Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 8 mai 2006

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Le Greffier, appelez l'affaire, s'il vous

  6   plaît.

  7   M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président. Affaire numéro IT-04-74-T,

  8   le Procureur contre Prlic et consorts.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme tout le monde était ici de vendredi

 10   dernier, donc, il n'y a pas lieu de présenter les uns ou les autres sauf au

 11   nom de l'Accusation. Monsieur Mundis, pouvez-vous présenter votre collègue.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Président. Nous sommes

 13   accompagnés de M. Pieter Kruger aujourd'hui, substitut dans cette affaire.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je scrute le banc de la Défense. Tout le monde était

 15   là, donc, il n'y a pas de nouvelle.

 16   Je salue toutes les personnes présentes, je salue les accusés, les

 17   avocats, ainsi que les représentants de l'Accusation. Mais je crois que,

 18   Maître Nozica, vous allez nous présenter votre co-conseil.

 19   Mme NOZICA : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. J'aimerais

 20   simplement dire que nous sommes accompagnés de M. Peter Murphy, qui est

 21   notre co-conseil, et qui n'était pas le cas vendredi. Merci.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, aujourd'hui nous avons la poursuite de

 23   nos travaux par la venue d'un témoin. Je sais que l'Accusation va prendre

 24   la parole tout à l'heure, mais, avant de lui donner la parole, je vais

 25   rendre deux décisions orales concernant les modalités de nos travaux.

 26   Première décision orale, elle est relative à la communication des pièces de

 27   la Défense lors du contre-interrogatoire. Les Juges ont décidé que la

 28   Défense communiquera à l'Accusation les documents qu'elle entend verser


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  1   juste avant le début du contre-interrogatoire. En revanche, seront

  2   communiquées au Greffier 24 heures avant conformément à la directive les

  3   documents pour l'enregistrement sur le système e-court.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : La précision est apportée. C'est que ces documents

  6   seront donc communiqués avant le début du contre-interrogatoire, mais

  7   également après la fin de l'interrogatoire principal, c'est-à-dire que, si

  8   l'interrogatoire principal se termine à 15 heures, donc, à 15 heures une

  9   seconde, la Défense communiquera les documents et si l'interrogatoire

 10   principal se termine à 19 heures, la Défense communiquera à 19 heures une

 11   seconde les documents. Le contre-interrogatoire recommencera le lendemain.

 12   Voilà.

 13   Donc, cela, c'est la première décision.

 14   Maintenant, deuxième décision orale, cela concerne les modalités

 15   d'intervention des avocats lors du contre-interrogatoire. Nous avons eu un

 16   exemple la semaine dernière, où pris par le temps, quelques avocats n'ont

 17   pu utilement poser des questions que ces avocats souhaitaient poser.

 18   Dans la mesure où nous constatons qu'à défaut d'accord entre les

 19   avocats, il convient de répartir le temps selon la règle de l'un sixième,

 20   c'est-à-dire que chaque avocat aura par rapport au temps du Procureur un

 21   sixième du temps, sauf dans l'hypothèse où les avocats sont s'entendent

 22   entre eux pour que l'un parle et pose une question aux noms des autres.

 23   Dans cette hypothèse, chaque avocat interviendra pour un sixième du temps,

 24   ce qui fait que, d'après les calculs que j'ai effectués, si l'Accusation

 25   prend deux heures pour son interrogatoire principal, chaque avocat aura 20

 26   minutes. Si l'Accusation prend trois heures, chaque avocat aura 30 minutes.

 27   Si l'Accusation prend quatre heures, c'est ce qui est prévu pour le témoin

 28   aujourd'hui, puisqu'il était prévu quatre heures, à ce moment-là, chaque

 


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  1   avocat aura 40 minutes.

  2   Par ailleurs, afin de ne pas léser les avocats entre eux, à chaque

  3   fois, nous ferons une intervention sur l'ordre des avocats. La dernière

  4   fois, c'est Me Karnavas qui commençait le contre-interrogatoire.

  5   Aujourd'hui, ce sera, dans le cadre de ce témoin, Me Nozica qui commencera;

  6   ensuite, Me Kovacic; et cetera, et la fois d'après, on commencera par Me

  7   Kovacic et ainsi de suite. Donc, à tour de rôle, vous interviendrez pour ne

  8   pas que ce soit toujours les mêmes qui posent les questions les plus

  9   importantes et les avocats du fond n'intervenant qu'une fois. Donc, vous

 10   aurez tour à tour l'occasion d'être, comme on dit dans les milieux de

 11   course, en telle position pour poser les questions.

 12   Voilà, donc, les modalités que nous avons déterminées. Je sais que M.

 13   Mundis veut intervenir au sujet de la semaine prochaine.

 14   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pour faire

 15   cela, je vous demande si cela est possible de passer à huis clos partiel

 16   pendant quelques instants, s'il vous plaît.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvons-nous passer à huis

 18   clos partiel ?

 19   M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience publique. Maître Kovacic,

 27   vous avez la parole.

 28   M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, très rapidement, pour ce

 


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  1   qui est de cette décision en vertu de laquelle, nous avons l'obligation de

  2   communiquer des documents que nous avons préparés pour noter contre-

  3   interrogatoire. Dès la fin de l'interrogatoire principal, pour ce qui est

  4   de cette décision - pardonnez-moi, si je ne me conforme pas à cette

  5   obligation aujourd'hui, car je ne m'y attendais pas. Je n'ai pas beaucoup

  6   d'assistants en grand nombre. Ils sont occupés à d'autres affaires et je ne

  7   suis pas en mesure de me conformer à votre décision aujourd'hui. Mes

  8   assistants convertissent les documents en format électronique, donc, je ne

  9   sais pas si je serai en mesure d'en terminer avec cela aujourd'hui.

 10   Néanmoins, ce sera le cas pour le contre-interrogatoire à l'avenir, mais je

 11   ne pourrai pas me conformer aujourd'hui.

 12   Pour ce qui est de l'autre décision que vous rendue, qui est forte

 13   importante, qui s'agit en vertu de quoi nous avons un sixième du temps de

 14   l'Accusation pour chaque conseil de la Défense, c'est une décision à propos

 15   de laquelle je souhaite avoir d'autres détails. Est-ce que nous allons

 16   également avoir une décision par écrit ou non ? Je vous pose la question

 17   car il se peut que la question dans le cas d'un interlocutoire se pose.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Si la décision orale ne vous apparaît très claire,

 19   nous allons donc vous donner également une décision écrite si vous le

 20   souhaitez. Je n'éprouve pas la nécessité, puisqu'il s'agit purement de la

 21   question de la modalité de la légalité d'un témoin. Je rappelle également

 22   que pour faire appel encore faut-il que l'appel soit certifié.

 23   Alors, nous allons -- écoutez, éviter de perdre du temps, parce que si vous

 24   êtes en six à chaque fois à intervenir sur le même sujet, on va passer un

 25   nombre, ceci au détriment de l'audition d'un témoin.

 26   Maître Jonjic.

 27   M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y a quelque

 28   chose qui n'est pas très clair à mes yeux. Lorsque nous préparons le


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  1   contre-interrogatoire d'un témoin, nous le préparons à l'aide d'un certain

  2   nombre de documents; cela dépend évidemment des nombres de faits dont nous

  3   sommes au courant. Notre préparation dépend des faits dont nous avons été

  4   tenus informer. Donc, pour ce qui est des documents que nous avons préparés

  5   pour aujourd'hui, le document nous pouvons le remettre demain, mais il est

  6   trop tard pour le remettre aujourd'hui. Mais que se passe-t-il lorsqu'au

  7   cours du contre-interrogatoire, le témoin dit quelque chose à laquelle nous

  8   ne nous attendions pas ? Peut-être que nous avons certains documents en

  9   notre possession, mais nous ne pouvons pas les préparer -- ou préparer les

 10   documents nécessaires pour préparer le contre-interrogatoire au moment où

 11   l'interrogatoire principal est terminé. Pourriez-vous faire la clarté là-

 12   dessus, s'il vous plaît ?

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour le cas, où dans le cas de l'interrogatoire

 14   principal, un témoin viendrait évoquer un sujet que vous n'aviez pas prévu

 15   en constituant la liste des documents, cela peut arriver. A ce moment-là,

 16   vous aurez toujours la possibilité d'introduire un document qui n'est pas

 17   dans la liste m'expliquant que le témoin a abordé un sujet qui appelle de

 18   votre part les dépôts de ce document. C'est possible, cela peut arriver,

 19   mais cela ne sera pas constamment comme cela.

 20   Bien. S'il n'y a plus de questions, on va faire venir le témoin.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai une question.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Karnavas.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais simplement pour que ce soit consigné au

 24   compte rendu. Je comprends bien la décision que vous avez rendue sur l'un

 25   sixième. Lorsque c'est à moi de parler, je dois représenter mon client; à

 26   ce moment-là, je devrais me retirer de l'affaire immédiatement. Je ne peux

 27   pas faire partie d'un procès où je ne peux pas représenter correctement mon

 28   client à cause d'une règle d'or qui a été édictée sur la base de ce calcul.


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  1   L'Accusation a pris plus de temps qu'elle ne l'avait prévu car ils

  2   présentaient leurs moyens. Nous avons pris moins de temps que le temps qui

  3   nous avait été imparti, cela n'était pas nécessaire. Je ne pense pas que

  4   cette règle puisse être impliquée.

  5   Egalement, si vous regardez l'acte d'accusation, l'acte d'accusation suit

  6   un ordre particulier. La personne - il y a une première personne, une

  7   deuxième personne, une troisième personne - c'est par ordre d'importance.

  8   Donc, vous n'avez pas la personne en bas qui est la plus responsable. Il y

  9   a une entreprise criminelle commune et ceci est présenté sous la forme

 10   d'une pyramide.

 11   J'avertis simplement les Juges de la Chambre que, le moment venu à cause

 12   d'une stratégie d'achèvement parce que quelqu'un a décidé à New York de

 13   nous faire avancer rapidement, je ne peux pas, à ce moment-là, représenter

 14   correctement mon client. Je ne peux pas faire partie de cette procédure et

 15   je ne peux pas appliquer mon propre code déontologique. Je comprends

 16   parfaitement ce que vous dites, je me conforme aux ordonnances rendues par

 17   les Juges de la Chambre. Mais si je ne peux pas représenter mon client

 18   correctement, qui figure en haut de la liste, qu'il y avait une période de

 19   trois à quatre ans. L'Accusation a consacré huit ans à cette affaire, et

 20   j'estime que cela n'est pas juste de nous dire que j'ai un sixième du temps

 21   de l'Accusation pour présenter mes moyens, alors que c'est quasiment

 22   impossible à prévoir. Donc, j'avertis simplement les Juges de la Chambre.

 23   Je sais, Messieurs les Juges, que votre tâche n'est pas une tâche aisée,

 24   mais je ne pense pas que vous devriez autoriser une telle pression

 25   politique d'avoir une incidence sur nous, la politique étant décidée à New

 26   York. Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 28   M. KOVACIC : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président, si je


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  1   reprends la parole. Je vais essayer d'être aussi concis que possible, mais

  2   il y a un autre point que je dois ajouter. La semaine dernière, nous avons

  3   entendu deux témoins. A l'origine, les choses étaient assez souples lorsque

  4   vous avez édicté certains principes. Je crois que ces deux témoins, que

  5   nous avons entendus la semaine dernière, ont clairement indiqué que

  6   l'Accusation s'est conformée aux principes que vous avez érigés. Dans les

  7   deux cas, nous n'avons pas dépassé le temps qui avait été alloué à

  8   l'Accusation pour ce qui est du rythme de la procédure. Je suis tout à fait

  9   conscient du fait qu'en tant que président de la Chambre, vous devez tenir

 10   compte des facteurs du temps, vous devez tenir compte de la stratégie

 11   d'achèvement. Mais ce sont des choses dont je suis tout à fait au courant,

 12   mais ceci ne doit pas être fait au détriment des droits de l'accusé.

 13   Mon client n'est pas un sixième des accusés. C'est un individu. C'est une

 14   personne qui pourrait peut-être être accusée individuellement ou

 15   accompagnée avec 19 autres, y compris Tudjman, Susak, Bobetko, Boban, s'il

 16   n'étaient pas décédés - ils sont du reste évoqués dans l'introduction de

 17   l'acte d'accusation - ces personnes décédés auraient également fait partie

 18   de l'acte d'accusation. Est-ce que cela signifie qu'on nous aurait accordé

 19   un quinzième du temps accordé à l'Accusation ?

 20   Messieurs les Juges, nous nous conformons aux lignes directrices que vous

 21   nous avez indiquées, et continuons à respecter vos lignes directrices, mais

 22   chaque avocat de la Défense n'a pas la même stratégie, donc, nous ne

 23   pouvons pas tomber d'accord sur la manière dont le contre-interrogatoire

 24   doit être mené. Nous avons eu de légères difficultés lors de la dernière

 25   audience, mais nous sommes tous rendus compte du fait que c'était vendredi,

 26   que le témoin était une personne âgée, il y avait un moment tendu entre le

 27   conseil de la Défense et la Chambre. Le témoin souhaitait rentrer chez lui,

 28   c'était vendredi après-midi et, en conséquence, mes collègues se sont


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  1   montrés plus coopératifs qu'à la coutume. Mais, d'habitude, ils auraient

  2   demandé au témoin de rester un jour de plus. Mais soit [imperceptible]. Si

  3   vous insistez sur la procédure que vous avez évoquée, je ne sais pas

  4   comment nous allons faire.

  5   Il y a un autre point que je souhaite aborder. Comme vous nous l'avez

  6   demandé, l'Accusation -- ou votre décision du 13 novembre n'a pas été

  7   appliquée, disons, qui nous permettrait de mieux comprendre quel sera le

  8   contenu de la déposition des témoins à venir. Donc, nous essayons toujours

  9   d'essayer d'élucider ce qui nous a été présenté par l'Accusation. Pour ce

 10   qui est des témoins, l'Accusation a cité un certain nombre de paragraphes

 11   et a fait référence à 90 % de l'acte d'accusation d'après moi. Mais dans le

 12   dépôt d'écriture du 19 janvier, l'Accusation a également précisé que ce

 13   témoin n'était pertinent que dans la mesure qu'il concernait mon propre

 14   client, donc, ce paragraphe, qui est cité à l'acte d'accusation, concerne

 15   mon client uniquement.

 16   Pourquoi est-ce que je parle de cela ? Car il nous est impossible de

 17   répartir le travail entre nous et décider de qui va évoquer quelle

 18   question. Bien évidemment c'est au témoin d'évoquer certaines questions,

 19   mais pour ce qui est des paragraphes cités par l'Accusation, le paragraphe

 20   17, par exemple, et paragraphe 39, et dans ces deux paragraphes 17 et 39,

 21   vous trouverez les noms de six accusés. L'Accusation nous dit que ce

 22   témoin-ci ne concerne que mon client. Monsieur les Juges, ce n'est pas que

 23   les choses me semblent un peu confuses maintenant et je ne sais pas comment

 24   me préparer. Je ne sais pas si cela ne me concerne que moi et mon client,

 25   mais six avocats de la Défense se mettent autour d'une table, ce qui a été

 26   le cas. Nous nous sommes retrouvés dans mon bureau dimanche après midi, et

 27   si nous analysons tous les paragraphes et tous les noms, croyez-moi, nous

 28   aurions pu mettre en avance certaines thèses, mais nous ne pouvons tomber


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  1   d'accord. Nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord car notre

  2   stratégie est différente et dans le cas présent, nous n'avons pas pu nous

  3   mettre d'accord car nous n'avons pas compris ce que souhaitait faire

  4   l'Accusation, quel était l'objectif de l'Accusation.

  5   Nous ne pouvions pas parvenir à un accord parce que l'ordonnance que

  6   vous avez rendue le 30 novembre n'a pas été respectée. C'est la première

  7   ordonnance qui a été rendue par la Chambre et l'Accusation a certainement

  8   reçu les consignes sur la manière dont elle devait présenter les différents

  9   documents par l'intermédiaire de témoins cités par elle. L'Accusation n'a

 10   pas respecté certaine ordonnance au jour d'aujourd'hui. Je pense que vous

 11   devez leur accorder un temps supplémentaire. Avant cela et avant qu'il ne

 12   respecte votre ordonnance, je crois que nous serons très confus. Je crois

 13   que ces délais ont été prorogés jusqu'au mois de septembre. Mais cela ne

 14   les obligeait pas à avoir un sixième du temps avant le mois de septembre si

 15   nous savons même pas si un témoin va témoigner par rapport à mon client ou

 16   s'il va témoigner par rapport aux six accusés.

 17   Est-ce que nous parlons d'une entreprise criminelle commune ou non ? Je ne

 18   sais pas.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce que vous venez de dire, à titre personnel, je

 20   suis entièrement d'accord avec ce que vous venez de dire. Il n'y a pas de

 21   ma part déposition de fond sur la teneur des dits propos. Effectivement,

 22   comme vous l'avez indiqué, si l'ordonnance du mois de novembre avait été

 23   respectée, nous aurions su pour le témoin de la semaine dernière exactement

 24   ce que l'Accusation voulait démontrer. Puisque, rappelez-vous, j'avais

 25   demandé dans l'ordonnance de bien nous indiquer quels étaient les

 26   paragraphes de l'acte d'accusation et les paragraphes du mémoire préalable,

 27   et également de citer les phrases de l'acte d'accusation ou du mémoire

 28   préalable se référant au témoin. J'avais également indiqué, d'indiquer les


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  1   noms des accusés principalement concernés. Bon. C'est ce qui avait été

  2   indiqué. L'Accusation nous a dit qu'elle n'était pas en mesure pour des

  3   raisons qui lui appartienne de faire ce travail compte tenu du volume du

  4   dossier.

  5   Sur ce qu'il y a quelques jours, nous avons pris une nouvelle décision

  6   imposant à l'Accusation de nous donner ce document pour le début septembre

  7   pour les témoins qui viendront.

  8   Deuxième point. Vous venez de me dire que vous vous êtes réunis dimanche

  9   pour discuter du problème. Vous avez bien fait de vous réunir puisque la

 10   réunion entre avocats peut permettre de savoir quel est l'avocat qui va

 11   intervenir à titre principal.

 12   Me Karnavas, tout à l'heure, nous a dit que, dans l'acte d'accusation,

 13   selon une hiérarchie de responsabilité, il y a des accusés qui sont en tête

 14   et d'autres qui sont à la fin. C'est ce que Me Karnavas nous dit. C'est ce

 15   que vous nous dites aussi. En fonction de cela, vous estimez que vous

 16   devriez avoir plus de temps que les autres.

 17   Nous avons dit, les Juges, que vous deviez vous mettre d'accord entre vous

 18   et si, malheureusement, vous ne vous mettez pas d'accord, nous sommes

 19   emmenés, à ce moment-là, accrocher le problème. En cas de désaccord, nous

 20   tranchons en vous accordant un sixième de temps. Mais les temps qui vous

 21   est imparti, ce sont pour le moment sur des points de faits de savoir si

 22   l'eau à Mostar est était abondante ou absente; cela est une question de

 23   fait. Nous ne l'abordons pas encore le problème des responsabilités

 24   directes. Il est bien évident que lorsqu'il y aura des questions de

 25   responsabilité directe, le temps ne sera pas le même. Pour le moment, nous

 26   sommes à des problèmes de fait, donc, à savoir si quelqu'un a été tué dans

 27   quelles circonstances.

 28   Vous êtes six, il apparaît pour les Juges que le temps peut être


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  1   divisé par six en cas de désaccord. L'idéal aurait été que l'un d'entre

  2   vous simplement fasse le contre-interrogatoire. Les autres n'intervenant

  3   qu'à la marge, mais vous ne vous êtes pas entendu entre vous. Donc, il faut

  4   bien que nous décidions; sinon, c'est le chaos. Il y va aussi de la

  5   responsabilité de l'Accusation. Car nous avons eu encore la preuve la

  6   semaine dernière que nous avons passé beaucoup de temps, ne serait-ce que

  7   pour la question de l'eau, l'eau qui figure dans le mémoire préalable aux

  8   paragraphes 113 et 113.3, 113.4, on a passé plus d'une heure sur une

  9   question d'eau, alors qu'il m'apparaît qu'en quelques minutes l'Accusation

 10   aurait pu se centrer. Donc, si l'Accusation perd aussi du temps, je vais

 11   être obligé d'intervenir et de couper la parole à l'Accusation si elle

 12   égare la Chambre dans des questions qui n'apparaissent pas pertinentes ou

 13   utiles pour la manifestation de la vérité.

 14   Si nous avions ce document très précis qu'avait été demandé, comme ledit à

 15   juste titre la Défense, tout le monde serait où on va. Il est impossible de

 16   savoir et la semaine dernière l'a montré parfois où nous allons. Les Juges

 17   et les avocats de la Défense souhaitent savoir quel est l'objectif de

 18   l'interrogatoire ? Je cite le cas de l'eau à titre d'exemple. Alors, nous

 19   avons rendu une décision orale; si vous souhaitez faire appel, nous allons

 20   confirmer cette décision orale par une décision écrite et, le cas échéant,

 21   si nous vous certifions que la Chambre d'appel dira ce qu'il convient de

 22   faire. Mais vous comprenez tous qu'en cas de désaccord entre vous, il nous

 23   est impossible de vous donner aux uns et aux autres le même temps que

 24   l'Accusation. Ce n'est pas possible. Donc, il faut bien trancher, à un

 25   moment donné.

 26   Voilà, c'est tout ce que je peux vous dire de plus et vous faire

 27   intervenir sur cette question ne ferait pas avancer les problèmes. Je pense

 28   qu'en priorité, c'est à l'Accusation de bien cadrer son interrogatoire


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  1   principal par rapport à l'acte d'accusation au mémoire préalable. L'erreur

  2   de l'Accusation - et je regarde - c'est que, dans votre mémoire préalable,

  3   vous n'avez pas fait de notes de bas de page par rapport aux documents que

  4   vous aviez à traduire. Il aurait plus simple, à ce moment-là, si nous

  5   avions eu des notes de bas de page complètes, nous aurions mieux saisi à ce

  6   moment-là votre démonstration.

  7   Par exemple, la question de l'eau, il fallait, à ce moment-là, citer

  8   les documents que vous avez introduits. Cela vous ne l'avez pas fait, d'où

  9   l'incertitude dans laquelle se trouve la Défense et la difficulté également

 10   des Juges de s'y retrouver. Je pense qu'avec le temps, vous serez beaucoup

 11   plus efficace et nous pourrons adapter les interrogatoires et les contre-

 12   interrogatoires aux fonctions, évidemment, des progrès qui vont être

 13   accomplis.

 14   C'est le démarrage. Vous savez qu'un procès, quand il démarre, c'est

 15   toujours très difficile, mais au fil du temps, les choses s'améliorent. Il

 16   y a, comme on dit, la tour de chauffe, mais, une fois que la tour de

 17   chauffe est accomplie, tout va bien. Alors, c'est la deuxième semaine de

 18   tour de chauffe, espérons que cette fois-ci cela fonctionnera bien.

 19   Alors, on va introduire le témoin tout de suite.

 20   M. KOVACIC [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] -- sinon, on va être près des --

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

 24   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais réagir

 25   aux quelques arguments avancés au cours de ces dernières minutes. Pour ce

 26   qui est du dépôt d'écriture, des estimations et des références à tel ou tel

 27   accusé, nous n'avons eu de cesse de dire dans nos écritures que toutes ces

 28   données forcément se fondent sur une évaluation quoi qu'évolutive, une


Page 1489

  1   "estimation", mais le sujet à un changement. La semaine dernière, je vous

  2   ai dit que j'avais ajouté des références à certains paragraphes au chef

  3   d'accusation de l'acte d'accusation. Bien sûr, il y a toujours une certaine

  4   dose de subjectivité lorsqu'on mentionne tel ou tel paragraphe et qu'on dit

  5   : "Je pense que celui-ci, celui-là sont les plus pertinents et lorsque

  6   vient le témoin et qu'on s'entretient avec lui, on regarde une fois de plus

  7   l'acte d'accusation -- mais, enfin, en toute équité, il faudrait aussi

  8   mentionner tel ou tel autre paragraphe.

  9   C'est de la nature même de ces écritures et c'est ce qui nous préoccupe

 10   lorsqu'il faut en faire autant déposer autant ce n'est pas inscrit dans le

 11   marbre. Je peux vous assurer ceci que, si nous prévoyons la durée pour

 12   certains des témoins qui devraient venir dans un an, et je peux vous

 13   assurer que la plupart de ces prévisions seront erronées. Il y aura une

 14   nouvelle pièce. Ce témoin va nous dire quelque chose d'autre, une fois

 15   qu'il est à La Haye. Je peux vous garantir ceci. Toute écriture déposée

 16   aujourd'hui dans un mois, en septembre, doit faire l'objet de changements.

 17   C'est quelque chose qui est intrinsèque à la procédure.

 18   Pour ce qui est de la hiérarchie de l'ordre de priorité ou d'importance

 19   dans l'acte d'accusation, il n'y a pas de magie. Ce sont des déclarations

 20   générales, on disait que M. Prlic était président, Stojic, ministre de la

 21   Défense. Bien sûr qu'on aurait pu se contenter de tirer les noms d'un

 22   chapeau et les mettre dans cet ordre tout à fait au hasard, mais je crois

 23   qu'il ne faut pas trop insister sur ceci. Il ne faut pas dire

 24   nécessairement ou accorder une importance particulière à l'ordre dans

 25   lequel sont présentés ces six accusés. Ils sont tous accusés et ils

 26   figurent tous dans l'acte d'accusation.

 27   Pour ce qui est des paragraphes de l'acte d'accusation, vous parliez d'eau.

 28   Je serai bref, mais vous savez que c'est une partie de notre cause dans le


Page 1490

  1   cadre du siège de Mostar, ce qu'a fait le HVO et c'est une partie de la

  2   question --

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président --

  5   M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que cela --

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous avons ici la présence du témoin et,

  7   apparemment, si j'ai bien compris, il va peut-être parler de certains

  8   événements. Je pense qu'il ne convient pas que M. Scott le dise --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott --

 10   M. SCOTT : [interprétation] Oui, je vais m'excuser ou expurger cette

 11   partie-là.

 12   Mais je voudrais vous dire que, s'il y a une partie qui se trouve à

 13   l'acte d'accusation et que cela fait partie des moyens que nous voulons

 14   présenter, la Défense est d'accord sur rien, elle conteste tout. Nous

 15   n'avons pas le choix. Il faut faire la preuve de chacun des points se

 16   trouvant dans l'acte d'accusation en tant que chef d'accusation, donc, je

 17   pourrais vous citer plusieurs paragraphes de cet acte d'accusation mais vu

 18   la présence du témoin, je ne veux pas le faire.

 19   Dernier commentaire : s'agissant des pièces mentionnées dans le mémoire

 20   préalable au procès, je peux vous dire que nous avons plus de 9 000 pièces.

 21   Je peux vous dire qu'on n'a jamais fait ce lien et ce ne sera sans doute

 22   pas non plus ce lien établi dans le mémoire de clôture. Vous savez que

 23   c'est un processus sélectif. Vous avez ce mémoire préalable au procès,

 24   c'est pour donner, pour poser des bases, poser des jalons, mais on ne va

 25   jamais retenir un scénario où on va noter chacune des pièces que nous avons

 26   l'intention d'utiliser.

 27   Nous faisons l'impossible pour fournir le plus de données possibles à

 28   la Chambre de première instance. Nous allons continuer de le faire,


Page 1491

  1   Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Scott.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors, Monsieur, je vous salue au nom des

  4   Juges.

  5   Avant de vous faire prêter serment, pouvez-vous m'indiquer votre nom,

  6   prénom, date de naissance et qualité, et --

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme vous voulez bien.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : -- de parler plutôt en anglais, c'est mieux.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Edward Sebastian Vulliamy. Je

 10   suis né le 1er août 1954, à Londres en Grande Bretagne.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quelle est votre profession ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis journaliste, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez déjà témoigné dans un procès

 14   devant un tribunal international ? Si oui, dans quel procès ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai été témoin

 16   dans plusieurs procès. Dans le procès - attendez, je cite sur un ordre

 17   chronologique - à Dusko Tadic; à Milan Kovacevic; le colonel ou général

 18   Blaskic, ce qu'on a appelé aussi le procès  Keraterm où il y avait

 19   plusieurs accusés; et récemment, dans le procès intenté à Milomir Stakic.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci. Pouvez-vous lire la prestation de

 21   serment.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Volontiers. Je déclare solennellement que je

 23   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   LE TÉMOIN : EDWARD VULLIAMY [Assermenté]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Veuillez vous asseoir. Bien. Mes propos liminaires

 27   vont être très courts puisque vous avez l'habitude de témoigner devant ce

 28   tribunal international.

 


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  1   Vous allez dans un premier temps répondre à des questions qui vont

  2   vous être posées par l'Accusation, et après quoi les avocats des accusés,

  3   qui sont situés à votre gauche, et peut-être, le cas échéant, les accusés

  4   eux-mêmes vous poseront des questions dans le cadre du contre-

  5   interrogatoire.

  6   Je rappelle que vous avez prêté serment de dire toute la vérité, ce qui

  7   implique évidemment de votre part l'obligation de ne pas mentir. Voilà.

  8   Votre audition est prévue aujourd'hui et le contre-interrogatoire demain.

  9   Je vais donner la parole à M. Mundis qui va être le représentant de

 10   l'Accusation qui vous vous poser les questions principales.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Interrogatoire principal par M. Mundis :

 14   Q.  [interprétation] Pourriez-vous, en quelques mots, Monsieur Vulliamy,

 15   dire quel est votre bagage professionnel aux Juges de la Chambre ?

 16   R.  Oui, en quelques mots. Je suis devenu journaliste dans les années 1970,

 17   à vrai dire, j'ai travaillé pour l'émission, Le monde, en action pour la

 18   télévision Granada. C'était un programme télévisé qui a été diffusé dans

 19   toutes les parties du monde et qui spécialise, notamment, pour moi en

 20   Irlande du Nord. Puis, j'ai commencé à travailler pour le Guardian en 1986

 21   et, à partir de 1989, j'ai travaillé surtout à l'étranger. Disons que

 22   j'étais reporter international. J'ai commencé par l'Europe de l'est, je

 23   travaillais en théorie depuis l'Italie, mais j'ai travaillé en ex-

 24   Yougoslavie, puis je suis passé aux Etats-Unis, je suis revenu en

 25   Yougoslavie et, maintenant, je suis de nouveau basé à Londres, après être

 26   de nouveau parti aux Etats-Unis.

 27   Q.  Pour que tout soit clair, le Guardian c'est un journal, n'est-ce pas,

 28   un journal britannique ?


Page 1493

  1   R.  Oui, c'est un quotidien basé à Londres.

  2   Q.  Est-ce que vous avez été distingué par telle ou telle récompense pour

  3   vos travaux de journaliste ?

  4   R.  En 1985, je pense que j'ai reçu le prix de la télévision nationale pour

  5   un travail que j'ai fait en Irlande du nord et puis, en 1983, j'ai été

  6   nommé reporter international de l'année et j'étais aussi reporter

  7   d'Amnistie internationale. Enfin, c'est une distinction qui a été donnée

  8   par Amnistie internationale pour ce que j'ai fait en Bosnie. Puis en 1994,

  9   j'ai reçu le prix James Cameron, ce qu'on appelle, un peu pompeusement, le

 10   Pulitzer britannique pour mon travail en Bosnie et j'ai aussi parlé des

 11   violences qu'il y avait eu en Italie. En 1997, j'ai été choisi comme

 12   reporter international de l'année pour le travail en Bosnie et puis, j'ai

 13   parlé aussi du trafic de jeunes femmes en Irak. Là aussi, j'ai été candidat

 14   à certains prix.

 15   Q.  Est-ce que, mis à part vos activités de journaliste, vous avez d'autres

 16   écrits ?

 17   R.  J'ai écrit un livre sur la première année : "Une saison en enfer,"

 18   concernant la Bosnie. Puis, j'ai écrit un livre sur la corruption en

 19   politique britannique, et j'ai fait tel ou tel programme de radio et

 20   télévision.

 21   Q.  Vous avez dit que vous aviez travaillé en Irlande du Nord et en ex-

 22   Yougoslavie. Quelle est la couverture que vous avez faite de certaines

 23   zones de conflit ?

 24   R.  En fait, l'Irlande du nord c'est un petit peu ma spécialité quand

 25   j'étais étudiant. J'y suis allé à plusieurs reprises. C'était la guerre

 26   urbaine, la terreur, le terrorisme plus exactement. Puis, j'ai passé un

 27   certain temps, pas très longtemps à Beyrouth au Liban. J'étais présent

 28   juste après la guerre d'Irak en 1991. J'y suis resté longtemps après la


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  1   guerre. Avant que le conflit n'éclate en Bosnie, j'avais été en Slovénie et

  2   en Croatie en 1991, et je suis allé en Irak deux fois pendant ce qui se

  3   passe maintenant de ce conflit. J'ai aussi travaillé dans des lieux peu

  4   sûrs, sinon, en guerre, comme Haïti, notamment, en Amérique centrale.

  5   Q.  Parlons de la Bosnie. Au cours du conflit qui s'est déroulé en Bosnie,

  6   quand êtes-vous allé dans ce pays la première fois ?

  7   R.  J'ai passé un peu de temps au cours du printemps de 1992, mais la

  8   première fois que j'ai travaillé sérieusement là-bas, c'était en août 1992,

  9   dans la région de Prijedor. Même si je me suis aussi trouvé à cette époque

 10   à Sarajevo, je me suis surtout attaché et intéressé à la tentative qu'il y

 11   avait de montrer l'existence de camps, de camps administrés par des Serbes

 12   de Bosnie, et d'y pénétrer, camps réservés aux Croates et aux Musulmans de

 13   Bosnie. Nous avons réussi à pénétrer à Omarska et à Trnopolje, et dans le

 14   cadre de mon travail, j'ai aussi abordé la question des transferts forcés,

 15   des expulsions de cette région. Cela concernait surtout les Musulmans, mais

 16   il y avait aussi des Croates qui étaient à la pointe du fusil, chassés vers

 17   la Bosnie centrale. Nous les avons suivis, nous, des ces convois forcés.

 18   Q.  Une fois de plus, pour faire toute la clarté sur cette époque, c'est le

 19   milieu de l'année 1992 ou l'automne. Qui était les auteurs des crimes dont

 20   vous avez relaté l'existence ?

 21   R.  C'était les Serbes de Bosnie, dans la partie nord-ouest.

 22   Q.  Vous avez relaté ces incidents survenus en 1992 à Prijedor; après cela,

 23   vous êtes resté combien de temps en Bosnie ?

 24   R.  Vous savez, il y avait certains contingents de journalistes affectés à

 25   la région, donc, je m'y suis trouvé de façon intermittente dans cette

 26   région, notamment, jusqu'en février 1993, et là un peu contre mon gré, j'ai

 27   été transféré enfin promu pour aller à Washington, et j'ai insisté

 28   personnellement pour pouvoir - je me suis rétrogradé, si vous voulez,


Page 1495

  1   quelque part - j'ai voulu retourner dans la région au cours de l'été 1995

  2   et j'y suis resté jusqu'à la fin de la guerre, et je suis retourné en 1996

  3   pour faire une série rétrospective, donc, en ex-Yougoslavie, disons, de

  4   l'été 1991 au printemps 1996.

  5   Q.  Si vous le voulez bien, nous allons revenir à la période qui suit la

  6   fin d'été 1992, vous avez des camps à Prijedor. Est-ce que vous pourriez

  7   dans l'ordre chronologique relater vos activités en Bosnie au cours de

  8   cette période-là, été, automne 1992.

  9   R.  Oui. Ceci m'a emmené aussitôt à aller en Herzégovine; est-ce que vous

 10   voulez un survol, une vue d'ensemble ?

 11   Q.  Oui. D'abord, peut-être une vue d'ensemble et puis, nous reverrons les

 12   détails.

 13   R.  Excusez-moi. J'ai travaillé dans toute l'Herzégovine jusqu'en Bosnie

 14   centrale à Mostar, mais cela c'était en automne -- enfin, été, automne.

 15   Q.  Parlons d'abord de l'Herzégovine. Ligne 20, vous avez dit que : "Ces

 16   activités m'ont mené aussitôt en Herzégovine." Est-ce que vous pourriez

 17   nous dire à quel moment vous avez fait ce voyage, ce périple qui vous a

 18   mené en Herzégovine en automne 1992 ?

 19   R.  Nous voulions dévoiler et nous avions dévoilé ces camps d'Omarska et

 20   Trnopolje, donc, cela a eu un écho médiatique énorme, c'était un véritable

 21   cirque médiatique. Des gens sont allés là-bas et on disait, ce que disait

 22   les Serbes, c'est qu'il y avait du côté de la partie adverse aussi des

 23   camps qui fonctionnaient, alors on voulait être équitable, on voulait peut-

 24   être insister pour examiner ces camps-là. On nous avait donné un nom d'un

 25   endroit dont je n'avais jamais entendu parler, celui de Capljina. Nous

 26   sommes passés par la Hongrie, par Zagreb, j'ai quitté Zagreb le 8 ou le 9

 27   août et de là, nous sommes allés à Capljina où nous devons être arrivés -

 28   enfin, je ne sais pas la date exacte - sans doute vers le 10 ou le 11 août.


Page 1496

  1   Q.  Vous venez de nous dire qu'en fait, les Serbes affirmaient qu'il y

  2   avait aussi des camps de l'autre côté; qu'est-ce que cela voulait dire ?

  3   Comment avez-vous interprété cette affirmation des Serbes qu'il y avait

  4   aussi des camps de l'autre côté ?

  5   R.  Nikola Koljevic, qui était alors chef en second des Serbes de Bosnie,

  6   ce qu'il voulait dire c'est qu'ils avaient vu des lieux horribles où

  7   étaient détenus les Serbes. Enfin, nous, on avait lu ces lieux horribles où

  8   les Croates et les Musulmans étaient détenus par les Serbes. Mais, lui, il

  9   voulait dire qu'en fait, ceci était vrai aussi pour ce que faisait l'ABiH

 10   et la milice ou l'armée des Croates de Bosnie et le HVO.

 11   Q.  Qu'avez-vous -- vous, quelle fut votre expérience lorsque vous êtes

 12   allé vers le 10 août à Capljina ?

 13   R.  En fait, nous sommes allés voir un homme politique de premier plan

 14   avant d'aller à Capljina. Mais à Capljina, à proprement parler, nous - moi-

 15   même et une femme qui travaillait pour la "Associated Press" et, bien sûr,

 16   un interprète - nous sommes allés au QG de l'organisation à Capljina, dont

 17   il nous avait été dit qu'ils administraient ce camp; c'était le HOS, ce

 18   n'était pas le HVO.

 19   C'était l'aile militaire d'un parti. Le Parti croate des droits et nous

 20   sommes allés à leur QG pour rencontrer le commandant pour essayer d'arriver

 21   au corps.

 22   Q.  Qui était cette personne ?

 23   R.  Il s'appelait Milan Dedakovic.

 24   Q.  Est-ce qu'il a fait quelque chose pour vous, ce Milan Dedakovic ?

 25   R.  C'était un homme avec beaucoup de superbe, qui n'avait pas honte de son

 26   propre "charisme", mais, enfin, il était plein de confiance en lui, plein

 27   de superbe, disais-je, et nous avons parlé de ce qui s'était passé

 28   récemment, apparemment, un de ces commandants. Un commandant de HOS avait


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  1   été exécuté dans la région par le HVO. Nous avons parlé de la rivalité qui

  2   existait entre ces deux milices dans la région et, lui, il affirmait que le

  3   HVO et que le président de l'Union croate de l'Herceg-Bosna, Mate Boban,

  4   qu'on avait -- je pense vu la veille au soir, et les a accusés de vouloir

  5   dépecer la Bosnie enfin de partager avec les Serbes alors que lui sa milice

  6   et son parti insistait pour que la totalité -- pour dire que la totalité de

  7   la Bosnie était croate et, en fait, là c'était la toile de fond de cette

  8   querelle très violente qui existait entre ces deux ministres avec,

  9   notamment, l'exécution, comme il a qualifié de son commandant.

 10   Evidemment, là aussi, nous avons eu la permission d'aller d'un seul camp et

 11   d'obtenir de lui, et il l'a accordé plus volontiers que j'ai pensé.

 12   Q.  Monsieur Vulliamy, je vous poser d'autres questions à ce sujet, un peu

 13   plus tard, mais, maintenant, j'aimerais revenir sur quelque chose que vous

 14   venez de dire et qui figure en ligne 22 du compte rendu d'audience. A cet

 15   endroit, vous avez mentionné Mate Boban, en disant que "vous l'aviez

 16   rencontré la veille au soir."

 17   Vous rappelez-vous les événements qui se sont déroulés lorsque vous avez

 18   rencontré Mate Boban ?

 19   R.  Oui. Je me souviens très bien de cette rencontre. Elle a eu lieu dans

 20   son bureau dans une ville qui s'appelait Grude, c'est une petite ville et

 21   un endroit assez menaçant même si, à ce moment-là, il ne s'y déroulait

 22   aucun combat. Nous savions qui était Mate Boban. Toute communauté, toute

 23   population en Bosnie avait une personnalité qui était la personnalité

 24   dirigeante de cette communauté. Par exemple, Radovan Karadzic jouait ce

 25   rôle pour les Serbes de Bosnie, le président Alija Izetbegovic pour les

 26   Musulmans de Bosnie, Mate Boban jouait exactement ce rôle pour les Croates

 27   de Bosnie; il était au haut de son pouvoir à ce moment-là. Il n'était pas

 28   en bonne et due forme le président du principal Parti des Croates de


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  1   Bosnie, à savoir, le HDZ, et il y avait en Bosnie une aile bosnienne du

  2   parti au pouvoir à Zagreb qui était le parti du président Franjo Tudjman.

  3   Ce n'était pas lui qui présidait, mais il présidait quelque chose qui

  4   s'appelait l'Union croate d'Herceg-Bosna - ou comment est-ce qu'ils

  5   appelaient déjà - la communauté croate d'Herceg-Bosna. Lors de notre

  6   rencontre il nous a parlé des projets qu'il avait en vue pour cette entité

  7   et de la façon dont il entendait réaliser ses projets.

  8   Q.  Avant de vous parler d'un quelconque projet ou d'un quelconque plan,

  9   Monsieur, je vous demande si vous vous rappelez la date approximative de

 10   votre rencontre avec M. Mate Boban ?

 11   R.  Bien, je ne saurais vous donner qu'une date approximative, en effet.

 12   Bon, nous avons voyagé le 12. Cette rencontre a dû avoir lieu juste avant

 13   la mi-août. Je dirais aux alentours du 12, 13, 14 août, quelque chose comme

 14   cela.

 15   Q.  De quelle année ?

 16   R.  L'année 1992.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire quels sont les souvenirs de cette rencontre avec

 18   M. Mate Boban, quels sujets avez-vous discuté avec lui ?

 19   R.  Oui, il a dit très clairement, d'ailleurs j'ai dit au préalable qu'il

 20   était très favorable à cette rencontre avec nous. Il a dit clairement qu'il

 21   ne voulait pas et ne pouvait pas reconnaître la constitution de la Bosnie-

 22   Herzégovine pas plus qu'il ne pouvait reconnaître Sarajevo en tant que

 23   capitale de la Bosnie-Herzégovine. Il a donné à cela un motif à savoir que

 24   la constitution garantit les droits des individus mais les droits des

 25   peuples, et il a utilisé le mot "peule" qui était un mot important dans sa

 26   bouche car il l'entendait au sens d'appartenance ethnique, il ne parlait

 27   pas de gens, il parlait de peuple "narod" dans sa langue, donc, le peuple

 28   croate.


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  1   Puis il a ensuite décrit de façon assez détaillée dans quelles conditions

  2   il souhaitait que les différents peuples, à savoir, les Serbes, les

  3   Musulmans et les Croates, soient divisés en Bosnie grâce à ce qu'il a

  4   appelé la création de canton de provinces, et ce concept était lié à ses

  5   relations publiques avec des membres de l'Union européenne ou des gens

  6   suisses. En tout cas, il a dit qu'il fallait que l'un de ces groupes dans

  7   un canton ou dans une province de ce genre soit à proprement parler Croate.

  8   Il a aussi parlé de l'Herceg-Bosna qui était lié à la Croatie, à son avis,

  9   et il a utilisé les mots culturels, spirituels, et économiques, et pour

 10   qualifier le lien qui reliait l'Herceg-Bosna à la Croatie en invoquant

 11   également des circonstances assez malheureuses de l'histoire. Il a ensuite

 12   parlé du HVO de façon plus précise, et sans évoquer les rapports entre le

 13   HVO et le HDZ, mais il a qualifié le HVO de force militaire légitime sur ce

 14   qu'il qualifiait de territoire libre, ensuite, il a formulé quelques

 15   observations quant au fait que le peuple croate était déjà en train de

 16   s'armer pour défendre sa liberté, c'est le mot qu'il a utilisé, et il m'a

 17   dit qu'il ne l'entendait pas uniquement au sens défensive du terme.

 18   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que vous avez demandé à M. Boban de vous

 19   donner des détails au sujet de circonstances historiques malheureuses qu'il

 20   a évoquées ?

 21   R.  Je crois qu'il l'a fait.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi

 23   d'interrompre. Je comprends les difficultés que traverse

 24   M. Mundis, mais il vient de poser une question qui guide le témoin dans sa

 25   réponse. Je vois bien que M. Vulliamy doit faire quelques efforts pour se

 26   rappeler ce qu'il a -- ce qui figure par écrit dans sa déclaration

 27   préalable, et je n'ai rien contre à ce que le Procureur lui rafraîchisse la

 28   mémoire au cas où ses souvenirs ne sont immédiats, mais je ne voudrais pas


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  1   que les questions guident le témoin dans ses réponses.

  2   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, page 28, lignes 6 à 7,

  3   le témoin vient de dire, je cite : "L'Herceg-Bosna a été séparée de la

  4   Croatie parce qu'il a qualifié de circonstances historiques malheureuses."

  5   Ce sont des mots qui ont été prononcés par le témoin. Je viens simplement

  6   de lui demander s'il avait demandé à M. Mate Boban de donner quelques

  7   détails complémentaires quant au sens qu'il donnait à cette expression. Ce

  8   n'est pas une expression que j'ai utilisée; elle sortait de la bouche du

  9   témoin.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] J'accepte cette correction et je vous prie

 11   de m'excuser.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, après cet échange et tout le temps

 13   qui s'est écoulé, je ne me souviens pas exactement de tout ce que nous

 14   avons discuté lors de cette rencontre. Je crois que ce qu'il a dit avait un

 15   rapport direct avec la Seconde guerre mondiale, en tout cas, avec la fin de

 16   la Seconde guerre mondiale. Après réflexion, je pense que ses propos

 17   avaient quelque chose à voir avec le fait que la Croatie s'était battue

 18   pour obtenir l'indépendance par rapport à la Yougoslavie en 1991, alors que

 19   la Bosnie ne l'avait pas fait au même moment et qu'elle n'avait obtenu son

 20   indépendance qu'au printemps 1992. Mais je ne sais pas si c'est exactement

 21   cela qui voulait dire, en tout cas, c'est l'idée qui m'est venue après

 22   quant au sens que l'on pouvait tirer de ses propos.

 23   Q.  Monsieur, vous rappelez-vous d'autres thèmes ou d'autres sujets précis

 24   dont vous auriez discuté pendant cette rencontre avec M. Mate Boban le 13,

 25   14 août 1992 ou à peu près à cette date ?

 26   R.  Bien, la conversation a été assez longue, elle a longtemps porté sur

 27   cette question des cantons et des provinces. Il y a eu un autre sujet qui a

 28   été particulièrement intéressant qui était le suivant, à savoir que des


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  1   articles avaient fait état de la possibilité d'un dépeçage, d'une espèce de

  2   divisions de la Bosnie. Ces articles, je n'en étais pas l'auteur. Je les

  3   avais lus. Entre le président Tudjman et le président Milosevic de Serbie,

  4   lors d'une rencontre entre ces deux hommes en Vojvodina, le sujet aurait

  5   été abordé. Je ne me souviens pas du nom de l'endroit où s'est tenue cette

  6   réunion ? Je pense que c'est un lieu dont le nom commençait par la lettre

  7   K. Puis, il y avait également les articles de presse qui évoquaient une

  8   rencontre entre Mate Boban et Radovan Karadzic à Graz, en Autriche, et nous

  9   lui avons demandé s'il n'avait jamais rencontré Radovan Karadzic, il a

 10   répondu par la négative.

 11   Je ne me souviens pas des détails de la conversation de façon plus

 12   approfondie que cela.

 13   Q.  Vous rappelez-vous à peu près combien de temps a duré cette rencontre

 14   entre vous et M. Mate Boban ?

 15   R.  Je dirais une heure à deux heures.

 16   Q.  Monsieur, vous l'avez rencontré en qualité de journaliste

 17   professionnel. Quelles impressions avez-vous retiré de cette rencontre avec

 18   lui ?

 19   R.  Deux impressions : Premièrement, moi-même ainsi que ceux avec qui j'en

 20   ai discuté par la suite et qui était présent, nous avons tous été surpris

 21   de la façon dont, implicitement et explicitement, ces propos étaient

 22   dirigés contre le gouvernement de Sarajevo et contre ces alliés au sein du

 23   gouvernement musulman de Bosnie et, donc, automatiquement au sein de

 24   l'armée musulmane de Bosnie car, à peine quelques semaines avant, je

 25   n'étais pas dans la région, à ce moment-là. Je pense que c'était à la fin

 26   du mois de juillet, mais l'alliance entre l'ABiH et le HVO avait vécu ces

 27   plus grands moments. Si je peux m'exprimer ainsi puisque, ensemble, ces

 28   deux armées avaient réussi à faire reculer l'armée serbe de Bosnie en la


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  1   chassant de Mostar et en la repoussant vers les collines. Donc, cette

  2   victoire est bien connue et elle avait fait l'objet de pas mal de

  3   célébrations. Il m'a paru étonnant que Mate Boban n'en parlait pas avec

  4   davantage de plaisir ou de fierté. D'ailleurs, il ne semblait pas vouloir

  5   en parler du tout. Il semblait davantage préoccuper par le dépeçage de la

  6   Herceg-Bosna et l'établissement des relations entre la Herceg-Bosna et la

  7   Croatie. J'ai donc été surpris des remarques qu'il a formulées et qui

  8   semblaient être dirigées davantage contre son allié, contre les gens qui

  9   étaient de son bord plutôt que contre les autres, alors qu'une grande

 10   victoire avait été obtenue en alliance avec ces gens qui étaient de son

 11   bord.

 12   Q.  Vous rappelez-vous, Monsieur, si vous avez discuté avec

 13   M. Boban au cours de cet entretien de l'étendue géographique de la Herceg-

 14   Bosna ?

 15   R.  Je connaissais déjà la Bosnie centrale, à ce moment-là, mais je ne me

 16   souviens pas lui avoir demandé jusqu'où allait la Bosnie centrale, d'après

 17   lui, et où se situait la Herceg-Bosna. Mais, il a parlé de cantons en

 18   disant qu'il ne limitait pas son propos à la Herzégovine. Mais, je ne me

 19   souviens pas que nous ayons gardé une carte ou parlé de frontière précise.

 20   Q.  Je reviendrai maintenant à quelque chose que vous avez dit, il y a

 21   quelques instants et qui se trouve, en page 26, lignes 13 et 14, du compte

 22   rendu d'audience. Vous nous avez dit : "Que cette rencontre avec lui

 23   s'était déroulée dans son bureau, dans une ville dont le nom était Grude,

 24   qui était une petite ville, mais un endroit menaçant." Je répète que cela

 25   se trouve aux lignes 13 et 14 de la page 26, du compte rendu de l'audience

 26   d'aujourd'hui.

 27   Pouvez-vous nous donner quelques détails complémentaires, Monsieur, par le

 28   sens que vous donnez à l'expression "endroit menaçant" ?


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  1   R.  Aus0si bien dans cette guerre que dans les guerres précédentes, j'ai

  2   pris l'habitude de me trouver dans des endroits où je ne me sentais pas

  3   très à l'aise et je ressentais qu'il y avait une menace. Mais, je vais

  4   essayer d'être plus clair. Bien sûr, il n'y avait pas de combats déclarés,

  5   à ce moment-là, mais, on entendait, tout de même, le bruit de

  6   mitrailleuses. Quelque part, au loin, on entendait aussi et on voyait aussi

  7   des choses qui n'étaient pas très agréables à regarde. Je me souviens

  8   d'avoir vu, en particulier, le portrait d'Ante Pavelic, ce dirigeant

  9   oustachi de la Seconde guerre mondiale qui était exhibé dans la vitrine de

 10   certains magasins. Il y avait aussi la lettre majuscule U, écrite, taguée

 11   sur certains murs, ce qui ne me paraissait pas du meilleur goût.

 12   Donc, je ne dirais pas que j'avais le sentiment de courir un danger, mais

 13   c'était un endroit où l'on ne se sentait pas à l'aise. C'était un endroit

 14   intimidant et un endroit très militarisé même s'il ne se trouvait pas

 15   directement sur la ligne de front.

 16   Q.  Que voulez-vous dire par, "très militarisé" ?

 17   R.  Je veux dire qu'il y avait beaucoup de soldats à cet endroit. Il y

 18   avait aussi pas mal de plaques d'immatriculation de véhicules qui étaient

 19   des plaques du HVO, peintes en blanc, puis, également, des numéros

 20   d'immatriculation de l'armée croate qui était de couleur jaune.

 21   Q.  Qu'est-ce qui vous permet de dire que ces plaques d'immatriculation de

 22   couleur jaune étaient de l'armée croate ?

 23   R.  J'avais déjà passé pas mal de temps en Croatie par le passé et circulé

 24   le long de la côte dalmatienne où il y avait pas mal de déplacement de

 25   militaires parce que, quand on circule en voiture et qu'on va vers Zagreb,

 26   à partir de Sibenik, par exemple, on rencontre pas mal de véhicules avec

 27   des plaques d'immatriculation comportant les lettres HV qui sont jaunes et

 28   HVO qui sont blanches.


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  1   Q.  Vous rappelez-vous, Monsieur, quels vêtements portaient ces militaires

  2   dont vous venez de parler ?

  3   R.  Les vêtements étaient assez divers. Ce que je veux dire c'est que les

  4   hommes du HVO portaient le plus souvent un uniforme, mais il y avait pas

  5   mal de jeunes gens qui se contentaient d'arborer un t-shirt de couleur noir

  6   et un pantalon de camouflage. Certains avaient un uniforme, d'autres pas,

  7   d'autres, la moitié d'un uniforme. A Grude, je n'ai pas d'uniformes du HOS

  8   qui étaient tous, noirs.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je regarde l'heure et

 10   je m'apprête à aborder un autre sujet. Peut-être, pourrait-on faire la

 11   pause ?

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. On va la pause d'une durée de 20 minutes.

 13   Nous reprendrons dans 20 minutes.

 14   --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

 15   --- L'audience est reprise à 15 heures 55.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience étant reprise.

 17   Monsieur Mundis, poursuivez.

 18   M. MUNDIS : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Vulliamy, pendant la pause, on m'a demandé, comme je l'avais

 20   prévu -- je vous demande de ralentir un petit peu lorsque vous répondez,

 21   simplement pour aider la sténotypiste dans son travail.

 22   R.  Oui. Pardonnez-moi.

 23   Q.  Donc, je vais maintenant me tourner vers quelque chose que vous avez

 24   évoqué cet après-midi, un peu plus tôt dans votre déposition, lorsque vous

 25   avez obtenu la permission de M. Dedakovic de visiter le camp de Capljina.

 26   Pouvez-vous nous en parler un petit peu et nous dire ce qui est arrivé ?

 27   R.  Oui, certainement. Nous sommes partis, mais il ne nous a pas

 28   accompagnés. Nous avons quitté son bureau et son QG, et nous sommes arrivés


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  1   devant le portail d'un camp. Je ne pense pas qu'on nous avait annoncés, car

  2   le commandant du camp, qui s'appelait Hrskic, je crois qu'il était

  3   commandant, était surpris de nous voir, finalement pas très heureux à

  4   l'idée que nous entrions au camp. Mais bon, de toute façon, l'ordre que

  5   nous avions sur papier était tout à fait clair, peut-être qu'ils ont

  6   communiqué par téléphone, je ne sais pas. Il y avait donc à l'entrée un

  7   gardien qui a été de l'armée bosniaque, mais tous les autres avaient --

  8   cela, je pouvais le savoir d'après ce qu'il avait sur les bras. Mais tous

  9   les autres étaient HOS, c'est-à-dire, qu'ils portaient un uniforme tout

 10   noir, et après une longue conversation avec Hrskic, je crois, je ne me

 11   souviens pas en fait de tous les détails, mais nous avons fait un tour du

 12   camp.

 13   Q.  Encore une fois, Monsieur Vulliamy, pour les besoins du compte rendu

 14   d'audience, pourriez-vous nous dire à quelle date environ et à quelle

 15   époque vous êtes arrivé dans ce camp ?

 16   R.  Ecoutez, bon, c'est une date approximative. La mi-août, le 14 ou le 15.

 17   Quelque chose comme cela.

 18   Q.  Monsieur, c'était avant ou après la réunion que vous avez eue avec M.

 19   Boban ?

 20   R.  Je crois que c'était le lendemain.

 21   Q.  Vous souvenez-vous de l'heure de la journée, environ, à laquelle vous

 22   êtes arrivé ?

 23   R.  Je crois que c'était à la fin de la matinée, début de l'après-midi, ou

 24   peut-être plutôt l'après-midi, car nous avons passé pas mal de temps avec

 25   M. Dedakovic.

 26   Q.  Pourriez-vous nous dire approximativement combien de temps vous êtes

 27   resté dans le camp, ce jour-là ?

 28   R.  Au total, deux heures. Nous avons beaucoup parlé avec Hrskic.


Page 1507

  1   Q.  A un moment donné, Monsieur, avez-vous appris quel était le nom de cet

  2   endroit ou de ce camp ?

  3   R.  A l'époque, je ne connaissais pas le nom. Avec le recul, je le connais,

  4   car je suis revenu à cet endroit-là à une autre occasion. Mais à ce moment-

  5   là, je ne connaissais pas le nom du camp -- ni du camp. Il était sur la

  6   liste des camps qu'il y avait à Belgrade. Ce camp s'appelait Capljina.

  7   Q.  Monsieur, plus tard, lorsque vous avez découvert vous-même à ce moment-

  8   là qu'est-ce que c'était, est-ce que vous connaissiez le nom du camp ?

  9   R.  Oui. Je suis retourné au mois de septembre 1993. Le nom du camp était

 10   Dretelj.

 11   Q.  Monsieur Vulliamy, pourriez-vous faire part de vos observations à la

 12   Chambre lorsque vous avez visité ce camp dans la mi-août 1992 ?

 13   R.  Oui. Il y avait -- les prisonniers étaient des Serbes, et ceux qui --

 14   nous avons pu parler en présence du commandant Hrstic étaient des hommes

 15   serbes d'âges différents. Il y avait un particulier, mais je venais

 16   d'Omarksa et Trnopolje, et j'avais ces personnes-là à l'esprit. Ce qui

 17   était très attristant avait surtout trait à l'intimidation et une

 18   négligence indéniable plutôt de massacres systématiques ou passages à

 19   tabac. Les hommes étaient en mauvaise posture, en mauvaise condition, en

 20   très mauvaise condition, mais il n'y avait pas de signes de passages de

 21   tabac ou quelque chose de la sorte. Il y avait un rituel qui était assez

 22   humiliant : les gens se levaient, s'asseyaient : "Merci, Monsieur le

 23   commandant," ils devaient se présenter. Je ne me souviens pas d'entretien

 24   en particulier, mais c'est au moment de partir que nous avons été le plus

 25   choqués. Nous avons traversé la cour, nous nous sommes dirigés vers

 26   l'entrée, c'est l'endroit où nous avions eu ces entretiens, et nous sommes

 27   passés devant un abri, à droite, où la porte était légèrement entrouverte.

 28   C'était une porte métallique qui se rabattait, et on voyait très clairement


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  1   qu'il y avait un nombre important de femmes à l'intérieur. Nous avons

  2   demandé si nous pouvions entrer à l'intérieur, et on nous a dit que non. On

  3   nous l'a dit de façon assez menaçante. Nous avons décidé donc de ne pas

  4   insister; à tort, sans doute. Nous avons parlé de cela avec le commandant

  5   Hrstic par la suite, et j'ai été menacé, en quelque sorte. Il se comportait

  6   un peu comme un fanfaron et il m'a dit que je ne devais absolument pas à

  7   écrire cela ou parler de la présence de ces femmes dans le camp. Il a fait

  8   une plaisanterie. Il a blagué là-dessus, et moins vous en savez, mieux ce

  9   sera pour vous, quelque chose de la sorte. En fait, il ne voulait pas en

 10   parler. C'est tout. C'est ce qui m'a le plus dérangé à propos de ce camp.

 11   Plus tard, de retour à Zagreb, nous en parlions avec le Parti des

 12   Droits, et ils n'ont pas pu m'en dire davantage de la présence de ces

 13   femmes dans le camp qui m'a alertée. Avec le recul, elle m'alerte toujours.

 14   Q.  Monsieur Vulliamy, à ce stade, je me demande si vous pouvez aller plus

 15   de l'avant dans votre récit et nous dire ce qui s'est passé après votre

 16   visite à Dretelj. Nous allons revenir à ce que vous avez dit à propos du

 17   mois de septembre 1993 un peu plus tard dans votre déposition. Mais

 18   pourriez-vous nous dire où vous vous êtes rendu à la fin du mois d'août,

 19   après votre passage au camp de Dretelj ?

 20   R.  Oui. Je suis allé jusqu'à Travnik après un incident assez important sur

 21   le Mont Vlasic, ce qui n'était pas pertinent ici. Mais vers la fin du mois

 22   d'août, lors de cette visite, j'étais vraiment un invité du HVO, car mon

 23   interprète était Croate. C'était un Croate de Bosnie. Elle avait des amis à

 24   Travnik, et nous avons séjourné chez - le système marchait comme cela -

 25   c'était l'hôtel Orient, et les choses marchaient ainsi. Les hôtels avaient

 26   été réquisitionnés par l'armée, et les chambres de ces hôtels étaient

 27   gérées par le HVO. Ces chambres pouvaient être utilisées par les soldats.

 28   Mais vous savez, pour quelques deutsche marks, on pouvait rester dans une


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  1   de ces chambres si on était soldat ou si on était de permanence, ou quelque

  2   chose comme cela.

  3   J'ai passé beaucoup de temps lors de cette visite avec les gens du HVO. Il

  4   y avait un commandant, un commandant adjoint, je ne me souviens plus. Il

  5   s'appelait Pokrajcic. Nous étions assis avec lui, et lui venait de l'armée

  6   de Bosnie. C'était un Musulman de l'armée de Bosnie. C'est la première fois

  7   que nous avons entendu parler de problèmes qu'il y avait entre les deux

  8   milices. Cet homme, Pokrajcic a dit : je parle, je défends les victimes

  9   dans cette guerre. Il a dit : jamais, au grand jamais, je ne mettrai un

 10   terme à cette alliance. Il m'a donné l'impression que -- je ne me souviens

 11   pas des termes exacts qu'il a utilisés, mais il disait que la pression

 12   venait surtout de l'Herzégovine.

 13   Q.  Vous souvenez-vous, Monsieur, de l'identité des personnes que vous avez

 14   identifiées en tant que Musulmans de l'armée de Bosnie ?

 15   M. KOVACIC : [interprétation] Pardonnez-moi si j'interromps, mais nous

 16   parlons des événements de Travnik, maintenant. Travnik n'est pas un des

 17   lieux où bon nombre de crimes se sont produits, et ce n'est pas un lieu

 18   dont sont accusés les accusés ici. Donc, je n'en vois pas la pertinence. Si

 19   l'Accusation, encore une fois, nous accuse de quelque chose qui ne figure

 20   pas dans la mise en accusation, alors il y a, bon, des charges un peu

 21   particulières. Je ne sais pas.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : -- le point de Travnik --

 23   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a passé

 24   beaucoup de temps en Bosnie. C'est un récit chronologique qui permet

 25   d'aller d'un point à un autre. Dans l'acte d'accusation, des références

 26   sont faites aux événements qui se sont déroulés en Bosnie centrale. Bien

 27   sûr, Travnik se trouve en Bosnie centrale.

 28   Nous avançons aussi dans notre argument que ceci est pertinent dans la


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  1   mesure où ceci nous permet de suivre une progression logique et d'expliquer

  2   ces événements à l'époque où ils se sont passés, au moment où le témoin

  3   était en Bosnie. Je ne vais pas en parler, mais je veux parler de la

  4   période qui nous concerne, ici.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

  6   M. KOVACIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le

  7   Président. Les endroits où les crimes ont été commis, crimes qui sont

  8   reprochés dans l'acte d'accusation, sont très précisément décrits aux

  9   paragraphes 43 à 217 de l'acte d'accusation. Il ne s'agit pas de Travnik,

 10   ici. Il ne s'agit certainement pas de Travnik. Cela étant dit, le témoin a

 11   parlé d'Omarska et d'autres endroits qu'il a visités en Bosnie-Herzégovine

 12   ayant trait -- bon, à propos desquels il a témoigné dans d'autres affaires.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : -- dit M. Mundis. M. Mundis explique que nous avons

 14   un témoin qui a été dans cette zone de la Bosnie pendant la période qui

 15   recouvre l'acte d'accusation et que dans le cadre du contexte historique,

 16   il est peut-être intéressant d'avoir quelques points de repère. Voilà. On

 17   ne parle pas de crime, on parle d'un contexte.

 18   Continuez.

 19   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Monsieur Vulliamy, à cette époque et ce moment, au mois d'août 1992,

 21   vous êtes resté combien de temps à Travnik ?

 22   R.  Lors de cette visite, trois à quatre jours, je pense.

 23   Q.  Où êtes-vous rendu après avoir quitté Travnik en août 1992 ?

 24   R.  Je crois que je suis rentré chez moi. Chez moi, c'était en Italie, à

 25   l'époque, et je suis retourné 15 jours plus tard. Je crois.

 26   Q.  A quel moment, après votre séjour en Italie, êtes-vous revenu en

 27   Bosnie, et dans quelle partie de la Bosnie ?

 28   R.  Cela devait être au mois de septembre. Encore une fois, je suis allé en


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  1   Bosnie centrale, à Vitez, à Travnik, à cette époque-là. Pardonnez-moi,

  2   j'essaie de me retrouver au niveau des dates. Je crois que je suis retourné

  3   en Bosnie centrale à nouveau au mois de septembre.

  4   Q.  Pendant combien de temps êtes-vous resté en Bosnie centrale à ce

  5   moment-là ?

  6   R.  Je ne m'en souviens pas, malheureusement.

  7   Q.  Quand êtes-vous retourné en Herzégovine, après cela ?

  8   R.  Je crois que la fois suivante était au mois d'octobre, je crois.

  9   Lorsque je suis retourné après en Herzégovine, cela devait être à la fin du

 10   mois d'octobre. Si je me souviens bien, vers la mi-octobre ou fin octobre.

 11   Q.  Pourriez-vous nous décrire les raisons pour lesquelles vous êtes

 12   retourné en Herzégovine en octobre 1992 ?

 13   R.  Oui. C'est un jour dont je me souviens, car je suis arrivé à Split à la

 14   mi-octobre, et vers le 19 ou le 20, l'interprète ou mon collègue de

 15   Reuters, qui est un de mes collègues yougoslaves, avait lu dans le journal

 16   que Mate Boban était à Travnik, à l'époque où j'avais de bons contacts avec

 17   les deux armées alliées. Il s'était rendu à cet endroit-là et il a déclaré

 18   que cela faisait partie de l'Herceg-Bosna. Cela m'a surpris, parce que

 19   Travnik avait une forte présence du HVO et une communauté croate très

 20   prospère, c'est néanmoins une ville majoritairement musulmane. Nous étions

 21   encore à Split, et j'aurais préféré prendre la route tout de suite, car

 22   lorsqu'on a entendu parler d'une fusillade à une station à essence à Novi

 23   Travnik ou Pucerevo, comme cela s'appelait à ce moment-là, dans le sud à

 24   une station à essence, et un Musulman avait été tué. Il semblait que

 25   c'était quelque chose d'important et il fallait que nous en sachions

 26   davantage. A ce moment-là, j'ai pris la route pour me rendre à Travnik.

 27   Q.  Lorsque vos avez entendu cette nouvelle, vous étiez à Split ?

 28   R.  Soit à Split, soit déjà en route.


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  1   Q.  Vous souvenez-vous, Monsieur, de la route que vous avez empruntée en

  2   octobre 1992 ?

  3   R.  Oui, parce que nous avons traversé Kiseljak et nous avons suivi la

  4   vallée la Lasva. Nous avons traversé Busovaca, et ensuite, on tourne à

  5   gauche en direction de Vitez. Je m'en souviens, car il avait une

  6   mobilisation importante en cours à ce moment-là, un mouvement important de

  7   troupes en direction du nord de Kiseljak. Il y avait des barrages routiers

  8   du HVO, sur cette route de Kiseljak jusqu'à l'intersection, et en

  9   particulier en direction de Vitez. Je parle de camions et de bus,

 10   d'autocars, et il y avait d'autres troupes qui se dirigeaient du sud au

 11   nord, du sud de Kiseljak vers le centre de la Bosnie.

 12   Q.  Monsieur Vulliamy, quand -- au cours de ce voyage en octobre 1992, où

 13   vous êtes-vous rendu ce jour-là ?

 14   R.  Nous avons atterri à Vitez, car nous espérions pouvoir passer la nuit à

 15   Vitez. Encore une fois, nous espérions que le même système que je vous ai

 16   décrit à Travnik, à savoir l'hôtel Orient, qu'on pouvait utiliser ou se

 17   loger dans les chambres d'hôtel. C'était le même système; le HVO gérait cet

 18   hôtel et on pouvait obtenir pour une petite somme d'argent une chambre. Je

 19   sais que ceci ne parait pas très juste lorsque je le dis, mais on pouvait

 20   donner une bol et on pouvait avoir une chambre.

 21   Bien, à ce moment-là, il y avait une différence très nette. A l'intérieur

 22   de l'hôtel, il y avait des gens, il y avait des gens qui s'étaient trouvés

 23   un lit de fortune dans l'endroit où il y avait le bar, et il y avait

 24   également l'endroit -- la réception où les gens dormaient. Toutes les

 25   pièces étaient occupées. On ne pouvait rien négocier pour séjourner à cet

 26   endroit-là. Tout avait été mobilisé par l'armée et tout était entièrement

 27   repris en main par l'armée. Nous avons décidé de trouver quelque chose aux

 28   alentours de Vitez. Il y avait de petites fusillades et, en fait, après


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  1   être passés à cet hôtel du HVO, nous avons atterri dans un studio de la

  2   radio, ou plutôt, un abri de fortune où nous avons entendu un débat dans un

  3   petit immeuble à l'ouest de la ville.

  4   Q.  Monsieur, à ce moment-là, au mois d'octobre 1992, saviez-vous qu'il y

  5   avait un parti ou des partis qui avaient pris part au conflit et c'est pour

  6   cela que vous entendiez des fusillades ?

  7   R.  Oui. Ecoutez, c'était la conséquence des nouvelles que nous avions

  8   entendues, la fusillade de Novi Travnik. Il y avait le HVO et l'ABiH, ou

  9   plutôt c'était le HVO et l'ABiH, c'étaient les Musulmans et les Croates.

 10   Q.  Combien de temps êtes-vous resté habité à Vitez au mois d'octobre

 11   1992 ?

 12   R.  Notre idée avait été de rester sur place. Nous souhaitions rester parce

 13   que -- nous ne pouvions pas, parce qu'il y avait les émissions radio qui

 14   devaient être envoyées. Je crois que nous avons essayé à nouveau de trouver

 15   une chambre dans cet hôtel, bien que l'ambiance n'était pas très bonne, et

 16   il y avait des menaces de coups de feu pendant même que l'émission radio

 17   était préparée et enregistrée. Donc, il y avait beaucoup de combats près de

 18   Stari Vitez, de l'ancienne partie de Vitez, et surtout dans la partie

 19   musulmane. Il y avait -- on entendait des coups de feu, et ces coups de feu

 20   se sont accélérés pendant le débat à la radio parce que c'est ce que nous

 21   pouvions voir de la fenêtre. Ensuite, j'ai reconnu le son d'un système

 22   antiaérien que quelqu'un tirait. C'était un son beaucoup plus lourd, et

 23   c'est ce qui était utilisé.

 24   Q.  Encore une fois, M. Vulliamy, combien de temps êtes-vous resté à Vitez

 25   à la mi-octobre 1992 ?

 26   R.  Ce soir-là, je n'ai pas pu dormir, et nous sommes allés à un endroit

 27   qui s'appelait Fojnica. Ensuite, nous sommes revenus. Nous avons essayé de

 28   remonter jusqu'à Vitez le lendemain, mais nous ne pouvions pas. Nous sommes


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  1   restés coincés parce qu'il y avait, près de Novi Travnik, des combats.

  2   Q.  Monsieur, après cet incident qui vous avait choqué près de Novi

  3   Travnik ?

  4   R.  Nous sommes restés coincés pendant un certain temps avec un groupe de

  5   soldats du HVO. Il y avait un échange de feu, et ensuite, finalement, nous

  6   avons réussi à passer de Vitez à Travnik et nous nous sommes rendus à

  7   l'hôpital de Travnik. Il y avait des victimes de cette confrontation qui

  8   venait d'avoir lieu. C'était plutôt choquant; il y avait beaucoup d'enfants

  9   parmi eux.

 10   Q.  Où est-ce que vous vous êtes rendus après cela ?

 11   R.  Nous sommes redescendus à Split pour préparer notre récit. Je dois vous

 12   expliquer qu'il n'y avait pas de téléphones à l'époque en Bosnie centrale

 13   et qu'il fallait aller à Split en voiture ou dans une ville le long de la

 14   frontière - c'est ce qu'on appelait Imotski - lorsqu'il fallait préparer

 15   nos comptes rendus, nos récits. Nous avions vu tous ces combats à Vitez.

 16   Nous avions pris peur parce que nous avions vu à Novi Travnik.

 17   Q.  A cette occasion-là, vous vous êtes rendu à Split pour pouvoir faire

 18   publier ce que vous aviez vu et ce que vous aviez écrit. Pourriez-vous nous

 19   dire quelle route vous avez empruntée ?

 20   R.  Ecoutez, nous sommes passés par Konjic ce soir-là. Ecoutez, je ne sais

 21   pas. Ce n'est pas moi qui conduisais. Je suis monté à bord d'un véhicule

 22   d'un journaliste du Sunday Times qui lui avait une voiture. Nous n'avons

 23   pas traversé Konjic, et je ne sais pas pourquoi, parce que ceci avait été

 24   bombardé par les Serbes, mais nous sommes retournés à Split le lendemain,

 25   sains et saufs. Je ne sais pas pourquoi nous avons emprunté ce chemin-là.

 26   Q.  Encore une fois, quand avez-vous quitté Split et où êtes-vous parti,

 27   après cela ?

 28   R.  Quasiment tout de suite, parce que sur le chemin du retour, on a


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  1   entendu à la radio -- ou plutôt, lorsque nous sommes arrivés à Split, il y

  2   avait -- on a entendu dire des choses contradictoires. Nous devions nous

  3   rendre à Mostar. Ensuite, il y avait un ultimatum qui avait été lancé, et

  4   ensuite -- en réalité, il y avait beaucoup de confusion dans les rapports,

  5   les reportages qui étaient faits. Il y avait un reportage sur l'ABiH, que

  6   le HVO ne reconnaissait plus l'autorité de l'ABiH. Ensuite, il y a un autre

  7   reportage, entre guillemets, d'extrémistes musulmans qui ne toléraient plus

  8   -- qu'ils ne les toléreraient plus sur ce territoire libre, et ensuite, un

  9   ultimatum lancé de Mostar. Donc je ne sais pas si cela signifiait que

 10   Mostar recouvrait l'ensemble du territoire, je ne sais pas, ou si

 11   l'ultimatum venait de Mostar ou de l'armée de Bosnie et qu'il fallait

 12   désarmer, ou si c'était encore passé sous l'autorité du HVO. Le lendemain

 13   matin, nous sommes partis pour Mostar. C'était le 24 ou le 25.

 14   Q.  De quel mois et quelle année ?

 15   R.  Octobre.

 16   Q.  1992 ?

 17   R.  Oui. Je crois que c'est le 24, si je compte les jours.

 18   Q.  Alors en réalité, vous êtes allé à Mostar ce jour-là ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Pourriez-vous nous dire quels sont les éléments dont vous avez été le

 21   témoin à Mostar ce jour-là ?

 22   R.  C'était assez dramatique et plein de conséquences. Il est vrai que le

 23   HVO avait lancé son ultimatum. Ils avaient pris le contrôle de bâtiments

 24   importants dans la ville. Les bâtiments de PTT - c'est le bâtiment de

 25   téléphone, de communication, c'est les communications - la mairie, le

 26   palais de justice. Ils avaient placé un gardien devant le QG de l'ABiH. Je

 27   dois vous expliquer ceci : à ce moment-là, car l'alliance avait très bien

 28   fonctionné, étant donné que l'alliance avait très bien fonctionné jusque-


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  1   là, les deux QG des deux armées étaient côte à côte, quasiment côte à côte,

  2   en tout cas très proches, du côté ouest de la ville. Nous sommes arrivés à

  3   cet endroit-là, et c'est quelque chose qu'on nous a dit. On voyait beaucoup

  4   d'activités déployées par les gens du HVO dans les rues. Nous sommes

  5   d'abord allés voir le commandant de l'ABiH, qui s'appelait Pasalic, et on

  6   lui a posé une question à propos de cet ultimatum. Il a dit quelque chose

  7   de l'ordre de : comment puis-je désarmer, je suis censé faire la guerre.

  8   Ceci n'est pas une citation exacte. Encore une fois, quelque chose de

  9   l'ordre de - ceci n'est pas une citation exacte - que ceci est un plan,

 10   ceci vient d'en haut. Je crois qu'il a parlé de Grude, très précisément. Il

 11   nous a averti très tôt, avec le recul du temps, que si ce plan était

 12   appliqué, cela signifierait qu'il y aurait la "guerre à Mostar".

 13   Il nous a dit que le HVO était entré et avait emporté son système de

 14   transmission, son système radio, et c'était un de ses aides, un Croate de

 15   Zagreb, un ancien étudiant qui faisait partie de l'ABiH, qui nous a montré

 16   que les fils avaient été sortis des deux prises. Ce jeune Croate nous a

 17   expliqué ce qui s'était passé, il était très en colère.

 18   Ensuite, nous avons eu une longue conversation avec son adjoint, je crois

 19   qu'il s'appelait Tetak, le commandant adjoint. Il était très en colère et

 20   il avait peur, au vu de ce qui se passait. Tetak a dit quelque chose de

 21   l'ordre de : nous voulons nous battre ensemble, nous voulons avoir un pays

 22   unifié.

 23   Q.  Avez-vous eu d'autres réunions lorsque vous étiez à Mostar à cette

 24   époque-ci, vers le 24 octobre 1992 ?

 25   R.  Oui, plusieurs réunions, plusieurs entretiens ce jour-là. L'un avec le

 26   commandant du HVO qui était juste à côté. Si ce n'était pas le commandant,

 27   c'était en tout cas son adjoint, ou en tout cas un représentant de haut

 28   rang de l'armée. Il s'appelait Lasic. Je ne connais pas son prénom. Je


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  1   connaissais son prénom, je l'ai sans doute appris quelque part, mais je ne

  2   me souviens pas de son prénom. Son QG était en émoi. Il y avait beaucoup

  3   d'activités, des hommes partout, des armes. Il nous a offert un whisky

  4   assez bon, du reste, un bon whisky. Il nous a décrit et il nous a parlé en

  5   ses propres termes de ce qu'il se passait. Il a parlé du HVO comme étant

  6   l'autorité civile et militaire à Mostar, et il nous a donné l'impression

  7   que pour ce qui est des représentants au sein des autorités civiles et

  8   militaires, en assemblant les deux termes au niveau de la ville, comme il

  9   nous l'a dit, il a parlé de Musulmans, mais il n'a pas parlé de l'armée.

 10   Il a dit que s'il serait représenté, que l'ABiH devait être désarmée. Il

 11   n'a pas dit : j'exige, mais je les enjoins de se retirer de la ligne de

 12   front qui se trouvait à l'est de la ville, à ce moment-là. Nous avons

 13   beaucoup parlé de cette remarque, car ceci a une importance, une très

 14   grande importance sur un plan militaire. C'est tout ce dont je me souviens.

 15   Q.  A ce moment-là, savez-vous de quelle ligne de front il s'agissait ?

 16   R.  Je supposais à l'époque, et je crois que j'avais raison, de la ligne de

 17   front qui était tenue par l'armée de Bosnie et le HVO à l'est de Mostar,

 18   tenue contre les Serbes. Mais en m'entretenant avec les soldats de Bosnie

 19   un peu plus tard au cours de la journée, les soldats nous ont dit à tort ou

 20   à raison, je ne sais pas, que les lignes de l'ABiH étaient plus en amont

 21   par rapport à celle du HVO. Donc, avec le retrait des soldats du HVO, en

 22   réalité, le HVO se retirait un petit peu de la ligne de front sur un plan

 23   militaire, ce qui n'était pas très logique.

 24   Q.  Nous sommes à ce moment-là le 24 octobre 1992. Quelles étaient les

 25   conditions de vie à Mostar ? Comment vivaient les habitants de Mostar ?

 26   R.  La ville avait été pilonnée par les Serbes depuis que ceux-ci avaient

 27   été repoussés de la ville en juillet. Nous n'avons pas beaucoup parlé ce

 28   jour-là à dans habitants. Cependant, nous avons parlé à des réfugiés aussi


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  1   bien Musulmans que Croates, qui venaient de territoires tenus par les

  2   Serbes au sud et au sud-est, pour l'essentiel. Ce qui est intéressant à ce

  3   propos, à propos de ces conversations, c'est que tous allaient devoir

  4   s'inscrire une fois de plus auprès du HVO s'ils voulaient rester là, quels

  5   que soient les papiers dont ils disposaient pour ce faire, car les papiers

  6   qu'ils avaient, les papiers d'identité n'étaient plus valables. C'était

  7   sans doute des papiers délivrés par le gouvernement de Bosnie, qui

  8   n'étaient plus valables, et il fallait qu'ils s'inscrivent auprès du HVO

  9   pour avoir de nouveaux documents officiels pour maintenir leur statut.

 10   Cela, je m'en souviens.

 11   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que quelque chose avait changé par rapport à

 12   votre dernier séjour à Mostar en 1992 ?

 13   R.  Il y avait beaucoup plus de soldats dans les rues, cela c'est certain.

 14   Oui. Puis, les dégâts causés par les pilonnages serbes qui s'étaient

 15   poursuivis quand je m'étais trouvé là en août, il y avait effectivement des

 16   tombes, des cimetières qui avaient été creusés dans les parcs, mais on

 17   voyait des traces de la guerre. Mais j'avais voulu revoir le pont par

 18   rapport à ma visite précédente. Il y avait eu des dégâts causés par les

 19   pilonnages, mais on constatait que le HVO avait pris le contrôle et que

 20   tout ce dont on avait parlé à Vitez se passait maintenant à Mostar.

 21   Q.  Est-ce que vous avez eu d'autres réunions ce jour-là, en octobre 1992 ?

 22   R.  Oui, j'ai rencontré un homme politique musulman. Je ne me souviens pas

 23   de son nom, malheureusement. Il se peut qu'il ait été membre du SDA, le

 24   principal parti musulman qui avait à sa tête le président aujourd'hui

 25   décédé, Izetbegovic. Je ne me souviens pas grand-chose de cette

 26   conversation, mais cet homme était très tracassé, très préoccupé, il

 27   s'inquiétait de ce qui allait se passer à la ville, de ce qui se passait

 28   aussi à la ville et de ce qui allait se passer dans les mois à venir.


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  1   Mais en dépit de tous les avertissements, on n'aurait pu davantage tenir

  2   compte de ce qu'avait dit au mois d'août Mate Boban, parce qu'il avait dit

  3   que c'était un fait -- effectivement, il allait provoquer tout cela.

  4   C'était une menace à l'époque. N'empêche, c'était très choquant de voir ce

  5   qui se passait au nord-ouest, vu ce que faisaient les Serbes et vu

  6   qu'ailleurs dans le pays, il y avait encore l'alliance entre les Musulmans

  7   et les Croates. C'était vraiment frappant de voir que tout ceci se soit

  8   passer aussi rapidement, aussi efficacement et de façon aussi - apparemment

  9   - aussi résolue.

 10   Q.  Vous avez passé combien de temps à Mostar, cette fois, vers le 24

 11   août ?

 12   R.  Nous sommes partis ce jour-là, nous sommes partis à la tombée de la

 13   nuit, au crépuscule, pour aller voir Mate Boban à Grude.

 14   Q.  Relatez-nous, s'il vous plaît, cette visite que vous avez effectuée à

 15   M. Boban le 24 octobre 1992 ?

 16   R.  Il était désormais à l'hôtel Grude, de l'autre côté de la rue. On nous

 17   a fait entrer dans le sous-sol. Nous devions l'attendre parce qu'il avait

 18   une réunion derrière un rideau. C'était une espèce d'endroit où on

 19   mangeait, où on avait aménagé pour qu'il y ait son QG à l'hôtel. On nous a

 20   dit d'attendre. On nous a dit qu'il allait nous rencontrer. C'était une

 21   réunion avec des gens en uniforme. Il était d'excellente humeur. Il nous a

 22   accueilli, il était d'excellente humeur, parce qu'il a dit : on vient de me

 23   faire président du HDZ. Nous l'avons félicité, et il nous a félicité de

 24   pouvoir faire une première interview exclusive avec le nouveau président du

 25   parti en Bosnie.

 26   Q.  Vous venez de dire qu'il y avait eu une réunion avec des gens qui

 27   étaient tous en uniforme. Quel uniforme ces gens portaient-ils ?

 28   R.  L'uniforme du HVO.


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  1   Q.  Que saviez-vous à l'époque, en octobre 1992, du parti du HDZ ?

  2   R.  Je vous l'ai déjà dit. Je le répète rapidement. C'était le parti au

  3   pouvoir en Croatie qui avait à sa tête le président, Franjo Tudjman. Il

  4   avait une partie, une branche du parti en Bosnie qui était semi-autonome,

  5   mais quelqu'un de très proche de Zagreb. Mais ce qui est bizarre, c'est que

  6   son dirigeant, nous ne l'avions pas encore rencontré à l'époque, mais je

  7   savais qu'il existait. Nous l'avons rencontré plus tard, c'était Stjepan

  8   Kljuic. Il était le dirigeant du parti un peu par nécessité, car il vivait

  9   à Sarajevo. Même s'il était un Croate très loyal, il était aussi fidèle à

 10   l'alliance, au gouvernement de Bosnie, gouvernement qu'il reconnaissait. Il

 11   pensait que le HDZ, c'était la meilleure façon de représenter les intérêts

 12   croates dans une Bosnie unifiée, en tout cas au sein de l'alliance.

 13   Je ne veux pas ici sauter des étapes, mais il nous a dit plus tard qu'en

 14   fait, ce qui s'était passé ce jour-là, le jour où nous avons rencontré Mate

 15   Boban, c'était qu'il y avait eu un putsch. Mate Boban nous avait dit qu'il

 16   était devenu président, ce qui cadrait tout à fait bien avec ce qu'on avait

 17   vu et entendu les jours précédents, et nous tenions beaucoup à lui parler,

 18   lui parler aussi de ce qui se passait à Mostar.

 19   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que vous vous souvenez des sujets précis dont

 20   vous auriez discuté avec M. Mate Boban en octobre 1992 à Grude ?

 21   R.  Oui. Nous sommes revenus à cette question des cantons et des provinces.

 22   Je voulais désormais avoir plus de renseignements à ce propos. Désolé une

 23   fois de plus de ne pas suivre l'ordre chronologique, mais quelques mois, je

 24   ne sais pas combien de mois avant la signature du plan Vance-Owen, le plan

 25   de paix élaboré par David Owen et Cyrus Vance. Avec le recul, il est assez

 26   extraordinaire de se remémorer cette conversation, parce que ce soir-là, M.

 27   Boban a étoffé cette idée d'une structure en cantons, et c'était un

 28   prologue pratiquement intégral au plan Vance-Owen. En effet, lorsque celui-


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  1   ci a vu le jour, on disait que HVO, cela veut dire : Halla Vance-Owen,

  2   merci Vance-Owen, HVO. C'était une blague qui circulait. Il a étoffé son

  3   propos. Il a dit que le HVO était désormais la seule armée efficace qui

  4   était effectivement sur le territoire libre. C'était peut-être vrai même

  5   s'il y avait certaines parties qui étaient encore contrôlées par les

  6   Serbes, mais d'autres ne l'étaient pas. Mais qu'est-ce qui se passait aussi

  7   à l'époque, c'est qu'il y avait les pourparlers, les pourparlers de paix à

  8   Genève. Ils se déroulaient, ils étaient sur le point de se dérouler. Je

  9   n'en suis plus trop sûr. Mais il a dit clairement que c'était lui qui

 10   allait mener la danse au nom des Croates de Bosnie. A Genève, il a utilisé

 11   des termes très menaçants à l'égard de quiconque ne serait pas de son avis

 12   à lui. Dans le fond, je pense qu'il a dit que le HVO était prêt à devenir

 13   l'autorité militaire suprême de la région. Nous avons parlé de cela. Nous

 14   avons parlé de Mostar, et il a tenu des termes -- le même discours

 15   lorsqu'on a parlé du territoire d'Herceg-Bosna et de Mostar. Il a dit que

 16   l'armée, l'armija, c'était une milice purement musulmane, et ce n'était pas

 17   vrai, en fait, à l'époque. Cela l'est devenu presque plus tard, mais à

 18   l'époque, cela ne l'était pas.

 19   Q.  Permettez-moi de vous interrompre ici pour vous poser quelques

 20   questions de suivi. Tout d'abord, page 50, ligne 6, vous nous avez dit que

 21   M. Boban avait été tout à fait clair, que c'était lui qui allait désormais

 22   mener la danse. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

 23   R.  Oui, je me souviens de ce qu'il a dit. Il a expliqué ce qu'il voulait

 24   dire. Il a dit quelque chose qui revenait à dire que personne n'allait

 25   représenter les Croates de Bosnie à Genève, personne qui n'aurait été

 26   avalisé par lui ou personne qui n'aurait suivi sa politique à lui.

 27   Q.  Vous avez aussi dit --

 28   Excusez-moi, oui, sa politique pour nous cela voulait dire - à l'occasion


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  1   de cette réunion - et je crois qu'il a mis en exergue Karadzic. Il a dit :

  2   Je ne veux rien à voir avec Karadzic, rien à voir avec Izetbegovic, rien à

  3   voir avec la présidence de Sarajevo. C'était une déclaration d'indépendance

  4   et simultanément, dans le fond, de façon assez implicite, une déclaration

  5   de guerre.

  6   Soyons honnêtes. Rappelons-nous. Quand nous avions eu beaucoup de ces

  7   conversations, pour ainsi dire, nous avions eu des discussions avec les

  8   Serbes en Croatie en 1991, avec les Serbes de Bosnie début de l'été 1992,

  9   et tout ceci avait inévitablement débouché sur la violence. C'est en

 10   général le prologue quand on voit les termes utilisés.

 11   Q.  Lignes 8, 9 et 10 de la page 50. Vous avez dit que M. Boban avait

 12   déclaré que le HVO était désormais prêt à être l'autorité militaire suprême

 13   dans la région. Vous avez dit qu'il en avait parlé, qu'il avait également

 14   parlé de Mostar. Est-ce que vous avez des souvenirs plus précis de la

 15   discussion que vous avez eue le

 16   24 octobre 1992 à propos de ce qu'a dit M. Mate Boban de Mostar ?

 17   R.  Il a dit notamment qu'il n'y aurait plus de Musulmans au sein des

 18   pouvoirs, qu'il n'y aurait plus -- que les Musulmans ne feraient plus

 19   partie de l'administration de cette ville. Il a dit que Mostar, c'était la

 20   capitale de l'Herceg-Bosna. Il a donné des raisons qui n'étaient pas

 21   militaires. Il a dit : Il fallait que ce soit une grande ville pour être

 22   une capitale. Rappelez-vous l'université à Mostar. Il a dit : D'une façon

 23   ou d'une autre - malheureusement, je ne me souviens plus de ses mots

 24   exacts. Il a dit que les Musulmans ne participeraient plus à

 25   l'administration militaire ou politique de la ville de Mostar. Il a dit que

 26   c'était la capitale de l'Herceg-Bosna.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire combien cette réunion a duré ?

 28   R.  Entre une heure et deux heures. Je ne me souviens plus exactement.


Page 1524

  1   Q.  Après cette réunion ce soir-là, quelle impression avez-vous emportée de

  2   cette réunion avec M. Boban ?

  3   R.  Je m'en souviens. Mon collègue de l'agence Reuters et moi, nous en

  4   avons discuté sur le chemin du retour. Je ne me souviens plus où nous avons

  5   passé la nuit. En fait, je pense que nous sommes rentrés à Split. Nous

  6   avons parlé de la vitesse avec laquelle tout ceci s'était passé, de

  7   l'efficacité aussi avec laquelle tout ceci s'était passé. Nous commencions

  8   à vraiment nous préoccuper en nous demandant ce qu'ils voulaient dire Boban

  9   et le HVO, "Défendre notre liberté," autorité suprême," qu'est-ce que cela

 10   voulait dire ? J'avais vécu cela dans d'autres endroits, notamment en

 11   ex-Yougoslavie. J'avais parlé avec les Serbes de la Croatie orientale.

 12   J'avais parlé avec les Serbes des Musulmans qui se trouvaient dans le nord-

 13   ouest de la Bosnie. Ce genre discours, de langage était souvent

 14   annonciateur de violence. Il n'y avait pas de raison de croire que cela

 15   allait être différent cette fois-ci, parce que c'était un discours

 16   belliqueux, et c'était navrant à certains égards, parce qu'il semblait que

 17   l'alliance avait été brisée délibérément.

 18   Q.  Lignes 9 et 10 de la page 52, où vous avez parlé, est-il dit : "De la

 19   vitesse et de l'efficacité avec lesquelles tout ceci s'était passé." Quand

 20   vous dites "ce qui s'était passé" vous pensez à quoi précisément ?

 21   R.  Je pense au fait que le HVO et Mate Boban avaient imposé leur autorité

 22   sur un territoire qu'ils appelaient l'Herceg-Bosna, qui allait,

 23   apparemment, jusqu'à Travnik pour l'inclure, et de cette tentative

 24   manifeste de soumettre - enfin, ils disaient des Musulmans, en tout cas,

 25   c'étaient leurs alliés sur ce territoire - cette tentative manifeste de

 26   déclarer ou de vouloir un certain degré d'autorité par rapport au pays dont

 27   la capitale semblait être Sarajevo, qu'ils combattaient pour garder -

 28   enfin, ce n'était plus le cas à ce moment-là, mais au départ c'était bien


Page 1525

  1   cela l'idée.

  2   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre où vous êtes allé au cours

  3   des jours qui ont directement suivi cette réunion que vous avez eue avec M.

  4   Mate Boban le 24 octobre 1992 ?

  5   R.  Les jours qui ont directement suivi cette réunion, l'armée britannique

  6   de Split essayait de déterminer quels pourraient être les itinéraires

  7   menant à Sarajevo, du moins un itinéraire. Il y en avait un qui est passé

  8   par Mostar et Tarcin. Ils avaient été refoulés par le HVO, ce qui était

  9   assez surprenant. On aurait pu, en effet, s'attendre à être refoulés par

 10   les Serbes un peu plus loin. Cela, s'était souvent passé, mais pas que ce

 11   soit le fait du HVO.

 12   Je suis allé en Bosnie centrale jusqu'à Vitez ou Travnik pour faire

 13   autre chose. J'ai essayé d'arriver à Jajce, me semble-t-il, pour parler de

 14   la tentative de prise de contrôle de Jajce. Jajce, c'est une ville au nord

 15   de Travnik que tenaient l'ABiH et le HVO, face au siège des Serbes. Je suis

 16   allé vers Tomislavgrad à Split, parce que je voulais envoyer mon reportage

 17   à ce propos, et j'ai traversé Prozor.

 18   Q.  Vous alliez du nord de Mostar vers la Bosnie centrale. Quelle route

 19   avez-vous prise ce jour-là ? Donc, vous alliez vers le nord ?

 20   R.  Le convoi britannique a fait demi-tour, à rebrousser chemin. Je ne sais

 21   plus par où on est passés pour aller en Bosnie centrale. En tout cas, nous

 22   sommes redescendus vers le sud, et là, nous sommes passés par Prozor.

 23   Q.  Est-ce que vous avez une idée de la date approximative à laquelle vous

 24   êtes passés par Prozor ?

 25   R.  C'était un week-end. Malheureusement, je ne me souviens plus de la

 26   date. Sans doute, l'ai-je consigné quelque part. Je pense que si on voit

 27   les articles que j'ai publiés, on peut la retrouver. C'était un vendredi

 28   soir ou un samedi. Non, non, dimanche. Il y avait beaucoup de gens dans les


Page 1526

  1   rues.

  2   Q.  Quel était le climat qui régnait parmi les gens dans les rues ?

  3   R.  La vie était tout à fait normale. Nous avons pris un café après avoir

  4   traversé la ville. C'était le week-end qui commençait ou qui allait

  5   commencer. Il y avait des gens dans la rue. Les enfants bavardaient, les

  6   gens bavardaient. Prozor était assez loin de la ligne de front où qu'elle

  7   soit. Prozor n'avait pas été pilonnée, à moins de mortiers serbes qui

  8   seraient tombés quand même assez loin. La vie était tout à fait normale.

  9   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que vous êtes revenus plus tard dans la ville

 10   de Prozor ?

 11   R.  Oui. Oui, en effet. Nous avons envoyé notre reportage sur la Bosnie

 12   centrale. Nous sommes repartis. Je ne sais plus où nous allions. C'était

 13   peut-être deux jours plus tard. Nous étions un groupe qui était tout à fait

 14   ébahi, ahuri de voir ce que nous avons vu aux abords de Prozor et, a

 15   fortiori, à Prozor même.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire, de façon approximative, à quelle date,

 17   jour, mois, année, où vous êtes repartis à Prozor ?

 18   R.  Je ne peux pas vous donner de date exacte. Fin octobre.

 19   Q.  Quelle année ?

 20   R.  1992.

 21   Q.  Vers quelle heure êtes-vous arrivés à Prozor ce jour-là ?

 22   R.  Fin de l'après-midi.

 23   Q.  Qu'avez-vous vu ce jour-là ?

 24   R.  La première chose que nous avons vue avant d'entrer en ville, c'était

 25   beaucoup de soldats. Entre Rumboci - c'était un village - entre ce village

 26   et Prozor et surtout sur les hauteurs, avant d'entrer dans Prozor, il y

 27   avait de l'artillerie et il y avait un graffiti, écrit en grand, qui disait

 28   : "Cro territory", "territoire Cro." Nous sommes entrés en ville en disant


Page 1527

  1   : Mais, mon Dieu, mon Dieu. On a un peu dit des choses qu'il ne faut pas

  2   répéter dans un prétoire. La rue principale avait été éventrée

  3   pratiquement. L'essentiel de cette rue avait été éventré; les bâtiments,

  4   tous les bâtiments dans certaines rues, un sur deux, un sur cinq. Notre rue

  5   avait été rasée par le feu. Il y avait des traces de pilonnages, de tirs à

  6   l'arme légère. Il y avait des soldats qui pillaient les magasins.

  7   Dans la région dont j'avais pensé à tort ou à raison que c'était un

  8   secteur croate, là, apparemment, rien ne s'était passé. Il y avait toujours

  9   des enfants dans la rue. Nous nous sommes arrêtés pour échanger quelques

 10   mots à peine avec un groupe de soldats. Je ne me souviens pas de ce qu'ils

 11   ont dit. Ils ne voulaient pas rester trop longtemps, parce que c'était

 12   assez effrayant comme atmosphère. Nous avons cherché à sortir de la ville

 13   en passant par une partie musulmane. Enfin, il y avait un grand nombre.

 14   Vers la gauche, quand on quitte la ville pour monter sur une colline,

 15   beaucoup de maisons de ce secteur avaient été endommagées. Il y avait des

 16   traces d'incendies, même si c'était moins que dans la grande rue, et il y

 17   avait un minaret qui avait été endommagé. Il n'avait pas été dynamité alors

 18   que c'était souvent le cas. Je me souviens notamment qu'il y avait un

 19   cheval mort, qui gisait le long de la rue. Quelque part, il y avait un

 20   chalet ou une installation qui grouillait de soldats, et il y avait toute

 21   une série de barrages routiers.

 22   Q.  Vous avez dit avoir vu des soldats à Prozor ce jour-là. Quel uniforme

 23   portaient-ils ?

 24   R.  C'était pratiquement tout des gens qui étaient en treillis, un type ou

 25   d'un autre. Je ne sais toujours pas pourquoi certains avaient à l'épaulette

 26   des rubans rouges. Je ne sais pas toujours pourquoi. Mais c'étaient des

 27   uniformes militaires. Depuis, j'ai vu une photo de quelqu'un que je n'ai

 28   pas vu sur les lieux avec un uniforme néo-nazi. Enfin, cela ne veut pas


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  1   dire grand-chose. C'étaient surtout des uniformes militaires.

  2   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, par la suite, vous avez fait un reportage

  3   sur ce que vous aviez vu ce jour-là à Prozor ?

  4   R.  Oui, le soir même. Parce que c'était une évolution tout à fait

  5   choquante. C'était quelque chose de nouveau. Nous savions que l'alliance

  6   s'était décomposée et s'était brisée puisqu'on l'avait vu à Vitez.

  7   Maintenant, on voyait cela à Mostar. Il y avait ces barrages routiers.

  8   Enfin, je haïs le terme. Mais enfin, c'était un nettoyage ethnique. Cela

  9   présentait toutes les caractéristiques de ce que j'avais vu faire par les

 10   Serbes en Croatie orientale, par les Serbes de Bosnie, dans le nord-ouest

 11   du pays. C'était tous les traits caractéristiques. Effectivement, la région

 12   était dans un aussi mauvais état que certaines régions que j'avais vues.

 13   C'était le même goût amer qui vous restait en bouche. On avait l'impression

 14   qu'il y avait une bataille entre les différentes milices à Prozor et que

 15   les Musulmans avaient été écrasés.

 16   Ce jour-là, nous sommes parvenus jusqu'à Travnik. Cela n'a pas été

 17   facile parce qu'il y avait des combats. On entend cela lointain à Novi

 18   Travnik. Apparemment, le QG de l'armée de Bosnie et des Serbes de Bosnie

 19   avait une ligne terrestre. Nous avons pu l'utiliser.

 20   Q.  Est-ce que vous avez participé à la réalisation d'un film

 21   consacré à Prozor en 1992 ?

 22   R.  Non, je l'ai fait plus tard ce film.

 23   Q.  Quand ?

 24   R.  Je suis allé en Bosnie pour faire ce film en 1993. Je pense que

 25   j'y suis resté jusqu'en février.

 26   Q.  Pourquoi vouloir produire ce film ? Comment vous y êtes-vous pris pour

 27   faire ce film ?

 28   R.  Cela s'est fait dans le cadre d'une émission religieuse de la BBC. Le


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  1   titre était "Le Dernier Testament de la Bosnie." Cela se présentait sous la

  2   forme d'une espèce de lamentation pour ce que je considérais, à l'époque,

  3   comme la fin d'un mode vie à Travnik. La fin - enfin, il y avait des

  4   choses, en fait. Excusez-moi. C'était la fin possible d'un mode de vie à

  5   Travnik. Nous pourrons en parler plus longuement si cela est jugé

  6   acceptable par la Chambre. Mais j'avais vraiment le sentiment que toutes

  7   ces personnes avaient vécu aux côtés les unes des autres, pendant

  8   longtemps, avec le désir de vivre ensemble. Donc, ce film relatif à

  9   Travnik, illustrait une aspiration, un désir qui existait peut-être encore,

 10   et en même temps, un regret, une lamentation pour ce qui est des disparus.

 11   Q.  Monsieur Vulliamy, quel était votre rôle dans la production de ce

 12   film ?

 13   R.  J'en ai écrit le scénario et je l'ai présenté.

 14   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais qu'avec

 15   l'aide du Greffe on soumette au témoin -- on diffuse la vidéo P1784 grâce

 16   au système Sanction.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   "… un nouvel Etat en Bosnie, qui s'appelle lui-même la Herceg-Bosna."

 20   "Nous sommes à Prozor, au sud de Travnik. Un soir d'octobre, je me

 21   suis arrêté prendre un café dans la rue principale très animée. Quelques

 22   jours plus tard, je suis revenu et j'ai trouvé des hordes de Croates

 23   envahissant la ville et 5 000 Musulmans chassés vers les montagnes et à la

 24   recherche de grottes pour se cacher. Le pillage et les assassinats de

 25   Prozor ont été le début d'une nouvelle guerre de Bosnie et une amère

 26   trahison pour les Musulmans. Cela a servi a consolidé un mini Etat de

 27   Croates durs à l'intérieur de la Bosnie, qui s'appelle l'Herceg-Bosna. Ce

 28   territoire arbore le drapeau croate. Un gouvernement fantoche croate se


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  1   sert de la devise croate et présente même des plaques d'immatriculation

  2   spéciale il est permis sinon obligatoire de dire que ces dirigeants sont

  3   soumis à l'armée croate. Les Bosniens qui refusent ce pouvoir sont traités

  4   selon la mode de l'époque."

  5   M. MUNDIS : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Vulliamy, nous avons vu une séquence, pouvez-vous nous dire

  7   quel a été votre rôle dans la production de cette séquence ?

  8   R.  C'est une séquence d'archive. Je la reconnais aux images que j'ai vues.

  9   Je n'ai pas participé à la production de ce film.

 10   Q.  Nous avons remarqué, Monsieur, en haut de la séquence, une date, avril

 11   1993. Pouvez-vous vous expliquer sur ce point ?

 12   R.  Je ne le peux pas, je le crains. Je n'ai pas la moindre idée de ce que

 13   signifie cette date qui est peut-être la date de diffusion. C'est peut-être

 14   la date d'enregistrement par la BBC aussi. Je ne sais pas. Mais en tout

 15   cas, les images sont celles de Prozor mais je ne vois pas ce que signifie

 16   la date.

 17   Q.  Monsieur Vulliamy, ce jour-là, le jour dont nous parlons, combien de

 18   temps êtes-vous resté à Prozor ?

 19   R.  Très peu de temps en dehors d'une conversation rapide avec des soldats.

 20   Nous n'avons fait que traverser la ville qui faisait peur.

 21   Q.  Monsieur, j'ai oublié de vous demander, s'agissant de la séquence

 22   vidéo, quelle est cette référence que vous faites à la fin, " la mode de

 23   l'époque" ?

 24   R.  Je parle de ce dont j'ai déjà parlé précédemment, à savoir, la façon

 25   dont les Croates avaient été expulsés des parties orientales de leur pays

 26   en 1991 ou plutôt de la façon dont les Musulmans avaient été expulsés de la

 27   région de Prijedor en 1992 également. C'était une référence à cela quand je

 28   dis "à la mode de l'époque." Ce que je veux dire par là, c'est que : on


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  1   arrive, on expulse les gens, on met le feu et on met les gens dans des

  2   autobus pour les forcer à partir.

  3   Q.  Monsieur Vulliamy, pouvez-vous nous dire comment vous comparez la scène

  4   que nous venons de voir sur ces images avec les événements dont vous avez

  5   été personnellement témoin à Prozor à la fin d'octobre 1992 ?

  6   R.  Les rues sont très semblables. Les jeunes gens, qui circulent dans ces

  7   rues, ont peut-être un peu plus l'air de voyous que ceux que nous avions

  8   vus avant, mais j'ai remarqué qu'ils n'arboraient pas les rubans rouges

  9   dont j'avais gardé le souvenir.

 10   Q.  Ce jour-là, une fois que vous êtes parti de Prozor, pouvez-vous nous

 11   dire où vous êtes allés ?

 12   R.  Nous sommes allés à Travnik pour transmettre notre article.

 13   Q.  Combien de temps êtes-vous restés à Travnik, à ce moment-là ?

 14   R.  Une nuit et nous sommes partis le lendemain matin pour voir où étaient

 15   les Musulmans.

 16   Q.  Monsieur, comment est-ce que vous avez formulé vos questions dans votre

 17   esprit ?

 18   R.  Le commandant de l'armée bosniaque, enfin je ne devrais pas parler de

 19   cela, en tout cas, il a dit tout ce que je sais et nous avait demandé à

 20   nous entretenir avec lui. Nous lui avions demandé ce qu'il pouvait nous

 21   dire de ce qui se passait. Tout ce qu'il savait c'était que 500 Musulmans

 22   avaient quitté Prozor mais qu'il ne savait pas où ils se trouvaient.

 23   Q.  Où êtes-vous allés le lendemain ?

 24   R.  Nous avons fait des allers-retours constants entre l'endroit où nous

 25   nous trouvions et Prozor, mais à l'entrée de Prozor, à un carrefour, nous

 26   avons vu à un moment, des femmes qui semblaient se disputer et il pleuvait.

 27   Nous avons pris à ce moment-là là gauche et nous nous sommes arrêtés pour

 28   leur parler.


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  1   Q.  Vous rappelez-vous à quel moment à peu près vous êtes arrivés à ce

  2   carrefour non loin de Prozor ?

  3   R.  Je suppose que c'était en fin de matinée un peu avant midi. C'est un

  4   peu difficile à préciser mais à peu près à ce moment-là.

  5   Q.  Pourriez-vous nous décrire ce qui s'est passé quand vous avez rencontré

  6   ces femmes qui, selon ce que vous venez de dire, se disputaient. Vous vous

  7   êtes arrêtés pour leur parler et pourriez-vous nous dire ce qui s'est

  8   passé ?

  9   R.  L'une de ces femmes était en chausson. Toutes ces femmes avaient l'air

 10   effrayé par ce qu'elles avaient vécu la veille, lorsqu'elles étaient

 11   parties chercher une grotte où s'abriter. Elles avaient vu des gens qui

 12   étaient à leur recherche pour les tuer. Donc nous avons parlé de cela un

 13   moment, mais tout semblait assez bizarre. Il y avait un homme, chauffeur

 14   d'un véhicule, un chauffeur de camionnette qui proposait les services de sa

 15   camionnette étant donné l'urgence de la situation. Il a dit à ces femmes de

 16   monter à bord et il nous a dit de le suivre. Ce que nous avons fait. Un peu

 17   plus haut sur la route, nous avons tourné à droite et nous avons pris un

 18   sentier de montagne. Ensuite, la route montait un peu. Je crois me souvenir

 19   que c'était dans un bois et ensuite nous sommes sortis du bois et nous

 20   avons vu là un spectacle assez étonnant. Un grand nombre de personnes

 21   dispersées dans les champs  qui avaient l'air complètement perdues, qui

 22   cherchaient toutes quelqu'un d'autre. Je ne sais pas qui elles cherchaient

 23   ou ce qu'elles cherchaient, mais en tout cas elles circulaient à gauche, à

 24   droite, à l'air libre comme cela.

 25   Q.  Monsieur Vulliamy, pourrie-vous nous dire à peu près combien de gens

 26   vous avez vu errer dans la campagne ce jour-là ?

 27   R.  C'est difficile à dire du point de vue, je ne serai pas très précis

 28   dans mes chiffres, mais plusieurs centaines. En tout cas, beaucoup de monde


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  1   peut-être pas plusieurs centaines, mais beaucoup.

  2   Q.  Ces gens circulaient dans quelle direction ?

  3   R.  Ils se dirigeaient dans la direction de Jablanica. Je sais que c'était

  4   une ville qui était tenue par "l'armija" à ce moment-là.

  5   Q.  Quelle est à peu près la distance où vous vous trouviez de Prozor au

  6   moment où vous avez vu ces personnes ?

  7   R.  Je ne peux pas vous le dire avec certitude, pas très loin, à une

  8   dizaine de kilomètres maximum.

  9   Q.  Monsieur, à ce moment-là, est-ce que vous avez eu l'occasion de parler

 10   à l'une ou l'autre de ces personnes ?

 11   R.  Oui, nous avons parlé à pas mal de ces personnes pour essayer de nous

 12   faire une idée de la situation de ce qui se passait.

 13   Q.  Vous rappelez-vous de ce que ces gens vous ont dit ?

 14   R.  Oui. J'ai sans doute écrit cela dans un article, mais je me souviens de

 15   certains détails.

 16   Pour l'essentiel, un homme nous a dit que ses voisins croates avaient

 17   quitté l'endroit rapidement, la veille des événements en question.

 18   Apparemment, des pilonnages ont commencé pendant la nuit ou alors à l'aube

 19   et aux premières heures de la matinée, des soldats sont arrivés dans la

 20   ville. C'est un schéma que nous ne connaissions que trop bien. Les

 21   personnes que nous avons interrogées, je ne me rappelle pas leurs noms, je

 22   le crains, mais en tout cas il y avait parmi ces personnes une femme qui

 23   nous a dit qu'elle avait passé la nuit dans une cave où elle se cachait

 24   avant de longer une espèce de gouttière, à moins que ne soit une

 25   canalisation d'égout. En tout cas, un homme nous a parlé aussi. Il a vu des

 26   cadavres entassés à côté d'un tracteur. D'autres hommes nous ont dit avoir

 27   vu des colonnes entières de population sortir de la ville. Voilà ce qu'on

 28   nous a dit.


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  1   La conclusion que nous en avons tiré, c'est qu'il y a eu d'abord pilonnage

  2   de la ville et qu'ensuite les soldats avaient pénétré dans la ville et que

  3   les gens avaient fui.

  4   Q.  Monsieur Vulliamy, vous avez parlé d'hommes en uniforme qui guidaient

  5   un petit peu les gens. Combien d'hommes en uniforme avez-vous vu dans le

  6   secteur ?

  7   R.  Quelques-uns mais pas énormément.

  8   Q.  Quel espèce de --

  9   R.  Mais il y en avait quelques-uns.

 10   Q.  Quelle espèce d'armes portaient-ils, s'ils portaient des armes ?

 11   R.  Je ne sais pas s'ils étaient armés. Il est possible qu'ils l'aient été,

 12   je ne m'en souviens pas. Je veux dire c'est possible, mais je ne me

 13   souviens pas d'avoir vu les fusils. Peut-être avaient-ils des revolvers. Je

 14   ne me rappelle pas en tout cas de fusils, de mitrailleuses ou de

 15   Kalachnikovs.

 16   Q.  Monsieur, combien de temps êtes-vous resté dans le secteur où ces gens

 17   erraient ?

 18   R.  Plusieurs heures, trois ou quatre heures à peu près.

 19   Q.  Pouvez-vous nous décrire les conditions climatiques à ce moment-là ?

 20   R.  Je crois que ce sera un peu difficile; il y avait une espèce de bruine.

 21   Q.  Quel genre d'objets ces personnes portaient-elles ?

 22   R.  Très peu de choses. Quelques-unes avaient des sacs en plastique remplis

 23   d'objets personnels, mais je ne me souviens pas avoir vu quoi que ce soit

 24   de bien particulier, pas grand-chose en tout cas.

 25   Q.  Comment étaient vêtues ces personnes ?

 26   R.  Beaucoup d'entre elles avaient des pantoufles aux pieds. C'étaient des

 27   gens qui étaient partis de chez eux, soudainement, qui n'avaient pas eu le

 28   temps de faire leurs bagages.


Page 1536

  1   Q.  Monsieur Vulliamy, à un certain moment, est-ce que vous avez parlé avec

  2   des soldats au sujet de Prozor et de l'importance de ces événements ?

  3   R.  Oui. Je veux dire après, surtout étant donné l'importance de

  4   l'événement. Les soldats, auxquels nous avons parlé, étaient surtout des

  5   soldats britanniques de la FORPRONU, des Nations Unies. Il y avait aussi

  6   des soldats d'autres armées, mais c'étaient surtout des soldats

  7   britanniques.

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que ces conversations, avec les soldats de la

  9   FORPRONU, vous ont permis de découvrir ?

 10   R.  Oui. Cela se passe plus tard. Cela prend tout son sens, parce que nous

 11   n'étions pas soldats nous-mêmes, bien sûr, mais en tant que journalistes,

 12   nous avons bien interprété les événements comme ils l'ont fait eux-mêmes.

 13   Le nom de la ville Prozor a un sens : ce mot signifie "fenêtre" et la ville

 14   de Prozor est en fait une fenêtre sinon en tout cas une porte d'entrée à

 15   partir de l'Herzégovine en Bosnie centrale. En raison du conflit avec les

 16   Serbes, cette porte d'entrée, cet accès était une façon pour la Bosnie

 17   centrale de pouvoir survivre. C'était pendant longtemps le seul moyen de

 18   faire parvenir quelque chose en Bosnie centrale, étant donné le danger que

 19   présentait l'autre itinéraire passant par Sarajevo. Toute l'aide, destinée

 20   à Sarajevo et Kiseljak, devait passer par le poste de contrôle tenu par les

 21   Serbes à Ilidza. Voilà quelle était donc l'importance la ville de Prozor du

 22   point de vue de l'arrivée de l'aide humanitaire. Quiconque contrôlait

 23   Prozor contrôlait l'entrée en Bosnie centrale.

 24   Lorsque la FORPRONU est arrivée, elle a essayé de remettre en état

 25   des routes secondaires, des sentiers de montagne pour les rendre

 26   carrossables. C'étaient des routes qui étaient exposées aux tirs des

 27   Serbes. Il y avait notamment la route qu'on appelait la route du Diamant,

 28   l'itinéraire du Diamant. En tout cas, Prozor était, dirons-nous, une espèce


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  1   de point central sur cette route du Diamant qui menait en Bosnie centrale.

  2   Puis nous avons très vite compris, comme l'avaient également compris les

  3   soldats britanniques auxquels nous avons parlé, que la route du Diamant,

  4   étant donné la rareté des voies d'approvisionnement, était celle qui était

  5   le plus utilisée par le HVO. L'autre itinéraire passant par Kiseljak, pour

  6   arriver en Bosnie centrale, était l'itinéraire principal. C'était la route

  7   utilisée généralement par les militaires. En tout cas quand on contrôlait

  8   Prozor, on contrôlait autrement dit l'entrée en Bosnie centrale étant donné

  9   que la Bosnie centrale était enfermée dans les terres, et c'était le

 10   contrôle de la Bosnie centrale et de toutes les voies d'approvisionnement

 11   en essence et en autres produits de première nécessité. Il n'y avait pas

 12   besoin d'un putsch militaire pour contrôler la Bosnie centrale.

 13   Si je ne me trompe pas, du point de vue de la population civile, la

 14   population de Prozor était très semblable à celle de Bosnie centrale.

 15   Q.  Monsieur Vulliamy, en page 64 ligne 19, vous parlez du fait que le mot

 16   "Prozor" signifie fenêtre. J'aimerais vous demander dans quelle langue

 17   "Prozor" signifie fenêtre.

 18   R.  J'ai toujours pensé que c'était en serbo-croate, mais je ne l'ai pas

 19   vérifié. Je dois le dire.

 20   Q.  Je vous pose encore une question à présent, car nous allons avancer pas

 21   à pas. Est-ce que vous avez transmis un article au sujet de ce que vous

 22   avez vu dans la vallée ou dans la zone située non loin de Prozor ?

 23   R.  Nous avons essayé de trouver un téléphone le plus rapidement possible

 24   et le premier que nous avons trouvé était à Tomislavgrad. Ce n'était pas un

 25   téléphone public. C'était un téléphone auquel nous avons eu accès grâce à

 26   un représentant des observateurs de l'Union européenne. Nous lui avons

 27   demandé d'utiliser son téléphone.

 28   Q.  Pouvez-vous nous dire avec qui vous avez eu des entretiens ou des


Page 1538

  1   rencontres à Tomislavgrad ce jour-là, ou ce soir-là ?

  2   R.  D'abord très peu de temps avec ce représentant de la Mission des

  3   observateurs de l'Union européenne, parce qu'à Tomislavgrad l'ambiance

  4   était à la fête. On entendait des rafales de mitrailleuses tirer en l'air

  5   un peu partout. On y a trouvé de très nombreux soldats sur la route qui va

  6   de Prozor à Tomislavgrad, et qu'on peut voir sur les cartes au niveau de

  7   l'inscription Duvno.

  8   Cet homme a insisté pour nous dire qu'il commandait le HVO à

  9   Tomislavgrad. Je ne me souviens plus s'il nous a invité à dîner mais nous

 10   avons eu une longue et assez difficile conversation avec lui.

 11   Q.  Je me permets de vous interrompre ici, Monsieur Vulliamy. Vous

 12   rappelez-vous le nom de cet homme qui s'est présenté comme commandant du

 13   HVO de Tomislavgrad ?

 14   R.  Shiljeg ou Siljeg, je crois que c'était son nom de famille, et je ne me

 15   rappelle pas son prénom.

 16   Q.  Vous rappelez-vous les détails de cette conversation longue et

 17   difficile que vous avez eu avec lui ?

 18   R.  Je ne me souviens que de quelques rares détails mais un point important

 19   tout de même : il a dit que Prozor était désormais nettoyée. Il parlait des

 20   espèces de signes de liesse de la part de tous ces hommes ivres qui

 21   s'agitaient en ville dans les rues, ces jeunes gens d'ailleurs. Puis il a

 22   montré un certain nombre de cartes de la Croatie; la Croatie au cours des

 23   siècles, elles étaient numérotées de 1 à 12, je me souviens. Assez

 24   laborieusement, il nous a montré chacune de ces cartes en nous parlant de

 25   l'évolution dans le temps, parce qu'il était ivre, donc c'était un peu

 26   laborieux en nous montrant comment au fil du temps la Croatie s'était

 27   d'abord étendue puis rétrécie, et il nous a parlé de l'époque où la Croatie

 28   s'étendait pratiquement jusqu'à Belgrade, Il a parlé également de la


Page 1539

  1   Banovina croate en 1941. Ce n'était pas exactement la politique du HVO.

  2   C'était celle du HOS. Il nous a fait un très long discours sur l'histoire

  3   de la Croatie.

  4   Q.  Vous rappelez-vous à peu près combien de temps a duré ce cours qu'il

  5   vous a fait ?

  6   R.  Je ne me souviens pas exactement combien de temps, mais enfin nous

  7   étions épuisés à la fin.

  8   Q.  Combien de temps êtes-vous restés à Tomislavgrad ?

  9   R.  Je crois me rappeler que nous sommes partis le lendemain matin.

 10   Q.  Vous rappelez-vous la date approximative de votre séjour là-bas ?

 11   R.  Non, mais je me souviens pourquoi nous nous y trouvions. J'ai déjà

 12   parlé du siège de Jajce en Bosnie centrale. Nous avions été informé de cela

 13   cette nuit-là. Nous avions appris que Jajce était sur le point de tomber.

 14   Q.  Encore une fois, Monsieur, je crois comprendre que vous nous vous

 15   rappelez pas la date, mais vous rappelez-vous au moins le mois ou l'année

 16   de votre séjour à Tomislavgrad quand vous avez appris la chute de Jajce ?

 17   R.  Cela peut paraître incroyable, mais c'était la fin d'octobre. Toute

 18   cette série d'événements assez nombreux se sont succédés rapidement à la

 19   fin du mois d'octobre.

 20   Q.  Monsieur Vulliamy, quand vous avez entendu la chute de Jajce, qu'avez-

 21   vous fait ?

 22   R.  Nous nous sommes dirigés vers Jajce. Jajce pas Vitez.

 23   Q.  Est-ce que vous êtes effectivement arrivés à Jajce à ce moment-là ?

 24   R.  Non. Nous avions déjà essayé de nous rendre à plusieurs reprises à

 25   Jajce dans ce corridor très étroit qui reliait Jajce à Travnik. Le HVO et

 26   l'armée bosnienne essayaient de dégager la ville du siège, qui lui était

 27   infligé par les Serbes de Bosnie. Nous avions essayé d'aller à Jajce à

 28   plusieurs reprises, mais c'était terriblement dangereux et à chaque fois


Page 1540

  1   nous avons dû abandonner notre tentative. Nous n'arrivions, en général, que

  2   jusqu'à Turbe, et c'est ce que nous avons fait ce soir-là. C'est un peu

  3   plus haut que la ligne reliant Jajce et Travnik.

  4   Q.  Est-ce que vous avez passé la nuit à Turbe ?

  5   R.  Non, nous sommes retournés à Travnik. Il y avait des gens qui

  6   arrivaient déjà. Nous avons pensé qu'il serait peut-être mieux de nous

  7   reposer un petit peu avant de reprendre le travail et de nous remettre à la

  8   tâche le lendemain matin. Nous avons parlé à certains des nouveaux

  9   arrivants. Nous avons fait des interviews d'un certain nombre de personnes

 10   qui étaient en train d'arriver, qui nous ont tous raconté le même genre

 11   d'histoires très tragiques au sujet du siège de la ville. Ils nous disaient

 12   qu'ils vivaient dans des caves, qu'ils n'avaient rien à manger. Mais

 13   finalement avant la moindre interview plus sérieuse que cela, nous sommes

 14   allés dormir.

 15   Q.  Le lendemain matin à votre réveil, est-ce que vous pouvez nous dire ce

 16   que vous avez découvert.

 17   R.  Je le dis un peu à contrecœur : nous avons découvert que nous avons eu

 18   tort d'aller dormir parce que, dans la nuit, toute la population de Jajce

 19   était arrivée à Travnik. Vraiment, c'était un spectacle assez

 20   extraordinaire de voir ces foules assises un peu partout dans la rue,

 21   toutes ces personnes qui avaient, qui un animal, qui des membres de sa

 22   famille autour d'elle, qui quelques objets personnels. Donc nous nous

 23   sommes dépêchés de retourner en ville en marchant à contre-courant de

 24   toutes ces personnes qui entraient dans la ville pour interviewer des

 25   personnes. Nous avons entre autres interviewé des soldats blessés, enfin

 26   peut-être pas blessés, mais en tout cas des soldats qui avaient combattu,

 27   des gens qui étaient restés après le départ des deux armées et qui se

 28   trouvaient là.


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  1   Q.  Monsieur Vulliamy, quand vous dites que vous avez commencé à

  2   interviewer les gens, est-ce que vous parlez des soldats également ?

  3   R.  Non. C'est seulement plus tard dans la journée que nous avons commencé

  4   à parler aux soldats, au début de la soirée. Mais, dans la journée, nous

  5   avons interviewé les populations au sujet de ce qu'elles pouvaient nous

  6   dire de la chute de Jajce, des conditions difficiles de leur vie là-bas.

  7   Q.  Pouvez-vous nous dire, Monsieur Vulliamy, ce que les soldats auxquels

  8   vous avez parlé plus tard dans la journée vous ont appris ?

  9   R.  C'était assez étonnant. Les soldats -- je ne dis pas que les choses se

 10   sont effectivement passées ainsi, mais si j'ai bien compris ce qu'ils nous

 11   ont dit, ils nous ont dit qu'ils avaient reçu l'ordre de se rendre dans

 12   leur QG respectif à Travnik. Nous n'avons pas parlé à beaucoup de monde,

 13   mais, quand nous sommes arrivés au QG de l'armée de Bosnie, nous y avons

 14   trouvé des Croates, des Croates de Bosnie avec certains soldats qui

 15   portaient un écusson que je n'avais jamais vu, un écusson sur lequel il y

 16   avait des lys dans le coin supérieur gauche et il y avait aussi le damier

 17   rouge et blanc, symbole de la Croatie dans le coin inférieur droit de cet

 18   écusson. Vous voyez, cela c'était des signes tout à fait évidents qu'on

 19   voyait à l'œil nu. C'était des hommes jeunes que nous avons rencontrés, des

 20   soldats jeunes qui voulaient entrer dans l'armée de Bosnie. Ils parlaient

 21   de trahison, il y en a un qui prononcé le nom de Boban, et ils disaient

 22   qu'ils allaient mener la guerre de Mate Boban contre les Musulmans.

 23   Je devrais ajouter quelques mots au sujet du commandant de l'armée de

 24   Bosnie et d'un des officiers supérieurs du HVO qui n'a pas pu supporter ce

 25   qu'il a entendait à ces jeunes gens. En tout cas, tout le monde disait que

 26   la défense de Jajce était devenue intenable.

 27   Q.  Vous rappelez vous, Monsieur Vulliamy, l'identité de ce commandant de

 28   l'armée de Bosnie ou de ces officiers supérieurs du HVO que vous avez vus


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  1   en ville et à qui vous avez parlé ce jour-là ?

  2   R.  Le commandant de l'armée de Bosnie s'appelait Haso Ribo et celui du

  3   HVO, je ne m'en souviens pas. Mais je pense que c'était le commandant. Non,

  4   ce n'était pas Pokrajcic, mais je crois que c'est un homme que j'ai mieux

  5   connu après quand je suis revenu à Travnik en janvier.

  6   Q.  Très bien. Mais soyons clairs, Monsieur. Ce jour-là, est-ce que vous

  7   êtes resté à Travnik ce jour-là, à la fin du mois d'octobre 1992 ?

  8   R.  Je ne me souviens plus exactement, mais je pense que j'ai transmis

  9   l'article au sujet de la chute de Jajce. Je ne me souviens pas de ce qui

 10   s'est passé ensuite. Je ne sais pas, peut-être y ai-je passé encore une

 11   nuit.

 12   Q.  Pour transmettre à Londres, qu'avez-vous fait ?

 13   R.  Il fallait aller pas jusqu'à Split, mais en tout cas jusqu'à la

 14   frontière croate pour trouver un téléphone.

 15   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que le moment

 16   est approprié pour la deuxième pause.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est aux environs de 17 heures 20. Nous

 18   allons faire une pause de 20 minutes, nous reprendrons dans 20 minutes.

 19   --- L'audience est suspendue à 17 heures 18.

 20   --- L'audience est reprise à 17 heures 43.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Mundis.

 22   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président.

 23   Q.  Monsieur Vulliamy, juste avant la pause, nous avons parlé des

 24   événements qui se déroulés à la fin du mois d'octobre 1992. Vous êtes allé

 25   préparé votre reporte sur Jajce. Pourriez-vous nous dire combien de temps

 26   vous êtes resté en Bosnie et après ce reportage en octobre 1992 ?

 27   R.  Je crois que je suis parti assez rapidement après. Un de mes amis, qui

 28   est un caméraman croate qui travaillait pour la BBC a été tué ce soir-là.


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  1   Nous avons dû organiser le rapatriement de son corps. Je ne souhaitais pas

  2   rester sur les lieux. Je ne suis pas revenu avant janvier 1993.

  3   Q.  Monsieur Vulliamy, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, lorsque

  4   vous êtes revenu en janvier 1993, où êtes-vous entré en Bosnie-

  5   Herzégovine ?

  6   R.  Nous sommes arrivés à Split comme d'habitude accompagné d'une équipe de

  7   la BBC pour tourner ce fil. Nous, oui, il fallait que nous traversions

  8   Kiseljak cette fois-ci parce qu'on nous avait dit que la route Diamant

  9   avait été fermée et nous n'avions aucune garantie et nous nous pouvions pas

 10   utiliser un véhicule blindé.

 11   Je crois que c'était à cette époque-ci ou peut-être un peu plus tard -- au

 12   cours de cette année-là, les Britanniques ne nous laissaient pas empruntés

 13   cette route de Diamant à moins d'être à bord d'un véhicule blindé. Ce qui

 14   n'était pas de mon cas, donc il fallait passer par Kiseljak. Ensuite, nous

 15   avons descendu la vallée de la Lasva jusqu'à l'intersection et je me

 16   souviens de cela encore, c'était un voyage mémorable jusqu'à l'intersection

 17   de Vitez.

 18   Q.  Jusqu'à ce moment-là au mois de janvier 1993, vous êtes resté combien

 19   de temps en Bosnie centrale ?

 20   R.  Quinze jours environ.

 21   Q.  Où vous êtes-vous rendu après cela ?

 22   R.  Le film était un film tourné sur Travnik. Mais je crois que c'était

 23   pour des questions d'hébergement, quelquefois, il fallait voyager la nuit

 24   entre Travnik et Kiseljak. Nous avons beaucoup conduit et c'est la raison

 25   pour laquelle cette route ou cette scène le long de la route était

 26   importante. Quelqu'un a tiré une balle sur ma voiture. Il y avait une

 27   fusillade importante. Quelques voitures le long de la route sur lesquelles

 28   on tirait. A partir de lesquelles des coups partaient également, c'était


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  1   entre Travnik et Kiseljak.

  2   Q.  Au cours de cette période, vous étiez entre Travnik et Kiseljak; où

  3   êtes-vous allé ensuite en Bosnie ?

  4   R.  J'étais à l'extérieur de la Bosnie, à l'extérieur de l'ex-Yougoslavie.

  5   Je suis revenu au cours de l'été 1993.

  6   Q.  Dans quelle partie de la Bosnie vous êtes revenu, vers quelle partie de

  7   la Bosnie au cours de l'été 1993 ?

  8   R.  A l'origine en Bosnie centrale, mais pour un court laps de temps parce

  9   qu'il y avait des questions urgentes à traiter près de Mostar et en

 10   Herzégovine orientale.

 11   Q.  Avant de reporter notre attention sur Mostar, pourriez-vous nous dire

 12   brièvement si vous avez pu remarquer des changements en Bosnie centrale au

 13   cours de l'été 1993, par opposition au moment que vous aviez passé en

 14   janvier 1993, ou à l'automne 1992 ?

 15   R.  Si je dois établir une comparaison avec l'automne 1992, la vallée de la

 16   Lasva pour commencer avait été complètement modifiée parce que la route de

 17   Kiseljak à Vitez et de cette intersection, et il y avait toute une série de

 18   barrages routiers du HVO, à partir du mois de janvier et de la HVO de

 19   l'ABiH, de la HVO encore une fois et chaque armée était positionnée et

 20   avait assuré -- ou avait barré une partie de la route, c'était surtout le

 21   HVO, ainsi que l'ABiH, et si vous alliez en direction de Travnik et

 22   certainement si vous alliez en direction de Zenica. Bon nombre de maisons,

 23   le long de cette route, avaient été brûlées dans ce qui était maintenant un

 24   nettoyage ethnique œil pour œil et dent pour dent. Au mois de janvier, je

 25   dois dire que les dégâts étaient très importants et la route était

 26   quasiment inhabitée.

 27   Gornji Vakuf était devenu un champ de bataille et la ligne de front

 28   traversait -- ou la ligne de front était en fait en réalité la route


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  1   principale. On ne pouvait pas traverser à moins d'être à bord d'un véhicule

  2   blindé, ce qui n'était pas mon cas. J'ai dû -- du fait de la situation en

  3   Bosnie centrale s'était beaucoup dégradée, ce que je veux dire par là,

  4   pardonnez-moi, c'était différent par rapport au moment où j'étais à Travnik

  5   au mois de janvier et, à ce moment-là, j'ai passé beaucoup de temps en

  6   présence du commandant du HVO, Filipovic, qui avait tout fait pour mettre

  7   en place un programme de relations publiques et quelque chose qui avait été

  8   mis en scène sur le mont Vlasic. Nous sommes allés avec lui et d'autres, le

  9   commandant de l'armée de Bosnie et son homologue, et jusqu'à -- pour

 10   clairement indiquer qu'il y avait un projet conjoint, il fallait prendre

 11   position ici et reprendre l'antenne et, malgré les fusils serbes, il en a

 12   parlé encore une fois que ses prédécesseurs avaient fait beaucoup de

 13   pression sur lui. Il était sur un fil de rasoir et il ne voulait pas que

 14   l'alliance se brise et, à l'époque où je suis arrivé, il était parti déjà.

 15   Je crois que le HVO avait quitté Travnik à l'époque. Je crois qu'il s'était

 16   retiré de Travnik.

 17   Q.  Monsieur Vulliamy, je souhaite revenir à Mostar. Vous avez indiqué, il

 18   y a quelques instants, qu'au mois de juillet 1993, vous avez quitté la

 19   Bosnie centrale et vous vous êtes rendu à Mostar. Pourriez-vous nous dire,

 20   Monsieur, en cette occasion, environ combien de temps vous êtes resté à

 21   Mostar ?

 22   R.  Je ne suis pas allé à Mostar en juillet 1993. Je me suis rendu à Grude

 23   pour essayer d'arriver à Mostar en 1993. Il y avait eu, depuis le mois de

 24   mai, des reportages sur des combats intenses à l'intérieur de Mostar entre

 25   l'armija ABiH [phon] et le HVO, et au mois de juillet ce qui a été appelé

 26   par la suite le siège de la partie est de Mostar, ce siège a été mis en

 27   place.

 28   Je me suis rendu à Grude pour essayer d'obtenir la permission ou


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  1   l'autorisation, à savoir si je pouvais entrer dans Mostar est, ce qui était

  2   déjà, à ce moment-là, une poche encerclée et, en réalité, assiégée par le

  3   HVO sur trois côtés, et les Serbes à l'est, mais je n'ai pas été autorisé à

  4   entrer. Les autres reportages parlaient de violence et d'événements à

  5   Capljina et à Stolac, donc, nous avons demandé si nous pouvions nous rendre

  6   à Capljina.

  7   Q.  Avant, Monsieur, de parler de cette demande que vous avez faite pour

  8   vous rendre à Capljina, je souhaite vous poser cette question-ci : pourquoi

  9   aviez-vous besoin d'une autorisation pour entrer dans Mostar au mois de

 10   juillet 1993 ?

 11   R.  Je crois qu'il fallait encore une autorisation pour entrer dans Mostar

 12   ouest car il y avait toujours -- nous étions toujours en guerre. Je ne sais

 13   pas, mais notre mission consistait à entrer dans Mostar est parce que cette

 14   partie avait été coupée, cette partie était assiégée et on ne pouvait pas

 15   approcher de l'endroit sans passer des postes de contrôle importants du

 16   HVO, donc, on contrôlait nos papiers. Je crois que personne n'a pu entrer

 17   dans Mostar est et ne pouvait pas entrer dans Mostar est. Je me souviens du

 18   porte-parole de M. Boban qui a refusé de nous voir à cette occasion-là.

 19   Bon, s'il a reçu l'information, je ne sais pas, mais il a dit qu'il ne

 20   voulait pas nous voir. Je me souviens très bien et il a dit que personne ne

 21   parviendrait jusque-là et ce pendant deux mois, et il avait quasiment

 22   raison, en réalité.

 23   Q.  Monsieur Vulliamy, reparlons maintenant de cette occasion où vous avez

 24   demandé la permission de vous rendre à Capljina. Vous souvenez-vous de la

 25   date -- de la date de cette demande que vous avez faite et vous avez

 26   présenté cette demande à qui ?

 27   R.  Nous avons présenté cette demande au porte-parole canadien de Mate

 28   Boban, il s'appelait George. Je ne me souviens pas de son nom de famille.


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  1   Nous l'appelions George, le Canadien.

  2   La date est celle du -- cela doit être la mi-juillet. Encore une fois,

  3   pardonnez-moi, je ne me souviens à propos de toutes ces dates. On peut

  4   retrouver toutes ces dates à cause de mes écrits et si j'avais une date

  5   correspondant à un article, à ce moment-là, je pourrais vous donner la

  6   date. Mais je crois que c'est vers la mi ou la fin juillet.

  7   Q.  Encore une fois 1993 ?

  8   R.  1993, certainement.

  9   Q.  Donc, George, le Canadien, est-ce qu'il parlait le serbo-croate ?

 10   R.  Oui, oui. Mais nous parlions avec lui en anglais. C'était

 11   -- il venait du Canada.

 12   Q.  Où avez-vous eu cette conversation avec George, le Canadien ?

 13   R.  C'était au nouveau QG de Mate Boban. Il avait encore déménagé et

 14   c'était encore à Grude, mais à l'extérieur. Je crois que c'était dans une

 15   zone industrielle. Il avait de locaux beaucoup plus importants.

 16   Q.  Est-ce que vous pourriez nous parler de la conversation que vous avez

 17   eue avec George, le Canadien ?

 18   R.  Nous voulions nous rendre à Capljina, car nous avions entendu dire, ou

 19   des reportages disaient que des hommes musulmans étaient portés disparus de

 20   Capljina et Stolac. A Stolac, la situation était pire. George nous a dit

 21   que nous ne pouvions pas passer par là; c'était une zone d'actions

 22   militaires. Je crois que c'est ce qu'il a dit. J'ai rétorqué en disant que

 23   ceci est très éloigné d'une ligne de front et il m'a dit : De toute façon,

 24   vous ne pouvez pas vous y rendre. Ce qui fait que nous avions encore plus

 25   envie d'y aller. Cela signifiait qu'ils avaient quelque chose à cacher.

 26   Q.  Combien de temps cette conversation avec George, le Canadien, a-t-elle

 27   duré à cette occasion-ci ?

 28   R.  Je crois que cette conversation a duré assez longtemps, car il y avait


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  1   la demande que nous avions faite pour rentrer dans Mostar. Il nous a

  2   laissés quelques temps, pendant une heure à peu près.

  3   Q.  Suite à cette conversation, quelles mesures avez-vous prises, si vous

  4   avez pris des mesures ?

  5   R.  Nous avons pris les mesures nécessaires pour nous rendre à Capljina.

  6   Nous avons dû faire marche arrière. A ce moment-là, nous avons eu cette

  7   idée - nous travaillions avec un interprète et un homme du Washington Post.

  8   L'interprète habitait tout à côté. Donc, plutôt que d'utiliser le véhicule

  9   de l'homme du Washington Post, nous avons emprunté la voiture, qui était

 10   une voiture en mauvais état, de mon interprète. Avec mon collègue

 11   journaliste, nous sommes partis. Je me souviens avoir craché par la

 12   fenêtre, avoir lu un journal. J'ai dit que je ne comprenais rien. Les

 13   plaques numérologiques étaient croates, et on nous a laissés passer d'un

 14   signe de la main.

 15   Q.  Vous souvenez-vous du poste de contrôle, lorsqu'on vous a fait passer

 16   d'un signe de la main ?

 17   R.  C'était près de Capljina. Parce qu'il n'y avait pas de poste de

 18   contrôle au niveau de la ville.

 19   Q.  Pourriez-vous décrire à la Chambre ce que vous avez vu lorsque vous

 20   êtes arrivés à Capljina ?

 21   R.  Oui. L'atmosphère était menaçante, mais elle était différente. Il y

 22   avait très peu de civils dans la rue, quelques soldats et des dégâts. Il y

 23   avait des dégâts ciblés, ce que j'ai décrit après. Ce n'était pas la même

 24   situation que celle de Prozor. Nous avons demandé à un homme âgé à propos

 25   des récits que dont nous avions entendu parler, ce qu'il s'était passé. Il

 26   a dit que son fils avait été emmené. Une femme à laquelle nous avons parlé

 27   a dit qu'elle ne se souvenait pas, et elle a dit que nous devions nous

 28   rendre à la mosquée. C'est ce que nous avons fait.


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  1   Si je me souviens bien, la mosquée n'avait pas été endommagée. Il y

  2   avait l'imam, mais ce n'était pas la même situation qu'à Prozor. La

  3   situation était terrible. Il y avait des femmes, il y avait l'imam et

  4   d'autres femmes qui se sont joints à nous, qui ont commencé à parler. Il

  5   semble qu'il y avait effectivement un schéma particulier, parce qu'avec ce

  6   qui se passait dans d'autres régions de Bosnie, près de Prijedor. Quelque

  7   chose qui nous faisait froid dans le dos, parce que les hommes, par le

  8   passé, semble-t-il - attendez, je vais essayer de me souvenir - ils

  9   disaient que ceci avait commencé le 4 juillet. C'est la date dont je me

 10   souviens. Je me souviens avoir pensé à ce moment-là que cela avait dû durer

 11   une dizaine de jours. C'était vers le 12 ou le 13 juillet.

 12   Je vais essayer de répondre à votre question précédente. Les hommes

 13   avaient été appréhendés. Une femme nous a dit que son mari et son fils

 14   avaient été appréhendés alors qu'ils s'entraînaient au football. Ce qui m'a

 15   surpris, c'est qu'une autre femme a dit que son mari avait été emmené, et

 16   son fils est sur le front. Dans cette région, il n'y avait pas

 17   véritablement d'armée de Bosnie. Le HVO était la seule milice ou l'armée

 18   qui aurait pu combattre les Serbes à l'est, et les Musulmans auraient

 19   rejoint cette unité-là.

 20   J'avais beaucoup appris sur les règles éthiques pratiquées sur la

 21   ligne de front et sur l'aspect collégial de ces soldats se battant sur la

 22   ligne de front, et sur la manière dont les soldats se battaient,

 23   réfléchissaient ensemble, souffraient ensemble, et riaient ensemble. Cela

 24   m'étonnait beaucoup d'entendre dire que ces hommes avaient été arrêtés par

 25   le HVO, alors qu'ils avaient combattu ensemble. Ceci est une histoire très

 26   importante.

 27   Mais encore plus important, où étaient-ils partis ? Ces femmes ont

 28   dit que ces hommes étaient partis dans des camps. Elles nous ont donné deux


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  1   noms. C'était Dretelj et Gabela. Gabela se trouvait sur la carte près de la

  2   frontière croate. Dretelj, je ne pouvais pas trouver cet endroit-là sur ma

  3   carte. Nous sommes partis peu de temps après cette conversation

  4   L'imam a dit quelque chose. Je ne me souviens pas exactement de ce

  5   qu'il a dit. J'ai dû l'inscrire quelque part. Nous sommes rentrés - c'était

  6   assez urgent - lorsque nous avons entendu parler de ce terme de "camps," ce

  7   qui m'a fait froid dans le dos, et nous sommes repartis à Grude.

  8   Q.  Je souhaite, Monsieur Vulliamy, de vous poser quelques questions

  9   suite à ce que vous venez de nous dire. Vous souvenez-vous du nom de l'imam

 10   à Capljina, que vous avez rencontré ce jour-là ?

 11   R.  Palic, je ne me souviens pas de son prénom.

 12   Q.  Vous souvenez-vous si oui ou non, avant ce jour-là, vous aviez

 13   auparavant entendu parler de Dretelj ou Gabela ?

 14   R.  Non, non. Non. Comme je l'ai dit un peu plus tôt dans ma déposition, je

 15   ne savais pas, à ce moment-là, que je m'étais rendu à cet endroit-là dont

 16   j'avais entendu le nom. Je n'avais pas entendu parler de Dretelj. J'ai

 17   appris à une autre occasion que je m'étais rendu, mais je n'avais pas

 18   entendu parler du nom avant cela.

 19   Q.  Monsieur, lorsque je vous ai interrompu, vous nous avez dit que vous

 20   êtes retournés à Grude lorsque vous avez entendu ce mot de "camps."

 21   Pourriez-vous nous dire à peu près à quelle heure vous êtes arrivés à Grude

 22   ce même jour au mois de juillet 1993 ?

 23   R.  En fin d'après-midi, début de soirée.

 24   Q.  Avez-vous eu des réunions ou des conversations avec quelqu'un à Grude

 25   lorsque vous êtes rentrés à la fin de l'après-midi, au début de la soirée ?

 26   R.  Encore une fois, avec George le Canadien. Nous voulions lui poser des

 27   questions à propos de Capljina, de ce qui s'était passé. Il y a certaines

 28   choses désagréables dont je n'ai pas parlé. Le traitement des femmes qui


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  1   était tout à fait désagréable. Une femme qui avait essayé de cacher ses

  2   objets de valeur sous ses sous-vêtements, elle avait honte en disant qu'ils

  3   les avaient trouvés. Nous souhaitions parler de Capljina. La plupart

  4   voulaient lui poser des questions et demandaient où ces hommes étaient

  5   partis. Ils avaient entendu parler des noms de Dretelj et Gabela. Nous

  6   voulions nous y rendre. Il a dit que non. Mais il savait de quoi nous

  7   parlions.

  8   Q.  Ensuite ?

  9   R.  Il nous a dit que nous n'avions pas pu nous rendre à Capljina, parce

 10   qu'il ne nous avait pas donné l'autorisation pour nous y rendre.

 11   Q.  Quelle a été sa réaction à ce moment-là ?

 12   R.  Il était visiblement en colère. Je crois que cela - il est resté

 13   imperturbable, parce qu'il savait que nous n'étions pas censés y aller.

 14   Q.  Combien a duré cette conversation avec George, le Canadien en fin

 15   d'après-midi ce jour-là ?

 16   R.  Avec le recul, je pense que ceci n'avait pas duré très longtemps. Nous

 17   avons insisté sur Dretelj, mais cela n'a pas pu durer plus de 20 minutes ou

 18   une demi-heure à peu près ce soir-là.

 19   Q.  Pourquoi vous êtes-vous rendus à Medugurje ce jour-là ?

 20   R.  Car il y avait un endroit où nous pouvions passer la nuit. Egalement,

 21   il y avait une mission du HCR, du Haut-commissariat des réfugiés des

 22   Nations Unies. D'après l'expérience que j'en ai, l'enregistrement des camps

 23   et des prisonniers est l'affaire du comité international de la Croix-Rouge

 24   et du HCR très souvent. C'est souvent une source d'information précieuse.

 25   Donc, nous avons essayé de retrouver les bureaux du HCR des Nations Unies.

 26   Il y avait deux personnes qui parlaient anglais et qui travaillaient à cet

 27   endroit-là. Ils étaient Américains ou Australiens. Je ne me souviens pas.

 28   J'ai peut-être mentionné leurs noms dans un article, mais je ne me souviens


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  1   pas maintenant de leurs noms.

  2   Q.  Monsieur Vulliamy, vous êtes-vous entretenus avec ces deux personnes

  3   qui parlaient qu'anglais ?

  4   R.  Oui, très longuement.

  5   Q.  Vous souvenez-vous ou pourriez-vous nous parler du sujet de votre

  6   conversation ?

  7   R.  Oui. Tout d'abord, nous avons parlé de l'existence de ces camps de

  8   Dretelj et Gabela, existence qu'ils ont confirmée. Ils avaient entendu

  9   parler de ces endroits-là. Ils en ont ajouté un troisième, Rodoc, qui était

 10   quelque chose qui ressemblait à l'Heliodrom près de Mostar. Ils ont dit

 11   qu'ils avaient essayé d'entrer, mais qu'on leur avait refusé l'accès. La

 12   Croix-Rouge internationale n'a pas eu le droit d'entrer non plus.

 13   Nous avons également parlé de l'homme dont nous avons entendu

 14   mentionner le nom à Capljina, le maire. Nous avions essayé de le voir, mais

 15   il n'était pas là. C'est ce qu'on nous a dit en tout cas, ou il ne

 16   souhaitait pas nous voir. Il s'appelait Markovic. Nous avons eu une

 17   conversation assez longue à propos de Markovic et de ses positions. Les

 18   gens du HCR disaient que ses positions étaient assez extrêmes. Ensuite, une

 19   partie des bribes de conversation, peut-être la partie la plus intéressante

 20   de la conversation, conversation totalement inquiétante, des personnes dont

 21   j'oublie les noms nous ont parlé d'une réunion qu'ils avaient eue avec les

 22   autorités croates de Bosnie et de la région, le ministre des Affaires

 23   étrangères de la Croatie et un homme répondant au nom de Granic, Mate

 24   Granic. On leur avait demandé de participer à cette réunion pour évoquer

 25   l'éventualité d'une déportation en masse de quelque 50 000 hommes de cette

 26   région, personnes qui devaient être transférées à un camp provisoire qui

 27   était censé être à Ljubuski, que j'avais visité, du reste, un autre centre

 28   de Détention, et que ces derniers devaient être transférés dans les pays


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  1   tiers; tout à fait surprenant, mais un véritable chantage. Le HCR avait été

  2   placé dans une position similaire en Bosnie du nord-ouest par les Serbes de

  3   Bosnie : soit vous coopérez dans ce processus grotesque de nettoyage

  4   ethnique ou vous ne coopérez pas et ces hommes croupissent dans des camps.

  5   C'est le HCR qui parlait de cela et qui évoquait encore une fois ce

  6   dilemme. Ils ont dit qu'ils ne coopéraient, mais ils ont rapporté que M.

  7   Granic, le ministre et le gouvernement de Croatie étaient disposés à

  8   coopérer.

  9   Q.  Monsieur Vulliamy, vous souvenez-vous des détails qui vous ont été

 10   rapportés par les gens du HCR sur le lieu et la date de la réunion ?

 11   R.  Je crois que c'était Makarska, sur la côte, mais je crois que je peux

 12   me tromper. Je crois que c'était Makarska.

 13   Q.  Vous souvenez-vous de la date à laquelle cette réunion avait eu lieu ?

 14   R.  Non. Je ne le sais pas, malheureusement. Mais les femmes de Capljina

 15   m'avaient fait comprendre, et j'improvise ici, les femmes de Capljina

 16   m'avaient dit que le rassemblement avait commencé le 4 juillet. Je me

 17   souviens de la date pour des raisons évidentes. Ceci n'a rien à voir avec

 18   la guerre, bien évidemment. Je suppose que ceci avait dû se passer à une

 19   date récente, mais je ne peux pas vous dire exactement à quel moment.

 20   Q.  Monsieur, à la page 80, lignes 24, 25, et au début de la page 81, vous

 21   avez précisé que les gens du HCR ont confirmé l'existence de Dretelj et

 22   Gabela --

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   Q.  -- et ont parlé d'un autre endroit, Radoc. Vous avez dit qu'ils avaient

 25   essayé d'entrer dans ces camps, mais on leur avait refusé l'accès ainsi

 26   qu'à la Croix-Rouge internationale. Savez-vous quels étaient ces endroits

 27   qu'ils mentionnaient lorsqu'ils en ont parlé et lorsqu'ils ont dit qu'ils

 28   ne pouvaient pas y accéder ?


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  1   R.  Je ne m'en souviens pas, malheureusement. S'ils les ont précisés, je ne

  2   m'en souviens pas.

  3   Q.  Vous avez parlé d'une personne qui s'appelait Markovic. Pouvez-vous

  4   nous parler des détails concernant la conversation ou de quelque chose que

  5   vous avez -- des détails de la conversation que vous avez eue avec lui ?

  6   R.  Oui, c'est un peu de l'humour noir, je dois dire, la teneur de cette

  7   conversation, de l'humour un peu sordide. Il y avait un homme qui était

  8   américain et a parlé d'un document que, semble-t-il, Markovic aurait

  9   publié, mais dont il ne disposait pas. Il parlait d'un programme d'élevage

 10   pour les Musulmans, dont les femmes ne devraient pas être autorisées à

 11   entrer dans les maternités des hôpitaux, car elles avaient tendance à se

 12   reproduire. Je ne me souviens pas du terme exact, parce qu'on parlait ici

 13   de choses épouvantables. Je dois dire que je n'ai pas vu ce document. J'ai

 14   entendu parler de choses odieuses.

 15   Q.  Au cours du mois de juillet 1993, vous êtes resté en Bosnie pendant

 16   tout le mois de juillet ?

 17   R.  Non. Je suis parti parce que je devais écrire un livre et je devais

 18   l'écrire assez rapidement. J'avais commencé à écrire cela, et je dois dire,

 19   je n'étais pas très satisfait de moi-même, car nous n'avions pas réussi à

 20   rentrer à Dretelj ni à Mostar est.

 21   Q.  Lorsque vous dites que vous aviez des discussions à propos de

 22   l'écriture de votre livre, est-ce que ceci a abouti ?

 23   R.  Oui, oui, parce qu'ils voulaient que le livre soit publié avant

 24   l'automne. Je suis parti pour pouvoir commencer à organiser tout cela.

 25   Q.  Quand êtes-vous parti ? Vous vous êtes rendu où ?

 26   R.  En Grande-Bretagne.

 27   Q.  Vous êtes resté en Grande-Bretagne pendant combien de temps ?

 28   R.  Pas aussi longtemps comme je l'avais prévu, car deux se sont passées au


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  1   mois d'août. La première, c'est qu'un de mes collègues, Maggie O'Cane, a

  2   écrit quelque chose pour le journal pour lequel je travaillais, sur les

  3   premiers prisonniers qui avaient été relâchés de Gabela et Rodoc, mais je

  4   n'en suis pas tout à fait sûr. Je crois qu'il faudrait vérifier au niveau

  5   de l'article. Dans cet article, on disait qu'en parlant de "libération", on

  6   laissait ces hommes partir nus et courir en direction de Jablanica, alors

  7   qu'on tirait au-dessus de leurs têtes. Donc, j'estimais que cette histoire

  8   sur le camp était importante, et ce que j'allais faire ne serait plus à

  9   jour si je n'y retournais pas. A l'époque, j'estimais que ce qui était

 10   encore plus important, c'est qu'un homme de la BBC avait finalement réussi

 11   à entrer dans Mostar est, comme l'avait fait, d'ailleurs, du reste, le

 12   premier convoi d'aide. C'était donc une situation absolument désastreuse,

 13   et son récit était tout à fait inoubliable. Ce que j'allais dire dans mon

 14   livre ne serait certainement pas à jour. Il fallait que je me rende dans

 15   Mostar est pour essayer encore une fois d'entrer dans Dretelj, Gabela ou

 16   Rodoc.

 17   Q.  Quelle mesure avez-vous prise, si vous avez pris des mesures à ce

 18   moment-là, pour essayer d'atteindre ces endroits en question ?

 19   R.  A l'origine, j'avais l'intention de pénétrer en premier dans Mostar

 20   est, car ceci faisait la une des journaux, à l'époque. Mais je crois qu'il

 21   n'y a pas beaucoup de gens qui ont réussi à rentrer, à ce moment-là, à

 22   entrer. Mais ensuite, mon projet a été modifié, car il y avait une lettre.

 23   Pourtant, après mon arrivée à Split, le jour même ou le lendemain, une

 24   lettre et un article ont été publiés dans un journal qui s'appelait

 25   Slobodna Dalmacija. C'était une lettre qui avait été écrite par le

 26   président Tudjman, envoyée à Mate Bodan, à propos de camps. Je ne me

 27   souviens pas des termes utilisés, mais il s'agissait d'appliquer le droit

 28   international et les conventions de Genève. Je crois que je dois expliquer


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  1   qu'en toile de fond à tout ceci, on parlait maintenant de sanctions contre

  2   la Croatie, surtout de la part des Américains et des Britanniques. Si

  3   quelque chose n'était pas fait, si on ne mettait pas la pression sur Zagreb

  4   pour améliorer la situation dans les camps et le siège de Mostar est, ainsi

  5   que d'autres choses. Quoiqu'il en soit, c'était un geste tout à fait

  6   inhabituel, le président Tudjman --

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Je souhaite interrompre à ce stade.

  8   J'attends patiemment, mais dans le courant de l'après-midi, nous avons

  9   entendu beaucoup de spéculations de l'interprétation des événements.

 10   Maintenant, ce monsieur est sur le point de faire la même chose. J'attends

 11   patiemment. Ces contes sont assez colorés, et sa manière merveilleuse

 12   d'user de la langue anglaise. Mais je pense que ceci est inapproprié. S'il

 13   dispose d'éléments précis, il peut nous les donner. Il y a peut-être

 14   d'autres témoins qui pourront nous dire exactement ce que le président

 15   Franjo Tudjman avait l'esprit lorsqu'il a écrit cette lettre. Mais il

 16   s'agit véritablement de spéculation ici. Je pense que c'est l'affaire des

 17   historiens. Mais je ne pense pas que ce soit une disposition appropriée

 18   pour ce témoin, à moins que l'on puisse jeter les fondements pour ce type

 19   de spéculation à ce stade de la procédure. Merci.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'objection est recevable. Cette lettre de

 21   Tudjman, est-ce que le témoin l'a lue, l'a vue ? Parce que là, on est au

 22   stade des spéculations.

 23   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je peux vous

 24   l'expliquer un petit peu. Je peux vous parler de ici en présence du témoin,

 25   ou alors nous pouvons demander au témoin de quitter le prétoire. Je crois

 26   que le témoin était sur le point de parler de cela -- ou serait arrivé --

 27   ou en aurait parlé juste au moment où mon éminent confrère soulevait son

 28   objection.


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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Ecoutez, le fait d'avoir une conversation

  2   qui ne sera pas -- pour les besoins du compte rendu d'audience, en dehors

  3   de la présence ne me pose aucun problème. Je ne suis pas en train de dire

  4   qu'il ne dispose pas d'éléments d'information, mais je n'ai pas entendu le

  5   fondement présenté ici.

  6   Il y a juste un point : cette lettre, qu'il a peut-être écrite. Il a

  7   écrit cette lettre, il a écrit cet article. Nous allons entrer dans

  8   l'analyse psychologique pour savoir quelles sont les motivations du

  9   président Tudjman, et cetera. Donc, si on souhaite poser les fondations, la

 10   Chambre de première instance peut conclure ce qu'elle souhaite; c'est très

 11   bien. Mais ici, on parle ici des motivations ou de l'état psychologique du

 12   président Tudjman, et je pense que -- et ce qui l'a motivé. Je crois que

 13   nous allons trop loin ici.

 14   M. MUNDIS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, très

 15   rapidement en présence du témoin, ce que nous allons dire c'est ceci : je

 16   crois qu'il pose le contexte -- présente le contexte dans lequel cet

 17   article a été publié, et il va témoigner à propos de ce document-là. Il

 18   place ceci simplement dans un contexte. Il y avait d'autres éléments qui se

 19   sont déroulés à l'époque. C'est précisément ce qu'a expliqué le témoin

 20   lorsque cette objection a été soulevée. Si vous vous reportez aux lignes 18

 21   à 24 de la page 84, vous constaterez que le témoin a expliqué le contexte

 22   de tout ceci.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Je veux prendre moi-même la main de cette question.

 24   Monsieur, vous avez évoqué une lettre du président Tudjman. Donc, ma

 25   question est très simple : si vous aviez eu connaissance de cette lettre,

 26   est-ce que vous l'avez intégrée, la teneur de la lettre, dans un article

 27   que vous avez rédigé ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la lettre m'a été lue


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  1   en traduction, et je l'ai vue en anglais depuis. Mais lorsque l'on m'a lue,

  2   c'était une traduction, qu'on m'a dit, et je n'avais parlé que parce que

  3   ceci a modifié les projets et les priorités -- c'était pour nous une raison

  4   valable pour essayer d'entrer dans un de ces camps. Ceci était tout à fait

  5   d'actualité.

  6   Est-ce que je l'ai cité ? Certainement, j'ai fait référence. Mais je ne

  7   sais pas si je l'ai cité exactement. Je ne peux pas répondre à votre,

  8   Monsieur le Président. Je ne me souviens pas de l'article avec précision.

  9   Mais je me serais certainement fait mention dans cet article, c'est

 10   certain.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous dites que quelqu'un vous a traduit cette

 12   lettre, et c'est la teneur de la traduction qui vous a incité à vouloir

 13   aller visiter les camps ? C'est comme cela qu'on doit comprendre ce que

 14   vous nous dites là ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Qui est la personne qui vous a traduit cette lettre

 17   et comment avait-elle eu connaissance de cette lettre ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette lettre était dans un journal qui

 19   s'appelle Slobodna Dalmacija, un journal qu'on lisait chaque jour qu'on

 20   pouvait. Le traducteur, c'était un correspondant du journal Daily Telegraph

 21   qui avait vécu beaucoup d'années à Belgrade et qui parlait couramment la

 22   langue.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, nous devons comprendre que c'est la teneur de

 24   la lettre qui vous a, vous, en tant que journaliste, incité à aller de

 25   l'avant pour examiner la question de séquence; c'est bien cela ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Pour reprendre ce sujet des camps,

 27   qui était devenu presqu'un sujet aussi diplomatique qu'humanitaire.

 28   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous de la teneur de cette lettre qui

  2   vous a été traduite par un collègue du Daily Telegraph ?

  3   R.  Au fond, le président Tudjman exhortait Mate Boban de veiller à ce que

  4   les conditions qui prévalaient dans les camps soient conformes -- soient

  5   rendues conformes au droit international et aux conventions de Genève.

  6   Q.  Vous avez dit, à la pages 86, lignes 23 et 24, ceci : "Depuis, j'ai vu

  7   cette lettre en anglais." Est-ce que vous vous souvenez du moment où vous

  8   l'avez vue en anglais ?

  9   R.  Dimanche.

 10   Q.  Sous quelle forme, en anglais, l'avez-vous vue ?

 11   R.  C'était dans un communiqué de presse me semble-t-il.

 12   Q.  D'accord.

 13   R.  Ou c'était une pièce jointe à un communiqué de presse.

 14   Q.  Ce document que vous avez vu dimanche, qui vous l'a montré ?

 15   R.  Un de vos collègues.

 16   Q.  Avez-vous eu l'occasion de lire ce document ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  D'après vos meilleurs souvenirs, est-ce que ce document reflétait ce

 19   qui était publié dans Slobodna Dalmacija en 1993 ?

 20   R.  Aucune raison de penser que ce n'ait pas été la même lettre.

 21   Q.  Quelle est la teneur de cette lettre que vous avez vue dimanche ?

 22   R.  Elle exhortait Mate Boban à respecter, dans les camps, le droit

 23   international, et les conventions de Genève.

 24   M. MUNDIS : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce P9497; Nous

 25   avons ceci sous forme électronique.

 26   Prenons, si vous voulez bien, la page 5, qui va nous donner la version en

 27   anglais.

 28   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que vous avez un document qui est affiché à


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  1   l'écran ?

  2   R.  En croate.

  3   Q.  En croate.

  4   M. MUNDIS : [interprétation] Dans l'intérêt du témoin, il serait peut-être

  5   utile de montrer l'autre version, qu'on donne la page 5.

  6   Monsieur le Président, il semblerait que la page 5 a --

  7   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que vous voyez maintenant un document en

  8   anglais ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce le document qui vous a été montré dimanche ?

 11   R.  Oui. Le communiqué de presse, c'est la première page, si vous voulez.

 12   C'est attaché où c'était agrafé à ce communiqué de presse.

 13   Q.  Vous avez pu lire ce document, dimanche ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vous remercie, Monsieur Vulliamy. Revenons aux événements que vous

 16   relatiez; est-ce que vous vous souvenez de façon approximative de la date à

 17   laquelle ce collègue vous a traduit cette lettre publiée dans Slobodna

 18   Dalmacija ?

 19   R.  Je pense qu'il l'a fait -- attendez. Non, non, je ne peux pas vous

 20   donner de date exacte.

 21   Q.  L'idée du mois et de l'année ?

 22   R.  Il est certain que c'était au mois de septembre, et il est certain que

 23   c'était en 1993.

 24   Q.  Est-ce qu'à ce moment-là, vous avez vu l'article dans Slobodna

 25   Dalmacija ?

 26   R.  Oui, nous l'avions à Split.

 27   Q.  Je vais vous demander ceci, est-ce que vous avez fait quelque chose

 28   pour essayer de pouvoir aller dans ces camps dont on a parlé Dretelj,


Page 1563

  1   Gabela, Rodoc ?

  2   R.  Nous sommes allés directement à Grude pour essayer de trouver,

  3   rencontrer Mate Boban pour voir si nous pouvions aller parce que Dretelj,

  4   c'était celui dont on avait choisi. C'est celui qui suscitait le plus de

  5   préoccupations au HCR. C'est celui que nous avions essayé de visiter la

  6   dernière fois, et pourquoi pas une deuxième fois ?

  7   Q.  Est-ce que vous avez discuté avec quelqu'un à Grude à propos de l'accès

  8   à ce camp ?

  9   R.  Oui. De nouveau, ce George, le Canadien. Nous lui avons demandé s'il

 10   était possible de voir Mate Boban. Je ne sais s'il était là à notre

 11   arrivée. Nous sommes arrivés en fin de matinée. On nous a dit de revenir

 12   l'après-midi. George, le Canadien, a alors dit : "Non, vous ne pouvez pas

 13   aller à Dretelj."

 14   Q.  Avez-vous une idée approximative de l'heure et du jour auxquelles vous

 15   avez eu des discussions avec George, le Canadien ?

 16   R.  La dernière conversation, c'était au cours de l'après-midi.

 17   Q.  La date, le mois, l'année ?

 18   R.  Septembre 1993, début du mois de septembre 1993.

 19   Q.  Après que George, le Canadien, vous eu dit que vous ne pouviez pas

 20   aller au camp de Dretelj, qu'est-ce que vous avez fait ?

 21   R.  On s'est dit qu'il était urgent d'y aller et qu'on devrait renouveler

 22   la tentative le lendemain.

 23   Q.  Vous avez fait cette tentative ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Où ?

 26   R.  Au même endroit, au bureau de M. Boban.

 27   Q.  Qui avez-vous rencontré ce jour-là ?

 28   R.  On a retrouvé d'abord George, le Canadien, et peut-être qu'il a bien


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  1   demandé à Mate Boban si nous pouvions aller à Dretelj. Il nous a dit non

  2   une fois de plus, et nous lui avons demandé d'essayer une nouvelle fois. On

  3   était dans le bureau contigu à ce complexe, je ne sais pas ce que c'était,

  4   c'était aux abords de Grude en tout cas. Quelqu'un est entré dans la pièce,

  5   est passé à côté de nous, et nous trois, nous l'avons reconnu, même si ce

  6   n'est pas moi qui l'ai reconnu d'abord. C'était, je pense, un de deux

  7   collègues de la BBC. Il a dit : C'est le général Praljak qui vient de

  8   passer, pourquoi ne pas lui poser la question ?

  9   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé à ce moment-là ?

 10   R.  Nous lui avons posé la question. Je ne me souviens pas exactement, nous

 11   a-t-il laissé là ? Je pense que oui. Il est revenu peu de temps après, et

 12   je peux dire à ma grande surprise, il a dit : Oui, oui. En ce qui me

 13   concerne, vous pouvez y aller. Enfin, je paraphrase là, je ne prenais pas

 14   de notes.

 15   Q.  Après avoir eu cette discussion avec le général Praljak, qu'avez-vous

 16   fait ?

 17   R.  "Odobrenje", c'est un ordre écrit qui a été rédigé. Très honnêtement,

 18   je ne me souviens pas si le général Praljak est revenu dans la pièce munie

 19   de ce document ou s'il a été dactylographié en notre présence. Je pense

 20   qu'il a été tapé en notre présence. Il a été estampillé, signé, et sans

 21   trop de souci, c'était assez surprenant. Je ne pense pas qu'après cela on

 22   ait beaucoup parlé avec le général Praljak. Nous sommes partis pour

 23   Dretelj.

 24   Q.  Comment saviez-vous où aller ?

 25   R.  Notre guide traducteur savait où aller. C'était en direction de

 26   Capljina. Je pense qu'à ce moment-là, nous l'avions déjà trouvé sur la

 27   carte.

 28   Q.  On vous a fourni un document; il portait la signature de qui ?


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  1   R.  Si je me souviens bien, c'était la signature du général Praljak.

  2   Q.  Pourriez-vous nous relater ce que vous avez fait après être parti en

  3   direction de Dretelj ?

  4   R.  Nous y sommes revenus. Je pense bien que le traducteur savait où aller.

  5   C'était très bizarre parce que c'était un endroit où je m'étais déjà

  6   trouvé. Comme je l'ai dit à mes collègues : J'ai déjà été ici. Même si je

  7   ne connaissais pas le nom de l'endroit, pour moi, cet endroit c'était

  8   Capljina, et avait été rempli de prisonniers serbes. Nous avons présenté ce

  9   document à un garde manifestement surpris qui a disparu dans un bâtiment

 10   qui se trouvait derrière un portail; portail qui est resté fermé où on nous

 11   a dit d'attendre.

 12   Q.  Que portait-il ce garde ?

 13   R.  Un uniforme du HVO.

 14   Q.  Cela a duré combien de temps ?

 15   R.  Vingt minutes, une demi-heure.

 16   Q.  C'était à quel moment de la journée ?

 17   R.  Fin de matinée ou dans le milieu de la matinée.

 18   Q.  Le garde est revenu, que s'est-il passé ?

 19   R.  Je ne sais s'il est revenu avec le commandant du camp ou s'il nous a

 20   fait entrer dans cette espèce de bâtiment où il y avait des bureaux où se

 21   trouvait le commandant. Je pense que c'est cette dernière option qui est la

 22   bonne.

 23   On nous a présentés, il était cordial, je dirais surpris. Mais j'ai eu

 24   l'impression que Grude n'avait pas appelé officiellement pour annoncer

 25   notre arrivée, parce que tout ceci avait été très soudain.

 26   Q.  Vous vous souvenez du nom de cet homme qui était le commandant du camp

 27   ?

 28   R.  Je pense que c'était Shakota ou Sakota.


Page 1566

  1   Q.  Veuillez poursuivre.

  2   R.  On a eu une première discussion dont je ne me souviens pas très bien.

  3   Nous tenions vraiment à entrer puisqu'on était dans la place. Pour suivre,

  4   nous avons commencé une visite du camp après que cet homme nous ait

  5   expliqué, disons, les règles d'engagement ou les règles de fonctionnement

  6   pour les interviews, à savoir qu'il voulait être présent lors des

  7   interviews, que ceci se ferait par l'intermédiaire du traducteur et qu'il

  8   fallait qu'il soit là si nous parlions à un prisonnier.

  9   Q.  Vous étiez combien ?

 10   R.  Il y avait le traducteur - malheureusement, je ne me souviens plus de

 11   son nom, Cathy Evans de la BBC, Mike Montgomery du Daily Telegraph, et un

 12   américan, John Landay de Knight/Ridder, qui est une espèce d'agence de

 13   nouvelles aux Etats-Unis.

 14   Q.  Qui vous a accompagné au moment où vous êtes entrés dans le camp de

 15   Dretelj ?

 16   R.  Vous voulez dire du moment où on est passé du bâtiment administratif

 17   pour aller faire cette visite, pour autant qu'on puisse parler d'une

 18   visite. Il y avait Shakota, enfin Shakota ou Sakota, je ne me souviens plus

 19   exactement de la prononciation de son nom, et quelques gardes ou gardiens,

 20   plus exactement, armés.

 21   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges quelles furent vos observations lorsque

 22   vous êtes parti dans le camp à partir du bâtiment administratif ?

 23   R.  La première étape, cela a été une installation médicale. C'était un

 24   bâtiment petit, voire de taille moyenne, avec des lits de type militaire,

 25   très rapproché des uns des autres. Les médecins pouvaient à peine passer

 26   entre les lits. Il y avait deux hommes par lit; les couvertures étaient

 27   sales, les matelas l'étaient aussi. Il faisait très chaud et c'étaient tous

 28   des hommes qui étaient là dans des états divers. La peau très sèche, ils


Page 1567

  1   avaient des problèmes dermatologiques, ils avaient l'air mal nourri, le

  2   regard vide. C'était très déprimant de les voir.

  3   Q.  Pourriez-vous nous dire combien d'hommes se trouvaient là ?

  4   R.  Vous savez, je répugne à faire ce genre d'estimation. Une vingtaine, 25

  5   peut-être. Peut-être moins, peut-être plus.

  6   Q.  Est-ce que vous avez discuté avec l'une ou l'autre personne se trouvant

  7   là ?

  8   R.  Si nous avons parlé ce fût très bref, parce que ces hommes n'étaient

  9   pas à même de parler longuement. Mais nous avons bien parlé à un, voire à

 10   plusieurs des médecins qui se trouvaient là. C'est toujours le système qui

 11   prévaut dans ces cas; ce sont eux-mêmes des prisonniers qui se trouvent

 12   être médecins.

 13   Q.  Après avoir été dans ce bâtiment, où êtes-vous allés ?

 14   R.  Excusez-moi si je fais référence à la visite précédente. Nous avons

 15   dépassé cette espèce de remise, la visite précédente, sur la droite où

 16   s'étaient trouvées les femmes. Maintenant, je me rends compte que le HOS ne

 17   nous avait pas montré, à l'époque, grand-chose des hommes et sûrement rien

 18   à propos des femmes. Nous avons pris un chemin et nous avons passé à un

 19   endroit où nous sommes revenus après, où les hommes mangeaient. Nous avons

 20   tourné à droite. Il y avait deux espèces de tunnels ou de hangars, vous

 21   savez, ces espèces de hangars pour des avions ou ce sont des abris anti-

 22   bombes qui avaient été creusés dans deux collines en face de l'entrée qui

 23   se faisaient face. C'est là que nous sommes allés.

 24   Q.  En allant dans cette direction, est-ce que vous avez vu des gens ?

 25   R.  Il y avait les gardiens. Oui, il y avait un autre bâtiment sur notre

 26   gauche. Là, il y avait des prisonniers et une porte coulissante à demi-

 27   ouverte, mais nous ne sommes pas entrés dans cet endroit-là. Nous sommes

 28   allés vers ces espèces de tunnels.


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  1   Q.  Lorsque vous êtes arrivés à proximité de ces tunnels, qu'est-ce que

  2   vous avez fait ?

  3   R.  C'était assez choquant ce qu'on avait trouvé parce que les portes

  4   étaient ouvertes. Mais ces tunnels, je ne veux pas dire qu'ils étaient

  5   pleins à craquer mais il y avait beaucoup d'hommes dans chacun de ces

  6   tunnels. Excusez-moi, excusez-moi, un instant. J'ai oublié une chose. Nous

  7   sommes bien allés dans cette espèce de remise sur la droite, là, où on

  8   avait vu des femmes en 1992. C'est ce qu'on a fait avant d'aller dans les

  9   tunnels.

 10   Q.  Qu'est-ce que vous avez vu dans l'endroit où vous avez vu des femmes en

 11   1992 ?

 12   R.  Là, il y avait des prisonniers pour la plupart assis ou accroupis au

 13   sol, sans beaucoup de place autour d'eux, enfin, assez de place que s'ils

 14   avaient des effets personnels, ils les avaient suspendus dans des poches en

 15   plastique des poutres qui se trouvaient dans cette remise ou dans ce

 16   hangar.

 17   Q.  Vous avez parlé à certains d'entre eux ?

 18   R.  Oui. Je ne me rappelle plus à ce moment-là où il était le commandant.

 19   Le traducteur faisait quelques interviews. Moi, je parlais leur langue,

 20   Cathy un peu et j'ai trouvé un disc-jockey qui parlait très bien l'anglais.

 21   On s'était dit, en chuchotant, sur la partie dehors, qu'on allait essayer

 22   de se répartir la tâche si on rencontrait des gens qui parlaient anglais.

 23   Il y en avait un qui parlait bien l'anglais, je pense qu'il était

 24   originaire de Stolac. Il m'avait dit que les choses avaient été bien pires

 25   en juillet. On avait fermé ces portes à un moment donné, si pas plusieurs

 26   fois pendant 72 heures. J'ai été frappé par ce qu'il a dit. Il avait dit

 27   que leurs excréments ils avaient dû les jeter par le fenêtre tellement cela

 28   puait et ils avaient dû boire leur propre urine pour pouvoir se


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  1   déshyudrater pendant les périodes où on avait verrouillé les portes. Je ne

  2   sais pas ce qu'il a dit en matière de nourriture pendant ces périodes de 72

  3   heures. J'ai cru comprendre implicitement qu'ils n'avaient pas été nourris

  4   par une seule nourriture.

  5   Cela ce n'était pas récent pour notre visite, c'était en juillet.

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez revenir au moment où vous êtes allé dans ces

  7   structures que vous avez appelées "tunnels?"

  8   R.  Excusez-moi, Monsieur les Juges, j'avais omis ce détail important la

  9   première fois. Celui que je viens de vous relater.

 10   Quand nous sommes arrivés au tunnel, c'était la partie la plus

 11   éprouvante parce que ces hommes se trouvaient à l'intérieur. Les portes

 12   étaient ouvertes mais il faisait très sombre au fond, et même si les portes

 13   étaient ouvertes, le commandant est resté à l'extérieur, les gardes aussi

 14   même s'il y avait un ou deux gardes qui sont entrés. Je suis d'abord allé

 15   dans le tunnel qui se trouve à ma droite. C'est celui qui se trouve plus au

 16   sud, enfin je ne suis pas trop sûr de l'orientation. Je me suis mis à

 17   parler sans contrôle même si je parlais par le truchement du traducteur et

 18   puis j'ai rejoint mon collègue qui parlait le serbo-croate. Cela m'a été

 19   traduit. Nous avons donc commencé à parler aux prisonniers à cet endroit.

 20   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de quelque chose dans le cadre de ces

 21   conversations que vous avez eues avec les prisonniers du tunnel ?

 22   R.  Je me souviens tout d'abord de l'aspect qu'ils avaient. Ils étaient en

 23   piètre état. Ils étaient entassés là. Ils avaient les yeux pleins de

 24   larmes, les yeux larmoyants. Ils n'avaient pas de traces de sévices

 25   corporels, je dois le dire, même si quelqu'un a dit, à un moment, que

 26   quelqu'un avait été tué de coups donnés par une planche en bois peu de

 27   temps auparavant. Mais c'était une négligence extrême. Ils étaient, pour ce

 28   qui est de la nourriture, ils étaient déshydratés, leur peau était en très


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  1   mauvais état.

  2   Ils ont reparlé de juillet en mentionnant un épisode particulier. Un garde

  3   était saoul, il s'était enivré dehors, avait entonné des chants et il avait

  4   ouvert le feu sur ces portes de ce hangar, de ce tunnel, et les balles

  5   avaient pénétré les portes. Des gens avaient été tués à l'intérieur.

  6   Ceci était corroboré par les traces laissées sur le mur du fond. On voyait

  7   que ces portes métalliques présentaient des traces de tirs avec des parties

  8   qui étaient retournées, montrant l'impact des balles.

  9   Ils ont aussi parlé des conditions qu'ils avaient connues. Ils ont

 10   reparlé de juillet et ces portes avaient été fermées pendant 72 heures.

 11   Cette fois, il n'y avait pas de fenêtres qu'on pouvait utiliser pour jeter

 12   dehors les excréments; ils se rappelaient qu'ils avaient dû boire leur

 13   propre urine pour se déshydrater. C'était vraiment effroyable, effroyable

 14   ce qu'ils ont raconté.

 15   Q.  Est-ce que vous avez demandé à ces gens pourquoi ils avaient été

 16   enfermés pendant 72 heures ?

 17   R.  Non, je n'ai pas posé la question mais peut-être qu'un de mes collègues

 18   l'a fait. Je pense que c'est une conversation que j'ai eue plus tard, qui a

 19   coïncidé avec des événements militaires en dehors du camp, par exemple,

 20   peut-être une avancée de l'ABiH. Nous avons quand même demandé ce qui

 21   s'était passé récemment depuis l'arrivée du commandant Sakota, et tous les

 22   prisonniers n'étaient pas d'accord à ce propos.

 23   Q.  Vous nous avez dit souvent que vous n'aimiez pas donner de chiffres

 24   mais est-ce que vous avez une idée approximative du nombre de personnes qui

 25   se trouvaient soit dans l'un des tunnels soit dans les deux ?

 26   R.  Je crois que, disons, peut-être autour de 100 chaque, en plus de

 27   plusieurs centaines, pas jusque mille. Je sais que j'ai posé la question.

 28   On nous a parlé. J'ai demandé à Sakota combien il y avait d'hommes dans le


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  1   camp, il a dit quelque chose comme 1 400 personnes. Le HCR nous a informés

  2   plus tard qu'il y en avait eu beaucoup plus au début de l'été.

  3   Donc, à l'intérieur de ce tunnel, j'ai l'assurance que un peu moins

  4   de 2 000 peut-être.

  5   Q.  Dans ce premier bâtiment, dans cette remise ?

  6   R.  Celui où avec ces poches en plastique qui pendaient ?

  7   Q.  Oui.

  8   R.  Plus. Là aussi, des centaines. Mais peut-être moins. C'était moins

  9   plein de monde. Je pense, bien sûr, à ce chiffre de

 10   1 400. Je n'ai pas de raison de ne pas croire le commandant Sakota. Donc,

 11   plusieurs centaines, moins de mille.

 12   Q.  Vous nous avez dit que beaucoup de ces gens semblaient souffrir de

 13   malnutrition. Est-ce que vous avez demandé ce qu'ils avaient reçu à

 14   manger ?

 15   R.  Je pense que oui. Là où il y avait - parce que je ne sais pas si on

 16   doit appeler cela une infirmerie où - ce n'était pas vraiment une

 17   infirmerie. Mais le médecin avait dit qu'ils avaient traité des cas de

 18   côtes cassées. On peut aisément s'imaginer pourquoi. Il avait indiqué que

 19   certains hommes étaient morts de mort naturelle avec ce geste, comme s'il

 20   s'épongeait le front. Ce qui semblait dire que c'était peut-être la chaleur

 21   ou le manque de nourriture ou d'eau.

 22   Q.  Combien de temps avez-vous passé cette fois-là à Dretelj ?

 23   R.  Deux heures, peut-être un peu plus. Parce que nous avons eu des

 24   conversations récurrentes avec le commandant alors que nous faisions cette

 25   visite. Certaines de ces conversations se sont prolongées. A un moment

 26   donné, il y a un homme qui s'est levé, il a dit qui il était, d'où il

 27   venait. Il voulait dire que depuis la venue du commandant Sakota, cela

 28   allait beaucoup mieux. Il y a eu des sifflements autour de lui. Nous


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  1   voulions aussi savoir ce qu'il en était du CICR. Cela a provoqué une longue

  2   conversation aussi bien avec le commandant qu'avec les prisonniers.

  3   Q.  Vous avez passez deux heures ou plus à Dretelj. D'après vos

  4   observations, que faisaient les détenus ?

  5   R.  Rien. C'est cela qui compte. Une des choses qui m'a frappé, c'est que

  6   si les portes du hangar étaient, ce jour-là, ouvertes, il faisait chaud.

  7   C'était un jour ensoleillé. Beaucoup de prisonniers étaient plutôt au fond,

  8   assis à l'arrière, voire contre le mur du fond. Ils ne faisaient rien. Je

  9   suppose que - je ne sais pas si on ouvrait régulièrement les portes ou

 10   c'était à cause de nous qu'on les avait ouvertes ce jour-là, enfin je ne

 11   sais pas. Mais je suppose qu'on ouvrait ces jours [comme interprété]

 12   quotidiennement. Il me semblait que ces hommes ne voulaient pas sortir,

 13   alors qu'ils avaient la possibilité d'aller prendre un peu d'air frais.

 14   Pour moi, cela ne m'a pas rassuré, parce que cela montrait soit que ces

 15   hommes avaient peur de sortir ou autre chose. Un des prisonniers a dit : De

 16   toute façon, on n'a pas le droit de sortir. C'est trop effrayant.

 17   Q.  Est-ce que vous avez vu des prisonniers dehors ?

 18   R.  Oui, il y en a certains, quelques-uns qui sont sortis, là près des

 19   tunnels. Lorsque nous sommes redescendus - enfin, vous savez, c'est en

 20   pente douce à partir du tunnel - on a donné à manger en haut du chemin. Il

 21   y avait une partie herbeuse, et c'est là qu'ils étaient.

 22   Q.  Vous dites à un moment on leur donnait un repas. Cela ressemblait à

 23   quoi.

 24   R.  J'avais vu cela hier aussi. C'était une manœuvre. On leur donnait des

 25   rafraîchissements et des humiliations. Les groupes étaient organisés et

 26   vous aviez -- ils étaient sous la surveillance d'hommes, des gardes qui les

 27   emmenaient en groupes. Vous aviez ces gens qui venaient du hangar où j'ai

 28   dit que pendaient des poches en plastique. Effectivement, ces gens étaient


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  1   emmenés dans un silence absolu. C'est ce que nous avons vu. Comme ils

  2   mangeaient, nous ne voulions pas les interrompre, mais il y avait tout

  3   autour des gardes armés. J'avais eu suffisamment d'expérience précédemment

  4   pour savoir ce que cela avait comme conséquences si on parle à des gens

  5   dans ces conditions. Je ne sais pas si on les avait forcés à le faire, mais

  6   ils étaient accroupis et mangeaient une espèce de bouillie qu'on avait

  7   cuisiné dehors. Puis, ils étaient remplacés par un autre groupe quand ils

  8   avaient terminé.

  9   Q.  Vous souvenez-vous des sujets que vous avez abordés avec ces détenus ?

 10   R.  Nous avons d'abord demandé qui ils étaient. Il y avait parmi eux des

 11   civils. Beaucoup avaient été membres du HVO. Ils avaient combattu avec les

 12   gens qui, ou pour l'organisation qui les avait incarcérés.

 13   Q.  Ils étaient de quelle appartenance ethnique ?

 14   R.  Musulmans.

 15   Q.  Leur avez-vous demandé de quelle zone géographique ils venaient ?

 16   R.  Oui. Ils venaient de Stolac, Capljina. Ceux qui répondaient à la

 17   question posée au mois de juillet où étaient partis tous ces hommes. Il y

 18   en avait qui venaient des villages environnants et quelques-uns venaient de

 19   Mostar. Je crois qu'un jeune garçon venait de Sarajevo.

 20   Q.  Leur avez-vous demandé depuis combien de temps ils se trouvaient là, à

 21   l'un ou l'autre de ces détenus ?

 22   R.  Je ne l'ai pas fait, en tout cas, je ne me rappelle pas avoir posé

 23   cette question. Certains donnaient l'impression d'être là depuis moins

 24   longtemps que les autres. Ils étaient en meilleur état physique que les

 25   autres. Parce que les autres relataient des souffrances qu'ils avaient

 26   vécues depuis le mois de juillet, début juillet ou la mi-juillet. Ceux qui

 27   étaient là depuis moins longtemps présentaient un autre aspect physique.

 28   Ils avaient été moins longtemps au soleil que ceux qui étaient là depuis


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  1   les premières semaines de juillet.

  2   Q.  Monsieur Vulliamy, vous venez de parler en page 101, ligne 16 du compte

  3   rendu d'audience, d'un jeune homme venu de Sarajevo. Est-ce que vous avez

  4   la moindre idée de l'âge de ce jeune homme ?

  5   R.  Quand je dis jeune homme, je ne veux pas parler d'un enfant. Je pense à

  6   un adolescent. Disons qu'il aurait pu avoir 14, 15 ans.

  7   Q.  Est-ce que vous avez interrogé l'un ou l'autre de ces détenus pour lui

  8   demander s'il recevait des visiteurs ?

  9   R.  Oui. Il avait été question de la visite, par exemple, du comité de la

 10   Croix-Rouge internationale. Nous en avons parlé aussi avec le commandant

 11   Sakota.

 12   Q.  Sur quoi a porté votre discussion au sujet du comité de la Croix-Rouge

 13   internationale ?

 14   R.  La discussion a porté sur diverses choses. Le commandant Sakota nous a

 15   dit que la Croix-Rouge était venue. Je crois que c'était la veille du jour

 16   où nous avons demandé pour la première à pénétrer dans le camp. D'après sa

 17   gestuelle, il laissait entendre qu'il n'appréciait pas beaucoup le travail

 18   qu'il devait faire très franchement. En tout cas, il nous a dit qu'il avait

 19   reçu un appel téléphonique du ministre des Affaires étrangères, Mate

 20   Granic, <inaudible> la visite du CICR où il était demandé de faire en sorte

 21   d'améliorer les conditions d'existence dans le camp. Il a dit quelque chose

 22   - je voudrais vraiment me rappeler exactement ce qu'il a dit - mais en tout

 23   cas, ce que cela voulait dire c'est qu'il apprécierait beaucoup que toutes

 24   ces personnes puissent rentrer chez elle.

 25   Quant à ce que les prisonniers ont dit au sujet de la visite du CICR,

 26   c'était quelque chose de très différent. Je n'ai pas eu le moyen de

 27   corroborer ces dires, mais en tout cas, certains d'entre eux, notamment

 28   ceux qui étaient dans les tunnels, ont déclaré que


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  1   120 hommes, à savoir, ceux qui étaient en plus mauvais état physique,

  2   avaient été déplacés avant l'arrivée du CICR. Mais je ne sais pas si c'est

  3   vrai ou pas.

  4   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que vous avez rencontré un enquêteur ou un

  5   analyste de ce Tribunal en 1997 déjà ?

  6   R.  1997. Oui.

  7   Q.  Avez-vous fait une déclaration à ce moment-là, une déposition ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  L'avez-vous jointe à votre déclaration préalable ?

 10   R.  Si vous parlez de la déposition que j'ai faite pendant le procès du

 11   colonel, devenu plus tard général Blaskic, ma réponse est oui.

 12   Q.  Qu'est-ce que vous avez --

 13   R.  Deux -- excusez-moi.

 14   Q.  Qu'est-ce que vous avez --

 15   R.  Deux dessins qui représentent ce dont je me rappelle de la façon dont

 16   le bâtiment était disposé à Dretelj.

 17   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander à

 18   ce qu'on soumette au témoin les deux schémas qu'il a faits. Le premier

 19   constitue la pièce P8761.

 20   Q.  Monsieur Vulliamy, est-ce que vous voyez à l'écran un document qui vous

 21   présente une série de schémas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qu'il représente ?

 24   R.  Oui. C'est ce que j'ai dessiné pour essayer de reproduire l'emplacement

 25   des bâtiments que j'ai pu voir lors de ma visite à Dretelj.

 26   Q.  Je vous demande encore une fois si vous vous rappelez la date

 27   approximative à laquelle vous avez dessiné ces schémas ?

 28   R.  Bien je suppose, voyant le procès Blaskic, cela doit daté du printemps


Page 1577

  1   1997.

  2   M. MUNDIS : [interprétation] Je demande maintenant que l'on soumette au

  3   témoin la pièce P8762.

  4   Q.  Reconnaissez-vous ce document, Monsieur Vulliamy ?

  5   R.  Oui, tout à fait. Je crois pouvoir dire qu'il s'agit d'une autre

  6   tentative de ma part pour dessiner le surplomb, l'endroit un peu en relief

  7   où les tunnels pénétraient dans la montagne.

  8   Q.  Pouvez-vous nous décrire peut-être un peu plus en détail ce que nous

  9   voyons ici, ce que vous avez essayé dessiner ?

 10   R.  Oui, c'est encore une fois un essai que j'ai fait pour tracer en coupe

 11   les infractuosités [phon] à l'endroit où se trouve les portes par exemple,

 12   les trous dont j'ai parlés tout à l'heure que l'on voyait dans les portes.

 13   Autrement dit, une illustration de ce que je disais tout à l'heure au sujet

 14   des coups de feu qui étaient tirés la nuit alors que les hommes étaient

 15   enfermés.

 16   Q.  Je vous remercie, Monsieur Vulliamy.

 17   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure. Je

 18   voulais montrer encore quelques photographies au témoin. Mais compte tenu

 19   de l'heure un peu tardive, je pense qu'il sera peut-être préférable de

 20   lever la séance pour ce soir.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous faut combien de temps pour demain ?

 22   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons mené

 23   l'interrogatoire principal pendant un peu moins de trois heures. Si je ne

 24   m'abuse et d'après les estimations du temps qu'il nous était imparti, ce

 25   temps se monte à peu près à quatre heures, donc, je prévois de continuer à

 26   interroger le témoin pendant une heure à peu près, peut-être un peu plus

 27   que cela. Mais en tout cas, j'en aurai certainement terminé demain avant la

 28   première pause.


Page 1578

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais demander à la Juriste de la Chambre

  2   qu'elle indique exactement le nombre de minutes qui a été consacré à

  3   l'interrogatoire principal. Mais j'ai l'impression qui a quand même déjà

  4   plus de trois heures. Enfin, on vérifiera cela et l'audience reprend

  5   demain. Il est quasiment 19 heures.

  6   Je vous remercie et nous vous retrouvons demain à 9 heures.

  7   M. MURPHY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. J'ai

  8   quelque chose à vous dire un instant, s'il vous plaît. En vertu de la

  9   décision rendue par la Chambre un peu plus tôt cet après-midi, l'équipe de

 10   défenseurs de M. Stojic sera la première à procéder au contre-

 11   interrogatoire de ce témoin. Après avoir entendu ce que le témoin a dit

 12   dans sa déposition aujourd'hui, il devient tout à fait clair que ce dernier

 13   a dû transmettre au journal Guardian un certain nombre d'éléments

 14   d'information qui ont donné lieu à de très nombreux articles rédigés dans

 15   la période allant d'août 1992, au 19 août, ou même début août 1992 à

 16   septembre 1993.

 17   Comme vous le savez, Monsieur le Président, je suis assez nouveau dans la

 18   présente affaire, mais j'ai consulté mes collègues avant de prendre la

 19   parole. Je crois que ces articles n'ont pas tous fait l'objet d'une

 20   communication de l'Accusation à la Défense et

 21   M. Karnavas fait également état de certaines notes manuscrites qui

 22   pourraient être pertinentes.

 23   Monsieur le Président, je ne sais si un coup de téléphone pourrait

 24   peut-être être adressé à Londres, au journal le Gardian pour essayer de se

 25   procurer ces documents, mais en tout cas je demanderais à ce que

 26   l'Accusation fasse un effort pour les obtenir.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Mundis. Est-ce que vous avez

 28   communiqué à la Défense l'ensemble des articles qui ont été rédigés par le


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  1   témoin et qui étaient en votre possession. Ou comme semble l'indiquer la

  2   Défense, ce que vous leur avez communiqué, ce n'est qu'une partie en

  3   réalité de l'ensemble du travail qu'a fait le témoin en sa qualité de

  4   journaliste underground ? Alors que pouvez-vous nous dire ?

  5   M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

  6   Président, Messieurs les Juges, nous avons communiqué les articles que nous

  7   avions en notre possession. Quant aux autres articles, bien comme c'est le

  8   cas de la presse en général, ils sont accessibles à tous. Nous n'avons pas

  9   besoin de demander une autorisation particulière pour les obtenir et les

 10   communiquer à la Défense. Ces articles font partie d'un travail qui existe

 11   et qui est du domaine publique, si je ne me trompe, donc nous n'avons pas

 12   fait des recherches particulières pour essayer de les télécharger ou de les

 13   retrouver avant de les communiquer à la Défense. S'agissant des carnets de

 14   notes, cela c'est un sujet qui peut faire l'objet de questions adressées au

 15   témoin, nous ne manquerons pas de l'interroger sur ces sujets avant le

 16   début de sa déposition demain. Mais si vous le souhaitez, Monsieur le

 17   Président, nous pouvons poser quelques rapides questions au témoin

 18   immédiatement sur cette question. Je crois savoir que le témoin en a déjà

 19   parlé dans des dépositions faites précédemment dans d'autres affaires, donc

 20   même si la Défense à mon avis connaît très bien l'histoire de ces carnets

 21   de notes, nous pouvons si cela aide les uns ou les autres interroger le

 22   témoin.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : -- les carnets de notes.

 24   M. MUNDIS : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Vulliamy, vous venez d'entendre l'échange qui vient de se

 26   produire. Je sais que vous avez déjà parlé de cela dans d'autres affaires.

 27   Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous aviez un carnet de notes à

 28   l'époque ? Si oui, où il se trouve, qu'est-ce qu'il en est advenu ?


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  1   R.  Bien entendu, je tenais des carnets qui ont été vérifiées de très près

  2   et photocopiés à de nombreuses reprises au fil des années, mais je ne suis

  3   plus en leur possession. Il est possible que la dernière instance qui les a

  4   eues en sa possession soit le Tribunal.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, le témoin dit qu'il n'exclut pas

  6   l'hypothèse selon laquelle ce carnet de notes serait en possession de

  7   l'Accusation.

  8   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons fouillé à

  9   fond le bureau du Procureur pour trouver ces carnets que nous n'avons pas

 10   pu retrouver. Je crois savoir que certains d'entre eux ont été remis au

 11   greffe pour photocopies et pour servir de pièces à -- et ont été versés au

 12   dossier dans d'autres affaires. C'est devenu des pièces à conviction. Je ne

 13   sais pas combien il en manque, s'il en manque effectivement quelques-uns,

 14   mais encore une fois, cette question a déjà été abordée par M. Vulliamy

 15   dans d'autres dépositions et dans ses échanges avec le bureau du Procureur,

 16   et ce que nous pouvons dire c'est simplement que nous ne savons pas où ils

 17   se trouvent si pour autant qu'ils aient été remis au bureau du Procureur.

 18   Puis j'ai une correction à apporter à quelque chose que j'ai dit tout à

 19   l'heure, Monsieur le Président. Mon commis aux audiences vient de

 20   m'informer que nous n'avons pas communiqué tous les articles écrits par le

 21   témoin, je le répète, parce que nous considérions que c'était des sources

 22   d'information publique, et que toute personne intéressée qui voudrait

 23   accéder à ces éléments d'information qui font partie du domaine public a

 24   tout à fait la possibilité de le faire. Donc, je corrige ce que j'ai dit

 25   tout à l'heure, car j'avais parlé de la communication de certains articles

 26   qui n'ont pas été communiqués.

 27   Mais encore une fois, s'agissant de la dernière question posée au

 28   témoin au sujet des carnets de notes, très certainement, nous pourrons

 


Page 1581

  1   aborder cette question demain, avant le début de la déposition du témoin.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, sur ce que vient de dire la Défense, est-

  3   ce qu'en votre journal, "Le Guardian", par Internet, on peut faire une

  4   recherche sur les articles que vous avez publiés, de telle façon que par le

  5   téléchargement, un internaute aurait accès à vos articles en payant, le cas

  6   échéant évidemment, l'accès à ces articles, ou ce n'est pas possible ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une possibilité, bien sûr. Je regarde

  8   l'heure et je me rends compte -- parce que je pensais passer un coup de fil

  9   à la bibliothèque, mais elle a fermé il y a cinq minutes. En tout cas, il

 10   existe un service où je suis sûr que quelqu'un pourrait accéder au système

 11   Lexis. Dans ce système, il suffit de taper un mot-clé, mon nom, par

 12   exemple, suivi du mot "Bosnie" et suivi d'une date, et à ce moment-là, on

 13   obtient toute une liste, parce qu'elle est longue, cette liste. Autrement

 14   dit, ce sont des articles qui sont tout à fait accessibles à quelque

 15   personne que ce soit grâce à Internet.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître, vous avez toute la nuit pour accéder à ce

 17   document.

 18   M. MURPHY : [interprétation] Merci. Si vous me le permettez, Monsieur

 19   le Président, j'aurais une observation à faire. Il incombe, au titre de

 20   l'article 66(B) du Règlement, il incombe à l'Accusation l'obligation de

 21   donner accès aux documents qui sont en sa possession à la Défense pour que

 22   celle-ci puisse préparer son travail. Alors, Monsieur le Président, lorsque

 23   ces documents sont en la possession d'un témoin de l'Accusation, ma façon

 24   d'interpréter les choses, c'est que ces documents sont dès lors couverts

 25   par la disposition que je viens de citer. Il ne suffit donc pas de nous

 26   renvoyer au système Lexis ou à un service commercial pour s'acquitter de

 27   l'obligation qui est celle qui pèse sur l'Accusation. Avec le respect que

 28   je dois à la Chambre, je demanderais à la Chambre d'inviter l'Accusation à


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  1   donner accès à ces documents pour la Défense.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Si j'ai bien compris ce que nous a dit M. Mundis,

  3   les carnets de notes, il ne les a pas retrouvés, donc s'il ne les a pas, il

  4   ne peut pas les communiquer. Concernant les articles, il a communiqué les

  5   articles qui étaient en sa possession, et les autres articles qui sont dans

  6   le domaine public, à chacun d'y avoir accès. C'est comme cela que

  7   j'interprète ce qu'il a dit.

  8   Monsieur Mundis, est-ce que c'est bien le sens de la position de

  9   l'Accusation vis-à-vis de l'article 66(B) du Règlement ?

 10   M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, je

 11   dois apporter une correction à ce que j'ai dit avant. Nous n'avons pas

 12   communiqué ces articles, car il s'agit de documents qui relèvent du domaine

 13   public. Au cas où nous aurions des documents qui sont sous notre garde et

 14   qui ne sont pas des documents publics, nous sommes tenus de les communiquer

 15   à la Défense. Mais encore une fois, lorsqu'il s'agit de documents auxquels

 16   n'importe qui peut avoir accès, alors nous ne pensons pas qu'il soit de

 17   notre obligation officielle de retrouver ces documents et de les

 18   communiquer à la Défense.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais j'indique à la Défense que depuis très

 20   longtemps, elle est en possession de la liste des témoins. Sur cette liste

 21   de témoins figurait ce témoin, journaliste de son Etat. La moindre des

 22   choses lorsqu'on est avocat, c'est qu'à ce moment-là, on se renseigne sur

 23   ce que ce journaliste a pu faire comme travail et qu'est-ce qu'il a pu

 24   écrire. Depuis plusieurs semaines, n'importe qui était en mesure de balayer

 25   le champ des travaux de ce témoin.

 26   Donc, voilà, il est 19 heures 10, nous nous retrouverons tôt demain à

 27   l'audience qui démarrera à 9 heures. Je vous remercie.

 28   --- L'audience est levée à 19 heures 10 et reprendra le mardi 9 mai


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  1   2006, à 9 heures.

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