Affaire n° : IT-02-60/1-A

DEVANT LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT EN APPEL

Devant :
M. le Juge Mehmet Güney

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
22 janvier 2004

LE PROCUREUR

c/

Momir NIKOLIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE AUX FINS DE MODIFICATION DE DÉLAI

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils de l’Appelant :

M. Veselin Londrovic
M. Stefan Kirsch

 

NOUS, MEHMET GÜNEY, Juge de la Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

Vu la requête aux fins de modification de délai (Motion for Variation of Time-Limit) (la « Requête »), déposée le 30 décembre 2003 par Momir Nikolić (l’« Appelant »),

ATTENDU que le Jugement portant condamnation a été rendu le 2 décembre 2003 et que l’Appelant a déposé son acte d’appel le 30 décembre 2003,

ATTENDU qu’en application de l’article 111 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement »), le mémoire de l’Appelant doit être déposé le 15 mars 2004 au plus tard,

ATTENDU que, par la Requête, l’Appelant sollicite un délai supplémentaire de soixante-quinze jours, à compter de la date à laquelle lui sera signifiée la traduction en BCS du Jugement portant condamnation, pour déposer son mémoire en application de l’article 111 du Règlement, et demande qu’il soit enjoint au Greffier de notifier la date à laquelle la version en BCS du Jugement portant condamnation lui sera communiquée,

ATTENDU que l’Appelant avance qu’il « n’est pas en mesure d’apporter à son conseil une aide significative » car il n’a pas encore reçu la traduction en BCS du Jugement portant condamnation,

VU la réponse à la Requête (Prosecution Response to Defence Motion for Extension of Time), déposée le 6 janvier 2004 par le Bureau du Procureur (l’« Accusation »), par laquelle cette dernière soutient que la Chambre d’appel devrait refuser d’accorder la prorogation de délai sollicitée au motif qu’un recours contre un jugement portant condamnation prononcé sur la base d’un plaidoyer de culpabilité devrait être traité différemment car, notamment :

i) un jugement portant condamnation est beaucoup plus court et moins complexe qu’un jugement rendu sur la base d’un plaidoyer de non-culpabilité ;

ii) les délais de dépôt des écritures dans les procédures en appel sont prévus pour les recours formés contre des jugements rendus sur la base d’un plaidoyer de non-culpabilité ;

iii) les parties interjetant appel d’un jugement portant condamnation se trouvent déjà dans une position très avantageuse ;

iv) il ne résultera pour l’accusé qu’un léger préjudice, voire aucun, s’il ne peut lire le Jugement portant condamnation, dans la mesure où il pourra prendre connaissance de son contenu par l’intermédiaire de son conseil, qui l’informera des conclusions juridiques que la Chambre de première instance y a exposées.

En outre, à supposer que la Chambre d’appel décide que l’Appelant doit se voir accorder un délai supplémentaire avant le dépôt de son mémoire afin de lui permettre de consulter la version en BCS du Jugement portant condamnation, l’Accusation estime quant à elle que l’Appelant aura suffisamment de temps pour ce faire, car celle-ci devrait être disponible le 15 février 2004 ou vers cette date,

VU la réplique de la Défense concernant la Requête (Defence Reply Re Motion for Variation of Time) (la « Réplique »), déposée le 8 janvier 2004, par laquelle l’Appelant 1) réplique notamment que rien dans le Statut du Tribunal international (le « Statut ») ou dans le Règlement ne donne à penser que les recours contre un jugement portant condamnation doivent être traités différemment et que « la position de l’Accusation doit être rejetée, car elle tend à reléguer l’accusé au rang de simple ‘objet’ de la procédure – au lieu d’en être le ‘sujet’ » - et 2) appelle l’attention sur le fait que le conseil principal ne parle aucune des deux langues de travail du Tribunal international et qu’il convient d’en tenir compte,

VU la nouvelle réponse de l’Accusation à la Réplique (Prosecution Further Response to Defence Reply Re Motion for Variation of Time of 8 January 2004) (la « Nouvelle réponse »), déposée le 9 janvier 2004, par laquelle l’Accusation demande l’autorisation de déposer une nouvelle réponse à la Réplique au motif que l’Appelant a soulevé dans la Réplique une question qui n’était pas soulevée dans la Requête,

ATTENDU que la question de l’incapacité du conseil principal à s’exprimer dans l’une ou l’autre des deux langues de travail du Tribunal international est soulevée pour la première fois dans la Réplique et que l’intérêt de la justice commande que l’Accusation ait la possibilité d’y répondre,

RECONNAÎT la validité du dépôt de la Nouvelle réponse,

ATTENDU que l’Accusation avance, dans sa Nouvelle réponse, que l’incapacité à travailler dans les langues de travail du Tribunal international ne constitue pas un motif convaincant pour accorder une prorogation de délai,

ATTENDU qu’en vertu de l’article 127 A) i) et B) du Règlement, le délai de dépôt du mémoire de l’Appelant peut être prorogé sur présentation de motifs convaincants,

ATTENDU que le Statut et le Règlement ne font pas la distinction entre un recours contre un jugement portant condamnation prononcé sur la base d’un plaidoyer de culpabilité et un recours contre un jugement qui n’est pas prononcé sur la base d’un plaidoyer de culpabilité,

ATTENDU qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder à l’Appelant suffisamment de temps pour lire le Jugement portant condamnation dans une langue qu’il comprend et pour consulter son conseil avant de déposer son mémoire en application de l’article 111 du Règlement, et que cela constitue « un motif convaincant » au sens de l’article 127 du Règlement,

ATTENDU que l’incapacité du conseil principal à travailler en anglais constitue un « motif convaincant » en l’occurrence, celui-ci ayant été commis d’office par le Greffe en dépit du fait qu’il ne parle aucune des deux langues du Tribunal international,

ATTENDU TOUTEFOIS que le délai supplémentaire de soixante-quinze jours à compter du moment où la traduction du Jugement portant condamnation sera disponible semble trop long si l’on tient compte du degré de complexité de l’affaire et du fait que le coconseil, qui parle anglais, peut déjà commencer à préparer l’appel et consulter le conseil principal et l’Appelant sur plusieurs questions,

PAR CES MOTIFS,

FAISONS partiellement DROIT à la Requête,

ORDONNONS à l’Appelant de déposer son mémoire dans les 40 jours suivant la date du dépôt de la traduction en BCS du Jugement portant condamnation,

DEMANDONS au Greffe d’informer la Chambre d’appel et les parties lorsque la version en BCS du Jugement portant condamnation sera signifiée à l’Appelant.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 22 janvier 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel
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Mehmet Güney

[Sceau du Tribunal]