Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 27 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 12 heures 06.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  6   présentes dans le prétoire.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-04-81-T, le Procureur contre Momcilo Perisic.

 11   Merci.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La présentation des parties.

 13   M. HARMON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 14   Messieurs les Juges. Mark Harmon, Salvatore Cannata, et Mme Carmela Javier

 15   du côté de l'Accusation.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Du côté de la Défense.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Bonjour à tous. Boris Zorko, Chad Mair,

 18   Deirdre Montgomery, Tina Drolec, Novak Lukic, et Gregory Guy-Smith.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Gregory Guy-

 20   Smith.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous souhaitons maintenant citer à la barre

 22   notre prochain témoin, M. Carl Bildt, s'il vous plaît.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 24   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, nous voyons une

 26   deuxième personne qui entre en même temps que M. Carl Bildt.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Tout à fait. Je dois poser la question et

 28   savoir qui est cette deuxième personne.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

  2   Est-ce que vous pouvez lire la déclaration.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   LE TÉMOIN : CARL BILDT [Assermenté]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir. Merci

  8   beaucoup, Monsieur.

  9   Maître Guy-Smith.

 10   Interrogatoire principal par M. Guy-Smith : 

 11   Q.  [interprétation] Bonjour à vous.

 12   R.  Bonjour.

 13    Q.  Avant de commencer ce débat, pourriez-vous donner votre nom ?

 14   R.  Je m'appelle Carl Bildt.

 15   Q.  Je vois que quelqu'un vous accompagne, et qui est présente dans le

 16   prétoire. Pourriez-vous nous dire qui c'est ?

 17   R.  C'est Mme Anette Brolenius.

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez dire en quelle qualité Mme Brolenius est ici ?

 19   R.  Elle vient de l'ambassade de Suède de La Haye.

 20   Q.  Dois-je comprendre que vous avez besoin de son aide pendant votre

 21   témoignage aujourd'hui ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  [interprétation] Très bien.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je suppose que ceci convient aux Juges de

 25   la Chambre, la question que vous avez posée concernant la personne qui se

 26   trouve dans le prétoire.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Guy-Smith.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup.

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  1   Q.  Je souhaite vous souhaiter la bienvenue à La Haye, Monsieur Carl Bildt.

  2   R.  Merci beaucoup.

  3   Q.  Je vous remercie d'être venu.

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Je crois que nous comprenons que vous êtes quelqu'un qui a été lié de

  6   très près à la résolution du conflit dans les Balkans. Mais avant d'aborder

  7   ces questions-là, je vous demande d'avoir l'obligeance de bien vouloir nous

  8   donner les détails de votre parcours, de façon générale; ceci n'a pas

  9   besoin d'être fait dans le détail.

 10   R.  Et dans quel sens voulez-vous dire ?

 11   Q.  Au sens d'un curriculum vitae.

 12   R.  Le sens d'un curriculum vitae, je crois que c'est quelque chose qui est

 13   déjà connu. J'ai été membre député du Parlement suédois pendant près d'un

 14   quart de siècle, cela remonte à plusieurs années. J'ai été premier ministre

 15   dans mon pays. J'ai été impliqué dans différentes affaires internationales.

 16   Et pour ce qui est pertinent pour le Tribunal, c'est que j'étais alors,

 17   depuis le début du mois de juin 1995, j'ai été nommé le co-président

 18   européen siégeant dans la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie,

 19   j'ai servi en cette qualité-là jusqu'à la dissolution d'ICFY, qui était un

 20   processus progressif, et jusqu'à la dissolution de facto, et ensuite, j'ai

 21   représenté les Balkans à Sarajevo; ensuite, pendant deux ans, j'ai été

 22   l'envoyé spécial dans les Balkans. Et ceci nous amène à la guerre du Kosovo

 23   qui est une étape plus tardive dans la guerre des Balkans.

 24   Q.  Bien. Alors, pour ce qui est de votre poste en tant que haut

 25   représentant spécial de l'Union européenne, vous avez succédé à qui ?

 26   R.  J'ai succédé à Lord Owen qui a été à ce poste à la création de cette

 27   institution, je crois que c'était en 1993, et moi, je lui ai succédé

 28   jusqu'en 1995.

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  1   Q.  Et pour ce qui est des accords ou des pourparlers de Dayton, si je me

  2   souviens, vous avez été un des co-présidents des accords de Dayton ?

  3   R.  C'est exact. Nous étions trois -- officiellement, nous étions trois, il

  4   y avait trois vice-présidents, quelle que soit l'appellation à l'époque,

  5   les pourparlers de Dayton. Il y avait Richard Holbrooke qui était le

  6   secrétaire adjoint des Etats-Unis; j'étais moi-même représentant de l'Union

  7   européenne; et le troisième, l'ancien premier ministre de la Fédération

  8   russe à l'époque.

  9   Q.  Donc, au-delà de ces années de service, d'après ce que j'ai compris,

 10   vous avez travaillé pour différentes organisations internationales, et vous

 11   avez siégé sur leur comité.

 12   R.  Effectivement.

 13   Q.  [aucune interprétation]

 14   R.  [aucune interprétation]

 15   Q.  Mais cela, c'était le résultat d'élections récentes ?

 16   R.  C'est parce que j'étais membre du cabinet, n'est-ce pas, et rien

 17   d'autre.

 18   Il y a d'autres qui relèvent du passé, mais cela, ça fait partie du passé.

 19   Q.  Et vous avez été conseiller siégeant sur différents comités ?

 20   R.  Entre autres.

 21   Q.  Et remplaçant ?

 22   R.  Pas à ma connaissance, en tout cas. Pour ce qui est de l'agence

 23   italienne--

 24   Q.  Vous voulez parler de RAND Europe ?

 25   R.  RAND Europe, en fait, je faisais partie du comité des fiduciaires

 26   de la société RAND des Etats-Unis.

 27   Q.  Et ensuite, vous avez été membre du conseil ou de l'institut chargé des

 28   affaires stratégiques à Londres ?

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  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Je crois que vous rédigiez, à un moment donné, un bulletin

  3   d'informations ?

  4   R.  Cela dépend comment vous définissez cela. Je crois que j'étais assez

  5   actif sur internet, et différents bulletins d'informations sur des

  6   questions de droit. Vous pouvez me retrouver, en tout cas, et suivre mes

  7   traces numériques, si vous le souhaitez.

  8   Q.  Vous avez publié plusieurs ouvrages ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Et un livre -- vous avez publié un livre "Le pays qui a mis un pied

 11   dans le froid", 1972.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et l'avenir de la liberté, en 1976 ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q. [aucune interprétation]

 16   R. [aucune interprétation]

 17   Q. [aucune interprétation]

 18   R. [aucune interprétation]

 19   Q. [aucune interprétation]

 20   R. [aucune interprétation]

 21   Q. [aucune interprétation]

 22   R. [aucune interprétation]

 23   Q.  -- en 1991 ?

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith

 25   Le sténotypiste vous demande de bien vouloir ralentir, s'il vous

 26   plaît.

 27   L'INTERPRÈTE : Citoyen européen de Hollande est un autre titre.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation]

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  1   Q.  Et pour ce qui vous concerne, un livre qui est pertinent, et qui nous

  2   intéresse, est Citoyen de Halland, qui nous intéresse. C'est un livre qui a

  3   été publié --

  4   R.  -- en 1997, dans la version suédoise et la version anglaise, qui est

  5   celle de 1998. C'est les versions plus récentes dans les langues locales,

  6   mais ceci n'est pas pertinent.

  7   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le titre.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  9   Q.  Pourriez-vous nous dire quelles sont les distinctions que l'on vous a

 10   données ?

 11   R.  Je ne peux pas. Si vous m'aviez posé la question, j'aurais pu vous

 12   fournir une liste. Je puis vous la fournir pour le compte rendu d'audience.

 13   Q.  D'après ce que j'ai compris, en France, donc, vous avez reçu le titre

 14   de commandant de la Légion d'honneur ?

 15   R.  Oui, c'est exact, mais je peux tout à fait vous remettre ceci pour le

 16   compte rendu d'audience.

 17   Q.  Et d'Allemagne également ?

 18   R.  Egalement.

 19   Q.  Du Royaume-Uni ?

 20   R.  Egalement.

 21   Q.  D'Estonie ?

 22   R.  Egalement.

 23   Q.  Et de la Lituanie ?

 24   R.  Egalement.

 25   Q.  Et si je ne me trompe pas, vous êtes également -- vous étiez plutôt un

 26   membre d'une organisation qui, je crois, s'appelle le Club de Madrid ?

 27   R.  Et bien, on peut le définir de différentes façons. Le Club de Madrid

 28   est une organisation non officielle d'anciens premiers ministres. Je suis

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  1   un ancien premier ministre, mais étant donné que je suis également au

  2   gouvernement, je ne fais plus partie de cela. Il y a différentes

  3   organisations officieuses de ce genre qui regroupent les anciens premiers

  4   ministres qui existent actuellement.

  5   Q.  Et quelles sont vos fonctions actuelles ?

  6   R.  Je suis le ministre des Affaires étrangères de Suède.

  7   Q.  Je souhaite maintenant revenir à l'année 1995. Je constate que vous

  8   avez un certain nombre de documents, auxquels vous avez peut-être besoin de

  9   vous reporter pour vous rafraîchir la mémoire.

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Commençons au mois de juillet 1995.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et je souhaite que nous nous concentrions sur la date du 7 juillet, si

 14   cela est possible. Et je veux vous demander si vous vous souvenez de

 15   l'endroit où vous étiez à cette date-là, le 7 juillet ?

 16   R.  Je ne peux pas m'en souvenir comme ça, au pied levé, mais étant donné

 17   que j'ai apporté mon livre, nous pouvons le savoir assez facilement.

 18   J'étais à Sarajevo le 6, et je suis arrivé à Belgrade le lendemain, le

 19   vendredi 7 juillet.

 20   Q.  Et lorsque vous êtes arrivé à Belgrade le 7 juillet, qui aviez-vous

 21   l'intention de rencontrer à ce moment-là ?

 22   R.  J'avais l'intention de rencontrer Slobodan Milosevic.

 23   Q.  Et mis à part le président Milosevic, vous étiez censé rencontrer

 24   d'autres personnes ?

 25   R.  Oui. Très certainement. J'ai rencontré les représentants diplomatiques

 26   à Belgrade qui faisaient partie du camp yougoslave, c'est comme ça que nous

 27   l'appelions. J'avais l'intention de rencontrer le président Milosevic.

 28   Q.  Vous souvenez-vous de l'endroit où vous avez rencontré le président

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  1   Milosevic ?

  2   R.  Non, mais je peux vous le retrouver. C'était à Dobanovci.

  3   Q.  Et lorsque --

  4   R.  Comme vous le savez, il s'agit d'un des endroits-clés qu'il fréquentait

  5   souvent à l'extérieur de Belgrade.

  6   Q.  Et votre réunion le 7 juillet avec le président Milosevic, vous

  7   souvenez-vous quelles étaient les autres personnes qui ont assisté à cette

  8   réunion ?

  9   R.  De son côté ?

 10   Q.  Oui, de son côté.

 11   R.  Bien, pendant la première partie de cette réunion, c'était toujours la

 12   même chose, il n'y avait que son assistant qui répondait au nom de Goran.

 13   Vous connaissez certainement le nom, je suppose.

 14   Q.  Et pour ce qui est de -- simplement pour l'instant, les réunions

 15   ultérieures qui se sont déroulées en présence du président Milosevic

 16   pendant le mois de juillet, serait-il exact de dire que cette personne-là

 17   en particulier, que vous avez appelée Goran, assistait à toutes les

 18   réunions dans sa présence ?

 19   R.  Je dirais que mis à part Mladic, nous allons peut-être y venir, il n'y

 20   avait personne d'autre qui assistait à ces réunions. Je ne dirais pas

 21   forcément que cette personne a assisté à chaque partie de chaque réunion,

 22   mais je peux dire qu'il n'y avait personne d'autre du côté de Belgrade,

 23   appelons cela comme ça, qui a assisté.

 24   Q.  Que nous soyons très clairs, lorsque vous dites qu'il n'y avait

 25   personne d'autre qui a assisté du côté serbe à ces réunions, je souhaite

 26   que vous regardiez l'arrière de la pièce, est-ce que vous reconnaissez le

 27   général Perisic ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Bien. Et le général Perisic, n'a-t-il assisté à aucune de ces réunions

  2   ?

  3   R.  Non, et je n'avais aucun contact avec le général Perisic, quel

  4   qu'il soit, ni l'une quelconque connaissance de ses activités pendant toute

  5   la durée de la guerre de Bosnie. J'ai eu une réunion avec le général

  6   Perisic après qu'il ait quitté la VJ et avait mis en place un parti

  7   politique, je ne me souviens pas du nom de ce dernier. Après la chute de

  8   Milosevic, lorsque j'étais à Belgrade et que j'ai rencontré les différents

  9   représentants, je l'ai rencontré lorsqu'il a présidé son parti politique.

 10   Cela devait être en 2000 ou 2001.

 11   Q.  J'entends bien.

 12   R.  Mais nous n'avons eu aucun contact quel qu'il soit, je n'ai aucune

 13   connaissance, que ce soit directe ou indirecte, le concernant pendant la

 14   période de la guerre des Balkans.

 15   Q.  Bien. Vous avez évoqué le général Mladic.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Avez-vous eu l'occasion de rencontrer le général Mladic ?

 18   R.  A deux reprises.

 19   Q.  L'avez-vous rencontré le 7 juillet ?

 20   R.  Je crois que c'était le cas, effectivement. A une ou deux occasions je

 21   l'ai rencontré, mais tard dans la soirée du 7.

 22   Q.  Vous souvenez-vous comment ceci est arrivé, avez-vous demandé à

 23   rencontrer le général Mladic ou est-ce que lui a demandé à vous voir ?

 24   R.  Non, c'est nous qui avons fait la demande. Nous avons demandé cela.

 25   C'était dû à la situation générale à l'époque. Comme vous le savez, j'étais

 26   responsable, pour l'essentiel, des négociations politiques pour essayer de

 27   trouver un accord aux termes du plan B, comme cela s'appelait après

 28   l'effondrement du plan A de facto dans le courant de l'été.

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  1   En même temps, puisque nous étions en train de mener ces pourparlers

  2   politiques, cela relevait de ma responsabilité, la situation sur le terrain

  3   s'était fortement dégradée. Une des résultantes de cela, c'est que les

  4   contacts normaux qui avaient été établis entre la FORPRONU et les forces

  5   des Nations Unies, le commandant de l'ABiH à Sarajevo, et les forces serbes

  6   de Bosnie, la VRS, avaient cessé. Et il y a eu un pilonnage à Pale au mois

  7   de mai, ce qui avait conduit au fait qu'il n'y avait plus de communications

  8   régulières alors qu'il y avait nécessité de le faire d'après le

  9   commandement des Nations Unies, de communiquer, et on m'a demandé d'essayer

 10   de faciliter les contacts avec le général -- ou plutôt, nous avons demandé

 11   au président Milosevic, pour être tout à fait honnête, de faciliter les

 12   contacts avec le général Mladic pour voir s'il y avait une quelconque

 13   possibilité dans ce sens et si nous pouvons rétablir les contacts avec les

 14   forces des Nations Unies et la VRS afin de gérer un certain nombre des

 15   questions, y compris, entre autres, la question du recomplètement des

 16   enclaves.

 17   Q.  J'ai bien compris. Vous avez parlé du plan B. Est-ce que vous pourriez

 18   expliquer aux Juges de la Chambre en quoi consistait le plan B, s'il vous

 19   plaît.

 20   R.  Je ne suis pas très sûr, mais je vais tenter de le faire.

 21   Le plan A, pour l'essentiel, était l'effort du groupe de contact -- plutôt,

 22   je vais peut-être même aller un peu plus loin, je dirais, il s'agissait de

 23   trouver une solution à la guerre des Balkans après l'éclatement du conflit.

 24   Après le début de la guerre, le plan était le plan Vance-Owen en 1992.

 25   Ceci s'est effondré en 1996 [comme interprété], ou à échoué.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et est-ce que le plan Vance-Owen était

 27   le plan A ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout.

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  1   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était simplement le plan Vance-Owen.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Le plan Vance-Owen. Et ensuite, ce que j'ai

  3   appelé le plan A était le plan du groupe de contact pendant l'été 1994.

  4   Corrigez-moi si je me trompe -- 1994.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  6   Q.  C'est exact.

  7   R.  Et ceci était -- le groupe de contact avait déjà été créé à ce moment-

  8   là, mais n'existait pas auparavant. Et le groupe de contact avait du mal à

  9   préparer un accord qui aurait pu être soumis aux parties dans la mesure où

 10   ceci aurait été présenté. C'était à prendre ou à laisser. Et je me souviens

 11   au mois de juillet de cette année-là, j'en fais une description assez

 12   détaillée dans mon ouvrage, et ceci consistait en une carte. Mais le groupe

 13   de contact n'avait pas pu se mettre d'accord sur les dispositions des

 14   différentes clauses. Il s'agissait de savoir -- c'est à prendre ou à

 15   laisser. Et si vous le laissez, nous n'allons plus avoir de contact.

 16   Ceci a été accepté en quelque sorte par Sarajevo. C'est quelque chose qui a

 17   été rejeté par Pale. Je dis rejeté parce que Pale avait dit : Nous

 18   souhaitons voir les différentes dispositions. Et de ces derniers, cela

 19   signifie qu'en termes du groupe de contact, tout contact aurait cessé. Et

 20   ceci devait servir de fondement à toutes négociations entre les parties.

 21   Les parties que je dirais étaient Sarajevo et Pale. Et donc ceci avait

 22   échoué, la position de Sarajevo et du président Izetbegovic consistait à

 23   dire, et cela n'était pas la seule et unique position, mais ils disaient

 24   qu'il ne pouvait y avoir aucun contact avec Pale et avec les dirigeants

 25   serbes.

 26   Ensuite, après de très nombreuses délibérations au début de l'année 1995,

 27   me semble-t-il au mois de mars, le groupe de contact et l'accord que

 28   j'appelle le plan B, le plan B était présenté au président Milosevic et

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  1   nous devions essayer de recueillir un accord sur différents points. Le

  2   premier point était la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine en tant que

  3   pays indépendant et souverain. C'était un premier point.

  4   Q.  J'entends bien.

  5   R.  Au point 2, c'était un accord sur la structure de la constitution de la

  6   Bosnie-Herzégovine, deux entités, en tout cas, les grandes lignes de sa

  7   constitution, ainsi que le principe de la division du territoire sur le

  8   principe du 49, 51. Et je crois que le troisième élément, si je me souviens

  9   bien, de ce plan était qu'à supposer que cela s'avérait possible, la

 10   deuxième phase consistait à passer du plan B à un plan A, à savoir la mise

 11   en œuvre sur le terrain. Et ensuite nous allions forcer la main des

 12   dirigeants de Pale. Et il fallait que le président Milosevic soit d'accord

 13   pour que soient renforcées les sanctions contre la Republika Srpska. Il

 14   s'agissait là des trois éléments essentiels de ce que j'appelle le plan B.

 15   Q.  Et pour ce qui est du plan B, quelle était la position de Milosevic eu

 16   égard à ces trois points que vous venez d'évoquer faisant partie du plan

 17   ainsi que le renforcement des sanctions ?

 18   R.  Eh bien, il n'y avait pas que moi. Ces négociations ont été menées par

 19   Robert Fraser, qui était le diplomate américain qui représentait les

 20   groupes de contact de façon assez importante pendant le printemps de

 21   l'année 1995, auprès de président Milosevic. Je crois qu'ils ont réussi à

 22   résoudre la plupart des problèmes, mais pas tous les problèmes, et ensuite

 23   il y a eu des divisions au sein du groupe de contact et des différences

 24   entre les différents pays, donc ceci n'a pas pu être fait de façon efficace

 25   à 100 %. Et M. Fraser a démissionné et j'ai pris sa place. Il y a eu

 26   beaucoup de négociations sur toutes ces questions-là, beaucoup de

 27   discussions sur ces trois questions-là. Je suis sûr que le Tribunal est au

 28   courant du fait que le détail, en fait, pose problème. Et c'étaient les

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  1   détails qui posaient problème pour l'ensemble du plan. Et le plan, dans son

  2   ensemble et dans ses grandes lignes, était facile, mais les détails sont

  3   des choses sur lesquelles nous avons du mal à nous mettre d'accord.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand exactement le plan B a-t-il

  5   démarré, et combien de temps a-t-il duré ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci a déjà été dit avant moi, mais j'ai lu --

  7   j'ai essayé de lire mon livre. Enfin, c'était le début de cette année-là.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] 1995.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Au début de l'année 1995, parce qu'en fait il

 10   n'y avait aucune tentative de paix après que le plan de contact du Groupe

 11   de contact ait échoué pendant l'été 1993.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc il s'agissait d'une autre tentative

 14   encore.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc le plan B allait de début 1995

 16   jusqu'à la fin de la guerre, les accords de Dayton --

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, ceci est discutable parce que

 18   beaucoup de choses se sont passées pendant la fin de l'été. On peut dire

 19   que ceci s'est passé, si on parle des plans, que les plans A et B ont

 20   échoué, et ceci a donné lieu à Dayton.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc le plan B a échoué également ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, dans le sens où les deux ont fusionné.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous dire à peu

 24   près à quel moment ceci a échoué ou a été fusionné ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci a été fusionné après qu'il y ait eu des

 26   efforts supplémentaires qui ont été déployés à Srebrenica avant l'opération

 27   Tempête, pour un certain nombre de raisons. Nous avons constaté la

 28   détérioration de la situation, voire même avant ça. Pendant l'été 1995, à

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  1   mon sens, c'était la période la plus difficile de la guerre après la

  2   période initiale de la guerre de Bosnie en 1992. Il y a plusieurs raisons à

  3   cela et je n'entrerais pas là-dedans. Puis d'autres raisons qui sont liées

  4   à d'autres facteurs sur la scène internationale, où il y a eu une

  5   accélération des efforts, et il s'était avéré nécessaire de faire

  6   s'entendre les parties à ce moment-là. Il y a eu une réunion tout à fait

  7   essentielle qui est celle qui s'est déroulée à Genève, à la date dont je ne

  8   me souviens pas, lorsqu'il a eu show du président de la région --

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 10   Monsieur Harmon.

 11   M. HARMON : [interprétation] Juste une question de procédure. M. Bildt

 12   s'est référé à son ouvrage. J'en ai une copie. Et lorsque M. Bildt a besoin

 13   de raviver ses souvenirs, si à un moment donné son ouvrage peut lui venir

 14   en aide, avec l'accord des parties il pourrait peut-être donner le numéro

 15   de page auquel se trouve l'élément qui lui permet de donner réponse plus

 16   précise.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord.

 19   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il y a un autre point de procédure

 20   concernant de fait de donner une déposition en s'appuyant sur ses

 21   souvenirs, donc à chaque fois que le témoin peut avoir l'utilité d'un

 22   rappel ou de donner un support pour raviver ses souvenirs, une indication

 23   précise doit être donnée.

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.

 26   Merci beaucoup.

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce que vous êtes en train de lire à partir de la version en suédois

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  1   ou de l'anglais de votre ouvrage, juste pour être tout à fait clair, afin

  2   de savoir si nous sommes bien à la bonne page ?

  3   R.  La version anglaise.

  4   Q.  Très bien. Donc dans votre réponse je pense qu'il manquait un élément

  5   concernant la réponse de Milosevic. Aux trois éléments constitutifs du plan

  6   B, y compris le renforcement des sanctions, est-ce qu'il était d'accord

  7   avec ces trois différents éléments ou était-il en désaccord ?

  8   R.  Je ne saurais m'en souvenir en détail sans me repencher sur les

  9   différents aspects de ces négociations telles que décrites dans l'ouvrage,

 10   mais il est inutile de rappeler que chaque étape de ces négociations a été

 11   particulièrement difficile. Il s'agissait de questions complexes.

 12   Quant à la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, il était d'accord. Mais

 13   bien entendu, il avait conditionné cela à un accord concernant

 14   l'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine, qui était une question

 15   controversée. Nous avons fini par adopter une formulation qui a été retenue

 16   au cours des pourparlers de Genève auxquels je me suis référé, et cela

 17   était repris dans le cadre des sessions de Dayton. Je crois que le principe

 18   49, 51, il y a également donné son accord. Pour ce qui est de ce qu'on

 19   appelait le blocus de la Drina, ce n'était pas nécessairement l'une des

 20   questions qui nous ont le plus préoccupées ou auxquelles nous avons

 21   consacré le plus de temps, parce que c'était déjà en place. Mais nous avons

 22   abordé la question du renforcement de ce dispositif parce que c'était assez

 23   délicat, malgré tout.

 24   Q.  Je relève l'absence d'un nom particulier de ce que vous nous dites, et

 25   je vais y revenir concernant votre rencontre avec Mladic le 7 juillet. Ce

 26   nom, c'est celui du président Karadzic.

 27   Y a-t-il une raison à l'absence de Karadzic ?

 28   R.  Oui, et je l'ai mentionné, parce que le principe de cette proposition

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  1   c'était que c'était à prendre ou à laisser. Si l'accord n'était pas retenu,

  2   nous n'étions plus censés avoir de contact avec le président Karadzic. Donc

  3   nous n'avons plus eu de contact. J'avais eu une conversation téléphonique

  4   avec lui pendant toute cette période, pendant toute la période de mon

  5   implication dans les Balkans. Et ensuite je n'ai plus eu de contact du tout

  6   avec lui.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous vous référez à la date

  8   du 7 juillet 1995, Maître, lorsque vous dites que le nom du président

  9   Karadzic n'est pas mentionné ?

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pense aux négociations qui ont eu lieu

 11   pendant toute cette période.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 14   Q.  Alors, par rapport à la réponse que vous venez de nous donner, vous

 15   nous dites que c'était la politique retenue que de ne plus avoir de contact

 16   avec le président Karadzic. Est-ce que vous pourriez nous indiquer qui

 17   menait cette politique, qui en était le porteur ? Je dirais que c'était

 18   peut-être la communauté internationale de façon générale, mais je ne sais

 19   pas si c'est suffisamment précis ou exact concernant cette décision qui a

 20   été prise de ne plus avoir de contact avec lui.

 21   R.  En substance c'était la politique retenue par le Groupe de contact.

 22   Cependant, il y a eu d'autres contacts de pris. Je crois que pendant l'été

 23   la Fédération de Russie a dépêché un envoyé à Pale. Il y a eu certaines

 24   exceptions à cette règle mais, de notre côté, nous n'avons pas eu de

 25   contacts.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais vous demander une chose :

 27   qui étaient les parties aux négociations conduites sous l'égide de ce

 28   groupe de contact. La raison pour laquelle je vous pose cette question est

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  1   que vous avez indiqué n'avoir pas eu de contact avec Karadzic. Alors la

  2   question que je vous pose est celle de savoir qui dans, ce cas-là, aurait

  3   représenté la Republika Srpska dans le cadre de ces négociations ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Personne.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vraiment.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, en effet, personne. Parce que l'idée

  7   était d'obtenir un accord avec les présidents Milosevic et Mitsotakis afin

  8   de s'appuyer sur tous les moyens de pression dont on pouvait disposer pour

  9   imposer un accord à la direction de Pale. Et c'est ce qui a fini par se

 10   produire.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une approche indirecte, si vous

 13   voulez.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc le groupe de contact n'était pas

 15   réellement directeur dans le cadre de ces négociations. Il a simplement

 16   proposé un plan qu'il voulait imposer à toutes les parties --

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qu'il a essayé de faire mais cela

 18   s'est soldé par un échec. C'était l'idée à l'été 1993, je crois, à la fin

 19   de la première année. Mais le plan a été avancé, et comme il n'a pas été

 20   adopté, nous nous sommes retrouvés dans une impasse. Pour en sortir, nous

 21   avons élaboré ce à quoi je me suis référé comme étant le plan B, et nous

 22   nous sommes tournés vers Milosevic pour essayer d'obtenir son soutien par

 23   rapport à ce que nous souhaitions obtenir des Serbes de Bosnie.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Ce que je voudrais savoir

 25   c'est comment ceci a été mis en œuvre. Vous avez adopté une approche qui

 26   consistait à dire que le plan était "à prendre ou à laisser", c'est ce que

 27   vous nous dites. Vous n'utilisez pas vous-même le terme d'"imposer", mais

 28   vous ne le réfutez pas non plus, alors c'est quelque chose que le Groupe de

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  1   contact à proposé en disant que c'était à prendre ou à laisser, n'est-ce

  2   pas.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le cas à l'été 1993.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite est arrivé l'automne 1994, l'automne,

  6   les négociations de Genève, le processus de Dayton, et vous savez, n'est-ce

  7   pas, vous savez pertinemment que les négociations de Dayton ont fait

  8   participer le président Milosevic. Il n'y avait personne qui représentait

  9   la Republika Srpska, dans ce cas.

 10   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais Dayton intervient après le plan

 11   B, n'est-ce pas, et après l'intervention du groupe de contact ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et dans cette phase où le groupe de

 14   contact est actif, il n'y avait pas véritablement de négociations

 15   d'envisagées. Puisque c'était à prendre ou à laisser, faute de quoi il n'y

 16   aurait plus de contact avec les représentants des parties, n'est-ce pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous aviez des contacts avec

 19   Izetbegovic ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et avec Milosevic aussi ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Et -- oui. Et juste pour être tout à fait

 23   clair, avec le président Tudjman à Zagreb aussi, parce que les événements

 24   de la République de Krajina serbe étaient particulièrement dramatiques dans

 25   le cadre de l'opération Tempête, et cela était également quelque chose

 26   qu'il n'était pas possible de laisser de côté du tout. Donc nous nous

 27   étions concentrés à ce stade principalement sur le front est de la guerre

 28   de Bosnie, mais à ce moment particulier l'attention s'est portée avant tout

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  1   sur le front ouest, et les événements qui se produisaient du côté de la

  2   Croatie. Et c'est pourquoi le président Tudjman a également été partie

  3   prenante.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Ce que je voulais confirmer

  5   c'est simplement que pendant la période où le Groupe de contact était

  6   actif, personne ne représentait la Republika Srpska.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  9   Monsieur Harmon.

 10   M. HARMON : [interprétation] Je voudrais noter qu'en page 17 du compte

 11   rendu d'audience, à partir de la ligne 16, la réponse du témoin n'a pas été

 12   enregistrée.

 13   C'était la question qui lui a été posée concernant la politique consistant

 14   à ne pas avoir de contact avec M. Karadzic ? Et --

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De quelle ligne parlez-vous ?

 16   M. HARMON : [interprétation] Page 17, ligne 16.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 18   Pouvez-vous reconfirmer cette partie de votre réponse, Monsieur le

 19   Témoin.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que cela n'est pas entré au compte

 21   rendu d'audience ?

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En effet.

 23   M. HARMON : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et nous souhaiterions que vous nous

 25   confirmiez de quoi il s'agissait, et si c'est bien ce que M. Harmon vient

 26   de dire, à savoir que c'était bien là la politique du Groupe de contact ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Harmon.

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  1   A vous, Maître Guy-Smith.

  2   M. GUY-SMITH : [interprétation] Juste à titre de rappel, je crois que le

  3   compte rendu d'audience est vérifié et que nous disposons d'une procédure

  4   qui permet de ne perdre rien de ce qui a été prononcé.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En effet.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Alors je voudrais --

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais juste soulever une

  8   question d'intendance. Puisque nous avons commencé plus tôt que d'habitude,

  9   une première pause est prévue à 13 heures 15, et nous reprendrons nos

 10   débats à 13 heures 45 [comme interprété].

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien.

 12   Q.  Alors nous en sommes presque à l'arrivée de Mladic à la date du 7

 13   juillet. En tout cas, c'est la direction que j'étais en train de prendre

 14   dans mes questions.

 15   Est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer le général Mladic le 7

 16   juillet dans la soirée ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que c'était là la première fois que des contacts étaient établis

 19   avec qui que ce soit au sein des structures dirigeantes de la Republika

 20   Srpska, qu'elles soient civiles ou militaires, et ce, depuis l'échec du

 21   plan initial du Groupe de contact ?

 22   R.  C'était le premier contact que j'avais, moi. Et c'est ce que j'ai dit,

 23   à ma connaissance, il n'y avait pas eu le moindre contact entre le

 24   commandement des Nations Unies et le général Mladic depuis le mois de mai.

 25   Avant cela, bien sûr, que ce soit avec le général Mladic ou d'autres

 26   représentants, il y avait eu des contacts plutôt réguliers. Mais c'était

 27   avant le moment où je suis intervenu, donc vous auriez à interroger

 28   quelqu'un d'autre à ce sujet.

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  1   Alors pour revenir à la question que nous avons déjà abordée, les contacts

  2   avec la Republika Srpska, quand je parlais de la Republika Srpska j'avais à

  3   l'esprit la direction politique de la Republika Srpska, c'est-à-dire, de

  4   fait, M. Karadzic.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dois-je comprendre donc que pendant

  6   toute cette période il n'y avait pas de contacts avec M. Karadzic, mais il

  7   y a eu des contacts avec M. Mladic ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais ils étaient d'une nature différente.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Il faisait partie de la direction des

 11   structures militaires, et, bien sûr, le commandement des Nations Unies sur

 12   le terrain l'a contacté. Il y a eu des contacts au niveau humanitaire

 13   aussi. Je veux dire que de nombreuses organisations humanitaires sur le

 14   terrain étaient en contact avec d'autres représentants à Pale et d'autres

 15   représentants des autorités de la Republika Srpska. Mais quand je parle de

 16   la Republika Srpska, dans le cadre de négociations politiques, c'est, de

 17   facto, à M. Karadzic que je pense.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et dans cette période de temps, vous

 19   avez rencontré M. Mladic, n'est-ce pas ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. La première fois où j'ai eu des contacts

 21   avec lui c'est la période que nous sommes en train d'aborder.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 23   Q.  Lorsque vous rencontrez le général Mladic le 7 juillet, quel type de

 24   conversation avez-vous avec lui ? Quels sujets sont abordés ?

 25   R.  C'est en page 53, on y trouve la description de cette réunion à

 26   laquelle je n'ai rien à ajouter vraiment. C'était il y a 15 ans, et ce qui

 27   est consigné ici l'a été très peu de temps après les événements. Donc c'est

 28   la description la plus exacte des événements que je puisse fournir.

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  1   L'idée, comme je l'indique, était d'explorer la possibilité de

  2   rétablissement de contact entre les différents commandements militaires

  3   afin d'apporter une solution aux problèmes d'approvisionnement des enclaves

  4   et, entre autres, des enclaves de Sarajevo et Gorazde qui étaient au centre

  5   de notre attention. Nous avions demandé au président Milosevic s'il n'était

  6   pas possible de prendre contact avec le général Mladic, ce à quoi il a

  7   répondu qu'il n'était pas certain que ce soit possible, mais qu'il

  8   essayerait, et, si je me rappelle bien, le général Mladic s'est présenté ce

  9   soir-là, plutôt tard dans la soirée, indiquant qu'il arrivait de loin. Nous

 10   avons supposé que c'était de Bosnie occidentale, mais c'était une simple

 11   supposition parce que nous étions au cœur des événements de la guerre et en

 12   tout cas à l'époque il était très impliqué dans les événements et les

 13   combats dans la partie ouest.

 14   Q.  Alors, puisque vous vous référez à la page 53, vous dites que votre

 15   ouvrage vous permet de raviver vos souvenirs concernant vos intentions à

 16   l'époque, et vous dites donc que :

 17   "Au moment où la nuit est tombée, une autre voiture de couleur noire

 18   est arrivée, que le général Ratko Mladic en ait sorti, vêtu en noir, et que

 19   Milosevic l'avait manifestement appelé."

 20   Vous dites : "J'ai laissé Mladic parler. Je voulais connaître son

 21   état d'esprit."

 22   Ensuite, vous poursuivez, vous décrivez ce que vous nous avez dit

 23   dans votre déposition.

 24   Je voudrais que vous examiniez le bas de cette page, parce que vous

 25   faites un commentaire.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  "Il est question de confrontation permanente, et dans un état d'esprit

 28   quasiment moyenâgeux."

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  1   Est-ce que vous parlez des positions de Mladic ?

  2   R.  Oui, c'était à l'époque l'impression que donnait le général Mladic. Il

  3   se présentait comme une espèce de seigneur moyenâgeux. C'est en tout cas la

  4   façon dont moi, j'ai interprété l'état d'esprit du général Mladic, parce

  5   que c'était la position qui semblait être la sienne à l'égard de l'histoire

  6   de son peuple et la position de ce dernier.

  7   Q.  Par rapport à cet état d'esprit particulier, est-ce que ce 7 juillet

  8   vous êtes arrivé à faire une estimation assez précise des questions les

  9   plus importantes qui se posaient ?

 10   R.  Non, il n'y a pas grand-chose à dire de ce point de vue. Lorsque nous

 11   avons parlé, je pense qu'il s'agit des pages 53 et 54, il voulait un

 12   cessez-le-feu, ce qui était compréhensible puisqu'il tenait 70 % du

 13   territoire. Il voulait avoir des contacts avec le commandement de l'ABiH,

 14   afin d'avoir des pourparlers directs entre militaires. C'était impossible

 15   pour différentes raisons. J'ai fait valoir ceci auprès de lui, ainsi

 16   qu'auprès du président Milosevic, parce que j'avais passé un certain temps

 17   auprès du président Milosevic avant cela en attendant de voir si Mladic

 18   allait venir ou non. Il fallait qu'il y ait une accalmie des combats sur le

 19   terrain, qu'il n'y ait aucun combat, aucune poursuite des combats, parce

 20   que ces derniers étaient susceptibles de faire capoter le processus

 21   politique.

 22   J'ai également souligné à son attention la nécessité de faire preuve de

 23   mesures et de retenue sur le terrain pour les militaires. J'ai fait valoir

 24   qu'il était inhumain de poursuivre, de resserrer l'étau sur Sarajevo. Il

 25   n'a pas soulevé d'objection, mais a posé une question concernant les

 26   Nations Unies, si je me souviens bien. Il ne cessait d'y revenir.

 27   Q.  Alors, c'est assez intéressant parce que vous dites qu'il n'a pas

 28   soulevé d'objection. A-t-il indiqué qu'il était d'accord avec votre

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  1   évaluation générale de la situation par rapport à la nécessité d'un cessez-

  2   le-feu ou d'un arrêt des hostilités ? Je parle de vos échanges verbaux et

  3   de la nécessité d'un arrêt des opérations militaires. Est-ce que vous avez

  4   eu l'impression le 7 que Mladic était sur le point d'arrêter tout cela ?

  5   R.  Je crois qu'il tenait 70 % du terrain. Je n'en suis pas tout à fait sûr

  6   à cette étape, mais en tout cas nous étions à un tournant de la guerre, et

  7   un autre élément qui était très présent dans la discussion était le fait

  8   que la Republika Srpska souffrait des conséquences des sanctions, du

  9   dispositif des sanctions de la Drina. Elle était également confrontée à des

 10   dissensions au sein de la population, et il avait beaucoup de mal à réunir

 11   les effectifs nécessaires pour assurer la défense le long de toutes les

 12   lignes qu'il tenait. Il essayait même de faire venir des recrues de

 13   Yougoslavie, parce que ses lignes étaient longues. La Republika Srpska

 14   était sous pression et tout à fait disposée à accepter un cessez-le-feu, ne

 15   serait-ce que pour consolider sa position, pour pouvoir maintenir le

 16   contrôle sur le territoire gagné au cours de la première année de la

 17   guerre. Toutefois, comme j'ai déjà dit il y a eu un tournant dans la guerre

 18   à ce moment-là et il a vu que les événements et l'évolution de la guerre

 19   prenaient une direction différente. Donc, ce qu'il a dit d'un point de vue

 20   militaire est tout à fait logique.

 21   Q.  Après votre entrevue du 7, à la fois avec Milosevic et Mladic, si je

 22   comprends bien, vous avez quitté la région pour un certain temps, et le

 23   samedi 8 juillet vous avez pris un vol pour quitter cette région.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  A ce moment-là, vous avez eu toute une série de discussions avec

 26   différentes personnes, des entrevues en fait. Je pense, par exemple, à

 27   celle avec Richard Holbrooke. Je ne sais pas si l'une de ces entrevues est

 28   peut-être cruciale par rapport aux débats que nous avons, mais essayons de

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  1   maintenir l'ordre chronologique de ces événements.

  2   Il y a eu un certain nombre de discussions qui ont eu lieu concernant

  3   le statut de la FORPRONU et la participation, ou plutôt la poursuite de la

  4   participation de la FORPRONU aux activités de la communauté internationale

  5   dans la région.

  6   R.  Je dois me référer aux deux premières phrases de la page 55, qui

  7   parlent précisément de cette date du 8 juillet. Il y avait eu un rapport de

  8   la FORPRONU à Zagreb et du quartier général des Nations Unies à New York.

  9   C'est un fax qui est arrivé qui était un rapport régulier des Nations Unies

 10   à cette date particulière, et cela n'avait rien à voir avec moi. Je suis

 11   simplement au courant de ce fait.

 12   Q.  Vous remarquez aussi qu'à la page 54 en bas de page il y a cette notion

 13   d'une menace d'un retrait de la FORPRONU.

 14   M. HARMON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je ne

 15   suis pas d'accord avec cette façon de procéder. Tout un chacun est en

 16   mesure de lire cet ouvrage, qui est par ailleurs intéressant.

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 18   M. HARMON : [interprétation] Donc, peut-être que Me Guy-Smith pourrait

 19   procéder de la façon qui est habituelle et se référer à l'ouvrage si

 20   vraiment le témoin a besoin de raviver ses souvenirs, plutôt que de se

 21   contenter de parcourir l'ouvrage.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien. Je vais revenir à la façon

 23   habituelle de procéder.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Bildt, si

 25   vous pouvez vous reportez à l'écran. Page 26, ligne 13, je ne suis pas sûr

 26   que votre réponse ait bien été consignée.

 27   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors la page 26 vient de disparaître

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  1   de l'écran, mais quand vous parlez de deux phrases de la page 55, qui

  2   concernent précisément cette date du 8 juillet à laquelle il y a eu un

  3   rapport de la FORPRONU de Zagreb au quartier général des Nations Unies,

  4   est-ce que c'est bien ce que vous nous avez dit ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit qu'il s'agissait d'un rapport

  6   régulier des Nations Unies. Pour une raison ou pour une autre j'ai indiqué

  7   cela dans mon journal, mais je me suis vu poser une question qui se

  8   référait à l'ouvrage. C'est pourquoi je m'y suis référé moi aussi.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 10   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, pourrions-nous mettre de côté

 12   votre ouvrage et vous demander de répondre autant que possible aux

 13   questions de Me Guy-Smith et si vraiment vous avez besoin de votre ouvrage

 14   pour raviver vos souvenirs, très bien, mais dans ce cas-là, tout un chacun

 15   doit savoir indiquer clairement que vous passez à l'ouvrage pour vous y

 16   référer.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 18   Q.  Je vais maintenant avancer à la date du 11 juillet. Est-ce qu'il serait

 19   utile pour vous de vous référer à votre ouvrage ou est-ce que vous avez un

 20   souvenir suffisamment précis de cette date ?

 21   R.  Mes souvenirs ne sont pas suffisamment précis par rapport à ce que je

 22   pourrais dire concernant cette date. En revanche, ce que contient l'ouvrage

 23   est bien plus fiable puisque l'enchaînement chronologique des événements y

 24   est consigné de façon beaucoup plus détaillée.

 25   Q.  En gardant ceci à l'esprit, passons à la date du 11 juillet, est-ce que

 26   vous vous rappelez qui vous accompagnait et quel était le point d'origine

 27   et la destination de votre voyage ?

 28   R.  Je ne m'en souviendrais pas si je n'avais pas relu mon livre

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  1   aujourd'hui.

  2   Q.  Très bien. Alors compte tenu du fait que vous avez relu votre ouvrage

  3   aujourd'hui, est-ce qu'une fois que vous avez ainsi ravivé vos souvenirs

  4   vous pouvez répondre ?

  5   R.  Oui. Je quittais Genève pour me rendre, je crois, à Strasbourg où des

  6   réunions avaient été prévues. Et il s'agissait d'une réunion au niveau

  7   présidentiel sur différentes questions qui n'avaient rien à voir avec la

  8   guerre en Bosnie. Plus tard, j'ai rencontré le président Chirac, il avait

  9   une réunion avec le ministre des Affaires étrangères de la Bosnie, M.

 10   Sacirbegovic.

 11   Q.  Et le 11 juillet, quelles informations aviez-vous reçues, si vous en

 12   aviez reçues, concernant la situation qui prévalait à Srebrenica d'un point

 13   de vue militaire ?

 14   R.  Bien, pendant cette journée du 11, pendant nous étions à Strasbourg et

 15   à cette session du parlement européen, des informations sont arrivées

 16   concernant la chute de Srebrenica et le fait que la situation s'envenimait

 17   depuis vendredi. Si je me souviens bien, c'était la situation qui

 18   prévalait, mais en tout cas c'est assez facile de le vérifier en consultant

 19   le calendrier. Je me rappelle avoir envoyé un message au président

 20   Milosevic à la date du 10, il me semble, un message qui lui était adressé

 21   directement, lui indiquant qu'il devait être au courant de toute évolution

 22   de la situation à Srebrenica et des conséquences négatives qu'elle pouvait

 23   avoir.

 24   Q.  Par rapport à ce qui vous avait été dit par le général Mladic le 7

 25   juillet, concernant l'évolution de la situation sur le terrain et la

 26   poursuite des opérations militaires, comment avez-vous interprété les

 27   déclarations du général Mladic datant du 7 une fois que vous étiez à la

 28   date du 11 et que vous aviez appris que les opérations militaires s'étaient

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  1   poursuivies ?

  2   R.  Je n'ai rien interprété. J'ai simplement utilisé des notes.

  3   Q.  Vous avez utilisé des notes ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Lorsque vous dites que vous avez simplement relevé cela, qu'est-ce que

  6   vous avez relevé concernant les déclarations faites par le général Mladic à

  7   votre intention ?

  8   R.  Eh bien, que manifestement des choses se passaient sur le terrain.

  9   C'est pourquoi nous avons envoyé ce message, ou que j'ai envoyé ce message

 10   au président Milosevic et c'était un avertissement tout à fait clair à la

 11   date du 10. Je m'en souviens très bien.

 12   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] M. le général Mladic est-ce qu'il vous

 13   a donné quelques assurances ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois ne pas avoir mentionné d'assurances ?

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien d'accord. Alors pouvez-vous

 16   répéter votre question.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 18   Q.  Bien, pour revenir au 7, pour revenir à votre réponse précédente, après

 19   la réunion avec Mladic le 7, vous êtes sorti de cette réunion avec des

 20   assurances reçues par Mladic, à savoir qu'il n'y aurait pas d'autres

 21   activités militaires ?

 22   Je comprends bien votre analyse lorsque vous dites qu'il tenait 70 % de la

 23   région.

 24   R.  Non. En fait je n'avais pas de telles assurances.

 25   Q.  Sur la base des conversations que vous avez eues avec Mladic, vous vous

 26   sentiez à l'aise, à savoir, enfin, vous aviez des assurances à savoir qu'il

 27   n'y aurait pas d'autres activités militaires ?

 28   R.  Non, absolument pas. La situation se détériorait tous les jours dans

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  1   différentes parties du théâtre des opérations, dans différentes régions du

  2   théâtre des opérations. Donc je n'avais absolument aucune assurance. Je

  3   crois qu'à partir du mois de mai ou du mois de juin, la situation militaire

  4   politique se détériorait rapidement. Donc je n'avais aucune assurance. Je

  5   n'étais absolument pas confiant que les choses allaient s'améliorer. Nous

  6   ne nous sentions pas du tout comme si les choses allaient s'améliorer du

  7   tout et les choses vraiment allaient de mal en pis tous les jours.

  8   Q.  Pour ce qui est de la situation le 11, est-ce qu'un nouveau facteur

  9   était entré dans l'équation pour ce qui est de la réponse internationale

 10   concernant les attaques de Mladic lancées contre Srebrenica ? Et maintenant

 11   je fais référence à l'OTAN ou à l'emploi de soutien aérien de quelque type

 12   que ce soit.

 13   R.  Bien, effectivement, la chute de Srebrenica a changé bien sûr le tout,

 14   a changé l'équation au complet, car c'était la première fois qu'une enclave

 15   avait fait l'objet d'une attaque. Et c'est certain que ceci avait des

 16   répercutions militaires et politiques, et la situation humanitaire était

 17   bien pire qu'on le pensait à l'époque, c'était en fait terrible. Srebrenica

 18   avait fait l'objet de préoccupations très sérieuses et déjà en 1993, et

 19   lorsque la zone de sécurité avait été établie. Donc c'était en fait une

 20   érosion encore plus importante de la situation.

 21   Q.  Permettez-moi maintenant de revenir un peu en arrière. Avant d'accepter

 22   ce poste qui était soit enviable ou pas enviable, ça laisse à dépendre,

 23   bien sûr, en regardant en arrière, mais en s'agissant de la situation sur

 24   le terrain à partir de 1993, est-ce que l'on vous avait briefé, est-ce que

 25   l'on vous avait informé de la situation ?

 26   R.  En fait, on m'avait informé de la situation politique, effectivement,

 27   c'est vrai, mais je n'avais pas vraiment de briefing sur la situation sur

 28   le terrain.

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  1   Q.  Mais est-ce que vous aviez des informations, à savoir que dans les

  2   années auparavant, du point de vue militaire et du point de vue

  3   humanitaire, qu'il y avait une crise ?

  4   R.  En Bosnie ?

  5   Q.  Oui.

  6   R.  Bien, j'étais le premier ministre de mon pays, vous savez. J'avais

  7   reçu, effectivement, environ 150 000 réfugiés. Je les recevais de façon

  8   quotidienne. J'ai essayé de défendre leurs droits dans mon pays pour leur

  9   permettre de venir, d'être acceptés. Donc, je connaissais très bien la

 10   situation en Bosnie, et je savais que le pays avait de graves problèmes,

 11   bien sûr.

 12   Q.  Je voudrais simplement m'assurer que l'on se comprenne tout à fait

 13   bien, non pas seulement concernant le niveau d'évolution pour ce qui est de

 14   la situation et de la complexité de la situation, mais je voulais

 15   simplement savoir si vous connaissiez l'histoire de la région à l'époque,

 16   est ce que vous aviez compris ce dont vous deviez juger lorsque les

 17   événements se déroulaient sur le terrain, et ces événements qui se

 18   détérioraient de façon rapide. C'est ce que je voulais savoir.

 19   Maintenant pour ce qui est du 11 juillet, vous a-t-on fait quelque demande

 20   que ce soit en vous demandant d'employer un soutien aérien en réaction de

 21   la prise de Srebrenica par Mladic ?

 22   R.  Non. Pas à mon souvenir. Pourquoi devrait-il me le demander ? Je

 23   n'avais absolument pas de soutien aérien qui m'appartienne. Je n'avais pas

 24   d'avions à moi.

 25   Le commandement, la chaîne de commandement des Nations Unies était à

 26   l'intérieur des Nations Unies et je ne faisais pas partie des Nations

 27   Unies. Il y avait M. Akashi, M. Smith, c'est à eux qu'il aurait fallu

 28   s'adresser. En fait, il y avait une autre chaîne de commandement qui était

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  1   complètement séparée. Il y avait la chaîne de commandement de l'OTAN et la

  2   chaîne de commandement des Nations Unies, mais je ne faisais pas partie de

  3   ces deux chaînes de commandement.

  4   Q.  Vous avez mentionné que le 11 vous avez rencontré Muhamed Sacirbey,

  5   l'ancien premier ministre Sacirbey. Est-ce que vous avez reçu quelque

  6   indication que ce soit de sa part, à savoir quelle était sa réaction à la

  7   chute de Srebrenica ?

  8   R.  Nous avons passé -- c'était une toute petite réunion, elle était très

  9   courte, nous avons passé la majeure partie de la réunion à parler dans une

 10   grande mesure du besoin de faire entrer l'aide humanitaire. Il y avait un

 11   très grand nombre de personnes, il fallait les aider, il fallait, en fait,

 12   les aider à sortir. Cela a fait l'objet d'autres discussions subséquentes

 13   que j'ai eues avec le président Izetbegovic, car il s'agissait d'une

 14   question, bien sûr, quelque peu sensible, n'est-ce pas, car il fallait les

 15   aider dans l'évacuation. C'était effectivement principalement ce qui a été

 16   discuté.

 17   Q.  Nous avons entendu certains témoignages selon lesquels vous auriez dit

 18   à une personne le jour de la chute de Srebrenica, que Srebrenica, Zepa et

 19   Gorazde n'allaient pas être défendus s'ils allaient faire l'objet d'une

 20   attaque.

 21   J'aimerais vous demander si vous avez jamais fait de telle

 22   déclaration ?

 23   R.  Non. A l'époque, Srebrenica était déjà tombée. Donc je n'aurais pas pu

 24   faire de telle déclaration puisque l'événement s'était déjà déroulé.

 25   Pour ce qui est maintenant de Gorazde, bien sûr, nous avons essayé de

 26   défendre ou nous avions menacé de défendre, nous avons essayé au moins de

 27   défier l'attaque de tous nos moyens. Mais c'est une autre histoire, bien

 28   sûr, Zepa. Maintenant, comme il a été question lors des conversations avec

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  1   Milosevic et Mladic le 7, il était très clair dans les messages que je leur

  2   ai envoyés qu'ils devaient respecter les droits, si vous voulez appeler

  3   ainsi, donc les droits des habitants de l'enclave -- des enclaves. Mais

  4   Sarajevo était également une enclave, il ne faut pas l'oublier. Sarajevo

  5   était une ville très isolée, et il ne faut pas non plus oublier Bihac, qui

  6   était un endroit très isolé également.

  7   Q.  Très bien. Merci. Je comprends. Pour ce qui est des échanges que vous

  8   avez eus avec M. Sacirbey, est-ce qu'il vous a dit que Srebrenica était ou

  9   vous a-t-il dit que Srebrenica n'était pas un problème ?

 10   R.  Bien, il est certain que Srebrenica était un problème. Srebrenica

 11   représentait un énorme défi pour la communauté internationale. Je me

 12   rappelle que 30 ou 40 000 personnes vivaient dans des situations absolument

 13   effroyables. Il s'agissait d'une situation humanitaire terrible, et il y

 14   avait d'autres problèmes associés à cette dynamique, à cette situation de

 15   Sarajevo. Il y avait également un énorme problème quant aux renforts des

 16   forces des Nations Unies. Comme vous le savez, les forces des Nations Unies

 17   n'avaient pas été envoyées depuis assez longtemps, donc il y avait une

 18   pénurie de presque tout. Donc c'était vraiment l'un des problèmes

 19   principaux également.

 20   Q.  Concernant les négociations de paix pour ce qui est de Srebrenica, vous

 21   a-t-il communiqué sa position pour ce qui est de ce qui se passerait une

 22   fois que la paix aurait été atteinte ?

 23   R.  De nouveau, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai peu

 24   de souvenirs de ceci. Mais je sais que dans le livre, j'en parle, mais je

 25   n'ai pas de souvenirs vraiment très clairs dans mon esprit.

 26   Q.  Très bien. Alors, prenez votre livre, je vous prie.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Consultez-le et dites-nous à quelle page faites-vous référence.

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  1   R.  Je crois qu'il s'agit de la page 56 --

  2   Q.  Peut-être 57.

  3   R.  Voilà, je crois qu'il faudrait consulter la page 57, effectivement.

  4   Oui, effectivement, ici, j'en parle. Je parle de sa réaction, et j'ai

  5   mentionné qu'il était encore plus calme que moi. Peut-être avait-il

  6   connaissance de la situation sur le terrain mieux que moi. Il dit qu'il

  7   savait qu'un accord de paix voudrait dire une perte de l'enclave.

  8   Il a demandé que l'assistance active lui soit donnée afin de pouvoir

  9   l'aider dans cette situation très difficile. Moi, je lui ai dit que je lui

 10   promettrais de faire le meilleur dans mon pouvoir.

 11   Q.  Je vous remercie.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Et je remarque l'heure, Monsieur le

 13   Président.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Il faudrait prendre une

 15   pause maintenant et nous allons reprendre nos travaux à 13 heures 45.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que c'est vraiment nécessaire ?

 17   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous savez, le personnel est là depuis

 18   ce matin. Donc il faudrait leur accorder une pause pour le déjeuner.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, j'ai des préoccupations vraiment

 20   urgentes -- je suis très heureux d'être parmi vous, bien sûr, mais j'ai un

 21   engagement très important en Suède, il s'agit d'un engagement

 22   gouvernemental, et donc je dois absolument être en Suède le plus tôt

 23   possible.

 24   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous savez, nos bandes durent une

 25   heure 30 et, vous savez aussi nous faisons toujours une pause après une

 26   heure 30. Il faut permettre au personnel également d'apporter des

 27   corrections au compte rendu d'audience, à la sténotypiste et à son

 28   personnel, bien sûr. Donc c'est la façon dont nous fonctionnons,

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  1   malheureusement. Il y a toujours une pause après une audience d'une heure

  2   et demie.

  3   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 15.

  4   --- L'audience est reprise à 14 heures 14.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

  6   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Q.  Monsieur Bildt, avant que nous ne reprenions, je souhaite signaler

  8   qu'on m'a demandé de parler plus distinctement et plus lentement, et on

  9   vous demande la même chose. On vous demande de parler vous aussi plus

 10   lentement, parce que vous avez tendance à accélérer. Donc, si nous pouvions

 11   garder ceci à l'esprit, ce serait dans l'intérêt de tous, parce que nous

 12   aurions également un compte rendu d'audience plus complet et tout un chacun

 13   en serait plus satisfait.

 14   Alors, je voudrais vous demander si vous avez jamais participé à des

 15   pourparlers ou si vous avez pris langue avec qui que ce soit concernant un

 16   échange éventuel des enclaves orientales contre Sarajevo en tant que partie

 17   intégrante du processus de paix.

 18   R.  Non. Pour ce qui concerne les enclaves orientales, non. Manifestement,

 19   il y avait eu beaucoup de discussions portant sur les questions

 20   territoriales. Je vous rappellerais qu'on m'a fait intervenir à partir du

 21   début juin 1995, et j'étais chargé de négocier certains aspects politiques

 22   de la question. Je n'avais pas mandat pour me pencher sur les questions

 23   territoriales, et je ne l'ai pas fait. Ces questions territoriales sont

 24   venues sur le devant de la scène quand on approchait des accords de Dayton,

 25   il a été question de mettre au point une carte. Je veux dire, sur le

 26   principe de 49-51, et cela a fait l'objet de pourparlers assez intenses à

 27   Dayton.

 28   Cela a été le cas, mais ça ne me concernait pas directement. Il y a

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  1   également eu ensuite une tentative américaine de présenter une carte

  2   provisoire à laquelle je n'ai jamais participé.

  3   Q.  Nous avons également entendu des témoignages concernant cet échange

  4   éventuel des enclaves orientales contre Sarajevo, qu'un contact a été pris

  5   à cet effet. Il a été avancé que vous auriez pris contact avec cette

  6   personne concernant cet éventuel échange des enclaves orientales contre

  7   Sarajevo.

  8   Alors, s'agit-il d'une affirmation exacte, que vous ayez pris contact

  9   avec qui que ce soit ?

 10   R.  Qui aurais-je été censé contacter ?

 11   Q.  Je vais vous reposer la question. Pendant la période au cours de

 12   laquelle vous avez participé à des négociations portant sur un accord de

 13   paix, vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec toute une série de

 14   personnes que vous avez évoquées.

 15   Alors je suis ici lié par certaines règles de procédure concernant la

 16   mention explicite de certains noms. Donc la question que je me dois de vous

 17   poser est la suivante : est-ce que vous avez le moindre souvenir d'avoir

 18   jamais eu affaire avec qui que ce soit qui appartenait à la Republika

 19   Srpska, au sens où vous auriez pris contact avec cette personne concernant

 20   un échange éventuel des enclaves orientales contre Sarajevo ? Commençons

 21   par cela, et puis nous avancerons étape par étape.

 22   R.  Eh bien, comme je l'ai dit, pendant cette période particulière, nous

 23   n'avions pas du tout de contact de cette nature.

 24   Q.  Oui.

 25   R.  Pas de contact avec --

 26   Q.  Alors vous parlez de la partie bosnienne, est-ce que vous n'avez jamais

 27   approché les représentants de la partie de la Bosnie-Herzégovine concernant

 28   cette même question ?

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  1   R.  Et bien, comme j'ai dit, je me concentrais sur les questions politiques

  2   au titre de mon mandat. Alors que les questions territoriales ne faisaient

  3   pas partie de mon mandat. Elles ont été laissées de côté pour ensuite

  4   apparaître plus tard.

  5   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, c'est le 41, 49 [comme

  6   interprété].

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Quant à la façon de mettre en œuvre cet aspect

  8   particulier, ça a fait l'objet pour une large part des accords de Dayton,

  9   des négociations de Dayton.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 11   Q.  Très bien. Alors je voudrais aborder la question du 14 juillet. Est-ce

 12   que vous vous rappelez aujourd'hui de la position où vous vous trouviez le

 13   14 juillet 1995 ?

 14   R.  Eh bien, je suis arrivé à Belgrade, je ne sais plus exactement d'où,

 15   pour rencontrer ultérieurement le président Milosevic. J'avais toute une

 16   série de réunions prévues avec lui, réunions qui étaient assez fréquentes

 17   au titre du processus de négociation, donc c'était la réunion suivante

 18   prévue avec le président Milosevic, le vendredi 14 juillet.

 19   Q.  Et concernant cette réunion du 14 juillet, pourriez-vous nous dire qui

 20   d'autre était présent ?

 21   R.  Il y a eu plusieurs réunions pendant les journées du 14 et du 15, et je

 22   ne vais peut-être pas être en mesure de me souvenir de l'enchaînement exact

 23   de ces différentes réunions. Mais je crois que cette journée a commencé

 24   avec différentes réunions de diplomates à Belgrade, puis et avec des

 25   contacts également avec Washington et d'autres capitales. Et nous étions

 26   dans une situation tout à fait différente, puisqu'il fallait aborder la

 27   question de la chute de Srebrenica. Donc c'était une question d'envergure

 28   internationale, mais je suppose que ma rencontre avec le président

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  1   Milosevic --

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, comme vous pouvez

  3   le voir, à l'écran, on vous demande de parler plus près du micro. Je vous

  4   remercie.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Et de ralentir, oui, excusez-moi.

  6   Alors donc les 14 et 15 juillet, j'ai eu différentes réunions

  7   diplomatiques. J'ai également eu des contacts avec Washington parce que la

  8   situation qui se présentait après la chute de Srebrenica était radicalement

  9   différente. Ensuite il y a eu la réunion que j'ai eue avec le président

 10   Milosevic, je crois que c'était à Dobanovci, comme d'habitude. Et à mon

 11   sens, il n'y avait personne d'autre pour la partie yougoslave. Je ne m'en

 12   souviens pas en tout cas, en dehors des individus que nous avons déjà

 13   mentionnés précédemment.

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 15   Q.  Vous parlez de ce Goran, n'est-ce pas, que vous avez évoqué ?

 16   R.  En effet. Et s'il y avait eu quelqu'un d'autre, je pense que je m'en

 17   souviendrais. Il n'y a personne d'autre en tout cas, qui soit mentionné

 18   dans mon livre, qui aurait été présent.

 19   Ensuite, à un moment ultérieur, il y a eu de nouveau le général

 20   Mladic, puis au cours de la journée du 15, nous avons eu des réunions de

 21   suivi, bien entendu, dans le cadre d'une procédure assez complexe. Des

 22   réunions de suivi des représentants internationaux, donc M. Stoltenberg,

 23   l'envoyé spécial des Nations Unies; M. Akashi; le commandant des Nations

 24   Unies pour la Bosnie-Herzégovine, le général Rupert Smith; et un général de

 25   ma propre équipe, le général de Lapresle.

 26   Q.  Concernant ces réunions des 14 et 15 juillet, est-ce que vous

 27   vous rappelez si l'on est parvenu à un accord concernant les questions qui

 28   devaient être abordées ou au moins à des points d'accord lors de la réunion

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  1   entre le général Mladic et le général Smith ?

  2   R.  Eh bien, un accord préliminaire a été obtenu concernant la façon

  3   de procéder sur le terrain, c'était lors d'une réunion qui s'est tenue une

  4   semaine plus tard entre les généraux Mladic, Smith, qui concernait à la

  5   fois Srebrenica, pour laquelle les dispositions étaient censées entrer en

  6   vigueur immédiatement, et l'accès aux autres enclaves. C'était la première

  7   réunion entre les généraux depuis le mois de mai, au moins. Et je me

  8   rappelle que le 15, il y avait une discussion assez vive et longue entre

  9   les généraux concernant à la fois la situation sur le terrain et la façon

 10   de procéder. Il y a eu un accord préliminaire sur cette base, j'ai indiqué

 11   que cet accord devait ensuite être officialisé et je crois que c'est ce qui

 12   s'est passé lors d'une réunion qui s'est tenue une semaine plus tard, en

 13   Bosnie orientale.

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation] Pourrions-nous avoir la pièce P2369 à

 15   l'écran, s'il vous plaît.

 16   Q.  Voilà, nous avons maintenant le document à l'écran.

 17   Je voudrais vous demander d'examiner ce document, qui est un document

 18   de l'Accusation.

 19   Le document fait trois pages en tout. Alors tout d'abord, concernant

 20   la première page; est-ce que l'on voit qu'il s'agit bien ici de la réunion

 21   à laquelle vous vous êtes référé comme s'étant tenue le 15 juillet ? Ou

 22   plutôt, est-ce que vous pourriez nous dire de quelle réunion il s'agit ici

 23   parmi celles qui sont tenues le 15 juillet ?

 24   R.  Eh bien, manifestement il s'agit d'une dépêche envoyée par M.

 25   Akashi à Kofi Annan, qui était à l'époque en charge de la mission de paix

 26   dans son ensemble, à New York. Il est question d'une réunion tenue le

 27   samedi 15 juillet.

 28   Q.  Et vous, vous avez évoqué, si je ne m'abuse, une réunion longue

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  1   entre les deux généraux, le général Rupert Smith et le général Mladic. Vous

  2   avez indiqué qu'un accord informel avait été alors obtenu.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Eh bien, à la première page, la présence de Mladic est évoquée lors de

  5   ces réunions. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il en était, en tout

  6   cas, si l'on avait l'intention de rendre public ou non la présence de

  7   Mladic à ces réunions ?

  8   R.  Eh bien, il est dit, je crois, et si on passe en page 2, on le verra,

  9   dans ce document particulier que, oui, je vois. Au début, il est indiqué

 10   que l'accord intervenu lors de la réunion entre les généraux Mladic et

 11   Smith sera révélé, les questions de la date de mercredi 19 juillet. Et pour

 12   une raison ou pour une autre, ceci était lié à la situation du côté de la

 13   partie serbe qui voulait retarder le moment où tout ceci serait communiqué

 14   à l'opinion publique.

 15   Q.  Donc je lis ici qu'il a été décidé que cela ne soit pas publié,

 16   communiqué ?

 17   R.  Oui. Pour la plupart des réunions, il n'y avait pas de communiqué de

 18   presse, je dirais.

 19   Q.  Alors puisque nous en sommes à la seconde page, et je voudrais que nous

 20   regardions le haut de la page, il est dit que la situation en Bosnie-

 21   Herzégovine telle que vue de Belgrade présente un certain nombre de

 22   problèmes, je crois, alors il est dit qu'un accord informel a été obtenu à

 23   ce stade entre les généraux Mladic et Smith.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Je voudrais que nous voyions la partie qui correspond à Srebrenica.

 26   C'est le quatrième paragraphe vers le bas, où il est dit que le CICR doit

 27   se voir accorder immédiatement l'accès aux "prisonniers de guerre", afin de

 28   déterminer la situation dans laquelle ils se trouvent et de vérifier

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  1   quelles sont les procédures appliquées dans les centres de rassemblement

  2   des Serbes de Bosnie afin de déterminer si elles sont en accord avec les

  3   conventions de Genève.

  4   Alors y a-t-il le moindre élément supplémentaire que vous pourriez nous

  5   fournir concernant ce volet particulier de l'accord informel passé entre

  6   les généraux ?

  7   R.  Non. A l'exception du fait que, concernant Srebrenica, l'accord

  8   informel qui a été obtenu, et je ne sais pas s'il s'agit de ce qu'on évoque

  9   dans ce document, était censé être appliqué immédiatement. Si je m'en

 10   souviens bien, nous étions censés disposer d'un point de contact qui devait

 11   être mis en place entre les Nations Unies et la VRS pour travailler à ces

 12   questions. Et je pense que c'était le général Gvero d'un côté et que le HCR

 13   devait prendre contact avec lui, mais je ne m'en souviens pas. Le contact

 14   des Nations Unies c'était le général Gvero, je --

 15   Q. [aucune interprétation]

 16   R. [aucune interprétation]

 17   Q.  Alors je ne suis pas sûr de la pertinence de la question mais ne m'en

 18   veuillez pas, compte tenu de ce qui est indiqué ici, il s'agit de

 19   prisonniers de guerre, alors qu'est-ce que cela impliquait d'un point de

 20   vue pratique ?

 21   R.  Eh bien, vous devrez interroger le CICR à ce sujet et d'autres acteurs

 22   également parce que tout cela passait par leurs canaux propres, et je

 23   n'étais pas informé de tout. Le CICR avait un mandat qui était le sien et

 24   un rôle spécifique, il disposait de ses propres canaux et son rôle était

 25   distinct du mien, moi j'étais responsable des pourparlers politiques. A

 26   cette étape particulière, c'était le HCR qui était chargé de ces questions

 27   spécifiques suite aux pourparlers militaires. Mais manifestement, c'est le

 28   CICR aussi qui a avancé cette notion de prisonniers de guerre, qui était

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  1   d'ailleurs une question controversée, parce qu'elle dépend de la façon dont

  2   vous définissez un prisonnier de guerre.

  3   Q.  Et savez-vous quels étaient les points controversés entre les généraux

  4   Mladic et Smith ?

  5   R.  Non, je ne suis pas au courant de ces aspects-là.

  6   Q.  Très bien.

  7   R.  Il y avait des désaccords assez profonds quant à la nature de la

  8   guerre, je pense qu'il est inutile de le rappeler.

  9   Q.  En effet.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je voudrais que nous passions à la page

 11   suivante.

 12   Q.  Ce qui m'intéresse c'est la section intitulée "Arrêt des hostilités."

 13   Il est dit, je cite :

 14   "Les Serbes proposent que tous les généraux chargés du commandement au sein

 15   des parties soient invités à participer à des pourparlers en présence de M.

 16   Bildt, et ce, sur le thème de l'arrêt des hostilités, et d'un accord qui

 17   permettrait l'arrêt de ces hostilités."

 18   Lorsqu'il est question des "Serbes" ici, il est question, je suppose, des

 19   Serbes de Bosnie ?

 20   R.  Je crois que nous avons évoqué ceci précédemment. C'était une demande

 21   assez typique et récurrente de la part du général Mladic. Il tenait 70 % du

 22   territoire. Et il avait intérêt à voir la guerre cesser. Il demandait à

 23   avoir un contact direct avec le général Delic, qui était le commandant en

 24   chef de la BiH, et il voulait pouvoir s'entretenir avec lui pour parvenir à

 25   un accord, il voulait que nous agissions en qualité de médiateurs. Mais, à

 26   un moment donné il y a eu une divergence entre M. Karadzic et Mladic. Je ne

 27   sais pas sur quel point exactement, je ne sais même pas s'ils ont continué

 28   à communiquer. Mais il y a eu une divergence politique assez profonde. Et

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  1   Mladic agissait de son côté. Bien entendu, le général Delic, lui, se

  2   trouvait dans une situation complètement différente. Les détails de ces

  3   différentes questions étaient traités par la direction politique du côté

  4   bosnien, alors que du côté de la VRS, c'était Mladic qui exerçait le

  5   commandement.

  6   Q.  Lorsque vous dites que c'était la direction politique de la BiH qui

  7   s'occupait de ces détails, je suppose que vous vous référez à la direction

  8   politique à la tête de laquelle se trouvait le président Izetbegovic ?

  9   R.  Je parle de la présidence.

 10   Q.  [aucune interprétation]

 11   R.  La présidence qui était sous l'autorité du président Izetbegovic.

 12   Je pense qu'il n'y avait absolument aucune bonne raison, et il était hors

 13   de question, à mon sens, que la présidence permette des pourparlers directs

 14   entre les généraux Mladic et Delic. Bien que les Serbes aient disposé de

 15   raisons assez évidentes de vouloir obtenir ceci.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Juste une question.

 17   Etant donné les relations qui existaient entre Mladic et Karadzic, y avait-

 18   il le moindre intérêt et le moindre espoir de votre part de parvenir à un

 19   accord avec le général Mladic d'un côté et puis l'autre partie représentée

 20   par le général Delic ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne vois pas quelle question

 22   particulière aurait pu justifier cela.

 23   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ma question est un petit peu

 24   différente. Compte tenu de cette division, est-ce que cette division elle-

 25   même a constitué une justification à la poursuite de vos négociations avec

 26   Mladic en qualité de partie ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien nous n'avons pas négocié avec Mladic

 28   en tant que partie, nous avons négocié avec Milosevic. C'était lui la

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  1   partie avec laquelle nous négociions.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais il persistait à faire venir

  3   Mladic aux réunions que vous aviez ensemble ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas à toutes les réunions, non.

  5   J'ai eu des réunions nombreuses et exhaustives avec Milosevic, et là il

  6   s'agit de contacts entre les militaires du côté des Nations Unies d'une

  7   part et de la VRS de l'autre.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Et les forces des Nations Unies étaient dans

 10   une position d'intermédiaires, d'interposition. Nous savons bien qu'elles

 11   étaient dans un besoin de communication constante entre les trois armées,

 12   les trois parties qui se trouvaient sur le terrain.

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'après le document que nous avons à

 14   l'écran, Mladic intervient assez souvent. Il est présent. Il y a de

 15   nombreuses discussions entre lui et le général Smith et vous avez dit que

 16   tous les généraux qui commandaient les parties au conflit étaient censés

 17   être invités, et je crois que vous avez dit ensuite que c'était Mladic qui

 18   était à l'origine de cette demande, parce qu'il tenait 70 % du territoire,

 19   et il voulait voir la guerre cesser. Donc il me semble que c'est Mladic

 20   l'acteur principal, non ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, du côté militaire, il était du côté

 22   des Serbes de Bosnie. Mais honnêtement, nous avons vu à un moment donné les

 23   médias bosno-serbes discréditer le général Mladic en sa qualité de

 24   commandant de la VRS, ce qui reflétait bien le conflit entre Karadzic et

 25   Mladic. Et Karadzic est apparu en uniforme dans les rues de Banja Luka. Il

 26   s'est ridiculisé en faisant cela, parce que manifestement, l'armée

 27   obéissait à Mladic et non pas à Karadzic. Donc quelle était la nature

 28   exacte de leur relation, je ne le sais pas à l'époque, mais différents

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  1   documents sont à la disposition du Tribunal qui pourrait jeter la lumière

  2   sur ce point.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voulais simplement savoir ce qu'il

  4   en était par rapport à ce document et ce que vous espériez obtenir. Est-ce

  5   qu'il était le dirigeant militaire principal, qui était en mesure d'imposer

  6   sa volonté à la direction politique ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien du point de vue des acteurs militaires

  8   des Nations Unies, j'étais censé agir en qualité de facilitateur, de

  9   médiateur avec les contacts dont je disposais. Lorsque nous parlons des

 10   enclaves, par exemple, la situation était déjà extrêmement grave à

 11   Sarajevo, et Milosevic contrôlait les voies d'approvisionnement et

 12   empêchait tout réapprovisionnement de nombreuses enclaves. L'étau se

 13   resserrait autour de Sarajevo. Bien entendu, outre les préoccupations

 14   humanitaires, qui étaient les premières que nous avions à notre esprit,

 15   nous étions bien conscients du fait que la population souffrait énormément,

 16   et n'oublions pas que Sarajevo s'apprêtait à vivre le troisième ou

 17   quatrième hiver en situation de guerre. Donc, le réapprovisionnement de

 18   Sarajevo était particulièrement crucial, et je crois que c'est ce qui

 19   figure dans ce document. Mais la discussion la plus vive concernait le

 20   réapprovisionnement de Sarajevo au sujet duquel nous avions obtenu un

 21   accord consistant à rouvrir l'accès par voie de terre avec certaines

 22   restrictions puisque, jusqu'à ce stade-là, toutes les voies

 23   d'approvisionnement terrestres avaient été bloquées et les Nations Unies

 24   s'étaient retrouvées dans une dépendance complète par rapport à une seule

 25   voie d'approvisionnement qui était assez dangereuse et qui passait par le

 26   mont Igman. Elle était, par ailleurs, assez peu fiable. Donc, nous avons

 27   obtenu un accord concernant la réouverture de la route de Kiseljak.

 28   Q.  Alors --

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  1   M. HARMON : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais en page 47,

  2   ligne 10, je ne suis pas sûr que le nom de la personne ou le nom de la

  3   localité ait été correctement consigné.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pouvons-nous voir ceci, page 47, ligne

  5   10.

  6   M. HARMON : [interprétation] Oui. Il est dit, je cite :

  7   "Lorsque nous parlions des enclaves, l'enclave qui était dans la situation

  8   la plus grave était Sarajevo, et Milosevic contrôlait les lignes

  9   d'approvisionnement."

 10   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 12   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]   

 13   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai remarqué également de quoi il

 14   s'agissait.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 16   Q.  Le Président est revenu sur les rapports qu'entretenaient Milosevic et

 17   Mladic --

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pensais que vous poseriez une

 19   question concernant les rapports entre Mladic et Karadzic, et non pas

 20   Milosevic. C'était la question que je posais.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, excusez-moi.

 22   Q.  Puisque le Président vous a posé une question concernant les rapports

 23   entre Karadzic et Mladic, je voudrais vous demander si à la date du 14,

 24   vous disposiez du moindre élément vous indiquant quelle était la capacité

 25   dont pouvait disposer Milosevic en matière de contrôle exercé sur Mladic,

 26   quelle était sa capacité à contrôler Mladic ?

 27   R.  Eh bien, le terme de "contrôle" est assez délicat à utiliser ici. Je me

 28   rappelle qu'il y avait une question d'approvisionnement en munitions et

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  1   qu'il n'était pas en mesure d'exercer ce type de contrôle. En tout cas,

  2   nous avions à faire parvenir une partie de l'aide humanitaire à Sarajevo,

  3   et je parle des vivres et de tout le reste qui était nécessaire à

  4   l'approvisionnement. La population était dans une situation extrêmement

  5   difficile, et l'approvisionnement des forces de l'ONU était également

  6   nécessaire. Je ne me rappelle pas de combien de milliers de personnes il

  7   s'agissait, mais en tout cas, il s'agissait d'un effectif particulièrement

  8   important, et la question numéro un était celle des munitions. Ils étaient

  9   à court de certains types de munitions.

 10   Mladic avait accepté la réouverture de certaines voies d'approvisionnement,

 11   mais il ne permettait pas que certains types de munition soient fournis. Je

 12   crois que ça figure quelque part à l'intérieur de mon ouvrage. Je ne me

 13   rappelle pas exactement mais je crois que certains mortiers et des pièces

 14   d'artillerie lourdes avaient été déployées. Ces pièces avaient été

 15   déployées et avaient eu des effets dévastateurs sur ses troupes, et il ne

 16   voulait pas que ce type de pièces puisse être réapprovisionné en munitions,

 17   ce qui était tout à fait logique, de son point de vue.

 18   Alors, nous, de notre côté, nous ne pouvions qu'insister sur la présence

 19   des Nations Unies et les besoins qui étaient les nôtres, mais à un moment

 20   donné, je crois que Milosevic a essayé d'en parler à Mladic en lui disant

 21   qu'il devait donner son accord sur ce point en disant que la situation

 22   était telle qu'il fallait donner son accord. Et je ne peux pas vous dire

 23   quelle a été l'issue de ce problème particulier parce que cela n'a pas fait

 24   nécessairement l'objet de réunions ultérieures entre les généraux Rupert

 25   Smith et Mladic.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais est-ce que c'était Milosevic qui

 27   avait donné un ordre, en quelque sorte, à Mladic, que ce dernier exécutait,

 28   ou c'était un point de négociation.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, Milosevic avait dit qu'il convenait

  2   d'accepter. Il y avait cependant des limites à cela.

  3   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

  4   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  5   Q.  Eh bien, j'ai repris après que le Président vous a posé la question, et

  6   votre première réponse était négative. Vous avez dit, et la question

  7   n'apparaît pas au compte rendu, en fait -- ou plutôt, le Président vous a

  8   demandé si le président Milosevic donnait un ordre à Mladic que ce dernier

  9   exécutait. Je vous ai entendu répondre non, n'est-ce pas ?

 10   R.  Eh bien, je ne sais plus ce que j'ai dit exactement à ce moment-là mais

 11   je ne parlerai pas de négociations sur ce point en particulier. Il

 12   s'agissait d'un sujet qui était abordé dans des conversations entre les

 13   deux hommes. J'avais des informations assez limitées sur ce point, et je

 14   pourrai dire que Milosevic savait se montrer assez ferme à son égard, mais

 15   je ne sais pas exactement comment cela s'est passé.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous vous rappelez quelle a

 17   été la réponse donnée par Mladic suite à cette affirmation ou cette prise

 18   de position de Milosevic selon laquelle Mladic devait permettre le

 19   réapprovisionnement en armes ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas de façon très claire, mais en fait,

 21   Mladic refusait cette option.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, cela n'a pas eu lieu, n'est-ce

 23   pas ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, ce qui s'est passé exactement

 25   quelques semaines plus tard lors de la réunion entre les généraux Smith et

 26   Mladic, je l'ignore. Est-ce qu'il y a eu réapprovisionnement en munitions,

 27   je ne sais pas. Cela aurait changé la donne, c'est certain.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne le savez pas parce que -- vous

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  1   ne savez pas ce qui a changé la situation mais vous étiez sur place et cela

  2   n'a pas eu lieu, n'est-ce pas ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  6   Q.  Compte tenu du nombre d'échanges, je crois qu'il est tout à fait

  7   raisonnable de dire qu'il y avait des limites à ce que Milosevic pouvait

  8   obtenir de Mladic, n'est-ce pas ?

  9   R.  Eh bien, pour moi, il est très difficile de faire une déclaration

 10   générale sur ce point, c'est une relation très complexe qu'ils

 11   entretenaient sur le plan politique. Je ne peux que me référer à ces deux

 12   réunions auxquelles j'ai participé où les deux hommes étaient présents en

 13   même temps.

 14   Q.  Est-ce que vous vous souviendriez peut-être mieux de ces événements si

 15   nous ouvrions la page 62 de votre ouvrage : "En termes généraux…"

 16   R.  Oui, oui. Maintenant, je le lis. C'est dans les grandes lignes ce que

 17   j'ai dit en employant peut-être une langue plus littéraire.

 18   Q.  Donc, est-ce que vous vous souvenez, eu égard à ceci, que par rapport à

 19   ces discussions, Milosevic a apporté son aide ?

 20   R.  A l'époque, ce qui intéressait Milosevic, il souhaitait que -- mon

 21   avis, permette de parvenir à une résolution rapidement pour quelques

 22   raisons que je n'ai pas abordées. Il savait qu'il y avait une réaction

 23   internationale forte à la chute de Srebrenica et, bien évidemment, c'était

 24   tout dans son intérêt de m'aider à modérer ceci et à modérer la réaction

 25   internationale. Donc c'était utile dans ce sens où il a facilité cela. Vous

 26   voyez cette pièce. Et une question tout à fait différente, comment ceci est

 27   entré en vigueur. Ça c'est une autre histoire et concerne d'autres faits.

 28   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Bildt, veuillez le lire, s'il

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  1   vous plaît, si c'est un passage court, page 62, parce que nous ne disposons

  2   pas d'un exemplaire de votre livre.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, j'en suis désolé.

  4   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas un problème.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que Milosevic nous a aidés dans ces

  6   discussions.

  7   "Il savait combien la question de Sarajevo était sensible aux yeux de

  8   l'opinion internationale, mais il y avait des limites sur ce qu'il pouvait

  9   imposer à Mladic. Lorsque Milosevic m'a rejoint pour qu'il accepte une

 10   entière libération de Sarajevo, et il a frappé son poing sur la table, et a

 11   dit qu'il n'accepterait jamais de faire venir des munitions que les forces

 12   des Nations Unies pourraient utiliser contre ses soldats. Et effectivement,

 13   les soldats des Nations Unies à Sarajevo ont commencé à lancer une contre-

 14   offensive. Les obus français ont touché leurs cibles et ont été mortels…"

 15   C'est dans les grandes lignes, ce que j'ai dit.

 16   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 18   Q.  Vous avez dit que Milosevic est tout à coup resté silencieux et a

 19   commencé à frapper son poing sur la table.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je souhaite maintenant passer de ce moment-là. Nous avons un problème,

 22   mais je crois que nos voix se sont chevauchées. Je souhaite simplement

 23   m'assurer que le compte rendu soit clair à la ligne 11. Nous avons commencé

 24   à parler en même temps.

 25   Et j'ai dit : "Vous dites que Milosevic a tout à coup gardé le silence et a

 26   battu en retraite de façon discrète". Je crois que c'était votre réponse,

 27   mais vous dites que ceci est dans un style littéraire. Je paraphrase vos

 28   propos. C'est cela le sens de ce que vous avez dit par rapport à ces

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  1   passages-là de la conversation.

  2   Je vais vous demander de répondre, parce qu'un hochement de la tête est

  3   quelque chose qui ne peut pas être consigné.

  4   R.  Oui, pardonnez-moi.

  5   Q.  Merci. Bien, alors je souhaitais maintenant passer à la date du 19

  6   juillet.

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avant que vous ne passiez à cette

  8   question, M. Bildt n'a pas également indiqué que Mladic a frappé la table

  9   de son poing ?

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] Et ceci n'a pas été retranscrit non plus ?

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ceci a peut-être disparu, mais je ne

 12   l'ai pas vu.

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Cela figure au compte rendu.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 16   Q.  Alors je vais passer à la date du 19 juillet. Vous souvenez-vous de

 17   l'endroit où vous étiez le 19 ?

 18   R.  A Belgrade, encore une fois.

 19   Q.  Et à ce moment-là, lorsque vous étiez à Belgrade, avez-vous eu

 20   l'occasion de rencontrer Mladic une nouvelle fois, ou est-ce qu'il n'y a

 21   plus eu de réunions avec le général Mladic ?

 22   R.  Ces réunions ne sont pas terminées parce que le contact a été rétabli

 23   avec les commandants militaires, donc il y avait en même temps la réunion

 24   entre Rupert Smith et le général Mladic, et les discussions sur, en quelque

 25   sorte, les questions sous-jacentes sur -- entre les militaires -- les

 26   militaires des Nations Unies, de l'ABiH, et à ce niveau-là. Et moi je ne

 27   m'occupais que des questions politiques.

 28   Q.  Bien. Alors maintenant, pour ce qui est de la situation à Srebrenica,

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  1   jusqu'à cette date, tel que nous comprenons les choses, il y a eu une

  2   attaque militaire contre l'enclave qui, d'après ce que j'ai compris, font

  3   l'objet de vives objections de votre part et de la part de la communauté

  4   internationale, est-ce exact ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Des efforts ont été déployés afin d'obtenir un cessez-le-feu ainsi que

  7   des discussions informelles qui ont eu lieu au cours desquelles un certain

  8   nombre de points ont fait l'objet d'un accord entre les deux généraux, et

  9   que ceci doit entrer en vigueur le 19 ?

 10   R.  Je ne dirai pas forcément cela. Des efforts en vue d'obtenir un cessez-

 11   le-feu, ça, manifestement, ne faisait pas partie des sujets évoqués.

 12   Le général Mladic avait indiqué qu'il souhaitait qu'une telle réunion ait

 13   lieu pour pouvoir aborder cela, mais ceci n'est pas arrivé à ce moment-là.

 14   Q.  J'entends bien. Et donc Mladic avait en effet inséré une condition

 15   suspensive indiquant qu'il n'y aurait pas de cessez-le-feu si la réunion

 16   n'avait pas lieu, parce qu'il y avait un certain nombre de raisons

 17   politiques.

 18   R.  Et en fait, son commandement n'était pas quelque chose qui

 19   prenait l'avant de la scène. Il savait également que son -- citer mon livre

 20   : Il savait que c'était quelque chose qui ne pouvait pas servir de point de

 21   départ. Nous parlons maintenant de deux semaines plus tard, où la dynamique

 22   est tout autre.

 23   Q.  J'entends bien. Je crois que c'est le lendemain que vous avez appris

 24   pour la première fois les événements que d'aucuns ont appelés les massacres

 25   de Srebrenica le 20 juillet ?

 26   R.  Les massacres de Srebrenica. Oui. Tout dépend de ce que vous

 27   voulez dire. A Srebrenica, il y a eu plusieurs événements. Il y a eu la

 28   chute de Srebrenica, il y a eu quelque chose auquel j'ai participé à ce

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  1   moment-là parce que j'ai essayé de faire sortir les gens, et c'est quelque

  2   chose essentiellement, les femmes et les enfants. Il y a des convois qui

  3   avaient été organisés, et l'accueil sur l'aérodrome de Tuzla. Toutes sortes

  4   de difficultés de savoir comment tout ceci s'est déroulé.

  5   Nous étions au courant du fait qu'il y avait une colonne qui tentait

  6   de passer. Je ne me souviens pas exactement à quel moment, comment nous

  7   avons recueilli des informations détaillées là-dessus, parce que c'était

  8   assez difficile de recueillir des informations sur ce qui se passait à

  9   l'époque. Et ensuite il y avait le fait que les hommes avaient en quelque

 10   sorte été séparés. Nous avons appris cela des femmes qui sortaient. Et,

 11   bien sûr, je crois que c'était le 20, la première indication que nous avons

 12   eue c'est que les hommes n'avaient pas été détenus, mais avaient été

 13   massacrés ou tués en grand nombre. C'était les informations parcellaires

 14   dont nous disposions à l'époque.

 15   Q.  Et cette information-là, si nous devions nous pencher sur les médias à

 16   la date du 15, où une série de points avait fait l'objet de négociations,

 17   tout ceci était contraire à tout ce à quoi vous étiez en droit de vous

 18   attendre parce qu'on avait laissé entendre qu'il y aurait un accès aux

 19   prisonniers de guerre ?

 20   R.  Je ne dirai pas qu'il y avait une "attente" à cet égard. Parce que si

 21   on utilise le terme d'"attente", cela signifie que l'on croyait tout ce

 22   qu'on nous disait. A l'époque, je ne disposais pas de toutes les

 23   informations, mais je savais déjà à ce moment-là qu'il ne fallait pas

 24   forcément prendre pour argent comptant les promesses qu'on nous faisait.

 25   Donc il n'y avait pas d'"attente". Mais cela ne nous empêchait pas

 26   d'engager différentes personnes parce que nous souhaitions obtenir quelques

 27   éléments, mais lorsque nous avons découvert que ceci n'avait pas été mis en

 28   œuvre, ce n'est pas quelque chose qui nous a énormément surpris; et qui

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  1   était -- et ma connaissance au plan des négociations précédentes me

  2   laissait comprendre que ce genre de choses s'était déjà produite. Qu'on

  3   nous promettait certaines choses et que ceci ne se réalisait pas.

  4   Q.  Je vais revenir un petit peu en arrière. Vous avez intervenu dans les

  5   négociations politiques à différents niveaux dans votre pays, sur la scène

  6   internationale depuis un certain nombre d'années maintenant. Est-il exact

  7   de dire que de façon générale pour ce qui est de la question de

  8   négociations et des déclarations qui sont faites dans un processus de

  9   négociation, ce n'est pas forcément une bonne chose que de se reposer sur

 10   tout ce qui est dit ?

 11   R.  Tout dépend de la situation. Je ne dirais pas qu'il s'agit là d'une

 12   déclaration générale.

 13   Q.  Pour ce qui est de la situation dans les Balkans.

 14   R.  Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une déclaration d'ordre général non

 15   plus, mais j'ai dit simplement qu'il ne faut pas utiliser le terme de "il

 16   faut s'attendre à" ou "il y avait des attentes à cet égard".

 17   Q.  Pour ce qui est des exposés faits par le général Mladic, est-ce que

 18   ceci s'applique dans ce cas ?

 19   R.  Comme je l'ai dit, je n'ai eu que ces deux réunions afin de faciliter

 20   d'autres contacts avec lui, donc je n'ai jamais vraiment abordé les

 21   négociations en tant que telles avec lui, mais j'ai remarqué qu'il y avait

 22   - et vous, c'est quelque chose que vous avez cité - cet accord qu'il a

 23   signé ici, je ne sais pas comment vous l'appelez, avec les commandants des

 24   Nations Unies sur le terrain, et nous sommes tous au courant de cela. Nous

 25   savons ce qu'il a promis à ce moment-là, qu'il n'a pas respecté sa

 26   promesse. Surtout eu égard à Srebrenica.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  [aucune interprétation]

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  1   Q.  Pour ce qui est de la situation à terme, les informations reçues le 20

  2   juillet concernant le massacre de Srebrenica, à ce moment-là, compte tenu

  3   de toutes les informations dont vous disposiez, la situation qui se

  4   déroulait à Srebrenica était-elle prévisible ou non ?

  5   R.  De quelle situation voulez-vous parler ?

  6   Q.  Le massacre.

  7   R.  Le massacre et le génocide, bien je crois que je l'ai écrit dans mon

  8   livre et c'est toujours mon avis sur la question, ce qui est arrivé à

  9   Srebrenica était quelque chose, même si on tient compte des conditions dans

 10   la guerre des Balkans, était quelque chose qui a provoqué un élément de

 11   surprise. C'était extrêmement violent. Mon impression du général Mladic -

 12   et je crois que ce qui vient à l'esprit, c'est quelque chose de médiéval -

 13   nous avons un concept de l'art de la guerre de faire une distinction entre

 14   les armées et la population civile. Il s'agit là des droits de la guerre,

 15   et ceci ne s'appliquait pas. Donc il y a eu des crimes de guerre

 16   épouvantables qui ont été commis pendant la guerre. Je n'ai pas besoin de

 17   le raconter ici, cela étant dit, mais même si on prend en compte ces

 18   critères-là, ce qui est arrivé à Srebrenica est quelque chose de tout à

 19   fait unique en termes de barbarité.

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La question que je vais vous poser,

 21   est-ce que c'était prévisible ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que c'est quelque chose à laquelle nous

 23   nous attendions ?

 24   Je n'ai pas de réponse à cela. Nous avons passé beaucoup de temps après --

 25   ou d'aucuns ont passé beaucoup de temps après. Je sais que beaucoup de

 26   personnes ont passé beaucoup de temps, si les renseignements étaient

 27   disponibles à ce moment-là concernant l'attaque, et la réponse logique

 28   était de dire non. Et est-ce qu'on aurait pu prévoir ce qui est arrivé

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  1   après ? Je ne sais pas, pour être très honnête.

  2   La seule chose, c'est quelque chose qui figure dans mon ouvrage également

  3   lorsque j'ai parlé du début de juillet -- non, début du mois de juin. La

  4   personne qui était très inquiète sur ce qui allait se passer à Srebrenica

  5   était Andrey Kozyrev, le ministre des Affaires étrangères russe. La raison

  6   pour laquelle il était inquiet, parce qu'il était ministre des Affaires

  7   étrangères depuis longtemps et il était intervenu à Srebrenica depuis 1993

  8   déjà, donc il était très au courant des tensions et des différentes

  9   émotions que suscitaient ces questions-là particulièrement.

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 11   Q.  Je souhaite maintenant passer à un sujet un petit peu différent, s'il

 12   vous plaît, pendant quelques instants, qui évoque la raison de savoir si

 13   oui ou non vous avez eu l'occasion de vous trouver dans un aéroport où il y

 14   avait des forces américaines et des avions iraniens qui livraient des armes

 15   ?

 16   R.  Des armes, je ne sais pas.

 17   Q.  Bien.

 18   R.  Des avions, oui.

 19   Q.  Et pourriez-vous nous expliquer ceci un petit peu, s'il vous plaît.Où

 20   étiez-vous ?

 21   R.  Je crois que vous vouliez parler d'un incident où, à l'aéroport de

 22   Split, j'ai remarqué qu'il y avait côte à côte des forces américaines qui

 23   livraient du matériel, quel qu'il soit, pour la force d'intervention rapide

 24   qui arrivait. Il y avait un avion iranien avec une délégation iranienne,

 25   comme je l'avais compris à l'époque.

 26   Q.  Lorsque vous parlez d'une délégation iranienne, savez-vous ce que

 27   faisait cette délégation iranienne ?

 28   R.  Non.

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  1   Q.  Après les informations que vous avez reçues le 20 - et je vais avancer

  2   maintenant dans le temps - vous avez eu une série d'échanges à propos de

  3   l'emploi éventuel de frappes aériennes et un certain nombre d'autres

  4   questions, mais je souhaite maintenant passer à la date du 29 juillet.

  5   R.  Hm-hm.

  6   Q.  Le 29 juillet, c'est la date à laquelle vous avez reçu un coup de

  7   téléphone précis.

  8   R.  Hm-hm.

  9   Q.  Et je souhaite comprendre ce qui s'est passé à ce moment-là, si vous me

 10   le permettez.

 11   R.  Je suppose que vous voulez parler de ce qui se trouve à la page 69 et

 12   70 de mon livre. J'étais à Stockholm à l'époque et j'ai reçu un coup de

 13   téléphone de M. Muratovic, qui était premier ministre de Bosnie à l'époque,

 14   me semble-t-il, et il souhaitait me rencontrer, et ce, de façon urgente, à

 15   Split. J'étais en route pour aller voir le chancelier Kohl en Autriche,

 16   chose que j'ai faite, ensuite lorsque cette personne voulait me voir de

 17   façon urgente, je savais qu'il s'agissait d'une question urgente, surtout

 18   qu'il m'a demandé de le rencontrer à Split. Pour que lui se rende de

 19   Sarajevo à Split pendant le siège et la guerre n'était pas chose aisée.

 20   Donc il s'agissait de quelque chose de très important.

 21   Nous nous sommes rencontrés à l'aéroport à un moment donné et la

 22   conversation a porté sur Zepa. Comme vous le savez, après la chute de

 23   Srebrenica, les forces serbes de Bosnie ont concentré ou avaient

 24   l'intention de concentrer leurs forces sur la capture de Zepa, parce que

 25   les enclaves étaient proches les unes des autres, et pour un certain nombre

 26   de raisons. L'enclave de Zepa était, comme vous le savez certainement, une

 27   petite enclave, une très petite enclave avec un terrain très accidenté,

 28   c'était un endroit difficile au plan militaire. Je crois qu'il y avait une

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  1   composante ukrainienne des Nations Unies qui a eu du mal dans cette région,

  2   et je vais donc vous rappeler en quelques mots les détails.

  3   Cette personne m'a permis d'entrer en contact avec le président Milosevic,

  4   avec ce qui restait des unités de l'ABiH pour évacuer Zepa en direction de

  5   la Serbie. C'était une demande un peu particulière à mes yeux, mais comme

  6   je lui ai dit : Ecoutez, je suis votre humble serviteur. En quelque sorte,

  7   si vous pensez qu'il est préférable de les faire sortir et est-ce que c'est

  8   sûr, est-ce que nous pouvons avoir les assurances de Milosevic qu'il va

  9   garantir la sécurité de nos combattants. Parce que si vous regardez la

 10   carte, Zepa est plus proche de la Serbie que du territoire de Sarajevo et,

 11   bien évidemment, je dirais que les forces serbes de Bosnie entre Zepa et

 12   Sarajevo, entre Zepa et la Serbie, c'était assez difficile. Le terrain

 13   était très accidenté. Donc j'ai fait de mon mieux. Je suis allé rencontrer

 14   le président Milosevic à un endroit assez éloigné. C'était encore une de

 15   ces caches de Tito ou de son relais, et il m'a dit qu'il s'agissait là

 16   d'une question extrêmement confidentielle. Il m'a dit : Voici la situation

 17   : est-ce que vous pouvez accepter que vos forces permettent à ces personnes

 18   d'entrer. Et il a donné sa promesse, et j'ai envoyé ce message en retour.

 19   Je ne me souviens pas par quel moyen, mais par un moyen de communication

 20   sûr au président Muratovic. Et finalement, c'est ce qui s'est passé, c'est

 21   le HCR qui a accueilli ces hommes-là dans un camp spécial.

 22   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En Serbie ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] En Serbie. Il y avait quelques questions qui

 24   se sont posées après la guerre, parce que bien évidemment Sarajevo

 25   souhaitait que ces personnes reviennent, et certaines personnes sont

 26   retournées à Sarajevo, mais un certain nombre souhaitait se rendre

 27   ailleurs, et je crois qu'un certain nombre de ces personnes se sont

 28   installées en Australie.

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  2   Q.  J'ai juste une question rapide, à la ligne 17. On devrait lire, page

  3   61, ligne 17 on devrait lire "évacuer la BiH en Serbie". On devrait lire

  4   "évacuer l'armée de la BiH en Serbie".

  5   R.  Oui. En fait, les combattants qui restaient de l'unité de l'ABiH qui

  6   étaient bien sûr les locaux de Zepa, dans une grande mesure.

  7   Q.  Et vous n'aviez pas encore terminé de déployer tous vous efforts à

  8   cette époque-ci, compte tenu des événements qui se sont déroulés. Je

  9   souhaite maintenant avancer et évoquer une autre question qui est celle des

 10   deux pilotes français sur lesquels on a tiré, si vous le permettez.

 11   Vous souvenez-vous à quel moment on a tiré dessus ?

 12   M. HARMON : [interprétation] C'est un sujet qui ne figure pas sur la liste,

 13   sur le résumé 65 ter.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith.

 15   M. GUY-SMITH : [interprétation] M. Harmon a raison sur ce point dans la

 16   mesure où ceci porte sur la question de Dayton. Je crois qu'il est

 17   pertinent que les Juges de la Chambre comprennent cette question-là d'une

 18   manière ou d'une autre.

 19   Je ne pense pas qu'il s'agisse de quelque chose qui ne devrait pas être

 20   posté à l'attention des Juges de la Chambre. J'entends bien ce que dit M.

 21   Harmon, et je m'excuse auprès de lui. Je n'essayais pas en fait de lui

 22   tendre un piège.

 23   M. HARMON : [interprétation] Mais je ne sais pas en fait quelle est la

 24   question qui portait sur Dayton, et je ne sais pas si c'est pertinent.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, moi non plus. Je comprends

 26   bien. Je -- vous n'essayez pas en fait de la jouer serré avec M. Harmon,

 27   mais je vous -- en fait respecter les règles.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je sais exactement où je veux en venir. Les

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  1   pilotes français ont été abattus, et il y a une négociation pour la remise

  2   en liberté de pilotes français et la question de la remise en liberté des

  3   pilotes français est quelque chose qu'a utilisé le Président Chirac. Il a

  4   indiqué qu'il s'agissait là d'une condition et d'un prérequis à la

  5   signature de la conférence de presse de Paris du 14 décembre. Et la

  6   question--

  7   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, il faut à ce moment-là parler

  8   de la conférence de Paris le 14 et savoir comment tout ceci est arrivé.

  9   M. GUY-SMITH : [interprétation] Très bien. J'essayais simplement d'être

 10   utile.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, c'est plus utile si vous

 12   posez la question différemment parce qu'à ce moment-là vous parlez d'une

 13   question qui a fait l'objet d'une notification, et vous pouvez à ce moment-

 14   là nous dire comment ceci est arrivé.

 15   Et si les pilotes français font partie de cette étape en direction de

 16   l'endroit où vous voulez en venir, soit.

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 18   Q.  Passons donc à la date du 14 décembre, si vous le voulez bien.

 19   Vous souvenez-vous si oui ou non quelque chose s'est passé le 14

 20   décembre ?

 21   R.  Il y a eu la signature, si je me souviens bien, de l'accord de paix

 22   pour la Bosnie-Herzégovine. Et ce qu'on évoque en fait, c'est l'accord de

 23   Dayton qui a été lancé, je ne sais plus quand c'était. C'était le 21. Cela

 24   a été parafé et ensuite signé le 14 officiellement.

 25   Q.  Et pour ce qui est de la signature du 14, y a-t-il eu des conditions et

 26   cet accord a-t-il fait l'objet de conditions avant que ceci ne soit signé

 27   par le gouvernement français ?

 28   R.  Je ne sais pas précisément, mais il y avait effectivement cet incident

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  1   que vous voulez évoquer, le fait que l'on ait abattu les pilotes français

  2   et que le Président Chirac est intervenu. C'est quelque chose que j'ai

  3   appris des médias. Je ne me souviens pas très bien de cela, mais je n'ai

  4   rien eu à voir avec tout ceci.

  5   Q.  Et pour ce qui est de votre souvenir de cette question, regardez votre

  6   livre à la page 167 pour voir si vous pouvez vous remémorer ces incidents-

  7   là.

  8   R.  Quelle page, s'il vous plaît ?

  9   Q.  167.

 10   R.  Je dois lire mon livre.

 11   Q.  C'est un excellent ouvrage.

 12   R.  Je vous remercie beaucoup.

 13   Q.  En fait, ce qui m'intéresse, c'est le troisième paragraphe.

 14   R.  Oui, effectivement.

 15   Q.  Et donc nous ne voulons pas avoir le même problème que le tabloïde

 16   précédemment. Est-ce que vous pouvez lire ceci de façon à ce que les Juges

 17   de la Chambre puissent entendre ?

 18   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire, le livre ?

 19   Q.  Pas tout le livre, mais --

 20   M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

 21   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce serait peut-être utile.

 23   "Nous approchions rapidement de la conférence de Paris. Cependant, le

 24   Président Chirac a indiqué que ceci ne pouvait pas avoir lieu tant que les

 25   pilotes français abattus par les Serbes de la Bosnie au-dessus de Pale à la

 26   date du 30, que ces pilotes n'aient pas été libérés. Donc il souhaitait que

 27   l'accord soit une condition à l'accord."

 28   L'INTERPRÈTE : Veuillez ralentir, s'il vous plaît.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation]

  2   "J'ai soulevé cette question à différents représentants à Pale" et

  3   corrigez-moi si je me trompe.

  4   "Nous savons que les images qui avaient été prises des pilotes indiquaient

  5   qu'ils avaient survécu et qu'ils étaient détenus. Et d'après certaines

  6   informations, d'autres indiquaient qu'ils n'étaient plus en vie, d'autres

  7   qu'ils étaient à Pale. Bien sûr, Krajisnik a été tenu au courant. Milosevic

  8   a également dit qu'il n'était pas au courant, mais a promis d'envoyer

  9   certains hommes de sa section de la police spéciale pour savoir s'ils

 10   disaient la vérité ou non, mais la capacité de sa police spéciale de

 11   l'envoyer en Bosnie était intéressante et avait des conséquences dans un

 12   contexte différent."

 13   Est-ce que vous souhaitez que je poursuive ?

 14   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que ceci vous permet de vous remémorer ces événements ?

 16   R.  Tout à fait.

 17   Q.  Vous remémorez la question de savoir si oui ou non la signature de

 18   l'accord qui est finalement devenu l'accord de Dayton a fait l'objet de

 19   conditions posées par le Président Chirac ?

 20   R.  Oui. Le Président Chirac, à juste titre, était très préoccupé par la

 21   libération de ses pilotes.

 22   Q.  Merci.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je souhaiterais bénéficier de quelques

 24   instants, s'il vous plaît.

 25   [Le conseil de la Défense se concerte]

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître, allez-y, excusez-moi.

 28   M. GUY-SMITH : [interprétation]

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  1   Q.  Monsieur Bildt, je voudrais vous remercier pour être venu, de nous

  2   avoir consacré votre temps et pour la franchise de vos réponses. Je

  3   voudrais notamment vous remercier également pour tous les efforts que vous

  4   avez entrepris pendant cette période particulièrement troublée de

  5   l'histoire.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Harmon.

  7   Contre-interrogatoire par M. Harmon :

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Bildt.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Juste quelques questions. Le conseil de la Défense vous a posé une

 11   question concernant la date du 20 juillet 1995, question de savoir si vous

 12   aviez entendu parler ou si vous aviez reçu des informations concernant les

 13   massacres. Mais en fait, avant la date du 20 juillet, c'est-à-dire le 14,

 14   vous aviez déjà reçu des informations selon lesquelles les hommes avaient

 15   été séparés des femmes et des enfants à Potocari, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et vous avez également répondu au conseil de la Défense en page 59, à

 18   partir de la ligne 14 du compte rendu d'audience. On vous a posé la

 19   question de savoir ce qui était prévisible et jusqu'à quel point. Votre

 20   réponse a consisté à dire :

 21   "Celui qui était très préoccupé de ce qui pouvait se produire à Srebrenica

 22   est le ministre des Affaires étrangères russe que vous avez nommé", mais

 23   son nom n'a pas été consigné, "pour la raison suivante, je crois qu'il

 24   avait été ministre des Affaires étrangères russe pendant assez longtemps,

 25   et il était impliqué dans le suivi de ce qui se passait à Srebrenica depuis

 26   1993, était peut-être de ce fait plus conscient des différentes tensions

 27   qui existaient concernant cette enclave."

 28   Est-ce que vous pourriez nous fournir un peu plus de détails concernant

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  1   ceci ?

  2   R.  Oui. Lorsque je dis que c'était lui, qu'il était le seul, je ne veux

  3   pas dire le seul dans la communauté internationale. Ce que je veux dire,

  4   c'est que j'avais affaire principalement aux aspects politiques, mais on

  5   m'avait demandé de garder également un œil sur un certain nombre d'autres

  6   problèmes et localités. Et l'un de ceux qui m'ont vraiment indiqué qu'il

  7   convenait de faire attention à ce qui se passait à Srebrenica était le

  8   ministre russe des Affaires étrangères. Je n'étais pas présent, mais après,

  9   lorsque je suis revenu, et après le massacre, nous sommes évidemment

 10   revenus sur ce sujet, et je me suis posé la question de savoir pourquoi il

 11   avait été le seul à attirer mon attention et personne ne l'avait fait.

 12   C'est une explication que je suis en mesure de donner.

 13   Q.  Monsieur Bildt, est-ce que le ministre russe des Affaires étrangères

 14   était préoccupé par rapport à Srebrenica ?

 15   R.  Je ne me rappelle pas quelle a été sa formulation exacte. C'était au

 16   tout début de la mission. Lorsque je me suis rendu sur place, j'ai commencé

 17   à faire le tour des différents acteurs de la situation politique, bien

 18   entendu la Russie, le Royaume-Uni, la France, étaient les facteurs

 19   principaux, bien entendu, les Nations Unies aussi, et d'autres. Donc je

 20   suis allé voir ces différents représentants. Et je le connaissais assez

 21   bien parce que nous avions été en contact sur d'autres questions dans la

 22   région de la Mer noire, et ultérieurement, lorsque j'ai consigné mes notes

 23   et quand j'ai rédigé mon ouvrage, j'ai été frappé par ce fait, par ce qu'il

 24   avait dit concernant Srebrenica, et la conscience qu'il avait des problèmes

 25   qui s'y posaient. Et c'est plus ou moins ce qu'il a dit. Je ne me rappelle

 26   pas exactement, mais c'était une question particulièrement sensible et

 27   délicate.

 28   Q.  Est-ce que sa préoccupation concernait l'enclave en elle-même, ou bien

Page 14320

  1   les habitants de l'enclave ? Qu'est-ce qui était au cœur de sa

  2   préoccupation lorsqu'il vous a mis en garde ?

  3   R.  Eh bien, si je devais me livrer à une interprétation, je vous prierais

  4   de la prendre en tant qu'interprétation, il était conscient du caractère

  5   extrêmement sensible de cette situation et des enjeux. Il était conscient

  6   du fait que la situation pouvait dégénérer sur le plan humanitaire, à son

  7   avis, et que beaucoup de mal avait été commis dans cette région, d'où les

  8   tensions particulièrement importantes.

  9   Je ne dis pas que c'était là le seul endroit où cela s'appliquerait, mais

 10   en tout cas c'est l'endroit sur lequel il a attiré mon attention à

 11   l'époque, et comme je l'ai indiqué, c'est ce que j'ai retrouvé dans mes

 12   notes au moment où je rédigeais mon ouvrage deux années après les

 13   événements, et cela m'a frappé.

 14   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais est-ce que vous parvenez à vous

 15   souvenir de la façon dont vous avez interprété cet avertissement qu'il vous

 16   avait adressé à l'époque, c'était avant les événements de Srebrenica ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Alors dans ce type de discussion avec le

 18   ministre des Affaire étrangères, il était courant d'aborder les questions

 19   problématiques, quelles étaient les difficultés principales sur le chemin

 20   de la paix. Il est inutile de rappeler que la communauté internationale

 21   était principalement préoccupée par Sarajevo, mais également par le sort

 22   des enclaves. Et je dirai que beaucoup d'attention était également portée

 23   sur la situation à l'ouest autour de la Krajina qui, bien entendu, a

 24   dégénéré ultérieurement, juste après que la situation ne dégénère sur le

 25   front est avec les combats particulièrement intenses autour de Sarajevo au

 26   cours de cet été particulièrement horrible de 1995.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien, merci.

 28   Monsieur Harmon, veuillez poursuivre.

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  1   M. HARMON : [interprétation] Je voudrais que nous affichions un document à

  2   l'écran, s'il vous plaît. Il porte la cote P1089.

  3   Q.  Vous allez voir un document à l'écran, Monsieur Bildt. Je voudrais

  4   attirer votre attention sur cet article, et notamment je voudrais que vous

  5   examiniez certains commentaires émanant du haut commissaire des Nations

  6   Unies, Sadako Ogata. Je voudrais avoir votre commentaire sur ce point.

  7   M. HARMON : [interprétation] Si nous pouvions peut-être avoir un

  8   agrandissement de ce texte.

  9   Ce n'est pas ici la pièce P1089.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation]. Il s'agit d'un télégramme --

 11   M. HARMON : [interprétation] Non, ce n'est pas le document que je

 12   souhaitais faire afficher. Peut-être que ce n'est pas le bon document qui a

 13   été téléchargé. Mais --

 14    M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Harmon, mais est-ce

 15   que ce document figure sur votre liste ? Est-ce qu'il est mentionné d'une

 16   façon ou d'une autre, auquel cas je n'ai pas de difficulté avec son

 17   utilisation.

 18   M. HARMON : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais vérifier.

 19   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci.

 20   M. HARMON : [interprétation] C'est bien la pièce 1089. C'est le bon

 21   document.

 22   Q.  Alors Monsieur Bildt, je voudrais que nous passions au paragraphe

 23   numéro 5, qui commence par les termes, je cite : "A Genève…"

 24   Est-ce que vous pourriez nous lire ceci ? Il est dit que, je cite : A

 25   Genève, le haut commissaire pour les réfugiés des Nations Unies, Sadako

 26   Ogata, a qualifié l'évacuation générale des habitants de Srebrenica, de

 27   l'un des exemples les plus flagrants de déplacements forcés sur des bases

 28   ethniques auxquelles nous aurions jamais assisté pendant la guerre.

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  1   Alors est-ce que vous étiez au courant du déplacement forcé de la

  2   population de Srebrenica à la date du 13 juillet 1995 ? C'est la date de ce

  3   document.

  4   R.  Oui. Alors je ne peux pas commenter ce que les Nations Unies ont fait

  5   ou non, parce qu'il y avait un dilemme éthique, et ceci a également été

  6   facilité par les Nations Unies. C'est la raison pour laquelle nous avons

  7   discuté avec le président Izetbegovic, parce que si des hommes et des

  8   femmes étaient transférés hors de Srebrenica, c'était également avec l'aide

  9   des Nations Unies. Et les hommes ont été séparés pour former une immense

 10   colonne, et c'était un nettoyage complet de Srebrenica, oui.

 11   Q.  Et ce nettoyage de Srebrenica était-il prévisible en se basant sur le

 12   fait que Srebrenica avait été prise par la VRS ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Très bien.

 15   R.  Eh bien, je ne crois pas qu'il y ait le moindre doute à ce sujet. En

 16   fait, si une enclave tombait, nous nous trouvions dans un schéma qui s'est

 17   répété au cours de la guerre en Bosnie.

 18   Q.  Et l'une des conséquences était le meurtre, le massacre ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Des conséquences ?

 21   R.  Oui. Plus ou moins. Dans ce cas d'espèce, en tout cas.

 22   Q.  Et dans ce cas précis, c'était un massacre à une échelle

 23   particulièrement importante, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que cette conséquence aurait pu être considérée comme prévisible

 26   et comme une conséquence de la prise de Srebrenica en tant qu'enclave,

 27   compte tenu de ce qui était connu de l'histoire de cet endroit ?

 28   R.  Eh bien, c'est difficile à dire. Rétrospectivement, oui, bien sûr. Mais

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  1   le massacre qui s'est produit a concerné des milliers de personnes, et cela

  2   n'avait jamais eu lieu précédemment lors de la guerre en Bosnie. C'est un

  3   cas isolé dans l'histoire européenne de l'après-guerre.

  4   Q.  Et dans la guerre en Bosnie, lorsque le territoire tombait, il faisait

  5   l'objet de nettoyage ethnique qui comprenait également le massacre de

  6   certains groupes ethniques, n'est-ce pas ?

  7   R.  Pas nécessairement un groupe ethnique dans sa totalité. Des individus

  8   appartenant au groupe ethnique, certainement.

  9   Q.  Mais lorsque Srebrenica a été prise par la VRS, il était prévisible

 10   qu'il y aurait des meurtres suite à la conquête de ce territoire, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  Eh bien, certains événements étaient prévisibles au titre de ce qui se

 13   passait habituellement dans le cours de la guerre en Bosnie, mais une autre

 14   partie des événements qui se sont produits à Srebrenica allaient bien au-

 15   delà des schémas auxquels nous étions habitués.

 16   Q.  Mais votre réponse était affirmative, n'est-ce pas ? Tout cela était

 17   prévisible ?

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, je ne crois pas que cela ait été la

 19   réponse du témoin.

 20   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 21   M. GUY-SMITH : [aucune interprétation]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] -- eh bien c'était en partie prévisible.

 23   M. HARMON : [interprétation]

 24   Q.  Je ne parle pas des meurtres ou des massacres.

 25   R.  Les meurtres, c'est une autre question.

 26   Q.  Je comprends. Alors laissons de côté la question de l'échelle de ces

 27   massacres. Mais je voudrais passer à autre chose, et à l'enclave de Zepa.

 28   Vous avez été interrogés à ce sujet, et vous avez indiqué qu'il y avait eu

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  1   un accord avec M. Milosevic consistant à dire que M. Milosevic accepterait

  2   de voir des membres de l'ABiH sortir de l'enclave de Zepa.

  3   Alors, Monsieur Bildt, indépendamment de cet accord passé avec M.

  4   Milosevic, à votre connaissance, y a-t-il eu des soldats de l'ABiH qui ont

  5   réussi à gagner des territoires serbes et qui, dans les faits, sont

  6   retournés en Republika Srpska ?

  7   R.  Non. En fait, le commandant qui était -- je crois, qui avait

  8   connaissance de cet incident, car il était à l'étape finale du drame de

  9   Zepa lors des négociations, je crois qu'il y avait en présence un

 10   commandant des Nations Unies. Mladic était présent également. Il y avait

 11   également le commandant des forces de l'ABiH à Zepa, et il y avait

 12   également le Bataillon ukrainien. Le commandant bosnien a été pris, et je

 13   crois qu'à ce moment-là il a été confirmé qu'immédiatement après les

 14   pourparlers et les négociations, il a été tué, car en fait il y a eu un

 15   grand nombre de meurtres commis à Zepa.

 16   Q.  Je vous remercie beaucoup, Monsieur Bildt. Je n'ai pas de question à

 17   vous poser.

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

 19   En fait, nous avons dépassé l'heure de la pause. Est-ce que vous avez des

 20   questions à poser dans le cadre des questions supplémentaires, Maître Guy-

 21   Smith ?

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Si vous m'accordiez une minute et demie, je

 23   pourrais répondre à votre question. En fait, quelques instants, s'il vous

 24   plaît. Donc je vérifie. En fait, si j'ai une question à poser, il s'agirait

 25   d'une question seulement.

 26   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Faites, faites. Consultez votre

 27   collègue.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]

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  1   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai une question.

  2   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord, je vous accorde une

  3   question.

  4   Nouvel interrogatoire par M. Guy-Smith :

  5   Q.  [interprétation] Voici ma question, Monsieur Bildt. Pour ce qui est de

  6   la question des meurtres, et à savoir si ces meurtres avaient été

  7   prévisibles, vous nous avez dit qu'il était effectivement prévisible que

  8   des meurtres puissent avoir lieu s'agissant d'une conquête de territoire,

  9   et que ces meurtres peuvent avoir pu subvenir pour plusieurs raisons. L'une

 10   des raisons était le combat entre les parties belligérantes, les restants

 11   des factions belligérantes et rétributions, et par la suite vous avez

 12   mentionné autre chose. Et qu'est-ce que vous avez dit ?

 13   R.  Oui, probablement que oui. Je crois que j'ai parlé de vengeance. Oui,

 14   vengeance, voilà. C'est une des raisons également.

 15   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que c'était votre question ?

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'essaie

 17   vraiment de faire l'impossible pour que vous puissiez rentrer chez vous.

 18   Questions de la Cour : 

 19   Mme LE JUGE PICARD : Une question assez courte dans cette optique.

 20   Ma première question est la suivante : Quand vous avez rencontré le

 21   président Milosevic à Belgrade vers le 14 ou 15 juillet 1995, d'après vous,

 22   était-il au courant des événements de Srebrenica ?

 23   R.  Oui, bien sûr, bien sûr qu'il était au courant des événements de

 24   Srebrenica. Eh bien cela dépend, en fait, ça dépend de quelle façon vous

 25   voulez définir--

 26   Mme LE JUGE PICARD : [aucune interprétation]

 27   R.  Je ne sais pas. Ça, je ne le sais pas, mais très clairement, la

 28   chute de Srebrenica a eu lieu le 11. Srebrenica, tout le monde en parlait

Page 14327

  1   partout dans le monde et, en fait, cela faisait partie du discours

  2   diplomatique.

  3   Il était tout à fait au courant de la lettre d'avertissement que je

  4   lui avais envoyée. Il était au courant des activités intenses diplomatiques

  5   qui avaient lieu. Et immédiatement lorsque je l'ai vu, je lui ai dit,

  6   Monsieur Milosevic, vous comprenez que ceci change tout. Vous êtes

  7   maintenant dans une situation bien difficile. Nous, nous sommes tous en

  8   position bien difficile, et nous devons agir conformément. Donc la

  9   connaissance du génocide est bien plus tard, je crois. Mais pour ce qui est

 10   de la chute de Srebrenica, la chute d'une enclave était un événement très

 11   sérieux, était un événement très grave à l'époque. C'était un événement

 12   grave, donc ce sont des événements graves qui ont changé la situation au

 13   complet, le discours, le ton, et donc, il était au courant je crois, à ce

 14   moment-là.

 15   Mme LE JUGE PICARD : Avait-il l'impression qu'il aurait pu  avoir des

 16   massacres qui avaient eu lieu dans l'enclave ? Bon, si vous ne le savez

 17   pas, c'est la réponse.

 18   Et mon autre question est la suivante : vous avez dit que le Groupe de

 19   contact se refusait d'avoir des contacts avec Karadzic, et qu'en fait le

 20   seul contact pour arrêter la guerre, en tout cas pour essayer de négocier,

 21   c'était Milosevic.

 22   Alors ma question est la suivante : était-ce suffisant aux yeux des

 23   négociateurs de convaincre Milosevic, ou en tout cas de faire pression sur

 24   Milosevic pour arrêter la guerre en Bosnie ?

 25   R.  Très bonne question. L'histoire ne se faisant qu'une seule fois,

 26   c'étaient les décisions qui avaient été prises par les capitales

 27   principales, oui, si vous pouvez dire, la guerre a été arrêtée. Mais la

 28   question est de savoir est-ce qu'il aurait été possible de mettre fin à la

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  1   guerre un peu plus tôt, eh bien, c'est pour les historiens, ils doivent se

  2   pencher là-dessus, c'est à eux de débattre de cette question. Mais il est

  3   clair que l'été 1995 était particulièrement difficile. C'était horrible, il

  4   y a eu des massacres, génocides, le triage ethnique. En fait, c'était le

  5   pire été depuis le début de la guerre en 1992. Est-ce qu'une initiative

  6   diplomatique aurait été possible avant cela, je ne le sais pas. Je n'étais

  7   pas autour de Bosniens à l'époque.

  8   Mme LE JUGE PICARD : -- plus spécifique, il a été dit pendant tout ce

  9   procès que les Serbes de Bosnie ne pouvaient pas survivre sans l'aide

 10   matérielle des Serbes de Serbie. Donc si les Serbes de Serbie avaient

 11   arrêté d'aider matériellement les Serbes de Bosnie, est-ce que cela aurait

 12   arrêté la guerre ?

 13   R.  Bien sûr, c'est ce que nous essayions de faire. Il y a eu le blocus de

 14   la Drina depuis, en fait je ne me souviens pas exactement quand, mais avant

 15   que je n'entre sur la scène, Milosevic avait imposé un embargo total pour

 16   ce qui est de la Republika Srpska. J'avais la coresponsabilité de la ICFY,

 17   en fait je crois que c'était une mission. On avait des militaires tout le

 18   long de la Drina, donc mission de les -- puis nous essayions de voir si les

 19   approvisionnements importants entraient. Donc j'avais une équipe pour voir

 20   s'il y avait des signes de réapprovisionnement de Serbes de Bosnie

 21   provenant de la Serbie. Donc il était tout à fait -- qu'il y avait eu de la

 22   contrebande, ça c'est effectivement le cas. Maintenant à savoir s'il y a eu

 23   d'autres approvisionnements importants, majeurs, non je ne sais, je ne

 24   crois pas avec le moniteur que nous avions sur place. Pour ce qui est de

 25   tous les points de passage et là où se trouvaient les points principaux, on

 26   pouvait procéder à la contrebande par hélicoptère, oui effectivement. Je

 27   suis tout à fait certain que c'était possible, mais en petites quantités,

 28   mais nous nous sommes penchés énormément là-dessus pour voir de quelle

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  1   façon les Serbes de Bosnie s'étaient approvisionnés de carburant, par

  2   exemple. C'est une question assez importante. Mais lorsque vous analysez

  3   cette question importante, vous pouvez voir qu'il y avait plusieurs

  4   dimensions à la guerre de Bosnie. Un très grand nombre de personnes étaient

  5   préparées ou prêtes à procéder à l'échange. Et donc c'était très compliqué.

  6   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très rapidement, très rapidement, y a-

  7   t-il d'autres questions qui découlent des questions posées par le Juge ?

  8   Maître Guy-Smith.

  9   Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Guy-Smith :

 10   Q.  [interprétation] Vers la fin de votre réponse, Monsieur, en réponse aux

 11   questions posées par le Juge Picard, qui était de parler lorsque vous avez

 12   dit qu'il y avait plusieurs dimensions à cette -- voilà j'essaie de lire.

 13   Je n'arrivais pas à lire ou à comprendre exactement ce qui a été dit ici.

 14   Mais qu'est-ce que vous vouliez dire par "il y a plusieurs dimensions à

 15   cette guerre" ?

 16   R.  Et bien, toutes les sanctions -- dans chaque guerre, nous retrouvons le

 17   marché noir. Il y a toujours des personnes qui sont prêtes à faire de

 18   l'argent indépendamment de leur ethnicité ou de leur appartenance ethnique

 19   ou indépendamment de leurs convictions. Et dans cette guerre, il y n'y

 20   avait rien de différent. C'était ainsi, il y avait beaucoup d'armes, une

 21   quantité d'armes assez importante et en fait la Bosnie était la partie la

 22   plus lourdement militarisée en ex-Yougoslavie, et c'est là qu'ils s'étaient

 23   préparés pour l'invasion. Donc il y avait des dépôts d'armes, des usines

 24   d'armes, la JNA, donc il y avait un très grand nombre d'armes, de

 25   munitions, en énorme quantité. Et après, par la suite, lorsqu'on a examiné

 26   le tout, on s'est rendu compte qu'il y avait énormément de dépôts d'armes.

 27   Et le carburant, eh bien c'est tout à fait possible de l'acheter sur le

 28   marché noir, mais il y avait également de la contrebande de cigarettes et

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  1   bière, parce qu'en fait il s'est avéré que s'agissant du territoire de la

  2   Republika Srpska, il n'y avait pas d'usine de fabricants de cigarettes, et

  3   les brasseries, il n'y en avait pas non plus. Donc, parce que les soldats

  4   voulaient de la bière et des cigarettes, bien sûr. Et donc c'était des

  5   denrées qui étaient très à la demande et ils faisaient l'objet d'une

  6   contrebande. Mais en pas si grande quantité bien sûr pour la ligne de

  7   front.

  8   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Harmon,

  9   est-ce que vous avez des questions ?

 10   M. HARMON : [interprétation] Non, pas de questions.

 11   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Eh bien, je vous

 12   remercie, Monsieur Bildt d'être venu témoigner. Nous savons que vous êtes

 13   très occupé et que vous deviez sacrifier ce temps pour venir déposer devant

 14   ce Tribunal. Nous vous en sommes très reconnaissants bien sûr.

 15   Vous pouvez maintenant disposer, et j'espère que vous allez pouvoir rentrer

 16   à Stockholm à temps pour votre rendez-vous.

 17   [Le témoin se retire]

 18   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Guy-Smith, est-ce que c'est la

 19   fin de la journée ?

 20   M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est la fin de la journée.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Jusqu'à ? Oui, jusqu'à quand

 22   exactement ?

 23   [Le conseil de la Défense se concerte]

 24   M. GUY-SMITH : [interprétation] Jusqu'au 4, en fait.

 25   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous nous donner un petit peu

 26   plus de précisions quant à la façon dont le procès se déroulera ?

 27   M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous attendons la confirmation de la

 28   présence de deux personnes qui avaient fait certaines requêtes avant de

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  1   venir témoigner devant ce Tribunal. Et donc je crois qu'elles vont venir

  2   témoigner le 2 et le 3 novembre et par la suite-- enfin ils seront présents

  3   le 2 et le 3 novembre et ils témoigneraient les 4 et 5 novembre. Mais il

  4   s'agit d'un témoin expert qui s'appelle M. Djokic.

  5   Et nous nous attendons à ce qu'un autre expert vienne déposer dans

  6   cette affaire dépendamment de certaines contraintes concernant le

  7   calendrier. Donc nous verrons à la fin de la semaine prochaine. Nous

  8   verrons comment les choses se passent exactement.

  9   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc cela nous emmène au 13. Donc pour

 10   ce qui est de toute la semaine jusqu'à vendredi, il n'y aura pas de

 11   témoins, n'est-ce pas ?

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, je vais vérifier juste

 13   quelques instants, parce que pour l'instant, je n'ai pas entièrement

 14   connaissance de la liste des témoins.

 15   Excusez-moi, vous savez, Monsieur le Président, parce que j'ai entendu le

 16   serbe et j'étais vraiment perdu. Alors voilà, donc notre prochain témoin

 17   sera présent le 11. Donc le 4, 5 et 11.

 18   Donc nous essaierons de faire en sorte que les deux personnes provenant

 19   d'autres pays puissent être présentes la semaine prochaine. Nous essaierons

 20   de les avoir la semaine prochaine.

 21   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je doute fortement.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Nous sommes en train de pousser bien sûr

 23   les choses, nous essayons de faire en sorte que tout marche vraiment bien,

 24   mais je me heurte à ce qu'on dit en néerlandais "grote drempel", qui veut

 25   dire une très grande butte. Donc voilà, je me trouve face à cette butte,

 26   excusez-moi.

 27   M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Alors la séance est levée.

 28   Nous reprendrons nos travaux à une date ultérieure.

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  1   --- L'audience est levée à 15 heures 46 et reprendra le jeudi 4 novembre

  2   2010, à 9 heures 00.

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