Affaire n° IT-04-74-PT

Le Procureur c/ Bruno Stojic

DÉCISION

LE GREFFIER ADJOINT,

VU le Statut du Tribunal, adopté par le Conseil de sécurité en vertu de la résolution 827 (1993), et notamment son article 21,

VU le Règlement de procédure et de preuve, adopté par le Tribunal le 11 février  1994 et modifié ultérieurement (le « Règlement »), et notamment ses articles 44 et 45,

VU la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense, adoptée par le Tribunal le 28 juillet 1994 et modifiée ultérieurement (la « Directive  »), et notamment ses articles 6, 8, 10, 11 A), 18 et 23 C),

ATTENDU que, le 31 mars 2004, Bruno Stojic (l’« Accusé ») a chargé Me Zeljko Olujic, avocat de Zagreb, de le représenter devant le Tribunal international en application de l’article 44 du Règlement,

ATTENDU que, le 6 avril 2004, l’Accusé a présenté au Greffe une déclaration indiquant que les autorités croates avaient convenu de prendre en charge les frais de sa défense et qu’il n’avait pas l’intention de demander l’aide juridictionnelle offerte par le Tribunal,

ATTENDU cependant que, le 4 novembre 2004, l’Accusé a présenté, en application de l’article 8 de la Directive, une déclaration de ressources aux fins de la commission d’office de Me Zeljko Olujic au motif qu’il ne dispose pas de moyens suffisants pour rémunérer un conseil,

VU la Décision relative à l’appel interjeté par Bruno Stojic contre la décision de la Chambre de première instance relative à sa demande de nomination d’un conseil, décision en date du 24 novembre 20041 confirmant les conclusions de la Chambre de première instance2, selon lesquelles il existait un conflit d’intérêts potentiel du fait que Me Olujic assiste à la fois Ivica Rajic et l’Accusé,

ATTENDU que, le 2 février 2005, l’Accusé a chargé Me Berislav Zivkovic, avocat de Zagreb, de le représenter en application de l’article 44 du Règlement et ce, jusqu’à ce que le Greffe commette d’office un conseil à sa défense à titre permanent,

ATTENDU que, le 5 octobre 2005, l’Accusé a chargé Me Tomislav Kuzmanovic, avocat dans le Wisconsin, de le représenter en tant que Conseil principal,

ATTENDU qu’avant que sa capacité de rémunérer un conseil ne soit finalement déterminée, l’Accusé a eu la possibilité de formuler des observations au sujet des résultats de l’enquête menée par le Greffe sur ses ressources,

ATTENDU que pour déterminer, aux termes de l’article 8 B) de la Directive, si un accusé peut être admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle, sont prises en considération « les ressources de toute nature dont il a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, y compris, notamment, les revenus directs, les comptes bancaires, les biens meubles ou immeubles, Sles pensions etC les actions, les obligations ou autres actifs détenus, à l’exclusion des prestations familiales ou sociales dont il peut éventuellement bénéficier. Il est aussi tenu compte, dans l’examen des ressources, de celles de son conjoint ainsi que de celles des personnes vivant habituellement avec lui »,

ATTENDU qu’en application de l’article 8 C) de la Directive, « [i]l peut également être tenu compte des signes extérieurs de richesse du suspect ou de l’accusé ainsi que des biens, meubles ou immeubles, dont il a la jouissance, et du fait qu’il en tire ou non un revenu »,

ATTENDU que l’admissibilité de l’accusé au bénéfice de l’aide juridictionnelle est déterminée conformément à la « Méthode appliquée par le Greffe pour déterminer la capacité d’un suspect ou d’un accusé de rémunérer un conseil » (la « Méthode du Greffe »), jointe en Appendice II à la présente décision,

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, est déduit des ressources disponibles du demandeur le montant estimé des frais de subsistance de son ménage et des personnes à sa charge pour la période durant laquelle il est prévu que le demandeur devra être représenté devant le Tribunal international, le solde constituant la contribution que le demandeur doit apporter au règlement des frais de sa défense3,

Résidence principale du ménage

ATTENDU que l’Accusé, son épouse, son fils et ses deux filles vivent dans une maison en Croatie (la « résidence principale du ménage de l’Accusé »)4,

ATTENDU que l’excédent de la valeur nette de la résidence principale du ménage de l’Accusé par rapport aux besoins raisonnables de l’Accusé, de son épouse et des personnes vivant habituellement avec lui peut être inclus dans les ressources disponibles de l’Accusé5,

Mobilier de la résidence principale du ménage de l’Accusé

ATTENDU que le mobilier de la résidence principale du ménage de l’Accusé ne comporte pas d’objets de luxe de très grande valeur, et qu’en conséquence il n’est pas pris en compte dans le calcul des ressources disponibles de l’Accusé6,

Biens immobiliers appartenant à l’Accusé autres que la résidence principale du ménage

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire en Bosnie-Herzégovine d’un terrain dont la valeur nette est donc incluse dans ses ressources disponibles7,

Véhicule principal du ménage

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé a pris en location-vente une automobile VW Golf 2,0 SDI8,

ATTENDU qu’en application du régime de la communauté de biens en Croatie, où résident l’Accusé et son épouse, le véhicule de l’épouse de l’Accusé constitue un bien conjugal9,

ATTENDU cependant que le contrat de location-vente ne permet pas à l’Accusé de vendre le véhicule dans les cinq années à venir, et qu’en conséquence, le Greffe ne prend pas celui-ci en considération dans le calcul des ressources disponibles de l’Accusé10,

Actions, obligations et dépôts bancaires

ATTENDU que l’Accusé a récemment vendu sa part d’une société, et que la somme qu’il a perçue est incluse dans ses ressources disponibles11,

ATTENDU que l’Accusé a des dettes bancaires, et qu’en application de la section  5 d) de la Méthode du Greffe, celles-ci peuvent être prises en compte dans le calcul de ses ressources disponibles12,

ATTENDU donc que les dettes qu’a l’Accusé sont incluses dans ses ressources disponibles, affectées d’un coefficient négatif13,

Revenus

ATTENDU que l’Accusé est sans emploi et ne perçoit aucun revenu régulier au sens de la section 7 de la Méthode du Greffe14,

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé a un emploi et perçoit un salaire régulier 15,

ATTENDU que le fils de l’Accusé est actuellement sans emploi et ne perçoit aucun salaire régulier16,

ATTENDU que la fille aînée de l’Accusé perçoit une rémunération mensuelle pour un stage d’une année qu’elle effectue actuellement, mais que cette rémunération ne constitue pas un revenu au sens de la section 7 de la Méthode du Greffe et qu’elle n’est donc pas prise en compte dans le calcul des ressources disponibles de l’Accusé 17,

ATTENDU que, même si l’Accusé tire un revenu supplémentaire de la location de l’appartement situé au premier étage de sa résidence principale, ce revenu n’entre cependant pas en jeu puisque le Greffe a pris en compte la valeur nette de l’ensemble de la résidence principale dans le calcul des ressources disponibles de l’Accusé 18,

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, les revenus respectifs du demandeur, de son conjoint et des personnes vivant habituellement avec lui sont inclus dans les ressources disponibles du demandeur, étant considéré que ces revenus continueront d’être perçus de la date à laquelle le Greffe rend sa décision sur la capacité du demandeur de rémunérer un conseil jusqu’au terme de la période durant laquelle il est prévu que le demandeur devra être représenté devant le Tribunal international 19,

ATTENDU que l’ensemble des revenus à percevoir par l’Accusé, son épouse et les personnes vivant habituellement avec lui, à compter de la date de la présente décision jusqu’au terme de la période durant laquelle il est prévu que l’Accusé devra être représenté devant le Tribunal international, est inclus dans les ressources disponibles de l’Accusé20,

Montant estimé des frais de subsistance de l’Accusé

ATTENDU que, selon la Méthode du Greffe, est déduit des ressources disponibles de l’Accusé le montant estimé des frais de subsistance de l’Accusé et de son ménage pour la période durant laquelle il est prévu que l’Accusé devra être représenté par un conseil rétribué par le Tribunal, le solde constituant la contribution que l’Accusé doit apporter au règlement des frais de sa défense21,

ATTENDU que, même si le Greffe a constaté une différence sensible entre les revenus et les dépenses de l’Accusé, il n’a pu établir sur la base de l’hypothèse la plus probable que l’Accusé dispose de sources de revenus dont il n’a pas fait état22,

Contribution de l’Accusé

ATTENDU que pour déterminer la capacité de l’Accusé de rémunérer un conseil, le Greffe applique la formule indiquée à la section 11 de la Méthode du Greffe, qui est la suivante :

DM - ELE = C

où :

DM représente les ressources disponibles du demandeur, calculées comme indiqué aux sections 5 à 8 de la Méthode du Greffe,

ELE représente l’estimation des frais de subsistance du demandeur, de son conjoint, des personnes à sa charge et de celles avec lesquelles il vit habituellement, calculée selon la formule précisée à la section 10 de la Méthode du Greffe,

C est la contribution que le demandeur doit apporter au règlement des frais de sa défense,

ATTENDU que si l’on applique la formule, la contribution de l’Accusé au règlement des frais de sa défense s’élève à 217 324 dollars, et que celui-ci a ainsi les moyens de rémunérer en partie un conseil23,

ATTENDU que le coût de la défense d’un accusé devant le Tribunal dépend du degré de complexité de l’affaire et de l’estimation de la durée du procès en première instance,

ATTENDU qu’en l’espèce, le Greffe n’a pas encore fini de déterminer ces éléments, mais qu’une fois établis, ils seront communiqués au Conseil de l’Accusé,

DÉCIDE, compte tenu de ce qui précède et conformément à l’article 11 A) ii ) de la Directive, que l’Accusé est partiellement admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle et qu’il contribuera à hauteur de 217 324 dollars au Règlement des frais de sa défense,

DÉCIDE, en outre, qu’à l’exception de la contribution de l’Accusé à hauteur de 217 324 dollars, le Tribunal prendra en charge les frais visés aux articles 22, 26 et 27 de la Directive,

DÉCIDE avec effet immédiat, sans préjudice des dispositions de l’article 18 de la Directive et en application de son article 11 A) i), de commettre d’office à titre permanent Me Tomislav Kuzmanovic comme Conseil à la défense de l’Accusé,

INFORME l’Accusé et son Conseil que la contribution de l’Accusé à hauteur de 217 324 dollars sera déduite du montant d’aide juridictionnelle alloué à son équipe de la défense selon des modalités dont conviendront le Conseil et le Greffe.

Le Greffier adjoint
______________
John Hocking

[Sceau du Tribunal]

Le 5 octobre 2005
La Haye (Pays-Bas)


1 - Le Procureur c/ Prlic et consorts, affaire n° IT0474AR73.1, Décision relative à l’appel interjeté par Bruno Stojic contre la décision de la Chambre de première instance relative à sa demande de nomination d’un conseil, 24 novembre 2004.
2 - Le Procureur c/ Prlic et consorts, affaire n° IT0474PT, Décision relative aux demandes de commission de conseils, 30 juillet 2004.
3 - Appendice II, sections 2 et 11.
4 - Appendice I confidentiel et ex parte (l’« Appendice I »), par. 6.
5 - Ibidem, par. 9 et 10.
6 - Ibid., par. 11 à 13.
7 - Ibid., par. 14 à 16.
8 - Ibid., par. 18.
9 - Ibid., par. 19.
10 - Ibid., par. 20.
11 - Ibid., par. 22 et 23.
12 - Ibid., par. 24.
13 - Ibid., par. 25.
14 - Ibid., par. 27.
15 - Ibid., par. 28 et 29.
16 - Ibid., par. 30.
17 - Ibid., par. 31.
18 - Voir ibid. par. 32 et 33, ainsi que la p. 2 de la présente décision.
19 - Appendice II, section 7.
20 - Voir Appendice I, par. 35 à 37.
21 - Ibidem, par. 38 à 43.
22 - Ibid., par. 39.
23 - Ibid., par. 44.