Affaire n° : IT-04-74-PT

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Devant :
M. le Juge Alphons Orie

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
10 décembre 2004

LE PROCUREUR

c/

JADRANKO PRLIC
BRUNO STOJIC
SLOBODAN PRALJAK
MILIVOJ PETKOVIC
VALENTIN CORIC
BERISLAV PUSIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE BRUNO STOJIC AUX FINS DE PROROGER LE DÉLAI DE DÉPÔT D’UNE EXCEPTION PRÉJUDICIELLE

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Le Bureau du Procureur :

M. Kenneth Scott

Les Conseils des Accusés :

MM. Camil Salahovic et Zelimir Par pour Jadranko Prlic 
M. Zeljko Olujic pour Bruno Stojic
M. Božidar Kovacic et Mme Nika Pinter pour Slobodan Praljak
Mme Vesna Alaburic pour Milivoj Petkovic
M. Tomislav Jonjic pour Valentin Coric
M. Marinko Skobic pour Berislav Pusic

 

NOUS, ALPHONS ORIE, Juge de la mise en état de la Chambre de première instance I (la « Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la requête de Bruno Stojic aux fins de proroger le délai de dépôt, en application de l’article 72 du Règlement, d’une exception préjudicielle fondée sur un vice de forme de l’acte d’accusation (Motion of Bruno Stojic for Extension of Time Limit for the Motion on the Form of the Indictment Pursuant to Rule 72), déposée le 3 décembre 2004 (la « Requête »), par laquelle l’accusé Bruno Stojic (l’« Accusé ») demande une prorogation de ce délai jusqu’au mois de février 2005, lorsqu’un nouveau conseil aura été nommé et sera effectivement prêt à le représenter,

ATTENDU que l’Accusé a lui-même déposé la Requête, en précisant ce qui suit : « M. Zeljko Olujic a accepté la décision finale de la Chambre d’appel et s’est retiré de l’affaire la semaine dernière. Donc je n’ai aucune assistance juridique et je vais avoir à engager un autre conseil qui devra étudier le dossier et déposer l’exception préjudicielle relative à la forme de l’acte d’accusation1 »,

VU la lettre adressée par le Greffe à M. Zeljko Olujic (le « conseil ou conseil de l’Accusé ») le 7 décembre 2004, rappelant à M. Olujic les obligations auxquelles il est tenu d’après l’article 9 [C)] du Code de déontologie pour les avocats exerçant devant le Tribunal international (le « Code de déontologie2 »), à savoir de rester en charge de l’affaire « tant que le client n’a pas engagé un autre conseil, ou que le Greffier n’en a pas commis un d’office, ou que le client n’a pas notifié par écrit au Greffier son intention d’assurer lui-même sa défense », et lui enjoignant de continuer à représenter son client jusqu’à ce qu’un remplaçant soit commis à la défense de celui-ci,

ATTENDU que la contradiction manifeste qui existe entre la Décision relative à l’appel interjeté par Bruno Stojic contre la décision de la Chambre de première instance relative à sa demande de nomination d’un conseil, rendue par la Chambre d’appel le 24 novembre 2004, qui a confirmé la Décision relative aux demandes de commission de conseils rendue par la Chambre de première instance le 30 juillet 2004, et excluant à l’avenir la représentation de l’Accusé par M. Olujic, et l’article 9 du Code de déontologie qui impose au conseil de rester en charge de l’affaire jusqu’à ce qu’un remplaçant soit désigné, a pu inciter M. Olujic à cesser immédiatement de représenter l’Accusé ; que, toutefois, dans la Décision excluant la représentation de l’Accusé par M. Olujic, la Chambre de première instance, estimant que le préjudice qui serait causé à l’Accusé si son conseil cessait immédiatement de le représenter était plus important que celui causé par le conflit d’intérêts existant entre ledit conseil et son client, « [a invité] Bruno Stojic à choisir un autre conseil principal dans un délai d’un mois. Entre-temps, Me Olujic continuera[it] à représenter l’accusé3 » ; que le délai imparti par la Chambre de première instance au conseil pour continuer d’assurer la représentation de l’Accusé avant de se retirer de l’affaire était suspendu jusqu’à ce que la Chambre d’appel ait statué sur l’appel interjeté par le conseil ; et que ce délai a commencé à courir à partir de la date à laquelle a été rendue la Décision susmentionnée de la Chambre d’appel ;

ATTENDU, en outre, que le conseil de l’Accusé aurait pu prévoir que la Décision de la Chambre de première instance pouvait être confirmée et se préoccuper de trouver un éventuel remplaçant en veillant, par exemple, à ce qu’un coconseil soit désigné,

ATTENDU que le conseil de l’Accusé, qui a l’obligation d’agir selon les dispositions du Code de déontologie du Tribunal et de continuer à assurer la représentation de son client jusqu’à ce que son remplacement soit effectif, doit dans ces conditions déposer au nom de son client les écritures appropriées jusqu’à ce moment-là, et en particulier respecter les délais fixés par la Chambre, si certains sont compris dans cette période,

ATTENDU que le conseil de l’Accusé a été informé, lors d’une réunion tenue le 23 novembre 2004 en application de l’article 65 ter du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), que le délai du 25 novembre 2004 pour déposer une exception préjudicielle était prorogé au 15 décembre 2004 ; et qu’il n’a exprimé pendant cette réunion aucune réserve concernant la possibilité ou non de respecter ce nouveau délai,

ATTENDU que le conseil de l’Accusé doit déposer une exception préjudicielle au nom de l’Accusé d’ici le 15 décembre 2004,

ATTENDU que la demande de l’Accusé, visant à obtenir une prorogation du délai de dépôt d’une exception préjudicielle jusqu’à ce que le remplacement de M. Olujic soit effectif, est dénuée de fondement à ce stade de la procédure,

EN APPLICATION des articles 54 et 72 du Règlement, et du Code de déontologie,

REJETTONS la Requête, et

ENJOIGNONS au conseil, M. Zeljko Olujic, de

1) continuer à assurer la représentation de Bruno Stojic jusqu’à ce qu’un nouveau conseil de la Défense soit nommé et représente effectivement l’Accusé, et

2) déposer au nom de l’Accusé, au plus tard le 15 décembre 2004, toute exception préjudicielle en application de l’article 72 du Règlement, laissant au nouveau conseil choisi par l’Accusé la possibilité de la modifier par le biais d’une réplique qui devra être déposée au plus tard le 4 février 2005.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 10 décembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état
___________
Alphons Orie

[Sceau du Tribunal]


1. Requête, p. 1. Voir la Décision relative à l’appel interjeté par Bruno Stojic contre la décision de la Chambre de première instance relative à sa demande de nomination d’un conseil, rendue par la Chambre d’appel le 24 novembre 2004.
2. IT/125/Rév. 1, [12 juillet] 2002.
3. Voir le dispositif de la Décision relative aux demandes de commission de conseils, rendue par la Chambre de première instance le 30 juillet 2004.