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1 (Mercredi 18 décembre 2002.)
2 (Audience de sentence – Réquisitoires et plaidoirie.)
3 (L'audience est ouverte à 14 heures 34.)
4 (Audience publique.)
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Tieger, vous pourrez commencer
6 au nom de l'accusation. Et, si c'est bien le cas, il serait utile que vous
7 nous disiez combien de temps vous pensez consacrer à votre réquisitoire.
8 M. Tieger (interprétation): Monsieur le Président, nous pensons avoir
9 besoin de 45 minutes. Après quoi, Mme la Procureure générale présentera
10 ses propres conclusions.
11 M. le Président (interprétation): Très bien. Vous avez la parole, Monsieur
12 Tieger.
13 (Réquisitoire de l'accusation, par M. Tieger.)
14 M. Tieger (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
15 distingués collègues de la défense, la tâche de la Chambre de première
16 instance consiste à prononcer une sentence à l'encontre de cette accusée
17 pour le Crime contre l'humanité commis par elle, crime qui porte sur son
18 comportement vis-à-vis des victimes immédiates mais également "vis-à-vis
19 de l'humanité tout entière". Madame Plavsic a plaidé coupable d'une
20 campagne de discrimination et de persécutions qui a entraîné la
21 destruction d'un nombre très important de vies humaines et de communautés.
22 Compte tenu de l'étendue et de la gravité de ces actes inhumains,
23 l'humanité tout entière s'est vue attaquée et niée.
24 Au cours des deux derniers jours, nous nous sommes concentrés sur deux
25 questions d'une importance fondamentale pour la présente Institution: la
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1 responsabilité et la réconciliation. Ces concepts sont liés l'un à l'autre
2 depuis le début du travail de ce Tribunal. En 1993, le Conseil de sécurité
3 a décidé que les violations massives du droit humanitaire dans l'ex-
4 Yougoslavie et notamment en Bosnie-Herzégovine exigeait un Tribunal
5 international chargé d'accomplir deux objectifs: 1) prendre des mesures
6 efficaces pour instaurer la justice vis-à-vis des personnes les plus
7 responsables et, 2) contribuer à la restauration et au maintien de la
8 paix.
9 Ces deux objectifs ont convergé au cours de la procédure historique à
10 laquelle nous participons. Une dirigeante a reconnu sa responsabilité de
11 Crime contre l'humanité et présenté en même temps une déclaration dans
12 laquelle elle exprime son remord et l'espoir que le procès permettra
13 d'apporter certaines consolations aux victimes.
14 Nous avons entendu des témoins qui ont une bonne connaissance des crimes
15 et de leurs conséquences. Nous avons entendu des personnes qui ont
16 travaillé avec Mme Plavsic après la commission des crimes, nous avons
17 entendu des personnes qui ont consacré leur vie à la possibilité de mettre
18 en place une justice transformatrice et nous avons entendu Mme Plavsic
19 elle-même. Il appartient maintenant à la Chambre, dans sa responsabilité,
20 d'examiner le crime et tous les facteurs qui peuvent servir de condition
21 aggravante ou atténuante.
22 Je vais maintenant parler de trois éléments sur lesquels la présente
23 audience doit se concentrer de façon explicite ou implicite: premièrement,
24 l'ampleur et la nature des crimes en tant que tels, deuxièmement, le rôle
25 de Mme Plavsic dans la commission de ces crimes, et troisièmement, la
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1 contribution de Mme Plavsic après le conflit.
2 Je commencerai par parler des crimes. Les objectifs principaux du prononcé
3 d'une sentence consistent à faire s'exprimer une justice de châtiment
4 -c'est-à-dire que la sanction, la punition doit correspondre à
5 l'importance du crime- et une justice de dissuasion. Comme d'autres
6 affaires l'ont montré précédemment, la façon dont le Tribunal prononce sa
7 sentence est principalement centrée sur la gravité du crime; c'est le seul
8 facteur explicitement mentionné dans le Statut de ce Tribunal et c'est le
9 premier facteur à prendre en compte lorsqu'une sentence doit être imposée.
10 Afin de garantir que les jugements de ce Tribunal rendent bien compte de
11 l'ampleur et de la nature même du crime, il est cependant nécessaire que
12 les victimes soient prises en compte en tant qu'individus, et pas en tant
13 de groupes indistincts ou masses indistinctes, et il convient de ne pas
14 perdre de vue dans vos délibérations les moments individuels de douleur et
15 de terreur vécus par ces victimes, quel que soit le nombre très important
16 de ces victimes. Les victimes méritent la justice individuellement;
17 chacune de leurs larmes, comme l'a fait observer le Professeur Wiesel,
18 fait partie de l'Acte d'accusation.
19 Pour tous ceux qui ont besoin de savoir et s'occupent de l'établissement
20 de la vérité, le fait de reconnaître toutes les victimes des crimes est
21 également très important. Notamment, pour les personnes en Bosnie ou
22 ailleurs qui subissent aujourd'hui des récits révisionnistes mais ont
23 néanmoins encore le courage d'être ouvertes à la vérité; à ces personnes
24 nous devons un récit détaillé des crimes reconnus par Mme Plavsic.
25 Le crime pour lequel Mme Plavsic a plaidé coupable est celui de
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1 Persécutions, crime contre l'humanité. Ce crime est une campagne
2 systématique de persécutions qui a été menée dans le but de séparer les
3 Musulmans et Croates des Serbes de Bosnie dans les territoires sur
4 lesquels les Serbes avaient des prétentions. Comme cela est dit dans
5 l'Acte d'accusation, cette campagne de persécution a été menée dans
6 trente-sept municipalités. Ces municipalités, comme vous pouvez le voir à
7 la pièce à conviction n°1, s'étendent à tout le territoire de la Bosnie-
8 Herzégovine. Plus de 700.000 Musulmans et Croates de Bosnie vivaient dans
9 ces municipalités avant le début des persécutions.
10 A titre d'exemple, je vous dirais que, comme on peut le voir dans la pièce
11 à conviction n°15 de l'accusation, qui est rapport démographique, 15.000
12 Musulmans et Croates vivaient à Foca en 1991, composant 51% de la
13 population (et je devrais faire remarquer que ce rapport, qui a un but de
14 comparaison avec d'autres, exclut les personnes nées après 1980). En 1997,
15 il y avait 434 Musulmans et Croates seulement dans la ville qui s'était
16 appelée Foca à une certaine époque, et avait ensuite été rebaptisée par
17 ses habitants serbes; la plupart des autres habitants avaient été chassés
18 par la force ou tués en 1992. A Prijedor, 53.000 non-Serbes vivaient dans
19 la ville en 1991; et en 1997, seuls 4.000 Musulmans et Croates y
20 résidaient encore. A Zvornik, 31.000 Musulmans et Croates vivaient dans la
21 ville en 1991; en 1997, leur nombre s'était réduit à 1.000. La communauté
22 non-serbe, comptant 16.000 personnes à Bratunac en 1991, s'était réduite
23 en 1997 à une maigre poignée de quelques centaines d'habitants. Dans
24 toutes ces municipalités, la majorité des habitants musulmans et croates
25 avait été expulsée, tuée ou encore avait fui sous l'emprise de la terreur
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1 en 1992.
2 Lorsque nous regardons de plus près ces municipalités, nous pouvons
3 commencer à comprendre plus précisément l'efficacité et la cruauté de
4 cette campagne de persécutions. Si nous parlons de Prijedor, plus de 7.500
5 Musulmans vivaient à Kozarac en 1992; après 1992, il n'en est resté que
6 19. Plus de 4.000 Musulmans vivaient à Kamicani; suite à la campagne de
7 persécution, 3 Musulmans sont restés à Kamicani. Sur près de 3.000
8 Musulmans de Hambarine en 1991, 5 seulement y étaient encore en 1993.
9 Carakovo, localité peuplée de 2.400 personnes, a vu cette population
10 musulmane, a vu cette population réduite à deux. Biscani, localité où
11 vivaient 1.443 Musulmans, a cessé d'exister; plus aucun Musulman n'y
12 habite. Dans toutes ces localités, la grande majorité de leurs anciens
13 habitants s'étaient vus expulser par la force, tuer ou encore avaient fui
14 dans la terreur en 1992. En fait, comme M. Tokaca nous l'a dit, des
15 centaines de villages ont été totalement rasés. Des villages où des
16 Musulmans et des Croates vivaient depuis des siècles -où ces personnes
17 avaient des racines profondes, où ils avaient leurs traditions, leurs
18 habitudes, leurs coutumes, leurs cultures, leurs monuments, leurs
19 cimetières- n'existent plus. Toutes ces personnes habitant précédemment
20 dans ces villages et localités détruits sont victimes de ce crime contre
21 l'humanité. Et à chacune de ces victimes, justice est due.
22 Mais la campagne de persécution a fait plus que détruire ces localités en
23 faisant des centaines de milliers de déplacés. L'objectif, consistant à
24 séparer les Musulmans et les Croates des foyers où ils vivaient depuis des
25 générations, a exigé la mise en oeuvre de méthodes puissantes de terreur.
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1 Ces méthodes, comme Mme Plavsic l'a reconnu, sont les suivantes:
2 -mesures discriminatoires, enlèvements des droits de ces personnes,
3 -attaques militaires contre des villes et des villages,
4 -enfermements dans des camps et des lieux de détention où la violence
5 faisait rage,
6 -destructions de monuments culturels, telle la mosquée d'Aladza dont il a
7 été question au cours du procès, un lieu qui, à une certaine époque,
8 faisait partie du patrimoine culturel mondial,
9 -l'application de tortures, de traitements inhumains et d'humiliations,
10 -le viol,
11 -les assassinats et les exécutions de masse.
12 Pour apprécier la gravité de ce crime, la Chambre de première instance se
13 doit de prendre en compte non seulement l'aspect quantitatif qui se résume
14 au nombre des victimes mais, comme la Chambre chargée de l'affaire Krstic
15 l'a fait remarquer, également "l'aspect qualitatif, c'est-à-dire la
16 souffrance infligée aux victimes", avec cette instruction à l'esprit.
17 J'aimerais maintenant que nous consacrions notre attention à deux des plus
18 violentes méthodes utilisées pour séparer les communautés ethniques, je
19 veux parler des camps et des assassinats. Même si les installations de
20 détention et les camps différaient par leurs dimensions et les conditions
21 d'existence qu'ils proposaient, ils ont existé dans toutes les
22 municipalités figurant dans l'Acte d'accusation et se sont caractérisés
23 par des mauvais traitements infligés aux détenus. Près de 400 lieux de
24 détention existaient dans les 37 municipalités mentionnées dans l'Acte
25 d'accusation. Les pires de ces endroits, dont Omarska, Keraterm, Luka,
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1 Celopek ou le KP Dom, présentaient une vision d'enfer où la torture
2 infligée au prisonnier n'était limitée que par la capacité d'imagination
3 des personnes qui gardaient ces prisonniers. Dans les pièces à conviction
4 soumises à la Chambre de première instance, ainsi que dans les témoignages
5 déjà entendus par ce Tribunal et acceptés par les parties de la présente
6 affaire, les Juges de cette Chambre pourront et devront prendre en compte
7 un certain nombre d'événements qui constituent une chronique qui fait
8 froid dans le dos. Un vieux fermier de 70 ans, qui avait déjà perdu un
9 fils dans un camp, a été forcé d'amener le seul fils qui lui restait pour
10 le voir battu à mort. Un autre père qui, lui aussi, donnait toujours son
11 seul morceau de pain à son fils en le confiant à d'autres prisonniers, a
12 été informé de la mort de son fils alors que les personnes qui la lui ont
13 annoncée étaient en plein dilemme quant à la nécessité de la lui annoncer
14 ou pas. Et ce dilemme s'est résolu lorsque le père a été tué peu de temps
15 après. Une femme qui, jour après jour, a été forcée de nettoyer le sang du
16 corps des prisonniers battus, et, la nuit, subissait des viols, nuit après
17 nuit, des prisonniers contraints de commettre des agressions sexuelles ou
18 même des mutilations sexuelles sur d'autres prisonniers. Cette litanie
19 n'est qu'un résumé de divers actes inhumains, rend bien compte des
20 incidents variant dans leurs degrés de cruauté qui se produisaient de
21 façon répétée dans les camps. Ces événements ne sont que certains des
22 éléments qu'il vous appartiendra de prendre en compte lorsque vous
23 apprécierez la gravité des crimes commis. Les personnes qui avaient le
24 plus de chance dans ces camps, celles qui n'ont pas été forcées à
25 participer à l'assassinat d'un être cher ou à mutiler sexuellement une
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1 autre personne ou à subir des passages à tabac à mort pendant de nombreux
2 jours de souffrances atroces, les personnes qui ont eu la chance de ne pas
3 être violées ou de ne pas subir d'autres tourments ont tout de même subi
4 des conditions d'existence qui les ont menées au seuil de la mort.
5 Entassées dans les cellules de fortune, tellement surpeuplées qu'il était
6 impossible même de s'y asseoir, privées d'eau pendant des périodes
7 longues, contraintes à des rations de survie qui les affamaient
8 (souvenons-nous de ces 90 miches de pain divisées par 2.500 prisonniers à
9 Manjaca), toutes ces personnes vivaient dans leurs propres excréments, car
10 elles n'avaient pas l'autorisation de se servir de toilettes qui, de toute
11 façon, étaient à moitié démolies ou parce qu'elles craignaient d'être
12 battues si elles le faisaient, toutes ces personnes dont le corps
13 fourmillaient de poux et qui recouvraient leurs plaies sanglantes à l'aide
14 de chiffons sales, qui subissaient quotidiennement des humiliations, qui
15 écoutaient avec horreur les bruits d'autres prisonniers passés à tabac et
16 torturés, qui étaient elles-mêmes torturées pendant les interrogatoires ou
17 sans aucune raison précise, tous ces prisonniers ont vécu dans la crainte
18 et dans la souffrance qui les ont marqués à jamais. "Dans ces camps",
19 comme un prisonnier l'a dit dans son témoignage, "nous n'étions plus des
20 êtres humains, nous n'étions que des objets". Pour apprécier la gravité de
21 ces crimes, la Chambre de première instance devra garder à l'esprit les
22 milliers de personnes qui ont passé par ces camps et ont gardé des plaies
23 non refermées sur le plan émotionnel, souvent causes d'une mort
24 prématurée.
25 La Chambre de première instance devra se rappeler le grand nombre de
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1 personnes qui ne sont jamais revenues de ces camps. Les Juges devront
2 également se rappeler les tueries. Imaginez un instant que demain, dans
3 l'un quelconque des pays dont nous venons, 60 femmes, hommes et enfants
4 soient entassés dans une maison et délibérément brûlés vifs en raison de
5 leur nationalité; que 150 hommes soient abattus à la mitrailleuse; que 150
6 personnes reçoivent l'ordre de descendre d'un autobus pour, ensuite, être
7 abattus et que leurs corps soient jetés dans un ravin. Ces événements sont
8 choquants pour la conscience de nos communautés et du monde tout entier.
9 Et pourtant, chacun de ces crimes horribles a bien eu lieu. Tous ces
10 crimes se sont produits en Bosnie en 1992; plus de 60 hommes musulmans,
11 ainsi que des femmes et des enfants musulmans, ont été entassés dans une
12 maison de Visegrad où ils ont été brûlés vifs. Plus d'une centaine
13 d'hommes ont été massacrés dans l'école de Velagici. Plus de 150 hommes
14 ont été exécutés dans la pièce n°3 de Keraterm. 150 hommes ont été
15 exécutés sur le mont Vlasic à Skender Vakuf. 250 personnes ont été tuées,
16 en une seule journée, à Biljani. Un nombre incalculable d'autres personnes
17 exécutées à l'école technique de Karakaj à Zvornik et dans l'école de
18 Grabovice à Kotor Varos. Et pourtant, il n'y a que quelques centaines de
19 site où, comme M. Tokaca l'a dit dans sa déposition, des tueries ont eu
20 lieu.
21 Chacune de ces tueries résulte de la campagne de persécutions dont Mme
22 Plavsic est responsable. L'ampleur des tueries est inconcevable, même et y
23 compris si nous ne pensons qu'aux principales municipalités évoquées dans
24 l'Acte d'accusation. A Foca, au moins 1.000 non-Serbes ont été tués en
25 1992; à Sanski Most, au moins 1.500; à Prijedor, 2.000; à Bratunac, au
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1 moins 1.000; à Zvornik, même chiffre.
2 Il ne faut que quelques secondes pour réciter ces statistiques qui rendent
3 compte de la vie brutalement interrompue de mères et de pères, de fils et
4 de filles, d'enseignants, de médecins, de personnes qui avaient toutes
5 leur caractère propre, des objectifs et des rêves bien à elles. La Bosnie
6 n'aurait pas le même visage aujourd'hui si ces personnes avaient été
7 autorisées à vivre. Les Juges de la Chambre de première instance devront
8 se rappeler chacune de ces personnes lorsqu'ils rendront leur jugement.
9 Bien que ces événements se soient déroulés en 1992, leur effet destructeur
10 dure encore aujourd'hui: on le constate, comme on nous l'a dit dans des
11 témoignages, non seulement dans l'affaiblissement et la vie raccourcie des
12 survivants des camps, mais également dans l'existence sans joie des veuves
13 et des orphelins, dans la stigmatisation des victimes de viol, dans la
14 dépression et le repli sur soi des enfants. Chacune de ces victimes, comme
15 l'a dit le Docteur Boraine, hurle pour être entendue.
16 En déterminant la gravité du crime commis par l'accusée, cependant, les
17 Juges de cette Chambre devront examiner non seulement la nature des
18 crimes, mais également la nature et l'ampleur de la participation de
19 l'accusée à ces crimes.
20 J'aimerais maintenant vous parler donc du rôle joué par Mme Plavsic dans
21 ce crime contre l'humanité.
22 Comme l'histoire nous l'a malheureusement enseigné, des crimes de cette
23 ampleur ne sont pas commis par une personne à elle seule ou même par un
24 groupe de personnes.
25 Madame Plavsic a commis ce crime contre l'humanité en participant avec
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1 d'autres personnes à ce crime, d'autres personnes qui se sont consacrées
2 au même objectif criminel. Chacune de ces personnes a joué un rôle
3 distinct, mais elles dépendaient les unes des autres pour mettre en marche
4 la machine du nettoyage ethnique. Comme Mme Plavsic nous l'a dit hier,
5 elle a fait partie de cette machine par nécessité. Elle et d'autres se
6 sont réunis, se sont soutenus et ont maintenu en marche cette machine de
7 la persécution.
8 Pour comprendre le rôle et l'implication de Mme Plavsic, il nous faut
9 comprendre la machine en question et les objectifs de cette entreprise
10 criminelle.
11 Comme Mme Plavsic l'a expliqué, dans le document contenant les éléments
12 factuels qu'elle a soumis à la Chambre, elle a adhéré au SDS en 1990; elle
13 a été présentée au SDS comme candidate aux élections de 1990 à la
14 présidence de la Bosnie-Herzégovine et a été élue en tant que l'un des
15 deux représentants serbes à la présidence au mois de novembre. Le SDS
16 défendait l'idée que "tous les Serbes devaient vivre dans un seul et même
17 Etat"; conception politique qui, bien sûr, n'a rien d'illégal. Mais l'un
18 des moyens d'atteindre cet objectif, cependant, consistait à séparer les
19 Nations de Bosnie-Herzégovine pour créer une portion de la Bosnie-
20 Herzégovine serbe qui, ensuite, pourrait être unie à la Serbie. Cette
21 possibilité ne pouvait être atteinte que par deux moyens: d'une part, par
22 des accords pacifiques et légaux, ou d'autre part par la force.
23 En octobre 1991, comme Mme Plavsic l'a expliqué dans son document où l'on
24 trouve les éléments de base s'agissant des faits, elle a été d'accord avec
25 d'autres dirigeants importants du SDS pour que la séparation ethnique se
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1 fasse par la force. Madame Plavsic a également admis qu'elle-même et les
2 coparticipants aux crimes commis par elle savaient ce que serait la nature
3 de cette force, à savoir une campagne de discrimination et de persécutions
4 qui permettrait de chasser les Musulmans et les Croates, une campagne
5 faite de discriminations et d'attaques sur les villes et villages
6 musulmans, d'assassinats et de traitements inhumains.
7 En fait, en octobre 1991, Radovan Karadzic a prévenu les Musulmans qu'ils
8 seraient éliminés s'ils continuaient à exiger la création d'un Etat de
9 Bosnie-Herzégovine indépendant et souverain et s'ils n'accédaient pas aux
10 demandes serbes.
11 Les participants à cette entreprise conjointe ont commencé, en octobre
12 1991, à intensifier les préparatifs destinés à séparer la Bosnie par la
13 force, à diviser la Bosnie par la force. Au cours des mois qui ont suivi,
14 ils ont distribué des armes à des portions importantes de la population
15 serbe de Bosnie; ils ont créé des formations militaires et policières
16 serbes; ils ont distribué des instructions écrites, selon lesquelles les
17 adhérents de base du SDS devaient créer des cellules de crise, devaient
18 proclamer l'existence d'assemblées serbe et devaient se préparer à mettre
19 en place des pouvoirs municipaux et à mobiliser la police et la Défense
20 territoriale des Serbes de Bosnie.
21 Alors que ces préparatifs étaient en cours, les organes politiques des
22 territoires sur lesquels les Serbes avaient des prétentions en Bosnie ont
23 été créés. Au début d'octobre 1991, la République serbe de Bosnie
24 gouvernementale et ses instances gouvernementales ont vu le jour.
25 Ce qui est important, c'est le 12 mai 1992, date à laquelle l'assemblée du
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1 peuple serbe de Bosnie-Herzégovine a promulgué ses objectifs stratégiques
2 en Bosnie-Herzégovine, dont le premier et le plus important était la
3 séparation ethnique.
4 Madame Plavsic est devenue co-Présidente de la Republika Srpska le 28
5 février 1992; elle est devenue membre de la Présidence collective puis de
6 la Présidence élargie le 12 mai 1992 et ce, jusqu'à décembre 1992. Ces
7 organes constituaient le pouvoir exécutif suprême qui s'est exercé sur
8 l'armée des Serbes de Bosnie ainsi que sur la police et les forces
9 militaires de ces Serbes de Bosnie et également sur les autorités qui ont
10 mis en œuvre, par l'emploi de la force, la séparation ethnique au moyen de
11 cette campagne de persécution. La direction des Serbes de Bosnie avait à
12 sa disposition des forces qui savaient qu'elles étaient militairement
13 beaucoup plus puissantes que les non-Serbes de Bosnie-Herzégovine.
14 Les forces dirigées et contrôlées par le SDS ainsi que la Présidence
15 collective, les militaires serbes de Bosnie, financés et logistiquement
16 appuyés par Belgrade, la police serbe de Bosnie ainsi que les force
17 civiles serbes de Bosnie, ont collaboré avec la JNA, avec le ministère de
18 l'Intérieur de Serbie ainsi qu'avec des unités paramilitaires venant de
19 l'intérieur et de l'extérieur de Bosnie-Herzégovine. Ensemble, ils ont
20 constitué une force très impressionnante qui a mis en œuvre la séparation
21 ethnique par la force, au moyen de crimes, de destructions et de mort que
22 je viens de décrire.
23 Madame Plavsic n'a pas frappé un détenu; elle n'a pas mis le feu à une
24 maison, elle n'a pas tiré sur une seule gâchette. Elle n'a pas non plus
25 été une bureaucrate qui, délibérément, a mis en oeuvre une stratégie
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1 venant d'en haut. Elle a été l'un des éléments clés, l'une des bouées
2 visibles pour ceux qui ont agi. Elle leur a confié une mission leur
3 permettant de recourir à des moyens criminels pour réaliser leur idée
4 d'une Bosnie ethniquement séparée en plusieurs parties. Elle a été l'un
5 des dirigeants qui s'est employé en faveur de cet objectif; elle a
6 embrassé cet objectif et l'a soutenu de diverses manières.
7 Le soutien qu'elle a apporté à l'entreprise criminelle commune est
8 illustré dans le rôle qu'elle a joué en tant que co-Présidente, puis en
9 tant que membre de la Présidence collective et de la Présidence élargie.
10 Depuis ce poste, elle a appuyé et soutenu les organes gouvernementaux et
11 militaires au niveau local, municipal, régional et national, organes par
12 le biais desquels la séparation ethnique par la force, au moyen de la
13 campagne de persécution, a été réalisée.
14 Elle s'est également fait connaître comme peut-être la dirigeante la plus
15 intransigeante, la plus dure, parmi les Serbes de Bosnie, à l'égard des
16 Musulmans. Depuis son poste de direction, Mme Plavsic a encouragé les
17 Serbes de Bosnie à poursuivre l'objectif d'une séparation ethnique par la
18 force. Elle a dit aux Serbes de Bosnie qu'ils avaient le droit d'acquérir
19 ce territoire où des non-Serbes vivaient et elle a encouragé les Serbes à
20 poursuivre la séparation ethnique par la force en leur disant que les
21 Musulmans et les Croates étaient des ennemis et qu'ils menaçaient de
22 commettre un génocide contre les Serbes.
23 Madame Plavsic a appuyé cette campagne de persécutions en incitant les
24 forces paramilitaires de Serbie à aider les forces serbes de Bosnie dans
25 cet effort. Depuis son poste de direction, elle a nié publiquement
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1 l'existence des crimes qui avaient eu lieu, elle a félicité les forces qui
2 les avaient commis et elle a publiquement justifié le nettoyage ethnique.
3 Parmi le petit noyau de dirigeants au niveau suprême, pour ce qui est de
4 cette entreprise criminelle conjointe, il y en avait d'autres dont
5 l'influence et le contrôle étaient supérieurs à celui de Mme Plavsic. Elle
6 n'avait pas le degré de contrôle des dirigeants serbes de Bosnie qui
7 avaient l'autorité principale, l'autorité de contrôle et qui, du fait de
8 leur poste, exerçaient un contrôle primordial sur les subordonnés, sur les
9 groupes qui ont exécuté la séparation ethnique par la force.
10 A la différence de ces hommes, elle n'a pas participé, avec Slobodan
11 Milosevic et avec d'autres, à la mise au point, à la planification d'une
12 séparation ethnique par la force. Elle a joué un rôle moindre dans
13 l'exécution, moindre au leur. Cette différence, cependant, ne change rien
14 à ses responsabilités en tant que dirigeant, n'excuse pas non plus la
15 contribution qu'elle a faite à l'effort systématique et réussi d'ailleurs,
16 visant à expulser les gens par une campagne de terreur.
17 Les objectifs de cette séparation ethnique par la force ont été mis en
18 oeuvre par une structure hiérarchique. Au bout de cette hiérarchie, il y
19 avait ceux qui exécutaient les actes de nettoyage ethnique; c'étaient les
20 forces que j'ai décrites. Mais à l'échelon suprême, il y avait Mme Plavsic
21 qui donnait son autorité, son aide et son soutien.
22 En plus de la gravité de son crime et du rôle qu'elle a joué, la Chambre
23 de première instance doit aussi examiner les circonstances aggravantes
24 ainsi que les circonstances atténuantes, au moment de fixer la peine.
25 Je vais commencer par les circonstances aggravantes. Le fait de commettre
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1 un crime alors qu'on occupe un poste ou une position de direction, de
2 directeur, est considéré de façon constante comme une circonstance
3 aggravante.
4 Le mémoire fixant la peine, présenté par les parties, et les deux parties
5 conviennent que la jurisprudence estime qu'une personne qui a abusé de son
6 pouvoir ou qui l'a exercé erronément mérite une peine plus dure qu'une
7 personne qui aurait agi seule. Ceci traduit la force accrue en faveur du
8 bien ou du mal que possèdent des personnes qui occupent une position de
9 direction.
10 Des postes de moindre signification, de moindre importance que celui de
11 Mme Plavsic, qui était dirigeante, ont été considérés comme étant des
12 facteurs aggravants. Effectivement, elle est la dirigeante de ceux pour
13 qui il a été déclaré qu'il y avait des circonstances aggravantes. A notre
14 avis, le rôle joué par Mme Plavsic en tant que dirigeante est un facteur
15 aggravant.
16 Le fait d'avoir commis des infractions violentes contre des personnes
17 vulnérables ou des personnes en situation d'infériorité est aussi une
18 circonstance aggravante. Qui étaient les victimes de ce crime contre
19 l'humanité? C'étaient des gens, des êtres humains comme l'a expliqué M.
20 Tokaca, dénués de toute protection légale, c'étaient des squelettes, des
21 morts-vivants dans des camps, des femmes sans aucune protection dans des
22 villages qui ont subi des viols successifs, de vieilles personnes trop
23 fragiles pour prendre la fuite, des enfants dont le seul crime était
24 d'être né musulman dans une terre convoitée par d'autres. Et à notre avis,
25 c'est la vulnérabilité de ces victimes qui constitue une circonstance
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1 aggravante.
2 La jurisprudence de ce Tribunal a également déclaré que l'humiliation et
3 la dégradation des victimes, ainsi que les actes de sadisme auxquels elles
4 ont été soumises constituent des facteurs aggravants. Ces événements
5 dégradants, sadiques qui se sont produits dans chaque camp, chaque jour de
6 cette période suffisent à être considérés comme un élément aggravant de ce
7 crime, tout comme l'ont été les viols commis dans toutes les villes comme
8 l'a décrit M. Tokaca. C'était également là une séparation ethnique par la
9 force et on s'est servi des actes sexuels pour dégrader des femmes et leur
10 famille, alors que ces femmes vivaient dans une société conservatrice et
11 traditionnelle.
12 Comme l'a dit M. Tokaca, les Musulmans et les Croates étaient ciblés pour
13 être humiliés, de façon à perdre tout respect de soi-même et, à notre
14 avis, l'humiliation et la dégradation des victimes est une circonstance
15 aggravante.
16 La Chambre va également examiner la portée et la nature de ces crimes en
17 tant que circonstances aggravantes. Et il y a l'ampleur, la planification
18 de l'infraction, le nombre de victimes, la durée pendant laquelle ces
19 crimes ont été commis, la violence de ces crimes et leur nature
20 généralisée et systématique. Nous l'avons entendu à l'audience et je l'ai
21 dit auparavant, l'ampleur et la nature de cette campagne de persécution,
22 le carnage qui s'ensuivit rappellent ce qui s'est passé au cours de la
23 Deuxième Guerre mondiale en Europe. On ne l'avait jamais vu depuis.
24 L'accusation estime que cela constitue également un facteur aggravant.
25 Je vais parler maintenant des circonstances atténuantes. Nous avons parlé
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1 de ceci dans notre mémoire et la défense va en parler longuement. Parlons-
2 en. D'emblée, l'accusation fait observer que ces circonstances atténuantes
3 n'enlèvent rien à la gravité du crime. Elle estime que l'âge est un
4 facteur approprié. Nous ne pensons pas toutefois, comme le fait la
5 défense, qu'il faille trop insister là-dessus.
6 La défense laisse entendre, même si elle ne le dit pas directement, que la
7 sentence imposée doit être inférieure à l'attente de vie de l'accusée.
8 Nous estimons, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, que la loi
9 prouve le contraire, le droit le prouve, le contraire.
10 La Chambre va peut-être et sans doute tenir compte de ce facteur, mais il
11 ne faut pas pour autant estimer que la peine ne doit pas excéder le nombre
12 d'années que l'accusée peut s'attendre à vivre. Au contraire, la
13 jurisprudence du Tribunal montre que la Chambre doit tenir compte de la
14 gravité du crime, même s'il y a intervention de la question de l'espérance
15 de vie. L'âge de l'accusée ne doit pas intervenir démesurément.
16 La jurisprudence de ce Tribunal estime que la conduite de l'accusée après
17 la commission des crimes peut constituer une circonstance atténuante.
18 Madame Plavsic a eu un comportement après 1995 qui pourrait être et qui a
19 été présenté comme l'un des éléments centraux de l'audience.
20 L'accusation reconnaît que le rôle joué par Mme Plavsic dans la mise en
21 place du processus de paix grâce aux Accords de Dayton est un facteur qui
22 mérite considération.
23 Un autre facteur de nature atténuante, c'est le fait que Mme Plavsic,
24 après avoir appris qu'elle avait été mise en accusation, s'est livrée au
25 Tribunal, et ceci est un contraste marqué, frappant avec la conduite
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1 d'autres personnes qui sont toujours des fugitifs de la justice
2 internationale.
3 La Chambre doit également tenir compte de la déclaration de culpabilité de
4 l'accusée avant le procès. Le fait quelle ait reconnu ses crimes, ceci est
5 aussi un contraste frappant avec le comportement d'autres qui essaient de
6 se dissimuler derrière la souffrance historique du peuple serbe ou
7 essaient de détourner l'attention et leur propre crime en affirmant
8 erronément que les accusations portées contre eux sont des accusations
9 contre le peuple serbe.
10 L'expression de son remord et le fait d'avoir reconnu les faits devrait
11 être considéré comme une étape importante vers la réconciliation. Nous
12 allons recommander une peine.
13 Nous avons examiné avec soin ces facteurs qui sont tout à fait uniques
14 dans l'espèce, sachant pertinemment qu'il n'y aura pas un seul chiffre,
15 qu'il n'y aura pas de nombre précis d'années d'emprisonnement qui pourrait
16 répondre de façon satisfaisante tant à la gravité des crimes qu'à la
17 nature de la déclaration de culpabilité de Mme Plavsic.
18 Lorsque nous avons formulé notre recommandation, nous avons tenu compte
19 des circonstances atténuantes et aggravantes et nous avons été guidés par
20 des considérations importantes, la première étant la gravité de
21 l'infraction qui, d'après notre jurisprudence, est le facteur individuel
22 le plus important à prendre en compte au moment de fixer la peine.
23 La gravité du crime consiste non seulement en la nature et en la portée de
24 celui-ci, mais aussi, il faut tenir compte des facteurs qui aggravent le
25 fait au moment de la commission de l'acte. Le deuxième facteur à prendre
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1 en compte est la dissuasion. L'objectif de la justice internationale est
2 de veiller à ce que des crimes de ce genre ne se reproduisent plus jamais.
3 C'est la raison pour laquelle le présent jugement doit, et là je reprends
4 les mots du Professeur Wiesel, "Ce jugement, on doit s'en souvenir au-delà
5 des frontières et à travers les siècles". Un troisième élément à prendre
6 en compte, comme le Docteur Boraine l'a expliqué, c'est que tout effort
7 visant à accomplir la justice, mais qui ne reconnaîtrait pas l'énormité de
8 ces crimes, pourrait en soi mettre en péril le potentiel transformateur
9 qui est représenté par les actes entrepris par Mme Plavsic.
10 Nous allons maintenant avoir le Procureur.
11 M. le Président (interprétation): Est-ce que votre recommandation a changé
12 du fait de l'audience? Et, s'il y a une modification, vous devriez nous la
13 spécifier.
14 M. Tieger (interprétation): Monsieur le Président, Madame la Procureure va
15 vous en parler elle-même.
16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
17 (Réquisitoire de l'accusation, par Mme la Procureure Del Ponte.)
18 Mme Del Ponte: Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
19 avocats de la défense, ce sont quelques considérations finales.
20 Après les considérations détaillées de mon collègue, il me reste à définir
21 les conclusions de cette audience qui a revêtu une importance particulière
22 suite à la déclaration de culpabilité de l'accusée Plavsic.
23 J'ai suivi ce dossier pas à pas. Sa déclaration de culpabilité ne nous a,
24 en effet, pas étonnés puisqu'elle n'était que la suite de l'évolution
25 qu'elle a suivie dès 1995, à partir des Accords de Dayton. Ces derniers
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1 jours, nous avons entendu des témoignages de cette période qui nous ont
2 permis de comprendre que Dayton a été pour elle le point de départ d'une
3 nouvelle trajectoire.
4 Mais, nous l'avons entendu et nous ne cessons de le répéter, cela ne
5 change en rien la responsabilité criminelle de l'accusée. Sa participation
6 au nettoyage ethnique, aux crimes contre l'humanité de la plus haute
7 gravité devrait, nous le savons, porter à la requête d'une peine
8 d'emprisonnement à vie, comme le prévoit l'Article 24 du Statut. Et ceci
9 en tenant dûment compte de la gravité de l'infraction, de la situation
10 personnelle de l'accusée et de toutes les circonstances aggravantes qui
11 ont été décrites auparavant.
12 Nous avons même un précédent dans la jurisprudence du Tribunal pénal
13 international pour le Rwanda: nous avons un ancien Premier ministre qui a
14 plaidé coupable et qui a été condamné à la réclusion à vie.
15 Cependant, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme elle s'est
16 engagée sur une nouvelle voie, en se déclarant coupable, en reconnaissant
17 sa responsabilité personnelle et surtout en acceptant de payer le prix de
18 ses crimes devant la justice, selon nous, l'accusée Plavsic doit pouvoir
19 non seulement pouvoir bénéficier de circonstances atténuantes, mais aussi
20 d'une peine réduite.
21 Néanmoins, je dois à nouveau constater que, si l'accusée Plavsic est sur
22 la bonne voie, elle ne l'a pas encore entièrement parcourue, car une des
23 circonstances atténuantes explicitement prévues par l'Article 201 de la
24 Procédure fait malheureusement ici défaut. Cela veut dire que cet élément
25 devra être tenu en considération par la Cour en fixant la peine.
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1 En effet, l'accusée Plavsic n'est pas prête à apporter sa coopération au
2 Procureur et, comme le dit la loi, une coopération sérieuse et étendue.
3 Jusqu'à ce jour, je n'ai en effet pas réussi à la convaincre de franchir
4 la dernière étape de son cheminement, de sa reconnaissance de
5 responsabilité, et qui consisterait à apparaître comme témoin sur des
6 faits essentiels et importants dans d'autres procès.
7 Cela dit, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et pour toutes les
8 raisons qui ont déjà été mentionnées par mes collègues et par moi-même,
9 ainsi que pour toutes les considérations exprimées aussi dans les
10 Réquisitoires sur le prononcé de la peine, je demande que la Cour condamne
11 l'accusée Plavsic à une peine comprise entre 15 et 25 années
12 d'emprisonnement.
13 Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 M. Robinson (interprétation): Madame la Procureure, permettez-moi de vous
15 poser cette question: s'il n'y avait pas eu de déclaration de culpabilité,
16 quelle aurait été la sentence appropriée aux yeux du Procureur?
17 Mme Del Ponte: S'il n'y avait pas eu la déclaration de culpabilité de la
18 part de l'accusée, nous aurions demandé la réclusion à vie.
19 M. Robinson (interprétation): Je vous remercie, Madame la Procureure.
20 Il y a une autre question qui se pose et que je voulais vous poser: vous
21 venez de faire un commentaire à propos du fait qu'elle n'a pas coopéré
22 avec le Bureau du Procureur. Dois-je, après vous avoir entendue,
23 comprendre que c'est là quelque chose que la Chambre prendrait en compte
24 dans la mesure où ceci pourrait avoir un effet négatif sur l'accusée?
25 Mme Del Ponte: C'est exact, Monsieur le Juge.
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1 Et je voudrais ajouter qu'en parlant avec l'accusée, en discutant avec
2 l'accusée et en parlant avec ses défenseurs, vu que le jugement ne sera
3 pas porté aujourd'hui mais dans quelque temps, j'estime et j'espère encore
4 que l'accusée Plavsic se décide à coopérer avec nous.
5 M. Robinson (interprétation): Je ne sais pas si c'est comme ça que j'ai
6 compris la chose. Je pense que la Chambre doit tenir en compte, en tant
7 que circonstance atténuante, le fait qu'il y a eu ou pas pleine et entière
8 coopération, mais en l'absence de celle-ci, ce n'est pas là quelque chose
9 que la Chambre va utiliser contre l'accusée. Cela a un effet positif; un
10 effet positif, car nous tenons positivement compte du fait qu'elle a
11 plaidé coupable. D'après moi, ceci n'a pas un effet négatif: c'est une
12 situation neutre qui s'établit.
13 Mme Del Ponte: C'est exact, Monsieur le Juge, je ne suis pas en train de
14 dire qu'il faut aggraver la peine parce qu'elle ne coopère pas. La loi
15 prévoit que, si quelqu'un coopère, c'est un élément d'atténuation. Mais ce
16 que je dis à la Cour, cet élément d'atténuation n'existe pas dans ce cas.
17 M. Robinson (interprétation): Oui, mais vous avez demandé qu'on en tienne
18 compte et c'est cela qui nous induisait peut-être en erreur. Mais je crois
19 que maintenant nous nous comprenons.
20 M. le Président (interprétation): Maître Pavich, votre intervention durera
21 combien de temps d'après vos estimations?
22 M. Pavich (interprétation): 20 à 25 minutes.
23 M. le Président (interprétation): Fort bien, allez-y.
24 (Plaidoirie de la défense de Mme Biljana Plavsic, par Me Pavich.)
25 M. Pavich (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
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1 Madame la Procureure, avocats de l'accusation, Madame Plavsic. Lundi, mon
2 confrère, Me O'Sullivan, vous a décrit l'audience consacrée à la fixation,
3 au prononcé de la peine. Et je pense que ce qu'il a dit –et qui compte le
4 plus-, c'est que c'est sans doute l'audience la plus importante jamais
5 tenue par le présent Tribunal.
6 Aujourd'hui, nous voulons vous aider à parvenir au jugement qui sera sans
7 doute le plus important et le plus difficile qu'aura jamais prononcé ce
8 Tribunal.
9 Un des avantages qui se présente à moi, après avoir entendu les
10 interventions de l'accusation, c'est que, souvent, nous devons réagir à
11 des éléments qui viennent d'être présentés ou qui ont surgi suite à un
12 échange entre les Juges et l'accusation. Or ces questions montrent en quoi
13 consiste le coeur même de notre désaccord en l'espèce. Monsieur Tieger
14 vous l'a dit, il a présenté à la Chambre des faits contenus dans le
15 document intitulé, fait à l'origine ou à la base de l'accord entre la
16 défense et l'accusation. Je pense qu'il n'y a pas de désaccord quant à la
17 nature horrifique des actes commis en 1991 et 1992. Madame Plavsic a joué
18 un rôle moindre que celui d'autres dirigeants. Monsieur Tieger l'a reconnu
19 et ses actes ont été mentionnés de façon détaillée et le sont davantage
20 encore dans la pièce portant la cote n°20. C'est M. Hollingworth,
21 représentant des Nations Unies, du HCR, de 1991 à 1992. Il vous l'a dit
22 dans sa déposition sous serment. On n'en a fait que référence, mais je
23 pense que c'est un document important parce qu'il montre de façon beaucoup
24 plus circonstanciée encore ce qu'a fait Mme Plavsic avec la Communauté
25 internationale, elle vous l'a dit elle-même hier. Pour elle, la Communauté
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1 internationale en 1991 et 1992 était l'ennemi des Serbes. Cependant, la
2 déclaration prêtée sous serment par M. Hollingworth montre toute l'étendue
3 du travail qu'a accompli Mme Plavsic en permettant à M. Hollingworth
4 d'apporter cette aide humanitaire tellement nécessaire à Gorazde. Et cette
5 aide, elle s'est poursuivie en 1991 et en 1992. Elle a aidé cet homme à
6 soulager la détresse et les souffrances humaines qui ont été les résultats
7 de cette guerre et de cette campagne. Il a terminé en disant ceci: il fait
8 une description de Mme Plavsic qui, je pense, cadre assez bien avec la
9 description que l'on a faite généralement d'elle, notamment dans ce
10 document intitulé "Base factuelle de l'accord".
11 Je suis ici à la page 2 de cette déposition.
12 "J'étais responsable des opérations du HCR à Banja Luka. Au cours de cette
13 période, j'ai reçu la visite, plusieurs visites de Mme Plavsic. Elle m'a
14 assuré que je pourrais avoir aisément accès à ses services, elle a fait
15 preuve de courtoisie et de considération, elle nous a permis et facilité
16 les contacts avec les autorités suprêmes de la région, elle nous a
17 dispensé de bons conseils. Jamais elle n'a fait des promesses qu'elle
18 n'était pas en mesure de tenir, jamais elle n'a manqué de remplir ses
19 promesses, de les tenir. Mais jamais elle n'a accepté de compromis pour ce
20 qui est de son attitude assez dure. Elle croyait, elle était convaincue
21 que les Serbes étaient victimes d'une guerre de propagande. Elle était
22 convaincue que les Musulmans avaient commis de nombreuses atrocités contre
23 les Serbes. Et j'ai des raisons de contester et de condamner les actes des
24 dirigeants de la soi-disant Republika Srpska", dit cet homme. "Mais, à mon
25 avis, Mme Plavsic était la moins coupable".
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1 Je crois que ceci étoffe bien et traduit bien ce rôle que nous lui avons
2 reconnu, à Mme Plavsic. Elle donnait son nom, elle conférait son autorité
3 et son respect. A une campagne délibérée qui avait pour objectif d'enlever
4 de la région les Musulmans et les Serbes… les Musulmans et les non-Serbes,
5 les Croates. Nous savons quel fut son rôle mais personne, après l'avoir
6 entendue hier, ne croira qu'elle a essayé de se soustraire à ses
7 responsabilités. Jamais elle n'a essayé de dissimuler ce qui s'était
8 passé. Elle a fait tous les efforts possibles pour que se manifeste la
9 vérité devant ce Tribunal et devant le monde entier.
10 En quoi consiste notre désaccord?
11 L'accusation croit que la justice exige que la peine suggérée soit imposée
12 par la présente Chambre. Mais comment décrire ceci, si ce n'est pour dire
13 que c'est une peine d'emprisonnement ou de réclusion à perpétuité.
14 Quelqu'un qui s'attend à vivre encore longtemps pourra purger une peine
15 longue mais pas pour une personne de 72 ans. Ceci, sur le plan technique,
16 va peut-être exiger que cette Chambre impose une peine de réclusion à vie.
17 Mais je pense…. Est-ce qu'on peut vraiment être d'accord sur cette idée?
18 Je pense que c'est le coeur même de notre division, de notre désaccord et
19 je pense que c'est là le problème le plus épineux que doit régler cette
20 Chambre: comment rendre justice en prononçant ce verdict? Monsieur Tieger
21 nous l'a dit et la Chambre, j'en suis sûre, le sait parfaitement, ce
22 Tribunal a été créé afin de restaurer et de maintenir la paix dans les
23 Balkans afin de mettre un terme, comme je pense M. Bildt vous l'a dit,
24 mettre un terme à ce cycle apparemment infini de violence.
25 Pour ceux qui sont de la génération de Mme Plavsic, c'était quelque chose
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1 qu'ils ont vécu de leur vie et ce souvenir perdu aujourd'hui dans la
2 mesure où il y en a qui refusent d'être traduits en justice, qu'il y en a
3 d'autres… d'autres dirigeants refusent, de part et d'autre du conflit
4 d'ailleurs, de se présenter devant ce Tribunal; et ce refus perpétue ce
5 cycle infini de violence, de souffrance. Madame Plavsic, sans doute plus
6 que quiconque, davantage que quiconque dans ce prétoire, en a le souvenir
7 vivant et vivace.
8 Pourquoi a-t-elle décidé de se livrer? Rappelez-vous ce que vous ont dit
9 trois témoins qui ont consacré la plus grande partie, si ce n'est la
10 totalité de leur vie ces dix dernières années, à essayer de voir comment
11 on pouvait panser les plaies qui avaient été causées par cette campagne de
12 violence et par toutes les campagnes de séparation ethnique qui ont eu
13 lieu.
14 Pour répondre à cette question, voici ce qu'il faut faire et tenir en
15 compte en premier lieu: il faut penser aux victimes, à leurs enfants et à
16 leurs petits enfants. Il faut encourager à ce que les gens apprennent à
17 dire la vérité, à reconnaître leur responsabilité.
18 Nous avons entendu M. Tokaca. Je vais vous rappeler rapidement ce qui fut
19 un témoignage puissant et émouvant de quelqu'un qui n'a pas examiné la
20 question sous l'angle abstrait, universitaire; c'est un homme qui a essayé
21 de recueillir des données concises sur ce que le comportement le plus
22 inhumain peut avoir comme résultat et pour effet sur d'autres.
23 Mais quelle est la solution? Quels sont les moyens dont dispose la
24 Chambre? Je pense que c'est M. Harmon qui a posé la question suivante à M.
25 Tokaca: "Je vous ai demandé en quoi ceci pouvait potentiellement
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1 contribuer à la réconciliation, si nous voyons que Mme Plavsic reconnaît
2 ses crimes et accepte ses responsabilités?". Voilà ce qu'il a répondu: "A
3 mon avis, ce fut là un acte des plus courageux, des plus braves, qui
4 intervient à l'appui de notre objectif ultime à nous. Et je pense que tôt
5 ou tard il faudra, et le plus tôt possible, que des conditions de vie
6 normales soient rétablies en Bosnie-Herzégovine, mais aussi dans toute la
7 région. Et pour moi, c'est essentiel et je pense que cette reconnaissance
8 de culpabilité vient du cœur".
9 C'est pour cela que la reconnaissance de culpabilité est si importante. Je
10 poursuis ce que dit le témoin: "Pour moi, le pire aurait été que Mme
11 Plavsic garde le silence. C'est important pour nos enfants aussi. Il est
12 essentiel que la vérité se manifeste." Je cite ici le compte rendu
13 d'audience, mais je pense que nous nous souvenons tous de ce qu'il a dit.
14 Il a consacré sa vie à découvrir la vérité; il voulait que la vérité se
15 fasse.
16 Monsieur Bildt, lui, nous a parlé de la nécessité de mettre fin, de briser
17 le cercle vicieux de la violence. Et si nous ne parlons pas de ce qui
18 s'est passé en 1990, en 1991 et en 1992, alors que ça avait été le cas en
19 1940, en 1941, en 1942… Rappelez-vous, à ce moment-là, on avait empêché
20 les gens de parler; les gens ne pouvaient pas se présenter où que ce soit
21 pour dire la vérité.
22 Et qui peut parler avec plus de force de ces problèmes, si ce n'est M.
23 Boraine? Quel fut son message, message qu'il a répété, que ce soit suite
24 aux questions de M. Tieger ou en réponse à vos questions, Messieurs les
25 Juges? Il vous a dit que c'est en disant la vérité qu'on aide les
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1 victimes; c'est en reconnaissant la responsabilité qu'on aide les
2 victimes; c'est en mettant fin à ce cercle vicieux de violence.
3 Et je me permets de marquer mon désaccord avec Mme la Procureure.
4 Pourquoi? Parce que si nous essayons de réaliser l'objectif ultime
5 poursuivi par ce Tribunal, à savoir la réconciliation, la paix dans les
6 Balkans, est-il possible d'imaginer une coopération plus importante que
7 celle fournie par Mme Plavsic à ce Tribunal et au Bureau du Procureur qui
8 sont aidés de cette façon, et surtout et avant tout les victimes
9 individuelles de ces crimes odieux. Comme nous le savons tous,
10 malheureusement -et c'est prouvé dans la jurisprudence de ce Tribunal-,
11 les crimes ont été commis par toutes les parties.
12 Donc Mme Plavsic, dans l'appel qu'elle a lancé à tous les dirigeants en
13 les invitant à se présenter devant le Tribunal pour dire la vérité et
14 admettre leur responsabilité, a fait ce qui était le plus utile pour
15 servir les intérêts de victimes, pour servir également les objectifs
16 défendus par ce Tribunal.
17 Nous venons d'entendre parler d'une peine qui ne peut-être décrite que
18 comme une peine d'emprisonnement à vie, c'est-à-dire la peine maximale,
19 selon le droit en vigueur de ce Tribunal.
20 On nous dit qu'il faudrait que Mme Plavsic encourage les autres à venir et
21 parle de leur comportement. Mais la question que l'on trouve à la fin du
22 témoignage du Docteur Boraine est celle dont dépendra la réaction des
23 Juges de cette Chambre.
24 Je vais lire un passage de la conclusion de ce témoignage; je cite la
25 référence 1524, ligne 40. Je cite: "Et il me semble, dans la dernière
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1 phrase que je prononcerai, que si l'on examine le passé de Mme Plavsic,
2 tant du point de vue de la gravité de son crime que du point de vue de son
3 changement de comportement et de l'admission par elle de sa culpabilité,
4 ceci semble devoir lui donner une deuxième chance; et il faut encourager
5 cette deuxième chance.
6 Mais, ce qui est encore plus important, je pense que le peuple de l'ex-
7 Yougoslavie mérite une deuxième chance, mérite de ne plus subir les
8 préjugés et les haines du passé, mérite plus de tolérance, un avenir plus
9 décent et des droits humains au cœur même de cet avenir.
10 Et si son comportement à elle et ses actes, ainsi que ses mots, peuvent
11 aider les gens qui vivent dans cette partie du monde et qui ont tant
12 souffert, alors j'espère qu'avec le temps et avec du courage, la cause de
13 ces nationalismes étroits disparaîtra et des sociétés pluralistes, fondées
14 sur le respect des droits humains et l'Etat de droit, verront le jour. La
15 réalité est là et il n'y a pas d'autre alternative susceptible de garantir
16 une paix durable dans la région." (Fin de citation.)
17 Je vous remercie de votre attention.
18 M. le Président (interprétation): Maître Pavich?
19 M. Pavich (interprétation): Avant que vous ne terminiez, suis-je en droit
20 de comprendre que ce que vous dites, c'est que, par le biais de la
21 déclaration de culpabilité de Mme Plavsic, celle-ci a effectivement
22 collaboré avec le Bureau du Procureur?
23 M. Pavich (interprétation): Oui, comme je l'ai dit il y a un instant,
24 Monsieur le Président, nous estimons qu'une coopération substantielle,
25 aussi substantielle qu'il soit possible de l'imaginer, a été fournie par
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1 Mme Plavsic par le biais de sa déclaration de culpabilité. Et que, dans le
2 cours de la présente audience de prononcé de peine, nous avons coopéré…
3 M. le Président (interprétation): En tout état de cause…
4 M. Pavich (interprétation): …devant ce Tribunal.
5 M. le Président (interprétation): En tout état de cause, la seule chose
6 que l'on peut dire est la chose suivante: que, même si elle n'a pas
7 coopéré, comme le dit la Procureure, en n'acceptant pas de témoigner, ce
8 fait n'est pas à son avantage, mais très certainement pas non plus à son
9 désavantage. C'est un fait qui constitue un facteur neutre.
10 M. Pavich (interprétation): Nous estimons certainement que
11 l'interprétation de la Procureure quant à la coopération ou la non-
12 coopération de Mme Plavsic ne devrait pas être utilisée contre elle.
13 M. Robinson (interprétation): Mais vous allez plus loin encore. Vous
14 dites…
15 M. Pavich (interprétation): Je proposerais aux Juges de cette Chambre
16 d'aller plus loin.
17 M. Robinson (interprétation): "Au moyen de la déclaration de culpabilité".
18 M. Pavich (interprétation): Je proposerais aux Juges de cette Chambre
19 d'aller plus loin parce que nous estimons que, par sa déclaration de
20 culpabilité et par ce qui a été dit dans le prétoire ces deux derniers
21 jours, sa coopération est avérée comme étant plus substantielle.
22 M. Robinson (interprétation): Mais la coopération peut revêtir diverses
23 formes?
24 M. Pavich (interprétation): Certainement, Monsieur le Juge, et c'est…
25 M. le Président (interprétation): L'autre question sur laquelle je
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1 souhaitais vous interroger est la suivante: votre recommandation… -en
2 fait, vous n'en faites pas une précise, mais dans vos propos et dans vos
3 écritures, vous dites que si l'on tient compte de l'espérance de vie de
4 l'accusée, toute peine supérieure à 8 ans correspondrait à un
5 emprisonnement à vie- et vous recommandez une peine inférieure à cela,
6 n'est-ce pas?
7 M. Pavich (interprétation): Nous estimons qu'une peine supérieure,
8 Monsieur le Président, découragerait quiconque de se présenter devant le
9 Tribunal pour faire ce qu'elle-même a déjà fait.
10 M. le Président (interprétation): Très bien.
11 Les Juges de la Chambre de première instance vont délibérer pour
12 déterminer quel sera leur verdict dans la présente affaire et ce verdict
13 sera rendu public après les vacances judiciaires, le jour qui conviendra
14 le mieux.
15 Compte tenu de l'absence d'objection et compte tenu des circonstances un
16 peu exceptionnelles, l'accusée peut demeurer en liberté provisoire jusqu'à
17 ce que sa présence ici soit nécessaire pour entendre le prononcé du
18 verdict. Elle restera en détention tant que les dispositions nécessaires à
19 sa remise en liberté ne seront pas au point et les conditions de sa remise
20 en liberté provisoire doivent être encore déterminées.
21 Le fait qu'elle soit autorisée à poursuivre sa liberté provisoire ne doit
22 toutefois pas être considéré comme un élément indicatif, à quelque titre
23 que ce soit, de la durée de l'emprisonnement qui sera prononcé au moment
24 du verdict.
25 Je suspends l'audience.
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1 (L'audience est levée à 15 heures 38.)
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