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1 Le jeudi 28 février 2013
2 [Jugement en appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 59.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour.
7 Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire inscrite au
8 rôle, je vous prie.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-04-81-A, le
10 Procureur contre Momcilo Perisic. Merci.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.Monsieur Perisic,
12 êtes-vous en mesure de suivre cette audience dans une langue que vous
13 comprenez ?
14 L'APPELANT : [interprétation] Oui, je peux tout à fait suivre.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais maintenant
16 demander aux parties de se présenter. Je commencerais par les conseils de
17 M. Perisic.
18 M. LUKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
19 Monsieur les Juges. M. Perisic sera représenté aujourd'hui par moi-même, je
20 suis le conseil principal, Me Novak Lukic, et je suis accompagné par Me
21 Gregor Guy-Smith. Nous avons également nos assistants, Tina Drolec, Boris
22 Zorko --
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Qu'en est-il de l'Accusation.
24 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour. Helen Brady, qui représente
25 l'Accusation, et je suis aujourd'hui accompagnée de Mme Elena Martin
26 Salgado, de Mme Bronagh McKenna, de Mme Virginie Monchy et de notre commis
27 aux affaires, M. Colin Nawrot. Je vous remercie.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Comme l'a annoncé M. le Greffier, notre
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1 affaire à l'ordre du jour aujourd'hui est l'affaire le Procureur contre
2 Momcilo Perisic. Conformément à l'ordonnance portant calendrier rendue le
3 15 février 2013, la Chambre d'appel va rendre aujourd'hui son arrêt. En
4 suivant la pratique de ce Tribunal, je ne lirai pas le texte de l'arrêt, à
5 l'exception du dispositif, mais je vais plutôt résumer les points et les
6 constatations essentiels de la Chambre d'appel. Ce résumé oral ne fait pas
7 en soi partie de l'arrêt officiel de la Chambre d'appel qui fait foi et qui
8 a été rendu par écrit et qui sera remis aux parties à la fin de l'audience.
9 Cette affaire porte sur les événements qui se sont déroulés entre août 1993
10 au moins et le mois de novembre 1995 sur le territoire de la Bosnie-
11 Herzégovine, ou Bosnie, et en République de Croatie, ou Croatie. A partir
12 du 26 août 1993 et pendant toute la période restante, M. Perisic était le
13 chef de l'état-major général de l'armée yougoslave, ou VJ, un poste qui
14 faisait de lui l'officier le plus haut gradé de la VJ. Au cours de cette
15 période, la VJ a facilité la fourniture d'aide militaire et logistique à
16 l'armée de la Republika Srpska, ou "VRS", en Bosnie-Herzégovine, et à
17 l'armée de la Krajina serbe, ou "SVK", en Croatie.
18 La Chambre de première instance, le Juge Moloto étant en désaccord, a
19 déclaré M. Perisic coupable en tant que complice pour avoir aidé et
20 encouragé les crimes suivants commis par la VRS dans les villes bosniaques
21 de Sarajevo et Srebrenica : assassinat, actes inhumains et persécutions en
22 tant que crimes contre l'humanité; et meurtre et attaques contre des civils
23 en tant que violations des lois ou coutumes de la guerre. La Chambre de
24 première instance, le Juge Moloto étant en désaccord, a également déclaré
25 M. Perisic coupable en tant que supérieur hiérarchique pour avoir manqué à
26 son obligation de sanctionner les crimes suivants liés au bombardement de
27 Zagreb par la SVK les 2 et 3 mai 1995 : assassinat et actes inhumains en
28 tant que crimes conter l'humanité; et meurtre et attaques contre des civils
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1 en tant que violations des lois ou coutumes de la guerre. M. Perisic a été
2 condamné à une peine d'emprisonnement de 27 ans.
3 M. Perisic fait valoir 17 moyens d'appel qui remettent en cause ses
4 condamnations et sa peine. Il demande à la Chambre d'appel d'annuler toutes
5 ses condamnations ou, à titre subsidiaire, de réduire sa peine. La Chambre
6 d'appel va maintenant aborder les arguments de M. Perisic, abordant en
7 premier lieu ses moyens d'appel se rapportant à ses condamnations pour
8 avoir aidé et encouragé les crimes commis à Sarajevo et Srebrenica.
9 Dans ses moyens d'appel 1 à 12, M. Perisic fait valoir que la Chambre de
10 première instance a commis une erreur en le condamnant pour avoir aidé et
11 encouragé les crimes commis par la VRS à Sarajevo et Srebrenica. M. Perisic
12 affirme en particulier que la Chambre de première instance a commis une
13 erreur en considérant qu'il n'est pas nécessaire que les actes d'un
14 complice visent précisément à faciliter la commission des crimes reprochés.
15 Il fait valoir en outre que la Chambre de première instance a commis un
16 nombre d'erreurs supplémentaires à l'égard de sa condamnation pour
17 complicité par aide et encouragement.
18 L'Accusation réplique en disant que la Chambre de première instance n'a pas
19 commis d'erreur en condamnant M. Perisic pour avoir aidé et encouragé les
20 crimes commis par la VRS à Sarajevo et Srebrenica.
21 La Chambre d'appel rappelle que la Chambre de première instance a conclu
22 que la notion de visée précisément n'est pas un élément constitutif de
23 l'élément matériel de la complicité par aide et encouragement. En
24 conséquence, la Chambre de première instance a refusé de considérer si oui
25 ou non l'aide fournie par M. Perisic visait précisément à faciliter les
26 crimes reprochés commis par la VRS. La Chambre de première instance a
27 conclu que M. Perisic a contribué de façon substantielle à ces crimes. Il
28 savait que son aide facilitait les crimes commis à Sarajevo et Srebrenica
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1 et il connaissait le caractère général de ces crimes. En se fondant sur ces
2 conclusions, la Chambre de première instance a déclaré M. Perisic coupable
3 d'avoir aidé et encouragé la commission des crimes commis par la VRS à
4 Sarajevo et Srebrenica.
5 La Chambre d'appel rappelle que la notion de visée précisément a été
6 énoncée pour la première fois dans l'arrêt Tadic en 1999 comme signifiant
7 l'élément requis de l'élément matériel de la responsabilité pour complicité
8 par aide et encouragement. Jusqu'à ce jour, aucun arrêt de la Chambre
9 d'appel n'a trouvé de raison impérieuse justifiant qu'elle s'écarte de la
10 définition de la responsabilité pour complicité par aide et encouragement
11 adoptée dans l'arrêt Tadic. En outre, de nombreux arrêts ont par la suite
12 explicitement fait référence à la notion de visée précisément lors de
13 l'énumération des éléments constitutifs de la complicité par aide et
14 encouragement, en répétant souvent littéralement le précédent
15 jurisprudentiel pertinent dans l'arrêt Tadic.
16 La Chambre de première instance s'est appuyée sur l'arrêt Mrksic et
17 Sljivancanin lorsqu'elle a considéré que la notion de visée précisément
18 n'était pas un élément requis de l'élément matériel de la complicité par
19 aide et encouragement. La Chambre d'appel note que l'arrêt Mrksic et
20 Sljivancanin déclare en passant que la notion de visée précisément à
21 faciliter les crimes ne constitue pas un élément déterminant de l'élément
22 matériel de la complicité par aide et encouragement.
23 La Chambre d'appel rappelle la pratique établie qui consiste à "ne
24 s'écarter d'une décision antérieure qu'après l'avoir soigneusement examinée
25 au regard du droit, notamment les sources et les faits." La référence faite
26 en passant dans l'arrêt Mrksic et Sljivancanin à la notion de visée
27 précisément ne peut être assimilée à un examen attentif. Dans le cas où la
28 Chambre d'appel avait trouvé des raisons impérieuses justifiant qu'elle
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1 s'écarte du précédent pertinent ou qu'elle avait l'intention de s'en
2 écarter, la Chambre d'appel se serait livrée à une analyse claire et
3 approfondie de la question, en abordant à la fois la jurisprudence
4 antérieure et les sources étayant une approche subsidiaire. Au contraire,
5 la référence pertinente à la notion de visée précisément a été faite dans
6 une partie et un paragraphe qui abordent l'élément moral plutôt que
7 l'élément matériel; qui se limitait à une seule phrase qui n'était pas
8 pertinente au regard de la constatation de la Chambre d'appel; et qui n'a
9 pas reconnu qu'elle s'écartait d'un précédent antérieur; et ce qui est
10 encore plus parlant, cette référence ne cite qu'un autre arrêt antérieur
11 qui confirme, en réalité, que la notion de visée précisément n'est pas un
12 élément constitutif de la responsabilité pour complicité par aide et
13 encouragement. Ces indices semblent indiquer que la formule "n'est pas un
14 élément déterminant" n'était pas destinée à s'écarter de la jurisprudence
15 antérieure qui établit que la notion de visée précisément est un élément
16 constitutif de la responsabilité pour complicité par aide et encouragement.
17 En conséquence, la Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord,
18 considère que la notion de visée précisément reste un élément constitutif
19 de la responsabilité pour complicité par aide et encouragement et réaffirme
20 qu'aucune déclaration de culpabilité pour complicité par aide et
21 encouragement dans la commission d'un crime ne peut être prononcée si la
22 notion de visée précisément n'a pas été prouvée au-delà de tout doute
23 raisonnable.
24 La Chambre d'appel rappelle, le Juge Liu étant en désaccord, que la
25 notion de visée précisément établit un lien de culpabilité entre l'aide
26 fournie par un individu accusé et les crimes commis par les principaux
27 auteurs. Dans de nombreux cas, les éléments de preuve qui portent sur
28 d'autres éléments relatifs à la responsabilité pour complicité par aide et
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1 encouragement peuvent être suffisants pour prouver l'existence de la notion
2 de visée précisément et, donc, du lien de culpabilité requis.
3 A cet égard, la Chambre d'appel note que les arrêts précédents rendus
4 par ce Tribunal n'ont pas procédé à des analyses approfondies de la notion
5 de visée précisément. Le manque de débat sur la question s'explique peut-
6 être par le fait que les condamnations antérieures pour complicité par aide
7 et encouragement ou confirmation de ces condamnations par la Chambre
8 d'appel impliquaient des actes pertinents sur le plan géographique ou
9 commis à proximité de, et non pas éloignés des crimes commis par les
10 auteurs principaux. Lorsqu'une telle proximité existe, la notion de visée
11 précisément peut être démontrée de façon implicite au travers d'autres
12 éléments constitutifs de la responsabilité pour complicité par aide et
13 encouragement, tels que la contribution substantielle.
14 Cependant, tous les cas de complicité par aide et encouragement
15 n'impliquent pas qu'il y ait proximité des actes individuels pertinents
16 d'un accusé aux crimes commis par les auteurs principaux. Lorsqu'un
17 complice accusé se trouve éloigné des crimes pertinents, des éléments de
18 preuve qui prouvent d'autres éléments constitutifs de la complicité par
19 aide et encouragement ne sont peut-être pas suffisants pour prouver la
20 notion de visée précisément. Dans de telles conditions, la Chambre d'appel,
21 le Juge Liu étant en désaccord, considère qu'un examen explicite de cette
22 notion est requis.
23 La Chambre d'appel remarque que l'aide fournie par M. Perisic à la
24 VRS était éloignée des crimes pertinents commis par les auteurs principaux.
25 La Chambre de première instance a conclu en particulier que la VRS était
26 indépendante de la VJ et que les deux armées étaient basées dans deux
27 régions géographiques distinctes. En outre, la Chambre de première instance
28 n'a cité aucun élément de preuve sur la présence physique de M. Perisic au
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1 moment où les crimes pertinents ont été planifiés ou commis. Dans ces
2 conditions, le Juge Liu étant en désaccord, la Chambre d'appel considère
3 qu'une analyse explicite de la notion de visée précisément eut été requise
4 pour permettre d'établir le lien nécessaire entre l'aide fournie par M.
5 Perisic et les crimes commis par les auteurs principaux.
6 En conséquence, la Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord,
7 considère que la Chambre de première instance a commis une erreur de droit
8 en n'examinant pas la question de savoir si la notion de visée précisément
9 a été prouvée en l'espèce. La Chambre d'appel va donc apprécier les
10 éléments de preuve qui se rapportent aux condamnations de M. Perisic pour
11 avoir aidé et encouragé la commission des crimes de novo en appliquant le
12 critère juridique correct, en considérant le fait de savoir si les actions
13 de M. Perisic visaient précisément à apporter une aide et un encouragement
14 aux crimes commis par la VRS à Sarajevo et Srebrenica.
15 La Chambre d'appel note que les jugements antérieurs n'ont pas fourni
16 d'analyse approfondie sur les éléments de preuve susceptibles de prouver la
17 notion de visée précisément. Cependant, la Chambre d'appel rappelle que la
18 notion de visée précisément implique le fait de trouver un lien entre le
19 complice accusé et les crimes commis par les auteurs principaux. La Chambre
20 d'appel considère que le type de preuve requis pour établir un tel lien
21 dépend des faits de l'espèce. Cependant, dans la plupart des cas, la
22 fourniture d'aide générale susceptible d'être utilisée à la fois pour des
23 activités légales et illégales ne suffirait pas à elle seule pour prouver
24 que cette aide visait précisément à faciliter les crimes commis par les
25 auteurs principaux. Afin de déterminer si l'aide de la VJ, facilitée par M.
26 Perisic, visait précisément à faciliter la commission des crimes commis par
27 la VRS à Sarajevo et Srebrenica, la Chambre d'appel prend en compte les
28 éléments de preuve pertinents au dossier de novo en tenant compte, le cas
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1 échéant, des conclusions de la Chambre de première instance.
2 A titre préliminaire, la Chambre d'appel rappelle que la VRS n'était
3 pas subordonnée à la VJ de jure ou de facto. La Chambre d'appel va
4 maintenant analyser si l'assistance ou l'aide de VJ à la VRS, que M.
5 Perisic reconnaît avoir facilitée, visait précisément les crimes de la VRS.
6 A cet égard, la Chambre d'appel va évaluer les éléments suivants : le rôle
7 de M. Perisic lors de la mise au point et de la mise en œuvre de la
8 politique d'aide à la République fédérale de Yougoslavie à la VRS, l'étude
9 de cette politique d'aide à la VRS afin de voir si elle tombait précisément
10 à la commission de certains crimes par la VRS, et si M. Perisic a, soit mis
11 en œuvre la politique du Conseil suprême de Défense de la République
12 fédérale de Yougoslavie - en d'autres termes, le CSD - d'aider la VRS d'une
13 façon qui visait précisément à aider la VRS à commettre des crimes à
14 Sarajevo et à Srebrenica, ou a pris des mesures pour fournir une telle aide
15 hors du contexte de l'aide approuvée par le CSD.
16 La Chambre d'appel souligne que les paramètres de son analyse sont
17 limités et se concentre seulement sur les facteurs relatifs à la
18 responsabilité pénale individuelle de M. Perisic pour les crimes de la VRS
19 à Sarajevo et à Srebrenica et non sur la responsabilité potentielle d'Etats
20 ou d'autres entités pour lesquels le Tribunal n'a pas compétence. La
21 Chambre d'appel insiste également sur le fait que son analyse de la notion
22 de tendre précisément à faciliter la commission de crimes porte
23 exclusivement sur l'élément matériel. A ce titre, la Chambre d'appel
24 reconnaît que dans le cadre de cette analyse, il se peut qu'elle considère
25 des éléments étroitement associés aux questions de l'élément moral.
26 Effectivement, comme indiqué ci-dessous, les éléments de preuve relatifs à
27 l'état d'esprit d'un individu peuvent correspondre à des éléments de preuve
28 indirects indiquant que l'aide qu'il ou elle a porté visait précisément à
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1 faciliter les crimes reprochés. Toutefois, la Chambre d'appel rappelle à
2 nouveau que l'élément moral requis pour étayer une condamnation pour avoir
3 aidé et encouragé est constitué par la connaissance de l'aide à la
4 commission d'actes criminels, de pair avec la connaissance des éléments
5 essentiels de ces crimes. En revanche, comme indiqué ci-dessus, la
6 jurisprudence, établie de longue date par le Tribunal, affirme que la
7 notion de tendre précisément ou visée précisément à faciliter le crime est,
8 sur le plan analytique, un élément distinct de l'élément matériel.
9 La Chambre d'appel rappelle que M. Perisic a été le plus haut
10 responsable de la VJ pendant la période couverte par l'acte d'accusation et
11 était responsable de la préparation au combat et de l'organisation des
12 opérations de la VJ. M. Perisic était subordonné au président de la
13 République fédérale de la Yougoslavie, et le CSD prônait en dernier ressort
14 les décisions relatives à la politique de défense et aux priorités
15 opérationnelles pour la VJ. Certes, de nombreuses personnes, y compris M.
16 Perisic, assistaient aux réunions du CSD, mais les décisions finales du CSD
17 étaient prises par les dirigeants politiques, à savoir le président de la
18 République fédérale de Yougoslavie et les présidents des Républiques de
19 Serbie et du Monténégro.
20 La décision d'apporter une aide de la VJ à la VRS fut adoptée par le
21 CSD avant la nomination de M. Perisic au poste de chef de l'état-major
22 général de la VJ. Et le CSD a continué à soutenir cette politique lorsque
23 M. Perisic a exercé cette fonction. M. Perisic a régulièrement assisté et
24 activement participé aux réunions du CSD, et le CSD lui avait délégué le
25 pouvoir pour administrer et gérer l'assistance apportée à la VRS.
26 Cependant, le CSD conservait le pouvoir d'examiner à la fois les demandes
27 précises d'assistance, ainsi que la politique générale relative à la
28 fourniture d'aide à la VRS.
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1 La Chambre d'appel rappelle que le fait que le CSD décidait en
2 dernier ressort de la politique d'aide apportée à la VRS n'exempt pas en
3 soi M. Perisic de responsabilité pénale. Pour analyser si M. Perisic est
4 responsable d'avoir aidé et encouragé la perpétration des crimes de la VRS
5 à Sarajevo et Srebrenica, la Chambre d'appel examinera dans un premier
6 temps si la politique d'aide du CSD à la VRS tendait précisément à
7 faciliter les activités criminelles. Cela pourrait être démontré, soit s'il
8 était conclu que la VRS était une organisation entièrement criminelle, ou
9 que le CSD destinait son aide aux crimes commis par la VRS.
10 La Chambre d'appel rappelle que la Chambre de première instance n'a
11 pas qualifié la VRS d'organisation criminelle. La Chambre d'appel a examiné
12 les éléments de preuve du dossier et convient avec la Chambre de première
13 instance que la VRS n'était pas une organisation dont les actions étaient
14 criminelles en soi. Il s'agissait plutôt d'une armée combattant pendant une
15 guerre. La Chambre d'appel relève que la Chambre de première instance a
16 conclu que la stratégie de la VRS était inextricablement liée aux crimes
17 contre les civils. Toutefois, la Chambre de première instance n'a pas
18 conclu que toutes les activités de la VRS à Sarajevo ou Srebrenica étaient
19 de nature criminelle. Dans ses conclusions, la Chambre de première instance
20 s'est limitée à qualifier de criminelles certaines actions de la VRS dans
21 le contexte des opérations menées à Sarajevo et à Srebrenica. Au vu de ces
22 circonstances, la Chambre d'appel considère qu'une politique d'apport
23 d'aide à l'effort de guerre général de la VRS ne démontre pas en soi que
24 l'aide apportée par M. Perisic visait précisément à faciliter les crimes
25 commis par la VRS à Sarajevo et à Srebrenica.
26 De surcroît, ni les conclusions de la Chambre de première instance ni
27 l'examen de novo du dossier ne révèlent d'éléments sur lesquels peut
28 s'appuyer la conclusion que la politique du CSD visait précisément à aider
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1 la commission des crimes de la VRS. Le CSD s'est plutôt concentré sur le
2 suivi et les modalités de répartition de l'aide à l'effort de guerre
3 général de la VRS. Par exemple, les discussions au sein du CSD ont porté
4 sur les difficultés à fournir des niveaux précis d'aide demandés par la VRS
5 sur les soldes du personnel de la VJ détaché auprès de la VRS, et sur la
6 façon de réagir lorsque des membres de la VJ fournissaient du matériel à la
7 VRS sans autorisation officielle. La Chambre d'appel observe que bien que
8 la Chambre de première instance ait pris en considération le volume d'aide
9 apporté à la VRS lorsqu'elle a conclu que l'aide de la VJ avait eu un effet
10 important à la perpétration des crimes de la VRS à Sarajevo et Srebrenica,
11 les éléments de preuve relatifs au volume d'aide ne permettent pas
12 nécessairement de déterminer que ce volume d'aide tendait ou visait
13 précisément à faciliter la commission des crimes. Au vu des circonstances
14 de cette affaire, les indices démontrant le volume de l'aide apportée par
15 la VJ à la VRS constituent des éléments de preuve indirects permettant
16 d'établir qu'ils ont tendu précisément à faciliter les crimes. Toutefois,
17 après examen de l'ensemble du dossier, une constatation suivant laquelle
18 des éléments ont tendu précisément à faciliter les crimes doit être la
19 seule conclusion raisonnable. Dans ce contexte, la Chambre d'appel, le Juge
20 Liu étant en désaccord, considère qu'une interprétation raisonnable du
21 dossier en l'espèce est que le CSD a destiné son aide militaire de grande
22 ampleur à l'effort de guerre général de la VRS, et non à la perpétration
23 des crimes de la VRS. En conséquence, si l'on prend la totalité des
24 éléments de preuve du dossier, et même si l'on considère le volume d'aide
25 de la VJ, la seule conclusion raisonnable à laquelle on peut aboutir n'est
26 pas que l'aide apportée par la VJ tendait précisément ou visait précisément
27 à faciliter les crimes de la VRS.
28 Au vu de ce qui précède, la Chambre d'appel, le Juge Liu étant en
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1 désaccord, conclut qu'il n'a pas été prouvé que la politique d'aide du CSD
2 de la VRS tendait précisément à faciliter les crimes de la VRS par
3 opposition à l'effort de guerre général de la VRS. Etant donné que l'aide
4 apportée à la VRS ne s'inscrivait pas dans le cadre de la commission de
5 crimes précis, la Chambre d'appel considère que dans la mesure où M.
6 Perisic a exécuté fidèlement la politique de soutien du CSD à la VRS,
7 l'aide apportée par M. Perisic ne tendait pas, ne visait pas précisément à
8 faciliter les activités criminelles de la VRS, y compris les crimes de la
9 VRS à Sarajevo et Srebrenica.
10 La Chambre d'appel va maintenant analyser si M. Perisic a mis en œuvre la
11 politique d'aide du CSD à l'effort de guerre général de la VRS afin de
12 faire en sorte que l'aide vise précisément à faciliter les crimes de la VRS
13 ou si M. Perisic a pris des mesures séparées visant le même effet. A cet
14 égard, la Chambre d'appel va examiner le rôle joué par M. Perisic lors des
15 délibérations du CSD, ainsi que la nature de l'aide qu'il a apportée à la
16 VRS et les modalités de distribution de cette aide. En dernier lieu, la
17 Chambre d'appel examinera si M. Perisic a pris des mesures indépendamment
18 de ses efforts pour mettre en œuvre la politique du CSD et a indiqué que
19 l'aide qu'il apportait visait précisément à faciliter les crimes de la VRS
20 à Sarajevo et à Srebrenica.
21 Premièrement, la Chambre d'appel note que les éléments de preuve relatifs
22 aux discussions de M. Perisic lors des réunions du CSD ne suggèrent pas
23 qu'il ait préconisé que l'aide vise précisément à faciliter les crimes de
24 la VRS. La Chambre de première instance a conclu que M. Perisic était
25 partisan de la poursuite de l'aide du CSD pour aider la VRS. Lors des
26 réunions du CSD, il a prôné le maintien de l'aide à la VRS ainsi que
27 l'adoption de mesures financières et juridiques pour faciliter ladite aide.
28 Toutefois, compte tenu de l'analyse de la Chambre de première instance et
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1 de l'examen de novo du dossier en l'espèce, la Chambre d'appel, le Juge Liu
2 étant en désaccord, conclut qu'il n'existe pas de preuve que M. Perisic
3 soutenait l'apport d'aide visant précisément à faciliter les activités
4 criminelles de la VRS. Les éléments de preuve du dossier suggèrent plutôt
5 que les actes de M. Perisic étaient destinés à aider l'effort de guerre
6 général de la VRS.
7 La Chambre d'appel observe que M. Perisic bénéficiait d'une attitude
8 considérable pour apporter de l'aide à la VRS et qu'il pouvait notamment
9 refuser des demandes d'aide qui n'étaient pas présentées par la filière
10 officielle. Il est certes possible que M. Perisic ait pu utiliser son
11 pouvoir pour détourner vers les activités criminelles de la VRS l'aide
12 approuvée par le CSD, mais la Chambre de première instance n'a pas tiré de
13 conclusion à cet effet. Et l'examen mené par la Chambre d'appel des
14 éléments de preuve pertinents suggère également que M. Perisic a simplement
15 destiné l'aide à l'effort de guerre général dans les limites des paramètres
16 établis par le CSD.
17 La Chambre d'appel rappelle que les indices démontrant la nature et
18 la distribution de l'aide de la VJ pourraient également constituer des
19 éléments de preuve indirects indiquant qu'ils visaient précisément à
20 faciliter les crimes. En ce qui concerne les catégories précises d'aide
21 apportée par la VJ par l'intermédiaire de M. Perisic, la Chambre d'appel,
22 le Juge Liu étant en désaccord, conclut que ni le détachement des soldats
23 de la VJ à la VRS, ni la mise à disposition d'aide logistique semblent
24 incompatibles avec des opérations militaires légales. La Chambre d'appel
25 conclut aussi que les éléments de preuve du dossier ne prouvent pas que M.
26 Perisic ait pris des mesures dans un contexte dépassant la portée de la
27 politique du CSD pour aider la VRS à perpétrer des crimes.
28 La Chambre d'appel rappelle à nouveau que la VRS a entrepris, entre autres,
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1 des activités de combat légales et n'était pas une organisation purement
2 criminelle. Dans ce contexte, la Chambre d'appel, le Juge Liu étant en
3 désaccord, considère qu'une interprétation raisonnable des éléments de
4 preuve indirects pertinents est qu'alors que M. Perisic ait pu avoir
5 connaissance des crimes de la VRS, l'aide de la VJ qu'il a facilitée était
6 destinée à l'effort de guerre général plutôt qu'aux crimes de la VRS. En
7 conséquence, la Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord, est d'avis
8 qu'il n'a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que M. Perisic
9 ait facilité une aide qui visait précisément la perpétration de crimes de
10 la VRS à Sarajevo et à Srebrenica.
11 La Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord, a précisé qu'en
12 l'absence d'un lien de proximité entre les actions de M. Perisic et les
13 crimes de la VRS, une analyse explicite de la notion qui vise précisément
14 ou spécifiquement était nécessaire. Comme précisé ci-dessus, la Chambre
15 d'appel a examiné les conclusions générales relatives aux preuves et a
16 procédé à une évaluation du dossier de novo. En résumé, la Chambre d'appel,
17 le Juge Liu étant en désaccord, n'est pas convaincue que la seule
18 interprétation raisonnable de la globalité des éléments de preuve indirects
19 est que M. Perisic avait apporté une aide qui tendait et qui visait
20 précisément à faciliter les crimes de la VRS. Une interprétation
21 raisonnable du dossier est plutôt que l'aide de la VJ facilitée par M.
22 Perisic visait précisément à faciliter l'effort de guerre général plutôt
23 que les crimes de la VRS. En conséquence, la Chambre d'appel, le Juge Liu
24 étant en désaccord, n'est pas convaincue qu'il ait été prouvé que l'aide de
25 la VJ facilitée par M. Perisic visait précisément à faciliter les crimes de
26 la VRS à Sarajevo et à Srebrenica.
27 Comme démontré ci-dessus, la Chambre d'appel considère que l'assistance
28 fournie par une armée aux efforts de guerre déployés par une autre armée ne
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1 suffit pas en soi pour déclencher la responsabilité pénale individuelle
2 pour les personnes ayant fourni cette aide s'il n'est pas prouvé que l'aide
3 en question tendait précisément ou visait précisément à faciliter des
4 activités criminelles. La Chambre d'appel souligne, néanmoins, que cette
5 conclusion ne devrait aucunement être interprétée afin de permettre aux
6 dirigeants militaires de détourner la responsabilité pénale en sous-
7 traitant la perpétration d'actes criminels. S'il est prouvé qu'un groupe
8 militaire manifestement indépendant est sous le contrôle d'officiers d'un
9 autre groupe militaire, ce dernier peut toujours être considéré responsable
10 de crimes commis par leurs forces fantoches. De même, l'aide apportée par
11 une force militaire et qui tend à faciliter la perpétration de crimes
12 commis par une force peut aussi déclencher une responsabilité pour avoir
13 aidé et encouragé. Toutefois, comme expliqué ci-dessus, pour que l'individu
14 accusé soit considéré comme pénalement responsable, il faut établir un lien
15 suffisant entre les actes de l'individu accusé d'avoir aidé et encouragé un
16 crime et le crime qu'on lui reproche d'avoir aidé. Ni les conclusions de la
17 Chambre de première instance, ni les éléments de preuve du dossier ne
18 prouvent l'existence de ce lien en ce qui concerne les actions de M.
19 Perisic.
20 Après avoir soigneusement examiné les éléments de preuve du dossier, la
21 Chambre d'appel conclut, le Juge Liu étant en désaccord, que la commission
22 par Momcilo Perisic d'actes visant spécifiquement à aider, encourager ou
23 fournir un soutien moral en vue de la perpétration des crimes spécifiques
24 commis par la VRS n'a pas été établie au-delà de tout doute raisonnable.
25 Les éléments de la responsabilité pour complicité n'ayant pas tous été
26 établis au-delà de tout doute raisonnable, il découle de ce qui précède que
27 les déclarations de culpabilité de Momcilo Perisic pour aide et
28 encouragement doivent être annulées.
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1 Par ces motifs, la Chambre d'appel, le Juge Liu étant en désaccord,
2 accueille les parties des deuxième et troisième moyens d'appel de Momcilo
3 Perisic relatives à ses déclarations de culpabilité pour aide et
4 encouragement et annule les déclarations de culpabilité prononcées à
5 l'encontre de Momcilo Perisic pour les chefs 1, 2, 3, 4, 9, 10, 11 et 12 de
6 l'acte d'accusation. Compte tenu de cette conclusion, le surplus des
7 arguments présentés par Momcilo Perisic dans ses premier à douzième moyens
8 d'appel est rejeté comme n'ayant plus lieu d'être.
9 Dans son treizième moyen d'appel, Momcilo Perisic affirme que la Chambre de
10 première instance a commis une erreur de droit et de fait en concluant à
11 l'existence d'un lien de subordination entre les membres de la VJ détachés
12 auprès de la SVK et Momcilo Perisic pendant la période du bombardement de
13 Zagreb les 2 et 3 mai 1995. L'Accusation a répondu que la Chambre de
14 première instance n'avait pas commis d'erreur en déclarant Momcilo Perisic
15 coupable de ne pas avoir puni les membres de la VJ détachés auprès de la
16 SVK qui avaient commis des crimes à Zagreb.
17 La conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle Momcilo
18 Perisic était responsable en tant que supérieur hiérarchique se fondait en
19 partie sur le poste d'officier haut gradé de la VJ qu'il occupait. Plus
20 précisément, la Chambre de première instance a constaté que certains
21 membres de la VJ, dont les auteurs des crimes commis à Zagreb et reprochés
22 dans l'acte d'accusation, avaient été détachés auprès de la SVK afin
23 d'apporter leur concours à l'effort de guerre de la République de la
24 Krajina serbe. Sur le plan administratif, ces soldats de la VJ détachés
25 auprès de la SVK étaient affectés à une unité de la VJ connue sous le nom
26 de 40e Centre d'affectation du Personnel, ou 40e CP, qui, entre autres,
27 assurait le versement de leur solde et prenait en charge leur logement,
28 ainsi que les prestations médicales et les frais de scolarisation pendant
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1 leur détachement.
2 La Chambre d'appel rappelle qu'un supérieur hiérarchique ne peut être tenu
3 responsable des actes commis par ses subordonnés qu'à la condition, entre
4 autres, d'avoir exercé un contrôle effectif sur lesdits subordonnés. La
5 Chambre d'appel rappelle en outre qu'un accusé ne saurait être tenu
6 responsable en vertu de l'article 7(3) du Statut pour manquement à punir
7 des crimes qui ont été commis par un subordonné avant que l'accusé ne
8 prenne le commandement dudit subordonné.
9 A titre liminaire, la Chambre d'appel relève l'insuffisance de l'examen et
10 de l'analyse auxquels la Chambre de première instance a soumis les
11 dépositions des témoins pertinents. Un avis motivé fait ici défaut et il
12 s'agit, par conséquent, d'une erreur de droit. Compte tenu de l'erreur de
13 droit commise par la Chambre de première instance, la Chambre d'appel est
14 amenée à procéder à l'examen de novo des éléments de preuve relatifs au
15 contrôle effectif exercé par Momcilo Perisic.
16 Les éléments de preuve en question consistant en des preuves indirectes, il
17 n'est possible de conclure au contrôle effectif qu'à condition que le
18 dossier ne se prête à aucune autre interprétation raisonnable. Pour
19 déterminer si Momcilo Perisic a exercé un contrôle effectif sur les auteurs
20 des crimes commis à Zagreb, la Chambre d'appel procède à l'examen des
21 éléments de preuve pertinents tout en tenant compte, selon les cas, des
22 constatations pertinentes de la Chambre de première instance. La Chambre
23 d'appel rappelle en premier lieu que des forces de la SVK ont bombardé
24 Zagreb les 2 et 3 mai 1995, tuant et blessant des civils. La Chambre de
25 première instance a constaté que c'était Milan Celeketic, un soldat de la
26 VJ détaché auprès de la SVK par l'intermédiaire du 40e CP, qui avait
27 ordonné ce bombardement sur la base d'instructions données par le président
28 de la République de la Krajina serbe, Milan Martic. La Chambre de première
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1 instance a également constaté que durant les attaques menées par la SVK en
2 Croatie, Momcilo Perisic a donné pour instruction à Celeketic de ne pas
3 bombarder Zagreb. Ces instructions n'ont toutefois pas été suivies des
4 faits.
5 La Chambre d'appel s'est penchée sur les éléments de preuve relatifs à la
6 capacité de Momcilo Perisic à délivrer des ordres de commandement à
7 caractère contraignant aux membres de la VJ détachés par l'intermédiaire du
8 40e CP. Cependant, au terme d'un examen minutieux des preuves indirectes
9 pertinentes, la Chambre d'appel n'est pas convaincue que la capacité de
10 Momcilo Perisic à délivrer des ordres de commandement aux membres de la VJ
11 détachés à l'époque du bombardement de Zagreb soit la seule conclusion
12 raisonnable possible.
13 La Chambre d'appel s'est également penchée sur les éléments de preuve
14 relatifs à la capacité de Momcilo Perisic à sanctionner les soldats de la
15 VJ détachés par l'intermédiaire du 40e CP. La Chambre de première instance
16 a fait observer que Momcilo Perisic avait participé à la procédure
17 disciplinaire engagée contre des soldats de la VJ détachés par
18 l'intermédiaire du 40e CP suite à la chute de la République de la Krajina
19 serbe plusieurs mois après la commission des crimes à Zagreb. La Chambre
20 d'appel relève, toutefois, la présence d'éléments de preuve indiquant que
21 la -- VK, après la chute de la République de la Krajina serbe, ont été
22 placés sous le contrôle direct de la VJ. Compte tenu de cela, affirmer que
23 Momcilo Perisic n'a acquis un pouvoir de sanction sur les membres de la VJ
24 détachés auprès de la SVK qu'après le bombardement de Zagreb constitue une
25 interprétation raisonnable de ces éléments de preuve.
26 Enfin, la Chambre d'appel relève la présence d'éléments de preuve indiquant
27 qu'au sein du 40e CP, Momcilo Perisic exerçait une forme de contrôle sur
28 les promotions et les départs. La Chambre d'appel fait également observer
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1 que Momcilo Perisic a participé très activement aux opérations de la SVK
2 par sa gestion de l'aide de la VJ et qu'il avait le pouvoir d'approuver ou
3 de rejeter des demandes spécifiques d'assistance ou de détachement. Ces
4 éléments de preuve laissent à penser que Momcilo Perisic exerçait une
5 certaine influence sur les membres de la VJ détachés auprès de la SVK.
6 Après avoir examiné différents types d'éléments de preuve relatifs au
7 contrôle effectif exercé par Momcilo Perisic, la Chambre d'appel s'est
8 penchée sur la question de savoir si ces éléments de preuve, considérés
9 dans leur totalité, permettait d'établir que durant la période pertinente
10 Momcilo Perisic exerçait un contrôle effectif sur les membres de la SVK
11 impliqués dans la commission de crimes pendant le bombardement de Zagreb.
12 La Chambre d'appel fait une nouvelle fois observer que les preuves
13 pertinentes sont indirectes. Par conséquent, il n'est possible de conclure
14 au contrôle effectif qu'à la condition que ces éléments de preuve ne se
15 prêtent à aucune autre interprétation raisonnable.
16 La Chambre d'appel conclut que si certains des éléments de preuve versés au
17 dossier cadrent avec un contrôle effectif exercé par Momcilo Perisic sur
18 les soldats détachés par l'intermédiaire du 40e CP, d'autres éléments de
19 preuve laissent, en revanche, à penser que pendant le bombardement de
20 Zagreb, Momcilo Perisic n'exerçait pas de contrôle effectif sur les auteurs
21 des crimes reprochés commis à Zagreb.
22 La conclusion selon laquelle Momcilo Perisic aurait exercé un contrôle
23 effectif sur ceux qui ont commis des crimes à Zagreb pendant le
24 bombardement de cette ville n'est donc pas la seule conclusion raisonnable
25 que l'on puisse tirer de l'ensemble des preuves indirectes en l'espèce. Par
26 conséquent, il n'a pas été démontré au-delà de tout doute raisonnable que
27 Momcilo Perisic a exercé un contrôle effectif.
28 Faute d'avoir établi l'existence d'un contrôle effectif exercé sur les
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1 subordonnés, l'on ne saurait établir la responsabilité du supérieur
2 hiérarchique. La Chambre d'appel annule, par conséquent, la conclusion de
3 la Chambre de première instance selon laquelle Momcilo Perisic était
4 responsable de manquement à punir les soldats concernés de la VJ servant
5 dans les rangs de la SVK pour leurs actes pendant le bombardement de
6 Zagreb. Il en ressort que le surplus des arguments présentés par Momcilo
7 Perisic au sujet de la responsabilité du supérieur hiérarchique n'ont plus
8 lieu d'être et ne seront pas examinés.
9 Par ces motifs, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de première
10 instance a commis une erreur en déclarant Momcilo Perisic coupable de ne
11 pas avoir puni les soldats de la VJ détachés par l'intermédiaire du 40e CP
12 pour les crimes commis pendant le bombardement de Zagreb les 2 et 3 mai
13 1995. La Chambre d'appel accueille, par conséquent, le troisième moyen
14 d'appel de Momcilo Perisic.
15 Je vais maintenant donner lecture intégrale du dispositif de l'arrêt de la
16 Chambre d'appel.
17 Monsieur Perisic, veuillez vous lever.
18 Pour les motifs précédemment exposés, la Chambre d'appel, en vertu de
19 l'article 25 du Statut et des articles 117 et 118 du Règlement, vu les
20 mémoires respectifs des parties et les arguments qu'elles ont présentés à
21 l'audience du 30 octobre 2012, siégeant en audience publique, accueille
22 partiellement, le Juge Liu étant en désaccord, les deuxième et troisième
23 moyens d'appel de Momcilo Perisic; annule, le Juge Liu étant en désaccord,
24 les déclarations de culpabilité de Momcilo Perisic pour assassinat, actes
25 inhumains et persécutions en tant que crimes contre l'humanité, et pour
26 meurtre et attaques contre des civils en tant que violations des lois ou
27 coutumes de la guerre; et prononce, le Juge Liu étant en désaccord,
28 l'acquittement de Momcilo Perisic des chefs 1, 2, 3, 4, 9, 10, 11 et 12 de
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1 l'acte d'accusation; accueille le troisième [comme interprété] moyen
2 d'appel de Momcilo Perisic; annule la déclaration de culpabilité de Momcilo
3 Perisic pour assassinat et actes inhumains en tant que crimes contre
4 l'humanité, et pour meurtre et attaques contre les civils en tant que
5 violations des lois ou coutumes de la guerre; et prononce l'acquittement de
6 Momcilo Perisic des chefs 5, 6, 7 et 8 de l'acte d'accusation; rejette, le
7 Juge Liu étant en désaccord, le surplus des moyens d'appel présentés comme
8 n'ayant plus lieu d'être; et ordonne, en application des articles 99(A) et
9 107 du Règlement, la mise en liberté immédiate de Momcilo Perisic, et donne
10 pour instruction au Greffier de prendre les dispositions nécessaires à
11 cette fin.
12 Les Juges Theodor Meron et Carmel Agius joignent à cet arrêt une opinion
13 individuelle conjointe.
14 Le Juge Liu Daqun joint à cet arrêt une opinion partiellement dissidente.
15 La Juge Arlette Ramaroson joint à cet arrêt une opinion individuelle.
16 Monsieur Perisic, vous pouvez vous rasseoir.
17 Monsieur le Greffier, veuillez distribuer des exemplaires de l'arrêt.
18 La présente audience de la Chambre d'appel du Tribunal pénal international
19 pour l'ex-Yougoslavie est levée.
20 --- L'audience est levée à 15 heures 56.
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