

8 allons prouver tout le contraire.

9 L'Article 2, commun à toutes les Conventions de Genève, dispose que cette

10 Convention sera appliquée en cas de guerre déclarée ou tout autre conflit

11 armé qui opposent deux ou plusieurs parties signataires, même si l'une

12 d'entre elles ne reconnaît pas l'état de guerre. Si, donc, le conflit armé

13 a lieu entre deux ou plusieurs Etats, le droit international humanitaire

14 est automatiquement appliqué, que la guerre soit déclarée ou pas, ou que

15 les parties en conflit acceptent ou pas l'existence de l'état de guerre.

16 La seule supposition pour appliquer le droit international humanitaire

17 consiste en l'existence du conflit armé.

18 Le conflit armé, en tant que terme, apparaît dans l'Article 3 des

19 Conventions de Genève qui concerne les conflits armés qui ne sont pas de

20 caractère international. Donc, lorsqu'il s'agit de conflit armé, les

21 conventions ne nous aident en rien puisqu'elles ne comportent pas la

22 définition de ce terme.

23 En pratique, il y a des malentendus et des divergences quant à

24 l'applicabilité du droit international humanitaire dans des conflits

25 internes. L'unique critère devrait être l'intensité de la violence et la

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1 nécessité de protéger les victimes.

2 Les problèmes apparaissent lorsque l'une des parties au conflit décide de

3 ne pas appliquer le droit humanitaire international, même si des

4 batailles, des conflits armés ont lieu. Il arrive, par exemple, qu'un Etat

5 considère une certaine zone qu'elle a occupée comme sienne et, à ce

6 moment-là, le droit de Genève, l'application de ce droit reste une

7 question ouverte.

8 Dans d'autres cas, les unités d'un Etat entrent sur le territoire d'un

9 autre Etat pour mettre en place un autre gouvernement. Donc, ces

10 gouvernements proclament par la suite avoir juste aidé ou fourni une aide

11 amicale et avoir agi de concert avec le gouvernement en question. S'agit-

12 il d'une intervention, à ce moment-là, suite à une invitation ou d'une

13 occupation? Comment appliquer le droit international humanitaire? Par la

14 voix des résolutions du Conseil de sécurité ou bien par les pays tiers qui

15 exercent une certaine pression sur l'Etat en question.

16 Donc toutes les dispositions des Conventions de Genève dépendent des deux

17 termes: combattants ou personnes protégées qui ne s'excluent pas

18 mutuellement. Donc un combattant pourrait devenir une personne protégée

19 lorsqu'il est blessé ou lorsqu'il est prisonnier de guerre.

20 Le Protocole 43 dispose que "les membres des forces armées des parties au

21 conflit sont des combattants qui ont le droit de participer directement

22 dans les hostilités. Donc, il n'y a que le combattant qui a le droit de

23 participer dans les hostilités. Il n'y a que lui qui a le droit de se

24 battre, de recourir à la violence -même de tuer- et il ne sera pas tenu

25 responsable personnellement, ce qui serait le cas en revanche s'il faisait

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1 cela en tant que civil ordinaire. Mais, le combattant n'a pas la liberté

2 d'action parce que les méthodes et les moyens dont il dispose sont limités

3 par le droit international. Ces limites relèvent du droit international

4 humanitaire et, en particulier, des dispositions qui sont connues comme le

5 droit de La Haye.

6 Une personne protégée, c'est une personne qui a le droit à une protection

7 particulière et les Conventions de Genève font la distinction entre les

8 blessés, les personnes malades et les personnes qui ont fait l'objet d'un

9 naufrage, de forces armées, les civils, les prisonniers de guerre, les

10 civils internés, les civils sur le territoire ennemi et dans les zones

11 occupées. Ce sont des notions qui s'appliquent dans le cadre des règles

12 s'appliquant aux conflits armés internationaux.

13 Dans ces types de conflit armés internationaux, des statuts privilégiés ne

14 sont reconnus à aucune personne qui participe aux hostilités. Il n'y a

15 aucune distinction faite entre les diverses catégories de personnes

16 protégées. Il y a simplement une distinction faite entre ceux qui ont

17 recours à la force et ceux qui n'y ont pas recours ou qui ne sont pas en

18 mesure de le faire, tels que les blessés, les malades, les prisonniers et

19 les populations civils qui ne participent pas au combat.

20 Afin de pouvoir attirer votre attention à ce que la défense essaiera de

21 prouver; c'est-à-dire qu'en Bosnie-Herzégovine et plus particulièrement en

22 Herzégovine, à Mostar plus précisément, il n'y avait pas eu de conflit

23 international armé.

24 A cet égard, je souhaite signaler la différence entre un conflit armé

25 international et une guerre civile. Une définition simple de la guerre

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1 civile: c'est qu'il s'agit d'un conflit armé qui se déroule sur le

2 territoire d'un seul Etat entre des parties diverses, des parties

3 principales et des parties rebelles d'autre part. C'est suite à une

4 rupture du gouvernement ou du système du gouvernement dans un pays ou un

5 Etat qui amène à des conflits et des combats entre les différents

6 combattants dans la lutte pour le pouvoir.

7 Alors l'article 2 de la Convention de 1949 concernant les conflits armés

8 non internationaux et ses protocoles supplémentaires n°2 et son article 1

9 des Conventions de Genève de juin, du 8 juin 1977, s'appliquent dans

10 toutes les conditions lorsque c'est un conflit entre le gouvernement et

11 les rebelles qui se déroule par le biais de docilité systématique et le

12 recours aux forces armées. C'est dans l'ouvrage de Jean Piquetet (phon.),

13 4ème Convention, article 3, pages 35 à 36.

14 Le deuxième protocole précise également que les tensions internes, les

15 conflits internes, les rebellions qui sont isolés, qui sont sporadiques,

16 des cas isolés de violence ou des actes de cette nature, ne constituent

17 pas un conflit armé et, dès lors, ne sauraient faire l'objet d'une aide

18 humanitaire internationale.

19 Le droit humanitaire international fait la distinction entre deux types de

20 guerre civile. Il y a les conflits armés non internationaux de haute

21 intensité, c'est l'article 3 et le protocole 2, et il y a d'autres

22 conflits internes qui font l'objet de l'article 3 uniquement.

23 S'il existe un conflit interne, il n'y a, dès lors, aucune base juridique

24 pour l'application des Conventions de Genève, eu égard à la protection des

25 victimes de la guerre. C'est une règle qui s'est déjà appliquée dans

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1 l'affaire Tadic devant ce Tribunal.

2 La question essentielle que l'on doit se poser ici, et que nous prouverons

3 au cours de notre défense, cette question essentielle est de savoir

4 comment traiter les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Est-ce que

5 ces forces, qui étaient parties au conflit, étaient vraiment les forces

6 armées licites de l'Etat de Bosnie-Herzégovine? La réponse est

7 affirmative.

8 La deuxième question qui s'impose également est la suivante, est-ce que le

9 HVO constituait l'autre partie à ce conflit? Est-ce qu'il s'agissait, là

10 aussi, d'une force armée licite de la Bosnie-Herzégovine? La réponse est

11 affirmative aussi.

12 La troisième question que l'on doit se poser, c'est qu'à l'époque qui nous

13 intéresse dans le cadre de l'Acte d'accusation, est-ce que les victimes

14 prétendues de ces crimes étaient des citoyens de la Bosnie-Herzégovine? La

15 réponse est affirmative, encore une fois.

16 Si la réponse à ces trois questions est affirmative, dès lors, Monsieur et

17 Mesdames les Juges, il sera impossible d'appliquer ici la 4e Convention de

18 Genève. L'article 4 précise que cette Convention protège les personnes

19 qui, à n'importe quel moment et de quelque manière que ce soit, se sont

20 trouvées, dans le cadre d'un conflit ou d'une occupation, entre les mains

21 des parties à ce conflit dont ils ne sont pas citoyens.

22 Donc, dans ce cas, il s'agissait bien de citoyens de l'armée qui

23 appartenaient à une partie au conflit et, en l'espèce, il n'y a pas eu

24 d'occupation puisque l'occupation signifie une occupation partielle ou

25 totale du territoire d'un autre Etat par le recours à la force armée.

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1 Cependant, afin de parler d'occupation dans un territoire comme étant une

2 guerre d'occupation conformément au droit international, ce territoire

3 doit véritablement être soumis à l'autorité de l'armée hostile, de l'armée

4 ennemie. Donc, si nous en revenons à nos trois questions essentielles,

5 nous n'avons pas de réponse.

6 Pour qu'un territoire soit considéré comme étant occupé, il faut qu'il y

7 ait une puissance bien établie, capable de se maintenir en présence de la

8 force ennemie ou de l'armée ennemie. Il n'y a aucune guerre civile qui,

9 d'une manière ou d'une autre, ne soit pas liée à des événements

10 internationaux et il n'y en a que quelques-unes, au cours des siècles

11 derniers, qui se soient déroulées à huis clos, en quelque sorte. Et donc,

12 l'impact d'un Etat tiers peut prendre diverses formes et peut s'étendre

13 jusqu'à l'intervention non armée.

14 Un conflit international devient ce que l'on appelle "une guerre

15 d'avocats" qui se mène dans les intérêts de forces extérieures. Michael

16 Akehurst en a parlé dans ses publications "Guerre civile", dans son

17 "Encyclopédie du droit international" publiée en 1992, pages 88 à 93. La

18 guerre civile devient internationalisée mais elle n'est pas encore un

19 conflit armé international, et cela pose, au regard du droit international

20 humanitaire, des questions tout à fait particulières.

21 Ce fut l'objet de Hanz Peter Gasser, dans son ouvrage "Conflits armés non

22 internationaux et internationalisés", publié en 1993. "La Revue du droit

23 américain de 1983", aux pages 145 à 161, parle des cas de l'Afghanistan,

24 du Kampuchéa et du Liban.

25 Si un Etat proclame l'état de guerre, la situation est à ce moment-là

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1 totalement différente.

2 La Bosnie-Herzégovine a proclamé cet état de guerre, Monsieur et Mesdames

3 les Juges, et donc la guerre s'est déroulée entre la Bosnie-Herzégovine,

4 d'une part, et l'agresseur serbe d'autre part.

5 Les personnes qui se trouvent entre les mains de l'ennemi sont en même

6 temps les citoyens de ce même Etat, la Bosnie-Herzégovine. Et c'est bien

7 là le problème que nous devrons régler. Il semble que l'intention de

8 l'accusation était de démontrer qu'au début de 1993, suite aux opérations

9 du HVO, la confrontation avec l'armée de la Bosnie-Herzégovine était

10 devenue inévitable. La période entre avril et janvier 1993 est la période

11 des tensions politiques et militaires entre le HVO et l'armée de la BH,

12 c'est-à-dire entre le HDZ et le SDA.

13 Au cours de cette période, il y a eu des tentatives qui ont échoué, visant

14 à déplacer ces relations qui étaient dans une situation de cul-de-sac;

15 toutes ces tentatives ont été lancées par la République de Croatie.

16 Avant de nous prononcer, il faudra prendre en compte certaines

17 caractéristiques des événements qui se sont déroulés entre janvier 1993 et

18 la fin de l'année 1995.

19 Il y a donc trois populations constituantes en Bosnie-Herzégovine. Et

20 comment aborder le fait que depuis le tout début de la guerre, l'une de

21 ces populations, l'un de ces peuples avait l'intention de faire éclater

22 l'Etat? Et comment aborder le fait également que deux sur ces trois

23 populations constituantes ont demandé la même chose en même temps? Si ces

24 trois populations constituantes s'étaient déclaré la guerre mutuellement

25 en même temps, la question de la guerre civile pourrait se poser. Et

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1 comment, maintenant, traiter des modalités d'une intervention d'un Etat

2 voisin au-delà de leurs frontières?

3 La Croatie est perçue comme étant un Etat qui a lancé une agression

4 lorsque, par des moyens logistiques et par des troupes, elle détenait le

5 HVO. A certaines périodes de la guerre, la Croatie a fourni un soutien

6 logistique, tant au HVO qu'à l'armée de la BH, permettant ainsi de mettre

7 sur pied ces unités sur son terrain. Et les premiers régiments des

8 volontaires, le Kraj Tomislav, a permis de renforcer l'armée de la Bosnie-

9 Herzégovine, Défense territoriale.

10 Du point de vue de l'armée de la Republika Srpska, c'est une agression. Du

11 point de vue du HVO, ceci pourrait être reproché à la Croatie. Et nous

12 avons donné également l'exemple de guerres, où des combattants sacrés

13 musulmans dont la majorité venait du territoire de la Bosnie-Herzégovine,

14 via la Croatie.

15 Nous pouvons également poser la question de l'agression de la Croatie en

16 Bosnie-Herzégovine au cours de l'été de 1992, concernant la lutte pour le

17 corridor dans la Posavina où il y avait des unités serbes de Bosnie qui

18 étaient renforcées par les Serbes croates rebelles de la République de la

19 Krajina serbe.

20 Quel fut le rôle de la communauté internationale? Quel est le sens

21 également de la Résolution 713 du Conseil de sécurité des Nations Unies,

22 concernant l'embargo sur les armes pour toutes les républiques qui avaient

23 constitué l'ancienne République fédérale socialiste de Yougoslavie? Est-ce

24 qu'il y a également responsabilité morale?

25 Est-ce que cela représente une expression ou une forme d'aide à la partie

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1 la mieux armée, c'est-à-dire celle de l'armée de la Republika Srpska?

2 Est-ce que cela signifie que le monde, c'est-à-dire les grandes

3 puissances, du point de vue du HVO et de l'armée de la Bosnie-Herzégovine,

4 ont participé à cette guerre du côté de l'armée de la Republika Srpska, au

5 cours de cette guerre contre les deux autres populations constituantes?

6 Est-ce que ces puissances ont donné leur contribution dans la manière dont

7 cette guerre s'est déroulée?

8 Lorsque le monde a accepté la réalité, la situation sur le terrain, est-ce

9 que l'on n'a pas ainsi déjà aidé à la rupture, à la division de la Bosnie-

10 Herzégovine?

11 Voilà toute une série de questions sans réponse. Cet ensemble de questions

12 implique aussi la visite de l'ancien Président de la République française

13 qui s'est rendu sur les zones protégées par l'ONU.

14 Mesdames et Monsieur les Juges, y a-t-il une guerre contre la Bosnie-

15 Herzégovine ou s'agissait-il d'une guerre en Bosnie-Herzégovine?

16 Si nous acceptons l'affirmation selon laquelle il s'agissait d'une guerre

17 contre la Bosnie-Herzégovine, est-ce que cela signifie pas, à ce moment-

18 là, qu'une population était plus constituante que les deux autres? Et cela

19 signifie que la République de Croatie et la République fédérale de

20 Yougoslavie sont mises sur pied d'égalité, ce qui signifie que nous

21 oublions que la République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine avaient

22 également un théâtre commun de guerre dans la zone de Bihac. Et donc, la

23 position de la Croatie est fort différente de celle de la position de la

24 Yougoslavie envers la Bosnie-Herzégovine.

25 Qu'en est-il aussi du rôle plus ou moins honorable du Conseil de sécurité

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1 de l'ONU et de la communauté internationale…

2 Les interprètes: Est-ce que l'orateur pourrait ralentir un peu?

3 M. Seric (interprétation): …qui porte son ombre sur toutes les ruines de

4 la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie?

5 Nous estimons que la guerre en Bosnie-Herzégovine…

6 (Mme la Juge Diarra fait signe à Me Seric de parler moins vite. Les

7 interprètes remercient Mme la Juge Diarra.)

8 … était une guerre contre la Bosnie-Herzégovine, mais également une guerre

9 en Bosnie-Herzégovine; d'ailleurs sanctionnée par la communauté

10 internationale.

11 L'armée de la Republika Srpska, qui essayait d'occuper un territoire aussi

12 étendu que possible, a commis également des actes d'épuration ethnique et

13 des crimes de grande gravité.

14 Les forces armées des deux autres populations constituantes dans la région

15 ont commis des crimes moindres. Cependant, il y avait une intention

16 visible de mettre sur pied d'égalité le HVO avec l'armée de la Republika

17 Srpska, ce qui donnerait l'amnistie à l'armée de la Bosnie-Herzégovine, ce

18 qui n'est pas corroboré, du reste, par les faits.

19 Le conseil de la défense croate et l'armée de la Bosnie-Herzégovine

20 avaient partagé des traits communs. Ils ont mené une guerre contre les

21 deux autres populations constituantes; ils ont mené à la rupture de

22 l'intégrité territoriale de l'Etat, de l'aide de l'étranger, l'épuration

23 ethnique, la destruction de biens ethniques, les camps de concentration et

24 la commission des crimes de guerre.

25 "L'avantage" -entre guillemets- bien accepté de l'armée de Bosnie-

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1 Herzégovine sur le conseil de la défense croate n'existe-t-il que par son

2 nom?

3 En outre, l'accusation affirme également qu'au cours de toute la période

4 qui nous intéresse, l'armée de la République de la Croatie -c'est-à-dire

5 le HV- avait soutenu le HVO en envoyant ses unités à Mostar et dans

6 d'autres municipalités de Bosnie-Herzégovine.

7 Il n'y a pas eu d'unités du HV en Herzégovine ni à Mostar; ceci sera

8 démontré par des documents et sera attesté également par des témoins. Il y

9 a pas mal de personnes qui sont revenues en Bosnie-Herzégovine pour mener

10 la guerre contre l'agresseur serbe et qui avaient été membres auparavant

11 de l'armée croate du HV. Mais il n'y a pas eu d'unités organisées du HVO

12 en Bosnie-Herzégovine, à l'exception de celles qui étaient en accord avec

13 l'Accord de Split entre Izetbegovic et Tudjman, accord qui date de 1992,

14 du mois de juillet. Nous avons prouvé et les témoins l'ont attesté; ils

15 continueront à attester ces faits.

16 La 3ème Convention de Genève, dans son article 13, parle des prisonniers de

17 guerre. A tout moment, ces personnes doivent faire partie, doivent faire

18 l'objet de traitements humains. Ces prisonniers de guerre sont les membres

19 des forces armées qui sont tombés dans les mains d'une partie ennemie au

20 cours d'un conflit armé international et, au cours de leur détention, ces

21 personnes gardent le statut juridique de membres des forces armées.

22 Un prisonnier de guerre en bonne santé peut travailler, mais il ne saurait

23 être envoyé dans des zones dangereuses sauf s'il se porte volontaire.

24 D'après la 4ème Convention de Genève et le protocole additionnel, les

25 civils, ce sont toutes les personnes qui ne font pas partie des forces

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1 armées. Ces personnes-là ne peuvent participer aux hostilités. Si c'était

2 le cas, ces personnes doivent bien être au courant du fait qu'elles

3 perdent toute protection et que l'on peut recourir à la force contre elle.

4 La 4ème Convention de Genève interdit d'avoir recours à des civils en tant

5 que boucliers humains pour protéger certaines régions ou protéger des

6 troupes contre une attaque ennemie. Dans certaines circonstances, ces

7 civils protégés peuvent être détenus et leur statut juridique est prévu au

8 4ème paragraphe; le traitement de ces personnes est couvert par la notion

9 de civils et pour ce qui est de la notion de combattant. Là, je ne vais

10 pas rentrer dans les détails. Certaines méthodes de combat sont interdites

11 et les combattants doivent traiter les ennemis en tant qu'êtres humains.

12 C'est un comportement juste et équitable qui doit être conforme aux règles

13 de la guerre.

14 L'ennemi peut parfois être leurré par le recours au camouflage, le recours

15 à de fausses opérations, la désinformation; nous aurons l'occasion d'en

16 parler au cours de cette affaire.

17 Conformément à l'article de la Conférence diplomatique et l'article 48 du

18 1er Protocole: "Les populations civiles, les individus ne peuvent être

19 l'objet d'une attaque".

20 Le Procureur a dit que les sous-unités des Bataillons des condamnés

21 avaient attaqué la population civile dans des régions occupées par le HVO

22 et par le HV, et qu'ils avaient participé aux opérations d'épuration

23 ethnique ou prétendument d'opération ethnique, et que les sous-unités du

24 Bataillon des condamnés avaient agi en tant que faisant partie des troupes

25 du HV ou du HVO ou en coordination avec celles-ci.

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1 Les sous-unités du Bataillon des condamnés font partie du HVO et sont

2 intervenues avec le HVO dès lors qu'il y avait des unités du HVO sur le

3 Bulevar et que Vinko Martinovic a collaboré ou a coordonné les activités

4 dans des actions d'épuration ethnique. Le Procureur n'a jamais pu avancer

5 de preuve étayant ses propos et, au cours des plaidoiries de la défense,

6 nous allons prouver qu'il s'agit exactement du contraire.

7 Vinko Martinovic a soutenu les idées nationalistes des Bosniaques et des

8 Croates. Vous entendrez d'ailleurs tout prochainement que nos témoins sont

9 protégés; je ne peux pas les citer, mais vous les entendrez dire qu'à

10 aucun moment, Vinko Martinovic n'a noté la moindre discrimination, et ce

11 sera corroboré par les témoins.

12 L'accusation a également dit qu'au cours de la période pertinente, M.

13 Vinko Martinovic avait eu un contrôle direct et effectif sur les membres

14 de son unité.

15 La défense réfute cette allégation. L'Article 7 du Statut dit que "la

16 personne qui a commis ou qui a eu l'intention d'encourager, d'une manière

17 ou d'une autre, la planification ou la commission de crimes dans l'Article

18 2 du Statut, on dit que cette personne est individuellement responsable de

19 ses crimes."

20 Au paragraphe 3, on indique également que le fait que certains actes

21 -cités dans vos Articles 2 à 5 du Statut- qui ont été commis par des

22 personnes subordonnées, cela n'exclut pas le supérieur de sa

23 responsabilité pénale, si ce supérieur savait ou s'il avait de bonnes

24 raisons de savoir que ce subordonné était en train d'avoir l'intention de

25 commettre ce crime ou qu'il l'avait déjà perpétré. Le supérieur n'aurait

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1 pas pris, à ce moment-là, les mesures nécessaires pour empêcher la

2 commission de tels actes. Il est clair que le but de l'Article 7 est

3 d'attribuer une responsabilité pénale à différents niveaux pour des crimes

4 qui figurent aux Articles 2 à 5 du Statut.

5 L'Article 7 met en oeuvre le principe général du droit pénal, selon lequel

6 un individu est responsable de ses propres actes et de ses propres crimes.

7 C'est un article qui prévoit qu'un individu peut être tenu responsable

8 d'un crime ou d'une omission de poursuivre un crime commis par un

9 subordonné. L'Article 7, paragraphe 3 du Statut, précise également quelles

10 sont les responsabilités des supérieurs que l'on appelle "responsabilités

11 de commandement". Il y a des questions juridiques qui se posent, eu égard

12 au premier paragraphe de l'Article 7 et paragraphe 3. Ce sont des

13 questions qui ont été envisagées dans d'autres affaires dont ce Tribunal a

14 été saisi. Cette Chambre d'instance, j'imagine, ne va pas revenir sur ces

15 questions. Et il faut souligner aussi la nature particulière de la

16 responsabilité pénale telle qu'envisagée par l'Article 7 dans son premier

17 paragraphe ainsi que dans son troisième paragraphe, surtout eu égard au

18 supérieur, ce qui est le point le plus important pour la défense.

19 L'Article 7, paragraphe 1, parle des personnes qui sont directement

20 responsables de la planification de l'incitation à commettre, de la

21 commission ou de toute aide d'encouragement à perpétrer un crime. Le

22 troisième paragraphe de l'Article 7 couvre le cas de personnes qui ont

23 commis personnellement des activités illégales et que le supérieur, qui

24 n'a pas commis ces crimes directement mais qu'il aurait ordonnés ou qu'il

25 aurait encouragés, par exemple, une personne qui donne ordre d'assassinats

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1 de civils peut être considérée comme responsable conformément au 3ème

2 paragraphe de l'Article 7. Ce qui serait le cas aussi d'un dirigeant

3 politique qui planifie l'assassinat ou l'exécution d'un certain groupe de

4 civils et qui demande à un commandant militaire de commettre ces crimes.

5 La responsabilité pénale de ces personnes, qu'il s'agisse de militaires ou

6 de civils, dans le cadre de circonstances, cela encourre leur

7 responsabilité personnelle, même s'il n'y a pas eu de liens physiques

8 immédiats avec la commission de crimes. On peut donc dire que la

9 responsabilité pénale d'un supérieur, dans le cas d'actes concrets de

10 cette nature, peut être considérée comme étant responsable de ces actes

11 dans le cadre du principe de la responsabilité pénale des participants.

12 Le Secrétaire général, dans son rapport, a décrit la responsabilité de

13 commandement telle qu'elle est couverte par le 3ème paragraphe, Article 7

14 du Statut. Je ne vais pas le citer parce que je crois que votre Chambre

15 connaît parfaitement cette disposition.

16 L'Article 7, paragraphe 1, précise que "quiconque a planifié, incité à

17 commettre, ordonné, commis, ou de tout autre manière aidé et encouragé à

18 planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux Articles 2 à 5 du

19 présent Statut est individuellement responsables dudit crime."

20 "Ce principe, selon lequel une personne peut être tenue responsable de la

21 planification, de l'incitation à commettre, de l'ordre et de la commission

22 ou de l'aide ou l'encouragement à un crime, est fondé sur le droit

23 coutumier international."

24 Le premier paragraphe tient compte du droit pénal sur lequel la

25 responsabilité n'est pas attachée à des individus qui ont commis

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1 physiquement un crime, mais cette responsabilité s'étend à ceux qui, par

2 diverses manières, ont participé, ont encouragé à la commission de crimes

3 et, surtout, si cette participation s'inscrit dans un lien qui est

4 conforme au principe de responsabilité d'être complice d'un crime.

5 Différents aspects de la participation à un crime peuvent se décliner en

6 participants principaux et collaborateurs. Dès lors, le sens du premier

7 paragraphe de l'Article7 vise à ce que tous ceux qui ont participé

8 directement à la commission d'un crime soient tenus pour responsables.

9 Monsieur le Président, j'ai besoin de peut-être encore une demi-heure,

10 mais il est déjà 7 heures. Je vous demande donc si je dois continuer pour

11 finir aujourd'hui ou reprendre demain? Je me place entre vos mains pour

12 une décision quelconque.

13 M. le Président (interprétation): Mais pour ce qui est de l'ensemble,

14 pouvez-vous nous dire combien de temps encore vous faut-il pour la

15 présentation de vos déclarations liminaires, étant donné que M. Par doit

16 prendre la parole aussi?

17 M. Par (interprétation): Monsieur le Président, je dois vous dire que j'ai

18 besoin peut-être d'une demi-heure pour finir avec ma part, et je crois que

19 cela fera partie du cadre que vous nous avez fixé, et cela aurait fait

20 pratiquement la journée d'aujourd'hui. Je comprends votre préoccupation

21 vis-à-vis des cadres temporels, mais nous estimons qu'il n'y a point lieu

22 de s'inquiéter.

23 Nous avons, en effet, prévu d'achever la présentation d'éléments de preuve

24 à décharge comme annoncée. Nos témoins témoigneront au plus pendant une

25 journée. Nous espérons parvenir à une moyenne de un témoin et demi par

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1 jour. Le premier témoin sera peut-être un peu plus long, mais les autres

2 témoins témoigneront au sujet de circonstances concrètes. Je ne vois donc

3 pas de raison qu'ils soient gardés plus longtemps.

4 Nous avons donc pensé qu'il serait possible de finir d'ici la fin du mois

5 de septembre, et je crois que nous allons le faire, donc il n'y a aucune

6 raison de se préoccuper pour ce qui est du cadre temporel. Nous allons

7 faire de notre mieux pour nous organiser, et nous vous demandons de nous

8 permettre de nous organiser de façon comme annoncée. Merci.

9 M. le Président (interprétation): Je comprends que différents systèmes

10 légaux se font des idées différentes concernant les déclarations

11 liminaires. Dans la jurisprudence de laquelle je suis originaire, les

12 parties en présence ne soulèvent pas de questions légales ou juridiques

13 dans leur déclaration liminaire, cela est en général fait pour ce qui est

14 des plaidoiries. Mais, en tout état de cause, j'espère que vous aurez

15 l'opportunité de réorganiser votre déclaration liminaire dans le courant

16 de la nuit afin que nous puissions en terminer dans la journée de demain

17 après la première session d'audition.

18 Donc je crois que nous allons lever maintenant ou reprendre demain à 14

19 heures 15.

20 (L'audience est levée à 19 heures 5.)

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