IT-04-74-PT |
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II
Composée comme suit : |
M. le Juge Jean-Claude Antonetti, Président |
Assistée de : |
M. Hans Holthuis, Greffier |
Décision rendue le : |
28 avril 2006 |
LE PROCUREUR c/ JADRANKO PRLIC |
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VERSION RÉVISÉE DE LA DÉCISION PORTANT ADOPTION DE LIGNES DIRECTRICES RELATIVES À LA CONDUITE DU PROCÈS |
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Le Bureau du Procureur : M. Kenneth Scott |
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Les Conseils de l’Accusé : M. Michael Karnavas et Mme Suzana Tomanović pour Jadranko Prlić |
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),
VU la Décision portant adoption de lignes directrices relatives à la conduite du procès, rendue par la Chambre de première instance le 26 avril 2006 (la « Décision »),
ATTENDU qu’il est nécessaire de préciser les dispositions de la Décision concernant les lignes directrices régissant l’admissibilité des dossiers, et l’obligation faite à l’Accusation de produire des tableaux des témoins et des pièces à conviction,
EN APPLICATION de l’article 54 du Règlement de procédure et de preuve,
REND la présente version révisée de la Décision.
1. LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »), entendra l’affaire Le Procureur c/ Jadranko Prlić, Bruno Stojić, Slobodan Praljak, Milivoj Petković, Valentin Ćorić et Berislav Pušić en première instance à partir du 26 avril 2006. Conformément aux dispositions du Statut et du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), il incombe à la Chambre de veiller à ce que le procès soit équitable et rapide, les droits des Accusés étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée. En outre, l’article 73 bis du Règlement habilite la Chambre, lors de la conférence préalable au procès, a) à déterminer le nombre de témoins que le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») peut citer, b) à déterminer la durée de présentation des moyens de preuve à charge, et c) à fixer le nombre de lieux des crimes ou des faits incriminés dans un ou plusieurs chefs d’accusation pour lesquels le Procureur peut présenter des moyens de preuve. La Chambre prend également note du Projet de lignes directrices destinées à régir l’admissibilité des éléments de preuve et garantir un fonctionnement efficace de la conduite du procès, établi par le juge de la mise en état le 1er mars 2006, et des observations des parties qui s’y rapportaient-1-.
2. Compte tenu de ces considérations, et estimant qu’il serait déraisonnable que le procès dure plus de trois ans, la Chambre estime qu’il convient qu’elle indique de quelle manière elle envisage la conduite du procès. Les présentes lignes directrices sont susceptibles d’être modifiées ultérieurement par la Chambre pendant le procès, et des points seront ajoutés pour la présentation des moyens de preuve à décharge, après la présentation principale des moyens à charge.
3. La durée prévue pour la présentation des moyens à charge a fait l’objet de discussions lors de différentes conférences de mise en état tenues avant le procès. Après le dépôt du Mémoire de l’Accusation préalable au procès et des pièces à conviction, en application de l’article 65 ter du Règlement, le juge de la mise en état a fait savoir que le nombre de témoins proposés et la durée prévue de leur interrogatoire étaient excessifs et, partant, inacceptables, et l’Accusation a été priée de revoir ses propositions. Par la suite, lors d’une conférence de mise en état tenue le 12 avril 2006, l’Accusation a indiqué qu’elle pourrait réduire sa liste de témoins, mais sans spécifier dans quelle proportion, ni quels témoins elle proposait de retirer de la liste. L’Accusation a en outre proposé un plan pour contribuer à faire en sorte que la durée totale du procès soit raisonnable, plan que la Chambre a étudié attentivement.
4. Bien que certaines des propositions faites par l’Accusation soient intéressantes, la Chambre ne peut accepter le plan dans son ensemble sans faillir au devoir qui est le sien aux termes de l’article 20 1) du Statut. En effet, la Chambre serait dans l’impossibilité de mettre en œuvre certains aspects du plan-2-. Par conséquent, elle exercera les pouvoirs que lui confère l’article 73 bis du Règlement, non en fixant le nombre de témoins que l’Accusation peut citer à comparaître, ou en limitant la présentation des moyens à charge à des lieux et à des incidents précis décrits dans l’Acte d’accusation, comme le prévoit l’article 73 bis C) ii), mais plutôt en déterminant la durée maximale dont disposera l’Accusation pour présenter ses moyens. Il convient de noter qu’en application de l’article 73 ter E) du Règlement, la Chambre pourrait également décider, avant le début de la présentation des moyens à décharge, de limiter la durée dont disposera la Défense pour ce faire.
5. La Chambre note, par ailleurs, la discussion qui a eu lieu lors de la conférence de mise en état du 12 avril, concernant le temps dont disposera la Défense pour le contre-interrogatoire des témoins à charge. Il est toujours difficile, avant l’interrogatoire d’un témoin, de déterminer le temps qu’il convient de réserver au contre-interrogatoire. Ce temps dépend grandement des déclarations que le témoin fait à la barre et de la manière dont celles-ci affectent l’accusé. Dans une affaire telle que celle-ci, impliquant plusieurs accusés, il est particulièrement difficile de déterminer avec certitude la durée du contre-interrogatoire, étant donné que les intérêts des Accusés concernant un même témoin peuvent se recouper ou diverger. La Chambre de première instance ne fixe donc pas, pour l’instant, de durée précise à la Défense pour le contre-interrogatoire des témoins à charge. Cependant, en règle générale, la Chambre basera son calcul de ladite durée sur l’égalité entre le temps pris par l’Accusation pour l’interrogatoire principal et celui accordé à la Défense des six Accusés pris dans leur ensemble pour le contre-interrogatoire. Il est recommandé à la Défense de répartir le temps attribué globalement pour le contre-interrogatoire, selon la nature et la teneur de la déposition. Il est également rappelé à la Défense ses obligations en application de l’article 90 H) du Règlement, et la nécessité d’éviter en toutes circonstances de poser des questions répétitives ou dénuées de pertinence. La Chambre relève que l’article 90 F) du Règlement dispose qu’il incombe à la Chambre de première instance d’exercer un contrôle sur les modalités de l’interrogatoire des témoins, de manière à éviter toute perte de temps.
6. Un système de suivi de l’emploi du temps sera mis en place par le Greffe, qui sera chargé de comptabiliser le temps employé a) par l’Accusation pour l’interrogatoire principal, b) par la Défense de chaque Accusé pour le contre-interrogatoire, c) par l’Accusation pour l’interrogatoire supplémentaire, d) par les juges pour poser des questions aux témoins, et e) pour toutes les autres questions, y compris les questions de procédure. Le Greffe procèdera régulièrement, en collaboration avec la Chambre, à un décompte du temps d’audience employé, décompte qui sera communiqué périodiquement aux parties. La Chambre contrôlera constamment l’emploi du temps d’audience et, si elle le juge nécessaire, rendra des ordonnances relatives audit emploi par l’Accusation ou par la Défense.
7. Compte tenu du calendrier des audiences, qui a fait l’objet de la conférence de mise en état du 12 avril 2006, la Chambre note que le procès se déroulera sur une durée de 20 heures par semaine. Sur la base d’un maximum de 46 semaines par an, on disposera au maximum de 920 heures d’audience par an-3-. Étant donné l’opinion générale de la Chambre de première instance, selon laquelle l’ensemble du procès ne devrait pas durer plus de trois ans, il est raisonnable de demander à l’Accusation de terminer la présentation de ses moyens dans un délai d’un an. Par conséquent, en tenant compte du temps nécessaire pour le contre-interrogatoire, les questions des juges et les questions de procédure, la Chambre alloue à l’Accusation un maximum de 400 heures pour la présentation des moyens à charge (interrogatoire principal et interrogatoire supplémentaire). Ce temps n’inclut pas la présentation des éléments de preuve à charge en réplique, qui fera l’objet d’une ordonnance distincte en temps opportun. Il n’inclut pas non plus le temps employé par les juges pour poser des questions aux témoins, ni celui consacré aux questions de procédure, qui seront comptabilisés séparément, comme indiqué ci-dessus.
8. L’envergure et la nature de la présente affaire sont telles qu’un nombre considérable d’éléments de preuve, documentaires et autres, seront produits par les parties. Cependant, l’objectif de mener à bien le procès dans un délai raisonnable pourra difficilement être atteint si, alors même qu’une limite a été fixée pour la durée des dépositions, la Chambre est ensuite inondée d’éléments de preuve documentaires qu’elle devra analyser et évaluer soigneusement afin d’être à même de statuer à bon escient en l’espèce. L’Accusation et la Défense doivent par conséquent procéder à la sélection des documents et autres pièces qu’elles produiront, et la Chambre se montrera rigoureuse dans l’application de l’article 89 C) du Règlement et des conditions de pertinence et de valeur probante qui y sont énoncées.
9. En application de l’article 20 1) du Statut et des articles 54, 73 ter, 89, 90 et 92 bis du Règlement, la Chambre de première instance ADOPTE donc les lignes directrices suivantes régissant la présentation des moyens de preuve et la conduite du procès, et ORDONNE à toutes les parties de s’y conformer pendant toute la durée du procès, sous réserve d’instructions supplémentaires de sa part.
I. Emploi du temps d’audience par l’Accusation
II. Interrogatoire des témoins
II. Admission des moyens de preuve
III. Dépôt des demandes et des réponses
IV. Utilisation du système de gestion électronique des dossiers judiciaires
V. Tableau des témoins et des pièces à conviction
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Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le 28 avril 2006
La Haye (Pays-Bas)
Le Président de la Chambre de première instance
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Jean-Claude Antonetti
[Sceau du Tribunal]
1. Observations de l’Accusation concernant le projet de lignes directrices destinées à régir l’admissibilité des éléments de preuve, l’ordonnance portant mesures et fixant un calendrier du 23 février 2006, la réponse de Jadranko Prlić au sujet du droit d’un accusé ŕ interroger les témoins, et la demande de modification de l’ordonnance fixant un calendrier présentée par Jadranko Prlić, 10 mars 2006 ; Observations relatives au projet de lignes directrices destinées ŕ régir l’admissibilité des éléments de preuve et garantir un fonctionnement efficace de la conduite du procès, présentées par Slobodan Praljak, 14 mars 2006 ; Observations présentées conjointement par la Défense de Bruno Stojić et Milivoj Petković concernant le projet de lignes directrices destinées ŕ régir l’admissibilité des éléments de preuve et garantir un fonctionnement efficace de la conduite du procès rédigé par le juge de la mise en état, en date du 1er mars 2006 ; Observations de Jadranko Prlić sur le projet de lignes directrices destinées ŕ régir l’admissibilité des éléments de preuve et garantir un fonctionnement efficace de la conduite du procès, 15 mars 2006 ; Observations relatives au projet de lignes directrices destinées à régir l’admissibilité des éléments de preuve et garantir un fonctionnement efficace de la conduite du procès, présentées par Berislav Pušić, 15 mars 2006 ; The Accused Valentin Ćorić’s Notice of Joinder to Jadranko Prlić’s Submission to the Trial Chamber’s Draft Guidelines for the Admissibility of Evidence and to Ensure Efficient Conduct of the Proceedings, 16 mars 2006.
Par exemple, l’Accusation demande, dans son plan, des assurances de la Chambre de première instance sur la position qu’adoptera la Chambre d’appel en ce qui concerne le caractère suffisant des éléments de preuve. Voir compte rendu (12 avril 2006), p. 637.
Sur la base de six semaines de vacances judiciaires par an.
Cela ne modifie en rien l’obligation qu’ont les parties de déposer auprès du Greffe tous les documents et autres pièces qu’elles comptent présenter comme éléments de preuve, pour enregistrement dans le système de gestion électronique des dossiers, comme le prévoit la Directive pratique provisoire relative à l’exploitation d’un système de gestion électronique des dossiers judiciaires, IT/239 Rev. 1, 6 octobre 2005.