Affaire n° : IT-04-74-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I

Composée comme suit :
M. le Juge Liu Daqun, Président
M. le Juge Amin El Mahdi
M. le Juge Alphons Orie

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
18 octobre 2005

LE PROCUREUR

c/

JADRANKO PRLIC
BRUNO STOJIC
SLOBODAN PRALJAK
MILIVOJ PETKOVIC
VALENTIN CORIC
BERISLAV PUSIC

______________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE D’AUTORISATION DE MODIFIER L’ACTE D’ACCUSATION ET AUX GRIEFS DE LA DÉFENSE SUR LE PROJET D’ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ

______________________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Kenneth Scott

Les Conseils des Accusés :

M. Michael Karnavas, pour Jadranko Prlic
M. Tomislav Kuzmanovic, pour Bruno Stojic
M. Bozidar Kovacic, pour Slobodan Praljak
Mme Vesna Alaburic, pour Milivoj Petkovic
M. Tomislav Jonjic, pour Valentin Coric
M. Fahrundin Ibrisimovic, pour Berislav Pusic

1. Introduction

1. La Chambre de première instance (la « Chambre ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis  1991 (le « Tribunal ») est saisie du document par lequel l’Accusation propose des modifications de l’acte d’accusation et demande l’autorisation d’y procéder ( Prosecution’s Submission of Proposed Amended Indictment and Application for Leave to Amend, la « Demande »), auquel est joint le « projet d’acte d’accusation modifié » et des pièces justificatives déposées à titre confidentiel et ex parte.

2. La Demande a été déposée en exécution de la Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation, rendue le 22 juillet 2005 (la « Décision du 22 juillet 2005 »), par laquelle la Chambre faisait partiellement droit aux exceptions préjudicielles des accusés fondées sur un vice de forme de l’acte d’accusation1, soulevées en vertu de l’article 72 A) ii) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), et ordonnait à l’Accusation de déposer dans un délai de quatorze jours un nouvel acte d’accusation dans lequel elle devrait a) indiquer en italique les changement apportés conformément à cette décision, et b) indiquer en gras les modifications pour lesquelles elle demande une autorisation (le cas échéant)2.

3. Le 4 août 2005, l’Accusation a demandé une prorogation du délai qui lui était imparti pour présenter l’acte d’accusation modifié aux motifs que cette prorogation lui était nécessaire pour mener un important travail de recherche sur plusieurs pièces et que les « modifications [subséquentes] n’auront pas d’incidence majeure sur les crimes ou les formes de responsabilité retenus en l’espèce, de sorte que rien dans les changements envisagés n’empêche les Accusés de poursuivre leur préparation3 ». Le 25 août 2005, la Chambre a fait droit à cette demande et ordonné à l’Accusation de déposer son acte d’accusation modifié le 5 septembre 2005 au plus tard.

4. Les 19 et 20 septembre 2005, les conseils de chacun des accusés en l’espèce ont déposé une réponse (ou une notification par laquelle ils faisaient savoir qu’ils se joignaient à une réponse) par laquelle ils s’opposaient à la Demande aux motifs que 1) l’Accusation n’avait pas suivi toutes les instructions données par la Chambre en juillet 2005, 2) l’acte d’accusation modifié comportait de nouvelles accusations, et 3) le projet d’acte d’accusation modifié était entaché de vices de forme4.

5. La Chambre note que les pièces présentées à l’appui des modifications proposées par l’Accusation et jointes à la Demande n’ont pas été communiquées à la Défense. Par principe, compte tenu de la règle de l’opportunité des poursuites s’appliquant à l’Accusation, la Défense n’intervient pas dans l’examen des pièces présentées à l’appui d’une accusation portée contre un suspect (ou un accusé une fois qu’une Chambre est saisie de l’affaire) auquel procède la Chambre pour déterminer si celles -ci suffisent à établir une présomption justifiant des poursuites à ce titre. Toutefois, en l’espèce, l’Accusation affirme que les pièces jointes à la Demande, déposées à titre confidentiel et ex parte, visent, en particulier, à préciser les accusations et non à en ajouter de nouvelles.

6. Le 7 octobre 2005, la Chambre a rendu, à titre confidentiel, l’Ordonnance aux fins de communication de pièces jointes à l’appui d’une proposition de modification de l’acte d’accusation, par laquelle elle ordonnait 1) à l’Accusation de communiquer immédiatement à la Défense des six accusés en l’espèce les pièces confidentielles et ex parte jointes à la Demande et 2) à la Défense de « communiquer, le cas échéant dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de l’[ordonnance] et sans excéder 800 mots, toute observation qui viendrait s’ajouter à celles déjà [formulées] dans leurs réponses respectives à la Requête », et 3) à l’Accusation de demander la certification visée à l’article 73 C) du Règlement, le cas échéant, avant le 10 octobre 2005 afin d’éviter tout nouveau retard dans l’ouverture du procès en l’espèce.

7. Le 10 octobre 2005, l’Accusation a déposé des observations donnant suite à l’Ordonnance aux fins de communication de pièces à l’appui d’une proposition de modification de l’acte d’accusation (Prosecutor’s Submission in Response to Trial Chamber’s Order for Disclosure of Material in Support of Proposed Amendments to the Indictment ), par laquelle elle affirmait avoir communiqué quasiment toutes les pièces présentées à l’appui des modifications proposées. Le même jour, le Conseil de Milivoj Petkovic a déposé une demande d’éclaircissement urgente (Urgent Motion for the Defence for the Accused Petkovic for Clarifications of the Trial Chamber’s Decision of 7 October 2005) dans le but de savoir 1) quelles modifications étaient des précisions, 2) depuis quand les pièces communiquées étaient en la possession de l’Accusation, 3) si les nouvelles observations devaient se rapporter uniquement aux pièces jointes communiquées, et 4) si le délai de cinq jours accordé à la Défense pour déposer des observations était suffisant.

8. La Chambre estime que la demande urgente du conseil de Milivoj Petkovic de soulève pas de questions essentielles. L’Accusation affirme dans la Demande que toutes les modifications proposées sont des précisions et non de nouvelles accusations. Il est donc logique qu’elle n’indique pas quelles parties des pièces justificatives nouvellement communiquées se rapportent à de nouvelles accusations. La question du caractère tardif de la demande d’autorisation de modifier l’Acte d’accusation est déjà abordée dans la Réponse Petkovic. Savoir à quelle date précise l’Accusation est entrée en possession des pièces qui viennent d’être communiquées n’apporte aucun poids significatif aux arguments relatifs au « caractère tardif » déjà invoqués dans la Réponse Petkovic. La teneur de l’Ordonnance du 7 octobre 2005 fait clairement apparaître que la communication avait pour but de permettre à la Défense de formuler, le cas échéant, des observations sur les pièces justificatives nouvellement communiquées. Enfin, la Chambre réaffirme que le délai fixé lui laissait suffisamment de temps pour le faire.

9. Le 17 octobre 2005, le Conseil de Petkovic a déposé un supplément à la Réponse Petkovic, assorti d’observations liminaires nécessaires (Addendum to the Response of the Accused Petkovic Defence to the Prosecution’s Submission of Proposed Amended Indictment and Application for Leave to Amend, with Necessary introductory Remarks, le « Supplément ») par lequel il répétait, à propos de la nature des modifications proposées par l’Accusation, des arguments déjà présentés dans la Réponse Petkovic5, et soutenait sans donner plus de détails que les « nouvelles pièces justificatives communiquées à la Défense n’étaySaiCent pas les modifications contestées6  ».

2. L’article 50 du Règlement

10. La Demande a été déposée en vertu de l’article 50 du Règlement qui fixe la procédure relative aux modifications de l’acte d’accusation. L’article 50 A) du Règlement énonce les dispositions concernant le juge compétent pour connaître de ces questions et le moment auquel l’acte d’accusation peut être modifié. L’article 50 B) du Règlement traite expressément des cas dans lesquels de nouveaux chefs d’accusation sont présentés, sans préciser si ceux-ci ne peuvent l’être que sur la base de nouveaux faits, et l’article 50 C) prévoit que si, dans le cadre des modifications apportées à un acte d’accusation, un nouveau chef est présenté, l’accusé peut demander un délai supplémentaire pour se préparer7.

11. La première question essentielle à laquelle se rapporte l’article 50 du Règlement est celle du type de modification pouvant être apportée à un acte d’accusation. La Défense n’est pas d’accord avec l’Accusation lorsque celle-ci affirme que le projet d’acte d’accusation modifié ne comporte aucun chef d’accusation nouveau ni aucun fait incriminé nouveau, que « l’ensemble des faits incriminés » en l’espèce est inchangé, de même que les 26 chefs d’accusation, et que « l’on fait généralement droit aux demandes d’autorisation d’apporter des modifications lorsqu’il s’agit de donner des précisions ou d’expliciter les allégations factuelles figurant dans un acte d’accusation confirmé, et d’apporter des modifications de détail8  ».

12. En particulier, la Défense affirme que le projet d’acte d’accusation modifié comporte de nouvelles accusations parce que les modifications proposées aux paragraphes  27 et 37 augmentent le nombre des allégations qui y figurent9. Les Conseils de Slobodan Praljak et de Jadranko Prlic affirment que, dans pareil cas, l’Accusation doit fournir des pièces jointes à l’appui de ces nouvelles accusations afin de permettre à la Chambre de déterminer s’il y a lieu, au vu des présomptions, d’engager des poursuites. Si la Chambre estime que les assertions figurant aux paragraphes 27 et 37 du projet d’acte d’accusation modifié ne constituent pas de nouvelles accusations, la Défense demande que l’Accusation les supprime au motif qu’il s’agit de conjectures sans fondement ni justification, préjudiciables aux Accusés10.

13. Un désaccord de ce type est survenu dans l’affaire Halilovic, et la Chambre de première instance III avait à cette occasion examiné la jurisprudence pour déterminer ce que l’on entendait par « accusation nouvelle ». Elle avait estimé que « [p]our déterminer si une modification proposée se traduira par l’inclusion d’une ‘nouvelle accusation’, il faut donc s’attacher à savoir si l’accusé peut être tenu pénalement responsable sur la même base qu’avant […] la véritable question est donc de savoir si la modification ouvre la possibilité de déclarer l’accusé coupable sur la base d’éléments factuels ou juridiques qui n’étaient pas exposés dans l’acte d’accusation 11 ». En d’autres termes, toute nouvelle allégation, même si elle n’est pas assortie de nouvelles allégations factuelles, constitue une « nouvelle accusation » lorsque sur cette seule base juridique, l’accusé risque d’être déclaré coupable. Si, en revanche, une nouvelle allégation n’expose pas l’accusé à un risque accru d’être déclaré coupable, elle ne saurait être considérée comme une nouvelle accusation12.

14. L’adjonction de nouvelles accusations, même en l’absence d’éléments factuels ou d’éléments de preuve nouveaux, a été autorisée dans d’autres affaires portées devant le Tribunal ou devant le TPIR13. Par exemple, dans l’affaire Naletilic et Martinovic, la Chambre de première instance a autorisé l’ajout de la nouvelle accusation de « travaux dangereux ou humiliants » en l’absence de nouveaux éléments de preuve14. Dans l’affaire Musema, la Chambre de première instance a permis l’ajout à titre subsidiaire au chef de génocide, du chef d’accusation de complicité dans le génocide, plutôt que l’ajout pur et simple d’un nouveau chef d’accusation15. Aussi, dans l’affaire Niyitegeka, la Chambre de première instance a affirmé que l’on pouvait ajouter de nouvelles accusations à un acte d’accusation afin d’ « invoquer une théorie juridique supplémentaire de la responsabilité sans qu’il y ait des faits nouveaux16 ». En résumé, bien que les décisions rendues par le Tribunal et par le TPIR dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire visé à l’article 50 du Règlement démontrent qu’il est généralement fait droit aux demandes d’autorisation de modifier l’acte d’accusation s’il n’est pas démontré que cela porterait préjudice à l’accusé, il n’en reste pas moins que les modifications motivées par la découverte de nouveaux éléments de preuve doivent être étayées par des pièces établissant des présomptions suffisantes pour justifier des poursuites à ce titre.

15. La deuxième question essentielle à laquelle se rapporte l’article 50 du Règlement, et qui est la deuxième question que la Chambre doit considérer pour décider ou non d’autoriser la modification d’un acte d’accusation, tient à la nécessité de faire en sorte que la modification apportée à l’acte d’accusation ne sera pas préjudiciable à l’accusé dans la conduite de sa défense. À cet égard, le Conseil de Petkovic s’est plaint que « la majeure partie des modifications proposées porteraient indûment préjudice aux accusés17 ».

16. Bien qu’aucune limite ne soit expressément posée à l’exercice du pouvoir discrétionnaire visé à l’article 50 du Règlement, il ressort d’une lecture globale du Statut et du Règlement que ce pouvoir doit être exercé dans le respect du droit de l’accusé à un procès équitable. En particulier, selon les circonstances de l’espèce, les droits de l’accusé à un procès rapide, à être informé dans le plus court délai des accusations portées contre lui, et à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, sont les droits susceptibles d’être pris en compte lorsqu’il s’agit d’examiner des oppositions relatives à des modifications d’actes d’accusation18. Aussi, pour décider si les modifications ont ou non, de quelque manière que ce soit, porté préjudice à l’Accusé, il faut dûment tenir compte « du fait que le Procureur est investi du pouvoir souverain d’exercer des poursuites sous réserve des dispositions des textes pertinents, et de produire devant la Chambre de première instance tous les éléments de preuve pertinents19 ».

17. Donc, en déterminant si la modification de l’acte d’accusation portera, de quelque manière que ce soit, préjudice à l’Accusé, la Chambre doit tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce. Si, par exemple, un délai supplémentaire est accordé à l’accusé pour préparer sa défense, la modification ne donne pas nécessairement lieu à un préjudice pour ce dernier20. Le retard occasionné dans le procès par la modification ne devrait pas être déraisonnable compte tenu de la complexité de l’affaire et des crimes reprochés dans l’acte d’accusation tel qu’il était lorsque l'accusé a été arrêté, de telle sorte que les modifications proposées ne violent pas son droit à être informé sans délai des accusations retenues contre lui. Cela étant, ces considérations sont sans doute sans intérêt si les modifications demandées par l’Accusation ne sont pas des nouvelles accusations mais simplement des précisions sur la base factuelle ou juridique de l’Acte d’accusation. En conséquence, la Chambre de première instance tient à souligner qu’elle décide si les modifications de l’acte d’accusation proposées portent ou non préjudice à l’Accusé en tenant compte de tous les aspects de l’affaire.

3. Les modifications proposées par l’Accusation

18. L’Accusation soutient, de manière générale, que les modifications proposées ne causeront pas de retard dommageable et qu’il convient de les autoriser étant donné que, selon les critères établis par le Tribunal, l’acte d’accusation dressé contre l’Accusé a une portée limitée en ce que le projet d’acte d’accusation modifié ne contient pas de nouveaux chefs d’accusation ou de nouveaux « faits incriminés  » et que « quasiment toutes les modifications proposées visent avant tout à clarifier ou préciser les allégations déjà formulées contre l’Accusé21  ». L’Accusation indique que « par exemple, une erreur a été relevée tôt dans la procédure au chef d’accusation 25, paragraphe 229. Il était à tort indiqué dans la citation “article ’3 d)’ ” alors qu’il était question de l’article 3, sans précision supplémentaire. Cette erreur a à présent été corrigée22  ».

19. L’Accusation fait également remarquer qu’en l’espèce « le procès ne s’ouvrira pas avant quelques mois (la date précise d’ouverture n’étant pas encore fixée), et [que] la présentation des éléments à décharge ne se fera sans doute pas avant plus de 18 mois. L’Accusation affirme qu’aucune des modifications proposées ne modifie fondamentalement les accusations retenues23 .»

20. Le Conseil de l’accusé Petkovic affirme que « la plupart des modifications proposées porteraient préjudice à l’accusé24  », et que l’Accusation « n’a présenté aucun argument valable à l’appui des modifications proposées25 ». Le Conseil de Petkovic fait entre autres valoir que l’Accusé aurait à souffrir d’un préjudice étant donné que les modifications proposées contestées sont « de la plus haute gravité » et que leur portée est aussi large que possible, mais aussi parce que les modifications proposées « retarderaient inévitablement l’ouverture du procès vu que les nouvelles accusations et les nouvelles formes de responsabilités retenues donneraient lieu à de nombreuses exceptions préjudicielles soulevées par la Défense en vertu de l’article  72 du Règlement, et que l’examen de celles-ci prendrait un certain temps ». La Défense « estime que, dans ces circonstances, une année et demie lui serait nécessaire pour mener des recherches supplémentaires et se préparer au procès26  ». Le Conseil de Petkovic affirme également que « l’Accusation demande l’autorisation d’apporter des modifications substantielles à l’Acte d’accusation un an et demi après la comparution initiale de l’Accusé, sans même donner d’explication raisonnable à cette démarche » ni d'avertissement préalable alors que l’ouverture du procès était prévue pour le 1er décembre 200527.

21. La Chambre rappelle que les arguments présentés pour démontrer que le projet de modification de l’acte d’accusation est proposé dans les délais et ne cause pas de retard préjudiciable doivent être « SappréciésC au regard de l’exigence générale d’équité du procès28 ». La Chambre est convaincue qu’en l’espèce, rien n’indique que l’Accusation a, par le dépôt de la Demande, cherché à tirer un avantage tactique indu. En outre, la Chambre constate que l’Accusation demande l’autorisation de modifier l’acte d’Acte d’accusation à la suite de la Décision du 22 juillet 2005 qui l’autorisait à déposer un projet d’acte d’accusation modifié29. La Chambre se propose de déterminer, en tenant dûment compte des circonstances de l’affaire dans son ensemble, si les modifications proposées sont d’une telle ampleur que, au cas où l’autorisation d’y procéder était accordée, le droit de l’Accusé à un procès équitable serait d'emblée compromis.

22. La Chambre de première instance va à présent procéder à l’examen du projet d’acte d’accusation modifié.

a) Modifications proposées dans les paragraphes renvoyant aux chefs d’accusation

23. L’Accusation propose les modifications suivantes, qui renvoient aux chefs d’accusation  :

a) les références aux chefs 12, 13 et 14 (conditions de détention), omises par mégarde au paragraphe 60, y sont ajoutées pour tenir compte des crimes commis à Prozor, tel qu’allégués au paragraphe 57. Des modifications du même ordre sont apportées au paragraphe 153. Les paragraphes 148 et 149 mentionnent le crime de travail illégal à Ljubuski, mais aucune mention du chef 18 n’était faite au paragraphe 153, alors que le paragraphe 229 renvoyait aux paragraphes 148 et 149 pour étayer le chef 18 (travail illégal)30 ;

b) à l’inverse, le paragraphe 229 est modifié pour remédier à des omissions de renvois à des faits mentionnés ailleurs. Dans ce paragraphe, aux chefs 19 et 20 (destruction de biens), aucune référence n’était faite à la destruction de biens à Mostar, alors que celle-ci est pourtant alléguée aux paragraphes 116 et 118. En conséquence, cette erreur est corrigée par l’insertion, aux chefs 19 et 20, de la référence en question 31 ;

c) la modification apportée au paragraphe 229 de l’Acte d’accusation (chef 25) concerne une mention erronée de l’article 3 d) du Statut : « d) » est ainsi supprimé après le « 3 »32 ;

24. Le Conseil de Petkovic affirme que « l’Accusation cherche à introduire, sans la moindre justification, de nouvelles accusations aux paragraphes […] 60, 150, 151, 153 et 159, augmentant ainsi considérablement l’ensemble des faits incriminés dans l’acte d’accusation33 ».

25. La Chambre de première instance n’est pas convaincue par l’argument de la Défense, en effet, elle estime que les modifications proposées sont mineures, qu’elles précisent les allégations factuelles figurant dans l’Acte d’accusation et qu’elles ne portent pas préjudice à l’Accusé.

26. La Chambre autorise l’Accusation à apporter, dans l’Acte d’accusation, les modifications proposées énoncées ci-dessus.

b) Modifications proposées concernant le nombre de victimes

27. L’Accusation demande l’autorisation de changer les nombres de tués ou de blessés mentionnés aux paragraphes 130, 138 et 139 de l’Acte d’accusation, ainsi que dans ses annexes34.

28. L’Accusation affirme que les modifications apportées aux nombres des victimes sont dues à la poursuite de l’examen des éléments de preuve et à d’autres considérations, qui ont donné lieu à la suppression de certains noms et à l’ajout d’autres sur les listes de victimes. En outre, l’orthographe de certains noms a été corrigée35. L’Accusation insiste sur le fait que le nombre total des victimes reste sensiblement le même, que, pour ce qui est du paragraphe 139, il y en a en fait une de moins36, et qu’aucune de ces modifications ne modifie pour l’essentiel la thèse de l’Accusation 37.

29. La Défense n’oppose aucun argument à ces modifications. La Chambre est convaincue que celle-ci précise les allégations factuelles figurant dans l’Acte d’accusation et qu’elles ne portent pas préjudice à l’Accusé.

30. En conséquence, la Chambre autorise l’Accusation à apporter, dans l’Acte d’accusation, les modifications proposées énoncées ci-dessus.

c) Modifications proposées du paragraphe 16 de l’Acte d’accusation

31. L’Accusation propose de modifier le paragraphe 16 de l’Acte d’accusation pour donner suite à la requête précédente des Accusés, présentée aux fins d’obtenir davantage d’informations concernant les membres de l’entreprise criminelle commune alléguée dans l’Acte d’accusation. L’Accusation propose également l’ajout d’un nouveau paragraphe  16.1 afin de préciser le paragraphe 16 de l’Acte d’accusation et de se conformer à l’évolution de la jurisprudence du Tribunal sur l’entreprise criminelle commune et la coaction38.

32. L’Accusation explique que les modifications apportées au paragraphe 16 de l’Acte d’accusation et l’ajout du paragraphe 16.1 peuvent sembler plus importantes que les autres modifications du projet d’Acte d’accusation modifié mais « une comparaison de l’ancien et du nouvel énoncé du paragraphe 16 montre qu’ils sont très largement identiques »39. Pour l’Accusation, « les termes les plus essentiels dans le paragraphe 16.1 sont les suivants : « par l’intermédiaire de », étant donné que le paragraphe vise à prendre en compte la situation dans laquelle une entreprise criminelle commune est mise en œuvre ou réalisée, ou encore dans laquelle des crimes sont commis en exécution de celle-ci, par l’intermédiaire de personnes qui ne sont pas nécessairement elles-mêmes des membres de l’entreprise criminelle commune »40.

33. La Défense de Stojic s’oppose à l’ajout des noms de Dario Kordic, Tihomir Blaskic et Mladen Naletelic au paragraphe 16 de l’Acte d’accusation (et au nouveau paragraphe  16.1). Elle soutient que par l’ajout des noms de ces personnes, lesquelles sont des membres connus de l’entreprise criminelle commune, l’Accusation « a élargi le cadre géographique de l’affaire, dès lors que Tihomir Blaskic et Dario Kordic ont été mis en cause pour l’attaque lancée dans différents lieux du centre de la Bosnie, notamment au village d’Ahmici »41.

34. La Chambre ne voit pas dans quelle mesure le fait de nommer des participants connus à l’entreprise criminelle commune alléguée entraîne l’élargissement du cadre géographique de la présente affaire. Celui-ci est clairement déterminé dans l’Acte d’accusation. On ne peut raisonnablement considérer que parce que l’Accusation ajoute, comme suite à une demande précédente de la Défense, les noms de membres connus de l’entreprise criminelle commune, lesquels ont par ailleurs été reconnus coupables par le Tribunal, il s’ensuit nécessairement que le cadre de l’affaire est élargi pour englober le cadre géographique des affaires de ces personnes reconnues coupables.

35. Le Conseil de Petkovic s’oppose à l’ajout à l’Acte d’accusation du paragraphe 16.1 (et des paragraphes 218-225) au motif que par ces ajouts, l’Accusation cherche à introduire de « nouveaux modes de commission des crimes et de nouvelles formes de responsabilité pénale des Accusés pour chacun des crimes reprochés – à savoir la perpétration indirecte. L’ajout de ce paragraphe introduit également de nouvelles accusations contre les Accusés, compte tenu de ce mode particulier de commission du ou des crimes et des formes de responsabilité qui s’y rattachent, y compris la participation à l’entreprise criminelle commune, ainsi que des conditions spécifiques concernant les éléments matériel et moral. L’argument de l’Accusation, selon laquelle cet ajout est conforme à la jurisprudence du TPIY est incorrect et fallacieux »42.

36. Le paragraphe 16.1 du projet d’Acte d’accusation modifié énonce ce qui suit  :

16.1 En outre, ou à titre subsidiaire, les membres de l’entreprise criminelle commune, dont Franjo Tudjman, Gojko Susak, Janko Bobetko, Mate Boban, JADRANKO PRLIC, BRUNO STOJIC, SLOBODAN PRALJAK, MILIVOJ PETKOVIC, VALENTIN CORIC, BERISLAV PUSIC, Dario Kordic, Tihomir Blaskic et Mladen Naletelic (connu également sous le nom de « Tuta ») et d’autres personnes, ont réalisé les objectifs de l’entreprise criminelle commune par l’intermédiaire des organisations et personnes suivantes, qu’elles contrôlaient directement ou indirectement : divers membres du gouvernement et des autorités de la Herceg-Bosna/du HVO (tels que définis au paragraphe 25), y compris de nombreux responsables et membres du gouvernement et des structures politiques de la Herceg -Bosna/du HVO, à tous les échelons (y compris au sein des administrations municipales et des organisations locales) ; divers dirigeants et membres du HDZ et du HDZ-BIH, à tous les échelons ; divers officiers et membres des forces de la Herceg-Bosna /du HVO (telles que définies au paragraphe 25) ; divers membres des forces armées, de la police, des services de sécurité et du renseignement de la République de Croatie ; ainsi que d’autres personnes, connues ou non.

37. L’actuel paragraphe 16 de l’Acte d’accusation énonce tout d’abord que « [n]ombreux sont ceux qui ont pris part à cette entreprise criminelle commune. Chacun des participants a, par ses actes, ses omissions, ses pratiques ou sa conduite, que ce soit individuellement, de concert avec d’autres personnes ou par leur intermédiaire, contribué de manière importante à la réalisation de cette entreprise et de son but », puis énumère ces participants et indique que « [c]es personnes ont conduit, dirigé, planifié, préparé, encouragé, promu, incité à commettre, ordonné, commis, mis en œuvre, facilité l’entreprise criminelle commune, y ont participé, contribué, l’ont soutenue et ont de toute autre manière agi en vue de sa réalisation ». Visiblement, la principale modification apportée par l’ajout du paragraphe 16.1 proposé consiste en l’allégation selon laquelle les Accusés et d’autres personnes ont réalisé les objectifs de l’entreprise criminelle commune par l’intermédiaire d’organisations et de personnes [énumérées à l’actuel paragraphe 16], qu’ils contrôlaient directement ou indirectement.

38. La Chambre estime que cet ajout ne constitue pas une nouvelle accusation. À lui seul, le paragraphe 16.1 proposé ne fait pas état de faits suffisants pour étayer une déclaration de culpabilité. La responsabilité pénale des Accusés est déjà mise en cause dans d’autres paragraphes de l’Acte d’accusation pour le contrôle qu’ils auraient exercé sur les entités politiques, administratives ou militaires énumérées à l’actuel paragraphe 16. Un tel contrôle direct ou indirect sur la Herceg-Bosna / le HVO, le HDZ ou le HDZ-BiH est allégué notamment au paragraphe 17 de l’Acte d’accusation.

39. La Chambre estime que les modifications proposées du paragraphe 16 de l’Acte d’accusation et l’ajout proposé du paragraphe 16.1 précisent les allégations factuelles dont il est fait état dans l’Acte d’accusation et ne causent aucun préjudice aux Accusés.

40. La Chambre autorise l’Accusation à apporter, dans l’Acte d’accusation, les modifications proposées énoncées ci-dessus.

d) Modifications proposées des paragraphes 18 à 217 de l’Acte d’accusation

41. L’Accusation propose de modifier les paragraphes 18 à 217 de l’Acte d’accusation afin, principalement, de corriger des erreurs minimes ou d’apporter des précisions à l’Acte d’accusation ou, lorsque davantage de termes ont été ajoutés, comme aux paragraphes 27 et 37, de fournir un exposé plus complet des faits et circonstances de l’espèce43. L’Accusation souligne que ces modifications ne changent pas les accusations ou l’ensemble des faits incriminés en l’espèce44 et ne causent aucun préjudice aux Accusés45.

42. La Défense s’oppose aux modifications proposées des paragraphes 27 et 37 de l’Acte d’accusation, au motif que ces modifications augmentent le nombre des allégations portées contre les Accusés46. La Défense fait valoir que les paragraphes 27 et 37 ont été modifiés en vue de soutenir, respectivement, qu’il existait entre 1992 et 1993 une coopération continue entre les Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie, et que les autorités de H-B/HVO ont entrepris en 1993 de transférer des milliers de Croates de Bosnie provenant d’autres régions de la BiH vers l’ouest de l’Herzégovine47. Le Conseil de Stojic résume la conclusion à laquelle est parvenue la Défense en ces termes : « dès lors que ces nouvelles allégations se trouvent dans le chapitre de l’Acte d’accusation intitulé « Exposé des faits », dans lequel le Procureur décrit les actes criminels des Accusés, la Défense conclut que les allégations considérées constituent en fait de nouvelles accusations et qu’ainsi, l’Accusation a élargi l’ensemble des faits incriminés dans l’affaire en cours »48.

43. Le paragraphe 27 du projet d’Acte d’accusation modifié énonce ce qui suit, les modifications proposées par l’Accusation figurant en caractères gras :

27. Au printemps et au début de l’été 1992, les autorités et les forces de la Herceg -Bosna/du HVO, tout en affirmant leur contrôle et en menant les actions décrites ci-dessus, ont effectué des opérations militaires avec les forces armées du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine, en réponse à des actions militaires de la JNA et des Serbes de Bosnie en Herzégovine et ailleurs. Lors ou à la suite du départ des forces serbes de Mostar, les forces dirigées par la Herceg-Bosna/le HVO ont détruit l’église orthodoxe serbe de la ville et des maisons de Serbes à proximité de celle-ci. De nombreux Serbes ont quitté Mostar durant cette période, tandis que d’autres étaient détenus dans de piètres conditions dans des camps de détention administrés par le HVO. Malgré les hostilités entre les forces de la Herceg-Bosna/du HVO et les forces des Serbes de Bosnie au cours du printemps et de l’été 1992, une coopération importante et continue s’est développée entre les Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie après une entrevue entre Radovan Karadžic et Mate Boban le 6 mai 1992 à Graz, en Autriche, coopération qui s’est poursuivie dans les régions de Bosnie et d’Herzégovine pertinentes en l’espèce, à quelques exceptions mineures près, jusqu’à la fin de 1993.

44. La modification proposée du paragraphe 27 apporte une précision à l’allégation figurant dans la phrase précédente, dans la mesure où elle expose que les Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie ont coopéré jusqu’à la fin de 1993, en dépit des opérations militaires lancées par les autorités et les forces de la Herceg-Bosna /du HVO en réponse aux actions militaires menées par la JNA et les Serbes de Bosnie en Herzégovine et ailleurs. La réponse à la première question posée à la Chambre de première instance, qui est de savoir si l’allégation selon laquelle les Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie ont coopéré entre le printemps 1992 et fin 1993 constitue une nouvelle accusation, dès lors qu’elle exposerait des faits qui à eux seuls pourraient amener à conclure à la culpabilité des Accusés, est évidente. Une telle allégation factuelle ne peut à elle seule fonder une déclaration de culpabilité. On ne peut raisonnablement présumer que s’il est allégué que les Croates de Bosnie et les Serbes de Bosnie ont coopéré jusqu’à fin 1993, alors la responsabilité pénale alléguée des Accusés est plus lourde. La Chambre reconnaît toutefois que la modification apporte des précisions importantes au paragraphe 27 de l’Acte d’accusation.

45. La modification proposée du paragraphe 27 de l’Acte d’accusation ne constitue pas une nouvelle accusation, contrairement aux affirmations de la Défense, mais précise considérablement les allégations factuelles énoncées dans l’Acte d’accusation, qu’il convient – comme tient à le rappeler la Chambre – de lire dans son ensemble.

46. Le paragraphe 37 du projet d’Acte d’accusation modifié énonce ce qui suit, les modifications proposées par l’Accusation figurant en caractères gras :

37. Début juillet, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont, avec le soutien (et la participation) du Gouvernement et des forces armées de la République de Croatie, lancé une campagne de grande envergure visant à attaquer, arrêter et chasser les Musulmans de Bosnie des secteurs appartenant selon eux à la Herceg-Bosna (dont les municipalités de Mostar, Prozor, Stolac, Capljina et Ljubuski). De juin à septembre 1993, les forces de la Herceg-Bosna/du HVO ont systématiquement arrêté, maltraité et chassé de leurs foyers des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants et de personnes âgées musulmans de Bosnie et les ont placés en détention et/ou transférés vers d’autres régions ou expulsés vers d’autres pays. Parallèlement, les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont entrepris jusqu’à la fin de 1993 de transférer des (ou de provoquer le transfert de) milliers de Croates de Bosnie provenant d’autres régions de la Bosnie-Herzégovine, et notamment de Bosnie centrale, vers l’ouest de l’Herzégovine.

47. La modification proposée du paragraphe 37 de l’Acte d’accusation précise les allégations factuelles figurant dans la phrase précédente. Elle constitue une allégation factuelle qui ne peut à elle seule fonder une déclaration de culpabilité des Accusés. La modification proposée, par laquelle l’Accusation soutient que parallèlement au transfert notamment de dizaines de milliers de Musulmans de Bosnie, des dizaines de milliers de Croates de Bosnie provenant d’autres régions de la Bosnie-Herzégovine étaient transférés notamment vers l’ouest de l’Herzégovine, vient étayer l’allégation selon laquelle les autorités de la Herceg-Bosna/du HVO ont détenu ou transféré des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants et de personnes âgées musulmans de Bosnie.

48. La modification proposée du paragraphe 37 de l’Acte d’accusation ne constitue pas une nouvelle accusation, contrairement aux affirmations de la Défense, mais apporte des précisions sur les allégations factuelles énoncées dans l’Acte d’accusation.

49. La Défense avance en outre que « [s]i la Chambre estime que les assertions figurant aux paragraphes 27 et 37 du projet d’Acte d’accusation modifié ne constituent pas de nouvelles accusations, la Défense demande que l’Accusation les supprime, dès lors qu’elles constituent des conjectures sans fondement ni justification, préjudiciables aux Accusés »49.

50. S’agissant des modifications proposées des paragraphes 27 et 37 de l’Acte d’accusation, la Chambre constate que les allégations qui y sont faites, par exemple la référence à une entrevue entre Mate Boban et Radovan Karadžic le 6 mai 1992 à Graz et le transfert (ou le fait de provoquer le transfert) de milliers de Croates de Bosnie provenant d’autres régions de la Bosnie-Herzégovine sont étayées par des pièces communiquées uniquement à la Chambre (pièces confidentielles et ex parte jointes à l’appui de la Demande). La Chambre est convaincue que l’Accusation ne se livre pas à des « conjectures sans fondement ni justification », comme l’a prétendu la Défense.

51. La Chambre rejette les objections de la Défense et juge que les modifications proposées des paragraphes 27 et 37 de l’Acte d’accusation précisent les allégations factuelles énoncées dans l’Acte d’accusation et ne causent aucun préjudice aux Accusés.

52. La Chambre autorise l’Accusation à apporter, dans l’Acte d’accusation, les modifications proposées des paragraphes 18 à 217 énoncées ci-dessus.

e) Modification des paragraphes 218 à 226 (section relative à la responsabilité pénale)

16. L’Accusation déclare qu’« au vu de l’évolution et des contributions de la jurisprudence du Tribunal, elle a révisé les paragraphes 218 à 226 de l’Acte d’accusation et propose des modifications afin d’expliciter les différentes formes et facettes de l’entreprise criminelle commune, de la coaction et de la perpétration indirecte »50.

19. Selon l’Accusation, une grande partie du texte figurant aux paragraphes 218 à 226 proposés se trouvait déjà dans la version initiale de ces paragraphes et les modifications proposées sont dans l’intérêt de la justice et ne causent aucun préjudice à la Défense51.

53. La Défense de Petkovic s’oppose aux modifications des paragraphes 218 à 220 dans le projet d’Acte d’accusation modifié, au motif qu’elles « changent fondamentalement la base de l’Acte d’accusation pour ce qui est de la responsabilité pénale des accusés en vertu de l’article 7 1) du Statut ». Le Conseil de Petkovic fait également objection à la modification du paragraphe 221, lequel élargit « le champ de la responsabilité pénale de chaque accusé », et des paragraphes 218-225, dès lors que ceux-ci introduisent la perpétration indirecte comme nouveau mode d’engagement de la responsabilité »52.

54. D’emblée, les modifications du paragraphe 218 du projet d’Acte d’accusation modifié apparaissent importantes. Le paragraphe 218 actuel de l’Acte d’accusation énonce ce qui suit :

218. Les crimes reprochés dans le présent Acte d’accusation s’inscrivaient dans le cadre de l’entreprise criminelle commune décrite aux paragraphes 15, 16 et 17, et ont été commis au cours de celle-ci, ou étaient la conséquence raisonnable et prévisible de sa mise en œuvre ou d’une tentative de la mettre en œuvre. L’entreprise criminelle commune existait lorsque les crimes reprochés dans le présent Acte d’accusation ont été commis et lorsque chacun des accusés, par son comportement, a pris part à sa réalisation.

Le paragraphe 218 du projet d’Acte d’accusation modifié est deux fois plus long et allègue que les Accusés ont planifié, incité à commettre, ordonné ou commis les crimes reprochés dans le présent Acte d’accusation en vertu de l’article 7 1) du Statut. Dans la suite du paragraphe, l’Accusation expose en détail toutes les conditions possibles de fait et de droit de la mise en jeu de la responsabilité pénale conformément à l’article 7 1) du Statut. Dans la dernière phrase de ce nouveau paragraphe, il est allégué que les Accusés ont agi avec l’état d’esprit requis et avec « la conscience commune de la forte probabilité que des crimes seraient commis en conséquence directe de la poursuite de l’objectif commun ».

55. Le paragraphe 218 du projet d’Acte d’accusation modifié allègue une responsabilité pénale au sens de l’article 7 1) du Statut et exclut, à ce stade, la responsabilité pénale au sens de la théorie de la responsabilité pénale commune. L’examen des paragraphes suivants montre que l’Accusation a modifié l’ordre des allégations concernant la responsabilité pénale des Accusés au sens de l’article 7 1) du Statut. Les paragraphes  218-220 du projet d’Acte d’accusation modifié allèguent la responsabilité pénale des Accusés au sens de l’article 7 1) du Statut, tandis que les paragraphes 221- 227 du projet d’Acte d’accusation modifié invoquent la responsabilité pénale des Accusés au sens de l’article 7 1) du Statut mais plus précisément sous l’angle de la théorie de l’entreprise criminelle commune.

56. Le paragraphe 219 allègue que les Accusés et d’autres auteurs ou acteurs impliqués dans les crimes reprochés ont agi avec la connaissance et l’état d’esprit requis pour la perpétration de chacun des crimes reprochés dans le présent Acte d’accusation. Le paragraphe 219 du projet d’Acte d’accusation modifié reformule cette allégation dans des termes différents.

57. L’actuel paragraphe 220 de l’Acte d’accusation indique qu’« [e]n vertu de l’article 7 1) du Statut, chacun des accusés est pénalement responsable des crimes reprochés dans le présent Acte d’accusation qu’il a planifiés, incité à commettre, ordonnés ou commis, ou qu’il a aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter. Dans le cadre de sa responsabilité, chaque accusé est également mis en cause en tant que coauteur et/ou auteur indirect ». Ce paragraphe est considérablement modifié et énonce à présent qu’outre les présents chefs d’accusation ou à titre subsidiaire, les Accusés sont mis en cause et responsables pénalement pour chaque crime qu’ils ont aidé ou encouragé à commettre, et qu’ils étaient animés de l’intention requise 53. Cette modification cadre avec la réorganisation des paragraphes évoquée au paragraphe 51 de la présente décision.

58. Les paragraphes 221-223 de l’Acte d’accusation sont modifiés afin de refléter l’état actuel de la jurisprudence du Tribunal sur la théorie de l’entreprise criminelle commune –forme 1. De même, les paragraphes 224-225 de l’Acte d’accusation, lesquels allèguent encore que la responsabilité des Accusés est engagée du fait de leur participation à des systèmes de mauvais traitements, ainsi que le paragraphe 226 de l’Acte d’accusation, lequel énonce encore que, en outre ou à titre subsidiaire, les Accusés sont responsables d’avoir aidé et encouragé ces systèmes de mauvais traitements, sont également modifiés afin de refléter l’état actuel de la jurisprudence sur l’entreprise criminelle commune – forme 2. Contrairement à ce qu’affirme la Défense de Petkovic, les modifications n’introduisent pas un nouveau mode d’engagement de la responsabilité, à savoir la perpétration indirecte, et le nombre des accusations portées dans ces paragraphes n’est pas augmenté. L’actuel paragraphe 220 de l’Acte d’accusation allègue déjà que « Dans le cadre de sa responsabilité, chaque accusé est également mis en cause en tant que coauteur et/ou auteur indirect ». Ensuite, la Chambre relève que l’Accusation cherche à préciser les conditions préalables de fait et de droit de la mise en jeu de la responsabilité pénale selon la théorie de l’entreprise criminelle commune – forme 2.

59. Le paragraphe 227 de l’Acte d’accusation allègue que les Accusés sont responsables de toutes les conséquence naturelles et prévisibles de l’entreprise criminelle commune (entreprise criminelle commune – forme 3)54. Les modifications proposées sont conformes à la jurisprudence du Tribunal sur cette question.

60. La Chambre estime que les modifications proposées par l’Accusation dans les paragraphes susmentionnés ne constituent pas de nouvelles accusations mais apportent seulement des éclaircissements sur les éléments de fait ou de droit requis afin de mettre en jeu la responsabilité légale prévue à l’article 7 1) du Statut. En outre, la Chambre relève que les détails ajoutés aux paragraphes 118-227 du projet d’Acte d’accusation modifié sont en faveur des Accusés qui sont ainsi mieux informés du dossier de l’Accusation.

61. La Chambre est convaincue que les modifications proposées précisent les allégations de droit et de fait énoncées dans l’Acte d’accusation et ne causent aucun préjudice aux Accusés.

62. La Chambre autorise l’Accusation à apporter, dans l’Acte d’accusation, les modifications proposées énoncées ci-dessus.

63. En résumé, la Chambre juge que toutes les modifications proposées par l’Accusation sont acceptables et ne portent pas injustement atteinte au droit des Accusés à un procès équitable. En conséquence, la requête de la Défense de Petkovic aux fins d’obtenir un délai supplémentaire (18 mois) pour préparer la défense si l’Accusation est autorisée à modifier l’Acte d’accusation est rejetée.

64. La Chambre va maintenant procéder à l’examen des griefs de la Défense sur la forme du projet d’Acte d’accusation modifié.

La forme du projet d’acte d’accusation modifié

65. La Défense affirme que l’acte d’accusation modifié proposé par l’Accusation n’est pas conforme à la Décision du 22 juillet 2005 parce que :

a) l’Accusation n’a modifié le paragraphe 17 de l’acte d’accusation que superficiellement et elle n’a pas respecté ce qu’a ordonné la Chambre au sujet du paragraphe 39 puisqu’elle ne précise pas davantage le rôle exact qu’aurait joué chaque Accusé55  ;

b) l’Accusation n’a pas fourni de tableau de la structure militaire ou gouvernementale qui a participé à la commission des crimes sous-jacents, détaillé par municipalité ou par centre de détention56 ;

c) les données personnelles correctes des Accusés n’ont pas été fournies comme l’a ordonné la Chambre57 ;

d) le projet d’acte d’accusation modifié « n’informe pas clairement les Accusés ou ne précise pas le rôle ou la conduite exacts qu’on leur reproche et qu’ils devront justifier58 ;

e) les modifications « contribuent en outre à l’imprécision de l’acte d’accusation 59 ».

66. S’agissant des griefs de la Défense, selon lesquels le paragraphe 17 de l’acte d’accusation n’a été que superficiellement modifié et que le paragraphe 39 ne l’a pas été conformément à ce qu’a ordonné la Chambre dans sa Décision du 22 juillet 2005, celle-ci rappelle que la Décision se lit comme suit :

27. La Chambre n’est pas entièrement convaincue que les paragraphes, qui selon l’Accusation exposent le rôle des Accusés dans les faits allégués, soient suffisamment précis à cet égard. C’est tout particulièrement le cas des paragraphes 17 et 39 qui, de l’avis de la Chambre, ne permettent pas à la Défense de bien se préparer. Comme cela est indiqué plus haut, le paragraphe 17 de l’acte d’accusation est bien trop vague car il y est écrit que les Accusés ont participé à l’ECC « d’une ou plusieurs des façons suivantes » sans relier une ou plusieurs façons à un accusé bien précis. Chaque Accusé devrait pouvoir savoir, à la lecture de l’acte d’accusation, quelle conduite exacte ou quelle participation on lui reproche. Le paragraphe 39 indique que les actes énumérés ont été commis par tous les Accusés et, de ce point de vue, il est clair. Ce qui n'est toutefois pas clair, c'est le rôle ou la conduite de chaque Accusé en ce qui concerne les crimes reprochés.

67. La Chambre a examiné avec attention les modifications apportées par l’Accusation au paragraphe 17 de l’acte d’accusation et elle considère qu’on ne peut pas dire qu’il n’a été que superficiellement modifié. Elle est convaincue que les alinéas ajoutés (du 17.1 au 17.6) permettent à chaque Accusé d’être suffisamment informé quant au rôle ou à la conduite qui lui sont reprochés dans l’entreprise criminelle commune alléguée. L’Accusation a donc respecté les termes de la Décision du 22 juillet 2005 concernant le paragraphe 17 de l’acte d’accusation.

68. S’agissant du paragraphe 39 de l’acte d’accusation, la Décision du 22 juillet 2005 signale que « [l]e paragraphe 39 indique que les actes énumérés ont été commis par tous les Accusés et, de ce point de vue, il est clair. » L’Accusation ne devait donc pas modifier ce paragraphe. La Défense a peut-être supposé que l’Accusation devait modifier ce paragraphe parce qu’elle a mal interprété le paragraphe 27 de la Décision du 22 juillet 2005.

69. Les oppositions de la Défense concernant les paragraphes 17 et 39 du projet d’acte d’accusation modifié sont rejetées.

70. S’agissant des griefs de la Défense selon lesquels l’Accusation n’a pas fourni de tableau de la structure militaire ou gouvernementale qui a participé à la commission des crimes sous-jacents, détaillé par municipalité ou par centre de détention, la Décision du 22 juillet 2005 indiquait à l’Accusation ce qui suit :

47. […] la Chambre considère qu’un tableau de la structure militaire ou gouvernementale qui a participé à la commission des crimes sous-jacents, détaillé par municipalité ou par centre de détention, pourrait aider la Défense à se préparer avec plus d’efficacité. Il n’est cependant pas nécessaire que ce tableau soit joint à l’acte d’accusation et il peut donc être remis à la Défense sous forme d’un document séparé.

71. La Défense a apparemment mal compris la Décision qui donnait instruction à l’Accusation de déposer ce tableau sous forme d’un document séparé. La Décision n’indique pas si ce dépôt séparé doit se faire au moment même de la présentation du projet d’acte d’accusation modifié. La supposition de la Défense n’est pas correcte. Toutefois, la Chambre rappelle à l’Accusation que ce dépôt doit se faire avant celui du mémoire préalable pour que la Défense puisse se préparer de manière efficace.

72. Les oppositions de la Défense concernant le dépôt d’un tableau avec le projet d’acte d’accusation modifié sont rejetées.

73. S’agissant des griefs exprimés par la Défense selon lesquels les données personnelles et les fonctions des Accusés, y compris les périodes exactes auxquelles elles ont été exercées, devraient être précisées ou corrigées dans l’acte d’accusation, la Décision du 22 juillet 2005 indique que :

15. La Chambre admet que les données personnelles et les fonctions des Accusés doivent être exposées le plus exactement possible dans l’acte d’accusation. L’Accusation est priée d’apporter les modifications nécessaires à celui-ci, avec l’aide de la Défense, afin de corriger les détails concernant les données personnelles des Accusés. S’agissant de leurs fonctions officielles, y compris des périodes auxquelles elles ont été exercées, il faudra répondre à ces questions au procès, puisqu’elles concernent le commandement ou les pouvoirs qu’auraient exercés les Accusés et que ce sont des points à établir à ce moment-là.

74. La Défense de Bruno Stojic se plaint que, même si l’Accusation a ajouté que « le général Bobetko l’avait nommé responsable par intérim du soutien logistique au centre de commandement avancé de Grude », elle a omis de signaler que l’accusé Bruno Stojic y « avait été nommé en tant que civil et qu’il n’était pas considéré comme militaire pendant la période en question60  ». La Défense de Slobodan Praljak affirme que certaines données personnelles de son client sont encore erronées, telles que sa date de naissance, son pseudonyme, différents éléments de son curriculum vitae et ses fonctions au moment des faits 61. La Défense de Jadranko Prlic soutient quant à elle, que certaines données personnelles de son client sont encore erronées mais sans en donner d’exemple62.

75. La Chambre rappelle que les fonctions officielles des Accusés, y compris les périodes auxquelles elles ont été exercées, sont des questions auxquelles il faudra répondre au procès. Le caractère civil des fonctions exercées par Bruno Stojic ou Slobodan Praljak au moment des faits sera donc à établir au procès. S’agissant des erreurs concernant les données personnelles qui se sont glissées dans l’acte d’accusation, telles que la date de naissance ou le surnom de Slobodan Praljak, la Chambre a donné instruction à l’Accusation de les corriger avec l’aide de la Défense. Même si on peut constater que l’Accusation aurait pu consulter la Défense à ce sujet, cette dernière semble avoir supposé que l’aide ne pouvait pas être proposée spontanément.

76. La Chambre a chargé la Défense de donner à l’Accusation les données personnelles des accusés Slobodan Praljak et Jadranko Prlic ainsi que celles des autres accusés au sujet desquelles il y aurait des erreurs, afin d’inclure les données exactes dans le projet d’acte d’accusation modifié.

77. La Défense se plaint que le projet d’acte d’accusation modifié « n’informe pas clairement les Accusés ou ne précise pas le rôle ou la conduite exacts qu’on leur reproche et qu’ils devront justifier » puisque « les Accusés doivent déchiffrer le texte afin de savoir si des actes ou des comportements présentés ou allégués dans l’“Exposé des faits”font partie intégrale ou non des crimes pour lesquels ils sont mis en cause au chapitre “Chefs 1 à 26” »63.

78. Les paragraphes 62 à 64 de la Décision du 22 juillet 2005 contiennent déjà une réponse à ce grief, même si elle est formulée de manière différente, et il est rappelé que l’acte d’accusation doit être lu comme un tout.

79. Pour terminer, la Défense se plaint que les modifications apportées au projet d’acte d’accusation modifié « contribuent en outre à l’imprécision de l’acte d’accusation 64 ».

80. La Chambre rejette cette affirmation ; elle constate au contraire que les modifications apportées par l’Accusation clarifient la base juridique et factuelle de l’acte d’accusation, qui est déjà très détaillé et, partant, informe mieux la Défense des moyens à charge. C’est notamment le cas des paragraphes 218 à 227 du projet d’acte d’accusation modifié, qui informent mieux les Accusés des éléments juridiques que l’Accusation devra démontrer pour invoquer la responsabilité pénale en vertu de l’article 7 1 ) du Statut.

PAR CES MOTIFS, en application des articles 50 et 72 du Règlement de procédure et de preuve,

ACCUEILLE la Demande,

ORDONNE à la Défense d’aider l’Accusation et de lui fournir les données personnelles pertinentes des Accusés,

REJETTE toutes les autres oppositions de la Défense concernant la forme du projet d’acte d’accusation modifié.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 18 octobre 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance I
______________
Liu Daqun

[Sceau du Tribunal]


1 - Acte d’accusation déposé le 3 mars 2004 (l’« Acte d’accusation »)
2 - Preliminary Motion to Dismiss the Defective Indictment Against Jadranko Prlic Pursuant to Rule 72(A)(ii), 15 décembre 2004 ; Bruno Stojic’s Preliminary Motion on the Defects in the Form of the Indictment, 15 décembre 2004 ; The Accused Slobodan Praljak’s Motion to Strike the Indictment for Vagueness or to Provide Particulars, 15 décembre 2004 ; The Accused Milivoj Petkovic’s Preliminary Motion on the Form of the Indictment, 15 décembre 2004 ; The Accused Valentin Coric’s Motion on the Form of the Indictment, 15 décembre 2004 ; Berislav Pusic’s Preliminary Motion on the Flaw in the Form of the Indictment Rule 72a(ii), 14 décembre 2004.
3 - Submission Concerning the Trial Chamber’s Order Dated 22 July 2005 and Motion for Extension of Time, 4 août 2005.
4 - Prlic’s response to Prosecution’s submission of proposed amended indictment and application for leave to amend, 19 septembre 2005 (la « Réponse Prlic ») ; Stojic’s opposition to Prosecutor’s submission of proposed amended indictment and application for leave to amend, 19 septembre 2005 (la « Réponse Stojic ») ; Praljak’s response to Prosecution’s submission of proposed amended indictment and application for leave to amend, 19 septembre 2005 (la « Réponse Praljak ») ; Petkovic’s response to Prosecution’s submission of proposed amended indictment and application for leave to amend, 19 septembre 2005 (la « Réponse Petkovic ») ; Coric’s notice of joinder to Petkovic’s response to Prosecution’s submission of proposed amended indictment and application for leave to amend, 19 septembre 2005 ; Confidential motion on behalf of Berislav Pusic to join the response of Petkovic to the Prosecution’s submission of proposed amended indictment and application for leave to amend, 20 septembre 2005.
5 - Voir Supplément, par. 9 à 17, et 19. La Défense de Petkovic avançait, entre autres, que « la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation initial ne présentait aucune raison tangible ou motif justifiant les modifications proposées » (par. 10), que « l’Accusation ne distinguait pas clairement les modifications ou changements pouvant être considérés comme des ‘précisions’ de ceux qui constituaient de nouvelles accusations » (par. 12), que les modifications proposées aux paragraphes 16.1, 27, 37, 60, 150, 151, 153, 159, et 218 à 225, constituaient de nouvelles accusations (par. 14).
6 - Supplément, par. 18.
7 - A)
i) Le Procureur peut modifier l’acte d’accusation : […] c) après l’affectation de l’affaire à une Chambre de première instance, sur autorisation de la Chambre ou de l’un de ses membres statuant contradictoirement.
ii) Indépendamment de tout autre facteur entrant en ligne de compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire, l’autorisation de modifier un acte d’accusation ne sera accordée que si la Chambre de première instance ou le juge saisi est convaincu qu’il existe à l’appui de la modification proposée des éléments de preuve répondant au critère défini à l’article 19, paragraphe 1), du Statut.
iii) Il n’est pas nécessaire de confirmer à nouveau l’acte d’accusation dont la modification a été autorisée.
iv) Les articles 47 G) et 53 bis s’appliquent, mutatis mutandis, à l’acte d’accusation modifié.
B) Si l’acte d’accusation modifié contient de nouveaux chefs d’accusation et si l’accusé a déjà comparu devant un juge ou une Chambre de première instance conformément à l’article 62, une seconde comparution aura lieu dès que possible pour permettre à l’accusé de plaider coupable ou non coupable pour les nouveaux chefs d’accusation.
C) L’accusé disposera d’un nouveau délai de trente jours pour soulever, en vertu de l’article 72, des exceptions préjudicielles pour les nouveaux chefs d’accusation et, si nécessaire, la date du procès peut être repoussée pour donner à la défense suffisamment de temps pour se préparer.
8 - Demande, par. 7. (les notes de bas de page ne sont pas reproduites)
9 - Réponse Praljak, par. 12 à 19, Réponse Prlic, par. 9 à 16, Réponse Stojic, par. 14 à 17, Réponse Petkovic, par. 27. Le Conseil de Petkovic affirme en particulier que les paragraphes 16, 27, 37, 60, 150, 151, 153, 159, et 218 à 225 du projet d’acte d’accusation modifié comportent de nouvelles accusations.
10 - Réponse de Praljak, par. 18 et 19, Réponse Prlic, par. 10 à 16, et Réponse Stojic, par. 18. La Chambre rappelle qu’à la Demande étaient jointes des pièces justificatives déposées à titre confidentiel et ex parte qui n’ont, à ce stade de la procédure, pas été communiquées à la Défense.
11 - Le procureur c/ Sefer Halilovic, affaire n° IT-01-48-PT, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation de modifier l’acte d’accusation, 17 décembre 2004, par. 30.
12 - Ibidem, par. 35.
13 - Le Procureur c/ Krstic, affaire n° IT-98-33-PT, Acte d’accusation modifié, 27 octobre 1999.
14 - Le Procureur c/ Naletilic et Martinovic (l’« affaire Naletilic »), affaire n° IT-98-34-PT, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de modification du chef 5 de l’acte d’accusation, 28 novembre 2000.
15 - Le Procureur c/ Musema, affaire n° ICTR-96-13-T, Décision sur la requête du Procureur pour autorisation de modifier l’acte d’accusation, 18 novembre 1998.
16 - Le Procureur c/ Niyitegeka, affaire n° ICTR-96-14-I, Décision relative à la requête du Procureur en modification d’un acte d’accusation, 21 juin 2000.
17 - Réponse Petkovic, titre B), par. 19.
18 - Voir affaire Naletilic.
19 - Voir, par exemple, Le Procureur c/ Musema, affaire n° ICTR096-13-T, Décision sur la requête en modification de l’acte d’accusation, 6 mai 1999. Le Procureur c/ Kabiligi et Ntabakuze, affaire n° ICTR-97-34-I/ICTR-97-30-I, Décision relative à la requête du Procureur en modification de l’acte d’accusation, 8 octobre 1999.
20 - Le Procureur c/ Kovacevic, affaire n° IT-97-24-PT, Arrêt motivant l’ordonnance rendue le 29 mai 1998 par la Chambre d’appel, 2 juillet 1998.
21 - Demande, par. 7 (les notes en bas de page n’ont pas été reproduites).
22 - Demande, par. 6.
23 - Demande, par. 18.
24 - Réponse Petkovic, titre B), par. 19.
25 - Réponse Petkovic, par. 14 à 18.
26 - Réponse Petkovic, par. 32.
27 - Réponse Petkovic, par. 32.
28 - Le Procureur c/ Kovacevic, affaire n° IT-97-24-AR73, Arrêt motivant l’ordonnance rendue le 29 mai 1998 par la Chambre d’appel, 2 juillet 1998, par. 31.
29 - Décision du 22 juillet 2005, dispositif.
30 - Demande, par. 8. L’Accusation soutient que « cette modification vise à aligner le paragraphe 60 sur le paragraphe 229, qui énonce tous les chefs d’accusation et renvoie aux paragraphes contenant les allégations formulées en rapport avec ces chefs. Une référence au paragraphe 57 figure au paragraphe 229 (sous les chefs 12, 13 et 14) », Demande, note de bas de page n° 7.
31 - Demande, par. 9.
32 - Demande, par. 10.
33 - Réponse Petkovic, par. 31.
34 - Projet d’annexe confidentielle modifiée, se référant aux paragraphes 66, 130 (2 fois), 138, 139 et 177.
35 - Demande, par. 11. Un aperçu de ces modifications est donné dans une annexe confidentielle à la Demande.
36 - Dans le projet d’acte d’accusation modifié, au paragraphe 130, le nombre des victimes passe de 54 à 56 ; au paragraphe 38, de 13 à 15 ; et au paragraphe 139, de 39 à 38.
37 - Demande, par. 13 et 13.
38 - Demande, par. 14-15.
39 - Demande, par. 15.
40 - Demande, par. 15. L’Accusation explique en outre que « les modifications ne changent pas fondamentalement les rôles des accusés en tant que membres de l’entreprise criminelle commune, étant donné que tant le paragraphe 16 dans sa version initiale que les nouveaux paragraphes 16 et 16.1 proposés indiquent que chacun des accusés est membre de l’entreprise criminelle commune », Demande, par. 15.
41 - Réponse Stojic, par. 14.
42 - Réponse Petkovic, par. 30.ii.
43 - Demande, par. 14.
44 - Voir par exemple les paragraphes 27, 37, 45, 67, 114, 150, 151, 159, 160, 168, 183, 184, 188, 196 et 200 de l’Acte d’accusation, Demande, note de bas de page nº11.
45 - Demande, par. 14.
46 - Réponse Praljak, par. 12 à 19, Réponse Prlic, par. 9 à 16, Réponse Stojic, par. 14 à 17, Réponse Petkovic, par. 31.
47 - Réponse Praljak, par. 14.
48 - Réponse Stojic, par. 17.
49 - Réponse Praljak, par. 18 à 19, Réponse Prlic, par. 10-16. Voir également la Réponse Stojic, par. 18.
50 - Demande, par. 16. L’Accusation a notamment ajouté du texte à la seconde partie du paragraphe 218, prenant en compte la jurisprudence du Tribunal concernant la perpétration indirecte par l’intermédiaire de structures de pouvoir contrôlées et utilisées par les Accusés. Ici encore, l’Accusation est d’avis que cette forme de responsabilité est couverte dans la version initiale du paragraphe 222, ou du moins que c’était là son intention (par l’usage de termes tels qu’« auteur indirect »), Demande, par. 17.
51 - Demande, par. 16-19.
52 - Réponse Petkovic, par. 30.
53 - Le paragraphe 220 modifié proposé affirme qu’« Outre les chefs d’accusation existants, ou à titre subsidiaire, chacun des accusés est mis en cause et pénalement responsable, au sens de l’article 7 1) du Statut, des crimes reprochés qu’il a planifié, incité à commettre, ordonné ou commis, ou qu’il a aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter. Chaque accusé a agi en sachant que les actes accomplis ou omis faciliteraient la commission du crime ou en ayant conscience de la forte probabilité que ses actes faciliteraient la commission du crime. En aidant et encourageant de tels crimes, chaque accusé a agi avec l’état d’esprit et l’intention requis et les autres auteurs, y compris ceux qui ont physiquement commis le crime, ont également agi avec l’état d’esprit requis ou partagé celui-ci dans la mesure nécessaire ».
54 - Ce paragraphe indique à présent que « En outre, ou à titre subsidiaire, tout crime reproché dans le présent acte d’accusation qui ne faisait pas partie de l’objectif de l’entreprise criminelle commune ou n’était pas une partie voulue de celle-ci, était la conséquence naturelle et prévisible de l’entreprise criminelle commune et de sa mise en oeuvre ou d’une tentative de la mettre en œuvre, et chaque accusé avait conscience du risque d’un tel crime ou des conséquences [possibles : supprimé] et, malgré cela, a en toute connaissance de cause pris ce risque en s’associant à l’entreprise et/ou en continuant d’y participer [s’est associé à l’entreprise et a continué d’y participer : supprimé], et est de ce fait responsable du crime reproché ».
55 - Réponse Petkovic, par. 7 à 12, Réponse Praljak, par. 7 à 11, Réponse Prlic, par. 4 à 8, Réponse Stojic, par. 12.
56 - Réponse Petkovic, par. 7 et 12, Réponse Praljak, par. 6, Réponse Prlic, par. 3, Réponse Stojic, par. 11.
57 - Réponse Praljak, par. 5, Réponse Prlic, par. 2, Réponse Stojic, par. 10.
58 - Réponse Praljak, par. 16, Réponse Stojic, par. 13.
59 - Réponse Petkovic, par. 32.
60 - Réponse Stojic, par. 10.
61 - Réponse Praljak, par. 5 et note de bas de page 11.
62 - Réponse Prlic, par. 2.
63 - Réponse Praljak, par. 16, voir aussi Réponse Stojic, par. 13.
64 - Réponse Petkovic, par. 32.