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1 Le mercredi 8 mars 2006
2 [Jugement en appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je souhaiterais commencer par
7 saluer toutes les personnes présentes.
8 Monsieur le Greffier, veuillez annoncer le numéro de l'affaire
9 inscrite au rôle.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-02-60/1-A, le
11 Procureur contre Momir Nikolic.
12 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
13 Je vais maintenant demander aux parties de se présenter, à commencer
14 par la Défense.
15 M. LIVINGSTON : [interprétation] Je m'appelle John Livingston. Je
16 représente les intérêts de M. Nikolic. Me Tansey était présent pendant
17 toute cette affaire. Malheureusement, il ne peut être présent ce matin, et
18 il m'a chargé de présenter ces excuses à la Chambre d'appel.
19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Maître Livingston.
20 Passons maintenant aux représentants de l'Accusation.
21 M. KREMER : [interprétation] Je m'appelle Peter Kremer. Je suis accompagné
22 de M. McCloskey et de Mme Marie-Ursula Kind. Notre commise à l'affaire,
23 Lourdes Galicia, est présente ici avec nous aujourd'hui également.
24 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
25 L'Appelant est-il en mesure de suivre l'audience ? Y a-t-il des
26 problèmes d'interprétation ou autres ?
27 L'APPELANT : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je suis en mesure
28 de suivre l'audience.
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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
2 L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Comme l'a annoncé le Greffier
4 d'audience, l'affaire inscrite au rôle est l'affaire Momir Nikolic. Comme
5 indiqué dans l'ordonnance portant calendrier du 2 mars 2006, la Chambre
6 d'appel est réunie aujourd'hui pour rendre son arrêt relatif à la sentence
7 en l'espèce.
8 Après avoir conclu un accord sur le plaidoyer avec l'Accusation,
9 Momir Nikolic a plaidé coupable du chef 5 de l'acte d'accusation le 7 mai
10 2003. Le chef 5, qui concerne des événements survenus en Bosnie-Herzégovine
11 oriental après la chute de l'enclave de Srebrenica au mois de juillet 1995,
12 était libellé comme suit, je cite : "Le crime de persécutions a été
13 perpétré, exécuté et mis en œuvre par les moyens suivants : (a) le meurtre
14 de milliers de civils musulmans de Bosnie, hommes, femmes, enfants, et
15 personnes âgées; (b) le traitement cruel et inhumain de civils musulmans de
16 Bosnie, notamment, sous forme de sévices corporels graves à Potocari et
17 dans des centres de détentions à Bratunac et à Zvornik; (c) le fait de
18 terroriser les civils musulmans de Bosnie à Srebrenica et à Potocari; (d)
19 la destruction des biens et effets personnels des Musulmans de Bosnie; et
20 (e) le transfert forcé de Musulmans de Bosnie de l'enclave de Srebrenica."
21 La Chambre de première instance a conclu que les faits, énoncés dans
22 l'accord sur le plaidoyer et l'exposé des faits joints à celui-ci, étaient
23 suffisamment pour fonder une déclaration de culpabilité. En conséquence, la
24 Chambre de première instance a déclaré Momir Nikolic coupable du chef 5 de
25 l'acte d'accusation, persécutions, un crime contre l'humanité sanctionné
26 par l'article 5(H) du Statut du Tribunal.
27 Dans l'accord sur le plaidoyer, les parties sont convenues que
28 l'Accusation recommanderait une peine de 15 à 20 ans d'emprisonnement et la
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1 Défense une peine de dix ans d'emprisonnement. La Chambre de première
2 instance a estimé qu'elle ne pouvait suivre les recommandations des parties
3 en matière de peine, et a condamné Momir Nikolic à 27 ans d'emprisonnement.
4 Momir Nikolic a interjeté appel du jugement portant condamnation
5 rendu par la Chambre de première instance I du Tribunal le 2 décembre 2003.
6 L'Accusation pour sa part n'a pas interjeté appel. L'audience consacrée à
7 l'appel s'est tenue le 5 décembre 2005.
8 Conformément à la pratique du Tribunal international, je ne donnerais
9 pas lecture du texte de l'arrêt à l'exception de son dispositif. Je
10 rappellerais les questions soulevées dans le cadre de la procédure d'appel
11 ainsi que les conclusions de la Chambre d'appel. Je tiens à souligner que
12 le résumé qui suit ne fait pas partie de l'arrêt seul fait autorité
13 l'exposé des conclusions émotives de la Chambre d'appel que l'on trouve
14 dans le texte écrit de l'arrêt dont des copies seront mises à la
15 disposition des parties à l'issue de l'audience.
16 L'appelant a initialement soulevé 12 moyens d'appel, or, son mémoire
17 ne fait état d'aucun argument à l'appui des neuvième, dixième et onzième
18 moyens d'appel, ces derniers ont été passés sous silence lors de l'audience
19 consacrée à l'appel. Ces moyens d'appel sont donc rejetés.
20 Je passerais brièvement en revue les neuf moyens d'appel restants
21 selon l'ordre dans lequel ils ont été présentés.
22 Dans son premier moyen d'appel, l'appelant soutient que la Chambre de
23 première instance a commis une erreur lorsqu'elle est allée au-delà des
24 faits sur lesquels reposaient le plaidoyer de culpabilité pour apprécier la
25 gravité de l'infraction. A cet égard, l'appelant renvoie la Chambre d'appel
26 à plusieurs paragraphes du jugement portant condamnation concernant les
27 événements survenus à Zvornik, les réunions tenues à l'hôtel Fontana, et le
28 grade qu'il lui a été attribué par la Chambre de première instance.
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1 La Chambre d'appel approuve l'appelant lorsqu'il souligne que les
2 Chambres de première instance doivent en principe s'en tenir aux faits sur
3 lequel repose le plaidoyer de culpabilité tels qu'ils sont écrits dans
4 l'acte d'accusation, l'accord sur le plaidoyer et l'exposé écrit des faits.
5 Après avoir comparé les faits énoncés par la Chambre de première instance,
6 et ce, reconnu par l'appelant, la Chambre d'appel estime néanmoins que la
7 Chambre de première instance n'a commis aucune erreur lorsqu'elle a décrit
8 les événements survenus à Zvornik ou le rôle joué par l'appelant dans les
9 réunions tenues à l'hôtel Fontana. S'agissant du grade trop élevé attribué
10 à l'appelant, la Chambre d'appel estime que, même si la Chambre de première
11 instance a effectivement commis une erreur sur ce point dans l'introduction
12 du jugement portant condamnation, l'appelant n'a pas démontré en quoi cette
13 erreur aurait influencé la Chambre de première instance lorsqu'elle a fixé
14 la peine.
15 Le premier moyen d'appel soulevé par l'appelant est rejeté y compris
16 ces branches 1(A) et 1(B).
17 Dans ses deuxième et douzième moyens d'appel, l'appelant affirme que la
18 Chambre de première instance a eu tort de lui infliger une peine de 27 ans
19 d'emprisonnement vu les peines prononcées dans d'autres affaires et renvoie
20 la Chambre d'appel aux affaires concernant Radislav Kordic, Dragan
21 Obrenovic, Vidoje Blagojevic et Dario Kordic.
22 La Chambre d'appel a précédemment conclu que les Chambres de première
23 instance peuvent effectivement s'inspirer d'une : "Condamnation antérieure
24 si elle a trait à une même infraction commise dans des circonstances très
25 similaires." Toutefois, la Chambre d'appel rappelle : "Que bien qu'elle ne
26 sous-estime pas l'intérêt des décisions antérieures, elle a également
27 déclaré que cet intérêt pouvait être limité." La raison en est que
28 lorsqu'elle compare deux affaires où les infractions reprochées ont été
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1 commises dans des circonstances très similaires, la Chambre de première
2 instance a néanmoins l'obligation impérieuse de personnalisé la peine pour
3 tenir compte de la gravité du crime, de la situation de l'accusé ainsi que
4 des circonstances aggravantes et atténuantes.
5 C'est à la lumière de ces éléments que la Chambre d'appel a comparé
6 l'affaire Momir Nikolic aux affaires concernant Obrenovic, Krstic,
7 Blagojevic et Kordic.
8 S'agissant de l'affaire Dragan Obrenovic, la Chambre d'appel considère que
9 celle-ci est comparable à l'espèce pour ce qui est du nombre et de la
10 nature des crimes reprochés, les deux accusés ayant été déclaré coupable de
11 persécutions constitutives de crimes contre l'humanité commises après la
12 chute de Srebrenica. La Chambre de première instance a, cependant, relevé
13 plusieurs différences entre ces deux affaires; notamment en ce qui concerne
14 le degré de participation des deux accusés aux crimes et les circonstances
15 atténuantes retenues. Lorsque le degré de participation aux crimes et les
16 circonstances atténuantes diffère, il est justifié que les peines
17 prononcées diffèrent également. Ainsi l'appelant n'a pas démontré que la
18 Chambre de première instance avait commis une erreur en comparant son
19 affaire et celle de Dragan Obrenovic.
20 En ce qui concerne Radislav Krstic, condamné à 35 ans d'emprisonnement, la
21 Chambre d'appel estime que son affaire est comparable pour ce qui est des
22 crimes commis, les deux accusés ayant été déclaré coupable de crimes commis
23 après la chute de Srebrenica. Il convient, cependant, de comparer le nombre
24 et la nature des crimes, les modes de participation et la situation
25 personnelle des deux accusés. Après avoir comparé les deux affaires, la
26 Chambre d'appel a conclu que la participation aux crimes et les
27 circonstances atténuantes retenues n'étaient pas identiques. En somme,
28 l'appelant n'a pas démontré que la Chambre de première instance avait
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1 commis une erreur en comparant son affaire et celle de Radislav Krstic.
2 Dans l'affaire Vidoje Blagojevic, la Chambre d'appel observe que la
3 procédure d'appel est actuellement en cours et qu'à ce titre, la peine
4 infligée n'a pas encore fait l'objet d'une décision définitive. En
5 conséquence, la Chambre d'appel ne saurait se livrer à une comparaison
6 entre la condamnation de Vidoje Blagojevic et celle de l'appelant.
7 Quant à la condamnation de Dario Kordic, la Chambre d'appel estime comme
8 l'appelant l'a d'ailleurs reconnu que les meurtres commis n'avaient pas été
9 perpétrés sur une échelle aussi vaste qu'à Srebrenica. Dario Kordic,
10 n'ayant pas été condamné des mêmes crimes que ceux dont l'appelant a été
11 déclaré coupable, la Chambre d'appel en conclut que les deux affaires ne
12 sont pas comparables.
13 Par ces motifs, la Chambre d'appel rejette les deuxième et douzième moyens
14 d'appel.
15 Dans son troisième moyen d'appel, l'appelant fait valoir que la Chambre de
16 première instance a pris en considération le rôle qu'il a joué dans la
17 commission des crimes tant pour apprécier la gravité de l'infraction que
18 lors de l'examen des circonstances aggravantes.
19 La Chambre d'appel rappelle que les éléments dont une Chambre de première
20 instance tient compte comme étant des aspects de la gravité du crime ne
21 sauraient être de surcroît et considérés comme des circonstances
22 aggravantes et vise versa. La Chambre d'appel estime que la Chambre de
23 première instance a pris en compte le rôle actif joué par l'appelant dans
24 la commission des crimes lorsqu'elle a apprécié la gravité de l'infraction
25 et qu'elle a retenu comme circonstances aggravantes l'autorité exercée par
26 ce dernier et son rôle dans la commission des crimes. La Chambre d'appel
27 n'est pas convaincue que le rôle de l'appelant tel qu'il a été pris en
28 compte par la Chambre de première instance pour apprécier la gravité de
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1 l'infraction et son rôle tel qu'il a été retenu en tant que circonstances
2 aggravantes constitue des aspects différents du rôle joué par Momir
3 Nikolic. Rien dans les faits mentionnés ne permet de tirer une telle
4 conclusion; le paragraphe relatif à la gravité du crime et celui consacré
5 aux circonstances aggravantes traitent tous deux de manière générale du
6 rôle joué par l'appelant dans l'opération meurtrière. La Chambre d'appel en
7 a conclu que la Chambre de première instance a commis une erreur manifeste
8 en prenant deux fois en compte le rôle joué par ce dernier dans la
9 commission des crimes lorsqu'elle a fixé la peine. En procédant ainsi,
10 alors qu'elle n'était pas en droit de le faire, la Chambre de première
11 instance a injustement alourdi la peine infligée à l'appelant. Vu
12 l'incidence de cette double prise en compte sur la peine prononcée par la
13 Chambre de première instance la Chambre d'appel tiendra compte de cette
14 erreur lorsqu'elle révisera la peine. Le troisième moyen d'appel soulevé
15 par l'appelant est accueilli.
16 A l'instar de ce qui précède, l'appelant soutient dans son quatrième moyen
17 d'appel que la Chambre de première instance a considéré la vulnérabilité
18 des victimes à la fois comme un élément ajoutant à la gravité du crime et
19 comme une circonstance aggravante. En l'occurrence toutefois la Chambre de
20 première instance n'a pas tenu compte des mêmes éléments lorsqu'elle a
21 apprécié la gravité du crime et les circonstances aggravantes. S'agissant
22 de la gravité de l'infraction, la Chambre de première instance a pris en
23 considération les conséquences des crimes commis sur les personnes ayant
24 survécu aux événements tragiques de Srebrenica. La vulnérabilité des
25 victimes qui étaient toutes sans défense a été tenue pour une circonstance
26 aggravante. Par contre, la Chambre d'appel estime qu'il n'y a pas eu double
27 prise en compte du même élément par la Chambre de première instance et
28 rejette le quatrième moyen d'appel.
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1 Dans son cinquième moyen d'appel, l'appelant affirme que la Chambre de
2 première instance s'est appuyée à tort sur la traduction erronée des
3 arguments relatifs à la peine avancée par le conseil de la Défense dans sa
4 plaidoirie.
5 La Chambre d'appel reconnaît que le conseil de la Défense n'a pas déclaré
6 au procès que je cite : "7 000 personnes seulement avaient été tuées dans
7 le cadre de cette campagne," mais que, je
8 cite : "Environ 7 000 hommes avaient été tués." La Chambre de première
9 instance s'est appuyée sur les propos qu'elle croyait être ceux du conseil
10 de la Défense alors qu'une erreur s'était glissée dans l'interprétation.
11 Lors de l'audience consacrée à l'appel, l'Accusation a déclaré que, je cite
12 : "L'erreur en question était suffisamment importante pour être prise en
13 considération d'autant plus que la Chambre de première instance avait été
14 particulièrement perturbée par cette formulation." L'Accusation a convenu
15 avec l'appelant que cette erreur d'interprétation était, je cite : "Tout à
16 fait regrettable et avait peut-être influencé la manière dont la Chambre de
17 première instance avait apprécié non seulement les faits et la
18 reconnaissance des crimes, mais ainsi que la peine à infliger."
19 La Chambre d'appel souscrit aux arguments présentés par les parties
20 sur ce point. Elle note en premier lieu que la Chambre de première instance
21 a exprimé sa position en des termes très forts à savoir qu'elle s'est
22 déclarée choquée - je cite - d'entendre la Défense de Nikolic tenir de tels
23 propos. Elle a ajouté que c'était une honte que de recourir au mot
24 "seulement," lorsque l'on parle du nombre de tués. Ces remarques de la
25 Chambre de première instance ont été de surcroît incluse dans la partie du
26 jugement portant condamnation relative à la gravité de l'infraction qui,
27 comme l'a déjà souligné la Chambre d'appel, représente l'élément le plus
28 important, voire l'élément décisif à prendre en compte pour fixer une peine
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1 juste. Vu la partie du jugement portant condamnation dans laquelle se
2 trouvent ces remarques incisives de la Chambre de première instance, la
3 Chambre d'appel estime que celle-ci a tenu compte de ce point de manière
4 préjudiciable en l'appelant lorsqu'elle a fixé la peine. Par ces motifs, la
5 Chambre d'appel accueille le cinquième moyen d'appel.
6 Dans son sixième moyen d'appel, l'appelant fait valoir que la Chambre de
7 première instance n'a pas accordé suffisamment de poids à son plaidoyer de
8 culpabilité au titre des circonstances atténuantes. Il avance tout d'abord
9 que la Chambre de première instance a émis des réserves de principe sur la
10 valeur des accords sur le plaidoyer.
11 La Chambre d'appel remarque que la Chambre de première instance a
12 manifesté ces réserves lorsqu'elle s'est posée de manière générale la
13 question de l'opportunité des accords sur le plaidoyer dans les affaires de
14 violations graves du droit international humanitaire. A aucun moment, la
15 Chambre de première instance n'a indiqué avoir tenu compte de ces réserves
16 pour déterminer l'impact du plaidoyer de culpabilité sur la peine prononcée
17 contre l'appelant. La Chambre de première instance a d'ailleurs reconnu
18 sans réserve que le plaidoyer de culpabilité de l'appelant constituait une
19 circonstance atténuante importante.
20 En conséquence, cet argument est rejeté. En outre, l'appelant avance
21 que la Chambre de première instance n'a pas accordé suffisamment de poids
22 aux faits que son plaidoyer de culpabilité fait avant l'ouverture du procès
23 permettait d'économiser les ressources du Tribunal international et qu'il
24 était le premier serbe de Bosnie à reconnaître publiquement sa culpabilité
25 dans le cadre du massacre de Srebrenica. La Chambre d'appel conclut tout
26 d'abord que le fait de n'accorder guère de poids aux économies réalisées
27 par le Tribunal international par suite du plaidoyer de culpabilité de
28 l'appelant est conforme à la jurisprudence du TPY.
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1 Quant au sixième argument de l'appelant, la Chambre d'appel estime
2 que la Chambre de première instance a bien tenu compte du fait que
3 l'appelant était le premier serbe à admettre sa culpabilité dans le
4 massacre de Srebrenica. De plus, la Chambre de première instance a
5 implicitement reconnu l'importance de la première reconnaissance par un
6 officier serbe de l'implication de la VRS dans les événements ayant suivi
7 la chute de Srebrenica, déclarant que son plaidoyer de culpabilité avait
8 notamment contribué à restaurer la paix, à jeter les bases de la
9 réconciliation et à prévenir le révisionnisme.
10 La Chambre d'appel note également que la Chambre de première instance
11 a qualifié le plaidoyer de culpabilité de l'appelant de significatif et de
12 circonstances atténuantes importantes Pour toutes ces raisons, l'appelant
13 n'a pas démontré que la Chambre de première instance avait commis une
14 erreur manifeste en déterminant le poids à accorder à son plaidoyer de
15 culpabilité. En conséquence, le sixième moyen d'appel est rejeté.
16 L'appelant avance dans son septième moyen d'appel que la Chambre de
17 première instance a commis une erreur puisqu'elle n'a pas reconnu qu'il
18 avait pleinement coopéré avec l'Accusation.
19 La Chambre d'appel conclut que pour apprécier la coopération de
20 l'accusé avec l'Accusation, au titre des circonstances atténuantes, la
21 Chambre de première instance doit tenir compte de l'évaluation de cette
22 coopération par l'Accusation. De plus, étant donné que la Chambre de
23 première instance est par principe dans l'obligation de rendre des
24 décisions motivées en l'application de l'article 23.2 du Statut du
25 Tribunal, la Chambre d'appel conclut que, si la Chambre de première
26 instance n'accepte pas l'évaluation faite par l'Accusation de la
27 coopération fournie par l'accusé, elle se doit d'exposer les motifs
28 justifiant son refus.
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1 Sur cette base, la Chambre d'appel a identifié plusieurs erreurs
2 manifestes dans l'évaluation par la Chambre de première instance de la
3 coopération de Momir Nikolic avec l'Accusation.
4 La Chambre de première instance a conclu qu'en de nombreuses
5 occasions, le témoignage de l'appelant avait été élusif. Or, elle ne cite
6 qu'un seul et unique exemple dans ce sens. La Chambre d'appel conclut que,
7 si une Chambre de première instance estime qu'un fait donné diminue le
8 poids des circonstances atténuantes, ce fait doit être étayé afin de
9 garantir à l'accusé la possibilité de présenter ces arguments en appel s'il
10 souhaite demander l'annulation de cette conclusion.
11 En conséquence, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de première
12 instance n'a pas étayée sa conclusion relative aux nombreuses occasions où
13 l'appelant avait été élusif. Elle n'a donc pas rendu sur ce point une
14 décision motivée. La Chambre de première instance a également commis une
15 erreur puisqu'elle a retenu le fait que l'appelant avait menti à
16 l'Accusation en avouant des crimes qu'il n'avait pas commis. La Chambre
17 d'appel estime que vu les circonstances particulières de l'espèce, toute
18 confusion et tout effet délétère que ces faux aveux auraient pu avoir sur
19 la valeur de sa coopération ont été dissipés. En premier lieu, c'est
20 l'appelant qui a pris l'initiative de contacter l'Accusation pour s'excuser
21 et corriger sa déclaration.
22 Deuxièmement, comme l'a reconnu l'Accusation, l'appelant a montré sa
23 volonté de coopérer pleinement avec l'Accusation en reconnaissant
24 ouvertement avoir fait de fausses déclarations. La Chambre de première
25 instance ne semble pas avoir tenu compte de ces actes de l'appelant quand
26 elle s'est prononcée sur la valeur de sa coopération. Pour ces motifs, la
27 Chambre d'appel conclut que la Chambre de première instance a commis là une
28 erreur manifeste.
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1 De plus, on a du mal à déterminer clairement les faits sur lesquels
2 la Chambre de première instance s'est appuyée pour conclure que le
3 témoignage de Momir Nikolic dans l'affaire Blagojevic n'était pas aussi
4 précis qu'il aurait pu l'être sur certains points. La Chambre d'appel a
5 passé au crible la déposition de l'appelant dans l'affaire Blagojevic pour
6 constater qu'à aucun moment, la Chambre de première instance ne lui avait
7 demandé des détails supplémentaires. La Chambre d'appel conclut que la
8 Chambre de première instance n'a pas étayée sa conclusion et n'a pas rendu
9 une décision motivée sur ce point.
10 De même, la Chambre de première instance n'a pas corroboré sa
11 conclusion selon laquelle, je cite : "Si Momir Nikolic avait coopéré en
12 toute sincérité, il se serait montré plus honnête dans tous les aspects de
13 son témoignage et les réponses qu'il a apportées dans ces déclarations et à
14 la Chambre de première instance auraient été plus franches." Et la Chambre
15 d'appel estime une fois encore que la Chambre de première instance n'a pas
16 rendu une décision motivée à cet égard.
17 La Chambre d'appel a donc identifié plusieurs erreurs manifestes
18 commises par la Chambre de première instance dans l'évaluation de la
19 coopération de l'appelant avec l'Accusation. La Chambre d'appel estime que
20 ces erreurs ont empêché la Chambre de première instance d'accorder le poids
21 qu'il convenait à la coopération de l'appelant avec l'Accusation au titre
22 des circonstances atténuantes. La Chambre d'appel en tiendra compte pour
23 réviser la peine de l'appelant.
24 Par ces motifs, la Chambre d'appel accueille partiellement le
25 septième moyen d'appel de l'appelant.
26 Dans son huitième moyen d'appel, l'appelant avance que la Chambre de
27 première instance a commis une erreur en n'accordant pas suffisamment de
28 poids aux remords qu'il a exprimés.
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1 La Chambre de première instance a décidé qu'elle ne pouvait accorder un
2 grand poids aux remords de l'appelant. L'appelant conteste les trois motifs
3 cités par la Chambre de première instance à l'appui de sa décision. Momir
4 Nikolic fait valoir que, premièrement, la Chambre de première instance a
5 accordé un poids indu aux raisons qui ont poussé l'appelant à plaider
6 coupable et à communiquer de fausses informations à l'Accusation durant les
7 négociations relatives au plaidoyer. Deuxièmement, la Chambre de première
8 instance a accordé une importance excessive au moment choisi par l'appelant
9 pour plaider coupable et troisièmement, la traduction erronée des propos du
10 conseil de l'appelant au cours de sa plaidoirie a peut-être joué sur la
11 décision de ne pas accorder de poids appropriés à ses remords.
12 La Chambre d'appel n'a pas été en mesure de déceler d'erreur de la
13 part de la Chambre de première instance. En particulier, la Chambre de
14 première instance ne s'est pas fourvoyée en tenant compte des raisons et
15 ont poussé Momir Nikolic à conclure un accord sur le plaidoyer a communiqué
16 de fausses informations à l'Accusation. L'appelant n'a présenté aucun
17 argument expliquant pourquoi la Chambre de première instance n'aurait pas
18 dû tenir compte de ces raisons. Lorsqu'il avance qu'il existait d'autres
19 raisons en dehors des motivations d'intérêt personnel ayant joué un rôle
20 majeur dans la réflexion qu'il a menée avant de conclure l'accord sur le
21 plaidoyer l'appelant semble ignorer que la Chambre de première instance a
22 bel et bien tenu compte de ces autres raisons puisqu'elle a expressément
23 repris dans le jugement portant condamnation les déclarations
24 correspondantes faites par l'appelant lors de l'audience relative à la
25 peine. La Chambre d'appel conclut que l'appelant n'a pas démontré que la
26 Chambre de première instance avait accordé un point dû aux raisons qui ont
27 poussé l'appelant à plaider coupable et à communiquer de fausses
28 informations à l'Accusation durant les négociations relatives au plaidoyer.
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1 S'agissant du stade auquel est intervenu le plaidoyer de culpabilité, la
2 Chambre d'appel reconnaît que le moment choisi par l'appelant pour plaider
3 coupable ne serait être retenu par la Chambre de première instance au titre
4 des circonstances aggravantes. En l'espèce, la Chambre d'appel estime que
5 la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur en faisant
6 référence au stade où est intervenu le plaidoyer de culpabilité dans son
7 évaluation de l'importance des remords exprimés par l'appelant. Au
8 contraire, la Chambre de première instance a considéré que le moment choisi
9 par l'appelant pour plaider coupable fournissait une indication sur la
10 place du remord plutôt que du calcul personnel dans sa prise de décision.
11 Lorsque -- comme en l'espèce, une Chambre de première instance considère le
12 moment où intervient un plaidoyer comme un simple indicateur du rôle joué
13 par le remord dans cette décision, la Chambre de première instance ne porte
14 pas atteinte au droit de l'accusé. La Chambre de première instance n'a pas
15 minimisé l'importance de cette circonstance atténuante au motif que pendant
16 une certaine période l'appelant avait exercé son droit de plaider non
17 coupable.
18 La Chambre d'appel a déjà abordé dans l'examen du cinquième moyen
19 d'appel, l'erreur de traduction des propos du conseil de l'appelant au
20 cours de sa plaidoirie.
21 Au regard du huitième moyen d'appel, la Chambre d'appel conclut que
22 la Chambre de première instance n'a ni mentionné ni tenu compte des propos
23 mal traduits pour déterminer le poids à accorder au remord exprimé par
24 l'appelant. Par ces motifs la Chambre d'appel conclut que l'appelant n'a
25 pas démontré que la Chambre de première instance avait commis une erreur
26 manifeste en décidant du poids à accorder au remord au titre des
27 circonstances atténuantes. En conséquence, le huitième moyen d'appel de
28 l'appelant est rejeté.
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1 Je vais maintenant récapituler les conclusions de la Chambre d'appel.
2 La Chambre d'appel a accueilli le troisième et cinquième moyen d'appel et
3 partiellement le septième, elle a rejeté chacun des autres moyens d'appel.
4 La Chambre d'appel souligne que, conformément aux alinéas (A) et (B) de
5 l'article 72 ter du Règlement de procédure et de preuve qui s'applique aux
6 procédures d'appel en vertu de l'article 107 du Règlement, elle n'est pas
7 tenue par les fourchettes de peine recommandées par l'une ou l'autre
8 partie.
9 La Chambre d'appel estime que les erreurs qu'elle a constatées
10 justifient une réduction de sept années de la peine d'emprisonnement.
11 Je vais maintenant donner lecture du dispositif de l'arrêt de la
12 Chambre d'appel.
13 Monsieur Nikolic, veuillez vous lever.
14 Par ces motifs, la Chambre d'appel, en application de l'article 25 du
15 Statut et des articles 117 et 118 du Règlement, vu les écritures
16 respectives des parties et leurs exposés à l'audience du 5 décembre 2005,
17 siégeant en audience publique, accueille les troisième et cinquième moyens
18 d'appel soulevés par l'appelant, et partiellement son septième moyen
19 d'appel, rejette l'appel pour le surplus, révise la peine, condamne
20 l'appelant à une peine de 20 années d'emprisonnement à compter de ce jour
21 le temps déjà passé en détention étant en déduire de la durée totale de
22 celle-ci en application de l'article 101 C du Règlement, ordonne en
23 application des articles 103(C) et 107 du Règlement que Momir Nikolic reste
24 sous la garde du Tribunal international jusqu'à ce que soient arrêtées les
25 dispositions nécessaires pour son transfert vers l'état dans lequel il
26 purgera sa peine.
27 Monsieur Nikolic, vous pouvez vous rasseoir.
28 L'APPELANT : [interprétation] Merci.
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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez
2 distribuer aux parties des exemples de l'arrêt.
3 L'audience de la Chambre d'appel est levée.
4 --- Le Jugement en appel est levé à 9 heures 37.
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