Affaire n° : IT-04-74-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Liu Daqun, Président
M. le Juge Amin El Mahdi
M. le Juge Alphons Orie

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
22 juillet 2005

LE PROCUREUR

c/

JADRANKO PRLIC
BRUNO STOJIC
SLOBODAN PRALJAK
MILIVOJ PETKOVIC
VALENTIN CORIC
BERISLAV PUSIC

____________________________________________________

DÉCISION RELATIVE AUX EXCEPTIONS PRÉJUDICIELLES DE LA DÉFENSE FONDÉES SUR UN VICE DE FORME DE L'ACTE D'ACCUSATION

____________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Kenneth Scott

Les Conseils des Accusés :

M. Michael Karnavas pour Jadranko Prlic
M. Berislav Zivkovic pour Bruno Stojic
M. Bozidar Kovacic pour Slobodan Praljak
Mme Vesna Alaburic pour Milivoj Petkovic
M. Tomislav Jonjic pour Valentin Coric
M. Fahrundin Ibrisimovic pour Berislav Pusic

1. Introduction

1. La chambre de première instance I (la « Chambre de première instance » ou la « Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal ») est saisie de six exceptions préjudicielles déposées les 14 et 15 décembre 2004 en application de l’article 72 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») par la défense des accusés Jadranko Prlic, Bruno Stojic, Slobodan Praljak, Milivoj Petkovic, Valentin Coric et Berislav Pusic (la « Défense » et les « Accusés ») et fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation1. Ces documents sont complétés par la requête de l’accusé Slobodan Praljak aux fins de rejeter tous les chefs d’accusation relevant de l’article 2 du Statut pour non -allégation d’un lien entre la conduite [de l’Accusé] et un conflit armé international (The Accused Slobodan Praljak’s Motion to Strike all Counts Arising under Article  2 for Failure to Allege a Nexus between the Conduct and an International Armed Conflict ) déposée le 14 décembre 2004. Ce document séparé, rédigé en vertu de l’article  72 A) ii) du Règlement, ne respecte pas la décision rendue par la Chambre le 11 novembre 2004, dans laquelle elle rejette les demandes de la Défense d'augmenter le nombre de pages autorisé par le Règlement. La Chambre prendra en compte les griefs formulés dans ce document dans la mesure où ils sont aussi repris dans les autres exceptions préjudicielles.

2. Le 28 janvier 2005, l’Accusation a déposé une réponse globale du Procureur aux requêtes de la Défense relatives à la forme de l’acte d’accusation (Prosecutor’s Response to Defence Motions on the Form of the Indictment, la « Réponse »), complétée par la réponse du Procureur aux requêtes en ce qui concerne le conflit armé international, le conflit armé et l’occupation partielle (Prosecutor’s Response to Motions Concerning International Armed Conflict, Armed Conflict and Partial Occupation ), déposée le 28 janvier 2005, dans laquelle elle répond aux arguments relatifs à la nature du conflit armé soulevés par tous les Accusés (la « Réponse sur la nature du conflit »).

3. Le 4 février 2005, la Défense de tous les Accusés, à l’exception de celle de Slobodan Praljak, a déposé une réplique donnant suite à la Réponse. Le même jour, la Défense de l’accusé Milivoj Petkovic a également déposé une réplique donnant suite à la Réponse sur la nature du conflit, dans laquelle elle fait grief à l’Accusation d’avoir répondu dans un document distinct à ses arguments concernant la nature du conflit telle qu’alléguée dans l’acte d’accusation. La Chambre est d’accord, il n’y avait pas lieu de déposer un document distinct à ce sujet. La Réponse sur la nature du conflit aborde cependant les arguments avancés dans la Requête de Jadranko Prlic (et dans celle de Slobodan Praljak), raison pour laquelle elle sera prise en compte.

2. L’acte d’accusation

4. L’acte d’accusation a été confirmé par le Juge Jean-Claude Antonetti le 4 mars 2004 (l’« Acte d’accusation »). Jadranko Prlic, Bruno Stojic, Slobodan Praljak, Milivoj Petkovic, Valentin Coric et Berislav Pusic y sont conjointement accusés de huit chefs de crimes contre l’humanité (persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, assassinat, viol, expulsion, actes inhumains et emprisonnement), de neuf chefs d’infractions graves aux Conventions de Genève (homicide intentionnel, traitements inhumains Sviolences sexuellesC, expulsion, transfert et détention illégaux d’un civil, destruction non justifiée et appropriation illicite de biens) et de neuf chefs de violations des lois ou coutumes de la guerre (traitements cruels, travail illégal, destruction sans motif de villes et de villages, dévastation non justifiée, destruction d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement et l’imposition de la terreur) pour leur participation à une entreprise criminelle commune entre le 18 novembre 1991, ou avant, et le mois d’avril 1994 environ, dans le but d’asservir politiquement et militairement les Musulmans de Bosnie et autres non-Croates qui vivaient dans des régions du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine revendiquées par la Communauté croate de Herceg-Bosna, de les en chasser définitivement, de procéder à un nettoyage ethnique de ces régions, et de réunir ces dernières au sein d’une « Grande Croatie ».

5. L’acte d’accusation est un document de 238 paragraphes (ou 69 pages) divisé en sept parties. La première partie expose les antécédents personnels et les fonctions officielles de chaque Accusé. L’allégation d’entreprise criminelle commune est exposée aux paragraphes 15 à 17. La troisième partie de l’acte d’accusation est une présentation de l’affaire avec, tout d’abord, un aperçu du contexte politique et militaire (paragraphes  18 à 38 et 40 à 42) et ensuite, une énumération des actes criminels auxquels ont participé les six Accusés dans ce contexte (paragraphe 39). La quatrième partie de l’acte d’accusation présente une relation des faits pour les municipalités de Prozor, Gornji Vakuf, Jablanica, Mostar, Stolac, Capljina et Vares, pour les camps de l’Heliodrom et de Vojno, pour la municipalité et les centres de détention de Ljubuski ainsi que pour les prisons militaires des districts de Dretelj et de Gabela. Dans chacune de ces sous-parties où sont exposés les actes criminels commis dans les municipalités, les centres de détention et les prisons militaires de district, un paragraphe de conclusion présente les chefs d’infractions pénales pour lesquels chaque Accusé est tenu responsable. La cinquième partie de l’acte d’accusation ( paragraphes 218 à 228) fournit des détails relatifs à la responsabilité pénale des six coaccusés. Sur la base de l’exposé des faits et de la présentation de la responsabilité pénale des Accusés, la sixième partie de l’acte d’accusation (paragraphes 229 à 230) récapitule les 26 chefs d’accusation, avec un paragraphe de conclusion (paragraphe  230) qui rappelle que la responsabilité pénale de l’accusé Berislav Pusic est exclue pour les crimes liés aux événements qui ont eu lieu en octobre 1992 dans la municipalité de Prozor ou en janvier 199S3C dans la municipalité de Gornji Vakuf. Finalement, la dernière partie de l’acte d’accusation comprend des allégations supplémentaires concernant surtout des conditions juridiques préalables des infractions et responsabilités qui y sont énoncées, dont des éléments du chapeau.

3. Principes généraux de présentation de l’acte d’accusation

6. La Défense argue en général que l’acte d’accusation est entaché de vices de forme et qu’il faut le modifier afin de préciser les faits qui étayent les allégations portées contre les Accusés d’une manière plus circonstanciée ; une autre solution serait de retirer les accusations que l’Accusation n’aurait pas suffisamment exposées. La Chambre examinera les griefs formulés par la Défense conformément aux principes généraux de présentation des actes d’accusation, tels qu’énumérés ci-dessous.

7. Dispositions pertinentes. L’article 18 4) du Statut prévoit, entre autres, que « le Procureur établit un acte d’accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l’accusé en vertu du statut  ». L’article 47 C) du Règlement dispose que « SlC’acte d’accusation précise le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant et présente une relation concise des faits de l’affaire et de la qualification qu’ils revêtent ». La Chambre d’appel a décidé que « SlC’obligation qui est faite à l’Accusation de faire dans l’acte d’accusation un exposé concis des faits de l’espèce doit être interprétée à la lumière des dispositions des articles 21 2), 4 a) et b) du Statut, lesquelles précisent que toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, et, plus particulièrement, à être informée de la nature et des motifs des accusations portées contre elle et à disposer du temps et des moyens nécessaires à la préparation de sa défense2  ».

8. Faits à exposer. Dans l'affaire Kupreskic, la Chambre d'appel a ajouté, s'agissant de ces dispositions, que :

La jurisprudence du Tribunal impose dès lors à l’Accusation de présenter les faits essentiels qui fondent les accusations portées dans l’acte d’accusation, mais non les éléments de preuve qui doivent établir ces faits. Dès lors, pour qu’un acte d’accusation soit suffisamment précis, il faut en particulier qu’il expose de manière suffisamment circonstanciée les faits incriminés essentiels pour informer clairement un accusé des accusations portées contre lui afin qu’il puisse préparer sa défense.3

9. La Chambre admet qu’«SiCl existe un seuil en dessous duquel le niveau d’information ne peut tomber si l’acte d’accusation se veut valide quant à la forme »4 et se rallie à l’opinion de la Chambre d'appel lorsqu’elle déclare qu’« un élément décisif pour déterminer le degré de précision avec lequel l’Accusation est tenue de détailler les faits de l’espèce dans l’acte d’accusation est la nature du comportement criminel reproché à l’accusé5 » ou, en d’autres termes, « le caractère essentiel ou non d’un fait dépend du lien de l’accusé avec les faits pour lesquels il est présumé pénalement responsable6  ». En application de ce principe, les Chambres du Tribunal ont toujours considéré que les faits étayant des conditions juridiques (élément matériel, mens rea, éléments du chapeau) relatifs aux infractions alléguées sont des faits essentiels et qu’ils doivent être exposés7. Il est souligné une fois encore que cette décision ne se prend pas dans l’abstrait mais au cas par cas selon le lien de l’accusé avec les faits incriminés. C’est pourquoi, lorsque la Défense se plaint de ce que l’acte d’accusation est imprécis parce qu’il ne contient pas suffisamment de détails relatifs aux victimes, aux auteurs ou aux faits, il convient de signaler que la Chambre décide du caractère essentiel des faits en examinant les circonstances particulières en l’espèce et non dans l’abstrait.

10. En ce qui concerne la plainte de la Défense selon laquelle l’acte d’accusation n’expose pas suffisamment l’intention des Accusés, l'Accusation ne peut pas simplement supposer que les conditions juridiques sont remplies8. Comme on l’a indiqué, la mens rea d’un accusé est une condition juridique préalable qui doit être énoncée expressément comme fait essentiel, bien qu’il suffise, dans certaines circonstances, qu’il soit forcément sous-entendu9. Par exemple, lorsque l’Accusation allègue la responsabilité pénale pour des crimes commis par des subordonnés ou d’autres personnes, la Chambre n’attend pas de celle -ci qu’elle expose de manière circonstanciée la mens rea des Accusés pour chaque crime sous-jacent. Lorsque le lien entre les Accusés et l’infraction alléguée est faible, les faits permettant d’établir ce point essentiel participent ordinairement des moyens de preuve même si l’Accusation peut aussi exposer les faits d’où cette intention pourrait être déduite 10.

11. Faits essentiels concernant la responsabilité individuelle en vertu de l’article  7 1). Les Accusés en l’espèce sont mis en cause en vertu à la fois de l’article  7 1) et de l’article 7 3) du Statut et ils s’élèvent contre l’ambiguïté qui existe quant à la forme de responsabilité et à l’infraction reprochés à chaque Accusé. Quand un acte d’accusation est fondé sur la responsabilité pénale individuelle au sens de l’article 7 1) du Statut, la Chambre d’appel a recommandé à l’Accusation d’indiquer expressément et précisément, pour chaque chef d’accusation, la nature de la responsabilité alléguée11. Pour ce qui est des différents modes de participation, par exemple, lorsqu’il est allégué que les Accusés ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes allégués, la Chambre d’appel fait sienne la déclaration de la Chambre de première instance dans l’affaire Krnojelac et Talic selon laquelle l’Accusation doit identifier les « actes particuliers » ou « la ligne de conduite » des Accusés sur lesquels se fondent les allégations12  :

Lorsque c’est la responsabilité individuelle qui est engagée, et que l’accusé n’est pas présumé avoir personnellement commis les actes dont il doit répondre – c’est à dire lorsque l’accusé a avec les actes d’autres personnes dont il est tenu responsable un lien plus étroit que lorsque c’est sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique qui est engagée – là encore, ce qui revêt le plus d’importance, c’est la conduite de l’accusé, qui permettra peut-être de constater qu’il a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ces actes. Toutefois, les faits matériels SessentielsC doivent être plus précis pour les actes commis par d’autres personnes que pour une allégation de responsabilité en tant que supérieur hiérarchique. Il ne suffit pas que l’accusé sache en l’occurrence quelle ligne de conduite de sa part engagerait sa responsabilité, il doit également être informé de manière plus détaillée que dans le cas de la responsabilité du supérieur hiérarchique des actes dont il aura à répondre, à condition, bien entendu, que l’Accusation soit en mesure de fournir de telles précisions. Mais le degré de précision requis pour de tels actes n’est pas aussi élevé que dans le cas où l’accusé est présumé avoir personnellement commis les actes en question 13.

De même, lorsque l’acte d’accusation invoque à titre cumulatif ou subsidiaire la théorie de la responsabilité dans le cadre d'une ECC (entreprise criminelle commune ), il ne devrait pas comprendre uniquement une exposition des conditions juridiques préalables qui s’appliquent pour que la responsabilité soit engagée sur cette base (les composantes de l’élément matériel sont : la pluralité des personnes, l’existence d’un plan et la participation des Accusés au plan) mais aussi d’autres faits essentiels qui aideront la Défense à préparer son dossier comme la nature de l’ECC, le moment où cette entreprise a existé, ou la période qu’elle a couverte, l’identité de ceux qui y ont participé, pour autant qu’elle soit connue (ou du moins une indication générale de celle-ci par exemple par référence au groupe auquel ils appartiennent )14, l’identité des victimes de l’entreprise (ici aussi, dans la mesure où elle est connue ou, du moins, une indication générale de celle-ci par exemple par référence au groupe auquel ils appartiennent).

12. Faits essentiels concernant la responsabilité individuelle en vertu de l’article  7 3). Les Accusés en l’espèce se plaignent de ce que les conditions juridiques préalables prévues à l’article 7 3) du Statut ne sont pas exposées dans l’acte d’accusation. Les Chambres du Tribunal ont toujours soutenu que, lorsqu’un acte d’accusation met en cause la responsabilité pénale individuelle d’un Accusé pour des actes commis par des subordonnés, celui-ci doit être informé non seulement des actes qu’il aurait lui même commis et qui engagent sa propre responsabilité, mais aussi des actes commis par les personnes dont il est présumé responsable, pour autant que l’Accusation soit en mesure de fournir ces informations15. L’acte d’accusation doit expliquer clairement la nature de la responsabilité alléguée contre les Accusés ainsi que les faits essentiels qui permettront d’établir ladite responsabilité16 :

Dans une affaire fondée sur la responsabilité du supérieur hiérarchique, les éléments les plus déterminants sont d’une part la relation entre l’accusé et les auteurs des actes pour lesquels il est présumé responsable, et d’autre part la conduite de l’accusé qui permet d’établir qu’il savait ou avait des raisons de savoir que les auteurs s’apprêtaient à commettre ces actes, ou les avaient commis, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que de tels actes ne soient commis ou en punir les auteurs. Cependant, en ce qui concerne ces actes commis par des tierces personnes, bien que l’Accusation soit toujours tenue de fournir tous les renseignements qu’elle est en mesure de donner, les faits dont il est question seront généralement exposés de façon moins précise, parce que le détail de ces actes (par qui et contre qui ils ont été commis) est souvent inconnu – et parce que, souvent, les actes eux-mêmes ne peuvent pas véritablement être contestés17.

En résumé, dans un acte d’accusation invoquant la responsabilité d’un supérieur hiérarchique il conviendrait d’énoncer brièvement les trois conditions juridiques préalables à savoir, que l’accusé était un commandant ou un supérieur hiérarchique de subordonnés suffisamment identifiés18 (sur lesquels il exerçait un contrôle effectif – c’est-à-dire qu’il avait la capacité matérielle d’empêcher ou de punir un comportement criminel19 - et dont les actes engageraient sa responsabilité20), que l’accusé savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés s’apprêtaient à commettre des crimes ou étaient en train de les commettre ou les avaient commis 21 et que l’accusé n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que les crimes soient commis ou en punir les auteurs22.

Objections relatives à l’acte d’accusation

13. La Chambre a examiné avec attention tous les griefs formulés par la Défense ainsi que ses arguments concernant des vices de forme dans l’acte d’accusation23, lequel – et la Chambre insiste sur ce point – n’est pas censé contenir une liste complète des éléments produits à l’appui des accusations portées et doit être lu comme un tout et non comme une série de paragraphes isolés24. Seuls les aspects essentiels de ces griefs ou arguments sont pris en considération ci-dessous et ils sont examinés en regard de chaque partie de l’acte d’accusation à des fins de clarté étant donné que cet acte d’accusation est particulièrement long.

I- Antécédents personnels et fonctions officielles des Accusés (paragraphes 1 à 14 de l’acte d’accusation)

14. La Défense fait valoir que les données relatives aux antécédents personnels et aux fonctions des Accusés, notamment les périodes exactes à considérer, devraient être précisées ou corrigées25. L’Accusation répond que « l’acte d’accusation établit pleinement les différentes dates auxquelles ont été exercées certaines fonctions et responsabilités (particulièrement aux paragraphes  2 à 14) et qu’il expose les dates des faits et des crimes reprochés26  » mais elle reconnaît que le paragraphe 13 de l’acte d’accusation contient une erreur puisque l'accusé Berislav Pusic est né à Krivodol et non à Mostar27. L’Accusation affirme aussi que les allégations concernant le rôle et les fonctions des Accusés, qui sont incorrectes d’après la Défense, sont des questions à examiner au procès28.

15. La Chambre admet que les données personnelles et les fonctions des Accusés doivent être exposées le plus exactement possible dans l’acte d’accusation. L’Accusation est priée d’apporter les modifications nécessaires à celui-ci, avec l’aide de la Défense, afin de corriger les détails concernant les données personnelles des Accusés. S’agissant de leurs fonctions officielles, y compris des périodes auxquelles elles ont été exercées, il faudra répondre à ces questions au procès, puisqu’elles concernent le commandement ou les pouvoirs qu’auraient exercés les Accusés et que ce sont des points à établir à ce moment-là.

II- L’ECC (paragraphes 15 à 17 de l’acte d’accusation)

16. Existence d’une ECC. La défense affirme, essentiellement, que l’existence d’une ECC et sa nature ne sont pas suffisamment exposées (les paragraphes 15 à 17 et 39 de l’acte d’accusation ne sont pas suffisamment circonstanciés d’après la Défense)29. Par exemple, la Défense de Slobodan Praljak soutient que l’objectif de l'ECC n’est pas criminel puisqu’il s’agit d’« ambitions territoriales »30, celle de Berislav Pusic, que le territoire géographique censé être inclus dans la communauté croate de Herceg-Bosna n’est pas clairement défini31, celle de Valentin Coric, que l’acte d’accusation ne fournit pas suffisamment de données concernant l’entreprise criminelle32 et celle de Jadranko Prlic, que l’Accusation devrait préciser sur quelle forme d'ECC elle entend fonder son argumentation33. L’Accusation répond que « l’acte d’accusation est tout à fait correct pour ce qui est des objectifs politiques et territoriaux de l’ECC34  », qu’il n’est pas nécessaire que le but de l’ECC, qui y est correctement exposé, ait été décidé ou formulé au préalable et que la période couverte par l’ECC y est clairement définie35. La Défense de Jadranko Prlic réplique que la période indiquée n’est qu’approximative et qu’elle devrait être précisée36 et celle de Berislav Pusic, que l’Accusation doit indiquer si les crimes sous-jacents allégués dans l’acte d’accusation entrant ou non dans le cadre de l'ECC37 et qu’elle doit aussi donner le plus grand nombre de précisions possibles concernant, par exemple, les dates ainsi que les buts déclarés de l’ECC si elle les connaît 38.

17. Comme cela est indiqué ci-dessus, les Accusés devraient disposer des faits essentiels qui appuient les conditions juridiques préalables des accusations faites à leur encontre. La théorie de la responsabilité dans le cadre d’une ECC est exposée aux paragraphes 15 à 17 de l’acte d’accusation.

18. Le paragraphe 15 de l’acte d’accusation mentionne les périodes approximatives couvertes par l’ECC (du 18 novembre 1991 ou avant, au mois d’avril 1994 environ ou après), expose les objectifs de celle-ci (asservir politiquement et militairement les Musulmans de Bosnie et autres non-Croates, les chasser définitivement et procéder à un nettoyage ethnique), son cadre géographique (régions du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine revendiquées par la Communauté croate Sfuture RépubliqueC de Herceg-Bosna), les actes criminels commis pour parvenir à l’objectif (par la force, l’intimidation ou la menace du recours à la force, la persécution, l’emprisonnement et la détention, le transfert forcé et l’expulsion, l’appropriation et la destruction de biens, et par d’autres moyens consistant à commettre des crimes sanctionnés par les articles 2, 3 et 5 du Statut du Tribunal) et le motif de l’entreprise (l’ambition territoriale de l’entreprise criminelle commune était d’établir un territoire croate reprenant les frontières de la Banovina croate, entité territoriale ayant existé de 1939 à 1941. Elle visait notamment à redessiner la carte politique et ethnique de ces régions de façon à ce qu’elles soient dominées par les Croates, tant sur le plan politique que sur le plan démographique).

19. S’agissant du grief formulé par la Défense selon lequel l’Accusation devrait préciser sur quelle forme d’ECC elle entend fonder son argumentation, la Chambre fait observer que les paragraphes 224, 225 et 227 de l’acte d’accusation se lisent comme suit :

224. Chaque accusé était un membre ou un élément important, agissant en connaissance de cause, d’un système de mauvais traitements, ou a pris une part importante dans la mise en place, le soutien, le fonctionnement et/ou la mise en œuvre dudit système qui s’appuyait sur un réseau de prisons, de camps de concentration et d’autres centres de détention utilisés de manière systématique pour arrêter, détenir et emprisonner des milliers de Musulmans de Bosnie dans des conditions illégales et pénibles, où ils ont été soumis ou exposés à des sévices, à des violences sexuelles et à d’autres privations et exactions, et chaque accusé est pénalement responsable pour avoir participé à ce système, y compris en tant que coauteur et/ou auteur indirect.

225. Chaque accusé était un membre ou un élément important, agissant en connaissance de cause, d’un système de mauvais traitements, ou a pris une part importante dans la mise en place, le soutien, le fonctionnement et/ou la mise en œuvre dudit système conçu et mis à exécution pour expulser les Musulmans de Bosnie vers d’autres pays ou les transférer vers d’autres parties de la Bosnie-Herzégovine non revendiquées ou contrôlées par la Herceg-Bosna ou le HVO, et chaque accusé est pénalement responsable pour avoir participé à ce système, y compris en tant que coauteur et/ou auteur indirect.

227. En outre, ou à titre subsidiaire, tout crime reproché dans le présent acte d’accusation qui ne faisait pas partie de l’objectif de l’entreprise criminelle commune ou n’était pas une partie voulue de celle-ci, était la conséquence naturelle et prévisible de l’entreprise criminelle commune et de sa mise en oeuvre ou d’une tentative de la mettre en œuvre, et chaque accusé avait conscience des conséquences possibles et, malgré cela, s’est associé à l’entreprise et a continué d’y participer, et est de ce fait responsable du crime reproché.

20. De l’avis de la Chambre, l’Accusation a donné suffisamment d’informations aux Accusés sur la nature, la période, le cadre géographique, l’objectif criminel et la forme de l’ECC ainsi que sur les crimes qui ne faisaient pas partie de l’objectif de l’entreprise criminelle commune mais qu’elle estime en être la conséquence naturelle et prévisible. S’agissant du grief de la Défense selon lequel la période couverte par l’ECC n’est indiquée que de façon approximative, la Chambre souligne que le devoir de l’Accusation est de présenter à la Défense un cadre temporel aussi précis que possible. Le degré d’exactitude peut varier selon la question examinée. Par exemple, l’Accusation doit si elle le peut informer la Défense des dates et des endroits précis s’agissant des attaques de villages. Par contre, elle n’est pas censée donner les dates exactes du début et de la fin d’un plan qui n’a pas nécessairement été organisé au préalable mais elle doit indiquer ce qu’elle considère être la période couverte par l’ECC sur la base des éléments du dossier, même approximativement si les dates exactes ne sont pas connues. La détermination des dates exactes du début et de la fin d’une ECC sera faite si possible au procès.

21. Les griefs exposés par la Défense au sujet de l’existence et de la nature de l’ECC alléguée sont rejetés.

22. Le rôle des Accusés dans l’ECC. Aux arguments avancés par la Défense selon lesquels l’acte d’accusation ne contient pas de détails suffisants quant au rôle des Accusés dans l’ECC39, l’Accusation répond que, s’agissant de la nature de la participation des Accusés dans l’entreprise, « les paragraphes 2 à 14 de l’acte d’accusation contiennent suffisamment d’informations sur chaque Accusé, les fonctions qu’il exerçait, son autorité et son rôle. Le paragraphe  39 donne un aperçu des crimes auxquels les Accusés ont participé et le paragraphe  17 expose de quelles manières ils ont commis ou facilité les crimes et participé à l’entreprise criminelle commune40  ». L’Accusation ajoute que « les paragraphes 2 à 17, 39, 218 et 229 exposent correctement le rôle, la participation et la responsabilité de chaque accusé aux fins d’un acte d’accusation41 ». La Défense de Jadranko Prlic réplique que l’acte d’accusation devrait indiquer sans ambiguïté si l'accusé doit être considéré comme responsable en tant que coauteur ou complice des crimes sous-jacents42. Elle ajoute qu’elle n’est pas d’accord avec l’Accusation quand celle-ci dit que, lu dans son ensemble, l’acte d’accusation permet de déterminer le rôle exact, la participation et la responsabilité de l’accusé. Elle affirme que, même avec cette lecture globale, «  il est toutefois impossible de définir les degrés de proximité et de causalité entre les actes qu’aurait commis l’accusé Jadranko Prlic et ceux qui sont exposés aux paragraphes 43 à 21643 ».

23. Un examen des paragraphes qui, d’après l’Accusation, exposent le rôle des Accusés de manière suffisamment circonstanciée, montre en effet que le rôle et les fonctions officielles de chaque Accusé sont brièvement indiqués aux paragraphes 1 à 14. Par exemple, au paragraphe 3, il est allégué que l’accusé Jadranko Prlic « dirigeait les travaux du gouvernement du HVO, dont il répondait, y compris pour ce qui est des questions militaires. Il signait les décisions et les décrets qui formaient la politique officielle du HVO. JADRANKO PRLIC avait le pouvoir de nommer et de destituer de hauts responsables dans les organes civils, militaires et judiciaires de la Herceg-Bosna et du HVO. Il avait également le pouvoir de fermer les prisons et les camps de concentration de la Herceg-Bosna/du HVO ». Ces paragraphes d’introduction informent suffisamment la Défense des fonctions exercées par les Accusés et présentent le rôle qu’ils ont joué dans l’exercice de ces fonctions.

24. Par contre, le paragraphe 17 de l’acte d’accusation énonce ceci : « Chacun des accusés – JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC – agissant individuellement, de par les positions et pouvoirs décrits plus haut, et de concert avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune, a participé à celle-ci en tant que dirigeant, d’une ou plusieurs des façons suivantes »; suit une description des 12 formes de participation à l'ECC. Ce paragraphe  est vague car il dit que les Accusés ont participé à l’ECC « d’une ou plusieurs des façons suivantes » sans relier une ou plusieurs façons à un accusé bien précis.

25. Le paragraphe 39 de l’acte d’accusation, qui d’après l’Accusation expose plus en détail le rôle des Accusés, conclut la partie de l’acte d’accusation consacrée au contexte historique et politique de l’affaire et présente un aperçu des crimes auxquels ils ont participé. Il est écrit ceci : « Dans le cadre et au cours de ces actions, qui ont donné lieu à un nettoyage ethnique généralisé et systématique, et dans le but de réaliser l’entreprise criminelle commune, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC se sont livrés aux actes suivants avec d’autres dirigeants et membres des autorités et des forces de la Herceg-Bosna/du HVO “ Incitation et encouragement aux troubles politiques, ethniques ou religieux ”, “Division et Haine”, “Usage de la force”, “ Intimidation et terreur ”, “ Appropriation et destruction de biens ”, “ Détention et emprisonnement ”, “ Transfert forcé et expulsion ” ainsi que “Travail forcé”. Le paragraphe indique que ces actes, dont la description n’est pas reproduite ici, ont été commis par les six Accusés.

26. Les paragraphes 218 à 228 de l’acte d’accusation (qui, d’après l’Accusation, donnent eux aussi des indications supplémentaires sur le rôle des Accusés) énumèrent les conditions juridiques préalables qui seraient réunies pour conclure à la responsabilité pénale les Accusés mise en cause cumulativement pour différents modes de participation.

27. La Chambre n’est pas entièrement convaincue que les paragraphes, qui selon l’Accusation exposent le rôle des Accusés dans les faits allégués, soient suffisamment précis à cet égard. C’est tout particulièrement le cas des paragraphes 17 et 39 qui, de l’avis de la Chambre, ne permettent pas à la Défense de bien se préparer. Comme cela est indiqué plus haut, le paragraphe 17 de l’acte d’accusation est bien trop vague car il y est écrit que les Accusés ont participé à l’ECC « d’une ou plusieurs des façons suivantes » sans relier une ou plusieurs façons à un accusé bien précis. Chaque Accusé devrait pouvoir savoir, à la lecture de l’acte d’accusation, quelle conduite exacte ou quelle participation on lui reproche. Le paragraphe 39 indique que les actes énumérés ont été commis par tous les Accusés et, de ce point de vue, il est clair. Ce qui n'est toutefois pas clair, c'est le rôle ou la conduite de chaque Accusé en ce qui concerne les crimes reprochés.

28. L’Accusation est priée de modifier l’acte d’accusation afin de mieux préciser le rôle exact ou la conduite exacte allégués pour chaque Accusé.

29. Le lien causal entre l’ECC et les actes des Accusés. À l’argument avancé par la Défense selon lequel le lien causal entre l’ECC, les auteurs et les actes des Accusés44 n’est pas suffisamment exposé, l’Accusation répond qu’« un acte d’accusation n’est pas censé donner le nom de chaque auteur, exposer le fonctionnement ou les rouages de l’entreprise, ou encore présenter dans le détail les relations au sein de celle-ci », parce que « le rôle d’un participant à une ECC n’est pas forcément une condition sine qua non à la commission d’un crime45 ».

30. La Chambre fait siennes les conclusions de la Chambre d’appel selon laquelle, en ce qui concerne la relation causale en question, « il suffit que le participant à une entreprise criminelle commune commette des actes qui visent d’une manière ou d’une autre à contribuer à la réalisation du dessein commun46  ». Dans le même ordre d’idée, la Chambre d’appel a écarté la nécessité d’établir la preuve d’un lien causal entre les actes des auteurs et les actes des accusés. Il n’est pas requis juridiquement d’établir ce lien et, par conséquent, l’Accusation n’est pas tenue de l’invoquer.

31. Les arguments de la Défense visant à obtenir la présentation d’un lien causal entre les actes des Accusés, les actes des auteurs et l’existence d’une ECC sont rejetés.

32. L’identité des membres présumés de l’ECC. La Défense affirme que l’identité des membres présumés de l’ECC (à l’exception des personnes décédées qui « ne sont pas en mesure de se défendre ou d’expliquer des faits essentiels relatifs aux décisions qu’ils ont prises ou à la conduite qu’ils ont adoptée pendant la période couverte par l’acte d’accusation ») n’est pas précisée dans le cas de chaque infraction47. L’Accusation répond que « l’acte d’accusation expose suffisamment qui sont les membres de l’ECC et ceux qui y ont participé, conformément à ce qui est requis par la jurisprudence du Tribunal », y compris en identifiant d'autres participants supposés par catégorie ou groupe, ce qui est permis48. L’Accusation ajoute que « il était cependant important de mentionner les rôles supposés de ces quatre personnes de haut rang SdécédéesC pour exposer la nature et la portée de la conduite incriminée, élaborée et coordonnée à haut niveau49  ». La Défense de Jadranko Prlic réplique qu’elle accepte l’explication de l’Accusation selon laquelle « la participation à la structure gouvernementale de la communauté croate de Herceg-Bosna n’équivaut pas à l’appartenance à l’entreprise criminelle commune, que le HZ HB n’est pas criminel » mais elle affirme que « la classification de la structure gouvernementale prise en compte aux fins de la mise en accusation doit être explicitée50 ». La Défense de Berislav Pusic ajoute que l’Accusation devrait fournir les détails sur les autres membres « connus » de l’ECC51.

33. Le paragraphe 16 de l’acte d’accusation contient une liste des participants à l’entreprise :

Les personnes suivantes ont notamment participé à l’entreprise criminelle commune  : Franjo Tudjman (décédé le 10 décembre 1999), Président de la République de Croatie  ; Gojko Susak (décédé le 3 mai 1998), Ministre de la défense de la République de Croatie ; Janko Bobetko (décédé le 29 avril 2003), général de haut rang de l’Armée de la République de Croatie ; Mate Boban (décédé le 8 juillet 1997), Président de la Communauté croate (et de la République) de Herceg-Bosna ; JADRANKO PRLIC ; BRUNO STOJIC ; SLOBODAN PRALJAK ; MILIVOJ PETKOVIC ; VALENTIN CORIC ; BERISLAV PUSIC ; divers autres responsables et membres du gouvernement et des structures politiques de la Herceg-Bosna/du HVO, à tous les échelons (y compris au sein des administrations municipales et des organisations locales) ; divers dirigeants et membres de l’Union démocratique croate (« HDZ ») et de l’Union démocratique croate de Bosnie-Herzégovine (« HDZ-BiH »), à tous les échelons ; divers membres des forces armées, des unités spéciales, de la police militaire et civile, des services de sécurité et de renseignement, d’organisations paramilitaires et de forces de défense locales de la Herceg-Bosna /du HVO, ainsi que d’autres personnes agissant sous le contrôle desdites forces armées, forces de police et éléments divers, ou en coordination ou en association avec eux ; divers membres des forces armées, de la police, des services de sécurité et de renseignement de la République de Croatie ; ainsi que d’autres personnes, connues ou non…

34. La Chambre considère que ce paragraphe identifie suffisamment les participants ou groupes de participants présumés à l’ECC. Comme cela est indiqué plus haut, dans une affaire fondée sur la responsabilité pénale où la relation entre les actes des Accusés et les crimes sous-jacents n’est pas étroite, les faits peuvent être exposés avec moins de précision et il suffit d’identifier les participants à l’ECC par la catégorie ou le groupe auxquels ils appartiennent.

35. L’ECC est présentée comme un crime et non comme une forme de responsabilité. L’Accusation n’a pas d’argument à opposer à celui de la Défense qui dit que celle-ci a présenté l’ECC comme un crime et non comme une forme de responsabilité 52.

36. Dans l’acte d’accusation, la présentation de l’entreprise criminelle et de la participation des Accusés à celle-ci précède l’exposé des faits. Cette présentation peut créer une certaine confusion. Pourtant, la Chambre ne doute pas que la Défense puisse comprendre que les faits sur lesquels se fonde la qualification de l’entreprise criminelle présentée aux paragraphes 15 à 17 seront exposés dans une autre partie de l’acte d’accusation ou que l’Accusation a préféré se livrer d’emblée à une présentation détaillée de l’entreprise criminelle.

37. La Chambre considère que, en l’état, l’acte d’accusation n’est pas vague au- delà de ce qui est acceptable et elle rejette le grief formulé par la Défense.

38. Divergences entre l’original et la traduction. La Défense de Jadranko Prlic estime que l’acte d’accusation est « plein d’incohérences essentielles et passablement trompeuses ainsi que de différences considérables de sens entre les versions anglaise et BCS », surtout s’agissant de l’ECC et de l’usage des termes « pouvoirs » SpowersC, « de concert avec » Sin concertC et « dirigeants  » SleadersC, et que ledit acte est en conséquence « vicié au plus haut point 53 ». L’Accusation répond que, en vertu de l’article 3 du Règlement, l’acte d’accusation rédigé en anglais fait foi, que le coconseil de la Défense et l’accusé Jadranko Prlic parlent tous les deux couramment l’anglais et que, si la Défense souhaite voir modifier la traduction, elle devrait recourir aux services de traduction du Tribunal54.

39. La Chambre souscrit aux arguments de l’Accusation et invite la Défense de Jadranko Prlic à s’adresser au Greffe pour lui demander que les corrections nécessaires soient apportées à la version bosniaque-croate-serbe (« BCS ») de l’acte d’accusation le cas échéant. Le grief de Jadranko Prlic selon lequel l’acte d’accusation est imprécis pour des raisons de divergences entre l’original et la traduction est rejeté.

III- Contexte historique et militaire de l’affaire (paragraphes 18 à 42 de l’acte d’accusation)

40. La Défense argue, en substance, que « les circonstances géopolitiques et historiques  » qui font partie du contexte des crimes allégués sont exposées de façon vague et quelque peu incorrecte ; elle donne plusieurs exemples relatifs, entre autres, au plan de paix Vance-Owen, à la souveraineté de la Bosnie, à la composition de la Herceg-Bosna et à la coopération des Croates et des Musulmans contre les Serbes en 199255. L’Accusation répond que ces questions sont hors de propos ou qu’elles seront tranchées au cours du procès 56.

41. Les Chambres du Tribunal ont toujours considéré que la partie d’un acte d’accusation qui contient des informations sur le contexte politique et militaire dans lequel les crimes allégués ont été commis ne doit pas être particulièrement circonstanciée 57. La présente Chambre en convient et elle considère qu’un manque de précision des informations relatives au contexte n’entache pas d’un vice de forme le présent acte d’accusation. Il est loisible à l’Accusation de sélectionner les faits qu’elle considère pertinents pour présenter le contexte dans lequel les crimes allégués ont été commis. La Défense affirme que les faits ne sont pas correctement présentés et ce type de désaccord à propos de tels faits ne peut lui servir de base pour soutenir qu’un acte d’accusation est vicié. C’est sur la base des moyens de preuve présentés au procès que l’on juge de la véracité des faits allégués 58.

42. Les arguments de la Défense relatifs à cette partie de l’acte d’accusation ne sont pas acceptés.

IV- Exposé des faits par municipalité, camp ou centre de détention (paragraphes  43 à 217 de l’acte d’accusation)

43. La Défense considère que les détails essentiels des actes allégués devraient être précisés, à savoir : le moment exact, l’endroit et les éléments matériels relatif à chaque fait exposé59, le rôle propre à chaque Accusé dans chaque fait exposé60, l’identité des unités/auteurs du HVO qui auraient participé à la commission des crimes allégués61 ainsi que l’identité des victimes de ces crimes, notamment leur statut de civil62.

44. L’Accusation répond que l’identification des auteurs par groupe ou par catégorie tels que « les forces de la Herceg-Bosna/du HVO », « le HVO » et « les autorités de la Herceg-Bosna » est permise par la jurisprudence du Tribunal, notamment pour les actes d’accusations mettant en cause des dirigeants et que c’est au procès qu’il conviendra de donner de plus amples détails, par exemple à propos des autorités responsables de la création, du fonctionnement et de la surveillance des camps et d’autres installations de détention mentionnés dans l’acte d’accusation63 64. De même, l’Accusation affirme que dans ce type d’acte d’accusation de grande envergure visant des dirigeants, elle n’est pas tenue d’énumérer toutes les victimes des nettoyages ethniques de masse, des emprisonnements, des sévices et des expulsions, ce qui serait impossible  ; elle a cependant identifié plusieurs victimes représentatives dans des annexes confidentielles65 et déclaré au paragraphe  236 de l’acte d’accusation que toutes les victimes étaient protégées en vertu des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels66. S’agissant des dates et des endroits où les crimes ont été commis et où les faits considérés ont eu lieu, l’Accusation affirme que l’acte d’accusation est « un des actes d’accusation les plus détaillés du TPIY67  ».

45. La Défense de Valentin Coric réplique que l’Accusation doit signaler dans l’acte d’accusation l’identité exacte des subordonnés des Accusés si la responsabilité est mise en cause sur la base de l’article 7 3)68. Elle ajoute que l’annexe à l’acte d’accusation ne précise pas l’identité des victimes représentatives de chaque centre de détention ou municipalité cité dans l’acte lui -même et que si l’Accusation n’est pas en mesure d’identifier au moins une victime par endroit où les crimes auraient été commis, les parties de l’acte d’accusation qui y font référence devraient être biffés69.

46. Identification des victimes. Comme indiqué plus haut, si l’accusé n’a pas de lien étroit avec les crimes allégués, l’identité exacte des auteurs et celle des victimes peuvent ne pas être importantes au point de devoir être déterminée avec précision. La Chambre est convaincue que la désignation des victimes dans l’acte d’accusation (notamment dans les annexes confidentielles) est suffisante pour permettre à la Défense de préparer son dossier. Elle remarque aussi qu’au paragraphe 236 de l’acte d’accusation il est allégué que les victimes étaient des personnes protégées en vertu des Conventions de Genève de 1949 et des lois et coutumes de la guerre. Les victimes dont la liste figure en annexe à l’acte d’accusation devraient être identifiées de telle sorte que la Défense puisse s’opposer à leur qualification de victimes des crimes allégués. Toutefois, il n’est pas indispensable de nommer les victimes car des victimes anonymes peuvent très bien appartenir à une catégorie de personnes protégées en vertu des Conventions de Genève (et de leurs Protocoles additionnels). La Chambre estime cependant que si l'Accusation est en mesure d’ajouter des détails concernant l’identité d’au moins une victime et le nombre de victimes par endroit signalé, elle devrait le faire en modifiant l’annexe à l’acte d’accusation. L’Accusation est donc invitée à revoir l’acte d’accusation à ce sujet et, le cas échéant, à modifier son annexe.

47. Identification des auteurs. S’agissant du grief de la Défense relatif au manque d’identification des auteurs, la Chambre remarque que tous les Accusés étaient censés occuper une position de supérieur hiérarchique ou de commandement dans « les forces de la Herceg-Bosna/du HVO », « le HVO » et « les autorités de la Herceg-Bosna ». La question de savoir quelles sont les forces ou les autorités exactes qui ont commis les crimes sous-jacents allégués n’est pas nécessairement essentielle au regard des allégations portées contre les Accusés, car il n’est pas dit que ceux-ci étaient personnellement responsables (voir paragraphe 222 de l’acte d’accusation concernant la participation directe des Accusés). Ce qui, par contre, est essentiel, c’est le fait que les crimes sous-jacents allégués ont été commis par des forces ou des autorités qui relevaient de la structure dans laquelle les Accusés pouvaient mettre à exécution les crimes qui leur sont reprochés ou, du moins, qui étaient sous le commandement ou l’autorité supérieure des Accusés. La qualification d’auteur qui est donnée, selon les cas, à l’un des trois organes cités plus haut est donc compatible avec les allégations selon lesquelles les Accusés exerçaient un contrôle effectif sur les forces ou les autorités de la Herceg-Bosna /du HVO. Toutefois, la Chambre considère qu’un tableau de la structure militaire ou gouvernementale qui a participé à la commission des crimes sous-jacents, détaillé par municipalité ou par centre de détention, pourrait aider la Défense à se préparer avec plus d’efficacité. Il n’est cependant pas nécessaire que ce tableau soit joint à l’acte d’accusation et il peut donc être remis à la Défense sous forme d’un document séparé.

49. Dates et lieux des crimes sous-jacents. S’agissant du grief formulé par la Défense selon lequel les dates et les lieux des faits allégués ne seraient pas suffisamment précisés, la Chambre considère, après examen de l’acte d’accusation, que la Défense dispose d’informations suffisamment détaillées à ce sujet. Par exemple, pour ce qui est de la première municipalité mentionnée dans l’acte d’accusation, le paragraphe 46 se lit comme suit : « Le 23 octobre 1992 dans l’après-midi, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué les Musulmans de Bosnie dans la ville de Prozor. Le 23 et le 24 octobre 1992, après avoir pris le contrôle de la ville de Prozor, elles ont pillé, incendié et détruit des maisons et d’autres biens appartenant à des Musulmans de Bosnie ». S’agissant de la deuxième municipalité citée (Gornji Vakuf), le paragraphe 66 de l’acte d’accusation est ainsi rédigé : « Le 18 janvier 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont attaqué à l’artillerie lourde les quartiers résidentiels des Musulmans de Bosnie dans la ville de Gornji Vakuf et dans plusieurs villages voisins, notamment à Dusa, Hrasnica, Uzricje et Zdrimci. Les attaques et les tirs d’artillerie du HVO ont tué un certain nombre de civils musulmans et détruit ou endommagé de nombreux biens leur appartenant (voir Annexe ) ». La Chambre reconnaît que d’autres faits sont allégués avec moins de précision (par exemple, la période couverte est indiquée de façon plus approximative) mais elle est convaincue, au vu de passages de l’acte d’accusation plus précis, que l’Accusation a signalé les dates et les lieux des faits incriminés quand elle disposait de tels détails). La Chambre souligne que, même si l’acte d’accusation avait été moins détaillé, il atteindrait quand même le niveau de précision nécessaire pour permettre à la Défense de se préparer.

50. Rôle de chaque Accusé dans chaque crime sous-jacent. S’agissant du grief formulé par la Défense selon lequel le rôle de chaque Accusé dans chaque crime allégué n’est pas indiqué, les paragraphes 60, 72, 87, 118, 135, 143, 153, 171, 186, 194, 203 et 217 concluent chacun une partie relative à une municipalité, à un camp ou à un centre de détention par la phrase suivante : « Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes  15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants  » ; suit une liste des crimes qui ont été commis et des chefs correspondants. La Chambre souligne que l’acte d’accusation doit être lu comme un tout. Il est inutile d’indiquer dans celui-ci dans quelle mesure la conduite de chaque accusé a contribué précisément à la commission de chaque crime allégué. Bien que la Chambre soit convaincue que les actes par lesquels les Accusés ont participé à l’entreprise criminelle ont été suffisamment exposés, elle estime que la Défense ne dispose pas de détails ou d’informations suffisants quant au rôle de chaque accusé dans cette entreprise criminelle. Comme indiqué plus haut, une telle imprécision découle de la façon dont le paragraphe 17 est rédigé. L’Accusation a été priée de modifier le paragraphe  17 de l’acte d’accusation afin de fournir à la Défense des informations précises sur le rôle ou la conduite participative de chaque accusé. Le paragraphe  modifié, lu à la lumière d’autres paragraphes ou parties de l’acte d’accusation, devrait mieux permettre à la Défense de déterminer la conduite que chaque accusé est supposé avoir adoptée en ce qui concerne les crimes sous-jacents allégués.

51. Paragraphe 113 de l’acte d’accusation. La Défense de Slobodan Praljak se plaint de ce que le paragraphe113 de l’acte d’accusation n’est ni précis ni juridiquement correct car il y est écrit que « Dans les premiers temps du siège de Mostar-Est, de fin juin 1993 approximativement à fin août 1993, l’accès des organisations internationales et humanitaires à Mostar-Est a été totalement bloqué ou très limité, ce qui a aggravé les difficultés des Musulmans de Bosnie à Mostar-Est, qui étaient coupés de l’aide extérieure » alors que c’est le devoir d’un commandant d’éviter que le personnel des organisations humanitaires entre sur le champ de bataille pendant les combats 70.

52. La Chambre considère que le paragraphe 113 de l’acte d’accusation s’inscrit dans l’exposé du contexte dans lequel se sont déroulés les événements dans la municipalité de Mostar. Le paragraphe 113 présente une circonstance factuelle (un blocus) qui a aggravé la situation déjà difficile dans laquelle se trouvaient les civils de Mostar-Est. Le paragraphe 118 indique que « Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, et ainsi qu’il est plus amplement indiqué aux paragraphes 15 à 17, 39 et 218 à 230, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants ». La Chambre estime qu’il n’y a pas d’ambiguïté et qu’il est bien affirmé que les Accusés doivent être tenus pénalement responsables, en tant que membres d’une ECC alléguée, d’avoir empêché l’arrivée de l’aide humanitaire dans Mostar-Est. La véracité et les conséquences juridiques de cette affirmation sont à examiner au procès.

V- Responsabilité individuelle des Accusés (paragraphes 218 à 228 de l’acte d’accusation )

53. La Défense soutient que la nature de la responsabilité individuelle des Accusés et de leur responsabilité en tant que supérieurs hiérarchiques pour les actes qui leur sont reprochés dans l’acte d’accusation devrait être précisée, à savoir : l’intention requise des Accusés71, la relation causale entre les Accusés et les auteurs présumés72 (d’après la Défense, l’Accusation semble attribuer aux Accusés la responsabilité pénale des activités de l'organisation uniquement sur base de leur appartenance à cette organisation)73 et les formes possibles des éléments moral et matériel des crimes reprochés, pour chaque accusé et pour chaque fait74.

54. L’Accusation répond que « les paragraphes 2 à 14, 39, 228 et 229, lus dans le contexte de l’acte d’accusation dans son ensemble, contiennent toutes les allégations requises dans le cas d’un acte d’accusation mettant en cause des dirigeants75, que l’acte d’accusation est de ce point de vue tout à fait conforme à la pratique suivie dans d’autres affaires76 et qu’il répond à toutes les conditions requises pour invoquer la responsabilité pénale sur la base de l’article 7 3) du Statut 77. S’agissant de l’intention requise des Accusés, l’Accusation considère que cette condition juridique est suffisamment abordée dans l’acte d’accusation, notamment aux paragraphes 218 à 228, 233, 235 et 238 qui présentent l’intention des Accusés et les accusations de la même manière que dans d’autres actes d’accusation du TPIY, en suivant la pratique acceptée78. Quant à l’argument de la Défense selon lequel la relation entre les Accusés et les auteurs présumés n’est pas exposée, l’Accusation répond que la mention qui est faite des fonctions ou de la position d’autorité ou de commandement d’un accusé suffit à avertir la Défense que, par voie de conséquence, cet accusé sera tenu responsable de la conduite des auteurs présumés79. L’Accusation ajoute que « les paragraphes 218 à 228 exposent les différentes formes de mens rea et de responsabilité, à savoir la planification, l’incitation à commettre, l’ordre, la commission et l’aide et l’encouragement » et que l’acte d’accusation a informé les Accusés des formes de responsabilité et des théories y relatives que l’Accusation a l’intention d’invoquer au procès80.

55. La Défense réplique que dans l’acte d’accusation, la référence aux fonctions des Accusés est la seule base sur laquelle est alléguée la responsabilité du supérieur hiérarchique et que cela ne suffit pas pour lancer des accusations en vertu de l’article  7 3) du Statut81. La Défense de Jadranko Prlic par exemple, avance que« l’exercice de fonctions au sein du système des autorités civiles » ne signifie pas que des responsabilités de commandement sont exercées et celle de Berislav Pusic soutient que, dans l’acte d’accusation, toute mention de l’« influence sur les subordonnés » devrait être supprimée puisque l’influence n’est pas une condition préalable pour engager la responsabilité du supérieur hiérarchique 82. De même, la Défense de Milivoj Petkovic soutient dans sa réplique que l’intention qui animait chaque accusé pour chaque crime allégué n’est pas exposée83.

56. Dans cette affaire, la responsabilité pénale individuelle des Accusés est fondée sur la responsabilité du supérieur hiérarchique (article 7 1) du Statut) et sur la responsabilité individuelle pour des crimes sous-jacents physiquement commis par d’autres (article 7 3) du Statut). Les Accusés sont tenus responsables pour avoir aidé et encouragé, planifié, incité à commettre ou ordonné les crimes sous -jacents allégués dans l’acte d’accusation ou, à titre cumulatif ou subsidiaire, d’avoir participé à une ECC. En outre, la Chambre souligne que les arguments concernant la question de savoir si l’exercice de fonctions civiles de supérieur hiérarchique peuvent engager la responsabilité du supérieur hiérarchique n’ont pas leur place ici et qu’ils seront pris en compte dans la Décision relative à la compétence.

57. S’agissant des plaintes de la Défense selon lesquelles l’intention qui animait les Accusés n’est pas suffisamment exposée, la Chambre fait observer que les paragraphes  219, 220, 224 et 225 de l’acte d’accusation exposent bien l’intention alléguée des Accusés. Par exemple, le paragraphe 219 dit que : « Chacun des accusés – JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC – a agi avec la connaissance et l’état d’esprit requis pour la perpétration de chacun des crimes reprochés dans le présent acte d’accusation. Dans la mesure requise, d’autres auteurs ou acteurs impliqués dans la perpétration de chacun des crimes reprochés dans le présent acte d’accusation, ou ayant aidé ou encouragé à les commettre, ont agi en étant animés de l’état d’esprit nécessaire ». De même, le paragraphe 220 précise que l’accusé « agissant individuellement et de concert avec d’autres personnes ou par leur intermédiaire, a participé sciemment et de manière importante à l’entreprise criminelle commune, en étant animé de l’état d’esprit nécessaire et/ou en partageant cet état d’esprit avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune et participants à celle-ci ou avec d’autres personnes liées de toute autre manière à cette entreprise, ou en possédant, partageant ou connaissant l’état d’esprit des complices de l’entreprise ou des auteurs des crimes ». La Chambre est persuadée que la Défense est suffisamment informée de l’état d’esprit allégué des Accusés. Des précisions supplémentaires tendant à démontrer cet état d’esprit seront des éléments à présenter au procès.

58. De même, s’agissant du grief de la Défense selon lequel le lien de subordination entre les Accusés et leurs subordonnés supposés n’est pas suffisamment exposé, la Chambre prend note du fait que le paragraphe 228 de l’acte d’accusation est ainsi rédigé :

228. En outre, ou à titre subsidiaire, en vertu de l’article 7 3) du Statut, chacun des accusés est pénalement responsable, en tant que supérieur hiérarchique, des actes ou omissions criminels de subordonnés ou d’autres personnes à l’égard desquels ou sur lesquels il exerçait un contrôle effectif de droit et/ou de fait, s’il savait ou avait des raisons de savoir que ces personnes étaient sur le point de commettre ou avaient commis ces actes ou omissions et n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ces actes ou omissions ou en punir les auteurs. Chacun des accusés a agi en tant que supérieur hiérarchique, ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou de subordonnés à l’égard desquels il exerçait ou aurait pu exercer un contrôle effectif ou une influence considérable, et qui ont été impliqués dans la perpétration de crimes reprochés dans le présent acte d’accusation, et il savait ou avait des raisons de savoir qu’une ou plusieurs de ces personnes étaient sur le point de commettre ou avaient commis ces actes ou omissions et n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que les actes ne soient commis ou punir, destituer ou sanctionner les auteurs.

59. La Chambre considère que ce paragraphe (à l’exception de l’expression « influence considérable ») lu dans le contexte de l’acte d’accusation (notamment les paragraphes  indiquant les positions de commandement ou d’autorité occupées par les Accusés) informe suffisamment les Accusés de leur responsabilité pénale mise en cause sur la base de l’article 7 3) du Statut. Des précisions venant étayer ces conditions juridiques préalables seront à présenter au procès et elles seront appréciées à ce stade. S’agissant de l’expression « influence considérable » au paragraphe 228 de l’acte d’accusation, qui porte sur des allégations faites en vertu de l’article  7 3) du Statut, la Chambre accorde à la Défense que cette expression est superflue et trompeuse. Dans l’affaire Delalic et consorts, la Chambre d’appel du Tribunal a expressément statué que l'« influence considérable » n’est pas une condition juridique pour engager la responsabilité pénale sur la base de l’article 7 3) du Statut. La Chambre convient cependant que cette expression puisse se justifier pour d’autres modes de responsabilité telles que le fait d’« ordonner » ou d’« inciter à commettre  » ; elle donne donc à l’Accusation l’instruction de supprimer l’expression « influence considérable » du paragraphe 228 et, si nécessaire, de la réintroduire dans un autre paragraphe pertinent de l’acte d’accusation concernant la responsabilité pénale engagée sur la base de l’article 7 1) du Statut.

60. S’agissant du grief de la Défense selon lequel les éléments moral et matériel des crimes sous-jacents ne sont pas suffisamment exposés pour chaque accusé, la Chambre observe encore une fois que les Accusés ne sont pas mis en cause en tant qu’auteurs personnels des crimes allégués dans l’acte d’accusation. Étant donné qu’il n’y a pas de lien étroit entre les crimes allégués et les Accusés, l’Accusation peut consacrer le détail de son exposé aux faits qui concernent le lien existant entre les crimes et les Accusés. La Chambre accepte que les éléments matériel et moral des crimes sous-jacents allégués soient forcément sous-entendus.

61. Par conséquent, les griefs de la Défense concernant la manière dont la responsabilité pénale individuelle est exposée sont rejetés à l’exception de celui qui concerne l’« influence considérable » mentionnée au paragraphe 228 de l’acte d’accusation. L’Accusation est priée de modifier celui-ci suivant les recommandations faites plus haut.

VI- Chefs d’accusation (paragraphes 229 et 230 de l’acte d’accusation)

62. S’agissant de la partie « chefs d’accusation », la Défense affirme qu’elle est « bien trop vague car il y est affirmé que les six Accusés sont responsables sur la base de l’ensemble des 26 chefs sans préciser qui est accusé de quoi et sans faire référence à la forme de responsabilité des Accusés, à l’intention qui les animait et à d’autres éléments requis ». La Défense donne des exemples qui ne sont pas reproduits ici84.

63. Cette partie de l’acte d’accusation commence ainsi : « Par ces actes, comportements, pratiques et omissions, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC et BERISLAV PUSIC sont responsables des crimes suivants  » ; suit une liste des 26 chefs déjà mentionnés aux paragraphes qui concluent l’exposé des crimes qui auraient été commis dans chaque municipalité et camp ou centre de détention mentionné dans ledit acte. Par exemple, l’énoncé du chef 1 est ainsi libellé  : « Chef 1 : persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 h), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal (tel qu’allégué aux paragraphes 15 à 17, 21 à 41, 43 à 59, 61 à 71, 73 à 86, 88 à 117, 119 à 134, 136 à 142, 144 à 152, 154 à 170, 172 à 185, 187 à 193, 195 à 202 et 204 à 216) ». Ce passage doit évidemment être lu à la lumière d’autres parties de l’acte d’accusation, notamment les paragraphes 60, 72, 87, 118, 135, 143, 153, 171, 186, 194, 203 et 217 qui qualifient les faits exposés dans les paragraphes précédents de crimes dont devront répondre les six Accusés.

64. La Chambre note en outre que les chefs s’appliquent à tous les Accusés, à une exception près, concernant l’accusé Berislav Pusic, précisée au paragraphe 230 de l’acte d’accusation en ces termes : « Nonobstant toute éventuelle indication contraire, aucun des crimes liés aux événements qui ont eu lieu en octobre 1992 dans la municipalité de Prozor ou en janvier 1993 dans la municipalité de Gornji Vakuf n’est reproché à l’accusé BERISLAV PUSIC dans le présent acte d’accusation. » La Défense affirme que l’expression « Nonobstant toute éventuelle indication contraire » est ambiguë et qu’elle devrait être corrigée85. L’Accusation fournit une explication claire quant à l’interprétation qu’il convient de faire de cette phrase, lue à la lumière d’autres parties de l’acte d’accusation, plus précisément, les paragraphes 229, 43 à 60 et 61 à 7286. La Chambre admet cette explication, qui n’est pas reproduite ici, et souligne encore une fois que chaque paragraphe de l’acte d’accusation doit être lu dans le contexte de la totalité dudit acte.

65. Les arguments de la Défense, relatifs à l’imprécision de cette partie de l’acte d’accusation, sont rejetés.

VII- Allégations supplémentaires (paragraphes 231 à 238 de l’acte d’accusation )

66. S’agissant de la partie « allégations supplémentaires » de l’acte d’accusation, la Défense affirme, essentiellement, que l’Accusation n’a pas donné suffisamment d’informations concernant le caractère international du conflit allégué et l'occupation partielle du territoire considéré87. Elle soutient d’autre part que l’Accusation porte abusivement des accusations cumulées à l’encontre des Accusés88.

67. Caractère international du conflit et occupation partielle du territoire considéré. À l’argument de la Défense selon lequel l’Accusation n’a pas exposé suffisamment de faits concernant le lien nécessaire entre la conduite des Accusés et un état de conflit armé international, celle-ci répond que le paragraphe 232 de l’acte d’accusation, lu à la lumière d’autres paragraphes tels que les paragraphes 15, 21 à 42, 236 et 237, expose clairement l’existence d’un conflit armé international et donne suffisamment d’informations quant au territoire géographique couvert par le conflit, aux parties au conflit, à la période pendant laquelle le conflit a eu lieu ainsi qu’au lien existant entre le conflit armé international allégué et les crimes reprochés à chaque accusé89. L’Accusation ajoute que l’exposé d’autres éléments de preuve détaillés relève du procès90. La Défense de Milivoj Petkovic réplique qu’il existe une ambiguïté au paragraphe 232 de l’acte d’accusation quant à l’identification exacte des parties au conflit et à la période exacte couverte par le conflit ; elle affirme que l’identité des forces d’occupation, les zones occupées et les dates de l’occupation partielle telle qu’alléguée dans l’acte d’accusation doivent être exposés91. La Défense donne à cet égard un exemple en déclarant, entre autres, que, à la lecture du passage « l’État de la République de Bosnie-Herzégovine et/ou [ …] l’ABiH et/ou [ …] [les] Musulmans de Bosnie », censé désigner une partie au conflit, « il est impossible de conclure de qui il s’agit92 ».

68. Dans cette affaire, les Accusés sont mis en cause pour neuf chefs en vertu de l’article 2 du Statut (Infractions graves aux Conventions de Genève de 1949)93. Il convient de vérifier trois critères au moment d’invoquer des infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 : l’existence d’un conflit armé international (la date à partir de laquelle le conflit est devenu international et les parties au conflit sont des faits essentiels qui doivent être exposés), l’existence d’un lien entre les actes des Accusés et le conflit armé, et la protection des personnes et des biens que prévoient les textes pertinents des Conventions de Genève.

69. Le paragraphe 232 de l’acte d’accusation identifie les parties au conflit allégué comme suit :

232. Pendant toute la période visée par le présent acte d’accusation, la Bosnie- Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé, d’un conflit armé international et d’une occupation partielle, opposant, en tout ou en partie, l’État de la République de Croatie et son gouvernement, ses forces armées et ses représentants à l’État de la République de Bosnie-Herzégovine et/ou à l’ABiH et/ou aux Musulmans de Bosnie sur le territoire de l’État de la République de Bosnie-Herzégovine.

Le paragraphe 15 de l’acte d’accusation définit la période couverte, qui va du 18  novembre 1991 au mois d’avril 1994 environ. Les paragraphes 21 et 22 de l’acte d’accusation précisent, respectivement, la date à laquelle le conflit est devenu international et les municipalités des territoires de Bosnie-Herzégovine qui sont devenues des parties de la Herceg-Bosna. Les paragraphes 236 et 237 précisent que les actes et omissions qualifiés de crimes contre des personnes ont été commis contre des personnes et des biens protégés en vertu des Conventions de Genève de 1949 (et de leurs Protocoles additionnels) et en vertu des lois et coutumes de la guerre, ou visaient de telles personnes ou de tels biens.

70. La Chambre est convaincue que le contexte de l’acte d’accusation montre de façon suffisamment claire que : les Accusés sont mis en cause pour des crimes commis dans le cadre d’un confit armé entre deux parties (l’exRépublique de Bosnie-Herzégovine et ses représentants et la République de Croatie et ses représentants)94  ; la période couverte par le conflit est suffisamment délimitée ; le conflit armé allégué est devenu international à une certaine date ; le territoire où le conflit armé s’est déroulé est bien défini. Les faits qui étayent ces allégations seront à examiner au procès, y compris ceux qui concernent le degré du contrôle exercé par les forces ennemies, qu’il est nécessaire de déterminer pour établir l’occupation alléguée.

71. La Chambre retient néanmoins le grief de la Défense selon lequel l’Accusation n’a pas suffisamment exposé le lien entre les actes des Accusés et le conflit armé. Les arguments de l’Accusation, selon lesquels l’existence de ce lien découle nécessairement des références au statut protégé des victimes et des biens et au fait que le conflit « existait pendant toute la période couverte par cet acte d’accusation95  », ne sont pas pleinement convaincants. Lorsque l’acte d’accusation a été rédigé, il était clairement établi dans la jurisprudence du Tribunal que des infractions graves aux Conventions de Genève pouvaient être alléguées si les actes reprochés aux Accusés étaient commis dans le cadre d’un conflit armé international.

72. Les griefs de la Défense concernant les allégations en vertu de l’article 2 du Statut sont partiellement acceptés. La Chambre demande à l’Accusation de modifier l’acte d’accusation et d’y indiquer expressément si les actes ou omissions des Accusés étaient liés au conflit armé allégué.

73. Cumul des qualifications. La Défense accepte que la jurisprudence du Tribunal permette à l’Accusation de formuler des accusations à titre cumulatif ou alternatif mais elle reproche à celle-ci ne pas appliquer correctement cette pratique au présent acte d’accusation ou de « l’instrumentaliser afin de mettre en cause tous les Accusés selon les mêmes termes96  ». Par exemple, la Défense de Slobodan Praljak considère que le cumul des qualifications d'homicide intentionnel (punissable en vertu de l’article 2 a) du Statut) et d’assassinat (punissable en vertu de l’article 5 a) du Statut) ne devrait pas être permis97. L’Accusation répond que « les questions relatives aux accusations formulées à titre cumulatif ou alternatif ne doivent pas être soulevées à la suite de l’exposé des faits mais au moment du jugement et du prononcé de la peine98  ». Dans sa réplique, la Défense de Jadranko Prlic insiste sur le fait que les chefs d’accusation devraient indiquer si l’accusé est mis en cause à titre alternatif ou cumulatif, au vu des décisions de la Chambre de première instance dans l’affaire Kupreskic et de la Chambre d’appel dans l’affaire Blaskic99. Elle ajoute que l’accusé ne peut pas être tenu responsable à la fois pour sa participation alléguée à une ECC et pour d'autres modes de participation en vertu de l'article  7 1) du Statut100.

74. Il convient d’insister sur le fait qu’il est de la jurisprudence constante au Tribunal que l’Accusation peut se livrer à un cumul des qualifications dans l’acte d’accusation, y compris en cumulant les accusations portées en vertu des articles  7 1) et 7 3) du Statut, si chaque fait incriminé est étayé par des faits essentiels pertinents. La Défense semble avoir confondu le cumul des qualifications et le cumul des déclarations de culpabilité. La Chambre d’appel a tranché la question des cumuls des qualifications et des déclarations de culpabilité dans l’arrêt Delalic et consorts et elle a réaffirmé sa position dans l'affaire Blaskic101. La Chambre est convaincue que les faits essentiels concernant les faits et responsabilités des Accusés sont suffisamment exposés dans l’acte d’accusation. Elle accorde en outre à l’Accusation que les accusations formulées à titre cumulatif ou alternatif sont appropriées et que toutes les questions relatives au cumul des déclarations de culpabilité seront tranchées, le cas échéant, lorsque tous les éléments de preuve auront été reçus.

75. Les griefs de la Défense relatifs au cumul des qualifications sont rejetés.

EN APPLICATION de l’article 72 du Règlement,

PAR CES MOTIFS, la présente Chambre :

1. ACCUEILLE la Requête portant sur les objections de la Défense relatives à la forme de l’acte d’accusation ainsi qu’il est indiqué dans la présente décision  ;

2. ORDONNE à l’Accusation de déposer un nouvel acte d’accusation dans un délai de quatorze jours à compter du dépôt de la présente décision dans lequel elle devrait a) indiquer en italique les changements apportés conformément à cette décision, b) indiquer en gras les modifications pour lesquelles elle demande une autorisation (le cas échéant). S’agissant de ce dernier point, l’Accusation devrait présenter ses arguments en faveur des modifications dans une demande jointe d’autorisation de modifier l’acte d’accusation déposée en vertu de l’article 50 du Règlement.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 22 juillet 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
______________
Liu Daqun

[Sceau du Tribunal]


1 - Preliminary Motion to Dismiss the Defective Indictment Against Jadranko Prlic Pursuant to Rule 72(A)(ii), du 15 décembre 2004 (la « Requête de Jadranko Prlic ») ; Bruno Stojic’s Preliminary Motion on the Defects in the Form of the Indictment, du 15 décembre 2004 (la « Requête de Bruno Stojic ») ; The Accused Slobodan Praljak’s Motion to Strike the Indictment for Vagueness or to Provide Particulars, du 15 décembre 2004 (la « Requête de Slobodan Praljak ») ; The Accused Milivoj Petkovic’s Preliminary Motion on the Form of the Indictment, du 15 décembre 2004 (la « Requête de Milivoj Petkovic ») ; The Accused Valentin Coric’s Motion on the Form of the Indictment, du 15 décembre 2004 (la « Requête de Valentin Coric ») ; Berislav Pusic’s Preliminary Motion on the Flaw in the Form of the Indictment Rule 72a(ii), du 14 décembre 2004 (la « Requête de Berislav Pusic »).
2 - Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-A, arrêt, 23 octobre 2001 (l’« Arrêt Kupreskic »), par. 88. L’article 21 2) du Statut se lit comme suit : « Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l’article 22 du statut » (l’article 22 concerne la protection des victimes et des témoins). L’article 21 4) quant à lui dit ceci : « Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes : a) à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle ; b) à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ; […] ».
3 - Arrêt Kupreskic, par. 88 (note de bas de page non citée).
4 - Le Procureur c/ Miroslav Kvocka et consorts, affaire n° IT-98-30-PT, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l'acte d'accusation, 12 avril 1999, par. 14. La Chambre de première instance considère que « [e]n ce qui concerne le volume d’informations nécessairement exposées dans un acte d’accusation, l’article 18 4) du Statut et l’article 47 C) du Règlement paraissent peu exigeants, puisqu’il suffit d’une relation concise des faits de l’affaire et de la qualification qu’ils revêtent. Cependant, un minimum d’informations y est requis. Il existe un seuil en dessous duquel le niveau d’information ne peut tomber si l’acte d’accusation se veut valide quant à la forme ». Voir aussi Le Procureur c/ Milorad Krnojelac, affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l'exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l'acte d'accusation, 24 février 1999 (la « première Décision Krnojelac »), par. 12.
5 - Arrêt Kupreskic, par. 89.
6 - Arrêt Kupreskic, par. 88-90, voir aussi Le Procureur c/ Radoslav Brdanin et Momir Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à l'exception préjudicielle soulevée par Momir Talic pour vices de forme de l'acte d'accusation modifié, 20 février 2001 (la « première Décision Talic »), par. 18.
7 - Le Procureur c/ Enver Hadzihasanovic et consorts, affaire n° IT-01-47-PT, Décision relative à la forme de l'acte d'accusation, 7 décembre 2001 (la « Décision Hadzihasanovic »), par. 10 ; Le Procureur c/ Momcilo Krajisnik et Biljana Plavsic, affaire n° IT-00-39 et 40-PT, Décision relative à la requête de l'Accusation aux fins d'autorisation de modifier l'acte d'accusation consolidé, 4 mars 2002 (la « deuxième Décision Krajisnik »), par. 9.
8 - Première Décision Talic, par. 48 ; Décision Hadzihasanovic, par. 10 ; Arrêt Blaskic, par. 219.
9 - Première Décision Talic, par. 48 ; Décision Hadzihasanovic, par. 10 ; Arrêt Blaskic, par. 219.
10 - Première Décision Talic, par. 33 ; voir aussi l’Arrêt Blaskic, par. 219, qui aborde la question de la présentation de la responsabilité en vertu de l’article 7 3) du Statut.
11 - Le Procureur c/ Zlatko Aleksovski, affaire n° IT-95-14/1-A, Jugement, par. 171, note 319.
12 - Arrêt Blaskic, par. 213, citant Krnojelac, Décision, 11 février 2000, par. 18 (la « deuxième Décision Krnojelac »).
13 - Première Décision Talic, par. 20 (notes en bas de page dans l’original). Voir aussi, deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Le Procureur c/ Momcilo Krajisnik, affaire n° IT-00-39-PT, Décision relative à l'exception préjudicielle du défendeur fondée sur des vices de forme de l'acte d'accusation, 1 août 2000 (la « première Décision Krajisnik »), par. 9 ; deuxième Décision Krajisnik, par. 11.
14 - Deuxième Décision Krnojelac, par. 16 ; voir aussi Le Procureur c/ Milan Milutinovic, Dragoljub Odjanic et Nikola Sainovic, affaire n° IT-99-37-PT, Décision relative à l'exception préjudicielle déposée par la Défense de Nikola Sainovic, 27 mars 2003.
15 - Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; première Décision Krnojelac, par. 40.
16 - Deuxième Décision Kunarac, par. 6, 60 ; première Décision Krnojelac, par. 7. La Chambre de première instance II a déclaré que « il est préférable que l’acte d’accusation indique précisément et expressément, pour chaque chef d’accusation, la nature de la responsabilité alléguée ». Première Décision Talic, par. 28.
17 - Première Décision Talic, par. 19. Voir aussi deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; première Décision Krajisnik, par.9 ; deuxième Décision Krajisnik, par. 11. Deuxième Décision Kunarac, par. 6 ; première Décision Krnojelac, par. 7, ainsi que la deuxième Décision Talic, par. 5 et la deuxième Décision Krnojelac, par. 60.
18 - Le Procureur c/  Mile Mrksic, affaire n° IT-95-13/1-PT, Décision relative à l'exception préjudicielle pour vices de forme de l'acte d'accusation, 19 juin 2003 (la « Décision Mrksic »), par. 10.
19 - Décision Mrksic, par. 10 ; s’agissant de cet élément en tant que condition préalable, voir Delalic et consorts, Arrêt, par. 256.
20 - Première Décision Talic, par. 19 ; Décision Krajisnik, par. 9; Décision Mrksic, par. 10.
21 - Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Krajisnik, par. 9 ; première Décision Talic, par. 19 ; Décision Mrksic, par. 10.
22 - Première Décision Talic, par. 19 ; deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Krajisnik, par. 9 ; Décision Hadzihasanovic, par. 11.
23 - La Défense a soulevé de nombreux arguments qui ne concernent pas de la forme de l’acte d’accusation mais plutôt, par exemple, de la véracité des faits exposés par l’Accusation (par exemple, la Défense de Berislav Pusic demande que le rôle que celui-ci a joué dans les accords de paix soit expliqué, Requête de Berislav Pusic, par. 13) ou d’une nouvelle confirmation de l’acte d’accusation (par exemple, Requête de Jadranko Prlic, par. 3). La Chambre n'examinera pas les arguments qui n'ont pas trait à la forme de l’acte d’accusation et elle le signalera le cas échéant.
24 - L’Accusation a communiqué environ 11.000 pages à l’appui de l’acte d’accusation.
25 - Requête de Bruno Stojic, par. 11, Requête de Slobodan Praljak, par. 21 et 22, Requête de Milivoj Petkovic, par. 35 et 36, Requête de Jadranko Prlic, par. 6 et 9, Requête de Berislav Pusic, par. 7 à 13.
26 - Réponse, par. 37.
27 - Réponse, par. 79.
28 - Réponse, par. 80.
29 - Requête de Bruno Stojic, par. 15 à 23, Requête de Slobodan Praljak, par. 10, Requête de Valentin Coric, par. 5, Requête de Berislav Pusic, par. 18 à 20, 28 et 29.
30 - Requête de Milivoj Petkovic, par. 8 à 12.
31 - Requête de Berislav Pusic, par. 18 à 20.
32 - Requête de Valentin Coric, par. 5.
33 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 5.
34 - Réponse, par. 5, d’après l’Accusation, l’acte d’accusation lu comme un tout présente une description concise et pertinente de la conduite adoptée par les dirigeants de la Herceg-Bosna, dont les Accusés, pendant l’ECC dont ils faisaient partie.
35 - Réponse, par. 6 à 14.
36 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 8.
37 - Réplique de Berislav Pusic, par. 2.
38 - Réplique de Berislav Pusic, par. 7.
39 - Requête de Bruno Stojic, par. 15 à 23, Requête de Slobodan Praljak, par. 7 à 9 et 11 à 14, Requête de Milivoj Petkovic, par. 19 à 21, Requête de Berislav Pusic, par. 14 à 16 et 30 à 34, Requête de Jadranko Prlic, par. 3 et 7.
40 - Réponse, par. 25.
41 - Réponse, par. 28.
42 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 5.
43 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 11 à 14.
44 - Requête de Bruno Stojic, par. 15 à 23, Requête de Slobodan Praljak, par. 9 et 28.
45 - Réponse, par. 27.
46 - Le Procureur c/  MitarVasiljevic, affaire n° IT-98-32-A, Arrêt, 25 février 2004, par. 102 i).
47 - Requête de Bruno Stojic, par. 24, Requête de Berislav Pusic, par. 17, Requête de Jadranko Prlic, par. 4.
48 - Réponse, par. 18.
49 - Réponse, par. 23 et 67.
50 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 10.
51 - Réplique de Berislav Pusic, par. 6.
52 - Requête de Milivoj Petkovic, par. 4 à 7.
53 - Requête de Jadranko Prlic, par. 5.
54 - Réponse, par. 69 à 73.
55 - Requête de Bruno Stojic, par. 6 à 10, Réplique de Berislav Pusic, par. 27.
56 - Réponse, par. 77 à 78.
57 - Le procureur c/ Dragoljub Kunarac, affaire n° IT-96-23&23/1, Décision relative à l'exception préjudicielle déposée par la défense pour vice de forme dans l'acte d'accusation modifié, 21 octobre 1998, p. 1 ; première Décision Krnojelac, par. 11 et 24 ; Le Procureur c/  Radovan Stankovic, affaire n° IT-96-23/2, Décision relative à l'exception préjudicielle de la Défense fondée sur des vices de forme de l'acte d'accusation, 15 novembre 2002, par. 11.
58 - Le Procureur c/ Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21, Décision concernant l'exception préjudicielle de l'Accusé Delalic relative à des vices de forme de l'acte d'accusation, 2 octobre 1996, par. 11.
59 - Requête de Bruno Stojic, par. 14, Requête de Slobodan Praljak, par. 23 à 27, Requête de Valentin Coric, par. 8, Requête de Berislav Pusic, par. 26, 49 à 52, Requête de Jadranko Prlic, par. 9.
60 - Requête de Bruno Stojic, par. 30 et 31, Requête de Slobodan Praljak, par. 15 et 16, Requête de Jadranko Prlic, par. 5.
61 - Requête de Bruno Stojic, par. 25 et 27, Requête de Milivoj Petkovic, par. 30 à 34, Requête de Berislav Pusic, par. 21 à 25, Requête de Jadranko Prlic, par. 8.
62 - Requête de Slobodan Praljak, par. 18, 19 et 31.
63 - Réponse, par. 65, l’Accusation explique que les paragraphes suivants de l’acte d’accusation contiennent de nombreuses informations sur les prisons et les camps du HVO : 17 h), 35, 37, 38, 39 d), 119 à 143, 146 à 151, 188 à 194, 196 à 203 et 224.
64 - Réponse, par. 61.
65 - Réponse, par. 62.
66 - Réponse, par. 63.
67 - Réponse, par. 64 et 83.
68 - Réplique de Valentin Coric, par. 8.
69 - Réplique de Valentin Coric, par. 8 à 10.
70 - Requête de Slobodan Praljak, par. 32.
71 - Requête de Bruno Stojic, par. 29, Requête de Slobodan Praljak, par. 34, Requête de Milivoj Petkovic, par. 22 à 24, Requête de Berislav Pusic, par. 35 à 41, Requête de Jadranko Prlic, par. 10.
72 - Requête de Slobodan Praljak, par. 28 et 29, Requête de Milivoj Petkovic, par. 28 et 29, Requête de Valentin Coric, par. 7, Requête de Berislav Pusic, par. 42 à 48, Requête de Jadranko Prlic, par. 10.
73 - Requête de Bruno Stojic, par. 28, Requête de Milivoj Petkovic, par. 13 à 18.
74 - Requête de Slobodan Praljak, par. 33.
75 - Réponse, par. 31. S’agissant de l’argument de Berislav Pusic selon lequel sa position de civil n’est pas fondée sur des « arguments juridiquement recevables », l’Accusation prend note du fait que les paragraphes 13 et 14 décrivent en suffisance que l’accusé exerçait le contrôle effectif sur les différents éléments et le personnel du système qu’il présidait », Réponse, par. 35.
76 - Réponse, par. 34.
77 - Réponse, par. 39.
78 - Réponse, par. 49.
79 - Réponse, par. 35.
80 - Réponse, par. 54 à 57.
81 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 16 à 21, Réplique de Berislav Pusic, par. 9 à 13.
82 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 16 à 21, Réplique de Berislav Pusic, par. 13.
83 - Réplique de Milivoj Petkovic, par. 28-31.
84 - Requête de Slobodan Praljak, par. 35, Requête de Milivoj Petkovic, par. 43 à 55.
85 - Réplique de Berislav Pusic, par. 17 à 19.
86 - Réponse, par. 81 et 82.
87 - Requête de Slobodan Praljak, par. 30, Requête de Milivoj Petkovic, par. 37 à 41.
88 - Requête de Slobodan Praljak, par. 31, Requête de Milivoj Petkovic, par. 56
89 - Réponse sur la nature du conflit, voir notamment les par. 10 à 13 et 17 à 19.
90 - Réponse sur la nature du conflit, par. 19.
91 - Réplique de Milivoj Petkovic, par. 6 à 11, voir aussi Réplique de Berislav Pusic, par. 14 à 16.
92 - Réplique de Milivoj Petkovic, par. 6 à 11.
93 - Chef 3 (homicide intentionnel), 5 (traitements inhumains), 7 (expulsion illégale d’un civil), 9 (transfert illégal d’un civil), 11 (détention illégale d’un civil), 13 (traitements inhumains/conditions de détention), 16 (traitements inhumains), 19 (destruction de biens non justifiée par des nécessités militaires et exécutée sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire) et 22 (appropriation de biens non justifiée par des nécessités militaires et exécutée de façon illicite et arbitraire).
94 - Les représentants de ces deux parties comprennent toutes les autorités ou entités administratives, militaires, politiques et civiles.
95 - Réponse sur la nature du conflit, par. 13.
96 - Requête de Milivoj Petkovic, par. 56.
97 - Requête de Milivoj Petkovic, par. 44.
98 - Réponse, par. 44.
99 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 22, la Défense cite le paragraphe 721 du jugement Kupreskic. Voir aussi la Réplique de Milivoj Petkovic, par. 20 à 24.
100 - Réplique de Jadranko Prlic, par. 24 à 28.
101 - Delalic et consorts, Arrêt, par. 745, Arrêt Blaskic, par. 91.