Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 20 juin 2006

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président. Bonjour à tous.

  9   Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je salue toutes les personnes présentes; je

 11   salue les accusés, les représentants de l'Accusation, ainsi que tous les

 12   avocats, et toutes les personnes qui sont également dans la salle

 13   d'audience. Nous devons continuer aujourd'hui nos travaux par le contre-

 14   interrogatoire. Mais avant cela, je me tourne vers l'Accusation pour leur

 15   dire - parce qu'on en a parlé en Juges - il serait souhaitable qu'on est

 16   dans la salle d'audience lorsqu'un témoin vient, une grande carte de la

 17   région, où immédiatement on pourrait par cette carte, qui serait très

 18   grande, voir les localités. Essayez de nous trouver cela et on la mettrait

 19   sur un panneau quelconque qui pourrait être mobile et immédiatement tout le

 20   monde pourrait voir la carte et le lieu et le témoin avec une baguette

 21   pourrait dire : "Je suis allé dans tel village, tel village, tel village."

 22   Ce serait plus pratique pour tout le monde.

 23   Ceci étant dit, j'ai pour ma part quelques questions à poser au témoin

 24   avant que le contre-interrogatoire démarre.

 25   LE TÉMOIN : JACQUELINE CARTER [Reprise]

 26   [Le témoin répond par l'interprète]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Docteur, je voudrais que vous me précisiez si, dans

 28   la mission que vous aviez auprès de ce Bataillon britannique, vous aviez


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  1   également, sur le plan médical, la mission d'apporter votre aide et

  2   assistance et compétence technique aux populations locales.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Essentiellement, nous étions chargés des soins

  4   médicaux pour la FORPRONU, les soldats de la FORPRONU ainsi que les agences

  5   internationales tel que cela d'ailleurs a été stipulé dans notre mandat.

  6   Nous pouvions également apporter une certaine aide aux populations locales,

  7   et je pense aux soins médicaux, mais seulement en cas de soins d'urgence,

  8   soins prodigués afin de sauver la vie. Je pense également à la distribution

  9   d'aide, à la distribution humanitaire, et tout ce que nous faisions était

 10   approuvé par la structure du commandement. Donc, dans mon cas, il

 11   s'agissait du Groupe de bataille de Cheshire ainsi que le soutien national

 12   -- Elément soutien national qui se trouvait à Tomislavgrad.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous avez expliqué qu'en véhicules vous aviez

 14   parcouru plusieurs villages, plusieurs localités. Quand vous étiez dans ce

 15   véhicule avec un interprète, est-ce que c'était pour porter assistance à la

 16   population qui serait en état de péril, ou c'était simplement pour vous

 17   promener -- voir les lieux ? J'aimerais bien que vous m'indiquiez

 18   exactement le but de votre transport dans ces localités, et est-ce qu'il y

 19   avait un but médical ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai dit hier, l'objectif principal

 21   de nos déplacements et de nos visites en tant que Groupe de bataille était

 22   donné par le commandant de la Compagnie B. S'ils étaient d'avis que cela

 23   était approprié ou que cela les aurait aidés à savoir que l'équipe médicale

 24   se trouve sur le terrain, c'est ce que nous faisions s'il le souhaitait.

 25   Cela pouvait se passer pour plusieurs raisons. Dans un premier temps

 26   fournir à nos convois un soutien médical intégré.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne répondez exactement à ma question. Vous

 28   dites : j'exécute ce que le commandement de la compagnie décide. Bien.


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  1   Donc, je parle de l'hypothèse où le commandant de la compagnie vous a dit

  2   que vous vous rendez dans le village de Dusa, par exemple, et vous arrivez

  3   dans le village de Dusa. Est-ce que, sortant du véhicule, vous demandez

  4   immédiatement à la première personne rencontrée si elle a besoin, ou ses

  5   compatriotes ont besoin d'assistance médicale ? Est-ce que c'est comme cela

  6   que vous exécutez votre mission ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque nous arrivions dans un village, il

  8   était peu probable que je sois le commandant du convoi. En général, j'étais

  9   une assistance dans ce convoi. Ce qui ne signifie pas pour autant que je

 10   n'étais pas la personne la plus expérimentée sur le terrain, je ne suis pas

 11   au grade. En fait, le modus operandi était tel que nous arrivions dans un

 12   village. En règle générale, les villageois savaient que nous allions

 13   arriver, je suppose par les messages qui étaient transmis par les postes de

 14   contrôle qui se trouvaient sur notre chemin, mais en général nous

 15   rencontrions le commandant du village plutôt que de rencontrer le premier

 16   villageois qui venait à notre rencontre et puis nous avons passé un certain

 17   temps sur le terrain avant le conflit. En règle générale, ce n'était pas

 18   inévitable, mais, en règle générale, nous connaissions cette personne. Donc

 19   si nous rencontrions une personne différente dans le village, dans un

 20   premier temps il fallait évaluer ce qui était arrivé à la personne que nous

 21   avions l'habitude de rencontrer. Est-ce que cette personne était absente

 22   pour la journée ? Est-ce que cette personne avait été tuée ? Enfin, il

 23   fallait savoir ce qui était arrivé. Mais, en général, la première personne

 24   que l'on rencontrait était le commandant du village.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Si le commandant du village vous avait dit :

 26   "J'ai dans le village une personne blessée," est-ce que vous vous en seriez

 27   occupée immédiatement ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne faisait pas partie de notre mandat.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, je ne comprends pas. Je vous ai demandé de me

  2   préciser votre mandat. Vous me dites : "Mon mandat était de m'occuper

  3   d'abord du personnel de la FORPRONU et des organisations internationales."

  4   Bien. Vous avez ajoutez : "Le cas échéant, on pouvait prêter aide et

  5   assistance aux populations locales." Je vous mets en situation. Je vous

  6   dis, voilà : vous êtes dans un village, il y a le chef du village qui vous

  7   dit : "Il y a quelqu'un de blessé," et là vous lui dites : "Non, cela ne

  8   rentre pas dans mon mandat." Alors, j'essaie de comprendre pourquoi un

  9   médecin se trouve dans un véhicule du Bataillon britannique dans un

 10   village, et que fait le médecin dans ce véhicule, dans ce village. C'est

 11   cela que j'essaie de déterminer.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je me souviens ce que j'ai dit, j'ai dit

 13   que nous apportions, en fait, une aide d'urgence. Donc, si quelqu'un avait

 14   besoin de réanimation cardio-pulmonaire, par exemple, nous le faisions.

 15   Mais, si quelqu'un avait une jambe cassée, cela ne faisait pas partie de

 16   mes attributions. Pourquoi est-ce que j'étais un médecin sur le terrain, en

 17   sus d'être médecin, je suis officier de l'armée britannique, ce qui fait

 18   que donc j'avais en quelque sorte deux rôles -- deux fonctions dans le

 19   cadre de mes attributions. Et --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes d'abord médecin et officer de l'armée

 21   britannique ou officier de l'armée britannique et médecin après ? Qu'est-ce

 22   qui l'emporte dans vos deux fonctions ? Je vous vois sourire, mais

 23   répondez-moi précisément. Est-ce que c'est le médecin qui prend le pas sur

 24   l'officier ou c'est l'officier qui prend le pas sur le médecin ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ces circonstances et puisque je portais

 26   l'uniforme britannique avec les insignes de la FORPRONU, je me voyais, dans

 27   un premier temps, comme un officier avec des compétences supplémentaires en

 28   tant que médecin. Lorsque dans le cadre de mes missions en temps de paix,


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  1   en ce moment, par exemple, je suis dans un premier temps médecin, c'est le

  2   médecin qui prend le pas et ensuite je suis officier. Mais, en fait, cela

  3   est interchangeable au vu de la situation dans laquelle je me trouve.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci pour cette précision. Dernière question.

  5   Il semblerait, d'après ce que vous nous avez dit, que vers le 13 janvier,

  6   il y aurait eu une offensive du HVO. Au moment du début de l'offensive,

  7   étiez vous à Gornji Vakuf lorsque l'offensive du HVO a démarré ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me trouvais à Gornji Vakuf, effectivement.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Lorsqu'il y a une offensive militaire, en principe

 10   il y a des tirs, il y a l'artillerie. Est-ce que de Gornji Vakuf vous aviez

 11   entendu des tirs de canons, des bruits de balles ou autre ? Est-ce que

 12   cette offensive a été caractérisée par des sons caractéristiques ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : A partir de là, est-ce que votre commandement et

 15   vous-même aviez envisagé la possibilité que dans la mesure où il y avait

 16   des tirs d'artillerie, il peut y avoir des blessés, soit des soldats, soit

 17   des civils, et qu'à ce moment-là, vous-même pouviez apporter une aide

 18   médicale urgente en cas de besoin s'il n'y avait pas de médecin surplace.

 19   Est-ce que cette hypothèse de travail a été prise en compte à votre niveau

 20   et au niveau de votre commandement ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, dans le cadre de mes attributions, je

 22   devais essentiellement traiter le personnel de la FORPRONU ainsi que les

 23   agences internationales homologuées. Dans le cadre de mes attributions, je

 24   n'étais pas censée fournir un soutien médical à la communauté locale, qu'il

 25   s'agisse de soldats ou de population civile, si ce n'est dans le cas de

 26   situations d'urgences, arrêts cardio-pulmonaires, par exemple, réanimation,

 27   et cetera.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous faites des réponses en boucle, vous répétez


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  1   toujours la même chose. J'essaie d'y voir clair, mais vos réponses sont

  2   toujours identiques. Bien. Bon, voilà, je n'ai plus de question, ce n'est

  3   pas la peine d'insister.

  4   Peut-être que mon collègue -- non ?

  5   Bien. Alors, je vais maintenant passer la parole à la Défense. Je ne sais

  6   qui intervient en premier. Maître Alaburic, vous avez donc la parole.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Carter. Je m'appelle Maître Vesna

 10   Alaburic et je suis conseil de la Défense pour

 11   M. Petkovic. Je vais commencer, en fait, par vous poser des questions, mais

 12   enchaîner, en fait, à la suite des questions qui ont été posées par M. le

 13   Juge Antonetti. Car la nuit dernière, en étudiant les résolutions des

 14   Nations Unies à propos de la FORPRONU, j'ai essayé, en fait, de déterminer

 15   quel était le mandat de la FORPRONU et quelles étaient les mesures qui

 16   coïncidaient avec votre témoignage d'hier à propos de vos activités à

 17   Gornji Vakuf. Donc, je vais vous poser quelques questions précises.

 18   Conviendrez-vous avez moi que le mandat ou les attributions de la

 19   FORPRONU était entièrement régi par les résolutions des Nations Unies ?

 20   Est-ce que cela est exact ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Etes-vous d'accord également avec moi pour dire que, dans aucune

 23   résolution des Nations Unies, il n'est pas mentionné le fait que des unités

 24   militaires ou des unités médicales appartenant à des unités militaires

 25   seraient autorisées, d'une façon ou d'une autre, à administrer une

 26   assistance médicale à la population locale, notamment, même en cas

 27   d'intervention dans des situations d'urgences telle que celles que vous

 28   avez décrite et je parle des résolutions des Nations Unies.


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  1   R.  Je n'ai pas, personnellement, lu la résolution, le document de

  2   résolution des Nations Unies, mais c'est ainsi que je comprenais

  3   effectivement mes rôles et mes responsabilités et mes attributions à

  4   l'époque - c'est ce que je viens de décrire - parce que j'avais compris que

  5   nous pourrions, par exemple, fournir des soins de réanimation, par exemple,

  6   en cas d'accident de la circulation routière sur le bas côté, donc nous

  7   pourrions faire ces soins, mais rien d'autre.

  8   Q.  Oui, j'allais, en fait, établir une comparaison avec un accident de la

  9   circulation routière. J'allais justement établir ce parallèle. Lorsque vous

 10   quittez ce bâtiment, par exemple, disons que vous vous trouvez, que vous

 11   voyez donc un accident de la circulation routière qui s'est passé juste en

 12   face de l'immeuble et qu'une personne a besoin d'assistance médicale. En

 13   tant que médecin, en tant que docteur, est-ce que vous iriez aider cette

 14   personne ? Est-ce que cela est de l'ordre de vos tâches ?

 15   R.  Si vous pensez que vous pouvez être utile à la personne, si la

 16   situation vous permet de le faire et s'il n'y a aucune autre assistance

 17   médicale, c'est une décision qu'effectivement vous pouvez prendre vous-

 18   même.

 19   Q.  Merci. Conviendrez-vous avec moi que, conformément aux résolutions des

 20   Nations Unies, une unité militaire telle que le BritBat n'avait pas le

 21   droit de distribuer l'aide humanitaire, mais avait plutôt le droit de

 22   fournir des escortes et d'assurer la protection des escortes et des

 23   organisations qui étaient autorisées à distribuer l'aide humanitaire telle

 24   que, par exemple, le HCR, ainsi que la Croix-Rouge internationale ?

 25   R.  Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas lu le mandat. Mais c'est ce que je

 26   comprenais de la situation et si nous voulons faire quoi que ce soit en

 27   plus, il fallait en fait obtenir l'autorisation de nos supérieurs

 28   hiérarchiques et, en fait, je ne sais pas véritablement, ce n'était pas mon


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  1   mandat que de savoir comment cela se passait ?

  2   R.  Dites-nous, Docteur Carter, si, à votre avis, le commandant de votre

  3   compagnie avait le droit de vous confier à vous, ainsi qu'à d'autres

  4   membres de votre compagnie des tâches qui n'étaient pas en conformité de la

  5   résolution ou des résolutions des Nations Unies qui déterminaient le mandat

  6   et les attributions de votre unité ?

  7   R.  Afin qu'une tâche soit attribuée, tâche qui se trouvait, ou qui

  8   dépassait en fait le mandat auquel vous avez fait référence, je pense que

  9   le commandant de la compagnie demandait l'autorisation à ses supérieurs

 10   hiérarchiques en passant donc, par la chaîne de commandement.

 11   Q.  Oui, nous allons aborder donc cette question du commandement supérieur

 12   et nous verrons s'il pouvait véritablement émettre des ordres contraires

 13   aux résolutions des Nations Unies à propos du mandat des unités militaires

 14   individuelles. Est-ce qu'il pouvait le faire ?

 15   R.  Je ne comprends pas votre question.

 16   Q.  Votre commandant aurait pu un ordre de la part de ses supérieurs

 17   hiérarchiques. Donc, prenons, en fait, le sommet de la chaîne de

 18   commandement. Lorsque vous avez les officiers supérieurs, est-ce que ces

 19   officiers auraient pu donner des instructions à leurs subordonnés,

 20   instructions qui auraient contraires aux résolutions des Nations Unies ?

 21   R.  Je ne peux pas répondre car je ne peux pas vous dire en fait ce que

 22   faisaient ou ne faisaient mes supérieurs. Je travaillais en fonction des

 23   instructions qui m'étaient données sur le terrain et je me suis d'ailleurs

 24   pas sûre de comprendre absolument votre question.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je dois vous avouer que je suis tout

 26   aussi intrigué que le témoin. Je ne comprends pas comment vous pouvez poser

 27   une question au témoin à propos du comportement de ses supérieurs, vis-à-

 28   vis de leurs supérieurs. Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir


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  1   et je ne vois pas véritablement pas quel est le lien entre ces questions et

  2   notre affaire.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vais vous dire exactement où je veux en

  4   venir. Nous essayons de déterminer si le témoin agissait en fonction du

  5   mandat établi par les résolutions des Nations Unies. Lorsque je lui ai

  6   demandé si les instructions qui lui étaient données étaient conformes aux

  7   résolutions des Nations Unies ? Elle a répondu en disant qu'elle agissait

  8   conformément aux instructions qui lui étaient données par son commandant et

  9   qu'elle ne savait pas si cela était conforme aux résolutions des Nations

 10   Unies ou non. Mais d'après elle, à son avis, le fait primordial en quelque

 11   sorte était qu'elle agissait conformément aux instructions qui lui étaient

 12   données par son commandant. Comme dans toute armée, je suppose que cela est

 13   valable pour l'armée britannique également. Il convient de poser une

 14   question entre le lien établi entre un commandement -- entre un commandant

 15   et la règle qui lui permet d'émettre des ordres et la base de cette règle.

 16   J'aimerais poser d'autres questions à propos des décalages et des

 17   différences entre les résolutions des Nations Unies et les ordres qui ont

 18   été reçus par le témoin qui s'est déplacé dans des villages à bord de

 19   véhicules du BritBat et qui a effectué les activités qu'elle a décrites

 20   hier.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ecoutez, très franchement, je

 22   continue à ne pas voir le lien établi avec notre affaire ici, parce qu'il

 23   ne s'agit pas, en fait, de savoir si la FORPRONU se comportait à bon ou à

 24   mauvais escient.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Permettez-moi de m'excuser mais je pense

 26   que je dois véritablement expliquer les raisons qui me poussent à avancer

 27   ce que j'avance. Je pense qu'il est absolument essentiel de déterminer si

 28   les unités de la FORPRONU effectuaient leurs missions sur le terrain


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  1   conformément aux résolutions, à la résolution des Nations Unies mais si

  2   elles avaient en fait dépassé leur mandat. Je pense que toutes les forces

  3   locales sur le terrain, y compris d'ailleurs le HVO, ont pensé ou plutôt,

  4   étaient d'avis que la FORPRONU et toutes les autres unités s'acquittaient

  5   de leur mandat. Si, toutefois, il semble -- nous nous rendons compte que

  6   les véhicules de la FORPRONU transportaient des biens on conformément à

  7   leur mandat, je pense en fait qu'il s'agit de savoir s'ils avaient dépassé

  8   leurs attributions et cela va engendrer des questions qui me semblent, tout

  9   à fait, pertinentes ici.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie vivement pour votre

 11   réponse qui m'est très utile.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

 13   Q.  Docteur Carter, pourriez-vous nous dire, je vous prie, si à votre

 14   connaissance sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine lorsqu'il y avait

 15   une offensive menée contre un territoire, s'il était habituel donc que les

 16   forces de la FORPRONU qui avaient leur QG sur ce territoire se déplaçaient

 17   temporairement vers une zone plus sûre, par exemple, lors de l'offensive ou

 18   lors des combats à Mostar, le QG d'une unité de la FORPRONU aurait pu être

 19   déplacé de façon temporaire vers une autre ville et ce, pour des raisons de

 20   sécurité ?

 21   R.  Pendant ma mission, donc, dans le cadre de cette mission, je suis

 22   restée au même endroit à Gornji Vakuf, hormis le détachement dont j'ai fait

 23   l'objet à Tomislavgrad. Nous nous sommes jamais déplacés et il n'a jamais

 24   été question que nous quittions l'endroit où nous nous trouvions ?

 25   R.  Je vous remercie, Docteur Carter, je souhaiterais, en fait, vous

 26   féliciter pour la façon dont vous vous êtes souvenue des noms des villages

 27   en Bosnie-Herzégovine. Je suis sûre que vous êtes donc, puisque vous êtes

 28   originaire de la Grande-Bretagne, ces noms devaient avoir une consonance


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  1   étrange à votre oreille et j'aimerais vous poser quelques questions à

  2   propos de certaines circonstances qui vont nous permettre de déterminer

  3   véritablement la qualité de votre mémoire. Vous nous avez dit que les

  4   hostilités entre les Musulmans et les Croates à Gornji Vakuf ont commencé

  5   autour du 13 janvier. Est-ce que vous pourriez nous dire qu'elle fût la

  6   durée de l'offensive du HVO s'il tentait que vous vous en souveniez ?

  7   R.  Je me souviens que les combats ont commencé avant le 13 janvier. Je me

  8   souviens du 13 janvier parce que c'est le jour du décès du caporal Edwards

  9   et c'était la première fois que j'ai dû, en fait, m'occuper du décès d'un

 10   combattant. C'est pour cela que je n'oublierais jamais cette date. La

 11   majorité, en fait, des dates dont je me souviens, parte de ce moment-là.

 12   Donc, je peux vous dire que les combats avaient commencé quelques jours

 13   auparavant. Alors, et pour ce qui est de savoir qu'elle fût la durée de

 14   l'offensive, je dirais qu'il s'agit d'une question assez complexe parce

 15   qu'il y avait souvent des cessez-le-feu qui étaient négociés et qui

 16   duraient pendant un laps de temps très bref. Puis, il y avait d'autres

 17   cessez-le-feu qui duraient plus longtemps. Donc, il est difficile, en fait,

 18   de vous dire qu'elle fût la durée de la première offensive. Mais après le

 19   décès du caporal Edwards, je dirais qu'il y a rupture du cessez-le-feu,

 20   cette après-midi-là. Je me souviens pas combien -- ou plutôt je peux dire

 21   qu'il y a eu un cessez-le-feu qui fût négocier cette après-midi. Alors, je

 22   ne me souviens pas combien de temps il a duré où il a été assez bref.

 23   Ensuite, les combats ont repris. Mais c'est ainsi en fait que se déroulait

 24   la vie.

 25   Q.  Etant donné que vous avez utilisé le terme "offensives" au pluriel, je

 26   souhaiterais vous en demander ce que vous comprenez par le terme

 27   "offensives".

 28   R.  Lorsque j'utilise ce terme au pluriel, en fait, il s'agit de parler de


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  1   chaque vague de combat plutôt que de prendre cela au sens véritablement

  2   militaire du terme parce que, manifestement, il y avait des trêves ou des

  3   pauses dans le cadre d'une offensive militaire.

  4   Q.  Puis-je en conclure que d'après vous une offensive est un conflit

  5   militaire ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vous remercie. Hier vous avez décrit deux incidents, et ces

  8   incidents ont indiqué qu'il y avait une exacerbation des tensions entre les

  9   populations musulmanes et croates à Gronji Vakuf à la fin de l'année 1992

 10   et au début de l'année 1993. L'un de ces incidents a eu trait à un drapeau

 11   au début du mois de janvier, vous vous en souvenez ? J'aimerais vous poser

 12   quelques questions à ce propos.

 13   Est-ce que vous vous ou plutôt est-ce que vous savez à quoi il est

 14   fait référence lorsqu'on utilise le terme "Oustachi" ?

 15   R.  "Oustacha" c'était un drapeau qui était utilisé --

 16   Q.  Non, non, je m'excuse, je m'excuse. Je ne vous parle pas du drapeau

 17   oustacha. Je vous demande tout simplement si vous savez qui les Oustachi ?

 18   R.  Les Oustachi étaient un élément militant du HVO -- militaire,

 19   pardonnez-moi -- non, un élément militant du HVO. C'étaient des éléments

 20   militants du HVO.

 21   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, à quoi ressemblait le

 22   drapeau oustacha ? C'était quel type de drapeau qu'arboraient ces éléments

 23   militants ?

 24   R.  Je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas du drapeau. Comme je vous

 25   l'ai dit, je n'étais pas sur le terrain à l'époque.

 26   Q.  Merci beaucoup. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si vous avez

 27   donné -- ou fait une déclaration au bureau du Procureur les 7 et 8

 28   septembre 2005 en rapport avec ces événements qui faisaient partie de votre


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  1   mandat ?

  2   R.  Je ne me souviens pas de la date exacte mais c'était au mois de

  3   septembre 2005.

  4   Q.  Dans cette déclaration vous souvenez-vous avoir évoqué l'incident du

  5   drapeau ?

  6   R.  Oui, je crois que oui, effectivement.

  7   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez dit à ce moment-là ?

  8   R.  Je me souviens d'avoir parlé du drapeau -- que le drapeau avait été

  9   incendié, brûlé.

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Avec l'autorisation des Juges, je vais vous

 11   relire une partie de votre déclaration.

 12   Q.  Cela se trouve au paragraphe 18, à la page 7 du texte en B/C/S, en

 13   rapport avec cet incident vous avez dit ce qui suit, je cite votre propre

 14   déclaration :

 15   "Je me souviens qu'un drapeau de l'ABiH a été monté à côté d'un drapeau du

 16   HVO dans une région qui était majoritairement croate. La communauté croate

 17   était furieuse et a descendu le drapeau. A cette époque, un jeune homme

 18   musulman qui était handicapé et qui était dans un fauteuil roulant était

 19   près du mat de ce drapeau, et cetera."

 20   Q.  Je souhaite vous remémorer votre déposition d'hier où vous avez

 21   également évoqué l'incident du drapeau. Ceci se trouve à la page 47, du

 22   compte rendu, lignes 18 à 24. Je vais vous relire ce que vous nous avez dit

 23   hier. Je vais vous le lire en anglais car le compte rendu d'audience est en

 24   anglais.

 25   "Je n'étais pas en réalité sur le terrain moi-même pour pouvoir voir

 26   cela. Deuxièmement, après 12 ou 14 ans ma mémoire me fait quelque fois

 27   défaut surtout concernant les détails. Ce dont je me souviens cependant

 28   c'est que dans mon souvenir c'était des traits B et G, mais je ne me


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  1   souviens seulement d'un incident au cours duquel on a hissé ce drapeau. Je

  2   pense que c'est l'incident que j'ai évoqué, et que ceci n'était pas exact.

  3   Je ne me souvenais pas quelque côté -- quelle partie avait hissé le

  4   drapeau."

  5   C'est ce que vous avez dit après avoir répété ce que vous avez dit dans

  6   votre déclaration de 2005 après que l'Accusation vous montrait une pièce

  7   qui parlait d'un drapeau oustachi. Maintenant vous nous dites que vous ne

  8   savez pas à quoi ressemblait ce drapeau. Pourriez-vous nous dire comment

  9   cela est possible ? Comment se fait-il que, dans votre déclaration, vous

 10   décrivez cet incident d'une certaine façon et que dans votre déposition --

 11   vous décrivez l'incident d'une certaine façon dans votre déposition hier et

 12   vous parlez du drapeau oustachi et vous ne savez pas à quoi ressemble ce

 13   drapeau oustachi. Donc, vous modifiez votre déposition, pourriez-vous nous

 14   expliquer cela ?

 15   R.  Ecoutez, je ne pense pas avoir modifié ma déposition. Je ne vois pas en

 16   quoi j'aurais modifié ma déposition.

 17   Q.  Dans la déclaration de 2005 que je viens de vous relire, et vous avez

 18   dit la même chose hier, vous dites qu'un drapeau de l'ABiH a été hissé.

 19   Mais après l'intervention de l'Accusation vous parlez du fait qu'un drapeau

 20   oustachi a été hissé, c'est la raison pour laquelle je vous demande quel

 21   drapeau a été hissé ? Qu'est-ce qui est à l'origine de cet incident ?

 22   R.  Je me suis toujours souvenu de cet incident en me souvenant d'un

 23   drapeau bosniaque. Je n'ai jamais dit que c'était oustachi. J'ai admis

 24   qu'après 12 ou 13 ans, n'ayant pas été moi-même sur le terrain, que je

 25   m'étais trompée, c'est ainsi que je vois les choses et je ne vois en quoi

 26   j'aurais modifié quoi que ce soit -- ma déclaration, et je n'ai pas dit que

 27   c'était un drapeau oustachi. Je n'ai pas modifié ma déclaration. Je me suis

 28   corrigée mais je n'ai pas modifié ma déclaration.


Page 3410

  1   Q.  Dans ce cas, suis-je en droit de conclure que vous vous en tenez à la

  2   description de cet incident que vous faites dans votre déclaration de 2005

  3   et votre déposition originale d'hier ?

  4   R.  Je me fie à ma mémoire c'était un drapeau bosniaque. Si cela n'a pas

  5   été le cas, j'accepte ou je reconnais d'avoir -- de me tromper, j'admets

  6   que ceci est conforme à ce dont je me souviens. J'accepte que -- et

  7   j'admets que --

  8   Q.  Très bien. Je souhaite maintenant éclaircir un certain nombre de points

  9   concernant votre déposition d'hier. Lorsque vous avez parlé de la

 10   distribution d'aide dans des différents villages -

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Vous pourrez trouver cela à la page 54,

 12   ligne 19 du compte rendu d'hier.

 13   Q.  Vous avez dit, entre autres, ce qui suit -- vous avez dit que, très

 14   souvent, vous passiez du territoire HVO de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce

 15   que vous pourriez nous dire quel rapport existe ou quel lien existe entre

 16   le territoire du HVO et le territoire de la Bosnie-Herzégovine, d'après

 17   vous ?

 18   R.  Je ne me souviens pas d'avoir parlé de la Bosnie-Herzégovine. J'ai

 19   parlé de territoires contrôlés par les Musulmans, de territoires de l'ABiH

 20   et de territoires du HVO contrôlés par des Croates ou des territoires

 21   contrôlés par des Croates et vice versa.

 22   Q.  Merci. Hier, vous avez parlé d'un soldat britannique qui est mort le 13

 23   janvier. Pourriez-vous me dire -- vous dites qu'une enquête a été menée par

 24   les autorités britanniques; est-ce qu'il y a eu des conclusions à cet

 25   égard ?

 26   R.  C'est une procédure standard. Toutes les fois qu'un soldat est

 27   grièvement blessé ou tué, une enquête est diligentée lorsque les soldats

 28   britanniques sont sur le théâtre des opérations. Cela dépend évidemment des


Page 3411

  1   conclusions de l'enquête d'origine et, par la suite, c'est la police

  2   militaire royale ou l'armée ou les services de l'armée tout à fait légaux,

  3   je ne sais pas exactement qui décide si, oui ou non, il faut mener une

  4   enquête concernant l'individu en particulier. Je ne sais pas jusqu'où est

  5   arrivée cette enquête, je sais simplement qu'une enquête a été ouverte car

  6   ils sont venus nous voir pour nous parler.

  7   Q.  Très bien. Pourriez-vous nous dire, si vous vous en souvenez, au cours

  8   de l'enquête ouverte dans ce cas-là, est-ce qu'on a évoqué la possibilité

  9   de tireurs embusqués ?

 10   R.  Le terme de "tireur embusqué" était et est toujours utilisé dans deux

 11   contextes différents. Vous pouvez l'utiliser au plan officiel et vous

 12   parlez à ce moment-là d'un tireur embusqué qui a été entraîné pour se

 13   servir de ce type de fusil à balles. Vous pouvez utiliser le terme de façon

 14   plus familière pour parler plutôt de gens qui savent bien tirer. Vous

 15   pouvez utiliser ce terme de façon générale, quelqu'un qui tire sur

 16   quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui n'utilise pas d'armes du tout, c'est-à-

 17   dire qu'il malmène un petit peu, et si on parle de l'éventualité de tirs

 18   provenant d'un tireur embusqué, je suis sûre que, parmi les hommes sur le

 19   terrain, c'est tout à fait plausible que les gens parlent de tirs venant de

 20   tireurs embusqués et pour eux, en fait, d'utiliser toutes les définitions

 21   susmentionnées.

 22   Q.  D'après les éléments dont vous disposiez, est-ce que les tirs embusqués

 23   étaient utilisés par les deux parties, l'armée musulmane et le HVO ?

 24   R.  Pour ce qui est --

 25   Q.  Je parle de façon générale.

 26   R.  En général, cela n'était pas quelque chose qui m'intéressait

 27   particulièrement, à moins que ceci ne me menace directement. Si cela devait

 28   me rendre la vie difficile. En fait, s'il y a eu des positions adoptées par


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  1   des tireurs embusqués, ceci aurait pu avoir des conséquences, mais bon,

  2   ceci ne faisait pas partie -- je ne m'occupais pas de cela.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Très bien. J'aimerais maintenant montrer au

  4   témoin le document 4D 0037.

  5   Q. Il s'agit ici d'une demande --

  6   R. Je ne vois pas encore le document en question.

  7   Q. Je suppose qu'il va être affiché bientôt et en attendant -- est-ce que

  8   vous le voyez maintenant ?

  9   Pourriez-vous nous dire qui est à l'origine de cette demande, s'il vous

 10   plaît ? Est-ce que nous pouvons aller vers le haut du texte de façon pour

 11   voir la signature, s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez lui demander si, le cas échéant, ce

 13   document elle l'avait vu avant.

 14   Mme ALABURIC : [interprétation]

 15   Q.  Savez-vous que le HVO a essayé de comprendre quelles étaient les

 16   raisons qui ont provoqué cet incident ?

 17   R.  Comme je vous l'ai dit dans ma déclaration hier, d'après ce que j'avais

 18   compris, le HVO a également pris part à cette enquête, oui c'est ce que

 19   j'ai dit hier.

 20   Q.  [aucune interprétation]

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Il doit y avoir un problème technique, je n'entends

 23   plus les interprètes.

 24   R.  Je n'ai jamais vu cette demande, je n'ai jamais vu ce document

 25   auparavant. Je ne suis pas au courant de cela et je n'ai jamais vu ce

 26   document auparavant.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation]

 28   Q.  Docteur Carter, nous allons passer à une autre série de questions


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  1   qui portent sur les cessez-le-feu. Hier, vous nous avez dit que vous aviez

  2   assisté à certaines de ces réunions. Etes-vous d'accord avec moi pour dire

  3   que vous saviez que certaines tentatives avaient été menées afin de

  4   parvenir à une solution pacifique dans la région, solution pacifique au

  5   conflit entre les Croates et les Musulmans en janvier 1993 ?

  6   R.  Je savais que beaucoup d'efforts avaient été faits pour mettre sur pied

  7   des cessez-le-feu et pour maintenir ces cessez-le-feu au cours de cette

  8   période, oui.

  9   Q.  Je ne vais parler des tentatives faites en 1993 étant donné que vous

 10   vous souvenez du premier conflit. Le premier conflit a éclaté en la fin du

 11   mois de décembre 1992.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Je souhaite montrer au témoin le document

 13   4D 0041, s'il vous plaît.

 14   Q.  Il s'agit ici d'un ordre qui a été donné par mon client, le chef

 15   d'état-major, Milivoj Petkovic. Il est daté du 6 janvier 1993 et à cette

 16   fin, pour remplir les obligations qui sont celles qui découlent de la

 17   Conférence de Genève, il leur donne le respect du cessez-le-feu et la

 18   suspension des activités de combat. Cet ordre a été donné ou distribué à

 19   trois zones opérationnelles, le quartier général se trouvant à

 20   Tomislavgrad, Mostar et Vitez.

 21   Saviez-vous quels efforts avaient été déployés par le HVO dès le début du

 22   mois de janvier et de juin pour apaiser les tensions et parvenir à une

 23   solution pacifique du conflit entre les deux communautés ethniques ?

 24   R.  Comme je l'ai déclaré un peu plus tôt, un nombre d'efforts pour mettre

 25   en place et maintenir ce cessez-le-feu. Les différentes orientations

 26   personnelles avaient été prises et différentes autorités telles que celles-

 27   ci, je n'ai pas vu ce document auparavant. Dans le rôle qui était le mien,

 28   je n'aurais pas vu ce type de document, et je ne me serais pas attendue à


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  1   cela, non plus, être partie à des directives qui étaient données dans ce

  2   sens. Je n'étais pas censée être au courant de l'existence de ce genre de

  3   document.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ecoutez, permettez-moi d'intervenir.

  5   Ce document est daté du 6 janvier 1993 et l'ordre déclare qu'à la date du

  6   10 octobre 1992, certains documents d'archives doivent être envoyés. Je

  7   reconnais que j'ai un petit de mal à comprendre ici. Il doit y avoir un

  8   problème. Est-ce que vous avez une explication à nous fournir ? Ce n'est

  9   pas un problème de traduction car le document d'origine a les mêmes dates. 

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, mon client va vous expliquer cela.

 11   L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Il y a une erreur. On peut lire

 12   "octobre"; cela devrait être le mois de janvier et l'année est fausse

 13   également.

 14   Le deuxième ordre qui a été donné à la date exacte. Il ne s'agit pas

 15   du mois d'octobre. Ce sont des obligations qui découlent de la Conférence

 16   de Genève qui avait commencé au mois de janvier 1993. Donc, c'est une

 17   erreur. Il ne faut pas lire le mois d'octobre, mais le mois de janvier

 18   1993, dès la fin de la Conférence de Genève au mois de janvier.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci beaucoup. Je souhaite remercier le

 21   Juge pour avoir posé cette question et nous permettre d'éclaircir ce point.

 22   Je pense que ceci se produira par la suite.

 23   Q.  Donc, la date que vous avez évoquée, celle du 13 janvier, est très

 24   importante pour des raisons que nous sommes tous en mesure de comprendre.

 25   Malheureusement, votre collègue a été tué. Le chef de l'état-major, Milivoj

 26   Petkovic, a donné un autre ordre. Est-ce que nous pouvons placer ce

 27   document à l'écran, s'il vous plaît ?

 28   Mme ALABURIC : [interprétation] Le numéro du document est le


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  1   4D 004045.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant qu'on aille au prochain document, vous allez

  3   demander que les documents soient versés parce que, comme vous avez demandé

  4   l'introduction du document en pièce de la Défense, cet ordre du 6 janvier,

  5   elle ne l'a pas vu, mais est-ce qu'elle savait qu'il a été demandé de

  6   respecter le cessez-le-feu ? Est-ce qu'elle le savait ? C'est cela qui

  7   permettra d'admettre le document; sinon, nous ne pourrions pas admettre le

  8   document. Alors, je vais lui poser la question. Comme cela, cela ira

  9   beaucoup plus vite.

 10   On vous a présenté un document. Vous avez dit que, ce document, je ne l'ai

 11   jamais vu. Mais ma question est celle-ci : avant le 13 janvier, comme vous

 12   êtes un officier de l'armée britannique, c'est ce que vous nous aviez dit,

 13   tout à l'heure, avant d'être médecin, en tant qu'officier de l'armée

 14   britannique, est-ce que vous saviez dans vos réunions avec les autres

 15   officiers que le HVO avait donné des ordres selon lesquels les impératifs

 16   du cessez-le-feu devaient être maintenus ? Saviez-vous cela ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas de références

 18   particulières, un document précis comme je vous l'ai dit. Je me souviens de

 19   ces réunions où on parlait de cessez-le-feu, ou on se mettait d'accord sur

 20   le cessez-le-feu, si on réussissait à les négocier, et par conséquent avec

 21   la définition que j'ai donnée, les deux parties étaient d'accords et le

 22   message devait être transmis aux troupes sur le terrain, à savoir qu'il

 23   fallait se conformer à ce cessez-le-feu.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Alaburic, dans la même veine,

 25   si vous me le permettez, encore une fois, je vais jouer au gendarme. Je

 26   pense qu'il est tout à fait clair que ces documents internes qui sont les

 27   documents du HVO sont des documents que le témoin ne connaît pas. Il m'est

 28   très difficile de poser des questions au témoin et de faire des


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  1   commentaires sur ces documents car il me semble qu'il s'agit, là, de faire

  2   venir votre client à la barre des témoins de façon indirecte, en présentant

  3   ces ordres écrits. Je ne sais pas si la méthode était appropriée pour

  4   parler du comportement du client, un comportement qui était le sien dans le

  5   passé, devant cette Chambre de première instance. Pourriez-vous nous dire

  6   pourquoi vous estimez que tout ceci est, tout à fait, convenable ? Car je

  7   pense, je suppose que vous le pensez; sinon, vous ne le feriez pas.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, pour votre

  9   question. Vous me donnez l'occasion de m'expliquer. Etant donné que le

 10   témoin nous a dit qu'elle a assisté à un certain nombre de négociations,

 11   sur la mise en place d'un cessez-le-feu et d'une trêve; étant donné que ce

 12   témoin, de surcroît, a confirmé quel était le contenu ou une partie du

 13   contenu de certains rapports militaires préparés par les unités auxquelles

 14   elle appartenait; étant donné que ce témoin estime qu'elle fait partie de

 15   l'armée britannique, est-ce qu'une partie de ses attributions sur le plan

 16   militaire et une partie de sa mission relevaient de cela ? Donc, je pensais

 17   qu'il était important d'éclaircir ce point. Quelle était la contribution du

 18   HVO, la résolution pacifique du conflit ? Dans ce contexte, je pensais que

 19   le témoin dirait qu'elle ne savait pas ou qu'elle n'était pas au courant

 20   des ordres et qu'elle en connaissait pas les documents du HVO. Je

 21   m'attendais à cela, mais je pensais qu'elle aurait pu savoir quelque chose

 22   à propos des tentatives faites par le HVO, nonobstant le fait qu'elle ne

 23   connaisse pas les documents. Je pense que ceci constitue un élément

 24   important, également, de savoir d'autres sources, comment ces tentatives

 25   avaient été faites de part et d'autres pour parvenir à une solution

 26   pacifique.

 27   Je crois que tous ces documents sont importants car ils permettent de

 28   fournir des éléments d'information sur le contexte et les événements qui se


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  1   sont déroulés et c'est pour cela que j'ai posé les questions comme cela.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Posez une question complémentaire au témoin

  3   qui est dans le droit-fil de ce que vous dites et de ce que mon collègue

  4   vient de dire.

  5   Madame, Docteur ou Colonel, je ne sais plus exactement comment vous

  6   appeler, mais, donc, je vous appelle "Madame". Madame, vous nous avez dit,

  7   le 13 janvier 1993, il y a un conflit qui est en train de se dérouler. Vous

  8   l'avez dit tout à l'heure. Est-ce que votre commandement a réuni, tout de

  9   suite, le jour même, les parties au conflit, c'est-à-dire le HVO et les

 10   représentants de l'ABiH pour un cessez-le-feu ? Là, on a un ordre qui est

 11   strict, qui indique qu'il faut respecter le cessez-le-feu. Il y a un

 12   conflit qui démarre. On ne sait pas qui tire exactement. Est-ce que votre

 13   autorité a immédiatement demandé aux représentants du HVO et de l'ABiH de

 14   se réunir pour mettre en place les conditions d'un cessez-le-feu ? Voilà.

 15   Cela, c'est la question à poser qui est dans le droit-fil, de ce document.

 16   A votre souvenir, bien entendu, si vous vous en rappelez ou si vous

 17   ne vous en rappelez pas.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, les deux commandants

 19   locaux ont été invités à se rendre sur la base de la FORPRONU cet après-

 20   midi-là afin de parvenir à un cessez-le-feu.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, cela est important. Donc le 13 janvier

 22   1993, dans l'après-midi les deux commandants locaux viennent à la base de

 23   l'"UNPROFOR." Très bien.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous le permettez, je souhaite

 25   également vous poser une question je vais repartir un petit peu en arrière

 26   pour parler de l'ordre du 7 janvier, je crois que c'était au moment où

 27   l'accusé Petkovic a donné l'ordre de faire appliquer les conventions de

 28   Genève. Est-ce que vous avez remarqué une différence au niveau du


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  1   comportement des troupes du HVO après cette date-là ? Avez-vous pu remarqué

  2   les conséquences de cet ordre bien que vous ne connaissiez pas le contenu

  3   de l'ordre -- de la teneur de l'ordre lui-même ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, depuis le début du

  5   mois de janvier jusqu'au 13 janvier, je ne suis personnellement pas allée

  6   sur le terrain, donc je n'ai pas pu me faire une idée sur ce plan dans un

  7   sens ou dans l'autre. Ce n'était pas tout à fait évident et je ne

  8   m'attendais pas à ce que cela le soit.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Excusez-moi, Maître Alaburic, vous pouvez continuer.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Bien entendu, je vous excuse, ces

 12   interventions ne me gênent en aucun cas et je continuerais à les considérer

 13   comme bienvenue car elle m'aide dans mon contre-interrogatoire.

 14   Q.  Madame Carter, vous parlez de commandants locaux qui sont venus à votre

 15   base, que voulez-vous dire par là ? Qui étaient ces commandants ?

 16   R.  Bien, le mot "commandants," était le mot utilisé pour désigner les

 17   représentants militaires les plus importants; en tout cas, c'est ce que

 18   j'ai cru comprendre au niveau du HVO et de l'ABiH. Je ne me rappelle pas

 19   leurs noms, bien qu'à l'époque c'étaient des personnes que nous

 20   rencontrions très fréquemment.

 21   Q.  Je vous demanderais à présent, eu égard aux documents qui se trouvent

 22   toujours à l'écran, de vous pencher sur le paragraphe 3. C'est un ordre de

 23   Milivoj Petkovic, qui date du 13 janvier, s'il n'y a pas de paragraphe 3,

 24   je vois qu'on me fait signe qu'il n'y a pas de paragraphe 3, ah, tout va

 25   bien.

 26   Donc, au paragraphe 3 -- au point 3 de cet ordre, nous lisons : "Empêcher

 27   toute éventuelle tentative de la part des commandements subordonnés de

 28   résoudre les problèmes en recourrant à la force."


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  1   Voici ma question à ce sujet : auriez-vous jamais eu la moindre information

  2   vous indiquant que des commandants locaux agissaient de leur propre

  3   initiative, ou qu'ils entreprenaient une action sans autorisation de leurs

  4   supérieurs ou sans même que ces derniers soient au courant ?

  5   R.  Je n'ai aucune information, ni dans un sens, ni dans l'autre.

  6   Q.  Dites-moi : vos commandants, en dehors des contacts qu'ils ont eus avec

  7   des commandants locaux, ont-ils tenté d'établir des contacts également avec

  8   des commandants de rang plus élevé de l'ABiH et du HVO dans le but de

  9   rétablir la paix à Gornji Vakuf ?

 10   R.  Comme je viens de le dire aujourd'hui même, il y avait des moments où

 11   des commandants de rang hiérarchique plus élevés ont manifestement fait

 12   partie du processus de recherche de cessez-le-feu pour établir la paix. Je

 13   citerais à cet exemple, la rencontre à laquelle a participé le colonel

 14   Siljeg dont j'ai déjà parlé.

 15   Q.  Dites-nous : lorsque le colonel Siljeg participait à certaines

 16   réunions, qui était son alter égaux de grade équivalant pour l'ABiH ?

 17   R.  Je ne m'en souviens pas.

 18   Q.  Vous vous en souvenez pas. Merci. Dites-nous, je vous

 19   prie : vous rappelez-vous des tentatives qui auraient été faites de la part

 20   du HVO et jusqu'à la fin du mois de janvier -- du début janvier à la fin

 21   janvier 1993, auriez-vous en mémoire des tentatives qui auraient été faites

 22   pour parvenir à régler pacifiquement les questions qui se posaient, les

 23   problèmes qui se posaient par le biais de contacts avec les Musulmans ?

 24   Est-ce que des efforts ont été faits pour régler les problèmes par la voix

 25   de la négociation afin d'éviter le conflit et d'empêcher une intervention

 26   militaire, et cetera, et cetera ?

 27   R.  Je crois qu'il eut été extrêmement peu probable et assez déraisonnable

 28   que je sois au courant de telles tentatives, mais je sais que des


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  1   tentatives ont été faites par la FORPRONU c'est certain. Comme je l'ai déjà

  2   dit, il y avait des réunions régulières qui étaient organisées de la mise

  3   en place, et de l'application des cessez-le-feu, ou de leur rétablissement

  4   lorsqu'ils avaient été violés afin de tenter de rétablir le calme. Mais je

  5   ne pourrais en aucun cas être au courant de toutes ces tentatives.

  6   Q.  D'après ce que vous savez, est-ce que les parties belligérantes, c'est-

  7   à-dire, la partie croate et la partie musulmane, informaient votre

  8   commandement des événements sur le terrain et de leurs tentatives pour

  9   régler les problèmes qui se posaient ?

 10   R.  Nous étions en bonnes relations avec les deux parties sur le terrain

 11   dans la mesure où nos quartiers militaires avaient des lignes de

 12   télécommunications dédiées, et des lignes radios dédiées pour communiquer

 13   avec le QG des uns et des autres, donc téléphones, radios, et cetera, nous

 14   permettait de rester au courant de ce qui se passait et nous pouvions

 15   informer les personnes concernées des réunions que nous organisions de

 16   temps en temps.

 17   Q.  En dehors du fait que vous souhaitiez que des communications existent

 18   en bonne et due forme, est-ce qu'elles existaient réellement ?

 19   R.  Je n'ai pas bien compris votre question.

 20   Q.  Est-ce que les parties belligérantes informaient réellement votre

 21   commandement de la situation sur le terrain, des incidents qui éclataient,

 22   des affrontements qui pouvaient exister et ce qu'ils faisaient de façon

 23   générale ?

 24   R.  D'après ce que je crois savoir c'est que cela se faisait, mais bien

 25   sûr, ils nous disaient ce qu'ils souhaitaient nous dire.

 26   Q.  Oui, bien sûr. Mais est-ce que vous avez connaissance de l'existence de

 27   rapports contenant de tels renseignements ? Est-ce qu'ils vous parvenaient

 28   quotidiennement ? Est-ce que la partie musulmane avait davantage de contact


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  1   avec vous que la partie croate, ou vice-versa, donc quand je dis partie

  2   croate je parle du HVO, ou est-ce que vous aviez des renseignements précis

  3   au sujet de contacts que votre unité aurait pris avec les deux parties

  4   belligérantes ?

  5   R.  Comme je l'ai déjà déclaré, des réunions étaient prévues à l'avance

  6   auxquelles des représentants des deux parties étaient invitées. Je les

  7   appellerais si vous voulez des réunions d'urgence qui - je parlerais

  8   également de ce que j'appellerais des réunions d'urgence qui étaient

  9   organisées lorsque la situation sur le terrain le réclamait, et puis il y

 10   avait parfois des situations dans lesquelles l'une ou l'autre des parties

 11   nous appelait pour nous

 12   dire : "Je pense qu'il serait utile que tout le monde se rencontre sur

 13   terrain neutre pour discuter de ceci ou de cela," et j'espère avoir répondu

 14   à votre question.

 15   Q.  Non, ce n'est pas une réponse à ma question. Je ne vous parlais pas de

 16   réunions. Je vous parlais de communications par téléphone, d'envois de

 17   rapports, de télécopies, d'autres moyens de communication permettant à

 18   l'une ou l'autres des parties belligérantes d'informer votre unités de la

 19   situation sur le terrain ou lui permettant de s'adresser à vous pour

 20   obtenir une médiation ou une autre intervention. Je n'aurais aucun problème

 21   si vous me disiez que vous n'êtes pas au courant.

 22   R.  Je suis au courant de l'existence de tels processus, mais cela ne

 23   faisait pas partie de mon travail quotidien que de participer en tant que

 24   tel à la réception ou au traitement de telles communications.

 25   Q.  Evidemment, cela ne faisait pas partie de votre travail. Mais je vais

 26   vous demander si vous aviez la moindre connaissance de telles actions ?

 27   Alors, je reformule ma question : est-ce que les parties belligérantes

 28   s'adressaient à vous ? Cela, c'est ma première question. Si oui, à quelle


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  1   fréquence ? Puis, troisièmement, est-ce que les deux partie belligérantes

  2   s'adressaient également à vous ou  est-ce que, par exemple, la partie

  3   musulmane s'adressait éventuellement davantage à vous, considérant que vous

  4   aviez plus de chance de lui venir en aide ?

  5   R.  Comme je l'ai déjà dit, les lignes de communication étaient ouvertes et

  6   elles étaient utilisées, mais s'agissant de l'équilibre entre l'utilisation

  7   par l'une ou l'autre des parties de ces lignes de communication, en ce qui

  8   concerne la fréquence également du recours à ces lignes de communication,

  9   je crains fort de ne pas pouvoir vous être d'une aide plus efficace.

 10   Q.  Très bien. Je cesse de vous interroger sur ce point si vous n'avez pas

 11   de renseignement à ce sujet. Je ne vais pas non plus vous interroger au

 12   sujet de la série de documents concernant les actions du HVO orientées vers

 13   la recherche d'une solution pacifique à Gornji Vakuf car vous dites que

 14   vous n'avez pas connaissance précise de ces événements, mais je vais vous

 15   interroger au sujet de quelques documents dont nous avons parlé hier.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Je demande donc que le document de

 17   l'Accusation, P 01351, soit placé à nouveau sur le rétroprojecteur.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant d'aborder ce sujet, j'aimerais revenir au

 19   document précédent où vous avez interrogé le témoin.

 20   Vous m'aviez dit, tout à l'heure, que le 13 janvier dans l'après-

 21   midi, il y a eu une réunion des commandants locaux avec la FORPRONU; étiez-

 22   vous présente à la réunion ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'étais pas présente à cette

 24   réunion.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc, si vous n'étiez pas présente, ce n'est

 26   pas la peine de continuer à poser la question.

 27   Maître Alaburic, vous pouvez passer à la suite.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation] Donc, le document de l'Accusation, P 01351.


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  1   Ce qui m'intéresse, c'est le passage en B/C/S que l'on trouve à la dernière

  2   page du texte en bosniaque donc. En version anglaise, cela se trouve en

  3   page 9, tout en haut de la page. Début de la page 9 donc pour la version

  4   anglaise. La page qui porte le numéro 9 dans la pagination commence par des

  5   mots différents de celui que je vois actuellement à l'écran. Je ne sais pas

  6   pourquoi dans le système électronique la pagination semble être différente.

  7   Bien. Alors, il pourrait s'agir de la page précédente, page 8. Je vous prie

  8   de m'excuser, Monsieur le Président, mais, selon les systèmes, la

  9   pagination diffère. Je voudrais le paragraphe qui commence par les mots :

 10   "A problem arose," en anglais.

 11   Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président. A l'évidence, certains

 12   problèmes techniques se posent. Mes confrères me disent qu'il suffirait de

 13   remonter un peu le texte sur l'écran. Voilà. C'est ce paragraphe. "Un

 14   problème a surgi ce soir."

 15   Q.  Donc, ici, il est question de ce rapport de Zeljko Siljeg dont vous

 16   avez parlé dans votre déposition hier. Dans ce passage du texte qui

 17   m'intéresse, nous lisons ce qui suit, je cite : "Un problème a surgi ce

 18   soir lorsqu'un poste de contrôle du HVO a été érigé dans le village de

 19   Humac, après quoi l'ABiH a immédiatement érigé son propre poste de contrôle

 20   non loin de la mosquée en ville."

 21   Alors, j'ai une question à ce sujet. Est-ce que vous avez quelques

 22   connaissances que ce soit quant au fait que l'ABiH aurait utilisé ces sites

 23   religieux ou les environs de ces monuments du culte ou en tout cas, des

 24   espaces réservés au culte musulman, est-ce que vous auriez connaissance que

 25   l'ABiH aurait utilisé de tels lieux à des fins militaires ?

 26   R.  Je ne suis pas au courant du fait que l'ABiH aurait pu utiliser des

 27   lieux religieux à des fins militaires.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on soumette au


Page 3425

  1   témoin le document de l'Accusation, P 01373 avant tout, parce que ce

  2   document a été soumis au témoin hier par l'Accusation elle-même. La partie

  3   du texte qui concerne le village de Zdrimci. Page suivante. Page suivante.

  4   Il est question des activités de la commission conjointe et ensuite grand

  5   A, sous-titre Zdrimci. Voilà. Nous y sommes.

  6   Q.  Donc, dans ce passage dans le rapport contenant des informations

  7   émanant de votre unité, nous lisons que dans ce village il ne restait que

  8   principalement que des personnes âgées, des femmes et des enfants, et que

  9   tous ces habitants avaient le désir de quitter le village.

 10   Alors, dites-nous, je vous prie : si les conclusions et observations que

 11   l'on trouve relatés dans ce rapport émanant de votre unité pourraient ne

 12   pas être exactes, est-ce que vous auriez des éléments vous permettant de

 13   dire que ces renseignements ne sont pas exacts ?

 14   R.  Je ne saurais commenter l'exactitude on la non exactitude d'un rapport

 15   à la rédaction duquel je n'ai pas participé. Mon seul commentaire pourrait

 16   consister à dire que je n'ai aucune raison de penser que ce rapport

 17   risquerait de ne pas être exact.

 18   Q.  Merci beaucoup.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,

 20   Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 22   Avocat suivant, il nous reste dix minutes avant la pause.

 23   M. JONJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense de M.

 24   Coric n'a pas de questions pour ce témoin. Merci beaucoup.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Ibrisimovic.

 26   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation, au

 27   paragraphe 72, a déclaré que M. Pusic n'était pas mis en accusation pour

 28   les événements de Gornji Vakuf. Nous n'avons donc pas de questions.


Page 3426

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on continue.

  2   Maître Karnavas, vous êtes bien silencieux.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président. Merci

  4   de l'avoir remarqué. 

  5   Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le Juge. Nous

  6   n'avons pas de questions dans le cadre du contre-interrogatoire pour ce

  7   témoin.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  9   Maître Murphy.

 10   M. MURPHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Contre-interrogatoire par M. Murphy :

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Carter.

 13   R.  Bonjour.

 14   Q.  Je m'appelle Peter Murphy et je représente M. Bruno Stojic en tant que

 15   conseil de la Défense et j'aurais quelques questions à vous poser. Vous

 16   avez dit, ce matin, que vous aviez fait une déclaration devant des

 17   représentants du bureau du Procureur en septembre 2005.

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  En rapport avec cette déclaration, avez-vous été interrogé par des

 20   représentants du bureau du Procureur ?

 21   R.  J'ai été interrogé par une femme dont le nom était Susan Tucker.

 22   Q.  Etait-ce la première fois que vous étiez interrogée par le bureau du

 23   Procureur ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Cela se passait disons environ 13 ans après les événements faisant

 26   l'objet de votre déposition ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Votre formation se situe dans le domaine de la médecine, n'est-ce pas ?


Page 3427

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous êtes médecin généraliste ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Si j'ai bien entendu votre déposition hier, j'ai cru comprendre que

  5   vous étiez également formée à la gynécologie.

  6   R.  Non. Je ne suis pas formée en gynécologie en dehors de la formation

  7   générale dans cette spécialité que l'on vous dispense dans le cadre de vos

  8   études destinées à faire de vous un médecin généraliste. Donc, oui, j'ai

  9   pratiqué la gynécologie pendant six mois, mais rien de plus.

 10   Q.  Mais pas en tant que spécialité à part entière ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Etes-vous formée également en médecine légale ?

 13   R.  Dans le cadre des études d'officier médical qui nous sont dispensées,

 14   nous avons une formation de base en médecine légale qui porte avant tout

 15   sur le recueil des éléments de preuve dans le cadre, par exemple, d'une

 16   enquête menée par la police. On nous enseigne donc comment les preuves

 17   doivent être recueillies selon les critères appliqués par la police.

 18   Q.  Quand vous êtes allée en Bosnie dans le cadre de la mission qui nous a

 19   été confiée par la FORPRONU, vous y êtes allée en tant qu'officier médical,

 20   n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous nous avez dit que votre première responsabilité consistait à

 23   fournir des soins médicaux au personnel de la FORPRONU ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous n'y êtes pas allé dans le cadre d'une quelconque enquête

 26   criminelle, n'est-ce pas ?

 27   R.  Pas du tout.

 28   Q.  Je crois savoir également qu'en dehors des formations élémentaires dont


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  1   vous avez parlé, vous n'avez aucune connaissance spécialisée disons de la

  2   détermination de ce qui a pu provoquer des dégâts sur un bâtiment ?

  3   R.  Non, non, non. Pas du tout.

  4   Q.  Ou de la façon dont on interroge des témoins ?

  5   R.  Non, non. Interrogatoire des témoins, non.

  6   Q.  Vous n'aviez aucun rôle dans un quelconque service de Renseignements,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Non, pas du tout.

  9   Q.  Si j'ai bien compris, votre tâche fondamentale qui consistait à

 10   apporter des soins médicaux aux soldats de la FORPRONU ne s'est pas limitée

 11   à cela puisque vous avez assumé un rôle supplémentaire qui consistait à

 12   apporter une aide humanitaire -- apporter de l'aide à des organisations

 13   humanitaires.

 14   R.  Exact.

 15   Q.  Ceci, principalement parce que la situation était assez calme du point

 16   de vue médical, comme vous nous l'avez dit.

 17   R.  Non. Nous avons été contacté dans ce sens avec des demandes allant dans

 18   ce sens parce que les combats faisaient rage et pas parce que la situation

 19   était calme; bien au contraire. Nous n'avions pas une nécessité absolue de

 20   nous occuper davantage.

 21   Q.  Bien, c'est ce que je voulais dire. Je vous ai entendu dire hier que

 22   vous aviez un peu de temps parce que vous n'étiez pas heureusement trop

 23   occupée par les traitements et soins dispensés aux représentants de votre

 24   unité.

 25   R.  Mais ce n'est pas la raison pour laquelle nous avons accepté cette

 26   tâche.

 27   Q.  Mais cette tâche n'a duré que relativement peu de temps.

 28   R.  Exact.


Page 3429

  1   Q.  De février à avril 1993, je suppose ?

  2   R.  C'est possible, en tout cas dans cette période, oui.

  3   Q.  Elle était en rapport avec le travail que vous faisiez lors de votre

  4   tournée dans un grand nombre de villages du secteur de Gornji Vakuf ?

  5   R.  Comme je l'ai déjà dit, chaque fois que nous étions déployés sur le

  6   terrain, cela se faisait sous la direction du commandant des opérations de

  7   la Compagnie B et nous avions dans ces conditions la possibilité - comment

  8   est-ce que je pourrais le dire ?

  9   Q.  Peut-être ma question n'était-elle pas suffisamment claire, je vais

 10   reformuler. Vous avez parlé dans votre déposition de visites que vous

 11   faisiez à un certain nombre de villages.

 12   R.  Exact.

 13   Q.  Si j'ai bien compris, lorsque vous alliez voir un convoi dans un

 14   village, il escortait en fait un transport d'aide humanitaire destiné à ces

 15   villages.

 16   R.  Lorsque nous allions sur le terrain, ce n'était pas toujours dans le

 17   cadre d'une mission de ce genre. Quelquefois ce l'était, quelquefois non.

 18   Q.  Très bien. Lorsque vous alliez dans les villages, pour communiquer avec

 19   les habitants, vous dépendiez d'un interprète local ou vous dépendiez de la

 20   possibilité de trouver quelqu'un dans la foule qui parlerait un peu

 21   l'anglais ou peut-être d'un soldat qui parlerait un peu l'allemand.

 22   R.  La norme, c'était pour la FORPRONU d'utiliser les interprètes de la

 23   FORPRONU. Deuxième possibilité, c'était de recourir à un interprète

 24   militaire et troisième possibilité rarement utilisée, elle consistait à

 25   passer par le biais de personnes parlant l'allemand.

 26   Q.  vous nous avez dit que pendant les combats, vous êtes restée à la

 27   base ?

 28   R.  Selon les besoins militaires, il y avait des moments où le personnel


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  1   médical devait se rendre sur le terrain pour apporter des soins médicaux

  2   aux soldats de la FORPRONU.

  3   Q.  Mais les renseignements que vous avez obtenus et donc vous nous avez

  4   parlé hier venaient principalement de ce que les habitants de ces villages

  5   vous ont dit ?

  6   R.  Exact.

  7   Q.  En tant que représentante d'une force internationale, vous connaissiez

  8   sans doute la possibilité que ces habitants vous parlent d'une partie de

  9   l'histoire et pas de l'autre, d'une seule face de la médaille ?

 10   R.  Bien sûr.

 11   Q.  Monsieur le Président, l'heure de la pause est peut-être arrivée ?

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 10 heures 30, donc, nous allons faire une

 13   pause de 20 minutes.

 14   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 15   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, le contre-interrogatoire se poursuit.

 17   Maître Murphy.

 18   M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Q.  Docteur Carter, avant la pause, je vous avais posé des questions à

 20   propos des visites que vous avez faites dans les différents villages et

 21   vous avez expliqué que la pratique d'usage et préférée était, en fait, de

 22   dépendre ou de compter sur les interprètes de la FORPRONU. Vous avez dit

 23   que vous saviez que certaines, des informations que vous obteniez,

 24   pouvaient peut-être représentées un aspect de ce qui se passait, plutôt que

 25   les deux aspects. Hier, en fait, vous avez décrit une visite que vous avez

 26   faite au village de Dusa; vous vous en souvenez ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous nous avez dit, en fait, que c'est l'un des habitants du village


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  1   qui vous avait guidé dans le village.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous avez dit que vous étiez, en quelque sorte, soulagée, parce que

  4   vous pensez que c'était la méthode la plus sûre; vous devez répondre de

  5   façon audible ?

  6   R.  Oui, oui.

  7   Q.  Vous nous avez dit que cela venait du fait qu'il se pouvait qu'il

  8   existait des pièces ou des mines, ou d'autres dangers dans le village.

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Je suppose que pendant cette période de conflit, cette possibilité

 11   existait toujours, n'est-ce pas ?

 12   R.  Effectivement.

 13   Q.  En fait, lorsque -- et enfin, je ne veux pas paraître impertinente,

 14   mais, lorsque vous alliez dans ces villages, vous bénéficiez toujours de la

 15   visite guidée, n'est-ce pas ?

 16   R.  Tout à fait.

 17   Q.  Ce matin, j'aimerais vous poser une question. Ce matin, en réponse à ma

 18   consoeur, Me Alaburic, vous avez dit que vous ne pouviez pas vérifier un

 19   rapport que vous n'aviez pas rédigé, vous-même; vous souvenez-vous avoir

 20   dit cela ?

 21   R.  C'est exact.

 22   M. MURPHY : [interprétation] J'aimerais demander l'aide du Greffier. Je

 23   souhaiterais, en fait, que soit affichée à l'écran la pièce 01351. Je pense

 24   que nous avons déjà, en fait, consulté ce document un peu plus tôt.

 25   En attendant que cela soit affiché, j'aimerais poser une autre question.

 26   Q.  Lorsque vous alliez inspecter les dégâts, est-ce que vous n'avez pris

 27   des notes écrites et détaillées de ce que vous voyez ?

 28   R.  Pour ce qui est donc d'inspecter ou de l'inspection des dégâts, c'était


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  1   en fait secondaire par rapport à ce que nous faisions. Bien entendu, nous

  2   voyons en fait ce qui était à voir mais nous ne présentions pas un rapport

  3   officiel d'ingénieur, par exemple.

  4   Q.  Oui, tout à fait.

  5   R.  A l'époque, comme à l'instar du personnel militaire, en fait, j'avais

  6   avec moi un petit carnet dans lequel je consignais des notes au fur et à

  7   mesure, le carnet, en fait, que l'on peut porter facilement, un peu comme

  8   les carnets utilisés par la police. Cela vous donne un peu -- donc, une

  9   idée du nombre des pages que j'avais à ma disposition pour écrire ces

 10   rapports.

 11   Q.  Très bien.

 12   M. MURPHY : [interprétation] Alors, j'aimerais, avec l'aide du Greffier,

 13   passer à la page 3 du document, je vous prie.

 14    Q.  Est-ce que vous pouvez le voir, Docteure Carter, ce document ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  J'aimerais que l'on passe au bas de la troisième page, je vous prie.

 17   Alors, donc, il s'agit, en fait, du village d'Uzricja et j'aimerais vous

 18   poser une question.

 19   Vous voyez, en fait, qu'il est indiqué en bas un total de 24 maisons

 20   détruites, 22 incendiées, deux, bombardées; vous voyez cela ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Je ne sais pas si vous vous en souvenez car, hier, M. Bos vous a

 23   demandé si cela correspondait à ce dont vous vous souvenez ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous vous souvenez que vous êtes convenu avec lui que cela

 26   correspondait à ce que vous avez vu ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Donc, est-ce que nous pouvons supposer que vous aviez donc rédigé des


Page 3433

  1   notes suivant lesquelles 24 maisons avaient été détruites dans cette

  2   localité ?

  3   R.  Je ne peux pas dire que me souviens exactement du nombre de 24 maisons,

  4   mais je me souviens, par contre, que lorsque les villages égaient détruits,

  5   en général, il y avait une destruction de 90, 95 % des foyers qui étaient

  6   détruits.

  7   Q.  Mais je vous ai posé une question bien précise. Je vous ai demandé si

  8   vous conveniez avec moi qu'un total de 24 maisons avait été détruit dans le

  9   village d'Uzricja.

 10   R.  Je ne serais pas en mesure de vous dire s'il y a eu 24 ou 25 maisons

 11   détruites.

 12   Q.  Oui, mais c'est exactement ce que vous avez dit en réponse à M. Bos,

 13   hier.

 14   R.  J'ai dit -- enfin je ne me souviens pas exactement de mes propos, mais

 15   j'avais dis en fait que cela me semblait correspondre à un nombre

 16   raisonnable.

 17   M. MURPHY : [interprétation] J'aimerais qu'avec l'aide du Greffier nous

 18   puissions passer au bas de la page 5 du même document, je vous prie.

 19   Q.  Voyez-vous, Docteur Carter, qu'il est dit en bas de cette page qu'un

 20   total de 18 maisons, établis et remises ont été détruits dont 16 ont été

 21   incendiées, deux ont été détruites à la suite de pilonnages.

 22   R.  Oui, je le vois.

 23   Q.  Vous vous souvenez que M. Bos, et je sais qu'il s'agit d'un village

 24   différent, mais M. Bos vous avait demandé si cela correspondait à ce dont

 25   vous vous souveniez.

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Vous avez dit que tel était le cas.

 28   R.  Oui.


Page 3434

  1   Q.  Une fois de plus, avez-vous l'intention de donner à la Chambre de

  2   première instance l'impression que vous pouviez confirmer la quantité

  3   exacte des dégâts ?

  4   R.  J'ai répondu car le nombre de maisons indiqué correspondait en fait au

  5   nombre de maisons que l'on voyait dans les villages. La majorité, en fait,

  6   étaient incendiées plutôt que pilonnées et donc cela correspondait tout à

  7   fait à ce dont je me souviens lorsque nous nous rendions dans ces

  8   différents villages.

  9   Q.  Donc, votre intention n'était pas de confirmer un rapport que vous

 10   n'aviez pas rédigé, n'est-ce pas ?

 11   R.  Est-ce que vous pouvez répéter votre question, je vous prie ?

 12   Q.  Tout à fait. Hier, lors de votre déposition, vous n'étiez pas en train

 13   de vérifier ou corroborer la teneur d'un rapport que vous n'avez pas rédigé

 14   vous-même ?

 15   R.  Non, pas exactement.

 16   Q.  Oui, mais toutefois, vous avez marqué votre accord avec

 17   M. Bos et vous avez dit que les détails de ce rapport correspondaient à

 18   ceux dont vous vous souveniez.

 19   R.  Comment pourrais-je m'exprimer ? Parce qu'en fait, c'était l'ordre de

 20   grandeur -- 18 par opposition à 180 ou 18 par opposition à 50, donc, en

 21   d'autres termes, c'était un ordre de grandeur.

 22   Q.  Très bien. Nous allons passer à autre chose et j'aimerais que l'on

 23   affiche --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de passer à autre chose, je voudrais bien

 25   comprendre la distinction que vous faites entre une maison qui brûle d'une

 26   maison qui a été pilonnée. Comment vous faites la distinction lorsqu'il y a

 27   une maison qui est en flammes ou qui a brûlé entre le fait qu'on a mis le

 28   feu ou que le feu vienne par pilonnage ? Dans le rapport qu'on vous a


Page 3435

  1   montré, ceci est bien distingué. On dit, à la fin de la page 3 : "22

  2   torched and two shelled," donc, on fait toujours la distinction. Vous-même,

  3   visuellement, comment vous avez, sur place, fait la distinction ? Si il y a

  4   une maison qui est en feu, on peut penser qu'elle est en feu parce qu'il y

  5   a un obus qui est tombé et qui a mis le feu. Cela peut être une hypothèse,

  6   mais il peut y avoir aussi d'autres causes. Pouvez-vous me préciser la

  7   distinction ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est à l'officier britannique auquel je m'adresse,

 10   pas au médecin.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque nous regardions ces maisons, les

 12   maisons qui avaient été endommagées à la suite de pilonnage étaient les

 13   maisons où l'on pouvait voir des traces d'impact important avec des murs

 14   qui s'étaient effondrés, des toits qui s'étaient effondrés et cela semblait

 15   donc être la cause principale, alors que pour ce qui est des maisons qui

 16   avaient été incendiées, elles semblaient avoir peu de dégâts structurels

 17   principaux et là l'incendie semblait être la cause principale. Donc s'il y

 18   avait une preuve souvent et que l'on voyait un obus important qui avait

 19   traversé le toit, c'était une trace.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. C'était une réponse très précise et très

 21   claire, mais en allant un peu plus loin dans votre réponse, vous indiquez

 22   donc qu'il peut y avoir des maisons qui ont encore le toit, donc, qu'il n'y

 23   a pas eu un obus qui est tombé, mais la maison est en feu. Alors, quelle

 24   est la cause d'un incendie ? Est-ce que c'est une cause humaine, extérieure

 25   ou une cause accidentelle ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est impossible de faire ce genre

 27   d'observations précises, parce que je n'ai pas, en fait, la formation pour

 28   avancer ce genre de chose.


Page 3436

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  2   Monsieur Murphy.

  3   M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  4   Pourrais-je demander au Greffier d'afficher la pièce

  5   P 01068 ?

  6   Q.  En attendant que cela soit affiché, Docteur Carter, je

  7   souhaiterais revenir très brièvement sur un élément dont nous avons déjà

  8   beaucoup parlé, d'ailleurs, et ce de façon assez exhaustive. Nous avons

  9   parlé donc de l'incident au cours duquel le drapeau a été hissé, vous vous

 10   en souvenez et plusieurs questions vous ont été posées à ce sujet

 11   aujourd'hui, également. Aujourd'hui, vous avez convenu que lors de votre

 12   déposition ainsi que, dans la déclaration au Procureur, vous avez décrit

 13   donc un incident donc avec un drapeau de l'ABiH; est-ce que c'est exact ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Cela correspondait à votre souvenir de l'incident ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  En fait, lors de cet incident, quelqu'un du HVO donc a déchiré le

 18   drapeau du HVO; est-ce exact ? Il a laissé le déchirer ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Mais, hier, en fait, est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu cette

 21   pièce à conviction qui se trouve maintenant affichée à l'écran ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  J'aimerais, en fait, que l'on passe à la fin de la page. Je sais que ce

 24   n'est pas très lisible, mais bon cela maintenant se trouve en haut de votre

 25   écran. M. Bos a attiré votre attention sur ce document, il s'agit d'un

 26   rapport du renseignement dans lequel il est fait référence à un incident à

 27   15 heures lundi après-midi au cours duquel le HVO a hissé un drapeau

 28   oustachi dans la ville, vous voyez cette déclaration ?


Page 3437

  1   R.  Oui, je le vois.

  2   Q.  En réponse à une question, à des questions aujourd'hui, vous avez dit

  3   en fait que d'après ce que vous compreniez, les oustachis étaient une aile

  4   ou une faction extrême du HVO; est-ce exact ?

  5   R.  Non. Je me suis corrigée en fait pour dire que les Oustachis n'étaient

  6   pas forcément du HVO, mais étaient éléments extrêmes, mais pas forcément du

  7   HVO.

  8   Q.  Donc, des éléments extrêmes de quoi, alors ?

  9   R.  D'une organisation.

 10   Q.  Mais vous ne savez pas de quelle organisation il s'agit ?

 11   R.  Dans ce contexte et d'après mes souvenirs, cela donc avait trait au

 12   HVO. Mais cela n'est pas toujours le cas.

 13   Q.  Très bien. Vous vous souvenez que M. Bos vous a posé une question à

 14   propos donc de ce rapport du renseignement, hier, lors de votre

 15   déposition ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Il vous a demandé, n'est-ce pas, si après avoir vu ce rapport, il se

 18   peut que vous vous soyez trompée à propos de la nature de cet incident et

 19   qu'en fait, il s'agissait de l'incident relatif au drapeau que vous aviez

 20   décrit, avec ce drapeau du HVO ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Vous avez convenu avec lui que cela était peut-être le cas, n'est-ce

 23   pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous avez dit à ce moment-là que d'après ce que vous saviez, il n'y

 26   avait eu qu'un incident ayant trait à un drapeau ?

 27   R.  Ce que j'ai dit, c'était qu'il y a eu cet incident à propos de ce

 28   drapeau et que cela a exacerbé les tensions à cette époque-là. C'est ce que


Page 3438

  1   je sais, et cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu d'autre incident de ce

  2   style dont la FORPRONU aurait été au courant et pas moi.

  3   Q.  Ce rapport du renseignement que nous avons, le personnel de la FORPRONU

  4   ne l'a pas reçu, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est ce que je suppose.

  6   Q.  Ce qui me préoccupe, c'est que vous sembliez être d'accord avec M. Bos

  7   hier, à propos de cet incident. Toutefois, aujourd'hui, en réponse à Me

  8   Alaburic, il semblerait que vous ayez changé d'avis, et vous avez dit :

  9   "Non, non, non, c'était le drapeau de l'ABiH."

 10   R.  Non, pas du tout. Je m'en tiens à ce que j'ai dit au départ dans la

 11   déclaration parce que je me souviens de ma déclaration. Alors, bien

 12   entendu, on peut -- je suis tout à fait disposée à accepter que l'on

 13   corrige ce que je dis, mais ce que j'ai dit dans ma déclaration et ce que

 14   je crois être exact, et on peut toujours corriger ses souvenirs, parce que

 15   je vous le rappelle, il s'agit de choses qui se sont passées il y a 13 ans.

 16   Q.  Je comprends tout à fait, Docteur Carter, et je comprends qu'on vous

 17   demande de vous rappeler d'événements qui se sont déroulés il y a 13 ans.

 18   Je voudrais tout simplement préciser cela parce qu'hier, vous étiez

 19   d'accord avec M. Bos, alors qu'aujourd'hui, vous avez dit qu'à votre

 20   connaissance ou dans la mesure où vous vous en souveniez, c'était un

 21   incident qui avait trait à un drapeau de l'ABiH; est-ce exact ?

 22   R.  En fait, je pense que ces deux déclarations sont exactes dans la mesure

 23   où je me souviens qu'il y avait un drapeau de l'ABiH. Je suis tout à fait

 24   disposée à dire que je ne m'étais pas bien souvenue de ces incidents et que

 25   j'ai toutes les raisons de croire qu'il s'agit du même incident avec ce

 26   drapeau, incident qui a été mentionné dans le rapport, parce que pour ce

 27   qui est de la date et de la chronologie, cela correspond aux événements, et

 28   comme je l'ai déjà dit, je n'étais pas sur le terrain moi-même à ce moment-


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  1   là, donc je n'ai pas vu moi-même le drapeau.

  2   Q.  Merci.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourriez-vous décrire comment est constitué un

  4   drapeau de l'ABiH et comment est constitué un drapeau du HVO, dans vos

  5   souvenirs ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire que je me surprends moi-même

  7   parce que nous avons vu beaucoup de drapeaux, et 13 ans après, ce n'est pas

  8   quelque chose véritablement qui me vient à l'esprit pour pouvoir vous

  9   fournir une description très détaillée, malheureusement.

 10   M. MURPHY : [interprétation] Seulement un ou deux -- excusez-moi.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Par contre, l'"Union Jack", cela, vous pourriez le

 12   décrire ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela fait 44 ans que je côtoie le drapeau

 14   britannique, et pas six mois seulement.

 15   M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Q.  J'aimerais aborder quelque chose assez rapidement, Docteur Carter.

 17   Hier, vous nous avez décrit comment vous avez été déployée et que vous

 18   faisiez partie donc de l'Unité médicale et que vous étiez arrivée un peu

 19   avant le Groupe du contingent.

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Vous êtes arrivée en octobre 1992 ?

 22   R.  C'est exact.

 23   Q.  Vous avez décrit un incident au cours duquel vous êtes allée dans

 24   l'immeuble ou le bâtiment qui allait faire usage de QG pour vous.

 25   R.  Uh-huh.

 26   Q.  Vous nous avez dit que dans une partie du bâtiment, vous avez trouvé ce

 27   qui vous semblait être des tâches de sang ainsi que du liquide cérébro-

 28   spinal.


Page 3440

  1   R.  C'est exact.

  2   Q.  Pour répondre à une question du Juge Trechsel, vous avez convenu qu'il

  3   n'y a pas eu d'analyse faite de ces substances.

  4   R.  Nous n'avons pas pu faire une analyse officielle, parce que nous avions

  5   les instruments qui sont utilisés pour faire des prélèvements et qui

  6   permettent de prélever et d'identifier le liquide céphalo-rachidien. La

  7   raison, c'est qu'il contient des protéines et que si vous avez ces

  8   prélèvements, il y a changement de couleur, ce qui vous permet d'établir

  9   qu'il s'agit du liquide céphalo-rachidien, qui est important lorsque vous

 10   avez, par exemple, des saignements de l'oreille. Si vous n'avez que du

 11   sang, il n'y a pas changement de couleur, mais si vous avez liquide

 12   céphalo-rachidien, il y a changement de couleur. Nous avons essayé de faire

 13   des prélèvements, mais bien entendu, ces efforts n'ont pas été couronnés de

 14   succès parce que ce liquide n'était pas récent, et par conséquent, il avait

 15   été séché et cela n'a pas fonctionné.

 16   Q.  Très bien. Vous avez fait cette découverte en octobre 1992, n'est-ce

 17   pas ?

 18   R.  Oui, vers le 4 ou 5 novembre.

 19   Q.  Très bien.

 20   R.  Alors le 5 novembre est une date importante pour les Britanniques,

 21   puisque c'est la date où l'on fait des -- c'est l'anniversaire de "Guy

 22   Fawkes Day" et je me souviens que nous avions déjà été sur les lieux cette

 23   nuit-là et que nous avons pensé que le moment n'était pas venu de faire des

 24   feux d'artifice, comme le veut la coutume.

 25   Q.  Très bien.

 26   R.  Donc, je sais que cela se passait avant le 5 novembre.

 27   Q.  Très bien. Nous pouvons être d'accord pour dire que cela s'est passé

 28   avant que ne se déclarent les hostilités dans la région de Gornji Vakuf ?


Page 3441

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Le fait que ces crimes ont été commis dans ce bâtiment, vous ne savez

  3   pas qui les a faits.

  4   R.  Non, nous ne le savons pas.

  5   Q.  Vous ne savez pas qui étaient les victimes ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Vous ne savez pas quel était le mobile de ces crimes ?

  8   R.  Pas du tout.

  9   Q.  Puis, finalement, lorsque vous vous êtes rendue dans ces villages dans

 10   le cadre de l'effort humanitaire et que vous avez accompagné des convois

 11   qui avaient des fournitures et des effets, vous nous avez dit que vous

 12   aviez un système de livraison moitié-moitié.

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  En d'autres termes, la moitié de la livraison était donnée aux Croates,

 15   et l'autre moitié, aux Musulmans.

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Est-ce qu'il y a eu une fois où un médecin du HVO vous a dit qu'il

 18   avait suffisamment de stock et il vous a indiqué qu'il faudrait que vous

 19   donniez la partie qui allait lui revenir aux Musulmans.

 20   R.  C'est ce qu'il a fait exactement.

 21   Q.  Alors, je comprends que vous aviez quelques difficultés de temps à

 22   autre au niveau des postes de contrôle, mais théoriquement, vous étiez en

 23   mesure de livrer ces rations ou ces fournitures aux Croates et aux

 24   Musulmans, n'est-ce pas ?

 25   R.  Théoriquement, nous étions en mesure de le faire aux deux camps; c'est

 26   exact.

 27   Q.  Bien entendu, il y avait des difficultés locales, mais ce genre de

 28   situation venait du fait que quelqu'un haut placé avait donné des


Page 3442

  1   instructions pour que ces livraisons ne passent pas ?

  2   R.  Je ne suis pas sûre d'avoir compris votre question.

  3   Q.  En principe, vous nous avez dit que ces livraisons pouvaient être

  4   livrées aux Croates et aux Musulmans.

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Même si parfois il y avait des obstructions au niveau de postes de

  7   contrôle locaux, le principe qui était utilisé était que cela pouvait être

  8   fourni aux deux camps.

  9   R.  C'est ce que je comprenais.

 10   Q.  Je vous remercie, Docteur Carter.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 12   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que mon client

 13   pourrait avoir l'autorisation de poser quelques questions, à la suite de

 14   quoi ma collègue, Me Pinter, aurait peut-être quelques questions à lui

 15   poser. Je vous remercie.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors des questions techniques; allez-y,

 17   Monsieur Praljak.

 18   Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

 19   Q.  [interprétation] Lieutenant-colonel Carter, j'ai un certain nombre de

 20   questions à vous poser, à moins que je ne sois interrogé par M. les Juges,

 21   eu égard aux situations que vous avez décrites. En 1992, lorsque vous êtes

 22   arrivée à Uskoplje ou à Gornji Vakuf, savez-vous où se trouvaient les

 23   lignes communes du côté serbe ? Savez-vous où cela se trouvait ?

 24   R.  Les éléments dont je disposais et que l'on m'a remis portaient surtout

 25   ce qui allait être notre zone de responsabilité. En tant que tel --

 26   Q.  Je vous en prie, Madame, excusez-moi de vous interrompre. Vous avez

 27   longuement expliqué les choses lorsque vous avez été interrogée par

 28   l'Accusation, et je vous prierais, eu égard aux questions que je vous pose,


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  1   d'y répondre si vous savez en disant : "Je sais," et en vous expliquant, et

  2   si vous ne savez pas, en

  3   disant : "Je ne sais pas" de façon à me permettre, dans une limite de temps

  4   qui est très clairement déterminée, de vous poser les questions que je

  5   considère pertinentes, et ce avec l'autorisation de M. le Président.

  6   Donc, je vous demande où se trouvaient les lignes de front face aux Serbes

  7   en octobre 1992.

  8   R.  Dans mon souvenir, les Serbes étaient à une distance considérable de

  9   l'endroit où j'étais basée moi-même, peut-être aussi loin que Bugojno, mais

 10   je n'en suis pas sûre, je ne m'en souviens pas exactement.

 11   Q.  Merci. S'agissant de ce front face aux Serbes; savez-vous, en

 12   pourcentage, combien il y avait là de forces de l'ABiH et combien de forces

 13   du HVO ?

 14   R.  Je ne sais pas cela.

 15   Q.  Merci. Savez-vous qu'à la fin de l'année 1992, après la chute de Jajce,

 16   quand vous étiez déjà là-bas, l'aide à Jajce a été interrompue par les

 17   forces musulmanes à Ravni Rostov; est-ce que vous savez cela ou pas ?

 18   R.  Je ne le sais pas parce que cela ne se situait pas dans ma zone.

 19   Q.  Merci beaucoup. Savez-vous qu'à ce moment-là, des tranchées très

 20   nombreuses ont commencé à être créées dans la ville de Gornji Vakuf et dans

 21   les environs de la ville de Gornji Vakuf par les forces de l'ABiH; êtes-

 22   vous au courant de cela ?

 23   R.  Je suis au courant du fait que des tranchées ont été creusées dans

 24   notre zone.

 25   Q.  Ces tranchées se trouvaient très loin des forces que nous avions face

 26   aux Serbes puisqu'elles étaient aux alentours même de la ville, là où se

 27   trouvaient le répéteur et les collines qui faisaient face à Prozor; est-ce

 28   que ceci est exact ?


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  1   R.  Je ne sais pas exactement où se trouvaient les tranchées, où elles ont

  2   été creusées, ni qui les a creusées. Tout ce que je savais, c'est qu'il y

  3   avait des tranchées parce que certaines de ces tranchées ont été creusées

  4   selon des plans de l'armée britannique.

  5   Q.  Merci. Combien de rencontres se sont tenues au Bataillon britannique en

  6   présence de représentants du Bataillon britannique au cours des mois de

  7   novembre et décembre 1992, et auxquelles le colonel Siljeg ainsi que le

  8   colonel Andric ont participé, réunions qui ne portaient que sur un seul et

  9   unique sujet, à savoir, régler la question des tranchées à utiliser par

 10   l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la ville et aux environs de la ville, ce

 11   qui, sur le plan militaire, plaçait le HVO dans une position consistant à

 12   se retrouver entre deux feux ? Combien de réunions ont eu lieu au siège du

 13   Bataillon britannique sur ce seul et unique thème ?

 14   R.  Je ne sais pas combien de réunions de ce genre ont été tenues.

 15   Q.  Merci beaucoup. Savez-vous, pendant la durée de votre séjour, comment

 16   l'armée de Bosnie-Herzégovine a été armée ? A-t-elle reçu ses armes par des

 17   transports qui traversaient un territoire contrôlé par le HVO, donc avec

 18   l'aide du HVO, ou est-ce que vous auriez connaissance d'autres modalités

 19   qui ont permis à l'armée de Bosnie-Herzégovine d'obtenir des armes ?

 20   R.  Je ne sais pas comment l'armée de Bosnie-Herzégovine a obtenu ses

 21   armes, mais elle en avait.

 22   Q.  Merci. Savez-vous que ces tranchées, qui étaient de véritables

 23   fortifications conçues sur plans de l'armée britannique, est-ce que vous

 24   savez que ces tranchées ont donné à toute la Bosnie centrale la possibilité

 25   de couper toutes communications avec la Bosnie-Herzégovine du point de vue

 26   des approvisionnements ? Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 27   R.  Je sais, comme je l'ai dit hier, uniquement ce que rapportaient les

 28   rumeurs selon lesquelles ces tranchées étaient construites sur plans de


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  1   l'armée britannique, mais je ne sais pas si ces plans ont effectivement été

  2   utilisés ou pas, et d'ailleurs, je ne connais pas cette conception de

  3   l'armée britannique pour les tranchées et je ne sais pas ce qui a été fait

  4   ou pas.

  5   Q.  Merci. Merci. Donc, vous vous êtes rendue dans les villages entourant

  6   Uskoplje. Pouvez-vous me dire si vous avez personnellement vu une maison

  7   incendiée ?

  8   R.  Je n'ai jamais été en mesure d'arriver dans un village au moment où une

  9   maison brûlait.

 10   Q.  Donc, vous n'en avez pas vu ? Personnellement, vous n'avez pas vu de

 11   maison en train de brûler ? Je vous en prie, oui ou non ?

 12   R.  Non. J'ai vu les conséquences de l'incendie et j'ai vu des maisons qui

 13   étaient encore calcinées.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous avez vu une maison en train d'être pilonnée, et

 15   je parle de vous personnellement ?

 16   R.  Une fois oui, en effet.

 17   Q.  Merci. Savez-vous que même selon les normes de l'OTAN ou les normes du

 18   pacte de Varsovie, normes relatives à l'utilisation des munitions, il est

 19   permis de tirer sur un bâtiment en visant le toit ?

 20   R.  Je suis au courant de cela, oui.

 21   Q.  Est-ce que vous savez qu'après le démantèlement du pacte de Varsovie,

 22   il était relativement facile de se fournir des munitions dans les arsenaux

 23   de l'Allemagne de l'Est ?

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, le témoin vient de

 25   dire qu'elle n'avait pas la moindre idée au sujet de ces munitions, donc je

 26   ne pense pas que ce soit utile de continuer à l'interroger sur ce sujet.

 27   L'INTERPRÈTE : L'interprète complète la réponse du témoin précédente : il

 28   était relativement facile de se procurer des munitions incendiaires dans


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  1   les arsenaux de l'Allemagne de l'Est.

  2   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

  3   Q.  Savez-vous qu'il y avait des balles incendiaires aussi bien dans ce que

  4   prévoyaient les normes de l'OTAN que dans ce que prévoyaient les normes du

  5   pacte de Varsovie ?

  6   R.  Je sais que de telles munitions existent, mais en dehors de savoir

  7   qu'elles existent, je ne sais pas comment elles fonctionnent, où on peut

  8   s'en procurer, je ne sais rien de tout cela. Je sais qu'il y en a, mais en

  9   dehors de cela, je ne sais rien au sujet des munitions incendiaires.

 10   Q.  Lieutenant-colonel, je ne vous accuse pas d'ignorance, ce n'est pas

 11   votre faute si vous ne savez pas ce genre de chose. Dites-moi simplement :

 12   "Je ne sais pas," dans ce cas.

 13   R.  Très bien.

 14   Q.  Quand vous vous êtes trouvée à l'intérieur du bâtiment ou plutôt dans

 15   l'entrée du bâtiment, vous dites avoir vu des traces de sang et de liquide

 16   provenant d'un corps humain. Vous avez parlé d'un homme répondant au prénom

 17   d'Avdo qui vous accompagnait.

 18   R.  Dans mon souvenir, son prénom était Avdo.

 19   Q.  Savez-vous qu'Avdo est un prénom musulman, exclusivement musulman ?

 20   R.  Non, je ne le sais pas.

 21   Q.  Si vous avez établi qu'à l'époque, il n' y avait pas affrontement entre

 22   les Croates et les Musulmans et que la situation était calme, est-ce qu'il

 23   est évident que, si un Musulman était informé d'éventuels crimes qui

 24   auraient été commis par le HVO, il les aurait dissimulés et il peut être

 25   même -- êtes-vous au courant qu'il eut été possible que ce soit lui qui ait

 26   commis ces crimes contre le HVO ?

 27   R.  Nous n'étions pas en mesure de décider pour l'une ou l'autre des

 28   parties qui allait dissimuler tel ou tel acte. Cela n'était pas le problème


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  1   dont nous nous occupions.

  2   Q.  Je vous comprends mais la question est la suivante. Il y a à cet

  3   endroit un Musulman. Là, je vous interpelle sur la plan de l'absurdité, sur

  4   le plan logique de certaines choses, soit cet homme avec les Musulmans

  5   commis un crime contre les Croates et je suppose qu'ensuite, il aurait

  6   dissimuler les traces de son acte, soit, il aurait dissimuler des crimes

  7   commis par le HVO contre les Musulmans. Mais si on est logique, il est

  8   possible qu'il y ait eu certains groupes qui ont agi dans le secteur, qui

  9   ont fait quelque chose de particulier, mais que cet acte n'ait pas été

 10   l'acte de l'une ou l'autre des parties dont nous parlons. Est-ce que ceci

 11   est une possibilité ?

 12   R.  C'est absolument possible. J'espère bien ne pas avoir laissé entendre

 13   dans tout ce que j'ai dit, que nous avions accusé quelqu'un d'un crime

 14   particulier. Nous avions simplement constaté ce que nous voyions et ce qui

 15   m'inquiétait à l'époque, c'était d'assurer la sécurité de ces bâtiments

 16   pour qu'ils puissent servir aux forces du Bataillon britannique. Ce que

 17   nous voulions éviter, c'était que les membres du Bataillon britannique

 18   soient amenés du sang séché, par exemple.

 19   Q.  Merci beaucoup. Est-ce que vous n'avez jamais entendu le nom de Paraga

 20   quand vous étiez là-bas ?

 21   R.  Le nom de Paraga ne me rappelle rien. Je ne le reconnais pas.

 22   Q.  Donc, vous ne pouvez pas savoir que ce Paraga commandait un Groupe

 23   d'éléments incontrôlés du HOS, qui a tué deux travailleurs humanitaires

 24   italiens, entre autres; vous n'avez jamais rien entendu de ce genre ?

 25   R.  Je ne me souviens pas de cet incident.

 26   Q.  Merci. Vous avez dit être allée au village de Dusa --

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi poser cette question ? Pour quelle raison

 28   vous lui posez cette question ?


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  1   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, pour une raison

  2   très simple, à savoir que, si l'on n'est pas en présence de la situation

  3   globale et de la situation globale, y compris sur le terrain, y compris

  4   dans le secteur de Gornji Vakuf, il devient très difficile avec des petits

  5   fragments parcellaires d'arriver à la vérité. C'est la raison pour laquelle

  6   par le biais de questions pour lesquelles, à mon avis, cette date,

  7   lieutenant-colonel, peut répondre de façon pertinente. J'essaie de

  8   l'interroger au sujet de l'existence éventuelle de Groupes composés

  9   d'éléments incontrôlés dans le secteur de la Compagnie B qui auraient,

 10   éventuellement, pu expliquer que des bâtiments aient été incendiés, qui

 11   permettraient éventuellement d'identifier les auteurs de tels actes, qui

 12   permettraient éventuellement d'apprécier la capacité des commandants à

 13   maîtriser de telle situation. Je parle des situations qu'a décrites cette

 14   dame qui se trouve ici et, notamment, le viol dont elle a parlé dans un

 15   village où il n'y avait plus d'électricité. Un village très isolé dans

 16   lequel quatre hommes arrivent la nuit et pénètrent dans une pièce et sont

 17   reconnus comme étant des soldats du HVO, dans l'obscurité, alors qu'il n'y

 18   a pas d'éclairage public à l'extérieur, dans une cave où il fait très

 19   sombre. Je voudrais connaître la taille de cette cave, savoir si cette dame

 20   s'est mise à genou pour voir ce qu'elle a vu et comment elle a eu la

 21   possibilité de distinguer du sang ?

 22   Donc, je voudrais l'interroger au sujet de tout cela. Cette dame a

 23   parlé de questions sociologiques. Elle a parlé de la prospérité relative

 24   des Croates et des Musulmans. Elle a parlé de l'aide qui venait d'Allemagne

 25   et d'ailleurs, d'autres pays étrangers. Cette dame est un commandant au

 26   sein de l'armée britannique, mais elle ne connaît pas le mandat des Nations

 27   Unies qui était, très strictement défini, s'agissant des convois

 28   humanitaires, du recours aux armes et de la façon dont l'accompagnement des


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  1   convois devait se faire. Donc, je voudrais l'interroger sur tous ces points

  2   parce que le HVO participait à un conflit à Gornji Vakuf. Il y a eu plus de

  3   50 morts et plus de 200 blessés dans ce conflit. Je souhaite l'interroger

  4   sur la façon dont toutes ces personnes ont été soignées, notamment les

  5   blessés de l'ABiH. Pourquoi le conflit, à Gornji Vakuf, ne s'est pas étendu

  6   à Bugojno ? Qui a réussi à maintenir la paix à Bugojno et dans quelle

  7   condition ? Toutes ces questions ont besoin d'obtenir une réponse, dans

  8   quelle mesure cette femme peut nous parler du déplacement des réfugiés

  9   après la chute de Jajce, dans quelle mesure elle peut nous parler de la

 10   modification, de la composition des groupes de réfugiés et de la spirale du

 11   mal.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Nous avons compris. Cela peut durer pour

 13   des heures, mais prenez l'essentiel, les questions pertinentes, rapidement.

 14   Je ne dis pas que les questions ne sont pas pertinentes, mais,

 15   malheureusement, on est pris par des questions de temps. Donc, allez-y vite

 16   à l'essentiel. Mais vous aurez l'occasion quand vos témoins viendront,

 17   évidemment, de réaborder tous ces problèmes.

 18   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

 19   Q.  Dites-moi simplement la chose suivante : quand vous vous êtes retrouvée

 20   à Dusa, quand vous avez vu cette cave, quelle était la hauteur par rapport

 21   au sol de la fenêtre qui se trouvait dans cette cave ? Quelle était sa

 22   largeur ? Donc, à quelle hauteur au-dessus du sol elle se trouvait ?

 23   R.  Le bâtiment n'avait pas de fenêtres, mais il y avait tout de même un

 24   trou là, où aurait dû se trouver une fenêtre. Dans mon souvenir, cette

 25   pseudo fenêtre avait, sans doute, la dimension de l'une de ces structures

 26   que je vois devant vous, d'une de ces tables. Comment est-ce que je peux

 27   l'appeler ? Puis, il ne faisait pas nuit puisque nous étions au milieu de

 28   la journée et, compte tenu du terrain d'un côté, c'était au sous-sol, mais


Page 3451

  1   ce n'était pas plat -- le terrain n'était pas plat. Cela, c'est pour

  2   répondre à la distance à laquelle j'ai regardé les choses.

  3   Q.  Merci.

  4   M. BOS : [interprétation] Si le témoin parle de morts, peut-être, peut-elle

  5   -- si le témoin parlait de la profondeur du champ, peut-être, peut-elle

  6   nous donner une dimension en mètre ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oh, mon Dieu. Disons, un mètre, un mètre et

  8   demi, un mètre et trois pieds. Voilà.

  9   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

 10   Q.  Merci beaucoup. Vous avez déclaré qu'il y avait de nombreux ménages

 11   mixtes -- de nombreux mariages mixtes à Uskoplje; sur quoi vous êtes-vous

 12   appuyée pour conclure votre analyse en ces termes ? D'ailleurs, est-ce que

 13   vous avez réalisé une analyse ou, donc, comment est-ce que vous êtes

 14   arrivée à cette conclusion ? Que veut dire le terme "beaucoup", en

 15   pourcentage ?

 16   R.  Des renseignements nous parvenaient au cours des premières semaines

 17   quand nous avions de contacts avec toutes les parties, des renseignements

 18   selon lesquels personne ne souhaitait la guerre car il y avait des rapports

 19   interethniques importants à Gornji Vakuf et donc --

 20   Q.  Madame, je vous en prie, soyons précis. De quelle partie parlez-vous ?

 21   Est-ce que vous êtes allée partout dans la municipalité ? Est-ce que vous

 22   avez, au bureau de la mairie, examiné le registre des mariages quelques

 23   années précédentes ?

 24   R.  Effectivement, parmi les rencontres que nous avons eues, nous avons eu

 25   un entretien avec des responsables de la municipalité qui ont confirmé

 26   qu'il y avait un grand nombre de mariages interethniques, de couples de

 27   mariages mixtes -- de couples mixtes à Gornji Vakuf.

 28   Q.  Vous avez fait une analyse précise semblable au genre d'analyses que


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  1   vous faisiez quand vous vouliez soigner vos patients ?

  2   R.  Excusez-moi, je ne comprends pas.

  3   Q.  Oui ou non ?

  4   R.  Je ne comprends pas le lien que vous établissez entre une analyse de

  5   pourcentage de mariages mixtes et une quelconque analyse que j'aurais à

  6   faire pour soigner mes patients ou mes victimes. Excusez-moi, je ne

  7   comprends pas sur quoi vous fondez cette comparaison.

  8   Q.  Bien, c'est très simple. Sur le plan anthropologique, ethnologique,

  9   sociologique, vous avez tiré des conclusions très nombreuses dans votre

 10   déposition. Or, il s'agit de sciences telle que la médecine qui comporte

 11   donc un certain nombre de fondements cognitifs et une méthodologie qui

 12   permet de tirer ces fondements cognitifs, donc, je vous demande sur quoi

 13   vous vous êtes fondée pour arriver à la conclusion factuelle selon laquelle

 14   à Gornji Vakuf il y aurait eu à cette époque-là tel et tel pourcentage de

 15   mariages mixtes. Est-ce que vous connaissez ce pourcentage, oui ou non ?

 16   R.  Je reprends ce que vous avez dit et de nos discussions avec un

 17   représentant de la municipalité qui nous a donné ce genre de

 18   renseignements, nous avons tiré de forts éléments allant dans ce sens-là.

 19   Q.  Merci, merci beaucoup. Vous avez dit que les Croates étaient beaucoup

 20   plus prospèrent que les Musulmans. Vous fondez vos conclusions sur le

 21   nombre de téléviseurs, de fours à micro-ondes et de matériel audio qu'ils

 22   possédaient. Pourriez-vous nous donner un échantillon qui vous a permis

 23   d'aboutir à cette conclusion ? Quantitativement, quel est l'échantillon

 24   représentatif à votre avis ?

 25   R.  Je n'ai pas utilisé d'échantillon représentatif, en effet.

 26   Q.  Quelle serait la taille d'un échantillon représentatif, à votre avis,

 27   dans le cadre de la recherche que vous avez faite pour atteindre cette

 28   conclusion ?


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  1   R.  Lorsque j'ai dit cela il y a quelque temps, j'ai fondé mon commentaire

  2   sur des observations et non sur des preuves scientifiques. Il aurait été

  3   inopportun pour nous de consacrer notre temps à une étude démographique de

  4   la répartition des richesses entre les diverses populations sur le plan

  5   sociodémographique, à ce moment-là.

  6   Q.  Merci beaucoup. Vous êtes allée dans un village qui se trouve à 20

  7   minutes en voiture, du côté droit de la route, en direction de Bugojno.

  8   Dans ce village, une femme vous a dit que de nuit, trois ou quatre hommes

  9   avaient pénétré dans sa chambre, qu'ils lui avaient mis la main sur la

 10   bouche et qu'ils l'avaient violée. Ces villages sont assez lointains de

 11   Gornji Vakuf, à une vingtaine de kilomètres, disons, à peu près, et ils

 12   sont majoritairement peuplés de Musulmans. Est-ce que vous avez pu établir,

 13   d'une façon ou d'une autre, les chances que cette histoire corresponde

 14   pleinement à la vérité ou que cette histoire -- ou les risques que cette

 15   histoire comporte un certain nombre de contrevérités étant donné qu'il n'y

 16   avait pas d'électricité, qu'il faisait nuit, donc, je vous demande quels

 17   sont les éléments ou les actions qui vous ont permis de vérifier la

 18   véracité de ces dires, éventuellement.

 19   R.  Cette histoire m'a été relatée par une femme qui s'est portée

 20   volontaire pour nous communiquer tous ces renseignements.

 21   Q.   Je vous prie, je vous prie, vous avez déjà relaté cette histoire à

 22   plusieurs reprises. Vous avez suivi un enseignement élémentaire en

 23   gynécologie. Est-ce que vous avez pu vérifier d'un façon ou d'une autre ce

 24   récit, oui ou non ? Nous avons déjà entendu ce que vous avez dit dans le

 25   cadre de votre relation des faits.

 26   R.  Il aurait été inopportun pour moi d'examiner cette femme pour

 27   corroborer ou contester les accusations portées par elle. Je me suis

 28   contentée de l'écouter et de transmettre ce qu'elle m'a dit à ma


Page 3454

  1   hiérarchie.

  2   Q.  Merci, merci. Pendant toute cette période, étant donné qu'il y a eu 50

  3   morts et 230 blessés du côté du HVO et sans doute autant, sinon plus, du

  4   côté musulman, est-ce qu'en tant que médecin, il vous est arrivé à une

  5   quelconque occasion d'apporter votre aide à ces blessés et à ces hommes et

  6   si oui, à qui et dans quelles conditions, à quel moment ?

  7   R.  Nous apportions de l'aide aux nôtres. Nous escortions -- nous avons

  8   escorté une femme du HVO --

  9   Q.  Ma question était très simple, Madame. Merci, merci. Je vous ai demandé

 10   très simplement si vous avez apporté de l'aide --

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Le témoin répondait exactement à

 12   votre question. Vous lui avez demandé si elle avait, à un moment

 13   quelconque, apporté son aide et vous n'avez pas précisé à qui. Donc, elle

 14   était exactement en train de répondre à votre question. Elle a dit : "Oui,

 15   j'ai apporté de l'aide à tel et tel --" et elle n'avait pas terminé.

 16   M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, mon objection était la

 17   même. Je pense qu'il importe de donner une chance au témoin de terminer sa

 18   réponse car M. Praljak ne cesse de l'interrompre.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Terminez la réponse à la question posée. La question

 20   posée était de savoir si vous-même aviez apporté une aide médicale à des

 21   soldats du HVO qui avaient été blessés, voire votre concours,

 22   malheureusement, s'il y en a qui avait été tués et si vous l'aviez fait;

 23   est-ce que vous l'aviez fait également pour les soldats de l'ABiH ? Alors,

 24   répondez à cette question.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] A aucun moment n'ai-je prodigué des soins aux

 26   soldats du HVO ou de l'ABiH.

 27   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

 28   Q.  Merci. Je ne vais pas vous prendre plus de temps. Il me reste une


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  1   dernière question et la voici. Est-ce que cela faisait partie de votre

  2   métier, en tant que médecin et sur un plan professionnel puisque vous étiez

  3   officier. Vous deviez donc être impartiale et vous ne deviez pas ramener

  4   tout ceci à votre manque de connaissances où le témoin voulait dire

  5   autrement. Si vous voulez expliquer la théorie d'Einstein, vous appliquez

  6   des méthodes mathématiques, donc, est-ce que vous pouvez expliquez la

  7   méthode d'Einstein en parlant simplement des quatre méthodes de calcul,

  8   l'addition, la soustraction, la multiplication et la division ?

  9   R.  En tant que médecin et en tant qu'officer, notre rôle consiste toujours

 10   à être impartial et il est toujours important de rendre compte de ce que je

 11   vois et de parler des connaissances que j'ai et je laisse à d'autres le

 12   soin de parler d'autre chose s'ils ont des connaissances plus importantes

 13   dans le domaine et ils peuvent interpréter les éléments que je leur remets.

 14   Q.  Mais vous n'avez pas fait d'études sociologique, politique, ni

 15   anthropologique.

 16   R.  Si vous me demandez si j'ai procédé à une étude sociologique,

 17   anthropologique et politique de la région de Gornji Vakuf, je vous

 18   répondrai par la négative.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 22   Maître Pinter ou Maître Kovacic, si vous avez encore des questions à

 23   poser après toutes ces questions, poursuivez.

 24   M. KOVACIC : [interprétation] Non, nous n'avons pas d'autres questions --

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais demander à l'Accusation si elle a des

 26   questions supplémentaires, mais --

 27   M. KOVACIC : [interprétation] -- et la Défense de M. Praljak plaise au

 28   Tribunal d'adopter des conclusions.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- avant de faire cela, j'aurais juste une question

  2   à vous poser, Madame.

  3   Questions de la Cour :

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : A Gornji Vakuf, le Bataillon britannique était situé

  5   à Gornji Vakuf; à quel endroit exactement de cette localité ?

  6   R.  Cela se trouvait dans une zone industrielle, en quelque sorte, une

  7   usine.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : C'était dans une usine. Très bien. Située dans une

  9   zone industrielle. Bien.

 10   Alors, l'Accusation a-t-elle des questions supplémentaires en liaison avec

 11   les questions du contre-interrogatoire ?

 12   M. BOS : [interprétation] Non, Monsieur le Président, l'Accusation n'a pas

 13   d'autres questions à part le fait que nous aimerions pouvoir verser les

 14   documents au dossier. Je ne sais pas si le moment est opportun pour le

 15   faire ou pas.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous verrons cela tout à l'heure.

 17   Madame, votre témoignage vient de se terminer. Je vous remercie d'être

 18   venue à la demande de l'Accusation apporter votre concours à la justice. Je

 19   formule, aux noms des Juges présents et absents, tous mes remerciements et

 20   formule mes meilleurs vœux pour votre retour dans votre pays. Je vais

 21   demander à Mme l'Huissière de bien vouloir vous raccompagner.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

 23   [Le témoin se retire]

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, maintenant, je vais me tourner vers

 25   l'Accusation pour qu'elle me liste les numéros des pièces, et puis après,

 26   je ferai de même auprès de la Défense.

 27   M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation a sept

 28   pièces qu'elle souhaite verser au dossier. Je vais maintenant lire les


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  1   chiffres : 01068, 01113, 01308, 01351, 01373, 01386, et 01600.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce sont donc des documents qui ont été

  3   présentés au témoin.

  4   Monsieur le Greffier, faites votre office.

  5   M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président.

  6   [interprétation] Les documents suivants sont ainsi versés au dossier :

  7   01068, 01113, 01308, 01351, 01373, 01386 et 01600. Merci, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je me tourne vers la Défense pour sa demande

 10   concernant les pièces qui ont été présentées au témoin, pièces qu'elle ne

 11   connaissait pas, mais dont le contenu pouvait correspondre à ce qu'elle

 12   avait indiqué. Avez-vous le numéro ?

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Compte tenu des critères utilisés par

 14   l'Accusation, lorsque cette dernière présente ses pièces ou demande le

 15   versement au dossier, il s'agit de documents dont le témoin n'a pas pu

 16   confirmer l'existence ni la teneur. Donc, je souhaite verser au dossier

 17   trois pièces que nous avons montrées au témoin. La première pièce est le 4D

 18   0037, 4D 0041 et le 4D 0045.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il y a donc trois documents : 4D 37, 4D 41, 4D

 20   45.

 21   Monsieur le Greffier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ces trois

 23   pièces sont donc versées au dossier et admises sous les numéros suivants :

 24   4D 0037, 4D 0041, et 4D 0045. Merci.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 26   Bien, pour la suite de nos travaux, je compte faire introduire le témoin,

 27   engager les questions que nous posons en matière de mesures de protection,

 28   après quoi nous ferons une interruption parce qu'on a besoin de 30 minutes


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  1   pour le changement des bandes, et on reprendrait dans une heure et demie

  2   après la pause déjeuner.

  3   Je vois que Me Karnavas veut intervenir.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Si vous me le permettez, je souhaite faire

  5   une courte remarque -- deux, en réalité, deux remarques brèves qui nous

  6   permettront peut-être de gagner du temps dans cette salle d'audience, étant

  7   donné que nous n'avons que peu de temps pour ce procès. Un exemple :

  8   lorsque nous avons parlé du sang séché et du liquide céphalo-rachidien, ce

  9   n'est qu'au moment du contre-interrogatoire mené par M. le Professeur

 10   Murphy et, ensuite, par le général que ceci a été véritablement évoqué.

 11   L'impression que l'Accusation a voulu laisser hier est que ce sang ou

 12   ce liquide céphalo-rachidien ou, en tout cas, ce qui s'est passé à ce

 13   moment-là, était dû à des activités croates du HVO. Si nous regardons

 14   l'endroit et le lieu de cet événement, il apparaît clairement que cela ne

 15   ressemble à rien. Les dates ne correspondent pas. Il n'y a pas

 16   véritablement de moyens de preuve. Mme le Témoin aujourd'hui a dit qu'elle

 17   n'a pas procédé à une analyse parce qu'elle ne pouvait pas le faire. Cela,

 18   c'est encore un exemple.

 19   La Défense ne conteste pas -- si la Défense ne se lève pas pour en

 20   parler maintenant, ceci pourrait conduire la Chambre à conclure de façon

 21   erronée sur tout cela. Je pense que lorsqu'on procède à une séance de

 22   récolement avec le témoin, l'Accusation doit savoir qu'un témoin sait

 23   quelle est la valeur à lui apporter dans ce cas-là, et peut-être que ceci

 24   pourrait orienter la Chambre de première instance dans le mauvais sens. Il

 25   y a une différence entre un système contradictoire et un système

 26   continental, de droit continental. Etant donné que je penche plutôt dans le

 27   sens du système du droit continental, je propose que l'Accusation fasse de

 28   son mieux pour poser des questions qui se tiennent uniquement aux moyens de


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  1   preuve présentés, et à ce moment-là, la Chambre pourrait entendre tous ces

  2   éléments sans qu'ils soient contestés et sans qu'elle fasse de conclusions

  3   erronées. Je crois que nous avons un système d'éléments à charge et à

  4   décharge, et dans un système anglo-saxon, nous avons un système -- nous

  5   avons le système du contradictoire. Ici, il faut être plus près du système

  6   romano-germanique, et pour éviter de perdre trop de temps puisqu'il y a --

  7   je crois qu'il est mieux de ne s'en tenir qu'aux éléments pertinents.

  8   L'autre question pourrait porter sur ce qu'a dit le général Praljak, à

  9   savoir si ce médecin a fait des analyses après l'incident de viol. D'après

 10   la réaction des Juges de la Chambre, je souhaite apporter un commentaire,

 11   ici.

 12   Si la victime s'était présentée ici en personne, je dirais qu'il

 13   faudrait faire très attention et procéder avec modération et savoir

 14   exactement jusqu'à quel point nous pouvons poser des questions. Mais le

 15   témoin a laissé entendre et l'Accusation aussi a laissé entendre que

 16   quelqu'un a été violé par des soldats HVO croates, quelqu'un ici est peut-

 17   être coupable, peut-être tous ensemble, à ce moment-là, je crois qu'il me

 18   semble raisonnable que la Défense pose à ce médecin si véritablement elle a

 19   procédé à une analyse appropriée. Elle a répondu par la négative. Monsieur

 20   le Président, je crois que cela est important de l'indiquer, car après

 21   tout, l'Accusation doit apporter les moyens de preuve au-delà de tout doute

 22   raisonnable. S'il faut clairement insister sur le fait que ce viol a été

 23   perpétré par des soldats du HVO, à ce moment-là, je crois qu'ils doivent

 24   apporter d'autres éléments de preuve. Dans ce cas, il est tout à fait

 25   normal que la Défense intervienne à ce niveau-là. Peut-être que nous

 26   pourrions avoir des indications de la Chambre pour savoir jusqu'où nous

 27   pouvons aller dans ce domaine-là.

 28   Merci beaucoup.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Merci. Je partage bien vos préoccupations. Je

  2   les partageais au moment où il y a eu l'interrogatoire principal sur ce

  3   type de question. Il est vrai qu'un Juge de "civil law" aurait demandé

  4   immédiatement au témoin à quelle date elle était sur les lieux, pour

  5   vérifier si ce qu'elle dit rentre dans le champ de l'acte d'accusation, et

  6   à partir de là, les questions auraient été déclinées. Effectivement, si

  7   elle parle d'un viol qui s'est déroulé six mois avant ou un an avant l'acte

  8   d'accusation, cela n'a aucune pertinence. Donc, faites confiance aux Juges

  9   de cette Chambre pour apprécier évidemment la portée des questions et des

 10   réponses.

 11   Pour éviter ce type d'inconvénient, il serait souhaitable, tant

 12   l'Accusation que la Défense, lorsque vous posez une question qui vous

 13   paraît importante, de bien replacer cette question dans l'espace temporel

 14   pour savoir si cela rentre bien dans notre acte d'accusation et à quel

 15   moment exactement, parce que poser une question au mois de janvier, cela

 16   peut être intéressant, mais beaucoup moins si le fait est du mois de

 17   juillet, et cetera.

 18   Essayez d'être précis. Bien souvent, j'ai envie d'intervenir parce

 19   que je me dis : tiens, il manque tel et tel élément. Mais je vous fais

 20   confiance. Les deux exemples que vous venez de citer illustrent

 21   parfaitement ce type de difficulté. Mais soyez convaincus que nous ne

 22   sommes pas un jury populaire, nous sommes des professionnels et nous

 23   savons, bien entendu, donner le poids à ce qui est dit, et nous confrontons

 24   évidemment tous ces éléments, et ce n'est qu'au final que nous en tirerons

 25   des conclusions définitives, car comme vous le savez, nous ne pouvons nous

 26   déterminer qu'au-delà du tout doute raisonnable. Donc, soyez rassurés les

 27   uns et les autres sur notre conception des choses. Il est évident qu'un

 28   témoignage qui n'est pas précis sera considéré comme imprécis; en revanche,


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  1   un témoignage avec des références très précises sur les dates et les lieux,

  2   c'est beaucoup plus important au niveau de l'appréciation des éléments de

  3   preuve.

  4   Alors, il est midi. Je vous proposais donc : on va introduire le témoin, on

  5   va baisser les rideaux, nous allons écouter le témoin sur les raisons --

  6   attendez -- de protection. Ensuite, nous ferons donc la pause et on

  7   reprendra l'audience dans une heure et demie. Donc, je dis cela pour le

  8   public qui nous assiste en lui indiquant que l'audience ne pourra pas se

  9   dérouler dans les minutes qui vont suivre, compte tenu de la procédure.

 10   Nous passons à huis clos ?

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il me semble que nous ayons eu une

 12   petite pause. Donc, j'aimerais faire un commentaire à propos de ce viol et

 13   sur cette question. D'après ce que j'ai compris, on ne parle pas de ce viol

 14   dans l'acte d'accusation, donc, il ne s'agit pas d'un des faits qui doivent

 15   être prouvés. Avec toutes les difficultés qui sont les nôtres puisqu'on

 16   s'occupe de droits humanitaires et de droits de l'homme, je crois qu'il ne

 17   faut pas que nous nous attendions à des comportements qui relèvent de

 18   l'inhumain. Je suppose, j'essaie d'imaginer cette situation. Je me rends

 19   sur l'endroit, je vois cette femme qui est sans doute en train de pleurer.

 20   Ensuite, j'imagine le médecin lui dire : écoutez, vous avez été violée,

 21   venez me voir tout de suite pour que je vous examine. Je crois que ceci

 22   n'est pas envisageable, acceptable sur un plan purement humain. C'est la

 23   raison pour laquelle j'ai réagi ainsi.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Je comprends bien. Je partage ce sentiment

 25   d'humanité avec vous, mais si nous devons condamner quelqu'un sur cette

 26   base-là, je sais qu'en tant qu'avocat de la Défense, je dois réagir et je

 27   dois dire quelque chose.

 28   M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos total, Monsieur le Président.


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  1   [Audience à huis clos]

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 16   [Audience publique]

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur, je dois recueillir votre

 18   prestation de serment. Pour ce faire, je vous demande de vous lever et de

 19   me décliner votre nom, prénom et date de naissance.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juges, je

 21   m'appelle Omer Hujdur. Je suis né le 19 avril 1952.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me préciser votre fonction actuelle ou

 23   professionnelle ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] En ce moment, je suis député au parlement de

 25   Bosnie-Herzégovine.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, avez-vous déjà témoigné devant un tribunal

 27   international ou national sur les faits qui se sont déroulés dans votre

 28   pays dans les années 1992, 1993, 1994, ou c'est la première fois que vous


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  1   témoignez en justice ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire le serment que Mme

  4   l'Huissière vous présente.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je déclare solennellement que je dirai

  6   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  7   LE TÉMOIN : OMER HUJDUR [Assermenté]

  8   [Le témoin répond par l'interprète]

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

 10   Alors, Monsieur, je vais vous donner quelques éléments d'information sur la

 11   façon dont va se dérouler cette audience puisque c'est une procédure à

 12   laquelle vous n'êtes pas habitué. Vous allez devoir, dans un premier temps,

 13   répondre à des questions qui vont vous être posées par les représentants de

 14   Mme Carla Del Ponte, qui est le Procureur de ce Tribunal. Ses représentants

 15   sont situés à votre droite et vous avez dû certainement les rencontrer en

 16   vue de la préparation de cette audience. Une fois que les représentants du

 17   Procureur vous auront posé les questions, les avocats des six accusés, qui

 18   sont situés à votre gauche, pourront, à tout de rôle, également vous poser

 19   des questions dans - ce que l'on appelle dans la procédure de "common law"

 20   - le contre-interrogatoire. Vous vous apercevrez très vite que le sens des

 21   questions ne sera pas tout à fait le même que les questions posées par

 22   l'Accusation car, dans le cas du contre-interrogatoire, on parle d'une

 23   hypothèse et on vous demande de répondre par oui ou par non, sans exclure

 24   toutefois de votre part une réponse un peu plus approfondie.

 25   Les Juges, qui sont devant vous - d'habitude, nous sommes quatre, mais là,

 26   nous sommes deux parce que deux des Juges sont occupés par des obligations

 27   professionnelles - pourront intervenir pour vous poser des questions à tout

 28   moment. En règle générale, nous posons des questions pour éclaircir le sens


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  1   de vos réponses faites aux questions posées, et puis, par ailleurs, parce

  2   que nous estimons qu'il convient dans l'intérêt de la justice de vous poser

  3   la question. Si au cours des questions des uns et des autres vous éprouvez

  4   une difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous en faire part et notamment

  5   si vous estimez qu'une réponse donnée doit appeler une forme de protection

  6   temporaire par huis clos partiel. A ce moment-là, nous apprécierons

  7   l'opportunité d'ordonner cette mesure. Je rappelle que vous avez prêté

  8   serment de dire toute la vérité, ce qui exclut, et vous le comprenez très

  9   bien, en votre qualité de parlementaire, tout propos mensonger. Cela va de

 10   soi et je n'ai pas besoin d'insister là-dessus. Voilà de manière très

 11   générale la façon dont va se dérouler l'audience. Normalement, nous

 12   procédons par des périodes d'une heure et demie, au bout d'une heure et

 13   demie il y a un repos de 20 minutes qui est lié notamment à des questions

 14   techniques et nous reprenons 20 minutes après. Voilà. Donc, une heure et

 15   demie, 20 minutes de repos et reprise pendant une heure et demie. Le temps

 16   de préciser qu'aujourd'hui nous terminerons notre audience à 17 heures 15.

 17   Si nous n'avons pas terminé, il faudra malheureusement pour vous revenir

 18   demain matin, mais j'ose espérer que nous aurons le temps de boucler votre

 19   audition aujourd'hui.

 20   Voilà. Alors je ne vais pas perdre de temps maintenant et je vais demander

 21   aux représentants de l'Accusation de bien vouloir entamer son

 22   interrogatoire principal.

 23   M. KRUGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Avant

 24   de commencer, je souhaiterais indiquer les paragraphes de l'acte

 25   d'accusation qui sont pertinents pour la déposition de ce témoin. Il s'agit

 26   des paragraphes 7, 17 A-3, 17 3-C, 33, 37, 43, 45, 46, 47, 48, 50, 51, 52,

 27   53, 54, 55, 56 et 59.

 28   Je vous remercie. Monsieur le Président.


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  1   Interrogatoire principal par M. Kruger :

  2   Q.  [interprétation] Monsieur Hujdur, bonjour. Est-ce que vous pourriez

  3   nous dire si vous êtes marié et si vous avez des enfants ?

  4   R.  Oui, j'ai des enfants.

  5   Q.  Où avez-vous grandi ?

  6   R.  J'ai grandi à Prozor, dans la municipalité de Prozor.

  7   Q.  Vous êtes allé à l'école à Prozor également ?

  8   R.  Oui, pour ce qui est de l'école primaire. Après l'école primaire, j'ai

  9   suivi les cours de l'école de génie mécanique et ensuite je suis allée à

 10   l'université de Mostar pour étudier le génie mécanique.

 11   Q.  A la fin de vos études, est-ce que vous êtes retourné à Prozor ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  En quelles capacités ?

 14   R.  J'ai commencé ma vie professionnelle dans une société de communication

 15   et puis j'ai travaillé pour l'usine hydroélectrique qui se trouvait sur la

 16   Neretva ainsi que dans l'usine UNIS.

 17   Q.  Pour ce qui est de l'usine UNIS ainsi que la centrale hydraulique, est-

 18   ce que ces deux établissements se trouvent à Prozor ?

 19   R.  Oui, la centrale hydroélectrique se trouve dans la municipalité de

 20   Prozor. Le lac se trouve dans la municipalité de Prozor alors que la

 21   centrale se trouve à une quinzaine de kilomètres de ce lac et l'usine UNIS

 22   se trouve dans la ville de Prozor à proprement parler.

 23   Q.  Quand avez-vous commencé à faire de la politique à Prozor pour la

 24   première fois ?

 25   R.  Du point de vue professionnel, je dirais que cela a commencé au début

 26   du mois de mars et en avril 1992 et je m'étais également intéressé à la

 27   politique, mais pas en tant que professionnel, plus tôt.

 28   Q.  Oui, mais à partir de quand. Lorsque vous faites référence à votre


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  1   intérêt pour la politique, quand est-ce que cela a commencé ?

  2   R.  En 1986, de 1986 à 1990, j'étais représentant de la municipalité de

  3   Prozor et de Jablanica au sein de l'assemblée de la République de la

  4   Bosnie-Herzégovine, j'étais le représentant pour l'économie. En fait, cela

  5   s'appelait la Chambre du travail réuni dans l'assemblée de Bosnie-

  6   Herzégovine -- ou associé, mais ce n'était pas une fonction

  7   professionnelle.

  8   Q.  A quel parti appartenez-vous à cette époque-là ?

  9   R.  A cette époque, c'est le SDP maintenant, mais à l'époque il s'agissait

 10   de la ligne des communistes jusqu'à 1990 et un peu plus tard également.

 11   Q.  Vous dites que vous êtes resté au sein de ce parti jusqu'en 1990, ou en

 12   tout cas, vous avez eu des fonctions au sein de ce parti jusqu'en 1990;

 13   quel a été la cause de votre départ du parti ou de ce parti ?

 14   R.  J'ai quitté ce parti en 1991, notamment, du fait des réactions peu

 15   importantes du parti face ou vis-à-vis des événements qui se déroulaient

 16   essentiellement dans notre municipalité.

 17   Q.  Donc, nous allons donc aborder ce thème dans un petit moment. Mais

 18   j'aimerais que vous nous décriviez brièvement Prozor -- la municipalité de

 19   Prozor, quelle en est sa taille, par exemple ?

 20   R.  La municipalité de Prozor a une superficie de quelques 400 kilomètres

 21   carrés, c'est une municipalité de taille moyenne, pour ce qui est de la

 22   taille, de la superficie.

 23   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner une idée de la répartition

 24   démographique de Prozor, et ce, en fonction du recensement de 1991 ?

 25   R.  Oui. Conformément à ce recensement, il y avait 19 702 habitants dans la

 26   municipalité de Prozor. 62 % de ces habitants étaient Croates, 37 étaient

 27   Bosniens et 1 % étaient des Serbes et autres.

 28   Q.  Donc, les Croates étaient majoritaires au sein de cette municipalité ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Qu'en est-il de la ville de Prozor ? Quelle était la répartition

  3   démographique de la ville de Prozor ?

  4   R.  Pour ce qui est de la ville de Prozor, à l'époque, il y avait 3 565

  5   habitants et nous pouvons dire qu'environ deux tiers était Bosniens et le

  6   reste était composé de Croates et de Serbes, et des personnes en fait qui

  7   déclaraient appartenir à la catégorie "autres".

  8   Q.  Pour ce qui est des deux groupes principaux, donc, les Croates et les

  9   Bosniens, est-ce qu'ils résidaient dans des quartiers séparés dans la ville

 10   de Prozor ?

 11   R.  Je ne m'exprimerais pas de la sorte, non. Quoi qu'il y ait eu des

 12   quartiers de la ville qui étaient habités essentiellement par des Bosniens.

 13   Mais, si vous prenez la ville dans son ensemble, la structure démographique

 14   était mixte et pour ce qui est la partie de la ville qui était

 15   essentiellement habitée par les Bosniens, il y avait donc le quartier de

 16   Varos ou de Carsija, à savoir, donc, la ville basse de Prozor que l'on

 17   appelle Carsija.

 18   Q.  Il y a une partie de la ville que l'on appelle Pogradje ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Combien -- qui de cette partie de ce quartier ?

 21   R.  C'est une partie de la ville qui est surélevée qui est un peu en aplomb

 22   au-dessus de la ville de Prozor, donc, sur la route qui mène à Gornji Vakuf

 23   -- ou plutôt dans la partie est de la ville, et c'est une partie qui était

 24   essentiellement habitée par des Bosniens.

 25   Q.  Merci. Avant l'année 1991, comment pouvez-vous décrire les relations

 26   qui existaient entre les différents groupes d'appartenance ethnique à

 27   Prozor, et j'entends par cela dans la municipalité ainsi que dans la

 28   ville ?


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  1   R.  Les relations ethnique, entre les communautés d'appartenance ethnique

  2   différentes ou les groupes, comme vous le dites, étaient traditionnellement

  3   de bonnes relations, des relations cordiales, et ce, pendant longtemps

  4   jusqu'à la fin de l'année 1990, en fait, jusqu'au début des élections

  5   multipartites.

  6   Q.  Est-ce que vous pourriez indiquer ce qui suit à la Chambre de première

  7   instance ? Je pense à quelqu'un, comme vous qui avez grandi à Prozor, qui

  8   avez vécu à Prozor, quelle était l'importance géographique de Prozor ? Je

  9   fais appel en vous posant cette question à votre bon sens.

 10   R.  Prozor est une municipalité, le cœur de la municipalité, le quartier

 11   général ou le centre de la municipalité se trouve le long des lignes de

 12   communication, donc, entre la mer Adriatique et Zagreb -- ou plutôt, entre

 13   Dubrovnik et Zagreb. Donc, c'était une ville qui avait d'excellentes

 14   communications vers le sud, vers Mostar, avec Metkovic et Dubrovnik ainsi

 15   qu'avec la côte adriatique. Puis, vers le nord, vers Gornji Vakuf, Bugojno,

 16   Jajce, vers Zagreb, puis, il y avait également vers les autres destinations

 17   vers l'Europe et vers le monde. Voilà quelle était la situation

 18   géographique; elle se trouvait cette ville sur l'axe nord-sud.

 19   Pour ce qui est de l'axe est-ouest et des communications entre l'est

 20   et l'ouest à côté de la municipalité de Prozor, il y avait Duvno qui

 21   maintenant de nos jours est Tomislavgrad, et il y a Kupres. Il faut savoir

 22   que Prozor est relié à ces endroits avec une route ou par une route

 23   goudronnée, une route régionale, et puis vers l'est, il y a également une

 24   route régionale qui établit la liaison avec Konjic, mais c'était, encore

 25   une fois, une route goudronnée. Donc, nous pouvons dire que les

 26   communications, entre l'est et l'ouest, étaient assez médiocres si nous

 27   pensons à la qualité de la route. Ce n'était pas de très, très bonnes

 28   routes, en fait, qui reliaient ces deux axes.


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  1   Q.  Merci. J'aimerais maintenant parler des élections de 1990. Le

  2   gouvernement de la République de la Bosnie-Herzégovine a convoqué une

  3   élection en 1991; est-ce que cela est exact ?

  4   R.  Les élections ont eu lieu le 17 novembre 1990 à ma connaissance.

  5   Q.  Avez-vous participé à ces élections, et le cas échéant, pour quel

  6   parti ?

  7   R.  J'ai participé aux élections, mais mon nom ne faisait pas partie des

  8   listes des partis parce que mon mandat expirait à la fin de cette année.

  9   Pour ce qui est de l'assemblée de la République, je n'avais absolument

 10   aucunement l'intention pendant mon mandat de changer en quelque sorte de

 11   virer casaque, si je peux m'exprimer de la sorte, et d'assumer une fonction

 12   pour quelqu'un d'autre.

 13   Q.  Quel a été le résultat de cette élection au sein de la municipalité de

 14   Prozor ?

 15   R.  Les résultats ont été comme suit : l'élection -- ou plutôt, c'est le

 16   HDZ qui a remporté les élections ainsi que le SDA. Il s'agissait des partis

 17   qui avaient remporté la victoire pour le peuple croate et le peuple

 18   bosniaque. Puis, il y avait un petit pourcentage de voix qui ont été

 19   exprimées pour le parti SDP qui était toujours un parti à composition

 20   multiethnique. Toutefois, ce ne fut pas le parti qui a remporté tous les

 21   suffrages ou le plus grand nombre de suffrages.

 22   Q.  Quel est le parti qui a obtenu la majorité des suffrages ?

 23   R.  Le HDZ. C'est le HDZ qui a remporté le plus grand nombre de voix.

 24   Q.  Les partis du HDZ et du SDA, est-ce que vous savez s'ils ont envisagé

 25   après les élections un accord permettant de répartir le pouvoir ou de la

 26   partager ?

 27   R.  Je ne peux pas véritablement dire qu'ils ont conclu une coalition -- un

 28   accord de partage des pouvoirs ou un accord quel qu'il soit. Ils ont


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  1   discuté de certaines questions, mais, dès le début, ils n'étaient pas

  2   d'accord à propos de certaines choses et des problèmes ont commencé à

  3   surgir. Je ne sais pas si je peux maintenant parler de ces problèmes, peut-

  4   être au fil de l'interrogatoire principal.

  5   Q.  Non, nous aborderons ces problèmes ultérieurement. Est-ce que nous

  6   pourrions, dans un premier temps, étudier la structure du gouvernement

  7   municipal à Prozor ? Comment était composée la structure supérieure de

  8   l'association municipale ?

  9   R.  Alors, en fait, c'était la structure habituelle comme dans tout autre

 10   municipalité à savoir l'assemblée municipale faisait office de parlement

 11   municipal ou était en quelque sorte l'organe législatif et le président de

 12   l'assemblée et le président du comité exécutif ou le premier ministre du

 13   gouvernement de la municipalité s'il voulait exprimer de la sorte ainsi que

 14   le secrétaire de l'assemblée municipale étaient des postes et des fonctions

 15   vraiment essentielles, tout comme les départements municipaux, responsable

 16   de l'économie, de l'urbanisation de la ville, de l'aménagement du

 17   territoire de la ville, des finances, et cetera, et cetera.

 18   Q.  Est-ce qu'il y avait également un maire - mais avant de parler du maire

 19   - je vais retirer cette question. J'aimerais poser une autre question. Pour

 20   que tout soit clair, nous avons en haut de la structure -- au fait de cette

 21   structure l'assemblée municipale. Comment est-ce qu'elle était

 22   composée cette assemblée municipale ?

 23   R.  Elle était composée de délégués. Je pense que c'était leur titre à

 24   l'époque. Elle était composée des délégués de l'assemblée et il s'agissait

 25   de représentants des partis qui dirigeaient à l'époque.

 26   Q.  Le président de l'assemblée municipale, est-ce que ce président était

 27   élu ou nommé par ces délégués, donc par les représentants de ces partis ?

 28   R.  Je pense qu'il était élu. Je ne peux pas exclure la possibilité que ce


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  1   sont les délégués qui l'avaient nommé.

  2   Q.  Quoi qu'il en soit, qu'est devenu le président de l'assemblée

  3   municipale ?

  4   R.  M. Mijo Jozic, qui était, bien sûr, le représentant du HDZ, c'est lui

  5   qui est devenu président.

  6   Q.  Le secrétaire que vous avez mentionné, qui était le secrétaire -- qui

  7   est devenu le secrétaire ?

  8   R.  C'était également un représentant du HDZ. Son nom avait été, un peu,

  9   entaché. Il se trouve qu'il n'a pas répondu aux exigences requises car il

 10   n'avait pas fait d'études universitaires. Il n'avait pas d'expérience dans

 11   le monde du travail et des objections ont été soulevées. Par conséquent, on

 12   a dit qu'il fallait mettre en place une administration moderne composée de

 13   jeunes gens et qu'un jour, il aurait ce qu'il fallait pour postuler.

 14   Q.  Le président de l'assemblée municipale et le secrétaire, est-ce que

 15   l'on pourrait dire d'eux que c'était le pouvoir exécutif au sein de la

 16   municipalité -- qu'ils représentaient le pouvoir exécutif au sein de la

 17   municipalité ?

 18   R.  Le président du conseil exécutif était celui qui représentant le

 19   pouvoir exécutif. C'était également un représentant du HDZ. Simplement,

 20   c'est son adjoint qui après beaucoup de persuasions a été nommé également,

 21   mais ses pouvoirs étaient limités.

 22   Q.  Qui était le président du conseil exécutif ?

 23   R.  Un représentant du HDZ.

 24   Q.  Savez-vous qui était cet homme qui a été nommé à ce poste ?

 25   R.  A l'époque, c'était Nikola Ivic.

 26   Q.  Vous dites, "à l'époque", est-ce que Nikola Ivic a été remplacé par la

 27   suite ?

 28   R.  Plus tard, un homme sera nommé à sa place mais beaucoup plus tard.


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  1   Q.  Au niveau du haut de la pyramide -- pardon, avant de parler de cela,

  2   vous avez dit que dans cette structure en deçà, il y avait différents

  3   services; est-ce que vous pourriez nous décrire ces différents services,

  4   s'il vous plaît, et quel rôle ils jouaient, en termes généraux, j'entends ?

  5   R.  Il y avait le service chargé de la Planification urbaine, le service

  6   chargé des Inspections de l'administration fiscale, et tout ceci était

  7   entre les mains d'un représentant du SDA ou géré par un représentant du

  8   SDA. Mais, à l'époque, pour occuper ce poste, comme à tout autre moment, il

  9   s'agit d'un poste, autres responsabilités, qui travaillaient au niveau de

 10   l'administration fiscale. C'est une tâche difficile.

 11   Donc, il y avait le service des Inspections. C'était un représentant

 12   du SDA qui assurait cette fonction également. Comme je vous l'ai dit,

 13   lorsque des représentants bosniens étaient nommés à certains postes,

 14   c'étaient des postes qui étaient moins importants mais des postes qui, en

 15   termes de difficulté, étaient des postes difficiles à remplir.

 16   Q.  Y avait-il certains postes qui avaient été promis au SDA ?

 17   R.  Oui. Il y a quelques instants, j'ai évoqué les difficultés de la

 18   création du gouvernement après les élections, un, des postes importants qui

 19   avaient promis aux Bosniens était, le commandement de la Défense

 20   territoriale ou l'état-major de la Défense territoriale de la municipalité

 21   de Prozor. A ce moment-là, il est vrai que c'était une pomme de discordes.

 22   Bon, je pourrais le dire autrement, mais on pourrait dire qu'une promesse

 23   avait été faite mais que cette promesse n'avait jamais été tenue par les

 24   représentants du HDZ. Donc, c'était une question qui est restée ouverte

 25   pendant cette époque, et personne n'a été nommée à ce poste. Donc, j'en

 26   étais mal à cause de cela au niveau de la représentation, de légalité, de

 27   la confiance, de la sûreté et de la sécurité, et cetera.

 28   Q.  Vous avez dit que vous avez quitté le SDA en 1991; êtes-vous devenu


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  1   membre d'un autre parti politique, à ce moment-là ?

  2   R.  Il y a peut-être une erreur typographique. J'ai quitté le parti

  3   précédent dans la deuxième moitié de l'année 1991. Pendant six mois, je

  4   n'étais membre d'aucun parti.

  5   Q.  Pardonnez-moi. A quel moment êtes-vous à nouveau membre d'un parti

  6   politique ?

  7   R.  En substance, lorsque j'y étais invité par la cellule de Crise, j'ai

  8   pris part aux pourparlers qui avaient pour objet de calmer les tensions.

  9   Pour essayer de dissiper l'atmosphère qui pesait à Prozor, à la fin du mois

 10   de mars et au début du mois d'avril. Ils ne m'ont même pas demandé si

 11   j'étais un membre du SDA ou pas. Quoi qu'il en soit, à ce moment-là, la

 12   seule possibilité qui s'offrait à nous, était d'être actif compte tenu de

 13   la situation et des options qui s'offraient à nous. A la demande des

 14   représentants, dans les représentants de ce qu'était, à ce moment-là, le

 15   SDA. Bien sûr, je suis devenu officiellement un membre du parti, le 24

 16   juin, à la convention du parti, une séance de l'assemblée au mois de juin.

 17   Entre le mois de mars et le mois d'avril, je crois qu'on peut estimer que

 18   j'étais un membre du parti, mais, officiellement, je n'en suis devenu

 19   membre que lors de la convention du parti.

 20   Q.  Donc, en ce qui concerne l'époque que vous évoquez maintenant, le mois

 21   de mars ou le mois d'avril, est-ce que vous voulez parler de l'année 1992 ?

 22   R.  Oui, oui.

 23   Q.  Merci. Donc, je souhaite repartir un tout petit en arrière, s'il vous

 24   plaît. Au cours de l'année 1991, le HDZ, à Prozor, a-t-il organisé des

 25   rassemblements politiques ?

 26   R.  Je me souviens d'un rassemblement politique important, qui était tenu

 27   le long des berges du lac Ramsko. C'était peut-être pour fêter un

 28   anniversaire ou commémorer la création du HDZ. Il y avait beaucoup de monde


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  1   et, pour traverser la ville, c'était difficile, c'était inhabituel et

  2   inquiétant.

  3   Q.  Y a-t-il eu des réactions lorsque les gens du HDZ ont traversé la

  4   ville ?

  5   R.  Pour éviter qu'il n'y ait de malentendu, lorsque j'ai utilisé le terme

  6   "inhabituel", je voulais dire qu'ils ont appuyé sur les klaxons de leurs

  7   voitures, il y avait trop de drapeaux en même temps, et il y avait des

  8   voitures qui allaient dans la même direction et qui conduisaient côte à

  9   côte. Personne ne s'opposait à cela, à leur passage, si ceci s'était

 10   déroulé dans une ambiance plus calme et plus pacifique. Mais ceci n'a pas

 11   laissé une bonne impression car les gens commençaient à avoir peur de ce

 12   type de comportement et ils étaient surpris. Ils se sont demandés pourquoi

 13   les gens se comportaient ainsi.

 14   Q.  Vous avez dit à la page 88, ligne 6 : "Les gens ont commencé à craindre

 15   de tel comportement." A qui faisiez-vous référence ?

 16   R.  Toutes les personnes qui trouvaient que ce comportement leur semblait

 17   étranger. Je pense qu'il s'agissait de personnes normales qui voulaient

 18   qu'il y ait une ambiance normale, que les gens se comprennent, qu'il y ait

 19   la confiance et de bonnes relations entre voisins. Bien sûr, c'était les

 20   représentants d'autres partis qui auraient le plus peur, ce qui est tout à

 21   fait normal. Dans ce cas, ce serait le SDA et le SDP, et toutes personnes

 22   n'appartenant à aucun parti politique, car de telles personnes existaient

 23   également. Il y avait certaines personnes qui avaient choisi de ne pas

 24   devenir membre d'un parti politique.

 25   Q.  Vous avez également dit qu'il y avait trop de drapeaux, qu'on

 26   brandissait des drapeaux et qu'il y avait des drapeaux à bord des

 27   véhicules. Je crois que vous avez dit quelque chose comme cela. Vous

 28   parliez de quels drapeaux ?


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  1   R.  C'était pour la plupart des drapeaux du HDZ, mais il y avait également

  2   d'autres drapeaux. Je crois que -- bon, cela n'est pas que je ne sais pas

  3   ou que j'ai pas envie de le dire, mais ceci a trait à ce que j'avais

  4   demandé au début de cette audience. Il suffit de dire simplement qu'il y en

  5   avait d'autres.

  6   Q.  Passons à un autre sujet. Au mois de mars et avril 1992, est-ce que

  7   l'on pourrait dire que c'est vers cette époque que le conflit avec les

  8   Serbes en Bosnie a éclaté ?

  9   R.  Je crois que cela est de notoriété publique. Je crois que les Juges de

 10   cette Chambre sont au courant de cela et le public également. Inutile de

 11   m'étendre là-dessus. Bien sûr, si on se souvient des barrages routiers à

 12   Sarajevo, on pourrait dire que ceci s'est passé à la fin du mois de mars et

 13   début du mois d'avril.

 14   Q.  Merci. Est-ce que la municipalité de Prozor a été directement touchée

 15   par ce conflit ?

 16   R.  Non. Non. Dans la direction de Kupres, en partant de Prozor, on

 17   estimait que des lignes devaient se trouver à cet endroit-là, mais c'était

 18   une zone un peu reculée où il n'y a pas beaucoup d'activité, donc, en

 19   somme, pour vous répondre, ma réponse est non.

 20   Q.  Donc, la raison pour laquelle je vous pose cette question, car ceci a

 21   des implications, est-ce que la vie se déroulait normalement à Prozor ou

 22   est-ce que la vie courante a été interrompue par la guerre ?

 23   R.  A Prozor, les choses ont été chamboulées plus qu'a l'accoutumée, sans

 24   doute parce qu'il existait des plans, plans qui devaient être mis en œuvre

 25   à Prozor, et c'est pour cette raison qu'il était important de créer cette

 26   atmosphère à Prozor, à savoir, de faire régner l'insécurité, la crainte, la

 27   confusion générale pour ne pas parler des interruptions dans les écoles,

 28   par exemple. On déplaçait la population à l'extérieur, et cetera -- ou


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  1   plutôt, les tentatives avaient été faites dans ce sens.

  2   Q.  Bien. Qu'en est-il de l'association municipale de Prozor ? Est-ce

  3   qu'elle a continué à fonctionner ou est-ce qu'elle a été remplacée par un

  4   autre organe ?

  5   R.  Je crois qu'on peut établir un rapport entre ceci et une décision qui a

  6   été rendue, à savoir, la proclamation de l'état d'une menace imminente de

  7   guerre. Lorsque le pouvoir législatif ne fonctionne plus, lorsque la

  8   présidence assume ce rôle, je parle de présidence élargie et ce qu'on

  9   faisait d'un certain nombre de membres. Compte tenu du fait qu'en début du

 10   mois d'avril, une menace imminente de guerre avait été déclarée, des

 11   mesures ont été prises sur le champ afin de dissoudre l'assemblée pour

 12   créer une présidence de Guerre dans la municipalité de Prozor.

 13   Q.  Cette menace imminente de guerre qui a été déclarée, par qui cette

 14   menace imminente de guerre a-t-elle été déclarée ?

 15   R.  Par la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, pour autant

 16   que je sache. Je crois que ceci est exact.

 17   Q.  Vous parlez du début du mois d'avril 1992 ?

 18   R.  Je crois que c'était le 8 avril 1992.

 19   Q.  Combien de temps après la date du 8 avril la présidence de Guerre a-t-

 20   elle été créée dans la municipalité de Prozor ?

 21   R.  Il n'a pas fallu beaucoup de temps pour parvenir à cette décision car

 22   la présidence de Guerre dans la municipalité de Prozor était composée de 11

 23   membres, dont sept venaient du HDZ, quatre du Parti de l'Action

 24   démocratique, et bien que ces chiffres ne représentent -- ne correspondent

 25   pas aux chiffres représentatifs par rapport à la population. La décision a

 26   été prise par la présidence, et cette présidence a pu préparer et mettre en

 27   œuvre toutes les décisions qu'elle souhaitait mettre en œuvre.

 28   Q.  Cette présidence de Guerre était responsable devant qui, la


Page 3486

  1   municipalité de Prozor ou la présidence ?

  2   R.  Ecoutez, elle était censée répondre de ses actes devant la présidence

  3   ou plutôt des instances juridiques de la République de Bosnie-Herzégovine.

  4   Malheureusement, nous avons découvert que tout portait à croire que les

  5   éléments d'information parvenaient à un organe des autorités qui étaient

  6   tout autres.

  7   Q.  Lorsque vous dites que c'était dirigé vers quelqu'un d'autre à une

  8   autre adresse, est-ce que vous pourriez nous en parler davantage ? Qu'est-

  9   ce que vous entendez par là ? Est-ce que c'est quelque chose que vous

 10   saviez vous-même personnellement ?

 11   R.  Pour autant que je sache, et ceci pouvait être corroboré par un

 12   document que je n'ai pas sur moi. Mais, d'après le comportement des membres

 13   de la présidence de Guerre je reste convaincu que c'était au centre du HVO,

 14   la communauté croate d'Herceg-Bosna qui était une communauté qui a été

 15   créée, et ce nom commençait déjà à être répandu. D'après mon intention,

 16   oui, personnellement, les éléments d'information étaient envoyés vers ce

 17   centre-là et n'étaient pas envoyés vers l'endroit où cela aurait dû être

 18   envoyé. Ce qui a été envoyé à Sarajevo n'a pas été envoyé à l'initiative du

 19   HDZ. Il y avait un problème qui se posait eu égard à la mise en place d'un

 20   état-major commun ou unifié dans la municipalité de Prozor. Les

 21   représentants du HDZ ont dit qu'ils ne souhaitaient pas accepter cela. M.

 22   Jerko Doko était ministre de la Défense au niveau de la république. Il a

 23   parlé des problèmes que cela pouvait occasionner et M. Jerko Doko s'est

 24   exprimé sur le sujet. Il a indiqué que les institutions juridiques de la

 25   Bosnie-Herzégovine devaient être les autorités que l'on devait respecter.

 26   Il fallait respecter les blasons et qu'un état-major unifié devait être mis

 27   en place à Prozor. Ce message était surtout destiné au président du HDZ, M.

 28   Ilija Petkovic, qui, à l'époque, était l'adversaire le plus redoutable de


Page 3487

  1   tout ceci. Il ne souhaitait pas avoir la mise en œuvre de cette décision et

  2   voir les symboles des institutions juridiques de la République de Bosnie-

  3   Herzégovine.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi

  5   d'intervenir à ce niveau-là. Les réponses ne sont pas les vraies réponses.

  6   Je ne souhaite pas interrompre ce monsieur, mais il peut simplement

  7   répondre à la question qu'il est posé par mon confrère. Si le Procureur

  8   peut effectivement poser ses questions, mais je crois qu'il parle -- il

  9   évoque ces intuitions, et cetera. Si l'on peut parler des faits ce serait

 10   préférable.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, essayez d'être plus précis.

 12   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous allons

 13   parler de cela en temps voulu.

 14   Q.  Nous allons repartir un petit peu en arrière et reparler de ce que vous

 15   venez de nous dire. La décision prise le 8 avril alors qu'avait été

 16   déclarée une menace éminente de guerre. Est-ce que des instructions ont été

 17   données en même temps que cette déclaration de menace éminente de guerre ?

 18   R.  Cette décision a été diffusée publiquement et transmise à tous les

 19   organes juridiques et par les voix officielles.

 20   Q.  Donc, la municipalité de Prozor a-t-elle dû prendre des mesures

 21   particulières, eu égard à cette déclaration ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Quel type de mesures ?

 24   R.  Elle a dû non seulement créer une présidence de Guerre, mais un état-

 25   major commun -- ou plutôt, une Défense territoriale commune. Ce qui serait

 26   un état-major de la Défense territoriale commune dans la municipalité de

 27   Prozor, et la date butoir qui avait été fixée était le 15 avril 1992.

 28   Malheureusement, ce délai n'a pas été respecté et après de longs


Page 3488

  1   pourparlers au cours desquels nous avons appris cela, j'ai moi-même assisté

  2   à ces réunions, une décision qui était un compromis a été conclu, et le 16

  3   avril 1992, nous sommes parvenus à un accord et Sarajevo a été

  4   officiellement informée de la création d'un état-major de la défense

  5   unifiée dans la municipalité de Prozor. Nous avons eu d'énormes difficultés

  6   et les négociations ont duré très longtemps avant de parvenir à cet accord.

  7   Q.  Quelle était la position du HDZ par rapport à la création de cet état-

  8   major de défense commun ?

  9   R.  La position de l'aile extrême du HDZ est sans doute ceux qui étaient au

 10   courant d'autres projets était celle-ci. Les Bosniens ne pouvaient

 11   qu'accepter la proposition du HVO. S'ils ne souhaitaient pas le faire,

 12   bien, ils n'avaient pas de libre choix. Ils pouvaient à ce moment-là

 13   rejoindre les Chetniks, car ils estimaient que la Défense territoriale

 14   était une organisation chetnik. Lorsque j'ai dit que nous avons rencontré

 15   de très grosses difficultés et que les négociations ont duré très

 16   longtemps, je faisais allusion à cette recherche d'un compromis.

 17   Q.  Le HDZ a-t-il proposé des candidats particuliers pour cet état-major

 18   conjoint qu'il souhaitait créer ?

 19   R.  A partir du 16 avril et pendant les quelques jours suivants, après la

 20   décision de rechercher un compromis la possibilité a été donnée aux deux

 21   partis de nommer des candidats qui pourraient créer ce qu'on pouvait

 22   appeler au conditionnel un état-major de défense unifiée pour la

 23   municipalité de Prozor, car tel était le nom officiel qu'on donnait à cette

 24   instance, mais cette décision n'a jamais été appliquée.

 25   Q.  Quand la décision de rechercher un compromis a été prise, vous-même et

 26   d'autres membres du SDA avez-vous été satisfaits de ce compromis ?

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, objection à cette

 28   question -- satisfait -- quelle pertinence est-ce que cela peut avoir -- de


Page 3489

  1   savoir si le témoin et d'autres personnes ont été satisfaits de l'obtention

  2   d'un compromis. Le mot "compromis" parle de lui-même.

  3   M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, avec le respect que je

  4   dois à la Chambre, c'est une forme lexicale. La question consiste à

  5   demander au témoin s'il y avait un compromis et si le témoin était présent

  6   à cette réunion, est-ce qu'il a été satisfait de ce compromis à la suite de

  7   la réunion, très simple.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour répondre à votre question, je répondrais

  9   : oui, partiellement, car le moyen a été trouvé d'éviter le conflit. Mais

 10   il y a un autre élément de ce compromis puisque j'ai dit "partiel", tout à

 11   l'heure, qui est moins satisfaisant car nous voyions bien qu'une attaque

 12   menaçait les instances légales du pouvoir de Bosnie-Herzégovine et, dans ce

 13   contexte, personne ne pouvait être satisfait ou heureux d'une quelconque

 14   solution. Mais, sans perdre cela de vue, les résultats des négociations et

 15   des pourparlers qui a été synonyme d'interruption de la course au conflit

 16   et de la possibilité pour les gens de vivre en paix et de posséder des

 17   instances légales dans leur Etat de Bosnie-Herzégovine reconnues

 18   internationalement. C'est cela qui l'a emporté et les représentants du HDZ

 19   avaient demandés des conditions préalables à cela. Donc, je pense que la

 20   question de savoir si nous étions satisfaits est une très bonne question

 21   pour tous ceux qui étaient au courant des problèmes qu'impliquaient les

 22   pourparlers et les négociations.

 23   Q.  Donc, le résultat, finalement, n'a pas été la mise en place d'un état-

 24   major de défense conjoint ou unifié, mais la création d'autres états-

 25   majors, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. Après un mois à peu près, les Bosniens et bien sûr tous ceux qui

 27   souhaitaient en rester à l'option de la Bosnie-Herzégovine et de l'action

 28   des instances légales ont créé, à la demande de l'état-major de la


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  1   république de la Défense territoriale un état-major qui, d'une part, avait

  2   les capacités requises et qui, d'autre part, était censé tenir compte de

  3   nos intérêts à l'avenir.

  4   Q.  Ces états-majors qui ont été créés, avaient-ils le même QG que vous,

  5   oui ou non ?

  6   R.  Malheureusement, non.

  7   Q.  Savez-vous qui dirigeait l'état-major du HDZ ?

  8   R.  Dans la période en question, nous avons eu à mener des discussions

  9   nombreuses et ardues. Aux réunions en question, il arrivait fréquemment que

 10   des représentants du HDZ viennent présenter les membres de l'état-major.

 11   Quand ils venaient dans ces conditions, ils nous ont, lors de la

 12   première visite, présenté un certain Josip Zgela - je ne sais pas si

 13   c'était son vrai nom - mais, en tout cas, les représentants du HDZ nous ont

 14   dit que c'était un habitant de Vukovar qui avait beaucoup d'expérience, qui

 15   allait nous aider à trouver une solution et à la mettre en pratique

 16   concrètement.

 17   Puis, une autre fois, ils nous ont présenté un autre homme qui nous a

 18   été présenté comme Srna ou Do - je ne sais pas s'il s'agissait d'un surnom

 19   ou d'un pseudonyme, mais, en tout cas, lui aussi, nous a été présenté comme

 20   un combattant de grande expérience.

 21   La troisième fois, il nous a présenté un certain Andjelic. Donc, vous

 22   voyez, ces personnes changeaient très souvent.

 23   De notre côté, nous nous efforcions de faire comprendre à la

 24   population que nous étions dans une situation très particulière, que nous

 25   avions à soumettre des requêtes très précises de la part des habitants de

 26   notre secteur pour qu'ils ne soient pas noyés dans l'affrontement et que

 27   chacun voulait tout faire pour empêcher le conflit.

 28   Mais certains de ces hommes - je ne sais pas si cela leur fera du mal


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  1   que je prononce leurs noms - mais, en tout cas, c'est la raison pour

  2   laquelle, au début, j'ai évité de le prononcer, mais certains de ces hommes

  3   ont vraiment fait montre d'une grande compréhension vis-à-vis des problèmes

  4   auxquels nous étions confrontés ou de nos problèmes mutuels. Donc, il est

  5   toujours difficile de choisir telle ou telle personne pour la citer, mais

  6   ces hommes changeaient très souvent, se remplaçaient très souvent et, un

  7   peu plus tard, quand la période est devenue très dure, il y a eu également

  8   un certain commandant Ilija Franjic qui a opéré localement.

  9   Q.  Vous avez dit, un peu plus tôt, que le terme HVO a commencé à faire son

 10   apparition à ce moment-là. La direction croate, avec laquelle vous aviez à

 11   traiter à cette époque-là, et le SDA, est-ce que vous les décririez comme

 12   HDZ ou HVO, à ce moment-là ? La direction croate qui, à ce moment-là, avait

 13   à traiter avec le SDA, la décririez-vous comme répondant au sigle HVO ou

 14   HDZ ?

 15   R.  Les hommes qui se présentaient se présentaient comme représentants du

 16   HDZ, bien entendu, mais ils utilisaient également le sigle HVO comme

 17   désignant une organisation suprême plus ou moins responsable de tout, qu'il

 18   s'agisse de la défense, de la sécurité des gens, du maintien de l'ordre

 19   public, du respect des autorités en place et même du fait de tenir ses

 20   promesses. Donc, nous avons acquis le sentiment - peut-être pas tout à fait

 21   au début - mais une fois qu'on nous a expliqué ce qu'était le HVO, de plus

 22   en plus, nous avons eu l'impression qu'un putsch militaire avait eu lieu et

 23   que finalement, de A à Z, tout ce qui concernait les êtres humains dans la

 24   région et leurs activités était pris en charge par le HVO.

 25   Q.  A Prozor, à cette époque-là, il y avait donc deux QG, deux états-majors

 26   occupés à défendre la région. L'un relevant du HDZ-HVO et l'autre des

 27   Bosniens. Est-ce que ces deux QG chargés de la défense coopéraient l'un

 28   avec l'autre dans le cadre d'une planification conjointe de la façon de


Page 3492

  1   défendre Prozor ?

  2   R.  Bien sûr, je nous suis pas un soldat de métier, donc, je ne suis pas au

  3   courant de tous les détails, mais ce qu je sais c'est ce dont nous avons

  4   discuté lors de nos réunions communes et je sais que ce sujet posait

  5   problème. S'agissant de défendre Prozor à ce moment-là, le front, la ligne

  6   de défense était à une vingtaine de kilomètres de Prozor dans la direction

  7   de Kupres et peut-être même un peu plus loin encore, mais, en tout cas,

  8   dans la direction de Kupres où des hommes allaient régulièrement. C'est là

  9   que la ligne de défense a été établie, ligne de défense censée protéger le

 10   territoire de la municipalité de Prozor. Dans cette ligne de défense, il y

 11   avait un "secteur"; est-ce que le mot secteur est le mot approprié, je ne

 12   sais pas, mais, en tout cas, il y avait ce que j'appelle un secteur qui

 13   était défendu par les uns et le reste qui constituait donc un autre

 14   secteur, dans mon vocabulaire, qui était défendu par les autres.

 15   Q.  S'il y avait coopération entre les deux partis, d'après ce que vous

 16   avez entendu lors des réunions auxquelles vous avez participé, les Bosniens

 17   étaient-ils sur un pied d'égalité avec les Croates du point de vue de cette

 18   entreprise ?

 19   R.  S'il fallait répondre à votre question par un mot, j'utiliserais le mot

 20   "d'égocentrisme" de la part des représentants croates. Les problèmes que

 21   nous avons eus à affronter ont été vraiment terribles. Nous avons demandé à

 22   envoyer 20 hommes sur la ligne de défense auxquels on n'a même pas remis un

 23   uniforme ou des armes, mais nous avons réussi à régler ce problème d'une

 24   façon ou d'une autre. Quant à la question dont vous venez de parler, je

 25   répondrais que le problème, des drapeaux qui pouvaient être hissés sur la

 26   ligne de défense, n'a cessé de poser problème, tout comme les problèmes de

 27   logistique, notamment, du point de vue du transport de la logistique. Même

 28   si au début il avait été décidé que la logistique serait la responsabilité


Page 3493

  1   partagée des deux, mais cela n'a été le cas que très peu de temps, au

  2   début, et de moins en moins au fil du temps. Les rapports entre les deux,

  3   malheureusement, n'étaient pas des rapports d'égalité puisque le président

  4   du HDZ en est arrivé à dire, à un certain nomment : "Lorsque nous en aurons

  5   terminé avec les Chetnik, nous aurons à vous occuper de vous." Donc, il

  6   fallait diriger -- avaler de telles phrases, et nous l'avions fait parce

  7   que nous avons la ferme intention, quelle qu'en soit le coût, de maintenir

  8   la paix. Nous avons donc supporté autant que nous l'avons pu, en tout cas,

  9   autant que cela a été exigé de nous, par eux.

 10   Q.  Vous avez du président du HDZ qui aurait prononcé une phrase que vous

 11   avez citée. Parliez-vous du président du HDZ de Prozor dans votre réponse ?

 12   R.  Oui, oui.

 13   Q.  Merci. Il y a quelques instants, vous avez déclaré que le déclenchement

 14   du conflit avec les Serbes n'avait pas eu d'incidence directe sur les

 15   événements de Prozor ou plutôt sur Prozor. Pourriez-vous nous parler de

 16   l'année scolaire 1991-1992 ? Cette année scolaire s'est poursuivie sans

 17   interruption ?

 18   R.  Nous n'avons pas vécu des conséquences particulières car les lignes de

 19   front n'étaient pas, tout près, de la ville. Nous n'avons pas reçu d'obus

 20   ou vécu d'autres conséquences négatives. La guerre était loin. Au début du

 21   mois d'avril, quand la décision d'interrompre l'année scolaire a été prise,

 22   une majorité d'entre nous ont estimé que cela n'était pas indispensable,

 23   que les enfants devaient encore aller à l'école, puisqu'on était au mois

 24   d'avril ou moi et qu'il ne restait qu'à peine deux mois. Ce serait vraiment

 25   dommage pour toute une génération de jeunes enfants, de ne pas achever leur

 26   année scolaire normalement.

 27   Q.  Qui a pris la décision d'interrompre l'année scolaire au mois d'avril ?

 28   R.  Ceux qui exerçaient le pouvoir, ceux qui exerçaient le pouvoir absolu.


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  1   Q.  Y a-t-il une instance particulière, un organe particulier qui a pris

  2   cette décision ?

  3   R.  C'est possible que cela figure sur des documents, mais, en tout cas,

  4   aucun accord n'a été conclu sur ce point. Cette décision n'a pas fait

  5   l'objet d'une quelconque réunion. Si certains affirment que cela a été le

  6   cas, nous, en tout cas, nous ne sommes pas au courant.

  7   Q.  J'aimerais vous poser une question, tout de suite. La présidence de

  8   Guerre ou une autre instance aurait-elle pu contribuer à la prise d'une

  9   telle décision ?

 10   R.  Sur le fond, selon une certaine logique, il aurait fallu que ce soit la

 11   présidence de Guerre qui se charge de rendre une décision de ce genre après

 12   consultation et diverses réunions, mais nous n'avons aucune preuve réelle

 13   qu'une telle décision a été prise. Cela dit, je ne peux pas affirmer

 14   qu'elle n'a pas été prise car il est possible que quelqu'un ait pris cette

 15   décision et qu'elle n'ait pas été présentée, publiquement.

 16   Q.  A la page du compte rendu d'audience, numéro 98, ligne 13, excusez-moi,

 17   ligne 12, vous avez déclaré, je cite : "Une majorité d'entre nous a estimé

 18   que ce n'était pas indispensable ou nécessaire." Qui est cette majorité

 19   d'entre nous dont vous avez parlé ?

 20   R.  J'avais surtout en tête l'organisation dont j'étais membre ainsi que

 21   les hommes qui allaient sur la ligne de front. Mais je puis affirmer qu'un

 22   grand nombre de personnes qui comprenaient la situation, et y compris, au

 23   nombre de ces personnes, des gens d'appartenance ethnique croate, n'étaient

 24   pas favorables à cette décision de suspendre l'année scolaire.

 25   Q.  Une fois que l'année scolaire a été suspendue, est-ce que cela a eu

 26   d'autres conséquences avant le début de l'année scolaire suivante, c'est-à-

 27   dire, 1992-1993 ?

 28   R.  Oui, la situation a évolué sur le plan du système scolaire. D'ailleurs,


Page 3495

  1   elle a évolué de plus en plus au fur et à mesure qu'on se rapprochait du

  2   début de l'année scolaire suivante. Pendant toute cette période, nous avons

  3   reçu des exigences particulièrement dures que je pourrais même qualifier

  4   d'ultimatum. Un certain nombre d'incidents se sont produit pendant l'été.

  5   J'ajouterais ce qui était un peu étonnant et particulièrement difficile à

  6   admettre, c'était l'exigence ou, en tout cas, quasiment, l'ultimatum qui

  7   nous a été proposé, s'agissant d'accepter la structure scolaire voulue par

  8   le HVO. Nous ne cessions de nous trouver confronter à des exigences de ce

  9   genre dans toute sorte de domaines et, notamment, dans le domaine scolaire.

 10   Les problèmes sont donc devenus très difficiles pour nous. Plus on

 11   s'approchait de l'année scolaire suivante, plus on se rendait compte qu'il

 12   fallait s'y préparer. C'est, à ce moment-là, que la question a commencé à

 13   se poser, de savoir comment effectivement la préparer. Puisqu'il n'y avait

 14   aucun programme d'établi, puisqu'il n'y avait pas ceci, il n'y avait pas

 15   cela, la seule manière pour nous, la seule possibilité qui nous restait

 16   c'était d'accepter l'utilisation d'un programme scolaire qui était celui

 17   d'un autre état, d'un pays étranger. Eux, ils ont commencé à dire que le

 18   HVO avait élaboré un programme scolaire mais que sur le fond c'était, à peu

 19   près, le même que celui de la Croatie. Bien sûr, nous avons dit que nous ne

 20   pouvions pas accepter cela, que nous leur demandions de ne pas faire

 21   abusivement pression sur nous et que nous leur demandions le temps

 22   d'élaborer un programme scolaire spécifique à la Bosnie-Herzégovine. Donc,

 23   cette question a fait l'objet de débats intenses et très longs, mais,

 24   malheureusement, nous n'avions pas grand-chose à opposer à leurs exigences

 25   et à leurs propositions en la matière.

 26   Q.  Que s'est-il passé quand la nouvelle année scolaire a débuté à Prozor ?

 27   R.  Pendant toute cette période, comme par exemple au début du mois

 28   d'avril, la situation était la plus difficile pour nous. Etant donné


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  1   l'ultimatum qui nous a été imposé par le HVO pour accepter son organisation

  2   scolaire, nous avons invité des représentants des diverses communautés

  3   locales de la région et des diverses organismes de la région pour leur

  4   expliquer la situation. Donc, c'est ce que nous avons effectivement fait.

  5   Nous avons organisé toutes sortes de réunions pour exposer très clairement

  6   les exigences qui nous étaient proposées et pour débattre avec la

  7   population d'une issue possible. Nous avons donc discuté dans ces

  8   conditions avec les représentants du peuple, c'est-à-dire, les

  9   représentants des organisations sur le terrain, et nous avons fait la même

 10   chose avec les enseignants, professeurs, instituteurs, personnels

 11   administratifs de l'éducation et avec les parents également. La conclusion

 12   de tous a été la même, à savoir qu'il fallait absolument que nous mettions

 13   en place un programme scolaire de la Bosnie-Herzégovine, et c'est ce que

 14   nous avons fait. Nous avons repris le programme de Zenica car le HDZ nous

 15   affirmait qu'il n'existait aucun programme scolaire de cette nature or ce

 16   que le HDZ disait c'est avéré faux puisque il existait effectivement un

 17   programme scolaire bosnien à Zenica. La réaction du HDZ a consisté à dire

 18   que l'année scolaire allait commencer avec application du programme

 19   scolaire croate, mais pour finir, le résultat c'est que pas un seul enfant

 20   n'a pu se voir dispenser le programme que nous souhaitions.

 21   Q.  Cette nouvelle année scolaire a-t-elle commencé à la date prévue ?

 22   R.  Elle était censée commencer le 7 septembre si je me souviens bien,

 23   mais, finalement, elle n'a pas commencé avant l'attaque de Prozor, et ce,

 24   en l'absence des Bosniens. En fait, elle a commencé beaucoup, beaucoup plus

 25   tard. Je dirais finalement qu'elle n'a pas commencée.

 26   Q.  Je vous remercie. Pour en terminer avec ce sujet du programme scolaire.

 27   Quand l'année scolaire a repris après l'attaque de Prozor, est-ce que cette

 28   reprise s'est faite sur la base du paragraphe scolaire croate ?


Page 3497

  1   R.  Oui.

  2   Q.  A ce moment-là - et quand je dis "ce moment-là", je pense à novembre ou

  3   décembre 1992 - est-ce que l'un ou l'autre de vos enfants a dû suivre ce

  4   nouveau programme scolaire ?

  5   R.  Oui. C'est donc une époque qui a fait suite au cataclysme qu'a traversé

  6   Prozor et que certains ont essayé de dissimuler à tout prix. Les hauteurs

  7   de cette catastrophe qui a eu lieu là-bas ont tous essayé de masquer cette

  8   catastrophe. Mais les représentants des instances légales, soit parce que

  9   c'était dans leur intérêt, soit parce qu'ils étaient impuissantes, soit

 10   parce qu'ils n'ont pas bien compris les informations qu'ils ont reçu en

 11   sont arrivées à se dire qu'il suffisait peut-être de passer par-dessus,

 12   comme on dit chez nous populairement.

 13   C'est à ce moment-là que certaines tentatives ont été faites de la

 14   part de gens qui avaient quitté Prozor pour y revenir. Malheureusement,

 15   lorsque ces personnes qui ont décidé de revenir sont revenues, j'espère que

 16   nous rentrerons davantage dans le détail plus tard, mais je me contenterais

 17   pour l'instant de dire qu'à leur retour, il y a aussi eu retour de certains

 18   enfants à l'école. Mon épouse est rentrée, elle aussi. Elle était enceinte

 19   à l'époque de quatre mois, et elle avait déjà deux enfants -- ou plutôt,

 20   elle est rentrée avec deux enfants dont l'un devait normalement suivre les

 21   cours de sixième.

 22   Le premier jour où il est allé à l'école, il a reçu l'ordre de dire

 23   que sa patrie c'était l'Herceg-Bosna et que la capitale de sa patrie était

 24   Mostar, et que c'est cela qu'il fallait qu'il dise. Evidemment, cet enfant

 25   n'a pas pu admettre cela. Il a donc répondu que sa patrie était la Bosnie-

 26   Herzégovine et que la capitale de sa patrie était Sarajevo. Il a déclaré

 27   cela. Il a ensuite insisté pour le redire et il s'en est suivi un certain

 28   nombre de choses dans lesquelles je ne vais pas entrer ici. Mais, en tout


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  1   cas, voilà, c'est un bon exemple du comportement adopté à l'égard de la

  2   plus jeune génération dont la seule tâche était ou aurait dû être

  3   d'apprendre --  pour apprendre la vie.

  4   Q.  Merci.

  5   M. KRUGER : [interprétation] Plus de questions, Monsieur le Président.

  6   L'heure de la pause, Monsieur le Président, est peut-être arrivée.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 15 heures 30. Nous allons faire la

  8   pause de 20 minutes et nous reprendrons dans 20 minutes.

  9   --- L'audience est suspendue à 15 heures 25.

 10   --- L'audience est reprise à 15 heures 49.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.

 12   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Avant de commencer, je souhaiterais apporter une correction au compte rendu

 14   d'audience. A la page 101, ligne 21, après -- bon, il est question de

 15   Mostar. Il faudrait indiquer le témoin a fait référence à Prozor, donc, ce

 16   qui doit être marqué c'est : "Après l'attaque contre Prozor." Merci,

 17   Monsieur le Président.

 18   Q.  Monsieur Hujdur, avant que nous ne poursuivions, je dirais que nous

 19   avons encore beaucoup de thèmes à aborder, et je vous demanderais d'être

 20   concis dans vos réponses.

 21   En 1992, et très brièvement, j'aimerais savoir quel était l'en-tête

 22   officielle qui était utilisée au sein de la municipalité de Prozor ?

 23   R.  L'en-tête était communauté croate d'Herceg-Bosna. Bien que nous ayons

 24   réagi à ceci plusieurs fois -- à maintes reprises, malheureusement, nous

 25   n'avons pas réussi à avoir l'en-tête de la République de la Bosnie-

 26   Herzégovine si ce n'est dans des situations très, très exceptionnelles. Il

 27   y avait des invitations qui étaient faites pas avec cet en-tête, mais, en

 28   général, c'était l'en-tête de la communauté croate d'Herceg-Bosna qui était


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  1   utilisée.

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez nous indiquer quelle est la période en 1992

  3   pour lequel cela s'est fait ?

  4   R.  Je pense que cela s'est fait à la fin du mois de mai ou au début du

  5   mois de juin au plus tard. Je suis assez certain d'ailleurs que cela s'est

  6   passé en juin.

  7   Q.  Merci. En 1992, est-ce qu'il y a eu des actes de violence dans la

  8   municipalité de Prozor ?

  9   R.  Oui, oui, oui, à deux reprises. Premièrement, le premier incident s'est

 10   déroulé le 26 juin 1992, lorsque des membres du HOS ont fait éruption dans

 11   le Centre d'information de la Défense territoriale -- de l'état-major de la

 12   Défense territoriale et ont pris tout le matériel de communications ainsi

 13   qu'un fusil automatique. La raison a été qu'il y avait un blocus pour ce

 14   qui était de l'information en provenance de Sarajevo, et les informations

 15   qui étaient arrivées indiquaient que c'était le HVO qui défendait l'Herceg-

 16   Bosna, alors que dans ce secteur des lignes conjointes existées, il y avait

 17   un Centre d'information de la Défense territoriale qui fournissait des

 18   informations et des renseignements à propos de la défense conjointe de la

 19   municipalité de Prozor. Ils avaient des objections à ceci, et c'est ainsi

 20   que nous avons eu les premiers incidents.

 21   Mijo Jozic, le président de l'assemblée a présenté des excuses, tout comme

 22   un autre représentant, et le matériel de communication a été rendu le

 23   lendemain, mais pas le fusil automatique, je dois dire.

 24   Le deuxième incident s'est déroulé le 28 août 1992, et il a été de nature

 25   beaucoup plus grave. Pendant la nuit, il y a eu une attaque contre une

 26   partie de la ville -- contre un quartier de la ville dans lequel il y avait

 27   des restaurants et d'autres établissements qui appartenaient aux Musulmans

 28   prospères à Prijedor, et c'est ainsi qu'un membre de l'armée a été blessé.


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  1   Q.  Je m'excuse, vous avez dit Prijedor.

  2   R.  Non, non, non, Prozor. C'est un lapsus, une erreur.

  3   Nous n'avons pas riposté. M. Sabic a suivi des instructions. Il était le

  4   commandant de l'état-major de la Défense territoriale de l'armée de la

  5   République de Bosnie-Herzégovine à Prozor, et il a suivi notre suggestion

  6   suivant laquelle la paix devait être maintenue coûte que coûte. Très

  7   heureusement, il n'a pas réagi ou riposté à cette attaque à l'époque.

  8   Lors de cette attaque des bâtiments ont été endommagés et détruits

  9   d'ailleurs, nous avons essayé de régler cet incident par le truchement de

 10   discussions, et à la suite de ces discussions, il y eu une compensation

 11   pour une partie des dégâts et les fonds venaient du budget municipal.

 12   Q.  Je vous remercie. Vous avez dit, avant la pause, qu'un ultimatum avait

 13   été lancé et que du fait de cet ultimatum -- en fait, l'ultimatum indiquait

 14   que la structure du HVO devait être acceptée au sein de la municipalité de

 15   Prozor et cela incluait les structures administratives et militaires.

 16   J'aimerais savoir qui a lancé cet ultimatum et à qui s'adressait-il ?

 17   R.  Cet ultimatum a été émis et les exigences de cet ultimatum ont été

 18   présentées lors de plusieurs pourparlers. Je peux en parler, je peux en

 19   témoigner parce que j'y avais participé, et il s'agissait de l'ultimatum

 20   qui avait été présenté à la séance conjointe du

 21   23 octobre, après un discours d'introduction, Mijo Jozic, le président de

 22   la municipalité, a déclaré que la seule solution consistait à adopter les

 23   idées du HVO, et cela signifiait tout ce que j'ai déjà décrit.

 24   Q.  Merci. Nous allons passer au mois d'octobre 1992. En octobre 1992,

 25   quelles étaient les forces de la police qui occupaient le poste de police à

 26   Prozor ?

 27   R.  Au poste de police de Prozor, la police civile était de composition

 28   mixte, et elle était restée ainsi jusqu'à ce moment-là, jusqu'au 19 -- ou


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  1   plutôt, après le 19 octobre. Il y a eu où nous avons observé un grand

  2   rassemblement de forces militaires, et il y a eu séparation au sein de la

  3   police militaire qui a été divisée en police militaire du HVO et police

  4   militaire de l'ABiH. Ce qui fait que par voix de conséquence, il y a eu

  5   également division du poste de police. Des représentants croates ont hissé

  6   un drapeau à damier, un drapeau croate à damier au poste de police et la

  7   réaction des policiers musulmans a été qu'ils ont hissé le drapeau de

  8   l'ABiH avec les lys. C'était un drapeau -- le drapeau qui avait reconnu --

  9   le drapeau de la république qui avait été reconnu par la communauté

 10   internationale et qui avait été adopté de façon tout à fait légitime et

 11   juridique. Donc, ce drapeau a été enlevé au poste de police et les Bosniens

 12   ensuite n'ont plus eu le droit de pénétrer dans le bâtiment de la police.

 13   Q.  A la suite de cet incident et à la suite de ce rassemblement de troupes

 14   à Prozor, est-ce qu'il y a eu cette réunion à laquelle vous avez fait

 15   référence et qui s'est tenue le 23 octobre 1992 ?

 16   R.  Oui. Le 19 octobre, d'après nos informations, il y avait des conflits

 17   ou un conflit entre le HVO et l'ABiH à Novi Travnik. A partir de cette

 18   date, le nombre de troupes ou de soldats -- de troupes militaires à Prozor

 19   a augmenté de façon considérable. Une conséquence de cette augmentation a

 20   été l'établissement de postes de contrôle supplémentaires ainsi que le fait

 21   que toutes les sorties et les entrées de la ville à Prozor étaient

 22   bloquées. Bien entendu, il s'agissait, là, d'une expérience

 23   particulièrement désagréable surtout si l'on ne savait pas ce qui se

 24   passait véritablement. Ce fut une raison parmi tant d'autres et elles

 25   étaient nombreuses qui expliquent que l'interruption du ravitaillement --

 26   de l'approvisionnement logistique conjoint. Puis, il y avait les problèmes

 27   du système scolaire, les incidents avec la police.

 28   Donc, autant de raisons, en fait, qui expliquent pourquoi les


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  1   représentants politiques et les autres représentants ont demandé de pouvoir

  2   avoir des discussions avec le HDZ qui dirigeait, notamment, avec les

  3   représentants des autorités et les représentants d'autres structures. Ces

  4   pourparlers ou ces discussions étaient censés avoir lieu un jeudi, le jeudi

  5   22 octobre 1992, mais il a fallu dresser une liste des problèmes à aborder.

  6   A la suite de cette liste, en fait, la réunion a eu lieu vendredi le 23

  7   octobre et non pas comme cela avait été prévu au départ, au niveau de la

  8   présidence de Guerre mais au niveau des délégations.

  9   Q.  Donc, avant de parler de cette réunion, vous avez que des soldats

 10   étaient arrivés à Prozor et j'aimerais savoir à quelle organisation

 11   militaire ils appartenaient.

 12   R.  Le temps ne fait rien pour arranger les choses car, vu quelques années

 13   après, c'est un peu comme si un homme qui avait peur d'un tigre devait

 14   passer près d'un tigre. En passant près du poste de police, j'ai vu en fait

 15   un transporteur de troupes qui était énorme, qui avait l'air absolument

 16   épouvantable, mais je n'ai pas osé regarder les insignes. Il en va de même

 17   pour les blindés d'ailleurs, pour les chars. Mais ce que nous savions c'est

 18   qu'il y avait une certaine quantité d'armes et d'équipements et nous

 19   savions que cela ne pouvait appartenir au HVO, que cela, en fait, ne

 20   pouvait qu'appartenir à l'armée croate.

 21   Q.  Merci. A cette réunion, à proprement parler donc, vous avez déjà fait

 22   référence à l'ultimatum lancé par M. Petkovic. J'aimerais savoir, en fait,

 23   quelle fut la réaction des délégués bosniens face à cet ultimatum et avez-

 24   vous pu réagir pour commencer ?

 25   R.  Messieurs les Juges, cette réunion devait commencer à 10 heures. Elle

 26   s'est terminée après 15 heures. Le maire, Mijo Jozic, a fait un petit

 27   discours d'introduction et il a dit que la seule solution passait par

 28   l'acceptation du HVO et de ses idées. Il faut savoir que la personne la


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  1   plus extrême lors de cette réunion était le commandant Ilija Franjic, le

  2   commandant du HVO, qui, à un moment donné, a accusé notre commandant. Il

  3   lui a dit que, pendant que nous parlions, il était en train de creuser des

  4   tranchées de défense. En fait, il a parlé de défense. Il a dit -- ou

  5   plutôt, il n'a pas parlé de défense. Il a dit qu'il creusait des tranchées

  6   afin d'attaquer les Croates. Notre commandant a rétorqué en disant que cela

  7   n'était absolument pas vrai. Il a demandé qu'une délégation soit envoyée

  8   dans ce secteur pour qu'il puisse voir -- pour voir que cela n'était pas

  9   vrai. Puis, à la suite de cela, je ne dirais pas qu'il était véritablement

 10   courroucé ou en colère, en fait, s'il l'était parce qu'il a quitté la

 11   réunion.

 12   Alors, après, nous avons donc essayé de calmer le jeu un peu. Puis,

 13   trois membres de son état-major sont venus à la réunion à sa place. Je ne

 14   voudrais pas d'ailleurs mentionner ni leurs noms, ni leurs fonctions, et la

 15   réunion s'est poursuivie pendant un long moment. Il y a de nombreux points

 16   que nous voulions discuter car nous voulions, dans un premier temps,

 17   envisager la situation militaire, la situation en matière de sécurité, le

 18   fonctionnement des autorités, le fonctionnement des relations politiques,

 19   le fonctionnement de la vie économique. Je dirais que s'inscrivaient dans

 20   le cadre de ces sujets de nombreux thèmes de discussion.

 21   En fait, nous voulions faire en sorte que tous les malentendus

 22   puissent être placés dans un cadre, qui aurait permis de prendre des

 23   décisions. Nous voulions, en quelque sorte, harmoniser nos points de vue.

 24   Je dirais qu'après une longue discussion, nous sommes parvenus à un

 25   consensus et, vers 2 heures 15, tous les points d'accords devaient être --

 26   ou ont été consignés par écrit, sous forme de conclusion -- enfin, que ces

 27   conclusions puissent être transmises à la présidence de Guerre.

 28   Q.  Après qu'Ilija Franjic a quitté la réunion, donc, je ne vais pas vous


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  1   demander ce qu'il a fait, mais je souhaiterais toutefois savoir si, par la

  2   suite, il a fait -- il aurait fait une déclaration publique à propos

  3   d'événements qui se sont produits juste après la tenue de cette réunion.

  4   R.  Oui. Cette déclaration m'a aidé à définir les raisons de son départ. En

  5   fait, cette déclaration était que le moment le plus heureux de sa vie a été

  6   lorsqu'il avait l'ordre d'attaquer Prozor. Il y avait un plan d'attaque qui

  7   existait. Il n'y avait aucune solution qui aurait permis que ce plan soit

  8   différé. Toutes les personnes qui étaient présentes à la réunion étaient

  9   d'avis que c'était là l'une des meilleures réunions jamais tenue et que

 10   nous, nous étions parvenus où nous avions obtenu les meilleurs résultats

 11   possibles. Toutefois, c'est un sentiment qui était loin, enfin, vous

 12   comprendrez ce que je veux dire.

 13   Q.  Mais est-ce que vous pourriez dire à la Chambre, exactement, ce qui

 14   s'est passé juste après que la décision a été prise de renvoyer les

 15   problèmes à la présidence de Guerre et d'indiquer à la présidence de Guerre

 16   quels étaient ces problèmes ?

 17   R.  Alors que nous attendions les conclusions auxquelles nous étions

 18   parvenus, nous attendions, en fait, que ces conclusions soient consignées

 19   et transcrites du point de vue technique, Ilija Petkovic est arrivé, à un

 20   moment donné, et voilà ce qu'il a dit : "Alors que nous sommes en train de

 21   parler ici, vous, les Balija," - et je dirais que le terme "Balija" est un

 22   terme péjoratif, donc : "vous êtes en train de tuer notre peuple. Ce n'est

 23   pas la peine de vous parler, vos forces ont maintenant cinq minutes pour se

 24   sauver -- pour sauver leurs vies et elles pourront le faire en levant leurs

 25   fusils et en se rendant." 

 26   Donc, après cela, nous avons vérifié par tous les moyens auxquels

 27   nous avons pu penser s'il y avait eu un meurtre puisqu'il l'avait

 28   mentionné. Nous n'avons absolument pas pu corroborer sa déclaration.


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  1   Apparemment, plusieurs jours auparavant, à la frontière avec la

  2   municipalité de Gornji Vakuf, un membre du HVO avait été tué parce qu'il

  3   avait refusé de s'arrêter au poste de contrôle et nous étions sceptiques.

  4   Nous ne pensions pas que cela soit vrai, mais même si cela était, il

  5   s'agissait d'un événement qui s'était produit trois jours auparavant et qui

  6   ne s'était pas produit en plus sur le territoire de la municipalité de

  7   Prozor, donc, ce n'était pas un événement qui pouvait expliquer ce

  8   comportement. J'étais convaincu - et nous étions d'ailleurs pour la plupart

  9   convaincus - qu'il s'agissait d'une attaque perfide et qu'il fallait qu'un

 10   prétexte puisse être trouvé pour pouvoir commencer l'attaque.

 11   Q.  Que s'est-il passé immédiatement après cet incident ?

 12   R.  Après cet incident, une dizaine de minutes après, à 15 heures 25, me

 13   semble-t-il, nous avons entendu les premières déflagrations, les premières

 14   explosions. C'était le début d'une attaque effroyable. Avec un collègue qui

 15   était présent à la réunion, nous avons réussi à traverser le parc qui se

 16   trouvait à une vingtaine de mètres de l'immeuble où nous avions eu la

 17   réunion et nous sommes entrés sont dans la maison d'un ami et déjà nous

 18   étions exposés aux tirs d'un tireur embusqué. Ces tirs, d'ailleurs,

 19   venaient soit du bâtiment municipal, soit du bâtiment de la poste. Les tirs

 20   provenaient de cette direction, donc c'est de cette direction que venaient

 21   ces tirs de précision et nous avons été presque touchés par ces tirs. Après

 22   cela, les tirs et le pilonnage ont commencé et se sont poursuivis pendant

 23   toute l'après-midi et pendant toute la nuit et pendant toute la journée

 24   suivante jusqu'à 10 ou 11 heures. Je pense que cela a duré jusqu'à 11

 25   heures le 24 octobre.

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez donner à la Chambre une idée de l'intensité de

 27   ces pilonnages ?

 28   R.  Bien sûr. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je vais essayer


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  1   de vous décrire mon expérience de cette nuit. Dans une maison qui se

  2   trouvait à une vingtaine de mètres du bâtiment municipal, il y avait un

  3   petit ruisseau en fait qui séparait le bâtiment municipal de la cave de la

  4   maison où nous nous trouvions. Dans cette cave -- dans ce sous-sol, nous

  5   avons parlé et puis après minuit, un très gros transporteur de troupes est

  6   arrivé sur le pont qui se trouvait en face de l'immeuble. Prozor se trouve

  7   encaissé dans une vallée, donc, le bruit qu'il faisait était effroyable. Il

  8   faut savoir que, lorsque des obus de grand calibre touchait un mur ou

  9   quelque chose d'autre, d'ailleurs, vous entendiez une déflagration

 10   terrible, tout tremblait, les murs, les fenêtres et l'intensité est quelque

 11   chose que je pourrais décrire en disant que les interruptions ne duraient

 12   que le temps nécessaire pour que les fusils ne soient pas trop utilisés.

 13   C'est une description du pilonnage que je pourrais faire. Il y avait

 14   également des obus ainsi que d'autres armes d'artillerie qui étaient

 15   utilisés. Je ne suis pas très expert en terminologie militaire, mais,

 16   lorsque vous vivez cela et lorsque vous écoutez tout cela, vous êtes en

 17   proie à un sentiment terrible.

 18   Q. Merci. A votre connaissance, quel est le type de présence militaire que

 19   détenaient les différentes parties à Prozor, les différents camps, en

 20   fait ?

 21   R.  Je crains de faire des erreurs en fournissant ce genre de faits. Je

 22   n'ai pas véritablement consigné tout cela, mais pendant l'attaque contre

 23   Prozor, l'une de nos unités de la Défense territoriale qui était composée

 24   d'une centaine d'hommes se trouvait sur la ligne de front vers Kupres. Elle

 25   devait en fait être remplacée par une nouvelle unité. Donc outre cette

 26   centaine d'hommes, il y avait peut-être 100 ou 150 autres combattants qui

 27   se trouvaient en fait à Prozor, dans la ville à proprement parler. Pour ce

 28   qui est de mes informations à propos de la Brigade du HVO, à l'époque, je


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  1   ne peux pas véritablement vous le dire, mais il y avait présence d'autres

  2   unités, notamment, l'Unité des Chars. Il y avait également des Unités de

  3   Mercenaires et j'ai entendu un chiffre, le chiffre de 2,000 HVO ou 6,000,

  4   qui étaient arrivés et qui étaient venus d'ailleurs. Je vous donne ce

  5   renseignement que j'ai entendu. J'ai entendu les gens en parler. Toutefois,

  6   vous pourriez obtenir des renseignements plus détaillés de la part de

  7   personnes qui sont bien mieux informées, qui sont beaucoup plus

  8   responsables. Donc, il s'agit là tout simplement d'une évaluation de ma

  9   part d'après ce que j'ai entendu lors de conversations avec d'autres

 10   personnes.

 11   Q.  J'aimerais vous poser d'autres questions à ce sujet. A votre

 12   connaissance, qui était responsable du pilonnage, le HVO ou l'ABiH ?

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Je me permets d'interrompre car cet homme

 14   vient d'indiquer qu'il y avait d'autres unités. Donc --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, on verra. Continuez et puis on approfondira.

 16   Que voulez-vous dire ?

 17   M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, étant donné que nous

 18   avons maintenant interrompu, je ne voulais pas interrompre moi-même et je

 19   vais maintenant saisir cette occasion pour dire ce qui suit. Dans une

 20   déclaration qui a été fournie par ce témoin que nous avons reçue avant

 21   l'interrogatoire principal pour nous préparer, je suis assez sûr que l'on

 22   n'a pas demandé au témoin des précisions relatives au nombre de soldats

 23   dans les deux camps, donc, pendant l'incident. Donc, il s'agit d'une

 24   nouvelle déclaration, en ce qui nous concerne. Nous n'avons pas été

 25   véritablement en mesure de nous pencher sur cette question. Voilà, je

 26   voulais que cela soit noté.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puisque vous avez interrompu, je

 28   dois dire, Monsieur, que je ne suis pas sûr de vous avoir compris. Vous


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  1   nous avez dit qu'il y avait notre Défense territoriale et vous avez avancé

  2   le chiffre d'une centaine. Alors, est-ce que vous voulez dire que ce sont

  3   ces unités de la Défense territoriale qui ont attaqué Prozor ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] A Dieu ne plaise. Donc, je dirais, Monsieur le

  5   Juge, que les autres unités, les unités qui sont arrivées avec les chars,

  6   les blindés et les transporteurs de troupes, se sont ces unités-là. Les

  7   unités locales à Prozor n'avaient absolument pas ce genre de ressources`;

  8   voilà ce que je veux dire pour éviter tout malentendu. Puis, un peu plus

  9   tard, lors de ma déposition, vous entendrez d'où venaient ces unités et ce

 10   quelles étaient.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense que c'est justement la

 12   question qui vous a été posée. On vous avait demandé de nous dire si vous,

 13   vous saviez qui étaient les unités qui ont attaqué et d'où venaient-elles ?

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Hujdur, vous dites que vous étiez dans

 15   votre cave et que vous entendiez les bruits des obus qui tombaient, des

 16   balles, et cetera. En tant que Juge, je me suis posé la question de savoir

 17   si de toute la ville vous étiez le seul dans la cave, ou si toute la

 18   population était dans la cave ? Alors, si tout le monde était dans la cave

 19   c'est qu'il y avait une attaque d'envergure et alors s'il y avait une

 20   attaque d'envergure qui attaquait ? Pouvez-vous nous dire si vraiment tout

 21   le monde s'était réfugié dans les caves et qui attaquait ? Je présume que,

 22   dans la ville, il y avait des Croates et des Musulmans et, à ce moment-là,

 23   ceux qui attaquaient, comment faisaient-ils la distinction entre ceux qui

 24   étaient cachés dans les caves qu'ils soient Croates ou Musulmans ? Apportez

 25   nous des précisions.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais

 27   certainement faire de mon mieux, bien que je ne sois pas un expert. J'ai

 28   dit que ceux qui ont lancé cet ultimatum en l'espace de cinq minutes ont


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  1   commencé à déployer leurs obus et leurs tireurs embusqués. C'étaient les

  2   membres du HVO qui ont aidé et encouragé par les représentants de l'armée

  3   croate. Ils avaient des chars et des véhicules blindés de transports de

  4   troupes. Une personne qui s'appelait Juergen Schmit, qui dirigeait l'Unité

  5   de Chars à Gornji Vakuf. Il a été tué et, d'après nos informations, d'après

  6   ce que nous avons appris et nous en étions convaincus, nous pensions que

  7   les Croates étaient au courant de cette attaque et que la population croate

  8   s'était retirée secrètement de la ville. Nous avons des éléments

  9   d'information là-dessus de la part des autorités, l'armée et la police et

 10   d'autres centres ou d'autres enquêtes sur les crimes, donc, il y a des

 11   documents à l'appui.

 12   Pour ce qui est de nous qui étions dans les caves dans mon quartier

 13   qui est la partie plus basse de Kator [phon], le quartier de Carsija, qui

 14   se trouve à 70 mètres environ du bâtiment où se trouvait le quartier de

 15   l'état-major et qui était pris pour cible la plupart du temps, des rapports

 16   ont indiqué que ce bâtiment avait été touché avec 30 obus de chars.

 17   Aux premières heures du matin, le samedi, lorsque je me dirigeais

 18   vers Pogradje, la partie de la ville qui était quasiment uniquement peuplée

 19   de Musulmans - c'est une petite colline - et au-dessus du bâtiment, là où

 20   se trouvait le quartier général, j'ai vu les chars et deux chars qui

 21   tiraient. Un char se trouvait situé au-dessus de l'usine UNIS et l'autre se

 22   trouvait sur un point d'élévation au nord de cet endroit-là. C'était une

 23   petite colline qui s'appelait Hurija. Un tireur embusqué m'a tiré dessus et

 24   j'ai réussi à échapper de justesse. Ce tireur embusqué tirait à partir du

 25   réservoir d'eau Krc, qui se trouve un peu plus sur les hauteurs par rapport

 26   à cette partie-là de la ville qui s'appelle Pogradje.

 27   Hormis ce que j'ai vécu moi-même - et j'ai eu très peur - j'ai vu

 28   moi-même de mes yeux ces armes lourdes qui commençaient à fonctionner et


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  1   ces armes n'appartenaient certainement pas aux membres locaux du HVO.

  2   Q.  Dans une déclaration ultérieure, M. Siljeg, qui était également un des

  3   officiers qui a participé aux négociations du côté de l'armija et de la

  4   Bosnie-Herzégovine et je cite : "Que Prozor avait été attaqué par les mêmes

  5   forces que celles qui avaient attaqué Gornji Vakuf, et qu'en réalité, après

  6   Prozor, ils ne sont pas allés plus loin." D'après les renseignements rendus

  7   publics, Vakuf a été attaqué par les Tigres, un détachement spécial, c'est

  8   le 13 et le 14. Mais je crois que c'est ce que j'ai entendu dire et je

  9   crois que cela suffit. Je n'ai pas envie d'en dire davantage.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand il y a eu cette attaque et vous avez dit que

 11   vous avez vous-même vu deux chars tirés - c'est ce que vous nous avez dit -

 12   est-ce qu'il y a eu parmi la population civile des victimes, des gens qui

 13   ont été blessés ou tués suite à ces tirs ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné que la population s'est, pour la

 15   plupart, réfugiée dans des abris et parce qu'un plan d'attaque très précis

 16   avait été élaboré -- pour ce qui est du pilonnage, il n'avait aucun rapport

 17   pour dire que ces obus ont provoqué la mort à certain nombre de personnes.

 18   Néanmoins lorsque les forces croates sont entrées dans Prozor une dizaine

 19   de civils ont été tués. Un rapport détaillé existe là-dessus, et la liste

 20   des personnes tuées figure dans ce rapport. Nonobstant le fait qu'il

 21   s'agisse de civils.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous dites "les forces croates" lesquelles

 23   forces croates ? C'est qui ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense à ceux qui ont participé à cette

 25   attaque, le HVO ne pouvait pas disposer de char et de véhicule blindé de

 26   transports de troupes ni d'arme lourde. Donc, je pense aux forces qui ont

 27   lancé cette attaque à grande échelle à Prozor.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.


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  1   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Quel quartier de Prozor avait été pilonné, ce que l'on a pu constater

  3   plus tard ?

  4   R.  Les quartiers les plus pilonnés ou qui ont été les seuls à être

  5   pilonnés étaient les quartiers bosniens, et les Bosniens étaient

  6   majoritaires, et les quartiers de la ville où il y avait certaines

  7   installations importantes, comme le quartier général de l'état-major de la

  8   Défense territoriale. C'est le Centre culturel à l'heure actuelle et, dans

  9   la cave de ce Centre culturel se trouvait le quartier général, et d'après

 10   les rapports, ceci a été touché par 30 obus.

 11   Q.  Un peu plus tôt vous avez dans votre déposition parlé de certains

 12   quartiers où vivaient les Bosniens. Qu'en est-il de ces quartiers ? Ont-ils

 13   été particulièrement pour cible ou non ?

 14   R.  Oui, oui. Pogradje, Varos, la partie basse de la ville, oui.

 15   Q.  Merci. Je souhaite maintenant reparler de la réponse que vous avez

 16   fournie au président de la Chambre. Cela se trouve à la page 106 du compte

 17   rendu d'audience, ligne 3. Je pense aux forces qui ont lancé cette attaque

 18   à grande échelle. Est-ce que vous pourriez étiqueter ces forces ou leur

 19   donner un nom, leur donner une étiquette ?

 20   R.  Le nom officiel était Conseil de Défense croate, le HVO, et une partie

 21   de l'armée croate. Mais les gens en parlaient comme les forces d'occupation

 22   ou l'agresseur. Donc, c'étaient les termes que nous avons utilisés et c'est

 23   ainsi qu'on le vivait.

 24   Q.  Une dernière question concernant ce que -- une question que vous avez

 25   posée le Président également. Qu'est-il advenu des habitants croates de

 26   Prozor pendant cette attaque ? Où étaient-ils ?

 27   R.  Comme je vous l'ai dit, il y avait un plan d'attaque et d'après ce plan

 28   d'attaque, la population croate était censée quitter la ville, évacuer les


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  1   quartiers qui seraient pilonnés. Donc, ils ont effectivement été évacués de

  2   ces quartiers-là de la ville.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Encore une fois, je souhaite m'opposer ici -

  4   - intervenir. A deux reprises, le témoin a parlé d'un plan d'attaque, nous

  5   n'avons pas vu le plan d'attaque hormis le fait qu'il en ait parlé, à moins

  6   que mon confrère puisse lui poser des questions sur ce plan d'attaque ou

  7   peut-être que l'on pourrait nous montrer des documents portant là-dessus,

  8   sur l'attaque, qui y a pris part, et cetera.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur, à plusieurs reprises, vous avez parlé

 10   d'un plan d'attaque. Qu'est-ce qui vous permet de le dire ? Notamment, vous

 11   venez d'indiquer que les Croates, d'après ce plan d'attaque, avaient quitté

 12   la ville. Alors, vous-même, vous les avez vu ? Vos compatriotes croates

 13   quittaient la ville en masse ? Est-ce que vous avez été témoin de ce départ

 14   des habitants croates de la ville de Prozor ou c'est quelques années après

 15   que vous indiquez cela ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] A un moment donné, j'ai dit que je n'avais pas

 17   connaissance de plan détaillé et ceci ne relevait pas de mes compétences,

 18   mais c'est sur la base de ce que nous avons vécu et du pilonnage que nous

 19   avons vu. Certains quartiers de la ville ont été pilonnés et certains

 20   quartiers où ne vivaient aucun Croates. Les quartiers où vivaient les

 21   Croates, les Croates n'étaient pas là à ce moment-là. Nous étions donc

 22   portés à croire qu'ils étaient sortis, qu'ils étaient partis et nous avons

 23   constaté que c'était le cas et, par la suite, nous avons appris que c'était

 24   effectivement le cas.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, vous dites que vous étiez terré dans

 26   votre cave, vous entendiez le pilonnage et vous supposez que si on tirait

 27   sur le quartier musulman, c'est que les autres avaient quitté les lieux

 28   pour éviter d'être pris par les tirs et notamment peut-être par des


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  1   dommages collatéraux et donc c'est une supposition que vous faites. Mais,

  2   de vous-même, au moment où c'est arrivé, vous n'avez en réalité pas vu les

  3   habitants des quartiers croates quitter les lieux. Ce n'est qu'après que

  4   vous en faites des déductions, ou on vous l'a dit.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas simplement qu'une partie de la

  6   ville a été pilonnée; la partie centrale est un quartier où se trouve le

  7   quartier générale de l'ABiH et, ensuite, vers la droite il y a Varos qui

  8   est une partie de la ville qui était également habitée par les Bosniens et

  9   à gauche, il y a Pogradje, sur la gauche qui est un quartier habité par des

 10   Bosniens.

 11   Mais j'étais tout près, dans une cave, au centre de la ville où il y

 12   avait des maisons croates et je n'ai pas vu de Croates dans les caves.

 13   Donc, c'était les deux à la fois, c'était quelque chose que nous avons

 14   déduit et conclu sur la base de ce que nous avons vu car il existait un

 15   plan d'évacuation. Nous avons constaté qu'il ne restait personne et nous

 16   avons déduit qu'un plan existait.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Si vous le permettez, Monsieur le Président,

 18   s'il est dans une cave, d'abord, est-ce qu'il peut voir ce qui se passe

 19   dans les autres caves; cela c'est le premier point.

 20   Deuxièmement, compte tenu de sa réponse, je demande à ce que l'on indique à

 21   ce monsieur qu'il ne fasse pas de référence à des plans à moins qu'il n'ait

 22   d'éléments concrets à l'appui de ses dires.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, mais peut-être que les autres questions vont

 24   approfondir.

 25   Oui, Monsieur Kruger, continuez.

 26   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur le Témoin, je vais très brièvement aborder un sujet que je

 28   vais plutôt traiter vers la fin, mais, un peu plus tard, et très peu de


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  1   temps après cette attaque, vous avez pris part à une présidence, une autre

  2   présidence de Guerre qui avait été créée -- vous êtes devenu membre d'une

  3   autre présidence de Guerre qui avait été mise sur pied.

  4   R.  C'est en partie exact. Mais on pourrait effectivement associer ceci à

  5   Prozor. Bien que notre quartier général se trouve à Jablanica. On ne peut

  6   pas dire qu'il s'agit d'une autre présidence, c'était un comité chargé du

  7   Rapatriement des personnes expulsées. Je crois que c'est une question

  8   d'interprétation et vous comprendrez ce que cela pouvait signifier d'après

  9   nos activités.

 10   Q.  Donc, ce comité avait-il un quelconque mandat ou jouait-il un rôle eu

 11   égard aux événements qui se sont déroulés à Prozor pendant le mois

 12   d'octobre 1992 ?

 13   R.  Nous avons essayé de recueillir des éléments d'information sur la base

 14   de ce que nous avions vécu et des faits dont nous disposions. Donc ce que

 15   nous avions appris nous-mêmes, nous avons donc recueilli différents

 16   éléments d'information qui portaient sur les événements d'octobre à Prozor.

 17   Nous avons donc recueilli certaines contributions et préparé un rapport que

 18   nous avons envoyé au gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine.

 19   Q.  Quelles étaient vos sources lorsque vous avez préparé ce rapport ?

 20   R.  Ce comité était composé d'une équipe de personnes qui en 1992, la

 21   plupart de ces personnes en tout cas, avaient été tenues au courant de tout

 22   ce qui se passait. Donc, c'est en tenant compte de ce que nous avions vécu,

 23   quelqu'un par exemple avait survécu à l'incendie de sa maison et il savait

 24   comment cette dernière avait brûlé. Cela faisait partie de son expérience

 25   vécue, il savait également comment les autres maisons dans son voisinage

 26   avaient été brûlées et cet homme devait préparer un rapport sur le nombre

 27   de maisons qui avaient été incendiées par les forces croates. D'autres

 28   personnes avaient entendu parler du meurtre de ces dix civils, donc, ils


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  1   ont pu déclarer que tant et tant de civils avaient été tués et d'autres,

  2   ils incombaient la tâche de dire combien de maisons avaient brûlées. Donc,

  3   un rapport général, sur la situation avant l'attaque, pendant l'attaque et

  4   après l'attaque, a été préparé et ce rapport a ensuite été transmis.

  5   Q.  Etiez-vous le président de ce comité ?

  6   R.  A ce moment-là, j'étais membre de ce comité et j'ai participé à la

  7   préparation de ce rapport. C'était au tout début, nous avons tenté de

  8   mettre en place ce comité. Ce comité s'appelait un forum au début, mais,

  9   par la suite, il a été connu plus communément sous le nom de comité.

 10   J'étais président, donc, c'était un forum et j'étais le troisième membre

 11   signataire et il y avait deux autres hommes et nous avons tous les trois

 12   signé ce rapport.

 13   Q.  Aviez-vous accès à toutes les informations qui ont été recueillies pour

 14   préparer ce rapport ?

 15   R.  De façon générale, oui. Dans les grandes lignes, oui, mais, pour ce qui

 16   est des détails et parfois de certaines nuances, lorsque l'on parle du

 17   degré d'endommagement d'une maison, non. Mais nous savions qu'une maison

 18   avait brûlé. Cela, c'est ce que nous avons vérifié. C'est ce que nous avons

 19   indiqué dans ce rapport.

 20   Q.  Ce comité a-t-il enquêté, plus précisément, sur la manière dont les

 21   événements s'étaient déroulés les 23 et 24 octobre 1992 ?

 22   R.  C'est difficile à dire s'ils se sont renseignés ou non. Nous avons

 23   demandé aux autorités de la République, les autorités compétentes, à des

 24   hauts représentants politiques qui, après avoir reçu les éléments

 25   d'information, le rapport que nous leur avons envoyé, nous leur avons

 26   demandé de venir à Prozor pour qu'ils voient, eux-mêmes, et qu'ils puissent

 27   évaluer la situation, eux-mêmes. Donc, nous n'avons pas pris le parti de

 28   dire que, ce que contenait ce rapport correspondait à la vérité absolue.


Page 3517

  1   Nous souhaitions qu'ils viennent sur lieux pour qu'ils puissent prendre

  2   compte de la situation par eux-mêmes.

  3   Q.  Donc, comment ces enquêtes et ces rapports préparés par ce comité vous

  4   ont-ils permis de mieux comprendre la manière dont les événements se sont

  5   déroulés à Prozor, le 23 et 24 octobre ?

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Avant qu'il nous réponde à cette question,

  7   je souhaite dire qu'aucune enquête -- ce monsieur vient de dire qu'aucune

  8   enquête n'avait été menée. Donc, il est clair, d'après sa dernière réponse,

  9   que certains éléments anecdotiques aient été fournis pour préparer un

 10   rapport. Mais la question qui est posée maintenant, c'est qu'effectivement,

 11   des enquêtes ont été menées par ce soi-disant comité. Donc, je m'oppose à

 12   l'utilisation de ce terme. Peut-être que la question pourrait être posée

 13   avec plus de précision.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La question peut être posée de telle façon

 15   qu'il explique quelles ont été les modalités selon lesquelles ils ont été

 16   amenés à établir ce rapport ?

 17   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Sous quelle forme se présentaient les documents que vous avez utilisés

 19   pour rédiger votre rapport ?

 20   R.  Peut-être que je n'ai pas le droit de présenter mes objections à ce

 21   monsieur qui s'est levé plusieurs fois pour réagir à ma déclaration.

 22   Lorsque j'ai parlé "d'enquêtes", j'entends le terme au sens classique du

 23   terme. C'est l'enquête menée par les enquêteurs et les magistrats, la

 24   police, et cetera. Ce n'était pas une enquête de ce genre. Ces éléments ont

 25   été recueillis par des personnes qui ont vécu tout cela et qui ont pris

 26   part aux événements. Une des personnes qui a survécu, qui a réussi à

 27   s'enfuir et de sa propre maison en flamme est l'auteur de ce rapport. Si

 28   vous avez vécu tout cela et vous dites que c'est un soi-disant comité, que


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  1   les sources ne sont pas fiables, c'est que ce monsieur ne comprend pas du

  2   tout le problème ou peut-être qu'il souhaite dénigrer tout ceci.

  3   Donc, nous avions des sources fiables et nous avons recueilli les

  4   déclarations de certaines personnes et basées sur ce que nous avons vu et

  5   vécu, et nous avons parlé de cela. Tout ceci est sincère. Il s'agit de

  6   documents. Nous avons des documents authentiques également.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Le fait est de savoir comment ce comité de trois

  8   personnes a travaillé; donc, expliquez-nous une fois que tous les trois,

  9   vous vous êtes réunis; qu'est-ce que vous avez pris comme disposition pour

 10   recueillir un maximum d'informations et pour traduire tout cela dans un

 11   rapport ? Ce qui nous intéresse, c'est la façon dont vous avez travaillé.

 12   Ce qui nous permettra d'évaluer le sérieux du rapport, la fiabilité du

 13   rapport. Expliquez-nous comment vous avez travaillé ? Donc, personne ne

 14   dénigre quoi que ce soit. Ce que nous voulons savoir, c'est la méthode de

 15   travail de ce comité de trois personnes dont vous étiez le président.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Non, je ne

 17   parlais pas de vous, Monsieur, mais je parlais du monsieur ici. J'ai dit

 18   qu'à l'origine, il s'agissait d'un forum de différentes organisations. Il y

 19   avait quelque 20 personnes qui en faisaient partie. Mais il y a trois

 20   personnes qui ont signé les premières informations diffusées. Par la suite,

 21   il y a eu beaucoup de membres. Nous n'étions pas que trois. Ensuite, il y a

 22   eu plusieurs commissions. Il y avait un organe chargé de la Coordination,

 23   et cet organe était chargé de surveiller ce qui se passait, préparer des

 24   rapports et demander de l'aide.

 25   Une des méthodes de travail, qui était des nôtres, était de dire que

 26   toute personne, qui avait réussi à sortir de Prozor par les bois ou par

 27   toute autre moyen, cela comprenait des personnes qui, en 1992, avaient pris

 28   part à différentes activités et qui connaissaient bien la situation. Dans


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  1   ces rapports ou ces renseignements, nous avons décrit la situation avant

  2   l'attaque, pendant l'attaque et après l'attaque, comme nous l'avions vécu.

  3   Les éléments dont nous disposions de personnes tout à fait responsables et

  4   par rapport à ce que nous avions vécu, nous-mêmes, personnellement. C'est

  5   sur cette base-là que nous avons préparée ce document d'information signé

  6   par nous et signé par trois personnes - pas une seule personne, mais trois,

  7   toutes ces personnes qui ont permis de recueillir ces éléments

  8   d'information.

  9   Il y avait des représentants de la police, des représentants de

 10   l'armée qui ont préparé des rapports à part. Ces derniers contiennent

 11   d'autres éléments d'information dont nous n'avons pas parlé aujourd'hui.

 12   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Donc, compte tenu de ce que vous venez de dire maintenant, les

 14   activités de ce comité qui consistaient à tenter de recueillir des éléments

 15   d'information, à comprendre ce qui s'était passé à Prozor, comment ceci

 16   vous a-t-il influencé quant à votre compréhension des événements d'octobre

 17   1992, à Prozor ?

 18   R.  Cela est difficile à décrire après tant de temps. Nous étions surpris,

 19   incrédules. Nous avions tenté de comprendre les raisons derrière ces actes.

 20   Pour essayer de comprendre ce qui s'est passé pendant l'attaque et de tout

 21   ce qui s'est passé par la suite, nos tentatives étaient assez veines. Nous

 22   ne comprenions pas. Il y avait tellement de mal, tellement de haine,

 23   tellement de destructions et c'est difficile à décrire. Ceux qui l'ont vécu

 24   n'ont pas trouvé de mots pour le décrire et nous avons demandé à ce qu'une

 25   enquête soit menée objectivement car tout ce que nous avons fait dans le

 26   courant de l'année 1992 était de tenir informer les instances supérieures

 27   et nous n'avons rien fait de notre propre initiative. C'était avec leur

 28   accord et leur soutien.


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  1   Q.  Je souhaite en terminer sur ce sujet. Est-il exact de dire que, le

  2   matin du 24, vous êtes enfui de Prozor et vous êtes rendu à Jajce ?

  3   R.  Il s'agit d'une erreur. Cela ne peut pas être Jajce. Cela doit être

  4   Jablanica.

  5   Q.  Jablanica. Pardonnez-moi, je me suis trompé.

  6   R.  Oui. Cela se trouve dans le rapport. J'ai expliqué ceci en partie. J'ai

  7   dit que, le matin, j'avais réussi à sortir en sortant par les environs ou

  8   la banlieue de la ville car il y avait des tireurs embusqués. J'ai failli

  9   être tué parce qu'il y avait des obus qui tombaient comme des abeilles dans

 10   une ruche.

 11   Donc, j'ai réussi à passer par une porte, il y avait un groupe de 50

 12   personnes, je suis entré dans le village au sud de Prozor. Ensuite, j'ai

 13   emprunté des sentiers dans la forêt et j'ai rejoint un autre groupe

 14   beaucoup plus important et j'ai gagné le village suivant. Ensuite j'ai

 15   traversé Jablanica et Konjic et, après quatre jours, je suis finalement

 16   arrivé à Jablanica. Si c'est cela que vous appelez une fuite, alors,

 17   effectivement, je me suis enfui. Mais je laisse le soin aux Juges de

 18   décrire ceci comme bon leur semble.

 19   Q.  Votre femme est restée à Prozor; c'est exact ?

 20   R.  Oui. Ma femme, comme la plupart des habitants, hommes et femmes qui

 21   n'ont pas pu partir et emprunter ces sentiers sont restés à Prozor. Le

 22   jour-même, on les a emmenés en lieu sûr, dans d'autres quartiers de la

 23   ville, comme ils l'ont expliqué à la population, comme c'était la

 24   population civile. Ma femme et mon enfant, étant donné que, comme je vous

 25   l'ai dit, il s'agissait de groupes de réfugiés, on leur a proposé de se

 26   loger dans un endroit plus sûr, dans un autre quartier, car on estimait que

 27   c'était plus sûr.

 28   Q.  Donc, vous avez dit que d'après-vous, on les a déplacés, on a emmener


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  1   votre femme et votre enfant et d'autres personnes. Vous pensiez à qui ?

  2   R.  Les représentants de ceux à qui on avait confié la tâche de faire cela.

  3   Je ne peux pas vous donner leurs noms, mais c'était les représentants de

  4   ces forces qui entraient dans la ville et à qui on avait demandé de faire

  5   cela, certainement.

  6   Q.  Peut-on après ceci, vous avez déjà dit qu'un certain nombre de

  7   personnes sont effectivement rentrés à Prozor; c'est exact ? Je parle d'un

  8   grand nombre de Bosniens qui étaient partis.

  9   R.  Oui, mais c'était dix ou 11 jours plus tard, lorsqu'à un niveau plus

 10   élevé. Je ne sais pas à quel niveau et avec qui un accord a été conclu pour

 11   dire que la population devrait pouvoir rentrer à Prozor. Mais des choses

 12   épouvantables s'étaient passées à Prozor-même et presque 70 maisons

 13   bosniennes, avaient été incendiées, maisons qui appartenaient au Bosniens

 14   qui étaient prospères. Une dizaine de civils ont été tués suite à l'entrée

 15   et à la prise de la ville -- suite à l'entrée dans la ville et la prise de

 16   la ville.

 17   Toutes les maisons qui étaient restées vides, car la population avait

 18   été emmenée dans un quartier plus sûr de la ville, avaient été pillées.

 19   Toutes les voitures ont été volées et toutes les entreprises privées ont

 20   été détruites et, en l'espace de 10 ou 11 jours, il y a eu des destructions

 21   très importantes dans la ville, destructions de biens, d'immeubles, et

 22   après un certain temps, les personnes haut placées ont dit que la

 23   population devait rentrer. Mais il est important de préciser que les hommes

 24   avaient été séparés des femmes, les hommes avaient été emmené à l'école

 25   élémentaire de Ripci, qui se trouve à une douzaine de kilomètres à l'est de

 26   Prozor et cet à cet endroit-là que tous les hommes devaient signer des

 27   déclarations en vertu de quoi tout qui s'était passé à Prozor était arrivé

 28   à cause des éléments -- à cause des extrémistes bosniaques, que c'était eux


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  1   qui étaient responsables de cela.

  2   Après tout ce qui s'était passé, la population et les représentants

  3   de la population étaient censés retourner à Prozor.

  4   Q.  Vous êtes resté à Jablanica, c'est exact ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Néanmoins, vous êtes rentré à Prozor pour la première fois au début du

  7   mois de décembre car vous deviez assister à une réunion; c'est exact ?

  8   R.  Si on peut utiliser ce terme de "rentrer" lorsqu'on doit assister à une

  9   réunion, c'est exact. Le 1er décembre, trois collègues et moi-même et un

 10   officier de l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine ainsi qu'un

 11   représentant de ce qui était le HVO à l'époque, mais il s'agissait en

 12   réalité d'un représentant de l'armée croate, le colonel Siljeg et le

 13   général Praljak, nous nous sommes tous rendus à Prozor ensemble pour des

 14   pourparlers qui se sont tenus dans l'usine UNIS, le 1er décembre 1992.

 15   Q.  Quel était l'objet de ces pourparlers ?

 16   R.  Il est difficile de s'imaginer quel pouvait être l'objet principal, car

 17   pendant toute cette époque, les représentants du HDZ et du HVO ont joué un

 18   double jeu à notre égard.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

 20   objection.

 21   J'ai été tolérant lors de la dernière réponse, lorsqu'il a longuement

 22   parlé du fait qu'il n'était pas présent et que tout le monde est rentré,

 23   était retourné. Il ne va pas faire la même chose maintenant. Cet homme est

 24   manifestement éduqué, c'est un responsable politique, il sait de quoi il

 25   parle face aux caméras de chez-lui, j'aimerais qu'il lui soit demandé de

 26   répondre directement à une question et s'il y a une suite à cette question,

 27   l'Accusation peut lui poser des questions supplémentaires. Mais ces longues

 28   narrations qu'il utilise comme élan pour obtenir un avantage politique ne


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  1   sont pas appropriées.

  2   M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, il me contenterai de

  3   dire, si vous m'y autorisez, que l'objection n'est pas très équitable car

  4   elle met en doute les motivations de la déposition de ce témoin ici

  5   aujourd'hui. Je ne crois pas que ce soit un commentaire ou une supposition

  6   acceptable. Si l'objection porte uniquement sur la longueur des réponses ou

  7   sur la façon dont les choses sont présentées, la question est différente.

  8  M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, interrogez-le sur cette fameuse réunion du 1er

  9   décembre 1992 dans cette usine d'UNIS.

 10   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur Hujdur, qui était responsable -- ou, plus précisément, qui a

 12   présidé -- qui a été chef de la délégation croate qui s'est rendue à cette

 13   réunion ce jour-là ?

 14   R.  Monsieur le Président de la Chambre, permettez-moi de consacrer une

 15   minute à répondre à ce monsieur, qui, de temps en temps, me prévoie même

 16   mon avenir.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas vous et l'avocat qui est situé à votre

 18   gauche. Ce que vous devez c'est répondre aux questions de celui qui est

 19   debout, puis après le moment venu, il y aura un contre-interrogatoire.

 20   L'objection a été faite de manière technique parce qu'on est dans une

 21   procédure très inspirée de la "common law", mais les Juges au-delà de cela,

 22   nous ce que nous cherchons c'est la vérité, ce qui s'est passé. Donc,

 23   essayez de répondre aux questions en répondant précisément. On vous a

 24   demandé qui présidait ces pourparlers, donc, répondez parce que c'est cela

 25   qui nous intéresse. Le reste n'est vraiment qu'accessoire.

 26   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur Hjudur, qui dirigeait la délégation croate ce jour-là ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président de la


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  1   Chambre. Excusez-moi pour ce que j'ai dit, mais, croyez-moi, je n'avais pas

  2   connaissance de ces Règles très strictes.

  3   Ce jour-là, il y avait avec nous le général Praljak qui était le numéro 1.

  4   Il s'est présenté comme le maître absolu de la situation et il l'a fait

  5   aussi bien vis-à-vis de ceux qui le suivaient et de ceux qui étaient censés

  6   le suivre. Je veux parler de nous. Ce jour-là, j'ai eu l'occasion de me

  7   convaincre de la réalité de tous les faits que nous avons relatés dans nos

  8   écrits.

  9   M. KRUGER : [interprétation]

 10   Q.  Qui était la personnalité la plus importante du HVO qui a participé à

 11   cette réunion ?

 12   R.  Ils étaient plusieurs. Je crois que s'adressant au commandant de leur

 13   brigade, les mots qui ont été utilisés au début de la réunion ont été les

 14   suivants : "Mon général, ensuite, il a été question de quatre hommes qui

 15   font partie des nôtres et il s'agissait des quatre membres de leur

 16   délégation." Il a ensuite été dit que ceux qui étaient responsables de tout

 17   ce qui s'était passé c'étaient les extrémistes, qui ouvertement devaient

 18   être blâmés pour tout ce qui s'était passé.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, cela

 20   ne répond à la question. La question était très précise. Il faut avancer

 21   pas à pas. Je ne dis pas que ce monsieur ne devrait pas avoir la

 22   possibilité de raconter tout ce qui veut raconter, mais il faut avancer pas

 23   à pas, et la question était très précise. Il faudrait que ce monsieur

 24   écoute et réponde précisément.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Poursuivons pas à pas, comme on dit en anglais,

 26   "step by step". Essayez de répondre de manière précise. Il y a une

 27   délégation. Il y a le général Praljak. Dites-nous qui étaient les

 28   composantes de la délégation, sans apporter des prestations personnelles.


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  1   Donc, qui composait cette délégation et quel était l'objet de ces

  2   pourparlers ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait, dans cette délégation, des gens

  4   dont les noms figurent dans le rapport - pour ne pas perdre de temps, et

  5   l'objectif était de réduire les tensions et de déterminer qui était

  6   coupable. Mais la conclusion qui a été tirée c'est que c'étaient nous les

  7   représentants bosniens qui étions venus de Jablanica, qui étions les seuls

  8   coupables de tout ce qui s'était passé. Leur représentant local du HVO a

  9   déclaré qu'il disposait de 300 dépositions de témoins qui disaient que nous

 10   étions coupables, et il s'agissait de cette délégation qui avait été donnée

 11   sous la menace dans les locaux de l'école primaire de Ripci. Un membre de

 12   la délégation -- M. Praljak était tout à fait au courant de tout cela car

 13   il avait passé sa jeunesse à Prozor. Quant à nous, nous avons pris la

 14   parole pour dire que tout cela n'était pas vrai.

 15   M. Praljak, à ce moment-là, a eu une réaction positive sans doute pour des

 16   raisons tactiques et il a créé un climat qui a permis que la discussion se

 17   poursuive.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Ceci est exactement ce dont je parlais tout

 19   à l'heure, Monsieur le Président. Je ne réagis pas, mais, là encore, le

 20   témoin est en train de lire dans l'esprit du général Praljak. Alors,

 21   j'aimerais qu'il nous parle de faits et de faits présentés les uns après

 22   les autres. Courte question, courte réponse. Est-ce qu'il peut agir ainsi,

 23   Monsieur le Président ? Parce qu'on lui demande qui était les membres de la

 24   délégation ? Ensuite, il répond d'une façon très longue en précédant sa

 25   réponse de -- vous pouvez le lire le rapport. Alors, on peut lire un

 26   rapport. On n'a pas besoin d'entendre sa déposition.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre en mon compte les questions pour

 28   éviter tout problème.


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  1   Quand vous vous réunissez, globalement vous êtes combien en tout ? Donc,

  2   question précise, réponse précise. Combien vous êtes, dix, 15, 20, 30,

  3   100 ? Combien de personnes, dans votre souvenir ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous parlons des discussions dans les

  5   locaux de l'usine UNIS, nous étions cinq pour la délégation bosnienne. Il y

  6   avait deux représentants, le général Praljak et le colonel Siljeg, et sept

  7   représentants des structures locales du HVO, en plus.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, cinq représentants les Bosniens, deux

  9   qui se représentaient peut-être eux-mêmes, le général Praljak et le colonel

 10   Siljeg, et sept personnes du HVO. Bon. Qu'est-ce qui se passe ? Vous

 11   essayez autour d'une table, vous restez debout; comment cela se passe ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, tout à l'heure, quand

 13   j'étais interrompu, j'avais commencé à raconter cela. Le moment où nous

 14   nous sommes assis dans le cabinet du directeur général de cette usine et

 15   j'ai parlé de tout ce qui a été dit au sujet de notre culpabilité par

 16   rapport à tout ce qui s'était passé.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout le monde s'assoit, qui préside la réunion,

 18   qui ? Personne.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Le général Praljak.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Qui intervient le premier ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandant local avec ce qu'on pourrait

 22   appeler si quelqu'un -- enfin, on pourrait dire avec son rapport. Voilà

 23   c'est le mot que j'utiliserais. Après, nous avons pris la parole.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Le commandant local, qu'est-ce qui dit le commandant

 25   local ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Il a dit au général que nous étions coupables

 27   - je parle de la délégation venue de Jablanica - que nous étions coupables

 28   de tout ce qui s'était passé à Prozor, et ce coupable exclusif. Il a ajouté


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  1   que 300 dépositions qu'ils avaient reçues de tous les hommes qui étaient

  2   arrêtés et emprisonnés dans les locaux de l'école primaire l'avaient dit

  3   dans leur déposition.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, cela c'est ce que dit le commandant local.

  5   Vous, vous répliquez, qu'est-ce que vous dites vous ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous, nous nous sommes adressés au général

  7   Praljak et nous avons dit : "Général, ceci n'est pas la vérité. Ceci est

  8   une contre-vérité absolue. Il existe des rapports de notre réunion du 23

  9   qui donnent le détail de ce dont nous avons parlé lors de cette réunion la

 10   plus réussie de toutes."

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : A partir de là, le général Praljak, qu'est-ce qu'il

 12   va dire ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon. "Nous allons continuer ces discussions,

 14   mais, maintenant, nous allons ailleurs pour discuter aussi ailleurs."

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ce qu'il dit, et alors vous quittez les lieux

 16   pour aller où ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous allons dans un motel, le motel Rama, qui

 18   se trouve à 50, non, à 100 mètres au sud de l'usine UNIS.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, vous arrivez tous au motel Rama, et

 20   qu'est-ce qui va se passer ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Là-bas, nous trouvons une délégation de

 22   représentants locaux de plusieurs villages au sud de Prozor : Scipe, Kute

 23   et Here, qui sont venus participer à cette discussion, et avec lesquels

 24   nous sommes censés poursuivre la discussion.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, donc là, vous êtes beaucoup plus

 26   nombreux qu'à l'UNIS --

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous êtes combien en tout, grosso modo ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être le double du nombre que nous étions

  2   à l'usine UNIS, peut-être même encore un peu plus.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, est-ce que vous avez aller de vous asseoir

  4   autour de table ou tout le monde restait debout ? Matériellement, vous

  5   allez vous réunir dans une salle…

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était ce que j'appellerais le

  7   restaurant, dans la salle du restaurant de ce motel.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la salle du restaurant, tout le monde s'assoit.

  9   Qui va intervenir en premier ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne sommes pas tous assis, mais la

 11   majorité s'est assise. Mais il y en a qui ont continué à marcher et parmi

 12   eux le général Praljak qui ne s'est pas assis tout de suite parce que le

 13   climat de ce débat a été perturbé par un incident qui avait lieu cette

 14   nuit-là.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le climat est perturbé. Alors, très vite, quel

 16   incident ? Parce que nous, nous n'y étions pas sur place. Alors, il faut

 17   nous indiquer quel était l'incident qui a perturbé le climat ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Mais je ne voulais personnes en

 19   parler avant que vous me posez la question. L'année précédente, sur une

 20   route locale qui va de Konjic à l'un, des villages, que j'ai cité tout à

 21   l'heure, le village Scipe, un membre de l'état-major, qui s'appelait Salih

 22   Ruvic, a été tué -- a été fait prisonnier en compagnie d'autres hommes. Dès

 23   que cela s'est passé, la nouvelle est arrivée au commandement conjoint de

 24   Konjic ou selon ce que nous savons, siégeaient ces deux hommes qui sont

 25   ici, aujourd'hui. Je pense au général Praljak et au colonel Siljeg. D'après

 26   ce que nous savons, le général ou l'un des leurs, en tout cas, a donné

 27   l'ordre qu'il n'y ait aucun problème et que cet homme devait être amené par

 28   participer à la réunion que nous avions à Prozor sans subir aucun mauvais


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  1   traitement ou aucune exaction. Mais les commandants locaux n'ont pas agi

  2   selon cet ordre et l'homme qui est arrivé portait un uniforme couvert de

  3   sang et il avait des ecchymoses dans le dos et donc, c'est cela qui a fait

  4   que le général, en notre présence, s'est fâché, s'est mis à hurler et s'est

  5   comporté de la façon dont j'ai décrit tout à l'heure.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, comme cet incident avait perturbé le climat,

  7   le général Praljak va donner l'ordre qu'on amène celui qui avait été

  8   capturé. Donc, il arrive, c'est bien cela.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Il arrive et vous constatez qu'il est couvert de

 11   sang et qu'apparemment il a été battu ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Quel va être la réaction du général Praljak ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répéter encore une fois la phrase que

 15   j'ai déjà citée à savoir qu'il s'est présenté comme le maître absolu de la

 16   situation. En tout cas, c'était son intention, n'est-ce pas ? C'est que je

 17   veux dire.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Si le général Praljak était le maître absolu de la

 19   situation, ce que je veux savoir, c'est quand la personne capturée arrive

 20   dans l'état que vous avez décrit, quelle est la réaction du général

 21   Praljak, sa réaction ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, elle a été positive mais avec des

 23   questions, avec des questions, tout de même.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Positive, dans quel sens ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Positive dans le sens où il a dit publiquement

 26   et il a pensé publiquement les commandants locaux qui ont fait cela et qui,

 27   vraisemblablement n'ont pas obéi à l'ordre. C'est dans ce sens qu'on peut

 28   considérer que sa réaction était positive. Mais elle a été positive avec


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  1   toute sorte de questions si vous me permettez d'utiliser ce terme parce que

  2   dans sa colère, il a dit entre autres dont j'ai très bon souvenir --

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais très vite parce qu'il faut qu'on clôture. Il

  4   est 17 heures 15. Une fois que la personne capturée et là, le général

  5   Praljak a fait sa réaction, quel sujet va être abordé ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] On a discuté, bien sûr, à cet instant précis

  7   de l'incident en question. Mais, ensuite, il aurait sans doute fallu que,

  8   et je l'ai déjà dit que les représentants des villages soient également

  9   informés qu'il fallait respecter les ordres du général et les appliquer

 10   tels qu'ils soient. C'est dans ce sens que j'ai employé la phrase dans

 11   laquelle je disais qu'il voulait se présenter comme un maître absolument,

 12   parce que c'est cela que les gens ont ressenti. A un moment, il a dit aux

 13   commandants locaux, si vous faites ce que vous êtes en train de faire, vous

 14   n'aiderez pas la Croatie.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : A la fin de la réunion, quelles ont été les

 16   conclusions de la réunion ? Quelles ont été les conclusions ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, il y a des promesses selon

 18   lesquelles les discussions se poursuivraient. Or, elles ne sont jamais

 19   poursuivies. C'est en cela que j'ai parlé de réactions positives avec

 20   toutes sortes de questions. Le général a ensuite continué le débat avec ses

 21   représentants et nous, puisque nous sommes venus ensemble, nous ne sommes

 22   pas retournés ensemble ou que ce soit avec eux, nous sommes rentrés à

 23   Jablanica.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, en  quelque sorte, les conclusions

 25   étaient que le débat allait se poursuivre ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est la promesse qui a été faite par le

 27   général.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Cela va être notre cas aussi, puisque nous


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  1   poursuivrons tout cela demain. Il est 17 heures 20. La réunion reprendra

  2   demain à 9 heures. Donc, j'invite tout le monde à être présent, demain 9

  3   heures.

  4   --- L'audience est levée à 17 heures 18 et reprendra le mercredi 21 juin

  5   2006, à 9 heures 00.

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