Page 9192
1 Le jeudi 22 mars 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. J'espère
7 que nous aurons une bonne journée.
8 Madame la Greffière, veuillez, je vous prie appeler l'affaire.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
10 Monsieur le Juge, Madame le Juge. Il s'agit de l'affaire IT-05-88-T, le
11 Procureur contre Vujadin Popovic et consorts.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Je vois que
13 tous les conseils de la Défense sont présents à l'exception de Me Haynes.
14 Pour ce qui est de l'Accusation je vois que tout le monde est présent
15 également. M. McCloskey et M. Vaderpuye sont également là.
16 Je vois que les accusés sont à leur place également et comme il n'y a
17 pas de questions préliminaires à aborder - est-ce que Me Haynes est
18 indisposé ou bien est-ce qu'il est occupé ailleurs ?
19 M. SARAPA : [interprétation] Non, il n'est pas indisposé. Il est en bonne
20 santé, mais il a dû s'absenter aujourd'hui. Il nous rejoindra demain.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Merci.
22 Bonjour, Monsieur le Témoin.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] De nouveau, Monsieur le Témoin, je vous
25 souhaite la bienvenue au Tribunal pénal international pour l'ex-
26 Yougoslavie. M. Vanderpuye va poursuivre maintenant son contre-
27 interrogatoire. Permettez-moi de vous rappeler toutefois que vous êtes
28 encore lié par la déclaration solennelle que vous avez prononcée hier.
Page 9193
1 Cette même déclaration solennelle sera en vigueur jusqu'à la fin de votre
2 déposition.
3 Monsieur Vanderpuye.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
5 et Madame le Juge. Je salue les collègues de la Défense.
6 LE TÉMOIN: TÉMOIN PW-162 [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 Interrogatoire principal par M. Vanderpuye : [Suite]
9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
10 R. Bonjour.
11 Q. Hier avant de lever la séance, je crois que nous étions en train de
12 parler de Pribicevac et nous parlions des événements du
13 11 juillet. Pour cette partie-ci, je demanderais que l'on passe à huis clos
14 partiel pour quelques instants.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, passons à huis clos partiel.
16 Nous sommes à huis clos partiel.
17 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais une question à
19 vous poser avec votre permission.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, je voudrais corriger
22 quelque chose que j'ai dit au compte rendu d'audience. J'ai fait une petite
23 omission. Avec votre permission, je souhaiterais corriger quelque chose que
24 j'ai dit hier.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certainement. C'est la raison pour
26 laquelle vous êtes ici d'ailleurs, pour nous donner une version précise des
27 événements.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant du 11 juillet et de mon séjour à
Page 9194
1 Pribicevac, il est vrai que ce jour-là je suis arrivé à Pribicevac et je
2 voulais rencontrer une personne qui m'était très proche. Il est vrai
3 également que j'ai rencontré le général Mladic ce jour-là et j'ai également
4 expliqué cette réunion et comment notre rencontre a eu lieu et dans quelle
5 circonstance. Il est également vrai que j'ai rencontré la personne J et la
6 personne M. Par contre, j'ai fait un lapsus pour ce qui est de la personne
7 portant les initiales DT. Il n'était pas là ce jour-là à Pribicevac. Il
8 était avec moi deux jours avant. Il était à Pribicevac le 9. Voilà, c'est
9 l'erreur que j'ai faite.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si j'ai été clair, Monsieur le
12 Président.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous sommes à huis clos partiel et
14 vous pouvez mentionner des noms. Je voulais simplement m'assurer que l'on
15 sache bien de qui l'on parle, n'est-ce pas ?
16 Oui, Monsieur Vanderpuye.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Témoin, de vos
19 précisions.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous sommes encore à huis clos partiel,
21 n'est-ce pas ?
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous sommes encore à huis clos
23 partiel.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation]
25 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin, d'avoir apporté toutes ces
26 précisions. Est-ce que vous connaissez une personne du nom de Tesic ?
27 R. Oui, je connais cette personne. C'était avec cette personne-là que
28 j'étais à Pribicevac. C'est Aleksandar Aco Tesic. C'est lui qui était le
Page 9195
1 chef du secrétariat de la Défense nationale dans la municipalité de
2 Bratunac.
3 Q. Bien. Lorsque vous étiez à Pribicevac le 11, est-ce que vous l'avez vu
4 ce jour-là ?
5 R. Aco Tesic ?
6 Q. Oui.
7 R. Il était arrivé deux heures après moi. Il a emmené des membres venus
8 faire leur obligation de travail à Pribicevac. C'étaient des conscrits
9 militaires qui, jusqu'à cette date-là, travaillaient dans une entreprise,
10 en fait, obligation de travail. Ils n'étaient pas dans l'armée et ce
11 dernier les a mobilisés et les a emmenés. Deux heures après mon arrivée, je
12 l'ai vu. Il n'est pas venu avec moi, ce que je voulais dire -- d'aller seul
13 en voiture là-bas. Hier j'avais un peu le trac, si vous voulez, car je
14 témoignais ici. C'était ma première journée. Je pensais que lorsque j'ai
15 mentionné Dragan Tesic que c'était lui que j'avais vu le 11, mais
16 effectivement, je me suis trompé. J'étais un peu confus hier.
17 Q. Très bien. Merci.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous pouvons retourner en audience
19 publique.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Vanderpuye. Nous pouvons
21 revenir en audience publique.
22 [Audience publique]
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, nous
26 allons devoir revenir en audience à huis clos partiel, car il me faut avoir
27 les noms pour le compte rendu d'audience.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, oui, justement. J'y avais pensé.
Page 9196
1 Nous sommes de retour à huis clos partiel.
2 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez donné des
4 initiales. Pourriez-vous nous donner le nom entier de la personne MD ?
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, vous
6 n'avez rien à craindre, Monsieur.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était Miroslav Deronjic.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation]
9 Q. Vous avez également donné les initiales JM. De qui s'agit-il ?
10 R. Josipovic Miodrag. C'était le chef du poste de police de Bratunac.
11 Q. Vous avez également mentionné une personne portant les initiales DT. De
12 qui s'agit-il ?
13 R. Dragan Trisic. C'était l'adjoint du commandant chargé des arrières de
14 la Brigade de Bratunac.
15 Q. D'accord.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Pourrait-on retourner en
17 audience publique ?
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Revenons en audience publique.
20 Nous sommes en audience publique. C'est confirmé.
21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur
23 Vanderpuye.
24 M. VANDERPUYE : [interprétation]
25 Q. Lorsque vous avez rencontré ces personnes à Pribicevac, est-ce que
26 c'était quelque chose sur ce vous vous étiez mis d'accord ou bien est-ce
27 que vous les avez rencontrés tout à fait par hasard le jour du 11 juillet ?
28 R. Sommes-nous à huis clos partiel ?
Page 9197
1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non. Nous ne sommes pas à huis clos
2 partiel. Nous sommes en audience publique. Ne mentionnez pas les noms.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec MD et JM c'était spontané. Pour ce qui
4 est de AT, nous savions que nous allions nous rencontrer à Pribicevac. Ce
5 n'est qu'avec AT que j'avais pris des arrangements préalables, que nous
6 nous étions donné rendez-vous. Pour les deux autres personnes, je les ai
7 rencontrées tout à fait par hasard.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation]
9 Q. Vous avez dit un peu plus tôt que vous deviez rencontrer une personne
10 le 11. C'était déjà ce que vous nous avez dit. Et le 9, vous avez rencontré
11 deux autres personnes, n'est-ce pas ?
12 R. La personne que j'ai mentionnée comme la personne se trouvant là le 9
13 juillet n'était pas là le 11. C'est pour cela que j'ai corrigé ma
14 déclaration d'hier. DT n'était pas là à Pribicevac le 11, mais il était
15 présent le 9, deux jours avant. Nous nous étions mis d'accord pour y aller
16 ensemble et nous sommes allés ensemble à Pribicevac. C'était à Bratunac que
17 nous nous sommes mis d'accord pour nous retrouver là-haut à Pribicevac et
18 nous étions mis d'accord sur une heure également.
19 J'ai également donné la raison de notre départ.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, je ne veux pas que
21 vous pensiez que je suis pointilleux, mais je suis préoccupé par l'emploi
22 des initiales. Même si on ne fait que mentionner les initiales, je crois
23 qu'il est facile d'identifier la personne. Elle est encore en vie. Elle
24 pourrait identifier le témoin. Je suis peut-être un peu soucieux, si vous
25 voulez, mais je crois qu'il serait peut-être mieux d'expurger.
26 M. VANDERPUYE : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne sais pas ce qu'en pensent les
28 conseils de la Défense. Je ne veux pas exagérer dans mon souci de
Page 9198
1 protection de l'identité du témoin. Je ne sais pas si cela pourrait révéler
2 son identité.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le
4 Président.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, écoutons le témoin.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des personnes, personnellement
7 les personnes dont j'ai mentionné les initiales, cela ne me dérange pas que
8 ces personnes-là dont j'ai mentionné les initiales sachent que j'ai
9 témoigné. Ce n'est pas à cause d'eux que j'ai demandé les mesures de
10 protection, mais plutôt à cause d'autres personnes. Donc pour ce qui est
11 des personnes dont j'ai mentionné les initiales, cela ne me dérange
12 absolument pas que ces personnes sachent que j'ai témoigné devant vous ici.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous êtes très utile, Monsieur le
14 Témoin, vous êtes très aimable. Je vous remercie. Il n'est pas nécessaire
15 d'expurger ces initiales.
16 Merci, Monsieur Vanderpuye, vous pouvez poursuivre.
17 M. VANDERPUYE : [interprétation]
18 Q. Vous nous avez dit hier qu'à un certain moment donné vous êtes parti de
19 Pribicevac pour aller quelque part. Où êtes-vous allé ?
20 R. Si je me souviens bien, s'agissant de Pribicevac, j'y suis resté peut-
21 être deux heures, peut-être moins, peut-être plus, mais environ deux
22 heures. Après quoi, je suis monté à bord de mon véhicule et je suis
23 retourné à Bratunac pour regagner mon bureau.
24 Q. Fort bien. Dites-moi maintenant si vous pourriez nous parler du 12
25 juillet. Que s'est-il passé ce jour-là, bien sûr, du meilleur de votre
26 souvenir ?
27 R. Après mon retour de Pribicevac et après avoir passé quelque temps au
28 bureau, dans l'après-midi, peut-être même dans la soirée, j'y ai rencontré
Page 9199
1 la personne DM, dont les initiales sont DM. Cette personne DM m'a expliqué
2 que je devais me rendre au commandement de la Brigade de Bratunac à 8
3 heures du matin du 12, je devais être là. C'est ce que j'ai fait. Le matin,
4 à 7 heures du matin je suis allé au travail et à 8 heures je suis parti de
5 mon bureau pour aller au commandement. Lorsque je me suis retrouvé au
6 commandement, on m'a indiqué une pièce qui se trouvait au rez-de-chaussée.
7 C'est une pièce qui faisait office de salle de réunion du commandement.
8 Dans cette pièce j'ai vu le général Mladic. J'ai vu qu'il était là.
9 Je ne peux pas vous dire qui d'autre était là dans cette pièce. Je sais que
10 le "komandir" de la brigade, Blagojevic était là. Il y avait peut-être
11 quelques autres officiers. Je ne sais plus. Mais il est certain que le
12 général était là. Lorsque je suis arrivé, je les ai salués.
13 Q. Permettez-moi de vous poser une question pour le compte rendu
14 d'audience. A la page 7, à la ligne 23 du compte rendu d'audience, il est
15 indiqué que vous avez rencontré DEUXIEME. Je voulais savoir si DM et MOMENT
16 DONNE si c'est les mêmes initiales. Lorsque que vous parlez de DM est-ce
17 que vous parlez de MD, en fait, si c'est la même personne.
18 R. Il est possible que j'inverse les prénoms et les noms. Des fois je
19 donne le nom de quelqu'un en donnant son prénom avant et d'autres fois je
20 mets le nom de famille avant le prénom. Mais c'est dans la soirée que MD,
21 voilà, appelons-le MD, il m'a informé que le lendemain matin je devais être
22 présent. J'étais très surpris de ne pas le voir là le lendemain matin à 8
23 heures, même s'il m'avait informé, m'avait dit qu'il assisterait à la
24 réunion. Il n'était pas présent. Il n'a pas assisté à la réunion. J'étais
25 le premier à arriver. J'ai rencontré le général et peut-être deux ou trois
26 officiers.
27 Lorsque j'ai salué le général, le général m'a dit : "Je ne te vois pas à
28 Srebrenica," en mentionnant ma fonction. Je lui ai dit : "Je ne suis pas de
Page 9200
1 Srebrenica, je suis préoccupé par mes obligations quotidiennes."
2 Il m'a offert de m'asseoir, je me suis assis. C'est à ce moment-là que AT
3 est arrivé. Je l'ai déjà mentionné un peu plus tôt en évoquant Pribicevac.
4 J'ai oublié de dire que lorsque j'étais encore seul là-bas, le général m'a
5 adressé la parole, il m'a dit : "Qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait
6 faire avec les Musulmans de Srebrenica ?" J'étais un peu étonné, je ne
7 savais ce qu'il voulait que je lui réponde, alors j'ai dit : "Qu'est-ce que
8 vous voulez dire ? Srebrenica est libérée. Ils peuvent rester dans leurs
9 maisons." Il a dit : "Qu'est-ce qu'on fait s'ils ne veulent pas rester ?"
10 J'ai dit : "Je ne sais pas."
11 Sachant qu'en 1992 ils étaient allés à Tuzla et à Kladanj, j'ai dit il faut
12 voir ce que les gens veulent. Il faut voir quelle est leur volonté. Sur la
13 même entrefaite AT est arrivé et il lui a posé la même question. Deux ou
14 trois minutes plus tard, le prêtre est arrivé également. Il lui a posé la
15 même question. LJS est venu également et il lui a posé la même question.
16 Ils ont tous répondu la même chose. C'est comme si on s'était concerté ne
17 sachant pas du tout pourquoi on nous avait convoqué au commandement. Nous
18 ne savions pas du tout que le général nous attendrait là-bas et qu'il nous
19 poserait cette question.
20 Je suis resté environ une demi-heure au plus.
21 Q. [aucune interprétation]
22 R. Je n'ai pas --
23 Q. Oui, excusez-moi, vous pouvez terminer votre réponse.
24 R. Ce séjour d'une demi-heure en présence du général, je ne l'ai pas perçu
25 comme étant une réunion. C'était comme une sorte de rencontre informelle,
26 une rencontre, une conversation informelle plutôt. C'est à ce moment-là
27 qu'il m'a plutôt informé que je devais venir à une réunion à l'hôtel
28 Fontana, que je devais aller assister à une réunion à l'hôtel Fontana.
Page 9201
1 Ma présence sur les lieux à 8 heures représentait plus une sorte de
2 convocation à venir à la réunion qui devait se dérouler à
3 10 heures. Le général ne nous a pas dit quels seraient les sujets discutés
4 à l'ordre du jour lors de la réunion de l'hôtel Fontana à
5 10 heures. Il nous a simplement convoqué de venir à la réunion à
6 10 heures.
7 Q. Très bien.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que nous sommes à huis clos
9 partiel, Monsieur le Président ?
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
11 M. VANDERPUYE :
12 Q. [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
14 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
15 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
16 M. VANDERPUYE : [interprétation]
17 Q. Pourriez-vous également nous parler d'une autre personne portant les
18 initiales LJS. Pouvez-vous nous dire de qui il s'agit ?
19 R. Ljubisa Simic, le président de l'assemblée municipale de Bratunac.
20 Q. Très bien.
21 M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrait-on retourner en audience
22 publique, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
24 Passons en audience publique. Nous sommes en audience publique.
25 [Audience publique]
26 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que l'on vous a demandé d'être
28 présent à la réunion de 10 heures. Est-ce que vous y êtes allé ?
Page 9202
1 R. Oui.
2 Q. Pourriez-vous nous dire si vers la fin de la réunion on vous a chargé
3 d'une mission particulière ?
4 R. Vous voulez dire lors de la rencontre de 8 heures ?
5 Q. Non, je fais plutôt allusion à la réunion qui s'est déroulée à 10
6 heures.
7 R. Oui.
8 Q. Pourriez-vous nous dire quelle était cette mission ?
9 R. Nous étions quatre à être convoqués à la réunion de
10 10 heures, donc moi-même, LJS et deux autres personnes. Je suis allé avec
11 LJS à la réunion et nous avons reçu pour mission, après les conclusions qui
12 ont été apportées à la fin de la réunion, on nous a confié la mission
13 d'agir en tant qu'aide humanitaire, donner de l'assistance humanitaire
14 envers la population de Potocari. Lorsque je dis cela, je pense à
15 l'approvisionnement de la population en eau, en médicaments et en
16 nourriture, selon nos capacités et possibilités, selon ce qui pouvait être
17 fait eu égard aux circonstances.
18 Etant donné qu'à Potocari, on a conclu après la rencontre de
19 8 heures qu'il y avait environ 20 000 personnes. Il faisait très chaud ce
20 jour-là. Il faisait peut-être 32, 33 degrés. LJS et moi avions reçu pour
21 mission d'assurer l'aide humanitaire, l'approvisionnement en eau et
22 nourriture à la population qui se trouvait à Potocari.
23 Q. Quand on vous a confié cette mission, cela vous a été confié à vous
24 deux, comme vous l'avez dit, parmi toutes les personnes qui se trouvaient à
25 cette réunion; c'est bien cela ?
26 R. Oui. Les seuls civils présents appartenant aux autorités civiles,
27 c'était nous deux et MD.
28 Q. Bien.
Page 9203
1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrions-nous aller un instant en
2 audience à huis clos partiel, s'il vous plaît.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] D'accord. Audience à huis clos partiel.
4 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes.
6 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien. Pour que le compte rendu soit bien
7 clair, pourriez-vous nous dire quelles étaient les personnes qui étaient
8 présentes à cette réunion, est-ce que vous vous rappelez ? Il s'agit de la
9 réunion de 10 heures.
10 R. Participaient à la réunion, le général Mladic, le général Krstic, le
11 commandant du Bataillon néerlandais de la FORPRONU et son adjoint. Il y
12 avait deux autres officiers de la VRS qui étaient là. Je pense que c'était
13 un colonel et un lieutenant-colonel, mais je ne les connaissais pas, je ne
14 connaissais par leurs visages, ils ne m'étaient pas familiers. Les
15 représentants musulmans étaient également présents. C'était une délégation
16 de trois membres, Nuhanovic, Ibro, Mandzic et une femme dont le nom était
17 Camila. Sur la délégation musulmane, je connaissais Ibro Nuhanovic très
18 bien, mais Mandzic et Nesib Ancemilaj [phon], je ne les connaissais que de
19 façon superficielle. Mais je connaissais Ibro Nuhanovic. C'était un
20 économiste qui était diplômé, qui avait achevé ses études primaires à
21 Bratunac. Puis après, quand la guerre a éclaté, il vivait, il travaillait à
22 Bratunac. Donc, nous nous connaissions bien. Dragomir Vasic était également
23 là, il était le chef du poste de sécurité publique, qui était là pour les
24 autorités civiles. Miroslav Deronjic et Dragan Trisic.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, parce
26 que - enfin, je réfléchis pour le moment de quel -- nous devons faire
27 attention, mais jusqu'à quel point. Pendant les audiences publiques, le
28 témoin a dit plus tôt que cela ne le préoccupait pas, cela lui était égal.
Page 9204
1 Mais que sa préoccupation c'était plutôt en ce qui concerne les trois ou
2 quatre personnes qu'il a mentionnées, cela lui était égal qu'on les
3 identifie comme déposant à nouveau. Mais j'ai à l'esprit cette
4 préoccupation. Ce témoin a déjà déposé dans l'affaire Jokic et dans
5 l'affaire Blagojevic, et il se peut qu'il y ait d'autres qui auraient suivi
6 sa déposition à l'époque. Donc je parle pour moi-même, mais je comprends
7 qu'aucun d'entre nous n'a lu sa déposition ni dans l'affaire Blagojevic ni
8 dans l'affaire Jokic, parce que d'habitude ne le faisons pas lorsqu'il
9 s'agit d'un témoin qu'on entend en personne, viva voce.
10 Supposons qu'il répète ce qu'il a dit dans sa déposition dans ces
11 deux affaires, sans mesures de protection, je ne suis pas absolument sûr
12 que vous ne risqueriez pas d'être identifié. Donc, je vais me fonder
13 entièrement sur votre propre jugement, votre bon sens, et vous semblez être
14 un témoin parfaitement conscient, très vif. Donc si à un moment quelconque
15 vous avez l'impression que nous devrions aller en audience à huis clos
16 partiel, veuillez nous le dire et nous le ferons.
17 Nous sommes pour le moment en audience à huis clos partiel, de sorte
18 que nous pouvons y rester ou nous pouvons retourner en audience publique
19 pour les questions suivantes.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense que nous pouvons retourner
21 en audience publique, mais juste avant cela je voulais simplement
22 remarquer, fait remarquer que le sujet même de la déposition lue en
23 parallèle avec les dépositions antérieures du témoin, je pense, doit
24 susciter les mêmes préoccupations en tout état de cause et je suis en train
25 de m'efforcer, de faire de mon mieux pour que --
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je me fie à votre bon sens
27 et à votre jugement. Si je n'en étais pas sûr, j'agirais différemment, bien
28 entendu. Je crois que nous sommes entre de bonnes mains, tant le témoin que
Page 9205
1 vous-même, Monsieur Vanderpuye.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Josse.
4 M. JOSSE : [interprétation] Pourrais-je faire une suggestion, Monsieur le
5 Président, pendant que nous sommes en audience à huis clos partiel. La
6 Chambre a demandé au témoin exactement quelles étaient ses préoccupations,
7 en particulier à cause de la nature de la requête, mais ceci n'a peut-être
8 pas été examiné ou réglé de façon aussi complète que cela aurait pu l'être.
9 Il serait peut-être utile à la fois pour la Chambre ainsi que pour mon
10 confrère.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Je pense que vous avez tout à fait
12 raison en évoquant cela, Monsieur Josse.
13 Monsieur le Témoin, pendant que nous sommes encore en audience à huis clos
14 partiel, vous avez demandé à l'Accusation de demander des mesures de
15 protection, les faire mettre en place pour vous et nous les avons
16 accordées. Nous avons fait droit. Quelles étaient véritablement vos
17 préoccupations, vos inquiétudes ? Pourquoi souhaiteriez-vous cacher votre
18 identité ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous permettez que je l'explique, Monsieur
20 le Président ?
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, parce que cela nous aidera
22 considérablement à prendre des décisions au fur et à mesure.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé des mesures de protection pour
24 une raison seulement. Il y a une émission qui a lieu tous les samedis dans
25 notre région qui s'appelle "Le journal de La Haye," "The Hague diary," qui
26 dure à peu près une demi-heure. Je ne peux pas me rappeler le nom du
27 journaliste qui est Musulman d'origine ethnique et qui fournit, à ce
28 moment-là, un compte rendu de la semaine en une demi-heure. A ce moment-là,
Page 9206
1 il y a des nouvelles concernant différents procès, y compris ce procès-ci.
2 Parfois, comment pourrais-je dire cela en un mot. Pour une phrase qui
3 est sortie de son contexte, il présente quelque chose de public et ceci
4 prend évidemment des dimensions tout à fait différentes dans la région où
5 je vis. Pour le moment, la région de Srebrenica et de Bratunac il y a quand
6 même un tumulte. Je ne sais pas si vous avez entendu cette proposition
7 selon laquelle Srebrenica devrait sortir de la Republika Srpska, mais la
8 volonté politique, les sentiments sont très forts. J'ai peur que ce
9 journaliste ne s'empare d'une phrase de ma déposition et la présente dans
10 un contexte négatif qui aurait des incidences négatives pour moi et ma
11 communauté.
12 J'ai demandé des mesures de protection à cause des médias, à cause
13 des journalistes, pas à cause des personnes. Ce que je dis ici, c'est ce
14 que je déclare comme il est dit, je le dis devant Dieu et devant le peuple,
15 mais je suis venu ici pour dire la vérité. Je dis la vérité, mais j'ai peur
16 des pièges des journalistes et j'ai peur qu'ils ne salissent ma déposition
17 en utilisant une phrase d'une façon particulière, d'une connotation qui
18 pourrait m'être préjudiciable. C'est pour cela que j'ai demandé des mesures
19 de protection. Si vous pouvez me garantir qu'aucun journaliste là-bas ne me
20 mentionnera, à ce moment-là je déposerai en public. Fondamentalement, voilà
21 les raisons pour lesquelles j'ai demandé cela mais c'est, bien entendu, à
22 vous qu'il appartient de décider.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je ne peux pas vous donner cette
24 garantie. Demandez-moi quelque chose d'autre. Maintenant je pense que nous
25 avons un tableau complet et parfaitement clair.
26 Faites preuve de jugement, de bon sens, comme je l'ai dit
27 précédemment. Je vous remercie, Maître Josse, pour votre participation.
28 Maintenant, quand il vous paraîtra le moment pour revenir en audience
Page 9207
1 publique, M. Vanderpuye, vous pourrez me le laisser savoir.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense, qu'en fait, nous étions sur le
3 point de le faire et je pense que cela va bien. Nous pouvons maintenant
4 retourner en audience publique.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allons en audience publique.
6 [Audience publique]
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Vanderpuye.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. Maintenant, les tâches qui vous ont été confiées, elles vous ont été
10 confiées par le général Mladic ?
11 R. Oui. A la fin de la réunion il a dit, après que toutes les conclusions
12 aient été tirées et qu'il est devenu clair que les Musulmans voulaient
13 quitter la région, il nous a dit alors que : Vous, les autorités ici, devez
14 vous efforcer d'aider la population qui se trouve à Potocari. Vous avez
15 rempli tous vos réservoirs d'eau. Il faut que la boulangerie fonctionne.
16 Après cela, nous nous sommes retirés, nous sommes allés dans mon bureau,
17 nous trois, et nous avons commencé à faire un plan sur la façon de
18 continuer à traiter de cette question.
19 Nous avons engagé deux de nos réservoirs d'eau ainsi qu'un réservoir de la
20 société des services ainsi qu'une citerne des pompiers. On a donné pour
21 instruction à la boulangerie locale de travailler à plein rendement et
22 d'envoyer toute leur production au secteur de Potocari. Nous avons vu que
23 ceci ne suffirait pas. LJS est allé à la municipalité voisine en traversant
24 la Drina et il a demandé aux autorités de nous aider, ce qu'elles ont fait.
25 Ils ont également envoyé des réservoirs d'eau, une certaine quantité de
26 pain, de jus de fruits, l'eau minérale.
27 Nous avons agi de même avec la municipalité voisine de Zvornik. Ils nous
28 ont également aidés là-bas. Cela c'étaient les moyens que nous avons pu
Page 9208
1 mettre à disposition à la population qui se trouvait là. C'était
2 probablement insuffisant, mais nous n'avions pas davantage que ce que nous
3 avions. Ce que nous avions, nous avons essayé de le mettre à disposition.
4 Q. Est-ce que vous êtes allé à Potocari à un moment quelconque, la journée
5 du 12 ?
6 R. Oui. Avec les premiers réservoirs citernes, avec les premières fournées
7 de pain, LJS et moi-même y sommes allés.
8 Q. Bien. Est-ce que vous avez distribué une partie des vivres dont vous
9 avez dit que vous aviez organisé la collecte ?
10 R. Oui, indépendamment des personnes qui avaient la responsabilité des
11 citernes, il y avait également du personnel de la protection civile et nous
12 deux qui avons également participé à la distribution du pain, du lait; il y
13 avait une certaine quantité. Nous avons également essayé d'aider
14 directement.
15 Q. Au cours de la réunion proprement dite, celle qui a eu lieu à 10 heures
16 ce jour-là, qui a commencé à 10 heures, est-ce que le général Mladic a
17 donné quelque indication selon laquelle la population de Potocari serait ou
18 non triée pour voir s'il y avait des criminels de guerre qui s'y seraient
19 trouvés ? Est-ce qu'il y aurait eu un tri ?
20 R. Je ne savais pas quel était l'objet de la réunion lorsque j'ai été
21 informé qu'il fallait que j'y participe. Lors de la réunion proprement
22 dite, j'ai compris quel était l'objectif de cette réunion. J'ai compris que
23 cette réunion avait été précédée d'une autre. Est-ce que je peux donner le
24 nom des Musulmans ?
25 Q. Je pense que vous pouvez, oui.
26 R. A la réunion, j'ai compris que le général avait une autre réunion avec
27 Nesib Mandzic qui, à l'époque, était le président de la municipalité de
28 Srebrenica, et que la réunion de 10 heures c'est la délégation musulmane
Page 9209
1 qui a participé, une délégation musulmane de trois personnes. J'ai conclu
2 cela lorsque le général s'est adressé au président. Le président Mandic :
3 "Qu'est-ce que vous avez décidé ?"
4 A quoi ils ont répondu qu'ils avaient décidé que la population voulait
5 quitter la région. Le général les a avertis en leur disant : "Ne prenez pas
6 une telle décision. Si vous souhaitez rester dans cette région, chez vous,
7 vous pouvez le faire sans contraintes, avec toutes les garanties concernant
8 vos droits et libertés, liberté de travail, liberté d'aller et venir. La
9 condition, si vous prenez une décision à ce sujet, c'est que l'armée doit
10 remettre ses armes, et ceux qui ont du sang sur les mains et qui ont commis
11 des crimes contre le peuple serbe seront poursuivis. Quant à ceux qui sont
12 innocents, toutes les garanties de pouvoir travailler, vivre et aller et
13 venir et rester."
14 Ils étaient très décidé en disant : "Général, merci beaucoup, mais nous
15 avons décidé que nous voulons effectivement quitter cette région."
16 Q. Je vous remercie de cela. Combien de temps approximativement êtes-vous
17 resté à Potocari ?
18 R. Peut-être deux heures.
19 Q. Pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait après votre départ ?
20 R. J'ai déjà dit que j'ai aidé matériellement à distribuer le pain, les
21 aliments. Je suis allé un peu partout dans un cercle relativement étroit.
22 Certaines personnes m'ont reconnu. Parmi ces personnes, j'ai été reconnu
23 par un homme qui avait construit ma maison juste avant la guerre. Son nom
24 était Nijazija Jahic. Je l'ai vu à quelque 10 mètres de moi. Il m'a lancé
25 un appel, mais je ne l'ai pas reconnu sur-le-champ. Il est venu jusqu'à
26 moi. C'est seulement lorsqu'il est arrivé à ma hauteur que je l'ai reconnu.
27 J'ai dit : "Est-ce que c'est bien toi, Nijazija ?" Il a répondu : "Oui."
28 Il m'a demandé si je serais en mesure de l'aider d'une façon ou d'un
Page 9210
1 autre, lui-même et sa femme. Si je pouvais faire en sorte que sa femme et
2 lui puissent monter dans les moyens de transport plus tôt, parce que les
3 transports avaient déjà commencé. J'ai répondu : "Oui, je peux faire cela.
4 Où est ta femme ?" Il a dit : "Elle est là-bas." Je lui ai dit : "Fais-la
5 venir ici." Il l'a fait venir. Les cars se trouvaient à quelque 200 mètres
6 de l'endroit où nous nous trouvions. Je les ai amenés et je les ai fait
7 monter dans le car.
8 Cet homme, il y a environ trois ans, il vit maintenant en Bosnie
9 centrale à Breza ou à Vares. Il m'a envoyé ses vœux par le truchement d'un
10 Serbe qui vit à Bratunac maintenant. Il lui a dit de me saluer et de me
11 remercier de mon aide.
12 Il y a eu un autre cas où j'ai été reconnu par une personne du nom de
13 Hamid, qui était du village de Glogova. Avant la guerre, il était coursier
14 au bureau de l'assemblée municipale. Il m'a également demandé de l'aider à
15 faire partir son oncle qui était dans une chaise roulante, de faire en
16 sorte qu'il puisse monter dans le car avant son tour. Est-ce qu'il faut que
17 je décrive cela ?
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avant que M. Vanderpuye vous dise s'il
19 est nécessaire de décrire cela ou non, vous avez mentionné un grand nombre
20 de noms et un très grand nombre de détails qui, sans aucun doute,
21 pourraient révéler votre identité, tout au moins, pour ces personnes que
22 vous avez mentionnées. Il vous est loisible de me dire si vous souhaitez
23 que cette partie soit expurgée ou si nous poursuivons. Cela dépend de vous.
24 Mais il est évident que quiconque a entendu ceci vous identifiera.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ce n'est pas nécessaire. Je n'ai
26 pas peur de quoi que ce soit. Je ne crois pas que ce soit nécessaire.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y.
28 M. VANDERPUYE : [interprétation] D'accord. Je pense que nous pouvons
Page 9211
1 poursuivre.
2 Q. La réponse à votre question, Monsieur le Témoin, est non, vous n'avez
3 pas besoin d'expliquer cela.
4 Je crois qu'avant cette réponse que vous avez faite, je vous avais demandé
5 où vous étiez allé après avoir quitté Potocari. Je voudrais vous demander
6 après que vous avez quitté Potocari où vous êtes-vous rendu ?
7 R. Je suis retourné à Bratunac. Je ne me souviens plus si je suis allé à
8 mon bureau où si je suis rentré chez moi pour me rafraîchir. Il faisait
9 extrêmement chaud, donc je ne suis pas sûr de cela. Je suis sûr que dans
10 l'après-midi j'étais de retour dans mon bureau à nouveau. J'ai passé un
11 certain temps dans un bureau du bâtiment municipal et j'y suis resté
12 jusqu'à la nuit. Il y avait une autre personne avec moi au bureau. La
13 personne MD.
14 Q. Très bien.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions aller à huis
16 clos partiel juste pour avoir le nom de cette personne.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, allons en audience à huis clos
18 partiel, s'il vous plaît.
19 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Nous y sommes ?
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
22 M. VANDERPUYE : [interprétation]
23 Q. Précédemment, vous avez parlé d'une personne qui a le nom MD et
24 maintenant vous parlez à nouveau de MD. Est-ce que vous parlez de la même
25 personne ou est-ce que c'est une autre personne ?
26 R. Ce n'est pas la même personne. Sommes-nous en audience à huis clos
27 partiel ?
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.
Page 9212
1 LE TÉMOIN : [interprétation] L'autre personne c'était Miroslav Deronjic.
2 Cette personne-ci c'est Dragan Mirkovic qui était assis dans le bureau avec
3 moi à l'époque.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien.
5 Q. Je voulais simplement clarifier ce point.
6 R. Il était le directeur de la société des services de Bratunac.
7 Q. Bien.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense que nous pouvons aller en
9 audience publique, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Faisons-le.
11 Nous y sommes.
12 [Audience publique]
13 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie.
14 Q. Maintenant, vous avez dit que -- est-ce que cette personne est venue à
15 votre bureau ?
16 R. Oui.
17 Q. Pouvez-vous nous dire approximativement vers quelle heure ?
18 R. C'était déjà le soir, il se peut que cela ait été après
19 8 heures.
20 Q. Est-ce que quelque chose s'est passé pendant cette période où il se
21 trouvait dans votre bureau ?
22 R. Nous étions assis là dans le bureau. Je ne sais pas si nous avions
23 grand-chose à faire, mais à ce moment-là, nous avons passé beaucoup de
24 temps au bureau. D'habitude les directeurs venaient se réunir à mon bureau.
25 Il est probablement juste passé par là. Nous étions là assis et nous
26 parlions lorsque nous avons entendu qu'une fenêtre était ouverte, la
27 fenêtre du bureau qui donne sur la rue, et nous avons pu entendre le
28 passage de véhicules à l'extérieur. Nous avons regardé par la fenêtre. Nous
Page 9213
1 avons pu voir trois cars qui étaient garés dans la rue juste en dessous de
2 la fenêtre. C'était étrange ce que faisaient ces cars ici. Nous nous
3 posions des questions.
4 Nous nous sommes levés, nous sommes descendus au rez-de-chaussée; le
5 bureau se trouve au premier étage. Nous sommes descendus à la sortie du
6 bâtiment municipal où il y avait un car qui était garé là. Nous pouvions
7 voir qu'il était rempli de personnes. Des hommes.
8 La portière du devant du car était ouverte. Un policier se trouvait
9 devant cette portière. D'après son uniforme c'était un policier civil, pas
10 un policier militaire. Il portait un uniforme bleu mais je ne connaissais
11 pas cet homme. Nous avons eu une conversation avec lui. Nous lui avons
12 demandé qui étaient ces gens qui étaient là ? Il a dit : Ce sont des
13 Musulmans. Où vont-ils, que font-ils ici ? A un moment donné, j'ai remarqué
14 qu'au milieu du car, il y avait une personne qui frappait sur la vitre, il
15 frappait à la fenêtre. Les lumières dans le car, à l'intérieur du car,
16 avaient été tamisées. Je me suis rapproché et j'ai reconnu cette personne.
17 Son nom était Omo Jahic, il était du village de Bijeceva. Parce qu'avant la
18 guerre, il avait travaillé à la mine de Sasa. Il était également membre du
19 conseil de l'assemblée municipale, de sorte que nous nous connaissions très
20 bien. Il m'a demandé de monter dans le car.
21 Je suis retourné auprès du policier, parce que c'était au milieu du
22 car, et le policier qui se trouvait à l'entrée du car, j'ai dit : "Il y a
23 cet homme-là qui veut me dire quelque chose. Est-ce que je peux monter dans
24 le car ?" Cet homme a dit : "Allez-y." J'ai monté la première marche, celle
25 qui est la plus proche du chauffeur. J'ai dit : "Omo, que se passe-t-il ?"
26 *Il a dit : "Buco, pourrais-tu, s'il te plait, me donner de l'eau ?" Comme
27 le policier se trouvait juste là et que la portière était ouverte, j'ai dit
28 : "Cet homme voudrait que je lui donne de l'eau. Est-ce que je peux le
Page 9214
1 faire ?" Il a dit : "Oui, allez-y."
2 Q. Je dois vous arrêter un instant.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je voudrais que l'on expurge la ligne
4 25 de la page 22.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] L'avant-dernier mot de la ligne 25 à la
7 ligne 22, oui. L'avant-dernier mot, s'il vous plaît.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation]
9 Q. Je vais simplement vous demander de faire attention à ce que vous
10 dites. Je voudrais simplement vous demander, parce que vous avez dit un peu
11 plus tôt que vous aviez posé des questions aux policiers concernant ces
12 Musulmans qui se trouvaient dans le car, et je crois que vous avez demandé
13 à ce policier, ou vous avez dit pourquoi ils étaient là et pourquoi ils
14 allaient partir, et j'étais en train de me demander si vous pourriez nous
15 dire si vous avez reçu une réponse à ces questions et qu'est-ce qu'il vous
16 avait répondu.
17 R. La réponse que j'ai eue du policier était plutôt ambiguë. Pour autant
18 que je puisse m'en souvenir, il m'a dit que ces personnes devaient être
19 emmenées à Batkovic, à Bijeljina, pour un centre de rassemblement, c'est
20 comme qu'il l'a appelé. Là, ils seraient emmenés en vue d'un échange avec
21 des soldats serbes qui se trouvaient à Tuzla, ainsi qu'un nombre de la
22 population civile serbe à Tuzla. C'était plus au moins la réponse que m'a
23 donnée ce policier. Mais je me suis rendu compte que lui-même n'était pas
24 très sûr de ce qu'il disait quand il a dit qu'ils seraient emmenés à
25 Batkovic pour être ensuite emmenés à un lieu d'échange.
26 Q. Pourriez-vous nous dire, au cours de cette soirée, approximativement
27 combien il y a eu de cars que vous avez vus entrer à Bratunac ?
28 R. MD et moi-même, nous avons vu deux cars et nous avons apporté une
Page 9215
1 cinquantaine de bidons de boîtes contenant de l'eau à ces deux cars. Tous
2 ceux qui se trouvaient sur ces deux cars avaient des petites boîtes en
3 métal de 5 litres, et nous avons aussi vu dans l'autre rue, de l'autre côté
4 du bâtiment municipal, qu'il y avait trois cars en plus qui étaient garés.
5 En d'autres termes, il y avait trois cars d'un côté et trois cars devant le
6 bâtiment de la municipalité; au total six cars.
7 Il y avait aussi des cars dans la cour de récréation. Je n'y suis pas allé,
8 mais d'après certains récits, il devait y avoir entre 20 et 25 cars, en
9 tout cas, approximativement 20.
10 *Q. Est-ce que le nombre de cars et de Musulmans qui se trouvaient dans ces
11 cars a créé une situation préoccupante pour vous en tant que président du
12 Conseil exécutif de la municipalité de Bratunac ?
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Là, vous l'avez vraiment emberlificoté,
14 Monsieur Vanderpuye.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, je suis très fier de moi. Il faudrait
16 peut-être expurger ces lignes.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, effectivement.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Vanderpuye.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci. Deuxième tentative. J'espère que je
21 ne vais pas me tromper cette fois-ci.
22 Q. Est-ce que cela a causé une situation préoccupante dans la région ?
23 R. Oui, en fait, des rumeurs se propageaient disant que les autocars qui
24 se trouvaient sur le terrain de sport, que c'était quelque chose d'étrange.
25 Plutôt, que les Musulmans et les personnes qui se trouvaient dans les
26 autocars étaient en train de se dire des choses à haute voix, et on leur a
27 dit de ne pas sortir des autobus, les autocars, étant donné que les
28 gardiens qui assuraient la sécurité de ces autocars, il n'en avait pas
Page 9216
1 énormément. J'ai compris qu'il y avait peu de gardiens, car devant ces
2 autocars garés devant la municipalité, il n'y avait qu'un seul policier. La
3 situation était devenue préoccupante, car nous craignions que les Musulmans
4 ne sortent des autocars et se mettent à se promener dans la ville. Il n'y
5 avait pas d'armée, il n'y avait pas d'hommes. Il n'y avait que des femmes
6 et des enfants et des personnes âgées, de retraités. Mais les hommes en âge
7 de porter les armes étaient soit dans l'armée ou dans les bois.
8 S'agissant du terrain de sport, on a dit aux retraités d'aller sur le
9 terrain pour que l'on ait l'impression qu'il y a des gens qui assurent la
10 sécurité. Aux chauffeurs, on a donné l'ordre de mettre les autocars en
11 marche pour que le bruit du moteur empêche que l'on ne crie, que l'on ne
12 communique à voix forte en criant entre eux.
13 Ces autocars ont passé la nuit à Bratunac, et pendant la nuit et jusqu'au
14 matin, en fait entre la nuit et le matin, les autocars ont quitté Bratunac,
15 et je ne sais pas où ils sont allés.
16 Q. Est-ce que vous savez si à un moment donné, au cours de cette soirée ou
17 le lendemain matin, certaines de ces personnes avaient été amenées à une
18 école qui était située au bâtiment municipal ?
19 R. Nous voyions qu'à Bratunac il y avait beaucoup d'autocars dans la
20 ville, et que dans la ville j'ai rencontré MD, pas le MD qui était avec moi
21 dans le bureau, mais le premier MD; vous savez de qui je parle. Je lui ai
22 dit : "Voyons, qu'est-ce qui se passe ? D'où viennent tous ces autobus ?"
23 Il a répondu : "C'est RD de M qui nous a arrangé tout ceci."
24 Q. Bien. Nous pouvons peut-être passé à huis clos partiel pour cela.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, passons en audience à huis clos
26 partiel, je vous prie.
27 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
28 M. VANDERPUYE : [interprétation]
Page 9217
1 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous dire les noms des personnes, car nous
2 sommes à huis clos partiel maintenant, pour que ce soit plus clair.
3 R. Il a dit voilà, textuellement : "C'est Rajko Dzukic de Milici qui nous
4 a arrangé comme cela." Il a injurié. J'ai dit : "Miroslav, s'il te plaît,
5 essaie de parler avec des personnes que tu connais grâce à tes contacts, à
6 des personnes qui sont haut placées." Car lui, il avait des contacts avec
7 les dirigeants politiques, et moi, je n'en avais pas. Donc, je lui ai dit
8 d'essayer de voir ce qui se passe et d'empêcher ceci, que ce genre de chose
9 ne nous arrive. Je lui ai dit que nous n'avions pas vraiment besoin de ce
10 genre de problème et cela s'est terminé comme cela entre nous deux. Il a
11 promis qu'il verrait, qu'il essayerait de voir ce qui se passe.
12 Q. D'accord. Vous nous avez dit que MD était la personne à qui vous
13 parliez, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Pour que le compte rendu d'audience soit tout à fait clair, pourriez-
16 vous nous donner le nom de cette personne. Maintenant, nous sommes à huis
17 clos partiel. Vous pouvez le faire.
18 R. C'était Miroslav Deronjic.
19 Q. D'accord.
20 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que nous pouvons maintenant
21 retourner en audience publique.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] D'accord. Retournons en audience
23 publique.
24 [Audience publique]
25 M. VANDERPUYE : [interprétation]
26 Q. En fait, --
27 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
28 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
Page 9218
1 Q. Monsieur, je crois que je vous ai déjà demandé si vous saviez que l'on
2 allait transférer certaines personnes qui se trouvaient dans les autocars à
3 l'école. Est-ce que c'est quelque chose qui est arrivé à un certain moment
4 donné ?
5 R. Je ne sais pas si c'est arrivé ce soir-là, mais le lendemain j'ai su
6 que tôt le matin on avait emmené des détenus à l'école.
7 Q. D'accord. Je crois que vous nous avez dit qu'il y avait des autocars
8 tout près du terrain de sport. Est-ce que vous savez s'il y avait des
9 Musulmans, si les Musulmans qui se trouvaient à l'extérieur du terrain de
10 sport, cela implique que les Musulmans étaient à l'extérieur du terrain de
11 sport, ou bien est-ce qu'ils étaient tous à bord des autocars ?
12 R. Ils étaient tous à l'intérieur des autocars. Personne ne m'a dit que
13 ces derniers étaient sortis. A moins que quelqu'un ne soit perdu, car vous
14 savez Potocari se trouve tout près de là. Il y avait 10 000 personnes, mais
15 plus tard nous avons su qu'il y avait des gens qui s'étaient égarés et qui
16 étaient venus à pied à Bratunac depuis Potocari, et qu'en tant que tel, des
17 personnes égarées et elles étaient amenées à l'école.
18 Pour moi, l'école ne représentait pas une prison. Pour moi, c'était
19 une sorte de centre de rassemblement à l'époque car cette école était
20 détruite en 1992. Elle avait subi beaucoup de dégâts. Les fenêtres avaient
21 été cassées. Il est vrai que cette école avait des murs et un toit, mais
22 toutes les fenêtres avaient été soufflées en 1992, brisées. Donc, cette
23 école ne servait pas d'école. Elle n'était plus fonctionnelle en tant
24 qu'école, parce qu'à Bratunac il y avait, en fait, une autre école et c'est
25 là qu'on donnait des cours.
26 Q. Oui. Passons à la date du 13 juillet. Est-ce que pendant cette journée-
27 là vous êtes allé voir DT. Je crois qu'on a parlé de cette personne comme
28 étant la personne portant les initiales DT.
Page 9219
1 R. Oui, dans la matinée, je suis allé avoir DT.
2 Q. Est-ce qu'il vous a donné des informations concernant l'ancien chef de
3 police de Bratunac ?
4 R. DT est un bon collaborateur. C'était quelqu'un avec qui je m'entendais
5 très bien, et c'est un ami d'enfance. Nous nous voyions très souvent.
6 Dans la matinée j'étais allé le voir avec l'intention de prendre un
7 café avec lui, de le saluer. Je voulais avoir des informations sur les
8 opérations de guerre. Lorsque je suis arrivé chez lui, il m'a dit : "Tu
9 sais qui a été enfermé ou détenu ?" Est-ce que je peux donner son nom, si
10 vous voulez ? Voulez-vous que je vous donne son nom ? C'est Resic Imanovic.
11 Resic Imanovic, c'est une personne qui, entre 1980 et 1984, était le chef
12 de police de Bratunac. Au cours de cette même période ou pendant cette même
13 période, j'étais son adjoint. Nous travaillions ensemble au poste de
14 police.
15 Cette personne, outre le fait que nous avions travaillé ensemble,
16 nous étions de bons amis, nous étions de vrais amis, devenus proches. Nos
17 familles se visitaient et nous étions devenus de bons copains et nous
18 passions beaucoup de temps ensemble à aller à la pêche, dans les
19 restaurants, dans les cafés.
20 J'ai voulu le voir. J'ai voulu voir Resid, et on m'a dit qu'il était
21 chez ZC.
22 Q. Je vais vous arrêter ici pendant quelques instants.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avant de poursuivre, vous lui avez posé
24 des questions concernant l'école. Il vous a donné des réponses pour ce qui
25 est de cette même école, mais la seule indication qu'il ait donnée quant à
26 l'école qu'il avait évoquée se trouve à la page 25, ligne 20. Il a parlé,
27 "d'une école qui se trouvait auprès du bâtiment municipal." Plus tard, il a
28 parlé d'une autre école sans en donner le nom. Il nous faudrait
Page 9220
1 certainement préciser le point. Il faudrait préciser le nom de l'école.
2 Est-ce que le témoin pourrait nous donner les noms des deux écoles et cela
3 nous aiderait énormément.
4 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Est-ce que vous avez compris et entendu le commentaire du Président ?
6 M. LAZAREVIC : [interprétation] Monsieur le Président --
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Lazarevic.
8 M. LAZAREVIC : [interprétation] Je suis vraiment désolé d'interrompre, mais
9 il nous faudrait peut-être expurgé un passage. Je souhaiterais attirer
10 votre attention sur la page --
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je crois que vous faites référence à la
12 page 28, ligne 20.
13 M. LAZAREVIC : [interprétation] Oui. De 20 à 24.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que l'ensemble de son
15 témoignage pourrait tomber dans cette catégorie, si vous voulez. Lorsque
16 vous avez fait référence à cette personne du nom de Resid, vous dites que
17 vous étiez proche et ceci pourrait vous identifier, n'est-ce pas ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est vrai.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous aimeriez que l'on
20 expurge cela ou pas ? En fin de compte, la conclusion à laquelle je vais
21 arriver c'est que la seule raison pour laquelle nous vous avons octroyé des
22 mesures de protection c'est pour protéger votre identité des personnes qui
23 pourraient vous identifier, pour ne pas révéler l'identité du témoin. C'est
24 la seule raison. Mais tous les renseignements que nous avons reçus en
25 audience publique hier et aujourd'hui nous mènent vers une situation dans
26 laquelle on pourrait
27 très bien révéler l'identité du témoin.
28 Est-ce que vous aimeriez que l'on expurge ce passage-là ?
Page 9221
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Tout le monde sait que je l'avais
2 rencontré.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, je vous prie. Merci, Maître
4 Lazarevic, d'avoir attiré notre attention sur ces lignes.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation]
6 Q. D'abord, je voudrais parler de l'école. Le Président n'avait pas très
7 bien saisi le nom de l'école. Alors est-ce que vous pourriez, Monsieur le
8 Témoin, nous donner le nom de l'école.
9 R. Pour qu'il n'y ait pas de confusion, l'école qui se trouve à côté de la
10 municipalité s'appelait avant la guerre Vuk Karadzic. Pendant la guerre,
11 cependant, son nom a été changé, et le nouveau nom était Branko Radicevic,
12 alors que l'autre école élémentaire s'appelait maintenant Vuk Karadzic,
13 alors qu'avant la guerre, elle s'appelait Hasan Midhat.
14 L'école à côté de la municipalité dans laquelle des détenus avaient été
15 amenés à ce moment-là s'appelait Branko Radicevic. Je ne sais pas si c'est
16 clair ?
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, oui, très bien. Merci beaucoup.
18 M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrait-on passer à huis clos partiel, je
19 vous prie, pour quelques instants ?
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien, passons à huis clos partiel.
21 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous sommes à huis clos partiel.
23 M. VANDERPUYE : [interprétation]
24 Q. Je crois que vous avez fait référence à quelqu'un un peu plus tôt qui
25 portait les initiales "ZS" [comme interprété]. Pourriez-vous nous donner le
26 nom de cette personne ?
27 R. Oui, ZC, accent diacritique, c'est Zlatan Celanovic. Ce n'est pas un C
28 en B/C/S, mais C-h.
Page 9222
1 L'INTERPRÈTE : Donc, C avec un accent diacritique, un accent circonflexe à
2 l'envers.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Zlatan Celanovic travaillait en tant
4 qu'enquêteur. Il était juriste diplômé, mais il avait travaillé comme
5 enquêteur. C'était lui qui menait les interrogatoires au poste de police.
6 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de le rencontrer, de lui parler, de
7 parler à Celanovic ?
8 R. J'ai appelé Dragan Trsic, mais DT n'a pas voulu lui parler. Il m'a dit
9 : Je ne veux pas. J'ai dit : Je voudrais le voir. Parce que vous savez,
10 nous étions copains, collaborateurs, amis, et il m'a dit : Appelle Zenica,
11 puis tu lui poseras la question, prends le téléphone et appelle-le. J'ai
12 composé le numéro, j'ai eu ZC, accent diacritique, et je lui ai dit : Est-
13 ce que Resid est chez toi ? Il a dit : Oui. J'ai dit : Est-ce que je peux
14 le voir ? Il m'a dit : Oui. J'ai dit : Quand ? Il m'a dit : Tout de suite,
15 si tu veux. Alors, j'ai dit : J'arrive tout de suite.
16 Le bâtiment de la police militaire se trouvait de 30 à
17 40 mètres de l'endroit où j'étais avec DT, tout près du commandement. Très
18 rapidement, j'ai parcouru ce chemin, je suis allé voir ZC, accent
19 diacritique, à son bureau. Il était seul. Il s'est absenté pendant quelques
20 minutes, un instant, une minute ou deux, et il a amené Resid dans son
21 bureau.
22 Q. Très bien.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel. Je ne
24 sais pas si vous voulez retourner en audience publique ?
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, mais pour le compte rendu d'audience,
26 je voulais seulement préciser ce que j'ai dit à page 31, ligne 19. J'ai
27 fait une référence à M. Sinanovic, et non pas Celanovic, donc il faudrait
28 apporter cette correction au compte rendu d'audience.
Page 9223
1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais de toute façon, le compte
2 rendu d'audience sera corrigé et complété après la session.
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] Sinanovic, S-i-n-a-n-o-v-i-c.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Il m'a semblé vous avoir entendu
5 prononcer ce nom, effectivement.
6 Aimeriez-vous que l'on demeure à huis clos partiel ou aimeriez-vous
7 passer en audience publique ?
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] En audience publique, s'il vous plaît.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien.
10 [Audience publique]
11 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler à Resid ?
13 R. Oui. Lorsque Resid est entré dans le bureau, selon son expression, j'ai
14 conclu que Zlatan ne lui avait pas dit qu'il l'avait amené me voir, donc
15 lorsqu'il est entré dans le bureau, il était très surpris de me voir. Je me
16 suis levé, je me suis approché de lui, je lui ai tendu la main. Nous nous
17 sommes salués, et pendant environ une dizaine de secondes, il a gardé ma
18 main dans la sienne. Ensuite, il m'a approché vers lui et nous nous sommes
19 embrassés. Nous nous sommes assis autour d'une table qui se trouvait dans
20 le bureau. Zlatan est sorti du bureau, il nous a laissés seuls. Nous avons
21 passé à peu près une heure ensemble, peut-être plus. Nous avons parlé.
22 Q. Est-ce que vous avez reçu des renseignements quant à ce qui allait lui
23 arriver ?
24 R. Je me sentais très mal à l'aise, parce que je savais que je ne pouvais
25 pas lui venir en aide. Je n'étais pas assez puissant pour le faire sortir
26 de là. Je ne pouvais pas lui dire : "Tu peux sortir, sors." C'est ce que je
27 voulais lui dire. "Resid, ce qui se passe, c'est une opération militaire."
28 J'ai voulu lui faire comprendre cela. "Je travaille dans la municipalité."
Page 9224
1 Il a dit : "Je sais, je sais tout. J'ai entendu à la radio." Parce que là-
2 haut, à Srebrenica, ils étaient en mesure d'écouter les conversations qui
3 se faisaient par voie de radio. Il a dit : "Je sais que tu as été nommé à
4 ce poste. Je te remercie d'être venu me voir en tant qu'homme et ami."
5 J'ai dit : "Resid, est-ce que tu as subi des mauvais traitements ? Est-ce
6 que tu as faim ?" Il m'a dit : "Non, personne ne m'a maltraité, et je n'ai
7 pas faim." Nous avons poursuivi notre conversation.
8 Je lui ai dit que cela irait bien, j'ai voulu l'encourager. Nous nous
9 sommes parlé pendant une heure à peu près. J'ai dit : "Il n'y a pas de
10 problème. Tu feras l'objet d'un échange." Car c'est ce que DT m'avait dit,
11 mais c'est ce que nous pensions de toute façon nous tous. J'ai dit : "Tu
12 feras l'objet d'un échange, il n'y aura pas de problèmes particuliers, tu
13 verras".
14 J'ai essayé de venir en aide à Resid en 1992. Je me souviens très bien des
15 dates également. Etant donné que le tout s'était déroulé à la veille de la
16 fête du 6 mai, le jour de la Saint-Georges, qui est ma fête de famille, je
17 me souviens très bien de cette date. Le 5 mai, dans la soirée, Resid m'a
18 appelé à la maison par voie téléphonique et il m'a demandé de venir le voir
19 dans son appartement. C'est ce que j'ai fait.
20 Dans l'appartement, j'ai vu sa femme, ses deux fils et lui. Je l'ai salué,
21 et il m'a dit : "Tu sais pourquoi je t'ai appelé ? Je t'ai appelé," me dit-
22 il, "parce qu'à Bratunac, la situation ne semble pas être très bonne. Je
23 voudrais partir à Skopje, chez mon frère Iza," qui était capitaine dans la
24 JNA, "jusqu'à ce que la situation ne se calme et je vais revenir après." Il
25 m'a dit ensuite : "Je te prierais de demander à MD un laissez-passer qui me
26 permettrait de partir de Bratunac." Etant donné que MD était un voisin -
27 vous savez, nos maisons se trouvaient vraiment côte à côte - et étant donné
28 que nous étions de bons amis, j'ai dit à Resid que j'étais persuadé qu'il
Page 9225
1 n'y aurait pas de problème, même si à l'époque je n'étais pas un membre du
2 SDS. C'est-à-dire je faisais partie du SDP, j'étais un ancien communiste,
3 si vous voulez.
4 Je n'étais pas dans le même parti que MD, mais nous étions de bons amis, de
5 bons voisins. Je suis allé le voir. Je n'ai pas pu trouver MD tout de
6 suite. Je ne l'ai trouvé que vers 21 heures. Il était en réunion, et on lui
7 a dit que j'avais besoin de le voir.
8 Q. Permettez-moi de vous demander ceci : est-ce que cela fait partie de la
9 conversation que vous avez eue avec lui le
10 13 juillet 1995 ?
11 R. Oui, parce que j'ai demandé à Resid : "Pourquoi n'es-tu pas parti,
12 puisque j'ai réussi à t'obtenir des laissez-passer ? Pourquoi n'es-tu pas
13 allé à Skopje ?" Parce que s'il avait quitté la ville à ce moment-là, il ne
14 se serait pas trouvé là, à Srebrenica, parce que dans la matinée du 6, je
15 lui ai donné les laissez-passer, MD m'avait donné des laissez-passer. Il
16 n'est pas parti le 6, il est parti le 7. Il a dit que sa voiture n'était
17 pas très bonne. Il avait une petite voiture de marque Fiat. Il a dit : Ma
18 voiture n'est pas suffisamment bonne. Je vais aller d'abord dans un village
19 qui se trouve tout près de là, et le 7 dans la matinée, je partirai pour
20 Skopje afin de conduire pendant la journée.
21 Malheureusement, sur le pont de la Drina, il a traversé le pont, il s'est
22 retrouvé en Serbie et il s'est retrouvé à Ljubovija, qui se trouve à 3
23 kilomètres du pont sur la Drina. A côté de l'hôtel, la police l'avait
24 arrêté, la police de Ljubovija, la police serbe l'a arrêté et ils l'ont
25 retourné à Bratunac.
26 Q. D'accord. Merci.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] L'heure est propice pour prendre la
28 pause, n'est-ce pas ?
Page 9226
1 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Nous prendrons maintenant notre
3 pause matinale et nous reviendrons dans une vingtaine de minutes.
4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
5 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je pense que nous pouvons reprendre,
7 Monsieur Vanderpuye.
8 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur le Témoin, après votre départ, lorsque vous avez quitté ZC, C-
10 h, est-ce que vous êtes retourné à Bratunac ?
11 R. Après l'avoir vu ? Oui, je suis brièvement retourné auprès de DT. Nous
12 avons échangé quelques propos, puis en 10 ou 15 minutes je suis retourné à
13 mon bureau.
14 Q. Maintenant, après que vous soyez retourné à Bratunac, est-ce qu'à un
15 moment quelconque vous êtes allé à une école en ce concerne Resid
16 Sinanovic ?
17 R. Oui. J'ai demandé à ZC combien de temps Resid resterait là, et il a dit
18 : "Dans l'après-midi il faudra que je le transfère à l'école élémentaire
19 Branko Radicevic." Il a dit que notre police était là-bas, c'est cela qu'il
20 a dit. Je vais dire aux policiers de prendre un soin particulier de Resid
21 de façon à ce que personne ne le maltraite.
22 Ayant entendu que c'étaient nos policiers qui assuraient la sécurité
23 de cette école là-bas, j'ai moi-même emprunté cette rue près de l'école,
24 parce que c'est la même voie soit de prendre cette rue ou la route
25 principale vers le bâtiment municipal. Et de vue, j'ai vu qu'il y avait un
26 policier devant l'école, policier que je connaissais, et je lui ai dit :
27 S'ils emmènent Resid ici, prends-en bien soin, notamment s'il a besoin
28 d'eau, et ainsi de suite, et veille à ce que personne ne lui fasse du mal.
Page 9227
1 C'est la seule fois que je suis allé à l'école ou je suis passé près de
2 l'école. En fait, cette école se trouve à près de 100 mètres du bâtiment
3 municipal.
4 Q. Si vous pouvez, pourriez-vous simplement nous décrire cette école et
5 les bâtiments les plus proches ?
6 R. C'est un bâtiment de trois étages, cette école. J'y ai été professeur,
7 moi-même j'y ai enseigné, et je sais que l'école a
8 16 salles de classe. C'est une grande école. Elle a également un gymnase ou
9 une salle de gymnastique. Près de l'école, comme je l'ai dit, se trouve le
10 bâtiment municipal qui se trouve de 50 à 75 mètres de là. Il y a aussi
11 l'ancienne école secondaire. Le centre de l'école secondaire, c'est un
12 vieux bâtiment. C'est l'ancien bâtiment de l'école du bâtiment. Il y avait
13 là aussi un hangar qui avait été pillé et qui était utilisé comme atelier
14 par le centre d'école secondaire avant la guerre. Voilà une brève
15 description de l'école.
16 Q. Bien. Je vous remercie. Maintenant, je veux appeler votre attention à
17 la date du 14 juillet 1995, si vous le voulez bien. Est-ce que vous
18 travailliez ce jour-là ?
19 R. Oui. De 7 heures du matin, peut-être un peu avant 7 heures, mais les
20 heures de travail, en fait, c'était de 7 heures du matin, l'heure à
21 laquelle j'arrivais d'habitude au travail. Donc le 14, je suis arrivé à mon
22 bureau à cette heure-là.
23 Q. Quand vous étiez à votre bureau, est-ce que quelqu'un est venu vous
24 voir ?
25 R. Oui. C'était peut-être vers 7 heures ou un peu après
26 7 heures, deux personnes sont venues à mon bureau.
27 M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrions-nous aller à huis clos partiel
28 un instant, s'il vous plaît.
Page 9228
1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, huis clos partiel, s'il vous
2 plaît.
3 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes maintenant.
5 M. VANDERPUYE : [interprétation]
6 Q. Pourriez-vous nous dire les noms ou le nom des personnes ou de la
7 personne qui est venue vous voir ?
8 R. Une de ces personnes était Jovan Nikolic, et l'autre personne était
9 Dragan Nikolic. Jovan Nikolic était directeur de la coopérative, et Dragan
10 Nikolic était également un des directeurs de la coopérative. Comment vous
11 expliquer cela ? L'organisation dans la région de la municipalité de
12 Bratunac, il y avait plusieurs coopératives. Elles étaient associées ou
13 unies dans une organisation qui s'appelait le complexe. La coopérative ou
14 le complexe de coopérative ou l'organisation de coopératives. Cette
15 coopérative de Kravica faisait partie de cette organisation du complexe des
16 coopératives.
17 Je ne peux être absolument sûr, mais à ce moment-là il y a eu comme une
18 scission, une dissociation, et cette association s'est dissoute. Donc, je
19 ne peux pas être absolument sûr que c'était Jole ou Dragan Nikolic qui
20 était le directeur de la coopérative de Bratunac. C'était sur le point que
21 Dragan Nikolic allait quitter comme directeur, et Jovan Nikolic allait être
22 nommé, désigné. C'était à la charnière. Nous étions là en train de parler
23 de ce qui s'était passé l'après-midi de la veille, ce qui s'était passé
24 dans l'après-midi à la coopérative de Kravica.
25 Q. Bien.
26 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je pense qu'on peut retourner en audience
27 publique.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Retournons en audience publique.
Page 9229
1 Nous sommes en audience publique.
2 [Audience publique]
3 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Vous avez dit que vous aviez eu une conversation avec ces personnes qui
5 sont venues vous voir au sujet de Kravica. Pouvez-vous nous dire ce qu'ils
6 vous ont dit ?
7 R. Ils m'ont dit que la veille, dans l'après-midi, il y avait eu des
8 meurtres de Musulmans, des Musulmans qui ont été tués à la coopérative.
9 Jusque-là, je n'avais pas entendu parler de cela. La première fois que j'en
10 ai entendu parler, c'est par eux. Cela m'a surpris, cela m'a beaucoup
11 surpris. J'étais désemparé, j'étais stupéfait. Je ne pouvais pas le croire.
12 Je ne pouvais pas croire que quelque chose comme cela s'était passé. Tout
13 particulièrement parce que j'avais été présent à la réunion à l'hôtel
14 Fontana où il avait été convenu qu'il y aurait une évacuation, et qu'elle
15 serait faite de façon régulière, correcte. Puis soudain ceci a lieu.
16 Cela a eu pour moi un effet dévastateur, de choc. Je ne pouvais pas le
17 croire. Malheureusement, c'était vrai. Cela a effectivement eu lieu.
18 Q. A un moment donné après cette conversation avec ces personnes, avez-
19 vous reçu un appel pour vous dire de vous rendre au bureau du SDS ?
20 R. Ma conversation avec ces deux personnes était une simple conversation.
21 J'ai eu les renseignements, mais je ne sais pas pourquoi ils sont venus me
22 trouver pour me dire cela. Je suppose que c'était parce qu'ils savaient -
23 enfin ils sont venus me voir. Ils venaient fréquemment me voir, et ils ont
24 probablement éprouvé le besoin de le dire à quelqu'un, d'en parler avec
25 quelqu'un. Peut-être après deux heures après cette conversation avec ces
26 personnes ils m'en ont parlé, ils sont restés auprès de moi pendant environ
27 une heure à peu près. Je ne peux pas être absolument sûr.
28 Quelques temps après cela, vers 9 heures 30 ou aux environs de 9 heures 30,
Page 9230
1 la secrétaire du Parti démocratique serbe m'a appelé. Elle m'a demandé si
2 elle pouvait venir au bureau. Elle m'a demandé si je pouvais me rendre à ce
3 bureau, parce qu'il y avait une personne, un homme qui m'attendait pour me
4 voir là. J'ai dit que j'irai là-bas et c'est que j'ai fait.
5 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé lorsque vous êtes rendu à ce
6 bureau ? Pour commencer, est-ce que vous avez rencontré l'homme en
7 question ?
8 R. Oui. Je suis allé à ce bureau. Lorsque j'y suis entré, j'ai vu la
9 secrétaire qui était là ainsi qu'un homme. La secrétaire était assise à son
10 bureau et l'homme était assis à la petite table où on sert le café, la
11 table basse. Lorsque je suis entré, cette personne s'est mise à me parler.
12 On a serré la main. Je ne connaissais pas cette personne, c'était la
13 première fois que je le voyais. Il s'est présenté et il m'a dit de prendre
14 un siège.
15 Q. [aucune interprétation]
16 R. Son nom était Beara. Dès que j'ai vu le "colonel Beara" en uniforme. Je
17 me suis trouvé là avec lui pendant environ dix minutes tout au plus.
18 C'était une conversation non formelle : "Comment allez-vous, que se passe-
19 t-il ? Comment vont les choses à Bratunac ? Comment est-ce que cela va pour
20 le travail ?" Et ainsi de suite. Comme j'ai dit, c'était une conversation
21 qui n'avait rien d'officiel, d'après ce que je me rappelle.
22 Les bureaux pour le SDS, il y avait, en fait, deux bureaux. Le
23 premier c'était celui où était la secrétaire, puis il y avait celui où se
24 trouvait le colonel, puis dans l'entrée à l'autre bureau il y avait une
25 porte capitonnée couverte de cuir. Et il y avait l'endroit où seul le
26 président se trouvait. Le colonel m'a dit : "Est-ce que vous voulez venir
27 dans cet autre bureau ? Il y a d'autres personnes qui voudraient
28 s'entretenir avec vous."
Page 9231
1 Il ne m'a pas dit qui étaient ces personnes ou de quoi elles
2 voulaient me parler. Je me suis levé. J'ai ouvert la porte. Je suis entré
3 dans ce bureau. Et là, j'ai vu deux officiers que je ne connaissais pas,
4 qui étaient en uniforme. Je crois que l'un d'entre eux était un colonel et
5 l'autre était un lieutenant-colonel.
6 Q. Pourriez-vous nous dire si ces personnes étaient des membres de
7 la Brigade de Bratunac ?
8 R. Non, ils n'étaient pas certainement des membres. Parce que je
9 connaissais tous les membres de la Brigade de Bratunac, et ces personnes-
10 ci, je les voyais pour la première fois. Si je les voyais maintenant, je ne
11 les reconnaîtrais pas. Parce que je ne les avais jamais vus précédemment.
12 Ils ne sont pas présentés. Ils n'ont pas dit leurs noms et ils
13 n'appartenaient pas à la Brigade de Bratunac. De cela, je suis sûr à 100 %,
14 parce que je connaissais les gens de la brigade.
15 Q. Avez-vous jamais demandé au colonel qui étaient ces personnes ou qui
16 ils pouvaient bien être ?
17 R. Le colonel Beara ?
18 Q. [chevauchement des voix]
19 R. Je n'ai jamais rencontré à nouveau le colonel, pas quand je suis parti.
20 Non, je ne lui ai pas demandé qui étaient ces personnes. Après avoir achevé
21 la conversation avec ces personnes j'ai quitté le SDS, j'ai dit au revoir
22 au colonel. Je n'ai pas fait de commentaire sur quoi que ce soit avec lui.
23 Nous n'avons pas vraiment parlé de ce qui s'était passé à l'intérieur avec
24 ces autres hommes.
25 Q. Bien. Pourriez-vous nous dire ce dont il avait été question ? Qu'est-ce
26 que cela a été cette conversation que vous avez eue avec ces autres
27 hommes ?
28 R. Très rapidement, ces personnes sont passées à la question du motif pour
Page 9232
1 lequel on m'avait demandé de venir les voir. Ils m'ont demandé : "Qu'est-ce
2 que les sociétés ou compagnies dans votre municipalité ont comme matériel
3 de construction ou comme engin de terrassement ?" J'ai dit qu'une fabrique
4 de briques avait une construction, un appareil de construction appelé un
5 ULT, et la société des services avait une machine plus petite appelée un
6 SKIP.
7 Q. Pourriez-vous décrire ce que sont ces machines de façon à ce que nous
8 ayons bien clairement au compte rendu de quoi vous parlez ?
9 R. L'engin ULT est un engin de construction. Je ne suis pas expert en
10 matière de bâtiments de construction, mais je peux le décrire de mon mieux.
11 Il comporte un très grand godet. C'est comme un seau. C'est une grosse
12 machine. Je pense qu'elle est utilisée pour des chargements, pour charger.
13 Je ne sais pas. Je sais qu'on l'utilise pour faire des chargements. Il a
14 donc un très grand godet, comme un seau, qui est peut-être de la taille de
15 cette table de bureau ou peut-être un peu plus petite.
16 La machine SKIP appartenait à la société des services et était
17 utilisée pour creuser. C'était une petite machine pour creuser.
18 Q. Est-ce que vous avez fait quoi que ce soit en ce qui concerne le
19 fait de faire venir ces engins ou les fournir à ces personnes, leur
20 permettre d'avoir accès à ces machines ?
21 R. On a demandé s'il serait possible, s'il me serait possible de mettre la
22 machine ULT à leur disposition, et j'ai dit, Je pense que oui, et que je
23 téléphonerais au directeur de la fabrique de briques sont le nom était NN.
24 Q. Bien.
25 M. VANDERPUYE : [interprétation] Pourrions-nous aller un instant en
26 audience à huis clos partiel.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allons en audience à huis clos partiel.
28 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
Page 9233
1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes.
2 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien.
3 Q. Pourriez-vous nous dire le nom de la personne ?
4 R. Nedzo Nikolic, le directeur de la fabrique de briques.
5 Q. Pendant que nous sommes en audience à huis clos partiel, est-ce que
6 vous avez appelé quelqu'un d'autre ?
7 R. Non. Je n'ai appelé que lui.
8 Q. Bien. Pendant cette réunion que vous avez eue avec ces deux autres
9 hommes, un colonel et un lieutenant-colonel, est-ce que le colonel Beara
10 était dans la pièce avec vous ?
11 R. Non, le colonel est resté --
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce nécessaire de rester à huis clos
13 partiel ?
14 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, excusez-moi nous pouvons retourner en
15 audience publique.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Retournons en audience publique. Je
17 vous remercie.
18 [Audience publique]
19 M. VANDERPUYE : [interprétation] Excusez-moi.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pouvez-vous répéter votre question,
21 s'il vous plaît.
22 M. VANDERPUYE : [interprétation] Oui, certainement.
23 Q. Au cours de votre réunion avec ces deux autres hommes, le colonel et le
24 lieutenant-colonel, est-ce que le colonel Beara était dans la pièce avec
25 vous ?
26 R. Non, le colonel Beara est resté dans le premier bureau où se tenait la
27 secrétaire. C'est là que je l'ai trouvé lorsque je suis entré. Il n'est pas
28 entré dans l'autre bureau où je me suis trouvé avec les deux autres hommes.
Page 9234
1 Q. Est-ce qu'à un moment quelconque vous avez discuté de l'objet de cette
2 réunion avec le colonel Beara ?
3 R. Non. Le colonel ne m'a pas dit lorsque j'étais venu, pourquoi j'avais
4 été convoqué. Quand je suis sorti de la pièce, il ne m'a pas posé de
5 question, il ne m'a pas demandé si j'avais donné mon accord pour quelque
6 chose ou fait un accord. Comme on dit, nous n'avons pas parlé de questions
7 de travail, de questions professionnelles, si je peux dire, quelque chose
8 comme cela. On n'a pas parlé des motifs pour lesquels j'avais été convoqué.
9 Peut-être serait-il intéressant de dire également ceci : lorsque ces
10 personnes m'ont parlé des machines, en me disant qu'ils en avaient de
11 besoin, j'avais une idée de la raison pour laquelle ils avaient besoin de
12 ces engins. La réunion précédente que j'avais avec ces deux, JN et ND,
13 m'avait donné en quelque sorte une piste des raisons pour lesquelles on
14 avait besoin de ces engins. C'est pour cela qu'ils auraient eu besoin de
15 ces engins, pour ce type de travail.
16 Me rappelant 1992 et la personne qui avait fait fonctionner cette machine,
17 cette personne est mon --
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y, excusez-nous pour
21 l'interruption, mais il fallait qu'on discute de quelque chose avant que le
22 témoin ne finisse de répondre à la question.
23 Vous étiez en train de dire, Monsieur le Témoin, qu'il serait peut-être
24 intéressant également de relever que lorsque ces personnes ont parlé des
25 engins dont ils avaient besoin, vous aviez une idée du motif pour lequel
26 ils en avaient besoin.
27 A la réunion précédente que j'avais eue avec les deux autres JN et MD
28 m'avait donné en quelque sorte une idée des motifs pour lesquels ils
Page 9235
1 auraient besoin de ces engins. C'est pour cela qu'ils auraient besoin de
2 ces machines pour ce genre de chose. Vous étiez sur le point d'expliquer
3 lorsque je vous ai interrompu et vous pouvez répondre, s'il vous plaît.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que nous ne nous sommes pas bien
5 compris. Dans ce contexte, il y a les deux autres que j'avais rencontrés en
6 premier et qui n'ont rien à voir avec les deux autres, mais lorsqu'ils
7 m'ont parlé de ce qui s'était passé, je me suis formé moi-même une sorte
8 d'hypothèse des raisons pour lesquelles ils auraient besoin de ces engins.
9 J'espère que c'est clair.
10 J'ai commencé à parler de l'homme qui faisait fonctionner l'engin, que je
11 connaissais. Je sais qu'en 1992, il avait eu une expérience désagréable
12 alors qu'il se servait de cet engin, en train de faire un travail. J'avais
13 une idée que cet engin était nécessaire pour cela. J'ai dit à ces gens :
14 "Vous aurez la machine sans aucun doute, mais la personne qui l'a fait
15 fonctionner n'est pas apte à faire ce genre de chose." A ce moment-là, un
16 des deux hommes m'a dit de façon assez désagréable : "Ce n'est pas à vous
17 de dire qui peut se servir de cet engin et qui ne peut pas." Et j'ai dit :
18 "Je ne faisais qu'une remarque, cela ne vous oblige pas à quoi que ce
19 soit."
20 Ensuite je me suis retiré de ce bureau avec la promesse que cette machine
21 serait mise à leur disposition.
22 M. VANDERPUYE : [interprétation]
23 Q. Maintenant, est-ce que vous avez parlé avec l'un ou l'autre de ces
24 hommes lors cette réunion de votre préoccupation de l'idée que vous aviez
25 quant à l'usage auquel on pourrait employer ces engins ?
26 R. Quelles personnes ? Les gens qui étaient venus à 7 heures le matin ou
27 ces officiers de l'armée ? Je ne sais pas qui vous vous voulez dire. Je ne
28 sais pas de qui vous voulez parler.
Page 9236
1 Q. Je veux parler des officiers que vous avez vus plus tard. Les deux que
2 vous avez vus lors de la réunion qui a eue lieu plus tard.
3 R. Les officiers ne m'ont pas dit pourquoi ils auraient besoin de ces
4 machines. C'est moi qui ai fait une hypothèse, qui ai deviné qu'ils en
5 auraient probablement besoin pour cela ou pour peut-être une action
6 relative à des combats ou peut-être pour creuser des tranchées ou quelque
7 chose de ce genre. Etant donné ce qui s'était passé à Kravica, j'ai pensé
8 dans mon for intérieur que c'était peut-être la raison pour laquelle ils en
9 auraient de besoin. Ils n'ont pas dit pourquoi cette machine serait
10 utilisée. On ne m'a pas dit que ce serait le cas. Ce n'était qu'une
11 hypothèse de ma part. J'ai essayé de protéger l'homme qui s'évanouissait
12 tout le temps en 1992, alors qu'il était en train de faire ce type de
13 travail très dur avec cet engin. J'ai dit : Ne prêtez pas attention à cela,
14 ce n'était qu'une hypothèse, cela n'engage personne à quoi que ce soit.
15 Q. Maintenant, la façon dont ces hommes vous ont parlé pour ce qui était
16 de la façon d'obtenir ce matériel, est-ce que c'était une façon normale de
17 procéder pour ce qui est des rapports entre les civils et les militaires ?
18 R. C'était comme cela. Dans l'affaire Blagojevic, il y a eu un débat à ce
19 sujet : comment on peut obtenir un engin. Il y avait trois façons dont on
20 pouvait se procurer ce type de matériel. Premièrement, on pouvait l'obtenir
21 par le secrétariat de la Défense nationale en réquisitionnant l'engin. Le
22 commandant de la Brigade de Bratunac pouvait directement adresser au
23 conseil exécutif une demande. Le commandement pouvait également s'adresser
24 au directeur de façon directe.
25 Dans ce cas-ci, les personnes que je ne connaissais pas, ces
26 officiers, nous ont demandé *en tant que président du conseil exécutif. Il
27 n'y a pas eu de demande écrite juste une demande verbale. Je vous ai déjà
28 dit où cela avait eu lieu et comment cela avait eu lieu et quelle était la
Page 9237
1 façon habituelle de le faire, puisque la Brigade de Bratunac communiquait
2 ou DT, l'adjoint logistique, était celui qui faisait directement ce genre
3 de choses avec nous. Je veux dire par là qu'il était habilité à le faire
4 par le commandement, mais cette fois-ci c'est comme cela que cela s'est
5 passé.
6 Peut-être que c'était peut-être tout à fait hors de l'ordinaire.
7 Peut-être que c'était la façon la plus inhabituelle de procéder, sinon les
8 choses auraient été beaucoup plus régulières soit en passant par
9 l'entremise de secrétariat, soit par la Brigade de Bratunac mais cette
10 fois-ci ce n'est pas comme cela que cela s'est passé.
11 Q. Est-ce que cela vous frappe comme étant inhabituel ? Est-ce que vous
12 vous êtes trouvé placé dans une situation de ce genre dans le passé ?
13 R. Vous savez, j'ai compris que c'était la guerre et que certaines choses
14 probablement ne se déroulaient pas conformément aux règles ou aux lois. Je
15 veux dire que peut-être il y a des cas où on n'a pas assez de temps pour
16 faire certaines choses. Parfois, il est peut-être nécessaire de faire
17 certaines choses de façon indirecte et peut-être pas conformément à la
18 procédure et ainsi de suite.
19 M. VANDERPUYE : [interprétation] Bien. Pouvons-nous aller en audience à
20 huis clos partiel pour un moment.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allons-y. Nous y sommes.
22 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
23 M. VANDERPUYE : [interprétation] Je vous remercie.
24 Q. Vous avez mentionné le fait que vous étiez préoccupé à l'idée que celui
25 qui faisait fonctionner ce matériel ULT, vous le connaissiez, et je
26 souhaiterais que pour le compte rendu on puisse donner son nom, cette
27 personne dont vous avez parlé.
28 R. Jurkovic, mais je ne parviens pas à me rappeler son prénom. Je connais
Page 9238
1 cette personne Durkovic. Il est venu ici. Il a déposé dans l'affaire
2 Blagojevic.
3 Q. Bien.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, ce n'est pas bien, en fait. Nous
5 sommes en audience à huis clos partiel, mais il faut qu'on soit prudent,
6 parce que je ne sais pas si la personne en question était un témoin protégé
7 en l'affaire Blagojevic ou pas.
8 Pour le moment, nous retournons en audience publique. Il faut que le témoin
9 soit prudent.
10 M. VANDERPUYE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pouvons-nous
11 retourner en audience publique ?
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr. Retournons en audience
13 publique.
14 [Audience publique]
15 M. VANDERPUYE : [interprétation]
16 Q. Vous avez indiqué que cette personne, voire vous étiez préoccupé à son
17 sujet, parce qu'il s'évanouissait continuellement dans le cadre d'une
18 opération en 1992. Pourriez-vous tout simplement nous dire ce qu'il
19 faisait ?
20 R. Peut-être que j'ai exagéré un peu en disant que j'étais préoccupé ou
21 inquiet. Ce n'est pas que j'étais exagérément préoccupé. Je voulais
22 simplement épargner cela à cet homme. Il creusait des fosses pour ensevelir
23 des Musulmans qui avaient été tués en 1992.
24 Q. Est-ce que c'est l'idée qui vous est venue à l'esprit que ce matériel
25 serait utilisé pour cela en 1995 ?
26 R. J'ai déjà dit cela. C'est ce que j'ai pensé quand j'ai entendu ce que
27 disaient MJ et ND à 7 heures du matin. Cela était mon hypothèse. Je pensais
28 continuellement dans mon for intérieur que cet engin pourrait être
Page 9239
1 nécessaire pour les tâches analogues, et c'est la raison pour laquelle je
2 voulais protéger cette personne.
3 Q. Je vous remercie pour --
4 R. Personne ne m'a jamais dit pourquoi on avait besoin de cette machine.
5 C'était simplement moi qui ai conclu cela.
6 Q. Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas d'autres
7 questions.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Vanderpuye, si vous en restez
9 là, je voudrais savoir ce qui s'est passé dans l'entrepôt de Kravica, bien
10 que vous avez dit qu'il avait été choqué, que cela avait eu un effet
11 dévastateur sur lui, qu'il était décontenancé. Il n'a pas vraiment décrit
12 de façon détaillée ce qu'il avait entendu dire par ces deux hommes. Est-ce
13 que vous pourriez aller aussi loin que possible pour avoir la description
14 mot à mot de ce qu'ils ont dit au témoin, s'il vous plaît.
15 M. VANDERPUYE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
16 Q. Vous avez entendu la question qui intéresse ce Juge concernant les
17 renseignements que vous aviez reçus à propos de Kravica. Pourriez-vous être
18 un peu plus précis ou aussi précis que possible, dirais-je, en ce qui
19 concerne des renseignements qui vous ont été donnés par ces deux hommes que
20 vous avez vus à 7 heures du matin ?
21 R. Ils m'ont dit que le 13, dans l'après-midi, de façon brutale, il y
22 avait environ une centaine de Musulmans qui ont été tués. Je ne me souviens
23 pas du nombre exact, mais il me semble qu'ils avaient mentionné de 600 à
24 800 hommes. J'ai essayé de m'imaginer le tout. Connaissant l'espace,
25 j'étais particulièrement frappé par l'espace restreint.
26 Et il m'a semblé improbable qu'un si grand nombre de personnes aient
27 pu être tuées dans des pièces si petites de taille. On m'a dit qu'il y
28 avait des cadavres empilés les uns sur les autres. Certaines ont parlé de
Page 9240
1 500 à 700 hommes. Plusieurs personnes ont mentionné plusieurs chiffres,
2 mais je ne sais pas si c'était 500 hommes ou
3 1 000 hommes, mais on mentionnait toujours cet ordre-là de grandeur, entre
4 500 à 700, 800 hommes. On a dit que ces hommes avaient été tués en
5 utilisant toutes sortes d'armes différentes, des grenades, des fusils, et
6 cetera.
7 On disait également que lorsqu'ils sont allés constater le tout, que ces
8 deux hommes qui avaient raconté ces choses-là, ils ont dit qu'eux aussi ils
9 ont eu des problèmes avec les hommes qui s'étaient adonnés à cette
10 activité, des personnes qu'ils ne connaissaient pas. Ils ont eu une
11 expérience désagréable. Ils n'arrivaient pas à dire, c'était Janko [phon]
12 ou Marko [phon] qui a fait ceci ou cela, mais c'était des gens qu'ils ne
13 connaissaient pas. Ils ont dit qu'à un certain moment donné, on a même
14 pointé les armes sur eux et lorsqu'ils ont dit : Mais qu'est-ce que vous
15 avez fait là ? Qu'est-ce que vous faites là ? Eux, ils ont dit que
16 c'étaient des dirigeants de cette entreprise. Ils les ont injuriés et ils
17 ont dit : Fuyez d'ici. Allez vous-en. Foutez le camp. Et on a même pointé
18 les armes sur eux.
19 Il y a également des paysans qui avaient des maisons non loin de là et ces
20 personnes ont dit qu'il y a une vieille personne qui a été maltraitée tout
21 près de là. C'était un vieillard qui était un peu sénile. On lui a fait
22 subir des mauvais traitements aussi. Il y avait toutes sortes de personnes
23 qui étaient dans les parages et qui étaient horrifiées par ce qui se
24 passait. C'était une horreur. Je n'étais pas sur place. Je n'ai pas vu tout
25 cela, mais d'après leurs dires, c'était quelque chose d'assez frappant,
26 épouvantable, horrible.
27 Q. Est-ce qu'ils vous ont dit dans quel état se trouvait tout cet espace
28 lorsqu'ils sont allés sur les lieux ?
Page 9241
1 R. Je ne vois pas de quel espace vous parlez. Ce bâtiment se trouve le
2 long de l'axe Bratunac-Kravica-Konjevic Polje. Le bâtiment se trouve
3 environ à 10 kilomètres de la route. Il y a une clôture,
4 10 mètres depuis la route goudronnée. C'est bien visible depuis la route.
5 Q. Je fais plutôt référence à l'état du bâtiment. Quel était l'état du
6 bâtiment lorsqu'ils sont allés constater ces choses ? Est-ce que le
7 bâtiment avait été nettoyé ? Est-ce qu'on était dans le processus de
8 nettoyer ?
9 R. Non, rien n'avait été fait dans ce sens-là. Il est vrai qu'ils m'ont
10 demandé qu'est-ce qu'on fait maintenant. J'ai dit : Nous sommes
11 impuissants, nous ne faisons rien. C'est le travail de l'armée. Nous ne
12 pouvons rien faire. Nous ne pouvons pas nous immiscer dans cela. Ce n'est
13 pas notre travail non plus. Il ne faut pas nous ingérer dans leurs affaires
14 et je leur ai dit que nous ne pouvions rien faire de particulier. Nous
15 n'avons rien fait. Nous n'avons rien pu faire. Nous ne savions pas quoi
16 faire de toute façon.
17 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Je n'ai plus de questions pour
18 vous.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Vanderpuye.
20 Quel est le conseil qui posera les questions d'abord ?
21 M. MRKIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. C'est moi qui
22 vais commencer le contre-interrogatoire de ce témoin.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous vous écoutons.
24 Contre-interrogatoire par M. Mrkic :
25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
26 R. Bonjour.
27 Q. Je suis quelque peu confus, car je ne sais pas à quel moment il faut
28 passer à huis clos partiel et en audience publique. Je vais essayer
Page 9242
1 d'éviter toute situation désagréable pour le témoin, donc je m'excuse
2 auparavant. Je ne voudrais surtout pas faire d'erreur.
3 Pour ce qui est du 11 juillet 1995, hier vous nous avez dit que vous vous
4 êtes trouvé à ce moment-là dans le village de Pribicevac ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que non loin de là il y a un poste de commandement de la Brigade
7 de Bratunac ?
8 R. Oui. Ce n'est pas le poste de commandement de la Brigade de Bratunac;
9 c'est le poste de commandement du 3e Bataillon, ou plutôt c'était la zone
10 de responsabilité du 3e Bataillon. C'était probablement aussi le poste de
11 commandement, si vous voulez. Mais je ne sais pas si c'était effectivement
12 le poste de commandement. On appelait cet endroit-là poste de commandement,
13 mais je ne sais pas si c'était le poste de commandement de la 3e Brigade --
14 du 3e Bataillon ou bien de la Brigade de Bratunac. Je crois que même le
15 colonel Blagojevic, qui était le commandant de la Brigade de Bratunac, ne
16 se trouvait pas là. Je crois que c'était le général Krstic qui s'y
17 trouvait. Etait-ce le poste de commandement du corps d'armée ? Je ne le
18 sais pas. Je ne suis pas sûr.
19 Le colonel Blagojevic, le commandant de la Brigade de Bratunac, ne se
20 trouvait pas à cet endroit-là. Maintenant, il est vrai qu'on appelait cet
21 endroit-là poste de commandement, mais c'était le lieu où se trouvait le
22 général Krstic. Depuis l'endroit où j'étais -
23 est-ce que j'exagère ? Est-ce que la dernière réponse est trop longue ?
24 Excusez-moi.
25 Q. Essayez peut-être de répondre de façon plus concise à mes questions.
26 Nous n'avons pas énormément de temps.
27 Vous avez parlé d'une personne qui vous est très proche, d'une
28 personne qui vous est chère et cette personne était quelque part ?
Page 9243
1 R. Oui, éloignée du poste de commandement de 200 à 250 mètres.
2 Q. Qui était le commandant de cette personne qui vous est chère et qui
3 était votre commandant à vous ?
4 R. C'était le "komandir" du 3e Bataillon.
5 Q. Non, je parle du commandant, pas du chef ou du responsable, mais du
6 commandant. Est-ce que c'était le colonel Blagojevic ?
7 R. Oui, c'était lui.
8 Q. Vous nous avez expliqué que vous avez eu une rencontre désagréable avec
9 le général Mladic. A quel moment avez-vous reçu de nouveau le général
10 Mladic ?
11 R. Le lendemain matin, le matin du 12.
12 Q. C'est l'événement dont vous nous avez parlé s'agissant du commandement
13 de la Brigade de Bratunac ?
14 R. Oui, à 8 heures du matin.
15 Q. Si je vous ai bien compris, vous avez été convoqué à cette réunion par
16 qui ?
17 R. MD. Oui, mais il n'est pas venu à la réunion. MD.
18 Q. Qui vous a demandé de venir à la réunion qui se tiendrait à l'hôtel
19 Fontana à 10 heures du matin ?
20 R. C'est le général Mladic qui m'a dit cela et LJS, juste nous deux.
21 M. MRKIC : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce 2D81. Il
22 s'agit d'une pièce de la Défense. Pourrait-on également prendre la page en
23 version B/C/S, qui est la page 3. Je vais demander au témoin de nous donner
24 lecture de ce passage. Pour ceci, pourrait-on passer à huis clos partiel,
25 s'il vous plaît.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
27 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
28 M. MRKIC : [interprétation] J'ai une version en langue anglaise, mais en
Page 9244
1 réalité elle ne représente aucun problème de compréhension.
2 Q. Puisqu'il s'agit d'un entretien que vous avez mené, Monsieur, à
3 l'enquêteur du bureau du Procureur du Tribunal de La Haye en date du 28
4 février 1998, vous souvenez-vous de vous être entretenu avec M. Ruez ?
5 R. Oui. C'était en 1995 à Pale. Je me souviens.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous allez un peu trop vite. Pourriez-
7 vous, je vous prie, ménager des pauses entre les questions et les réponses.
8 Monsieur le Témoin, ceci est important, car nous avons des interprètes qui
9 doivent pouvoir interpréter vos propos en anglais et en français. Merci.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'efforcerai de mon mieux pour ménager des
11 pauses.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
13 M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur, permettez-moi d'attirer votre attention sur la ligne 19. Un
15 débat a eu lieu sur l'organisation de cette réunion qui s'est tenue à
16 l'hôtel Fontana le 12 juillet 1995. Pourriez-vous, je vous prie, nous
17 donner lecture de la ligne qui commence par les initiales JR. Ce sont les
18 initiales de M. Ruez, n'est-ce pas ? Ligne 19. Si vous voulez, je peux vous
19 la lire. On voit ici,"De quelle façon est-ce que vous avez été informé
20 qu'il fallait venir à la réunion."
21 R. J'ai le tableau devant moi. Oui, oui, je le vois.
22 Q. Ligne 21. On ne voit pas très bien la ligne 21.
23 R. [aucune interprétation]
24 Q. [aucune interprétation]
25 M. MRKIC : [interprétation] Pourrait-on faire monter un peu la page ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je vois. C'est marqué Deronjic m'en
27 a informé.
28 M. MRKIC : [interprétation]
Page 9245
1 Q. Qui est Deronjic ?
2 R. Puis-je ? Miroslav Deronjic était le président du SDS au niveau local
3 et je crois qu'à l'époque c'était le président Karadzic qui l'avait nommé
4 au poste de député civil ou commissaire civil pour Bratunac et Srebrenica.
5 Q. Merci.
6 R. [aucune interprétation]
7 Q. En réponse à une question posée par l'enquêteur du Tribunal, vous avez
8 dit que s'agissant de cette réunion, vous en avez été informé par Miroslav
9 Deronjic. Ici vous avez dit, toutefois, que c'est le général Mladic qui
10 vous a dit qu'il fallait venir à cette réunion. Pourriez-vous nous
11 éclaircir sur ceci ?
12 R. Certainement. Je n'ai pas parlé de la réunion de 8 heures du matin au
13 commandement de la Brigade de Bratunac. Je n'ai pas évoqué cette réunion-
14 là, car pour moi cette réunion matinale ne représentait pas une vraie
15 réunion. C'était une rencontre.
16 Q. Ce n'est pas cela que je vous demande.
17 R. Mais non, mais j'essaie simplement de vous expliquer pourquoi je dis
18 que c'est Deronjic qui m'a informé de venir à cette réunion. Pour la
19 réunion de 8 heures, c'est Deronjic qui m'a dit d'aller à cette réunion.
20 C'est lors de cette réunion-là que je n'ai pas vu Deronjic. Alors, j'ai cru
21 que lorsque j'ai parlé à M. Ruez, que ce n'était pas vraiment important. Si
22 c'était Deronjic qui m'a dit de venir à la réunion de 10 heures à laquelle
23 il était venu à l'hôtel Fontana, alors qu'il n'était pas venu à la réunion
24 de 8 heures du matin, je n'estimais pas que c'était vraiment primordial de
25 dire à M. Ruez qu'il l'informait du fait qu'il fallait venir à la réunion
26 de 10 heures. Je vois maintenant que c'est important, puisque Deronjic ne
27 s'est jamais présenté à la réunion de 8 heures, alors que c'est lui qui m'a
28 dit de venir à la réunion à 8 heures. Il était donc tout à fait logique que
Page 9246
1 ce soit le général Mladic qui m'informe de la réunion de 10 heures puisque
2 Deronjic n'est pas là à 8 heures. C'est pour cela que je n'ai pas dit à M.
3 Ruez que c'était le général Mladic qui m'a dit de venir à la réunion de 10
4 heures. Pour moi, à l'époque, je croyais que ce n'était pas du tout
5 important de savoir qui m'a informé, qui m'a convoqué. Ce qui est important
6 c'est que j'étais sur place. Mais même maintenant, je crois que ce n'est
7 pas important de dire qui est la personne qui m'a dit de venir à la
8 réunion.
9 Vous devez comprendre qu'un très grand nombre d'années se sont
10 écoulées depuis.
11 Q. D'accord. Je voulais simplement préciser ce point.
12 R. Est-ce que j'ai été clair ?
13 Q. Oui. Parlons maintenant du 12. Le 12, tous les événements se sont
14 déroulés comme vous nous l'avez expliqué.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que nous allons demeurer en
16 audience à huis clos partiel ou est-ce que vous aimeriez que l'on passe en
17 audience publique ?
18 M. MRKIC : [interprétation] Non, non, nous pouvons passer en audience
19 publique.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien. Alors, passons en audience
21 publique.
22 [Audience publique]
23 M. MRKIC : [interprétation]
24 Q. Le 12, dans l'après-midi ou dans la soirée, vous étiez au bureau,
25 n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous avez été visité par une personne qui portait les initiales DM ?
28 R. Oui.
Page 9247
1 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi vous êtes-vous entretenus ?
2 R. Je ne crois pas que nous nous sommes entretenus de questions afférentes
3 au travail. Il n'y avait pas d'ordre du jour; c'était simplement un échange
4 entre amis. On buvait un café.
5 Q. Est-ce que vous avez évoqué la situation de Potocari ?
6 R. Il est certain que c'était la guerre. Il est certain que c'est un sujet
7 qui ne pouvait pas être évité. Nous avons sans doute parlé des opérations
8 de guerre. Je veux savoir ce que lui il avait entendu. Il voulait savoir ce
9 que moi j'avais entendu dire. C'est tout à fait logique que nous nous ayons
10 parlé de ces sujets-là, mais il n'y avait pas un ordre du jour. C'est comme
11 si on s'était retrouvé dans un café. C'est comme les réunions qu'on peut
12 avoir ou les rencontres qu'on peut avoir entre amis dans les cafés, mais la
13 seule différence c'était que nous étions au bureau. Il y avait un téléphone
14 sur place, et cetera.
15 Q. Lorsque vous êtes sorti à l'extérieur pour voir ce qui se passait
16 devant la municipalité, est-ce que cette personne vous a suivi ?
17 R. Oui.
18 Q. Cette personne, est-ce qu'elle venait en aide aux personnes qui se
19 trouvaient dans les autocars ?
20 R. Oui. Elle a fait la même chose que moi. Elle a fait autant que moi.
21 Q. Lorsque vous avez été informé du fait que les autobus étaient sur le
22 terrain de jeu et qu'il y avait, d'une certaine façon, si je vous ai bien
23 compris, une situation dans laquelle vous pouvez être inquiet pour la
24 sécurité, vous avez dit qu'on a dit aux personnes retraitées de se rendre
25 sur place pour créer l'impression qu'il y avait des personnes présentes.
26 Qui avait donné cet ordre ?
27 R. Ce n'est pas moi qui ai donné cet ordre. Donc, je ne peux pas vous dire
28 qui l'a donné, mais cela a été fait. Maintenant, est-ce que c'était quelque
Page 9248
1 chose qui avait été fait par le poste de police qui se trouvait non loin du
2 terrain de jeu et qui est responsable de la sécurité de la situation en
3 ville, mais quelqu'un l'a fait. Je ne sais pas qui l'a fait.
4 Q. Monsieur, j'aimerais savoir qui vous a dit cela ?
5 R. Je ne sais plus. Je ne sais plus qui me l'a dit. Je ne veux pas me
6 livrer à des conjectures.
7 Q. Si je vous ai bien compris, c'est lors de cette soirée-là que vous avez
8 rencontré la personne qui porte les initiales MD ?
9 R. Oui.
10 Q. Et que vous lui avez demandé ce qui se passait, puis il vous a dit
11 qu'il y avait une personne d'un certain endroit qui avait été posée là ?
12 R. C'était sa réaction à ma question.
13 Q. Parlez-moi maintenant de cette personne qui venait de cette autre ville
14 ou endroit. Est-ce que c'est une personne qui appartenait aux structures
15 civiles ou militaires ?
16 R. C'était une personne issue de structures civiles avec une très
17 grande influence sur son environnement et ailleurs.
18 Q. Pourriez-vous, je vous prie, élaborer un peu. Comment est-ce que vous
19 avez compris que cette personne-là avait fait cette chose et avait créé
20 cette situation à Bratunac ?
21 R. Je ne sais pas ce que MD voulait dire exactement. Il était un peu
22 vulgaire. Je ne comprends pas. Je ne sais pourquoi MD a utilisé cette
23 expression, faire une mise en scène ou c'est lui qui nous a fait cela. Je
24 crois que c'est probablement parce qu'il voulait protéger sa propre ville.
25 C'est lui, c'est pour cette raison-là qu'il a poussé ces gens à Bratunac,
26 vers Bratunac. C'est ce que MD a dit.
27 Q. Pour préciser un autre point concernant l'école, puisque les choses ne
28 sont pas tout à fait claires, est-ce que c'est la même école dans laquelle
Page 9249
1 en 1992 on avait placé les prisonniers musulmans ?
2 R. Oui.
3 M. MRKIC : [interprétation] Pourrait-on corriger le compte rendu
4 d'audience; il s'agit de 1992 et non pas de 1991.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Votre compte rendu sera corrigé.
6 Merci.
7 M. MRKIC : [interprétation]
8 Q. Le 13 juillet 1995, vous nous avez dit qu'un certain nombre
9 d'événements se sont déroulés ce jour-là. Vous nous avez parlé de certaines
10 conversations que vous avez eues avec certaines personnes, y compris Resid
11 Sinanovic ?
12 R. Oui.
13 Q. Est-ce qu'à ce moment-là vous saviez que Resid Sinanovic avait été
14 soupçonné d'avoir commis des crimes de guerre ?
15 R. Oui, et je lui ai dit.
16 Q. Est-ce que vous savez si la personne qui vous a permis de voir Resid
17 Sinanovic, est-ce que cette personne vous a posé des questions au sujet de
18 Resid Sinanovic ?
19 R. Oui.
20 Q. Comment le savez-vous ?
21 R. Qu'il avait été soupçonné ?
22 Q. Non, qu'il avait été également interrogé ?
23 R. Je le sais, parce que je sais qu'il avait été soupçonné d'avoir commis
24 des crimes de guerre, parce que quand j'ai posé la question à Sinanovic,
25 quand j'ai dit : "Pourquoi, Resid n'a pas fui Srebrenica en passant la
26 Drina et pour aller à Tara, comme l'a fait un très grand nombre de
27 Musulmans qui s'étaient remis entre les mains de la Croix-Rouge en Serbie.
28 Après ces gens-là avaient été placés quelque part et ensuite on a assuré
Page 9250
1 leur sécurité. On les a évacués plus loin."
2 Il a dit : "Je voulais le faire, mais malheureusement j'étais en
3 communication radio avec mon frère de Skopje."
4 Q. Ce n'est pas vraiment obligatoire de tout décrire.
5 R. Le livre d'Ivanisevic a été publié et dans ce livre on parle que Resid
6 Sinanovic, y compris sa famille, est une famille de criminels, et il l'a su
7 comme cela, pour Enzic, m'a dit qu'en tant qu'enquêteur il s'était
8 entretenu avec eux.
9 *Q. Aujourd'hui, vous avez de nouveau parlé de la mobilisation des moyens
10 techniques ?
11 R. Oui.
12 Q. C'est ce que vous avez également dit dans l'affaire Blagojevic ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous savez que la seule façon de confisquer ces moyens
15 techniques militaires est de passer par le ministère de la Défense de la
16 Republika Srpska, qui fait suivre la demande aux autorités locales ? *Vous
17 avez parlé de ces trois façons-là, mais vous n'avez pas parlé du conseil
18 exécutif. Monsieur le Président, j'ai fait une erreur.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est à vous de voir, enfin, pour ce
20 qui est d'expurger. Bien. Poursuivons. On sait exactement où. Nous vous
21 confions cette tâche.
22 M. MRKIC : [interprétation]
23 Q. Pourriez-vous expliquer maintenant si la voie juridique ou légale est
24 celle que j'ai expliquée ? Pour commencer, si vous êtes d'accord avec moi
25 que c'était la façon légale de le faire ?
26 R. Oui, je suis d'accord que c'est de la façon légale, et je suis
27 également d'accord que peut-être je n'ai pas suivi la procédure voulue,
28 mais c'était la guerre. Certaines choses ont été faites de façon sommaire,
Page 9251
1 donc peut-être que cela a été le cas pour cette occasion-là aussi. Cette
2 procédure a été respectée, mais elle a été faite de la façon dont elle a
3 été faite. *Tout ce que je voudrais dire, c'est que je ne suis pas un
4 juriste, je suis un enseignant, donc je ne suis pas tellement versé dans
5 des questions de loi et de règlement. Personnellement, je suivais le cours
6 des choses et je suivais par inertie. Après tout, c'était la guerre.
7 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
8 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous nous occupons de certaines
10 questions qui ont trait aux expurgations. Entre-temps, vous pouvez
11 poursuivre. Mais faites bien attention, tous les deux. Si vous voulez
12 savoir ce que nous voulons expurger, nous pouvons vous le dire, mais vous
13 pouvez faire confiance à notre jugement.
14 M. MRKIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 Q. La situation n'est pas tout à fait claire pour moi. Vous n'êtes pas un
16 juriste. C'est la guerre, les conditions de guerre, et vous remplissez
17 certaines fonctions. Aviez-vous un juriste que vous auriez pu consulter ?
18 R. Bien, pour moi, il est clair que si on ne connaît pas les règlements,
19 ceci peut conduire à certains dommages. Mais à l'époque, je n'ai pas pensé
20 que c'était nécessaire. J'avais quelqu'un de ce genre auprès de moi, mais
21 je n'ai pas pensé que c'était nécessaire. J'aurais pu consulter, mais j'ai
22 peut-être été pris par surprise avec la vitesse à laquelle les choses se
23 développaient et évoluaient à cette demande. Je suis d'accord que je n'ai
24 pas suivi la procédure, mais je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de
25 mal. C'est comme cela que cela s'est fait.
26 Q. Est-ce que vous savez pourquoi je vous pose cette question ? Je vous
27 pose cette question, parce que maintenant, aujourd'hui, dans votre
28 déposition, vous avez parlé de la première réunion que vous aviez eue le 14
Page 9252
1 juillet 1995, pendant laquelle vous avez été informé que quelque chose de
2 terrible avait eu lieu. Vous l'avez dit vous-même, à Kravica.
3 Après cela, vous avez eu une réunion, une heure et demie plus tard ou une
4 heure et quelque plus tard, et vous vous êtes trouvé dans une situation
5 telle que vous l'avez décrite. Donc, les choses ne sont pas très claires
6 dans mon esprit.
7 R. Vous appelez cela une réunion ? En ce qui me concerne, c'était
8 simplement quelque chose qui faisait partie de mes fonctions quotidiennes.
9 Je voyais comme cela des gens tous les jours. Dans ce cas-là, il y en avait
10 des dizaines de ce genre de réunions, une conversation de dix ou 15
11 minutes, mais pas une réunion prévue. En ce qui me concerne, cela fait
12 simplement partie de mon travail quotidien, de mes fonctions habituelles.
13 Cette réunion au SDS n'était pas quelque chose que je considérais comme
14 étant une réunion, mais simplement une conversation qui avait eu lieu.
15 J'étais là pendant
16 20 minutes au plus.
17 Q. Bien, vous pouvez appeler cela comme vous voulez, une réunion de
18 travail, une réunion, rencontre. Le fait est que, d'après votre déposition,
19 deux hommes que vous ne connaissez pas vous demandent de fournir certain
20 matériel et équipement, et qu'avant cela, vous étiez conscient du fait que
21 quelque chose s'était passé. Donc, ma question est de savoir pourquoi, dans
22 cette situation, vous n'aviez pas respecté la procédure, et si vous n'étiez
23 pas au courant de cette procédure, pourquoi n'avez-vous pas consulté un
24 juriste ?
25 R. Vraiment, je ne sais pas. Je ne l'ai pas fait. Pourquoi je ne l'ai pas,
26 je ne sais pas. A dix ou 12 ans plus tard, je ne sais pas pourquoi je ne
27 l'ai pas fait. Je ne sais pas s'il y avait le temps.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il a répondu à cette question plus
Page 9253
1 d'une fois. Passons à la question suivante, s'il vous plaît, Maître Mrkic.
2 M. MRKIC : [interprétation]
3 Q. Si ce n'est pas un problème, je voudrais aussi vous poser des questions
4 concernant cette situation dans laquelle deux hommes qui vous étaient
5 totalement inconnus. Est-ce que vous avez consulté la Brigade de Bratunac à
6 leur sujet ?
7 R. Non, je ne l'ai pas fait.
8 Q. Est-ce que vous leur avez demandé d'où ils venaient ?
9 R. Non, je ne l'ai pas fait.
10 Q. Est-ce que vous leur avez demandé en quelle qualité ils étaient là ?
11 R. A 12 ans de là, vous me demandez beaucoup. Ma mémoire depuis cette
12 époque s'est beaucoup effacée. Je vous ai répondu "non," en ce qui concerne
13 vos deux questions précédentes, mais peut-être que je l'ai fait. Ce que je
14 me rappelle c'est que je ne l'ai pas fait. Peut-être ils m'ont dit qu'ils
15 appartenaient au corps de l'armée, mais je ne me rappelle pas cela
16 maintenant. Disons qu'ils n'ont pas dit cela, ou bien qu'ils n'en faisaient
17 pas partie. Je ne peux vraiment pas vous dire au bout de 12 ans.
18 Q. Bon. Vous vous rappelez, vous ne vous rappelez pas, très bien.
19 R. Très bien.
20 Q. Leur avez-vous demandé pourquoi ils avaient besoin de ces engins ?
21 R. Non. J'ai déjà dit cela. J'ai déjà dit que j'avais une idée personnelle
22 des raisons pour lesquelles ils pouvaient avoir besoin de ce matériel.
23 Q. Je suis d'accord avec vous qu'au bout de 12 ans la mémoire s'efface.
24 Est-ce que cela implique aussi que les événements qui sont plus récents,
25 qui sont plus proches dans vos souvenirs ? Pourquoi je vous pose la
26 question ? Je vous pose la question, parce que vous avez parlé à M. Ruez
27 trois ans après les événements, moins de trois ans après ces événements, et
28 vous avez dit à M. Ruez, enquêteur du bureau du Procureur, vous ne lui avez
Page 9254
1 rien dit à ce sujet.
2 R. Il ne m'a pas posé de questions à ce sujet.
3 M. MRKIC : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, montrer au
4 témoin la pièce à conviction 2D81. Dans la version serbe, c'est à la page
5 14, lignes 33 et 34.
6 Q. Si vous regardez les questions posées par M. Ruez, celles qui
7 commencent à la ligne 33 où il dit : "Donc, au cours de
8 juillet 1995, vous ne saviez rien du fait qu'ils auraient besoin d'enterrer
9 en masse des victimes ou d'autres personnes ?" C'est une question très
10 directe.
11 A la page suivante, page 15 à la ligne 1, on lit votre réponse. Votre
12 réponse est négative, à savoir que vous n'aviez aucun renseignement ou
13 d'information, vous n'avez pratiquement dit "non." Ceci implique que vous
14 n'aviez aucun renseignement sur le fait qu'il aurait nécessité d'enterrer
15 en masse des victimes ou autres personnes. M. Ruez vous a posé une question
16 directe à ce sujet.
17 R. Je pensais qu'il me posait des questions concernant cet ensevelissement
18 des Serbes.
19 Q. Pourquoi est-ce que vous avez pensé cela ?
20 R. C'est ce que j'ai pensé. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé cela. A ce
21 moment-là, c'est à cela que j'ai pensé, ce qu'il me posait des questions
22 concernant ces ensevelissements, parce que nous parlions de
23 l'ensevelissement des victimes serbes directement.
24 Q. Je ne veux pas vraiment entendre parler de 1993 et du nombre de
25 personnes à ce moment-là. C'est une question très directe. Ma question
26 directe concerne le mois de juillet 1995 et l'ensevelissement en masse de
27 victimes et d'autres personnes, et votre réponse a été "non." En d'autres
28 termes, ceci ne concernait pas des Serbes. S'il s'agit d'une période
Page 9255
1 différente, par exemple, 1993, non, mais ici il s'agit de juillet 1995, et
2 vous avez donné une réponse négative.
3 La question que je vous pose est la suivante : pouvez-vous
4 m'expliquer pourquoi vous avez dit à M. Ruez que vous ne saviez pas quoi
5 que ce soit concernant la nécessité d'ensevelir --
6 R. Je suppose que --
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il a déjà répondu à la question, Maître
8 Mrkic. Vous pouvez passer à la question suivante. Une fois qu'il vous a
9 donné une réponse, à moins que cette réponse ne soit pas claire, vous
10 pouvez passer à la question suivante.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que je n'ai pas complètement
12 compris M. Ruez. Si cela avait été cela son objectif, il aurait pu me poser
13 des questions découlant des questions précédentes. Il aurait pu préciser un
14 peu, clarifier les choses. J'ai mal compris sa question. J'ai dit "non."
15 S'il n'avait pas été satisfait de ma réponse, peut-être qu'il aurait dû me
16 poser des questions supplémentaires de façon à ce qu'il devienne absolument
17 clair -- qu'on sache de façon absolument claire ce qu'il voulait. Auquel
18 cas, ma réponse aurait été différente. Mais, il ne m'a pas posé des
19 questions comme il le fallait lors de cet interrogatoire.
20 M. MRKIC : [interprétation]
21 Q. Puisque nous parlons de cela, *je suppose que vous vous rappelez votre
22 déposition dans l'affaire Blagojevic, n'est-ce pas ?
23 R. Je suppose que je ne sais pas de quoi vous voulez parler.
24 *Q. On vous a posé la même question que dans l'affaire Blagojevic, et votre
25 réponse a été qu'à l'époque vous ne croyiez pas que c'était important du
26 tout. Je peux vous le montrer.
27 R. Je peux vous dire maintenant que Ruez également ne pensait pas que
28 c'était important. Si cela avait été important pour lui, il aurait continué
Page 9256
1 de me poser des questions dans le même sens, suivant la même ligne. Je ne…
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons nous occuper des
3 expurgations. Ne vous inquiétez pas. Poursuivez. Si possible, pourriez-vous
4 vous abstenir de vous référer à certains événements qui pourraient révéler
5 l'identité du témoin.
6 M. MRKIC : [interprétation]
7 Q. Est-ce que vous vous rappelez la conversation que vous avez eue avec M.
8 Ruez lorsque vous avez parlé de la réunion qui a eu lieu tôt dans la
9 matinée du 14 juillet, lorsqu'on vous a parlé des événements qui avaient eu
10 lieu à Kravica ? N'avez-vous jamais mentionné cela à M. Ruez ?
11 R. Est-ce qu'il y a un document ? Est-ce qu'il y a un compte rendu à ce
12 sujet ?
13 Q. Oui, il y a un compte rendu de cet interrogatoire. Il y a un
14 enregistrement de cet interrogatoire. Je peux vous le fournir au cours de
15 la suspension de la séance, mais je ne l'ai trouvé nulle part.
16 R. Je suppose que je ne l'ai pas mentionné à ce moment-là. Si ce n'est pas
17 au compte rendu, alors je ne l'ai pas mentionné. Si je l'avais mentionné,
18 je suis sûr que vous auriez pu le retrouver.
19 Q. Pourriez-vous être d'accord avec moi qu'en février 1998 vous n'avez
20 jamais mentionné le colonel Beara à M. Ruez ?
21 R. Je ne l'ai pas fait. Si ce n'est pas au compte rendu, alors je ne l'ai
22 pas fait.
23 Q. Est-ce que vous pourriez être d'accord avec moi qu'en févier 1998 vous
24 n'avez pas dit quoi que ce soit à M. Ruez concernant la réunion que vous
25 auriez eue avec ces deux officiers le
26 14 juillet 1995 ?
27 R. Je ne l'ai pas fait.
28 Q. Est-ce que vous pourriez également être d'accord avec moi qu'en février
Page 9257
1 1998, vous n'avez pas non plus dit quoi que ce soit à M. Ruez concernant le
2 fait que certaines de ces machines vous avaient été demandées et que
3 quelque chose en ce sens vous avait été demandé.
4 R. Il ne m'a jamais posé de questions à ce sujet.
5 Q. Très bien, mais qui vous a posé cette question, alors ? Qui ?
6 R. Quand ?
7 R. La toute première fois. Quand est la toute première fois qu'on vous a
8 demandé cela ?
9 *R. Je suppose que c'était Me Karnavas dans l'affaire Blagojevic, mais je
10 ne peux vraiment pas m'en souvenir. Je dis "peut-être" ou "probablement".
11 Je ne suis pas sûr de savoir quel était le premier qui m'a posé cette
12 question.
13 M. MRKIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions aller en audience à
14 huis clos partiel, s'il vous plaît.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Entre-temps, nous procédons également
16 aux expurgations. Allons en audience à huis clos partiel.
17 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes déjà.
19 M. MRKIC : [interprétation]
20 Q. Témoin, êtes-vous d'accord avec moi que la première fois que vous avez
21 mentionné cela, c'était en qualité de témoin de la Défense dans l'affaire
22 Blagojevic, du côté du colonel Blagojevic ?
23 R. Je veux dire, je ne suis pas sûr, mais je suis sûr que je disais la
24 vérité. C'est de cela que je suis sûr. Maintenant, lorsque je dis pour la
25 première fois, je ne peux pas vraiment être sûr de cela, mais je m'en tiens
26 à ce que j'ai dit. Il est possible que cela ait eu lieu à ce moment-là,
27 parce je me souviens, la première fois, je n'en suis pas sûr. Je ne veux
28 pas faire de conjectures à cela. Mais je l'ai dit.
Page 9258
1 Q. Savez-vous quels étaient les arguments de la Défense dans l'affaire
2 Blagojevic ?
3 R. Excusez-moi ?
4 Q. Qu'est-ce que la Défense dans l'affaire de M. Blagojevic, à savoir
5 qu'il n'était pas dans le secteur à ce moment-là et que les officiers
6 chargés de la sécurité étaient responsables de tout ce qui aurait pu se
7 passer ?
8 R. Mais ne me posez pas cette question à moi.
9 Q. Je vous pose cette question parce que rien de --
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il l'a fait devant nous, en fait, donc
11 question suivante, s'il vous plaît.
12 M. MRKIC : [interprétation] Nous pouvons retourner en audience publique,
13 s'il vous plaît.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Audience publique.
15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
17 M. MRKIC : [interprétation]
18 Q. Lorsque vous parliez de DM, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît,
19 quels étaient vos rapports, comment était le rapport entre vous deux ?
20 R. Il y a deux personnes qui portent les mêmes initiales, DM.
21 Q. Je veux parler de celui qui était directeur.
22 R. Nous avions une bonne relation. Nous résidions au même endroit. Nous
23 étions de la même génération. Nous étions amis avant la guerre. Pendant la
24 guerre, nous étions encore des amis et des pairs. Nous avons coopéré, il
25 était le directeur de la société de service public et le fondateur de la
26 municipalité, et nous avions une relation excellente, très bonne.
27 Q. Là, vous parlez de vos rapports personnels. Qu'en est-il de vos liens
28 professionnels ? Est-ce qu'il vous rendait compte ? Est-ce qu'il était
Page 9259
1 responsable devant vous, c'est-à-dire dans l'institution pour laquelle vous
2 travailliez ?
3 R. Oui. S'il s'agissait de fournir la ville en eau et aussi lorsqu'il
4 s'agissait du ramassage des ordures, pour ces deux aspects, il était
5 responsable devant la municipalité et le conseil exécutif. Lorsqu'on en
6 venait à la question des utilités de la municipalité, c'était également
7 dans le domaine qui était le sien dans la municipalité.
8 Q. Lorsque vous dites que vous aussi, vous semblez laisser à penser qu'il
9 y avait une utilisation de certains engins ?
10 R. Oui, mais on ne les employait que si c'était pour réparer les
11 canalisations principales, l'infrastructure pour ce qui est de l'adduction
12 d'eau, et ainsi de suite.
13 Q. Pour le moment, nous parlons d'entretien régulier dans des
14 circonstances normales, entretien normal ?
15 R. Oui.
16 Q. Qu'en est-il dans les circonstances extraordinaires ?
17 R. Qu'est-ce qui est extraordinaire ?
18 Q. Par exemple, d'un désastre, de catastrophes naturelles.
19 R. Oui.
20 Q. Les opérations de guerre.
21 R. Oui, les services publics et la protection des civils interviendraient
22 ou intervenaient ensemble.
23 Q. Qu'en était-il avant les opérations de guerre ?
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît.
25 Vous allez trop vite. Merci.
26 M. MRKIC : [interprétation]
27 Q. Les opérations de guerre, l'utilisation de machines pour les opérations
28 de guerre.
Page 9260
1 R. Je ne pense pas qu'ils étaient responsables devant le conseil exécutif,
2 non.
3 Q. Alors à qui rendaient-ils compte ? De qui dépendaient-ils ?
4 R. Le ministère de la Défense et le secrétariat à la Défense nationale.
5 Q. Nous parlons maintenant d'aspects légaux, juridiques. Votre relation
6 personnelle et professionnelle était très proche, pour autant que je l'ai
7 compris; est-ce que cette personne vous a informé de ses activités au cours
8 de cette période ?
9 R. Non.
10 Q. A-t-il dit quoi que ce soit ?
11 R. Non.
12 Q. Qu'il avait eu certaines réunions ?
13 R. Non.
14 Q. Je vous pose la question en tant que personne qui était officiel, un
15 fonctionnaire, dans le cas où une machine ou un engin était utilisé pour
16 certaines activités, tout particulièrement les engins de machine qui
17 appartenaient aux services publics. Est-ce que ceci n'exigeait pas d'écrire
18 un rapport ?
19 R. Pour qui et à qui ?
20 Q. Un rapport sur le travail accompli dans l'institution au sein de
21 l'organisation.
22 R. Il y aurait pu y avoir un rapport. Peut-être qu'un rapport a été
23 rédigé, je ne le sais pas.
24 Q. Mais je vous demande si cela aurait été quelque chose d'habituel, de
25 rédiger un rapport sur l'utilisation de ces engins ou ces machines.
26 R. Il devrait y avoir des documents, en conséquence des documents sur
27 tout. Si un engin était utilisé, il y avait également la question du
28 carburant utilisé et on devrait être en mesure de retrouver les documents
Page 9261
1 en ce sens.
2 Q. Qu'en est-il pour les lieux ?
3 R. Je ne sais pas. Je n'étais pas le directeur dans cette compagnie. Je ne
4 saurais pas. Je n'avais pas de machine à ma disposition.
5 M. MRKIC : [interprétation] Pourrions-nous aller en audience à huis clos
6 partiel ?
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons en audience à huis clos
8 partiel.
9 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous y sommes.
11 M. MRKIC : [interprétation] Je vous remercie.
12 Q. Je voudrais vous poser une question concernant vos rapports avec M.
13 Miroslav Deronjic. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que Miroslav
14 Deronjic était celui qui avait le pouvoir à Bratunac, qui concentrait tous
15 les pouvoirs entre ses mains ?
16 R. Oui, je serais d'accord avec vous en partie. En partie. Miroslav
17 Deronjic était la personne numéro un à Bratunac qui avait la plus haute
18 autorité, le plus d'influence. Je ne peux pas dire que tout le monde lui
19 soumettait toute question à 100 %, mais il avait son mot à dire pour un
20 très grand nombre de choses.
21 Q. Comment étaient vos rapports avec lui du point de vue politique ou du
22 sens de l'organisation et des compétences et pouvoirs civils ?
23 R. Pour commencer, nous sommes des voisins. Nous sommes directement
24 voisins, la porte à côté. Je suis un petit peu plus âgé que lui. Nous
25 étions d'excellents voisins, très, très bons voisins. Je ne peux pas dire
26 que nous partagions les mêmes opinions politiques. Il a rejoint le SDS, et
27 au début de ce que j'appelle système multipartite, je me trouvais avec le
28 SDP, et on était seulement en 1996. C'est à ce moment-là que j'ai rejoint
Page 9262
1 le SDS. Toutefois, indépendamment de cela, nous avions un bon rapport, de
2 bonnes relations. Nous nous respections l'un et l'autre, nous respections
3 les opinions l'un de l'autre. Nous avions davantage de moyens financiers,
4 nous le respections et nous le tenions des mêmes estimes.
5 Q. Je n'ai pas l'impression que je vais être capable de terminer sur ce
6 sujet en une minute. Je me permets de suggérer que nous ayons une
7 suspension d'audience maintenant. Sommes-nous en audience à huis clos
8 partiel ? Excusez-moi.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
10 partiel, donc allons en audience publique. Audience publique.
11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il est temps de suspendre la séance,
13 donc vous pourrez continuer le contre-interrogatoire dans 25 minutes,
14 Monsieur Mrkic. Je vous remercie.
15 --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.
16 --- L'audience est reprise à 12 heures 58.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Avant que vous ne poursuivez, Monsieur
18 Mrkic, j'indique que le Juge Stole ne peut être avec nous pour cette
19 dernière partie de la matinée pour des raisons non liées à sa volonté. Nous
20 allons poursuivre l'audience en application de l'article 15 bis(A).
21 A vous, Maître Mrkic.
22 M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Nous avons commencé à parler du sujet dont nous parlions à huis clos
24 partiel, je demande que nous revenions à huis clos partiel.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr.
26 Je demande un huis clos partiel.
27 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par ordonnance
28 de la Chambre] M. MRKIC : [interprétation]
Page 9263
1 Q. Quel était sur le plan politique votre rapport avec
2 M. Deronjic ? Etait-il votre supérieur, aviez-vous obligation d'obéir à ses
3 ordres ou ses consignes ?
4 R. Depuis 1996 il est devenu mon supérieur, car je suis entré au SDS. Mais
5 jusqu'à cette date je n'étais pas membre du parti. Cela dit, le parti, même
6 si je n'étais pas un adhérent, a proposé ma candidature en 1994 au poste de
7 président du conseil exécutif.
8 Q. En 1994 lorsque vous avez occupé cette fonction receviez-vous des
9 ordres de lui ?
10 R. Non. Ce n'était pas vraiment sa conception. Il ne se comportait pas à
11 notre égard comme un supérieur. Nous avions notre conseil et il était un
12 des sept membres de ce conseil mais il n'était pas celui qui prenait toutes
13 les décisions. Il lui arrivait d'assister aux réunions si le sujet était
14 particulièrement intéressant pour lui.
15 M. MRKIC : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin la
16 pièce 2D81. La version anglaise qui m'intéresse est la page 11, lignes 29 à
17 33, et dans la version serbe c'est la page 12, lignes 2 à 6. Ce que nous
18 avons à l'écran actuellement est la version anglaise -- ou plutôt excusez-
19 moi, la version en B/C/S.
20 J'aimerais que l'on affiche les deux versions en même temps sur
21 l'écran. Maintenant je demande que l'on baisse un peu le texte de la
22 version B/C/S. Ce qui m'intéresse ce sont les lignes 29 à 33 de la version
23 anglaise et les lignes 2 à 6 de la version en serbe.
24 Q. Monsieur, au cours de l'entretien que vous avez eu avec
25 M. Ruez, répondant à ses questions, vous avez dit, entre autres, que vous
26 receviez vos ordres directement de Deronjic, car c'était lui qui était
27 chargé des affaires civiles de la ville, que c'était lui qui nommait à son
28 poste le président, que vous n'aviez aucun contact avec l'armée et que
Page 9264
1 l'armée ne vous donnait pas d'ordre, que l'armée faisait son travail
2 militaire et que de votre côté vous faisiez le vôtre dans le domaine civil.
3 Que vouliez-vous dire par là, je vous prie ?
4 R. Cela concerne la période 11, 12, et 13. C'est à ce moment-là que
5 Deronjic a été nommé par le président Karadzic commissaire aux affaires
6 civiles pour les municipalités de Bratunac et de Srebrenica. Cela n'a rien
7 à voir avec la période antérieure au 11 juillet 1995.
8 C'est dans cette période des opérations à Srebrenica qu'il a été
9 nommé à ce poste, et à partir de ce moment-là il était celui qui - je n'ai
10 peut-être pas été suffisamment précis quand j'ai parlé des contacts avec
11 l'armée, parce que nous avions certains contacts avec l'armée tout de même
12 s'agissant d'approvisionner l'armée de tout ce qui avait trait à la
13 logistique, de l'approvisionnement en cigarettes, en vivres, et cetera,
14 pour la brigade. S'agissant de l'aspect militaire des choses, nous n'avions
15 aucun contact avec l'armée. Nous n'avions aucune part à cela.
16 Q. Ce qui m'intéresse c'est la chose suivante : vous dites dans ce texte
17 que vous receviez vos ordres directement de Deronjic. Si nous plaçons cette
18 déclaration dans le contexte de ce qui s'est passé le 11 juillet 1995 et
19 dans les jours ultérieurs, c'est-à-dire dans la période où M. Deronjic
20 occupait le poste auquel il avait été nommé par le président Karadzic,
21 quels étaient ces ordres que vous receviez de Deronjic ? Pourriez-vous nous
22 expliquer ce point d'abord ?
23 R. Il n'y en a pas eu. Je me suis sans doute exprimé d'une façon trop
24 imprécise dans ce texte. Ce n'étaient pas des ordres particuliers. Nous
25 n'avons rien fait de particulier. Nous nous occupions d'alimenter la ville
26 en électricité, en eau, que les enfants puissent aller à l'école, que
27 chacun puisse avoir à manger. C'est dans ce sens qu'on pouvait nous faire
28 des propositions et j'ai appelé cela des ordres venant de Deronjic. En
Page 9265
1 dehors de cela, nous ne recevions aucun autre ordre de l'armée. Ces
2 propositions ne concernaient que ce qui pouvait contribuer à faire
3 fonctionner la ville.
4 Q. Est-ce que cela signifie que dans le cas où vous receviez un ordre de
5 l'armée vous n'étiez absolument pas tenu de le respecter ?
6 R. Ce que nous pouvions recevoir de l'armée c'était seulement des demandes
7 concrètes. La brigade a besoin de 100 uniformes. Elle a besoin de 500
8 cartouches de cigarettes. Et nous ne pouvions que répondre en disant : Nous
9 ne pouvons le faire parce que nous avons ce que vous demandez ou bien nous
10 ne pouvons pas le faire parce que nous ne l'avons pas. Ou bien l'armée nous
11 disait : Il nous faut 100 litres d'huile pour la cuisine. Nous disions :
12 Nous avons cela, nous pouvons vous le donner. Voilà, c'était simplement par
13 rapport à l'approvisionnement en vêtements, en vivres, cigarettes et
14 éventuellement du carburant. Si à la station d'essence nous avions de
15 l'essence et s'il y en avait nous disions : Oui. Et s'il n'y en avait pas
16 c'était : Non. Voilà quels étaient exactement les contacts que l'armée
17 avait avec nous et les demandes qu'elle nous faisait.
18 Q. Je ne vous interrogeais pas au sujet de demandes, mais au sujet
19 d'ordres.
20 R. Non, non. L'armée ne nous donnait pas d'ordres. Elle n'était pas un
21 donneur d'ordres par rapport à nous.
22 Q. S'agissant des prisonniers de guerre quels étaient vos contacts avec
23 l'armée ?
24 R. Nous n'avions pas de contacts sur ce plan.
25 M. MRKIC : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin une
26 pièce de l'Accusation qui constitue le document numéro 10 de la liste 65
27 ter. Et j'aimerais que nous restions à huis clos partiel, s'il vous plaît.
28 Il s'agit d'un décret nommant à son poste le commissaire aux affaires
Page 9266
1 civiles de la municipalité de Srebrenica. Elle porte la signature du
2 président de la République, Radovan Karadzic.
3 Q. J'appellerais votre attention sur le paragraphe 4 de ce décret
4 que j'aimerais que nous commentions en le resituant dans le contexte dont
5 nous venons de parler.
6 Au point 4, nous lisons, je cite : "Le commissaire veille à ce que tous les
7 organes civils et militaires traitent tous les citoyens qui ont participé
8 au combat contre l'armée de la Republika Srpska comme des prisonniers de
9 guerre, assurent et garantissent à la population civile le libre choix de
10 son lieu de résidence ou de l'endroit où elle veut aller."
11 Vous venez de dire que ces organes n'avaient aucune compétence vis-à-vis
12 des prisonniers de guerre. Or, à la lecture de ce décret, cela ne me semble
13 pas être le cas. Donc, pourriez-vous commenter ce décret ? Parce que
14 d'après ce que j'ai compris, vous connaissiez l'existence de ce décret,
15 n'est-ce pas ?
16 R. Je vous ai entendu dire que ce décret concernait la municipalité de
17 Bratunac, ce qui est faux. Ce décret concerne la municipalité serbe de
18 Srebrenica.
19 Q. C'est exact, nous parlons des prisonniers de guerre de Srebrenica.
20 R. Ce décret selon lequel Deronjic est nommé au poste de commissaire civil
21 de la municipalité serbe de Srebrenica dit bien ce qu'il dit. Il ne
22 concerne pas Bratunac. La municipalité de Bratunac avait ses propres
23 organes. Elle avait son propre président. D'ailleurs, c'est écrit ici dans
24 le texte.
25 Q. Ce n'est pas un problème. Je replace ce document dans le contexte de la
26 réponse que vous avez apportée aux questions de
27 M. Ruez.
28 R. Nous n'avions absolument rien à voir avec les prisonniers de guerre. Je
Page 9267
1 vous en prie, n'insistez pas sur ce point. J'ai été très clair là-dessus.
2 Q. Je vous pose cette question parce que dans votre déposition, vous avez
3 dit que devant les autobus qui se trouvaient à Bratunac, il y avait des
4 policiers civils. Et je vous pose aussi cette question, parce que dans
5 votre déposition vous avez déclaré que c'étaient des représentants des
6 structures civiles dont vous en connaissez pas l'identité, mais que c'était
7 des représentants des structures civiles qui avaient dirigé les retraités
8 vers les aires de jeu et les écoles, si je vous ai bien compris, pour
9 assurer leur sécurité car la situation était dangereuse. Donc, je vous
10 parle des prisonniers de guerre de Srebrenica. Je vous parle de M. Miroslav
11 Deronjic qui a été nommé au poste de commissaire civil, et dont les
12 attributions étaient celles que je viens d'énumérer. Mais ma question est
13 trop longue.
14 R. Je ne comprends pas ce que vous me demandez. Je ne vois pas ce que vous
15 voulez dire en utilisant l'expression "policiers civils." Il existe une
16 police civile. Ce sont des hommes qui portent des baudriers blancs et des
17 uniformes de camouflage de couleur verte. Voilà ce que nous appelons la
18 police civile, si c'est bien le nom qu'on doit le donner, avec des
19 uniformes de camouflage bleus, si c'est la police que vous avez à l'esprit.
20 Je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous parlez de police civile.
21 Les gens qui sont responsables, ce sont des membres des services de la
22 sécurité publique.
23 Q. Sous les ordres de qui ?
24 R. Du ministère de l'Intérieur.
25 Q. Et à Bratunac ?
26 R. Toujours sous les ordres du ministère de l'Intérieur. Il n'y pas de
27 troisième police. Je ne connais que deux sortes de police; la police
28 militaire, c'est-à-dire l'armée; et la police civile, qui est sous les
Page 9268
1 ordres du ministère de l'Intérieur.
2 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas entendu la question, car les deux
3 orateurs se chevauchaient.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez, je vous prie, Maître Mrkic,
5 passer à un autre sujet.
6 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète. Elle indique que le témoin semble
7 avoir fait un lapsus entre police militaire et police civile dans la
8 description des uniformes. L'interprète a interprété ses propos.
9 M. MRKIC : [interprétation]
10 Q. Puisque nous sommes à huis clos partiel, j'aimerais revenir à votre
11 réunion du 14 juillet 1995. Je voudrais vous demander quel est le nom du
12 secrétaire qui vous a convoqué dans les bureaux municipaux du SDS le 14
13 juillet dans la matinée.
14 R. Une certaine Mirna.
15 Q. Connaissez-vous son nom de famille ?
16 R. Elle était célibataire. Elle n'était pas mariée.
17 Q. Essayez de vous en souvenir.
18 R. Je crois que ce nom est Nikolic, mais je n'en suis pas sûr à 100 %. En
19 tout cas son prénom est Mirna. Je crois que son nom de famille est Nikolic.
20 Je connais le prénom de son père, mais je ne sais pas si c'est utile.
21 Q. Je vous en prie, donnez le maximum d'éléments.
22 R. Le prénom de son père est Milorad. Il travaillait à l'époque à
23 l'entreprise Jasanic, l'entreprise forestière. Aujourd'hui, elle est mariée
24 et elle vit à Bajina Basta.
25 Q. J'aimerais aussi vous demander si vous vous rappelez avec qui vous avez
26 parlé, si vous vous rappelez cet homme que vous décrivez comme étant le
27 colonel Ljubisa Beara ?
28 R. Je m'en souviens.
Page 9269
1 Q. Pourriez-vous le décrire ?
2 R. Je vois d'ailleurs cet homme ici aujourd'hui. Il a beaucoup changé
3 physiquement. A l'époque, il avait une apparence très différente. Il était
4 plus jeune, plus plein de vie, plus frais. Le colonel Beara aujourd'hui, je
5 ne le reconnaîtrais pas tel qu'il est aujourd'hui, si je le rencontrais
6 dans la rue. J'ai le souvenir de son aspect physique, mais croyez-moi, cet
7 aspect physique a beaucoup changé. Si je devais aujourd'hui le rencontrer
8 dans la rue sur son aspect actuel, je ne le reconnaîtrais pas, croyez-moi.
9 Q. Comment savez-vous qu'il s'agit de M. Beara ?
10 R. Je vais vous dire. Je suis de près les rapports relatifs au Tribunal de
11 La Haye qui sont diffusés une demi-heure tous les samedis. Je vois de
12 nombreux visages. Dans ce cadre, je connais bien le Chambre de première
13 instance. Je connais les visages d'un grand nombre de membres du greffe et
14 de l'Accusation. Je connais très bien tous ces visages que je vois à la
15 télévision. J'ai vu le visage du Président, du Juge Agius dans l'affaire
16 Blagojevic, je crois.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je devais avoir une apparence très
18 différente à l'époque, mais en tout cas je n'ai pas siégé dans l'affaire
19 Blagojevic.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'affaire Deronjic. Enfin, dans une
21 affaire. Je connais très bien votre visage. Vous aviez une très bonne
22 apparence et vous n'avez pas changé d'ailleurs.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passons à un autre sujet, Maître Mrkic,
24 s'il vous plaît.
25 M. MRKIC : [interprétation]
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 9270
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page 9270 expurgée.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 9271
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Revenons en audience publique.
9 [Audience publique]
10 M. MRKIC : [interprétation]
11 Q. J'aimerais que nous reparlions une nouvelle fois de cette réunion du
12 14. Ces deux officiers -- non, d'abord je voudrais vous demander une
13 confirmation. M. Beara, cette homme qui s'est présenté comme étant M.
14 Beara, n'est pas entré avec vous ?
15 R. Non, non, non. Il est resté dans le bureau où je l'ai trouvé.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur le Témoin et Maître Mrkic --
17 M. MRKIC : [interprétation] Je n'avais pas terminé ma question, et il a
18 déjà répondu.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je sais, je sais. Ce n'est pas votre
20 faute; c'est la faute du témoin, en fait. Je vous en prie, Monsieur,
21 ménagez une pause de quelques instants à la fin des questions avant de
22 commencer votre réponse. D'accord.
23 M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Si je comprends bien la situation, Monsieur, dans ce deuxième bureau se
25 trouvaient deux officiers et vous-même, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Ce bureau était-il le bureau de la personne dont nous avons parlé il y
28 a quelques instants ? Je ne donne pas son nom car nous sommes en audience
Page 9272
1 publique.
2 R. Oui.
3 Q. Lui, celui dont c'était le bureau, il se trouvait où à ce moment-là ?
4 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant.
5 Q. Ces deux officiers avec lesquels vous avez discuté alors qu'ils ne
6 s'étaient pas présentés à vous, et vous ne savez pas à quelle unité ils
7 appartenaient, ces deux officiers ont-ils participé à la réunion qui s'est
8 tenue à l'hôtel ?
9 R. Je crois qu'ils n'y étaient pas.
10 Q. Autrement dit, c'était la première fois que vous les rencontriez ?
11 R. Oui.
12 Q. La personne que vous avez désignée comme étant le colonel Ljubisa
13 Beara, l'aviez-vous rencontré avant ?
14 R. Non.
15 Q. L'aviez-vous rencontré peut-être à l'hôtel Fontana ?
16 R. Non.
17 Q. Lorsque vous avez relaté le fait qu'il fallait aussi un conducteur pour
18 cet engin de terrassement, si j'ai bien compris votre déposition, vous avez
19 déclaré que c'était un des deux officiers qui vous avait dit qu'il fallait
20 fournir un conducteur pour l'engin ?
21 R. Non, non. Il n'a pas été question de conducteurs. C'est moi qui en ai
22 parlé, parce que logiquement je pensais qu'il fallait qu'un homme
23 accompagne l'engin. Cela, c'était mon idée logique. Peut-être qu'ils
24 avaient prévu quelqu'un, un militaire, pour manier cet engin, mais ma
25 conclusion logique c'était que puisqu'ils avaient besoin d'un engin, il
26 fallait qu'un homme accompagne cet engin et le fasse fonctionner. C'est ce
27 que je pensais. Ils n'ont jamais parlé de la nécessité de quelqu'un pour
28 conduire l'engin. C'est moi qui en ai parlé.
Page 9273
1 Q. Quelle a été leur réaction ?
2 R. Ils ont réagi vivement. Il y en a un qui m'a dit très autoritairement :
3 "Ce n'est pas à toi qu'il appartient de décider qui va conduire l'engin.
4 C'est à nous qu'appartient cette décision." Je me suis arrêté net. Je me
5 suis excusé. J'ai dit que c'était simplement une remarque et qu'il n'avait,
6 bien sûr, aucune obligation à mon égard. C'est sur ces mots que la
7 conversation s'est terminée.
8 D'ailleurs, je vais vous dire encore quelque chose : quand je suis
9 allé dans le bureau, quand j'ai quitté les locaux de SDS, j'ai appelé le
10 directeur de l'entreprise Tsigajna [phon], à qui appartenait cet engin de
11 terrassement. Je lui ai dit que des gens de l'armée étaient venus et qu'il
12 fallait qu'il leur donne cet engin de terrassement. Maintenant, est-ce que
13 les hommes sont vraiment venus chercher l'engin, est-ce qu'il leur a donné
14 cet engin, je n'en sais rien. Je ne me suis pas renseigné sur la question.
15 Je ne sais pas du tout si l'engin a été réceptionné par ces hommes ou pas.
16 Je n'en sais rien. Cela ne m'intéressait plus à partir de ce moment-là.
17 Q. Un autre point qui m'intéresse. Lequel de ces deux officiers vous a dit
18 que ce n'était pas à vous de vous poser la question ?
19 R. Je n'en ai pas la moindre idée.
20 Q. Un colonel, un lieutenant-colonel ?
21 R. Je n'en sais rien. Quand cet homme m'a parlé comme cela, je n'avais
22 plus qu'une idée; c'était de partir. Je ne savais rien. J'étais au courant
23 de rien. Je ne connaissais pas les gens. Si j'avais connu leurs prénoms,
24 j'aurais peut-être pu vous dire que l'un s'appelait Marko et l'autre Janko
25 et que Janko a dit telle chose à Marko, mais ce n'était pas le cas. Je ne
26 connaissais personne. Je ne savais pas, j'étais au courant de rien. Je n'en
27 avais rien à faire.
28 Q. Avez-vous parlé à quiconque de cette réunion à laquelle vous avez
Page 9274
1 assisté par la suite ?
2 R. Non.
3 Q. Cette personne dont nous avons parlé tout à l'heure, est-ce que vous
4 lui avez dit quoi que ce soit ?
5 R. MD ? Non. J'ai simplement appelé le directeur et je lui ai dit ce que
6 je lui ai dit, le directeur de l'entreprise qui fabriquait des briques.
7 Q. On parlait de 1992 et nous avions confirmé qu'en 1992, s'agissant de la
8 même école dans laquelle en 1995 on avait placé des prisonniers, que cette
9 école-là en 1992 était également un centre qui avait accueilli des
10 prisonniers. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
11 R. Je sais car j'étais citoyen de cette ville, mais je n'ai pas du tout
12 été chargé de quoi que ce soit. J'étais un simple soldat et j'avais été
13 mobilisé par l'armée. J'avais entendu parler de ceci pendant quelques jours
14 à Bratunac, mais je ne me suis jamais rendu à l'école moi-même. Comme je
15 vous dis, je n'étais pas impliqué dans la vie politique non plus. J'étais
16 simplement un simple soldat. Je n'occupais de poste particulier au sein de
17 la municipalité. Ce n'étaient que des rumeurs.
18 Q. Pour l'école. Vous nous avez expliqué ce qui en était. Dites-nous,
19 d'après vos connaissances en 1992, est-ce que les Musulmans étaient
20 également rassemblés sur un terrain de jeu ?
21 R. Oui.
22 Q. Dites-moi, si vous le savez, où ces personnes avaient été enterrées ?
23 R. Les Musulmans ? Non, je ne sais pas.
24 Q. Est-ce que vous aviez entendu parler de quelque chose?
25 R. Excusez-moi, est-ce que je peux ajouter quelque chose ? Vous savez, on
26 parle de toutes sortes de choses, aujourd'hui. On
27 dit : Voilà, un tombeau a été découvert ici, une fosse a été découverte là.
28 Mais je ne sais pas à l'époque où on enterrait les gens, qui les enterrait.
Page 9275
1 C'est maintenant qu'on découvre tout cela. On peut lire ces informations
2 dans les journaux.
3 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'en 1992 tout ceci
4 était encore à un niveau local ?
5 R. Oui, c'était dans la municipalité de Bratunac. C'est ce qui se passait
6 chez nous mais je ne sais pas ce qui se passait ailleurs dans d'autres
7 municipalités. C'était sans doute pareil. Bratunac n'était sans doute pas
8 unique en son genre.
9 M. MRKIC : [interprétation] Est-ce que vous me permettez quelques instants,
10 Monsieur le Président, pour consulter mon collègue.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certainement.
12 [Le conseil de la Défense se concerte]
13 M. MRKIC : [interprétation]
14 Q. Permettez-moi un instant de préciser quelques points. Vous avez eu un
15 entretien avec M. Ruez, n'est-ce pas, et dans le cadre de cet entretien
16 vous lui avez mentionné que vous aviez des notes personnelles. Est-ce que
17 vous aimeriez que je vous montre ce passage, en anglais, c'est le document
18 2D81 et c'est la page 3.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Si vous souhaitez que l'on demeure en
20 audience publique, je propose que le document ne soit pas diffusé, à moins
21 que vous ne vouliez le placer sur le rétroprojecteur. A ce moment-là nous
22 pourrions passer à huis clos partiel. C'est à vous de choisir, Maître
23 Mrkic, comme vous voulez.
24 M. MRKIC : [interprétation] Je crois que nous pouvons rester en audience
25 publique, mais votre proposition est très bonne de ne pas diffuser le
26 document.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais très bien ce que vous voulez me poser
28 comme question. Veuillez me poser cette question. Oui, je sais pourquoi
Page 9276
1 j'ai répondu cela. M. Ruez, il a sans doute dû me poser des questions pour
2 certains événements ou des dates dont je n'étais pas tout à fait sûr, j'ai
3 dit probablement et non pas probablement mais certainement certaines
4 choses. En fait, je pourrais vérifier. Je n'avais pas de notes
5 particulières. Au bureau, j'avais un carnet de notes dans lequel j'écrivais
6 de façon télégraphique certaines informations. Le 8 février, il faut faire
7 telle ou telle chose. Quand j'ai dit à Ruez que j'avais des notes
8 personnelles, j'ai fait référence à mon carnet de notes, s'il avait besoin
9 de certaines dates et je lui ai dit cela, puisque j'aurais pu retrouver
10 certaines dates dans mon carnet de notes. Mais je n'ai pas tenu de journal
11 de guerre. J'aurais dû peut-être en tenir un mais je n'en ai pas fait. Je
12 ne sais pas si c'est bien cela que vous vouliez me poser comme question.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous devez sans
14 doute vous rendre compte vous-même que dans ce cas-ci vous parlez peut-être
15 un peu trop rapidement ou peut-être vous anticipez les questions. Je vous
16 propose d'attendre d'abord que les questions vous soient posées et vous
17 pourrez répondre à ces questions par la suite et ne répondez qu'à la
18 question, sinon vous allez rester ici pendant plusieurs jours.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé. Merci de cet avertissement,
20 Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Mrkic.
22 M. MRKIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Q. Je vous ai mentionné ceci car nos collègues de l'Accusation nous ont
24 communiqué des notes. J'aimerais simplement confirmer avec vous pour savoir
25 si ce sont les mêmes notes ou est-ce que ce sont d'autres notes. Est-ce que
26 récemment vous avez pris des notes ?
27 R. Oui, j'ai pris des notes ici au Tribunal lorsque j'ai écouté la
28 *cassette de l'audience dans l'affaire Blagojevic. C'est à ce moment-là que
Page 9277
1 j'ai pris des notes et que j'ai remis ces notes au Procureur. Le Procureur
2 a pris ces notes et je crois que cela se rapporte à cela de toute façon.
3 Q. Pour être tout à fait limpide, ce ne sont pas les mêmes notes que vous
4 avez mentionnées à M. Ruez ?
5 R. Mais non. Comment voulez-vous qu'il s'agisse de mêmes notes, puisque
6 les notes dont je vous parle, je les ai faites hier ou avant-hier alors que
7 M. Ruez m'a posé des questions en 1998.
8 Q. Dans ces notes j'ai remarqué deux choses. Avec votre permission, je
9 voudrais en parler. Examinons d'abord les notes que vous avez prises. Est-
10 ce que vous aviez noté les choses qui étaient les plus importantes qui
11 étaient restées gravées dans votre esprit ?
12 R. Si j'avais su que vous en auriez eu besoin, je n'aurais rien écrit.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur. Monsieur. Je dois de nouveau
14 vous rappeler de permettre à Me Mrkic et aux autres conseils qui vous
15 poseront des questions de leur permettre de terminer leurs questions
16 d'abord avant de répondre, d'entamer votre réponse. Est-ce que c'est cela
17 c'est clair ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Merci. Cette période de contre-
19 interrogatoire avec Me Mrkic est tellement longue. Je voulais dire que si
20 j'avais su que ces notes tomberaient entre les mains du Procureur et de la
21 Défense, je ne les aurais pas prises. C'était pour moi que j'ai pris ces
22 notes. J'ai peut-être été imprécis, pour moi c'était important, c'était
23 pour un usage personnel, pour moi. Et maintenant c'est entre vos mains.
24 Voilà, c'est maintenant entre vos mains. Je vous écoute. Posez-moi des
25 questions.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Mrkic, il nous reste six à sept
27 minutes encore.
28 M. MRKIC : [interprétation] Je vais faire de mon mieux pour essayer de
Page 9278
1 terminer mon contre-interrogatoire avant la fin de la séance.
2 Q. Monsieur, permettez-moi de vous poser la question
3 suivante : pourquoi n'êtes-vous pas d'accord pour que ces notes tombent
4 entre les mains des conseils de la Défense ou du Procureur ?
5 R. Non, non, je suis désolé d'avoir répondu ce que j'ai répondu. Non, mais
6 cela ne me dérange pas, absolument pas. Cela ne me dérange pas. Ces notes
7 personnelles vous les avez lues, non cela ne me dérange pas.
8 Q. Je vous pose cette question, parce que sous la date
9 14 juillet 1995 vous avez noté que la secrétaire du SDS, une femme, la
10 secrétaire du SDS vous a appelé de venir au SDS et que c'est là que vous
11 avez rencontré le colonel Beara ?
12 R. C'est ce que j'ai dit, oui.
13 Q. Pourquoi est-ce que vous ne parlez pas de réunion qui a eu lieu avec
14 ces deux officiers ? Pourquoi est-ce que vous n'avez pas dit dans vos notes
15 ce qu'ils voulaient de vous ?
16 R. C'était pour me rappeler. Je n'ai pas pris de notes détaillées. C'est
17 simplement une petite note rapide, un aide-mémoire.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur Vanderpuye.
19 M. VANDERPUYE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas que
20 le témoin a un exemplaire ou j'ai peut-être une copie et je pourrais peut-
21 être la communiquer au conseil de la Défense --
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] J'allais proposer que
23 M. Mrkic lui rende ses notes et nous pouvons passer à autre chose.
24 Est-ce que vous voulez encore insister sur cette question de notes,
25 Monsieur Mrkic, ou est-ce que vous pensez passer à autre chose ?
26 M. MRKIC : [interprétation] Encore quelques questions, Monsieur le
27 Président, ensuite je passerai à un autre sujet.
28 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.
Page 9279
1 M. VANDERPUYE : [interprétation] J'ai trouvé un exemplaire dans mon
2 dossier.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous avons cela. Montrez
4 d'abord ces notes au témoin et à Me Mrkic.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, c'est simplement un aide-mémoire, c'est
6 tout.
7 M. MRKIC : [interprétation]
8 Q. Est-ce que ce sont bien les notes que vous aviez faites ?
9 R. Oui. Oui, en fait, non, ce n'est pas l'original. Mes notes avaient été
10 prises dans un cahier et cela c'est une photocopie.
11 Q. Veuillez, je vous prie, prendre la date du 14 juillet 1995, prenez le
12 passage qui a trait à cette date-là. Je crois que c'est l'avant-dernière
13 page.
14 R. Je sais où cela se trouve.
15 Q. Ce qui m'intéresse surtout c'est ce que vous avez écrit après cette
16 mention de la date. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner lecture de la
17 phrase qui suit ?
18 R. Puis-je prendre le document entre mes mains ? Je répète, pour moi c'est
19 un aide-mémoire et je ne sais pas pourquoi j'ai écrit ce que j'ai écrit,
20 c'était simplement un aide-mémoire. Je n'ai pas informé personne de la
21 situation à Bratunac, car ne n'avais pas de contact ni avec le gouvernement
22 ni avec l'assemblée. Je crois que c'était l'obligation de MD, car c'était
23 lui qui avait été nommé au poste de commissaire de la municipalité de
24 Srebrenica. Il avait été nommé à ce poste par le président.
25 Q. Si je vous ai bien compris, vous avez pris ces notes pour pouvoir vous
26 rappeler de la séquence des événements en indiquant les dates. Pourquoi
27 est-ce que vous avez inscrit ce que vous avez inscrit ? Ce n'est pas un
28 aide-mémoire qui vous rappelle les événements. Est-ce que vous ne croyez
Page 9280
1 pas que c'est une sorte de justification ?
2 R. Pour qui ? Pour moi, devant moi, non, pour moi c'est un aide-mémoire.
3 Un aide-mémoire simplement pour me permettre de dire devant le Tribunal,
4 devant les Juges de cette Chambre ce que j'avais décrit mais dans une autre
5 forme. C'est simplement pour dire que pendant l'opération de Srebrenica, je
6 n'étais pas en contact avec le gouvernement. Je n'étais pas en contact avec
7 les hommes politiques et que s'il y avait une personne qui pouvait être en
8 contact avec ces personnes c'était Deronjic. Alors que moi-même et LJS,
9 nous n'avions pas de contacts avec ces hommes. Nous n'avions pas de
10 contacts avec le premier ministre, avec le président de l'assemblée ou
11 personne de ce genre. C'était vraiment des notes personnelles.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que nous pouvons nous arrêter
13 ici pour aujourd'hui. Je ne sais pas si vous êtes d'accord, Monsieur Mrkic.
14 M. MRKIC : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président. M. LE JUGE
15 AGIUS : [interprétation] Merci.
16 Monsieur le Témoin, c'est très important, et je vous dis ceci de façon très
17 sérieuse, qu'entre aujourd'hui et le moment où vous aurez terminé votre
18 déposition que vous n'entriez en contact avec personne. Lorsque je parle de
19 personne, je fais également allusion aux autres témoins qui pourraient
20 venir témoigner ici. Et vous ne pouvez pas parler de la teneur de votre
21 témoignage. Vous n'avez pas non plus le droit de permettre à qui que ce
22 soit d'entrer en contact avec vous pour parler de votre témoignage et vous
23 n'avez pas non plus le droit d'entrer en contact avec des personnes pour
24 parler de votre déposition. Est-ce que vous me comprenez ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je vous ai bien compris. Je
26 ne communique avec personne lié à ce témoignage. S'agissant du fait que
27 nous sommes dans le même hôtel, que tous les témoins sont dans le même
28 hôtel, vous auriez dû nous placer dans différents hôtels afin que nous ne
Page 9281
1 puissions pas nous voir. Mais vous savez, quand on se voit, on ne parle pas
2 nécessairement du témoignage. Nous sommes assis ensemble dans le
3 restaurant. Nous parlons de football, nous parlons de voyage, nous parlons
4 de la ville de La Haye, nous parlons de ce qu'on a vu ici, et cetera. Vous
5 auriez dû nous mettre dans différents hôtels.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que cela suffit. Merci.
7 Nous allons nous arrêter ici aujourd'hui. Nous allons poursuivre
8 l'audience de ce témoin demain. Nous reprenons nos travaux à 9 heures
9 demain matin.
10 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le vendredi 23 mars
11 2007, à 9 heures 00.
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.
* Le texte en gras et en italiques était auparavant confidentiel suite à une ordonnance portant expurgation rendue par la Chambre. La confidentialité du texte a été depuis levée par la décision de la Chambre du 15 mars 2012.