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1 Le vendredi 15 février 2008
2 [Audience de la Règle 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour, Madame la Greffière
7 d'audience. Veuillez annoncer l'affaire, s'il vous plaît.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
9 Il s'agit de l'affaire IT-05-88-T, le Procureur contre Vujadin Popovic et
10 consorts.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
12 Tous les accusés sont ici. Je pense que les équipes de la Défense sont
13 présentes dans leur intégralité ici.
14 M. McCloskey représente l'Accusation. Je vois que M. McCloskey s'est
15 levé.
16 M. McCLOSKEY : [interprétation] Brièvement, Monsieur le Président.
17 Me Lazarevic a identifié une autre petite partie concernant l'acte
18 d'accusation, et il n'y a pas eu d'éléments de preuve à ce sujet
19 effectivement. Est-ce que vous souhaitez que je le reconnaisse un peu plus
20 tard ou nous pourrons déposer quelque chose.
21 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, vous pourrez déposer un papier. Je
22 pense que ce serait utile; sinon, lundi, vous pourrez faire référence à
23 cela lorsque vous aurez commencé.
24 M. McCLOSKEY : [interprétation] Nous pouvons déposer un document très
25 simplement. Merci.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.
27 Donc, je pense que c'est votre tour, Madame Fauveau.
28 Mme FAUVEAU : Oui, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à vous.
2 Mme FAUVEAU : Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la
3 question qui se pose à ce stade de procédure est de savoir si le Procureur
4 a présenté des preuves susceptibles de justifier la condamnation du général
5 Miletic pour les chefs d'accusation allégués dans l'acte d'accusation. Nous
6 disons non, il ne l'a pas fait.
7 Premièrement, s'agissant du chef de l'Accusation numéro 8, l'expulsion un
8 crime contre l'humanité, le Procureur n'a pas prouvé tous les éléments
9 constitutifs de ce crime.
10 Ensuite, s'agissant plus particulièrement du général Miletic, le Procureur
11 n'a pas apporté de preuves suffisantes de sa participation à l'entreprise
12 criminelle commune et de son intention qui pour justifier sa condamnation
13 aurait dû être criminel. Je plaide donc l'acquittement du général Miletic
14 de tous les chefs d'accusation à son encontre à savoir les chefs
15 d'accusation 4, 5, 6, 7 et 8.
16 Je me pencherai tout d'abord sur le chef d'accusation numéro 8 le crime
17 contre l'humanité l'expulsion.
18 Dans le paragraphe 84 de l'acte d'accusation, le Procureur allègue les
19 expulsions, le déplacement forcé d'hommes musulmans de Zepa qui ont dû
20 traverser la Drina pour gagner la Serbie. Le déplacement qui aurait été
21 obtenu par la restriction de l'aide, le bombardement des hommes civils et
22 par l'attaque à l'enclave; cependant la seule chose qui pourrait distinguer
23 ces agissements du transfert forcé allégué dans le chef d'accusation numéro
24 7 est la traversée de la rivière Drina, la traversée de la frontière. Au
25 terme de l'acte d'accusation, les seules personnes qui ont traversé la
26 rivière Drina sont les hommes musulmans de Zepa; donc, les seules victimes
27 de l'expulsion auraient été les hommes musulmans de Zepa.
28 Conformément à l'article 5 du Statut du Tribunal, les crimes contre
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1 l'humanité doivent être commis au cours d'un conflit armé de caractère
2 international ou interne et dirigé contre une population civile, quelle
3 qu'elle soit. Dans son rapport du 8 mai 1993, paragraphe 47, le secrétaire
4 général des Nations Unies a écrit que les crimes contre l'humanité sont
5 dirigés contre une population civile. Ce sont les crimes qui doivent être
6 dirigés contre la population civile.
7 Dans l'affaire Blaskic, la Chambre d'appel a jugé dans l'arrêt rendu le 29
8 juillet 2004, paragraphe 107, que ce qui caractérise les crimes contre
9 l'humanité ce sont à la fois la qualité de civils de la victime et leur
10 ampleur ou leur degré d'organisation; donc, il ne suffit pas que l'attaque
11 en soi soit dirigée contre la population civile, il ne suffit pas que les
12 zones civiles soient bombardées et attaquées. Il faut que les victimes du
13 crime contre l'humanité soient des civils.
14 En occurrence, il s'agit de l'expulsion, donc, il aurait fallu que les
15 victimes de l'expulsion, ceux qui ont traversé la rivière Drina, soient des
16 civils. Or, dans la présente affaire, nous savons que les personnes qui
17 auraient été expulsées étaient des hommes et des hommes en âge militaire.
18 Personne ne peut raisonnablement présumer que ces hommes étaient des
19 civils. Une présomption raisonnable suggère plutôt que ces hommes soient
20 considérés comme des militaires. La qualité de victimes civiles est un
21 élément constitutif du crime contre l'humanité et il revient au Procureur
22 de prouver tous les éléments du crime, y compris la qualité des personnes
23 qui auraient été victimes. Or, nous n'avons aucune preuve que ces hommes
24 étaient des civils. Jamais le Procureur n'a fourni la moindre preuve que
25 ces hommes n'étaient pas militaires. Nous avons entendu le Témoin PW-155,
26 qui a traversé la rivière de Drina après la chute de Zepa. Le 5 février
27 2007, page 6 831, ce témoin a admis qu'il était sur les lignes de la
28 défense, qu'il participait à la défense de Zepa et cela équivaut à un
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1 combattant.
2 Ensuite, nous avons le Témoin 49 qui a déclaré le 2 avril 2007, page 9 826,
3 en parlant de la Brigade de Zepa qu'une partie des troupes était armée et
4 que certains ont réussi à atteindre la Serbie.
5 Le 7 novembre 2007, page 17 633, le général Smith a déclaré en parlant des
6 forces militaires de la Bosnie-Herzégovine à Zepa qu'elles continuaient de
7 combattre dans le secteur et dans la plupart des cas qu'ils ont traversé la
8 Drina vers la Serbie, donc, ceux qui ont traversé la Drina, qui sont partis
9 en Serbie, étaient membres des forces militaires, ceux qui combattaient et
10 qui continuaient à combattre.
11 Finalement, l'expert militaire, Richard Butler, disait le 17 janvier 2008,
12 page 19 945, que les membres de l'armée de la Republika Srpska parlaient de
13 ce qu'ils étaient en train de voir à savoir des soldats musulmans qui
14 plutôt de se rendre à l'armée de la Republika Srpska essayaient de
15 traverser la rivière de Drina et de se rendre en Serbie. Donc, nous savons
16 qu'une personne qui a participé à la défense de Zepa a traversé la rivière
17 de Drina une partie des troupes armées appartenant à la Brigade de Zepa,
18 les forces armées de la Bosnie-Herzégovine, ceux qui continuaient de
19 combattre les soldats musulmans. Cela ne fait aucun doute. Il n'y a pas de
20 civils parmi ceux qui sont passés à la rivière de Drina.
21 Jamais le Procureur n'a fourni la moindre preuve que ces hommes, qui se
22 sont enfuis de Zepa vers la Serbie, n'étaient pas des militaires, et pour
23 prouver le crime contre l'humanité, il aurait dû le faire. Comme le
24 Procureur n'a pas fourni de preuve que les hommes qui ont traversé la
25 rivière de Drina étaient des civils, il a failli apporter la preuve de
26 l'existence même du crime contre l'humanité, l'expulsion, et le général
27 Miletic doit être acquitté pour ce chef de l'accusation.
28 Je me tournerais maintenant à la participation alléguée du général Miletic
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1 à l'entreprise criminelle commune visant de chasser la population musulmane
2 des enclavez Srebrenica et Zepa.
3 Le général Miletic est accusé d'avoir participé à l'entreprise criminelle
4 commune visant à chasser la population musulmane de Srebrenica et Zepa.
5 Selon le Procureur, cette entreprise criminelle commune avait pour l'objet
6 le transfert forcé et l'expulsion de la population musulmane de cette
7 enclave s'agissant des meurtres individuels qualifiés, comme l'assassinat,
8 un crime contre l'humanité, et le meurtre, une violation des lois et
9 coutumes de la guerre, et de la persécution. Ces crimes auraient été la
10 conséquence prévisible de l'entreprise criminelle commune.
11 La Chambre d'appel a jugé dans l'affaire Brdjanin dans son arrêt prononcé
12 le 3 avril 2007, paragraphe 365, que pour être condamné pour cette
13 participation à la première forme de l'entreprise criminelle commune,
14 l'accusé doit avoir l'intention de commettre le crime et l'intention de
15 participer au plan commun dont l'objectif est la commission de ce crime.
16 La responsabilité sur la participation d'un accusé dans l'entreprise
17 criminelle commune requiert la participation de cet accusé. Conformément à
18 l'arrêt rendu dans l'affaire Brdjanin, paragraphe 424, cette participation
19 doit avoir la forme de l'assistance ou de contribution à l'exécution de
20 l'objectif commun; cependant, la Chambre d'appel a jugé dans ce même arrêt,
21 paragraphe 427, que toute sorte de conduite n'équivaut pas à une
22 contribution assez importante pour engager la responsabilité criminelle de
23 l'accusé. Si la Chambre d'appel a observé que cette contribution ne devait
24 pas être substantielle, elle est néanmoins jugée dans le paragraphe 430
25 qu'elle doit être signifiante pour que l'accusé soit jugé coupable. Le
26 Procureur a donc dû apporter la preuve de la participation signifiante du
27 général Miletic à l'entreprise criminelle commune et de son intention de
28 commettre le crime et de participer au plan commun visant la commission du
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1 transfert forcé et de l'expulsion.
2 Quelle serait la preuve de la participation du général Miletic à
3 l'entreprise criminelle commune ? Uniquement sa position dans l'état-major
4 de l'armée de la Republika Srpska en 1995. Encore, cette position reste
5 plus que floue. Le Procureur nous dit selon l'acte d'accusation, en
6 français, que le général Miletic était le chef de l'état-major par intérim,
7 ce qui est probablement l'une des traductions possibles de "standing in
8 for."
9 Or, tous les témoins, tous, sans exception, y compris l'expert militaire du
10 Procureur, ont déclaré que le général Milovanovic était le chef de l'état-
11 major tout au long de la guerre y compris en 1995, y compris en juillet
12 1995. Le général Milovanovic lui-même a déclaré, le 29 mai 2007, page 12
13 146, qu'il était le chef de l'état-major de l'armée de la Republika Srpska
14 tout au long de la guerre en Bosnie, et il a répété le 31 mai 2007, page 12
15 303.
16 Les autres officiers de l'armée de la Republika Srpska ont confirmé que le
17 général Milovanovic était, en juillet 1995, le chef de l'état-major de
18 l'armée de la Republika Srpska. Mirko Trivic, le 22 mai 2007, page 11 937;
19 Bogdan Sladojevic, le 27 août 2007, page
20 14 388; Nedeljko Turkulja, le 10 septembre 2007, page 15 074; Miomir Sakic,
21 le 13 septembre 2007, page 15 323; Petar Skrbic, le 17 septembre 2007, page
22 15 507.
23 Les officiers de la FORPRONU disaient aussi que le général Milovanovic
24 était le chef de l'état-major de l'armée de la Republika Srpska, le
25 généralement Smith, le commandant des forces de la FORPRONU pour la Bosnie-
26 Herzégovine en 1995 a déclaré, le 7 novembre 2007, page 17 619; et le
27 général Nikolai, le chef de l'état-major de la FORPRONU, l'a confirmé le 29
28 novembre 2007, page 18 448. Edward Joseph l'a dit aussi, le 22 août 2007,
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1 page 14 148.
2 Finalement, l'expert militaire du Procureur, Richard Butler, a également
3 déclaré lors de l'audience du 223 janvier 2008, page 20 240, 20 241, que le
4 général Milovanovic était le chef de l'état-major principal en juillet
5 1995.
6 Le général Milovanovic est bien le chef de l'état-major de l'armée de la
7 Republika Srpska en 1995. Il performe ces tâches, il s'acquitte de ces
8 obligations et ces devoirs, en tant que le chef de l'état-major. Nous avons
9 vu les documents signés par lui tout au long de cette période entre mars et
10 juillet 1995, pour citer certain P2687, un document relatif aux convois
11 humanitaires du 7 avril 2007, P2669A, un ordre signé par le général
12 Milovanovic le 27 mai 1995.
13 Le Procureur a versé au dossier les documents désignant le général Miletic
14 comme représentant du chef de l'état-major. Nulle doute que son nom se
15 trouve sur ces documents et que sa fonction est décrite comme étant celle
16 du représentant du chef de l'état-major, seulement personne ne sait au
17 juste ce que signifie ce terme quelle est la fonction exacte du
18 représentant du chef de l'état-major, quelles sont ses compétences, quelle
19 est son autorité. Le fait est que, lorsque le général Milovanovic était
20 physiquement absent de l'état-major - et je souligne "physiquement" car son
21 absence est uniquement physique - certaines de ses fonctions, qu'il ne
22 pouvait pas accomplir en raison de son absence physique, étaient reprises
23 par d'autres généraux.
24 Comme le chef de l'état-major, le général Milovanovic avait des contacts
25 avec la FORPRONU. Le général Nikolai disait, le 29 novembre 2007, page 18
26 448, que son contact principal était le général Milovanovic, et il a ajouté
27 que, lorsque le général Milovanovic n'était pas présent, il parlait aux
28 autres généraux. Seulement le général Miletic ne se trouvait pas parmi les
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1 généraux auxquels le général Nikolai parlait.
2 Le général Milovanovic, en étant le chef de l'état-major, allait sur le
3 terrain. D'ailleurs, il était à Zvornik en avril et mai 1995, ce qui
4 atteste les pièces P2891, 5D714. Et nous savons que le général Miletic, en
5 1995, n'est pas allé une seule fois vérifier l'état des unités sur le
6 terrain; d'autres officiers y sont allés.
7 Le 31 mai 2007, page 12 309, le général Milovanovic disait que le général
8 Miletic le remplaçait pour ce qui était des activités quotidiennes et il a
9 ajouté que le général Miletic n'avait jamais tous les pouvoirs que lui, le
10 général Milovanovic avait. Et le 28 janvier 2008, page 20 548, l'expert
11 militaire du Procureur a déclaré qu'il ne croyait pas que le général
12 Miletic avait l'autorité lui permettant d'exercer les fonctions qui avaient
13 été celles du général Milovanovic.
14 Sur la base de toutes les preuves que nous avons. Sur la base des documents
15 portant le nom du général Miletic, en tant que représentant du chef de
16 l'état-major, personne ne peut raisonnablement conclure que le général
17 Miletic a remplacé entièrement le général Milovanovic dans sa fonction du
18 chef de l'état-major de l'armée de la Republika Srpska. Tout au plus, ces
19 documents et les preuves présentées, mènent à la conclusion que le général
20 Miletic signait certains documents et je souligne certains, lorsque le
21 général Milovanovic est pour une raison ou une autre empêché de le signer.
22 Et encore une fois, aucun de ces documents ne portent la fameuse remarque
23 "SRS" signifiant signer personnellement par la personne nommée dans le
24 document selon l'explication donnée par le témoin expert, Richard Butler,
25 le 17 janvier 2008, page
26 19 871.
27 Lisant la suite de l'acte d'accusation, on apprend que, pour le Procureur,
28 le général Miletic aurait été le conseiller principal du général Mladic. Là
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1 encore, aucune preuve. Certes, lors de ces déclarations liminaires du 21
2 août 2006, page 383, le Procureur a cité quatre généraux dont le général
3 Miletic, qui aurait été les plus proches du général Mladic. Seulement cette
4 thèse n'est soutenue pas aucune preuve. A la différence de tous les autres
5 généraux de l'état-major principal, et à la différence de commandants des
6 corps qui sont tous subordonnés directement au général Mladic, le général
7 Miletic n'est même pas son subordonné direct. Il est subordonné au général
8 Milovanovic.
9 Le général Milovanovic l'a déclaré le 31 mai 2007, page 12303 ainsi que
10 Richard Butler le 28 janvier 2008, page 20547. Du fait que le général
11 Mladic n'était pas le supérieur direct du général Miletic, le général
12 Miletic n'avait pas de raison de vouloir les contacts directs réguliers
13 avec le général Mladic. Par ailleurs, le général Milovanovic affirmait le
14 31 mai 2007, page 12 311 que le général Mladic n'appréciait pas
15 particulièrement le général Miletic.
16 Nous avons entendu les cinq et six novembre 2007, le général Smith parlait
17 de cette réunion qu'il a eue avec le général Mladic, en 1995. Et, nous
18 avons vu des comptes rendus ou des rapports de ces réunions, il s'agit des
19 pièces P2933, P2934, P2942, P2943, P2747, P2947. Nous pouvons observer
20 l'absence totale du général Miletic lors de ces réunions. Aucune trace de
21 sa présence, aucune preuve que le général Mladic l'aurait consulté avant
22 ces réunions ou même qu'il lui aurait transmis les résultats des réunions
23 après. Rien.
24 Le Procureur dira certainement que le général Miletic n'était pas en charge
25 des réunions, surtout celles avec la FORPRONU ou avec les organisations
26 internationales. D'accord, que se passe-t-il ? Mais comment, dans ce cas,
27 il aurait pu avoir le rôle central dans la distribution de l'aide
28 humanitaire ? J'y reviendrai un peu plus tard. Pour le moment, acceptons
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1 que son rôle n'était pas de s'occuper des réunions mais d'assister le
2 général Mladic dans les opérations militaires.
3 Au cours de l'opération à Srebrenica en juillet 1995, le général Mladic se
4 rend sur place. Nous savons qu'il y est le 11 juillet 1995. Le général
5 Mladic est à Srebrenica mais sans le général Miletic. Plusieurs réunions
6 ont eu lieu les 11 et 12 juillet à Bratunac. Je ne parlerais pas des
7 réunions à l'hôtel Fontana, mais je note que le général Miletic n'y est
8 pas.
9 Ce qui est plus signifiant le 11 ou le 12 juillet 1995, une réunion aurait
10 eu lieu à Bratunac, où la poursuite des actions militaires vers Zepa a été
11 décidée et élaborée. Mirko Trivic a déclaré le 25 mai 2007, page 11841 et
12 suivantes que le général Mladic était présent au moins pour une partie de
13 cette réunion. Le général Mladic y est mais le général Miletic n'y assiste
14 pas. Aucune preuve n'existe que le général Mladic a consulté le général
15 Miletic avant cette réunion ou qu'il l'a informé des conclusions ou des
16 décisions de cette réunion après celle-ci. Tout simplement il n'y pas de
17 preuve qu'à l'époque le général Mladic a contacté le général Miletic, que
18 le général Mladic voulait le contacter ni même qu'il a essayé de le
19 contacter.
20 Nous savons aussi que le général Mladic s'est rendu à Zepa. De nombreux
21 témoins le confirment. Le général Smith, le 6 novembre 2007, page 17 556;
22 Edward Joseph, le 23 août 2007, page 14 160; Thomas Dibb, le 15 octobre
23 2007, page 16 293; le Témoin 49, le 30 mars 2007, page 9 729 ainsi que
24 certains rapports, par exemple, les pièces P2946 et P2944.
25 Quant au général Miletic, il n'est pas rendu à Zepa en 1995 une seule fois
26 avant, pendant ou après les actions militaires qui s'y sont déroulées. Il
27 n'a assisté au général Mladic à Zepa ni dans la conduite des actions
28 militaires ni dans les négociations que celui-ci a menées sur place.
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1 Nous savons aussi que le général Mladic a participé au départ du général
2 Zivanovic le 20 juillet 1995, dans le restaurant Jela, accompagné de son
3 chef de l'état-major, le général Milovanovic. Le général Milovanovic l'a
4 confirmé le 29 mai 2007, page 12206 ainsi que Mirko Trivic le 21 mai 2007,
5 page 11876. Encore une fois, le général Miletic n'y était pas.
6 Nous savons enfin que tous les généraux de l'état-major principal étaient
7 présents à Banja Luka, début août 1995 pour signer la lettre du soutien au
8 général Mladic. Il s'agit de la pièce P1026 et encore une fois le général
9 Miletic n'y était pas.
10 Drôle du conseiller qui n'accompagne jamais celui à qui il devait des
11 conseillers. De toute évidence, le général Miletic n'accompagne pas le
12 général Mladic, mais ce n'est pas tout. Aucun élément dans ce dossier
13 n'indique que le général Mladic s'est jamais adressé au général Miletic
14 pour lui demander le conseil. Encore une fois, rien.
15 Dans l'acte d'accusation le Procureur prétend que le général Miletic
16 était l'officier principal chargé de transcrire les intentions, les ordres
17 et directives du commandant. Soit, là encore, il fallait prouver qu'il l'a
18 fait pour Srebrenica et Zepa, or, il n'en n'est rien. Certes nous avons la
19 directive numéro 7, mais la directive numéro 7 n'est même pas la directive
20 du commandant. Elle est celle du commandant suprême, le président Karadzic.
21 Prenons ces directives, la directive numéro 7, la pièce P5, telle qu'elle
22 est, sans entrer dans les interprétations possibles de sa signification et
23 de la signification de la phrase concernant la population civile dans les
24 enclaves.
25 Nous ne nions pas que le général Miletic était impliqué dans la rédaction
26 de cette directive, mais ce n'est pas lui qui l'a conçue, ce n'est pas lui
27 qui l'a formulée. Ce texte n'est pas le sien. Il est du commandant suprême,
28 le président Karadzic.
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1 Dans sa déclaration liminaire le 21 août 2006, page 399, le Procureur a
2 déclaré que le général Miletic en personne a rédigé la phrase relative à la
3 population civile dans les enclaves de Srebrenica et Zepa, mais lors de la
4 présentation de ses moyens de preuve il n'a nullement démontré que le
5 général Miletic a écrit cette phrase. Il a même soigneusement évité cette
6 question.
7 Or, le 30 mai 2007, page 11 277, le général Milovanovic a dit que le
8 président Karadzic a pu ajouter cette phrase contre la volonté du général
9 Miletic et que d'ailleurs même si le général Miletic s'y était opposé,
10 cette opposition n'aurait abouti à rien.
11 Le 29 janvier 2008, page 20 585 et 586, l'expert militaire du Procureur a
12 confirmé que Radovan Karadzic a pu changer certaines parties de la
13 directive avant de la signer et qu'il avait pu ajouter cette phrase contre
14 la volonté de membres de l'état-major.
15 La question qui a écrit cette phrase demeure entièrement ouverte. Est-ce le
16 général Mladic après sa réunion avec le général Smith le 5 mars '95 où il a
17 annoncé une restriction des convois, le général Smith en a parlé, le 6
18 novembre 2007, page 17 478, et d'ailleurs, les propos du général Mladic ont
19 rapporté dans un rapport de la FORPRONU, en date du 6 mars 1995, la pièce
20 P2933. Est-ce le président Karadzic qui l'a ajouté, pour une raison ou une
21 autre ? Nous ne le savons pas. Le Procureur ne nous a fourni aucune preuve
22 mais également il n'a fourni aucune preuve que le général Miletic l'a
23 écrite.
24 Et la charge de preuve probandi est au Procureur. Il a dû fournir des
25 preuves pour sa thèse selon laquelle le général Miletic aurait écrit cette
26 phrase. Il ne l'a pas fait. Le fait que le nom du général Miletic se trouve
27 sur ces directives n'est pas une preuve, car cette directive n'est pas la
28 sienne, elle est du président Karadzic. Le plus qu'il peut être conclu de
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1 cette directive est une connaissance que le général Miletic aurait pu
2 avoir, aurait pu avoir de la politique générale concernant les enclaves. Sa
3 connaissance pas son adhérence à cette politique.
4 Qu'ensuite à cette directive, nous avons la directive 7.1, la pièce 5D361,
5 la directive ou la phrase en question n'existe pas. Si le général Mladic a
6 écrit la phrase concernant la population civile à Srebrenica et Zepa, il a
7 peut-être réfléchi et changé d'avis, si c'était le président Karadzic qui
8 l'a écrite, le général Mladic a probablement décidé de ne pas suivre ces
9 consignes.
10 Quoi qu'il en soit, sur la base de preuves présentées dans ce dossier,
11 cette phrase ne peut être imputée au général Miletic.
12 Le Procureur veut nous faire croire que la directive 7 et 7.1 sont le point
13 du départ, la cause des événements ultérieurs à Srebrenica et Zepa, et
14 d'ailleurs la date de la directive numéro 7 le 8 mars 1995 est la date de
15 la création de l'entreprise criminelle commune alléguée. Le Procureur n'a
16 fourni aucune preuve que cette directive avait pour objet l'attaque à
17 Srebrenica et Zepa. Il n'a fourni aucune preuve de liens de causalité entre
18 cette directive et les événements qui ont eu lieu dans les enclaves de
19 Bosnie orientale en été 1995. Les ordres du général Zivanovic 6,18s
20 initiant l'action militaire autour de Srebrenica qui se réfèrent aux
21 directives n'envisagent pas la prise des enclaves. La prise des enclaves
22 était une décision impromptue décidée le 9 juillet au soir et j'en parlerai
23 plus tard.
24 Aucune des deux directives 7 et 7.1 ne mentionnent l'entrée aux enclaves.
25 La directive 7.1 ne parle même pas des enclaves. La directive 7 se
26 contentait -- se contente de parler de la séparation des enclaves. Et comme
27 la directive indique que les enclaves doivent être séparées, de toute
28 évidente elle n'envisage pas d'en chasser la population musulmane, car sans
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1 la population musulmane les enclaves n'auraient pas exister et leur
2 séparation aurait été sans objet.
3 La séparation des enclaves envisagée dans la directive n'entendait
4 pas le transfert de la population. Ce n'est pas un crime. C'est un objectif
5 militaire. Un objectif qui est d'ailleurs consistant avec les accords
6 signés en 1993 entre l'armée de la Republika Srpska et l'armée de la
7 Bosnie-Herzégovine et la FORPRONU.
8 Mais le Procureur a besoin de la directive 7. Il en a besoin car il
9 pense que cette directive en passant par les convois humanitaires peut lier
10 le général Miletic aux événements qui ont eu lieu en juillet '95 à
11 Srebrenica et Zepa, mais avons-nous une preuve que les restrictions de
12 l'aide humanitaire ont augmenté après la directive ? Une multitude des
13 ordres relative au passage des convois démontre que cette politique de
14 contrôle existait depuis le début de la guerre. D'ailleurs avons-nous ne
15 preuve que l'aide humanitaire était particulièrement restreinte pour
16 Srebrenica et Zepa ? Non, nous ne l'avons pas. La politique envers les
17 convois était la même pour toutes les enclaves.
18 Avons-nous une preuve que la situation humanitaire dans les enclaves
19 était la conséquence des restrictions des convois ? Non, nous ne l'avons
20 pas. Nous savons qu'il y avait des malversations sur place. Les pièces 5D31
21 et 5D509 l'affirment. Quoi qu'il en soit la situation à Srebrenica telle
22 qu'elle était pouvait bien être la conséquence des malversations des
23 autorités bosniaques locales qui ont eu lieu sur place et pour lesquelles
24 le général Miletic n'est nullement responsable.
25 Le Procureur aurait dû apporter la preuve que la restriction de
26 l'aide humanitaire a été la cause de la situation humanitaire à Srebrenica,
27 il ne l'a pas fait. Nous avons une cinquantaine de rapports de la brigade
28 de Zvornik qui démontre le nombre de convois qui sont passés pour aller à
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1 Srebrenica dans la période et à Zepa dans la période de mars en juillet
2 1995, et nous avons le document de la FORPRONU, la pièce 5D728, qui nous
3 dit qu'au mois mars, 93% de l'aide humanitaire prévue pour Srebrenica est
4 effectivement arrivée à Srebrenica. 93%, c'est quasi la totalité.
5 Oui, le nom du général Miletic se trouve sur les documents qui ne sont que
6 des informations adressées aux unités subordonnées pour les informer des
7 convois qui peuvent passer et de ceux dont le passage n'était pas autorisé.
8 Oui, son nom se trouve sur ces documents. Il était le chef de
9 l'administration en charge des affaires opérationnelles et il était donc en
10 charge de transmettre ce type des informations aux unités subordonnées à
11 l'état-major principal.
12 Et, si on analyse attentivement ces documents, l'on s'aperçoit que pour la
13 plupart, c'étaient les convois de la FORPRONU dont le passage était limité.
14 Les convois de la FORPRONU ne transportaient pas de l'aide humanitaire. Or,
15 le général Miletic est accusé exclusivement d'avoir participé dans la
16 restriction de l'aide humanitaire à la population musulmane.
17 Dans sa déclaration liminaire le 21 août 2006, page 442, le Procureur a
18 déclaré que le général Miletic jouait un rôle très important dans
19 l'organisation des convois et qu'il décidait quels convois partaient et
20 lesquels ne partaient pas. Or, il n'a fourni aucune preuve que le général
21 Miletic décidait de quoi que ce soit s'agissant des convois. Le seul
22 élément de preuve plutôt un bout d'élément de preuve qui d'ailleurs ne
23 confirme nullement la thèse du Procureur, sont deux conversations
24 interceptées, P1237 et P1266 qui indiquent que le général Tolimir ensemble
25 avec le général Mladic décidaient du passage. La conversation P1266 indique
26 par ailleurs aussi que l'organe de coordination octroyait les
27 autorisations.
28 Nous savons que le colonel Djukic, un officier de l'état-major, était
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1 membre de cet organe de Coordination. Nous avons la pièce 6D7 qui énumère
2 les membres de cet organe. L'expert militaire du Procureur, Richard Butler,
3 a confirmé, le 1e février 2008, page 20 950, que le colonel Djukic n'était
4 pas subordonné au général Miletic. Par ailleurs, une multitude des ordres,
5 P2749, D5372, 5D374, 5D378, 5D605, 5D725, signés par le général Mladic, le
6 général Milovanovic et même le général Tolimir, qui étaient donnés ici,
7 bien avant la directive numéro 7, déterminer les lignes directrices
8 concernant la procédure appliquée aux convois.
9 Nous avons vu des réunions relatives à l'aide humanitaire auxquelles le
10 général Miletic ne participait pas. Nous avons vu les ordres relatifs au
11 passage des convois signés par certains généraux, mais aucun n'était signé
12 par le général Miletic. Nous avons découvert qu'il y avait un organe en
13 charge de l'aide humanitaire présidé par le professeur Koljevic dont le
14 rôle n'est pas élucidé.
15 Finalement, la pièce 5D615 indique le ministère des Affaires intérieures
16 était aussi impliqué dans le passage des convois et, bien entendu, nous ne
17 connaissons pas le rôle exact de ce ministère.
18 Il y a tout cela et aucune preuve que le général Miletic avait un rôle
19 autre que de transmettre les informations relatives au passage des convois
20 aux unités subordonnées. Au-delà du fait que nous n'avons aucune preuve que
21 le général Miletic a personnellement signé ce document, le Procureur lui-
22 même, se référant dans sa déclaration liminaire le 21 août 2006, page 444,
23 à un de ces documents devenu plus P2497, a déclaré que rien de tout ceci
24 n'est criminel, et en effet, ces documents n'ont rien de criminel, rien
25 d'illégal ou d'illite. L'aide humanitaire est en partie utilisée par les
26 besoins de l'armée musulmane. Les convois sont un moyen d'apporter
27 illégalement les armes dans les enclaves, comme les pièces 5D518 et 5D519
28 l'attestent. Et en conséquence, certaines restrictions sont imposées et le
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1 contrôle est effectué.
2 Comme le dit le Procureur, cette procédure ne contient pas d'éléments
3 criminels.
4 Nous pouvons aller un pas plus loin, cette procédure est conforme aux
5 conventions de Genève, l'article 23, paragraphe 1 de la 4e Convention de
6 Genève prévoit ceci : "Chaque autre partie contractante accordera le libre
7 passage de tout envoi de médicaments et de matériels sanitaires ainsi que
8 des objets nécessaires au culte destinés uniquement à la population civile
9 d'une autre partie contractante même ennemie. Elle autorisera également le
10 libre passage de tout envoi de vivre indispensable, de vêtements et de
11 fortifiants réservés aux enfants de moins de 15 ans, aux femmes enceintes
12 et en couche."
13 Ce n'est pas tout, le paragraphe 2 de l'article 23 de la convention de
14 Genève précise : "L'obligation pour une partie contractante d'accorder le
15 libre passage des envois indiqués à l'alinéa précédent est subordonné à la
16 condition que cette partie doit assurer de n'avoir aucune raison sérieuse
17 de craindre que les envois puissent être détournés de leur destination, que
18 le contrôle ne puisse pas être effectué ou que l'ennemi puisse en tirer un
19 avantage manifeste pour ses efforts militaires ou son économie."
20 En effet, lorsqu'une partie belligérante peut avoir des raisons sérieuses
21 de penser que l'ampleur et la fréquences des envois sont de nature à
22 favoriser l'effort militaire ou l'économie de l'adversaire, ou lorsqu'elle
23 a des raisons à penser que l'aide humanitaire est utilisée pour les besoins
24 militaires, elle est en droit de refuser le libre passage.
25 Or, nous avons le constat judiciaire qu'une partie de l'aide humanitaire
26 était utilisée pour les besoins de l'armée de l'ABiH. Même si l'on accepte
27 pour les besoins de ces arguments que le passage des convois était
28 restreint et que la situation humanitaire dans les enclaves était mauvaise,
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1 il ne reste moins que le Procureur n'a pas démontré que la politique
2 concernant les convois était la conséquence de la directive numéro 7, et
3 que la situation dans les enclaves était la conséquence des restrictions
4 des convois. Il n'a pas démontré quel était le rôle du général Miletic dans
5 la procédure d'octroi des autorisations pour les convois, au-delà du fait
6 qu'il envoyait les informations aux unités subordonnées mais surtout et le
7 plus important le Procureur n'a pas démontré que cette politique et
8 procédure concernant les convois, entièrement conforme aux conventions de
9 Genève s'inscrivait dans un plan visant à chasser la population musulmane
10 des enclaves.
11 Je me tourne maintenant à la situation sur le terrain.
12 Quelle est la connaissance du général Miletic de la situation sur le
13 terrain, aussi bien dans la période qui précède les événements à Srebrenica
14 et Zepa que pendant et après ces événements ?
15 Dans la déclaration liminaire le 21 août 2006, page 405, le Procureur a
16 déclaré que le chef des opérations est quelqu'un qui participe aux
17 opérations militaires du corps et de la brigade. Ce n'est pas quelqu'un qui
18 s'occupe de logistique et qui s'occupe d'aspect technique, c'est quelqu'un
19 qui véritablement agit sur le terrain. Je n'entrerai pas dans la discussion
20 : est-ce que ce rôle, que le Procureur [imperceptible] serait en chef de
21 l'administration, en charge des affaires opérationnelles, est vraiment
22 celui qui était le sien ? Je dirais seulement qu'à l'époque la guerre était
23 menée sur tous les fronts de la Republika Srpska dans les zones de six
24 corps et pour une centaine d'unités de brigades. Et le Procureur admet lui-
25 même dans sa déclaration liminaire, le 21 août 2006, page 396, qu'en
26 juillet 1995, le front de Sarajevo était le front principal pour les
27 Serbes. Effectivement, ce n'est pas la Bosnie orientale, mais le front de
28 Sarajevo et le front de Bihac, qui préoccupe l'état-major à cette époque.
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1 Je crois qu'il y a une erreur de compte rendu, à la ligne 22; ce n'est pas
2 la "Bosnie orientale" mais effectivement "le front de Sarajevo et la ligne
3 de Bihac." Ça ne doit pas être "Esatern Bosnia" mais "Western Bosnia."
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y, Maître Fauveau.
5 Mme FAUVEAU : Il était tout simplement impossible au chef de
6 l'administration des affaires opérationnelles de l'état-major d'agir sur le
7 terrain et de participer à toute opération militaire menée par tous les
8 corps et les brigades. D'ailleurs, l'expert militaire du Procureur dément
9 cette thèse, car il limite l'intervention de l'état-major principal sur le
10 terrain aux cas bien précis. Il a déclaré, lors de l'audience du 29 janvier
11 2008, page 20 587, je le cite : "C'est uniquement dans les cas où il y
12 avait intervention de plusieurs commandements de corps où les questions
13 étaient complexes où il fallait traiter des relations entre les différents
14 commandements, qu'à ce moment-là l'état-major principal intervenait."
15 Mais prenons la thèse du Procureur telle qu'elle est et voyons s'il y a des
16 preuves de la participation du chef de l'administration en charge des
17 affaires opérationnelles. Aux opérations militaires qui nous intéressent,
18 la réponse est toute simple. Il n'y en a aucune.
19 Tout au long de sa présentation des moyens de preuve, le Procureur n'a
20 fourni aucun élément de preuve tendant à prouver qu'en 1995, le général
21 Miletic était sur le terrain en Bosnie orientale avant, pendant ou après
22 les opérations à Srebrenica et Zepa, en revanche le général Milovanovic a
23 affirmé, le 31 mai 2007, page 12 311, qu'une tâche sur le front était
24 confiée au général Miletic pour la dernière fois lorsqu'il était le
25 lieutenant-colonel, nous sommes donc loin, très loin de 1995.
26 On sait que certains officiers de l'état-major se sont rendus dans la zone
27 du Corps de Drina dans la période de mars au juillet 1995, et notamment le
28 général Milovanovic, celui qui aurait dû être en Bosnie occidentale. Le
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1 général Milovanovic y va en avril et ensuite au mai 1995. Les pièces P2891
2 et 5D714 le confirment. Le général Milovanovic y est allé --
3 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
4 M. McCLOSKEY : [interprétation] Pardonnez-moi, vous voulez peut-être
5 préciser quelque chose. Je crois -- je suis désolé de vous interrompre mais
6 je crois que vous voulez dire "1995" et vous avez dit "1993."
7 Mme FAUVEAU : J'ai bien dit, je suis très loin de 1995.
8 M. McCLOSKEY : [interprétation] Pardonnez-moi, je crois que nous avons un
9 problème avec "Occidental," "Oriental" et --
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ce que nous avons ici, nous avons aucun
11 élément de preuve que 1995, que le général Miletic, était en Bosnie
12 orientale, pendant les opérations de Zepa et Srebrenica; page 12 311.
13 Mme FAUVEAU : La ligne 18 doit être lue "La Bosnie orientale," "Eastern
14 Bosnia."
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons procéder au changement.
16 Mme FAUVEAU : Donc, le général Milovanovic est allé en Bosnie orientale en
17 1995, mais pas le général Miletic. Nous n'avons aucune preuve que le
18 général Miletic y est allé avant l'opération de Srebrenica pour observer
19 l'état des forces musulmanes et ou les Unités de l'armée de la Republika
20 Srpska. D'ailleurs, l'observation des forces musulmanes n'entrait pas dans
21 le champ de ses tâches. C'était le rôle du département des Renseignements,
22 et si ce département dans certaines armées appartient au même secteur que
23 les affaires opérationnelles, notamment dans l'armée britannique, où le
24 général Smith était en charge aussi bien des opérations que de la sécurité,
25 comme il l'a déclaré le 5 novembre 2007, pages 17 452 et 453, ce n'est pas
26 le cas de l'armée de la Republika Srpska, où, au niveau de l'état-major
27 principal, ces deux activités sont complètement séparés. Richard Butler a
28 confirmé le 28 janvier 2008, page 20 581, que le renseignement et la
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1 sécurité sont une branche à part sur la responsabilité du général Tolimir.
2 Mais en tout cas, à la différence des autres officiers de l'état-major
3 principal, et notamment, du général Milovanovic, qui s'est rendu à
4 plusieurs reprises dans cette période dans la zone du corps -- du Corps de
5 Drina, le général Miletic en 1995 n'y est pas allé. En conséquence,
6 s'agissant de la situation dans la région de Srebrenica et Zepa, il n'a pu
7 observer quoi que ce soit.
8 Dans cette période, le Procureur indique plusieurs incidents. La Brigade de
9 Bratunac aurait bombardé Srebrenica le 25 mai 1995, comme suite à un ordre
10 provenant de l'état-major. Nous ne contestons pas ce bombardement du 25 mai
11 1995, seulement nous n'avons jamais vu un ordre de l'état-major à cet
12 effet, et le Procureur n'a fourni aucune preuve que cet ordre ait jamais
13 existé. Nous n'avons pas d'ordre de l'état-major concernant ce
14 bombardement, et nous n'avons pas de rapport informant l'état-major que le
15 bombardement a eu lieu. Nous n'avons aucune preuve qu'une information
16 quelconque relative à ce bombardement n'est jamais arrivé à l'état-major
17 principal.
18 Et encore une fois, le général Miletic n'est pas sur le terrain et ne peut
19 avoir la connaissance des événements, si ceux-ci n'ont pas été rapportés à
20 l'état-major.
21 Ensuite il y avait la prise du poste d'observation de la FORPRONU, le Post
22 Echo. Et encore, rien, aucune information spécifique qui pourrait lier le
23 général Miletic à cette action.
24 Le Procureur veut faire croire que cette action est la conséquence directe
25 de l'ordre du général Milovanovic, l'ordre du
26 27 mai 1995, il n'en est rien. Les deux pièces auxquelles le Procureur se
27 réfère le 1er février 2008, lors de l'interrogatoire complémentaire de
28 Richard Butler, l'ordre du général Zivanovic P3161, et le rapport de la
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1 Brigade de Zvornik, P3162, ne concernent que les membres de la FORPRONU
2 déployés à Gorazde. Les deux n'ont aucun lien avec le Post Echo.
3 En revanche, l'ordre du général Zivanovic, qui est la pièce P2894, et qui
4 est relative à l'action qui a mené à la prise du Post Echo, ne se réfère à
5 aucun ordre ou acte de l'état-major principal. Cependant, même si on
6 accepte la thèse du Procureur, que les événements qui ont eu lieu autour du
7 Post Echo sont liés à l'ordre du général Milovanovic, cette thèse n'est
8 nullement inculpatoire [phon] pour le général Miletic. Tout au contraire,
9 elle est à sa décharge.
10 Le général Milovanovic est bien présent comme le chef de l'état-major
11 et même comme le commandant adjoint. Il ne s'occupe pas exclusivement de la
12 Bosnie occidentale, il est là pour donner les ordres au Corps de Drina. Le
13 général Miletic n'incarne pas l'état-major. Il ne peut être responsable
14 pour les actes et la conduite des autres membres de l'état-major ou des
15 autres membres de l'armée et surtout il ne peut porter la responsabilité
16 pour les ordres de ses supérieurs dans l'exécution desquels il n'a
17 nullement participé et donc probablement il n'avait même pas de
18 connaissance. Et nous n'avons aucune preuve que le général Miletic aurait
19 participé à n'importe quelle manière à la rédaction de l'ordre du général
20 Milovanovic ou qu'il aurait suivi son exécution.
21 L'opération Srebrenica a été planifiée dans le Corps de Drina et tous les
22 préparatifs y étaient faits dans le Corps de Drina, aucun document, aucun
23 témoignage n'implique l'état-major de l'armée de la Republika Srpska dans
24 les plans ou préparatifs de cette action. Au contraire Mirko Trivic a
25 confirmé le 22 mai 2007, page 11 194 qu'il s'agissait d'une opération du
26 Corps de Drina. L'expert militaire du Procureur Richard Butler a dit le 29
27 janvier 2008, page 20 587 que je le cite : "Pour ce qui est de Krivaja-95
28 et tout le processus de planification que ça implique, ça pourrait
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1 véritablement être mené au niveau d'un corps ou du chef de l'état-major
2 d'un corps. Il n'était donc pas nécessaire que l'état-major principal
3 planifie tous les détails de cette opération."
4 En effet, ce même jour, le 29 janvier 2008, page 20 588, Richard Butler a
5 affirmé qu'il fallait atteindre la soirée du 9 juillet pour que l'état-
6 major intervienne dans l'opération Srebrenica. Beaucoup de choses se
7 passent dans cette soirée du 9 juillet 1995, Le président Karadzic donne
8 l'ordre de poursuivre l'action et d'entrer à Srebrenica. Cet ordre du
9 président Karadzic modifie profondément le sens de l'opération à
10 Srebrenica.
11 L'expert militaire Richard Butler a confirmé, le 29 janvier 2008, page 20
12 588, que l'objectif initial était la séparation des enclaves et que
13 l'objectif a changé dans cette soirée du 9 juillet 1995. Cet ordre du
14 président Karadzic a été transmis au général Krstic par le général Tolimir.
15 Il s'agit de la pièce P849.
16 Le document transmettant l'ordre du président Karadzic est un document qui
17 normalement aurait dû être écrit et signé par les officiers appartenant à
18 l'administration en charge du département opérationnel.
19 L'expert militaire a dit, le 29 janvier 2008, page 20 590, que ce document
20 P849 est exactement le genre de document que l'organe en charge des
21 Affaires opérationnelles prépare. Seulement ce document précis P849, le
22 document-clé de l'implication de l'état-major dans l'opération de
23 Srebrenica n'est pas sorti de l'administration en charge des affaires
24 opérationnelles. Ce n'est pas le général Miletic qui l'a rédigé, ce n'est
25 pas le général qui l'a signé, ce n'est pas le général Miletic qui l'a
26 envoyé. Aucune preuve d'ailleurs n'existe que le général Miletic en avait
27 connaissance à l'époque.
28 Personne n'a expliqué pourquoi le général Miletic et l'administration en
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1 charge des Affaires opérationnelles n'étaient pas impliqués dans la
2 transmission de ce document au Corps de Drina. Alors, on ne peut que
3 spéculer ou le général Miletic tout simplement n'était pas présent à
4 l'état-major à ce moment ce qui d'ailleurs n'explique pas pourquoi un autre
5 officier de son administration n'a pas rédigé ce document ou bien pour une
6 raison ou une autre le général Miletic et son administration étaient exclus
7 de cette opération.
8 Je souligne encore une fois dans toute la logique militaire et
9 organisationnelle de l'état-major de l'armée de la Republika Srpska le
10 général Miletic aurait dû être impliqué dans la rédaction de ce document et
11 je souligne encore une fois le document du général Tolimir P849 parle pour
12 lui-même. Le général Miletic n'y est pas impliqué. Ce document est la
13 preuve la plus évidente qu'on peut se fier -- qu'on ne peut se fier aux
14 fonctions de quelqu'un pour affirmer sa responsabilité. Il faut apporter
15 les preuves concrètes des actes et de la conduite d'une personne pour
16 pouvoir clamer sa culpabilité.
17 Tout au long de ce procès, le Procureur met en avant la fonction du général
18 Miletic, sa fonction, pas ses actes, en espérant qu'il vous convaincra que
19 cette fonction est tel que le général Miletic était incontournable au sein
20 de l'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska. Il est
21 tellement convaincu de l'importance de la fonction du général Miletic qu'il
22 a oublié d'apporter les preuves de ses actes les seules preuves qui
23 pourraient justifier la condamnation du général Miletic.
24 Or, ce document démontre que la thèse du départ du Procureur est erronée.
25 Certes le nom du général Miletic se trouve sur les rapports relatifs à la
26 situation sur le terrain, mais encore une fois aucun de ces rapports ne
27 portent la fameuse mention "SR" qui, selon l'expert militaire du Procureur,
28 veut dire "signer personnellement.
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1 Et nous savons que dans cette période le général Nikolai a essayé de
2 contacter quelqu'un, un général, peu importe lequel au sein de l'état-major
3 principal et nous savons aussi qu'il a reçu à deux reprises les 8 et 10
4 juillet la réponse qu'il n'y avait pas de personne habilité à lui parler.
5 Les pièces P2750 et 2976 le confirment.
6 Peut-être le général Miletic n'était pas habilité à parler au chef de
7 l'état-major de la FORPRONU ou bien le général Miletic n'était pas à
8 l'époque à l'état-major principal. En tout cas, ce sont les deux seules
9 possibilités, une troisième n'existe pas.
10 Ces rapports, qui portent le nom du général Miletic et qui ont été envoyés
11 au général -- qui ont été envoyé au président Karadzic, sont les rapports
12 envoyés quotidiennement. Ces rapports n'ont aucun lien spécifique avec
13 Srebrenica. Ils sont envoyés tous les jours à la même heure quoi qu'il
14 arrive peu importe s'il y a des combats ou il y en a pas.
15 Depuis le début de la guerre, depuis le premier jour de l'existence
16 de l'armée de la Republika Srpska, chaque jour un officier de
17 l'administration en charge des affaires opérationnelles résume et compile
18 les informations obtenues des six corps et les envoie au président de la
19 république et aux corps.
20 Comme suite à l'ordre du président Karadzic, l'ordre qui est
21 complètement étranger au général Miletic, l'armée de la Republika Srpska
22 est entrée à Srebrenica.
23 Et comme suite à l'entrée de Srebrenica il y a plusieurs ordres de
24 l'état-major principal. Nous avons l'ordre du général Mladic du 11 juillet
25 1995, la pièce P3038 et nous avons un autre aussi du général Mladic du 13
26 juillet 1995, la pièce 5DP35. Les deux portent la mention "SR." Donc, les
27 deux devaient être signés par le général Mladic personnellement.
28 Or ni le 11, ni le 13 juillet, le général Mladic n'était à l'état-major
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1 principal et le général Miletic n'était ni le 11, ni le 13 juillet avec le
2 général Mladic. Et aucune preuve n'existe que le général Miletic avait à
3 l'époque la connaissance de ces ordres. Encore une fois le Procureur n'a
4 apporté aucune preuve que le général Miletic aurait été impliqué à
5 n'importe quelle manière aux événements à Srebrenica. Toute la connaissance
6 que le général Miletic pouvait avoir concernant les événements à Srebrenica
7 avant et pendant les combats ainsi qu'après l'entrée de l'armée de la
8 Republika Srpska à Srebrenica provenait des rapports qu'il référait. Et,
9 ces rapports ne disaient pas grand-chose et parfois ils n'étaient même pas
10 corrects. Nous sommes loin, très loin de la thèse du Procureur selon
11 laquelle le général Miletic aurait observé l'état des forces musulmanes
12 avant, pendant et après les attaques à Srebrenica et Zepa, aurait observé
13 la reddition des forces musulmanes après la chute de Srebrenica et Zepa,
14 aurait observé la reddition, aurait observé les activités des unités de la
15 VRS dans le secteur de Srebrenica et Zepa, aurait suivi l'évolution de
16 transfert des civils de Srebrenica et Zepa. D'ailleurs, il n'a pas pu ni
17 observer, ni suivre ces activités, car il n'y était pas, ni lui ni ses
18 subordonnés sur le terrain. En revanche, d'autres officiers y étaient.
19 Quelle est la connaissance du général Miletic concernant la suite de la
20 prise de Srebrenica et notamment le transfert de la population ? Seule
21 information arrivée le 12 juillet 1995 à l'état-major concernant ce
22 transfert se trouve dans un rapport par téléphone, c'est de Potocari à
23 Panorama, le nom codé de l'état-major, enregistré dans la conversation
24 interceptée du 12 juillet à 12 heures 40. Elle est courte cette
25 conversation, la pièce P1112, et la partie pertinence mérite d'être lue
26 intégralement.
27 "Nous allons commencer l'évacuation de ceux qui veulent partir à Kladanj.
28 Nous allons apporter des renforts avec les camions et les autocars et les
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1 réservoirs en eau de façon à ce qu'ils aient de l'eau et de la nourriture.
2 Ce matin, nous avons organisé ici. Nous avons tout leur donné. Je leur ai
3 parlé et nous accepterons tous les civils qui le souhaitent et ils peuvent
4 rester. Ceux qui ne le souhaitent pas peuvent décider de partir où ils
5 veulent partir."
6 -- il y a une autre conversation interceptée dix minutes plus tard qui dit
7 le contraire mais elle n'implique pas l'état-major principal.
8 La seule information qui est arrivée à l'état-major et qui était donc
9 accessible au général Miletic était celle qui disait tout est organisé,
10 l'eau et la nourriture. Ceux qui veulent rester, peuvent rester et ceux qui
11 veulent partir, peuvent partir et choisir où ils veulent aller. Un rapport
12 qui indique le plein respect des conventions de Genève, car si l'article 49
13 de la 4e Convention de Genève interdit le transfert forcé, son paragraphe 5
14 interdit également la rétention forcée.
15 D'ailleurs, l'implication du général Miletic concernant les événements de
16 Srebrenica et son suivi de ces événements sont bien résumés aussi dans la
17 conversation enregistrée le 12 juillet 1995 à 12 heures 20, P1111, entre
18 deux personnes qui parlant du carburant se réfèrent à un certain Miletic.
19 Un Miletic qui ne s'est pas où trouvé le carburant. Un Miletic qui ne fait
20 rien pour le trouver.
21 Le Procureur affirme qu'il s'agit du général Miletic, qu'il en soit ainsi.
22 Mais dans ce cas, le Procureur devrait accepter le fait qu'encore une fois,
23 le général Miletic n'a pas de connaissance de quelque chose qu'il aurait dû
24 savoir. Et la portée de cette conversation ne s'arrête même pas là. Cette
25 conversation démontre que le général Miletic ne fait rien pour trouver le
26 carburant. Il ne fait rien pour s'impliquer dans les événements. Ce n'est
27 pas son affaire et il ne s'y implique pas. Certes il est en charge de
28 rédiger les rapports, et il rédige. Il rédige sur la base des rapports
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1 qu'il reçoit. Il n'a aucune connaissance directe de ce qui se passe sur le
2 terrain.
3 Le Procureur dira qu'il y a des documents adressés au général Miletic, lui
4 demandant des informations ou des ordres complémentaires. Oui, il y en a.
5 Nous avons la pièce P192, le document du 13 juillet 1995, signé par le
6 lieutenant-colonel Siromir Leftic [phon], le commandant de la police
7 militaire du
8 65e Régiment de Protection; Zoran Malinic, aurait dû contacter le général
9 Miletic, en effet, nous n'avons pas de preuve que Zoran Malinic a fait quoi
10 que ce soit comme suite à ces documents.
11 En tout cas, nous ne savons même pas si le général Miletic a eu l'occasion
12 de voir ce document qui d'ailleurs ne lui a pas été adressé. Personne n'a
13 encore jamais été condamné sur la base de ce que quelqu'un d'autre lui
14 demande de faire sans que les agissements concrets de la personne en
15 question soient établis. Or, le Procureur n'a présenté aucune preuve des
16 actions du général Miletic dans cette période.
17 Oui, il y a les documents d'envoi d'une unité du Corps de Krajina à la
18 Brigade de Zvornik, la pièce P2754, mais qu'a-t-il d'étrange dans ce
19 document, rien. Le Procureur l'a admis dans sa déclaration liminaire, le 22
20 août 2006, page 461, lorsqu'il a dit en parlant de ce document qu'il
21 s'agissait d'envoyer un renfort pour les combattants.
22 Le plus qu'on peut en conclure est que le général Miletic savait que les
23 combats opposaient à la Brigade de Zvornik aux forces musulmanes. Le
24 général Miletic fait son travail sur la base des rapports qu'il reçoit. Les
25 rapports qui ne disent toujours pas grand-chose, et c'est toujours pas lui
26 qui décide c'est le général Mladic. L'expert militaire l'a dit le 29
27 janvier, page 20 618. Si les rapports de la Brigade de Zvornik parlaient
28 des prisonniers, ces rapports n'arrivent pas jusqu'à l'état-major
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1 principal. Ils sont envoyés au Corps de Drina.
2 L'expert militaire, Richard Butler, était très clair lorsqu'il a dit le 1er
3 février 2008, page 20971, je le cite : "On ne voit pas remontant la chaîne
4 du commandement les questions qui ont trait par exemple à la séparation des
5 personnes ou des choses de ce genre."
6 En effet, il existe un rapport qui est envoyé à l'état-major le 13 juillet
7 95, la pièce P113, mais tout d'abord il est spécifiquement envoyé à
8 l'organe de Renseignements, et ensuite, si par hasard le général Miletic a
9 vu ce rapport, et je dis bien "par hasard," car il ne lui a pas été
10 adressé, il a pu comprendre qu'une évacuation exemplaire a eu lieu à
11 Potocari avec le traitement médical assuré en plus de l'eau et de la
12 nourriture que les réfugiés avaient obtenu, selon le rapport téléphonique
13 reçu le 12 juillet, à 12 heures 40.
14 Les rapports que l'état-major fournissait si peu d'information et décrivent
15 la situation à tel point loin de la réalité que le général Mladic envoie
16 les officiers de l'état-major sur le terrain pour vérifier ce qui s'y passe
17 réellement. Cet ordre du général Mladic est dans le dossier sous le numéro
18 P927.
19 Et lorsque ces officiers reviennent de la Brigade de Zvornik, ils ne
20 rapportent pas grand-chose. Nedil [phon] a témoigné, le 10 septembre 2007,
21 page 15 116, et Bogdan Sladojevic, le 027 août 2007, page 14 373. Cela va
22 de même pour Zepa. Il y a des généraux de l'état-major sur le terrain,
23 notamment le général Tolimir, et le général Mladic, et ce sont eux, ceux
24 qui sont sur le terrain, qui observent l'état des forces musulmanes et leur
25 reddition ainsi que l'opération de leur recherche. Ce sont eux qui
26 observent les activités des Unités de l'armée de la Republika Srpska dans
27 le secteur, et enfin, ce sont eux qui suivent le transfert de la
28 population, ceux qui sont sur le terrain, pas le général Mladic -- Miletic
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1 -- certes, pas le général Miletic.
2 Certes, le général Tolimir envoie des documents au général Miletic, mais
3 nous n'avons aucune preuve que les propositions du général Tolimir étaient
4 jamais exécutées.
5 Nous savons que le général Tolimir demandait que les gens de la FORPRONU ne
6 viennent pas sur le terrain, et nous savons qu'ils sont arrivés. Nous
7 savons que le général Tolimir a demandé que les armes chimiques soient
8 utilisées, et nous n'avons jamais entendu que ces armes étaient utilisées.
9 Le général Krstic écrit aussi au général Miletic et l'informe, le 20
10 juillet 1995, le document P3015, que Zepa était libérée. Nous savons que,
11 le 20 juillet 1995, Zepa n'était pas libérée. Pourquoi une information
12 erronée était conviée au général Miletic ? Nous ne le savons pas.
13 L'expert militaire du Procureur a dit le 29 janvier 2008, page 20 648, que
14 je cite : "Quand on regarde l'ensemble des informations à ce sujet, il y a
15 beaucoup de cas la VRS a pensé que la situation était d'une certaine façon,
16 alors qu'ils ont découvert après que ce n'était pas le cas. Est-ce que
17 c'était l'intention de quelqu'un ou est-ce que c'étaient des erreurs ? On
18 ne le sait pas."
19 Or, le général Miletic n'a pas d'autre information concernant la situation
20 sur le terrain, que celle qu'il reçoit des officiers présents sur le
21 terrain, et aucune de ces informations ne lui rapporte rien de criminel,
22 rien d'irrégulier, rien d'inhabituel.
23 Elle est où la responsabilité du général Miletic ? Il est responsable de
24 quoi ? D'avoir été un général au sein de l'état-major de l'armée de la
25 Republika Srpska seulement cette armée n'est pas en soit une organisation
26 criminelle. La seule appartenance du général Miletic à cette armée et à son
27 état-major ne fait pas de lui la personne responsable des actes commis à
28 Srebrenica et Zepa, et le Procureur n'a apporté aucune preuve qu'il était
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1 impliqué lui-même, de près ou de loin dans ce qui se passait dans et autour
2 de ces deux enclaves.
3 Le Procureur n'a apporté aucune preuve que le général Miletic a su, avant
4 l'entrée de l'armée de la Republika Srpska à Srebrenica, que l'enclave,
5 elle a été prise. Il n'a apporté aucune preuve que l'intention du général
6 Miletic, il était chassé à la population musulmane des enclaves, de les
7 transporter par force, et il n'a pas fourni de preuve dont une telle
8 intention peut être déduite comme étant la seule raisonnable -- la seule
9 référence raisonnable.
10 En conséquence, je plaide l'acquittement pour le général Miletic pour tous
11 les chefs d'accusation.
12 Je vous remercie.
13 M. LE JUGE AGIUS : Merci, Madame Fauveau.
14 Il est temps de procéder à une pause, de toute façon, Maître Josse.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. JOSSE : [interprétation] Maître Josse, je suggère que l'on procède à une
17 pause, maintenant, de 25 minutes --
18 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je mentionner un point brièvement pour que
19 vous le preniez en considération pendant la
20 pause ?
21 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
22 M. JOSSE : [interprétation] Ça concerne le temps.
23 J'espère que je ne vais pas prendre plus de 90 minutes qui me sont
24 permises, mais puis-je inviter la Chambre à prendre considération ce
25 qu'elle a dit, le 9 novembre de l'année dernière, à la page 19 737 [comme
26 interprété], lorsque le Président a dit : "Nous n'allons pas nous immiscer
27 dans la question de savoir qui va commencer parmi vous, et je pense que
28 nous pouvons dire aussi, que parmi vous, vous pouvez vous mettre d'accord
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1 pour que les uns utilisent le temps des autres, si personne ne dépasse une
2 heure et demie impartie."
3 Et compte tenu du fait que mon éminent confrère, Me Zivanovic, n'a pas
4 demandé de prendre la parole, Me Lazarevic n'a pas pris tout son temps, ai-
5 je le droit, si nécessaire, de le dépasser les 90 minutes ?
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Combien de temps de plus vous faut-il ?
7 Nous devons terminer aujourd'hui, pour avoir les réponses lundi et mardi de
8 la semaine prochaine. Je pense qu'avec votre expérience, vous pouvez
9 conclure en une heure et demie.
10 Peut-être Me Haynes pourrait commencer sans dépasser les 20 minutes qu'il
11 avait annoncées hier, comme il a dit, et dans ce cas-là, vous pouvez
12 profiter du reste --
13 M. JOSSE : [interprétation] Je vais discuter de cela avec lui
14 --
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, nous allons faire un effort pour
16 conclure les arguments de la Défense aujourd'hui, une fois arrivé à ce
17 stade, plutôt que de -- d'avoir la Défense qui va continuer lundi -- M.
18 McCloskey qui va parler et terminer lundi et mardi. Donc, nous allons
19 terminer mardi matin.
20 M. JOSSE : [interprétation] Vous comprendrez mes difficultés au fur et à
21 mesure.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien, merci.
23 Pause de 25 minutes. Et le temps est 10 heures 31.
24 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
25 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Si j'ai bien compris c'est vous
27 qui commence, Maître Josse.
28 M. JOSSE : [interprétation] Oui, avec votre permission.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, vous aurez une heure et demie.
2 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
3 Au cours des deux derniers jours --
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez commencé à 11 heures.
5 Poursuivez.
6 M. JOSSE : [interprétation] Cette Chambre de première instance a entendu
7 des arguments excellents qui laissent à réfléchir et nous espérons que la
8 Chambre va les prendre sérieusement en considération par la suite. Tout
9 d'abord, vous avez entendu l'intervention de
10 Me Meek qui a parlé en premier. Et si c'est son chant de cygne c'est une
11 performance que nous allons tous retenir pendant longtemps. Il nous a
12 rappelé de tenir compte des arguments en vertu de l'article 98 bis et de la
13 raison pour laquelle nous sommes ici et de quelques tenants et aboutissants
14 centraux -- du processus de justice au pénal. Certaines de ses
15 affirmations, peut-être nous serons tous d'accord pour dire qu'on ne peut
16 pas les contester, et s'agissant de certaines autres remarques peut-être
17 elles prêtent plus à une controverse.
18 Les avocats du général Gvero se félicitent d'avoir l'occasion de s'adresser
19 à la Chambre concernant les bien-fondés concernant le fond de cette
20 affaire, et nous nous félicitions de l'occasion de présenter des arguments
21 en son nom quant à la question de savoir pourquoi nous considérons que
22 l'Accusation a omis, de manière singulière et lamentable, de prouver sa
23 thèse à son encontre. Et compte tenu de ce qui a été dit à l'encontre de
24 notre client et en particulier nous prenons note de deux attaques assez
25 véhémentes qui se sont produites récemment et qui ont été lancées par mon
26 éminent collègue, M. Thayer, en particulier qui à ce moment-là a présenté
27 un argument qui était plus proche d'un réquisitoire que d'une intervention
28 au milieu d'un procès et il faut donc tenir compte de cela.
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1 Mais le résultat de tout cela, c'est que nous, en tant qu'avocat du
2 général, nous réalisons qu'il ne s'agit pas ici pour nous d'une occasion
3 nous permettant de déclarer l'innocence de notre client, mais de dire
4 pourquoi M. Thayer se trompe et pourquoi ces attaques devraient être
5 rejetées par cette Chambre de première instance. Nous affirmons fermement
6 que le général Gvero est un homme innocent par rapport aux allégations
7 portées contre lui s'agissant à la fois de Srebrenica et de Zepa, mais nous
8 considérons notre temps nous permettant de traiter de ces questions en
9 particulier, le temps pour les effets rhétoriques, les discours, et les
10 affirmations de ce genre viendra plus tard. Et comme je l'ai déjà dit, nous
11 attentions avec impatience cette occasion.
12 Bien sûr, lors de la présentation des arguments pendant les 88
13 minutes qui restent, en ce qui concerne les propos tenus par moi-même ou
14 par Me Krgovic, il ne faut absolument pas du tout les comprendre comme le
15 fait d'accepter les charges portées contre le général Gvero.
16 Avant de parler de mon argument principal, je souhaite traiter du chef
17 d'accusation 8, et ensuite brièvement 7.
18 Aujourd'hui nous n'allons pas prononcer au sujet du chef d'accusation 7,
19 mais ce que Me Bourgon a dit hier nous concerne aussi. A la page 21 265 de
20 la procédure, Me Bourgon a parlé du chef d'accusation du transfert forcé,
21 et pour paraphraser, je vais dire qu'il a réparti ce chef d'accusation en
22 trois groupes différents : tout d'abord, concernant les femmes et les
23 enfants, ensuite concernant les hommes aptes à combattre, et troisième les
24 membres de la 28e Division musulmane. Ensuite, il a dit qu'à son avis, le
25 chef d'accusation 7 s'applique seulement aux trois premiers groupes,
26 notamment les femmes, les enfants et les personnes âgées au premier de ces
27 groupes.
28 Je vais clarifier ce que je souhaite dire. Nous soutenons absolument ces
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1 propos-là au nom du général Gvero. Je dirais que pratiquement tous les
2 avocats de la Défense soutiennent cela. Mais j'attire votre attention sur
3 cela à ce stade car je souhaite que vous preniez en considération la
4 question de savoir s'il est approprié de procéder à une constatation au
5 sujet de cela à ce stade. Je ne suis pas en train de présenter des
6 arguments au sujet du chef d'accusation 7. D'autres en ont parlé. En
7 réalité, ceux parmi nous qui ne présentons pas d'argument concernant le
8 chef 7 sont privés d'opportunité de faire des arguments supplémentaires --
9 de présenter des arguments supplémentaires concernant une question
10 importante dans cette affaire, et nous sommes intéressés par la question de
11 savoir et concerner par la question de savoir si la Chambre rejettera
12 l'argument de Me Bourgon, que je soutiens entièrement. Mais, bien sûr,
13 comme nous l'avons dit, nous aurons l'occasion de traiter de cela le moment
14 voulu s'agissant du général Gvero.
15 En ce qui concerne Drago Nikolic et l'impact sur lui, il ne me revient pas
16 à moi de traiter de cette question-là, et donc je ne vais pas faire ce
17 genre de commentaires. Puisque, en ce moment, c'est seul le général Gvero
18 qui me concerne. Mais par rapport à lui, nous considérons qu'il est temps
19 qu'une décision particulière soit prise.
20 Et ayant dit tout ce que j'ai dit au sujet du chef d'accusation 7, je
21 vais parler maintenant du chef d'accusation 8, portant sur l'expulsion. Et
22 une partie de ce que je vais dire a déjà été couverte par Mme Fauveau ce
23 matin. Je vais essayer de traiter de cela de manière un peu plus détaillée.
24 Le crime, comme nous le savons, est sanctionné par l'article
25 5(d) du Statut du Tribunal et c'est un crime contre l'humanité, et
26 l'essentiel de l'argument que je vais présenter - et comme je l'ai déjà dit
27 -- Mme Fauveau l'a déjà soulevé - porte sur les victimes - si je puis
28 utiliser ce mot - les victimes d'après ce chef doit être des civils, et
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1 s'ils ne sont pas des civils, le chef d'accusation ne tient pas.
2 La question des crimes contre l'humanité et des victimes du crime
3 d'humanité est quelque chose qui a été pris en considération de manière
4 détaillée récemment par ce Tribunal par la Chambre de première instance
5 dans l'affaire Mrksic et autres, et je m'appuierais sur ce jugement au
6 début de cette présentation, et la raison pour laquelle je vais entrer dans
7 certains détails de ce jugement réside là. Et j'ai également distribué un
8 exemplaire à l'Accusation, à
9 M. McCloskey. Ceux qui n'ont pas reçu un exemplaire de ma part, mes
10 collègues de la Défense, je n'en excuse mais ils peuvent trouver cela si ça
11 les intéresse sur internet.
12 Veuillez, s'il vous plaît, vous pencher sur la partie B de ce jugement qui
13 porte sur la pratique judiciaire conformément à l'article 6 (crimes contre
14 l'humanité). Il est question des critères ensuite du caractère répandu ou
15 systématique des attaques, et ainsi de suite, et moi, je vais me pencher
16 notamment sur la partie "C" dirigée contre toute population civile, et le
17 paragraphe 440, s'il vous plaît. Il y est dit : "L'attaque doit être
18 dirigée contre toute population civile." Ensuite paragraphe 442, le terme
19 "population civile" doit être interprété de façon vaste et fait référence à
20 une population qui est de nature à prédominance civile.
21 "Une population peut être caractérisée comme civile même si elle contient
22 des non-civils, si elle est majoritairement civile. La présence au sein
23 d'une opération des membres de groupes de résistance armés, d'anciens
24 combattants qui auraient rendu leurs armes ne changent pas ce caractère
25 civile."
26 Cette pratique judiciaire est conforme à l'article 50(3) du protocole
27 additionnel numéro 1, et puis ensuite nous avons une citation disant que :
28 "La présence au sein de la population des individus qui ne sont pas
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1 couverts par la définition de civils ne prive pas cette population de son
2 caractère civil."
3 Ensuite, nous avons le paragraphe 443 et la partie intitulée : "La
4 possibilité d'appliquer l'article 5," aux victimes non-civiles. Pardon,
5 oui, j'ai bien dit le numéro de paragraphe, c'est 443.
6 Il y est question d'une question juridique qui est soulevée dans les
7 circonstances de cette affaire. Alors que, dans la pratique judiciaire de
8 ce Tribunal, il a été clarifié que la seule présence des non-civils au sein
9 d'une population majoritairement civile ne modifie pas le caractère civil
10 de la population pour ce qui est des buts et des critères de l'article 5,
11 la pratique judiciaire de ce Tribunal n'a pas encore été saisi afin de se
12 prononcer sur la question de savoir si la notion des crimes contre
13 l'humanité doit s'appliquer aux crimes énumérés dans l'article 5, alors que
14 les victimes individuels de tels crimes ne sont pas des civiles.
15 Ensuite, la Chambre de première instance traite de la question qu'elle
16 avait posée aux parties. Elle traite des arguments des parties. Je ne vais
17 pas entrer dans tout cela. Je vous propose que l'on se penche sur le
18 paragraphe 448.
19 Dès le départ, la Chambre souhaite observer que toutes les parties sont
20 apparemment d'accord pour dire que les victimes d'un crime contre
21 l'humanité doivent être des civils. Et la Défense de chacun des trois
22 accusés, en avançant de manière explicite cette proposition, et
23 l'Accusation de manière implicite en acceptant que toutes les victimes de
24 crime allégué en vertu de l'article 5 dans cet acte d'accusation considère
25 comme civils.
26 La question qui est contestée porte, apparemment, sur la définition du mot
27 "civils" qu'il faut appliquer, et puis je ne vais pas entrer dans la
28 décision portant sur la définition des civils, et je ne vais pas parler en
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1 détail de cela.
2 Passons maintenant au paragraphe 451, s'il vous plaît, où il est dit
3 : "Cependant, cette approche a été rejetée par la Chambre d'appel Blaskic
4 en 2004, lorsqu'elle a rejeté la décision de la Chambre de première
5 instance disant que le statut spécifique de la victime à l'époque du crime
6 peut déterminer son statut de civil ou de non-civil."
7 En se fondant sur l'article 51 du protocole additionnel 1, la Chambre
8 d'appel a considéré que les membres des forces armées et les membres des
9 milices ou des groupes de volontaires qui font partie de telles forces
10 armées ne peuvent pas revendiquer un statut de civil, et ceci n'est le cas
11 non plus des membres de groupes de résistance organisés.
12 Et puis, nous allons passer au paragraphe suivant portant sur la pratique
13 judiciaire qui a ensuite été reprise par la Chambre d'appel dans l'affaire
14 Kordic, où il est dit que le terme "civil" doit être défini conformément à
15 l'article 50.1 du protocole additionnel numéro 1.
16 Nous allons passer au paragraphe 453 où il est dit, pour résumer, la
17 pratique judiciaire de ce Tribunal fait référence de manière constante à
18 l'article 50 du protocole additionnel 1 dans l'interprétation du terme
19 "civil" s'agissant de l'article 5 du Statut. Elle accepte que la seule
20 présence des non-civils parmi une population civile majoritairement civile
21 ne modifie pas son caractère civil mais adoptent la définition de civil
22 conformément à l'article 50(1), ce qui doit refléter le droit international
23 coutumier.
24 Ensuite, paragraphe 555, au milieu du paragraphe, il est écrit -- c'est le
25 jugement Blaskic, il est question du jugement Blaskic et il est écrit au
26 milieu du paragraphe : "C'est justement la raison pour laquelle la Chambre
27 d'appel Blaskic a rejeté la décision de la Chambre de première instance
28 dans l'affaire Blaskic. Le critère n'est pas la position des victimes à
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1 l'époque du crime mais leur statut de civil en vertu de l'article 50 du
2 protocole additionnel numéro 1 et de l'article 4 de la convention de Genève
3 numéro 3. Donc, l'article 3 du protocole additionnel numéro 1.
4 Ensuite, paragraphe 457, c'est une évaluation terminologique et au fond, il
5 est dit qu'il s'agisse d'un conflit international ou non international, ça
6 revient à la même chose. C'est ainsi qu'on peut résumer cela, ensuite, nous
7 pouvons passer au paragraphe 458 qui est particulièrement important ici.
8 Mis à part les raisons énoncées ci-dessus, il existe une autre raison pour
9 laquelle la Chambre de première instance -- pour laquelle la Chambre ne
10 peut pas accepter la proposition de l'Accusation indiquant que la
11 définition de civil en vertu de l'article 5 du Statut est vaste et inclut
12 toutes les personnes qui ne participaient pas aux hostilités, y compris les
13 combattants hors de combat. Certains crimes énumérés dans l'article 5 du
14 Statut peuvent être commis seulement contre les civils et non pas contre
15 les combattants, par exemple l'expulsion en vertu de l'article 5(d) ne peut
16 pas être commise à l'encontre des prisonniers de guerre.
17 Ensuite, dans ce paragraphe, on continue et on traite d'une brève analyse
18 de l'origine historique des crimes contre l'humanité. Il est question de
19 l'article 6 de la charte de Nuremberg. Ensuite, il est question du
20 caractère répandu et systématique des attaques, et ensuite, ce qui est
21 important, vers la fin du paragraphe, il est dit, dans cette pratique
22 judiciaire, un critère majoritaire a été développé, inspiré par l'article
23 53 du protocole additionnel 1, mais ceci n'aboutit pas à l'abandon du
24 principe de base; autrement dit le principe selon lequel les crimes contre
25 l'humanité par opposition aux crimes de guerre concernent les civils, les
26 victimes civiles.
27 Paragraphe 460, porte en réalité sur l'importance du Tribunal qui ne comble
28 pas un vide s'il existe un vide dans le droit, par le biais des
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1 interprétations théologiques, d'après la description fournie ici, et je
2 souhaite attirer la Chambre de première instance
3 -- l'attention de la Chambre de première instance à cela, et à ce qui est
4 dit dans le jugement Mrksic à ce sujet. Dans le paragraphe 461, il est dit
5 : "Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la Chambre conclut que le
6 terme "civil" en vertu de l'article 5 du Statut doit être interprété
7 conformément à l'article 50 du protocole additionnel 1 et, par conséquent,
8 n'englobe pas les combattants ou les combattants hors de combat."
9 462, il est dit, et je paraphrase que le Tribunal n'a pas encore pris une
10 décision concernant cette question particulière. La pratique judiciaire
11 accepte que le critère portant sur les attaques dans le cadre des crimes
12 contre l'humanité permet la présence des non-civils dans la population et
13 ils doivent être cible d'une attaque répandue ou systématique. Et rien ne
14 suggère ici qu'un crime -- que le crime énuméré en vertu de l'article 5 du
15 Statut peut être considéré comme crime contre l'humanité si les victimes
16 étaient des non-civils.
17 Excusez-moi.
18 [Le conseil de la Défense se concerte]
19 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant de ce
20 jugement, nous abordons maintenant la conclusion contenue dans le
21 paragraphe 464. Et dans la conclusion de ce jugement, il a été
22 dit :
23 "La Chambre a conclu que s'agissant de l'article 5 de ce Statut, les
24 victimes du crime en question doivent être des civils, et si les victimes
25 ne sont pas des civils, l'allégation plus appropriée est celle de crime de
26 guerre. De l'avis de la Chambre, il est approprié et le critère spécifique
27 pour l'application de l'article 5 doit tenir compte, les origines
28 historiques et les développements des crimes contre l'humanité en tant que
Page 21347
1 catégorie différente et distincte des crimes de guerre. En arrivant à sa
2 conclusion, la Chambre ne fait qu'interpréter l'article 5 du Statut dans le
3 contexte de la situation de fait sur laquelle elle doit se prononcer afin
4 d'appliquer cet article, ce qui est sans précédent dans la pratique
5 judiciaire de ce Tribunal.
6 "L'analyse présentée ci-dessus amène la Chambre à conclure que pour qu'il
7 s'agisse là d'un crime contre l'humanité, il ne faut pas seulement que le
8 crime fasse partie d'une attaque répandue ou systématique contre la
9 population civile, mais les victimes du crime doivent être des civils
10 aussi. Par conséquent, le crime couvert par l'article 5 malgré le caractère
11 répandu ou systématique de l'attaque contre la population civile, ne peut
12 être considérée comme crime contre l'humanité si les victimes n'étaient pas
13 des civils."
14 Et pour terminer, paragraphe 464, il y est dit qu'il n'y a pas de pratique
15 judiciaire qui définit l'intention délictueuse requise ici. La pratique
16 judiciaire a simplement considéré que l'intention délictueuse par rapport
17 au conflit armé doit exister comme un critère nécessaire de lien entre
18 l'intention et l'attaque. Ensuite, les mots qui restent sont très
19 importants, donc je vais les lire, il y est écrit : "Puisque le statut de
20 civil des victimes est seulement un critère juridictionnel et non pas un
21 élément du crime, la Chambre considère qu'il est suffisant que l'auteur du
22 crime ait été conscient de circonstances factuelles qui ont déterminé le
23 statut de la victime."
24 Et la Chambre souhaite peut-être examiner aussi la note en bas de page où
25 il est dit, c'est donc 1722, où il est dit : "La Chambre ne considère pas
26 que ceci est un élément de crime qui doit être déterminé par l'Accusation,
27 d'après le droit humanitaire international, le statut civil d'une victime
28 est un statut supposé dans l'absence des éléments de preuve allant dans le
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1 sens contraire."
2 Ensuite, s'agissant du protocole 1, article 50(1) il est dit : "En cas de
3 doute concernant la question de savoir si une personne est civile ou pas,
4 cette personne sera considérée comme civil."
5 Et tout ceci peut avoir des implications pratiques très importantes.
6 La Défense du général Gvero accepte tout ce qui a été dit dans ce jugement
7 sauf la partie qui concerne bien sûr la charge de la preuve, mais j'en
8 parlerai tout à l'heure.
9 Et à ce stade, il serait utile peut-être s'agissant du cadre juridique, que
10 l'on se penche à la fois sur l'article 50 et du protocole additionnel 1 et
11 sur l'article 4, je crois de la Convention de Genève le numéro 3, et nous
12 avons des exemplaires que nous souhaitons distribuer avec l'aide de
13 l'huissier à la Chambre.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Josse.
15 M. JOSSE : [interprétation] Je remarque que ceci a été distribué, vous
16 l'avez, je suppose, devant vous; ça va nous permettre de gagner du temps
17 mais au fond, la Chambre verra la manière dans l'article 50(1) du protocole
18 additionnel numéro (1) définit le terme "civil" en excluant de cette
19 catégorie la catégorie des combattants, et puis la Chambre peut également
20 se pencher sur l'article 4 de la Convention de Genève numéro 3 qui définit
21 assez -- de manière assez détaillée ce qui est un combattant.
22 Et comme je l'ai déjà dit, je ne vais pas en traiter de manière détaillée
23 maintenant mais ça peut être utile plus tard.
24 Ce que dit la Défense est que les hommes qui avaient traversé la
25 Drina ou pour reprendre les mots prononcés par la Chambre de première
26 instance dans le jugement Mrksic la plus grande partie de ces hommes était
27 certainement membres des forces armées, ils étaient combattants. Quant à la
28 question de savoir quelle catégorie de combattants en vertu de l'article 4,
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1 ceci ne nous importe pas tellement mais ceci peut être utile à la Chambre.
2 Mais nous affirmons qu'il n'est pas de notre devoir nous en tant que la
3 Défense de dire en vertu de quel critère de l'article 4 ces hommes sont des
4 combattants.
5 Et j'ai dit que j'allais traiter de la question de la charge de la preuve
6 car c'est vraiment problématique, notamment ce qui est contenu au
7 paragraphe 464 et la note en bas de page 170 ou 1722 du jugement donc il a
8 été question en détail maintenant.
9 Apparemment, d'après nous, lorsque l'on lit le jugement Mrksic, on peut en
10 conclure que le statut de victimes en question n'est pas vraiment contesté
11 compte tenu des concessions faites par les parties; donc, probablement, il
12 n'était pas important de savoir qui ni de quelle manière sur qui reposait
13 la charge de la preuve ici.
14 Dans l'affaire présente, nous verrons bientôt si l'on se penche sur les
15 éléments de preuve comme on le fera tout à l'heure que probablement il est
16 effectivement important et la Défense rejette tout argument qui indiquerait
17 que la charge de la preuve s'agissant de cela repose sur la Défense.
18 Nous avons eu l'occasion par exemple d'examiner très brièvement une édition
19 internationale d'Archbow et à aucun moment ce manuel ne suggère que ceci
20 reposerait sur la Défense en vertu du droit pénal international. Et si tel
21 était le cas, nous considérons -- il s'agirait là d'un transfert qui aurait
22 dû être tribunal -- transfert de responsabilité qui aurait dû être défini
23 de manière explicite dans le Statut. Donc, en vertu de l'article 5 du
24 Statut, il existe un critère selon lequel les victimes doivent être des
25 civils et nous considérons et affirmons que l'Accusation doit prouver cela
26 de manière normale.
27 Nous pouvons fournir une brève explication concernant la question de savoir
28 pourquoi nous considérons que la Chambre de première instance dans
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1 l'affaire Mrksic est arrivée à la conclusion qu'elle a tiré. Si l'on
2 examine la note en bas de page 1722, nous voyons une référence au Droit
3 humanitaire international et s'agissant du Droit pénal international --
4 Droit humanitaire international, et s'agissant des situations où il y a un
5 doute quant à la question de savoir si une personne est civile ou pas, ils
6 ont raison pour dire que ces personnes doivent être considérées comme
7 civiles. Effectivement, il n'y a pas de raison de s'y opposer. Ça c'est le
8 Droit humanitaire international mais il n'y est pas question ici de la
9 position du Droit pénal international et nous considérons que le Droit
10 humanitaire international doit être considéré compte tenu du Droit pénal
11 international qui stipule que la charge de la preuve repose sur
12 l'Accusation. Et c'est la raison pour laquelle que nous considérons que le
13 jugement Mrksic montre cela.
14 L'importance de cela et ça deviendra clair tout à l'heure, je pense
15 d'ici dix minutes lorsque je présenterai les éléments de preuve concernant
16 ce sujet.
17 Quels sont les éléments de preuve en ce qui concerne le statut de
18 combattant ou le statut civil des hommes qui ont traversé la
19 Drina ? Monsieur le Président, il y a un nombre important de documents
20 présentés comme éléments de preuve qui donnent à penser, selon nous, qu'il
21 s'agissait d'une brigade armée; et je vais résumer ceci de façon assez
22 rapide et j'espère qu'enfin pour commencer je demande que l'on présente le
23 6D83. Il n'est pas nécessaire -- non, il n'est pas nécessaire de le
24 présenter sur nos prétoires électroniques -- en tout état de cause, il
25 n'est pas nécessaire de le diffuser. Mais c'est un document d'Avdo Palic au
26 1er Corps des forces armées de Sarajevo, daté du 2 février 1994, qui donne
27 quelque sorte éléments de contexte pour ce qui est du Détachement militaire
28 de Zepa. Il y a le 6D73 qui est daté du 17 février 1995 et qui traite des
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1 vols d'hélicoptère et de l'armement de la Brigade de Zepa par l'ABiH. Et
2 nous avons le 5D265 qui en l'occurrence est un document daté du
3 28 mai 1996, mais qui traite d'événements de l'année précédente, et là
4 encore de la fourniture Brigade de Zepa. Il y a des éléments de preuve
5 présentés par le Témoin 49 selon lesquels des armes et des munitions ont
6 été livrées à Zepa par hélicoptère dans la deuxième moitié de 1994 et au
7 début de 1995, et aux pages 9 722 et 9 783 du compte rendu, on retrouve
8 cela. Il y a le développement de l'arsenal de la Brigade de Zepa tel que
9 décrit par le Témoin Savcic, à la page 15 330. Et il existe des éléments de
10 preuve qu'il y a eu coordination entre l'ABiH et la 1ère Brigade légère de
11 Zepa : par exemple, la pièce 6D73 datée du 17 février 1995; la pièce 5D228
12 qui est datée du même jour, il s'agit d'un ordre émanant du général de
13 brigade Hadzihasanovic qui est adhéré notamment au premier -- au
14 commandement de la 1ère Brigade de Zepa; le 6D64 qui était une instruction
15 datée du 2 juin 1995 émanant d'un capitaine Bektic et adressé à la Brigade
16 de Zepa donnant des instructions à caractère militaire. La pièce 6D77,
17 datée du 29 juin 1995, il s'agit d'un rapport adressé par Ramiz Becirovic à
18 la fois à Tuzla et à Zepa. Nous avons comme éléments de preuve ce que dit
19 Mirko Trivic sur ce qu'il a découvert du point de vue de l'opposition -- de
20 l'opposition militaire, c'est-à-dire lorsqu'il est arrivé à Zepa le 13
21 juillet, et ce qu'il a vu par la suite. Ceci se trouve à la page 11 903.
22 M. McCLOSKEY : [interprétation] Si ça permet de gagner un peu de temps, je
23 voudrais dire qu'un nombre -- nous sommes d'accord qu'un nombre important
24 de ces hommes qui ont traversé la rivière - peut-être même la majorité -
25 seraient considérés comme faisant partie de l'armée, si ceci peut être
26 utile. Je pense que les faits sont clairs sur ce point.
27 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je me permets de sourire
28 parce que c'est la raison pour laquelle je veux un droit de réponse. Vous
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1 voyez, l'ensemble de la question ici était, bien entendu, c'est qu'on
2 n'avait jamais su exactement comment le Procureur allait répondre à ceci.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Veuillez poursuivre. Oubliez cette
4 réponse. S'il est nécessaire de faire une réplique, nous envisagerons la
5 question à ce moment-là, mais pour le moment nous n'avons pas l'intention
6 de le faire.
7 M. JOSSE : [interprétation] Non, je comprends, je vais poursuivre, si vous
8 le permettez.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Mais tenez compte de ce que M.
10 McCloskey vient de dire.
11 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Bien, je vais faire de mon mieux.
12 Nous avons la pièce 6D104, qui est un élément de preuve analogue, daté du
13 13 juillet 1995. Je vais en traiter très rapidement, parce que je souhaite
14 que ça figure au compte rendu. La 5D275, le 6D34. Puis le 6D107 et j'en
15 traiterai de façon un peu détaillée. Elle est datée du 18 juillet, elle
16 émane de M. Izetbegovic et c'est adressé au général Delic. Au point 2 de ce
17 document, on lit : "Peut-être que dans ce cas nous pourrions insérer une
18 brigade ou un bataillon de soldats à Zepa en faisant passer par la forêt et
19 ainsi continuer le combat avec davantage de succès. Ces hommes de Zepa
20 disent qu'ils pourraient trouver environ 500 à 1 000."
21 Pareillement, le jour suivant, c'est la pièce 6D36, une lettre du président
22 de Zepa à M. Izetbegovic, il dit, notamment, que les soldats continuent à
23 résister.
24 Et mon dernier point en ce qui concerne ceci c'est assez paradoxal, compte
25 tenu de l'intervention très utile de M. McCloskey, c'était une intervention
26 analogue qu'il avait faite je crois lorsque c'était peut-être moi mais il
27 se peut que s'ait été un autre conseil qui procède à un contre-
28 interrogatoire il s'agit de M. Dzebo, une telle partie du compte rendu où
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1 M. McCloskey déclare : "Juste pour rappeler au conseil que ceux-ci
2 faisaient partie des thèses de l'Accusation depuis longtemps. Donc, cette
3 question -- c'est pour répondre à l'autre question, on pourrait continuer
4 indéfiniment, ce qui n'est vraiment pas dans le contexte."
5 Si je peux mentionner brièvement Mme Palic, parce qu'en fait ce qu'elle dit
6 n'aide pas beaucoup l'Accusation en ce qui concerne ce point particulier. A
7 la page 6 918 du compte rendu, elle déclare, je cite : "Je savais qu'il y
8 avait des négociations concernant la reddition de Zepa, reddition de
9 l'armée, l'évacuation de civils."
10 Puis à la page 6 964, elle parle des 26 et 27 juillet, et je cite : "Avdo
11 bien sûr a refusé de se rendre à ce moment-là. Il a reçu des rapports selon
12 lesquels le général Smith se dirigeait vers Zepa pour faire le nécessaire
13 pour négocier en ce qui concernait le sort de ces troupes, et il y a
14 également ce que j'ai entendu de Visiko."
15 Donc, à l'évidence nous nous fondons très fortement sur l'utilisation par
16 elle du mot "troupes" ou "soldats" dans ce contexte.
17 Nous voulions inviter la Chambre à examiner à cet égard la déposition du
18 Témoin 49, notamment à la page 9 819, où ce témoin commente un document de
19 la FORPRONU qui est adressé donc au lieutenant général Janvier, qui parle
20 du fait qu'il y a 1 500 soldats de la BiH qui restent à Zepa, et le Témoin
21 40 a confirmé ce point.
22 La déposition du général Smith disait à peu près la même chose on peut le
23 voir à la page 17 633 de sa déposition et quelques pages plus loin. Il est
24 clair que le général Smith était d'avis qu'il avait à voir affaire -- il
25 avait affaire avec les hommes qui se trouvaient dans les collines, et qu'il
26 s'agissait de militaires.
27 Maintenant, Monsieur le Président, l'une des questions sur lesquelles nous
28 ne sommes pas sûrs que nous devions en traiter à ce stade précis, mais nous
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1 pensons qu'il vaut peut-être mieux l'englober, c'est la position de la SJB
2 et la Défense territoriale de Zepa. Là encore, si M. McCloskey veut bien
3 admettre qu'il s'agit de combattants, à ce moment-là il n'est pas
4 nécessaire que je développe cet argument particulier. Mais à moins qu'il ne
5 soit prêt à le faire, je vais devoir poursuivre et essayer de faire valoir
6 qu'il était clair qu'ils formaient -- ils faisaient partie du corps
7 combattant. Je devrais dire, en fait, que cette idée ne me vient à l'esprit
8 que maintenant, c'est le fait que, qu'il n'y a aucun élément de preuve en
9 tant que tel, que quiconque de la SJB ou de la Défense territoriale ait
10 effectivement traversé la Drina. J'y reviendrais dans un instant à l'un des
11 témoins que nous avons entendu, à savoir le PW-155.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur McCloskey.
13 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je pense que celui du témoin dont vous
14 voulez parler était un policier. Et j'ai regardé ce qui a été dit au cours
15 du week-end, mais ce qui me frappe c'est qu'un policier n'est pas un civil.
16 Mais je voudrais également rappeler au conseil que les autres témoins ont
17 dit que c'était un civil, et à ce stade -- à ce stade de la procédure 98
18 bis, prenant ceci sous le jour le plus favorable à l'Accusation et la
19 déduction que ce groupe ressemble beaucoup à la colonne de Srebrenica, il
20 va y avoir des civils qui en font partie, et à ce stade -- bien, c'est un
21 argument passionnant, mais à ce stade, je crois qu'il n'est pas approprié
22 parce que les éléments de preuve, tels qu'ils se présentent, sont en notre
23 faveur. Mais, là encore, je dis ça pour que vous connaissiez notre
24 position. Peut-être que ceci pourra vous aider.
25 M. JOSSE : [interprétation] C'est très utile.
26 Quand M. McCloskey parle des autres témoins, veut-il dire autre que le 155
27 ? Est-ce qu'il parlait de M. Dzebo ?
28 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je peux vous retrouver -- c'est la personne
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1 qui a effectivement traverser la rivière.
2 M. JOSSE : [interprétation] C'est le 155, et je vais donc passer à sa
3 déposition de façon assez détaillée.
4 Nous avions toujours prévu que la réponse de l'Accusation à cet argument se
5 fondrait vraisemblablement sur le Témoin 155, et je vais donc en traiter
6 directement dans quelques instants.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, allez-y.
8 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'à la lumière
9 de ce que vient de dire M. McCloskey, la Chambre sera soulagée de savoir
10 que je ne veux pas examiner la question de la compétence du statut de la
11 SJB et de la Défense territoriale. Il semble que pour l'essentiel il est
12 admis cela.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce qu'il va vous falloir moins que
14 90 minutes ?
15 M. JOSSE : [interprétation] Bien, je tiendrais beaucoup à pouvoir dire
16 quelques autres choses sur un autre sujet, mais on va voir.
17 M. McCLOSKEY : [interprétation] Vous savez, je n'aurais pas tendance à
18 penser que j'ai admis cela. Quant à savoir si un policier agit sous son
19 autorité, un policier c'est une question importante, mais --
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez -- vous aurez le droit de
21 répondre, Monsieur McCloskey.
22 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que je pourrais -- enfin peut-être que
23 je traiterais de ceci en passant lorsque nous examinerons ce qu'a dit le
24 Témoin 155 dans un moment.
25 Monsieur le Président, pourrions-nous revenir à la question -- de passer à
26 la question de la mens rea de l'intention coupable, concernant cette
27 infraction, parce qu'en y revenant, d'après nos thèses, en revenant au
28 paragraphe 464 du jugement Mrksic, parce que je veux à la fois garder le
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1 beurre et l'argent du beurre, parce qu'on nous a critiqué -- parce qu'on a
2 critiqué cette partie du jugement là où il est question de la charge de la
3 preuve, qui pourrait être renversée à l'instar de cela et de la même
4 manière nous nous fondons effectivement sur ce que dit ce jugement du point
5 de vue de la mens rea en ce qui concerne cette infraction, parce qu'il y
6 est dit, comme je l'ai déjà lu, je cite : "Il suffit que l'auteur ait eu
7 conscience des circonstances de fait qui établissent le statut de la
8 victime."
9 Selon nous, ceci inique que l'intention coupable, le mens rea est que
10 l'auteur de l'infraction a besoin de savoir, il est nécessaire qu'il sache
11 quel est le statut de cette victime. En fait, un civil et non un
12 combattant. En gardant à l'esprit tout ce que j'ai dit jusqu'à présent
13 concernant l'article 5.
14 En ce qui concerne l'intention coupable, la mens rea, en l'espèce, nous
15 soutenions que les Serbes - qui, d'un point de vue collectif de ce point,
16 peuvent être décrits comme les auteurs - se sont référés constamment de
17 facto à ce groupe d'hommes comme étant entièrement un groupe de
18 combattants. Ils ont exprimé ceci, ceux qui sont les auteurs allégués de
19 leur volonté de vouloir conférer le statut de prisonniers de guerre à ces
20 hommes, et également de participer à des échanges de prisonniers. A titre
21 d'exemple, nous voulions inviter la Chambre à regarder la pièce 6D103,
22 document daté du 19 juillet, où il est question au point 4 de certaines
23 conditions et une liste qui serait établie pour ces hommes par la Croix-
24 Rouge, il s'agit donc des Serbes qui seraient emmenés à un centre de
25 Regroupement pour être enregistrés, et qui seraient ensuite enregistrés à
26 la suite de la conclusion d'un accord avec "avec notre gouvernement." Le
27 point cinq évoque un échange un pour un et ainsi de suite, si on regarde ce
28 document.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Josse, veuillez, s'il vous
2 plaît, garder -- maintenir une distinction en ce qui concerne les Serbes,
3 les Serbes de Serbie et les Serbes de Bosnie, parce que nous souhaitons
4 savoir exactement où se trouve la limite où il faut faire une distinction
5 entre les deux groupes ethniques.
6 M. JOSSE : [interprétation] Oui, bien sûr, je le ferai. Je me rends compte
7 de l'utilité, plus pratiquement en gardant à l'esprit les faits concernant
8 ce chef d'accusation que c'est important de savoir où ces hommes ont
9 incontestablement fini par arriver. Ce document auquel je me référais parle
10 très clairement des Serbes de Bosnie et selon nous, mais la Chambre aura
11 peut-être besoin de relire ça elle-même. Je veux dire qu'au paragraphe 5,
12 il est question de Mladic et Tolimir, avant le passage que je viens de
13 lire.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. JOSSE : [interprétation] Le Témoin Tom Dibb, à la page
16 16 371 du compte rendu, a déclaré que Mladic souhaitait effectuer un
17 échange de prisonniers avec des soldats de l'ABiH de Zepa et les
18 prisonniers de la BSA; et de l'autre côté, il faisait un commentaire sur le
19 fait que l'un d'entre eux à Sarajevo devait attendre et qu'il voulait un
20 échange complet.
21 La pièce 6D108, qui est un document émanant de Baxter, daté du 26 juillet
22 1995, énonce à un certain endroit : "Deuxièmement que les combattants de
23 Bosnie déposeront les armes et accepteront leur statut de prisonniers de
24 guerre sur la base d'un échange putatif de prisonniers de guerre."
25 Et le texte se poursuit concernant ce type de négociations.
26 Il est dit plus tard que Torlak a déclaré Mladic continuait d'appuyer ces
27 propositions d'échange de prisonniers, d'échange total de prisonniers,
28 c'est-à-dire en l'occurrence, 1 500 à 2 000 hommes en âge de porter les
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1 armes de Zepa contre des prisonniers de guerre de la BSA, gardent les
2 prisonniers par le gouvernement de Bosnie. Et plus tard, le texte se
3 poursuit concernant les garanties que Mladic offrait en ce qui concernait
4 cet échange de prisonniers de guerre.
5 De même la pièce P2496, document qui n'est pas daté et également émanant du
6 lieutenant-colonel Baxter, parle d'un échange de prisonniers de guerre, et
7 nous suggérons que, si on regarde ces documents, il est clair que dans la
8 mesure où il est question des Serbes de Bosnie. En ce qui concerne les
9 Serbes de Bosnie, les auteurs des infractions après les allégations, ces
10 hommes étaient bien des militaires, des combattants et n'étaient pas des
11 civils. Et voilà encore un autre obstacle qu'il faudra que l'Accusation
12 surmonte à ce stade, pour ce qui est de la mens rea ou l'intention coupable
13 de cette infraction telle qu'elle est définie dans le jugement Mrksic.
14 Peut-être dois-je également ajouter en ce qui concerne ces arguments que
15 nous voudrions inviter les membres de la Chambre à regarder la déposition
16 du colonel Trivic, telle qu'on peut la trouver à la page 11903. Sur ce
17 point, il croit que ces hommes étaient des combattants.
18 Et au paragraphe 480 du jugement Mrksic, peut-être pourriez-vous le
19 regarder dans un instant, la situation faite en l'espèce en ce qui concerne
20 cet aspect semble tout à fait analogue, si je pouvais regarder vers le
21 milieu du paragraphe on lit : "Étant donné les difficultés en matière de
22 preuve, l'absence de preuve adéquate présentée devant la Chambre pour
23 établir le rôle de quelques-unes de ces victimes des forces croates à
24 Vukovar, ne permettent pas d'établir que ces victimes n'aient pas eu un tel
25 rôle ou que les forces serbes aient agi par erreur dans certains cas. Ces
26 questions ne peuvent pas être résolues d'après les éléments de preuve
27 disponibles. Il est établi toutefois par les preuves disponibles, et la
28 Chambre constate que les membres des forces serbes qui gardaient les
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1 victimes -- qui gardaient ces victimes le 20 novembre 1991 et ceux qui les
2 ont exécutées dans la soirée et la nuit aient agi en connaissance, en
3 sachant et en croyant que les personnes impliquées dans l'opération de
4 Vukovar, c'était en connaissance des circonstances réelles dans lesquelles
5 il s'agissait de prisonniers de guerre et non pas de civils. Et ceci nous
6 le disons est analogue à la situation telle qu'elle est évoquée au chef
7 d'accusation numéro 8 et en ce qui concerne la mens rea des auteurs des
8 infractions alléguées pour crime qui est allégué.
9 Maintenant, Monsieur le Président, nous avons préparé d'autres conclusions
10 concernant en fait l'historique de l'article 5, les travaux concernant les
11 faits ainsi que la nécessité pour les victimes de crimes contre l'humanité
12 d'être des civils. Et je vais -- enfin, les membres de la Chambre seront
13 soulagés de savoir que je vais en fait fortement résumer tout ceci en
14 disant simplement que si l'on observe la juxtaposition de l'article 147 de
15 la convention de Genève numéro 4, et l'article -- non, excusez-moi, --
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous contestez ceci,
17 Monsieur McCloskey, du point de vue de l'article 5, il est nécessaire qu'il
18 s'agisse de civils ?
19 M. McCLOSKEY : [interprétation] Absolument.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien.
21 M. McCLOSKEY : [interprétation] Et j'espère qu'il voudra bien regarder
22 également la jurisprudence Krstic.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous avons posé cette question de façon
24 à ce que personne ne se laisse tromper par l'idée qu'il y a un accord selon
25 lequel l'article 5 doit être interprété de cette manière, et dont le
26 document, autre manière.
27 M. McCLOSKEY : [interprétation] Je pense que tout le monde sait que ceci
28 était à la suite d'un appel et que cette question sera traitée.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, très exactement.
2 M. JOSSE : [interprétation] Ceci peut nous être très utile. Et donc je vais
3 revoir cela si vous le permettez.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Toujours à l'intérieur des 90 minutes
5 qui vous sont allouées.
6 M. JOSSE : [interprétation] Effectivement, certainement, dans les 90
7 minutes accordées.
8 Je vais donc résumer ce -- toutefois si ce paragraphe.
9 Pour le fond essentiellement, nous suggérons que le texte qui a précédé et
10 celui de l'article 5, à savoir, l'article 6 lettre (c) de la charte de qui
11 défini un crime contre l'humanité comme ayant été : "Commis contre toute
12 population civile, y compris pour ce qui est des expulsions." C'est repris,
13 donc, à l'article 5(c) de la charte du Tribunal International pour
14 l'extrême orient, termes analogues. L'article 2, alinéa 1, lettre (c) de la
15 loi des Alliés qui parle, au point 10, de la loi applicable en termes
16 analogues et également les conclusions des tribunaux militaires des Etats-
17 Unis dans l'affaire concernant Alfred Krupp, qui traite également de cette
18 question, a été signée -- et a été citée avec approbation au paragraphe 291
19 de l'arrêt rendu en appel dans l'affaire Stakic par votre Tribunal.
20 Si on en revient donc à l'historique concerne cette disposition, en effet,
21 il s'agit de la convention numéro 4 de Genève de 1949 qui traite de la
22 protection des civils. Ceci énonce et, selon nous, ceci évite tout doute
23 possible --
24 Pouvez-vous m'accorder un instant, s'il vous plaît ?
25 [Le conseil de la Défense se concerte]
26 M. JOSSE: [interprétation] De façon à ce qu'il n'y ait absolument aucun
27 doute et pour le compte rendu, la convention numéro 4 de l'article 4 parle
28 simplement des personnes protégées par la Convention de Genève, relative au
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1 traitement des prisonniers de guerre. Convention du 12 août 1949. Donc :
2 "Ne serons pas considérées comme des personnes protégées au sens de la
3 prison de convention," qui, nous le disons de façon catégorique, a trait à
4 des civils et, encore une fois, démontre notre argument.
5 Pour finir de ce point de vue, une étude récente du CICR relative au droit
6 international coutumier, une étude de 2005 énonce ceci à l'article 129 -- à
7 la disposition 129 et je cite : "Les parties à un conflit armé
8 international ne peuvent pas expulser ou transférer de force la population
9 civile d'un territoire occupé, en tout ou en partie, à moins que des
10 questions de sécurité des civils qui en découlent ou qu'il y ait des
11 raisons militaires impératives qui ne l'exigent."
12 Et je dis quelque chose d'analogue en ce qui concerne des conflits armés
13 qui n'ont pas le caractère international.
14 Comme je l'ai dit, maintenant, je voudrais progresser et je vais passer
15 maintenant à la déposition du -- du Témoin PW -- PW-155, parce qu'il y a là
16 quelque chose que nous devons examiner immédiatement et nous reconnaissons
17 qu'il est nécessaire d'en parler de la façon la plus directe.
18 Ainsi que l'a accepté la Défense, il est la seule victime -- en utilisant
19 précisément ce terme, il est la seule victime de ce crime ou du crime qui
20 est allégué -- peut-être devrais-je dire qui est déposé devant le Tribunal.
21 Nous soupçonnons que la Chambre de première instance pourrait vouloir ou
22 pourrait avoir besoin, du point de vue de cet argument, d'examiner de très
23 près sa déposition. Une grande partie de cette déposition ne résiste pas
24 beaucoup à l'examen ou à ce que l'on peut croire.
25 L'un des points essentiels, à ce qu'il semble, c'est qu'il a en fait
26 soutenu qu'il avait traversé la Drina avec une seule autre personne.
27 Là encore, si vous voulez bien m'accorder un instant, je pourrais vous
28 donner la citation exacte de cela.
Page 21363
1 Il s'agit de la page 6 836 de sa déposition.
2 En laissant de côté, pendant un moment, la question de savoir si sa
3 déposition est véridique ou non ou -- bien si on prend la solution la plus
4 favorable, nous suggérons que ces deux personnes, il était impossible de
5 dire à leur sujet qu'elles constituent un échantillon représentatif des
6 prétendues victimes évoquées au chef d'accusation numéro 8.
7 Pourrions-nous aller un moment en audience à huis clos partiel, s'il vous
8 plaît.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, nous pouvons le faire. Allons-y.
10 [Audience à huis clos partiel]
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22 [Audience publique]
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes actuellement en audience
24 publique à nouveau.
25 M. JOSSE : [interprétation] A quoi ceci équivaut-il ? Nous, bien sûr, nous
26 avançons que les victimes au chef 8 doivent être considérées comme des
27 civils. Nous avançons que, compte tenu de la prépondérance des éléments de
28 preuve, ceci a tendance à suggérer de façon prépondérante que c'était
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1 véritablement le cas.
2 Et c'est à l'Accusation de prouver le contraire, autrement dit, qu'il
3 s'agissait de civils et, bien sûr, en se souvenant des propos de la Juge de
4 la Chambre dans l'affaire Milutinovic et de -- appliqués pendant la
5 procédure 98 bis, de façon à ce que "tout juste -- tout juge de fait
6 raisonnable soit convaincu au-delà de tout doute raisonnable" qu'il
7 s'agissait bien de civils. Et nous estimons que ceci ne s'est tout
8 simplement pas passé.
9 Nous avons déjà admis qu'il y a des arguments présentés par
10 l'Accusation qui portent sur le Témoin PW-155. Nous avons déjà dit qu'il
11 semblerait que ce soit la seule victime qui ait été demandée à déposer par
12 rapport au chef 8, et il décrit le corps -- le passage de la Drina avec une
13 autre personne et n'évoque pas les autres personnes évoquées dans ce chef
14 d'accusation. Donc, nous estimons que c'est le minimum deminimus que sa
15 déposition. Et ceci n'aide en rien l'Accusation.
16 Nous avançons également que sa déposition, à la lumière des éléments
17 de preuve qui attestent du contraire qui sont en très grand nombre, à
18 savoir que ces personnes étaient compétentes, ne permettraient pas à un
19 Juge de fait raisonnable d'être convaincu au-delà de tout doute raisonnable
20 à ce stade de la procédure.
21 Et nous poursuivons en avançant que : combien même cette déposition
22 aurait pu être considérée de prime abord, à ce moment-là, c'est un exemple
23 tout à fait classique de l'autre élément du 98 bis lorsque, dans l'affaire
24 Milutinovic, dans l'arrêt rendu, le Juge Bonomy déclare : "Quoi qu'il en
25 soit, si le seul élément de preuve pertinent ne peut pas être cru ou ne
26 peut pas justifier une condamnation même si le contraire le plus élevé est
27 appliqué, à ce moment-là, la requête doit être acceptée."
28 Mais il est vrai, M. McCloskey dit qu'il y a un obstacle à surmonter.
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1 Il y a un obstacle à surmonter, mais c'est à un tribunal de droit, plutôt
2 qu'un tribunal de fait. Vous avez besoin de rendre un jugement qualitatif,
3 c'est ce que dit le droit. Vous devez regarder ces éléments de preuve. Bien
4 sûr, dans mon argument, je vais y arriver, je vais insister là-dessus. Et
5 toutes mes -- si tous mes arguments précédents sont rejetés, à savoir qu'il
6 décrit avoir traversé la Drina avec une seule autre personne, aucun élément
7 de preuve à l'appui de toutes ces autres personnes. Ceci rejetterait
8 d'emblée cette hypothèse présentée par M. McCloskey. On pourrait en déduire
9 quelque chose.
10 D'où viendrait cette déduction, à savoir que la colonne de Srebrenica
11 ressemble à ces hommes de Zepa ? Rien ne permet de le justifier. Il s'agit
12 d'une simple -- pure et simple spéculation et les Juges de la Chambre ne
13 peuvent que déduire leurs conclusions à partir des éléments de preuve
14 présentés. Les éléments de preuve présentés indiquent le contraire. Et
15 comme je l'ai déjà dit, ce que je viens de citer à partir du texte 98 bis,
16 comme dit par le Juge Bonomy, a été conçu à cet effet dans des cas comme
17 celui-ci. Lorsque des éléments de preuve sont si minces qu'on ne peut pas
18 croire le témoin, y compris les autres faits présentés, que ceci ne peut
19 pas simplement être vrai, ceci ne peut pas être pris en compte par un
20 tribunal de fait et on ne peut pas se reposer simplement là-dessus.
21 Monsieur le Président, je souhaite également faire référence à un
22 autre commentaire par rapport à ce que M. McCloskey a dit. Les éléments de
23 preuve constituent une chose, à savoir le critère cité ou invoqué à
24 l'article 98 bis, ceci doit être présenté par la Défense comme cela.
25 L'obstacle que doit surmonter l'Accusation est un obstacle qui n'est pas
26 très important. Mais, en matière de droit, c'est différent. Il ne s'agit
27 pas dans ce cas d'une Chambre qui rendrait une décision en faveur de
28 l'Accusation. En matière de droit, on a soit raison on a soit tord. Et on
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1 demande aux Juges de la Chambre de rendre une décision, eu égard à ces
2 chefs d'Accusation en particulier. Ce que la Chambre ne peut pas faire
3 d'après nous, c'est de dire, et bien nous allons accorder la décision la
4 plus favorable en matière de droit à l'Accusation parce que ceci concorde
5 ou correspond aux critères du 98 bis. Ceci n'est pas juste.
6 Comme toute décision prise en matière de droit, vous les Juges de la
7 Chambre vous devez parvenir à une conclusion et c'est une réponse par oui
8 ou par non plutôt que par une réponse juste et mauvaise. Et ceci évidemment
9 constitue une responsabilité très importante, mais je crois que les accusés
10 ici présents sont en droit de s'attendre à cela. Je suis sûr que vous ferez
11 cela. Mais nous rejetons toute idée que le droit puisse être équivoque et
12 que ceci favoriserait l'Accusation. Ceci n'est pas notre position. Le droit
13 et le fait sont deux choses différentes.
14 J'ai quasiment terminé sur le sujet.
15 [Le conseil de la Défense se concerte]
16 M. JOSSE : [interprétation] On vient de me rappeler que j'ai oublié
17 d'évoquer quelque chose qui pourrait être important, surtout eu égard au
18 Témoin PW-155. Donc, veuillez m'excuser si je repars un petit peu en
19 arrière.
20 Le PW -- le Témoin PW-155 a admis -- est-ce que nous pouvons passer à huis
21 clos partiel, s'il vous plaît ?
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis
23 clos partiel ? Un instant, s'il vous plaît.
24 [Audience à huis clos partiel]
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6 [Audience publique]
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous sommes actuellement en audience
8 publique, Maître Josse.
9 M. JOSSE : [interprétation] PW-155 a confirmé, à la page 6 831, qu'il a
10 participé à la Défense de Zepa à la chute de Srebrenica, lorsqu'il y avait
11 des pilonnages intenses, des attaques contre les lignes. Il a également
12 admis qu'il se trouvait au poste de contrôle. Il a surveillé le camion de
13 la Drina si jamais des Serbes entraient dans le village pour tuer les
14 civils. Et d'après nous, d'après ces propres aveux, ceci le met dans la
15 catégorie de quelqu'un qui est un combattant.
16 Pardonnez-moi, en fait c'est un petit peu confus, mais -- dans ma
17 présentation, mais c'était un élément important. Et nous demandons aux
18 Juges de la Chambre de se pencher là-dessus.
19 Bien, Monsieur le Président, dans les grandes lignes, j'en ai terminé avec
20 cette partie de mes arguments. J'espère que notre position est claire.
21 D'après nous, ces hommes étaient clairement des combattants, nous avons
22 évoqué PW-155, la charge, la preuve reposent sur l'Accusation, elle ne peut
23 pas, ne peut pas changer sa position. Et compte tenu de cela, il n'y a pas
24 d'éléments ou de chefs à l'encontre de mon client au sens strict, juridique
25 du terme, en fait terme des critères juridiques appliqués conformément au
26 98 bis, rapport à ses chefs qui concerne le général Gvero ainsi que les
27 autres accusés.
28 Bien, Monsieur le Président, j'étais sur le point de passer à autre chose
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1 et d'aborder la question qui a été évoquée hier par
2 Me Lazarevic aux pages 2 130 et 2 131 [comme interprété] du compte rendu
3 d'audience, où il présente des arguments à propos des paragraphes 31(1)(c)
4 de l'acte d'accusation.
5 Encore une fois, la Chambre sera soulagée de constater que ce qu'a dit M.
6 McCloskey a un petit peu diminué mon argument parce que c'est une
7 conception intéressante de constater qu'on peut distinguer ou séparer les
8 chefs d'accusations dans les arrêts de la Chambre de première instance dans
9 l'affaire Milutinovic, Milo et Krajisnik. Et d'après nous, en fait, on ne
10 peut pas séparer à ce stade les chefs d'accusation. Mais je ne vais pas à
11 la réflexion, me lancer dans une discussion académique sur le sujet. Nous
12 admettons cette concession, nous sommes ravis de constater qu'il s'agit
13 d'un élément de réponse.
14 Et d'après nous lorsque ce chef allègue de meurtres multiples et
15 comme c'est présenté de cette façon, ceci ne peut pas être juste de
16 simplement empêcher les arguments que la Défense pourrait présenter eu
17 égard à ces chefs d'accusation. Il s'agit d'allégations de meurtres
18 multiples, et les accusés sont tout à fait en droit de faire des arguments
19 à ce stade de la procédure. Je ne vais pas m'étendre là-dessus, mais compte
20 tenu de cet éclairage, les Juges de la Chambre doivent se pencher sur tous
21 les meurtres allégués aux chefs 31, les meurtres opportunistes pour être
22 convaincus comme ceci a été suggéré par de nombreux de mes confrères et
23 consoeurs, et être convaincus du fait que chaque accusé peut, d'après ces
24 meurtres-là, nous nous estimons en fait qu'il s'agit de crimes bien
25 distincts et qu'il ne faut pas qu'ils soient tous mis ensemble.
26 J'ai réussi à m'en tenir à mes 75 minutes.
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ne vous attendez pas à des récompenses
28 de notre part, Maître Josse, mais nous apprécions les efforts que vous avez
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1 fournis.
2 M. JOSSE : [interprétation] Et j'en suis satisfait.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maître Haynes, avant de commencer, je
4 ne connais aucun avocat britannique qui a besoin de plus d'une heure ou
5 d'une heure et demie pour une procédure 98 bis.
6 Donc, Maître Haynes, est-ce que vous préférez que nous fassions la pause
7 maintenant ?
8 M. HAYNES : [interprétation] Oui, tout à fait, parce que j'ai informé
9 Me Josse du fait que je souhaite voir M. le Juge Kwon à titre exceptionnel.
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons faire une pause de 25
11 minutes, et d'après mes calculs, il est actuellement midi 16.
12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.
13 --- L'audience est reprise à 12 heures 46.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Maître Haynes.
15 M. HAYNES : [interprétation] Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] 12 heures 46 -- il est.
17 M. HAYNES : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
18 Juges, chers confrères et consœurs. J'ai du mal à trouver un équilibre soit
19 je pars d'emblée accuser d'un contre-interrogatoire extrêmement long soit
20 en fait je suis un combat d'arrière-garde.
21 Je vais présenter des arguments à propos des chefs 2, 7 et 8, et je vais
22 parler maintenant de différents éléments. Je dois dire qu'après les
23 arguments fort documentés des confrères et consœurs qui m'ont protégé, j'ai
24 l'impression d'agir en solitaire et d'être quelqu'un qui avec son vélo
25 traverse le champ de bataille alors que les chars sont déjà passés.
26 Je n'ai pas l'habitude de me répéter et je vais simplement corroborer ce
27 qui a déjà été dit.
28 Je pense que vous me permettrez si j'estime néanmoins que l'on peut
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1 insister sur un argument, je le ferai néanmoins si j'estime que différents
2 arguments peuvent être mis ensemble, et à ce moment-là, je le ferai aussi
3 et j'ai un devoir envers mon client. Il y a différentes questions que je
4 dois aborder en son nom.
5 En évoquant les chefs 7 et 8 de façon générique, je souhaite faire une
6 observation d'ordre général d'emblée. D'après moi, l'approche ou l'attitude
7 de l'Accusation à cet acte d'accusation est quelque chose qui ne concorde
8 pas avec l'attitude -- qui est celle qui est sur un plan historique imputé
9 à ceux qui sont responsables de ces crimes en juillet 1995. Pour emprunter
10 une remarque de
11 Me Bourgon, et pour m'y étendre, l'histoire parle du général Krstic qui n'a
12 fait l'objet d'aucun acte d'accusation qui aurait allégué des instructions
13 à Zepa. Le général Zivanovic malgré le fait qu'il était commandant du Corps
14 de la Drina juste au moment où la population a été évacuée n'a fait l'objet
15 d'aucun acte d'accusation, nonobstant ces déjeuners réguliers avec Eileen
16 Gilleece, et les colonels Andric et Trivic, qui comme mon client, étaient
17 des commandants de bataillons au sein du Groupe tactique numéro 1, ont fait
18 l'objet d'aucun acte d'accusation.
19 Bien sûr --donc, bien sûr, il ne s'agit pas de rendre une décision à
20 ce stade de la procédure, néanmoins ceci est une indication. Ceci veut dire
21 que l'Accusation -- quelle est en fait la façon dont l'Accusation aborder
22 au plan historique les questions de Zepa et de Srebrenica en fait. Ils
23 tiennent compte d'une zone en particulier. Les conseils leur ont été donnés
24 -- leur ont été prodigués par leurs analystes militaires.
25 Pour ce qui est de cet acte d'accusation, si chaque accusé a été accusé des
26 chefs 7 et 8, quel que soit les positions qu'ils détenaient au sein d'une
27 chaîne de commandement et quel que soit l'endroit où ils se trouvaient
28 physiquement au moment où ces infractions ont, semble-t-il, été commises.
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1 Et j'avance que ceci n'est pas logique, ceci est erroné et ceci n'est pas
2 cohérent avec l'attitude précédente de l'Accusation et eu égard à mon
3 témoin -- à mon client, ceci ne peut pas être étayé par des éléments de
4 preuve.
5 Pardonnez-moi si je commence par aborder ceci en inverse, compte tenu de la
6 façon dont les choses ont évolué.
7 Pour ce qui est du chef 8, je suis tout à fait d'accord et je m'identifie
8 avec les arguments présentés par Me Fauveau et Me Josse, et d'après nous,
9 compte tenu des éléments de preuve présentés devant cette Chambre à ce
10 stade de la procédure, les allégations du chef 8 ne peut pas être
11 l'équivalent d'un crime contre l'humanité. Je n'en dirai pas davantage
12 hormis ceci. D'après nous, une armée a trois choix. L'armée peut soit se
13 battre jusqu'à la fin, l'armée peut déposer ses armes et se rendre ou
14 l'armée peut chercher à se retirer vers un autre pays peut-être.
15 Et lorsque j'ai entendu les éléments de preuve sur la fuite des forces
16 musulmanes qui ont traversé la Drina -- et un exemple peut-être un peu plus
17 intéressant ou héroïque lorsque les forces britanniques ont traversé les
18 plages de Dunkirk en 1940, on a souvent oublié que les forces britanniques
19 étaient aussi -- comprenaient aussi le général de Gaulle et il ne s'agit
20 pas d'expulsion, il s'agit en fait d'une armée qui battait en retraite. Et
21 j'avance que c'est exactement -- c'étaient les forces françaises qui
22 avaient battu en retraite et qui étaient allés en Grande-Bretagne. Il ne
23 s'agissait pas d'une défaite; en fait, il s'agit d'une armée qui essayait
24 de se mettre en sécurité, et ceci fait une référence au chef 8.
25 Par rapport à mon client, je souhaite faire quelques observations. Vinko
26 Pandurevic -- des éléments qui sont incontestables -- et s'est déplacé de
27 Zepa à une certaine distance dans la matinée du 15 juillet.
28 L'INTERPRÈTE : correction -- il ne s'agissait pas de déportation lorsqu'on
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1 a évoqué le cas de la guerre de 1940.
2 M. HAYNES : [interprétation] Donc, Me Bourgon a illustré cela. Je vais vous
3 donner quelques références. Pages 12 596 à 12 597 et page 12 598, les
4 éléments de Miodrag Dragutinovic. Il n'y a pas d'éléments de preuve dans
5 cette affaire pour indiquer que cette force avant qu'elle ne se retire
6 avait mené une offensive. Elle devait simplement se déplacer et passer à
7 une autre position à la date du
8 15 juillet.
9 Les autres éléments de preuve présentés dans cette affaire correspondent à
10 ceci d'après moi : il s'agissait d'une bande qui a attaquée les villages
11 qui -- l'attaque a commencé sur les villages voisins de Zepa; ceci a cessé
12 le 19 juillet. Il y avait toute une série de réunions le 19 et 20, des
13 combats qui se sont poursuivis encore le 22 juillet, un retrait total en
14 direction des collines de la part des forces musulmanes le 26 juillet.
15 L'évacuation de la population civile était terminée à la date du 26 juillet
16 et
17 27 juillet. Pour éviter tout doute, nous n'avons pas entendu un seul
18 élément de preuve pour étayer le paragraphe 67 de l'acte d'accusation, par
19 conséquent, et il n'y a aucun acte qui a été prouvé contre Vinko
20 Pandurevic, il n'a pas fait quelque chose pour déplacer les forces avant
21 cette attaque qui avait été prévue sur Zepa.
22 L'Accusation aurait pu demander à Miodrag Dragutinovic si ceci était arrivé
23 et il aurait pu demander au colonel Trivic ce qui s'était passé. Ils ont
24 décidé de ne pas le faire.
25 De surcroît la déposition de M. Trivic aux pages -- colonel Trivic aux
26 pages 11 968 et 11 969, le 23 mai, déclare qu'il a été blessé le 29
27 juillet, et qu'aucune Unité de la Brigade de Zvornik n'était rentrée à Zepa
28 à cette date-là.
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1 Egalement, les éléments de preuve présentés par Dragutinovic, compte
2 rendu 12 705, 15 juillet, aucune unité ou membre de la Brigade de Zvornik
3 ne sont rentrés à Zepa avant le 31 juillet après avoir quitté la région
4 quand bien même c'était le cas et alors Pandurevic n'est pas rentré avec
5 eux et ces unités n'étaient pas placées sous son commandement lorsqu'il
6 était à Zvornik. Ils étaient placés au commandement du colonel Krstic à
7 Zepa.
8 Et conformément à cela, j'avance que pour ce qui est du chef 8
9 quelques soient vos conclusions à l'égard du bien fondé de ces chefs
10 d'accusation, il s'agit pour moi d'une question de principe. Il n'y a pas
11 d'élément de preuve pour étayer les agissements de M. Pandurevic qui aurait
12 en fait indiqué qu'il est fait partie d'une entreprise criminelle commune.
13 Je souhaite maintenant passer au chef numéro 7.
14 Je cautionne tout à fait -- je me rallie entièrement et je suis
15 d'accord avec l'analyse sans faille de Me Bourgon, de l'interaction entre
16 les entreprises criminelles concurrentes alléguées dans l'acte
17 d'accusation. Et garde à Me Bourgon, j'avance qu'il n'y a pas véritablement
18 d'argument à l'appui sur ce point, parce que j'avance qu'en lisant le chef
19 7 de l'acte d'accusation, vous découvrirez, en vérité, que ceci évoque la
20 marche de la colonne mais qu'il ne s'agissait pas de transfert forcé. Il
21 s'agit d'élément de contexte, mais lorsqu'on incite plus particulièrement
22 sur le transfert forcé, paragraphes 61 à 64, on fait état de la colonne en
23 fait qui brille par son absence.
24 D'après moi, cet acte d'accusation en fait ne requiert pas de telle
25 conclusion, la colonne n'a pas été transférée par la force. Il est de
26 surcroît intéressant de noter que de telles conclusions n'ont pas été
27 tirées à propos de la colonne dans la décision rendue par la Chambre dans
28 l'affaire Blagojevic. Il n'y avait que les femmes et les enfants qui ont
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1 traversé à bord de bus Potocari en fait ceux-là on fait l'objet de travaux
2 forcés, vous voudrez peut-être consulter les paragraphes 616 à 618 de
3 l'arrêt Blagojevic.
4 Un autre point qui est peut-être un point secondaire, je suis tout à fait
5 conscient du fait que vous avez tout à fait digéré les arguments de Me
6 Bourgon, en fait je suis simplement en train d'ajouter des petits éléments,
7 bien sûr, le 16 [comme interprété] juillet, qui est le paragraphe 61, la
8 population n'avait pas encore quitté l'enclave. A savoir s'ils étaient à
9 Potocari, Jaglici, ou Susnjari, ils étaient encore tout à fait fermement
10 dans l'enclave, vous voudriez peut-être vous rappelez la géographie des
11 lieux en regardant la carte de M. Ruez pour des postes d'observation pour
12 vous aider à vous retrouver. Il s'agit de la carte numéro 6 dans votre
13 classeur sur copie papier.
14 En fait, les comparaisons ici sont intéressantes, on analyse la façon dont
15 l'acte d'accusation a été rédigé et eu égard à la question de Srebrenica,
16 et par rapport à la façon dont l'acte d'accusation a été rédigé [inaudible]
17 à Zepa, et moi, j'avance que les militaires qui ont traversé la Drina à la
18 nage ont été déportés, expulsés, donc, marchés -- chef 7, la marche de la
19 28e Division n'est pas avérée il ne s'agit pas de transfert forcé.
20 Pour ce qui est des personnes à bord des autobus, j'avance qu'il s'agit là
21 de l'objet du point 7, encore j'adopte les arguments présentés par Me
22 Bourgon sur le sujet. Les Unités de Potocari étaient placées sous le
23 commandement du Corps de la Drina, à l'époque c'était le général Zivanovic.
24 Me Bourgon a évoqué la question du contrôle de la population qui quittait
25 Potocari. Je dois plus précisément aborder le paragraphe 77(a), ayant trait
26 à mon client en particulier.
27 Il est allégué au paragraphe 77(a) que Vinko Pandurevic aurait soutenu
28 l'entreprise criminelle commune s'agissant du transfert de la population
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1 musulmane de Srebrenica et Zepa, et qu'il aurait commandé toutes les forces
2 et donné l'ordre aux forces impliquées à l'attaque de Srebrenica et Zepa du
3 6 au 14 juillet 1995, sachant que l'un des buts principaux de l'attaque
4 était de forcer la population musulmane à quitter les enclavez de
5 Srebrenica et de Zepa. Je soumets que cette phrase ne peut pas se diviser
6 en plusieurs. Vous devez trouver à la fois -- vous trouvez les deux
7 éléments dans ce paragraphe en particulier et ces éléments doivent être
8 prouvés pour pouvoir considérer qu'il s'agissait là d'un acte en appui de
9 l'entreprise criminelle commune.
10 Il n'y a pas un seul élément de preuve présenté dans cette affaire qui
11 corroborait la constatation selon laquelle Vinko Pandurevic était au
12 courant d'un des objectifs principaux de l'attaque et du fait que c'était
13 afin de forcer la population musulmane à quitter Srebrenica et Zepa, ces
14 deux enclaves. Il n'y a pas eu un seul élément de preuve dans cette affaire
15 indiquant qu'il avait même vu la directive 7 ou un autre -- un quelconque
16 autre document écrit de façon semblable. Il revenait à l'Accusation de les
17 présenter. Ils avaient le Témoin PW-168, ils avaient Miodrag Dragutinovic,
18 Mirko Trivic, et aucun d'entre eux, ces hommes qui ont été parla suite
19 actifs au sein du Groupe tactique 1, n'a déposé de la manière dont ils
20 auraient compris le but de l'objectif de Krivaja ou du plan 95.
21 S'agissant de Krivaja-95, j'indique que la déposition de Richard Butler ne
22 laisse aucun doute concernant le fait que ces objectifs étaient légitimes
23 et justifiables militairement. Afin de corroborer sa déposition au sujet de
24 cela, vous vous souviendrez qu'il vous a fourni les cartes avec les cibles
25 et avec les clés et références, et il vous a invité de prendre cela en
26 considération. Et nous avons -- il nous a donné une analogie tout à fait
27 utile à la page 20 356, lignes 9 à 23, le mardi, 24 janvier, au sujet de
28 l'applicabilité de l'article 239 du code pénal. Il n'y a pas eu d'élément
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1 de preuve indiquant que les forces placées sous le commandement de Vinko
2 Pandurevic aurait tiré même un obus sur la ville.
3 L'opération Krivaja-95 s'est terminé avant le 9 juillet 1995, et d'après
4 les éléments de preuve, ceci soutient l'affirmation que la population, au
5 cours de la période d'inactivité, s'est déplacée de la ville, mais non pas
6 de l'enclave, le jour suivant.
7 Il n'y a pas eu d'élément de preuve, j'affirme, indiquant que Vinko
8 Pandurevic aurait été au courant d'un but plus vaste de l'opération
9 militaire qu'il menait et exécutait par le biais des combats le long de la
10 ligne vers Zeleni Jadar, d'après les éléments de preuve par ceux qui
11 étaient ces co-combattants.
12 Par conséquent, je considère qu'il n'existe pas suffisamment d'élément de
13 preuve vous permettant de conclure qu'il avait participé à une quelconque
14 entreprise criminelle commune visant à transférer de manière forcée la
15 population de Potocari à l'extérieur de l'enclave.
16 Pour terminer, je vais traiter du chef 2.
17 Je vais faire un commentaire, en tant que juriste, avocat britannique, le
18 concept des chefs d'accusation conjoints d'entendre et des chefs
19 d'accusation substantiels et collectifs constituent un anathème. D'après le
20 droit britannique, il est tout simplement impossible d'accuser quelqu'un à
21 la fois du meurtre et d'entente à vu de commettre un meurtre. L'Accusation
22 doit choisir lequel des deux elle souhaite alléguer.
23 Je pose maintenant cette question pratique et rhétorique : comment est-ce
24 que le chef d'accusation portant sur l'entente ajoute quelque chose dans
25 cet acte accusation ? Comment est-ce que c'est utile pour vous si vous ne
26 pouvez pas trouver parmi toutes les versions de culpabilité offertes par
27 l'article 7(1), les trois versions de l'entreprise criminelle commune et
28 l'article 7(3) ? Comment est-ce que vous allez arriver à la conclusion que
Page 21379
1 mon client aurait passé un accord qui comme on l'a dit si éloquemment ici
2 constitue l'essentiel du complot de l'entente, c'est-à-dire le chef
3 d'accusation 2 ?
4 En réalité - et je pense que c'est un point que Me Lazarevic l'a soulevé et
5 j'espère que je ne répète pas ses propos - mais je vais parler un peu plus
6 de cela que compte tenu d'un simple complot. Le complot est notamment
7 détaillé au paragraphe 36 de l'acte d'accusation et Me Lazarevic l'a lu
8 aujourd'hui. Et je ne vais pas faire la même chose aujourd'hui. Mais ceci
9 se lie finalement à deux complots séparés. Tout d'abord, il est dit qu'un
10 accord avait été passé visant à exécuter les hommes aptes à combattre à
11 Potocari et je dis peut-être c'est un peu osé, mais je dis que ceci ne
12 constitue pas un complot ou une entente en vue de commettre le génocide.
13 Vous ne pouvez tout simplement pas constater que la décision de tuer les
14 hommes à Potocari constitue un accord visant à commettre le génocide. Mais
15 il est dit aussi que le plan initial a été modifié. Je vais vérifier les
16 mots. Oui, ce plan englobait aussi l'exécution sommaire de plus de 6 000
17 hommes ce qui est une modification à mon avis très importante de cet
18 accord.
19 Voici ce que je souhaite souligner : même si vous pouviez conclure qu'un
20 accusé était partie prenante à un accord initial, vous ne pourrez pas le
21 rendre responsable de la modification ultérieure de l'accord sans avoir des
22 preuves concrètes indiquant qu'il avait accepté l'accord modifié aussi.
23 C'est tout comme si un groupe de personnes se mettaient d'accord d'aller
24 faire du shopping et voler quelque chose. Peut-être ils sont tout d'accord
25 avec cela, mais si ensuite une partie du groupe décide de voler quelque
26 chose de chaque magasin de la rue sans que les parties prenantes à l'accord
27 ne le sachent, comment est-ce qu'on pourrait les condamner du complot -- du
28 complot qui fait l'objet des allégations de contenues dans le chef
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1 d'accusation numéro 2 ? Et c'est ce que l'Accusation essaie de faire ici.
2 De toute façon, quelle était la possibilité de Vinko Pandurevic pour
3 participer ou passer un accord plus vaste et modifié puisque d'après ce
4 qu'il a été dit ceci a été modifié les 12 et 13 juillet ? D'après Miodrag
5 Dragutinovic, aux pages 12 690 et 91, Vinko Pandurevic, ces jours-là,
6 marchaient dans la nuit de Viagor [phon] vers une autre position à laquelle
7 il a fini par retourner. Il n'y a aucun élément de preuve indiquant que
8 Vinko Pandurevic aurait passé l'un quelconque de ces accords et encore
9 moins qu'il les aurait passés tous les deux. En réalité, si vous souhaitez
10 avoir quelques indices concernant le manque de force de l'affirmation
11 avancée ainsi par l'Accusation, je vous invite à vous pencher encore une
12 fois sur les rapports de combat du 15 au 18 juillet qu'il avait rédigés et
13 qui ont les numéros de pièces à conviction de l'Accusation P329 et P334. Et
14 je considère qu'il s'agit là des élément de preuve les plus clairs sur le
15 fait qu'un homme a été horrifié de constater que les prisonniers ont été
16 installés dans des écoles des la municipalité de Zvornik et aucun élément
17 de preuve portant sur un homme qui aurait passé un accord visant à tuer des
18 milliers d'hommes, de gens.
19 Formellement, je souhaite dire que je me rallie à tous les arguments
20 présentés par Me Ostojic, Me Bourgon, Me Lazarevic,
21 Mme Fauveau et Me Josse, et voilà j'ai pris un peu plus de 20 minutes pour
22 mes derniers mots à moi.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Maître Haynes. Voulez-vous
24 commencer maintenant ou lundi ?
25 M. McCLOSKEY : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Attendez. Je pense que nous
27 pourrons vous entendre, et ensuite, vous, Madame Fauveau. Quelques
28 corrections du compte rendu d'audience.
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1 Poursuivez, Monsieur McCloskey.
2 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, peut-être que je peux dire
3 quelque chose aujourd'hui et finir la semaine prochaine.
4 M. LE JUGE AGIUS : [aucune interprétation]
5 Mme FAUVEAU : -- je voudrais faire quelques corrections dans le compte
6 rendu. Il s'agit en général des noms.
7 Donc "page 8, ligne 16,"
8 [interprétation] page 8, ligne 16, le nom "Miletic" devrait être
9 "Milovanovic."
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter la
11 référence, s'il vous plaît ? Page 16 ou 8 ?
12 Mme FAUVEAU : [interprétation] Page 8, ligne 16.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Page 8, ligne 16. Oui.
14 Mme FAUVEAU : [interprétation] Ensuite, page 15, ligne 17 : "Les ordres du
15 général Milovanovic," il faut corriger en : "Les ordres du général
16 Zivanovic."
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Autre chose.
18 Mme FAUVEAU : [interprétation] Page 18, ligne 9, le nom "colonel
19 Djukic" doit être remplacé par "colonel Djordjic." Et ensuite, page 27,
20 ligne 11, la pièce à conviction "P89" deviendra "P894." Ensuite page 29,
21 ligne 7, la pièce à conviction "P2750" doit être remplacée par P27 --
22 c'est-à-dire "P2790" doit être remplacée par "P2750," et "P976" doit être
23 remplacé par "P2976." A la page 30, lignes 5 et 6, la phrase : "Général
24 Miletic n'était là ni le 11, ni le 13," doit être remplacée par : "Le
25 général Miletic n'était pas avec le général Mladic ni le 11, ni le 13."
26 Page 34, lignes 6 et 7 : "Le général Mladic a dû aller sur le terrain pour
27 vérifier ce qui se passait," doit être remplacé par : "Le général Mladic a
28 envoyé des officiers de l'état-major principal afin qu'il vérifie ce qui se
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1 passait." Et pour terminer, page 35, ligne 25 : "Le général Miletic savait"
2 -- ou plutôt : "L'Accusation n'a montré aucun élément de preuve indiquant
3 que le général Miletic savait avant l'entrée de l'armée de Republika Srpska
4 dans Srebrenica que l'enclave avait été prise," et il faudrait que ceci
5 soit remplacé par : "L'Accusation n'a montré aucun élément de preuve
6 indiquant que le général Miletic savait avant l'entrée de l'armée de la
7 Republika Srpska à Srebrenica que l'enclave devait être prise."
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Madame Fauveau.
9 Mme FAUVEAU : [hors micro]
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur McCloskey, vous avez la
11 parole. Et si vous pouvez vous arrêter à 2 heures moins 20 plutôt que 2
12 heures moins le quart, s'il vous plaît.
13 M. McCLOSKEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pourrais
14 peut-être m'arrêter même avant cela. Je voudrais simplement éclaircir
15 quelques points.
16 Premièrement, je souhaite tout d'abord expliquer quelles sont les
17 intentions pour les prochaines audiences, à savoir que je souhaiterais
18 m'exprimer brièvement sur la question des transferts forcés et des
19 expulsions pour ce chef d'accusation là, puis je voudrais parler des
20 accusés Pandurevic et Borovcanin et mes confrères, MM. Thayer et Nicholls,
21 parleront des autres accusés.
22 M. Vanderpuye parlera de M. Popovic et toutes discussions concernant
23 Popovic seront confiées désormais à M. Nicholls.
24 Une partie de ce que j'ai entendu, j'y répondrais. Une grande partie de ce
25 que j'ai entendu, c'étaient des conclusions finales. Et je pense que le
26 conseil du général Miletic était très détaillé. Elle est à mon avis,
27 c'était en quelque sorte une -- c'étaient des conclusions. Je ne pense pas
28 que vous souhaitiez que j'entre dans les détails qu'elle a elle-même
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1 évoqués, bien que M. Thayer doive évoquer cela et vous fournira un certain
2 nombre de détails, mais nous resterons bien dans le cadre du temps qui nous
3 est alloué et j'espère que nous pouvons donc en terminer lundi.
4 Je vais commencer par parler brièvement du transfert forcé comme chef
5 d'accusation et des expulsions. La première chose que je souhaite vous
6 rappeler, peut-être qu'il n'est pas nécessaire que je le fasse. Mais comme
7 vous avez maintes et maintes fois entendu de l'accusé qu'il considère les
8 transferts forcés de la population de Srebrenica comme étant
9 essentiellement le 12 et le 13, c'est-à-dire que ce crime, bien sûr, c'est
10 le dernier élément de ce crime, il est important de savoir ce crime a pour
11 la première fois été ourdi lors du printemps 1992. Nous pouvons voir que,
12 dans les objectifs stratégiques, et là, également dans un élément de preuve
13 dont je ne sais pas si un Tribunal quel qu'il soit verrait quoi que ce soit
14 d'autre qu'une directive parfaitement claire, la directive 4. J'expliquerai
15 à nouveau ce qui est dit là, à savoir je cite : "Nous pousserons -- nous
16 repousserons les forces armées et avec elles, la population musulmane en
17 novembre 1992." L'ordre du Corps de la Drina dit exactement la même chose,
18 et il a donc été publié quelques jours plus tard, et à la fin du mois de
19 novembre, c'était d'envoyer toutes les brigades y compris la Brigade de
20 Zvornik, ça a été envoyé à toutes les brigades y compris la Brigade de
21 Zvornik.
22 A l'époque, Vinko Pandurevic avait été blessé à Visegrad. Nous
23 n'examinerons pas la question de Visegrad à ce stade, bien que nous
24 puissions en reparler dans notre contre-interrogatoire.
25 Mais il apparaît vers la mi-décembre, il est clair que cet ordre avait pour
26 but d'évacuer la population. Comme vous l'avez entendu, il a conduit --
27 enfin, ces forces qui étaient les meilleures forces d'assaut du Corps de la
28 Drina, il a conduit ce mouvement d'attaque militaire et des mouvements
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1 subséquents concernant la population, tout le temps depuis 199 -- jusqu'en
2 1993 qui ont conduit au désastre humanitaire qui a amené à constituer
3 l'enclave de Srebrenica pour commencer. Vinko Pandurevic est parfaitement
4 conscient de ce plan -- de cette entreprise, et ceci est en Bosnie
5 orientale. Je ne m'occuperais pas du reste de la Bosnie; là, il s'agit
6 juste de la Bosnie orientale dont nous parlons, mais certainement ce
7 n'était pas tout seul.
8 Donc, pour plus de commodité, de simplicité, nous avons commencé cet acte
9 d'accusation avec la directive numéro 7, de mars 1995, alors que là encore,
10 le président Karadzic énonce -- enfin, il dit de rendre la vie impossible.
11 Il fait que la vie est impossible pour les résidents de Srebrenica et Zepa
12 et voilà l'opération criminelle conjointe qui est d'évacuer cette
13 population hors de Srebrenica et Zepa. Si on participe à Srebrenica ou
14 Zepa, on fait partie de l'entreprise criminelle conjointe qui est de faire
15 évacuer cette population.
16 Bien entendu, la déclaration que l'on retrouve un peu plus loin dans la
17 directive numéro 7, c'est quelque chose de stupéfiant, je cite : "Faire en
18 sorte par des permis très limités que la population dépend de notre bon
19 vouloir, mais en même temps ne pas faire en sorte que nous soyons condamnés
20 par la communauté internationale."
21 Et puis, alors, nous voyons, à ce moment-là, les Néerlandais -- les
22 dépositions des Néerlandais, les Musulmans, concernant ce que cela voulait
23 dire et je ne vais pas repasser tout cela, mais il est clair que c'était
24 l'horreur. Ça a été appelé "convoi de terreur" fait d'affamés, misère, tout
25 ce qui était créé là. Bon, nous l'avons entendu, à maintes et maintes
26 reprises. Je ne vais pas le reprendre et vous l'avez entendu également.
27 Puis nous arrivons à Krivaja-95, qui précisément comme vous vous en
28 souvenez, cite la directive 7 et dit comme l'a rappelé
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1 M. Butler, "réduire l'enclave à sa zone urbaine," ainsi que diviser les
2 deux enclaves. Comme nous l'avons toujours fait valoir, comme M. Butler l'a
3 toujours interprété, réduire l'enclave à sa zone urbaine, ça représente le
4 fait de concentrer 30 000 personnes de l'extérieur de l'enclave dans un
5 secteur qui seulement d'un kilomètre par deux kilomètres, ce qui crée une
6 situation de cauchemar en 1993. Alors, ceci ne veut pas dire que l'attaque
7 de l'enclave qu'il faut la prendre, mais il est clair qu'une attaque de
8 l'enclave pour réduire celle-ci à la zone urbaine, réduire la population à
9 l'intérieur de la zone urbaine, on voit que le texte se poursuit en disant
10 : "Créer la situation permettant l'élimination des enclaves."
11 Alors, le texte Krivaja-95 ensuite parle de la Brigade de Zvornik. Vous
12 avez un exemplaire qui a été envoyé à la Brigade de Zvornik pendant que le
13 commandant Pandurevic se trouvait là. Rappelez-vous ce qu'a dit le Témoin
14 168, c'est-à-dire que Pandurevic ne pensait pas que l'ONU les laisserait
15 atteindre les enclaves, et il se trompait et certainement il était au
16 courant de Krivaja-95 et du libellé du texte et des objectifs qui étaient
17 prévus.
18 Nous voyons que ceci a été effectué. Je ne vais pas reprendre les détails
19 avec vous. Je pense que d'autres le feront peut-être parce que M. Nicholls
20 pourrait parler de l'attaque sur la population -- contre la population
21 civile qui comme dans les différents cas précédents -- comme précédemment
22 se concentrent essentiellement à notre avis sur les journées du 10 et du
23 11, et puis ensuite, il s'agit de repousser la population vers Potocari et
24 les attaques se poursuivent pour ce qui est de la population voisine
25 essentiellement pour faire des prisonniers et désarmer les Néerlandais.
26 Donc, ça c'est l'attaque principale contre la population civile, bien que
27 comme vous pouvez le voir, en examinant la déposition de Kingori, il y a
28 donc un pilonnage aveugle de la zone du centre ville, tout au long de
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1 l'attaque, et ceci reste à l'esprit. C'était probablement à un moment donné
2 où un mortier -- un obus de mortier tombait juste au milieu de la foule, à
3 l'entrée de la base à Srebrenica.
4 Vinko Pandurevic et les Loups de la Drina ont essentiellement mené cette
5 attaque. C'était la meilleure force de disposée qui a été engagée dans
6 cette attaque avec Trivic. Nous avions Blagojevic, Trivic, et une partie de
7 la 10e Unité de Sabotage, mais meilleur pour cette attaque, c'était avec
8 Vinko Pandurevic. L'attaque commençait en repoussant la population rurale
9 hors des zones rurales dans la zone urbaine, et Vinko Pandurevic et ses
10 unités se trouvaient dans ce secteur, le 12, et ne l'ont pas quitté avant
11 le 13 juillet, de sorte qu'ils étaient là tout le temps.
12 Puis, Vinko Pandurevic impliquant les ordres de ses commandants est allé à
13 Zepa. Vous avez vu le plan d'attaque. Krstic était encore chef d'état-
14 major, le signe dans l'après-midi du 13, et il y a un rôle imparti à la
15 Brigade de Zvornik, tel qu'il est énoncé, il s'agit de l'attaque qui doit
16 commencer le 14, et l'attaque a effectivement commencé, le 14.
17 Maintenant, nous pourrons regarder les comptes rendus.
18 M. Haynes a peut-être raison concernant les éléments de preuve sur ce que
19 nous avons très précisément fourni ou prouvé, à savoir que sur ce que la
20 Brigade de Zvornik a effectivement fait, ont-ils avancé, oui ou non ? Mais
21 une attaque, bien, on peut évidemment parier que les membres de la Brigade
22 de Zvornik, et on peut absolument en déduire qu'il n'était pas simplement
23 en train de musarder dans les bars de Vlasenica ou Han Pijesak, ils étaient
24 tous à leurs positions qu'ils leur aient été attribuées pour qu'ils y
25 soient dès la nuit du 13, et ils étaient prêts; c'est tout comme sur
26 échiquier. Et à l'évidence, l'échiquier a commencé donc dans la matinée du
27 14, que l'Unité de Vinko Pandurevic se soit déplacée ou qu'elle soit restée
28 sur place, ils ont constitué un élément-clé de cette opération, et donc
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1 vous avez de façon parfaitement clair, une déduction très forte qu'à ce
2 stade Vinko Pandurevic ainsi que son unité ont joué un rôle substantiel et
3 important dans l'assaut initial contre Zepa dans la première journée. Ils
4 sont là présents, prêts à avancer. Ce n'est que le lendemain, dans la
5 matinée, qu'ils vont se lancer vers Zvornik.
6 Donc, je ne suis pas d'accord avec mon confrère sur les arguments qu'il a
7 présentés sur ce point.
8 Je voudrais terminer en décrivant brièvement pour vous notre point de vue
9 concernant Zepa et les expulsions. Nous estimons qu'il y a des probabilités
10 très fortes qu'avec quelque 1 000 à 2 000 hommes en âge de porter les armes
11 qui s'enfuient vers la Serbie, il y a un ou plusieurs civils dans ce
12 groupe. Et à ce stade, on peut en déduire qu'il est absolument inapproprié
13 -- c'est une déduction qui serait absolument inapproprié. Il s'agit là
14 d'une déduction qui est absolument approprié que vous pouvez faire de façon
15 absolument approprié de même en ce qui concerne ce qui a été dit concernant
16 le fait qu'il y avait des civils. J'ai le nom -- je crois que c'était
17 M. Josse qui a appelé ça la théorie "du charbonnier," en quelque sorte, la
18 foi du charbonnier, une théorie juridique, à savoir qu'il fait partie du
19 droit que l'on observe. Si vous regardez une déposition et si vous
20 déterminez si, oui ou non, c'est impensable ou non. Maintenant, cet homme,
21 qui était une victime qui a fait de son mieux pour venir ici et pour
22 déposer, et il vous a dit qu'il n'était pas un combattant lorsqu'il est
23 parti et qu'il a traversé la rivière à la nage, ceci est suffisant à ce
24 stade.
25 De plus, nous pensons qu'une armée, les soldats peuvent être expulsés. Je
26 suis d'accord que les prisonniers de guerre ne peuvent pas être expulsés --
27 pardon, peuvent être expulsés -- excusez-moi. Vous pouvez prendre des
28 prisonniers de guerre et vous pouvez les envoyer, vous pouvez faire en
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1 sorte qu'ils soient envoyés en Serbie et qu'ils soient détenus dans des
2 camps. Mais l'élément-clé pour l'expulsion c'est le déplacement illicite du
3 groupe, et il faudra que vous voyiez si, oui ou non, lorsque ces personnes
4 ont déposé les armes et ont sauté dans la rivière, en risquant leurs vies,
5 si c'était illicite ou non. Si c'est une retraite d'une armée, ça pourrait
6 être licite. Mais n'oublions pas, que l'objectif général de l'attaque telle
7 que prévue de la directive 7 était d'éliminer -- de se débarrasser de cette
8 population, la population musulmane. Ceci comprend donc tout le monde,
9 l'armée, les femmes, les enfants, tout le monde. Et ceci est encore en
10 cours le 30 août ou le 1er à la fin du mois de juillet, lorsque ceci se
11 produit. Et donc, l'intention de la VRS était de faire en sorte que tous
12 sortent de là, armée, civils, aucune question à ce sujet.
13 Et puis, l'élément-clé est de savoir si c'est illicite ou non et si la
14 personne qui était impliqué là-dedans avait le choix. Tout ceci revient à
15 des questions de choix. C'était l'un des trois choix que M. Haynes nous a
16 présenté. Est-ce que vous avez -- enfin, l'un des choix est de se rendre,
17 de combattre dans la Brigade de Zepa; est-ce que ces combattants avaient le
18 choix, à la fin du mois de juillet, de se rendre ? Assurément, sans aucune
19 équivoque, ils n'avaient pas ce choix. Ils savaient, d'après le survivant
20 de l'entrepôt de Kravica qui leur avait dit, et ils le savaient également
21 par le fait que c'était arrivé jusqu'à la presse que ces enclaves, bon,
22 savaient ce qui se passaient à Srebrenica. Ils savaient, raisonnablement,
23 que s'ils se rendaient, ils mourraient.
24 Le 1er août, il y a plus de 7 000 hommes musulmans qui sont morts pas très
25 loin de là, qui ont été assassinés. Ils le savaient. Ils ne pouvaient pas
26 si dans leur bon sens s'étaient rendus à ce stade, vous pouvez voir cela
27 d'après les éléments de preuve. Ils ont tout simplement refusé. Ils ont
28 choisi au contraire de risquer leurs vies. Vous avez vu ce qui s'est passé
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1 pour la Drina. Il s'agit d'une rivière qui est difficile, froide, difficile
2 à passer. Ils ont sauté dans cette rivière. Si vous regardez également les
3 conversations enregistrées. Ils étaient en train de mettre des brouettes ou
4 des espèces de radeaux et pour essayer de faire des radeaux de fortune, ils
5 n'avaient aucun choix du tout lorsqu'ils sont partis, et ceci, à mon avis,
6 peut-être être appelé en fait une expulsion. Une fois que vous avez cette
7 attaque contre la population civile, l'attaque du point de vue juridique
8 lorsqu'on a commencé avec le pilonnage qui a commencé de façon aveugle et
9 des obus tombant sur la ville de Srebrenica et qu'on a commencé à ce
10 moment-là à laisser tomber des obus délibérément sur la foule; à ce moment-
11 là, donc, cette population est repoussée vers Potocari, puis arrêtée, et
12 lorsque ceci se passe, bien, c'est bien une attaque.
13 La même chose s'est passée pour Zepa. Lorsque ces personnes ont été
14 encerclées et lorsqu'on s'est occupé d'eux et qu'on les a en fait forcé à
15 monter dans des cars ou des bus, il s'agit d'une attaque contre la
16 population civile. Et donc, le résultat de tout ça c'est que nous avons --
17 il s'agit de voir dans l'institution s'il s'agit de combattants ou de
18 civils. Peu importe de savoir s'il y a ce cas récent qui s'est fait jour,
19 et peut-être que la meilleure façon, la façon la plus simple de traiter
20 serait de proposer une modification subsidiaire de qualification de crime
21 de guerre. Mais ce n'est pas une question qui fera l'objet d'un appel
22 pendant longtemps. Ce n'est pas quelque chose dont je sache que la Chambre
23 de première instance pourrait utiliser dans le cadre de la procédure 98 bis
24 comme une épée de Damoclès. Si tel était le cas, toutes les victimes
25 combattants de Srebrenica n'auraient pas été englobés par ces crimes contre
26 l'humanité qui forme la base même de cet institution, et je ne pense pas
27 que vous allez permettre cela.
28 En tout état de cause, je pense devoir m'arrêter maintenant et céder
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1 pour mes collègues de façon à ce que vous ne soyez pas constamment en train
2 de m'entendre moi probablement beaucoup trop, je vous remercie, nous serons
3 de retour lundi matin.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur McCloskey.
5 Je lève la séance maintenant et nous reprendrons lundi matin à 9 heures.
6 Merci.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 32 et reprendra le lundi 18 février
8 2008, à 9 heures 00.
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