Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 24 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : Merci, Monsieur le Président, et bonjour à tous. Affaire

8 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je salue toutes les personnes présentes. Nous

10 n'allons pas perdre de temps. Je crois qu'il y a un petit problème

11 concernant une pièce qui a été admise hier.

12 Maître, sans retard, vous avez la parole.

13 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit du document 4667 que l'Accusation

15 avait proposé. C'est un document qui compte 144 pages, et le témoin a lu

16 une partie de ces pages notamment celles qui avaient le numéro de référence

17 01520527, le document étant volumineux il nous pose des problèmes, alors

18 que le témoin n'a évoqué qu'une des pages et l'a reconnue en tant que tel

19 nous estimons que sous cette forme ce document ne peut pas être versé au

20 dossier. Nous avons déjà rencontré ce type de situation où des parties de

21 documents avaient été versées, qu'en est-il donc ici en l'espèce ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En l'espèce, ce n'est que la page qui a été

23 reconnue par le témoin qui a été admise et non pas tout le livre.

24 Donc, Monsieur le Greffier, au transcript, vous indiquerez que c'est

25 la page 01520517 qui est admise concernant le document 4667.

26 Bien. On va chercher tout de suite le témoin.

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 LE TÉMOIN : TÉMOIN BI [Reprise]

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1 [Le témoin répond par l'interprète]

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous levez le rideau.

3 Alors, l'audience étant reprise, Monsieur, je vous salue au nom de tous les

4 Juges et de l'ensemble des participants de cette salle d'audience. Votre

5 audition va se poursuivre et je redonne la parole à M. Mundis.

6 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Une

7 fois de plus, je vais demander l'aide de

8 M. l'Huissier pour revenir à la question de la liasse de photographies et

9 aussi de ce croquis du plan. Peut-on montrer au témoin la photographie qui

10 auparavant portait le numéro P 09587 ?

11 Interrogatoire principal par M. Mundis : [Suite]

12 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin BI, est-ce que vous avez sous les

13 yeux à l'écran une photographie ?

14 R. Oui.

15 Q. Veuillez nous dire ce que cette photo nous montre.

16 R. Vous voyez ici un magasin. C'est un magasin où on vend des fleurs et

17 des objets funéraires.

18 Q. Est-ce que vous reconnaissez les bâtiments qui se trouvent à l'arrière

19 plan de cette photographie ?

20 R. Oui, oui. Je reconnais tous les bâtiments.

21 Q. Ces bâtiments qui figurent à l'arrière plan qu'est-ce qu'ils sont,

22 pouvez-vous nous le dire ?

23 R. En haut, vous avez l'école.

24 Q. Veuillez indiquer d'un S ce bâtiment dont vous dites qu'il s'agit de

25 l'école.

26 R. [Le témoin s'exécute]

27 Q. Que voyez-vous d'autre à l'arrière plan ?

28 R. Sur la gauche vous voyez un bâtiment dans lequel se trouvait des vieux

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1 magasins et aussi une agence de l'emploi.

2 Q. Veuillez placer un X sur ce bâtiment.

3 R. [Le témoin s'exécute]

4 Q. Merci. Est-ce que vous reconnaissez d'autres bâtiments au fond de cette

5 photographie ?

6 R. Oui. Sur le côté droit, vous voyez une boucherie, l'entrée de la

7 mosquée, et une rangée de magasins où il y avait notamment une pâtisserie,

8 divers magasins où on vendait diverses choses, des petits objets.

9 Q. Je vais vous demander d'indiquer d'un M l'entrée de la mosquée.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Je vais vous demander d'indiquer le chiffre 2 au bas de cette photo.

12 R. [Le témoin s'exécute]

13 Q. Vous nous avez dit que vous aviez ici un fleuriste, pourriez-vous

14 indiquer cet endroit de la lettre F.

15 R. Oui. [Le témoin s'exécute]

16 M. MUNDIS : [interprétation] Avec l'aide de M. l'Huissier, je vais demander

17 qu'on replace la carte à l'écran, ce plan.

18 Q. Monsieur le Témoin BI, est-ce que vous voyez un endroit quelconque de

19 cette carte, ce magasin, ce fleuriste ?

20 R. Oui.

21 Q. Veuillez indiquer l'endroit où se trouve ce marchand de fleurs en

22 apposant le chiffre 2.

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 Q. Merci.

25 M. MUNDIS : [interprétation] Photo suivante avant c'était le numéro P

26 09585.

27 Q. Est-ce que vous reconnaissez c'est ce qu'on voit à l'écran sur cette

28 photo ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que cette photo nous

3 montre ?

4 R. Dans le coin supérieur droit, vous voyez le toit de la boucherie et

5 puis vous voyez l'entrée de la mosquée et puis vous avez ces endroits qui

6 sont peut-être des snacks, il y a aussi le café bar Roko et puis vous avez

7 l'école.

8 Q. Commençons par le coin inférieur droit de cette photo où je vous

9 demande d'apposer le chiffre 3.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Veuillez indiquer d'un B le toit de la boucherie. Apposez un M' s'il

12 vous plaît, à l'entrée de la mosquée.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Veuillez indiquer où se trouve l'école par la lettre S.

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 Q. Vous parlez de trois endroits où on pouvait manger. Est-ce que vous

17 pourriez indiquer ces endroits en plaçant à chacun des trois endroits un

18 X ?

19 R. [Le témoin s'exécute]

20 Q. Veuillez reprendre la carte. Est-ce que vous voyez l'endroit que nous

21 venons de voir à la photographie numéro 3 sur la carte ? Si vous voyez cet

22 endroit, indiquez-le du chiffre 3.

23 R. Oui.

24 [Le témoin s'exécute]

25 Q. Merci, Monsieur. Je voudrais que soit maintenant montrée au témoin la

26 photographie suivante, P09581, c'était le numéro qu'elle portait

27 auparavant.

28 Qu'est-ce qu'on voit sur cette photo, vous reconnaissez et endroit ?

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1 R. Oui.

2 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que cette photo nous

3 montre ?

4 R. C'est une fontaine.

5 Q. Où se trouve-t-elle ?

6 R. Elle se trouve dans la cour de la mosquée.

7 Q. Je vais tout d'abord te demander d'indiquer le chiffre 4 dans le coin

8 inférieur droit de cette photo.

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. En prenant la carte, est-ce que vous voyez sur cet endroit -- est-ce

11 que sur cette carte l'endroit que nous venons de voir sur cette photo ? Si

12 c'est le cas indiquez-le du chiffre 4.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Voyons maintenant la photo qui

15 portait auparavant le numéro P 09580. Est-ce que vous reconnaissez ce que

16 cette photo nous montre ?

17 R. Oui.

18 Q. Qu'est-ce que nous voyons ?

19 R. C'est la mosquée du Sultan Selim, la mosquée de l'Empereur.

20 Q. Est-ce que vous vous souvenez du moment, de la date de construction de

21 cette mosquée du Sultan ou de l'Empereur Selim ?

22 R. Non, ce n'est pas sûr, mais je pense qu'elle a été construite au XVIe

23 siècle.

24 Q. Je vais vous demander ici aussi d'apposer un chiffre, le chiffre 5 en

25 bas, à droite.

26 R. [Le témoin s'exécute]

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux

28 faire une remarque ? La photo ou les photos nous le montre, nous avons

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1 dactylographié l'objet de la photographie, donc, je pense qu'il est assez

2 bête de demander un témoin de lire la légende. Je ne vois pas où ceci nous

3 mène, je ne vois pas non plus la pertinence de toutes ces photos. Nous

4 savons par contre où elles ont été prises, si elles reflètent bien la

5 situation avant l'incident donné et je suppose que, plus tard, on va

6 prendre des photos de situation plus tard, mais il faut poser les bases de

7 tout ceci afin de savoir où ceci nous mène, pourquoi on présente toutes ces

8 questions au témoin. Donc, il faudrait quelques questions préliminaires

9 pour peser les fondements.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Nous allons perdre du temps. Ce témoin,

11 qui avait 15 ans à l'époque, jouait au football dans Stolac, connaît

12 parfaitement cette localité, a certainement été à voir cette mosquée. Donc,

13 vous avez lui demandé : qu'elle est cette photo ? Il ne peut dire que ce

14 n'est que la mosquée du Sultan Selim. Bon. Après, on va lui mettre les

15 photos où tout cela a été détruit. Il y a une logique.

16 Continuez, Monsieur Mundis.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Reprenons la carte si vous le voulez bien. Vous venez d'indiquer du

19 numéro 5 cette photographie de la mosquée du Sultan Selim, est-ce que vous

20 pouvez trouver l'endroit correspondant sur cette carte et y indiquer le

21 chiffre 5 ?

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Q. Merci. Vous avez dit hier avoir été témoin d'un ou de plusieurs

24 incendies à ces différents endroits, notamment, la Tepa et du côté de la

25 mosquée. Est-ce que vous pourriez nous dire quel aspect avait les endroits

26 une fois l'incendie éteint ou les incendies éteints ?

27 R. Il ne restait plus que les murs, c'est à cela que cela ressemblait.

28 Q. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage ? Que voulez-vous dire

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1 lorsque vous déclarez qu'il ne restait plus que les murs ?

2 R. Vous savez que le feu a commencé à 3 heures et il a continué à brûler

3 jusqu'à 8 heures du soir. Donc, il ne restait plus que l'ossature du

4 bâtiment, tout ce qui pouvait brûler a brûlé, à l'exception des pierres.

5 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous savez pourquoi le feu c'est éteint

6 à 8 heures du soir ?

7 R. Je suppose que c'était un incendie volontaire, intentionnel. Il n'y

8 avait pas pilonnage ce jour-là, il n'y avait que peu de gens qui

9 circulaient dans Stolac, il n'y avait que des membres du HVO qui

10 circulaient.

11 Q. Lorsque l'incendie sévissait, est-ce que vous avez vu des membres, des

12 soldats du HVO ?

13 R. Oui, oui, oui, j'en ai vu pendant la journée.

14 Q. Est-ce que vous auriez vu les pompiers -- les sapeurs-pompiers, ce

15 jour-là, par hasard ?

16 R. Non.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Peut-on maintenant montrer la photo suivante

18 au témoin, P 09584 ?

19 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce qu'on voit ici sur cette photo ?

20 R. Oui.

21 Q. Dites-nous ce que cette photo nous montre, s'il vous plaît.

22 R. Bien, ce sont ces petits bars au restaurant que j'avais indiqués par

23 des X.

24 Q. Est-ce que vous savez, de façon approximative, quand ces petits

25 restaurants avaient cet aspect -- quelle période ?

26 R. Je ne peux pas vous donner une période exacte. Je suppose que c'est à

27 partir du 15 jusqu'au 1er ou jusqu'au 3 août 1993.

28 Q. Qu'est-ce qui est particulier à propos de ces dates-là, la date du 1er

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1 ou la date du 3 août 1993 ? Pourriez-vous le dire pour que ce soit consigné

2 au dossier ?

3 R. C'est peut-être à partir du 28 juillet qu'on a commencé à persécuter la

4 population musulmane et cette persécution s'est terminée pour la plupart

5 des cas, le 3 ou le 4.

6 Q. Donc, nous reviendrons à ce sujet dans quelques instants. Monsieur le

7 Témoin BI, mais est-ce que vous pourriez en bas, à droite, apposer le

8 chiffre 6 sur cette photo ?

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. Revenons une fois de plus à la carte pour indiquer l'endroit

11 correspondant à la photo que nous venons de voir par le chiffre 6.

12 R. [Le témoin s'exécute]

13 Q. Photo suivante, P 09586. Est-ce que vous reconnaissez ce qu'on voit à

14 l'écran ?

15 R. Oui.

16 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que cette photo nous

17 montre ?

18 R. C'est ce marchand de fleurs et devant, il y avait toute une rangée de

19 magasins, coiffeurs, salons de soins de beauté. Il y avait des cafés. Pour

20 la partie supérieure avant, c'étaient des appartements. A droite, il y

21 avait un magasin qui vendait des jouets et ce bâtiment-ci ou cette

22 structure qu'on voit maintenant, c'était donc cette rangée de magasins et

23 cette agence de l'emploi.

24 Q. Veuillez indiquer par la lettre F l'endroit où se trouvait le

25 fleuriste ?

26 R. [Le témoin s'exécute]

27 Q. Je vous demande une fois de plus d'indiquer en bas, à droite, un

28 chiffre, cette fois-ci, le chiffre 7 ?

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1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Revenons à la carte. Là aussi, montrez-nous par le chiffre 7, les

3 bâtiments que nous venons de voir sur la photo ?

4 R. [Le témoin s'exécute]

5 Q. Pourriez-vous nous dire quand les bâtiments, que nous avons vus

6 sur la photo numéro 7, avaient cet aspect-là ?

7 R. Ils ont été incendiés le même jour que la mosquée l'ait été, entre le

8 15 juillet et le 1er ou le 3 août.

9 Q. Pendant combien de temps, ces bâtiments, ces structures sont-elles

10 restées dans cet état ?

11 R. Je ne peux pas vous le dire exactement, mais je sais que la première

12 fois que je suis arrivé à Stolac, ces bâtiments n'étaient pas du tout, là.

13 Q. Une précision, quand vous dites lorsque vous êtes arrivé pour la

14 première fois à Stolac, qu'est-ce que vous voulez dire exactement ?

15 R. Je pensais à la visite qui a été organisée à l'époque, visite de la

16 ville.

17 Q. Cette visite organisée de la vielle, quand a-t-elle eu lieu ? Je ne

18 vous demande pas nécessairement de date précise. Nous allons revenir à cela

19 dans un instant, mais donnez-nous une idée de la date à laquelle il y a eu

20 cette visite ?

21 R. Je pense que c'était en 1995 ou en 1996. Je ne suis plus sûr.

22 Q. Peut-on maintenant montrer au témoin la dernière photo de cette série P

23 09588 ? Reconnaissez-vous ce que cette photo nous montre ?

24 R. Oui.

25 Q. Veuillez dire aux Juges de la Chambre ce que la photo nous montre.

26 R. L'école et le bar Roko avec les logements et puis, à droite, ce qui

27 reste, les ruines que nous avons indiqués sur le premier plan.

28 Q. Je vais vous demander d'apposer la lettre S sur le bâtiment de l'école.

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1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. La lettre R sur café bar Roko.

3 R. [Le témoin s'exécute]

4 Q. Indiquez par la lettre X, les restes, ces ruines dont vous avez parlé.

5 R. [Le témoin s'exécute]

6 Q. Je vous demande d'indiquer le chiffre 8 dans le coin inférieur droit.

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Est-ce que vous avez une idée de la date à laquelle cette photo a été

9 prise ?

10 R. Entre 1993 et 1995, ou 1996.

11 Q. On voit dans la partie inférieure de cette photo un terrain assez

12 grand. Qu'est-ce qu'il y avait avant sur ce terrain ?

13 R. Il y avait la mosquée, toutes ces photos qu'on vient de voir avec la

14 boucherie, ce petit restaurant, ce magasin de fleurs et les différents

15 logements. Tout cela se trouvait là.

16 Q. Est-ce que vous pourriez indiquer par la lettre M où se trouvait

17 auparavant la mosquée du Sultan Selim ?

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Veuillez dire aux Juges de la Chambre à quoi a servi cet endroit après

20 la guerre, plus récemment, cette zone que vous avez indiquée par la lettre

21 M ?

22 R. Après la guerre, après le retour des Bosniens, cette zone était

23 désaffectée. On n'utilisait absolument rien. C'était couvert de mauvaises

24 herbes. Puis, les Bosniens ont nettoyé cette surface et qui a surtout, été

25 utilisé après comme stationnement. La municipalité y a installé -- y a

26 construit un stationnement et la mosquée a été reconstruite.

27 Q. Quand la mosquée a-t-elle été reconstruite ? Donnez-nous une idée, ne

28 serait-ce qu'approximatif ?

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1 R. Je pense qu'elle a été reconstruite à partir de 2002, et la

2 reconstruction s'est poursuivie jusqu'à la fin de 2004, au début de 2005.

3 Q. La Tepa, est-ce qu'elle a été reconstruite ?

4 R. Non. Mais cette zone que nous avons indiquée avant d'un X à l'avant,

5 maintenant, c'est une propriété privé. Tout cela, je parlais du mur,

6 pratiquement tout ceci, émanait d'une propriété privé et cela a été pour

7 l'essentiel renouvelé.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Je demande une cote collective et c'est pour

9 tout.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors toutes les photos.

11 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président.

12 [interprétation] Ce sera donc la pièce IC 00018. Merci.

13 M. MUNDIS : [interprétation]

14 Q. Monsieur, je n'ai plus que quelques questions à votre attention. C'est

15 à propos des événements survenus au cours de cette période qui a commencé

16 vers le 1er ou le 3 août 1993.

17 Dites-nous, s'il vous plaît, ce qui vous est arrivé ce jour-là.

18 R. Je pense que ce jour-là tôt le matin, vers 7 heures 30, avant 8 heures,

19 quatre soldats se sont présentés à la porte de ma maison, ils avaient des

20 insignes du HVO et ils nous ont demandé de ne prendre que le plus

21 nécessaire et de nous rendre au stade de jeux, au terrain de jeux de

22 l'école primaire. Nous nous sommes exécutés. Nous sommes allés sur le

23 terrain de jeux de l'école de Stolac où nous avons trouvé beaucoup de gens.

24 Ils étaient tous des Musulmans, des Bosniens, des femmes, des personnes

25 âgées, des invalides. Une fois qu'un nombre considérable de personnes

26 s'étaient rassemblés au stade, il prenait des gens par groupes, par des

27 vingtaines, et les on a emmené dans les salles de classe, et là, ils leur

28 prenaient tous les objets de valeur. Par exemple, si vous aviez trois,

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1 cinq, on vous en prenait deux et il ne vous en restait plus qu'un. A la

2 sortie de la salle de classe, on sortait par l'entrée de devant l'école, la

3 façade avant, et c'est là qu'il y avait des camions qui nous attendaient et

4 nous emmenaient à Blagaj.

5 Q. Très bien. Témoin BI, je vais vous poser quelques questions pour

6 compléter. Page 13, ligne 2. Vous avez dit qu'il y avait un grand nombre

7 d'habitants de Stolac sur place. Est-ce que vous vous souvenez combien de

8 personnes s'étaient rassemblées sur ce terrain de jeux devant l'école

9 primaire ?

10 R. D'après ce que j'ai appris par la suite ce terrain n'était pas le seul

11 endroit où on a rassemblé les gens. Mais il n'est pas grand, 250 à 300

12 personnes peut-être peuvent tenir dans cette espace.

13 Q. Qu'en est-il de votre appartement quand vous avez quitté votre

14 appartement, vous pouvez nous dire dans quel état était votre appartement

15 quand vous êtes parti ?

16 R. Notre appartement n'était pas un appartement de luxe, et en plus, il

17 n'était en parfait état. Il était un petit peu abîmé avec des éclats

18 d'obus, mais ce n'était que des dégâts mineurs, des détails.

19 Q. Vous nous avez dit que vous avez appris par la suite qu'il y a eu

20 d'autres centres de rassemblement à Stolac. Est-ce que vous pouvez nous

21 dire où, à quel endroit étaient ces autres centres ?

22 R. Oui. Le bâtiment du foyer VP, et ainsi que le bâtiment de l'usine où on

23 fabrique des équipements pour le bâtiment civil.

24 Q. Pour le compte rendu d'audience est-ce que vous pouvez nous dire ce

25 qu'était le foyer VP, au centre VP ?

26 R. C'était le bâtiment du centre de Redressement.

27 Q. Destiné à qui ?

28 R. Avant la guerre c'était l'endroit où on détenait les délinquants, les

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1 jeunes délinquants.

2 Q. Donc, ce n'était pas vraiment une prison en plein sens du terme c'était

3 un centre destiné aux mineurs, aux jeunes ?

4 R. Oui.

5 Q. Ligne 10, page 13, vous nous avez dit : "Ils nous embarquaient à bord

6 de camions et ils nous embarquaient pour Blagaj à partir de là." Est-ce que

7 vous pouvez nous dire un petit peu ce qui s'est passé à Blagaj ?

8 R. A Blagaj. Je ne me souviens pas de l'itinéraire depuis Stolac parce que

9 les bâches étaient descendues donc le camion était couvert. Je me souviens

10 de notre arrivée à Buna où on a enlevé les bâches, nous sommes descendus du

11 camion les soldats du HVO nous montraient par où il fallait qu'on marche,

12 c'était un chemin étroit. Il y avait des mines antichars disposées le long

13 de ce chemin mais il nous fallait passer à côté et arriver en empruntant ce

14 chemin à Blagaj. Là-bas deux unités de l'armée et de la protection civile

15 nous ont accueillis. Ils nous ont placés dans les maisons serbes et croates

16 qui étaient vides.

17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je intervenir ? Monsieur le

18 Témoin BI, vous avez dit que ce camion à bord duquel vous avez été

19 transporté était "fermé"; c'est le terme que vous avez employé ici et que

20 vous ne pouviez rien voir. Comment avez-vous appris ou d'où avez-vous

21 appris qu'il y avait des mines sur la route que vous avez empruntée ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous ne m'avez pas bien compris, Monsieur. Je

23 n'ai rien pu voir jusqu'à l'arrivée à Buna. Une fois arrivé à Buna, on nous

24 a fait descendre des camions, et c'est à pied qu'on a fait le chemin

25 jusqu'à Blagaj.

26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Je vous présente

27 mes excuses si je vous ai mal compris.

28 M. MUNDIS : [interprétation]

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1 Q. Monsieur le Témoin, quelle est la distance approximative que vous avez

2 couverte en marchant jusqu'à Blagaj ?

3 R. Je pense que c'était sept à huit kilomètres à peu près. Il faisait très

4 chaud et le chemin nous a semblé bien plus long.

5 Q. Il vous a fallu combien de temps pour arriver à pied de Buna à Blagaj

6 ce jour-là ?

7 R. A peu près trois heures. Puisque la route étroite et les colonnes

8 étaient très longues, colonnes de gens, il y avait pas mal de cadavres sur

9 la route. Donc trois heurs, trois heures et demie à peu près.

10 Q. Il y avait combien de gens avec vous à peu près pendant que vous

11 marchiez de Buna à Blagaj ?

12 R. Je ne peux pas vous donner le nombre exact. Je ne le connais pas. Mais

13 je pense qu'il y avait à peu près entre 800 et

14 1 000 personnes ce jour-là sur la route.

15 Q. Monsieur le Témoin BI, ces 800 à 1 000 personnes qui se sont trouvés

16 sur la route avec vous ce jour-là, d'où étaient-ils, le savez-vous ?

17 R. 99.9 % de ces gens était de Stolac et le 0.1 % restant, je pense qu'ils

18 étaient de Dubrave car les gens de Dubrave avaient été chassés de chez eux

19 un jour ou deux avant nous.

20 Q. Monsieur le Témoin BI, vous êtes resté pendant combien de temps à

21 Blagaj après votre arrivée ce jour-là en août 1993 ?

22 R. Je suis resté peut-être une heure à Blagaj. J'ai été transféré à

23 Dracevica, et c'est là que j'ai vécu jusqu'à mon retour à Stolac. Je ne

24 sais pas quelle était l'année précisément. 1995 ou 1996.

25 Q. A l'intention des Juges, pouvez-vous préciser, Monsieur le Témoin, où

26 se situe Dracevica ?

27 R. C'est une petite localité qui se trouve sur la route qui va à

28 Nevesinje, d'une part, et d'autres part, c'est une localité entre Blagaj et

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1 Mostar. En fait, c'est précisément face à l'aéroport de Mostar.

2 Q. Monsieur le Témoin BI, pouvez-vous, s'il vous plaît, dire aux Juges de

3 la Chambre quelle est la première fois où vous êtes retourné à Stolac après

4 votre départ au cours du mois d'août 1993 ? Est-ce que vous pouvez nous

5 dire dans quelles circonstances vous êtes retourné ?

6 R. Comme je l'ai dit, il y a un instant, je suis arrivé à Stolac pour la

7 première fois dans le cadre d'une visite organisée. Je pense qu'il y avait,

8 à ce moment-là, deux autocars qui avaient été émis à notre disposition de

9 la part des autorités de Stolac basées à Mostar, à ce moment-là. Cette

10 visite, on a cherché à l'empêcher. Les deux ou trois premières tentatives

11 d'entrer dans Stolac ont échoué et quand on a finalement pu entrer dans

12 Stolac sur intervention de la SFOR, la SFOR d'aujourd'hui. Ils m'ont traité

13 comme si on a été des Hooligans. Je ne sais pas comment dire ? Ils nous ont

14 gardé dans un espace clos. On n'était pas enfermé mais il y avait un cordon

15 de la police autour de nous. C'est comme cela qu'on se déplaçait dans la

16 ville. On ne pouvait pas tourner à droite, à gauche. On ne pouvait aller

17 que là, où on nous emmenait ?

18 Q. Monsieur le Témoin BI, est-ce que vous vous rappelez, à peu près, le

19 moment où vous êtes allé dans le cadre de cette visite organisée à bord de

20 ces deux autocars, où vous êtes retourné à Stolac ?

21 R. Oui, je pense que c'était au mois de mai.

22 Q. De quelle année ?

23 R. 1995 ou 1996, je n'en suis pas sûr, mais il faisait chaud, très chaud.

24 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, ceci sort de la

25 période couverte par l'acte d'accusation. Je ne vois pas quelle est la

26 pertinence, la pertinence de ce passage, si ce n'est d'éveiller les

27 passions des Juges professionnels qui n'existent pas comme nous le savons.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, quel est l'intérêt, l'intérêt de

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1 nous dire qu'il est revenu en 1995 ou 1996 dans sa ville ?

2 M. MUNDIS : [interprétation] Ceci termine tout simplement le récit du

3 témoin. Il termine ce qui lui est arrivé et ce qui explique les résultats

4 de l'activité criminelle telle qu'alléguée à l'acte d'accusation.

5 M. KARNAVAS : [interprétation] Je voudrais soulever une autre objection

6 pour ce qui est du dernier commentaire. La guerre était en cours. Il y a eu

7 des gens qui ont été déplacés partout, là-bas. »Je pense que le Procureur

8 ne devrait pas essayer d'insinuer ce genre de chose dans le cadre de cet

9 interrogatoire.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques petites précisions en ce qui me concerne.

11 Vous avez indiqué que vous avez marché de Buna à Blagaj. Dans votre

12 souvenir parce que cela remonte à plusieurs années. On ne peut pas se

13 souvenir du tout, mais lors de cette marche, est-ce que vous avez entendu

14 des tirs ou des coups de feu ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais il n'y avait pas de tirs directs ou

16 directement, prenant pour cible le peuple. C'était plus pour nous faire

17 peur. Toujours est-il que les balles sifflaient par-dessus nos têtes ?

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui tirait ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] On a tiré du côté des nôtres, enfin, derrière

20 notre dos, les soldats qui étaient restés à Buna et qui étaient placés dans

21 cette position de la forêt.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce sont les soldats de Buna qui tiraient au-dessus

23 de vos têtes pendant que vous marchez en direction de Blagaj.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai posé cette question parce que dans l'acte

26 d'accusation il est fait état de tirs lors de cette marche.

27 Autres questions différentes, au moment où il y a eu les incendies de

28 la mosquée, du magasin de fleuristes, des locaux que vous nous avez

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1 montrés, vous-même, vous étiez présent. Vous avez vu de vos propres yeux

2 les incendies ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. A quelle heure dans vos souvenirs, les

5 incendies ont commencé ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'après-midi, je crois.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'après-midi, où étiez-vous ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai dit hier, j'étais avec mes

9 camarades qui étaient de nationalité croate, je jouais au foot sur le

10 terrain qui est derrière l'école.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous jouez au foot et vous avez, à ce moment-

12 là, vu des flammes. Qu'est-ce qui a attiré votre attention ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, pendant que je jouais au foot,

14 je n'ai pas vu les flammes. En route pour rentrer chez moi depuis le

15 terrain de jeu, j'ai vu dans la cour de la mosquée beaucoup de fumées, en

16 fait, pas mal de fumées, je suis entré.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous n'avez pas vu ce qui ont mis le feu.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Y avait-il d'autres habitants dans les environs qui

20 étaient sur place ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait, peut-être, deux à trois garçons de

22 nationalité croate, deux à trois, je ne sais pas.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Personne n'a dit qui avait mis le feu ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

26 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je souhaite poser une question au

27 témoin. Vous avez décrit votre marche de Buna à Blagaj, et à ce moment-là,

28 vous avez dit que c'était une marche plutôt longue, bien que la distance ne

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1 soit que de huit à neuf kilomètres, mais vous avez dit que vous avanciez

2 plutôt lentement. Vous avez dit que vous avez vu des cadavres pendant cette

3 marche le long de la route. Par conséquent, j'aimerais savoir si vous vous

4 êtes référé aux corps de personnes mortes. Pourquoi, à votre avis, ces

5 personnes n'étaient pas enterrées ? Pourquoi elles étaient là, exposées ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces gens dont les corps gisaient le long de la

7 route, c'était dans leur majorité des personnes épuisées, âgées, malades

8 qui n'ont probablement pas pu supporter ces températures de 40 à 45 degrés

9 Celsius. Il y avait peut-être un manque d'eau. Donc, ils n'ont pas pu

10 supporter cet effort. Pour l'essentiel, c'étaient des personnes très âgées,

11 épuisées.

12 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie.

13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une petite question. Vous avez dit

14 qu'on a tiré par-dessus vos têtes et qu'à ce moment-là, personne n'a été

15 tué. D'après vous, est-ce qu'il y a eu des blessés ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais pas vous répondre à cette

17 question.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation a été de l'ordre d'une heure quinze à

19 une heure et demie. Je crois, je crois qu'il y a un autre juge qui a une

20 question à poser.

21 M. LE JUGE MINDUA : Merci, Monsieur le Président.

22 Monsieur le Témoin BI, vous avez vu ce qui s'est passé au matin de la

23 journée du 1er août -- du 3 août 1993, après 7 heures ou 8 heures 30 du

24 matin où quatre soldats du HVO seraient venus se présenter à la maison et

25 pour vous conduire à l'école. Alors, vous avez mentionné qu'il y avait à

26 l'école une multitude de Musulmans bosniaques de Stolac qui étaient

27 rassemblés. Ma question veut savoir si vous pouvez confirmer ou préciser

28 qu'une sorte de rafle était organisée ce matin-là, à l'encontre uniquement

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1 de personnes musulmanes ? Selon vous, comment les soldats du HVO se

2 seraient organisés pour reconnaître ces personnes de cette appartenance

3 ethnique ou religieuse ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais la question que vous venez de me

5 poser, je ne suis pas le seul à pouvoir vous répondre. Il y a eu des

6 programmes de télévision qui ont enregistré des programmes il y a deux ou

7 trois ans et là certains Croates de Stolac racontent ce qui s'est passé ce

8 matin-là et ils disent, ce matin-là on s'est levé plus tôt, en voulant dire

9 plus tôt que les Musulmans.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vais maintenant donner la parole à

11 la Défense, vous avez globalement un temps d'une heure et demie pour

12 contre-interrogatoire. Donc je ne sais pas qui commence, à votre

13 convenance, à la mesure où vous vous êtes entendus entre vous.

14 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président. Je commencerai. J'ai

15 quelques questions à poser qui ne prendrons pas beaucoup de temps.

16 Contre-interrogatoire par M. Karnavas :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

18 R. Bonjour.

19 Q. Quelques points que je souhaite aborder. Tout d'abord, au sujet du

20 pilonnage de Stolac, hier, vous nous avez dit que les Serbes ont pilonné

21 Stolac, mais vous n'avez pas vraiment donné de détails là-dessus. Pouvez-

22 vous, s'il vous plaît, nous décrire un petit peu ce pilonnage ? Où

23 exactement est-ce qu'il y a eu du pilonnage et quels ont été les dégâts ?

24 R. Les Serbes sont entrés dans Stolac en 1991. Sans arrêt, ils passaient

25 par Stolac pour arriver à Dubrave, Capljina, Metkovici, enfin, je ne sais

26 pas, jusqu'à leur ligne. Ils se sont retirés de Stolac lorsque le HVO y est

27 entré et le HOS, je pense que c'était en 1992. Ils se sont retirés pour

28 occuper des positions autour de Stolac, Zebulja, Hrgut, Bancici. C'est de

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1 là que, dans un premier temps, au début de la guerre, ils ont pilonné de

2 manière intense Stolac, mais, avec le temps, ces pilonnages ont faibli

3 jusqu'à ce que les Musulmans ne soient chassés, enfin, jusqu'à ce que la

4 population masculine soit placée dans les camps, là les pilonnages ce sont

5 pratiquement arrêtés.

6 Q. Donc, c'était des pilonnages serbes de Stolac ?

7 R. Oui.

8 Q. Cela se poursuivit jusqu'en mai, juin, juillet 1993 ?

9 R. A peu près. Je dirais surtout jusqu'au mois de mai.

10 Q. Très bien. Vous étiez trop jeune, c'est évident, pour prendre part à

11 des activités militaires. Mais saviez-vous qu'il y avait des Musulmans dans

12 les membres du -- parmi les membres du HVO ?

13 R. Oui.

14 Q. Qu'en est-il du HOS ?

15 R. Parmi les membres du HOS, je me souviens de leur entrée dans Stolac.

16 Dans la majorité, c'était des gens de l'extérieur, d'ailleurs. Je connais

17 peut-être deux ou trois de ces hommes qui se sont trouvés à Stolac.

18 Q. Etaient-elles des Musulmans ?

19 R. Oui, mais c'était des Musulmans de par leur confession, mais c'était

20 des Croates dans leur âme.

21 Q. Pourriez-vous me l'expliquer un peu plus, qu'entendez-vous par là ?

22 R. Il faisait semblant d'être, d'être -- ils étaient plus Croates que les

23 Croates. Plus Croates que des vrais Croates.

24 Q. Très bien. Pour ma question précédente, vous avez parlé du mois de mai,

25 c'était bien le mois de mai 1993 ? Je voulais juste que ce soit précis.

26 R. Oui.

27 Q. D'accord. Quelques autres petites questions. Au début de votre

28 déposition, hier, vous avez décrit la situation à Stolac en utilisant un

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1 terme qui m'a frappé, vous avez parlé d'apartheid, c'est un terme qui n'est

2 pas très fréquent, je dois dire, que je n'ai jamais entendu ce terme depuis

3 que je m'intéresse à cette région depuis 1999. Donc, était-ce dû au fait

4 que vous avez eu une conversation avec le professeur avant de venir ici ?

5 Est-ce que lui vous a parlé du fait que la situation ressemblait à un

6 apartheid, là-bas ?

7 R. Non. Ce n'était pas dû à mes conversations avec le professeur. Si vous

8 vous rendiez à Stolac et que cela n'a rien à voir avec cette affaire, si

9 vous engagez une conversation avec des Bosniens de Stolac, je pense que

10 pour 99% d'entre eux, ils vous diraient la même chose que je vous ai dite

11 hier.

12 Q. Très bien. Le maire de Stolac est un Croate, n'est-ce pas, aujourd'hui

13 ?

14 R. Oui.

15 Q. Le président de l'Assemblée, c'est un Croate ou est-ce un Bosnien ?

16 R. Je ne sais pas, je suis tellement déçu de la politique que je ne

17 cherche plus à savoir qui est qui. Cela ne m'intéresse plus. Quel qu'il

18 soit celui qui occupe les postes au pouvoir à Stolac, la situation ne

19 change pas. Les gens n'ont pas de travail. Je ne suis absolument pas

20 intéressé, je ne veux pas savoir qui est le chef, qui est le président du

21 conseil municipal. Cela revient au même, tout cela revient au même.

22 Q. D'accord. N'y a-t-il pas des usines qui fonctionnent en ce moment, à

23 Stolac ? Même si d'après ce que j'ai compris elles ont leurs sièges à

24 Zenica, en général, qui est une ville majoritairement musulmane, ou à

25 Sarajevo, qui est également une ville majoritairement musulmane ou

26 bosnienne.

27 R. Parmi les entreprises d'Etat de Stolac, celles qui fonctionnent

28 actuellement sont la municipalité, deux centres de santé, divisés en une

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1 partie bosnienne et une partie croate, deux stations d'autobus, la station

2 bosnienne et la station croate et la seule entreprise mixte est la MUP, à

3 ma connaissance, où travaille ensemble des Croates et des Musulmans. Quant

4 aux usines, elles ont été privatisées, en tout cas, 90% d'entre elles, et

5 leurs propriétaires sont des Croates. La seule qui fonctionne est la

6 scierie qui employait avant la guerre 800 personnes au total, dont 50

7 ouvriers tous Croates.

8 Q. Très bien. La municipalité est mixte tout de même, vous devez le

9 savoir, puisque tout est public désormais dans le pays d'après les

10 Réglementations de l'OHR qui supervise le fonctionnement du pays ?

11 R. Oui. Mais, par exemple, si vous, vous êtes au-dessus de moi, est-ce que

12 ma signature peut-être avoir la moindre importance comparer à la vôtre.

13 Q. Il ne m'appartient pas de répondre à cette question. Tous les emplois

14 font l'objet d'une annonce de vacation publique et le fonctionnement dans

15 tous les aspects de la vie est vérifié et transparent puisque l'OHR est là

16 pour veuillez à l'absence de toute discrimination.

17 R. Bien, puisque nous parlons de l'OHR, je crois que l'occasion m'est

18 donné de dire qu'à mon avis ils ont oublié 90 % de Stolac en tout cas,

19 enfin pour employer une formule courante, familière je dirais que nous

20 sommes le dernier trou de la flûte.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : L'avocat suivant.

23 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas de

24 questions pour ce témoin.

25 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner la

26 parole. J'ai quelques petites questions à poser à ce témoin.

27 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :

28 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

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1 R. Bonjour.

2 Q. Je m'appelle Bozidar Kovacic. Je suis avocat venu de Rijeka, et je

3 représente le général Praljak. J'aimerais vous poser quelques questions

4 pour compléter les réponses que vous avez déjà faites qui ne me semblent

5 pas suffisamment claires à la lecture du compte rendu d'audience. Vous nous

6 avez décrit la situation à Stolac après la libération de la ville par le

7 HVO, mais il me semble que pas un mot a été dit quant au fait de savoir où

8 était situé le front du HVO face aux Chetniks.

9 R. Comme vous le savez, je ne suis pas allé sur le front. Mais d'après ce

10 que j'ai entendu dire aux soldats qui allaient sur le front, ils se

11 trouvaient à Ljubinje, Basilije et Poplat, ainsi qu'au-dessus de Stolac où

12 il y avait la ligne de front d'Osanici et puis, il y avait sur le mont de

13 Komanje et, si je ne me trompe pas, il y avait aussi un front à Begovina.

14 Q. Begovina m'intéresse en particulier. Cette ligne de front, face aux

15 Chetniks à Begovina, était la plus proche de la ville.

16 R. Je pense que Basilije et Poplat étaient plus proches de la ville que ne

17 l'était Begovina.

18 Q. Très bien. D'une certaine façon, les lignes de défense dues à la guerre

19 étaient au voisinage immédiat de la ville, et elles étaient plus présentes

20 tous les jours, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Ces obus de Serbes dont vous avez parlé, quelle était leur fréquence,

23 enfin, disons, leur fréquence était-elle plus importante en juin et juillet

24 1993 ou plus tard ? Pardon, 1992.

25 R. Les pilonnages étaient assez intensifs. Tous les jours 20 à 30 obus

26 quelques fois même davantage tombaient sur Stolac. Je me souviens d'une

27 attaque qui a eu lieu, si je ne m'abuse le 15 août 1992, où toute la

28 journée ils ont lancé des obus.

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1 Q. La population s'abritait dans ces cas-là ?

2 R. La plupart du temps la population était dans les caves.

3 Q. Les soldats et l'armée du HVO ?

4 R. Je ne mettais pas le nez dehors dans ces cas-là, donc je ne sais pas ce

5 qui se passait à l'extérieur.

6 Q. D'après vous, parce que vous avez parlé de ce qui s'est passé en mai et

7 juin, et il y a une chose que je n'ai pas très bien comprise. A un certain

8 moment, avez-vous dit les pilonnages dûs aux Chetniks ont considérablement

9 diminué mais ont continué néanmoins, pouvez-vous préciser la période

10 pendant laquelle ces pilonnages ont beaucoup baisser en intensité ?

11 R. Bien, c'était, voyons, voyons. C'était en mai, les hommes ont été

12 emmenés dans les camps, et à ce moment-là les pilonnages ont cessé

13 complètement.

14 Q. Bien. Bien. Si j'ai bien calculé à l'époque de ces événements, vous

15 aviez 13 ans.

16 R. Oui.

17 Q. Entre cette époque-là et aujourd'hui il s'est écoulé le même temps,

18 c'est-à-dire, 13 ans également.

19 R. Oui.

20 Q. Vous en étiez à l'époque à la moitié de votre vie. Vous avez tout de

21 même un souvenir assez précis de certains événements, vous avez pu de temps

22 en temps préciser les dates en disant quel était le moi où un événement

23 s'était produit, même parfois dire pendant quelles semaines de l'année

24 certains événements ont eu lieu. L'Accusation vous a interrogé aujourd'hui

25 au sujet de certains événements ultérieurs, je vais citer le compte rendu

26 d'audience reprenant vos propos.

27 On vous a d'abord interrogé au sujet de l'emblème que l'on voyait sur la

28 photographie numéro 7. On vous a demandé quand ces emblèmes avaient

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1 l'aspect qu'ils présentent sur cette photographie, et vous avez dit que ces

2 bâtiments ont été incendiés le même jour que la mosquée. Donc, entre le 15

3 juillet le 1er ou le 3 août. Donc, vous avez déterminé cette période comme

4 vous l'aviez déjà dit au début de votre déposition, une période d'une

5 quinzaine de jours. Après quoi, l'Accusation vous a demandé combien de

6 temps ces bâtiments sont restés dans cet état, et combien de temps après --

7 pendant combien de temps ils sont restés dans cet état-là, vous avez

8 répondu, je cite : "Je ne me souviens pas exactement mais je sais que quand

9 je suis arrivé à Stolac pour la première fois par la suite ces bâtiments

10 étaient toujours dans cet état-là." Ensuite, on vous a demandé quand a eu

11 lieu votre retour, vous avez répondu en 1995 ou en 1996. Alors, pour

12 apprécier la qualité de votre mémoire, je vais vous poser la question

13 suivante : quand vous parlez de 1993, vous citez des événements qui sont

14 précisés à une ou deux semaines près, un demi-mois donc. Quand vous parlez

15 de ce qui s'est passé de deux ans plus tard, c'est-à-dire, deux ans plus

16 près de la période actuelle, et de ce moment où vous êtes retourné dans

17 votre ville natale pour la première fois après qu'on vous en ait chassé --

18 R. Oui.

19 Q. -- vous avez du mal à vous rappeler s'il s'agit de 1995 ou 1996, donc

20 vous ne pouvez même pas préciser la chose à un an près.

21 R. Non, je ne peux pas.

22 Q. Vous ne pouvez vraiment pas.

23 R. Non.

24 Q. Bon.

25 R. J'avais une correction à apporter à ce que vous avez dit. Il y a un

26 instant, vous avez parlé des bâtiments que l'on voit sur la photographie

27 numéro 7, je ne sais pas ce que les interprètes vous ont dit mais à ce

28 moment-là je n'ai pas dit qu'à mon premier retour à Stolac ce bâtiment

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1 était toujours dans le même état.

2 Q. Bon. C'est un détail nous y vérifierons le compte rendu d'audience par

3 la suite. C'était la période qui m'intéressait.

4 R. Bien. Je n'ai pas toujours une bonne mémoire car j'ai vécu des choses

5 qui sont imaginables. A l'époque, je ne parvenais même pas à me rappeler ce

6 que j'avais mangé la veille.

7 Q. Je comprends. Je suis d'accord. Il y a un autre point que j'aimerais

8 éclaircir. Vous avez parlé des civils, dont vous faisiez partie, vous avez

9 dit que vous avez marché de Buna à Blagaj, qu'on a ouvert le feu sur vous

10 par-dessus vos têtes, pour vous faire accélérer l'allure et pour suivre

11 votre chemin dans la bonne direction. Vous avez déclaré qu'il y avait

12 également des mines antichars sur cette route. Mais, pour bien comprendre

13 la situation, est-ce qu'il y avait des chemins de frise sur la route qui

14 indiquaient l'emplacement des mines ?

15 R. Oui, je crois me souvenir qu'il y avait des chemins de frise, mais il y

16 a eu tout de même à un moment sur la route sur une distance de 200 à 300

17 mètres où il y avait des mines et où il n'y avait aucun obstacle agricole

18 en présence.

19 Q. Mais ces mines étaient visibles, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, elles étaient visibles.

21 Q. Donc, ce que j'essaie de dire, c'est que ces mines n'étaient enfoncées

22 dans le sol ou cachées comme les mines antipersonnel ?

23 R. Je ne sais pas. Mais, effectivement, elles étaient visibles. Tout comme

24 étaient visibles les chemins de frise.

25 Q. Vous avez dit qu'il y avait une rangée de mines qui était marquée,

26 désignée ?

27 R. Pas une rangée sur la route entre Buna et Blagaj. Il y avait des mines

28 ici et là, des chemins de frise devant les mines et à la fin de la série de

Page 2443

1 mines pour en indiquer l'emplacement, ce qui est, tout à fait, logique. Ils

2 installaient ces obstacles pour que les soldats soient informés de la

3 présence de ces mines.

4 Q. Mais quand vous êtes passé par là, est-ce que vous avez vu des victimes

5 de ces mines ?

6 R. Non, nous marchions de l'autre côté de la route. La route était assez

7 large à cet endroit-là, aussi large qu'une table.

8 Q. Vous avez parlé de Blagaj, qui avez-vous vu à Blagaj ?

9 R. Des civils de la Protection civile et l'ABiH. Nous avons rencontré des

10 soldats aussi, qui se trouvaient sur le front, tout près, et on nous a

11 dirigé vers Blagaj. Quand nous sommes arrivés à l'entrée de Blagaj, nous y

12 avons rencontré une vingtaine ou une trentaine de membres de la Protection

13 civile. Il y avait des personnes âgées aussi qui nous ont logé.

14 Q. Donc, la route entre Buna et Blagaj était une espèce de no man`s land ?

15 R. Oui, c'était l'emplacement de la ligne de démarcation, de séparation

16 entre les deux fronts.

17 Q. Bon, il faut que nous répétions parce que nous avons parlé ensemble, à

18 cause du compte rendu d'audience. Donc, était-ce un no man's land ?

19 R. Oui, c'était l'endroit séparant les deux fronts qui s'étendaient sur

20 six ou sept kilomètres et sur ceci, sur sept kilomètres, il y en avait,

21 trois environ, qui étaient un "no man's land".

22 Q. J'ai encore une question à vous poser. Je ne pense pas qu'elle soit

23 particulièrement importante mais quelque chose a été consignée au compte

24 rendu d'audience qui doit être corrigée.

25 Page 15 ou 16. Ce sont mes consoeurs et confrères qui vous interrogent. On

26 vous a interrogé au sujet de votre première visite à Stolac en 1995 et

27 1996, et vous avez parlé d'un certain nombre de choses qui ne sont pas très

28 claires. Je ne sais pas si tout le monde connaît les sigles que vous

Page 2444

1 utilisez, en tout cas, vous avez dit que la visite avait été organisée par

2 la SFOR ou par ce qu'on appelait, à l'époque, la FORPRONU ?

3 R. Non, j'ai dit qu'elle avait été organisée par le gouvernement de

4 Stolac, la visite a été organisée par le pouvoir municipal de Stolac, les

5 gens qui s'étaient organisés à Mostar. Nous ne pouvions pas entrer à Stolac

6 sans être escortés. Deux ou trois fois, on nous a renvoyé de Buna et puis,

7 à ce moment-là, la SFOR ou la FORPRONU, je ne sais pas quel est le nom que

8 l'on donne aux représentants, mais, en tout cas, je crois que c'était la

9 SFOR qui nous a permis de passer.

10 Q. Donc, la SFOR, ce sont les forces étrangères, ce ne sont pas les forces

11 locales ?

12 R. Oui, je pense que c'étaient des étrangers.

13 Q. Ils vous ont facilité le passage ?

14 R. Oui.

15 M. KOVACIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak ?

18 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, j'en ai

19 pour cinq minutes, pas plus.

20 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak:

21 Q. [interprétation] Monsieur, à votre arrivée à Blagaj, vous dites qu'on

22 vous a installé dans la maison d'un Croate, où étaient les Croates qui par

23 le passé habitaient à Blagaj ?

24 R. Vous le savez parfaitement bien.

25 Q. Je vous en prie.

26 R. Il n'y a pas de problème.

27 Q. Veuillez répondre. Où étaient ces Croates et dans quelle maison vous

28 êtes-vous installé à votre arrivée à Blagaj ?

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1 R. Personnellement, j'ai été installé dans une maison musulmane mais il y

2 avait des Bosniens qui ont été installés dans des maisons appartenant,

3 précédemment, à des Croates ou à des Serbes. Quant aux Croates, comme je

4 crois que vous le savez, vous-même, ils étaient de l'autre côté, en face.

5 Q. Bien, bien. Merci. Bien. Reprenons, en 1992, les Serbes entrent à

6 Stolac et la majorité de la population, à commencer par les Croates qui

7 sont suivis rapidement par les Serbes, puis, par les Musulmans, la majorité

8 donc quittent la ville. Selon les éléments chiffrés que nous soumettrons à

9 la Chambre, 10 000 Bosniens ont, à ce moment-là, franchi la Neretva pour

10 passer sur la rive droite. Au mois de juin 1992, le HOS et le HVO libèrent

11 Stolac. Comment se fait-il qu'à ce moment-là, règne la paix, qu'il y a une

12 forme de bonne entente, même d'affection entre les Croates et les

13 Musulmans, comment se fait-il, qu'à ce moment-là, on ne met pas le feu aux

14 maisons ou aux mosquées, et qu'à peine un an plus tard, les événements que

15 vous avez décrits se produisent. Pouvez-vous dire ce qui s'est passé entre-

16 temps, pendant cette année qui s'est écoulée entre-temps ?

17 R. Les uns et les autres avaient des fusils; j'en avais un, mais vous

18 aussi.

19 Q. Exact. Ce fusil qui a été donné aux hommes de la Brigade de Bregava

20 n'est seulement pas venu, n'est seulement pas arrivé, là, sur l'effet d'une

21 action due aux Serbes. Ces fusils ont été fournis par les Croates, n'est-ce

22 pas ? Oui ou non.

23 R. Je ne sais pas. Je n'ai pas participé à la guerre. Je n'ai pas la

24 moindre idée.

25 Q. Savez-vous qu'entre-temps, pendant cette année qui s'est écoulée,

26 entre-temps, la guerre faisait rage en Bosnie-Herzégovine ? Savez-vous ce

27 qui s'était passé pendant cette période à Konjic, à Kakanj, à Travnik, à

28 Sarajevo ? Est-ce que vous estimez éventuellement que tous ces événements

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1 sont peut-être liés les uns aux autres ? Oui ou non ?

2 R. Sur le plan politique, oui, mais je ne peux pas vous répondre par oui

3 ou par non. J'ai besoin d'expliquer les choses.

4 Q. Merci.

5 R. Non, ne dites pas "merci"; permettez-moi de m'expliquer.

6 Q. Oui, mais je comprends.

7 R. C'était logique que les Serbes terminent leur travail en Bosnie, que

8 les Croates le termine en Herzégovine. C'était un travail, une tâche qu'il

9 fallait achever. Je peux même vous donner des noms des gens de Kakanj, de

10 Suteska, d'ailleurs, sont venus à Stolac, de leur plein gré, des

11 délinquants.

12 Q. Les délinquants de toutes ces villes seront sûrement évoqués devant ce

13 Tribunal dans d'autres affaires. Je vous remercie.

14 Dites-moi, je vous prie, m'avez-vous vu, moi ou les cinq personnes qui sont

15 à côté de moi, mettre le feu à une quelconque maison ?

16 R. Non. Je ne vous ai vu qu'à la télévision.

17 Q. Je vous en prie. Nous n'avons pas beaucoup de temps.

18 R. Bon.

19 Q. Avez-vous eu sous les yeux un ordre écrit ? Je vous demande à vous

20 personnellement si vous avez eu sous les yeux un ordre écrit dans lequel

21 il a été dit qu'il fallait mettre le feu à des maisons, enfermer des gens ?

22 Oui ou non.

23 R. Je pense que les ordres sont destinés aux casernes et pas à nous où

24 j'ai fait mon service militaire, je n'ai rien vu de ce genre.

25 Q. Je vous ai demandé tout simplement si vous aviez eu un tel document

26 sous les yeux, oui ou non.

27 R. Je ne l'avais pas eu sous les yeux.

28 Q. Merci beaucoup. Parlons des accords entre les Serbes et les Croates,

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1 comment se fait-il qu'après la libération de Stolac, le 15 août, pour

2 l'Assomption, comment se fait-il que les Serbes lancent une très grande

3 offensive pour essayer de reprendre Stolac ? S'il y avait eu accord entre

4 les Serbes et les Croates pour se répartir le territoire ? Avez-vous une

5 réponse à cette question ?

6 R. J'en ai, oui. Je ne sais pas quelles étaient vos fonctions, à l'époque.

7 Je pense qu'il s'agissait de fonctions militaires.

8 Q. Combien de balles ont été tirées lors de l'entrée du HOS et du HVO à

9 Stolac ?

10 R. Un seul obus a été lancé, un seul et encore, c'était un peu par hasard.

11 Q. Cela, vous le savez parfaitement bien, alors que vous n'aviez que 13

12 ans, à l'époque ?

13 R. Je le sais. Tout le monde le sait. Vous n'avez qu'à demander.

14 Q. Merci. Il est assez illogique de vous entendre dire que la population

15 se trouvait dans les caves.

16 R. Nous avions peur.

17 Q. Je comprends, vous aviez peur. Donc, le 15 août, vous vous trouviez

18 dans les caves et à partir de ces caves, vous saviez exactement ce que

19 faisaient les gens qui n'étaient pas dans les caves et combien de balles et

20 combien d'obus ont été tirés ?

21 R. Je ne parle pas du 15 août. Je parle de l'entrée du HVO à Stolac. Ce

22 qui se passait le 15 août, tout le monde est au courant, même les enfants

23 en bas âge.

24 Q. Merci beaucoup. Merci beaucoup.

25 Si vous vous êtes trouvé juste à côté des incendies et qu'il y avait

26 à côté de vous d'autres personnes, comment se fait-il que personne n'ait

27 identifié celui qui a mis le feu ? Comment se fait-il, compte tenu du grand

28 nombre de témoins oculaires dont vous parlez, que ces personnes n'aient pas

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1 été retrouvées ?

2 R. Que voulez-vous dire, témoins oculaires ?

3 Q. Je vous demande comment il est possible que les auteurs de ces actes

4 n'aient pas pu être retrouvés compte tenu du grand nombre de témoins

5 oculaires que vous citez.

6 R. Est-ce que vous avez vu les photographies ? Non. Je vous demande : est-

7 ce que vous avez regardé ces photographies ?

8 Q. C'est moi qui vous pose la question.

9 R. Mais, vous me demandez comment c'est possible, bien, regardez seulement

10 les photographies.

11 Q. J'ai encore une question à vous poser.

12 R. Vous les avez regardées ces photographies ?

13 Q. Bien sûr, je les ai vues.

14 R. Vous avez vu que tout était en forme de cercle. Par exemple, on mettait

15 le feu ici d'abord. J'arrive, je suis à une vingtaine de mètres, j'éteins

16 ce feu. Au bout de cinq minutes, c'est un bâtiment qui est en face de ce

17 qu'on voit sur la photographie numéro un qui est en feu.

18 Q. Je vous comprends tout à fait.

19 R. Je ne peux pas vous expliquer les choses autrement.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Praljak vous pose une question importante qui est

21 dans le droit fil de la question que j'allais poser. M. Praljak vous

22 demande comment se fait-il, alors que vous vous étiez là, mais il y avait

23 d'autres personnes qu'après, personne n'ait dit qui avait mis le feu. Voilà

24 la question qui est posée : alors, qu'est-ce que vous pouvez nous dire,

25 parce que vous expliquez qu'il y avait un moment circulaire au moment où

26 vous éteignez le feu quelque part, le feu prenait ailleurs. En admettant

27 que ce soit vrai, vous n'étiez pas seul à Stolac ce jour-là. Il y avait

28 donc d'autres personnes et, après les incendies, est-ce que la population a

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1 dit -- vous a dit à vous : qui avait mis le feu et est-ce qu'on les avait

2 arrêtés ? Voilà la question qui vous est posée. Alors, vous pouvez y

3 répondre ou vous n'y répondez pas, mais gardez votre calme, ce n'est pas la

4 peine de s'exciter lorsqu'on vous pose une question.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Bon. Ce que je crois - et c'est logique

6 d'ailleurs - c'est que les soldats ne veulent rien dire de négatif contre

7 leur compte -- contre des soldats. Je le ferais aussi si j'étais concerné.

8 Mais, tout était en feu, ils étaient à une vingtaine de mètres de distance

9 à peine, sur les escaliers de l'école et ils riaient, ils tiraient en

10 l'air, qu'est-ce que c'est encore qu'il faisait.

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

12 Q. Merci beaucoup. Mais vous comprenez que moi, entre autres, je dois

13 répondre d'une accusation qui consiste à dire que c'est moi qui ais mis le

14 feu. Or, vous parlez d'un grand nombre de témoins oculaires, un grand

15 nombre de personne donc, et ils ne parviennent pas à identifier ne serait-

16 ce qu'un seul auteur qui aurait pu dire si quelqu'un lui a donné un ordre

17 par écrit, oralement ou par télépathie pour lui demander de le faire ?

18 R. Il ne m'appartient pas de répondre à cela.

19 Q. Mais c'est pour cela que je pose la question.

20 R. Je crois qu'à Stolac, il y a pas mal de gens, je dis bien pas mal de

21 gens, qui savent qui a mis le feu à leur maison ou qui a mis le feu à un

22 bâtiment de valeur. Je sais ce qui se racontait, mais je ne sais rien de

23 plus, je n'ai pas vu quelqu'un qui a pris une allumette, versé de l'essence

24 et mis le feu.

25 Q. Merci beaucoup. Ne pensez-vous pas qu'il serait nécessaire pour ce

26 Tribunal et pour la justice que ces gens qui savent qui a fait flamber

27 l'allumette fasse preuve d'un peu de courage, qu'ils aillent au Tribunal et

28 qu'ils donnent le nom de celui dont ils savent ou pour lequel ils ont la

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1 preuve qu'ils ont mis le feu.

2 R. Oui, ce serait bien dans la réalité, mais compte tenu de la situation à

3 Stolac, c'est absolument irréalisable.

4 Q. Je vais maintenant vous poser une question, y compris au sujet de

5 l'apartheid. Vous êtes diplômé de droit, en droit, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. J'ai étudié le droit pendant deux ans.

7 Q. Dites-moi : depuis 1996, combien y a-t-il eu d'élections à Stolac, à

8 peu près ?

9 R. Je ne sais pas exactement, je crois qu'il y en a eu une fois ou deux

10 fois, j'ai voté une fois, mais je ne sais pas exactement.

11 Q. Il y a eu quatre fois des élections organisées à Stolac dans les cinq

12 dernières années et elles ont toutes été organisées depuis 1996 et elles

13 ont toutes été organisées par la communauté internationale. Alors, pensez-

14 vous que -- lorsque les élections sont organisées sous le patronage de la

15 communauté internationale, élections démocratiques destinées à élire des

16 candidats avec participation de tous à ces événements de la vie publique,

17 est-ce que vous pensez qu'un tel système peut être qualifié d'apartheid ?

18 Je comprends votre émotion, mais tout de même.

19 R. Du point de vue juridique, il n'est pas juste d'employer ce terme, pas

20 d'après la situation, mais, si vous allez à Stolac y passer quelque temps,

21 vous verrez ce qui s'y passe.

22 Q. Merci beaucoup. J'ai encore une question à vous poser sur les ruines de

23 la mosquée incendiée. Sous les ruines de la mosquée incendiée, on a

24 retrouvé les restes d'une ancienne église catholique, n'est-ce pas ? Oui ou

25 non ?

26 R. Non.

27 Q. Mais, alors, qu'est-ce que c'était que ces restes de l'église

28 catholique, où ont-ils été mis à jour ? Sous quelle mosquée ?

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1 R. Si des ruines ont été mises à jour, je pense qu'on y aurait construit

2 une église et pas une mosquée, mais les églises dont vous parlez n'étaient

3 pas des églises catholiques.

4 Q. Mais alors quelles églises étaient-ce ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. M. Prlic a laissé entendre qu'une mosquée avait été construite juste à

7 côté d'une église et qu'il y avait un mur qui les séparait afin de mettre

8 un terme aux actes de destruction contre les bâtiments religieux.

9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge, je

10 n'ai plus de questions.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 10 heures et demie, nous allons faire la

12 pause technique, nous reprendrons dans 20 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, nous allons reprendre pour terminer le

16 contre-interrogatoire. Avant de donner la parole à

17 Me Alaburic, Monsieur, essayez de répondre calmement aux questions et

18 essayez de répondre par oui ou par non, selon la question posée. Gardez

19 votre calme, ne faites pas preuve de mauvaise humour ou de rancœur. Les

20 avocats font leur travail dans l'intérêt de leur client. Voilà.

21 Alors, je donne la parole à Maître Alaburic.

22 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense du

23 général Milvoje Petkovic n'a pas de questions à poser.

24 M. JONJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

25 Messieurs les Juges. J'ai quelques questions pour ma part à poser à ce

26 témoin. Il se peut que M. Coric en ait aussi.

27 Contre-interrogatoire par M. Jonjic :

28 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin BI. Je m'appelle Tomislav

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1 Jonjic. Je défends les intérêts de Monsieur Coric. Vous nous avez parlé de

2 la libération de Stolac, de l'entrée du HVO dans Stolac.

3 R. Oui.

4 Q. Vous souvenez-vous ? Indépendamment du fait de votre âge, je pense que

5 vous avez une excellente mémoire, au cours des semaines et des mois qui ont

6 suivi la libération de Stolac, les Croates qui avaient fui pendant

7 l'occupation serbe, les Musulmans qui avaient fui aussi, est-ce qu'ils sont

8 revenus ou est-ce que ce processus ne s'est fait que lentement ?

9 R. La plupart des Croates sont revenus, mais la population masculine, la

10 population composée de personnes en étant en âge de porter des armes, il y

11 a un grand nombre de Musulmans sont revenus avec leurs familles.

12 Q. Est-ce que ceci était émaillé de difficulté ? Est-ce que les autorités,

13 en fait, ce qui avaient le pouvoir dans la ville, opposaient des

14 difficultés à ces gens au moment du retour ?

15 R. Vous voulez au moment où ils sont rentrés ?

16 Q. Oui.

17 R. Non.

18 Q. Merci beaucoup.

19 Dites-nous, aujourd'hui, vous avez dit qu'il y avait assez bien de

20 Musulmans au sein du HOS, et vous avez utilisé des termes que je trouve

21 assez particuliers. Je vais donc vous demander de nous donner une

22 explication. Vous avez dit que les Musulmans se trouvant au sein du HOS

23 donnaient l'impression ou prétendaient qu'ils étaient plus Croates que des

24 vrais Croates, page 33 -- 23.

25 R. Oui.

26 Q. Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela veut dire qu'un Musulman

27 ne peut pas avoir le sentiment d'être Croate au sens ethnique ou national ?

28 R. Pourriez-vous répéter votre question ?

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1 Q. Est-ce que cela veut dire que, d'après vous, une personne de confession

2 musulmane ne peut pas avoir le sentiment d'être un Croate, au sens national

3 ou ethnique, ou s'il a ce sentiment, est-ce qu'on le considère comme un

4 traître ?

5 R. Quand on voit le point de vue d'aujourd'hui, avec ce recul, on peut

6 dire qu'une personne d'appartenance ethnique musulmane, qui a l'impression

7 et le sentiment d'un Croate, pour moi, c'est un traître. Il y a des gens

8 qui essaient de marquer des points en faisant semblant d'être Croates.

9 Q. Donc, à votre avis, il y a une identité entre l'appartenance ethnique

10 et l'appartenance religieuse ?

11 R. Oui.

12 Q. Je vous remercie.

13 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on montrer au

14 témoin - je demande l'aide de M. le Greffier - le document. Nous n'étions

15 pas, au départ, préparés à préparer ceci parce que ceci n'avait pas été

16 mentionné dans la déclaration préalable du Témoin BI, mais ceci c'est avéré

17 pouvoir être important dans le cadre du contre-interrogatoire. C'est un

18 document de Défense de M. Stojic, numéro de système est le code 2D 00022,

19 document qui était soumis à la Chambre juste avant le début de l'audience.

20 Est-ce que ceci peut être affiché à l'écran ?

21 Bien. N'est-il bien, si ce n'est pas réalisable autant nous servir d'une

22 appréciation papier que nous allons demander à poser sur le

23 rétroprojecteur.

24 Q. Il y a plusieurs pages, bien sûr. Nous avons une traduction en anglais

25 également, mais c'est surtout la première page qui nous intéresse parce

26 que, sur les autres pages, il n'y a que des noms. Je vais essayer de gagner

27 du temps tout en aidant le témoin et je précise qu'il s'agit d'un document

28 du Conseil croate de la Défense en date du 15 juin 1993. Dans les annexes,

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1 il y a 314 familles qui, d'après ce document, ont été chassées par des

2 extrémistes musulmans, de leur demeure familiale, en Kocina, Gnojnica,

3 Dracevica, Malo Polje, Blagaj et autres villages. Ce sont donc des familles

4 croates dont nous parlons. A cet égard, je vous demande, Monsieur le

5 Témoin, s'il s'agit de villages où les familles qui sont parties de Stolac

6 en passant par Buna, où ces familles ont été hébergées ?

7 R. Oui.

8 Q. Merci beaucoup.

9 M. JONJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

10 de ce document en tant que pièce de Défense par

11 M. Coric. Nous verrons à ce que ceci soit repris dans le système

12 électronique aujourd'hui.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur le Greffier, peut-on donner un

14 numéro au particulier, à l'accusé Coric, pour cette pièce ?

15 M. JONJIC : [interprétation] Excusez-moi. Il est important que ceci soit

16 versé au dossier sous le numéro actuel ou un autre, peu importe.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, une autre précision : il faut qu'on

18 nous fournisse le numéro de votre équipe à Défense, par exemple, 5D avec le

19 numéro. C'est la procédure habituelle. Si vous nous donnez ce numéro de

20 série, à moment-là, nous pourrons l'admettre, merci.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dans l'attente, vous avez le numéro ? Bon.

22 Allez-y, allez-y.

23 M. JONJIC : [interprétation] Oui, oui, oui. C'est le numéro

24 5D 01080.

25 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur le Greffier, donnez-nous un

27 numéro 5D pour ce document.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ce sera

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1 donc le numéro 5D 01080, et je précise que c'est exactement le même

2 document que celui qui a été soumis par la Défense sous la cote 2D 0022.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

4 M. JONJIC : [interprétation] Je vous remercie.

5 Q. Dernière question. Vous avez dit qu'à votre avis ce n'était que la

6 police civile, le MUP de Stolac qui fonctionnait en tant qu'organisation

7 commune, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que par hasard vous savez à partir de quelle date la police

10 civile a fonctionné de la sorte ?

11 R. Il n'y a peut-être deux ans et demi ou trois ans de cela.

12 Q. Pas avant ?

13 R. Il se trouvait dans le même bâtiment effectivement dans les mêmes

14 locaux. Les Musulmans n'avaient aucun pouvoir. En fait, au cours des

15 premiers jours qui ont suivi notre retour il y avait un policier en tenue

16 qui ne voulait pas vraiment sortir dans la rue, parce qu'il craignait

17 d'avoir des ennuis.

18 Q. Qui était le ministre responsable de -- cette police conjointe ?

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. Merci.

21 M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai plus de

22 questions.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

24 Monsieur Coric, vous pouvez poser vos questions maintenant, s'il vous

25 plaît.

26 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

27 Contre-interrogatoire par l'accusé Coric :

28 Q. J'ai quelques questions très brèves. Vous avez dit que vous ne vous

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1 souveniez pas ou que vous ne connaissiez pas le nom d'une seule personne

2 qui aurait incendié notamment ces bâtiments et la mosquée de Stolac.

3 R. C'est vrai. Personne ne m'a demandé.

4 Q. Mais je vous pose la question. Est-ce que vous pouvez me donner un seul

5 nom ?

6 R. Je peux vous donner le nom de certains des soldats qui se trouvaient

7 sur les marches. Il y avait un certain Marijan --

8 Q. Donnez-moi le nom ?

9 R. Marijan Prce.

10 Q. Qui sont les personnes qui vous ont arrêté lorsque vous êtes sorti de

11 Stolac, lorsque vous avez dû sortir de l'école ?

12 R. Je ne me souviens pas. Mais je me souviens de la personne qui nous a

13 fouillé et qui a pris notre or, notre argent.

14 Q. Vous souvenez-vous des noms ?

15 R. Oui.

16 Q. Les noms ne m'intéressent pas. Il est important que vous sachiez qui

17 c'était. Est-ce que vous vous souvenez du nom du chauffeur ?

18 R. Oui.

19 Q. Savez-vous si parmi ces personnes il y en a qui ont été traduits en

20 justice dans des tribunaux de Bosnie-Herzégovine à ce jour ?

21 R. A ma connaissance, il y en a quelques-uns qui sont toujours en fuite.

22 Je ne sais pas.

23 Q. Est-ce qu'il y a des gens qui ont été mis en accusation ?

24 R. Oui.

25 Q. Pourriez-vous nous donner des noms ?

26 R. Marijan Prce, Vide Palameta, c'est tout ce dont je me souviens.

27 Q. Savez-vous s'il y a des actions qui ont été intentées et s'il y a déjà

28 une procédure qui est en cours depuis plus d'un an ?

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1 R. Je ne suis pas au courant.

2 Q. Je vois que vous connaissez la situation qui prévaut aujourd'hui à

3 Stolac.

4 R. Oui.

5 Q. Ces dernières années, est-ce que vous ou d'autres habitants de Stolac

6 qui ont vécu les mêmes choses que vous, est-ce que vous avez déposé plainte

7 devant les organes officiels contre ces personnes qui avaient participé à

8 ces actes ?

9 R. Ce n'est pas nécessaire parce qu'à l'entrée même de la mosquée il y a

10 des notes, des avis de recherche contre ces personnes.

11 Q. Donc ils sont soumis à une procédure.

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez parlé du MUP, j'étais le ministère du MUP lorsque la police

14 conjointe a été instituée dans le canton de la Neretva en Herzégovine, ce

15 qui comprend aussi Stolac. Est-ce que vous savez qu'il y a une des

16 répartitions, une clé ethnique de répartition donc vous savez qui était le

17 chef de la police, son adjoint ?

18 R. Non, je ne le savais pas, mais je le sais aujourd'hui, si le chef était

19 croate, bien, il avait comme adjoint un Musulman. C'est effectivement la

20 situation actuelle. Je le sais.

21 Q. Je vous remercie. Lors de votre première visite à Stolac, vous avez dit

22 que vous aviez été escorté ou qu'il y avait un cordon de police.

23 R. Oui.

24 Q. Quelle police ?

25 R. C'était la police de Stolac, qui portait un ceinturon noir, avec

26 comment dire, un écusson blanc ou une boucle blanche, on voyait police

27 d'Herceg-Bosna de Stolac. C'était en fait une espèce de boucle ronde.

28 Q. Est-ce qu'il y avait des Bosniens parmi la police ?

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1 R. Je ne le sais pas.

2 Q. Est-ce que vous savez que, peu de temps après, c'est peu de temps

3 après, qu'il y a eu cette composition de répartition ethnique pour la

4 police ?

5 R. Je sais que c'est organisé mais je ne connais pas la composition

6 actuelle. Je sais qu'il y avait des Musulmans.

7 L'INTERPRÈTE : Etant donné que les questions et réponses se chevauchent, la

8 question n'a pas été entendue. La réponse est :

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas des Serbes.

10 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation]

11 Q. Est-ce qu'il y avait parmi les citoyens de Stolac des Serbes ?

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Coric, essayez de poser des questions plus

13 lentement parce que les interprètes ont du mal à traduire.

14 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Serbes sont entrés au MUP de Stolac peut-

16 être il y a un an ou deux de cela.

17 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation]

18 Q. A ma connaissance, il y a eu des annonces d'emploi qui pouvaient être

19 pourvues au sein du MUP. Si personne ne fait demande, qui est responsable ?

20 R. Peut-être que c'est comme cela.

21 Q. Je vois que vous avez une bonne mémoire. Au moment de la libération de

22 Stolac, est-ce que vous savez que la majorité écrasante des membres du HOS

23 étaient des Croates ?

24 R. Je ne connais pas du tout ces gens. Les Croates, bien, le HOS c'était

25 simplement pour moi une armée étrangère, il y avait des gens de Bosnie, de

26 Croatie, et tout le monde s'y retrouvait un peu mélangé.

27 Q. Savez-vous que quelques mois après la libération de Stolac, comme je

28 l'ai dit il y a un instant, la majorité des habitants de Stolac étaient

Page 2461

1 Croates ? Savez-vous que quelques mois après la libération de Stolac ce

2 même HOS comptait plus de 90 % de Musulmans et qu'il n'y avait plus de

3 Croates dans le HOS ?

4 R. Non, non.

5 Q. Savez-vous que le commandant du HOS était un Musulman ?

6 R. Je connais son surnom, pas son nom.

7 Q. Est-ce que son surnom c'est Dugi ?

8 R. Pour que oui.

9 Q. Comment était-il appelé par les gens ?

10 R. La plupart des gens pensaient qu'il était Croate. Je ne sais pas ce

11 qu'il était.

12 Q. Est-ce que vous êtes au courant d'un incident au cours duquel cette

13 personne, pendant une opération militaire assez honteuse menée par des

14 membres bosniens du HOS ont dû tirer contre leurs propres soldats ?

15 R. Je ne suis pas au courant. Je ne suis pas dans l'armée. Je n'étais pas

16 dans l'armée. Je ne sais pas.

17 Q. Vous n'en avez pas entendu parler ?

18 R. Non. Si vous parliez avec plus de détail, peut-être que je m'en

19 souviendrais.

20 Q. Est-ce que vous avez lu le livre de M. Dizdar ?

21 R. Oui.

22 Q. C'est écrit dans le livre. Maintenant est-ce que vous vous en

23 souvenez ?

24 R. Non. Je ne vois pas trop de quoi vous parlez.

25 Q. Il y a plusieurs livres. Lequel avez-vous lu ?

26 R. J'ai lu son dernier livre à peu près six mois de cela.

27 Q. Merci beaucoup.

28 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Messieurs les

Page 2462

1 Juges.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

3 Le prochain avocat, et nous allons clôturer. Le Juge Trechsel va vous

4 poser une question avant.

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, on vous a

6 demandé si vous connaissiez le nom de certains individus qui n'étaient pas

7 des participants directs mais qui auraient participé aux incendies et qui

8 auraient été présents au moment du pillage et aussi lors de votre

9 transport, on vous a arrêté au moment où vous vouliez donner des noms. Est-

10 ce que vous pourriez nous donner ces noms ? Je pense que ceci intéresse les

11 Juges de la Chambre.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Les expulsions et le pillage, de confiscation,

13 le vol d'or, d'objets de valeurs c'était surtout le fait de Marijan Prce,

14 de Vide Palameta, surnommé Dugi, de Boskovic. Je ne me souviens pas de son

15 prénom. Il était inspecteur avant la guerre, au MUP. Il est surnommé Celo.

16 C'est tout.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ibrisimovic.

18 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions à poser,

19 Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

21 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. A

22 peine quelques questions découlant des questions posées par les Juges ou

23 par M. Praljak à ce témoin.

24 Nouvel interrogatoire par M. Mundis:

25 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin BI, on vous a demandé s'il y avait

26 des témoins ayant assisté à ces incendies que vous avez décrits. Au moment

27 où ont commencé ces incendies, est-ce qu'il y avait beaucoup de gens dans

28 les rues de Stolac ?

Page 2463

1 R. Oui, il y avait des gens de maisons voisines, surtout des femmes, des

2 enfants qui sont sortis de leurs maisons, sur le pas de la porte pour voir

3 ce qui se passait, mais cela n'a pas duré longtemps, dix ou 15 minutes. Les

4 soldats, sur les marches dont j'ai parlé, ils se sont, disons, déployés.

5 Lorsqu'ils sont revenus, ils ont renvoyé tous les gens chez eux.

6 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il serait

7 utile de remontrer au témoin la liasse, IC 18. Il pourrait, peut-être,

8 annoter certaines des choses dont il vient de parler.

9 Monsieur l'Huissier, peut-on placer ces images ou ces photos sur le

10 rétroprojecteur ?

11 Q. Monsieur le Témoin BI, à plusieurs reprises, en réponse aux questions

12 d'abord posées par M. le Juge Antonetti, page 35, ligne 16, vous avez fait

13 état de soldats se trouvant sur les marches. Les marches, les voit-on, sur

14 cette photo, sur la première page de la pièce IC 18 ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous les indiquer ?

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 M. MUNDIS : [interprétation] Aux fins du compte rendu, je précise que le

19 témoin a indiqué d'un cercle les marches de l'école.

20 Q. D'autres questions vous ont été posées, Monsieur le Témoin, par le

21 président de la Chambre. Elles concernaient ces deux incendies. Est-ce que

22 vous pourriez nous dire où vous avez vu le moment où a éclaté le premier

23 incendie ?

24 R. [Le témoin s'exécute]

25 Q. Nous avons le chiffre 1 apposé par le témoin pour indiquer le toit de

26 la mosquée.

27 Ce jour-là, vous avez vu éclater un autre incendie, où exactement ?

28 R. [Le témoin s'exécute]

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous pouvez sur la photo indiquer le lieu

2 où vous jouiez au football avec vos camarades ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne se voit pas, mais je peux vous le

4 décrire parce que c'est derrière l'école, derrière l'école, parce qu'il y a

5 un terrain derrière l'école.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Donc, c'est derrière l'école. Merci.

7 M. MUNDIS : [interprétation]

8 Q. Votre annotation n'était pas très claire. Est-ce que vous pourriez

9 indiquer l'endroit où a éclaté le deuxième incendie, où il s'est déclaré ?

10 R. Mais les bâtiments sont derrière les arbres. [Le témoin s'exécute] Mais

11 c'est là, je vous l'indique.

12 Q. Pourriez-vous apposer le chiffre 2 à l'intérieur de ce carré.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, juste avant de terminer, une question qui

18 me paraît importante et utile.

19 Questions de la Cour :

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la ville de Stolac, est-ce qu'il y avait, en

21 1993, des pompiers ?

22 R. Oui, à ma connaissance, oui. Il y en a encore aujourd'hui.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Remettez la photo. Vous pourrez m'indiquer à partir

24 de la photo où se trouvaient les pompiers ?

25 R. On ne le voit pas. Ce n'est pas visible sur la photo.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Si on ne le voit pas. Mais c'était en haut, à

27 gauche, à droite, en bas, par rapport à la photo.

28 R. C'était dans cette direction-ci, à 150 mètres, 200 mètres de là, peut-

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1 être.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Donc, environ 200 mètres. Ce jour-là, vous

3 n'avez pas vu de pompiers ?

4 R. Non.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être que j'ai fait une erreur,

7 mais j'avais l'impression que la première fois qu'on vous a posé où avait

8 commencé le deuxième incendie, vous aviez indiqué un endroit qui était à la

9 gauche du minaret. Là, où on avait cette petite fontaine. On ne le voit pas

10 vraiment ici. C'était entre les arbres. On vous a reposé plus tard la

11 question, suite à la discussion de notre sujet. On parlait, à ce moment-là,

12 de football. A ce moment-là, vous avez indiqué un autre endroit. Ici, on

13 les voit au-dessus ou derrière la mosquée. Est-ce que j'ai mal vu ? Est-ce

14 que vous êtes sûr de l'endroit où s'est déclaré le deuxième incendie ?

15 R. Je suis sûr de ce que je dis. Je ne sais pas comment vous voyez, vous,

16 cette photographie ? Ce qu'on voit ici, c'est un terrain. Ce n'était pas le

17 terrain de jeu. Cela, c'est une vielle photo de Stolac. Je ne sais pas

18 quand elle a été prise, au cours de quelle année ? Mais le terrain de jeu,

19 il se trouve entre ces deux endroits, entre l'école et ce terrain, ce lopin

20 de terre. Plus tard, c'est là à cet endroit qu'on a construit une deuxième

21 école.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ceci n'a rien à voir avec ma

23 question. Je vous demandais la proximité immédiate de la mosquée. D'abord,

24 on vous a demandé de montrer où s'était déclaré le premier incendie ? Vous

25 avez montré la partie, donc, effectivement, qu'on voit sur la photo à la

26 gauche du minaret. Puis, on vous a demandé où avait commencé le deuxième

27 incendie ? Vous avez placé votre feutre un peu plus sur la gauche par

28 rapport au premier endroit. D'après ce plan, c'est là que se trouve la

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1 fontaine. Puis, il y a eu cet interlude avec le football, le terrain de

2 football. On va a reposé la question sur le lieu où avait commencé le

3 deuxième incendie, et cette fois-là, vous avez placé votre feutre sur les

4 arbres qui se trouvent juste derrière la mosquée, d'après mon angle de vue.

5 Je voulais savoir où ce deuxième incendie avait effectivement commencé ?

6 R. Vous voyez ici un endroit noir, à gauche. C'est moi qui l'ai apposé

7 pour indiquer l'endroit où j'étais parce que c'est comme cela que j'avais

8 compris votre question. Où j'étais au moment, c'est là à cet endroit-là que

9 j'étais quand a commencé le deuxième incendie ? Juste là.

10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis.

12 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, pour que tout soit plus

13 clair. Maintenant, il y a deux flèches à la gauche de la photo. Hier, j'ai

14 posé une question au témoin pour lui demander où se trouvait sa maison» ?

15 En réponse à votre question, maintenant, il vient d'annoter une deuxième

16 flèche indiquant l'endroit où se trouvait, dans quel sens la caserne des

17 pompiers -- est-ce qu'on pourrait avoir un éclaircissement ?

18 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :

19 Q. [interprétation] Il y a deux flèches, maintenant, Monsieur le Témoin.

20 Je vais vous demander d'apposer un H, près de la -- ou plutôt, un A, pour

21 indiquer l'endroit où se trouvait votre appartement.

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Q. Deuxième flèche, apposez FB (fire brigade), caserne des pompiers.

24 R. [Le témoin s'exécute]

25 Q. Je vous remercie.

26 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai pas d'autre questions, Monsieur le

27 Président.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

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1 Monsieur, votre audition vient de se terminer. Au nom de tous les

2 Juges, je vous remercie d'être venu à La Haye. Je formule également mes

3 vœux pour que vous ayez très rapidement un emploi, mais cela,

4 malheureusement, cela ne dépend pas de nous. Donc nous espérons que vous

5 trouverez un emploi conforme à vos souhaits. Je vais demander à M.

6 l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, stop. Baissez le rideau. C'est parce qu'il

9 y a des témoins dans la salle. Voilà, maintenant c'est possible, vous

10 pouvez quitter la salle. Merci.

11 [Le témoin se retire]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je me tourne vers l'Accusation pour son

13 dernier témoin de la semaine. Monsieur Mundis, je vous écoute.

14 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que le

15 prochain témoin est prêt à commencer son audition. C'est M. Scott qui va

16 mener l'interrogatoire principal avec l'aide de

17 M. Bosnie. Si vous le permettez, M. Kruger et moi, nous allons quitter le

18 prétoire.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, M. Scott va se mettre en bonne

20 position.

21 Bien. Alors, Monsieur Scott, tout d'abord, je fixe le cadre. Il va

22 nous rester une heure, jusqu'à midi 30. On fera le "break" de midi et demi

23 à 14 heures. On reprendra à 14 heures jusqu'à 17 heures 15, et puis demain,

24 nous aurons de 9 heures à 13 heures 45. Donc, dans ce laps de temps qui

25 nous reste, il y a donc ce témoin et, je rappelle que la Défense doit avoir

26 le même temps que vous. De ce fait, vous nous annoncez quelle durée

27 d'interrogatoire direct.

28 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

Page 2468

1 Juges. Ce que je peux vous dire c'est que ce sera aux environs de quatre

2 heures et demie.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Quatre heures et demie, donc cela nous fera au total

4 neuf heures. Cela risque d'être short. Alors, si les quatre heures et demie

5 peuvent être ramenées à quatre heures, ce serait meilleur.

6 M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolée, je suis vraiment navré,

7 Monsieur le Président, je ne veux pas m'engager, je ne peux pas vous faire

8 de promesses. On fait l'impossible pour faire preuve de la plus grande

9 efficacité possible, tout le monde conviendra du faite que M. Smajkic est

10 un témoin important parce que c'est lui qui était le membre du clergé

11 islamique au niveau le plus élevé et il était à Mostar pendant la guerre.

12 Il est ici aujourd'hui et je pense que la Chambre va pleinement bénéficier

13 de ce qu'il va dire dans le cadre de son audition. Nous allons faire

14 l'impossible, mais si l'autre option c'est de ne pas présenter les moyens

15 de preuve que nous estimons nécessaires, je voudrais ne pas me trouver, si

16 c'est possible, dans une telle situation. Je peux vous dire que nous allons

17 faire l'impossible.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, faites l'impossible, mais, pour le cas où

19 nous n'aurons pas terminé demain à 13 heures 45, le témoin restera jusqu'à

20 lundi.

21 M. SCOTT : [interprétation] On comprend, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : On va introduire le témoin tout de suite.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bonjour, Monsieur. Avant de vous faire prêter

25 serment, pouvez-vous m'indiquer votre nom, prénom, date de naissance.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Seid Smajkic, né le 9 février 1947 à Mostar.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuellement ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis le mufti. Je suis donc membre du

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1 clergé pour la région d'Herzégovine.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un Tribunal

3 international ou national sur les faits qui se sont déroulés dans votre

4 pays ou c'est la première fois que vous témoignez ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà eu l'occasion de témoigner en 2001

6 devant ce même tribunal.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez témoigné dans quelle affaire ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était dans l'affaire Tuta.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je vais vous demander de lire le

10 jugement, le serment, excusez-moi.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 LE TÉMOIN : SEID SMAJKIC [Assermenté]

14 [Le témoin répond par l'interprète]

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, dans la mesure où vous avez déjà témoigné, mes

16 explications vont être très brèves. Vous aurez donc à répondre dans un

17 premier temps aux questions de l'Accusation que vous avez déjà rencontrée.

18 L'Accusation m'a dit tout à l'heure qu'elle comptait utiliser quatre heures

19 et demie, donc, l'audition va se dérouler aujourd'hui et demain et la

20 Défense, à l'issue de cette phase, qui sont situés à votre gauche, voir

21 même certains accusés pourront également vous poser des questions et ils

22 auront globalement le même temps. Si jamais nous n'arrivons pas à terminer

23 à 13 heures 45, à ce moment-là, vous serez malheureusement dans

24 l'obligation de rester jusqu'à lundi. Mais je compte sur la sagesse des uns

25 et des autres pour faire en sorte que votre audition soit terminée demain.

26 Voilà. Sans perdre de temps puisque le temps pour le moment nous est

27 compté je vais donner la parole à M. Scott qui a une heure pour commencer

28 son interrogatoire. Je demanderais également à M. le Greffier, le cas

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1 échéant, de voir avec les interprètes si nous ne pourrions pas faire

2 aujourd'hui une petite prolongation aux environs jusqu'à 18 heures. Vous me

3 direz cela tout à l'heure.

4 Commencez, Monsieur Scott.

5 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

6 Juges.

7 Interrogatoire principal par M. Scott :

8 Q. [interprétation] Monsieur Smajkic, vous venez d'entendre que nous avons

9 des préoccupations de temps. Afin de pouvoir avancer aussi vite que

10 possible, j'espère qu'il n'y aura pas d'objection si je vous dirige un

11 petit peu de manier directrice pour des questions contextuelles vous

12 concernant. Ceci ne serait pas un manque de respect à votre égard. Ce

13 serait tout simplement pour utiliser le temps de la manière la plus

14 efficace qui soit. Comme vous venez de le dire, vous êtes né le 9 février

15 1947 dans une ville ou un village près de Mostar, et comme vous l'avez dit,

16 vous avez passé la plus grande partie de votre vie à Mostar; est-ce bien

17 cela ?

18 R. C'est exact.

19 Q. Monsieur, d'après ce que j'ai compris vous êtes diplômé de la faculté

20 de Théologie à Sarajevo. Je n'ai pas noté l'année. A quel moment est-ce que

21 cela s'est passé ? A quel moment avez-vous eu votre diplôme ?

22 R. J'ai terminé mes études à la Gazi Husren-Begova Medresa de Sarajevo et,

23 par la suite, je suis parti faire des études en Iraq à l'université de

24 Bagdad. Les premières études je les ai terminées en 1965 et mes études à

25 l'université de Bagdad en 1971. J'ai un diplôme dans le domaine la charia

26 et de la langue arabe.

27 Q. Très bien. Depuis, d'après ce que j'ai compris, vous êtes revenu à

28 Mostar vers 1972 et vous avez exercé vos fonctions ecclésiastiques dans la

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1 zone de Mostar depuis 1972; est-ce exact ?

2 R. C'est exact.

3 Q. Monsieur, si j'ai bien compris, depuis 1972 jusqu'à peu près 1980, vous

4 avez occupé différents postes encore une fois au sein de la communauté

5 islamique en vous occupant du travail religieux, et de l'éducation, de

6 l'enseignement, et vous avez également été le suppléant de la personne qui

7 a été le mufti à l'époque. C'était

8 M. Zufer Beslic.

9 R. C'est exact.

10 Q. Après la mort en 1975 du mufti Beslic, vous avez repris son poste et

11 vous étiez le mufti par intérim avant d'être nommé officiellement à ce

12 poste en 1980; est-ce exact ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Vous êtes venu déposer aussi pour parler de la période de 1992/1994 où

15 vous avez été mufti également; est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Aujourd'hui encore vous occupez ce même poste, Monsieur.

18 R. C'est exact.

19 Q. Mufti Smajkic, pourriez-vous, s'il vous plaît, aider les Juges de la

20 Chambre en expliquant ce que c'est qu'un mufti dans le cadre de la

21 structure islamique musulmane ? Pourriez-vous brièvement décrire en quoi

22 consiste votre travail ?

23 R. Un mufti c'est le personnage principal ou l'autorité principale

24 religieuse dans une région donnée. Le mufti, soit de manière directe soit

25 en passant par des centres municipaux dans les milieux où il est compétent,

26 il dirige et il organise la vie religieuse. Il s'assure que cette vie

27 religieuse se développe -- évolue dans des conditions normales. Il prend

28 les dispositions nécessaires pour assurer les conditions au travail

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1 préalable nécessaires, à savoir, les finances, toutes les infrastructures,

2 les édifices destinées à la religion qui sont nécessaires. En d'autres

3 termes, un mufti doit diriger le travail des centres municipaux et doit

4 contribuer à l'affirmation des valeurs religieuses. Il doit s'y prendre de

5 la manière la plus appropriée qui soit. En l'occurrence, mes attributions

6 englobent trois cantons de l'Herzégovine, de Neretva, dans un premier

7 temps, de Livno et de l'Herzégovine occidentale, et également une partie de

8 la Republika Srpska l'Herzégovine de l'est.

9 Q. Il sera peut-être utile à la Chambre que l'on situe mieux dans un

10 contexte géographique. Combien de mufti y a-t-il en tout et pour tout dans

11 cet Etat que l'on appelle aujourd'hui la Bosnie-Herzégovine ?

12 R. Très concrètement, le mufti de Mostar comprend au nord la ville de

13 Konjic, puis Prozor, Jablanica, Mostar où est le siège, ensuite Capljina,

14 Ljubuski, Livno, Tomislavgrad, Glamoc, Stolac ainsi que Neum. Ce sont les

15 villes qui sont situées sur le territoire de la Fédération. Quant à la

16 Republika Srpska, il y a Nevesinje, Gacko, Bileca, Trebinje, et Ljubinje.

17 Q. Très bien. Je reviens à la question que je vous ai posée, en fait, j'y

18 reviendrai plus tard. Mais vu ce que vous avez dit maintenant, pendant la

19 période qui va à peu près de 1992 à 1994, il y avait à ce moment-là quelque

20 chose qui était appelé soit communauté croate d'Herceg-Bosna soit

21 République croate d'Herceg-Bosna, est-ce que vous étiez mufti à l'époque ?

22 Est-ce que vous avez des attributions sur ce territoire, le territoire

23 d'Herceg-Bosna; ou sinon, est-ce que vous pouvez préciser quelles sont les

24 parties de l'Herceg-Bosna qui ne relevaient pas de vos compétences ?

25 R. J'étais compétent, bien entendu, pour un certain nombre des villes que

26 je viens de mentionner, cependant les villes de Bosnie centrale relevaient

27 de la compétence du mufti de Travnik, et en partie de celui de Zenica.

28 Donc, on pourrait dire que Gornji Vakuf, Donji Vakuf, Kupres, et d'autres

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1 villes de Bosnie centrale étaient situées hors le domaine de compétence du

2 mufti de Mostar.

3 Q. En gros, pour qu'on puisse comprendre -- pour que les Juges puissent

4 comprendre, vous étiez compétent pour ce qu'on pourrait décrire comme étant

5 toute la région d'Herzégovine, est-ce exact, sans la Bosnie centrale ?

6 R. Pour l'Herzégovine, c'est cela.

7 Q. Je vais maintenant revenir à la question que je vous ai déjà posée.

8 Donc, pour qu'on est l'idée du contexte et de l'ensemble de la structure,

9 dans cette période de 1992 à 1994, combien de muftis couvraient tout le

10 territoire de Bosnie-Herzégovine ? Vous avez dit que vous étiez là pour la

11 région de Mostar, qu'il y avait un mufti pour Zenica, un autre était situé

12 à Travnik. Pour la région de Travnik, il y en avait en tout combien, à

13 cette époque-là, à peu près ?

14 R. D'après l'ancienne structure d'organisation de la communauté islamique

15 d'avant la guerre, il y avait quatre muftis pour quatre régions de Bosnie-

16 Herzégovine. Donc, muftis de Mostar, de Sarajevo, de Tuzla et de Banja

17 Luka. Donc, la région de Banja Luka avait son siège dans la ville de Banja

18 Luka. C'était la région de Banja Luka, la Krajina, mais c'était la

19 structure en vigueur depuis des décennies. En fait, à Mostar, il n'y avait

20 jamais eu d'interruption. Le mufti n'a jamais cessé d'avoir son siège à

21 Sarajevo. En situation de guerre, on a créé quatre muftis de plus, donc, en

22 plus de ces quatre. C'était à Bihac, à Travnik, à Zenica et à Goradze pour

23 la Bosnie orientale.

24 Q. Très bien. Pour qu'on ait une idée de vos responsabilités, pourriez-

25 vous dire quel est le rôle que vous avez joué, quelles ont été vos

26 responsabilités, si toutefois, vous en ayez eu au sujet de la nomination

27 des officiels islamiques ou du clergé islamique dans votre zone de

28 responsabilité ? Est-ce que vous deviez assurer le suivi, le contrôle de

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1 leur travail ?

2 R. D'après l'acte juridique en vigueur aujourd'hui, au sein de la

3 communauté islamique, sur proposition d'un mufti, Reis-ul-Ulema, qui est le

4 leader suprême des Musulmans de Bosnie-Herzégovine, donc, sur proposition

5 d'un mufti, il nomme les Imams principaux dans les centres municipaux. Là

6 où vivent des Musulmans et où leur vie religieuse est organisée,

7 localement, les autorités locales de la communauté islamique nomment l'imam

8 dans un djemat -- dans chaque djemat. C'est ainsi qu'on les appelle. Ce

9 serait des paroisses chrétiennes. Donc, ce sont les organes locaux,

10 municipaux qui les nomment, mais, bien entendu, avec l'approbation du

11 mufti. Le rôle du mufti est de surveiller leur travail, le travail des

12 imams et de leur donner des instructions, des directives sur tout le

13 territoire où s'étend sa compétence.

14 Q. Pour que le compte rendu d'audience soit complet, vous avez mentionné

15 celui qui vous est supérieur et qui est le plus haut placé en Bosnie-

16 Herzégovine. Est-ce que vous pouvez encore une fois nous donner ce titre,

17 non pas le nom, mais le titre ? Donc, tout comme vous, vous êtes un mufti,

18 quel est le nom de ce poste au sein de la hiérarchie ?

19 R. C'est un Reis-ul-Ulema. C'est le mufti suprême de Bosnie-Herzégovine.

20 Nous, les medzlis, nous constituons un conseil pour le Réis-ul-Ulema et

21 c'est lui, le leader de la communauté islamique de Bosnie-Herzégovine.

22 Q. Lui, il a son siège à Sarajevo ?

23 R. Oui.

24 Q. Etait-il également à Sarajevo pendant la guerre ?

25 R. Oui.

26 Q. Monsieur, je vous ai posé des questions au sujet de la nomination du

27 clergé islamique. En tant que mufti, est-ce que vous aviez un rôle à jouer,

28 une responsabilité, eu égard aux édifices destinés à la religion ou aux

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1 biens qui étaient situés dans votre zone de responsabilité ?

2 R. Au début, j'ai dit également que l'un des devoirs principaux d'un mufti

3 est de créer les conditions permettant d'assurer toutes les infrastructures

4 nécessaires entre autres. Il s'agit aussi de bâtir des mosquées et d'autres

5 édifices religieux qui sont nécessaires à la communauté islamique. Donc, il

6 s'agit de préserver aussi -- d'assurer la maintenance des édifices

7 religieux et cela relève des devoirs et des compétences des organes

8 municipaux mais aussi, du mufti.

9 Q. Très bien. Enfin, pour que ce soit un peu plus concret. Si, sur le plan

10 local, une communauté islamique souhaite ériger une mosquée dans sa zone,

11 est-ce que vous avez un mot à dire dans l'approbation ? Est-ce que vous

12 pouvez approuver ou superviser ce processus ?

13 R. Les organes locaux dans tous les cas de figure recueillent la vie du

14 mufti et le mufti, disons, justifie ou non, la construction de la mosquée.

15 Il approuve ou non comme étant justifié ou pas.

16 Q. Très bien. Alors, nous reviendrons à cela, plus tard, dans votre

17 déposition. Mais s'il y a des dégâts qui sont infligés à une mosquée, une

18 mosquée qui se situe dans votre zone de responsabilité, par exemple,

19 détruite. Alors, est-ce que c'est quelque chose qu'on porte à votre

20 attention ?

21 R. Oui, absolument. C'est indispensable.

22 Q. Très bien, Monsieur. Allons de l'avant et essayons d'aborder la

23 première phase du conflit. Est-il exact, Monsieur, de dire qu'à un moment

24 donné, pendant la première moitié de 1992, les forces serbes, la JNA ou des

25 forces associées à la JNA ont pris le contrôle dans la zone de Mostar ?

26 R. Oui.

27 Q. Pouvez-vous décrire brièvement aux Juges de la Chambre en commençant au

28 printemps 1992, si possible, vers le mois d'avril, comment a évolué ce

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1 conflit, qui à ce moment-là, a opposé les Serbes d'une part, les Croates et

2 les Musulmans, ou les Bosniens de l'autre.

3 R. La force yougoslave et les unités serbes sont arrivées dans la zone de

4 Mostar au mois de septembre 1991. D'une certaine façon donc, avec les

5 forces de réserve, ils ont placé la Herzégovine sous le contrôle de la JNA

6 de l'époque. Nous avons été l'objet ou témoins de différentes provocations

7 de la part de ces forces qui ont exercé le contrôle plein et entier sur ce

8 territoire, le territoire qu'elle venait d'occuper. Il y a eu diverses

9 provocations. Ils ont contrôlé la circulation aussi bien des personnes que

10 des biens. Ils ouvraient le feu. Ils tiraient sur différents édifices ou

11 bâtiments. Ils tiraient des rafales sur des édifices destinés à la

12 religion, des mosquées et cela a duré ainsi jusqu'au mois d'avril comme

13 vous venez de le dire, mois d'avril 1992.

14 Q. Si je puis vous interrompre, il y a un instant, du moins c'est ce qu'on

15 lit dans le compte rendu d'audience, vous avez dit mois de septembre 1992,

16 est-ce que vous voulez dire mois de septembre 1991 ?

17 R. 1991.

18 Q. Très bien. Pour enchaîner sur la dernière partie de votre

19 --

20 R. Ce comportement et ces actes se sont poursuivis depuis, à peu près, le

21 mois de septembre 1991 lorsque la JNA ou les forces serbes sont arrivés par

22 la première fois ou ont commencé à exercer le contrôle dans ces zones et

23 s'est poursuivi donc jusqu'au printemps 1992.

24 R. C'est exact.

25 Q. Monsieur, pourriez-vous dires aux Juges de la Chambre si pendant ce

26 conflit, pendant la première moitié de 1992, si nombre de Musulmans ou de

27 Bosniens qui vivaient à l'époque sur la rive est, la partie est du Mostar

28 ou dans Mostar est, est-ce qu'ils ont déménagé pour s'installer sur la rive

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1 droite pendant ce conflit ?

2 R. En se préparant pour la libération de la ville contre cette force

3 d'occupation, les Musulmans de Mostar, les Bosniens de Mostar, de concert

4 avec les Croates de Mostar, se sont préparés pour infliger le coup décisif

5 ou plutôt pour libérer leur ville. On pourrait dire que pendant tout le

6 mois d'avril et à peu près disons jusqu'à 8 ou 9 mai 1992, nombre de

7 Bosniens étaient traversés du côté de la rive droite dans la partie ouest

8 de la ville, tandis que beaucoup de gens, et je le sais tout simplement

9 parce que jusqu'au 9 mai 1992, j'avais mon bureau dans Mostar est, et

10 jusqu'à cette date-là, j'ai été sur place. On peut dire qu'à ce moment-là,

11 des ordres paramilitaires des hommes à Arkan ou à Seselj et d'autres

12 s'étaient déjà mis en branle dans les mahalas et c'était au moment où le

13 reste de la population qui était sur place s'était déplacé pour s'installer

14 sur la rive droite.

15 Q. Avant d'avancer dans le temps pour parler de la fin du printemps 1992,

16 je voudrais placer ces événements dans un contexte historique. Au printemps

17 1992, d'après vous qui était-ce la communauté croate d'Herceg-Bosna ?

18 Existait-elle à l'époque ?

19 R. Elle existait déjà. Elle existait déjà donc au mois d'avril et par la

20 suite au mois de mai la communauté croate d'Herceg-Bosna a pris le pouvoir

21 des organes civils de pouvoirs de Mostar et ce par la voix de ce qu'on

22 pourrait qualifier de coup militaire et tout le pouvoir se trouvait

23 concentrer entre les mains des forces du HVO qui détenait à la fois le

24 pouvoir civil et le pouvoir militaire.

25 Q. Très bien. Non seulement l'Herceg-Bosna existait déjà à ce moment-là

26 mais en plus vous saviez à ce moment-là que quelque chose qui était appelé

27 le HVO était là des protagonistes.

28 R. C'est exact.

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1 Q. Mufti Smajkic, nous allons examiner cela plus en détail au cours de la

2 journée. Mais à présent pourriez-vous en grandes lignes dire quelque chose

3 aux Juges. Vous nous dites qu'une sorte de coup militaire s'était produit

4 et que par la voix de ce putsch, le HVO s'était emparé du contrôle du

5 gouvernement de Mostar. Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges comment

6 cela s'est fait ?

7 R. Nous étions dans une situation, dans une position très difficile dans

8 la ville de Mostar. Il y avait là une cellule de Crise, et celle-ci était

9 composée du maire, de représentants des partis politiques et de quelques

10 personnalités en vue, qui, en fait, faisaient office d'assemblée, qui

11 exerçaient les fonctions d'assemblée. Donc lorsqu'il a fallu organiser la

12 défense de la ville des pressions se sont exercées, des pressions pour

13 confier la défense à la composante croate, c'est-à-dire, au HVO. On

14 pourrait dire qu'à ce moment-là une possibilité a été offerte aux autres

15 forces également à la Défense, à cette armée de Bosnie-Herzégovine, à

16 l'état embryonnaire, pour qu'ils prennent part à la défense également,

17 tandis que c'était le HVO qui allait jouer le rôle du commandement. La

18 plupart, en fait, on pourrait dire mis à part le SDP, ce parti politique,

19 la plupart des partis ont accepté -- ordonné leur approbation pour que ce

20 soit le HVO qui assume les responsabilités pour la défense de la ville.

21 Cependant, peu de temps après cela, à partir du moment où on a confié au

22 HVO le rôle de défendre et d'organiser la libération de la ville, il a

23 relevé de ses fonctions le pouvoir légal. Il a commencé à -- il a pris le

24 contrôle sur l'exécutif.

25 Q. Il y a un moment vous avez mentionné la cellule de Crise. La cellule de

26 Crise qui était en place au printemps 1992, à partir de quel moment était-

27 elle en place ? Quand est-ce qu'elle a été créée à Mostar ?

28 R. Elle a été créée lorsque l'assemblée n'a pas pu travailler, l'assemblée

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1 municipale, l'assemblée de la ville, parce que les Serbes avaient déjà

2 quitté le pouvoir donc l'assemblée n'avait plus le quorum, n'était plus

3 compétente pour prendre des décisions. Donc, il y avait le cabinet

4 restreint du maire et puis il y avait les représentants des partis

5 politiques du SDA, du HDZ, du SDP, ce sont ces gens-là qui ont constitué la

6 cellule de Crise qui allait être l'organe législatif et exécutif civile.

7 Q. Vous avez dit à plusieurs reprises au cours des dernières minutes qu'un

8 des membres de la cellule de Crise était le maire de Mostar. Qui était

9 maire de Mostar au printemps 1992 c'est-à-dire en avril, mai 1992 ?

10 R. C'était M. Milivoj Gagro.

11 Q. Pouvez-vous dire aux Juges dans quelles conditions

12 M. Gagro s'est vu confier ses fonctions ?

13 R. Il a été élu à l'issue des élections légales. Je parle des premières

14 élections légales organisées en 1990, légales et démocratiques.

15 Q. Vous venez de parler de ce putsch militaire qui a permis au HVO de

16 prendre complètement le contrôle du gouvernement de Mostar. Suite à cela,

17 M. Gagro a-t-il continué à être maire de Mostar ou que lui est-il arrivé ?

18 R. Il a été éliminé. Il n'a plus eu aucune influence sur la vie politique.

19 Q. Qui a remplacé M. Gagro à son poste de maire ou, en tout cas, de

20 responsable exécutif important dans la ville de Mostar ?

21 R. C'est M. Jadranko Topic qui a pris sa place. Il s'agissait du président

22 du HVO.

23 Q. Quel est le processus qui a permis à M. Topic de devenir chef du

24 pouvoir municipal à Mostar ?

25 R. Cela fait partie de la stratégie destinée à créer la communauté croate

26 d'Herceg-Bosnie, à transformer Mostar en ville croate, Mostar ainsi que

27 d'autres villes, dont les dirigeants politiques du HDZ estimaient qu'elle

28 devait faire partie de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Donc c'est le

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1 gouvernement ou en tout cas les dirigeants de la communauté croate

2 d'Herceg-Bosna qui l'ont placé à ce poste.

3 Q. Pour que les comptes rendus d'audience soient tout à fait clairs, vous

4 dites que c'est le gouvernement qui l'a mené à son poste, de quel

5 gouvernement parlez-vous ?

6 R. Je parle de Mate Boban, de son gouvernement.

7 Q. Vous avez dit que la plupart des partis avaient donné leur accord à

8 cela, pas tous les partis, mais en tout cas qu'un accord avait été conclu

9 entre les partis politiques quant au fait que ce serait le HVO qui,

10 désormais, commanderait la défense de Mostar, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. D'après vous, cet accord ou cette décision permettait-elle également au

13 HDZ, au HVO ou aux autorités de la communauté croate d'Herceg-Bosna de

14 contrôler totalement les processus politiques en cours dans la région de

15 Mostar ?

16 R. Cette instance a permis cette action de la part du HVO. Donc le HVO

17 était désormais autorisé à s'occuper des questions militaires et lié à la

18 libération de la ville de Mostar. Il n'était pas prévu du tout que le HVO

19 prenne en mains le pouvoir civil.

20 Q. Cette décision d'ordonner primauté au HVO du point de vue de la défense

21 de Mostar se retrouve dans un document écrit qui date environ du 29 avril

22 1992, n'est-ce pas ?

23 R. C'est exact.

24 M. SCOTT : [interprétation] Je demanderais à M. le Greffier de nous aider à

25 soumettre au témoin le document P 00180.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, je n'ai pas les "hard copy" des

27 documents.

28 M. SCOTT : [interprétation] Je crois que les documents vous parviennent en

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1 ce moment, Monsieur le Président.

2 Q. Avez-vous ce document sous les yeux en ce moment, Monsieur ?

3 R. Oui.

4 Q. Je vous demanderais d'examiner ce document, si vous avez besoin d'un

5 peu de temps pour le faire, dites-le nous, je vous prie. Pour ma part, je

6 vous demande si ce document est bien celui qui a été rédigé le 29 avril

7 1992, dans lequel on trouve écrite cette décision donnant au HVO la

8 primauté militaire dans la ville de Mostar et dans le cadre de sa défense.

9 R. C'est bien cette décision, mais j'aimerais appeler votre décision sur

10 le point 8 de ce texte dans lequel nous lisons que la cellule de Crise de

11 la municipalité de Mostar s'engage dans les délais les plus brefs à créer

12 un conseil exécutif temporaire qui garantira le fonctionnement des

13 instances dirigeant l'assemblée municipale de Mostar. Cela c'est l'un des

14 points de cette décision. Donc le fait de donner un rôle de commandement et

15 des prérogatives particulières au HVO a fait que ce dernier a finalement

16 annulé tout le pouvoir civil de Mostar, de sorte que les instances civiles

17 du pouvoir municipal de Mostar n'ont plus eu voix au chapitre à partir de

18 ce moment-là.

19 Q. J'aimerais que nous nous penchions plus en détail sur plusieurs

20 paragraphes de ce texte et je vous prie de vous pencher d'abord plus en

21 détail sur le chapitre 2, grand II. Est-il exact, Monsieur, qu'il est

22 question dans ce paragraphe de charger le HVO d'assurer la défense de la

23 ville de Mostar et la responsabilité vis-à-vis de cette défense.

24 R. Oui. Au HVO ainsi qu'aux membres du ministère de l'Intérieur.

25 Q. D'accord, passons maintenant à l'article 3, grand III. Est-il exact,

26 Monsieur, que ce qui était envisagé à l'époque, c'était de continuer à

27 assurer une présence multiethnique au sein de toutes ces instances, c'est-

28 à-dire que les membres de ces instances devaient continuer à être aussi

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1 bien Croates que Musulmans ? Je ne vous demande pas si cela était

2 effectivement le cas, mais si cela était envisagé.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, mais je fais objection sur la

4 forme de la question dans la mesure où le fondement de cette question n'a

5 pas été posée. Nous lisons les documents, nous pouvons tirer certaines

6 conclusions de la lecture de ces documents et conclure que les choses ne se

7 sont pas passées ainsi. La question posée au témoin porte sur le libellé de

8 ce texte. Or, la rédaction était due à la cellule de Crise et il a demandé

9 si la cellule de Crise avait un rôle quelconque. Si la réponse est oui,

10 alors manifestement le témoin peut continuer à parler du sens de certaines

11 dispositions envisagées, mais, dans le cas contraire, je crois que cette

12 question sort du champ normal de l'interrogatoire.

13 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que ce témoin

14 peut parler de ce qui s'est passé dans la ville pendant cette période. Il

15 était l'un des dirigeants de la communauté, de toute évidence, je lui

16 demande donc d'interpréter ce document en tant que tel, je lui soumets ce

17 document pour lui poser une série de questions et ma question porte sur les

18 événements.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Scott, demandez au témoin de

20 commenter les paragraphes, mais n'induisez pas la réponse du témoin. Donc,

21 si le témoin peut nous éclairer le paragraphe de la décision qui nous le

22 dise. S'il ne peut pas, qu'il ne le fasse pas. Bien.

23 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'était tout à

24 fait mon intention.

25 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais de tenir compte du libellé de

26 l'article III. Chacun dans le prétoire peut lire ce paragraphe. Mais une

27 fois que vous l'aurez lu, pourrez-vous dire aux Juges de la Chambre si

28 c'est la base de vos observations personnelles de l'époque ou est-il exact

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1 que les Musulmans occupaient des postes importants aussi bien au niveau

2 militaire qu'au sein du gouvernement du HVO tel qu'il était prévu d'exister

3 selon la décision que nous avons sous les yeux ?

4 R. Cet article dit précisément que le Conseil croate de la Défense est

5 constitué de citoyens croates, musulmans ou appartenant à d'autres groupes

6 ethniques, mais cela n'était que théorique. Ce sont simplement des mots

7 écrits sur une feuille de papier parce que les Bosniens, c'est-à-dire, les

8 Musulmans, même s'ils ont activement pris part à la défense de la ville, à

9 l'époque, n'ont pas occupé des postes de commandement. D'ailleurs, non

10 seulement, ils n'ont pas occupé des postes de commandement, mais ils ne

11 sont pas vus reconnaître un statut de combattant égal à celui des Croates.

12 Q. J'aimerais vous demander maintenant de concentrer votre attention sur

13 le paragraphe IV, et une fois que vous aurez lu ce paragraphe, pouvez-vous

14 dire aux Juges si ce qui est écrit ici a, effectivement, été mis en œuvre

15 dans la pratique ?

16 R. Il est dit clairement dans ce paragraphe que la composition du

17 gouvernement doit être équilibrée mais les forces armées musulmanes n'ont

18 eu ni, au sein du commandement ni, bien entendu, dans d'autres aspects de

19 la vie donc, ils n'ont en aucun cas joui d'un statut égal par rapport à

20 celui des soldats croates. Par ailleurs, je puis vous dire que les

21 habitants musulmans auraient agi. Ils n'ont pas approuvé le fait que leurs

22 représentants aient apposés leur signature sur ce document. Je pense qu'il

23 est important que je le dise. Ils n'ont pas accepté cette décision

24 d'accorder exclusivement aux Croates le rôle de défendre la ville et

25 d'occuper les postes de commandement dans le cadre de cette défense.

26 Q. J'aimerais maintenant comme nous l'avons fait pour les différents

27 paragraphes examinés jusqu'à présent, que vous vous concentriez sur le

28 paragraphe VI, notamment, sur la deuxième phrase de ce paragraphe ou de ce

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1 chapitre. Pouvez-vous, encore une fois, dire aux Juges si ce qui est écrit

2 ici, a effectivement, été réalisé. Si la structure de ces institutions

3 correspondait bien à la structure ethnique des forces engagées dans la

4 défense de la ville ?

5 R. Non. Les Musulmans ont été lésés de ce point de vue, absolument lésés.

6 Q. J'appelle maintenant votre attention sur le paragraphe VII, les soldats

7 du HVO, lorsqu'ils agissaient en vertu de cette décision, ont-ils

8 subordonné et coordonné leurs activités par rapport à la cellule de Crise

9 municipale telle qu'elle existait à Mostar, à l'époque ?

10 R. Je l'ai déjà dit, mais je peux le répéter. Pour être encore plus précis

11 que dès que le HVO a été organisé comme je l'ai indiqué, il a éliminé, il a

12 sapé à la base la cellule de Crise qui a cessé d'exister. Le HVO a repris

13 les prérogatives des autorités civiles.

14 Q. Avant de passer à un autre document, Monsieur le Témoin, je vous

15 demande de nous dire et cela figure en bas de la page, qui a signé ce

16 document au nom de la cellule de Crise, à l'époque ?

17 R. Je crois que ce document est authentique.

18 Q. Très bien. Monsieur, avant de passer à autre chose et puisque nous

19 parlons de qui a signé ce document, en 1992 et 1993 également, existait-il

20 un groupe de Musulmans qui, peut-être, exprimait une orientation plus

21 favorable du HVO que les autres Musulmans ?

22 R. Depuis le début de la mise en place d'une stratégie commune et depuis

23 le début de cette défense de la ville menée en commun, nous avons constaté

24 une infériorisation des Bosniens et des représentants du pouvoir musulman

25 bosnien par rapport aux responsables croates. Nous avons pu constater

26 immédiatement, en particulier, eu égard au président du SDS, M. Ismet

27 Hadziosmanovic, que les idées défendues par les Croates avaient la primauté

28 et que les Bosniens, c'est-à-dire, les Musulmans avaient tendance à

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1 s'opposer, à condamner son comportement. Il y a eu une part active dans

2 tout cela. Il a agi de façon très significative avec son entourage.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin utilise le

4 terme "Musulman" ou "Bosnien". Nous avons entendu, hier, le témoin -- le

5 témoin précédent nous dire que le terme bosnien n'a été utilisé que plus

6 tard. Donc, puisque nous entendons le témoin parle des Bosniens et des

7 Musulmans, j'aimerais savoir exactement qui d'après le témoin que nous

8 entendons, en ce moment-là, aurait subi une quelconque discrimination de la

9 part des Croates ou du HVO, car cela ne me semble pas clair puisqu'il

10 utilise le terme "Bosnien" et "Musulman," et nous parlons de 1992.

11 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je peux traiter de cette

12 question.

13 Q. Monsieur le Témoin, dans mes questions, ce matin, puisque je crois

14 savoir que vous avez une préférence pour le terme "Bosnien," j'ai, par

15 courtoisie, utilisé les deux termes, "Bosnien" et "Musulman". Mais pour le

16 compte rendu d'audience, et puisque nous nous concentrons actuellement sur

17 la période 1992, 1993, je vous demande si cela serait insultant pour vous

18 que j'utilise le terme "Musulman" -- ou plutôt, le terme "Bosnien" pour le

19 reste de votre déposition sur cette période ?

20 R. J'accepte. Je pense que ce serait préférable de façon à éviter tout

21 malentendu. Je présente à la Chambre mes excuses car ces termes que nous

22 utilisons actuellement est, en fait, "Bosnien", c'est un synonyme de

23 "Musulman" utilisé à l'époque. Les deux termes désignent la même chose.

24 Q. Merci, Monsieur.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous dites que quand on a utilisé le

26 terme "Bosnien" ou "Musulman", pour vous, c'est pareil ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est identique. C'est la même chose.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour vous, il n'y a aucune différence à faire.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de différence.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuons.

3 M. SCOTT : [interprétation]

4 Q. Monsieur, je crois me rappeler que nous étions en train de parler des

5 fonctions exercées par M. Hadziosmanovic dans cette période. Alors, ma

6 question suivante consistera à vous demander quelles étaient les fonctions

7 -- quel était le rôle de

8 M. Hadziosmanovic, à cette époque-là. Faisait-il partie du gouvernement ou

9 était-il un dirigeant d'un parti politique ? Quelles étaient exactement ses

10 fonctions ?

11 R. C'était un responsable politique de haut rang puisqu'il résidait le SDA

12 au niveau municipal et au niveau régional, de sorte que dans toute cette

13 région il exerçait un pouvoir total.

14 Q. Comment se fait-il, Monsieur, car cette question est bien les personnes

15 présentes dans ce prétoire cela pose très certainement ? Comment se fait-il

16 que ce haut responsable politique du SDA, comme vous venez de l'indiquer il

17 y a un instant, exerçait ses fonctions dans un environnement, à savoir, la

18 région de Mostar où les Musulmans étaient écartés de plus en plus du

19 pouvoir

20 semble-t-il ?

21 R. A l'issue des élections dont j'ai parlé Gagro a été élu au poste de

22 maire de la ville, c'étaient donc les élections de 1990, qui ont donné la

23 majorité des voix au SDA à la majorité des voix de la population musulmane,

24 donc, c'est à ce moment-là qu'il a été élu à son poste. Bien entendu, à

25 l'époque, personne ne savait comment chacun allait se comporter à l'avenir.

26 C'était une période assez troublée. Le pays sortait de la dictature

27 communiste. Pas mal de gens ne faisaient pas dépendre directement leurs

28 idées, leurs convictions, de tel ou tel parti national. Donc, l'idée qui

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1 prévalait c'était l'espoir que des hommes comme Hadziosmanovic issue d'un

2 milieu religieux allait exercer convenablement leur fonction de dirigeant,

3 son frère d'ailleurs Mustafa Hadziosmanovic, avait passé plusieurs années

4 dans les prisons du régime communiste. Cela donnait à penser que lui-même,

5 ainsi que les membres de sa famille, étaient favorables au valeur

6 traditionnelle et qu'ils seraient capable de relever le défit auquel nous

7 nous trouvions confronter.

8 Q. Ce n'est peut-être pas une question capitale mais puisque vous en avez

9 parlé j'aimerais un éclaircissement pour que tout soit clair au compte

10 rendu d'audience. Vous venez d'indiquer que Mustafa Hadziosmanovic avait

11 passé quelques années en prison sous le régime communiste, pour quelle

12 raison avait-il fait de la prison sous le régime communiste ?

13 R. Il avait été condamné en tant que jeune musulman. C'était la

14 dénomination du groupe dont il faisait partie, les jeunes musulmans, qui

15 ont été condamnés pour infractions idéologiques contre le système

16 communiste. Alija Izetbegovic faisait partie de ce groupe - je parle du

17 président - donc le frère d'Ismet Hadziosmanovic a fait des années de

18 prison en même temps qu'Alija Izetbegovic, et c'est sans doute en rapport

19 avec cela. Bien sûr, les gens ne connaissaient pas Ismet, ils lui ont

20 accordé une certaine estime en raison de l'appréciation positive qu'il

21 portait par rapport à son frère.

22 Q. Monsieur, revenons à M. Gagro. Il y a une question que je ne vous ai

23 pas posée, et je pense qu'il importe que je la pose, a-t-il été dit quelle

24 était l'appartenance ethnique de M. Gagro ou cela n'a-t-il pas été dit

25 encore ?

26 R. M. Gagro était Croate.

27 Q. Encore quelques petites questions, avant la pause du déjeuner,

28 Monsieur. Ce groupe -- je reprends. Le groupe qui s'est créé autour de M.

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1 Hadziosmanovic donc c'était un nouveau groupe politique, bien, ce groupe

2 était-il plus proche du HVO dans cette période 1992-1993 pour d'autres

3 groupes politiques de l'époque ?

4 R. Je connais parfaitement bien toute cette situation, nous avions de gros

5 problèmes sur le front. Quand je dis "nous", il s'agit de toutes les

6 associations musulmanes qui existaient à l'époque. Nous avions de gros

7 problèmes s'agissant concrètement de défendre les intérêts des Musulmans.

8 Nous nous sommes rendus compte d'ailleurs cela s'est manifesté de diverses

9 manières que M. Hadziosmanovic n'avait pas le courage et d'ailleurs il

10 n'avait peut-être pas non plus la volonté de représenter comme il aurait dû

11 le faire les intérêts des Musulmans, il acceptait toujours leurs

12 infériorisations de sorte que les problèmes n'ont cessé de s'accumuler sans

13 aucune solution ne soit trouvée. D'ailleurs, dans un document nous avons

14 une très bonne illustration de cette pratique.

15 Nous constatons à la lecture d'un document qu'en septembre 1992 déjà

16 M. Hadziosmanovic a demandé au HVO, que soit organisé un débat démocratique

17 pour discuter d'un certain nombre de problèmes qui faisaient obstacle à nos

18 relations, et au nombre de ces problèmes il y avait les emblèmes que

19 portaient les soldats. Il était demandé que des emblèmes communs soient mis

20 en place, et au nombre de ces problèmes il y avait également les symboles

21 publics de l'Etat, comme par exemple, les drapeaux, enfin, toute une série

22 de problèmes que je ne vais pas énumérer un par un ici, mais en tout cas il

23 était conscient du statut inférieur des Musulmans ou des Bosniens à cette

24 époque-là. Il est possible que, dans les fonctions qui étaient les siennes,

25 il ait tenté de se montrer comme quelqu'un qui s'opposait aux mesures

26 prises à l'époque, mais, dans la réalité, il collaborait en fait avec les

27 Croates.

28 M. SCOTT : [interprétation] Je vois que l'heure tourne. Nous allons passer

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1 à un autre sujet, donc, Monsieur le Président, je pense que la pause serait

2 la bienvenue.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons faire la pause parce qu'il est

4 midi et demi. Pendant ce temps-là, j'ai fait mes calculs. Normalement, nous

5 irons jusqu'à 17 heures 45, ce qui fait qu'en principe, Monsieur Scott, à

6 17 heures 45, vous aurez terminé l'interrogatoire, et comme cela, demain,

7 la Défense aura le même temps pour le contre-interrogatoire. Voilà. Nous

8 reprenons à 14 heures.

9 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 32.

10 --- L'audience est reprise à 14 heures 02.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.

12 Monsieur Scott.

13 M. SCOTT : [interprétation]

14 Q. Rebonjour, Monsieur.

15 R. Rebonjour.

16 M. SCOTT : [interprétation] Le témoin a répondu au nom de la cabine.

17 Q. Je voudrais que l'on remonte encore une fois à la période des mois

18 d'avril au mai 1992. Est-ce que vous avez participé à ce moment-là à une

19 émission de télévision qui a été diffusée de Split en Croatie ?

20 R. Personnellement, je me suis rendu en la compagnie de

21 M. Topic là-bas et j'ai pris la parole dans un programme télévisé.

22 Q. Pouvez-vous nous dire comment cela s'est fait que vous participiez à

23 une émission de télévision ?

24 R. M. Hadziosmanovic m'a dit que ce serait peut-être bien que je fasse

25 partie d'une délégation qui allait partir pour Split, une délégation mixte,

26 musulmane et croate. Les représentants des Musulmans allaient prendre la

27 parole pour parler de la politique et les Croates allaient faire de même.

28 Je devais parler de concert avec le représentant du clergé catholique. Je

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1 devais demander et lancer un appel pour qu'on fournisse de l'aide

2 humanitaire à la ville de Mostar qui était encerclée, assiégée, pendant

3 cette période de la guerre. En plus de M. Jadranko Topic, il y avait son

4 frère, Marin Topic. Je ne savais pas qui allait être présent pour ce qui

5 est des hommes politiques du côté musulman. Une fois arrivé surplace, j'ai

6 trouvé

7 M. Salahovic. C'est Ismet Hadziosmanovic, le président du SDA, qui l'a

8 chargé de parler des questions politiques. Moi et M. Luka Pavlovic, dans le

9 cadre de ce programme télévisé, comme je viens de le dire, nous devions

10 lancer un appel à l'aide humanitaire.

11 Q. Pour le compte rendu d'audience, Monsieur, pouvez-vous nous dire quel

12 est le prénom de M. Salahovic ?

13 R. M. Salahovic, Amir, c'est un avocat.

14 Q. Avez-vous accepté de prendre part à cette émission de bon gré ou bien

15 non ? Est-ce que vous pouvez nous dire comment ce qui s'est passé à vous à

16 demander d'accepter cela ?

17 R. J'ai estimé que c'était une invitation de bonne foi parce que Mostar

18 avait, effectivement, besoin d'aide. J'ai pensé que les hommes politiques

19 allaient faire leur partie du travail et que moi, avec mon collègue, je

20 ferais bien d'apparaître ensemble, avec Luka Pavlovic, qu'ils voient que

21 nous agissons de concert, main dans la main, contre l'agresseur serbo-

22 chetnik.

23 Q. Ce membre du clergé catholique, est-ce qu'il était vêtu en mesure de

24 robe ecclésiastique pendant que vous avez participé à ce programme, et vous

25 aussi ?

26 R. C'était une situation de guerre, un incident s'est même produit. Mostar

27 était encerclé et, pendant notre sortie de nuit, il est tombé de la

28 voiture. C'était une situation de guerre et il n'a pas eu le temps de bien

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1 se vêtir, mais il avait un élément qui permettait de le distinguer, de

2 comprendre clairement que c'était un membre du clergé.

3 Q. Pendant ce déplacement en route, en allant pour Split, est-ce que vous

4 avez eu des difficultés à traverser la frontière avec la Croatie ?

5 R. De manière générale, nous, les Musulmans, avons rencontré des problèmes

6 pour avoir des permis de circuler. Il fallait qu'on se procure ce document.

7 Au moment où j'y suis allé, M. Hadziosmanovic m'a donné une feuille qui

8 comportait sa signature et il m'a dit que cela allait suffire pour pouvoir

9 circuler librement puisque nous étions des partenaires, nous et les

10 Croates. Cependant, au premier barrage qui était contrôlé par le HVO, on

11 m'a fait rebrousser chemin de ce poste de contrôle et ils m'ont demandé de

12 présenter un laissez-passer émis par un HVO. Donc, il a fallu que je

13 retourne et M. Ismet Hadziosmanovic a été très en colère. Il a téléphoné a

14 quelqu'un du HVO qui, finalement, a fait en sorte que j'aie -- que

15 j'obtienne une carte d'identité me permettant de quitter Mostar.

16 Q. Lorsque ce poste de contrôle du HVO on a refusé votre laissez-passer

17 émis par M. Hadziosmanovic, est-ce qu'ils vous ont dit quelque chose

18 d'autre au sujet de ce papier ?

19 R. Il m'est difficile d'en parler, de reprendre leurs paroles, ils ont

20 réagi d'une manière plutôt brutale et en employant des termes pas très

21 convenables. Ils m'ont dit : "A quoi pouvait servir ce papier ?"

22 Q. Très bien. Finalement, vous avez participé à ce programme et, pendant

23 celui-ci, j'aimerais savoir si on a parlé des projets politiques croates ou

24 de ceux du HVO de l'époque.

25 R. Lorsque nous sommes arrivés dans le studio, j'ai vu que la situation

26 était euphorique. Les personnes présentes ont accueilli

27 M. Topic d'une manière spécifique. Je ne comprenais pas, je n'ai pas

28 compris sur le moment de quoi il s'agissait. Cependant, lorsque

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1 M. Topic a pris le micro pour s'exprimer et quand on a vu son image à

2 l'écran, le sous-titre disait qu'il était le nouveau maire de Mostar et

3 cette euphorie traduisait donc l'enthousiasme des personnes présentes à

4 Split du fait que Mostar était enfin devenue une ville croate.

5 Le journaliste, qui était responsable de ce programme, a demandé à

6 M. Topic : "Qui est votre président ?" Il a répondu, "C'est Mate Boban." Il

7 m'a demandé : "Qui est votre président ?" Je lui ai répondu : "Que mon

8 président était le président élu, M. Izetbegovic." Il y a eu un débat. Il

9 souhaitait nous faire accepter cette option, l'option prônée par le HDZ, la

10 communauté croate. On nous a même dit -- fait comprendre que Sarajevo était

11 impuissant, ne pouvait même pas faire le nécessaire pour soi-même et qu'il

12 nous valait mieux chercher nos alliances auprès du peuple croate pour y

13 trouver le salut.

14 A un moment donné, M. Marin Topic a pris part à ces conversations et

15 il a dit que notre option était la Neretva, autrement dit, la rive droite

16 occidentale, et que nous n'allions pas combattre l'agression serbe sur la

17 rive gauche. Cela a agacé

18 M. Salahovic, qui était le représentant officiel d'Ismet Hadziosmanovic, et

19 il a dit qu'il fallait qu'il corrige sa déclaration puisque M. Salahovic

20 devait bien revenir à Mostar. Mais, lorsque les gens auront entendu cette

21 déclaration, comme pourrait-il faire face à ces gens, les regarder droit

22 dans les yeux ? Si nous sommes des partenaires, il nous faut combattre pour

23 libérer toute la ville; cependant, la déclaration n'a pas été modifiée.

24 A la fin du tournage, M. Salahovic a prié -- demandé -- enfin,

25 littéralement prié à genoux, comme dans un temple, devant les "Topic" pour

26 qu'ils disent que notre objectif commun était de libérer toute la ville de

27 Mostar. Enfin, donc, libre à vous d'en tirer la conclusion sur la

28 signification de ceci.

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1 Q. En route pour Split pour participer à cette émission, est-ce que vous

2 vous attendiez à ce que ce genre de déclarations soient faites, consistant

3 à dire que Mostar était une ville croate et que tout maintenant, venait

4 d'être accompli ? Est-ce que vous saviez que ces déclarations dont vous

5 venez de parler allaient être faites ?

6 R. Je n'en ai avais aucune idée. C'était complètement nouveau pour moi,

7 une surprise.

8 Q. Monsieur, à peu près, à ce moment-là, en mai 1992, saviez-vous qu'une

9 réunion s'était tenue à Graz entre Mate Boban et Karadzic, et quelque chose

10 qu'on a appelé, l'accord de Graz était issue de cette réunion ?

11 R. Je n'étais pas au courant de cela. Ce que j'ai vu, moi-même, ce que les

12 unités de l'armée ont vécu. Cet enthousiasme pour libérer la ville. Bientôt

13 ceci me permettait de deviner que quelque chose d'important était en train

14 de se passer et qu'un accord était intervenu. Nous voyons qu'il y a eu un

15 impact.

16 Q. A peu près, à ce moment-là, avez-vous entendu dire qu'en apparence,

17 l'objet de l'accord entre M. Boban et Karadzic a été : "Que les Croates

18 allaient pouvoir disposer de tout ce qui se trouve sur la côté ouest de la

19 Neretva, les Serbes posséderaient tout. Ils reviendraient tout ce qui est

20 sur la rive est de la Neretva."

21 R. Cette déclaration de Topic est venue le confirmer. A la télévision,

22 dans un programme qui est suivi par toute la Croatie. Elle était diffusée

23 par satellite, je pense. Il a dit clairement qu'il n'entretenait rien sans

24 approbation, sans aval de leur centre à Zagreb.

25 Q. Vous-même et vos collègues musulmans et vos collaborateurs, comment

26 avez-vous compris, à l'époque, la situation, à savoir, qu'est-ce que cela

27 signifiait pour les Musulmans ?

28 R. C'est cette fameuse définition qui est devenue un lieu commun, partie

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1 intégrante de cette politique, à savoir que la rive droite allait revenir

2 aux Croates, la rive gauche, aux Serbes, tandis que les Musulmans, ils

3 allaient recevoir la Neretva. Ils leur restaient la Neretva.

4 Q. Parlons du mois de mai, juin 1992, pourriez-vous donner quelques

5 détails de plus à la Chambre au sujet de la prise de pouvoir par le HVO à

6 Mostar ? Qu'avez-vous vu ?

7 R. Par la suite, la situation a évolué. Cette politique avait ces

8 modalités. Elle était souple. Elle a su s'adapter par moment. Donc, à ce

9 moment-là, et l'option en vigueur, c'était cette division, ce partage-là

10 autour de la Neretva, mais, par la suite, les forces ont été rassemblées et

11 on a agi ensemble, le HVO et les forces musulmanes, afin de libérer la

12 ville, et ce, placer sous le commandement de M. Jasmin Jaganac. Tudjman l'a

13 envoyé à Mostar en tant que soldat croate, officier croate.

14 Mais, vraisemblablement, enfin, pas vraisemblablement, mais pour que

15 d'une certaine façon, tous les défenseurs musulmans passent dans les rangs

16 de ces Unités du HVO. On peut librement dire maintenant que c'était une

17 façon d'affaiblir la puissance de combat des Unités musulmanes; cependant,

18 l'objectif, c'était la libération, quand même. C'était une nouvelle réalité

19 de concert en agissant avec nos forces ensemble, nous avons libéré la

20 ville. Je dois néanmoins dire qu'au moment de la chute de la rive gauche,

21 au moment où ils se sont emparés de la rive gauche, l'armada chetnik et la

22 JNA, qu'à ce moment-là, avant de traverser sur la rive droite, seules les

23 Unités musulmanes y ont combattu avec de rares groupes ou d'individus qui

24 sont intervenus, qui avaient des amis dans les rangs musulmans.

25 Q. En l'espèce, il a déjà été question de la libération de Mostar.

26 Cela aurait fait par le HVO et les Croates. Est-ce que vous pouvez, s'il

27 vous plaît, dire aux Juges si les Musulmans ont pris part également à la

28 libération de Mostar ?

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1 R. Nos combattants ont combattu sur un pied d'égalité et ils avaient bien

2 plus d'enthousiasme. Ils ont participé à toutes les actions ayant pour but

3 la libération de la ville, et c'est avec un grand étonnement qu'on voit des

4 tentatives de minimiser leur rôle. On souhaitait imposer un complexe aux

5 forces musulmanes, leur faire croire qu'elles étaient dépendantes de la

6 puissance de combats croates. A ce moment-là, même il y a eu beaucoup

7 d'incidents et ces incidents révélaient à la lumière du jour ce qui était

8 planifié en secret, donc, au moment de la libération de Mostar et dans le

9 sens plus large de l'Herzégovine, il y a eu une transformation de l'idée

10 initiale enfin de l'idée de partager Mostar le long de la Neretva.

11 L'objectif était de rassembler les territoires pour les faire correspondre

12 aux territoires anciens de la banovina. Quand nous sommes arrivés ensemble

13 avec les forces croates jusqu'à ces frontières-là, ces territoires-là les

14 Croates n'ont plus voulu aller au-delà. Les Musulmans auraient souhaité

15 avancer davantage, prendre davantage de territoires, mais ils n'ont pas eu

16 d'appui de la part des Croates pour ce faire, donc c'était dû à l'accord

17 passé entre Tudjman et Milosevic.

18 Q. Pour ce qui est de la situation dans la ville de Mostar après la

19 libération est-ce que vous pouvez nous dire ce qui en est arrivé aux

20 institutions, les noms des rues ?

21 R. Toutes les institutions - la police, les tribunaux, les écoles, les

22 entreprises - se sont vues ajouter un préfixe croate. Assemblée toutes sans

23 exception. Il n'y a pas de bâtiment officiel, un bâtiment d'Etat où on

24 aurait hissé le drapeau de Bosnie-Herzégovine partout on avait le drapeau

25 de la communauté croate. Les Musulmans ont été virés des entreprises plus

26 personne ne pouvait -- aucun Musulman ne pouvait occuper des postes de

27 direction, et dans la ville il y avait profusion de drapeaux croates. J'en

28 suis témoin oculaire. Les gens se sont mis à protester contre cela. Il y a

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1 eu des garçons qui se sont mis à imprimer des drapeaux avec le lys, la

2 fleur de lys. Mais il y a eu une résistance violente de la part de l'armée

3 et de la police. Au moment où la ville a été libérée, grâce comme un effort

4 à différents endroits où les forces serbes ont été chassées, bien, les

5 Croates n'acceptaient pas que ce soit le drapeau de Bosnie-Herzégovine qui

6 soit érigé. Ils acceptaient les drapeaux religieux. Je sais qu'à ce moment-

7 là, dans toutes les mosquées où qu'on ait un drapeau avec le croissant et

8 l'étoile sur fond vert, bien, que nos jeunes hommes venaient -- ils sont

9 venus tous ramasser tout cela parce qu'ils se sont rendus compte qu'en

10 fait, les Croates hissaient leur drapeau partout et se donnaient à penser

11 que ce n'était pas les Musulmans qui avaient libéré le territoire en

12 question, et aussi les Musulmans se sont rendus compte qu'ils ne nous

13 reconnaissaient qu'en tant que communauté religieuse et minoritaire mais

14 non pas en tant que peuple.

15 Q. Pour que le compte rendu d'audience soit clair. Lorsque vous parlez du

16 drapeau avec la fleur de lys c'est le drapeau de l'Etat de Bosnie-

17 Herzégovine.

18 R. Oui.

19 Q. Qu'en est-il du nom du bureau de poste de Mostar ?

20 R. Je vous ai déjà dit la poste a été rebaptisé poste croate et toutes les

21 autres institutions se sont vues ajouter ce préfixe croate. Absolument

22 toutes.

23 A l'époque, si je puis ajouter quelque chose. Un petit peu d'humour. Nous

24 on se disait il ne reste plus que l'air. Comment vont-ils s'y prendre pour

25 dire que l'air que nous respirons est lui aussi croate ?

26 Q. Pourriez-vous nous relater ce qui s'est passé vers cette période-là,

27 s'agissant des cursus scolaires, des programmes scolaires, de l'éducation,

28 dans quelle mesure ceci a été touché aussi par ces modifications ?

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1 R. Bien entendu, ceci a eu un effet sur le système éducatif sur tous les

2 domaines de la vie, sur le domaine de la santé notamment où les Bosniens,

3 Musulmans avaient été délogés de leurs fonctions, mise à pied. Il fallait

4 faire serment d'allégeance à la communauté d'Herceg-Bosna si on voulait

5 garder son emploi dans un hôpital, dans un service quel qu'il soit. Ce

6 n'était pas tellement visible, tellement publique, mais on avait tenté

7 d'imposer la langue croate aux Musulmans, comme étant leur langue

8 officielle, mais ceci a provoqué de très vives résistances de la part des

9 enseignants, des enfants, de leurs parents. Bien entendu, inutile de le

10 préciser de la part des associations musulmanes parce que les rapports, les

11 bulletins qu'on recevait, les diplômes qu'on recevait en fin d'études, en

12 règle générale, c'était obligatoire, ils étaient rédigés en langue croate

13 pour tous les enfants. Ce que nous refusions d'accepter. Les certificats,

14 des livres, les diplômes avaient aussi au bas un symbole croate. Je ne sais

15 pas si vous voulez le montrer à l'écran, et c'était une preuve de cette

16 réalité.

17 M. SCOTT : [interprétation] Je vais demander que la pièce

18 P 09492 soit affichée à l'écran. Merci.

19 Q. Vous voyez ce qui apparaît à l'écran, Monsieur ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que c'est un certificat, un rapport, un certificat, le genre de

22 certificat dont vous venez de parler ?

23 R. Oui, en fait, effectivement c'est une copie d'un de ces certificats,

24 exactement. On voit très clairement en haut. Il est

25 dit : "Communauté de Bosnie-Herzégovine, communauté croate d'Herceg-Bosna."

26 Mais vous voyez qu'on a dans le cursus scolaire, en première place la

27 langue croate. Ici, vous avez comme élève Muamer Omerika, fils d'Adem. La

28 première matière enseignée c'est la langue croate, langue qui lui est

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1 enseignée contre son gré, et ceci est contraire à notre liberté de choix.

2 On peut choisir le nom de sa langue, la langue qu'on veut parler et,

3 effectivement, aussi, c'est contre le principe de la ségrégation dans les

4 écoles. En bas, vous voyez -- ou en filigrane, vous voyez le signe du

5 damier qui était celui de la communauté croate d'Herceg-Bosna qu'on voyait

6 partout.

7 Q. Est-ce que des certificats, ce genre de formulaire, se trouvaient aussi

8 -- étaient disponibles dans les écoles, ou, par exemple, au lieu du damier

9 croate, est-ce qu'on avait dans toute l'Herceg-Bosna ou dans le

10 gouvernement du HVO les symboles de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ?

11 M. KOVACIC : [interprétation] Je ne voulais pas interrompre mon collègue,

12 je répugne à le faire; cependant, le témoin n'a pas -- ou s'en sont-ils

13 parlés -- n'a pas été tout à fait montré à l'écran. Je voulais tout

14 simplement le relever. Est-ce qu'on peut montrer le bas du document de

15 façon à ce que nous voyons toutes les matières parce qu'en fait, on a vu la

16 première ligne, mais on n'a pas vraiment vu ce dont parlait le témoin.

17 M. SCOTT : [interprétation] C'est plutôt le contraire, il commence en

18 lisant les deux premières lignes et pas la première ligne. La première

19 ligne elle dit République de Bosnie-Herzégovine, la toute première ligne.

20 Q. Je ne sais pas si c'est une question ou un commentaire que vous

21 formulez.

22 M. KOVACIC : [interprétation] Désolé, mon cher confrère. Le témoin lisait

23 ce qu'il voyait et tout ce qu'il a vu c'est Communauté croate d'Herceg-

24 Bosna, sans voir la toute première ligne du document.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, le témoin peut peut-être nous donner une

26 explication sur le fait que ce document porte en premier République de

27 Bosnie-Herzégovine. Quelle explication peut-il nous apporter ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai bien dit République de Bosnie-

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1 Herzégovine.

2 M. SCOTT : [interprétation] Page 186, ligne 1, voici ce qu'il dit : "On

3 voit, en haut, République de Bosnie-Herzégovine, Communauté croate Herceg-

4 Bosna." Je pense qu'il y a sans doute une méprise.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.

6 M. SCOTT : [interprétation]

7 Q. Pourriez-vous nous dire, Monsieur, si dans le cadre de ces questions,

8 la question de la langue, la question du programme, est-ce que vous avez

9 soumis ces questions à des dirigeants du gouvernement du HVO, aux

10 structures du HVO ?

11 R. Nous avions des contacts permanents, nous étions constamment en contact

12 et quand je dis de -- je parle de "nous", je dis qu'il y avait des

13 représentants de nos politiques qui étaient les nôtres et les gens de

14 l'institut de pédagogie pour parler des carences que pouvait présenter ce

15 système éducatif et des mauvaises pratiques car, en fait, il y avait eu une

16 prise en main, une main mise complète sur ces programmes scolaires et on

17 appliquait le contenu de ce qui était enseigné en République de Croatie,

18 mais ceci était en vain. C'est pour cela qu'il y a eu un boycott de l'école

19 par les élèves et aussi par les enseignants. Ce boycott a duré 15 jours

20 parce qu'ils voulaient éviter effectivement ce genre de chose, éviter que

21 les rapports scolaires de nos enfants précisent qu'on leur enseignait la

22 langue croate, mais personne n'a fait attention à la question.

23 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de rencontrer Jadran Topic et Jadranko

24 Prlic ?

25 R. Nous avons eu plusieurs réunions avec M. Topic et je vous l'ai déjà

26 dit, nous avons également rencontré tout représentant, mais c'était comme

27 si on parlait à un sourd ou à un mur, ce fut une tentative futile. M. Zijad

28 Demirovic, le représentant du SDA, a organisé une réunion avec M. Prlic et

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1 aussi avec M. Filipovic. Moi aussi, j'étais présent à cette réunion. Notre

2 intention, c'était de soumettre la question à une personne qui pourrait

3 montrer une certaine compréhension envers nous, envers notre façon de voir

4 les choses, quand on pense à la nationalité, à l'identité, toute la

5 question identitaire. M. Demirovic a organisé cette réunion.

6 M. Sefko Tinjak et M. Adem Omerika étaient également présents et une

7 discussion qui s'est ainsi engagée sur ces idées. Mais

8 M. Prlic n'a pas compris, n'a pas saisi la nature de notre demande, ou

9 plutôt il nous a dit ceci : "Ma langue aussi, c'est la langue bosniaque."

10 J'ai rétorqué : "Alors, pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas appelé

11 langue bosniaque, pourquoi l'appeler langue croate, alors que vous meniez

12 le droit, un droit qui me donnait en tout légalité de donner à ma langue

13 maternelle le nom que je veux. C'est une question de libre arbitre, il ne

14 devrait pas y avoir de contraintes." Il a alors répondu qu'on pouvait

15 l'appeler langue musulmane, mais pas bosniaque. Nous avons pensé qu'il

16 avait une espèce de complot ou de stratagème, parce qu'il n'y a pas de

17 langues musulmanes. Il y a bien sûr la langue de la liturgie, la langue de

18 la prière, pour nous c'est l'arabe, mais ce sera le latin pour l'église

19 catholique. Nous voulions avoir ce qu'avait d'autres nations, donc, un nom

20 pour leur nation et un nom pour leur langue.

21 Q. Il y avait des changements qui intervenaient dans ce qu'on appelle

22 l'école primaire ou élémentaire ou l'école secondaire, avant l'enseignement

23 supérieur. Est-ce que vous avez constaté que des modifications similaires

24 étaient apportées à l'enseignement supérieur, notamment, à l'université de

25 Mostar ?

26 R. C'était exactement la même chose, la même chose à l'identique qui se

27 passait à l'université. En fait, on a retiré les cours de l'université de

28 Mostar pour qu'ils soient donnés à Siroki Brijeg ou à Neum, donc, dans

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1 d'autres villes que Mostar, on a changé les cursus universitaires. On a

2 modifié aussi la structure, la hiérarchie administrative, il y a eu ce

3 qu'on a appelé la "croatisation" de l'université parce que c'était un

4 critère permettant à quelqu'un d'être nommé. S'il y avait un Musulman qui

5 quelque part adoptait ou affichait une attitude de soumission à l'égard des

6 Croates, effectivement, eux avaient un poste et ceux qui étaient des

7 partisans actifs et manifestes de nos idées, et eux étaient dénués de leur

8 fonction.

9 Q. Pourriez-vous dire au Juge si Jadranko Prlic a eu un rôle quelconque

10 dans ces événements qui sont survenus dans ces modifications apportées à

11 l'université de Mostar ?

12 R. Il devait forcément avoir un rôle, puisque d'abord il était professeur

13 d'université et puis c'était un protagoniste actif sur la scène politique,

14 parce que c'était un membre important du HDZ. Il avait donc un effet sur

15 tous les événements politiques qui se parlaient et aussi, en particulier,

16 sur les rapports entre Musulmans et Croates.

17 Q. Comment s'appelait l'université, à l'époque ? Est-ce que son nom a

18 changé ?

19 R. Non, pas à ce moment-là.

20 Q. Est-ce que le nom a changé plus tard ? Pourriez-vous nous dire quand

21 cette modification est intervenue ?

22 R. Il y a eu conflit, un affrontement ouvert, ou plutôt lorsqu'il y a

23 comme un -- s'il y a des attaques de l'armée de la Croatie, du HVO sur

24 Mostar, on peut dire aussi, en Bosnie-Herzégovine, quand cela s'est passé,

25 tout le personnel, toutes les ressources ont été chassées de la rive ouest

26 et dans les bâtiments ainsi vidés de leurs occupants, on a constitué une

27 université croate. Les intellectuels, les enseignants, les professeurs ont

28 tous simplement été évincés, chassés de l'université. Toute cette

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1 infrastructure était devenue un butin de guerre qui est utilisé par faire

2 une université croate. Alors que les Musulmans ont du établir, créer de

3 rien, leur propre université et ce qu'ils ont bien fait. Effectivement, les

4 Musulmans ont bien créé une nouvelle université. D'après mes

5 renseignements, en fait, ils sont en train de poursuivre en justice les

6 autorités croates pour avoir usurpé ces locaux, les lieux où il y avait

7 auparavant, conjointement des cours universitaires.

8 Q. Comment s'appelait l'université avant la prise de pouvoir par les

9 Croates ?

10 R. C'était l'université Dzemal Bijedic.

11 Q. Elle portait ce nom depuis combien de temps, à peu près ?

12 R. 30 ans, je pense qu'on fête le trentième anniversaire, cette année.

13 Q. Comment s'est appelée l'université après la prise de pouvoir par le

14 HVO ?

15 R. C'est devenu ce qu'on a appelé l'université croate. C'était son nom.

16 Q. Alors que se déroulent ces événements, les dirigeants de la communauté

17 musulmane essayaient-ils de réagir, de protester face à ces nombreux

18 changements que vous nous avez relatés, cet après-midi ?

19 R. Ce fut des réactions un peu faibles parce que ceci n'a pas entraîné de

20 changements. Puisqu'au fond, la situation perdurait. Comment dire ? C'était

21 un peu l'enlisement, le marasme, rien n'a changé. En fait, la partie croate

22 a vraiment insisté pour maintenir ces programmes et pour les voir se

23 réaliser.

24 Q. Peut-on montrer au témoin la pièce P 00318 ?

25 Lorsque vous aurez parcouru ce document, pourriez-vous dire aux Juges

26 ce qu'il représente ? D'après vous, quelles sont les circonstances qui ont

27 fait que ce document a été rédigé et transmis ?

28 R. En fait, c'est peut-être un cercle vicieux. Il était impossible d'en

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1 sortir. C'est vrai, pas seulement pour l'enseignement. C'était vrai pour

2 tout accord tel qu'il soit. Nous voyons, ceci étant dit, à la lecture de ce

3 document que les Musulmans, ils ont cherché à engager un dialogue, un

4 dialogue de fond, afin de chercher une solution à ces questions, une

5 solution efficace. Ceci porte sur la question de l'information de

6 l'université, des unités militaires, de la participation à des activités

7 économiques. On parle de la question des ressources. On dit simplement que

8 les Musulmans n'ont aucune possibilité d'avoir accès, d'accéder à tout

9 ceci. Donc, il y a une montée d'attention politique. On menace ici que cela

10 débouche sur un conflit ouvert. Si ce document a été rédigé, c'est pour

11 tenter de l'éviter, justement, ce genre de cas de figure.

12 Q. Est-ce qu'il serait possible pour avoir une idée plus globale de la

13 teneur de ce document, de voir aussi la page 2, en anglais, s'il vous

14 plaît ?

15 Prenons un exemple, deuxième paragraphe qui commence, tout du moins en

16 anglais, à la page 2. On parle des rapports existants ou établis. C'est

17 l'article ou le chapitre 1. On dit : "Les relations établies jusqu'à

18 présent pour ce qui est de l'exécution des actions de guerre et des succès

19 obtenus contre l'ennemi nous forcent à déterminer nos rapports de façon à

20 permettre une coexistence permanente, une cohabitation permanente des

21 Musulmans et des Croates dans ces régions ?"

22 Est-ce que vous voyez ce passage ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous nous dites que pendant tout ce temps, les Musulmans ont

25 essayé de trouver un moyen, des moyens de parvenir à la cohabitation, à la

26 coexistence avec les Croates ?

27 R. C'est exact. En effet, nous n'avons eu de cesse d'essayer sans répit,

28 même en acceptant dans une certaine mesure l'humiliation des traitements,

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1 de toute façon, tout à fait, humiliants au cours de ces négociations. Si

2 nous avons accepté tout cela, c'est simplement pour parvenir à une

3 solution.

4 Q. Dans le programme suivant, il fait référence au fait qu'il n'y aura pas

5 d'accord pendant les pourparlers. Est-ce que vous vous souvenez des

6 pourparlers et des négociations qui sont mentionnés ici ? Nous sommes, à ce

7 moment-là, au mois de juillet 1992.

8 R. Pendant cette période, puisque Mostar était une ville libérée ainsi que

9 le secteur autour de Mostar, les environs immédiats. Donc, les institutions

10 devaient se mettre à fonctionner. Elles devaient connaître une nouvelle

11 dynamique. Mais les Musulmans ont demandé qu'il y ait une alliance passée

12 entre eux et les Croates qu'ils continuent de libérer le reste du

13 territoire de Bosnie-Herzégovine; cependant, il n'en était pas question du

14 côté croate. Tout simplement, ils venaient d'obtenir ce qu'ils avaient

15 souhaité et il était hors de question qu'ils poursuivent le processus de

16 libération du territoire. Bien entendu, il y a eu tous ces problèmes au

17 sujet de l'université, au sujet de l'emploi des experts bosniens,

18 musulmans, dans les domaines qui étaient leurs domaines de compétence où

19 ils pouvaient faire un travail de qualité, parce que, pour la nomenclature

20 croate, il fallait d'abord être de bonne appartenance et ce n'était pas les

21 qualifications qui étaient le critère décisif.

22 Q. J'aimerais évoquer d'autres aspects de ce document, mais n'ayant pas de

23 temps, je vais me contenter de vous demander de prendre le bas de

24 l'original en B/C/S. Pourriez-vous aider les Juges sur ce point ? C'est une

25 copie qui n'est sans doute pas très lisible. Mais pourriez-vous donner le

26 nom des trois, les quatre, pardon, les quatre individus et organisations

27 qui ont signé et apposé leur sceau à ce document ?

28 R. Bien, vous avez d'abord le premier tampon c'est celui du SDA, Parti

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1 d'Action démocratique. La signature est celle d'Ismet Hadziosmanovic.

2 Deuxième, communauté islamique et vous avez ma signature.

3 Troisième cachet, c'est celui de la communauté culturelle des

4 Musulmans, Preporod de "Renaissance", et la signature est celle de Mira

5 Rajic [phon].

6 Quatrième, vous avez Merhamet, vous savez que c'est une association

7 caritative musulmane avec Sahovic, Izet pour président.

8 Q. On me dit que ou tout du moins dans le compte rendu le nom de la

9 troisième personne n'a pas été épelé correctement. Pourriez-vous nous

10 donner le nom de cette troisième personne du troisième signataire de ce

11 document ?

12 R. Miro Mahmutcehajic, donc, Miralem, le raccourci c'est Miro,

13 Mahmutcehajic.

14 Q. Est-il possible de voir maintenant la pièce P --

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question à poser. Ce document que vous avez

16 signé puisque vous nous dites que sur le tampon numéro 2 il y a votre

17 signature. C'est un document qui organise les relations entre les Croates

18 et les Musulmans. D'après ce que j'ai entendu, les quatre signataires aucun

19 n'est Croate. Comment établir un document organisant des relations entre

20 deux parties alors qu'on a que des signataires provenant d'une seule

21 partie ? Pouvez-vous m'éclairer sur ce point ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que ce sont en fait

23 des questions simples. Les signatures que vous voyez ici sont les

24 signatures d'associations musulmanes. Vous avez celle du principal parti

25 politique musulman, le SDA, vous avez la communauté islamique, vous avez la

26 société culturelle Preporod puis vous avez cette association caritative.

27 C'est l'équivalent de la Caritas, Si vous voulez, Merhamet, association

28 musulmane. Donc, c'est une ensemble d'associations qui présentent leurs

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1 perceptions des choses à la contrepartie croate afin - pour examen si vous

2 voulez, afin de surmonter tous ces problèmes qui s'étaient accumulés,

3 notamment, en matière de secours humanitaires du fait des convois avaient

4 été interceptés, pour voir le fonctionnement des associations culturelles

5 musulmanes. On essayait de voir ou vous voyez que les activités des médias

6 étaient restreintes et il y avait aussi restriction de liberté de

7 mouvement. On l'a vu aux barrages routiers, aux postes de contrôle où nous

8 devions présenter nos pièces d'identité. Pour nous, c'était quelque chose

9 d'humiliante. On nous empêchait le passage, de franchir souvent ces postes

10 de contrôle. Puis, vous avez le chef du parti Ismet Hadziosmanovic qui a

11 toujours été de notre côté car il ne pouvait pas contester le -- que

12 c'était la défaite qui rendait difficile nos relations.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : -- les Croates, qu'est-ce qui ont fait de ce

14 document ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Rien a changé. Rien du tout. Ceci a été

16 ignoré. Ils ont fait pi de ce document.

17 M. SCOTT : [interprétation] Avant de continuer, il est peut-être utile de

18 voir le haut du document en B/C/S. Tout en haut. On a quelques phrases. Je

19 ne parle pas du titre même mais de ces quelques lignes des trois premières

20 lignes tout en haut.

21 Q. Est-ce que vous pourriez nous en donner lecture et les interprètes vont

22 nous aider et nous expliquer ce que ceci dit ? Ce texte figure tout en

23 haut.

24 R. Vous vous attendez à ce que je le fasse. Excusez-moi. "En se fondant

25 sur la plateforme de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine,

26 en situations de guerre, et en partant de la plateforme pour l'Unité de la

27 Défense de la souveraineté et de l'étaticité [phon] de Bosnie-Herzégovine,

28 et eu égard à la protection de la position occupée par les Musulmans à

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1 Mostar en Herzégovine, nous identifions les bases selon lesquelles il

2 convient de régler les relations politiques actuelles entre les Croates et

3 les Musulmans."

4 M. SCOTT : [interprétation] P 00374. Est-ce qu'on peut montrer cette pièce,

5 s'il vous plaît ?

6 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de quelle nature est ce

7 document ?

8 R. Sur la base de ce que nous venons de voir, la plate-forme, afin de

9 régler sur des bases de scène les relations entre les Musulmans et les

10 Croates et également pour protéger les intérêts des Musulmans, nous sommes

11 actifs sans arrêt afin de promouvoir l'harmonisation des relations entre

12 les Musulmans et les Croates. Par conséquent, nous avons rédigé cette

13 résolution-ci, la résolution des Musulmans d'Herzégovine. Elle définit nos

14 positions, notre réflexion qui porte sur notre co-existence; nous donnons

15 des lignes directrices aux combattants, leur montrant comment il faut

16 qu'ils combattent avec honneur, qu'ils ne tirent pas profit d'une situation

17 de guerre pour enfreindre un honneur. Les Musulmans prônent une République

18 souveraine de Bosnie-Herzégovine où tous les citoyens seraient placés sur

19 un pied d'égalité, conformément aux conventions internationalement

20 reconnues. Tous les citoyens de Bosnie-Herzégovine, tous les hommes se

21 verraient reconnaître cela et on condamne, bien entendu, les massacres :

22 des exemples déjà constatés de massacres, de mauvais traitements, de

23 persécutions des gens sur les bases d'appartenance ethnique et religieuse

24 et on en a été témoin à Mostar même.

25 Q. Très bien, Monsieur. Je pense que les Juges de la Chambre connaissent

26 déjà ce document, je ne voulais pas passer trop de temps là-dessus, je

27 voulais simplement que l'on sache si vous aussi vous avez pris part à la

28 rédaction de ce document.

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1 R. J'ai joué un rôle actif dans la rédaction de cette résolution.

2 Q. J'aurais besoin de l'aide de Mme l'Huissière, P 00375, s'il vous plaît.

3 Si vous l'avez, Monsieur, je vous invite à examiner le document pour voir

4 de quoi il s'agit. Pouvez-vous dire à la Chambre ce que vous en savez, de

5 ce qui est repris dans ce document ?

6 R. Je ne voudrais pas vous faire perdre de temps en le lisant, mais ce

7 document, il dit que les réfugiés qui avaient été pris en charge dans

8 différents endroits de la ville de Mostar, qu'ils se sont vus annuler leur

9 statut de réfugié. On dit qu'on est en train de préparer leur transport

10 vers des zones "musulmanes", mais sans leur avoir demandé leur avis. Ce qui

11 correspond à ce concept politique qui consiste à vouloir créer, créer de

12 manière violente les provinces ethniquement pures, et bien entendu ceci

13 n'était pas faisable sans affliger des souffrances et hélas, sans qu'on ne

14 verse du sang.

15 Q. Monsieur, vous venez de dire qu'il s'agit là de réfugiés, excusez-moi

16 un instant. Vous avez dit : "Il s'agit de réfugiés et on était en train de

17 les préparer pour les transporter dans les zones qui étaient manifestement

18 des zones musulmanes." Qui sont ces réfugiés qui allaient être

19 transportés ?

20 R. On était en train de préparer les transports. Cela concerne les

21 Musulmans qui avaient été expulsés d'Herzégovine orientale par des unités

22 monténégrines et qui se sont placés temporairement à Mostar, de Nevesinje,

23 de Gracko, de Bileca, de Trebinje. On allait les transporter à Zenica, qui

24 est une ville de Bosnie centrale à majorité musulmane. J'ai pris part à

25 cela avec mes collègues de notre association caritative, Merhamet, qui

26 avait pris en charge ces réfugiés. On est allé voir les représentants du

27 HCR de Split, on leur a demandé d'intervenir au profit de ces réfugiés.

28 Ils sont arrivés et ils ont retardé l'exécution de cette intention,

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1 de ce transfert mal intentionné, de ces gens qui étaient déjà victimes d'un

2 premier exode. Tout ceci correspond à ce concept de territoires

3 ethniquement purs, donc, pour un Musulman de Mostar, il fallait qu'il

4 commence à se préparer psychologiquement à cela, que ce fût cela qui les

5 attendait, ou il fallait qu'ils se plient aux autorités du HVO pour se

6 maintenir là où ils étaient.

7 Q. En août 1992, au moment où on a rédigé ce document, comme on le voit au

8 bas du document, alors, est-ce qu'il y avait aussi des réfugiés croates qui

9 arrivaient à Mostar de différents endroits de Bosnie-Herzégovine ?

10 R. Heureusement, que vous venez de me rafraîchir la mémoire, c'était il y

11 a longtemps et bien entendu on ne peut pas garder tous les détails en

12 mémoire, mais les Serbes avaient quitté Mostar sur directive parce que cela

13 faisait l'objet d'accords. Il y avait beaucoup de logements vides et ces

14 réfugiés qui sont arrivés dans la majorité des cas, ils se sont installés

15 dans ces appartements vides. Cependant, les objectifs de la politique

16 croate étaient différents, à savoir, de Bosnie centrale et d'autres régions

17 de Bosnie-Herzégovine, ils souhaitaient déplacer la population croate pour

18 la concentrer dans ces zones-là où ils souhaitaient avoir le dessus. C'est

19 ce fameux concept de déplacement humanitaire, mais enfin on voit bien dans

20 quelle mesure c'est humanitaire lorsqu'on force les gens contre leur gré à

21 quitter leur terre natale pour aller se rendre ailleurs, dans une région

22 qui leur est étrangère.

23 Q. Je vais vous poser une question directe, Monsieur. Cette proposition a

24 été formulée afin de transporter les réfugiés musulmans pour Zenica; est-ce

25 qu'il y a eu l'équivalent concernant les réfugiés croates pour les

26 transporter vers une autre localité de Mostar ?

27 R. Je n'ai pas entendu parler d'une telle idée, absolument pas.

28 Q. Il me semble que plus tôt, aujourd'hui, vous avez parlé de quelque

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1 chose tout au long de l'année 1992, un grand nombre de Musulmans ont

2 continué d'agir dans les rangs des unités militaires du HVO; est-ce exact ?

3 R. Il y en avait beaucoup, un grand nombre, parce que, d'une certaine

4 façon, ils y étaient privilégiés vu leurs soldes, vu les colis qu'ils

5 recevaient, ils étaient pris en charge. L'armée de Bosnie-Herzégovine, où

6 il y avait des Musulmans, bien entendu, elle manquait à la fois d'armement

7 et d'équipement, et elle n'avait pas non plus de rémunération.

8 Q. Pourriez-vous dire aux Juges, s'il vous plaît, si les membres musulmans

9 du HVO ont jamais proposé un insigne qui aurait réuni les symboles croates

10 et musulmans ?

11 R. D'emblée. Des les premiers instants où on a créé l'armée et le HVO,

12 depuis les premières unités créées, c'est un problème qui s'est posé. Tout

13 simplement, entre guillemets, c'est musulman, l'armée n'arrivait pas à

14 comprendre. D'ailleurs, personne d'entre nous n'arrivait à comprendre que

15 ces insignes avaient une telle importance. C'était le combat commun qui

16 nous semblait le plus important contre l'agresseur commun. Mais la partie

17 croate a adopté les insignes, les symboles croates. Pour tous les moyens,

18 elle essayait d'empêcher la création de l'armée. Elle voulait que tout

19 reste au sein du HVO.

20 Q. A-t-on jamais créé cet insigne qui aurait réuni les symboles croates ou

21 du HVO et d'autres parts, de l'ABiH ? Je me corrige, je n'aurais pas dû

22 parler de l'armée musulmane.

23 R. Les gens proposaient cet emblème, ces insignes, mais cela n'a pas porté

24 de fruit. Dès le départ, ils ont souhaité que l'armée se mette au service

25 du HVO et qu'il n'y a aucune organisation militaire du côté musulman. D'une

26 part, ils ont toléré certaines choses mais d'autres parts, par tous les

27 moyens, ils essayaient de réduire ces forces, de les ramener au stricte

28 minimum, voire même, de les anéantir, les éliminer.

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1 Q. Monsieur, les forces armées du HVO, pour autant que vous le sachiez,

2 ont-elles jamais accepté d'utiliser l'emblème, l'insigne qui, réunissaient

3 les symboles de la Croatie ou de la Herceg-Bosna et les symboles de l'Etat

4 de Bosnie-Herzégovine ?

5 R. Je sais exactement qu'à un moment donné, on s'était mis d'accord sur ce

6 symbole, malheureusement, cet accord n'a jamais été mis en œuvre. C'était

7 après les accords de Dayton, de Washington et après la réunification de la

8 composante militaire, ce n'est qu'à ce moment-là, donc, qu'aujourd'hui, que

9 c'est quelque chose qui a été mise en œuvre.

10 Q. Pièce P 00477, s'il vous plaît. Le voyez-vous, Monsieur ? Pouvez-vous

11 dire aux Juges de quoi il s'agit ? C'est un document qui est daté du 14

12 septembre 1992.

13 R. Mais c'est ce dont nous venons de parler à l'instant. Donc, c'est le

14 mois de septembre, le 14 septembre 1992. Dans ce document, on est toujours

15 en train de discuter des symboles communs au sein de l'armée. Vous pouvez

16 le voir. Vous le voyez dans la suite du texte. Donc, on en est encore à

17 discuter de l'adoption des insignes communs à l'armée et au HVO, et aussi

18 la partie musulmane demande qu'il y ait un engagement commun du HVO et de

19 l'armée musulmane afin d'entreprendre la libération finale. C'est vers la

20 fin du document. J'en connais la teneur. Libération du territoire de

21 Bosnie-Herzégovine. Voici, précisément ici, il est dit : "Qu'il convient

22 d'écarter, de surmonter toute une série d'erreurs qui apparaissent

23 systématiquement et que c'est une condition préalable à tout entretien pour

24 parler de la démocratie à l'avenir." Voyez-vous, cela a été signé par M.

25 Ismet Hadziosmanovic. Il estime qu'il est justifié et que le HVO lève ses

26 barrières, écarte ces entraves qu'il n'arrête pas de poser devant l'armée

27 musulmane.

28 Voyez-vous, au point 1, il est dit et on le lit clairement : "Grâce à

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1 l'emploi des forces armées communes --"

2 Q. Je vais vous interrompre un instant puisque tout à chacun dans ce

3 prétoire peut prendre connaissance de la totalité du document. A présent,

4 je voudrais montrer la page 2, de la version anglaise. Je me demande si on

5 peut voir cela. Un instant, un instant, s'il vous plaît, Monsieur.

6 R. [aucune interprétation]

7 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous me montrer

8 la page 3 de la version anglaise ? En bas de la page 4, s'il vous plaît.

9 Q. En bas de la page, n'est-ce pas, Monsieur, l'on voit 15 paragraphes

10 énumérés qui font part des différentes préoccupations; est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous voyez la dernière page, Monsieur ? La page où l'on voit

13 la signature, peut-être que le Greffier d'audience pourrait nous montrer

14 cela.

15 R. Je le vois. C'est le président du Conseil régional du SDA, le Dr Ismet

16 Hadziosmanovic.

17 Q. Un instant, s'il vous plaît, j'attends que la version anglaise

18 s'affiche.

19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais nous n'avons pas

20 la version anglaise.

21 M. SCOTT : [interprétation] Vous voulez dire en copie papier -- copie sur

22 papier ?

23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pensais que nous allions le voir

24 à l'écran.

25 M. SCOTT : [interprétation] Je pense qu'on va le voir là.

26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pas sur le mien.

27 M. SCOTT : [interprétation] Désolé.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais continuez.

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1 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge Trechsel.

2 Q. Je pense que vous nous aviez déjà dit que c'est

3 M. Hadziosmanovic qui a apposé sa signature sur cette page.

4 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, je n'aime pas interrompre, mais

5 il n'y a pas de signature sur ce document et même si on va jusqu'à la

6 première page, Monsieur le Président, en anglais, il est dit "copie", mais

7 c'est autre chose.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- et à votre remarque, si cela se trouve, c'est

9 certainement un fax.

10 Monsieur Scott, l'origine de ce document. Il n'y a pas de signature.

11 M. SCOTT : [interprétation] Vous avez parfaitement raison, Monsieur. J'ai

12 fait une erreur lorsque j'ai parlé de signature. J'aurais dû parler de nom,

13 nom d'un tel. Le nom de M. Hadziosmanovic apparaît ici. C'est de cela que

14 le témoin a parlé, il y a un instant. Donc, quelle est la source de ce

15 document ? C'est ce témoin, Monsieur Stakic, qui nous a fourni le document.

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, il faudrait que

17 l'on traduise la toute première partie. Il est dit "copie" en anglais et on

18 vient de me dire que ce n'est pas ce qui figure en B/C/S.

19 M. SCOTT : [interprétation] Je vais demander au témoin de nous aider.

20 Q. Monsieur Smajkic, est-ce que vous pouvez examiner la première page de

21 la version originale en B/C/S, vous avez ce document à l'écran ? En haut, à

22 droite de l'entête, est-ce que vous voyez un mot écrit ici

23 R. [inaudible].

24 L'INTERPRÈTE : L'interprète note qu'il est écrit p-r-e-p-i-s.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] Une copie, c'est une photocopie ou est-ce

26 que cela a été dactylographié -- enfin, recopié.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur, comme c'est vous qui avez fourni ce

28 document, comment l'avez-vous eu ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un document, là, encore, où nous les

2 intellectuels, les hommes réunis au sein de ces associations, nous avons

3 tenu une réunion avec M. Hadziosmanovic. J'étais présent car il y avait un

4 point à l'ordre du jour. Vous verrez, l'avant-dernier point dit qu'il

5 s'agit d'assurer la libre circulation des religieux au moment où ils

6 assurent le rite et cela a été notre remarque à l'adresse de M.

7 Hadziosmanovic. Cela s'est passé dans son bureau. Plusieurs associations

8 étaient représentées et il a accepté cela et sous forme de cette lettre il

9 a cherché à s'adresser à toutes les organisations de la communauté croate

10 d'Herceg-Bosna pour s'exprimer au sujet de tous les points qui sont évoqués

11 ici. Aucun des points n'est contestable ici.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- de la Défense qui était d'une autre nature. On

13 perd du temps. Mais autant éclairer le débat. Me Karnavas faisait ressortir

14 le fait qu'il s'agit d'une copie. Alors, pouvez-vous nous indiquer que

15 l'original de cette lettre signée par Ismet Hadziosmanovic a été envoyé au

16 président du HDZ, personnellement, puisque c'est marqué personnellement, et

17 que les copies non signées a été adressé à toutes autres personnes. Est-ce

18 que c'est comme cela que l'on répond à la question de la copie ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est exact. J'ai reçu de la part

20 de M. Ismet ceci sans signature et il a adressé sa lettre aux différentes

21 adresses avec sa signature.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Un juriste consciencieux aurait dû se rendre compte

23 de cette solution évidente.

24 Continuez, Monsieur Scott.

25 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

26 Q. Avant de commencer j'allais poser une question au témoin. Pour ce qui

27 est des personnes en bas à gauche sur ce document des noms qui y figurent.

28 Est-ce que pour autant que vous le sachiez toutes ces personnes ont reçu

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1 une copie de la lettre ?

2 M. KARNAVAS : [interprétation] Non. Objection. Le témoin peut nous dire si

3 les noms ou non figurent sur le papier mais il ne peut pas savoir s'ils ont

4 reçu leurs exemplaires.

5 M. SCOTT : [interprétation] Peut-être qu'il l'a fait peut-être que non.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : On perd du temps inutilement.

7 M. SCOTT : [interprétation]

8 Q. Mufti Smajkic, pour autant que vous le sachiez, à ce moment-là, des

9 représentants de la communauté islamique, musulmane ont-ils préparé nombre

10 d'écritures qui par la suite ont été transmises à des dirigeants du HVO, le

11 gouvernement d'Herceg-Bosna, en soulevant des points de préoccupation qui

12 étaient importants aux yeux du peuple musulman à l'époque ?

13 R. Il y a eu plusieurs documents adressés à différentes adresses. Je peux

14 dire aussi qu'on en a adressé surtout plusieurs directement au gouvernement

15 du HVO de Mostar puisque nous étions là en permanence. On a souvent parlé

16 du problème de la circulation des religieux qui étaient arrêtés au poste de

17 contrôle. On évoquait la question des édifices religieux, des espaces où on

18 allait prendre en charge - plus concrètement on a reçu des reproches au

19 sujet des endroits où étaient hébergés les muftis, moi, personnellement.

20 Par exemple, puis à un endroit où dans un foyer des élèves on a pris en

21 charge de réfugiés. J'ai reçu une pièce trois mètres sur quatre et, autour

22 de moi, on a disposé plusieurs centaines de familles qui étaient toutes

23 entassées. C'est révélateur de l'attitude. Nous avons parlé de l'université

24 et de l'éducation, de l'armée. Maintenant, on en vient à la question des

25 dirigeants, des autorités religieuses, un Mufti ne peut pas être dans une

26 pièce trois mètres sur quatre entouré de réfugiés pendant que l'évêque

27 croate se voit bâtir un palais. Je ne suis pas hostile à ce que l'évêque

28 soit dignement installé. Il faut bien qu'il est son espace et ses bureaux,

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1 et cetera. Mais il n'empêche que ceci révélait l'attitude des autorités

2 croates à notre égard, à l'égard des Musulmans.

3 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure, le

4 moment est venu pour faire la pause, je pense.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Pause de 20 minutes.

6 --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

7 --- L'audience est reprise à 15 heures 53.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

9 M. SCOTT : [interprétation]

10 Q. Avant la pause, vous avez parlé du fait que les locaux qui vous avaient

11 été fournis comme bureaux n'étaient pas adéquats pour vos fonctions de

12 mufti de la région de l'Herzégovine. Est-ce que vous avez reçu une lettre

13 du maire de Mostar en réponse de Jadran Topic, à ce propos ?

14 R. J'ai reçu une lettre, mais menaçante, dirais-je. Dans la correspondance

15 que j'ai eue avec l'évêque, j'avais dit que lui, il avait reçu un immeuble,

16 un bâtiment qui était celui d'un grand notable musulman dans le passé, et

17 que c'était là un acte illégal, mais l'évêque m'a répondu en disant que ce

18 bâtiment lui avait été donné par les autorités et qu'il respectait beaucoup

19 ces autorités, qu'il les respectait pour ce qu'elles avaient fait.

20 M. Topic, dans sa lettre, m'a menacé. Il m'a dit que je ne pouvais

21 pas qualifier les autorités d'autorités illégales, que je devrais au

22 contraire m'intéresser aux questions de religion et laisser de côté la

23 politique. Ce que je vous ai décrit auparavant a perduré. Il y a eu sans

24 arrêt une attitude tout à fait vexante, humiliante des représentants,

25 qu'ils soient politiques ou militaires, à l'égard des Musulmans. Ceci

26 signifie que dans chaque domaine de la vie, c'était les gens qui devaient

27 déterminer comment ils allaient réagir et agir, sans tenir compte du

28 traitement que nous méritions.

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1 Q. Peut-on montrer au témoin la pièce P 00731 ? Est-ce ici la lettre de

2 Jadran Topic, lettre que vous avez reçue en réponse à votre demande, ce

3 dont vous avez parlé il y a quelques instants ?

4 R. Oui. Oui.

5 Q. Nous allons avancer, car le temps manque. Est-ce que vous et d'autres

6 chefs et dirigeants de la communauté musulmane avez rencontré le Président

7 Izetbegovic en novembre 1992 ?

8 R. Oui.

9 Q. Pourriez-vous nous relater en quelques mots ce qui s'est passé au cours

10 de cette réunion et quelle en fut l'issue ? Qu'est-ce qu'elle a donné comme

11 résultats ?

12 R. M. Izetbegovic est venu à Mostar. Il avait l'intention d'aider, de

13 contribuer à améliorer les relations entre Musulmans et Croates pour

14 essayer de trouver une solution au problème. Il voulait également

15 rencontrer les représentants d'organisations musulmanes, de partis

16 politiques, afin de voir ce qu'il fallait changer, ce qu'il fallait

17 améliorer pour que s'installent la paix et une vie de bonne qualité.

18 Personnellement, je n'ai pas assisté à ces réunions. Cependant, j'ai

19 demandé à être reçu avec d'autres personnes par M. Izetbegovic. On nous a

20 fait savoir qu'il nous fallait nous rendre au siège du SDA, au bureau de M.

21 Hadziosmanovic, et que nous aurions un entretien d'une demi-heure avec M.

22 Izetbegovic. C'est tout le temps qu'il avait à nous consacrer. Au cours de

23 cette conversation, nous l'avons mis au courant de la situation dans son

24 ensemble. Nous avons fait part à M. Izetbegovic des problèmes que nous

25 rencontrions, des difficultés que nous avions avec les autorités qui

26 avaient chassé de ce territoire ou éliminé de ce territoire tout ce qui

27 symbolisait l'ancien Etat. Nous lui avions également fait part des

28 réglementations adoptées par la communauté croate d'Herceg-Bosna. De plus,

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1 nous avons demandé que M. Hadziosmanovic cesse de représenter des Bosniens,

2 les Musulmans, qu'il ne devrait plus continuer à interpréter leurs

3 objectifs politiques.

4 Q. A l'issue de cette réunion, est-ce que M. Hadziosmanovic a été démis de

5 ses fonctions de président du SDA régional ? Est-ce que M. Zijad Demirovic

6 l'a remplacé à ce poste ?

7 R. Il y a eu un changement au niveau régional. M. Zijad Demirovic est

8 devenu chef du conseil régional, alors que M. Hadziosmanovic est resté

9 président du SDA à Mostar, dans la ville de Mostar, alors que nous avions

10 demandé publiquement qu'il soit démis de ces fonctions-là aussi. Cependant,

11 M. Izetbegovic ne nous a pas suivis.

12 Q. J'avance dans le temps -- une dernière question, cependant. Est-ce que

13 M. Demirovic est resté président régional du SDA pour toute l'Herzégovine à

14 partir de novembre 1992 environ, et au moins pendant toute l'année 1993 et

15 pendant un peu de temps après, aussi ?

16 R. Jusqu'au 9 mai 1993; c'est alors qu'il a été capturé à Mostar ouest et

17 emmené dans un camp où il resté presque un an, plus longtemps que tous les

18 autres prisonniers, dans des circonstances effroyables. Le HVO a arrêté son

19 propre partenaire, un membre du SDA, ainsi que des membres de sa famille,

20 son fils, notamment. Je ne veux pas ici vous donner trop de détails.

21 Q. Nous sommes ainsi arrivés au mois de janvier 1993. Est-ce que vous et

22 d'autres dirigeants de la communauté musulmane avez reçu une décision du

23 HVO vers la mi-janvier qui demandait à toutes les armées et à toutes les

24 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine de se soumettre, de se subordonner

25 au HVO dans certains territoires de la Bosnie-Herzégovine ?

26 R. Oui. Nous avions connaissance de ce décret ou de cet appel.

27 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la façon dont ceci a été porté à votre

28 connaissance ?

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1 R. C'est les médias qui nous l'ont appris. Le HVO a organisé une

2 conférence de presse et il a été ainsi rendu public qu'ils avaient adressé

3 un ultimatum disant que toutes les forces de ce territoire, territoire

4 qu'ils considéraient être croate, que toutes ces forces devaient se placer

5 sous le commandement du HVO, faute de quoi ces forces devraient quitter ce

6 territoire, sinon le HVO allait leur prendre leurs armes. Cela revenait à

7 dire cela.

8 Q. Peut-on montrer au témoin la pièce P 01167 ? Je vais vous demander de

9 le parcourir et ensuite d'expliquer aux Juges ce qu'il contient, ce

10 document, et dans quelles conditions il a été préparé.

11 R. Ce document a été préparé par des représentants de toutes les

12 associations musulmanes existantes. C'était le plus grand nombre

13 d'associations que nous avions réussi à fédérer autour de cette question.

14 Dans ce document sont manifestées les inquiétudes à la suite de menaces qui

15 allaient devenir une réalité, qui allaient être exécutées, vu l'ultimatum

16 qui menaçait de les désarmer, de les chasser, parce que les conditions de

17 cet ultimatum étaient telles qu'elles étaient inacceptables pour les

18 Musulmans. Ce document devait dissiper tout malentendu à propos de M.

19 Hadziosmanovic. Nous pensions qu'il n'allait pas le signer, mais nous

20 pensions qu'il allait peut-être manifester une certaine solidarité envers

21 notre cause, qui était une cause désespérée. Parce que nous avons été une

22 nation dans notre propre Etat avec notre propre armée. Nous avons combattu

23 pour la dignité de notre peuple, de notre pays, et cette formation armée

24 illégale paramilitaire, ce système illégal menaçait de désarmer l'armée

25 légitime et légale de Bosnie-Herzégovine. Il était impossible d'accepter

26 cela. Ce document mentionne d'autres cas d'actualités alors et qui avaient

27 entraîné cette confrontation entre les deux nations.

28 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir la deuxième page en

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1 anglais ?

2 Q. Je vous demande de vous intéresser à la page où on trouve des

3 signatures. Regardez, s'il vous plaît, la dernière partie du sixième

4 paragraphe, qui commence par les mots : "Nous rejetons résolument…"

5 R. Oui, c'est ce que je viens de dire. J'ai ici sous les yeux la version

6 en anglais, mais je comprends quand même. Au fond, nous avons refusé d'être

7 subordonnés ou de voir l'armée subordonnée par la force, subordonnée aux

8 forces du HVO.

9 Q. Au paragraphe 7, est-ce que vous avez un complément d'information ? Là

10 ou vous dites : "Nous rejetons résolument que des solutions politiques

11 soient entachées de parti pris et que les propositions soient

12 transformées." C'est dans le début du paragraphe. Est-ce que vous pourriez

13 parler de cette situation. Vous parlez de quelle situation en disant cela ?

14 R. On prévoyait dans le plan Vance-Owen des propositions. Ce n'était qu'un

15 projet à l'époque, rien de plus. Cette proposition convenait sans doute à

16 la partie croate qui, aussitôt cette proposition, l'a acceptée et voulait

17 l'appliquer, voulait en faire un document, un accord définitif, ce que nous

18 avons rejeté catégoriquement.

19 Q. Est-ce que vous avez signé le document ? Est-ce qu'on voit aussi votre

20 tampon ?

21 R. Oui, oui, oui. C'est ma signature.

22 Q. Est-ce qu'on voit aussi le nom de Demirovic ? Est-ce que c'est le nom

23 que vous avez mentionné il y a quelques instants ?

24 R. Oui. Il y a d'autres signataires. On ne les voit pas à l'écran. Il y

25 avait Ismet Hadziosmanovic et des représentants d'autres associations. Il y

26 a d'autres signatures, mais dans l'original que vous avez en bosniaque.

27 Vous le voyez ici, Zijad Demirovic, comité régional, puis Faruk Cupina,

28 association Ilmije. Il y avait aussi Adem Omerika, le Conseil culturel des

Page 2527

1 Musulmans. Vous avez en bas à gauche la signature d'Ismet Hadziosmanovic,

2 pour ce qui est du comité régional du SDA.

3 Q. Pouvons-nous avoir l'aide du Greffe pour montrer dans tout le prétoire

4 la page où se trouvent, en B/C/S, les signatures ? Voilà. Vous voyez

5 maintenant cette page ?

6 R. Oui.

7 Q. Ce sont donc les autres signatures, les tampons dont vous avez parlé ?

8 R. Exact.

9 Q. Peut-on maintenant montrer au témoin la pièce P 01167 pour ne pas

10 perdre de temps ? Excusez-moi, P 1160. Ce document a-t-il été préparé

11 pratiquement au même moment, avec la participation des mêmes personnes qui

12 manifestent là aussi les préoccupations de la communauté musulmane à

13 l'époque ?

14 R. Il s'agit d'un document préparé par les représentants des mêmes

15 associations. Cela s'est fait le même jour. Dans le document précédent,

16 dans la "Charte," certaines questions avaient été abordées de façon un peu

17 plus directe ou décidée. On montrait la situation dans laquelle se

18 trouveraient les Musulmans s'il y avait conflit ouvert entre les Musulmans

19 et Croates, alors qu'ici, dans cette déclaration, on avait une synthèse de

20 la problématique. Cette déclaration devait être communiquée à la presse

21 notamment devait être rendue publique.

22 Q. Pour ne pas perdre de temps je vais m'intéresser à trois parties;

23 d'abord, fin du troisième paragraphe, première page. Vous nous avez déjà

24 dit, dans le cadre de votre déposition, qu'il y avait une question qui

25 s'était posée lorsque certaines parties de l'Herzégovine avaient été

26 libérées par le HVO. Est-ce qu'on trouve les préoccupations dont vous avez

27 parlées dans votre déposition en partie ici du paragraphe ?

28 R. Oui. Nous avons exprimé notre mécontentement parce que, dans les

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1 conférences de presse du HVO, dans la presse, on insistait qu'il faille

2 accorder un certain crédit au HVO pour la défense du territoire alors qu'on

3 minimisait le rôle joué par les forces de l'ABiH.

4 M. SCOTT : [interprétation] Moi aussi, j'ai du mal à m'habituer à ce

5 système, à "ces merveilles électroniques." Est-ce qu'il est possible de

6 voir la ligne qui se trouve à la fin du troisième paragraphe ? Merci.

7 Q. Cinquième paragraphe, il est assez long, malheureusement. Mais vers la

8 moitié de ce paragraphe, est-ce que vous trouvez les mots suivants :

9 ultimatum inacceptable exigeant la subordination de nos unités.

10 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce que le greffe peut nous aider en

11 élargissant la version électronique de ce passage ?

12 J'essaie d'avancer le plus vite possible.

13 Q. Est-ce que ce document dit qu'un ultimatum inacceptable a été

14 présenté ? S'agit-il de cet ultimatum du HVO en date du 15 janvier 1993 ?

15 R. Oui, oui, oui. C'est notre réponse à cet ultimatum.

16 Q. Une dernière chose, dernière page du document, plutôt dernier

17 paragraphe. Trouve-t-on ces mots, je cite : "Il faut prendre ces menaces au

18 sérieux et il faut prendre aussi au sérieux cet ultimatum adressé à l'ABiH,

19 le 20 janvier."

20 Est-ce que vous avez le texte ?

21 R. Oui.

22 Q. Pouvez-vous dire ceci aux Juges de la Chambre ? Est-ce que la

23 communauté musulmane a eu une réponse quelle quel soit du HVO ? Est-ce que

24 celui-ci a retiré cet ultimatum ou avait compris qu'il ne serait pas

25 appliqué ? Quelle réponse avez-vous reçue à ces deux documents ?

26 R. Nous n'avons pas reçu de réponse du tout. Les choses n'ont fait

27 qu'empirer. La situation était tendue. Il y avait une escalade. Il y a eu

28 d'autres incidents jusqu'à ce que cette menace soit mise à exécution. Il y

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1 a eu en avril -- en avril, il y a eu un autre ultimatum, et en mai 1993, le

2 HVO a attaqué, donc, c'était quatre mois après.

3 Q. J'allais vous poser une question à ce propos. Est-ce qu'en avril 1993

4 un ultimatum similaire a été adressé par le HVO ?

5 R. Oui. Ce même ultimatum qui a été répété.

6 Q. Mais certains incidents se sont produits. Il y a eu des affrontements

7 entre le HVO et l'ABiH à Prozor, à Gornji Vakuf, et dans d'autres endroits.

8 Ce qui veut dire qu'il s'était déjà mis à appliquer ces idées, à mettre ces

9 menaces à exécution.

10 Q. Il n'y a des affrontements à Prozor et à Gornji Vakuf, est-ce que

11 c'était en rapport pour certaines de ces actions avec l'ultimatum de

12 janvier ?

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Il

14 faudrait poser les fondements parce que si non on demande des commentaires

15 sur des faits qui ne sont pas encore versés au dossier. Il faudrait voir si

16 ce témoin a des moyens de répondre à la question, mais je crois que je vais

17 faire objection aux caractères directeurs des questions. On ne cesse de

18 dire que "c'est pour gagner du temps" et M. Scott pose des questions qui

19 guide ce témoin. Mais ici c'est un domaine délicat, et là, je voudrais que

20 ces questions me soient pas autorisées. Merci.

21 M. SCOTT : [interprétation] Page 114, ligne 21, le témoin lui-même a dit

22 avant que je ne pose la question qu'il y avait des affrontements entre

23 l'ABiH et le HVO à Gornji Vakuf à Prozor et ailleurs. Je n'ai pas soufflé

24 la réponse, c'est le témoin qui l'a dit lui-même. Je peux lui demander s'il

25 peut apporter un complément d'information d'explication, bien sûr.

26 Q. Si vous pouvez, Monsieur.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, demandez.

28 M. SCOTT : [interprétation]

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1 Q. Pourriez-vous nous parler davantage des affrontements qui d'après vous

2 se sont produits à Prozor et à Gornji Vakuf et ailleurs dans la mesure,

3 bien sûr, que vous vous en souvenez ?

4 R. Concrètement, je sais qu'une offensive était déclanchée en janvier

5 1993, lorsqu'il y a eu cet ultimatum. Il y a eu une offensive à Gornji

6 Vakuf, mais, à Prozor en 1992, il y a eu aussi une attaque, et il y a eu un

7 véritable massacre de civils et de membres de l'armée. Sans aucune raison,

8 c'était là des préparatifs qui se faisaient en vue de ce qui allait se

9 passer plus tard. Sans doute les forces étaient-elles en train de prendre

10 la mesure de la situation pour savoir si une résistance allait être opposée

11 ne serait-ce qu'une faible résistance ? A l'époque déjà ils avaient

12 commencé à mener à exécuter leurs menaces. Mais je dois dire que Mostar

13 avait été laissé de côté plus tard.

14 Q. Parlons de ces événements du printemps 1993, pouvez-vous dire aux Juges

15 si on vous a saisi des véhicules à vous ou aux membres de votre personnel

16 au cours de cette période ?

17 R. Oui. Le véhicule de mon secrétaire a été saisi et il se rendait au

18 bureau. Il a rencontré une unité au Rondo, le commandant c'était Misic. Son

19 véhicule a été confisqué simplement parce qu'il était le secrétaire du

20 mufti, il n'était pas le commandant en question.

21 Q. Vous dites qu'il avait rencontré une unité, mais une unité de quelle

22 armée, de quelle formation militaire ?

23 R. C'était une Unité du HVO.

24 Q. Vous parlez d'un certain Misic qui était commandant; est-ce que vous

25 vous souvenez de son prénom ?

26 R. Mladen.

27 Q. Est-ce qu'il y a eu d'autres faits particuliers qui se sont produit

28 pour ce qui est de votre secrétaire ?

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1 R. Il est allé voir le commandant en personne, a demandé à récupérer son

2 véhicule. Il a demandé, je suis allé voir le commandant militaire pour

3 apporter la confirmation que c'était mon secrétaire et que c'était bien son

4 véhicule à lui. En fait, il a agi de façon très brutale, il lui a placé le

5 revolver dans la bouche et l'a insulté.

6 Q. Vous venez de dire il a placé son revolver dans sa bouche. Qui est-ce,

7 qui l'a placé, ce revolver ?

8 R. C'était le commandant Misic qui a mis le revolver dans la bouche de mon

9 secrétaire.

10 Q. Est-ce que votre secrétaire a récupéré son véhicule ?

11 R. Non. On ne lui a jamais restitué. Ce même commandant a dépêché la

12 police militaire pour me faire venir.

13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Le témoin maintenant a toujours

14 parlé de moyens de transport. Maintenant, vous parlez de voiture, c'est

15 peut-être le témoin qui devrait préciser de quel véhicule il s'agit.

16 M. SCOTT : [interprétation] Tout à fait.

17 Q. Quel était le type de véhicule qu'avait votre secrétaire qui

18 l'utilisait ce jour-là et qui d'après vous a été confisqué ?

19 R. C'était une petite voiture, je pense que c'était une Renault Clio.

20 Q. Au cours du printemps 1993, est-ce qu'il est arrivé quelque chose de

21 particulier aux intellectuels musulmans ?

22 R. Concrètement, une campagne a été menée pour détenir des Musulmans, pas

23 seulement à Mostar, aussi à Stolac, à Capljina. En février, en mars et en

24 avril, de 200 à 300 intellectuels ont été emprisonnés. Ils constituaient

25 une menace aux yeux du HVO. Ils savent pourquoi ils l'ont fait, en tout cas

26 ces gens ont été emmenés dans des camps de concentration, ils ont subi des

27 mauvais traitements [pas de texte] et ceci a eu des répercussions dans la

28 ville de Mostar-même.

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1 Q. Quel genre de répercussions ?

2 R. Je sais qu'il y a beaucoup de gens à cette époque-là n'ont pas dormis

3 chez eux, ils ne pouvaient pas dormir chez eux, ils ont cherché refuge

4 ailleurs, là où ils pensaient que la police de HVO ne viendrait pas les

5 arrêter.

6 Q. Est-ce que vous avez pris contact avec l'évêque catholique de Mostar,

7 l'évêque Peric pendant cette période, est-ce que vous lui avez fait une

8 proposition, je parle d'avril ou de mai 1993 ?

9 R. Nous sommes restés tout le temps en contact, même si nous n'étions pas

10 d'accord sur tout, nous sommes restés en contact, nous avons maintenu ce

11 contact. Personnellement, je voulais entretenir de bons rapports avec lui,

12 je voulais essayer d'empêcher que le conflit n'éclate, vous en trouverez la

13 preuve dans tous mes documents.

14 M. Demirovic, qui est mort l'année dernière, avec quelques-uns de mes

15 assistants est allé à la cathédrale. Il est allé à l'évêché et nous avons

16 demandé que l'évêque lance un appel avec moi parce qu'il y avait une espèce

17 de petite guerre de tireurs embusqués qui régnait en avril. La situation

18 était des plus compliquée. On ne savait pas s'il allait y avoir un conflit

19 ou pas, si des gens allaient être pris, emmenés, enlevés. Nous sommes allés

20 voir l'évêque, c'était une proposition, une idée que j'avais eue. Je pense

21 qu'on établissait déjà une ligne le long du boulevard et on tirait de là,

22 il y avait des sacs de sable qui avaient été placés pour former des nids de

23 mitrailleuses. Je suis allé voir l'évêque et je lui ai demandé d'aller

24 détruire les casemates érigées sur les lignes de démarcation et j'ai dit

25 qu'on devrait y aller en uniforme parce que -- pour que tout le monde nous

26 voie parce que des choses très mauvaises se préparaient. Il n'a pas accepté

27 cette idée, non pas qu'il était en faveur de la guerre, mais il a dit que

28 ce n'était pas là une des choses qui était de sa compétence, il ne voulait

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1 pas participer à ce genre de chose. Puis, nous sommes allés voir M. Tolja

2 [phon] et nous avons fait la même proposition et nous avons reçu la même

3 réponse.

4 Q. Pour que le compte rendu d'audience soit clair, vous avez dit il y a un

5 instant que vous avez proposé à Monseigneur Peric de vous rendre quelque

6 part lui et vous ensemble en uniforme, mais au lieu d'uniforme, faut-il

7 comprendre que vous vouliez parler de vos vêtements ecclésiastiques ?

8 R. Oui, de façon à être plus visibles. C'est exactement cela. Nous

9 voulions qu'à partir de la ligne où on avait commencé à échanger des coups

10 de feu, on puisse nous voir de façon très manifeste, ce qui éventuellement

11 aurait pu inciter à cesser les tirs, les gens qui utilisaient les sacs de

12 sable pour s'abriter et qui tiraient des coups de feu à cet endroit.

13 Q. Monsieur, avançons dans le temps. Aux environs du 9 mai, est-il exact

14 que le président Izetbegovic a adressé une lettre à divers dirigeants de la

15 communauté musulmane de Mostar.

16 R. Je ne pouvais pas être au courant de cela, à ce moment-là, car le 9 mai

17 a eu lieu une terrible attaque des Croates contre les Musulmans, donc cette

18 lettre ne m'est pas parvenue, mais ce sont d'autres personnes, d'autres

19 comme moi, qui ont participé à cette mission de paix. Mais j'ai été informé

20 de cela plus tard car, au moment où cette lettre a été envoyée, elle ne

21 pouvait pas me parvenir.

22 Q. Vous est-il arrivé à un moment ultérieur à la date du 9 mai 1993

23 d'avoir cette lettre sous les yeux --

24 R. J'en ai appris l'existence l'été dernier seulement. C'est le commandant

25 Jaganac qui me l'a montré, qui m'en a remis un exemplaire.

26 Q. Je demanderais que l'on soumette au témoin la pièce

27 P 02244.

28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pour gagner du temps en

Page 2534

1 utilisant le temps au mieux, vous venez de parler de l'été dernier. Pouvez-

2 vous nous donner la date exacte car l'été dernier n'est pas encore très

3 loin de nous ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est question ici du 9 mai 1993.

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, l'attaque. Mais quand avez-vous

6 appris l'existence de cette lettre ? Au compte rendu d'audience, on lit :

7 "L'été dernier."

8 LE TÉMOIN : [interprétation] L'été 2005, l'été de l'année dernière.

9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

10 M. SCOTT : [interprétation]

11 Q. Si vous avez sous les yeux, la pièce P 02244, Monsieur, ce document

12 est-il un exemplaire de la lettre que vous avez eue sous les yeux au cours

13 de l'été 2005 ?

14 R. C'est cette lettre, en effet, et je connais tous les noms des

15 destinataires.

16 Q. Votre nom figure sur cette lettre, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. M. Omerbasic, M. Jaganac, M. Orucevic dont les noms figurent sur cette

19 lettre, savez-vous si, à cette époque-là, toutes ces personnes étaient

20 impliquées dans des efforts destinés à rétablir la paix ou à obtenir, en

21 tout cas, un cessez-le-feu, entre les Croates et les Musulmans dans la

22 région de Mostar ?

23 R. Les quatre personnes dont les noms figurent ici, en plus de moi, ont

24 entrepris diverses actions destinées à rétablir la paix dans le cadre d'une

25 mission de paix. Je n'y ai pas participé, mais j'ai eu des contacts -- mais

26 eux, ils ont eu des contacts avec une délégation croate qui représentait le

27 gouvernement. Je ne sais pas qui composait cette délégation, mais ce que je

28 sais c'est que, suite à cette entreprise, la Commission chargée de la

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1 Réconciliation a obtenu un cessez-le-feu temporaire à une certaine date,

2 après le 9 mai 1993. Je pense savoir que cela s'est passé huit à dix jours

3 plus tard. Une commission composée de personnalités importantes est venue

4 de Zagreb en même temps que le président du parlement où il y avait aussi,

5 au sein de cette commission un certain nombre d'ambassadeurs de pays

6 étrangers. Je crois savoir que les ambassadeurs d'Espagne et de France en

7 faisaient partie, ainsi que l'ambassadeur de Turquie. Il y avait aussi Mme

8 Turkovic, ambassadrice de Bosnie-Herzégovine, et d'autres représentants

9 d'organisations internationales. Ils sont venus à Mostar et je les ai

10 rencontré et leur ai parlé.

11 Q. Pour que le compte rendu d'audience soit tout à fait clair, vous parlez

12 du président de l'assemblée dans la phrase qui précède, en parlant de M.

13 Seks. M. Seks dirigeait quelle assemblée ?

14 R. Il était président du parlement croate de la République de Croatie.

15 Q. Parlons du 9 mai, vous avez dit qu'une attaque avait commencé, ce jour-

16 là. Pourriez-vous consacrer quelques minutes pendant lesquelles vous ne

17 parviendrez pas à donner tous les détails ? J'en ai bien peur, mais

18 pourriez-vous au moins, pendant ces quelques minutes, dire rapidement aux

19 Juges ce qui s'est passé le 9 mai, ce que vous avez, personnellement, vécu

20 au cours de cette attaque ?

21 D'ailleurs, je vais commencer par une question préalable. Où vous

22 trouviez-vous, le 9 mai 1993 ?

23 R. J'étais chez moi, à la maison et ma maison se trouve sur la rive

24 droite, le long de la ligne de démarcation qui avait été créée à ce moment-

25 là. Donc, ce matin-là, très tôt, juste après l'aube, toutes sortes

26 d'armées, d'artilleries ont commencé à tirer en même temps. C'était

27 terrible. Les tirs visaient la partie musulmane. Donc, les habitants sont

28 sortis affoler de leurs maisons, les uns en pyjama, les autres, en chemise

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1 de nuit, et cetera. En tout cas, tout le monde s'est retrouvé dehors et on

2 les a dirigé vers diverses destinations. Comme ma maison est à côté même de

3 la ligne de démarcation, j'ai pu voir de mes yeux des milliers, sans doute,

4 de personnes expulsées de cette façon. Des gens qu'on avait réveillés en

5 plein milieu de la nuit accompagnés d'enfants qui n'avaient rien pu

6 emporter. Avec eux, les enfants pleuraient. Tout cela, toutes ces personnes

7 sont passées juste à côté de ma maison et elles se dirigeaient vers l'est.

8 Je n'oublierais jamais. C'était vraiment une vision de terreur. Des gens

9 affolés, en larmes, malheureux qui, sur tout le chemin étaient accompagnés

10 par les tirs, les tirs provenant des collines et des environs, tirs qui

11 n'avaient qu'un seul objectif, c'était de les empêcher d'aller ailleurs que

12 dans la seule direction qu'on leur imposait d'emprunter. Tout cela sous le

13 contrôle -- pour atteindre les zones sous le contrôle de l'ABiH. La ville

14 entière était en feu, illuminée par ces tirs d'artillerie. Les gens, plus

15 tard, ont raconté qu'on les avait emmené en divers lieux, mais les civils

16 et certains soldats ont été dans l'immédiat, emmenés vers le stade.

17 D'autres ont immédiatement été emmenés vers des centres de regroupement tel

18 que l'Heliodrom, et cetera.

19 Q. Qui a expulsé ces personnes de chez elles, Monsieur.

20 R. C'est le résultat de la politique officielle de la République croate de

21 la Herceg-Bosna.

22 Q. Qui a emmené ces personnes vers l'Heliodrom ? Par exemple, quelle force

23 armée ou quelle instance ?

24 R. Les Unités du HVO. Evidemment, je pourrais continuer à vous parler de

25 cela pendant assez longtemps mais je ne veux pas abuser de votre temps. Ce

26 sont des souvenirs douloureux. Je peux vous dire que M. Jadranko Topic,

27 président du HVO et maire de la ville de Mostar, a exigé de tous ses

28 habitants qu'ils se livrent, qu'ils se rendent. Il leur a intimé l'ordre de

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1 placer des draps blancs à leurs fenêtres pour indiquer qu'ils acceptaient

2 de se rendre, et il a donné cet ordre à la radio.

3 Q. Parlons maintenant des quelques jours qui ont suivi. Qu'avez-vous fait

4 pendant ces quelques jours ? Que s'est-il passé après cette attaque et

5 qu'avez-vous fait, personnellement ?

6 R. Comme je l'ai dit j'étais chez moi, à la maison, qui je le rappelle, se

7 trouve sur la rive droite. Il y avait d'un côté les Unités du HVO qui

8 pilonnaient et tiraient terriblement sans arrêt, et de l'autre côté ont

9 commencé à arriver les Unités de l'ABiH, donc, je me suis trouvé pris entre

10 deux feux. L'ABiH a pensé à un certain moment que les soldats du HVO

11 avaient pénétré dans la maison où moi-même, je me trouvais encore, ma

12 maison, en compagnie d'un certain nombre de voisins. Donc, je n'ai

13 absolument pas pu mettre le pied dehors pendant toute la journée. Quand

14 enfin j'ai pu essayer de trouver des renseignements à l'extérieur, j'ai été

15 terrifié en entendant que j'avais risqué de me faire tuer par l'ABiH,

16 puisque ma maison était entre les deux forces en présence. Heureusement,

17 les membres de l'ABiH m'ont reconnu. Il y a une chose que j'ai oublié de

18 dire, c'est que la veille de cette attaque, le 8 mai, nous avions reçu du

19 président Izetbegovic une lettre qui démettait de ses fonctions M.

20 Hadziosmanovic. Donc, à ce moment-là, je suis allé annoncer cela à la radio

21 dans un studio improvisé et j'ai donné lecture de cette annonce, de cette

22 lettre dans laquelle il était indiqué que M. Hadziosmanovic était démis de

23 ses fonctions et que la population était appelée à opposer la résistance

24 qu'elle jugerait possible d'opposer. Il était donc conseillé à la

25 population de ne pas accepter de placer des draps blancs aux fenêtres des

26 maisons, mais de faire ce qu'elle pourrait faire pour défendre l'honneur de

27 l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

28 Q. Avez-vous appris le 9 ou le 10 mai 1993, que Salem Mezit, un imam --

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1 ou, en tout cas, un représentant de la foi islamique, avait été tué ?

2 R. Oui. Sa maison est de l'autre côté du boulevard par rapport à la

3 mienne. Sa famille a été expulsée, et une fois chassés de chez eux, ils

4 sont passés dans ma maison pour m'annoncer cette triste nouvelle, à savoir

5 que les Unités du HVO étaient entrées dans sa maison qui se trouve en face

6 de l'église catholique et qu'il a été expulsé violemment de cette maison en

7 compagnie de huit autres Musulmans, eux exécutés par balle.

8 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce P

9 02493, ainsi que la pièce P 02565.

10 Q. Monsieur, pour gagner du temps, je vous pose la question suivante :

11 lorsque vous avez eu sous les yeux ces deux documents, avez-vous reconnu

12 les lettres de protestation que vous avez adressées à diverses personnes au

13 sujet du meurtre de Salem Mezit ?

14 R. Oui. Ce sont bien ces lettres.

15 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on montre au témoin

16 le document 2565.

17 Q. Est-ce bien la deuxième lettre que vous avez écrite aux représentants

18 de la FORPRONU, aux observateurs européens de la MOUE, à la Croix-Rouge

19 internationale, à l'évêque de Mostar et au HVO, où vous parlez de

20 l'assassinat d'Imam Mezit ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Avant de poursuivre, Monsieur, vous avez parlé d'une réunion à laquelle

23 ont participé M. Seks et un certain nombre d'ambassadeurs. Pouvez-vous dire

24 aux Juges si dans le cadre de cette réunion ou dans le cadre d'autres

25 réunions qui avaient un lien avec cette réunion - car il y a peut-être eu

26 plusieurs réunions - est-ce que dans l'une ou l'autre de ces réunions, vous

27 avez eu quelque chose à faire avec un homme dont le nom était Berislav

28 Pusic ?

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1 R. M. Berislav Pusic faisait partie de cette délégation. J'ai omis de

2 prononcer son nom.

3 M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je ne vous voyais pas. Vous êtes caché.

5 M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que ce témoin

6 est sur le point de parler de ce qui s'est passé lors de la visite d'une

7 délégation venue de Zagreb à Mostar est, le 19 mai 1993, alors que M. Pusic

8 était présent. Je tiens à élever une objection par rapport à cette question

9 au nom de mon client sur le fondement que nous n'avons été informés du fait

10 que cette question serait abordée dans la déposition de ce témoin que très

11 tardivement lundi dernier. J'aimerais donner quelques détails

12 complémentaires aux Juges de la Chambre pour qu'ils comprennent de façon

13 plus approfondie la nature de mon objection.

14 Le témoin qui est ici n'a pas évoqué cet incident ou le fait qu'il aurait

15 rencontré mon client lorsqu'il a fait sa déclaration préalable devant les

16 représentants de l'Accusation. Cette déclaration préalable a été recueillie

17 de la bouche du témoin entre le 23 et le 29 septembre 1999. Lundi de cette

18 semaine, nous avons été prévenus qu'un nouveau champ d'interrogatoire

19 serait demandé à ce témoin, et nous pensons que cette décision a été prise

20 par l'Accusation après le récolement du témoin. Donc, nous disons que ce

21 nouvel élément dans la déposition de ce témoin lèse la Défense, car nous

22 n'avons eu aucune possibilité de vérifier les événements évoqués dans ce

23 cadre par le témoin, qu'il est donc sur le point de vous communiquer. Si

24 nous en avions été informés à l'avance, nous aurions pu procéder à un

25 certain nombre de recherches, y compris tenter de localiser l'identité --

26 d'interroger d'autres témoins qui étaient présents pendant cet incident.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, que dites-vous ?

28 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je suis assez d'accord

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1 avec ce que vient de dire mon collègue. Ceci ne figure pas dans la

2 déclaration préalable du témoin, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle

3 lorsque nous en avons entendu parler lundi, nous avons immédiatement

4 communiqué ce fait à la Défense, et notamment au conseil de M. Pusic.

5 Simplement, c'était quelque chose que l'Accusation ne connaissait pas, dont

6 elle n'avait pas eu connaissance auparavant avant le récolement de ce

7 témoin. Cela arrive assez souvent. Il est assez fréquent que des témoins,

8 durant les séances de récolement, disent des choses qu'ils n'ont pas dit

9 précédemment. Donc, voilà tout ce que je peux dire, mais tout a été

10 communiqué dès que nous l'avons appris.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, la règle générale c'est que, lorsque

12 vous posez des questions à partir d'une déclaration écrite que la Défense a

13 eue, les questions doivent se porter sur le contenu de la déclaration

14 écrite et de ne pas évoquer des éléments qui n'y sont pas. Il peut arriver

15 une situation où vous posez une question à partir d'un élément qui est dans

16 la déclaration écrite et que le témoin spontanément évoque quelque chose

17 d'autre. Bon, à ce moment-là, vous êtes en droit de dire -- vous venez de

18 me dire que

19 M. Pusic a fait ceci, a fait cela; pouvez-vous préciser. Voilà. C'est comme

20 cela qu'il faut préciser. Mais cette façon d'aborder un sujet qui peut

21 porter préjudice à la Défense parce qu'elle n'a pas eu le temps de s'y

22 préparer n'est pas admissible. Alors poursuivez votre interrogatoire sans

23 évoquer cette question parce qu'il y a X autres éléments forts importants

24 qui méritent -- car il ne nous reste maintenant même pas une heure.

25 M. SCOTT : [interprétation] Il était indiqué au départ que nous

26 disposerions de quatre heures et demie, c'est ce qui figure dans nos

27 documents écrits, et pour l'instant, nous n'avons utilisé qu'un peu plus de

28 trois heures. Je suis sûr que le Greffe pourra nous confirmer cela. Je

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1 m'inquiète beaucoup du passage du temps, Monsieur le Président, mais je

2 dois néanmoins faire une réponse brève. Je crois que la jurisprudence des

3 pays ou sa pratique, avec le respect que je dois à la Chambre, a longuement

4 été indiquée. Le témoin n'est pas limité à des questions relatives à des

5 déclarations préalables existantes ailleurs. Le témoin peut se voir poser

6 des questions sur tout ce qui est pertinent pour le procès. Quant à la

7 communication, c'est une question différente, la communication a été faite

8 dans les plus brefs délais.

9 Deuxièmement, s'agissant de ce que vous avez indiqué quant au

10 contexte dans lequel les questions doivent être posées à un témoin par

11 rapport à sa déclaration écrite préalable, vous avez dit qu'il était

12 possible d'aborder cette nouvelle question. C'est exactement ce qui vient

13 de se passer. Le contexte des questions et de l'entretien que j'ai avec le

14 Mufti Smajkic nous a amenés, en parlant des événements de Mostar au cours

15 du mois de mai 1993 et d'un certain nombre d'autres événements liés à cette

16 période, d'entendre pour la première fois des renseignements nouveaux. Je

17 ne sais pas ce qu'on peut attendre de plus de la communication d'une

18 information que ce que nous avons fait, à savoir, la porter à l'attention

19 de la Défense dès qu'elle nous a été donnée. J'aimerais que cette

20 déposition -- que cet élément de preuve soit fourni à la Chambre, mais je

21 passerai à autre chose si la Chambre ne m'y autorise pas.

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, poursuivez dans la mesure où le rôle de

24 M. Pusic est pertinent par rapport à ce témoin et rattachable aux

25 événements de l'acte d'accusation.

26 M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Sahota.

28 M. SAHOTA : [interprétation] Puis-je évoquer deux autres questions

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1 suite aux arguments développés par l'Accusation à l'instant ? Monsieur le

2 Président, cet élément de preuve aurait pu être demandé au témoin, à notre

3 avis, si en 1999, on lui avait simplement demandé : "Est-ce que vous avez

4 rencontré M. Pusic ?" Est-ce que cette question lui a été posée ? Si elle

5 l'avait été, nous pensons qu'il est fort probable qu'il aurait, à ce

6 moment-là, donné les éléments de preuve que l'Accusation est en train

7 d'essayer d'obtenir de lui.

8 Deuxièmement, nous aimerions souligner à l'attention de la Chambre

9 que ce témoin n'est pas étranger à l'Accusation et qu'il n'est pas étranger

10 à M. Scott. J'ai appris que ce témoin a témoigné pendant trois jours en

11 2001 dans d'autres poursuites, dans une autre affaire dans lesquelles M.

12 Scott était le représentant principal de l'Accusation. Dans ces conditions,

13 la présente Chambre, à notre avis, est tout à fait en droit de poser la

14 question de savoir pourquoi avant de participer au présent débat dans ce

15 prétoire, on n'a jamais demandé à ce témoin s'il avait eu des contacts avec

16 mon client.

17 Monsieur le Président, je ne vais pas répéter les arguments que j'ai

18 déjà présentés, mais il n'en demeure pas moins, en tout cas c'est ce

19 qu'estime la défense de M. Pusic, que l'arrivée très tardive de cet élément

20 de preuve constitue un préjudice grave pour la Défense et que la Chambre

21 devrait peut-être réexaminer l'admission de cet élément de preuve.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce témoin, d'ailleurs, que vous connaissez, puisque

23 d'après la Défense, vous avez déjà procédé à son interrogatoire en 2001, la

24 Défense dit : comment se fait-il qu'en 1999, l'enquêteur ne lui ait pas

25 posé la question sur les personnalités ici présentes ?

26 M. SCOTT : [interprétation] D'abord, Monsieur le Président, encore une fois

27 pour ce qui vient d'être dit dans la deuxième partie de l'intervention de

28 la Défense, je suis d'accord. Mais je n'ai jamais caché que j'ai interrogé

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1 ce témoin dans l'affaire Tuta/Stela. Jamais je n'ai fait la moindre

2 tentative de masquer, de cacher, de dissimuler ce fait. Oui je l'ai fait,

3 en effet, mais dans le cas particulier, la participation de M. Pusic

4 n'avait aucune pertinence. L'affaire engagée contre M. Naletilic et M.

5 Martinovic ne concernait qu'eux, donc il n'y avait absolument aucune

6 raison, à ce moment-là, que je pose ce genre de question relative à M.

7 Pusic. En fait, j'aurais subi une objection de la part de la Défense ou des

8 Juges à ce moment-là si j'avais agi d'une façon aussi non pertinente. Il

9 n'y avait aucune raison pour moi de demander au témoin en 2001, il y a cinq

10 ans, ce genre de renseignement.

11 Quant à ce qui s'est passé en 1999, Monsieur le Président et

12 Messieurs les Juges, je crains encore une fois que les questions du conseil

13 de la Défense ne se fondent sur une idée assez abstraite de la façon dont

14 les enquêteurs travaillent. Il est fort possible qu'à un moment en

15 question, cet enquêteur, je ne me souviens pas qui a recueilli la

16 déclaration préalable à l'instant même, mais en tout cas, je n'ai pas la

17 déclaration sous les yeux, mais peut-être n'a-t-il pas pensé à M. Pusic, à

18 ce moment-là.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- la justice, le problème, en m'adressant au

20 témoin.

21 Monsieur, il y a donc des personnes dans cette salle d'audience. Est-

22 ce qu'il vous est arrivé dans les années précédentes, à rencontrer des

23 personnes qui sont ici ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] En mai, lorsque cette délégation au niveau de

25 la République de Croatie est venue avec des représentants de la communauté

26 internationale, lorsque ces personnes sont venues à Mostar et lorsque les

27 tirs se sont arrêtés des deux côtés, lorsque la délégation est passée à

28 Mostar est, je les ai vus avec le commandant Pasalic. Cela ne m'est pas

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1 venu à l'idée d'en parler auparavant, personne ne m'en a parlé, mais

2 maintenant, étant donné que ces personnes sont ici, cela a déclenché mes

3 souvenirs et je me souviens que M. Berislav Pusic faisait partie de la

4 délégation. J'en ai gardé un souvenir très vif, inoubliable, parce que nous

5 sommes allés voir un hôpital de fortune, après quoi nous sommes allés voir

6 un camp, cave d'où avaient été chassés des habitants de Mostar ouest.

7 C'était une pièce très sombre, c'était un sous-sol sombre où il faisait

8 noir, sans aucun meuble, et il y avait beaucoup de malades qui gisaient au

9 sol. Je crois qu'il est inutile d'en parler trop longtemps, mais je

10 voudrais simplement vous mentionner un détail. Ce que M. Pusic a fait

11 lorsqu'il s'est adressé à ces gens qui souffraient depuis longtemps, il a

12 dit : "Est-ce que vous savez pourquoi vous vous trouvez dans cette

13 situation malheureuse ? A qui faut-il en imputer la faute ?" Les gens se

14 sont contentés de le regarder parce qu'ils savaient qui était responsable

15 de leur situation. Il s'est retourné, M. Pasaljic, commandant de l'ABiH. Il

16 a dit : "Que c'est lui le responsable. C'est lui le coupable." C'est ce que

17 j'ai dit au Procureur. Je leur ai parlé de cet épisode, de cet incident.

18 Donc, ceci est consigné. C'était une politique constance. Donc, c'est

19 quelque chose de répréhensible et puis, on accusait l'autre de l'avoir

20 fait. Il ne suffisait pas -- ce n'était pas encore assez que ces gens

21 connaissent ce destin horrible, mais, en plus, il fallait en accuser les

22 dirigeants politiques et militaires de la Bosnie-Herzégovine.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : En répondant aux personnes qui étaient blessés, il a

24 indiqué que le responsable c'était M. Pusic, le commandant de l'ABiH. Bien,

25 mais cette délégation, elle venait de Croatie ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Pusic, c'était un ressortissant de la

28 Croatie ? C'était qui ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un membre officiel de la communauté

2 croate de la Herceg-Bosna. Il en avait la responsabilité de l'échange des

3 prisonniers et c'est ce qu'il a fait au sein du HVO.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma question était précise. Vous dites qu'il y a une

5 délégation de la Croatie comme s'il y avait une délégation de la Suisse.

6 S'il y a une délégation de la Suisse, il y a, à priori, que des Suisses.

7 Donc là, vous dites qu'il y a une délégation de la Croatie. Donc, ma

8 question, cette délégation était-elle composée uniquement de Croates ou de

9 mixtes de Croates et de Croates de Mostar, par exemple ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des représentants de la République

11 de Croatie dans cette délégation aussi, mais il y avait également des

12 représentants de la Bosnie-Herzégovine. M. Pusic était un représentant des

13 Croates de Bosnie-Herzégovine. Il y avait aussi dans cette délégation,

14 cette dame, qui était l'ambassadrice de la Bosnie-Herzégovine est exacte.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge Trechsel va continuer.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans la même veine ou par analogie,

17 Monsieur le Président vous a demandé si vous aviez vu une personne se

18 trouvant dans ce prétoire auparavant ? Vous avez

19 dit : "Je les ai vu". Est-ce que vous avez vu quelqu'un d'autres

20 auparavant, mis à part M. Pusic ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai eu l'occasion de rencontrer M. Prlic

22 ainsi que M. Valentin Coric. Je vous prie.

23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est tout. Merci.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

25 Oui, Monsieur Sahota.

26 M. SAHOTA : [interprétation] Oui. Monsieur le Président, Messieurs les

27 Juges, je vous demande l'autorisation si c'est nécessaire, si plus tard,

28 nous apprenons des éléments d'informations que n'a pas l'équipe de la

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1 Défense de M. Pusic aujourd'hui, est-ce que nous avons l'autorisation de

2 rappeler à la barre ce témoin si cette situation se présente ?

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien entendu. Bien entendu.

4 Continuez, Monsieur Scott.

5 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Où on en était resté ? Nous avançons. Pour parler de la situation qui

7 prévalait à Mostar au cours de l'été et de l'automne au cours de l'année

8 1993, pourriez-vous en quelques mots dire aux Juges dire s'il y a eu des

9 cas de tirs embusqués dont vous auriez connaissance ?

10 R. Après le 9 mai. C'est cela qui vous intéresse.

11 Q. Oui.

12 R. Après le 9 mai, les Musulmans ont été, tout à fait, encerclés dans une

13 zone exiguë, sous un pilonnage constant, essuyant des tirs constants, des

14 tirs d'artillerie provenant de tireurs embusqués. Je peux vous dire en

15 quelques mots que la présidence de Guerre établie alors, sur la rive

16 gauche, parce qu'il y avait beaucoup de gens qui mouraient et que cette

17 présidence de Guerre a donc, rendu une décision qui interdisait ou limitait

18 tout déplacement pendant la journée. Toutes les activités nécessaires,

19 indispensables, devaient se mener de nuit. On a dû commencer à vivre la

20 nuit plutôt que le jour même si pendant la nuit plutôt que le jour, même si

21 pendant la nuit, il y a beaucoup de gens qui ont été tués aussi. Nous avons

22 rencontré d'énormes difficultés quand on a essayé d'enterrer les victimes.

23 Il a fallu les enterrer la nuit en se cachant derrière des bâtiments. Il a

24 fallu trouver suffisamment d'espaces, dans les parcs, notamment, pour

25 enterrer les personnes qui avaient été tuées. Les tireurs embusqués, ils

26 tiraient sur tout ce qui bougeait et la cible de prédilections de ces

27 tireurs embusqués, c'étaient les endroits où les gens allaient prendre une

28 gorgée d'eau, où les gens se rassemblaient pour une raison diverse. Nous,

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1 au sein de la communauté islamique, nous étions parfaitement conscients de

2 cette situation. Nous avons dit aux gens qu'ils n'avaient pas le droit

3 d'aller par exemple, dans des lieux de culte qui avaient été endommagés

4 parce que cela aussi, une cible de prédilection des tireurs embusqués. La

5 situation était caractérisée par le chaos. C'était une descente en enfer.

6 Q. Peut-on montrer au témoin la pièce P 02586. Dans l'intervalle, je vous

7 demande ceci. Vous venez de relater certaines circonstances, à l'instant

8 même, est-ce que vous avez demandé au HVO de permettre un cessez-le-feu,

9 voire une accalmie à l'occasion de fêtes religieuses islamiques ?

10 R. Ce document-ci, nous l'avons envoyé à M. Petkovic, à M. Topic. Nous

11 sommes passés par la FORPRONU pour leur transmettre la requête suivante que

12 le Bajram se fête dans la paix, le 1er juin 1993. Nous avons nourri l'espoir

13 d'avoir un prolongement à cette fin, après la fin du Bajram qui est, quand

14 même, notre fête religieuse la plus importante. On a saisi toutes les

15 occasions qui se présentaient pour essayer de mettre un terme aux

16 hostilités, aux tueries, à la destruction d'infrastructures. Nous avons

17 essayé de faire passer ce message de disséminer cette idée pour qu'elle

18 soit comprise. Je vous l'a dit après la fête de Bajram nous voulions une

19 prorogation du cessez-le-feu. Le document que vous avez sous les yeux est

20 en rapport avec cette idée.

21 Q. Nous avons cette pièce P 02586, lettre que vous avez envoyée à M.

22 Petkovic et à M. Topic pour demander un cessez-le-feu à l'occasion de la

23 fête de Bajram.

24 R. C'est exact.

25 Q. Avez-vous signé cette lettre ?

26 R. Oui.

27 Q. Pouvez-vous dire aux Juges si un cessez-le-feu a été accordé par le

28 HVO ?

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1 R. Non, il n'y a pas eu de cessez-le-feu.

2 Q. Qu'est-ce qui s'est passé dans le cadre de cette fête religieuse ?

3 R. Nous n'avons pas fêté cette fête publiquement. Si c'était possible on

4 la fait de façon privée chez soi.

5 Q. Quel fut le traitement réservé au clergé islamique pendant cette

6 période ? Nous sommes toujours au printemps et en été 1993, est-ce qu'il y

7 a des membres du clergé qui ont été arrêtés par le HVO au cours de cette

8 période ?

9 R. Il est exact de dire que beaucoup de membres du clergé ont été traités

10 de façon très brutale et ils ont été emmenés dans des camps de

11 concentration. On les a traité de la pire façon qui soit. Dans ma zone, 14

12 imams ont été emmenés dans ces camps où ils ont subi toutes sortes de

13 brutalité. Je peux vous donner, notamment, l'exemple du Mufti de Tuzla. Une

14 semaine avant une attaque violente déclenchée sur Mostar et l'Herzégovine,

15 le 2 mai 1993, il a été arrêté à Konjic par des unités du HVO. Alors qu'il

16 avait des papiers en ordre, en règle. Il rentrait - ses papiers il les

17 avait obtenus du HVO de Mostar et il rentrait de Croatie. Il a été arrêté à

18 un poste de contrôle alors qu'il avait des papiers en règle il a été détenu

19 dans des conditions très difficiles pendant sept mois.

20 M. SCOTT : [interprétation] Peut-on montrer au témoin la pièce

21 P 09559 ?

22 Q. Est-ce que vous avez préparé une liste de 12 imams qui d'après vos

23 connaissances ont été arrêtés et détenus par le HVO au cours de l'année

24 1993 ?

25 R. Oui. Je vous ai présenté cette liste.

26 Q. Est-ce que c'est la liste que vous avez sous les yeux, liste qui porte

27 le numéro 09559 ?

28 R. Oui, c'est bien la liste. Mais ce sont des imams de ma région. Il y a

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1 l'imam à Vasovic, de Tuzla, alors qu'il était en route de Zagreb à Mostar

2 et qu'il passait par Konjic lui il est arrêté, on ne le retrouve pas sur

3 cette liste.

4 Q. Il y a peut-être un autre imam qui n'est pas ici repris dans la liste.

5 Il s'appelait Musan Becirevic. Savez-vous ce qui lui est arrivé ?

6 R. Becirovic, il s'appelait de son prénom, Musan. Il était imam à Buna,

7 près de Mostar. On ne voit pas son nom ici. Il a été tué de façon brutale.

8 Sa famille a été témoin de ce qui lui est arrivé et sa famille a

9 effectivement déclaré que des Unités du HVO ont forcé Musan Becirevic à

10 prier devant eux, et lorsqu'il a eu terminé sa prière, ils l'ont

11 brutalement tué. Ils l'ont tué dans une mosquée qu'ils ont ensuite

12 détruite.

13 Q. Il y a aussi un autre nom celui d'Ibrahim Zlomustika [phon], qu'on ne

14 trouve pas dans cette liste. Qu'est-il arrivé à cet homme ?

15 R. Il s'appelait Ibrahim Zlomusica. Il était l'imam à Stolac. Lui aussi a

16 été humilité et torturé. On l'a attaché à l'hôpital de Stolac à Kostana. On

17 s'est servi de câbles métalliques, on l'a pendu au plafond, et on l'a

18 frappé à coups de bâte en bois, et à ce jour, on voit encore la trace des

19 ecchymoses qu'il porte au visage. Il a eu les côtes cassées, les dents

20 cassées, la mâchoire cassée. Après avoir subi ces mauvais traitements, il a

21 passé plusieurs mois, j'ai des renseignements précis quelque part, je sais

22 quand il a été emprisonné puis relâché, mais je n'avais pas ces

23 renseignements au moment où j'ai fourni ma déclaration préalable.

24 Q. Parlons d'un autre imam, numéro 12 de votre liste, Kazim Mezit.

25 R. Kasim Mezit n'est pas mort dans un camp de concentration. Il a été

26 relâché même s'il était en très mauvais état de santé. Parce qu'il avait

27 été torturé par des soldats croates, pour qui - pour des raisons qui nous

28 sont inconnues, avait manifesté leur colère en s'acharnant sur lui, il est

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1 mort plusieurs années plus tard.

2 Si vous me le permettez je pourrais vous dire que j'en a parlé plus

3 longuement dans l'affaire Tuta je ne sais pas si vous avez besoin d'autres

4 informations. Si c'est le cas, je veux vous les fournir. M. Tuta lui a

5 réservé un traitement spécial. Il l'a emmené à Siroki Brijeg et là, il l'a

6 forcé à signer une espèce de déclaration qu'il lui a remise. Lorsqu'il a

7 refusé de le faire, M. Tuta a pris le crayon et le papier qu'il lui avait

8 donnés et il lui a fiché ce crayon dans le visage, et le crayon a pénétré

9 les deux joues. Il a subi d'autres formes de mauvais traitements.

10 Q. Avant d'aborder mon dernier sujet, la question des destructions

11 culturelles --

12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- termine le temps utilisé jusqu'à présent.

13 Continuez, Monsieur Scott. Veuillez continuer.

14 M. SCOTT : [interprétation]

15 Q. Avant d'aborder le sujet des imams et des membres du clergé, je

16 voudrais vous demander si vous qui étiez mufti, est-ce que vous avez

17 participé à la nomination de quelqu'un au poste d'Emir --excusez-moi si je

18 prononce mal -- mais ceci dans une unité militaire ?

19 R. Cela ne s'est passé qu'une fois. Il y avait un petit groupe de

20 personnes qui faisait partie de l'armée de Bosnie-Herzégovine, sur le plan

21 militaire. On avait exigé que -- ils avaient exigé que leur vie personnelle

22 s'organise de façon un peu différente. Il s'agissait d'environ 50 hommes

23 qui avaient remarqué qu'il y avait des hommes dans les unités des armées

24 qui buvaient, qui avaient des comportements divers, et ils voulaient

25 organiser la vie de façon conforme à la morale islamique. Du coup, M.

26 Pasalic, le commandant du 4e Corps, m'a dit à contrecoeur que nous avions

27 besoin de chacun des soldats, même si nous voulions établir une armée de

28 Bosnie-Herzégovine et pas seulement une armée musulmane. Il a dit qu'il

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1 fallait imposer ce genre d'organisation parce qu'il avait vu ce genre

2 d'organisation dans d'autres groupes sur le territoire en Bosnie-

3 Herzégovine, et il m'a demandé de désigner une personne qui serait chargée

4 de jouer le rôle d'adjoint chargé de la morale.

5 Q. Dans les armées occidentales, est-ce que c'est celui qu'on appellerait

6 l'aumônier ?

7 R. Oui.

8 Q. Parlons de la destruction d'édifices culturels. Qu'avez-vous vu,

9 qu'avez-vous vécu pendant votre séjour à Mostar en été et au cours de

10 l'automne 1993 ? Qu'avez-vous appris à propos de la destruction de certains

11 édifices en particulier ?

12 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

13 LE TÉMOIN : [interprétation] On a qualifié Mostar d'un deuxième Hiroshima.

14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La question n'a pas été entendue

15 parce que les micros ne marchent pas et aucun micro ne semble marcher.

16 M. SCOTT : [interprétation] Maintenant, cela marche. Je répète ma

17 question.

18 Q. Qu'avez-vous vécu, qu'avez-vous observé à Mostar au cours de l'été et

19 de l'automne 1993 ? Qu'avez-vous appris à propos de la destruction

20 d'édifices culturels, mais surtout de mosquées et d'autres lieux culturels

21 islamiques ?

22 R. Je peux dire que tous les édifices appartenant à la communauté

23 islamique -- il y avait les mosquées, mais pas seulement les lieux de

24 culte, il y avait des habitations, des lieux d'habitations, des édifices

25 culturels, tout ce qui avait une connotation orientale, qui présentait un

26 aspect leur permettant de comprendre que c'était un élément de la culture

27 musulmane ou islamique a sans cesse été pris pour cible. Il n'y a pas une

28 seule mosquée en ville qui n'ait pas été détruite. En 1994, et je ne peux

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1 pas vous donner d'exemple particulier, mais en 1994, lorsque la première

2 délégation de la communauté islamique est venue au nom de la présidence

3 après la signature des accords de Dayton, on ne pouvait faire de prières

4 dans aucune mosquée. Il n'y avait plus de mosquée où prier; tout avait été

5 totalement détruit.

6 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : après les accords de

7 Washington.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, même le vieux pont n'a pas

9 été épargné. Ces édifices ont été pris pour cible à dessein, on s'est

10 servis de l'infanterie, d'armes d'infanterie, parce qu'il y avait des

11 mosquées sur la ligne de démarcation. Des tireurs embusqués les ont pris

12 comme points de mire tous les jours. On détruisait ces édifices pierre

13 après pierre. C'est bien la preuve qu'il s'agissait d'une destruction

14 effectuée de façon systématique, destruction qui avait pour objet de

15 transformer une ville normale multiethnique, multiconfessionnelle, en une

16 ville qui n'appartenait plus qu'à une seule culture, qu'à un seul peuple.

17 M. SCOTT : [interprétation]

18 Q. Est-ce qu'il y avait une politique religieuse islamique quant à

19 l'utilisation, la possibilité d'utiliser des mosquées, des édifices

20 religieux, des installations religieuses comme position militaire ?

21 R. C'était -- je rejette catégoriquement cette idée. Des édifices

22 religieux n'ont pas été utilisés, n'ont jamais été utilisés à des fins

23 militaires.

24 Q. Je reprends ma question. Est-ce que votre église -- votre religion

25 avait pour politique d'interdire l'utilisation de ces structures à de

26 telles fins ?

27 R. Évidemment, évidemment que c'était interdit.

28 Q. Je vous demande un instant. Je voudrais que soit soumis au témoin le

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1 document P 08939. Dans l'intervalle, pourriez-vous dire aux Juges si à un

2 moment donné, vous avez participé à l'élaboration d'un rapport concernant

3 la destruction ou les dégâts occasionnés à des édifices religieux musulmans

4 pendant le conflit ?

5 R. Il y a eu de nombreuses associations internationales et locales qui

6 nous ont demandé de faire un état des lieux des différents édifices

7 religieux qui avaient été détruits, et nous avons établi ce rapport pour

8 diverses raisons. Au moment de l'élaboration de ce rapport, nous avons mis

9 en place cette procédure qui cherchait à déterminer et à identifier les

10 auteurs de ces méfaits. Nous ne voulions pas ici nous adresser à un

11 tribunal. Si ce rapport a été établi, c'est en ayant comme destinataire

12 certaines institutions qui devaient mener une enquête pour préciser combien

13 il y avait eu de bâtiments détruits, quelle était l'ampleur des dégâts.

14 C'est un rapport établi en 1999 qui s'intéresse aux territoires qui étaient

15 sous ma responsabilité. A partir des différentes municipalités, nous avons

16 indiqué quels avaient été les édifices détruits par les forces serbes, ceux

17 qui avaient été détruits par les forces croates. Nous avons essayé de

18 déterminer l'étendue des dégâts, quels avaient été les édifices tout à fait

19 détruits, combien de medzlis et de mosquées avaient été détruites. Il y

20 avait aussi des appartements qui appartenaient à la communauté islamique et

21 des locaux commerciaux qui n'ont pas été repris dans cette liste.

22 Q. Vous avez dit il y a un instant que deux corrections devaient être

23 apportées à votre rapport. Je vais maintenant vous donner la possibilité de

24 nous parler de ces corrections. Chapitre V, paragraphe 3, page 5 de la

25 traduction anglaise.

26 R. Je n'ai pas besoin d'avoir le texte sous les yeux, car je le connais

27 par cœur, donc je pourrais contribuer à faire gagner du temps. Voilà, le

28 texte apparaît à l'écran. Il s'agit de la mosquée de Livno, et au point 3,

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1 la mosquée de Grborez. Vous constaterez qu'il a été écrit ici qu'elle a été

2 détruite après la signature des accords de Dayton, mais c'est une erreur.

3 J'ai passé en revue toutes les mosquées et j'ai vu qu'elle n'avait pas été

4 détruite, mais endommagée. Elle a été touchée par des tirs de

5 mitrailleuses, mais elle n'a pas été totalement détruite. Donc cela, c'est

6 une correction.

7 La deuxième correction que je souhaitais apporter concerne le

8 territoire de Tomislavgrad, dans le hameau de Suica. Je n'ai pas le texte

9 sous les yeux, mais il est question dans le texte, si je me souviens bien,

10 d'opérations de guerre. Or, à Suica, il n'y a pas eu d'opérations de guerre

11 entre les Croates et les Musulmans, mais la mosquée de cette localité a été

12 dynamitée. Voilà, c'est une précision que je voulais apporter de façon à ce

13 que tout soit absolument exact.

14 Q. Pour le compte rendu d'audience, j'indique que vous parlez sans doute

15 du chapitre VII, paragraphe 1, intitulé mosquée démolie. Actuellement, le

16 rapport indique que cette mosquée a été démolie au cours des combats.

17 Pouvez-vous encore une fois dire dans quel sens vous modifieriez cette

18 déclaration ? Quelle est la correction que vous souhaitez apporter à cette

19 phrase ?

20 R. Oui. Je voudrais être le plus précis possible. Voilà, nous l'avons

21 maintenant à l'écran. La mosquée de Tomislavgrad, au point 1, la mosquée du

22 hameau de Suica a été détruite pendant les opérations de guerre. C'est ce

23 qui est écrit actuellement. Je tiens à être précis, car il n'y a pas eu

24 d'opérations de guerre là-bas. Mais en dépit de l'absence d'affrontements

25 ouverts entre les Musulmans et les Croates, cette mosquée a juste été

26 touchée par des tirs. Elle n'a pas été détruite complètement, car il n'y a

27 pas eu d'opérations de guerre dans ce secteur particulier.

28 Q. J'aimerais maintenant que l'on affiche à l'écran la version anglaise de

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1 la dernière page de votre rapport et qu'on vous soumette cette dernière

2 page de votre rapport. Pourriez-vous nous dire en quelques mots ce dont il

3 s'agit sur cette page ? Il serait peut-être plus rapide de placer la

4 version papier sur le rétroprojecteur. Peut-on allumer le projecteur, je

5 vous prie. Peut-on avoir l'image du rétroprojecteur sur l'écran.

6 Alors, pouvez-vous nous dire, je vous prie, ce qu'indique ce tableau,

7 Monsieur ?

8 R. C'est une liste des édifices détruits, par municipalité, avec une

9 segmentation par municipalité. Il y a le nom de l'édifice, et puis

10 l'indication détruit ou touché. Vous avez, par exemple, au nord, dans la

11 vieille ville, au sud-est, au sud. Au sud-ouest, six bâtiments endommagés;

12 au sud-est, 12. A Stari Grad, 10.

13 A la rubrique suivante, on voit quelles sont les destructions dues

14 aux forces serbes. On a chacun des édifices mentionnés séparément, et

15 ensuite le total est calculé. 30 édifices ont été détruits par les Serbes,

16 30 mosquées, 39 medzlis également détruites par les Serbes. Ensuite, on a

17 une colonne qui indique les destructions dues aux Croates. La medzlis,

18 c'est une mosquée sans minaret. Trois ont été détruits par les Croates, et

19 50 mosquées au total détruites par les Croates.

20 La catégorie suivante ce sont des édifices qui n'ont pas été

21 totalement détruits, mais qui ont tout de même été endommagés plus ou

22 moins. Il est écrit ici que 19 édifices ont été endommagés, 19 mosquées, et

23 trois édifices autres que des mosquées.

24 Q. Monsieur, je pense que nous devrons nous en arrêter ici pour le moment.

25 Je suis sûr que, si les Juges et les conseils de la Défense ont d'autres

26 questions à vous poser à ce sujet, ils le feront faire. J'aimerais à

27 présent que l'on soumette au témoin le plan qui a déjà été utilisé dans ce

28 prétoire. Je demande à Mme l'Huissière de bien vouloir remettre ce plan au

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1 témoin.

2 Peut-être pourrait-on donner un numéro d'identification e-court à ce

3 plan, Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez donner un numéro.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.

6 Ce document aura pour numéro IC 00020. Merci.

7 M. SCOTT : [interprétation] Nous disposons un exemplaire pour les conseils

8 de la Défense ainsi que pour les Juges. Peut-être aurions-nous dû commencer

9 par les distribuer. Je vous prie, de m'excuser pour cela.

10 Q. Pendant la distribution de ce document, Monsieur, qui est en train de

11 s'achever, si je ne me trompe pas, je vous demande si ce document que vous

12 avez sous les yeux et qui a été enregistré pour identification comme étant

13 le document IC 0020, bien, le plan qui vous a été fourni à votre arrivée à

14 La Haye sur lequel il vous a été demandé d'inscrire l'emplacement des

15 édifices culturels et religieux endommagés et détruits et notamment des

16 mosquées ?

17 R. C'est un plan de la ville de Mostar.

18 Q. Vous avez donc cette copie papier du plan sous les yeux, le même que

19 celui qui est sur le rétroprojecteur. Est-ce que les inscriptions que l'on

20 voit sur ce plan ont été faites pour vous ?

21 R. Oui, absolument, exact. C'est moi qui ai apposé ces inscriptions

22 personnellement.

23 Q. Très bien. Les inscriptions que vous avez apposées aux numéros 1 à 8

24 correspondent-elles aux huit mosquées détruites à Mostar est telles

25 qu'elles figurent dans la liste que vous présentez en page une et deux et

26 de votre rapport ?

27 R. Ce sont bien les emplacements de ces mosquées.

28 Q. Les emplacements que vous avez inscrits comme étant aux numéros 9, 10,

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1 et 11, sont-ils bien les emplacements des mosquées endommagées à Mostar est

2 qui correspondent au haut de la page 2 de votre rapport ?

3 R. Numéro 9, oui. Numéro 10, et quel était le troisième numéro ?

4 Q. Le numéro 11 d'après vos inscriptions sur le plan qui devrait

5 correspondre à la mosquée numéro 3 de la page 2 de votre rapport, la

6 mosquée Koski Mehmed-pasa; est-ce bien cela ?

7 R. Oui, oui, oui, oui. Le numéro 11 c'est la mosquée Koski Mehmed-pasa. Je

8 voulais vérifier simplement.

9 Q. Bien. Merci. Les inscriptions sur le plan faites par vous, je parle des

10 lettres A, B, C, et D, correspondent-elles aux quatre mosquées détruites à

11 Mostar ouest ?

12 R. Exact.

13 Q. Qui figurent également à la page 3 de votre rapport.

14 R. Ce sont les emplacements des mosquées détruites dans la partie

15 occidentale de la ville. Au total quatre mosquées.

16 Q. Très bien.

17 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je m'arrêterais

18 donc là. Le compte rendu d'audience qui fait foi est bien sûr celui qui

19 établit le Greffe, mais, d'après mon calcul, je tiens à indiquer que j'ai

20 utilisé trois heures et 43 minutes donc beaucoup moins que le temps que

21 j'avais prévu d'avoir à ma disposition. Il y a pas mal de questions que

22 j'aurais voulu discuter et étudier avec ce témoin mais nous n'en aurons pas

23 la possibilité. Je vous remercie. Merci.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, dois-je comprendre que vous avez

25 fini la présentation de ce témoin ?

26 M. SCOTT : [interprétation] Pour être très précis, Monsieur le Président,

27 je crois pouvoir dire que c'est vous qui m'avez dit que j'avais terminé.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais être sûr

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1 qu'il n'y ait pas de problèmes plus tard au cas où il devait être dit qu'il

2 n'a pas terminé son interrogatoire principal. Il a indiqué qu'il voulait

3 être sûr. Je voudrais qu'il n'ait pas d'excuse plus tard pour dire qu'il

4 n'a pas pu tout aborder dans l'interrogatoire principal.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons une possibilité de commencer demain à 8

6 heures et demi le matin, donc on viendrait une demi-heure avant. Mais mes

7 soucis c'est que le témoin puisse repartir chez lui demain et qu'il ne

8 reste pas pendant plusieurs jours.

9 Le cas échéant on peut commencer à 8 heures et demie demain, et Monsieur

10 Scott, vous pourriez à ce moment-là avoir 15 minutes de plus. Ce qui

11 permettrait à la Défense de pouvoir contre-interroger jusqu'à 13 heures 45,

12 14 heures. Mais à ce moment-là il faut que vous vous engagiez à ne prendre

13 que 15 minutes encore.

14 C'est OK.

15 Il vous reste 40 secondes de bande. Donc à --

16 Alors, Monsieur Scott -- OK.

17 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'utiliserais les 15

18 minutes. Je voudrais discuter d'un certain nombre d'autres documents très

19 rapidement, donc, j'utiliserais les 15 minutes et j'en aurais terminé.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience commence demain à 8 heures 30. 8

21 heures 30.

22 --- L'audience est levée à 17 heures 52 et reprendra le jeudi 25 mai 2006,

23 à 8 heures 30.

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