Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 27 octobre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour. Bonjour à tous dans le

  6   prétoire et autour du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame le

  9   Juge, il s'agit de l'affaire IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo

 10   Perisic. Merci.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 12   Les présentations, s'il vous plaît, pour l'Accusation.

 13   M. SAXON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame le Juge,

 14   Dan Saxon, Barney Thomas et Carmela Javier pour l'Accusation.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon.

 16   Pour la Défense, Maître Guy-Smith.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Chad Mair,

 18   Tina Drolec, Novak Lukic, et Gregor Guy-Smith pour le général Perisic.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Guy-Smith.

 20   Je vous invite à faire entrer le témoin dans le prétoire.

 21   [Le témoin vient à la barre]

 22   LE TÉMOIN : ROBERT ADAM MUNGO SIMPSON MELVIN [Reprise]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, mon Général. Je vous demande

 25   de bien vouloir prendre place, et je vous rappelle, mon Général, que vous

 26   êtes toujours tenu par la déclaration sous serment que vous avez prononcée

 27   hier, à savoir que vous nous diriez la vérité, toute la vérité et rien que

 28   la vérité.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le comprends bien, Monsieur le

  2   Président.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.

  6   Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith : [Suite]

  7   Q.  [interprétation] Avant de poser quelques questions je souhaitais être

  8   certain qu'on m'entend dans les différentes cabines de traduction

  9   simultanée, parce que c'est une salle dans laquelle les micros parfois

 10   posent quelques problèmes. Pourrait-on me concerner qu'on m'entend ?

 11   L'INTERPRÈTE : La cabine française confirme qu'elle entend bien Me Guy-

 12   Smith.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous entends, Maître Guy-Smith.

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 15   Q.  Nous en étions restés dans notre conversation d'hier soir au général

 16   Jackson dont nous disions qu'il relevait du commandement national. Vous en

 17   souvenez-vous, Monsieur le Témoin ?

 18   R.  Oui, je m'en souviens.

 19   Q.  S'agissant de cette question-là, je souhaiterais y revenir quelques

 20   instants, si vous le permettez, et je souhaiterais que nous discutions de

 21   la chose suivante : si j'ai bien compris le principal du l'unité de

 22   commandement - et c'est un principe que vous connaissiez - je souhaite

 23   m'assurer de l'avoir bien compris.

 24   R.  Oui, je connais ce concept, je connais également les principes associés

 25   d'unité d'effort.

 26   Q.  Très bien. Alors, là, je veux dire que je ne vous suis pas forcément,

 27   mais s'agissant de l'unité de commandement, j'aurais souhaité que vous nous

 28   rappeliez et rappeler à la Chambre de première instance en quoi consiste

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  1   l'unité de commandement.

  2   R.  L'unité de commandement est un principe qui permet d'assurer la

  3   cohérence au sein d'une force qu'elle soit nationale ou multinationale.

  4   Dans toute la mesure du possible, il s'agit d'avoir recours à une approche

  5   des opérations, et à une doctrine commune, et il s'agit également de

  6   veiller à ce que la chaîne de commandement soit transparente et claire.

  7   Q.  S'agissant de cette chaîne de commandement transparente et claire, hier

  8   nous avons évoqué cette question, nous avions dit que cette chaîne de

  9   commandement claire pour le général Jackson incombait essentiellement aux

 10   forces britanniques; je ne me trompe pas ?

 11   R.  Non, non, vous ne vous trompez pas.

 12   Q.  Vous avez également mentionné un autre concept, c'est une question qui

 13   est importante. J'aimerais savoir exactement ce qu'est ce principe associé,

 14   le principe associé d'une unité ? Vous en avez parlé, je ne veux pas

 15   laisser de côté.

 16   R.  Ce principe associé que le principe d'unité d'effort veuille à ce que

 17   les activités ou actions d'une force multinationale, ou inter armée, est

 18   pour objectif un objectif communication. C'est associé donc à l'unité de

 19   commandement cette unité d'effort.

 20   Q.  Je vous comprends cette fois. J'aurais souhaité essayer de m'assurer

 21   d'avoir bien compris, un certain nombre d'idées d'ordre général, de manière

 22   à être certain que nous comprenions bien, une de ces idées générales ayant

 23   trait au concept d'information qui induit en erreur. Vous dites :

 24   "Des informations constituent un instrument de conduite de la

 25   guerre."

 26   Ma première question, par conséquent, est --

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Saxon.

 28   M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, le général Melvin dépose

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  1   ici en sa qualité d'expert. Ce qui m'inquiète un peu, le fait que mon

  2   éminent confrère s'attaque à un domaine qui ne relève pas du domaine de

  3   compétence experte ou de savoir-faire de l'expert-témoin.

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense pouvoir ramener ça en menant, où

  5   je conclurai mon interrogation sur cette question-là; je vous prouverai que

  6   ce je ne sors pas du champ de compétence du témoin.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Saxon, en quoi est-ce que M.

  8   Guy-Smith quitte le domaine d'expertise du témoin ?

  9   M. SAXON : [interprétation] Dans les quatre aux quatre, dans les

 10   différentes parties du rapport du général Melvin et dans les réponses

 11   apportées aux questions qui lui ont été posées, on ne parle pas de

 12   désinformation ou de recours abusif à l'information.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est effectivement le cas, mais est-

 14   ce que l'on peut dire que cela ne relève pas de son expertise et que cela

 15   relève d'un autre domaine de compétence ? Grosso modo, je vous demande si

 16   vous avez un motif avéré d'objection.

 17    M. SAXON : [interprétation] Je comprends ce que vous me dites, vous n'avez

 18   pas tort. Il se peut que cela puisse être motivé par un nombre de

 19   connaissances expertes, mais ceci va, quoi qu'il en soit, au-delà des

 20   champs d'application du rapport du général Melvin et des questions qui lui

 21   ont été posées. Il n'a pas posé de questions à propos de son recours abusif

 22   à l'information.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est là la base de votre

 24   objection, c'est-à-dire manque d'expertise, compte tenu de la question

 25   posée ? C'est la question que je vous pose.

 26   M. SAXON : [interprétation] Bien, les deux éléments de votre question sont

 27   exacts.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, vous nous dites qu'un expert

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  1   militaire ne connaîtrait pas, ne saurait pas si le recours abusif à

  2   l'information peut être un instrument de conduite de la guerre.

  3   M. SAXON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  4   Je retire mon objection.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Saxon.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  7   Q.  Vous souvenez-vous de ma question, Monsieur le Témoin ?

  8   R.  J'attends que vous me posiez une question.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question qui vous était posée,

 10   Monsieur, était celle de savoir si l'on pouvait utiliser la désinformation

 11   comme outil de conduite de la guerre.

 12   Veuillez répondre.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Le terme militaire beaucoup plus courant et que je connais bien est le

 15   terme "tromperie," et ce terme, "tromperie" ou "deception" en anglais,

 16   c'est un terme qui décrit un processus dans lequel l'on essaie de veiller à

 17   ce que votre adversaire ne comprenne pas très bien ce qu'il en est de vos

 18   plans. Lorsque l'on parle de "désinformation," c'est une forme de

 19   tromperie.

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 21   Q.  Alors, revenons à ce terme de "tromperie." Ça me va tout à fait, on

 22   peut utiliser le terme "tromperie."

 23   Lorsqu'un commandant reçoit des informations émanant de sources qui ne sont

 24   pas sa propre chaîne de commandement, est-ce que l'information qu'il reçoit

 25   relève de cette rubrique que l'on pourrait caractériser comme duperie ?

 26   Est-ce que c'est cela qui rend difficile l'analyse des informations reçues

 27   ?

 28   R.  Lorsqu'on procès à l'évaluation d'une situation, un commandant ou à

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  1   l'état-major ou au QG, dans certains QG, mon niveau, l'on reçoit des

  2   informations. On procède à une analyse des informations. On procède à une

  3   évaluation des points forts de l'ennemi, des dispositions de l'ennemi, et

  4   l'on essaie de procéder à l'évaluation de ses intentions, et ceci peut

  5   avoir pour objectif d'induire en erreur, et à ce moment-là, cela relève de

  6   cette catégorie "tromperie."

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je reviens à la question qui vous a

  8   été posée par Me Guy-Smith, lorsqu'il utilisait encore le terme de

  9   "désinformation." Etes-vous d'accord avec la question qu'il vous posait,

 10   c'est-à-dire que cette "tromperie," pour reprendre le terme que vous avez

 11   utilisé, la tromperie est-elle utilisée comme instrument de conduite de la

 12   guerre ?

 13    LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, absolument. C'est utilisé comme

 14   instrument.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 17   Q.  S'agissant de cette question de la tromperie et de toutes sortes de

 18   domaines auxquels elle peut avoir trait, j'ai bien pris note de votre

 19   réponse. Mais j'imagine que cela va au-delà des dispositions ou points

 20   forts et intentions de l'ennemi.

 21   R.  Moi, je vous donnais simplement certains éléments d'information portant

 22   sur les éléments qui sont fournis par les services de renseignements à la

 23   chaîne de commandement. Cela fait partie du processus d'évaluation normal,

 24   donc je vais préciser, dans ce processus-là, ce que l'on cherche à

 25   épingler, ce sont les domaines dans lesquels on aurait peut-être pu avoir

 26   recours à la tromperie. C'est ce que fons les services de renseignements.

 27   Q.  Je vous comprends bien. Un domaine dans lequel on aurait pu avoir

 28   recours à la tromperie, vous avez dans votre déposition évoqué un certain

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  1   nombre de moments, vous avez évoqué un certain nombre de nouvelles

  2   technologies. On a parlé de l'ère de l'information, c'est-à-dire avec des

  3   échanges d'informations beaucoup plus rapides, les ordinateurs, les

  4   courriels --

  5   R.  Oui, si je ne m'abuse, il me semble que dans le contexte en question,

  6   je m'efforçais de préciser les pouvoirs des disciplines. Enfin, j'essaie de

  7   me souvenir de ce que je vous disais, mais --

  8   Q.  Oui, c'était effectivement cela.

  9   R.  Oui, c'est exact.

 10   Q.  Non. J'essaie de savoir si tout cela est exact, mais un des domaines ou

 11   une des caractéristiques qui ont fait que la guerre a changé est les

 12   reportages de guerre ?

 13   R.  Depuis la guerre de Crimée, déjà, ces reportages jouent un rôle

 14   important.

 15   Q.  Mais, là encore, vous êtes nettement plus expert que moi en la matière.

 16   Mais s'agissant de ces informations, ces reportages, c'est aussi un domaine

 17   dans lequel un commandant ou des forces doivent mener une analyse portant

 18   sur ce recours à la tromperie, c'est-à-dire qu'il leur appartient de

 19   s'assurer, du caractère précis ou pas, des informations véhiculées dans le

 20   cadre de ces reportages. Cela vous paraît-il exact ?

 21    R. Oui, c'est tout à fait exact. Si je me fonde sur ma propre expérience,

 22   toute planification des opérations militaires doit tenir compte de la

 23   perception par le public, donc de ces reportages de guerre tels qu'on peut

 24   les lire ou voir dans les médias.

 25   Q.  Alors, s'agissant de cette question des médias et de l'information,

 26   j'essaie de comprendre. Lorsque l'on essaie de s'assurer du caractère

 27   précis de l'information reçue, un commandant - et là, je vous pose la

 28   question - doit pour cette analyse se fonder sur le renseignement que ses

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  1   propres forces diffusent ?

  2   R.  Oui, c'est une des sources d'information mais pas la seule.

  3   Q.  Donc, lorsqu'il y a contradiction du fait de ces activités de

  4   tromperie, j'imagine qu'il n'y a pas de règle d'airain en la matière pour

  5   prendre sa décision, mais il y a de fortes chances que dans une telle

  6   situation, un commandant se fonde sur les informations qu'il reçoit de ses

  7   propres canaux d'information, de ses propres sources d'information. Cela

  8   vous paraît-il être un postulat général exact ?

  9   R.  Je ne suis pas un expert du renseignement mais comme postulat, et en me

 10   fondant sur mes souvenirs à propos de ce postulat, je me dirais qu'il est

 11   important de recevoir des renseignements, de recevoir des informations et

 12   de se fonder pour ce faire ou d'utiliser et d'évaluer pour ce faire autant

 13   de sources que possibles. Mais - et vous l'avez dit vous-même - dans ce

 14   contexte-là, il convient d'accorder une attention toute particulière à ses

 15   propres sources de renseignement.

 16   Q.  Alors, non, nous n'allons y revenir, j'allais revenir quelque part,

 17   non. Lorsque l'on s'intéresse à la décision qu'il convient de prendre dans

 18   le contexte d'une force multinationale, la décision étant de poser un

 19   carton rouge ou pas, et ensuite je vous demanderais exactement de nous

 20   expliquer ce qu'est ce carton rouge. Mais pour décider d'avoir recours au

 21   carton rouge ou pas, on se fonde sur les informations provenant de ses

 22   propres forces avant de prendre telle ou telle mesure, n'est-ce pas ?

 23   Avant de réponse à cette question, il serait peut-être préférable

 24   effectivement que vous expliquiez ce qu'est ce terme de carton rouge. Nous

 25   n'avons pas discuté mais je l'ai dans votre rapport. 

 26   R.  Cela vous serait-il utile que je vous explique dans un premier temps ce

 27   que j'entendais par ce terme "carton rouge" ?

 28   Q.  Tout à fait.

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  1   R.  Le carton rouge, c'est un terme qui n'est pas un terme qui relève pas

  2   de la doctrine, mais qu'on utilise de façon assez générale dans le domaine

  3   militaire. Ce terme a pour objectif de décrire une éventualité ou une

  4   éventualité potentielle dans laquelle le commandement d'un contingent

  5   national, dans certaines circonstances peut être amené à prendre la

  6   décision de ne pas exécuter les ordres d'un commandant d'une force

  7   multinationale. Il se peut -- enfin, trois circonstances sont envisageables

  8   -- au moins trois circonstances sont envisageables dans ce contexte.

  9   Première circonstance, ce commandant pourrait proposer un "carton rouge" à

 10   la tâche ou à la mission en question, s'il estime qu'elle va au-delà ce que

 11   l'on appelé hier, l'état de commandement.

 12   Q.  Je vous comprends.

 13   R.  Deuxième éventualité dans laquelle on pourrait effectivement appliquer

 14   le carton rouge, ce sont des règles d'engagement.

 15   Troisième éventualité, cela est lié à ce qu'on a appelé l'état de

 16   commandement hier, le commandant du contingent national pourrait arguer du

 17   fait que ce qu'on lui demande de faire va au-delà du cadre de la mission

 18   qui lui a été confiée, et il peut arguer du fait que l'intention du

 19   commandant de la force multinationale ou l'intention de la nation qui

 20   apporte un contingent, qui a mis à disposition un contingent ou de la

 21   chaîne de commandement national.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ou pourrait ne pas opposer un carton

 23   rouge -- il pourrait également présenter un carton rouge pour une

 24   instruction dont il estimerait qu'elle est illicite.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exactement ce que j'essayais de

 26   vous dire, Monsieur le Président. Non, ce n'est pas dans le domaine de

 27   doctrine, comme je vous l'ai dit dans mon rapport, finalement, s'il estime

 28   qu'est-ce qu'on lui demande faire est illégal, et sur cette base, il

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  1   pourrait très bien dire : non, je ne suis pas disposé à exécuter cet ordre.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  3   Q.  Je reviens à la -- j'imagine que la question que je vous posais, à

  4   propos du carton rouge était un petit peu hors jeu ?

  5   R.  Non, cela permet de préciser un petit peu ce que signifie le terme

  6   "carton rouge." Je ne dis pas que c'était hors jeu, mais je ne comprends

  7   pas très bien quel est le lien entre la question et cette question du

  8   carton rouge.

  9   Q.  Je retire la question parce que vous nous avez expliqué ce que c'était

 10   le carton rouge. Cela nous aide, donc il n'y a pas lieu pour moi d'aller

 11   plus loin, d'approfondir la question.

 12   Vous nous avez parlé de la tromperie, qui est un des instruments de guerre.

 13   Mais dans un contexte militaire, vous nous avez également parlé de

 14   l'importance du secret, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, c'est exact. C'est un terme, en général on utilise plutôt le terme

 16   sécurité des opérations, dans un contexte militaire.

 17   Q.  Alors dans le contexte du secret militaire ou de ce que vous appelez la

 18   sécurité opérationnelle, il faut savoir que sécurité existe dans tous les

 19   contextes militaires du monde, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, pour autant que je puisse en juger, sur la base de mon expérience,

 21   toute force armée sera amenée à essayer de protéger la sécurité de ses

 22   opérations et de ses plans, et un grand nombre des documents existants sont

 23   classés secret.

 24   Q.  S'agissant de la question du classement confidentiel ou secret des

 25   informations, dans le contexte des forces multinationales, qui nous

 26   intéresse et non dans une situation dans laquelle des forces travaillent

 27   main dans la main, chacune dans forces prise indépendamment peut être

 28   amenée à décider de ne pas partager certaines informations précisément en

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  1   raison de cette nécessité de garder le secret opérationnel ou la sécurité

  2   opérationnelle ?

  3   R.  Vous ne vous trompez pas sur le principe. Mais il serait peut-être bon

  4   que je précise les choses. En général, au sein d'une coalition, il y a deux

  5   types de classement de l'information auxquels on a recours. Il y a le

  6   classement auquel on a recours d'une  manière plutôt générale, au sein

  7   d'une alliance ou d'une coalition, c'est-à-dire c'est un niveau de

  8   confidentialité que tous les membres de l'alliance ou de la coalition en

  9   question appliquent. Ça c'est la norme. C'est si vous voulez la situation

 10   par défaut. Si ce n'était pas la situation par défaut, alors ce soutien du

 11   commandement ne fonctionnerait pas efficacement ou cette structure

 12   opérationnelle. Mais comme vous l'avez dit, dans cette même structure de

 13   commandement, il peut y avoir un autre niveau de confidentialité notamment

 14   pour le renseignement pour lequel une nation ou plusieurs nations peut être

 15   amenée à décider de ne pas communiquer l'information à chacun de ses

 16   partenaires de coalition ou d'alliance, et peut être amené à garder le

 17   secret.

 18   Q. Est-ce qu'il y a une norme à laquelle on a recours pour cela ou est-ce

 19   que cela se fait au cas par cas ? Grosso modo, est-ce que l'on y examine la

 20   situation et l'on dit, et bien, dans une telle situation, compte tenu pour

 21   un tel commandant, c'est ce degré de confidentialité qui doit s'appliquer ?

 22   R.  Pour autant que je puisse en juger, sur la base de mon expérience, au

 23   sein de l'alliance qu'est l'OTAN, il y a des niveaux de confidentialité,

 24   tels que restreints ou secrets ou "top secret" autant. Mais dans le cadre

 25   général de l'alliance, j'ai eu l'occasion de voir des documents marqués à

 26   l'usage exclusif des Britanniques ou des Etats-Unis. Je ne sais pas si

 27   d'autres pays ont pris des dispositions du même type, mais ça existe pour

 28   le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Je ne suis pas expert dans ce domaine.

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  1   Q.  C'est là quelque chose qui n'est pas rare ?

  2   R.  Non, ce n'est pas rare.

  3   Q.  En vous fondant sur votre expérience, vous est-il arrivé d'être

  4   confronté à une situation dans laquelle une armée donnée et scindée en

  5   plusieurs armées, mais a recours aux mêmes règles, aux mêmes statuts dans

  6   le cadre des combats qu'elles mènent l'une contre l'autre ?

  7   R.  Je ne peux que vous donner des contextes historiques récents assez

  8   larges, qui ne satisferont pas à toutes les conditions que vous avez

  9   présentées. J'ai fait l'expérience à titre personnel, et c'est peut-être de

 10   cela que vous parlez, j'imagine que c'est là le sens de votre question.

 11   J'ai donc fait l'expérience personnelle de situation dans laquelle l'armée

 12   de l'ancienne République de Yougoslavie s'est scindée en différentes

 13   composantes, différentes armées donc. Mais il y a un autre exemple plus

 14   récent, à savoir au moment de l'effondrement de l'Union Soviétique, les

 15   éléments issus des états, issus de l'Union Soviétique, je pense notamment à

 16   l'Ukraine ont suivi les règles et les doctrines, les statuts de l'armée

 17   soviétique, mais petit à petit, l'armée ukrainienne a développé ses propres

 18   structures, ses propres doctrines et a opté pour une plus grande

 19   indépendance d'action. Mais ils n'ont jamais eu de conflit l'une avec

 20   l'autre, ces deux armées.

 21   Q.  Très bien. Vous nous avez dit et je crois qu'il serait -- il ne serait

 22   pas inexact d'affirmer qu'on ne peut pas créer une institution en quelques

 23   jours ou semaines, il faut un certain temps pour mettre sur pied une

 24   institution, et pour qu'elle devienne une institution au sens propre du

 25   terme.

 26   R.  Oui. Je peux vous donner un exemple que vous connaissez peut-être

 27   aussi. Lorsque l'Empire britannique a disparu, les forces armées des Etats

 28   souverains du Commonwealth britannique, pendant très longtemps, ont suivi

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  1   les procédures, ont adopté les procédures très semblables et une doctrine

  2   très semblable à celle de l'armée britannique, des parts entiers des armées

  3   pakistanaises et indiennes suivent une doctrine et des procédures, qui

  4   s'inspirent directement des procédures de l'armée britannique, il y a de

  5   cela un certain nombre d'années. Mais, là encore, ça n'est pas la -- je me

  6   fonde que, sur mon expérience générale des affaires militaires, ce n'est

  7   pas mon domaine d'expertise, ça ne figure pas dans mon rapport.

  8   Q.  S'agissant de ces armées, et du commentaire que vous avez fait à propos

  9   de ces armées, je vous parle maintenant des armées pakistanaises et

 10   indiennes, ces deux armées sont entièrement indépendantes de l'armée

 11   britannique, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, ça ne fait aucun doute.

 13   Q.  Je vois.

 14    R.  [aucune interprétation]

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pourriez-vous m'offrir quelques secondes,

 16   s'il vous plaît ?

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 18   [Le conseil de la Défense se concerte]

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 20   Q.  J'en arrive aux conclusions de votre rapport, Monsieur, 4.1, où vous

 21   dites :

 22   "Certes, ce rapport fait référence tant à la doctrine multinationale de

 23   l'OTAN qu'à la doctrine nationale britannique, les principes sont grosso

 24   modo les mêmes. La doctrine britannique prévoie en effet l'application de

 25   la doctrine de l'OTAN à moins que les orientations nationales spécifiques

 26   et séparées soient prévues."

 27   R.  Ça c'est exact, on utilise une terminologie assez semblable dans les

 28   publications de l'OTAN donc, c'est-à-dire que cela fait partie des

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  1   procédures habituelles de l'OTAN, à savoir qu'une nation dès lors qu'elle a

  2   quelques réserves sur tel ou tel élément de la doctrine, elle peut

  3   l'indiquer et le dire spécifiquement, c'est le cas notamment pour les

  4   forces britanniques.

  5   Q.  Ensuite vous nous dites que comment -- vous nous indiquez quels sont

  6   les paramètres de votre rapport. On en a parlé hier notamment au paragraphe

  7   2.6, et je ne vais pas répéter ce qui a été dit hier, mais vous dites au

  8   paragraphe 4.2, je cite :

  9   "Aucune tentative n'a été faite disant à comparer une comparaison entre la

 10   doctrine de l'OTAN et la doctrine du Royaume-Uni avec celle de la

 11   République fédérative de Yougoslavie ou de la Serbie."

 12   Est-ce exact ?

 13   R.  Oui, c'est exact.

 14   Q.  Le rapport que nous avons sous les yeux, comme vous nous l'avez dit,

 15   est un rapport qui a trait à des principes d'ordre général, définis

 16   essentiellement par le biais des glossaires de l'OTAN, et qui constituent

 17   des termes génériques ?

 18   R.  C'est exact.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suppose que vous êtes en train de

 21   nous signifier que vous n'avez plus d'autres questions à poser, Maître Guy-

 22   Smith ?

 23   Juste avant de donner à l'Accusation la possibilité de poser des questions

 24   complémentaires, Général, vous avez juste fait référence à l'armée de

 25   l'ancienne République fédérale de Yougoslavie lorsque l'on vous a parlé du

 26   fait que l'armée [imperceptible] en plusieurs éléments qui peuvent se

 27   combattre les uns les autres, et combattre les uns avec les autres

 28   également. J'aimerais vous poser la question suivante : dans le cadre de

Page 9428

  1   votre rapport qui porte essentiellement sur les forces multinationales,

  2   comment est-ce que vous qualifieriez les armées qui sont nées de la

  3   scission de l'armée de l'ancienne République fédérale de Yougoslavie, et

  4   qui se sont retrouvées au milieu de tout cela dans la période de 1992 à

  5   1995 ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

  7   Monsieur le Président, c'est une question extrêmement vaste. Me permettez-

  8   vous quelques instants de réflexion pour pouvoir ensuite donner une réponse

  9   qui fait tienne à la Cour ?

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Prenez tout le

 11   temps nécessaire. Je voudrais simplement une réponse en quelque sorte qui

 12   qualifie vraiment tout ceci et qui permet de comprendre de quoi il s'agit

 13   de façon générale.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que je suis

 15   maintenant prêt à donner une réponse à votre question, mais tout d'abord,

 16   pour le procès-verbal, je voudrais indiquer que je ne suis pas un expert en

 17   la matière, et de ce fait, cela -- je souhaite rapporter cette nuance dans

 18   le cadre de ma réponse qui est basée sur des connaissances militaires

 19   générales.

 20   En guise de réponse à votre question, je dirais ce qui suit : L'armée

 21   nationale yougoslave, comme son nom l'indique, était une armée nationale

 22   qui, dans sa composition, représentait les membres et comportait des

 23   membres de divers groupes ethniques qui composaient l'ancienne République

 24   fédérale de Yougoslavie. Lors de l'effondrement de la République de

 25   Yougoslavie, et donc de l'armée nationale yougoslave, les différentes

 26   armées avaient au moins donc une tradition commune basée sur leur évolution

 27   historique de 1945 à 1991, et l'on peut donc raisonnablement penser que

 28   certains aspects de la doctrine pouvaient et étaient appliqués de la même

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  1   manière. Mais je dois dire que, pour l'heure, je ne peux pas aller plus

  2   loin que cela, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais essayer de vous demander

  4   d'aller un petit peu plus loin.

  5   Est-ce que vous considérez les armées découlant de cette scission comme une

  6   force multinationale, ou comment est-ce que vous les voyez ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne considère pas qu'il s'agit là de

  8   forces multinationales, puisqu'il s'agissait de forces qui étaient assez

  9   disparates et qui ne fonctionnaient plus dans le cadre d'une structure de

 10   commandement unifiée. Pendant une bonne partie du temps - autant que je

 11   puisse m'en souvenir - ces éléments étaient engagés dans une lutte et des

 12   combats les uns contre les autres --

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Du fait de la réponse que vous m'avez

 14   donnée, dans quelle mesure pouvez-vous dire que votre rapport est ou n'est

 15   pas pertinent par rapport à la situation ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

 17   Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il soit équitable de demander, en

 18   m'ayant invité ici, si mon rapport est pertinent ou pas. Je ne pense pas,

 19   avec tout le respect que je vous dois, que vous puissiez me poser, vous me

 20   demandez de répondre à cette question.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais retirer ma question. Si je

 22   changeais le terme, en utilisant le terme "applicable" au lieu du terme

 23   "pertinent," est-ce que vous seriez prêt à répondre à ma question ?

 24   Dans quelle mesure votre rapport s'applique à la situation qui était celle

 25   qui prévalait dans l'ancienne Yougoslavie ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

 27   Monsieur le Président, tout dépend de la situation dont la Cour souhaite

 28   utiliser les informations que je fournis. Ce qu'il m'a été demandé de

Page 9430

  1   faire, c'était de répondre à quatre questions, des questions particulières,

  2   et ce faisant, j'ai également donné -- resitué les choses dans leur

  3   contexte, sur la base de mes connaissances et de mon expérience, et je vous

  4   ai expliqué un petit peu le contexte de l'OTAN avec la doctrine nationale -

  5   et je n'ai pas, si vous me permettez d'ajouter et je l'ai dit aux deux

  6   conseils, vous le savez - je n'ai pas essayé, dans mon rapport, de comparer

  7   ni comme le dit le paragraphe 42, faire des comparaisons avec les principes

  8   de l'ancienne armée de Yougoslavie, leur principe de contrôle et de

  9   commandement.

 10   Si l'on m'avait demandé de le faire, je ne l'aurais pas fait.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Je comprends et je suis tout à

 12   fait désolé d'avoir utilisé le terme "pertinent" un peu plus tôt parce que

 13   je vois que cela vous a heurté, car cela peut engendrer d'autres questions

 14   et je ne voulais pas du tout ne pas être équitable ou vous ridiculiser,

 15   mais ce que je voulais simplement comprendre, c'est, Oui, il vous a

 16   effectivement demandé de répondre à des questions. Vous avez apporté votre

 17   réponse et vous l'avez fait dans le cadre d'un contexte. Le contexte que

 18   vous avez expliqué ici était le contexte des forces multinationales. Vous

 19   avez utilisé l'OTAN et l'armée britannique, avec également les Gurkha et

 20   les armées françaises à la Légion étrangère. Ma question - et ce que

 21   j'aimerais réellement comprendre et vous l'entendre dire - c'est la chose

 22   suivante : dans le cadre, dans ce contexte avec des forces multinationales,

 23   est-ce que vous voyez - et si tel est le cas, comment pouvez-vous nous

 24   expliquer comment - est-ce que vous considérez que vos réponses aux

 25   questions qui vous ont été posées s'appliquent à la situation, si vous

 26   pouvez nous aider ? Parce que si vous ne pouvez pas nous aider, vous ne

 27   pouvez pas nous aider.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis là pour aider la Cour.

Page 9431

  1   Donc, je voulais d'abord dire, Monsieur le Président, que je ne me

  2   sens guère offensé par votre question et --

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] -- et je ferai de mon mieux pour répondre à

  5   toutes les questions qui me sont posées ici devant ce Tribunal et c'est la

  6   raison pour laquelle je suis ici.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il y a deux aspects dans la

  9   réponse à votre question.

 10   Tout d'abord, il y a l'applicabilité. S'il m'avait été demandé et si

 11   j'avais eu le temps de rédiger un rapport plus exhaustif, j'aurais pu le

 12   faire et ça, c'est un rapport théorique que j'aurais pu vous détailler.

 13   Puis, c'aurait été un rapport plus long, j'aurais pu faire des comparaisons

 14   dans d'autres sections sur la doctrine militaire et j'aurais pu me pencher

 15   également sur les détails concernant l'ancienne République de Yougoslavie.

 16   Vous pouvez considérer qu'effectivement, c'est une limite.

 17   Mais il y a une deuxième partie. Je pense que mon rapport présente une

 18   certaine validité parce que cela permet de comprendre les us et coutumes

 19   utilisés par les nations pendant un certain nombre d'années. Lorsqu'il

 20   s'agit du terme "commandement/contrôle" et comment est-ce que les forces

 21   multinationales fonctionnent, ce qui m'a été demandé, je pense que

 22   c'étaient là des exemples valables que l'on pouvait utiliser.  

 23   Je voudrais essayer maintenant d'expliquer cela un peu différemment. Pour

 24   ce qui est de l'expérience, normalement, on utilise des tests standard

 25   basés sur des preuves connues et reconnues pour pouvoir faire des

 26   comparaisons par rapport à quelque chose de nouveau. Il s'agit d'une

 27   méthode expérimentale, et je voulais simplement dire que je ne pense pas

 28   que ce ne soit pas valable de se pencher sur le commandement et le contrôle

Page 9432

  1   de l'OTAN ou la doctrine nationale britannique lorsque l'on vous pose des

  2   questions sur le commandement et le contrôle. Il appartient aux autres et à

  3   la Cour d'évaluer, et non pas à moi d'évaluer la validité concernant cette

  4   affaire en particulier. J'ai été particulièrement conscient de cela; j'ai

  5   indiqué cette restriction, cette limite dans mon rapport et j'ai

  6   particulièrement insisté sur ces limites qui me paraissaient claires sur

  7   une base professionnelle normale.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  9   Je comprends ce que vous venez de dire. Je voulais simplement vous rassurer

 10   une fois de plus en vous disant que de mon côté, je ne souhaitais nullement

 11   laisser entendre que la validité ne s'appliquait pas à votre rapport. Sa

 12   validité est absolue. Ce que j'essaie de faire ici, c'est de tirer des

 13   enseignements de votre rapport pour pouvoir les utiliser dans la tâche qui

 14   m'incombe.

 15   Je comprends parfaitement et je vous remercie d'avoir indiqué les limites

 16   dans votre rapport, mais ce que je vous demande -- non, pardon, je fais un

 17   petit peu marche arrière. Je vous remercie également de ne pas être entré

 18   dans autant de détails que vous auriez pu nous donner si cela vous avait

 19   été demandé. Je vous remercie et je vous demande simplement, puisque vous

 20   êtes là de nous dire en une phrase, étant donné la différence apparente du

 21   contexte - et je vais essayer de vous explique ce que je veux dire -

 22   lorsque vous parlez, vous avez parlé de forces multinationales dans votre

 23   rapport, forces qui coopèrent, et vous avez dit -- vous avez parlé de

 24   forces qui, dans l'ancienne Yougoslavie, ne coopéraient pas, mais luttaient

 25   l'une contre l'autre.

 26   Je voulais simplement dire qu'étant donné ces deux contextes différents,

 27   comment est-ce que vous pourriez faire dire à la Cour que ceci s'applique

 28   et qu'elle doit utiliser vos réponses à ces questions dans cette situation,

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  1   dans ces situations qui semblent tellement différentes et tellement en

  2   contradiction avec ce que vous avez décrit dans votre rapport ? Si vous

  3   pouvez nous aider sur ce point, je vous en remercie, mais si vous ne pouvez

  4   pas le faire, dites-le nous simplement.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je pense, Monsieur le Président, comme je

  6   l'ai dit, que je suis prêt à répondre à toutes les questions, là encore,

  7   sur la base de mes connaissances générales et de mon expérience. Je pense

  8   qu'il y a un certain nombre d'aspects dans mon rapport qui présentent une

  9   validité sur le plan général. Par exemple, dans le modèle de commandement

 10   dont j'ai parlé, même si ceci n'est pas défini sur le plan de la doctrine

 11   par des termes identiques dans toutes les armées, mais si l'on se penche

 12   sur les fonctions premières, je pense que l'on peut raisonnablement

 13   considérer qu'un commandant a le devoir à prendre des décisions, il doit

 14   conduire et inspirer ces hommes, et contrôler les hommes qui appartenant à

 15   ces forces armées, et ça, nous en avons parlé hier. Mais je pense que --

 16   lorsqu'il s'agit de la fonction de contrôle, je pense que la Cour devrait

 17   pouvoir utiliser les informations que j'ai proposées dans mon rapport, et

 18   analyser les diverses actions qui sont présentées dans le cadre de cette

 19   affaire. Je n'ai pas connaissance des détails mais je pense que ceci

 20   pourrait être utilisé comme un point de départ qui serait utile. Parce que

 21   ceci s'applique aux forces nationales et au contingent national et n'est

 22   pas spécifique à un contexte multinational, qui comme vous l'avez dit, est

 23   assez différent de celui qui prévalait pendant l'effondrement dans ces

 24   républiques yougoslaves et les conflits qui s'en sont suivis.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Une fois de plus,

 26   merci beaucoup pour vos réponses. Je rappelle ce que je vous ai dit, je ne

 27   souhaitais nullement vous offenser.

 28   Monsieur Saxon, avez-vous des questions supplémentaires ?

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  1   M. SAXON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Si vous pouvez me

  2   donner quelques instants pour mettre en place mes documents sur mon lutrin

  3   -- le pupitre. 

  4   Nouvel interrogatoire par M. Saxon :

  5   Q.  [interprétation] Général Melvin, pour commencer, je vais reprendre la

  6   discussion que vous venez juste d'avoir avec le Juge Moloto, et vous avez

  7   dit à la Cour qu'à votre sens, les armées découlant de l'effondrement de

  8   l'ancienne Yougoslavie, n'étaient pas une force multinationale mais qu'il

  9   s'agissait de forces assez disparate, parce qu'elles se combattaient l'une

 10   l'autre; est-ce que vous souvenez de cela ?

 11   R.  Oui, un certain moment, elles se sont engagées dans des combats l'une

 12   contre l'autre.

 13   Q.  Général Melvin, vous avez basé ce commentaire sur vos connaissances

 14   générales ?

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Vous ne fondez pas ce commentaire sur des connaissances particulières

 17   concernant des faits spécifiques à cette affaire ?

 18   R.  Pas du tout.

 19   Q.  Lorsque vous avez dit que ces forces se combattaient l'une l'autre, là

 20   encore, en partant de votre souvenir, de votre connaissance générale,

 21   quelles étaient les forces qui se sont combattues l'une l'autre, après

 22   l'effondrement ?

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, je me trouve dans une position

 24   un petit peu curieuse, parce que M. Saxon a entamé des questions

 25   complémentaire en reprenant votre question, Monsieur le Président, plutôt

 26   que de partir de mon contre-interrogatoire même si je sais bien entendu,

 27   que les questions posées par la Chambre peuvent à leur tour amener des

 28   questions des parties. Néanmoins dans la façon dont M. Saxon interroge le

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  1   général, il semblerait qu'il soit maintenant -- il semblerait qu'il soit

  2   sur le point de rectifier son propre témoin. Cela n'est pas tout à fait

  3   clair, pour moi. Je me demande si ce serait approprié, sur la base des

  4   questions que vous lui aviez posées, et certainement pas, en tous les cas,

  5   sur mes questions directement.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne suis pas au courant d'une

  7   interdiction concernant les questions que poserait un conseil et qui

  8   découlent des questions du Juge, même si ces questions sont posées soit

  9   pendant l'interrogatoire principal ou le contre-interrogatoire du témoin.

 10   Parce que les Juges sont intervenus à un moment donné, et après

 11   l'intervention des Juges, les conseils ont tout à fait le droit de poser

 12   des questions découlant de ces questions.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Président, c'est pourquoi --

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je n'ai nullement l'impression qu'il y

 15   a là une tentative de récuser. Bien au contraire, c'est là une tentative

 16   pour essayer de préciser. Mais ce ne sont que des suppositions de votre

 17   part ou de la mienne, jusqu'à ce que les questions suivantes aient été

 18   posées. A ce moment-là, nous serions à mêmes de voir s'il y a là une

 19   tentative de récuser ou de préciser. Mais j'ai plutôt l'impression qu'il

 20   s'agit de demander des précisions.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bien. C'est ce que j'ai dit lorsque j'ai

 22   fait ces remarques. J'ai dit, moi-même, que je me trouve dans une situation

 23   un petit peu curieuse.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était effectivement une position

 25   curieuse.

 26   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie de nous avoir éclairés.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a pas de quoi.

 28   M. SAXON : [interprétation]

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  1   Q.  Je répète ma question, Général Melvin. Lorsque vous avez dit que les

  2   forces, nées après l'effondrement de l'ancienne Yougoslavie, se

  3   combattaient l'une l'autre; à votre connaissance ou d'après vos souvenirs,

  4   quelles étaient les forces qui se combattaient l'une l'autre ? 

  5   R.  Je me souviens et je l'ai dit dans mon CV, j'ai très brièvement eu des

  6   fonctions dans le cadre de service opérationnel dans les Balkans, en 1995,

  7   et je suis retourné un certain nombre de fois sur le théâtre des

  8   opérations, et également au Kosovo, et il y avait trois parties principales

  9   au conflit, essentiellement des forces serbes, et des forces musulmanes

 10   bosniaques et également des forces croates. Je ne connais pas, comme je

 11   l'ai déjà dit de façon précise, les noms exacts de ces forces, je ne m'en

 12   souviens pas, pour certaines peut-être. Mais mon souvenir ne va pas plus

 13   loin que là, pour l'instant, Monsieur le Président.

 14   Q.  Là encore, en revenant sur votre réponse au Juge Moloto, lorsque vous

 15   avez dit qu'il s'agissait de forces disparates, parce qu'elles se

 16   combattaient l'une l'autre, et le fait que l'une des forces combattre

 17   contre une autre force armée, est-ce que c'était pour vous un critère

 18   important dans la détermination du caractère multinational ou non, de ces

 19   armées émergentes ?

 20   R.  Non, je pense qu'avec tout le respect que je vous dois, c'est qu'il y a

 21   là risque de confusion pour nous. Ce que j'essayais de dire à la Chambre,

 22   c'est qu'au moment de l'effondrement dans l'ancienne République de

 23   Yougoslavie, des divers éléments militaires se sont scindés largement, sur

 24   la base de leur appartenance ethnique, puisqu'elles avaient une tradition

 25   commune, une doctrine commune, et dans une grande mesure des armes

 26   communes. Elles étaient disparates essentiellement parce qu'elles ne

 27   fonctionnaient plus sous une structure de commandement unifié, comme cela a

 28   été le cas avec l'armée yougoslave -- l'armée nationale yougoslave. Il

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  1   n'ont jamais été une force multinationale puisque si on avait une armée

  2   nationale unifiée. Le fait, en fait j'ai dit que l'on ne pouvait plus les

  3   considérer comme des forces nationales, parce qu'il s'agissait des forces

  4   armées qui se combattaient mutuellement et je pense que l'on ne peut pas

  5   avoir de forces multinationales qui se combattent elles- mêmes, puisqu'à ce

  6   moment-là, ce ne serait plus une force multinationale.

  7   Mais je ne pense pas que l'on puisse aller plus loin et utiliser cela

  8   en disant que le fait de se combattre l'une l'autre, fait que l'on n'est

  9   pas une force multinationale. Je pense que si vous permettez, vous avez été

 10   un petit peu trop loin en utilisant les termes que j'avais utilisés.

 11   Q.  Bien. Je vais essayer de dire les choses plus simplement. Si des armées

 12   qui -- des armées émergentes travaillent ensemble, se soutiennent l'une

 13   l'autre, en ayant des objectifs communs, est-ce que l'on peut considérer

 14   qu'il s'agit là d'une force multinationale ou pas ?

 15   R.  Si ces forces armées travaillent, fonctionnent conjointement pour

 16   mettre en place des objectifs sur lesquels elles sont d'accord, donc

 17   certains aspects de leurs actions, de leur comportement pourraient être

 18   utilisés pour considérer qu'il s'agit -- qu'elles fonctionnent de façon

 19   multinationale. Mais, là encore, comme je l'ai dit dans mon rapport, il

 20   faut da resituer les choses dans leur contexte. Au sein d'une coalition,

 21   comme je pense l'avoir dit dans un des livres que j'ai repris ici, il y a

 22   tout un éventail de coopération possible au sein d'une force

 23   multinationale.

 24   On peut avoir une coopération étroite, dans le cadre de règles de loi

 25   comme avec l'OTAN, par exemple, ou on peut avoir une coalition ad hoc

 26   beaucoup plus souple où des parties se regroupent pour des questions

 27   pragmatiques, et cette coalition peut-être une coalition de courte durée.

 28   Donc, là, le facteur temporel peut jouer un rôle mais ce n'est pas la seule

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  1   unique condition.

  2   Q.  Merci. Passons maintenant à un point différent. Aujourd'hui en

  3   répondant à la question de mon collègue, Me Guy-Smith, vous avez décrit un

  4   concept qui est celui de l'unité de l'effort; vous en souvenez-vous ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  J'espère avoir pris note de votre définition et

  7   d'avoir noté cela correctement. Ce que j'ai écrit c'est la seule suivante :

  8   "L'unité d'effort est nécessaire pour s'assurer que les actions dues

  9   aux forces multinationales et conjointes ou combinées vont dans le sens

 10   d'un objectif ou d'objectifs communs."

 11   Est-ce que j'ai bien noté l'essence même de votre définition ?

 12   R.  D'une façon générale, oui. Je ne pense pas que ce soit exactement les

 13   termes qui figurent dans le l'exit de l'OTAN, mais si cela peut vous aider

 14   d'aider la cause, je suis prêt à aller plus loin et à donner plus de

 15   détail.

 16   Q.  Non, Général. Je voulais simplement savoir si ce que j'ai lu est d'une

 17   façon générale exacte.

 18   R.  Oui, de façon générale, oui.

 19   Q.  Merci. Ma question est la suivante : est-ce que l'unité d'effort des

 20   parties d'une force multinationale exige une planification ?

 21   R.  Comme je l'ai dit dans une réponse préalable à l'autre conseil, l'unité

 22   de commandement et l'unité d'effort vont de pairs. L'unité d'effort

 23   implique un certain degré et quelquefois un degré certain de coopération

 24   dans le cadre d'une coopération planifiée, et sans coopération, sans

 25   planification ou conjointe, je pense qu'il est improbable de voir réaliser

 26   l'unité d'effort. Une des façons de réaliser cette unité c'est au travers

 27   de l'unité de commandement, et c'est ainsi que ces deux éléments sont liés.

 28   Q.  Bien. Parfait. Ensuite, lors de votre contre-interrogatoire

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  1   aujourd'hui, vous avez expliqué à mon collègue que, lorsque l'on évalue des

  2   informations, lorsqu'un commandant évalue des informations, il est

  3   important d'utiliser autant de sources que possible en mettant

  4   particulièrement l'accent sur les sources de renseignement. Est-ce que vous

  5   vous souvenez de cette discussion ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je sais que nous avons utilisé cette phrase à plusieurs reprises hier,

  8   nous avons parlé d'"armée moderne," pour un commandant d'armée moderne,

  9   d'une armée moderne; est-ce que les reportages de guerre internationaux sur

 10   des événements auxquels participe le commandant des forces pourrait être

 11   une source d'information pour que le commandant pourrait utiliser ?

 12   R.  D'une façon générale, oui.

 13   Q.  Bien. Supposons que l'officier commandant entend dire dans des

 14   nouvelles locales ou internationales que ces forces sont engagées, ont

 15   commis un crime; quel est le devoir de ce commandant ?

 16   R.  Il aurait pour devoir d'entamer une enquête, de lancer une enquête pour

 17   voir quels sont les faits réellement.

 18   Q.  J'aimerais maintenant vous demander de revenir sur des discussions que

 19   vous avez eues hier avec Me Guy-Smith, Général Melvin. Tout d'abord, il

 20   s'agit de la page 2 406 du compte rendu d'audience aux lignes 20 à 23. Me

 21   Guy-Smith vous avait posé une question sur votre utilisation du terme

 22   "normalement," et voilà ce que vous avez dit :

 23   "J'ai utilisé le terme 'normalement' dans mon rapport aussi bien que dans

 24   ma déposition, parce que comme la Cour l'aura noté, mon rapport se fonde

 25   sur la doctrine et également sur ma compréhension des choses découlant de

 26   mon expérience."

 27   Ensuite vous poursuivez, en disant :

 28   "Et l'une ou l'autre des doctrines" - et c'est dans tous les cas ce que dit

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  1   le compte rendu d'audience, et donc - "l'une ou l'autre…" "…et ni la

  2   doctrine ni l'expérience ne peut tenir compte de toutes les possibilités

  3   qui --"

  4   Ma question est la suivante : est-ce que vous avez utilisé "either," en

  5   anglais, dans cette dernière phrase ?

  6   R.  Bien, je vois apparaître cela à l'écran maintenant. Si j'ai dit

  7   "either" ou soit c'est moi qui ai mal prononcé, soit cela a été mal noté,

  8   je pense que la Cour comprendra qu'il faut lire "neither" donc ni la

  9   doctrine ni l'expérience ne peuvent tenir compte de toutes les

 10   possibilités. Je pense que c'est soit c'est moi qui ai mal prononcé, soit

 11   c'est une erreur dans le compte rendu d'audience.

 12   Q.  Merci. A la page 9 407 du compte rendu d'audience, aux lignes 3 à 13,

 13   encore une fois lors d'une discussion avec Me Guy-Smith, vous avez dit que

 14   :

 15   "Vous avez tiré vos conclusions et vous avez pris vos informations

 16   pour les besoins de votre rapport dans les doctrines nationales de l'OTAN

 17   et votre expérience auprès des forces armées britanniques et auprès de

 18   l'OTAN."

 19   Est-ce que vous vous en souvenez ?

 20   R.  Oui, en effet.

 21   Q.  Ma question est donc d'après votre connaissance combien d'Etats

 22   participent à l'OTAN ?

 23   R.  Pour autant que je m'en souvienne il s'agit de 27 nations.

 24   Q.  Merci. A la page 9 409 du compte rendu d'audience d'hier, aux lignes 20

 25   à 23, en répondant à une question posée par Me Guy-Smith concernant les

 26   mercenaires et la définition du terme "mercenaire," la définition que vous

 27   fournissez en pied de page, à la note de pied de page numéro 16 de votre

 28   rapport, vous avez dit, et je vous cite :

Page 9442

  1   "J'ai inclus ceci pour que cela soit parfaitement clair que je me

  2   référerais au détachement légitime d'individu, d'une nation A à une nation

  3   B" -- plutôt, et donc "…rien qu'on puisse confondre avec un mercenaire."

  4   Est-ce que vous vous en souvenez ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Mon Général, en son terme très simple, lorsque vous parlez de

  7   "détachement légitime d'individu," de l'armée de la nation A, au profit de

  8   la nation B, de quel individu s'agit-il ?

  9   R.  Moi, je vous parle de personnes détachées, des personnes -- d'individus

 10   qui sont détachées depuis leur Etat d'origine à un autre Etat, et quand

 11   j'ai écrit ce passage, j'avais en tête l'exemple des soldats britanniques,

 12   officiers qui étaient détachés auprès des forces du Sultan d'Oman à la même

 13   page; pour ce qui est de la version B/C/S, il s'agira dans cette version de

 14   la page 10.

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   R.  [aucune interprétation]  

 17   M. SAXON : [aucune interprétation]

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   M. SAXON : [aucune interprétation]

 20   Q.  Au paragraphe 3.1.6, on parle de la question des mercenaires. Les

 21   deux premières phrases sont comme suit :

 22   "La méthode la moins formelle de coopération consiste au recrutement

 23   d'individus venant d'un nation et donc (et d'une nationalité) par une

 24   autre, ce qui par une autre, ce qui est toléré, sinon encouragé, par l'Etat

 25   d'origine de l'individu. Dans l'intérêt de l'armée britannique, par

 26   exemple, ces recrues comprennent des individus qui viennent de toute

 27   l'Irlande, le Népal (les Gurkha) et des Etats membres du Commonwealth.

 28   Est-ce que vous me suivez, Mon Général ?

Page 9443

  1   R.  Oui, bien entendu. J'ai le texte devant les yeux.

  2   Q.  Mon Général, est-ce que les membres d'une armée d'une nation, est-ce

  3   que les membres doivent toujours être citoyens,  ressortissants de cette

  4   même nation ?

  5   R.  Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.

  6   Q.  Vous parlez dans ce paragraphe du fait que l'armée britannique puisse

  7   recruter des individus venant de l'intégralité de l'Irlande, le Népal, et

  8   cetera.

  9   Donc, ma question est : Est-ce que les membres d'une armée, de l'armée

 10   d'une certaine nation doivent forcément être citoyens ou ressortissants de

 11   cette même nation ?

 12   R.  Pas nécessairement, mais j'aimerais attirer votre attention sur toute

 13   la question de la citoyenneté. Mon expérience - et moi, je n'ai pas de

 14   formation juridique - il s'agit d'une question extrêmement complexe, mais

 15   je peux dire au Tribunal que les soldats Gurkha, lorsqu'ils ont pris leur

 16   retraite de l'armée britannique ont également actuellement des droits en

 17   matière de citoyenneté.

 18   Q.  Donc ce qui est sous-entendu dans votre réponse, c'est que ces mêmes

 19   soldats Gurkha, alors qu'ils étaient au service de l'armée britannique,

 20   n'étaient pas nécessairement citoyens du Royaume-Uni ?

 21   R.  Peut-être qu'ils n'avaient pas, donc, rendu leur nationalité d'origine

 22   mais, en tout cas, c'est très complexe.

 23   Q.  Pour en revenir à votre déposition d'hier, le détachement légitime.

 24   Très simplement, les individus qui sont détachés depuis l'armée de la

 25   nation A au profit de l'armée de la nation B, est-ce que ces individus

 26   doivent toujours être citoyens de la nation A ?

 27   R.  C'est une question extrêmement hypothétique. En termes très généraux,

 28   je dirais que la réponse est, Oui, globalement. Mais je ne pense pas que je

Page 9444

  1   puisse exclure le fait qu'il y ait d'autres éventualités, d'autres

  2   possibilités.

  3   Q.  Merci. Donc, il est possible que certains individus détachés par

  4   l'armée de la nation A au profit de l'armée de la nation B ne sont pas des

  5   citoyens de la nation A; c'est une possibilité ?

  6   R.  Il faudrait que deux conditions soient remplies.

  7   Q.  Pouvez-vous me répondre par un oui ou par un non ?

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, je pense que le

  9   témoin doit pouvoir répondre plus amplement à la question.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. On ne peut pas répondre par un oui

 11   ou par un non. Un certain nombre de conditions doivent être remplies.

 12   Si un individu a été recruté, par exemple, un individu venant du Népal en

 13   tant que Gurkha, donc recruté au sein de l'armée britannique, il reste --

 14   il demeure citoyen du Népal. Il est désormais au service de l'armée

 15   britannique, il se présente comme volontaire pour un poste détaché vis-à-

 16   vis d'une nation B - on va prendre l'Etat d'Oman, par exemple - et dans ce

 17   cadre théorique, la situation que vous décrivez prévale peut-être. Mais je

 18   ne sais pas si, en réalité, cela ne s'est jamais produit en pratique.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 20   Donc, vous ne connaissez pas l'accord entre le Népal et la Grande-Bretagne

 21   concernant ce que ne peut pas faire la Grande-Bretagne pour ce qui est des

 22   soldats népalais qui sont au service de l'armée britannique ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas dans le détail. Pour les besoins de

 24   ce rapport, j'ai examiné les statistiques brutes. Mais d'après ma propre

 25   expérience, dans une de mes missions, par exemple, quasiment des soldats

 26   Gurkha en Allemagne a été quelque chose de très compliqué.

 27   Nous avons, évidemment, du personnel expert en la matière qui s'occupe de

 28   ces questions de citoyenneté et du droit d'accès vis-à-vis de certains pays

Page 9445

  1   et éventuellement, de la question du détachement dans ce cadre.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  3   Continuez, Monsieur Saxon.

  4   M. SAXON : [interprétation] Merci. Je ne crois -- ah, oui. Peut-être que

  5   j'ai quand même une dernière question.

  6   Q.  Peut-être une dernière question, mon Général. Pendant le contre-

  7   interrogatoire, il y a quelques instants aussi, nous avons parlé du concept

  8   d'unité de commandement et d'unité d'efforts.

  9   Pouvez-vous nous expliquer comment le concept d'unité de commandement

 10   pourrait s'appliquer à une force qui est détachée là où le commandant au

 11   niveau national de l'Etat d'origine a le commandement intégral ou maintient

 12   le commandement intégral mais, en même temps, le commandant dans l'Etat de

 13   séjour a le commandement opérationnel et le contrôle opérationnel ?

 14   R.  Il n'y a pas de véritable contradiction, là. L'unité de commandement à

 15   l'intérieur d'une alliance ou d'une coalition dans une force multinationale

 16   fait déjà partie de ce cadre, là où il est entendu que les nations

 17   conservent le commandement intégral. L'unité de commandement s'applique

 18   comme principe général afin qu'il y ait cohésion dans la planification et

 19   la conduite des opérations et s'applique, plus généralement, s'applique

 20   généralement aux Etats de commandement et aux règles d'action. C'est un

 21   principe, et ceci est très bien expliqué dans la doctrine de l'OTAN et

 22   d'ailleurs, elle a été citée dans l'une des pièces qui a été présentée au

 23   Tribunal.     

 24   M. SAXON : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges. Je n'ai pas

 25   d'autres questions.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il n'y a pas d'autres questions.

 28   Cela nous mène à la fin de votre témoignage, Monsieur. Je me reprends, mon

Page 9446

  1   Général. Merci d'avoir pris le temps d'être venu ici pour témoigner. Vous

  2   pouvez maintenant quitter le prétoire. Je vous souhaite un bon voyage.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Cela a été un

  4   plaisir pour moi de venir assister le Tribunal.

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez un autre

  7   témoin pour cet après-midi, Monsieur Saxon.

  8   M. SAXON : [interprétation] Avant de parler de témoins, je crois que nous

  9   avons un certain nombre de pièces qui portent une cote MFI, et je crois

 10   qu'il va y avoir un certain nombre de discussions à ce propos. Donc il

 11   serait peut-être souhaitable de faire notre première pause maintenant, et

 12   je pense qu'à notre retour, les parties auront un certain nombre

 13   d'arguments à présenter.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Faisons notre pause.

 15   --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

 16   --- L'audience est reprise à 16 heures 01.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Saxon.

 18   M. SAXON : [interprétation] Je voudrais à cet instant, si vous me le

 19   permettez, demander le versement de certains documents qui ont été marqués

 20   aux fins d'identification : il s'agit de la pièce P2772, à savoir le

 21   rapport d'expertise du général Melvin; P2773, sur la doctrine publiée

 22   conjointement des alliés, la doctrine alliée publiée conjointement qui

 23   figure dans les notes de bas de page 8 et 10 du rapport; P2774, la

 24   publication concernant les opérations terrestres ADP figurant aux notes de

 25   bas de page 9 et 17 du rapport; P2775, la publication sur la doctrine de

 26   l'armée britannique appelé "ADP, volume 2, Commandement," qui figure à la

 27   note de bas de page numéro 11 du rapport; P276, un document de l'OTAN

 28   appelé le document "AAP-6," dont il est question aux notes de bas de page

Page 9447

  1   18 à 21 du rapport du général Melvin; et la pièce 2777, à savoir l'extrait

  2   de manuel de droit militaire dont il est question à la note de bas de page

  3   22, donc manuel britannique.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon.

  5   Maître Guy-Smith.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous nous opposons au versement du rapport

  7   et de ces documents utilisés par le rapport qui vient d'être cité par M.

  8   Saxon.

  9   Je ne vais pas passer du temps à vous donner les détails de ce qui a

 10   précédé les différents arguments concernant les experts que font valoir

 11   l'Accusation devant cette Chambre. Je suis sûr que ces éléments de contexte

 12   sont déjà bien à l'esprit de la Chambre. Mais je voudrais vous parler de

 13   deux questions spécifiques qui me semblent quant à elles importantes.

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22   Donc il s'agit d'une affirmation qui a été faite il y a trois ans

 23   concernant la recevabilité de rapport d'ordre général.

 24   Le 17 septembre de cette même année, la Chambre ici présente a donné

 25   une décision concernant la requête de l'Accusation, visant à faire

 26   substituer des experts témoins, largement conformément à ce que je viens de

 27   vous citer, essentiellement au paragraphe 7 la Chambre dit :

 28   "Le Tribunal de première instance note que les moyens de preuve qui

Page 9448

  1   doivent être présentés par le truchement du général Melvin concernent la

  2   relation entre la VJ et la VRS et la SVK et l'autorité qu'avait l'accusé

  3   sur ces différentes armées. Ceux qui sont des éléments cruciaux pour

  4   l'affaire qui nous concerne. La Chambre est satisfaite que ces moyens de

  5   preuve aient valeur probante et pertinente à première vue.

  6   D'après ce que nous entendons, nous avons entendu du général Melvin a

  7   considéré en même temps que les remarques qu'il fait dans son rapport sont

  8   tout à fait claires.

  9   Paragraphe 2.1, au paragraphe 2.1, il dit :

 10   "L'approche qui a été adoptée pour les besoins de son rapport

 11   lorsqu'il s'agit de répondre aux questions apparaissent dans un contexte de

 12   commandement général plutôt que dans un contexte spécifique. Je présente un

 13   certain nombre d'éléments spécifiques en matière de doctrine concernant le

 14   commandement qui sont relatifs au Royaume-Uni et aux sources de l'OTAN."

 15   Il est important de noter que je n'essaie en aucunement de faire

 16   allusion aux questions spécifiques qui sont soulevées dans l'acte

 17   d'accusation contre le général Momcilo Perisic pas plus que je n'essaie en

 18   quelque sorte de rentrer dans son esprit ni dans sa façon de prendre ses

 19   décisions lorsqu'il s'agit de faire des commentaires ou essayer

 20   d'éventuellement comprendre sa façon de comprendre ses propres

 21   responsabilités, y compris les procédures de contrôle et de commandement

 22   qui apparaissent au sein de la doctrine yougoslave et sa façon de les

 23   interpréter.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais vous interrompre. Je

 25   vais d'ailleurs demander qu'on passe à huis clos partiel pour quelques

 26   instants.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel]

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  1  (expurgé)

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 15  (expurgé)

 16   [Audience publique]

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]  

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Au paragraphe 2.6 de son rapport, qui

 19   concerne : "L'unité sur les conclusions," il dit :

 20   "Je présente simplement des conclusions très générales, car je ne suis pas

 21   qualifié dans ce rapport d'expertise de fournir des observations

 22   détaillées, et encore moins des conclusions concernant les détails des

 23   moyens qui sont opposés au général Momcilo Perisic."

 24   Bien entendu, comme nous en avions débattu tardivement au cours de sa

 25   déposition aujourd'hui dans son rapport, il a clairement montré au

 26   paragraphe 4.2 que :

 27   "Aucune tentative n'a été faite pour effectuer une comparaison de la

 28   doctrine du Royaume-Uni et de l'OTAN avec celle de la Serbie ou de la RFY.

Page 9450

  1   Il n'a pas été possible de nommer les recherches qu'il aurait fallu dans le

  2   temps qui avait été imparti à l'auteur."

  3   Encore une chose que je penserais importante pour que nous ayons une

  4   compréhension parfaite de ce qui a servi comme base à ce rapport. Au

  5   paragraphe 1.3, lorsqu'il parle de son voyage disons pour ce qui est de la

  6   rédaction de ce rapport, au milieu du paragraphe, il dit :

  7   "M. Saxon était d'accord et le lendemain (le 3 septembre 2009) m'a

  8   envoyé une liste corrigée de quatre questions entre guillemets génériques

  9   pour qu'une réponse lui parvienne pour le 21 septembre 2009, comme précisé

 10   au paragraphe 1.6 qui à son avis, ne demanderait pas un examen très

 11   détaillé du document relatif à l'affaire. Mais, on a, cependant, encouragé

 12   à voir dans ces documents qui m'avaient été remis sous forme de CD-ROM, si

 13   je l'avais le temps, après avoir terminé la rédaction de mon rapport

 14   d'expert."

 15   Donc il apparaît clairement que non seulement le rapport est de

 16   nature générique, générale, et ce qui est tout à fait en contradiction avec

 17   la décision qui avait été prise il y a quelques années par la Chambre qui

 18   avait été saisie de l'affaire. Il est dit très clairement dans son rapport

 19   il dit qu'il n'est pas qualifié pour traiter des questions détaillées qui

 20   étaient en contradiction avec la décision de la Chambre du 17 septembre, et

 21   je pense que l'échange de questions et de réponses qu'il y a eu entre les

 22   Juges de la Chambre et cette personne a montré les difficultés que pose ce

 23   rapport en matière de versement et de sa fiabilité, car il n'y a quasiment

 24   aucun moyen de l'appliquer autrement que de nous fassions extrêmement

 25   général.

 26   Quant à nous, nous pensons, qu'à ce titre, il ne mérite pas versement

 27   car, dans une très grande mesure, ce rapport ne pourrait pas assister les

 28   Juges de la Chambre pour ce qui est des questions qui ont été identifiées,

Page 9451

  1   à savoir les relations qui existaient entre les différentes armées en

  2   présence. Une fois de plus, dans le rapport j'inclus également -- non

  3   seulement je fais une objection au rapport, à proprement parler, mais

  4   également aux autres documents qui servent de justificatif à ce rapport, je

  5   considère qu'il s'agit d'un ensemble et je suis opposé à leur versement.

  6   C'est notre position.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant de vous asseoir, Maître

  8   Guy-Smith, vous avez introduit une nuance très subtile à la fin disant --

  9   donnez-moi quelques instants. Vous dites, page 37, ligne 3, "dans un sens

 10   tout à fait général." Affirmez-vous que ce sens extrêmement général ne

 11   serait peut-être pas à la hauteur de la mesure dans laquelle il faudrait

 12   l'utiliser ?

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais, vous savez, ce n'est jamais

 14   facile, on essaie d'être aussi honnête que possible lorsqu'on répond,

 15   lorsqu'on avance des arguments. Mais d'une manière générale, effectivement,

 16   on pourrait envisager un potentiel limité. Donc en réponse à votre

 17   question, finalement, donc pour répondre directement à votre question parce

 18   que je sais que c'est ce que vous souhaitez, vous souhaitez une réponse

 19   directe --

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, effectivement, je vous en

 21   serais reconnaissant.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] -- et bien, je vous répondrais --

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] -- que la valeur du point de vue théorique

 25   est limitée. Puisque l'on traite de tout ça de façon très théorique. Mais

 26   je me fonde sur les orientations de la Chambre dans sa décision en première

 27   instance.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous comprends. La Chambre a

Page 9452

  1   effectivement, dans un premier temps, donné des orientations,

  2   [imperceptible] avoir l'avantage de connaître a posteriori le contenu

  3   spécifique d'un rapport, ce qui lui aurait permis de déterminer s'il y a un

  4   sens général qui permettrait à ce rapport d'être utile, et si l'on

  5   reconnaît que d'une manière très générale on pourrait utiliser e rapport,

  6   la question est celle du poids ? En suivant vos arguments, et si on part du

  7   principe que votre argument est valable, alors une fois qu'on accordera au

  8   rapport sera un poids proportionnel au caractère utile du rapport en

  9   question l'adjectif utile étant utilisé d'une manière très générale.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Puisqu'il ne s'agit finalement que d'une

 11   question très théorique, je dois dire que je peux marquer un accord avec le

 12   propos que vous venez de tenir. Si effectivement on se place exclusivement

 13   du point de vue théorique et abstrait, alors à ce moment-là la réponse ça

 14   ne fait aucun doute, ma réponse est peut-être que oui. La question du poids

 15   a lui octroyé, moi, je pourrais dire qu'elle n'a aucun poids, pratiquement

 16   aucun poids. Mais, moi, je vais plus loin dans mes arguments, et pourquoi,

 17   parce que le général Melvin nous a dit, et nous avons tout le respect que

 18   nous lui devons compte tenu de son expérience, mais il n'a jamais abordé

 19   les questions qui lui ont été présentées de façon spécifique.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous comprends tout à fait.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce point de vue-là, s'agissant de

 22   l'information qui est présentée, il se peut qu'il ne puisse pas centrer

 23   aussi incisif qu'il ne l'aurait pu l'être, il examine des informations et

 24   finalement elles deviennent parfaitement -- elles perdent de toute leur

 25   pertinence, puisqu'il fait strictement aucun doute que se pose des

 26   questions réelles qui ont trait aux questions évoquées dans sa décision par

 27   la Chambre de première instance, questions auxquelles le général a apporté

 28   aucune réponse.

Page 9453

  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous comprends tout à fait, Maître

  2   Guy-Smith.

  3   Mais n'oublions pas la chose suivante : il s'agit ici d'un témoin expert,

  4   et non pas d'un témoin de fait. Si nous souhaitions qu'un témoin expert se

  5   prononce de façon très spécifique du point de vue sur les faits d'une

  6   affaire, en tant qu'expert, alors il aurait fallu qu'on lui présente les

  7   faits de l'affaire en question. A ce moment-là, il aurait pu se prononcer,

  8   en tant qu'expert, sur les faits. Elle se trouve que ça n'a pas été fait.

  9   En revanche, on lui a demandé de nous donner une idée assez générale, une

 10   réponse assez générale, à un certain nombre de questions qui lui ont été

 11   posées. C'est à la Chambre de première instance qu'il appartienne

 12   maintenant d'extrapoler sur base des réponses qu'il a apportées à ces

 13   questions. C'est à la Chambre qu'il appartient de décider si elle estime

 14   que les réponses sont applicables aux faits. Il s'agit donc d'un exercice

 15   d'extrapolation auquel doit se livrer la Chambre.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais, en toute bonne foi, je ne peux

 17   m'inscrire en faux, au niveau théorique, je ne peux qu'être en plein accord

 18   avec vous.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais justement vous me perdez

 20   lorsque vous me parlez de concept abstrait, théorique, de niveau théorique,

 21   là, je ne vous suis plus du tout, voyez-vous. Moi, je vous parle de choses

 22   très pratiques et très concrètes. Ce que je vous dis, c'est la chose

 23   suivante, dans la mesure où sa déposition vous donne des informations à

 24   caractère général, alors rien empêche à la Chambre de première instance de

 25   se saisir de ces arguments d'ordre très général, en gardant présent à

 26   l'esprit, le fait que le rapport n'a pas pour objectif de commenter de

 27   façon spécifique les faits de l'affaire. C'est la raison pour laquelle on

 28   ne les a pas présentés.

Page 9454

  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] On lui a présenté les faits, justement.

  2   C'est ce que j'essayais de vous dire. Le CD-ROM, qui lui a été remis

  3   incluant des informations, portait sur les faits de l'affaire, mais il a

  4   décidé de ne pas l'examiner parce qu'il disait qui lui manquait de temps.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais on lui a dit qu'il pouvait

  6   l'examiner, il a dit qu'il l'examinerait plus tard. Eventuellement si ça

  7   l'intéressait, mais quoi qu'il dise, ce CD-ROM, il ne l'a pas utilisé pour

  8   concocter son rapport. Il a rédigé son rapport en se fondant exclusivement

  9   sur les questions qui lui ont été posées, auxquelles il a apporté des

 10   réponses et des réponses d'ordre général. Je comprends tout à fait ce que

 11   vous nous dites, à savoir qu'il n'est pas au fait de chacun des faits de

 12   l'affaire, ça je le comprends tout à fait. Mais il y a un certain nombre

 13   d'éléments qui nous permettraient d'extrapoler, donc de ce point de vue là,

 14   le témoin est utile à la Chambre.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] S'agissant du principe général, s'il y a un

 16   principe général indiquant que ou avec lequel les Juges de la Chambre ne

 17   connaissent pas et pour les cas pour lesquels il faudrait qu'effectivement

 18   l'expert fournisse un avis sur lequel peuvent se fonder les Juges de la

 19   Chambre, alors je dirais qu'il y a nécessité, c'est la raison pour laquelle

 20   sa réponse aux questions est utile. Si c'est cela que vous essayez de dire,

 21   moi, je ne peux pas répondre à cette question. Il y a -- on pourrait

 22   imaginer que cela pourrait vous être utile, et si effectivement ça peut

 23   vous être utile, il est évident que, moi, que je souhaiterais que vous

 24   disposiez de ces informations. Si c'est le cas, bien entendu, je ne peux

 25   que être d'accord avec vous. Je crois qu'en tant qu'avocat, quelle que soit

 26   ma position, ça ne pourrait en aucun cas être justifié par la prudence, que

 27   de dire le contraire. Mais comme vous l'avez dit, il n'est pas au fait de

 28   tous les faits de l'affaire, en fait, moi, je dirais même qu'il est tout

Page 9455

  1   simplement, qu'il ne les connaît pas du tout. En fait, le modèle présenté

  2   dans le résumé pourrait permettre de mener une réflexion théorique. Cette

  3   réflexion théorique pourrait également semer la confusion, puisqu'elle

  4   n'est pas associée aux faits, faits que sur lesquels, doit se prononcer la

  5   Chambre. C'est la raison pour laquelle je continue d'insister sur cette

  6   question de fait.

  7   Ceci étant dit, je comprends tout à fait vos arguments, Monsieur le

  8   Président, et je ne veux pas vous répondre, oui. Vous savez bien que je ne

  9   veux pas vous dire, oui.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous dites oui.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, finalement je dis oui. Compte tenu de

 12   la façon dont vous posez la question, parce que si je ne répondais pas oui,

 13   ce serait -- je perdrais toute crédibilité.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais comment voulez-vous que je vous

 15   pose la question ? Je ne peux difficilement la poser différemment.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est à vous qu'il appartient de poser la

 17   question. Très honnêtement, je ne sais pas -- je ne peux pas répondre à

 18   votre question.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais je vous assure que vous pouvez

 20   faire confiance aux Juges de la Chambre, il n'y a pas de confusion qui

 21   règne dans leur esprit. Je souhaiterais que vous compreniez que les Juges

 22   de la Chambre ne seront pas perplexes.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Mais je n'étais pas en train de dire qu'il

 24   y avait une certaine perplexité qui régnait dans l'esprit des Juges.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, je ne dis pas que vous nous avez

 26   accusés de cela, mais simplement je tiens à vous dire que ça n'était

 27   certainement pas le cas.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Fort bien.

Page 9456

  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors nous sommes d'accord ?

  2   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation] 

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous sommes bien en me fondant la voie sur

  5   laquelle s'engage la Cour, je dirais que non, il n'y a pas lieu que --

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je crois que vous me donniez des

  8   orientations, vous nous guidiez plus que vous ne nous montriez exactement

  9   la voie à suivre.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Je vois que vous faites preuve

 11   d'une grande diplomatie et je vous en suis reconnaissant.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Puisque tout cela fait l'objet d'un accord,

 13   nous en demanderons le versement au dossier.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 15   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]  

 17   M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais soulever

 18   une question d'ordre administratif, à présent au cas où les conseils

 19   souhaiteraient se prononcer.

 20   Reste la question en suspens ayant trait à la tâche complémentaire

 21   que vous avez confiée au général Melvin, hier. Il y a de cela quelques

 22   instants, il a indiqué à l'Accusation que pour s'acquitter de cette tâche,

 23   il lui faudrait à peu près trois semaines. La tâche étant la rédaction d'un

 24   rapport succinct s'inspirant des orientations que vous lui avez confiées.

 25   Il a indiqué qu'il allait avoir besoin de l'aide d'autres. Je tenais

 26   simplement à ce que cet élément soit connu de tous, avant que nous ne

 27   poursuivions.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avez-vous des commentaires ?

Page 9457

  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il me semblerait que s'agissant des

  2   orientations fournies par les Juges de la Chambre, il s'agirait d'un

  3   deuxième rapport complémentaire. Ensuite il faudra voir s'il y aura lieu de

  4   procéder à un examen sur la base de ce deuxième rapport, mais c'est une

  5   question tout à fait différente. A mon sens, ce sont deux questions qui

  6   n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement, c'est le cas, je

  8   le pense aussi. Merci beaucoup, Maître Guy-Smith.

  9   Voilà, ceci nous permet-il de clore cette question ?

 10   M. SAXON : [interprétation] Oui, effectivement.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avez-vous d'autres questions vous

 12   souhaiteriez aborder ?

 13   M. SAXON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, pas à ce stade-ci.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 17   En revanche, du côté des Juges de la Chambre nous avons un certain nombre

 18   de points à évoquer.

 19   Au cas où je n'aurais pas été parfaitement clair, nous versons au dossier

 20   le rapport et les documents associés également.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est ce qui me semblait avoir compris.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

 23   Une décision orale à présent, portant sur une requête qui est en suspens

 24   depuis un certain temps.

 25   Nous sommes en audience publique, n'est-ce pas ? Merci.

 26   Le 19 octobre 2009, l'Accusation a déposé un avis aux fins de retrait des

 27   écritures relatives à la décision relative à la première demande de

 28   versement direct de l'Accusation du 5 octobre 2009, ainsi qu'un dépôt d'une

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  1   version corrigée, désignée ci-après comme étant "avis du 19 octobre" dans

  2   lequel sont réglées un certain nombre de questions ayant trait à la

  3   décision de la Chambre de première instance relative à la première demande

  4   de versement direct de l'Accusation, datant du 5 octobre 2009, désigné ci-

  5   après comme étant "la décision du 5 octobre."

  6   La Chambre de première instance rend la décision suivante :

  7   1.  La Chambre de première instance note que dans sa décision du 5 octobre,

  8   elle a admis le versement au dossier de plusieurs documents à condition que

  9   soit fourni par l'Accusation, la traduction révisée. La Chambre note que

 10   l'Accusation, dans son avis du 19 octobre, fait valoir le fait que les

 11   traductions pertinentes sont désormais disponibles par téléchargement sur

 12   le prétoire électronique et confirme, par conséquent, que les documents de

 13   la liste 65 ter, portant sur les documents de cotes suivantes font

 14   désormais partie intégrante du dossier de première instance. Cotes des

 15   documents, 09480, 09486, 09492, 09497 et 09499.

 16   2.  La Chambre de première instance note que l'avis du 19 octobre précise

 17   quels sont les passages des deux documents volumineux dont l'Accusation

 18   demande le versement au dossier. La Chambre de première instance admet la

 19   valeur probante et la pertinence des documents de la liste 65 ter suivants,

 20   documents portant la cote 09567, pages 12, 15, 33, 53 et 54, 79 et 80, 209

 21   à 215, et 229 et 230. Par voie de conséquence, les passages cités ci-dessus

 22   sont versés au dossier et à conserver sous pli scellé.

 23   Par ailleurs, la Chambre de première instance admet le versement au dossier

 24   à conserver sous pli scellé les séquences suivantes des documents de la

 25   liste 65 ter -- du document de la liste 65 ter, une vidéo portant la cote

 26   09562 : 20 minutes 49 secondes à 21 minutes 33 secondes; 27 minutes 42

 27   secondes à 28 minutes 11 secondes; et 46 minutes 49 secondes à 47 minutes

 28   55 secondes.

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  1   Je fais une petite pause. Je sais que les détails sont nombreux, l'on

  2   pourra vous fournir un document. Reprenons les détails, parce que je vois

  3   que vous avez beaucoup de mal à prendre note de la décision orale que je

  4   suis en train de rendre. Me Guy-Smith semble avoir du mal à suivre, mais le

  5   document vous sera remis quoi qu'il en soit.

  6   3.  La Chambre de première instance note que l'avis du 19 octobre fait

  7   valoir que les traductions intégrales des pages pertinentes du document de

  8   la liste 65 ter portant la cote 07305, sont disponibles par téléchargement

  9   sur le prétoire électronique. La Chambre de première instance ne remet pas

 10   en question la valeur probante et leur pertinence et, par conséquent, admet

 11   le versement au dossier des pages 7 et 10 de cette pièce à conviction à

 12   conserver sous pli scellé.

 13   4.  La Chambre de première instance conclut que la version B/C/S des

 14   documents de la liste 65 ter, portant les cotes 09481, 09513 et 09540, ont

 15   été téléchargés sur le prétoire électronique et sont désormais suffisamment

 16   lisibles. La Chambre de première instance note, par ailleurs, que l'avis du

 17   19 octobre fait état du fait que la traduction révisée est également

 18   disponible par téléchargement, sur le prétoire électronique. La Chambre de

 19   première instance conclut que les documents de la liste 65 ter portant les

 20   cotes 09481, 09513 et 09540 sont pertinents et apportent une valeur

 21   probative, et sont, par conséquent, versés au dossier, et à conserver sous

 22   pli scellé.

 23   5.  Enfin, la Chambre de première instance note que l'avis du 19 octobre

 24   fait valoir le fait que les documents de la liste 65 ter portant les cotes

 25   09468 et 09469 doivent être traités sous couvert de confidentialité. La

 26   Chambre de première instance ordonne le placement sous pli scellé de ces

 27   documents.

 28   Voici qui conclut la décision orale de la Chambre de première instance qui

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  1   souhaite que l'on mette à la disposition des parties, le texte, parce que

  2   le texte est un peu trop compliqué.

  3   Voilà qui conclut.

  4   Une intervention -- Monsieur Saxon, d'intervenir.

  5   M. SAXON : [interprétation] Le témoin suivant devrait déposer lundi, lundi

  6   2 novembre, témoin en charge. Je demande, par conséquent, que l'on suspende

  7   l'audience jusqu'au 2 novembre.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Saxon.

  9   Savez-vous à quelle heure aura lieu l'audience, lundi, et dans quel

 10   prétoire ?

 11   M. SAXON : [interprétation] Si vous voulez bien me donner 15 secondes, je

 12   devrais y arriver.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le Greffier d'audience devait pouvoir

 14   nous informer.

 15   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On nous dit que ce sera l'audience du

 17   matin, en salle numéro II.

 18   Quoi qu'il en soit, nous suspendons l'audience jusqu'à lundi, 2 novembre, 9

 19   heures, salle II.

 20   L'audience est levée.

 21   --- L'audience est levée à 16 heures 37 et reprendra le lundi 2 novembre

 22   2009, à 9 heures 00.

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