Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 24 août 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

5 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour. Vous pourriez citer le numéro

7 de l'affaire, Madame la Greffière ?

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire numéro

9 IT-05-88-T, le Procureur contre Vujadin Popovic et autres.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame.

11 Je souhaite dire aux accusés ceci : à quelque moment que ce soit dans la

12 procédure, si vous n'entendez pas l'interprétation, veuillez nous le dire

13 et nous trouverons un remède immédiatement. Je vous remercie.

14 Je ne vois pas [imperceptible]. Est-ce qu'il y a des points préliminaires,

15 Madame Fauveau ?

16 Mme FAUVEAU : Il s'agit plutôt d'un problème technique. Nous avons reçu le

17 [problème technique] -- d'un témoignage de ce témoin qui devra témoigner

18 aujourd'hui. Je --

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne comprends pas ce que vous dites,

20 le problème technique en ce qui concerne ce témoin, mais je n'ai pas reçu

21 l'interprétation. C'est un autre problème technique.

22 Oui, Madame Fauveau, est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît, ce

23 que vous avez dit ?

24 Mme FAUVEAU : En fait, il s'agit d'un problème technique, justement, que je

25 voudrais soulever. Nous avons reçu le compte rendu d'un témoignage de ce

26 témoin mercredi dernier. L'audio enregistrement en B/C/S, nous l'avons reçu

27 que le vendredi soir. Evidement, nous ne pouvons pas donner ces

28 enregistrements à nos clients avant lundi matin. Lundi matin, ensuite, avec

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1 la procédure de faire entrer le matériel audio et vidéo dans l'unité de

2 détention, les détenus ne l'ont reçu que le mardi après-midi. Ensuite, ils

3 étaient dans la position d'écouter ce matériel qu'hier après-midi. Mon

4 client, et je crois aussi certains d'autres, avaient certains problèmes

5 techniques pour ouvrir ce programme et pour écouter le témoignage. Je veux

6 ajouter que nous ne demandons pas l'ajournement du procès. Nous sommes

7 prêts de procéder avec ce témoin. Mais nous voudrions votre assistance ou

8 pour que le Procureur nous donne un peu plus tôt le matériel en serbo-

9 croate ou pour que la procédure de communication avec l'unité de détention

10 soit un peu plus facile et plus rapide. Je vous remercie beaucoup.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame Fauveau, d'avoir indiqué

12 cela. Qui va répondre ? Monsieur Nicholls.

13 M. NICHOLLS : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Président.

14 Nous allons nous assurer que ceci ne se répète pas.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nicholls, de

16 votre coopération. D'ailleurs, ceux parmi vous qui souhaitent

17 éventuellement contre-interroger en dernier, à cause de ce problème

18 technique, veuillez trouver un arrangement entre vous et je vais vous

19 accorder cela. Merci. Oui, Monsieur Nicholls.

20 M. NICHOLLS : [interprétation] Un point d'importance mineure qui a fait

21 l'objet de discussion hier. Je crois que nous avons constitué des dossiers

22 de cartes et la Défense n'a pas soulevé d'objection à cela. Si j'ai bien

23 compris, ceci n'existe pas encore dans la version du prétoire électronique

24 mais ce sera le cas.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Merci. Je vous remercie. Tout

26 simplement, je souhaite mentionner la chose suivante. Si vous avez

27 l'intention d'utiliser ces cartes avec les témoins ou d'ailleurs d'autres

28 cartes et d'autres photos avec les témoins, veuillez vous assurer qu'il y

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1 ait une explication comme c'est le cas sur cette carte, "Srebrenica", et

2 cetera ou "Zepa" ou la carte avec des annotations écrites à la main. S'il

3 s'agit de ce genre de cartes, ne pas les utiliser avec le témoin, que les

4 témoins les utilisent et les notent, et marquent lui-même, plutôt que

5 d'utiliser les cartes qui comportent déjà des annotations faites par

6 d'autres personnes. Nous avons d'ailleurs eu le même problème dans d'autres

7 affaires.

8 M. NICHOLLS : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.

9 J'allais éventuellement utiliser la carte numéro 5 qui fait partie de

10 l'atlas avec ce témoin et cette carte comporte certaines annotations. Dans

11 ce cas-là, je ne vais pas l'utiliser. Je vais trouver une autre carte.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est là, je pense, qu'elle peut être

13 utilisée à moins que la Défense ne soulève une objection car apparemment il

14 s'agit simplement de la traduction de ce qui est écrit à la main sur la

15 carte. Cela ne pose pas vraiment de problème, mais s'il y en a d'autres --

16 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que sur la carte 5, il n'y a pas

17 d'autres annotations.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je vais juste vérifier.

19 Mais les problèmes les plus importants à mon avis, c'est s'il s'agit

20 d'une photo d'une maison détruite, et il est écrit : "Maison de Mirzad

21 Dudic" et qu'ensuite, vous dites à la personne : Est-ce que vous

22 reconnaissez cette maison ?

23 M. NICHOLLS : [interprétation] Je comprends.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ou bien une photo où l'emplacement est

25 marqué et ensuite, vous dites au témoin : Est-ce que vous connaissez cette

26 région et les bâtiments qui sont en arrière-plan ?

27 Oui, Monsieur McCloskey.

28 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, j'ai une question qui est liée à cela.

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1 Comme vous le savez, M. Ruez va déposer.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

3 M. McCLOSKEY : [interprétation] Par le passé, nous lui demandions à lui de

4 marquer les cartes avant d'entrer dans ce prétoire. Il ne s'agit pas de la

5 manière traditionnelle de faire les choses, mais ceci nous permet

6 d'économiser le temps. Il ne s'agit pas là du problème dont vous parlez,

7 mais c'est semblable car c'est lui qui aura marqué les cartes.

8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il n'y a pas de problème par rapport à

9 cela.

10 Effectivement, s'il y a d'autres questions préliminaires et je

11 souhaite vous dire aussi que plus tard dans la journée je vais rendre ma

12 décision concernant le dépôt par le biais de e-court des documents

13 utilisables dans le contre-interrogatoire conformément aux suggestions

14 acceptées par les parties. Autre chose ?

15 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je sais que tout le monde travaille

16 là-dessus mais les dates finales concernant le programme confidentiel nous

17 seront utiles pour nous organiser avec les témoins.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je pense que nous pouvons

19 passer en audience à huis clos partiel pendant quelques minutes.

20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

21 partiel.

22 [Audience à huis clos partiel]

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4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup.

6 Je pense que nous pouvons faire entrer le témoin qui dépose

7 conformément aux mesures de protection qui ont été indiquées dans la

8 décision d'hier, à savoir le pseudonyme. Puis, il va falloir décider quel

9 est le numéro qui va s'appliquer à lui, car vous n'avez pas indiqué cela

10 dans votre requête. Nous ne lui avons pas donné un pseudonyme nous-même et,

11 bien sûr, la déformation des traits du visage. Oui, Monsieur Nicholls.

12 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Excusez-

13 moi de ne pas avoir mentionné cela dans la requête. Je pense que nous

14 sommes arrivé au Témoin PW-110.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] PW ?

16 M. NICHOLLS : [interprétation] 110.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] 110, d'accord, oui.

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20 M. NICHOLLS : [interprétation] Je suis désolé. Je ne suis pas sûr s'il faut

21 baisser les stores.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pardon ?

23 M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne me souviens pas car les stores ont

24 déjà été baissés en raison du pseudonyme.

25 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On me dit d'ailleurs qu'il n'est pas

27 nécessaire de baisser les stores car toutes les précautions ont été prises.

28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bienvenue devant ce Tribunal. Dans peu

4 de temps nous allons commencer votre déposition de vous en tant que témoin

5 de l'Accusation et la Chambre vous a accordé certaines mesures de

6 protection. Nous n'allons pas faire référence à vous en employant votre

7 nom, mais votre pseudonyme. Vous serez le Témoin de l'Accusation 110, et

8 toutes les personnes qui suivent la procédure de l'extérieur de ce

9 prétoire, ne seront pas en mesure de voir votre visage, car nous avons un

10 moyen mécanique nous permettant de le cacher, comme vous le verrez,

11 d'ailleurs, sur l'écran devant vous.

12 Puis, un autre point que je voulais soulever auprès de vous et dont

13 je souhaitais vous informer, c'est que Mme l'Huissière, qui est à côté de

14 vous, va vous remettre une déclaration solennelle qui équivaut à un serment

15 à prêter indiquant que vous allez et que vous vous engagez à dire la vérité

16 au cours de votre déposition. Si à n'importe quel moment vous avez besoin

17 d'une pause, dites-le-nous, dites-nous que vous vous sentez fatigué, et je

18 vais vous accorder une pause.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Veuillez lire la déclaration

21 solennelle.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 LE TÉMOIN: TÉMOIN PW-110 [Assermenté]

25 [Le témoin répond par l'interprète]

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie. Vous pouvez vous

27 asseoir.

28 Monsieur Nicholls, du côté de l'Accusation, nous allons vous poser

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1 plusieurs questions, et veuillez limiter vos réponses dans la durée.

2 Lorsque l'on vous posera des questions et que vous aurez une réponse par

3 oui ou non, veuillez répondre ainsi. Si vous souhaitez dire autre chose,

4 dites-le-nous, et nous allons décider si oui ou non nous allons vous

5 permettre cela.

6 Monsieur Nicholls.

7 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Interrogatoire principal par M. Nicholls :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

10 R. Bonjour.

11 M. NICHOLLS : [interprétation] Tout d'abord, avec l'aide de

12 l'Huissière, je souhaite montrer au témoin le document comportant son

13 pseudonyme. Veuillez lire, et pas à haute voix, ce document, Monsieur, et

14 veuillez nous dire s'il vous plaît si vous pouvez nous confirmer si votre

15 nom et prénom figurent effectivement sur ce papier.

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous auriez l'amabilité de

18 montrer cela aux membres de l'équipe de la Défense ? Ensuite, ceci sera

19 remis au greffe, qui va consigner cela au dossier, verser au dossier en

20 tant que document placé sous pli scellé.

21 Madame la Greffière d'audience, veuillez nous dire quelle sera la cote

22 attribuée à ce document.

23 M. NICHOLLS : [interprétation] Si j'ai bien compris, à l'avenir, ceci sera

24 versé par le biais de e-court du prétoire électronique également.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Est-ce que vous voulez le voir,

26 Monsieur Nicholls ?

27 M. NICHOLLS : [interprétation] Non.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

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1 Il s'agira là de la pièce --

2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce

3 P2102.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, P210 -- car dans le compte rendu

5 d'audience, il est écrit 2102, mais je vous ai entendu dire P2101.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, P2101.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Merci.

8 Poursuivez, Monsieur Nicholls.

9 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel pour des

10 questions préliminaires ?

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, passons à huis clos partiel.

12 [Audience à huis clos partiel]

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5 [Audience publique]

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

7 Nous sommes maintenant en audience publique, Monsieur le Témoin.

8 M. NICHOLLS : [interprétation]

9 Q. Monsieur, combien de temps avez-vous passé à Konjevic Polje ?

10 R. Six jours. Pendant ce temps, je pense que M. Morillon, le commandant de

11 la FORPRONU, est venu, et il est allé dans une mosquée à Hrncici. Je ne

12 sais pas exactement, parce que je ne connais pas bien la région, mais je

13 pense que c'était la mosquée de Hrncici, et c'est là qu'il a fait hisser le

14 drapeau de l'ONU, après quoi les Serbes qui étaient à Tumace ont ouvert le

15 feu sur la population, juste sous les yeux mêmes de Morillon. Je ne suis

16 pas tout à fait sûr, mais je pense qu'il y a eu un soldat de la FORPRONU

17 qui a été grièvement blessé, beaucoup de gens ont été tués, beaucoup de

18 blessés. Morillon était là et il l'a vu de ses propres yeux, et si c'était

19 un brave homme, c'est lui qui serait ici à ma place et qui témoignerait des

20 événements dont il a été le témoin oculaire.

21 Q. Monsieur, vous avez répondu assez longuement à cette question que je

22 vous ai posée, mais je vous remercie quand même. Où êtes-vous parti après

23 avoir quitté Konjevic Polje ?

24 R. Après, on est allés à Pervane. C'est là qu'on a passé trois jours.

25 Puis, une décision a été prise, tout le monde a commencé à se diriger, à se

26 replier vers Srebrenica. Mes deux frères sont arrivés le 14 mars.

27 Q. Le 14 mars 1993 ?

28 R. Oui.

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1 Q. A Srebrenica, est-ce que vous avez travaillé là ?

2 R. Oui. J'ai travaillé comme ouvrier agricole. On avait un cheval, une

3 vache. On avait donc -- on pouvait traire la vache pour avoir du lait, et

4 le cheval nous permettait de transporter des choses. Voilà.

5 Q. Vous dites que vous étiez là avec deux de vos frères.

6 R. Oui.

7 Q. Attendez que je termine la question. Est-ce qu'il y a un de vos frères

8 qui était dans l'armée, dans l'armée de Bosnie, dans l'enclave ?

9 R. Celui qui n'était pas arrivé -- en fait, c'était un pâtissier, un

10 boulanger dans une boulangerie privée du village. Pendant tout ce temps, il

11 était, lui aussi -- il a été boulanger-pâtissier, il n'a jamais été soldat.

12 Q. Je voudrais que ceci soit bien clair. Est-ce que vous voulez dire qu'il

13 est devenu cuisinier pour l'armée dans l'enclave ?

14 R. Oui, oui, c'est cela, c'est cela. Je ne sais pas, il était membre d'une

15 espèce de réserve, je ne suis pas tout à fait sûr, parce que l'enclave,

16 elle était sous les auspices des Nations Unies, des armes avaient été

17 distribuées, et lui, je crois qu'il travaillait comme cuistot.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ce n'est pas très clair. Nous parlons

19 de quelle période ici ? Est-ce qu'on est toujours en mars 1993 ou est-ce

20 qu'on est à un moment ultérieur ? En effet, il dit que Srebrenica était une

21 enclave sous les auspices des Nations Unies. Est-ce qu'on parle d'une date

22 ultérieure au 16 avril, est-ce qu'on parle de la démilitarisation, est-ce

23 qu'il parle de la distribution d'armes plutôt que du fait qu'on essayait de

24 récupérer des armes ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Les armes, elles avaient été

26 collectées par la FORPRONU. Il y avait uniquement un point d'observation au

27 point le plus crucial. Ils n'avaient pas d'armes. Si on voyait quelqu'un

28 armé, la FORPRONU confisquait cette arme.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est clair, maintenant.

2 M. NICHOLLS : [interprétation]

3 Q. A partir du moment où vous êtes arrivé jusqu'en juillet 1995, est-ce

4 que votre frère était cuisinier dans l'armée de réserve, comme vous dites ?

5 R. Non, il ne faisait qu'observer. On ne pouvait pas avoir d'arme à cause

6 de la FORPRONU. Ils n'avaient qu'un point d'observation dans la région que

7 je ne connais pas. Ils se sont contentés d'observer certains --

8 Q. Ecoutez ma question. Je vous ai demandé si voter frère avait travaillé

9 comme cuisinier pour les réservistes jusqu'en juillet 1995.

10 R. Oui, oui, c'était un cuisinier. Il l'a toujours été avant aussi. Jamais

11 il n'a été soldat. C'était simplement un cuisinier. C'est ce qu'il a

12 toujours été.

13 Q. Parlons des circonstances dans lesquelles vous avez quitté Srebrenica.

14 Quand êtes-vous parti de Srebrenica ?

15 R. Quand les Serbes ont commencé à venir pour occuper Srebrenica. Nous

16 sommes partis le 11 juillet au matin. Certains sont partis vers Potocari et

17 certains d'entre nous sont passés par les bois. Le 11 septembre toute la

18 population -- excusez-moi, le 11 juillet toute la population a quitté

19 Srebrenica.

20 Q. Pourriez-vous en quelques mots nous dire à quoi ressemblait pour les

21 habitants de Srebrenica la semaine qui a précédé la date du 11 juillet.

22 Qu'est-ce que qui s'est passé cette semaine-là ?

23 R. La panique régnait dans toute la région. Les gens sont venus des hauts

24 de Vrb. Ils sont tous venus à Vidikovac et ils sont descendus plus bas. De

25 dimanche à mardi, il n'y avait plus personne à part les grabataires qui ne

26 pouvaient pas quitter leurs maisons.

27 Q. Est-ce qu'on a fait des annonces que vous auriez entendu concernant un

28 départ le 11 juillet ?

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1 R. Non.

2 Q. Vous dites que certains sont allés à Potocari et d'autres vers les bois

3 --

4 R. Oui. Les femmes, les enfants, les personnes âgées, eux, sont allées à

5 Potocari. Je ne sais pas s'il y a des personnes plus jeunes qui sont allées

6 à Potocari aussi.

7 Q. Vous où est-ce que vous êtes allé ?

8 R. Je suis parti du côté de Susnjari. Là nous avons formé une colonne pour

9 essayer de passer en territoire libéré.

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13 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

15 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-être est-il utile de procéder à

16 une expurgation.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Attendez, parce que j'essaie de

18 repérer le passage.

19 M. NICHOLLS : [interprétation] Ce n'est pas très important, mais quand même

20 c'est utile.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Oui, il n'y a pas grand-chose mais

22 effectivement je pense qu'il faudra expurger à partir de la ligne 16 à 18;

23 ces trois lignes-là.

24 M. NICHOLLS : [interprétation]

25 Q. Votre autre frère, où est-il allé ?

26 R. Il était invalide. Lui il est allé à Potocari. Heureusement pour lui,

27 ils ont retenu des gens, lui il a quand même pu partir et il est parti de

28 là.

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1 Q. Vous dites "qu'ils ont retenu des gens," quand vous dites "ils" vous

2 parlez de qui ?

3 R. Je parle des soldats serbes.

4 Q. Ça va, Monsieur ?

5 R. Oui. Mais mes écouteurs se déplacent sans arrêt sur ma tête mais à part

6 cela ça va.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

8 Madame l'Huissière, essayez d'aider le témoin, s'il vous plaît.

9 Monsieur Nicholls et je m'adresse à tous les avocats de la Défense qui plus

10 près de lui que nous ne le sommes. En règle générale, nous voyons bien le

11 visage du témoin à l'écran, mais lorsqu'il y a déformation des traits du

12 visage, nous ne voyons pas toujours très clairement. Vous, vous êtes

13 beaucoup plus près de lui que nous, si vous voyez sur son visage un signe

14 de fatigue ou qu'il a besoin de quelques moments de répit, dites-le nous

15 parce que nous nous ne voyons pas aussi bien que nous ne voyons

16 normalement.

17 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

19 M. NICHOLLS : [interprétation] Normalement, il y avait un bouton qui

20 vous permettait sur l'écran de voir les images qui ne sont pas déformées.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais maintenant ce n'est pas

22 le cas.

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2 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, peut-être pouvons-nous passer à huis

3 clos partiel l'espace d'un moment.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, expurgation, ligne 6 à celle-ci,

5 et maintenant nous allons passer provisoirement à huis clos partiel.

6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

7 [Audience à huis clos partiel]

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21 [Audience publique]

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience

23 publique. Je vous remercie.

24 M. NICHOLLS : [interprétation]

25 Q. Je voudrais que nous revenions sur quelque chose que vous avez déjà

26 mentionné, la formation d'une colonne à Susnjari et la nuit du 11 au 12

27 juillet à Susnjari. Où avez-vous passé la nuit, cette nuit-là ?

28 R. A Susnjari.

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1 Q. Mais où exactement à Susnjari ? Dans quel endroit ?

2 R. Dans un pré. C'est là où était tout le monde. Tous les hommes qui sont

3 arrivés étaient là.

4 Q. Il y avait combien d'hommes, à peu près ?

5 R. Au moins 15 000 hommes.

6 Q. Est-ce une estimation que vous avez faite vous-même ou est-ce que vous

7 l'avez entendu ?

8 R. On a parlé entre nous. On s'est regardé. On s'est dit qu'il y avait

9 bien peut-être plus de 15 000 hommes, je dirais peut-être même 20 000.

10 Q. C'étaient uniquement des hommes ou est-ce qu'il y avait aussi des

11 femmes et des enfants dans cette colonne ?

12 R. A ce moment-là, il n'y avait pas de femmes ni d'enfants.

13 Q. A quel moment êtes-vous parti de Susnjari ? Quand je dis, "vous," je

14 veux parler de la colonne.

15 R. Je suis parti dans l'après-midi du 12 juillet. J'étais dans le dernier

16 groupe des gens qui ont quitté Susnjari.

17 Q. Où était votre autre frère, à ce moment-là ? Ne donnez pas son nom,

18 s'il vous plaît.

19 R. Mais il était là. Il était là.

20 Q. Avec vous ?

21 R. Oui.

22 Q. Nous aimerions que vous nous décriviez un peu la configuration du

23 terrain afin qu'on se fasse une meilleure idée, qu'on voie un peu, qu'on

24 visualise, vous et tous ces hommes qui traversent à pied cette région pour

25 aller vers Tuzla.

26 R. On avait formé une colonne, plusieurs en fait. Quelquefois, on marchait

27 en file indienne vu la configuration du terrain.

28 Q. Est-ce que dans cette colonne, il y avait des hommes qui étaient

Page 646

1 armés ?

2 R. Oui, mais il n'y en avait vraiment pas beaucoup, et ces hommes ont

3 marché à l'avant de la colonne. En fait, ils sont partis lorsque les

4 premières colonnes sont parties.

5 Q. Avez-vous pu estimer le nombre d'hommes armés ?

6 R. Peut-être 400 ou 500. Mais c'était difficile de faire cette évaluation

7 vu le grand nombre d'hommes qu'il y avait là. Il était difficile de dire

8 combien d'entre eux étaient armés.

9 Q. Je comprends bien, je ne m'attendais pas à ce que vous me donniez un

10 chiffre exact. Quel était le genre d'armes qu'avaient ces hommes ?

11 R. C'étaient des armes d'infanterie ?

12 Q. Infanterie, vous dites. Qu'est-ce que c'est ?

13 R. Mais, des fusils. C'étaient surtout des fusils.

14 Q. Est-ce que vous, vous étiez armé, vous aviez un fusil ?

15 R. Non, non.

16 Q. Votre frère était-il armé ?

17 R. Non.

18 Q. Lorsque vous vous êtes mis en route, qu'est-ce que vous aviez comme

19 effets ?

20 R. J'avais un sac à dos et j'avais trois boites de conserve de viande que

21 j'avais reçues de l'aide humanitaire et j'avais un veston de rechange que

22 je portais à l'épaule et j'avais un sac de sucre. C'est tout ce que

23 j'avais.

24 Q. Vous dites que vous aviez ce veston de rechange, mais ces vêtements,

25 c'étaient des vêtements militaires ou pourriez-vous nous décrire ces

26 vêtements, ceux que vous portiez ?

27 R. Non, j'avais des vêtements civils. Je portais une veste en cuir.

28 J'avais un pantalon, des chaussures et j'avais à l'épaule un sac à dos.

Page 647

1 C'est tout.

2 Q. Vous dites que vous êtes parti dans l'après-midi du 12. Pourriez-vous

3 nous relater ce que vous avez fait ? Où vous êtes allé ?

4 R. Je vous le dis, ce même jour, on est parti de Susnjari et on a continué

5 à marcher jusqu'à la tombée de la nuit, au coucher du soleil, il faisait

6 noir. On ne voyait plus rien. Je n'ai pas du tout dormi cette nuit-là. Je

7 n'avais pas dormi la veille ni l'avant-veille. Je me suis allongé et je me

8 suis endormi. A l'aube, mon frère n'était plus là. Il y avait des gens qui

9 repartaient en arrière. Il y en avait qui avançaient. Je me suis retourné

10 un peu, il y avait des gens qui avaient repris leur route. Je suis allé

11 avec eux. J'ai retrouvé mon frère. Nous nous sommes assis. On se demandait

12 ce qu'il fallait faire. A ce moment-là, un soldat serbe a pris un porte-

13 voix

14 --

15 Q. Je vous arrête, Monsieur. Nous allons parler de ce qui s'est passé

16 après plus tard. Est-ce que vous pourriez nous dire où vous avez passé la

17 nuit du 12 au 13 ? Vous avez dit que vous n'aviez vraiment pas beaucoup

18 dormi la veille. Là, vous vous êtes endormi où ?

19 R. Dans la forêt de Buljim.

20 Q. Parlons du 13 juillet. Vous avez commencé à expliquer comment vous vous

21 étiez réveillé, ce matin-là. Vous commenciez à parler de l'endroit où était

22 votre frère lorsque vous vous êtes réveillé. Veuillez continuer.

23 R. Lui, je vous l'ai dit. Il y a un groupe de gens qui sont revenus et je

24 suis parti avec eux. Ce même groupe après est reparti vers l'avant. Je les

25 ai accompagnés. Lui, il était un peu plus vers le bas, près de l'endroit

26 d'où nous étions sortis des bois. Je n'ai pas la moindre idée de comment

27 cela s'appelle, cet endroit.

28 Q. Ici, on voit "Samici" et "Lolici", au compte rendu d'audience; n'avez-

Page 648

1 vous pas dit "Sandici" ?

2 R. Non, non. Pas Samici, Sandici.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci d'avoir précisé, Monsieur

4 Nicholls.

5 M. NICHOLLS : [interprétation]

6 Q. Une précision, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin. Vous vous êtes

7 réveillé, votre frère n'était pas près de vous, vous êtes parti avec

8 d'autres personnes, puis vous avez retrouvé votre frère; c'est cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous dites que là où vous êtes sorti des bois, cela s'appelait Sandici

11 ou Lolici, vous n'êtes pas sûr du nom.

12 R. Non, non, non. C'était aussi à Buljim, mais, lorsque nous nous sommes

13 rendus, c'était à Sandici. Mais c'était à Buljim aussi que j'avais retrouvé

14 mon frère.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Apparemment, c'est le nom de la forêt ?

16 M. BOURGON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je

17 voudrais une précision, parce que je vois la question posée par mon

18 confrère, page 27, ligne 4. Bien sûr, c'est un peu une question qui guide

19 le témoin, mais ce n'est pas pour cela que je fais objection. Je voudrais

20 simplement une précision, car je ne comprends pas la question. Pourriez-

21 vous préciser ? "Vous vous êtes réveillé, votre frère n'était pas là, vous

22 êtes allé avec un autre frère puis vous avez été réunis." La réponse était

23 affirmative. Mais je n'ai pas compris.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, oui, oui.

25 C'est un problème de compte rendu, de transcription. Il n'a jamais dit

26 qu'il était allé avec un autre frère; il est parti avec d'autres puis il a

27 retrouvé son frère. Oui, mais c'est un petit problème de compte rendu

28 d'audience, il faut corriger. Cela va être fait. Poursuivons.

Page 649

1 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci à Me Bourgon d'avoir relevé

2 cette petite coquille.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je lui remercie aussi.

4 M. NICHOLLS : [interprétation]

5 Q. Veuillez décrire la façon dont vous avez quitté les bois et

6 comment vous vous êtes retrouvé à Sandici.

7 R. Comme je vous l'ai dit, l'aube s'est levée, les soldats serbes ont pris

8 les mégaphones, les porte-voix, et ont commencé à nous lancer des appels

9 pour qu'on se rende. Ils nous ont dit de nous rendre. Il y avait des hommes

10 en uniforme de camouflage parmi nous qui ont dit : "Oui, nous allons nous

11 rendre, mais faites venir les membres de la FORPRONU et de la Croix-Rouge."

12 Toutefois, ils n'ont fait aucune promesse et ils ont lancé un ultimatum en

13 ce sens que nous devions nous rendre au plus tard à 10 heures, sinon -- et

14 comme nous ne nous sommes pas rendus jusqu'à 10 heures, on a reçu un autre

15 ultimatum de nous rendre pour 15 heures dans l'après-midi. C'est à ce

16 moment-là que nous avons décidé que nous allions nous rendre.

17 Q. Bien. Je vais vous poser rapidement une question qui fait suite à

18 celle-ci. Vous avez dit que vous vous trouviez dans les bois et que les

19 soldats serbes avaient pris des porte-voix et ont commencé à lancer des

20 appels à la reddition. D'où est-ce qu'ils lançaient ces appels, ces soldats

21 serbes ? Où se trouvaient-ils ?

22 R. Ils se trouvaient un peu plus loin, éloignés de nous, mais d'une façon

23 générale, dans le même secteur, dans les mêmes champs. En fait, il

24 s'agissait là d'une montagne, un boisé, et il fallait un certain nombre

25 d'heures pour pouvoir traverser, certainement.

26 Q. Vous dites que vous avez décidé de vous rendre. Qu'en est-il pour votre

27 frère ? Qu'est-ce que lui a décidé de faire ?

28 R. Il a décidé de faire de même.

Page 650

1 Q. Alors qu'avez-vous fait, que s'est-il passé ?

2 R. La colonne s'est mise en route pour se rendre, et lorsque nous sommes

3 arrivés, les soldats serbes se sont approchés de nous, nous ont demandé de

4 remettre l'argent que nous pouvions avoir, notamment des devises

5 étrangères, et ils nous ont menacés en disant que si on ne remettait pas

6 tout notre argent, nous pourrions subir le même sort que ceux qui nous

7 avaient précédés. Nous n'avons pas, bien entendu, demandé qui étaient ceux

8 qui étaient là avant nous.

9 Alors que nous allions vers eux, il y a des femmes et des enfants qui

10 sont passés par là sur un car, et je connaissais certaines de ces femmes

11 qui se trouvaient sur le car, et elles nous regardaient comme maintenant je

12 suis en train de vous regarder, et on les a vues s'en aller alors que nous

13 restions sur place comme prisonniers.

14 Q. Bien. J'allais parler de cela un peu plus tard, mais parlons-en

15 maintenant. Combien de cars avez-vous vus, comme vous dites, qui

16 transportaient des femmes et des enfants et qui passaient par là ?

17 R. Plusieurs véhicules sont passés par là. J'ai vu ma tante, une autre

18 dame de Drinjaca, près de Zvornik. Il y avait une troisième dame que je ne

19 connaissais pas, mais elle a dit à mon frère que nous avions été faits

20 prisonniers.

21 Q. Dans quelle direction se rendaient ces autocars sur cette route ?

22 R. Ils allaient en direction de Vlasenica et le territoire libre qui s'y

23 trouvait. C'est là qu'on y transportait les femmes et les enfants.

24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande si vous pourriez éclairer

25 un point avec le témoin, qui était de savoir s'il y avait des hommes armés

26 lorsqu'ils se sont rendus aux forces serbes.

27 M. NICHOLLS : [interprétation] J'allais le faire, je vais le faire

28 tout de suite, Monsieur le Juge.

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1 Q. Vous avez entendu la question posée par le Juge Kwon, et c'est

2 donc de savoir s'il y avait des hommes armés dans la colonne au moment où

3 vous vous êtes rendu.

4 R. Non, non. Il y avait parmi nous une personne qui portait des

5 bottes d'uniforme militaire et il a immédiatement été critiqué pour cela

6 par les soldats serbes, mais aucun d'entre nous ne portait l'uniforme de

7 camouflage. Cette personne qui portait des bottes d'uniforme les portait

8 par nécessité, parce qu'il n'avait rien d'autre comme chaussures. C'était

9 l'été, donc cela devait être très inconfortable pour lui.

10 Q. Bien, alors indépendamment de cela, juste pour être bien au

11 clair, est-ce qu'un homme ou un autre avait des fusils au moment de cette

12 reddition ? Je crois que vous avez répondu, mais je voudrais que ce soit

13 bien clair.

14 R. Non.

15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, savez-vous, au

16 moment où ceci a eu lieu, où les quelque 400 ou 500 hommes qui avaient été

17 armés, où sont-ils allés, ces 400, 500 hommes qui étaient armés ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] On les a vus partir dans la première colonne.

19 Nous ne savions pas où ils étaient. Cette colonne, en fait, était séparée

20 de la nôtre, et, bien sûr, nous ne le savions pas à ce moment-là.

21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. NICHOLLS : [interprétation]

23 Q. Je vais poser une question de plus pour essayer de préciser encore les

24 choses. Je crois que vous avez déjà répondu à cela, Monsieur le Témoin,

25 mais où, dans l'ensemble de la colonne, vous trouviez-vous, vous et votre

26 frère ?

27 R. Pour ma part, je me trouvais probablement à mi-chemin dans la colonne.

28 Q. Est-ce que vous parlez de la colonne tout entière ou de la partie de la

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1 colonne où vous vous trouviez ? Parce que vous avez dit qu'elle s'était

2 disloquée.

3 R. Non, non. Voulez-vous dire au moment où nous nous sommes rendus ?

4 Lorsque nous nous sommes rendus, je me trouvais dans la dernière colonne

5 partant vers Susnjari.

6 Q. Bien, d'accord. Vous avez parlé il y a un moment des soldats qui

7 exigeaient que vous remettiez votre argent, en particulier les devises

8 étrangères. Que s'est-il passé après cela ?

9 R. Nous avons levé les bras en l'air. Ils nous ont dit d'avancer en

10 courant, et il y avait déjà un certain nombre de personnes qui étaient

11 assises sur le pré, donc nous étions en train de remplir les vides. Il y

12 avait un soldat serbe qui portait ce ruban rouge. Il semblait être la

13 personne responsable qui se trouvait là. Il a dit : bon, nous sommes déjà

14 en train de négocier votre échange avec la FORPRONU. Il y avait là un jeune

15 homme qui était là et qui m'a dit, quelque 10 ou 15 minutes plus tard,

16 lorsque nous avons vu passer sur les cars les femmes et les enfants que --

17 M. LAZAREVIC : [interprétation] Excusez-moi. Je regrette de devoir

18 interrompre le témoin.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

20 M. LAZAREVIC : [interprétation] Mais il semble que nous avons des

21 problèmes. Je crois que le témoin parle trop vite, et ceci cause certains

22 problèmes pour les interprètes, parce que nous comprenons sa langue, nous

23 savons de quoi il parle, mais je vais vous donner un exemple bref. Le

24 témoin vient de dire que la personne qui avait --

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, qui avait le ruban rouge.

26 M. LAZAREVIC : [interprétation] -- les gouvernements négociaient. Au lieu

27 de cela, nous lisons : "Nous sommes en train de négocier avec la FORPRONU,"

28 et fondamentalement, cela --

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, non. Cela fait une différence,

2 bien sûr.

3 M. LAZAREVIC : [interprétation] Oui, cela fait une différence.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie de votre observation

5 et de votre aide, Maître Lazarevic.

6 Monsieur Nicholls, pour commencer, je voudrais avoir confirmation des

7 interprètes, de la cabine des interprètes.

8 L'INTERPRÈTE : Oui, Monsieur le Président, il se peut que cela ait été le

9 cas.

10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, exactement.

11 Je comprends, Témoin, qu'il est nécessaire que vous parliez un peu plus

12 lentement.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est comme cela que je parle et j'ai

14 l'impression que c'est lent.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ce n'est pas suffisamment lent. Je vais

16 vous expliquer comment se présente le problème. Ici, lorsque je parle

17 anglais, ce que je fais pour le moment, ce que je dis est interprété par

18 des personnes qui se trouvent derrière les vitres que vous voyez sur les

19 côtés du prétoire, et elles l'interprètent dans votre langue. Sans cela,

20 vous ne comprendriez pas ce que je suis en train de dire. Puis, il faut

21 également que ce soit traduit en français pour ceux qui suivent l'audience

22 en français. De même, lorsque vous parlez en serbo-croate, les interprètes

23 doivent traduire pour nous en anglais ce qui a été dit et ils doivent

24 évidemment aller à la même vitesse que ce que vous dites, donc le plus

25 lentement vous parlez, le plus vous leur rendez les choses faciles. Cela

26 leur permet de suivre à ce moment-là et d'interpréter tous les mots que

27 vous dites.

28 Personne ne vous critique, personne ne critique la façon dont vous parlez.

Page 654

1 Nous essayons simplement -- nous ne voulons pas vous rendre les choses

2 difficiles, mais nous vous demandons de bien vouloir ralentir un petit peu

3 de façon à rendre la tâches des interprètes un peu plus facile. Je suis sûr

4 que vous voudrez bien coopérer en ce sens. Bien. Je vous remercie.

5 Monsieur Nicholls.

6 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Encore une fois, merci, Maître

8 Lazarevic.

9 M. NICHOLLS : [interprétation]

10 Q. Oui, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin, je vais essayer de parler un

11 peu plus lentement. Peut-être que tous deux nous pourrions faire cela. Nous

12 souhaitons évidemment que le compte rendu soit aussi précis que possible.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je pense que peut-être il y aurait

14 lieu de revenir sur ce qui a été dit. Comme Me Lazarevic l'a dit, il n'est

15 pas exact de dire -- je reprends le texte. On vous a posé la question

16 suivante, Monsieur le Témoin. M. Nicholls vous a dit : "Bien, d'accord.

17 Maintenant, à un moment, vous avez parlé des soldats qui exigeaient que

18 vous remettiez de l'argent, et en particulier, les devises étrangères. Que

19 s'est-il passé après cela ?"

20 Vous avez commencé à répondre et vous avez dit : "Nous avons levé les bras

21 en l'air. Ils nous ont dit d'avancer en courant, et il y avait des gens qui

22 étaient déjà assis dans la pré qui se trouvait là."

23 Est-ce que vous confirmez ce point ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Puis, au compte rendu, nous avons ceci,

26 nous lisons ceci : "Nous étions simplement en train de remplir les vides ?

27 Est-ce que vous confirmez ce point ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ensuite, j'ai : "Il y avait un soldat

2 serbe qui avait ce ruban rouge." Est-ce que vous confirmez cela, un

3 bandana ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était noir, ce ruban.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Voici le premier point qu'il faut

6 corriger. En ce qui concerne ce soldat serbe, on avait dit que vous disiez

7 : "Il semblait être la personne responsable sur place."

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] "Et il a dit : nous sommes déjà en

10 train de négocier pour votre échange avec d'autres -- avec la FORPRONU;"

11 est-ce exact ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Personne ne nous a dit qu'il y avait

13 des négociations avec la FORPRONU, mais plutôt que des négociations étaient

14 en cours avec les gouvernements serbes et bosniaques, le gouvernement

15 bosniaque.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Nous avons ensuite : "Et il y

17 avait là un jeune homme qui m'a dit, 10 à 15 minutes plus tard, lorsque

18 nous avons vu des cars passer avec des femmes et des enfants," et vous vous

19 êtes arrêté à ce point-là.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était pas un jeune homme. Il y avait une

21 femme qui avait un enfant d'une dizaine d'années, et cet homme qui portait

22 la bandana noire a dit à cette dame d'aller à l'endroit où l'autocar était

23 garé, et nous n'avons pas pu voir le car à cause de la configuration du

24 terrain. Cette dame, cette femme a remercié le soldat pour cela. Deux

25 jeunes filles se sont également levées, deux filles se sont également

26 levées. Il y en avait une qui était plus jolie que l'autre --

27 M. NICHOLLS : [interprétation]

28 Q. Arrêtez-vous là. Nous allons y venir. Est-ce que nous allons un peu en

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1 avant de cela ?

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

3 Je remercie encore Me Lazarevic. S'il y a des erreurs de fond dans le

4 compte rendu, s'il vous plaît, appelez immédiatement notre attention sur

5 cela. Si ce sont des erreurs mineures qui peuvent être corrigées par la

6 suite, ne perdons pas de temps, on s'en occupera plus tard. Mais pour des

7 erreurs de fond dans le compte rendu de ce que dit le témoin dans sa

8 déposition, il faut les noter immédiatement.

9 Oui, Monsieur Nicholls.

10 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrais-je demander aux membres de la

11 Chambre de prier les cabines s'il y a un problème de vitesse lorsque le

12 témoin parle ou s'il y a un problème quelconque, parce que par exemple,

13 cette question de la "FORPRONU" et les "gouvernements" --

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, il n'est pas nécessaire que je

15 pose la question maintenant. Vous avez été compris, je pense, que si on ne

16 suit pas l'audience en français, il y a un problème de traduction en

17 anglais, de la traduction en B/C/S, du B/C/S vers l'anglais. Si vous

18 pouviez me faire savoir quel est le problème. Bien. Je pense que je peux

19 voir.

20 Quel est le problème ?

21 L'INTERPRÈTE : C'était la rapidité, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] La rapidité. Bien.

23 Comme vous pouvez le voir, Monsieur le Témoin, c'était la rapidité qui a

24 compliqué la question. Si vous pouvez encore une fois aller moins vite, et

25 comme je vous l'ai dit plus tôt, ceci a beaucoup d'importance.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de ralentir un peu.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

28 Si, à un moment quelconque, Madame l'Interprète, il va trop vite, veuillez

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1 appeler à nouveau mon attention.

2 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

3 Est-ce que nous allons jusqu'à 10 heures et demie ?

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, c'est exact.

5 M. NICHOLLS : [interprétation]

6 Q. Maintenant, approximativement combien d'hommes sont sortis des bois et

7 se sont rendus dans l'événement, l'incident dont nous parlons maintenant ?

8 R. D'après une estimation, cela devait être environ un millier de

9 personnes.

10 Q. Lorsque vous êtes arrivé sur le pré dans lequel -- dont vous avez

11 parlé, où vous vous êtes assis, est-ce que ce pré, il n'y avait personne,

12 ou y avait-il déjà des prisonniers lorsque vous êtes arrivé ?

13 R. Il y avait déjà des prisonniers sur place.

14 Q. A combien de personnes estimeriez-vous ceux qui se trouvaient déjà

15 lorsque vous êtes arrivé ?

16 R. Peut-être 500, mais d'autres continuaient d'arriver.

17 Q. Est-ce que vous avez pu vous asseoir quelque part, à un endroit où vous

18 vouliez dans ce pré, ou est-ce qu'on vous a dit où vous asseoir ?

19 R. Non. Non, non, c'était chaque fois qu'il y avait un vide, un endroit

20 libre, on s'asseyait là où il y avait un espace libre.

21 Q. Bien. Est-ce qu'il y avait des soldats dans ce champ ou dans ce pré,

22 des soldats serbes, je veux dire ?

23 R. Oui. Les rangées représentaient environ 20 mètres ou plus, et pour

24 chaque rang, il y avait deux soldats qui se trouvaient à chaque extrémité

25 des rangées.

26 Q. Ce sont des rangées de prisonniers que vous voulez dire ?

27 R. Oui, oui, de prisonniers.

28 Q. Vous avez très bien expliqué qu'on vous a dit que des négociations

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1 étaient en cours entre les gouvernements en vue de procéder à un échange.

2 Vous aviez commencé à nous parler du fait que ce soldat a envoyé une femme

3 et son enfant pour qu'elle puisse monter sur un car. Pourriez-vous terminer

4 ce que vous disiez en ce qui concerne les personnes qui ont quitté ce

5 champ, ce pré ?

6 R. Lorsque le soldat a ordonné à cette femme et à cet enfant de partir,

7 elle s'est levée et l'a remercié. Il y avait également deux petites filles

8 qui se trouvaient là et lorsqu'elles se sont levées, les soldats serbes qui

9 se trouvaient là ont dit à celle qui était la plus jolie des deux -- ont

10 dit à ce soldat qu'elle devrait rester. Toutefois, ce soldat serbe ne les a

11 pas écoutés et il a dit à ces filles et à la dame de partir. Il y avait

12 également une douzaine de jeunes garçons qui se sont levés aussi, mais les

13 soldats leur ont dit : Non, non, restez assis, parce que vous, vous êtes

14 capable de porter une mitraillette ou une mitrailleuse.

15 Q. Bien. Je pense que ceci est un point qui pourrait mériter d'être

16 éclairci. Combien de garçons se sont levés. Vous avez commencé à parler de

17 garçons qui s'étaient levés pour partir. Combien étaient-ils ?

18 R. Une douzaine environ. Je ne sais pas précisément. Je ne les ai pas

19 compté mais il y en avait une douzaine environ.

20 Q. Est-ce que certains d'entre eux ont été autorisés à partir, certains de

21 ces garçons ?

22 R. Excusez-moi ?

23 Q. Est-ce que l'un quelconque de ces 12 et quelque garçons ont été

24 autorisés à partir et à monter dans les cars ?

25 R. Oui. Ils sont partis cette douzaine de garçons. Peut-être un peu plus

26 ou un peu moins, une dizaine. Je ne les ai pas comptés du tout. Je ne

27 savais pas ce qui allait avoir lieu. Si j'avais su ce qui nous attendait,

28 j'aurais fait de mon mieux pour essayer de graver des choses dans ma

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1 mémoire.

2 Q. Ça va bien. Personne -- tout au moins je ne m'attends pas à ce que vous

3 vous rappeliez chaque détail de ce qui s'est passé il y a 11 ans. Combien

4 de garçons ont reçu l'ordre de rester assis parce qu'ils étaient capables

5 de porter une mitraillette ?

6 R. Je pense qu'il s'agissait d'un seul.

7 Q. Quel était l'âge des garçons qui ont été autorisés à partir et

8 autorisés à monter dans les cars ?

9 R. Je crois qu'il n'y en avait aucun d'entre eux qui avait déjà 15 ans.

10 Ils étaient tous en dessous de 15 ans.

11 Q. Dans ce pré, combien de temps avez-vous passé sur place avant d'être

12 obligé d'aller ailleurs ?

13 R. Nous y sommes restés un certain nombre d'heures certainement.

14 Q. Pendant ce temps là, est-ce qu'on vous a fourni des vivres ? Est-ce

15 qu'on vous a donné à manger ?

16 R. Non.

17 Q. Est-ce que vous étiez, quand je dis, "vous," je veux dire les

18 prisonniers, collectivement ? Est-ce qu'on vous a donné de l'eau ?

19 R. On a donné de l'eau à tout le monde. Je ne sais pas si on en a reçu

20 assez, parce qu'en fait, on n'avait pas suffisamment d'eau compte tenu de

21 la soif que nous avions ?

22 Q. Est-ce que vous avez pu voir s'il y avait des prisonniers blessés ou

23 des prisonniers qui donnaient l'impression d'avoir besoin de soins

24 médicaux ?

25 R. Oui, il y avait là des blessés. Certains demandaient des pansements aux

26 soldats, mais les soldats leur disaient : Non, si vous réussissez à trouver

27 des pansements vous-mêmes, très bien. Mais ils n'ont rien voulu fournir.

28 Q. Pendant que vous étiez sur ce pré, y a-t-il eu de mauvais traitements

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1 des prisonniers par ces soldats ?

2 R. Non.

3 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-être, vaudrait-il mieux suspendre la

4 séance dès maintenant, Monsieur le Président, si ceci vous convient, parce

5 que la partie suivante, je ne pense pas pouvoir finir en 5 minutes.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certainement, Monsieur Nicholls.

7 Nous allons maintenant suspendre la séance pendant 30 minutes,

8 d'autant qu'il y a des expurgations à faire et pour cela il nous faut une

9 trentaine de minutes.

10 Oui, Maître Meek.

11 M. MEEK : [interprétation] Excusez-moi. Monsieur le Président, j'essayais

12 simplement d'attirer l'attention --

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, je vous remercie.

14 M. MEEK : [interprétation] Excusez-moi.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Bien merci.

16 Parce qu'il y a des membres du public dans la galerie, je pense qu'il

17 est nécessaire maintenant d'abaisser les stores avant que le témoin ne

18 quitte le prétoire, ou bien les gardes peuvent demander au public de

19 quitter cette galerie ce qui nous évitera, à ce moment-là, de baisser les

20 stores.

21 Attendez, attendez, Madame l'Huissière.

22 Il ne faut pas que les caméras se tournent vers le témoin lorsqu'il

23 quittera le prétoire. Je vous remercie.

24 Je suspends la séance pour 30 minutes à partir de maintenant. Merci.

25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.

26 --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

28 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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1 Q. Avant la pause, Monsieur, nous étions encore en train de parler de la

2 période pendant laquelle vous étiez détenu sur le champ à Sandici. Pendant

3 que vous y étiez, est-ce qu'un quelconque officier de haut grade est

4 arrivé ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire cela ?

7 R. Lorsque nous étions assis dans le champ, il faisait presque nuit,

8 c'était presque la soirée, le général Mladic est venu. A cette époque-là,

9 je ne le connaissais pas encore, mais certaines autres personnes ont dit

10 que c'était le général Mladic. Il est venu, ils nous a dit : "Bonsoir, les

11 voisins." Il a dit lui aussi : "Les gouvernements sont en train de

12 négocier, vous allez tous être échangés demain." Il nous a dit que nous

13 allions aller dans les hangars. Le soldat qui était venu avant lui a dit

14 que nous allions dîner et lui a dit : "Vous n'aurez pas de dîner, vous

15 n'aurez que de l'eau." Il est parti peu de temps après. Autre chose,

16 lorsqu'il a dit que le lendemain il allait nous échanger selon le principe

17 tous pour tous, nous avons tous applaudi et nous lui avons dit merci

18 beaucoup.

19 Q. Merci. Encore une fois, je vous rappelle de, si possible, parler un peu

20 plus lentement que normalement. Qui vous a dit que cette personne que vous

21 n'aviez jamais vue était le général Mladic ?

22 R. Ces personnes qui étaient capturées elles aussi, qui étaient dans ces

23 rangées, car moi non plus je ne l'avais pas vu auparavant.

24 Q. Avez-vous jamais vu une photo du général Mladic après les événements ?

25 R. Oui, par la suite je l'ai vu lorsqu'il est venu à Potocari, je l'ai vu

26 à la télévision. Lorsque j'ai regagné le territoire libre, je l'ai vu et

27 effectivement, je peux vous le confirmer à 100 % que c'était Mladic, le

28 général Mladic.

Page 663

1 Q. Nous avons également terminé et vous aviez expliqué aux Juges que, dans

2 le champ, les prisonniers n'étaient pas malmenés physiquement, mais est-ce

3 qu'il y avait des humiliations que vous avez pu observer ?

4 R. Non, sauf un incident. Une personne qui était assise sur le véhicule

5 transport des troupes, il a dit : "Faites attention, car sinon je vais vous

6 tuer tous sur le champ et je vais aller immédiatement à La Haye" car déjà à

7 l'époque, il savait que La Haye existait, que le Tribunal existait.

8 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment et dans quelles

9 circonstances vous êtes parti du champ et est-ce que vous avez pu voir

10 comment les autres prisonniers sont partis ?

11 R. Ils voulaient nous transporter de là, lorsque les camions qui avaient

12 pris les femmes et les enfants sont revenus vides, ils ont commandé, la

13 première rangée courrait jusqu'au véhicule, remplissait le véhicule.

14 Ensuite, la deuxième, et ensuite toutes les rangées jusqu'à la mienne.

15 Lorsque la mienne devait y aller, je me suis levé, j'ai couru avec les

16 autres et ils m'ont dit : "Entrez dans ce camion." C'était avec un camion

17 remorque. La remorque était profonde, à ce moment-là j'ai vu un soldat

18 serbe avec un couvre-chef typiquement serbe appelé "sajkaca" [phon] avec

19 une cocarde. Son couvre-chef était noir. Il nous a dit qu'il allait se

20 mettre à côté du chauffeur. Lorsque le véhicule s'est rempli, il est parti.

21 Dès qu'il faisait nuit, nous conduisions en montant une colline. Nous avons

22 vu des véhicules à côté de nous. Nous ne savions pas qui ils étaient, ceux

23 qui étaient dans les véhicules. Lorsque nous sommes arrivés à Bratunac, un

24 chauffeur nous a dit : "Ce sont les garages de Vihor sur la gauche." Nous

25 avons pu voir des bâtiments sur la droite, mais rien d'autre et nous

26 n'osions pas lever notre tête ni sortir nos mains de la remorque. Ensuite,

27 les soldats serbes nous ont encerclés dans nos véhicules. Ils ont commencé

28 à poser des questions, s'il y avait quelqu'un des villages autour de

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1 Srebrenica, de Husmanici, Potocari, Slatina, Bljeceva, Glogova. Si

2 quelqu'un apparaissait, il demandait le nom de son père, et cetera.

3 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Encore une fois, je sais que c'est

4 difficile, mais veuillez essayer de parler plus lentement car nous

5 souhaitons que les interprètes puissent saisir tout ce que vous dites.

6 Veuillez poursuivre un peu plus lentement, si possible.

7 R. A ce moment-là, lorsque quelqu'un apparaissait, ils le prenaient avec

8 eux. Le chauffeur qui avait été avec nous dans cette même remorque, il a

9 dit : "Ce sont les garages de Vihor." Je ne le connaissais pas à l'époque

10 et encore aujourd'hui, mais lui il était chauffeur professionnel. Je ne

11 sais pas s'il travaillait dans cette entreprise-là ou ailleurs, mais il

12 connaissait ce lieu. Lorsque quelqu'un était emmené là-bas, on entendait un

13 bruit, comme si on frappait quelqu'un très fort avec un objet, ensuite la

14 personne se mettait à pleurer.

15 Q. Très bien. Je vais vous poser maintenant quelques questions.

16 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel pour

17 quelques instants ?

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.

19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est le cas.

20 [Audience à huis clos partiel]

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15 [Audience publique]

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

17 Merci.

18 M. NICHOLLS : [interprétation]

19 Q. Je vais vous poser quelques questions de plus, Monsieur, au sujet de

20 votre voyage dans ce garage de Vihor. Dans quelle direction est-ce que les

21 camions, et notamment celui dans lequel vous étiez, partaient-ils sur la

22 route ? Vers quelle ville ?

23 R. Bratunac.

24 Q. Vous avez dit que le chauffeur vous a dit, lorsque le camion s'est

25 garé, qu'il s'agissait là des garages de Vihor.

26 R. Oui. C'est lui qui avait été capturé avec nous, c'est lui qui nous l'a

27 dit. Je connais son nom, si vous en avez besoin de vous le dire. Je sais

28 aussi d'où il vient, mais on ne se connaissait pas. On s'est connus sur

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1 place.

2 Q. C'est cela que je voulais clarifier, le chauffeur. Mais c'était un

3 autre prisonnier qui était chauffeur lui aussi, et non pas un chauffeur de

4 ce camion ?

5 R. Non, non, effectivement.

6 Q. Vous avez dit que le véhicule était profond, que les côtés étaient

7 élevés, mais qu'il n'y avait -- est-ce qu'il y avait un toit ?

8 R. Non, la remorque était ouverte, à toit ouvert. Puis, en bas, je suppose

9 qu'ils avaient mis un certain nombre de caisses pour permettre aux femmes

10 et aux enfants de s'y asseoir, je suppose, pendant le voyage. Nous, nous

11 étions assis là-bas aussi.

12 Q. Merci. Approximativement, combien d'hommes se trouvaient-ils dans votre

13 remorque ?

14 R. Il y avait au moins 30 à 40 personnes. On était serrés les uns contre

15 les autres, les jambes pliées. La remorque était assez longue.

16 Q. Lorsque vous vous êtes garés devant le garage de Vihor, au garage de

17 Vihor, est-ce que vous avez pu voir ce qui se passait à l'extérieur ou bien

18 est-ce que c'était trop élevé, les côtés étaient trop élevés ?

19 R. Non, personne n'osait relever la tête. Mais de toute façon, pour voir

20 ce qui se passait à l'extérieur, la personne aurait dû se mettre debout,

21 sinon c'était trop élevé pour pouvoir voir ce qui était à l'extérieur de la

22 remorque.

23 Q. Est-ce que quelqu'un a essayé de regarder à l'extérieur ?

24 R. Moi, j'ai simplement entendu que quelqu'un avait mis sa main contre le

25 côté, et quelqu'un l'a frappé avec le fusil. Sinon, personne n'essayait de

26 voir, ni répétait la même chose.

27 Q. D'après ce que vous avez pu entendre, est-ce que vous avez pu avoir une

28 idée du nombre de camions qui étaient garés près de votre camion ou de

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1 votre remorque ?

2 R. Les véhicules étaient garés dans une colonne. Je ne sais pas quel

3 pouvait être leur nombre, car c'est seulement le lendemain, lorsque l'on

4 partait, que j'ai pu voir une colonne et qu'elle était longue. Mais je ne

5 sais pas si nous étions tous venus au même endroit ou bien si on s'était

6 séparés quelque part.

7 Q. Merci. Vous avez parlé du fait que vous avez pu entendre les gens qu'on

8 appelait selon leur village, on demandait leur nom, et vous avez dit que

9 vous avez entendu, je crois, les sons de coups donnés aux personnes,

10 ensuite des cris et ensuite des coups de feu. Est-ce que vous pouvez

11 brièvement nous expliquer comment ceci se produisait ? Qui faisait l'appel

12 des noms, des villages et des gens ?

13 R. Nous n'entendions pas les gens lorsqu'ils se présentaient, mais eux ils

14 venaient aux camions, passaient par les camions différents, puis ils

15 demandaient : est-ce qu'il y a quelqu'un de Srebrenica ou de tel ou tel

16 village. Ce n'était pas le cas pour ce qui est de notre camion. Si la

17 personne disait oui, ils la faisaient sortir. Parfois, ils les tabassaient

18 déjà dès qu'ils sortaient du camion. Ils les tabassaient avec des crosses

19 de fusil et autres choses. Ensuite, ils les emmenaient au garage qui était

20 à environ 50 mètres de nos camions. Lorsqu'ils commençaient à frapper la

21 personne, on entendait le bruit de ce coup avec un objet contondant. Les

22 hommes commençaient à crier et les autres commençaient à dire : arrête,

23 arrête. Ensuite, nous entendions une rafale, et c'est comme cela que les

24 choses se produisaient pendant toute la nuit. Pendant la nuit, un soldat

25 serbe a sauté sur la remorque et il n'a pas demandé de voir des personnes

26 des villages différents. Il était très concret et il a dit : est-ce qu'il y

27 a quelqu'un de Srebrenica ? Une personne s'est levée. Je connais son nom,

28 car je le connaissais; sur le champ, on était l'un à côté de l'autre. Il a

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1 dit : je suis de Srebrenica. La personne lui a demandé : de quel village ?

2 Il a dit : Leskovac. Il a dit : assieds-toi. Il ne voulait pas prendre

3 cette personne. La personne était plus âgée que moi à l'époque. Peut-être

4 il avait le même âge que moi aujourd'hui.

5 Q. Merci. Pendant que vous étiez dans ce camion pendant la nuit, est-ce

6 qu'on vous a donné à manger ?

7 R. Non, jamais, nous n'avons jamais reçu de nourriture.

8 Q. Est-ce qu'on vous a donné de l'eau ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce qu'il y avait une offre pour les soins médicaux à qui que ce

11 soit que vous avez vu qui peut-être avait besoin de l'aide ?

12 R. Non.

13 Q. D'accord. Puis, vous avez dit que le lendemain matin, quelqu'un a été

14 repris du camion. Est-ce que vous avez passé toute la nuit dans le camion ?

15 R. Pendant toute la nuit et dans la matinée, à l'aube, ces soldats on dit

16 : ne laissez pas partir ces civils. Je suppose qu'ils se doutaient que les

17 civils pouvaient témoigner du massacre. Ils ont dit : ne laissez pas les

18 civils partir. A l'aube, un soldat serbe a sauté et il a dit à un homme qui

19 était pratiquement au fond, il lui a dit : tu es le fils de qui ? Je pense

20 qu'il a dit que son père s'appelait Omer, je ne suis pas sûr. Il lui a dit

21 : sors, toi. Il l'a pris avec lui, cet homme, et puis, ils ont pris un

22 autre jeune homme qu'ils ont reconnu, tout simplement. Je ne connaissais

23 pas ce soldat serbe, donc, je ne l'ai pas reconnu, et lui aussi, il l'a

24 pris avec lui. Il l'a fait sortir, et à ce moment-là, ils ont dit : vous

25 n'avez qu'à les emmener, maintenant, à Fikret et à Halija. Car les Serbes,

26 ils ont un accent; parfois, ils disent le H quand il ne faut pas, et à

27 l'inverse, parfois, ils disent Alija au lieu de Halija et Halid au lieu

28 d'Alid. Ils ont dit : emmenez-les maintenant à Fikret ou à Halija.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Lazarevic.

2 M. LAZAREVIC : [interprétation] Oui, vous m'avez proposé de faire des

3 commentaires, à vrai dire, mais je n'ai pas tout à fait compris ce que le

4 témoin voulait dire, mais pas tout à fait. J'ai compris quelque chose au

5 sujet des civils, mais je n'ai pas compris s'il voulait dire que certains

6 civils voulaient s'approcher des détenus. Est-ce que l'on peut revenir là-

7 dessus ? Car moi-même, je n'ai pas compris.

8 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui. Peut-on revenir là-dessus ?

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, s'il vous plaît, Monsieur

10 Nicholls.

11 Merci, Maître Lazarevic.

12 M. NICHOLLS : [interprétation]

13 Q. Encore une fois, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez parler un

14 peu plus lentement ? Vous avez dit que dans la matinée, vous avez entendu

15 quelqu'un dire : ne laissez pas les civils -- vous avez entendu les soldats

16 crier : ne laissez pas les civils partir et --

17 R. Non. Les civils, c'étaient les Serbes locaux qui vivaient à Bratunac.

18 Il ne s'agissait pas de ceux qui étaient de Srebrenica, mais les civils qui

19 habitaient à Bratunac, qui vivaient à Bratunac. Car juste à côté, il y

20 avait un bâtiment, et le soir même, un garçon a voulu entrevoir ce qui se

21 passait par la fenêtre, et une vieille dame a couvert la fenêtre du rideau.

22 Elle a baissé le rideau pour que le petit ne puisse pas voir à travers la

23 fenêtre ce qui se passait. Cela, c'étaient les Serbes, les résidences de

24 Bratunac, et il n'y avait pas de Bosniens à Bratunac, à l'époque.

25 Q. Vous avez entendu les soldats dire qu'il fallait écarter les civils

26 serbes de Bratunac des camions et des prisonniers ?

27 R. Oui. Simplement, ils ont dit : Ne laissez pas -- ils n'ont pas dit "les

28 Serbes", ils ont dit simplement : ne laissez pas les civils venir jusqu'à

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1 la rue. Ils ne permettaient pas à leurs propres civils d'y aller. Ils ne

2 faisaient pas référence aux civils bosniens.

3 Q. Très bien.

4 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel,

5 brièvement ?

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Nous allons passer à huis clos

7 partiel.

8 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Nous y sommes.

22 M. NICHOLLS : [interprétation]

23 Q. Je souhaite que vous disiez à la Chambre, maintenant, dans quelle

24 circonstance vous êtes parti.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, car je ne pense pas que

26 nous avons couvert la totalité des observations de Me Lazarevic. Nous avons

27 clarifié quelque chose, à savoir que le matin, certains des soldats

28 criaient ou disaient que ces civils ne devaient pas être autorisés à

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1 s'approcher des camions. Cela a été clarifié. Puis, le dernier point a été

2 clarifié aussi à huis clos partiel. Mais plus tôt en déposant, il a dit :

3 "A l'aube, un soldat serbe a sauté sur le véhicule dans la remorque et il a

4 dit à une personne qui était dans l'angle, à gauche, il lui a dit : d'où

5 viens-tu ? Il a dit : Omer." Cela devrait être clarifié.

6 Tout d'abord, est-ce que vous confirmez cela ? Est-ce que vous

7 confirmez qu'à l'aube ou à peu près à l'aube, un soldat serbe a sauté dans

8 le véhicule et a demandé à l'un de vous, à la personne qui était à l'angle,

9 à gauche, d'où la personne venait ? Tout d'abord, est-ce que vous confirmez

10 cela ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce soldat n'a pas sauté

12 dans la remorque, mais dans la pièce qui joint la remorque au camion. Il a

13 reconnu ce prisonnier. Je ne sais pas exactement si la personne s'appelle

14 Omer ou si son père s'appelle Omer, mais il l'a reconnu personnellement,

15 car il faisait jour. C'était à l'aube, et c'est à ce moment-là qu'il lui a

16 donné l'ordre de sortir. Puis, il y avait un autre jeune homme qui était au

17 milieu, à peu près. Je suppose que lui aussi, il l'avait reconnu. Je

18 suppose -- je suppose que c'est à cause de cela qu'il l'a fait sortir du

19 camion, car justement, à ce moment-là, il n'a pas demandé de quels villages

20 les gens venaient, contrairement à ce qui était le cas la veille.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Lazarevic.

22 M. LAZAREVIC : [interprétation] Avec votre permission, je peux vous aider.

23 Je pense que le malentendu concerne la question que le soldat a posée à ces

24 hommes. Ici, dans le compte rendu d'audience, la question était interprétée

25 comme --

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] "D'où venez-vous ?"

27 M. LAZAREVIC : [interprétation] -- "d'où venez-vous ?" Mais, en fait, ce

28 que j'ai entendu, c'était : "Quel est le nom de ton père ?" C'est pour cela

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1 que le témoin ne vous a pas compris.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Encore une fois, c'est la raison pour

3 laquelle il est important que vous ralentissiez au maximum, Monsieur le

4 Témoin. Je sais que c'est difficile, parfois. C'est difficile pour moi

5 aussi, mais faisons un effort supplémentaire, s'il vous plaît.

6 Donc, la question que ce soldat a posé à ce jeune homme n'était pas :

7 "D'où viens-tu ?" Mais : "Quel est le nom de ton père ?"

8 Est-ce que vous êtes d'accord ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne suis plus sûr si c'était son

10 nom à lui ou le nom de son père. Je ne suis pas sûr à 100 % s'il avait dit

11 que son prénom était Omer ou celui de son père, que c'était Omer. Il posait

12 des questions différentes par rapport à la veille, et certainement, c'était

13 à cause du fait qu'il l'avait reconnu. Donc, je ne suis pas sûr à 100 %.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, ceci -- merci. Cette

15 personne, ils ont fait sortir du camion; est-ce exact ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] A ce moment-là, cette personne a été

18 emmenée, ils l'ont fait sortir du camion ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On l'a emmené quelque part ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ensuite, vous avez continué. Vous avez

23 dit qu'à ce moment-là, ils ont pris un autre jeune homme qui était sur la

24 droite. Ils l'avaient reconnu. Vous avez dit : "Je ne sais pas qui était ce

25 soldat serbe. Je ne le connaissais pas. Ils ont fait sortir ce jeune homme

26 de la remorque."

27 Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ? Est-ce que vous le

28 confirmez ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il l'a emmené, comme c'était le cas de

2 l'autre personne, mais je ne sais pas où il les a emmenés, car nous

3 n'osions pas lever nos têtes pour voir ce qui se passait au-delà des côtés

4 du camion.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ensuite, nous avons une autre partie du

6 compte rendu d'audience qui prête à la confusion. Veuillez nous le

7 clarifier. Ensuite, vous avez continué et vous avez dit : "A ce moment-là,

8 ils ont commencé à crier : emmenez-les à Fikret et Halija." Puis, quelque

9 chose manque. Qu'est-ce qu'ils ont dit ? Emmenez-les… ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Emmenez-les chez Fikret et Halija et échangez-

11 les.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fikret et Alija, est-ce que cela

13 voulait dire quelque chose pour vous, à l'époque ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Que voulez-vous que cela nous dise ? Nous

15 étions capturés. Cela ne voulait rien dire pour nous.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ensuite, vous avez dit, d'après le

17 compte rendu d'audience, que les Serbes parlent d'une manière différente;

18 est-ce que vous l'avez dit --

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Que voulez-vous dire par là ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est comme cela qu'ils ont dit. Moi, je

22 reprends leurs paroles, car les personnes éduquées parlent grammaticalement

23 clairement. Ils disent "A" là où il faut dire "A". Les gens qui sont mal

24 éduqués, là où il faut dire "A", ils ajoutent un "H", ils disent : "Ha".

25 Ils font l'inverse; quand il faut dire "Ha", ils disent seulement "A". J'ai

26 vécu pendant longtemps avec les Serbes. Nous n'étions pas dans le même

27 village, mais dans le village à côté. Les Serbes des villages à côté, mal

28 éduqués, ils parlaient ainsi, alors que les Serbes éduqués, les gens

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1 éduqués, bien sûr, ils ne disaient pas Halija à la place de Alija.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Je pense que c'est clair que le

3 reste du compte rendu d'audience ne nécessite pas d'autres clarifications.

4 Je pense que les choses sont claires.

5 Poursuivons, Monsieur Nicholls.

6 M. NICHOLLS : [interprétation]

7 Q. Rappelez-vous de parler lentement, s'il vous plaît. Dites-moi, s'il

8 vous plaît, de quelle manière vous avez quitté le garage de Vihor et où les

9 camions sont partis.

10 R. Lorsque nous sommes partis le matin après ce qu'ils ont dit, ils se

11 sont dirigés, les camions, vers la sortie de Bratunac. Peu de temps après,

12 la colonne s'était arrêtée, et nous les avons entendu crier : on attend la

13 FORPRONU. Nous étions assis là-bas. Il faisait très chaud. Les côtés

14 étaient en métal. Le chauffeur était vraiment correct. Souvent, il nous

15 apportait de l'eau, et un jeune homme est venu. Il s'est joint à nous. Il

16 avait 15 ou 16 ans. Il était de Bratunac. Lui aussi nous apportait de

17 l'eau. Ce jeune, ce garçon, il a demandé si Ismet Ramic, je crois, était

18 là. C'est un cordonnier de Bratunac. Puis, certaines personnes qui étaient

19 capturées avec nous ont demandé : pourquoi vous demandez des nouvelles

20 d'Ismet ? Il a répondu : c'est mon voisin. Pendant que nous étions là, un

21 camion qui était à Srebrenica, celui qui transportait l'aide humanitaire,

22 c'était un vieux camion, et il y avait un groupe de Serbes âgés qui est

23 arrivé. Ils étaient âgés d'environ 60 ans et ils portaient des uniformes,

24 de vieux uniformes vert olive de l'ancienne JNA, et certains ne portaient

25 pas d'uniformes. Il y en avait, près de nos camions, nos côtés étaient très

26 -- s'élevaient les côtés de la remorque et lorsqu'ils sont arrivés jusqu'à

27 notre camion, ils ont dit : "Cela, se sont les nôtres." Je ne sais pas ce

28 qu'ils voulaient dire par là. Le camion est parti. Ensuite, nous avons dû

Page 676

1 attendre pendant deux ou trois heures. Je ne sais pas pourquoi. La colonne

2 a poursuivi son chemin vers Konjevic Polje.

3 Lorsque nous sommes arrivés dans un champ, après, il fallait monter

4 une colline et, à ce moment-là, on pouvait voir très clairement la longueur

5 de la colonne qui était vraiment très longue. Ensuite, nous avons traversé

6 Polje et Drinjaca et, lorsque nous sommes arrivés à Josanica, il y avait un

7 tunnel et certains l'ont vu soit avant, soit après le tunnel, et c'est là

8 qu'il y a une carrière, aussi.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ralentissez. Même si je ne comprends

10 pas votre langue, je vois que vous parlez très vite. Veuillez ralentir.

11 M. NICHOLLS : [interprétation]

12 Q. Je vais vous poser une question. Vous dites que vous vous êtes arrêtés

13 deux ou trois heures. Au début, vous avez dit que c'était une sortie près

14 de Bratunac. Est-ce que c'est là que vous avez attendu ?

15 R. Oui, de Bratunac.

16 Q. C'est là que avez attendu deux ou trois heures, à cette sortie de

17 Pjetunez, c'est cela ?

18 R. Oui, oui. C'est là qu'on nous a fait nous arrêter et c'est là qu'on a

19 attendu tout ce temps. Ils ont dit qu'ils attendaient la FORPRONU; c'est ce

20 qu'on a entendu dire.

21 Q. Fort bien. Vous avez expliqué qu'à un moment donné, au cours de ce

22 déplacement, vous avez dit parce que vous étiez en haut d'une colline, vous

23 avez vu la longueur de la colonne formée par les camions. Est-ce que vous

24 vous souvenez du nombre de camions qu'il y avait dans ce convoi ?

25 R. Il y avait aussi des cars dans cette colonne. Il devait y avoir au

26 moins 20 véhicules, c'était une colonne très longue, même 30, je dirais.

27 Q. Vous commenciez à nous parler de quelque chose qui s'était passé

28 lorsque vous êtes arrivé près d'un tunnel, non loin de Zvornik. Pourriez-

Page 677

1 vous nous expliquer où vous étiez et ce qui s'est passé ?

2 R. Quand on est arrivé à Josevac, sur la route allant à Josanica, il y a

3 une grande carrière, et nous sommes partis vers Divic. Quand on est sorti

4 du tunnel, quelqu'un a vu qu'il y avait un transporteur de troupes près de

5 l'hôtel Vidikovac, à peu près à 800 mètres de là où on était. Nous avons

6 poursuivi notre chemin, nous sommes arrivés à Divic et nous sommes parvenus

7 à Zvornik. A Zvornik, on n'a vu que deux personnes qui descendaient vers la

8 Drina, ils passaient par un chemin pour piétions vers la Drina. Nous, nous

9 avons continué notre chemin vers Karakaj. Lorsqu'on est arrivé à Karakaj,

10 les camions et les cars ont tourné à gauche, en direction de Tuzla.

11 J'espérais encore qu'il y aurait un échange, j'espérais encore qu'on serait

12 emmenés entre les lignes et qu'on serait enregistrés, parce que cela

13 n'avait pas encore été fait à ce moment-là. Donc j'avais encore un espoir

14 alors qu'on partait vers Tuzla et qu'on ferait l'objet d'un échange. Le

15 trajet n'a pas duré longtemps, cinq ou six minutes peut-être. Puis, les

16 véhicules ont tourné à droite.

17 A ce moment-là, j'ai tout de suite compris. Je me suis dit on ne va

18 pas à Tuzla, on va vers Krizevici. Après, les véhicules se sont arrêtés.

19 Dès qu'ils ont été vidés, les véhicules sont repartis, ils ont fait demi-

20 tour. Quand on s'est approché, on a vu une espèce de cour d'école. Il y

21 avait de 30 à 50 soldats serbes à cet endroit. On a compris, on s'est rendu

22 compte que c'était, effectivement, un transporteur de blindés de l'ONU,

23 mais qu'il avait été capturé par des Serbes, il était garé à gauche, dans

24 la cour. Il y avait deux soldats qui portaient l'uniforme bleu de l'ONU et

25 deux soldats serbes, et il y avait un civil de plus de 50 ans qui marchait

26 avec eux. Ils ont enlevé les insignes de la FORPRONU, mais ils avaient le

27 C, qui est en fait un S cyrillique, cet insigne c'est la seule chose qu'on

28 voyait sur les plaques minéralogiques du transporteur.

Page 678

1 Lorsque les gens sortaient des véhicules, ils devaient partir en

2 courant vers l'école. Je portais cette veste de cuir et comme je suis

3 descendu du camion, il y a quelqu'un qui m'a dit que je devais jeter ma

4 veste par terre, ce que j'ai fait. Lorsque je suis entré dans le bâtiment

5 de l'école, on a pris un couloir qui faisait 10 mètres à peu près. On a dû

6 le parcourir en courant et on est arrivé dans une grande salle. C'étaient

7 surtout des gens de Potocari qui s'y trouvaient. Des personnes âgées, âge

8 moyen 70 ans. Je les connaissais. On a rempli la salle, et cela a continué.

9 La salle était pleine, il y avait quatre jeunes garçons et il y avait une

10 espèce de couverture grise là --

11 Q. Je voudrais vous poser quelques questions de suivi et puis vous pourrez

12 poursuivre votre récit. Vous avez déclaré qu'au cours du voyage, vous aviez

13 encore espéré que vous alliez aller à Tuzla pour être échangé, mais que

14 vous n'aviez pas encore été inscrit sur une liste répertoriée. Qu'est-ce

15 que vous voulez dire par là ?

16 R. Ce que je voulais dire, c'est qu'on ne pouvait pas faire d'échanges

17 s'il n'y avait pas de liste qui avait été établie. Parce que les Serbes ne

18 savaient pas combien d'hommes et de gens ils avaient. Il n'y avait pas un

19 seul d'entre-nous qui avait été mentionné sur une liste par les Serbes.

20 C'est seulement en comptant les cadavres qu'on aurait pu savoir combien de

21 gens il y avait. Il leur était impossible de savoir combien de gens ils ont

22 tué, c'est vrai. Impossible de le savoir parce que personne n'a demandé

23 notre nom. Il y a bien eu quelqu'un -- il y avait sans doute des officiers

24 parmi eux, quelqu'un qui a demandé s'il y avait quelqu'un de la

25 municipalité de Zvornik. Mais personne n'a répondu. Ils n'ont pas posé

26 d'autres questions.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous demande, une fois de plus, de

28 ralentir, Monsieur le Témoin.

Page 679

1 M. NICHOLLS : [interprétation]

2 Q. Je vous remercie, je pense que vous avez répondu à ma question,

3 Monsieur le Témoin.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'ai examiné le compte rendu

5 d'audience. Je ne pense pas qu'on sache où se trouve se bâtiment où on est.

6 Pourriez-vous poser une question à ce propos, Monsieur Nicholls ?

7 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui. C'est ce que je vais faire, Monsieur le

8 Président, merci.

9 Q. Vous venez de décrire une région entre Bratunac et Zvornik. Vous avez

10 dit qu'après, vous étiez allé à Karakaj et puis que vous vous étiez trouvé

11 finalement dans ce lieu où il y avait une école. C'était dans quel

12 village ? Où avez-vous vu cette école ?

13 R. C'était soit Grbavci, soit Orahovac. C'est comme vous voulez. Je sais

14 qu'avant on appelait cet endroit Grbavci, maintenant cela s'appelle

15 Orahovac. Je ne sais pas si ce qu'on appelle aujourd'hui Orahovac est plus

16 grand que l'endroit avant, mais je sais qu'avant c'était appelé l'école

17 élémentaire de Grbavci.

18 Q. Merci.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pourriez-vous préciser la date,

20 Monsieur le Témoin ?

21 M. NICHOLLS : [interprétation]

22 Q. Oui.

23 R. C'était le vendredi 14 juillet, je pense.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

25 M. NICHOLLS : [interprétation]

26 Q. La question suivante concerne les soldats. Vous avez dit qu'ils

27 portaient l'uniforme de l'ONU. Mais c'étaient qui ? Est-ce que c'étaient

28 des soldats de l'ONU ?

Page 680

1 R. Non. Non. C'étaient des Serbes, des soldats serbes.

2 Q. Comment pouvez-vous le dire ?

3 R. C'est parce qu'ils ne nous ont rien dit. Ils portaient des fusils

4 automatiques fabriqués par l'usine de Zastava à Kragujevac.

5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] En passant, puisque nous parlons de

6 ceci, nous en avons discuté ce matin et je voulais vous transmettre le

7 fruit de cette discussion à un moment donné. Au cours de ce procès, nous

8 allons faire référence à toutes sortes d'armes et à d'autre matériel

9 militaire. Voici ce que j'aimerais que vous fassiez - je m'adresse à

10 l'Accusation - essayez d'établir, comment dire, un dossier avec des photos

11 ou des croquis des différentes armes concernées, des chars, des véhicules

12 blindés, tout ce qui était utilisé à l'époque en ex-Yougoslavie, le

13 matériel dont vont parler les témoins au cours de ce procès. Avant de

14 remettre ce document à la Chambre, veuillez à ce que toutes les équipes de

15 la Défense l'aient pour savoir qu'ils sont d'accord. Je vois que Monsieur

16 McCloskey veut intervenir. Est-ce que ce document existe déjà ?

17 M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous le savez. Vous allez bientôt voir une

18 séquence vidéo reprenant bon nombre de ces événements, nous avons un album

19 de clichés tirés de ces séquences vidéo où on voit des blindés transporteur

20 de troupes, les armes. Nous allons établir une liste très claire à votre

21 intention, mais je voulais vous préciser qu'effectivement la Zastava

22 classique utilisée elle est reconnue dans le monde entier. Effectivement,

23 c'est une AK-47.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais nous n'avons pas de formation

25 militaire préalable, pas du tout. Je sais effectivement grâce à d'autres

26 procès ce qu'est un blindé transporteur de troupes. J'ai entendu parler

27 d'une Zastava. Mais nous allons avoir plusieurs cas de descriptions. De par

28 le passé, je sais qu'il y a eu parfois des désaccords entre les parties

Page 681

1 quant à la nomenclature précise et exacte de l'armement. Alors s'il y avait

2 un accord préalable, cela rendrait la vie de tout le monde beaucoup plus

3 facile.

4 Maître Bourgon, vous vouliez intervenir ?

5 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Bien entendu, quand j'entends "dossier", cela me fait peur parce que c'est

7 quelque chose que je ne connais pas trop, la notion du dossier, je ne

8 l'aime pas beaucoup. Si mon collègue veut présenter une liste avec des

9 photos et le nom des types d'armes, cela pourrait être utile effectivement.

10 Cependant, je ne voudrais pas qu'ils disent qui utilisaient ces armes, bien

11 entendu.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr que non.

13 M. BOURGON : [interprétation] Effectivement, si on avait une photo et le

14 nom de l'arme --

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'ai un petit exemplaire, un spécimen

16 que je pourrais montrer et voir si vous seriez d'accord à ce que ce modèle

17 soit retenu. Vous pourriez effectivement mettre ce document à jour ou

18 l'amender.

19 M. McCLOSKEY : [interprétation] On peut même amener les armes dans le

20 prétoire, si vous le voulez.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, non, non. Je ne préfère pas. Vous

22 savez à ce moment-là un char, un hélicoptère --

23 M. McCLOSKEY : [interprétation] Non. Je parlais de fusils. Mais

24 effectivement cet enregistrement vidéo est très clair. Evidemment laissons

25 les armes en dehors du prétoire mais il y a une arme derrière, peut-être --

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, non. Ce n'est pas nécessaire.

27 M. McCLOSKEY : [interprétation] Est-ce que vous avez une arme, je ne sais

28 pas ? C'est bon à savoir.

Page 682

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Désolé de cette interruption,

2 Monsieur Nicholls, poursuivez.

3 M. NICHOLLS : [interprétation]

4 Q. Avez-vous pu voir les échanges qu'avaient ces soldats portant une

5 Zastava avec ces soldats serbes dont vous avez dit qu'ils portaient

6 l'uniforme normal serbe ?

7 R. Je vais vous le dire. Il n'y avait pas de différence parce que les

8 soldats serbes, les autres soldats serbes eux aussi avaient une Zastava,

9 arme de bonne qualité. Bien sûr qu'ils n'avaient que des armes légères, des

10 armes de point. Ils n'avaient pas d'obusiers, ce genre de choses, parce

11 qu'ils avaient affaire à des gens sans armes, désarmés.

12 Q. Je ne vous ai peut-être pas bien posé la question. Votre réponse est

13 utile, mais les soldats en uniforme de l'ONU, est-ce qu'ils se comportaient

14 de la même façon que les autres soldats ? Est-ce qu'ils se sont tous

15 comportés de la même façon ?

16 R. Ils n'ont eu aucune réaction, pas la moindre réaction. Il y avait un

17 civil qui a fait l'interprète, mais ils n'ont eu aucune réaction.

18 Q. En tout, à l'école, combien de soldats avez-vous vus ? Je parle du

19 moment où vous êtes descendu du camion.

20 R. Entre 30 et 50, dirais-je. Ils étaient assez nombreux.

21 Q. Fort bien. Merci. J'allais le faire un peu plus tard, mais je vais le

22 faire maintenant.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre,

24 Monsieur Nicholls. Je suis un peu curieux là. On parle d'un interprète.

25 Dans sa réponse, le témoin a dit que ces soldats dont il avait dit que

26 c'étaient des Serbes qui étaient habillés en uniforme de l'ONU, n'avaient

27 aucune réaction. Puis il dit que : "Il y avait un civil qui était

28 interprète." Quelle signification faut-il donner à cela ? Parce qu'on parle

Page 683

1 de soldats serbes en uniforme de l'ONU. On parle de prisonniers musulmans

2 de Bosnie. Pourquoi faut-il un interprète ?

3 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui.

4 Q. Comment savez-vous que cette personne - vous avez dit que c'était un

5 civil - était interprète ? Comment le savez-vous ?

6 R. Je vais vous dire pourquoi je le sais. C'est comme cela que travaille

7 la FORPRONU. Elle a toujours un civil qui fait le travail d'interprète.

8 Mais c'était des gens qui faisaient comme s'ils étaient du personnel de

9 l'ONU. C'est pour cela qu'il y avait cet homme qui faisait semblant d'être

10 interprète. Mais ce n'était pas un interprète en fait. C'était un Serbe

11 comme tous les autres, même ceux qui étaient là pour nous forcer à

12 descendre du camion. Ils avaient garé le blindé transporteur de troupes là,

13 ils avaient enlevé l'insigne ou le sigle de la FORPRONU. Au lieu d'avoir la

14 plaque minéralogique de l'ONU, on avait simplement une plaque avec la

15 lettre C parce que vous savez que les Serbes utilisent le cyrillique et que

16 le C en cyrillique cela veut dire S.

17 Q. Vous avez un civil là et vous avez l'impression que ce civil il était

18 là pour faire semblant d'être interprète ?

19 R. Oui, c'était simplement pour faire semblant.

20 Q. Je voudrais maintenant vous montrer quatre photos et je vais vous

21 demander si vous reconnaissez l'endroit. Nous allons essayer d'utiliser le

22 système du prétoire électronique e-court.

23 M. NICHOLLS : [interprétation] Il s'agit du document 1691. Je le précise à

24 l'intention de la greffière d'audience.

25 Q. Monsieur le Témoin, bientôt, vous allez voir s'afficher à l'écran

26 quelques photos bientôt.

27 M. NICHOLLS : [interprétation] J'ai bien des copies sur support papier, pas

28 pour tout le monde, mais si c'est nécessaire, on peut les utiliser.

Page 684

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est l'école de Grbavci, enfin,

2 d'Orahovac. Vous voyez ici la salle des sports, et dans cette partie-ci,

3 c'est là qu'étaient garés les camions. C'est là que les gens sont

4 descendus.

5 M. NICHOLLS : [interprétation]

6 Q. Merci.

7 M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce qu'il est possible d'agrandir

8 l'image ? Parce que le témoin indiquait du doigt l'écran, et ce n'est pas

9 très clair. Désolé, je ne sais pas exactement comment cela marche. J'ai

10 fait cette formation, mais, effectivement, je ne sais pas trop comment cela

11 va se passer.

12 Q. Monsieur le Témoin, excusez-moi de ces difficultés, nous essayons de

13 vous donner la possibilité d'indiquer quelque chose à l'image.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Voyons comment cela va se faire.

15 M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce que je dois changer d'écran ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, c'est la salle des sports. Ici, c'est

17 l'annexe où on a été emmenés. A l'époque où j'étais là, il n'y avait pas de

18 murs, cela n'avait pas été construit avec des murs.

19 M. NICHOLLS : [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Cela ne vas pas marcher. Si vous avez

21 une copie papier, on pourra la placer sur le rétroprojecteur, ce sera

22 mieux.

23 M. NICHOLLS : [interprétation]

24 Q. Oui, Monsieur le Témoin, pas de problème.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, non, bien entendu, non.

26 M. NICHOLLS : [interprétation] -- c'est à vous.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation]

28 Maître Meek.

Page 685

1 M. MEEK : [interprétation] Il semblerait, en tout cas, sur mon écran,

2 qu'effectivement, le témoin a touché l'écran, et j'y vois un trait rouge.

3 Après, il n'a plus touché l'écran. S'il avait continué à toucher l'écran,

4 je crois qu'à ce moment-là, cela se marquerait.

5 M. NICHOLLS : [interprétation] On peut essayer une fois de plus, mais je

6 vais expliquer au témoin ce qui se passait.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, moi aussi je vois un trait rouge à

8 l'écran, mais je ne sais pas --

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ce trait rouge ?

10 M. NICHOLLS : [interprétation]

11 Q. Vous étiez en train de décrire très bien, d'ailleurs, cette zone, ce

12 bâtiment. Mais je vais vous demander tout d'abord de me dire ceci. Vous

13 avez déjà fait un trait rouge, vous voyez, sous la fenêtre ?

14 R. Oui.

15 Q. Qu'est-ce que vous vouliez indiquer par ce trait rouge ?

16 R. Non, non. Je n'ai rien voulu indiquer. Je ne voulais pas vous montrer

17 le haut de la partie supérieure de cette salle. Je vous montrais l'autre

18 bâtiment, l'espèce d'annexe, là. Je ne sais pas comment j'ai fait ce trait,

19 vous savez.

20 Q. Pas de problème. On va s'y prendre autrement. Je vais vous demander

21 d'inscrire le chiffre 1 sur l'annexe dont vous avez parlé, avec le stylet

22 que vous remet l'Huissière.

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 Q. Merci. Maintenant, placez un deux sur le bâtiment que vous appelez la

25 salle des sports.

26 R. [Le témoin s'exécute]

27 Q. Parfait. Je me trompe peut-être, mais je pense que vous avez aussi

28 indiqué l'endroit où vous êtes entré dans ce bâtiment. Pourriez-vous

Page 686

1 l'indiquer, cet endroit ?

2 R. Mais je pense que c'était ici. Voilà, numéro 3.

3 Q. Merci.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Le témoin devra-t-il

5 apporter d'autres annotations ?

6 M. NICHOLLS : [interprétation] Une seule.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vais vous dire le problème que cela

8 pose.

9 M. NICHOLLS : [interprétation] Fort bien.

10 Q. Vous avez dit aussi que les camions étaient garés ici, avez-vous dit,

11 en indiquant l'endroit. Est-ce que vous pourriez tracer un ovale, une

12 ellipse, là où ils étaient garés ?

13 R. C'était ici, devant l'école, à l'intérieur de la cour.

14 Q. [aucune interprétation]

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Il faut trouver une solution à ce

16 problème-ci. Avant, quand on n'avait pas le système du prétoire

17 électronique e-court, on avait une photo sur support papier placée sur le

18 rétroprojecteur, le témoin apportait des annotations puis paraphait. Il

19 peut le faire ici aussi, bien sûr, mais il s'agit ici d'un témoin protégé.

20 Normalement, la photo qu'il y avait sous le rétroprojecteur était placée

21 aussitôt sous pli scellé et était indiquée en tant que telle. Maintenant,

22 il faut voir comment nous allons faire pour assurer la protection du

23 témoin. On va donner une nouvelle cote séparée à ce document. Oui,

24 effectivement, c'est ce qu'on nous a dit quand on nous a fait cette séance

25 de formation. J'aurais besoin du paraphe du témoin sur la photo sans que ce

26 paraphe apparaisse à l'écran.

27 M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne sais pas si vous serez d'accord, mais

28 on pourrait demander au témoin d'inscrire son pseudonyme, PW110. On pourra

Page 687

1 voir après ce qu'on fait d'autre.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si ceci vous convient.

4 Tout le monde est content ? Tout le monde est d'accord ? Oui, je vois

5 que Me Haynes est tenté de dire quelque chose.

6 M. HAYNES : [interprétation] Pas vraiment. Est-ce qu'il y aura un autre PW-

7 110 ? Si c'est le cas, peut-être qu'il faudrait indiquer le numéro de

8 l'acte d'accusation.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Meek, pas de problème ?

10 M. MEEK : [interprétation] Non.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est ce que nous allons faire.

12 Monsieur le Témoin, dans le coin supérieur gauche, indiquez la mention "PW-

13 110".

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici ?

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, oui, c'est bon.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] W, vous dites ?

17 M. NICHOLLS : [interprétation] P --

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] 110.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Un, un, zéro; c'est cela ?

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

21 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Ce document deviendra un

23 document de l'Accusation, pièce à charge, quelle cote --

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la cote P2102, sous pli scellé.

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce qu'il faut que ce soit sous pli

26 scellé ? Ce n'est peut-être pas nécessaire, maintenant.

27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Effectivement, ce n'est pas nécessaire.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien, donc ce sera P2102. Fort

Page 688

1 bien, ce problème est réglé.

2 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, effectivement, bonne remarque,

4 vous n'avez pas demandé le versement de la photo sans annotation. Pas Me

5 Jones -- M. Jones, M. Nicholls.

6 M. McCLOSKEY : [interprétation] Désolé d'interrompre, mais on pourrait

7 peut-être gagner du temps si, à la fin du contre-interrogatoire du témoin,

8 on demande le versement des photos qui nous semblent importantes.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, d'accord. Merci.

10 Cependant, je voudrais que soit acté au compte rendu d'audience que le

11 témoin a apporté des annotations sur une photo portant le numéro ERN 0046-

12 1663 [comme interprété]. Je vous remercie.

13 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Q. Photo suivante que j'aimerais vous montrer, Monsieur le Témoin, c'est

15 le numéro 1692. Excusez-moi, mais auparavant, cette photo que vous avez

16 annotée, elle est toujours à l'écran, pas celle que vous avez annotée. Est-

17 ce que c'est là la description de l'école comme vous l'avez vue en 1995 ou

18 est-ce qu'il y a des différences par rapport à l'école que vous avez vue en

19 1995 ?

20 R. Je ne sais pas comment elle était, l'école, de l'extérieur. Moi, je

21 sais que j'étais là pendant l'enquête sur les lieux. Il y avait ce même

22 bâtiment. Il y avait quelques vieilles armoires qui avaient été jetées. Là

23 où étaient les camions, là, on avait bâti un mur autour du puits, mais le

24 reste était plutôt pareil.

25 Q. Tout était pareil sauf quelques armoires qui manquaient et cette espèce

26 de mur qu'on avait bâti là où, avant, s'étaient trouvés les camions ?

27 R. Exact. Là où on nous a fait sortir de la pièce, il y avait un camion

28 qui était garé. C'est comme s'il y avait une rampe, si vous voulez,

Page 689

1 permettant de monter. Quand je suis revenu quatre ans plus tard, je pense,

2 l'endroit d'où on était sortis, cela avait été -- il y avait eu un mur qui

3 avait été construit autour, mais le reste était tout pareil.

4 Q. Merci.

5 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la photo 1692 ?

6 Q. Bien. Monsieur le Témoin, pour le moment, ne touchez pas à l'écran,

7 mais je vais vous demander encore une fois si vous reconnaissez le bâtiment

8 qui se trouve devant vous.

9 R. Oui. Il s'agit de la salle de sports et du bâtiment annexe que nous

10 devions tous traverser.

11 Q. Est-ce qu'il y a quelque chose sur cette photo sur lequel vous

12 souhaiteriez appeler notre attention ? Sinon, il n'est pas nécessaire que

13 vous apposiez des marques si vous avez déjà bien expliqué cela.

14 R. Non. Je voulais simplement dire que c'était la salle de sports et la

15 pièce annexe. C'est tout ce qu'il y avait là. Devant, il y avait l'endroit

16 où nous sommes sortis de ce bâtiment, et il n'y a rien de spécial à dire en

17 ce qui concerne cette photo.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

19 M. MEEK : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si ceci

20 est important, mais avant que nous ne prenions -- qu'on ne retire la

21 dernière pièce à conviction au témoin, je remonte au compte rendu à la page

22 68, lignes 21 à 22. Le témoin a indiqué que cette partie d'où il était

23 sorti avait été cloisonnée, et il n'a pas apposé de marque. Donc, je lisais

24 la page 67, lignes 21 et 22. Ceci n'a pas été marqué avant qu'on ne retire

25 au témoin cette pièce 1691 au témoin. Peut-être pourrait-il apposer un

26 signe sur cette photographie si, en fait, c'est visible ?

27 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

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1 Je vous remercie, Maître Meek.

2 M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne crois pas que ce soit nécessaire,

3 parce qu'il avait indiqué où étaient garés les camions, si je me rappelle

4 bien, là où il y a le chiffre 3. C'est là qu'il a dit qu'on avait mis un

5 mur, une cloison.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

7 M. NICHOLLS : [interprétation] Donc, j'ai pensé que le compte rendu était

8 assez clair.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois qu'il n'y a pas de cloison ou

10 de mur, de toute façon. Poursuivons.

11 Pour le compte rendu, toutefois, la dernière photographie que le

12 témoin a évoquée était à 0040-9640. Je vous remercie.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Nous sommes tous d'accord qu'il

15 n'est pas nécessaire de revenir à cette photographie et de voir où se

16 trouvait le mur ou la cloison. Poursuivons.

17 M. NICHOLLS : [interprétation]

18 Q. Je voudrais simplement vous poser une question concernant ce mur,

19 alors. Est-ce qu'il se trouvait directement au même endroit où étaient

20 garés les camions, à l'extérieur, ou est-ce que c'était quelque part

21 ailleurs par rapport à l'école, au bâtiment de l'école ? Est-ce que ce mur

22 se trouvait là où les camions étaient garés ou quelque part ailleurs ?

23 R. Non, non. Alors que l'on nous faisait avancer un bandeau sur les yeux,

24 c'est dans ce coin-là que le camion TAM était garé. Je connais bien ce

25 camion. C'est là qu'il était garé, et je ne sais pas comment il avait fait.

26 Je pense que la plate-forme est quelque peu plus élevée, et lorsque nous

27 sommes montés dans le camion, nous n'avions pas à monter une haute marche.

28 Le camion TAM est à environ un mètre du sol, donc il faut monter depuis le

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1 sol, et nous aurions donc à monter une marche importante, mais comme nous

2 n'avions pas à le faire, je pense qu'ils avaient construit quelque chose

3 comme une sorte de plate-forme.

4 Q. Bien. Je pense que c'était peut-être un problème de traduction ou

5 d'interprétation. Il y avait là une rampe ou une plate-forme qui pouvait

6 aider les gens à monter sur le camion, mais ce n'était pas un mur; c'est

7 bien cela ?

8 R. Je ne sais pas si dans l'intervalle, ceci a été détruit, dans

9 l'intervalle, mais cela a été -- un mur a été mis. Donc, ce mur ou cette

10 plate-forme a été construite avant que nous n'arrivions, et ensuite, tout a

11 été muré. En 1992, c'était muré. C'est en 1998 que cela a été muré, mais

12 juste par des briques. Donc, je pense que cette plate-forme existait avant

13 pour que nous puissions monter dans le véhicule.

14 Q. Bien.

15 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrions-nous revenir juste un instant au

16 cliché 1691 ? Je crois qu'il faut que nous parvenions à éclaircir ce point,

17 Monsieur le Président.

18 Q. Je vous pose la question suivante : cette rampe ou cette plate-forme,

19 de quoi était-elle faite ?

20 R. Vous savez, c'était quelque chose qui avait la hauteur de votre

21 pupitre. C'était en quelque sorte une structure. Je pense que ceci n'avait

22 pas été fait sur le moment, lorsque le bâtiment a été construit. Il se peut

23 que cela ait été mis en place un jour ou deux avant cela et un jour ou deux

24 plus tôt. C'est pour cela qu'ils avaient détruit cette partie du mur. Ils

25 ont tout simplement démoli une partie du mur, et c'est à cet endroit-là que

26 le camion a été garé pour faciliter les choses, les personnes qui devaient

27 monter dedans. Quand on a les yeux bandés, comment voulez-vous monter dans

28 un camion si ce camion est très haut et s'il n'y a pas quelque chose qui

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1 peut vous aider à monter sur ce camion ?

2 Q. Bien.

3 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrions-nous maintenant voir la

4 photographie suivante qui porte le numéro 1694. Nous avons donc le numéro

5 1697.

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Numéro 1694 ou 1697 ?

7 M. NICHOLLS : [interprétation] Vous avez le 1694. Est-ce qu'on pourrait le

8 présenter, s'il vous plaît ?

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, parce que

10 je pense que nous avons là -- d'accord. C'est en train de changer.

11 M. NICHOLLS : [interprétation] Je dis, pour les besoins du compte rendu,

12 que cette photographie porte le numéro ERN 00409650.

13 Q. Monsieur le Témoin, prenez votre temps. Jetez un coup d'œil à cette

14 photographie. Est-ce que vous reconnaissez ce qui figure sur cette

15 photographie ?

16 R. On peut voir la fenêtre du hall de sports et vous pouvez voir quelque

17 chose comme un panier de basket-ball.

18 Q. Est-ce qu'il y a une différence qui vous paraît très évidente sur ce

19 que vous voyez dans cette photographie, que vous puissiez vous rappeler par

20 rapport à cette salle de sports le 14 juillet 1995 ?

21 R. Laissez-moi dire les choses comme ceci. Je peux décrire l'entrée dans

22 la salle de sports. A ma droite, il y avait un mur avec des fenêtres tout

23 en haut, puis, à gauche, il y avait une ouverture qui conduisait à la pièce

24 annexe. C'est cette ouverture que nous avons dû emprunter pour passer, avec

25 un bandeau sur les yeux. Le plus facile pour moi, c'est de regarder une

26 photographie, mais lorsque je vois celle-ci, tout ce que je peux vous dire,

27 c'est que ceci, c'est la salle de sports avec ses fenêtres et le panier,

28 qui a ou bien été dessiné ou fixé sur le mur. A l'époque où je m'y

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1 trouvais, je ne me souviens pas qu'il y ait eu de panier à cet endroit-là.

2 Q. Je vous remercie.

3 M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrions-nous maintenant attribuer une

4 numéro pièce à conviction et ensuite passer à la photo suivante 1697 ?

5 Excusez-moi, il n'a pas apposé de marque --

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous voulez que l'on mette

7 une marque sur celle-ci ou est-ce que vous voulez vous en tenir à ce que

8 vous avez dit plus tôt, à savoir que vous demanderez le versement de

9 l'ensemble plus tard ?

10 M. NICHOLLS : [interprétation] Nous demanderons le versement plus tard. Si

11 nous pouvions passer maintenant au cliché 1697.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, un instant, s'il vous plaît. M.

13 Bourgon demande la parole.

14 M. BOURGON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

15 Maintenant, le témoin a indiqué qu'il s'agit d'une salle de sports --

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, salle de sports, il l'a dit.

17 M. BOURGON : [interprétation] -- et des fenêtres --

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le mot que j'ai entendu en traduction,

19 c'était salle de sports.

20 M. BOURGON : [interprétation] Oui, salle de sports, mais il a indiqué --

21 enfin, je ne suis pas sûr qu'il a employé ce mot-là. Il a parlé de "sports

22 hall", de salle de sports, mais il ne l'a pas reconnue comme étant la salle

23 de sports dans laquelle il se trouvait. Plus tard, si mon collègue demande

24 que cette photo reçoive un numéro de pièce à conviction, je n'ai pas

25 d'objection à soulever, mais je souhaiterais que le témoin puisse dire s'il

26 reconnaît ceci, oui ou non, comme étant l'endroit où il a été détenu. Je

27 vous remercie, Monsieur le Président.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls, est-ce que vous

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1 pourriez --

2 M. NICHOLLS : [interprétation] Je crois qu'il a expliqué sa réaction à

3 cela, mais je peux lui reposer la question.

4 Q. Est-ce que vous reconnaissez cette photo-ci ? Pouvez-vous dire, d'après

5 cette photo, s'il s'agit de la même salle de sports que celle dans laquelle

6 vous avez été détenu le 14 juillet 1995 ? Si vous ne le pouvez pas, dites

7 simplement que vous ne le pouvez pas.

8 R. Oui, oui. C'est là que je me trouvais, et pas dans une autre salle de

9 sports. C'est bien là que j'étais, et ils ne m'ont pas emmené ailleurs à

10 Zvornik pour voir une autre salle de sports. Ceci est bien la salle de

11 sports dans laquelle nous avons été détenus comme du bétail, assis par

12 terre sur un plancher en bois. Je ne sais pas ce qu'il y avait sur le

13 plancher. Je n'osais pas regarder à l'entour. Je n'osais pas regarder ce

14 qu'il y avait autour de moi. Ceci est bien la salle de sports dans laquelle

15 j'ai été détenu.

16 Q. Vous rappelez-vous, en l'occurrence, où vous étiez assis par rapport à

17 ces grandes fenêtres que nous voyons sur la photographie ?

18 R. J'étais tout près du bâtiment annexe, à l'entrée du bâtiment annexe, à

19 travers -- par le passage que tout le monde devait emprunter. Je n'étais

20 pas assis près du mur principal, du grand mur, mais j'étais plus près de

21 l'autre, le mur un peu plus petit.

22 M. NICHOLLS : [interprétation] Bon, alors maintenant, le dernier cliché, le

23 numéro 1697.

24 Q. Là encore, Monsieur le Témoin, regardez bien, prenez votre temps et

25 dites-moi si vous pouvez reconnaître cet endroit.

26 R. Oui, c'est bien la salle de sports dans l'école où nous avons été

27 détenus.

28 M. NICHOLLS : [interprétation] Il y a là un numéro ERN, le 00816801.

Page 696

1 Q. Maintenant, je souhaiterais vous poser brièvement quelques questions,

2 Monsieur le Témoin, concernant ce que vous avez vécu dans cette salle de

3 sports, dans l'école de Grbavci. Vous avez commencé par dire que vous avez

4 été forcé de courir et d'entrer dans cette école, de courir à partir du

5 camion.

6 R. Oui.

7 Q. Que s'est-il passé lorsque vous êtes entré dans l'école ? Je crois que

8 vous avez dit qu'on vous avait pris votre veste. Qu'est-ce qui vous a été

9 pris et que s'est-il passé alors que vous êtes entré dans l'école ?

10 R. Ils ont pris ma veste, et avant cela, lorsque j'avais été fait

11 prisonnier, ils avaient pris mon sac à dos. Lorsque je suis arrivé à

12 l'école, ils n'avaient plus rien à me prendre. La seule chose qu'ils

13 auraient pu me prendre, c'était mon âme, ma vie, mais heureusement, ils ne

14 l'ont pas fait.

15 Q. Est-ce que quelque chose a été pris à d'autres prisonniers, alors

16 qu'ils entraient dans l'école ?

17 R. Des vêtements. Certains ont dû enlever leurs chemises, ôter leurs

18 chemises. Il est probable qu'ils n'aient pas été autorisés à remettre leurs

19 chemises. Il n'y avait personne comme cela dans notre camion, mais il y

20 avait un homme âgé très maigre qui n'avait pas de chemise. Il y avait un

21 certain nombre d'hommes sans chemise, mais nous n'avons pas été forcés,

22 nous autres, à retirer nos chemises. On m'a simplement pris mon blouson, ma

23 veste en cuir.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Monsieur Nicholls, et

25 encore mes excuses pour vous avoir interrompu, mais à la ligne 14 de la

26 page précédente, la page 73, le numéro ERN du document est erroné. Ce n'est

27 pas le 00816801, mais il s'agit du 00816804. Je dis ceci pour le compte

28 rendu. Merci.

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1 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

2 Q. Nous avons vu des images de cette salle. Cette salle de sports était-

3 elle très pleine lorsque vous êtes entré ?

4 R. Lorsque j'y suis entré, elle était à moitié -- un peu plus qu'à moitié

5 pleine, et lorsque tous sont entrés, il ne restait que très peu de place.

6 Nous nous sommes tous assis, accroupis en nous serrant les uns contre les

7 autres. Nous étions tellement serrés que nous ne pouvions pas bouger de

8 l'endroit où on nous avait dit de nous mettre.

9 Q. A partir du moment où vous êtes entré dans la salle de sports, pendant

10 combien de temps est-ce que les prisonniers ont continué à arriver ?

11 R. Cinq, six minutes, peut-être même davantage. Nous nous trouvions à

12 l'arrière de la colonne. Mais tout ceci s'est passé très vite. A partir du

13 moment où on descendait, on sautait du véhicule, qu'il s'agisse du camion

14 ou du car, avant cela, il y avait un car de Sarajevo avec des plaques

15 minéralogiques que j'ai vues pour la première fois en cyrillique, alors que

16 nous n'avions jamais de plaques d'immatriculation en cyrillique. C'est à ce

17 moment-là que j'ai vu cette plaque d'immatriculation de Sarajevo avec deux

18 C, et aussi un autocar de Zvornik. A ce moment-là, ils avaient des plaques

19 d'immatriculation spéciales en cyrillique, et ce n'est qu'après qu'on nous

20 a tous ordonné d'utiliser les mêmes plaques d'immatriculation en écriture

21 latine.

22 Q. Une fois que tous les prisonniers, pour autant que vous puissiez le

23 dire, sont arrivés et ont dû entrer en courant dans l'école, ont dû se

24 précipiter dans l'école, combien de prisonniers pensez-vous qu'il y avait

25 dans la salle de sports ?

26 R. Quelque chose entre 500 et 1 000.

27 Q. Est-ce que --

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait être plus

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1 précis ? Parce qu'aux environs de 500 à 1 000, 1 000 est le double de 500,

2 donc --

3 M. NICHOLLS : [interprétation]

4 Q. Oui. Si vous voulez y réfléchir un instant, voir si vous pouvez être un

5 peu plus précis. Si vous ne le pouvez pas, tant pis.

6 R. Je voudrais dire ceci. Si j'avais su ce qui allait se passer et que je

7 survivrais, j'aurais pu compter le nombre de personnes. J'aurais pu compter

8 également la largeur de chaque personne en multipliant par le nombre de

9 têtes et ce genre de chose, mais tout comme pour les Serbes, nous ne

10 savions pas exactement combien nous étions. Ils n'ont jamais fait de liste.

11 Ils ne savaient pas combien nous étions. Donc, nous ne savions pas combien

12 nous étions. Peut-être que quelqu'un comptait en secret, je ne peux que

13 faire une hypothèse ou une conclusion, compte tenu de la longueur du

14 convoi. Si tout le monde dans le convoi avait été mis là, à ce moment-là,

15 cela représenterait un millier de personnes. Mais si les gens étaient

16 séparés les uns des autres, alors nous étions moins nombreux. Un très grand

17 nombre de personnes âgées qui sont arrivées avant nous avaient déjà rempli

18 la moitié de la salle, et ensuite, le reste d'entre nous qui sommes arrivés

19 sur les camions ce jour-là, nous avons complètement rempli cette salle de

20 sports. Il y avait un grand nombre de véhicules qui étaient garés devant le

21 nôtre. Un grand nombre se sont arrêtés après notre véhicule, je ne sais pas

22 combien.

23 Q. Je vous remercie. Vous avez dit qu'il y avait des personnes âgées.

24 Pourriez-vous nous dire approximativement quelle était la tranche d'âges

25 des prisonniers qui se trouvaient dans la salle, en gros, une fourchette du

26 plus jeune au plus vieux de ces personnes que vous avez vues ?

27 R. Les plus jeunes avaient dans les 15 ans, et les plus vieux, environ 70

28 ans. Cette personne, la personne la plus âgée, était de mon village et

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1 avait à l'époque 70 ans.

2 Q. Je voudrais vous demander ceci. Voulez-vous, s'il vous plaît, y

3 réfléchir. Quel était donc l'âge de la personne la plus jeune qui se

4 trouvait dans cette salle ?

5 R. A l'exception des quatre enfants qui s'y trouvaient, quatre enfants qui

6 se trouvaient là, des enfants avaient 10 ans, et le plus âgé de ces enfants

7 en avait 14, mais on les a séparés de nous.

8 Q. Comment les a-t-on séparés, ces quatre enfants ?

9 R. Nous étions assis en rangées, et ils étaient assis près de la porte

10 d'entrée et ils nous faisaient face. Nous qui étions là, en foule, nous

11 faisions face à ces quatre enfants qui étaient assis près de la porte

12 principale.

13 Q. Pendant la période où vous vous êtes trouvé là, pendant toutes ces

14 heures, y avait-il des gardes à la porte d'entrée ?

15 R. Oui. Il y avait des gars très jeunes qui avaient des fusils à la main.

16 Certains d'entre eux étaient vêtus d'uniformes comme les soldats et ils ont

17 dit qu'ils n'étaient pas des soldats, ils ont dit qu'ils étaient les

18 Chetniks de Karadzic, de jeunes Chetniks. Ils en étaient fiers. Quand

19 quelqu'un s'adressait à eux comme étant des soldats, c'est cela qu'ils

20 disaient. De temps en temps, ils tiraient des coups de feu en l'air. Dès

21 qu'il y avait un mouvement dans la foule, à ce moment-là, ils tiraient sur

22 les murs et dans le plafond, et nous pouvions voir les traces d'impact des

23 balles lorsque nous avons quitté la salle de sports pour une inspection sur

24 le terrain.

25 Q. Oui.

26 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, est-ce

27 que nous allons interrompre, suspendre la séance maintenant ou est-ce que

28 j'ai encore cinq minutes ?

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Cela dépend de vous. Si cela vous

2 arrange de suspendre la séance maintenant, nous pouvons le faire.

3 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais poursuivre.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous avons encore cinq minutes à

5 courir.

6 M. NICHOLLS : [interprétation] Bien.

7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Cette inspection dont le témoin vient

8 juste de parler, sur le terrain, pourrait-il nous dire à quel moment elle a

9 eu lieu ?

10 M. NICHOLLS : [interprétation] J'allais justement y venir.

11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.

12 M. NICHOLLS : [interprétation]

13 Q. Lorsque vous avez parlé de cette inspection sur le terrain, vous avez

14 dit "nous". Pourriez-vous nous dire maintenant, après avoir quitté l'école

15 de Grbavci le 14 juillet 1995, quand vous êtes retourné à l'école et avec

16 qui vous y êtes allé ?

17 R. Excusez-moi, je n'ai pas compris votre question.

18 Q. Excusez-moi. Vous avez parlé d'une inspection sur le terrain. Lorsque

19 vous êtes revenu à l'école, vous pouviez encore voir les traces de balles,

20 les trous faits par les balles lorsque les soldats avaient tiré sur les

21 murs de l'école. Quand est-ce que vous êtes retourné dans l'école ?

22 R. Oui, ceci s'est passé en 1999, à l'automne de cette année-là. Je ne me

23 souviens plus exactement de la date, mais je pense que cela a dû être écrit

24 quelque part. Il y avait deux Campagnolas, c'est des soldats de la SFOR, et

25 les personnes qui avaient -- qui prenaient des notes. Il y avait un

26 interprète qui était là, aussi.

27 Q. Là encore, une question analogue à celle que je vous ai déjà posée.

28 Alors que vous étiez dans l'école, est-ce qu'on vous a fourni des

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1 aliments ? Est-ce que vous avez eu des soins médicaux pendant que vous

2 étiez prisonniers ? Est-ce qu'on en a fourni aux autres prisonniers ?

3 R. Non, personne ne nous a donné à manger. On a demandé à certains

4 prisonniers d'apporter de l'eau, mais nous étions tout simplement trop

5 nombreux. Dès qu'ils commençaient à un bout, ils pouvaient donner de l'eau

6 à deux rangées de personnes. Donc, nous avions constamment soif. Si vous

7 n'avez pas eu une telle expérience, alors vous ne pouvez pas vous rendre

8 compte que l'eau est une des choses les plus merveilleuses du monde.

9 Personne ne voulait de pain, mais si quelqu'un vous avait apporté de l'eau,

10 je pense que vous auriez immédiatement pu boire deux litres. C'est vous

11 dire l'importance qu'avait l'eau à ce moment-là. Ce que je suis en train de

12 vous dire aujourd'hui, c'est que l'eau était plus importante que le pain.

13 Nous avions soif, et si vous n'avez jamais eu soif de cette manière, si

14 vous n'avez pas eu soif de cette manière, vous ne pouvez pas connaître

15 cette sensation. Vous ne pouvez pas imaginer quelle est cette sensation.

16 Q. Quelle était la température environ dans l'école, ce jour-là ?

17 R. Je ne sais pas. C'était le 14 juillet, c'est la période la plus chaude

18 de l'année, ce serait difficile à dire. Mais vous savez, lorsque vous

19 entrez dans une pièce remplie de personnes, même s'il faisait froid à

20 l'extérieur, cette pièce était réchauffée par la chaleur humaine, par la

21 chaleur des corps de tous ceux qui se trouvaient à l'intérieur de la pièce.

22 Je pense que la température extérieure était au moins de 30 degrés.

23 Q. Est-ce que certains des prisonniers vous ont donné l'impression d'avoir

24 besoin de soins médicaux ?

25 R. Oui. Il y avait des gens qui se plaignaient de se trouver mal, qui se

26 trouvaient mal. Je voulais également avoir plus d'eau et -- enfin, si

27 quelqu'un se trouvait mal ou se sentait malade, la seule chose que l'on

28 pouvait faire pour cette personne, c'était de se bouger un petit peu, voir

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1 si on pouvait lui donner de l'eau, et c'est toute l'aide que nous avons

2 jamais obtenue d'eux.

3 Q. Bien. Ma dernière question avant que nous n'ayons une brève suspension

4 de séance, Monsieur le Témoin : qu'est-ce que vous aviez comme

5 installations sanitaires ? Est-ce que vous pouviez -- est-ce qu'on avait

6 prévu quelque chose pour que les gens puissent aller aux toilettes dans

7 cette pièce ?

8 R. On nous a donné un sceau. Mais il faisait très chaud, donc personne ne

9 sentait le besoin de se soulager. Il faisait tout simplement trop chaud. Il

10 se peut qu'il y ait eu quelques personnes âgées et une femme, peut-être,

11 qui ont utilisé ce sceau, mais le reste d'entre nous, nous ne l'avons pas

12 fait.

13 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que le moment est venu de suspendre

14 la séance.

15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nicholls.

16 Nous allons donc --

17 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, il ne s'agissait pas d'une

18 femme; ceci n'a pas été correctement traduit.

19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

20 M. ZIVANOVIC : [interprétation] A la ligne 10.

21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

22 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Des personnes âgées, "Des personnes âgées

23 et une femme."

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

25 M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, la femme mentionnée, cela, c'est dans

26 un autre contexte.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

28 Témoin, pourriez-vous -- enfin, je vais vous relire ce qui figure

Page 703

1 ici. S'il y a une erreur, si c'est une erreur, veuillez, s'il vous plaît,

2 nous le dire.

3 Je cite : "Ils nous ont donné un seau, mais il faisait si chaud que

4 personne ne ressentait vraiment le besoin de se soulager. Il faisait tout

5 simplement trop chaud. Il se peut qu'il y ait eu quelques personnes âgées -

6 -" puis ensuite, nous avons, dans le compte rendu, "-- et une femme. Peut-

7 être qu'ils se sont servis du seau."

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que c'était exact, du point de

10 vue de la déposition ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Excusez-moi. Je présente des excuses aux

12 femmes qui se trouvent ici dans cette pièce, dans ce prétoire. Je n'ai pas

13 dit qu'il y avait une femme. J'ai simplement présenté des excuses aux dames

14 qui se trouvaient dans cette salle pour avoir mentionné le fait qu'il y

15 avait des gens qui se soulageaient dans un seau, parce que j'ai parlé de

16 cette action. Je voulais simplement m'excuser auprès des dames qui se

17 trouvent dans la salle d'audience.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

19 Nous allons, maintenant, avoir une suspension de séance de 20 minutes

20 commençant maintenant. Je vous remercie. Même précaution que précédemment :

21 je vais demander que les gardes fassent le nécessaire.

22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.

23 --- L'audience est reprise à 12 heures 53.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

25 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

26 Q. Monsieur, pendant que vous étiez dans la salle de sport, est-ce que

27 vous avez pu voir s'il y a eu des abus physiques des prisonniers ?

28 R. Non, seulement un homme a été giflé.

Page 704

1 Q. Est-ce que vous avez pu voir à un moment donné s'il y a eu des

2 officiers de haut grade qui sont arrivés à l'école ?

3 R. Lorsque j'y étais, il y en avait qui sont venus. Il y en avait qui

4 portaient un uniforme civil. Il y en avait qui regardaient cela. Ils

5 s'étaient mis à côté. Au moment où il fallait qu'ils nous emmènent, ils

6 étaient un peu plus nombreux. Je ne sais pas si c'étaient des officiers ou

7 des soldats ? A ce moment-là, l'un deux a demandé s'il y avait quelqu'un de

8 la municipalité de Zvornik. Peu de temps après, cette même personne, je ne

9 sais pas plus si c'était celui qui avait demandé ou un autre a dit :

10 Silence. Tout le monde est devenu silencieux et il a donné l'ordre : Les

11 quatre rangées dans le hall, asseyez-vous. Les gens se sont assis.

12 C'étaient surtout des personnes âgées. Il nous a dit de se tourner à droite

13 et de se retourner vers le mur. Ensuite, c'était pareil pour les quatre

14 rangées suivantes. Ils étaient tous dans la direction de la sortie.

15 Lorsque la rangée dans laquelle j'étais, ils ont dit qu'il fallait

16 qu'on se lève et qu'on tourne le dos à l'autre sortie pour se tourner vers

17 la partie contraire par rapport aux premières rangées, et ainsi de suite. A

18 ce moment-là, une personne est venue au milieu du hall, et il a dit : Ces

19 gens-là ne doivent pas être tués. L'autre, celui qui nous avait donné

20 l'ordre, il a dit : Qui le dit ? L'autre homme, il a répété : Ces gens-là

21 ne doivent pas être tués. En fait, lui, il portait simplement un habit

22 normal, un pantalon noir et une chemise. Rien d'autre. Le soldat lui a dit

23 : On va voir s'ils doivent être tués ou pas. Venez. L'autre personne est

24 sortie de l'école. On a entendu un coup de feu. L'homme a commencé à gémir.

25 Ensuite, il y a eu un autre coup de feu et l'homme ne disait plus rien.

26 Ensuite, ils ont fait un autre homme. Un jeune homme d'environ 30 ans.

27 Encore une fois, on a entendu un coup de feu et on n'entendait plus le

28 jeune homme.

Page 705

1 Encore une fois, ceux qui apportaient de l'eau aux prisonniers, il

2 leur a été interdit à ce moment-là, au bout de 15 minutes peut-être, de

3 venir chercher de l'eau. Probablement, ils voulaient dissimuler ce crime,

4 c'est pour cela qu'ils leur ont interdit cela.

5 Après un homme, portant un béret vert et une croix, est arrivé --

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Attendez. Ceci échappe au contrôle,

7 Monsieur Nicholls. A moins que vous ne vouliez contrôler votre témoin, nous

8 allons devoir le faire nous-même. La question était simple et directe :

9 est-ce qu'à un moment donné, un officier de haut grade est venu dans

10 l'école ? Au lieu de nous répondre, il nous a donné une longue réponse qui

11 n'est pas pertinente par rapport à la question. Il faut vraiment --

12 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] S'il vous plaît, patience. Un peu de

14 patience, s'il vous plaît, nous allons y arriver. Mais pour le moment,

15 veuillez répondre aux questions qui vous sont posées et non pas celles qui

16 ne vous sont pas posées.

17 Oui, Maître Meek.

18 M. MEEK : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, je

19 souhaite renouveler l'objection que j'ai faite précédemment aujourd'hui. Si

20 nous examinons la page 82, lignes 3 à 4, le témoin spécule sur des raisons

21 pour lesquelles quelqu'un a fait quelque chose. Il s'agit de spéculation

22 pure et simple et il faut omettre cela, ce genre de commentaire. C'est le

23 fondement de mon objection. Parce qu'il a dit : "Probablement car ils

24 essayaient de dissimuler le crime."

25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais il est un --

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous ne sommes pas d'accord avec votre

28 objection, Maître Meek. C'était son impression à l'époque et s'il souhaite

Page 706

1 nous le dire, il a le droit de le faire. Mais ce qu'il faut rectifier,

2 c'est le système selon lequel nous fonctionnons car nous essayons

3 d'interrompre aussitôt que possible, mais essayez de contrôler votre

4 témoin.

5 Oui, Monsieur McCloskey.

6 M. McCLOSKEY : [interprétation] Une déclaration brève simplement. Lorsque

7 ce témoin a déposé pour la première fois il y a plusieurs années, c'était

8 suivant un autre système. Le Juge préférait ne pas entendre beaucoup de

9 choses de la part des avocats et les témoins pouvaient librement raconter

10 leur récit plus ou moins, c'est ce que ce témoin fait. Maintenant, on s'est

11 approché plus du système question et réponse la dernière fois la dernière

12 fois, et il le comprend mais cela fait partie du problème.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je comprends et j'apprécie ce que

14 vous dites, Monsieur McCloskey, votre réponse est tout à fait raisonnable.

15 Mais en même temps, la vérité est qu'il n'a pas répondu à la question. Bien

16 sûr, ce qu'il nous dit est important et nous devrons y revenir, mais il

17 doit répondre à la question aussi.

18 M. NICHOLLS : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président, et je

19 vais certainement pouvoir poser plus de questions et l'interrompre plus. Je

20 permettais au témoin de parler un peu plus longuement car je pensais qu'il

21 lui était plus facile d'expliquer les choses de cette manière-là, mais je

22 vais revenir en arrière et l'interrompre un peu plus souvent.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Merci.

24 M. NICHOLLS : [interprétation]

25 Q. Monsieur le Témoin, essayez de fournir des réponses un peu plus brèves

26 et nous allons procéder pas à pas avec ce qui vous est arrivé. Je comprends

27 que vous essayez de nous dire que ce qui s'est passé ce jour-là était

28 important. Je vous ai posé une question, la question de savoir si un

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1 officier est arrivé, et vous avez dit : non, mais des gens vêtus en

2 vêtements civils sont venus et ils ont commencé à donner des ordres aux

3 prisonniers; est-ce exact que vous n'avez pas vu d'officiers de haut rang ?

4 R. Non, ce n'était pas les hommes en civil. Les gens en civil étaient là

5 avant, après c'étaient des hommes en uniforme. Certainement c'étaient des

6 officiers car le processus était le suivant : ils faisaient sortir des gens

7 et ensuite ils sont venus avec un sac et ils nous bandaient les yeux avec

8 des morceaux de tissus qui se trouvaient dans le sac suite à l'ordre donné

9 car sinon ils n'auraient pas pu procéder à faire cela. C'est après leur

10 arrivée que l'on a commencé à faire sortir les gens.

11 Q. Lorsque les officiers sont venus, est-ce que vous les avez vus dans la

12 salle des sports, ou bien est-ce qu'ils étaient à l'extérieur en train de

13 regarder ce qui se passait à l'intérieur ? Est-ce que vous pouvez nous le

14 décrire ?

15 R. Non, c'est après qu'ils ont donné l'ordre que les gens ont été

16 réaménagés dans des rangées différentes. On regardait dans des directions

17 opposées les uns par rapport aux autres. Nous, nous avions le dos tourné à

18 la porte et ceux qui étaient de l'autre côté avaient eux aussi le dos

19 tourné à la porte. Par la suite, lorsque les soldats sont partis, je

20 suppose que les gens qui sont restés avaient déjà reçu les ordres selon

21 lesquels il fallait faire sortir les gens.

22 Q. Pour clarifier, je pense que cela va être la dernière question sur le

23 sujet : les officiers ont demandé que l'on aligne les gens selon une

24 certaine méthode et c'est eux qui ont dit dans quelle direction il fallait

25 que les gens soient tournés, n'est-ce pas ?

26 R. Je ne sais pas s'ils étaient des officiers. Ils étaient en uniforme, je

27 le suppose. Ils sont venus, ils ont organisé tout cela, et après leur

28 départ les autres ont continué à faire sortir les gens.

Page 709

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant. Est-ce que ce témoin est

2 capable de faire une distinction entre un officier et un soldat ?

3 M. NICHOLLS : [interprétation] C'est ce que j'allais demander justement.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

5 Monsieur Bourgon.

6 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ce qui figure

7 au compte rendu d'audience à la ligne 6, page 85, ligne

8 6 : "Les officiers ont demandé aux officiers d'aligner les gens." J'ai

9 entendu quelque chose comme cela, comme quoi que c'étaient les officiers

10 qui avaient donné l'ordre, mais ce n'est pas clair car il a été dit en

11 anglais : "Les officiers ont fait en sorte que les officiers alignent les

12 gens." Ce n'est pas clair.

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Bourgon. Merci.

14 Monsieur Nicholls.

15 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que j'ai dit que les officiers ont

16 donné l'ordre aux autres d'aligner les gens.

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je le pense, mais

18 Me Bourgon a raison. Poursuivons. Je pense que c'est clair maintenant.

19 M. NICHOLLS : [interprétation]

20 Q. Est-ce que vous avez pu voir les uniformes de ces hommes dont vous

21 dites qu'ils donnaient des ordres -- en fait, je vais m'arrêter là pour le

22 moment.

23 R. Vous savez, dans cette situation de guerre tout le monde portait des

24 uniformes de camouflage qui n'étaient pas différents. Il n'y avait pas

25 vraiment une différence entre les officiers et les soldats, sauf que les

26 officiers avaient des insignes de grade. Mais je n'ai pas remarqué de

27 grades. Car avant les soldats portaient des uniformes différents par

28 rapport aux officiers, mais pendant cette période-là tout le monde portait

Page 710

1 des uniformes de camouflage et il n'était plus possible de savoir si la

2 personne était un soldat ou un officier, sauf s'il portait des insignes de

3 grade. En temps de guerre, on les porte sur la poche devant, alors qu'en

4 temps de guerre, ces insignes-là sont portés à l'épaule.

5 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que --

6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est votre témoin, Monsieur Nicholls.

7 M. NICHOLLS : [interprétation]

8 Q. Vous avez commencé à parler de cela, de la manière dont ils vous ont

9 bandé les yeux. Maintenant je souhaite que vous nous décriviez comment vous

10 et d'autres prisonniers vous êtes sortis de la salle des sports ? Quel

11 était le processus ? Pour le moment, je souhaite simplement que l'on se

12 limite sur la manière dont vous êtes partis de la salle des sports ?

13 R. Lorsque l'ordre est venu, ils sont venus avez un certain nombre de

14 tissus large de cinq centimètres je dirais, suffisamment pour nous bander

15 les yeux. Au début, c'est eux qui nous bandaient les yeux, mais ensuite ils

16 ont demandé aux prisonniers de se le faire mutuellement. En fait, il y

17 avait deux soldats avec des fusils en uniforme de camouflage et il y avait

18 une femme en uniforme de camouflage. A chaque fois qu'elle bandait les yeux

19 de quelqu'un elle donnait à la personne un verre d'eau. Je ne sais pas

20 d'ailleurs pourquoi, mais c'est ce qu'elle faisait. Les gens se

21 déplaçaient, mais il y avait toujours ces deux-là qui s'y tenaient, je

22 suppose pour empêcher que les gens partent. Le tout se passait très

23 rapidement.

24 Q. Ralentissez un peu, s'il vous plaît. Poursuivez.

25 R. Celui qui amenait les gens pour qu'ils soient fusillés, c'était un

26 homme avec un béret rouge de taille moyenne, jeune et il ne disait rien à

27 personne. Il partait en camion. Je ne sais pas, car je ne suis pas parti

28 cette fois-ci. Lorsque je suis parti, je ne sais pas s'il était dans le

Page 711

1 camion ou dans la salle, mais c'est lui qui emmenait les gens à

2 l'exécution. Lorsque c'était mon tour -- ou plutôt d'abord les gens ils ont

3 commencé à avoir peur et il a dit vous devez passer tous. Ainsi, dans la

4 soirée, à un moment donné, je me suis levé tout seul. Ils m'ont bandé les

5 yeux, cette femme m'a donné de l'eau, j'ai bu de l'eau, je suis entré dans

6 le camion, je me suis assis sur un banc sur la droite, près de la cabine.

7 De l'autre côté, il y avait un banc, aussi. Lorsque les deux bancs étaient

8 remplis, les gens se sont assis par terre, aussi. Je ne peux pas dire quel

9 était le nombre de personnes, peut-être 30, peut-être 40, peut-être 20.

10 Q. Je vais vous interrompre momentanément. C'est très clair, mais je vais

11 vous poser quelques autres questions. Tout à l'heure, vous avez parlé d'une

12 rampe qui était utilisée par les prisonniers pour monter à bord du camion.

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la hauteur de l'arrière

15 de ce camion --

16 R. [aucune interprétation]

17 Q. -- de cette rampe ?

18 R. Je ne sais pas quelle était la hauteur de la rampe, mais nous y sommes

19 entrés très facilement, comme si c'était à plat, alors que le camion devait

20 être à un mètre, je dirais, de la terre. Bien sûr, je n'ai jamais mesuré

21 cela, mais c'est ce que je dirais. C'était pratiquement au même niveau que

22 la hauteur du camion lui-même.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Bourgon.

24 M. BOURGON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bien sûr, le

25 témoin vient de mentionner le nom "TAM", le "camion TAM", mais je pense que

26 c'est le conseil qui l'avait mentionné pour la première fois et je pense

27 que c'est le conseil qui lui a posé une question directrice, parce que le

28 témoin n'en avait pas parlé auparavant.

Page 712

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je me souviens que dans mon compte

2 rendu d'audience, j'ai entendu le mot "camion TAM" plus tôt de ce jour.

3 M. NICHOLLS : [interprétation] Je m'en souviens aussi.

4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, absolument, c'est sûr.

5 Mais, Maître Bourgon, je vous assure que cela a déjà été mentionné.

6 Oui, Maître Krgovic.

7 M. KRGOVIC : [interprétation] Oui, si je puis vous aider, le témoin a parlé

8 d'un "camion TAM", mais dans un autre contexte.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivons.

10 Oui, Monsieur Nicholls.

11 M. NICHOLLS : [interprétation] Un instant.

12 Pour le compte rendu d'audience, j'indique, Monsieur le Président, qu'à la

13 page 69, ligne 17, le témoin dit qu'on l'a emmené les yeux bandés et que

14 dans l'angle, il y avait un camion TAM, T-A-M, qui était garé. Ensuite, il

15 commence à parler du podium.

16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, merci, Monsieur Nicholls.

17 Poursuivez.

18 M. NICHOLLS : [interprétation]

19 Q. Très bien. Veuillez nous décrire maintenant, s'il vous plaît, combien

20 d'hommes étaient assis au fond du camion TAM et où est-ce qu'ils étaient

21 assis lorsqu'on vous a placé à votre -- lorsque vos yeux ont été blindés.

22 R. Il y avait deux bancs, comme je vous l'ai dit. Je ne sais pas combien

23 de gens y étaient, et nous, on enlevait un peu les bandes pour pouvoir

24 voir, donc on a pu voir. Ils se sont mis sur le fond, dans le fond, par

25 terre dans le camion, et après, les gens ont commencé : où on emmenait les

26 gens ? La réponse était : dans le camp de Bijeljina. Après, il n'y avait

27 plus de questions, personne ne posait plus de questions.

28 Q. Très bien. Mais pour être clair, qui a demandé où ces gens avaient été

Page 713

1 emmenés ? C'étaient les prisonniers ou quelqu'un d'autre ?

2 R. Oui, les prisonniers. Dès qu'ils ont commencé à faire entrer ces gens

3 dans le camion, la question a été posée de savoir où on emmenait ces gens-

4 là, et la réponse, c'était dans le camp de Bijeljina. Après cela, personne

5 ne posait plus de questions.

6 Q. Très bien. Est-ce que vous connaissiez les camions TAM depuis avant la

7 guerre ou bien c'était la première fois que vous en avez vu un ? Est-ce que

8 vous les connaissiez déjà ?

9 R. Les camions TAM, ce sont des petits camions d'habitude possédés par les

10 agriculteurs afin qu'ils puissent transporter les produits agricoles. On

11 les appelait "TAMic", chez-nous. C'étaient des camions de deux tonnes.

12 Q. Lorsque vous étiez sur ce camion, combien d'hommes, d'après-vous,

13 pouvaient être placés en arrière, à ce moment-là ?

14 R. Au moins une trentaine, si on dit 10 sur chaque banc et puis 10 par

15 terre, je dirais qu'au moins 30 personnes pouvaient être dans ce camion.

16 Q. Très bien. Quelle était la distance parcourue par le camion après que

17 vous êtes monté à bord de ce camion en arrière, avec d'autres hommes ?

18 R. On n'a pas roulé très longtemps. Le trajet était court, je ne savais

19 pas à l'époque où on avait été emmenés, puisqu'on avait les yeux bandés.

20 D'après-moi, le camion a tourné à gauche et il a continué sa route pendant

21 un certain temps sur une route en gravier. On a été pas mal secoués au

22 début, puis à un moment donné, il s'est arrêté. On a entendu des bruits de

23 voix à l'extérieur, on nous a donné l'ordre de descendre du car. C'est ce

24 qu'on a fait. Puis, on nous a fait nous aligner. Je ne sais pas si on était

25 une ou deux rangées. Les tirs ont commencé. On a entendu -- j'ai entendu

26 une rafale de tirs venant de la droite. J'étais sur la gauche. Les tirs

27 sont venus de la droite, du côté droit. Les gens ont commencé à tomber les

28 uns sur les autres. Je suis tombé aussi et j'avais le bras sur la poitrine

Page 714

1 de l'homme qui était à côté de moi, puis quelqu'un a dit : il faut les

2 achever. Un autre a dit : attends, attends, calme-toi, tout doucement.

3 L'autre a dit : oui, tout doucement. Puis, on a entendu de nouveau des tirs

4 sur les gens qui étaient par terre. Moi, j'ai une cicatrice, ici; c'est

5 sans doute une petite pierre de gravier qui m'a frappé. Puis, les tirs se

6 sont arrêtés. Puis, j'ai entendu quelqu'un dire : prenons leurs montres.

7 Puis quelqu'un a dit : non, non, on ne va pas faire cela. De toute façon,

8 je n'avais pas de montre.

9 Puis, il y a eu un autre camion qui est arrivé. On a entendu une fois

10 plus des coups de feu, 10 ou 15 minutes plus tard, un autre camion est

11 arrivé, et à ce moment-là, la nuit tombait.

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, arrêtons-nous un instant.

13 Maître Lazarevic, vous vouliez intervenir, mais je ne voulais pas moi-même

14 interrompre le témoin à un moment aussi important de son récit. Mais

15 maintenant, vous pouvez sans doute intervenir --

16 M. LAZAREVIC : [interprétation] Oui. J'ai constaté quelque chose au compte

17 rendu d'audience que le témoin n'a pas dit. C'est au passage où il dit que

18 quelqu'un a dit aux soldats de les achever, de l'achever. Moi, ce que j'ai

19 entendu, c'était une personne qui suppliait, en fait.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Est-ce que vous avez compris ?

21 Pourriez-vous poser directement la question au témoin ?

22 M. NICHOLLS : [interprétation]

23 Q. Revenons un instant à ce que vous avez dit, Monsieur le Témoin.

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Manifestement, cela fait une

25 différence, parce que l'un des cas, ce serait un Serbe, dans l'autre pas.

26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lignes 20, 21.

27 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

28 M. LAZAREVIC : [interprétation] Je pourrais peut-être aider M. Nicholls,

Page 715

1 page 19, lignes 20 et 21.

2 M. NICHOLLS : [interprétation] Je l'ai.

3 Q. Monsieur le Témoin, vous dites qu'après qu'il y avait eu ces coups de

4 feu, ces tirs, vous avez affirmé qu'il y avait quelqu'un -- en tout cas,

5 c'est ce que dit le compte rendu d'audience -- il faut les finir. Quelqu'un

6 d'autre dit : arrête, calme-toi, tout doucement.

7 Pourriez-vous dire exactement ce que vous avez entendu lorsque vous gisiez

8 par terre ?

9 R. Non. Il y a quelqu'un qui avait été touché et qui avait dit : achevez-

10 moi. Quelqu'un a dit : oui, du calme, du calme. Donc, ce n'était pas ceux

11 qui tiraient sur les gens qui ont dit cela, c'est plutôt quelqu'un sur qui

12 on a tiré qui a dit : qu'on m'achève. Quelqu'un d'autre lui dit : tout

13 doucement, tout doucement.

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que ceci est maintenant

15 précisé.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Une fois de plus, on attire notre

18 attention sur le fait que le témoin parle trop vite.

19 M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, manifestement, apparemment, là, m'a-t-

20 on dit, il y avait un problème au niveau de la traduction.

21 Q. Donc, vous avez entendu quelqu'un dire : tout doucement, ou attends,

22 attends ?

23 R. Oui, c'est cela.

24 Q. Qui a dit cela ?

25 R. Mais c'est le soldat serbe qui tuait.

26 Q. Pour que tout soit clair, je vous demande ceci : est-ce qu'il l'a dit

27 en réponse à celui qui lui a dit : achève-moi ? Est-ce qu'il y a un lien

28 entre ces deux déclarations ?

Page 716

1 R. Oui.

2 Q. Vous aviez dit que vous aviez été légèrement blessé et vous avez

3 indiqué la partie de votre corps où vous aviez été blessé. Pourriez-vous le

4 dire plus précisément ?

5 R. Oui, ici, ici, entre les doigts.

6 M. NICHOLLS : [interprétation] Je voudrais qu'il soit acté au compte rendu

7 d'audience que le témoin a indiqué l'endroit de sa main entre le majeur et

8 l'index.

9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez.

10 M. NICHOLLS : [interprétation]

11 Q. Ce n'était pas une blessure grave; j'ai bien compris ?

12 R. Sans doute. Oui, sans doute qu'une balle avait frappé un caillou et que

13 c'est cela qui m'a blessé à la main. Heureusement, ce n'était qu'une

14 blessure légère.

15 Q. Vous dites que vous avez entendu des tirs puis la venue d'un camion.

16 Ces successions d'événements, elles ont duré combien de temps à peu près ?

17 R. Je vais vous le dire. C'était en début de soirée. C'est à ce moment-là

18 que cela a commencé, et cela a continué jusqu'au moment où il a fait tout à

19 fait nuit. Cela a duré peut-être deux heures. Ceux qui étaient près du

20 bulldozer qui creusaient un trou (expurgé)

21 (expurgé)

22 Q. Un instant.

23 M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais demander une expurgation, Monsieur

24 le Président. Lignes 20 à 22 -- je crois qu'on comprendra pourquoi je

25 demande cette expurgation.

26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Effectivement, expurgation des lignes

27 20, 21 et 22. On pourra commencer après les mots disant : "Le bulldozer qui

28 creusait une fosse, là."

Page 717

1 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous pouvons avoir une pause de 30

3 minutes, et ce, lorsque vous en aurez terminé.

4 M. NICHOLLS : [interprétation]

5 Q. Vous dites que vous êtes resté là, allongé pendant quelques heures,

6 alors que vous entendiez toutes ces choses-là. Est-ce que vous avez enlevé

7 votre bandeau ou est-ce que vous êtes resté les yeux bandés ?

8 R. Quand il a fait vraiment nuit et lorsqu'ils étaient passés dans un pré

9 différent, j'ai enlevé le bandeau. L'homme qui était au-dessus de moi, qui

10 me recouvrait, cela ne me dérangeait pas trop pendant la journée, mais

11 quand il a commencé à faire nuit, et son corps était tout à fait refroidi

12 et raide, j'avais les jambes endormies. (expurgé)

13 (expurgé)

14 Q. Arrêtez.

15 M. LE JUGE AGIUS : [Hors micro]

16 M. NICHOLLS : [interprétation] On va peut-être pouvoir expurger le nom qui

17 vient d'être mentionné.

18 M. LE JUGE AGIUS : [Hors micro]

19 L'INTERPRÈTE : Microphone pour le Président.

20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Lignes 16 et 17. Tout est expurgé après

21 les mots : "Mes jambes se sont endormies."

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on passer à huis clos partiel ?

24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je crois que c'est plus sûr. C'est

25 préférable. Effectivement, ce sera plus facile pour le témoin puisqu'il ne

26 comprend pas bien où vont les questions, ce qu'on attend de lui.

27 M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

Page 718

1 partiel.

2 [Audience à huis clos partiel]

3 (expurgé)

4 (expurgé)

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8 (expurgé)

9 (expurgé)

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22 [Audience publique]

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Essayez de faire comprendre au témoin

24 que nous sommes en audience publique.

25 M. NICHOLLS : [interprétation]

26 Q. Ne donnez pas le nom ou le surnom de personnes dont nous venons de

27 parler dans cette partie-ci qui se déroule en audience publique.

28 Qu'est-ce qui s'est ensuite passé ? Vous dites qu'il y avait eu cette

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1 discussion que vous avez entendue, qu'est-ce que vous avez fait après ?

2 R. Ils sont partis pour aller dans cet autre pré. Il y a trois hommes qui

3 sont restés. Plus tard, j'étais à 300 mètres d'eux, j'ai entendu des bruits

4 de coups de feu. Dans l'intervalle, un camion était arrivé et il a dirigé

5 ses phares sur nous. On voyait très bien tous ceux qui avaient été tués et

6 le camion s'est garé à côté de l'homme qui actionnait le bulldozer et ils

7 ont commencé à parler, mais comme les moteurs tournaient, on ne les a pas

8 entendus. Lorsque cette personne est arrivée avec le camion --

9 Q. Excusez-moi.

10 M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, peut-on

11 repasser à huis clos partiel, un instant ?

12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

13 [Audience à huis clos partiel]

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12 [Audience publique]

13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

14 Monsieur Nicholls, si vous voulez poursuivre.

15 M. NICHOLLS : [interprétation]

16 Q. Je vous prie de m'excuser de vous avoir interrompu, Monsieur le Témoin.

17 Vous étiez en train de nous dire que certains de ces hommes sont partis et

18 qu'ensuite un camion est arrivé et a braqué ses phares à cet endroit-là.

19 R. Ce n'était pas un camion. C'était une chargeuse.

20 Q. Bien. Alors une chargeuse est venue. Veuillez continuer d'expliquer à

21 la Chambre ce qui s'est passé lorsque cette chargeuse est arrivée.

22 R. Lorsque cet engin est arrivé, il y avait une personne qui était vivante

23 tout près de l'excavatrice. Il a sauté sur ses pieds et a commencé à courir

24 vers les bois. Des coups de feu ont été tirés derrière lui et la personne

25 qui est venue avec la chargeuse a braqué ses phares vers la forêt où cette

26 personne s'était enfuie. Je me suis déplacé à ce moment-là et j'ai entendu

27 des mots qui étaient à peu près ceci : il y en a un autre qui s'enfuit par

28 chance personne ne l'a entendu et peut-être qu'il a pensé qu'il l'avait

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1 juste imaginé puisque les phares étaient braqués sur les corps. J'ai

2 regardé autour de moi, personne n'allait vers moi. Je me suis déplacé deux

3 fois, puis j'ai commencé à ramper. Je me suis retourné pour regarder si

4 quelqu'un me suivait et puis finalement je me suis mis debout. J'ai vu une

5 pierre --

6 Q. Je vous remercie de vous être arrêté. Le compte rendu dit : "Par

7 chance, personne ne l'a entendu." C'est bien cela ? Vous voulez dire

8 personne ne vous a entendu, ou est-ce que vous voulez dire personne n'a

9 entendu quelqu'un d'autre ?

10 R. Ceux qui montaient la garde, ces soldats serbes qui avaient tué ne

11 l'ont pas entendu dire qu'il y avait quelqu'un d'autre qui était vivant.

12 Q. Bien. Je comprends. Alors une question qui découle de cela. Le compte

13 rendu parle de "la chargeuse" ou du "camion chargeur." J'ai utilisé ce

14 terme le "camion chargeur," pourriez-vous décrire ce que c'est, de quoi

15 cela a l'air ?

16 R. C'est une machine de construction, de terrassement qui permet de

17 charger quelque chose sur des camions. C'est en fait un engin de levage

18 d'une capacité d'environ deux mètres cubes. C'est un très bon engin qui est

19 utilisé pour la construction. Ce n'est pas utilisé à autre chose si ce

20 n'est pour charger du matériel de construction sur des camions. C'est un

21 excellent engin pour charger les camions.

22 Q. Je vous remercie. Maintenant si vous voulez peut-être poursuivre et

23 vous-même nous expliquer selon vos propres termes, comment vous vous êtes

24 échappé de ce champ où vous vous trouviez ?

25 R. C'est à ce moment-là que je me suis mis debout et que j'ai commencé à

26 courir le long d'un rocher. Je ne savais pas qu'il était là. Je suis monté

27 sur cette pierre, ce rocher et il y avait une voie ferrée. J'ai traversé

28 cette voie et je suis tombé sur le côté. Par chance, j'ai fini dans un

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1 champ de blé. J'ai continué à courir en traversant à moitié le champ de

2 blé. Puis, je me suis rendu compte que les blés bougeaient et j'ai eu peur

3 qu'on ne puisse me voir. Alors j'ai commencé à ramper et je me suis caché

4 dans un petit buisson. Je pouvais entendre couler de l'eau, mais je ne la

5 voyais pas. Les soldats serbes qui montaient la garde couraient dans tous

6 sens dans le champ. Ils tiraient des coups de feu mais probablement en

7 l'air. Je pouvais entendre les balles et je pouvais entendre que les balles

8 brisaient des branches, mais ils sont repartis.

9 J'étais là tout le temps. Lorsqu'ils ont arrêté de tirer, je pense

10 que je connaissais cet endroit où j'avais été emmené -- lorsqu'on m'avait

11 bandé les yeux, je ne savais plus où j'avais été emmené si cela allait en

12 direction de Zvornik ou ailleurs ? Quand tout finalement a été silencieux,

13 je me suis mis debout. J'ai commencé à marcher, mais j'étais

14 particulièrement effrayé lorsque j'ai quitté le champ de blé. Je craignais

15 que quelqu'un soit là à m'attendre. Par chance, il n'y avait personne. Je

16 suis donc remonté sur la route. Je ne savais pas si je devais suivre la

17 voie ferrée dans un sens ou dans l'autre. J'ai décidé d'aller dans un

18 certain sens.

19 Puis, je suis arrivé au même endroit. Je suis arrivé à une gare de

20 chemin de fer. La porte était ouverte. Elle menait dans une pièce dans

21 laquelle il n'y avait rien, ni personne. J'ai vu qu'il y avait un village

22 que je n'ai pas reconnu. J'ai su que je n'étais pas censé être là. Je suis

23 reparti par le même chemin. J'ai suivi la route en passant près d'un puits

24 qui était dans un autre pré. Puis j'ai vu l'autre groupe de personnes qui

25 avait été tuées. C'était dans l'autre pré où des soldats étaient

26 précédemment passés pour tuer le reste de ces gens.

27 Q. Je vous remercie. Nous devons finir dans 5 minutes. Monsieur le Témoin,

28 si je vous ai bien compris, vous étiez parti. Vous vous êtes retrouvé au

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1 même endroit, dans le même secteur et vous avez vu un autre champ dans

2 lequel se trouvaient des cadavres. C'est bien cela ?

3 R. Oui, c'est bien cela.

4 Q. Quelle était la distance entre ces deux champs ?

5 R. Il y avait environ 300 mètres, pas plus.

6 Q. C'est peut-être difficile à dire, mais combien y avait-il de corps ?

7 Combien en avez-vous dans ce champ ?

8 R. Je voudrais dire que ces corps étaient entassés dans ce pré, presque

9 toute la surface était couverte. Je ne sais pas combien il y avait de

10 corps. Il y avait un homme qui était encore en vie et qui était loin du

11 reste des autres corps. Les bruits qu'ils faisaient n'étaient pas humains.

12 C'étaient plutôt les sons qu'offraient les gémissements d'un animal.

13 C'était la seule personne qui se trouvait un petit peu écartée du reste du

14 groupe. Ces personnes -- ces corps qui étaient là entassés sur le sol

15 étaient ou bien sur le dos ou bien sur le ventre, mais ils étaient étendus.

16 C'est comme cela qu'ils étaient tombés lorsqu'on leur a tiré dessus,

17 lorsqu'on les a tués.

18 Q. Vous avez dit qu'il y avait un puits ou quelque chose qui ressemblait à

19 cela, près de la route à côté de ce champ, est-ce que j'ai bien compris ce

20 que vous avez dit ?

21 R. Oui. C'était une source d'eau courante que les gens utilisaient pour

22 faire boire leur bétail. C'était comme un puits et les gens veillaient à ce

23 qu'il soit propre.

24 M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore quelques

25 questions à poser, mais je pense qu'on pourrait finir cela dans les dix

26 premières minutes demain.

27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, je pense que cela vaudrait mieux.

28 M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que ce serait mieux aussi.

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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, cela vaudrait mieux parce que

2 cette audience a été très longue.

3 Je pense que l'on peut faire sortir le témoin du prétoire si

4 quelqu'un veut bien l'escorter.

5 Monsieur le Témoin, vous reviendrez demain. Nous n'avons pas

6 complètement fini. Il y aura encore quelques minutes pendant lesquelles on

7 peut espérer que M. Nicholls pourra conclure son interrogatoire principal;

8 après cela, nous commencerons avec les différents contre-interrogatoires.

9 Je vous expliquerai cela demain. Dans l'intervalle, on va s'occuper de

10 vous. Ce qui est important, c'est que vous ne devez communiquer avec

11 personne sur les questions sur lesquelles vous avez fait votre déposition.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

13 [Le témoin se retire]

14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls. Je

15 m'adresse également aux différentes équipes de la Défense. Je veux dire,

16 j'ai fait un bref calcul, deux heures et demie, on y est déjà à trois

17 heures 35 minutes. Je ne veux pas vous presser, bien sûr, mais ceci n'est

18 que le commencement et il faudra que l'on se montre aussi souple que

19 possible, mais essayez de tenir compte de cela, parce qu'à l'évidence, il

20 va falloir que nous demandions aux différentes équipes de la Défense si

21 elles vont pouvoir s'en tenir à leur propre estimation, savoir si elles ont

22 vraiment besoin -- de combien de temps, s'il faut ou non réviser les

23 prévisions. Nous règlerons cette question demain matin, à 9 heures. Je vous

24 remercie, l'audience est levée.

25 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le vendredi 25

26 août 2006, à 9 heures 00.

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