Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 5 juillet 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à

9 tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic, et consorts.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci, Monsieur le Greffier. Je salue toutes

11 les personnes présentes. Je salue M. Scott, les avocats, les accusés, ainsi

12 que M. le Témoin Manolic, et je n'oublie pas également de saluer toutes les

13 personnes qui sont dans cette salle d'audience.

14 Le Greffier avant l'audience m'a expliqué qu'il y avait encore un petit

15 problème technique lié au transcript. Le technicien s'active depuis une

16 demi-heure pour essayer de faire redémarrer le système, donc, on va faire

17 face à cette difficulté en continuant l'audience. Si vous n'avez pas accès

18 directement au transcript, faites comme moi, prenez des notes écrites et,

19 ensuite, vous vérifierez quand nous aurons l'intégralité du transcript.

20 Avant de continuer le contre-interrogatoire mené par M. Praljak, je

21 voudrais dire à M. Praljak ceci : hier, nous avons écouté avec attention

22 les questions qui ont été posées. Je n'ai pas, à titre personnel, bien

23 compris le sens de plusieurs questions, et depuis ce matin, je me suis

24 plongé dans le mémoire préalable de votre avocat qui avait été déposé suite

25 au mémoire préalable de l'Accusation.

26 Dans ce mémoire préalable de votre avocat, mais que vous avez eu

27 connaissance, vous explicitez tout votre système de défense, et en

28 conclusion de ce mémoire préalable, vous indiquez que vous étiez innocent

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1 et que vous espériez que la confrontation avec le témoin permettrait de

2 vous exempter de toute faute pénale. Donc, vous indiquiez clairement que

3 vous attendiez avec impatience les témoins pour faire ressortir certains

4 points. Quand je lis vos écritures, je constate que, dans les écritures,

5 vous avez mentionné plusieurs éléments très intéressants à l'appui de votre

6 défense, notamment, concernant la question du conflit armé international et

7 de l'entreprise criminelle commune, et à l'appui de votre argumentation

8 vous citiez dans vos écritures de nombreux exemples. Je vais en rappeler

9 quelques-uns puisque c'est public, et cela a été enregistré.

10 Concernant le conflit international, au paragraphe 26, vous listez tout ce

11 que la Croatie a fait, en disant qu'elle a approvisionné en matériel.

12 L'ABiH et le TO de Bosnie-Herzégovine allaient financer l'entraînement de

13 diverses unités militaires ou de police composées de Musulmans qui se sont

14 rendus en Bosnie-Herzégovine, que la République de Croatie allait en

15 entraîner des pilotes d'hélicoptère, qu'elle a toléré un trafic de matériel

16 militaire, et cetera, et cetera, donc, des éléments très intéressants qui

17 peuvent être posés sous forme de questions au témoin pour que celui-ci

18 confirme ce que vous écrivez dans vos écritures car ce qui est écrit dans

19 vos écritures n'est étayé par aucun élément.

20 Autre exemple, vous indiquez que les hôpitaux croates ont soigné 12

21 000 Musulmans qui avaient été blessés et transportés de Bosnie-Herzégovine.

22 Voilà le type même de questions qui peut être utile pour votre défense et

23 pour les Juges, et le témoin peut, le cas échéant, confirmer.

24 Par ailleurs, nous vous avions autorisé, de manière exceptionnelle, à

25 poser des questions sur le fondement du fait que sur le plan technique.

26 Vous pouviez poser des questions techniques, c'est pour cela que vous êtes

27 autorisé à poser des questions techniques.

28 Au nombre des questions techniques, au paragraphe 74 de vos écritures

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1 et suivant, sous le thème : "La Bosnie a attaqué la République de Croatie,"

2 vous citez plusieurs éléments qui ont un caractère militaire tout à fait

3 évident. Au paragraphe 77, vous expliquez que la République de Croatie a

4 déployé une nouvelle stratégie militaire dans le sud et vous dites qu'au

5 printemps 1992, un Bataillon du HV composé de 159 combattants a pris

6 position à Citluk qui est en Bosnie-Herzégovine. Voilà même le type de

7 questions utiles que vous posez au témoin et, ou le témoin confirmera ce

8 que vous dites, ou infirmera.

9 Vous avez indiqué également que le HV se trouvait en Bosnie-

10 Herzégovine, mais que, pendant la guerre, le nombre n'a jamais dépassé 500.

11 Alors, peut-être que le témoin pourra dire oui, non, c'est faux, et cetera.

12 Alors, Monsieur Praljak, vous posez des questions, mais, encore,

13 faut-il que les questions soient utiles et vous servent. Donc, je vous ai

14 donné des exemples de questions que vous pouvez poser qui sont déjà dans

15 vos écritures et donc un témoin peut confirmer ce que vous dites ou n'être

16 pas d'accord avec vous. Autant en profiter parce que je ne sais pas à quel

17 moment vous pourrez revenir sur ce type de questions.

18 Alors, hier, vous aviez un livre avec 227 textes divers, bon, ce peut

19 être intéressant, mais il serait plus utile pour vous de poser le type de

20 questions que vous avez évoquées dans vos écritures que d'évoquer ces 227

21 textes. Alors, voilà le type de remarques que je vous fais. Je répugne à

22 vous couper la parole parce que je ne connais pas le fond de vos questions

23 et dans quelle stratégie tout ceci s'inscrit, mais, en tant que Président

24 de la Chambre - et mes collègues également - nous avons la responsabilité

25 que le procès ne perde pas de temps. Quand vous posez une question

26 maladroite, le Procureur se lève et fait objection et perd des minutes

27 précieuses, des minutes qui auraient pu être consacrées utilement pour

28 votre défense, à des questions très précises.

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1 Alors, hier, je vous ai demandé combien de temps vous faut-il et vous

2 avez été incapable de me dire le temps. Je ne veux pas être dans la

3 situation de certaines Chambres qui ont coupé la parole aux accusés en

4 disant : "Ce n'est pas pertinent, cela n'a aucun intérêt," parce que vous

5 avez droit au procès équitable et vous avez droit à interroger les témoins,

6 mais le fait d'interroger les témoins, il faut que ce soit utile et que la

7 question soit pertinente par rapport à l'acte d'accusation et qu'il y ait

8 une valeur probante car, si ce n'est pas ni pertinent et si la valeur est

9 nulle, c'est du temps perdu -- totalement perdu.

10 Alors, je voulais vous indiquer cela, Monsieur Praljak, pour que les

11 questions à venir nous soient utiles pour les Juges, mais soient également

12 utiles pour votre défense, et, également, ne perturbent pas la situation

13 des autres accusés, parce que vous prenez du temps et, eux aussi, leurs

14 avocats ont besoin de temps et, malheureusement, on est aussi bloqué par

15 des contraintes de temps.

16 Moi aussi, j'aimerais rester 25 ans avec le témoin devant vous et

17 qu'on puisse aller au fond des choses. Malheureusement, on n'a pas le

18 temps, on ne peut pas. Donc, comme on ne peut pas, on est tous obligés de

19 se discipliner et d'aller vraiment à l'essentiel. Comme je l'ai déjà dit,

20 si vous n'avez pas le temps d'aborder certains sujets, vous allez dans la

21 phase de la présentation de vos éléments à décharge ou au temps d'aborder

22 les sujets que vous n'avez pas pu évoquer au moment de la présentation des

23 éléments de preuve de l'Accusation et puis, par ailleurs, au final, dans

24 les écritures de vos avocats, vous pourrez également vous lire sur d'autres

25 questions que vous estimez qu'on n'avait pas pu élaborer.

26 Donc, la position des Juges est très claire. Nous souhaitons que vous

27 posiez des questions, mais, encore, faut-il que ces questions soient

28 pertinentes et que nous n'ayons pas l'impression de perdre notre temps, et

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1 surtout que vos écritures sont parfaitement pertinentes, elles concernent

2 des points importants et profitez du fait que vous avez des témoins devant

3 vous pour faire confirmer ce que vous nous écrivez.

4 Voilà ce que je tenais à vous dire, Monsieur Praljak --

5 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : -- pour poser vos questions.

7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président.

8 Toute la difficulté dans la détermination de la façon de poser les

9 questions réside dans la complexité et la difficulté à bien cerner le

10 concept d'entreprise criminelle commune. A Zagreb, un organisme composé de

11 professeurs de droit s'est créé, auquel participe le Pr Damaska et d'autres

12 professeurs bien connus, mais eux aussi ont du mal à déterminer -- à

13 définir, de façon précise, ce que j'aurais pu faire de mal, ce qui est mon

14 cas également.

15 Je sais que M. Manolic, qui était le numéro deux de l'Etat, peut vous dire

16 que Franjo Tudjman est allé à Karadjordjevo et qu'il aurait commis une

17 action criminelle. Dans ce cas, indépendant du fait de savoir si j'étais

18 sur le terrain ou pas, je me retrouverais responsable ou coupable. C'est

19 cela la raison d'où résulte la difficulté de formuler les questions,

20 Monsieur le Président, mais, à partir de maintenant, je vais m'efforcer de

21 le faire selon les lignes directrices que vous avez indiquées.

22 LE TÉMOIN : JOSIP MANOLIC [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Karadjordjevo, c'est un sujet important

25 à partir duquel on veut pouvoir dire que la guerre a commencé et que des

26 actes criminels ont été commis au cours de cette guerre dans le cadre de la

27 volonté de diviser la Bosnie-Herzégovine de la part de M. Tudjman et de M.

28 Milosevic.

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1 Dans l'affaire Blaskic, dans le jugement prononcé à l'issue de cette

2 affaire, c'est ce qui a été dit. Ces thèses ont été confrontées; il a été

3 longuement question de la partition de la Bosnie-Herzégovine et de la

4 répartition de celle-ci faite par

5 M. Milosevic et M. Tudjman le 30 mars 1991 à Karadjordjevo.

6 Ce jugement, Monsieur le Président, n'a pas été en mesure de déterminer la

7 date exacte de cette réunion, car celle-ci n'était pas le 30 mars, mais le

8 25 mars. Nous ne pouvons nous permettre de nous retrouver dans une

9 situation dès lors que nous discutons d'un crime aussi important que celui-

10 ci, d'ignorer une date.

11 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak : [Suite]

12 Q. [interprétation] Monsieur Manolic, quand cela est arrivé ?

13 R. Pour autant que je me souvienne, la date était celle du 25 mars 1991.

14 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. M. Praljak dit que, dans les jugements,

16 cela n'a pas été bien précisé. M. Praljak dit que c'était le 25 mars et

17 vous, vous dites, c'est le 25 mars. Bon, tout le monde est d'accord dessus.

18 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je vais commencer la

19 journée par un objection, encore une fois, car j'ai demandé que M. Praljak

20 pose des questions précises au témoin et, dès qu'il prend la parole, il

21 commence par un discours qui ne fait que reproduire les nombreux discours

22 déjà prononcés par lui jusqu'à présent.

23 J'indique, pour le compte rendu d'audience, que l'Accusation a

24 utilisé environ cinq heures et 20 minutes. La Chambre a déclaré qu'en

25 l'absence d'accord entre les conseils de la Défense, ceux-ci disposeront

26 d'un sixième du total du temps mis à la disposition de l'Accusation. M.

27 Praljak a utilisé jusqu'à présent près de 42 minutes. Donc, je remarque,

28 pour le compte rendu d'audience, que cela ne laisserait que 55 minutes à

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1 chaque équipe de défenseurs. La défense de Praljak ne dispose en plus que

2 d'environ 13 minutes à partager entre le conseil et M. Praljak. Donc, je

3 pense qu'il serait sage de demander au témoin de cesser ces discours.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous avez mis en avant cette

5 réunion de Milosevic et Tudjman. Bon, que vous situez le 25 mars 1991.

6 Donc, alors, posez la question au témoin qui vous préoccupe.

7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

8 Q. Cette réunion s'est-elle bien tenue le 25 mars 1991 ?

9 R. Oui. Pour autant que je m'en souvienne.

10 Q. Je vous en prie. Je vous en prie. Comme vous le voyez, je manque

11 de temps. Donc, veuillez me répondre par oui, non, ou "Je ne sais pas" ou

12 "Je ne m'en souviens pas."

13 R. Oui, Monsieur.

14 Q. Merci beaucoup, Monsieur Manolic. Etiez-vous présent à cette

15 réunion ?

16 R. Non.

17 Q. Merci. M. Franjo Tudjman vous a-t-il dit ce qui avait discuté à cette

18 réunion ?

19 R. Oui, en principe, un accord de principe a été conclu.

20 Q. Un accord de principe ?

21 R. C'est cela.

22 Q. Savez-vous qui participait à la commission censée mettre en œuvre cet

23 accord ?

24 R. La commission était composée du président Tudjman -- la commission a

25 été créée par le président Tudjman par la suite. Les noms des membres de

26 cette commission sont bien connus car ils ont été rendus publics.

27 Q. Croyez-vous que cette commission n'est pas parvenue à trouver une

28 solution alors que ces deux hommes avaient conclu un accord ? Comment est-

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1 ce que vous interprétez cela ?

2 R. Je l'interprète en pensant qu'une telle division était absurde sur le

3 principe.

4 Q. Est-ce que vous pensez que Tudjman ne savait pas que cette division

5 était absurde avant de se lancer dans ces négociations ?

6 R. Je ne pense pas qu'il l'est fait car autrement il n'aurait pas négocié.

7 Q. Savez-vous combien de fois depuis le début jusqu'à la fin de la guerre,

8 Franjo Tudjman a rencontré M. Milosevic ?

9 R. Cela, je ne le sais pas.

10 Q. J'aimerais soumettre des documents à la Chambre qui montrent qu'il y a

11 eu 48 rencontres de nature diverse entre

12 M. Tudjman et Milosevic pendant la guerre. Nous verrons donc exactement de

13 quoi nous parlons ?

14 Immédiatement après la réunion du 25 mars, y a-t-il à Karadjordjevo,

15 y a-t-il eu une autre rencontre le 28, de tous les présidents à Split ?

16 R. Je ne m'en souviens pas.

17 Q. Après la réunion de Karadjordjevo, est-ce qu'il n'y a pas eu six

18 réunions de tous les présidents de toutes les républiques ?

19 R. Je ne m'en souviens pas non plus.

20 Q. Savez-vous que le Conseil de la Défense et de la Sécurité nationale

21 dont vous faisiez partie a envoyé une lettre au Conseil de Sécurité des

22 Nations Unies, au Conseil de la présidence de la Communauté européenne à M.

23 Willy Claes et à d'autres, dans laquelle il est dit : "Nous estimons ou

24 plutôt le conseil estime que les pressions et les menaces exercées contre

25 la Croatie sont déraisonnables compte tenu des raisons suivantes. La

26 Croatie a été le premier pays qui a reconnu la souveraineté et l'intégrité

27 de la Bosnie-Herzégovine. La Croatie reconnaît toujours l'indépendance de

28 la Bosnie-Herzégovine. Elle est favorable aux principes d'intégrité

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1 territoriale de la Bosnie-Herzégovine," et cetera, et cetera.

2 Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

3 R. Je n'ai jamais eu cette lettre sous les yeux, mais les autres faits

4 dont vous avez commencé à parler --

5 Q. Je vous remercie. Je vous remercie, Monsieur Manolic, soit vous avez

6 connaissance de l'existence de cette lettre, soit vous n'avez pas

7 connaissance de l'existence de cette lettre.

8 Savez-vous, dans plusieurs interviews, Franjo Tudjman a dit ce qui suit :

9 "Quant au reste, je répète une bonne fois pour toute qu'il n'y a jamais eu

10 l'accord allégué portant sur la partition de la Bosnie-Herzégovine entre

11 Tudjman et Milosevic." Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

12 R. Je suis au courant de l'existence de cette interview.

13 Q. Merci. Est-ce que vous savez que Slobodan Milosevic a dit, dans un

14 rapport qui a été publié, je cite : "Tudjman m'a dit qu'il voulait

15 l'indépendance de la Croatie, mais nous n'avons tout simplement pas pu nous

16 mettre d'accord. Il voulait la destruction des institutions, des conseils

17 consultatifs et je ne pouvais pas l'admettre même si auparavant j'avais

18 accepté les amendements à la constitution qui rendaient possible

19 l'autodétermination. Le fait que nous nous soyons entendus sur la division

20 de la Yougoslavie a donné lieu à de nombreuses spéculations. Maintenant, je

21 vous dis que si nous avons pris cette décision, à l'époque, nous aurions pu

22 entamer la mise en œuvre de cette décision après."

23 Dans la même lettre au paragraphe (F), lettre adressée au Conseil de

24 Sécurité des Nations Unies, nous lisons ce qui suit : "La meilleure preuve

25 de notre position réside dans la proposition faite par la Croatie, que nous

26 répétons ici et qui se lit comme suit : la FORPRONU à mieux contrôler les

27 frontières entre la Bosnie-Herzégovine et la République fédérale de

28 Yougoslavie ainsi qu'entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Elle est

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1 appelée à exercer un contrôle sur toute l'étendue de la frontière et pas

2 seulement sur l'APNU."

3 Est-ce que vous êtes au courant de cette lettre ?

4 R. Non.

5 Q. Je vous en prie, soit vous savez, soit vous ne savez pas, soit vous ne

6 vous souvenez pas, cela nous permettra d'avancer, d'en terminer

7 efficacement.

8 Milosevic répond aux questions de Laura Silber et d'Allan Little à Genève,

9 le 17 juillet 1993, déclarations faites par Tudjman et Milosevic. Le

10 président de la Croatie et le président de la République de Serbie,

11 Slobodan Milosevic, après la réunion qui a eu lieu dans locaux de la

12 Conférence de l'ex-Yougoslavie sous l'égide des co-présidents de celle-ci,

13 Thorvald Stoltenberg et Lord Owen, les deux, déclarent ce qui suit : "Toute

14 spéculation quant à une éventuelle partition de la Bosnie-Herzégovine est

15 totalement infondée, répartition de la Bosnie-Herzégovine entre la Croatie

16 et la Serbie."

17 Paragraphe 2 : "Et la seule façon d'aboutir à une paix durable en

18 Bosnie-Herzégovine, qui est dans l'intérêt des trois peuples constitutifs,

19 ne peut résulter que d'une bonne coopération entre ces trois peuples et

20 d'une Confédération tripartite les représentant tous les trois." Etes-vous

21 au courant de cette déclaration ?

22 R. Je suis au courant de la déclaration, mais je ne suis pas au courant de

23 la teneur des débats qui a peu avoir lieu au cours de cette réunion.

24 Q. Merci. Merci. [aucune interprétation]

25 R. C'est exact.

26 M. SCOTT : [interprétation] Nouvelle objection, Monsieur le Président. Si

27 M. Praljak sait que le témoin n'était pas présent à cette réunion, pourquoi

28 est-ce qu'il l'interroge à ce sujet ?

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1 M. Praljak a déjà épuisé son temps, la défense de Praljak disposant

2 d'environ 55 minutes et nous y arrivons.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, la question est intéressante

4 puisqu'il demande au témoin si M. Tudjman et

5 M. Milosevic ont, au mois de juillet 1993, fait une déclaration commune

6 allant à l'encontre des thèses sur la division de la Bosnie-Herzégovine.

7 Donc ce qui tend à accréditer l'idée que la Croatie ne voulait pas remettre

8 en cause les frontières de la Bosnie-Herzégovine, et donc, le témoin est

9 interrogée pour savoir s'il a eu connaissance de cette déclaration commune

10 et quelques commentaires peut-il faire ? Voilà. C'est quand même important.

11 Je ne comprends pas votre objection.

12 M. SCOTT : [interprétation] Ceci ne me pose pas de problème si des

13 questions directes sont posées au témoin des questions auxquelles il peut

14 répondre. Mais, depuis quelques minutes, M. Praljak donne lecture des

15 textes de documents, il demande à M. Manolic s'il connaît les documents en

16 question, et en répondant, M. Manolic dit : "Non, je ne suis pas au courant

17 de ce document en particulier," ou il dit : "Si --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Il ne connaît pas le document, mais il connaît

19 l'objet de la déclaration commune --

20 M. SCOTT : [interprétation] Exact.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- donc, la question peut, à ce moment-là, être une

22 question de suivi.

23 Maître Karnavas.

24 M. SCOTT : [interprétation] Tout à fait. Tout à fait. Mais

25 M. Praljak ne lui pose pas des questions de suivi. Tout simplement, il

26 change de documents qu'ils permettent alors à M. Manolic de répondre.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Tout simplement, hier, ce témoin a exprimé

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1 toutes sortes d'opinion. Maintenant, on lui pose des questions précises

2 mais il semblerait qu'il n'était pas, qu'il n'est pas au courant, qu'il

3 n'est pas informé, donc, c'est sa crédibilité et le caractère véridique de

4 ces déclarations qui sont mis en question.

5 M. SCOTT : [interprétation] Je voudrais être tout à fait clair là-dessus.

6 Je n'essaie pas de m'immiscer dans les questions lorsqu'elles sont

7 proprement posées -- correctement posées au témoin - cela je le comprends -

8 mais simplement donner lecture de documents qui sort d'un livre et demander

9 si le témoin a entendu parler de ce document ou non ce n'est pas correct.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin a dit que la teneur du texte il ne connaît

11 pas, mais l'objet de la réunion il était au courant. Donc, à ce moment-là,

12 faites des questions de suivi si vous voulez lui demander quelles étaient

13 les conséquences de cette déclaration commune, Tudjman-Milosevic. Même s'il

14 ne connaît pas le paragraphe à la virgule près de ce qui a été indiqué

15 l'objet même de la question, vous pouvez faire des questions de suivi.

16 Allez-y.

17 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

18 Q. Au moment du 17 juillet 1993, quel a été votre poste ?

19 R. J'étais président de la Chambre haute, le 17 juillet 1993.

20 Q. Est-ce que vous savez ce qui est en train de se passer à ce moment-là,

21 c'était à un moment du conflit très intense entre le HVO et les forces

22 bosniaques en Bosnie-Herzégovine ?

23 R. Oui, c'était à l'apogée du conflit entre le HVO et l'armée bosniaque,

24 et je pense que le contexte - pour vous dire pourquoi il y a eu cette

25 lettre ? C'était la défense contre toutes ces attaques menées par l'opinion

26 et la communauté internationale consistant à dire qu'il voulait diviser --

27 se partager la Bosnie.

28 Q. Que puis-je dire suite à cela ? Que la Bosnie reste encore partager

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1 aujourd'hui avec toutes les pressions qui se sont exercées, et cetera, mais

2 enfin je dois bien entendu commencer par demander au témoin s'il est au

3 courant d'une situation. Parmi les membres de la commission donnés par M.

4 Tudjman pour partager la Bosnie, il y avait M. Bilandzic, à La Haye devant

5 ce Tribunal, le Procureur lui a posé la question : "Très bien, Docteur,

6 vous avez pris part à cet entretien en tant que membre de la délégation

7 croate. Vous alliez discuter des cartes pour déterminer quelle est la

8 partie qui allait revenir à la Serbie et laquelle allait revenir à la

9 Croatie. Est-ce exact ?" Réponse : "Non. Ce n'est pas exact."

10 Nous n'avons pas suffisamment de temps. Je fournirais ce document

11 pour qu'il soit versé au dossier. Le Dr Jovic, qui était membre de la

12 présidence yougoslave, est venu à La Haye et a emporté ses carnets de bord

13 et il a signé -- attesté leur véracité. Donc, Franjo Tudjman, Slobodan

14 Milosevic, Bilandzic, Borislav Jovic, Babic, Smilja Avramov; tous

15 s'expriment au sujet de la réunion de Karadjordjevo et à l'unisson, ils

16 disent il n'y a pas eu de partage à cette réunion. Alors, Monsieur, si vous

17 étiez hostile à ce partage, si vous étiez hostile à la politique de Franjo

18 Tudjman, pourquoi, à ce moment-là, vous ne l'avez pas quitté ? Pourquoi

19 n'avez-vous pas fondé un nouveau parti politique, ou pourquoi n'avez-vous

20 pas rallié un autre parti ? Pourquoi avez-vous accepté l'entreprise

21 criminelle commune de M. Franjo Tudjman ?

22 R. On n'abandonne pas une politique pas plus qu'un pouvoir parce qu'on

23 n'est pas d'accord sur un point. Il y a toute une série d'autres points à

24 cause desquels je suis resté au sein du HDZ ainsi que j'ai décidé de

25 participer toujours au pouvoir avec M. Tudjman.

26 Q. Malgré le fait que cette politique, d'après le Tribunal international

27 s'est trouvé condamné et on lui reproche d'avoir été une entreprise

28 criminelle commune lancée par Franjo Tudjman contre un Etat voisin, cela ne

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1 vous intéressait pas à ce moment-là.

2 R. Non, puisque sur cette question-là j'étais dans le camp opposé.

3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je voudrais placer sur le

4 rétroprojecteur ou afficher à l'écran -- placer sur le rétroprojecteur

5 quelques documents, je vais poser au témoin des questions là-dessus.

6 Q. Monsieur Manolic, au moment où 5 000 Moudjahiddines sont entrés sur le

7 territoire de Bosnie-Herzégovine en 1991 et 1992, et en partie en 1993,

8 vous étiez chef de gouvernement en République de Croatie, vous étiez à la

9 tête de tous les services secrets de la République de Croatie; est-ce exact

10 ou non ?

11 R. Si, c'est exact, mais préciser de quelque date -- à quelle date j'ai

12 été chef de gouvernement. Ceci n'est pas exact pour les dates que vous avez

13 citées.

14 Q. Jusqu'à quelque moment avez-vous été chef de gouvernement de la

15 République de Croatie ?

16 R. Jusqu'au moi d'août 1991.

17 Q. Exact. Mais à partir d'août 1992 jusqu'à quelque moment en 1993 vous

18 avez été à la tête de tous les services secrets du Cabinet du président

19 chargé de la Sécurité nationale ?

20 R. Pendant une période. Je n'arrive pas à l'identifier. Pendant une

21 période je n'ai occupé aucun poste. Je n'ai aucune fonction. Si vous pouvez

22 me citer la date à laquelle j'ai été nommé à ce poste, je vais vous le

23 confirmer.

24 Q. Vous l'avez été ou non ?

25 R. Oui, pendant une certaine période.

26 Q. Pendant laquelle ?

27 R. Je ne peux pas vous l'affirmer. Je vous dis que je ne me souviens pas.

28 Q. Vous ne savez pas à quelque moment vous avez été chef des services

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1 secrets croates ?

2 R. Je ne connais pas les dates. Maintenant, ce sont les dates qui vous

3 intéressent.

4 Q. Les mois ?

5 R. Les mois ? Je pense que oui. A partir du mois de novembre.

6 Q. Jusqu'à quel moment ?

7 R. Jusqu'à ce que j'aie été élu à la tête de la Chambre haute, donc

8 jusqu'au mois de mars 1993.

9 Q. Merci.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : De novembre 1992 à mars 1993, vous vous occupiez des

11 services secrets de la Croatie ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était le bureau du président de l'Etat

13 chargé du Renseignement.

14 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] En 1991, pas en 1992. A partir du

15 novembre 1991 jusqu'au mois de mars 1993.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est novembre 1991 à mars 1993 ou novembre 1992 à

17 mars 1993 que vous occupiez cette fonction au bureau du président chargé du

18 Renseignement ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 18 novembre 1991 jusqu'en mars 1993.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci pour cette précision.

21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

22 Q. A ce moment-là, 5 000 Moudjahiddines sont passés par la Croatie pour se

23 rendre en Bosnie pour combattre aux côtés de l'ABiH. L'avez-vous empêchée ?

24 R. Empêchée, non, mais je n'étais même pas au courant des chiffres que

25 vous venez de citer.

26 Q. Je vous remercie.

27 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Mademoiselle, est-ce que je pourrais

28 avoir le document suivant ?

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1 Q. On voit mal, ce sont les noms de ces gens. Vous n'avez jamais entendu

2 aucun de ces noms, vous ne les avez pas vu non plus ?

3 R. Non.

4 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Le document suivant, s'il vous plaît.

5 Q. Nous avons ici l'attaque menée par l'armée populaire yougoslave et par

6 les Chetniks contre la Croatie depuis le territoire de Bosnie-Herzégovine.

7 Ce que l'on voit représenté ici est exact ?

8 R. Je ne connais pas les frontières exactes.

9 Q. Merci.

10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Le document suivant, s'il vous plaît.

11 L'image est floue. Est-ce que vous pouvez zoomer ? Encore.

12 Q. Sur cette carte l'on voit les bases des localités de République de

13 Croatie d'où on a livré de l'armement pour l'ABiH. En savez-vous quelque

14 chose ?

15 R. Non.

16 Q. Merci.

17 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Le document suivant.

18 Q. Monsieur Manolic, je vous en prie.

19 Répondez-moi, s'il vous plaît, par oui ou non. Laissez tomber les

20 explications. Je ne vous demande pas des explications, vous avez fourni vos

21 explications au Procureur. La seule chose que je souhaite constater c'est

22 la chose suivante. Le chef de gouvernement, celui qui se trouve à la tête

23 de tous les services de Renseignement, qui regroupe au sein de son

24 gouvernement le ministre de la Défense, qui participe à toutes les réunions

25 du gouvernement n'en sait rien des Moudjahiddines, n'en sait rien des

26 attaques; confirmez-moi cela.

27 R. Juste une observation, s'il vous plaît. Quand j'ai commencé à

28 déposer, j'ai dit que j'allais déposer sur les faits que je connaissais,

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1 soit directement, soit j'en ai eu connaissance parce que j'ai pris part à

2 certaines réunions. Tout ce que vous me présentez maintenant, tout ce que

3 vous soumettez n'a pas été présenté à aucune réunion à laquelle j'ai

4 participé.

5 Q. Merci. Ici on est en train de créer des bureaux militaires du Grand

6 état-major de l'ABiH - c'est ce qui est écrit ici - en République de

7 Croatie, en juillet 1993.

8 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, est-ce que

9 vous avons la traduction anglaise de ce document et pour le reste des

10 documents du contre-interrogatoire ?

11 M. LE JUGE ANTONETTI : On n'a pas la traduction anglaise du document ?

12 M. KOVACIC : [interprétation] Si, Monsieur le Président, nous l'avons sous

13 forme électronique, 3D 120023. Nous avons les classeurs ici pour les Juges

14 de la Chambre. Nous pouvons les distribuer maintenant ? J'avais l'intention

15 de les distribuer lorsque j'aurais commencé à poser mes questions, mais

16 nous pouvons le faire maintenant.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a la version électronique en anglais; faites la

18 apparaître, Monsieur le Greffier. Donc, ce document a été traduit en

19 anglais.

20 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, une

21 correction. Le numéro de ce document est 3D 00302.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, allez-y.

23 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

24 Q. Donc, Monsieur Manolic, je souhaite démontrer tout à fait clairement

25 qu'en Croatie, à en juger d'après ce document, au moment d'un conflit

26 violent qui oppose l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO, Franjo Tudjman,

27 qui hait les Musulmans, qui partage la Bosnie, il autorise qu'on crée des

28 antennes du Grand état-major de l'armée qui combat contre une partie de sa

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1 population en Bosnie-Herzégovine contre le HVO. Etiez-vous au courant de

2 l'existence de ce document ?

3 R. Oui. Ce genre de bureaux sont toujours créés précisément pour augmenter

4 l'efficacité de la communication entre les forces ennemies et ses propres

5 forces.

6 Q. Jamais, c'est la première fois de ma vie que j'entends cela,

7 qu'Eisenhower ait cherché à établir la coopération avec Goering, Goebbels,

8 Heitel, afin d'améliorer la coopération avec les forces ennemies, qu'il

9 aurait fourni des armes pour qu'ils attaquent les Français. Enfin, mais

10 jamais -- passons à un document suivant, s'il vous plaît.

11 Un document semblable. Encore une fois, il est question des forces armées

12 de l'ABiH sur le territoire de la République de Croatie; est-ce que vous

13 connaissez ce document ?

14 R. Non.

15 Q. Le document suivant, s'il vous plaît.

16 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez ce document

17 dans votre classeur. 3D 00186 dans la version électronique.

18 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, deux points. Je pense que la

19 Chambre avait jugé que tous les documents, qui allaient être utilisés

20 pendant le contre-interrogatoire, devaient être communiqués par

21 l'Accusation avant le début de leur interrogatoire, à la fin de

22 l'interrogatoire principal. Egalement, Monsieur Praljak est un profane,

23 mais s'il va prendre part à ce processus, il faudra qu'il procède, de la

24 manière habituelle, qu'il nous fournisse les numéros des pièces et des

25 documents. C'est la seule manière qui nous permettra de savoir de quoi il

26 s'agit. Donc, ce serait peut-être beaucoup plus efficace si Me Kovacic

27 menait cet interrogatoire. Si

28 M. Praljak le fait, il faudra bien qu'il nous fournisse les traductions,

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1 les numéros des documents pour qu'on puisse agir d'une manière raisonnable.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, dans la mesure du possible,

3 indiquez les numéros des documents pour que l'Accusation puisse y accéder

4 et que, nous-mêmes, les Juges, nous puissions aller tout de suite au

5 document.

6 Bon, mais Me Kovacic peut intervenir pour dire que, dans la carte que

7 nous voyons, tel numéro.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

9 s'agissant des remarques qui viennent d'être faites par l'autre partie,

10 tous les documents, hier, à la fin de l'interrogatoire principal, ont été

11 enregistrés dans le système électronique. Tous ces documents sont

12 disponibles à l'Accusation depuis hier. Les documents qu'on les utilise ou

13 pas. Nous venons de vous rendre, il y a quelques instants, ce même

14 classeur, copie papier. Quant à M. Praljak, comme il est difficile de nous

15 coordonner, je propose la méthode suivante. M. Praljak mentionne un

16 document, à partir de ce moment-là, on le citera. Mais ils sont tous

17 accessibles.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Scott, apparemment, les

19 documents que M. Praljak montrent, au témoin, lui ont été communiqués hier

20 par le système électronique.

21 M. SCOTT : [interprétation] Non, Monsieur le Président, ce qui s'est passé,

22 il semblerait comme on fonctionne au système électronique, les documents

23 ont été, comme on dit, "lancés dans le système" mais rien ne nous

24 permettait pas de savoir que précisément les documents qui allaient être

25 utilisés aujourd'hui pendant le contre-interrogatoire ont été introduits

26 dans le système.

27 Donc, Monsieur, nous, nous devons fournir la liste des pièces à

28 conviction avec tous les numéros des documents que nous allons utiliser, il

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1 devrait être tenu de faire la même chose. Donc, nous avons des milliers de

2 documents dans le système électronique. Comment on peut le savoir ?

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Kovacic.

4 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, jusqu'à présent, la

5 règle qu'on a respectée a été la suivante. Enfin, j'ai l'impression que mon

6 collègue fabrique de toute pièce son reproche. Vous nous avez donné des

7 instructions claires. Si, à 7 heures, l'interrogatoire principal a été

8 terminé, à 7 heures et une minute, vous devez lancer dans le système

9 électronique les documents que vous allez utiliser et c'est précisément ce

10 que nous avons fait hier. C'était une ou deux minutes après la fin de

11 l'interrogatoire principal que nous avons lancé ces documents dans le

12 système.

13 Mais je vois leur problème. Nous rencontrons le même problème

14 maintenant. Nous avons déjà un volume considérable de documents dans le

15 système électronique.

16 Donc, le Procureur a dû mal à les contrôler, mais il y a un moyen

17 technique qui lui permettra de savoir quels sont les documents qui ont été

18 lancés, à ce moment-là, précisément par la Défense. Est-ce qu'il connaît

19 cette méthode ? Je ne le sais pas. Est-ce qu'il veut en plus qu'on lui

20 fournisse une liste papier, mais je ne n'ai ni effectif ni le temps de

21 faire cela.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'est-ce qui vous empêche quand vous lancez les

23 documents dans le système électronique de faire comme le fait d'ailleurs

24 l'Accusation, un tableau. Le tableau, c'est "exhibits for Prosecution

25 witness Josip Manolic." Vous pouviez faire également le même tableau

26 "exhibits for Defense, cross-examination," et vous marquez Manolic avec la

27 liste des documents. Comme cela, l'Accusation, à 7 heures et une minute,

28 c'est que les pièces vont être introduites. Donc, il suffirait que vos

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1 assistants le récapitulatif des pièces. Comme cela, l'Accusation saurait

2 que ces pièces sont susceptibles d'être présentés lors du contre-

3 interrogatoire, qu'il y a un parallélisme entre les parties parce que,

4 quand vous, vous allez présenter vos témoins à décharge, vous serez obligé

5 de faire aussi la même liste que le Procureur parce que, lors des questions

6 pour les Juges de découvrir lorsqu'un témoin viendra, des dizaines de

7 documents sur une liste. Donc, il faut toujours faire une liste

8 récapitulative de tous les documents. Bon, ce n'est pas compliqué, mais

9 essayez de le faire.

10 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons cette liste

11 pour nos besoins internes. Je peux la remettre à mes collègues

12 immédiatement. Si ceci leur permettra de se repérer dans les documents.

13 Permettez-moi seulement de rappeler le fait que hélas, comme nous avons ce

14 nouveau système, de nouvelles règles, parfois sont établies. Vous aussi,

15 vous nous donnez de nouvelles règles, il faudra s'adapter. Je suis prêt à

16 m'adapter. Mais ce qui vient de se passer, cette remarque, cette objection

17 faite par le Procureur n'est pas appropriée puisque nous avons respecté les

18 règles telles qu'elles étaient en vigueur jusqu'à présent.

19 Je demanderais à Mme l'Huissière de remettre cela au Procureur.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, la carte avec ce schéma, on l'a déjà vu

21 cette carte. Allez-y.

22 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Si je puis faire une observation,

23 Monsieur le Président. Pendant l'interrogatoire principal, on voit

24 apparaître des choses qui, tout simplement, ne sont pas prévisibles. Mais

25 je ne suis pas en contact avec mon défenseur entre la fin de

26 l'interrogatoire principal et maintenant. De là, ce genre ce chose.

27 Q. Alors, Monsieur Manolic, est-ce que vous savez --

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste un moment. Vous venez de me dire quelque chose

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1 que je n'avais pas réalisé jusqu'à présent. Vous venez de dire que je ne

2 suis pas en contact avec mon avocat après la fin de l'interrogatoire

3 principal. Alors, je ne sais pas à quelle heure vous arrivez pour

4 l'audience du matin. Je ne sais pas à quelle heure les avocats sont là.

5 Mais, lorsque l'avocat arrive avant le début de l'audience, vous pouvez

6 discuter avec votre client sur la façon dont va se passer la journée.

7 Voilà. Je pense que les accusés arrivent au moins une demi-heure avant le

8 début de l'audience. Si l'avocat arrive une demi-heure avant, il a le temps

9 de se concerter avec son client. Bon, mais cela, c'est un problème qui vous

10 concerne.

11 Oui, Maître Kovacic.

12 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous respectons

13 l'intérêt que vous nous portez. Vous essayez de faire en sorte que les

14 contacts normaux et les échanges puissent se dérouler entre les défenseurs

15 et les accusés, en particulier, à cause du fameux vendredi dont on a parlé.

16 Mais ce que vous venez de dire, effectivement, c'est ce que nous faisons,

17 15, 20 minutes avant le début de l'audience et aussi, à la fin de

18 l'audience. Parfois, nous arrivons à nous parler pendant cinq à dix

19 minutes, et aussi, pendant les pauses. Mais le plus souvent - enfin,

20 souvent - cela suffit parce qu'il est question que de quelques documents,

21 de quelques questions. Mais, maintenant, il est question de l'entreprise

22 criminelle commune. Potentiellement, il s'agit de milliers de documents qui

23 concernent ce sujet-là. Nous n'avons pas suffisamment de temps. C'est ce

24 que vous dit mon client.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Etant bien conscient de cela, c'est pour cela que

26 j'avais estimé que le vendredi qui est la journée propice pour que les

27 accusés puissent rencontrer leurs avocats pour élaborer le débriefing de la

28 semaine d'audition et la préparation du contre-interrogatoire de la semaine

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1 à venir. Voilà, parce qu'il faut que vous rencontriez vos clients, sinon,

2 il y a des problèmes.

3 Bien. Monsieur Praljak, vous pouvez continuer.

4 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

5 Q. Monsieur Manolic, nous voyons sur cette carte, les centres de Formation

6 -- d'Entraînement en République de Croatie où on a entraîné des membres de

7 l'ABiH, en 1991 et en 1992; en savez quelque chose ?

8 R. Non. C'était --

9 L'INTERPRÈTE : Inaudible, le reste de la question du témoin.

10 Q. Je vous remercie. Je vous remercie.

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Nous allons passer au document suivant.

12 C'est le même texte, la feuille suivante, s'il vous plaît.

13 Q. Sur cette carte, l'on voit les Unités de l'ABiH, qui ont été créées sur

14 le territoire de la République de Croatie en 1992. En savez-vous quelque

15 chose et donnez-moi votre commentaire, s'il vous plaît ?

16 R. Non. Je ne me suis pas intéresser à ces actions de l'armée en

17 coopération avec le ministre de la Défense et son état-major.

18 Q. L'ABiH sur le territoire de la Croatie ?

19 R. Oui. Mais l'armée croate en était informée.

20 Q. Très bien. Merci.

21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Nous passons au document suivant.

22 Q. Est-ce que vous êtes au courant de l'existence des centres

23 d'Entraînement et de Formation en République de Croatie où on a formé des

24 pilotes de l'ABiH en 1991 et 1992 ?

25 R. Non.

26 Q. Je vous remercie.

27 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La feuille suivante, s'il vous plaît.

28 Q. Nous trouvons ici une liste qui comporte les noms des pilotes de l'ABiH

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1 qui ont été entraînés sur le territoire de la République de Croatie. Bien

2 entendu, le ministre croate de la Défense, le président de l'Etat Franjo

3 Tudjman étaient au courant. J'espérais que vous aussi vous auriez été au

4 courant. Savez-vous quelque chose ?

5 R. Non.

6 M. SCOTT : [interprétation] Peut-on avoir le numéro de la pièce, encore une

7 fois ? Si on n'a pas le numéro de la pièce on ne peut pas retrouver cela

8 dans le système électronique.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kovacic, cette liste de pilotes.

10 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi. Les deux documents évoqués il y

11 a quelques instants portent le numéro 3D 00313 et

12 3D 00314. Le document qui est actuellement à l'écran, nous ne l'avons pas

13 dans notre base de données, nous en demanderons le versement séparément.

14 Pour l'instant il ne sert qu'à servir de base aux questions.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc, il n'a pas un numéro. D'accord.

16 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Document suivant, je vous prie.

17 M. SCOTT : [interprétation] Numéro de pièce, s'il vous plaît.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Quel est le numéro ?

19 M. KOVACIC : [interprétation] Je ne crois pas que ce sera versé au dossier

20 en tant que pièce à conviction. C'est simplement un document qui sert à

21 rafraîchir la mémoire du témoin et à servir de base à la question.

22 M. SCOTT : [interprétation] Il n'y a aucun fondement, Monsieur le

23 Président. Nous ne savons pas si ce qui est dit dans ce document correspond

24 à la réalité ou si c'est quelque chose qui a été inventé par M. Praljak la

25 nuit dernière. Aucun fondement, par conséquent.

26 M. KOVACIC : [interprétation] Un peu de patience, je vous prie et M.

27 Praljak vous dira d'où vienne ces renseignements et comment il les a

28 obtenus.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, simplement, pour la question.

2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous savez que les hôpitaux dont les noms sont donnés ici

4 ont soigné des soldats blessés et des citoyens, des civils donc

5 d'appartenance ethnique musulmane depuis 1992 et jusqu'en 1995 ? L'hôpitaux

6 de Split Firukle, Split Krizine, Split Toplice, Zagreb, Karlovac, et

7 cetera.

8 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] D'ailleurs, j'indique, Monsieur le

9 Président, Messieurs les Juges, et je vous indique à vous également M.

10 Scott que pour chaque mot prononcé nous avons des documents à l'appui de

11 ces propos et que nous allons soumettre ces documents ensuite.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, mais je pense que vous posez

13 ces questions à un témoin qui n'est pas le bon. Je n'ai pas la capacité de

14 répondre à ces questions, mais vous savez que le ministère de la Santé de

15 Croatie et les gens qui travaillaient des les services de Santé sont

16 capable à 100 % de confirmer ce qui figure dans ce document avec une totale

17 sécurité. Alors, pourquoi est-ce que vous m'imposez ce genre de question

18 alors que vous savez à l'avance que je n'ai pas la capacité de vous

19 répondre.

20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

21 Q. Merci. Je ne vous ennuierai donc plus avec cela. Je vais encore

22 continuer pendant quelques minutes.

23 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] On peut retirer la carte de l'écran.

24 Q. Monsieur Manolic, est-ce que vous pouvez expliquer le fait qu'une

25 personne qui d'une part elle -- les Musulmans se sont les mots que vous

26 avez utilisés, je parle de Franjo Tudjman, donc, cet homme

27 qui est Musulman, s'entend avec Milosevic sur la partition de la Bosnie, et

28 fait toutes les choses qui ont été évoquées ici.

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1 R. Tout ce qui est possible dans certaines conditions. On peut soigner des

2 prisonniers de guerre d'un côté, on peut également fournir de l'aide

3 humanitaire tout en faisant d'autres choses en même temps. Tout cela est

4 exact.

5 Q. Entraîner des pilotes, fournir des armes.

6 R. Cela c'est une autre question. C'est cela la politique du double

7 langage qui a été appliquée par Milosevic et Tudjman. C'était une politique

8 du double langage.

9 Q. Merci. Au moment où s'est tenu le référendum en Bosnie-Herzégovine,

10 référendum qui était une condition imposée par la commission Badinter, la

11 Croatie était un Etat qui avait été reconnue à l'intérieur de ces

12 frontières AVNOJ, n'est-ce pas ? Ceci est-il exact ?

13 R. Exact.

14 Q. Dans le même temps, les Serbes de Bosnie-Herzégovine tiennent entre

15 leurs mains près de 70 % du territoire du pays; ceci est-il exact ?

16 R. Cela je ne le sais pas.

17 Q. Merci. Les Croates de Bosnie-Herzégovine - et c'est Stjepan Kljuic qui

18 nous a dit cela dans ce prétoire, un représentant politique qui a toute

19 votre estime, donc, depuis des siècles les Croates de Bosnie-Herzégovine

20 souhaitaient se joindre à la Croatie - ce sont les mots utilisés par

21 Kljuic, donc, vivre dans un seul et même Etat. Partagez-vous la position de

22 M. Kljuic qui consiste à dire que les Croates de Bosnie-Herzégovine avaient

23 le désir de vivre dans un seul et même Etat aux côtés des Croates de

24 Croatie ?

25 R. Oui. C'est tout à fait naturel. On parle ici de patries, de pays,

26 d'Etat et il est tout à fait naturel d'avoir envie d'en faire partie. Cela

27 ne date pas d'hier. Cela fait plus de 40 ans que les Croates de Bosnie-

28 Herzégovine, et notamment les Croates d'Herzégovine ont les yeux tournés

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1 vers la Croatie, y compris pas mal de vos amis qui sont arrivés en Croatie.

2 Q. Merci. Moi également d'ailleurs. Franjo Tudjman, comme vous l'avez dit,

3 était d'accord pour diviser la Bosnie-Herzégovine avec Milosevic à

4 Karadjordjevo, n'est-ce pas ?

5 R. Non. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'ils ont négocié la

6 partition de la Bosnie-Herzégovine.

7 Q. Dans le même temps vous dites que Franjo Tudjman haïssait les

8 Musulmans.

9 R. Je ne crois pas avoir eu utilisé le mot "haïr". J'ai dit qu'il avait

10 des orientations anti-musulmanes. Il y a une nuance.

11 Q. Convenez-vous que les Musulmans de Bosnie-Herzégovine écoutaient et

12 obéissaient à Franjo Tudjman ?

13 R. Oui, mais pas tous.

14 Q. Bon. Bon. 99 % des Croates votent au référendum pour l'indépendance de

15 la Bosnie-Herzégovine, même s'ils ne sont pas d'accord avec le libellé de

16 la question proposée au référendum; ceci est-il exact ?

17 R. C'est exact --

18 Q. Sur la base --

19 R. Mais, maintenant, dites-moi pourquoi vous ?

20 Q. Je vous en prie. Compte tenu du résultat du référendum, la communauté

21 internationale reconnaît la Bosnie-Herzégovine; exact ?

22 R. Exact.

23 Q. La Croatie reconnaît la Bosnie-Herzégovine, et elle est un des premiers

24 pays à le faire.

25 R. Ceci aussi est exact.

26 Q. Franjo Tudjman nomme Sancevic, en tant qu'ambassadeur et il est parmi

27 les premiers à le faire.

28 R. Cela je ne le sais pas exactement quand il l'a fait, mais je crois

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1 qu'il a tout de même fait un peu plus tard. Vous pouvez me dire à quel

2 moment ?

3 Q. Bon. Franjo Tudjman souhaite la division de la Bosnie-Herzégovine, les

4 Croates de Bosnie-Herzégovine souhaitent se rapprocher de la Croatie, un

5 accord sur ce point est conclu avec Slobodan Milosevic, et puis, tout d'un

6 coup, on voit cet homme qui dit aux Croates de Bosnie-Herzégovine, allez

7 voter au cours du référendum, et voter de façon à ce que la Bosnie-

8 Herzégovine puisse continuer à exister. Comment est-ce que vous expliquez

9 cela ?

10 R. J'ai déjà dit que cette question du référendum en Bosnie-Herzégovine

11 est un point significatif dans les relations entre l'Etat de Croatie et la

12 Bosnie-Herzégovine. Cela je l'ai souligné. Mais maintenant vous, vous

13 pouvez m'expliquer pourquoi tout cela est arrivé ?

14 Q. Vous avez dit que Franjo Tudjman avait tant de pouvoir que les Croates

15 l'ont soutenu, y compris dans quelque chose de même ne souhaitait pas. En

16 même temps, nous devons admettre le fait qu'il n'aimait les Musulmans,

17 qu'il souhaitait la partition de la Bosnie-Herzégovine et que cette

18 partition a eu pour résultat toute une série de crimes et des mesures

19 incroyables dont nous débattons ici, donc, voilà tout ce qu'on essaie de

20 nous faire admettre.

21 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, objection encore une

22 fois, ce sont des discours. Qu'il pose une question. Il y a quelques

23 instants, il a bien posé une question. Il a demandé à

24 M. Manolic d'expliquer quelque chose, le témoin a ensuite essayé d'apporter

25 une explication, tout allait bien, mais, maintenant, il se remet à faire

26 des discours.

27 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

28 Q. Merci. Mate Granic --

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1 R. Attendez, nous n'avons pas terminé avec la question précédente.

2 Q. Non, non, non. Nous n'avons plus le temps. Mate Granic était ministre

3 des Affaires étrangères dans le gouvernement de la République de Croatie ?

4 R. Oui, mais pas dans mon gouvernement.

5 Q. Dans le livre dont il est l'auteur, il est écrit clairement qu'Alija

6 Izetbegovic a proposé à deux reprises à Franjo Tudjman une partie de la

7 Bosnie-Herzégovine au sud de Rama et il a proposé que cette partie soit

8 adjointe à la République de Croatie; est-ce que vous êtes au courant de

9 cela ?

10 R. Non.

11 Q. Merci. Vous avez affirmé qu'il fallait s'occuper de tous les Croates de

12 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que, par l'accord de Washington, les Musulmans et les Croates se

15 trouvaient à la tête de 51 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine,

16 ensemble ?

17 R. Exact.

18 Q. Mais qu'en est-il des Croates qui n'habitaient pas sur cette partie du

19 territoire, puisque l'accord de Washington vous l'appréciez tellement.

20 R. Mais après le premier accord, il était prévu d'en conclure un deuxième.

21 Q. Oui, nous le savions. Après l'accord de Washington, le conflit entre le

22 HVO et l'armée de Bosnie-Herzégovine a cessé, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, et c'est d'ailleurs le plus grand, le meilleur résultat de cet

24 accord.

25 Q. Comment est-il possible, dans ces conditions, alors que le conflit a

26 cessé en Bosnie-Herzégovine, que Mate Boban n'est plus là, que la

27 communauté internationale insiste pour le rétablissement de la paix,

28 comment pouvez-vous nous expliquer dans ces conditions que l'attaque

Page 4497

1 continue sur Sarajevo ainsi que les massacres de Srebrenica, Zepa, Bihac,

2 qui a été sauvé par le HVO et l'ABiH.

3 R. Vous m'interrogez sur des choses que je ne connais que par la presse,

4 tout comme vous.

5 Q. Merci. Jusqu'au mois de mars 1993, vous dirigiez les services secrets.

6 Vous étiez également président de la Chambre haute du parlement croate,

7 ceci est un fait.

8 Aviez-vous connaissance de l'existence de centres de Regroupement à

9 Dretelj et Gabela ?

10 R. Non.

11 Q. Mais sur quoi vous appuyez-vous donc pour estimer que le président

12 Tudjman avait connaissance de l'existence de ces centres, notamment, le

13 centre de Gabela, alors que, vous-même, en dépit des fonctions importantes

14 qui étaient les vôtres, vous n'en saviez rien6

15 R. Il avait des contacts directs avec la direction de l'armée et tout ce

16 qui avait un rapport avec l'armée. Aucun autre responsable de si haut rang

17 n'était impliqué dans tout cela.

18 Q. Vous avez continué à faire partie du Conseil de Défense et de Sécurité

19 nationale par la suite ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous étiez toujours un membre très important du HDZ ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous aviez des contacts avec les membres du HDZ de Bosnie-Herzégovine ?

24 R. La question que vous me posez n'a jamais été abordée lors d'une

25 quelconque réunion du Conseil de Défense et de Sécurité nationale. Les

26 camps n'ont jamais été un sujet de discussion.

27 Q. Vous avez dit que n'importe qui, même au niveau le plus bas de la

28 société, savait que ces centres de Regroupement existaient. N'importe qui

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1 en Croatie, avez-vous dit.

2 R. Oui.

3 Q. Vous n'étiez pas quelqu'un qui était en bas de l'échelle sociale, vous

4 auriez donc dû en être informé.

5 R. Une chose c'est de savoir et une autre de participer à ce qui s'y

6 passe.

7 Q. Nous ne parlons pas de participation en ce moment.

8 R. On peut savoir certaines choses en lisant la presse, on peut entendre

9 des rumeurs, mais cela ne signifie pas qu'on est acteur participant à la

10 prise de décision et c'est la situation dans laquelle je me trouvais.

11 Q. Monsieur Manolic, personne ne dit ici que vous étiez celui qui prenait

12 les décisions. Vous avez dit que n'importe qui au plus bas de l'échelle

13 sociale, y compris même le plus simple policier de Croatie, connaissait

14 l'existence de ces centres de Regroupement, alors que vous qui étiez

15 policier de haut rang en Croatie dites ne rien savoir de cela.

16 R. Ce n'est pas que je ne savais rien de cela, ce n'est pas ce que j'ai

17 dit dans ma déposition. J'ai dit que le comité de la Croix Rouge

18 internationale a visité ces centres et que c'est à ce moment-là que le

19 public en a été quelque peu informé.

20 Q. Est-ce que vous vous étiez informé de cela avant la visite de la Croix

21 Rouge internationale ou après ?

22 R. Non, je pense que je l'ai appris après 1993. Est-ce que vous pourriez

23 me proposé un cadre temporel précis ?

24 Q. Vous êtes un être humain, vous êtes un grand professionnel, vous avez

25 une conscience morale, vous êtes un représentant politique, alors, sur le

26 plan humain, moral et politique, en tant que membre de la Chambre haute du

27 parlement croate, est-ce que vous estimiez qu'il était de votre devoir de

28 proposer, de discuter de ce sujet lors d'une des réunions du parlement ?

Page 4499

1 Est-ce que vous n'auriez pas dû taper du point sur la table et dire à

2 Franjo Tudjman : "La situation ne peut pas continuer comme cela." Est-ce

3 que ce n'était pas votre devoir d'agir ainsi ?

4 R. Non, non, Monsieur Praljak. Quand ceci a été rendu public, le Conseil

5 de Défense et de Sécurité nationale en a discuté et uniquement à ce moment-

6 là et c'est à ce moment-là que le ministre Granic a évoqué le sujet, mais

7 c'était vers la fin de la discussion que la décision de démanteler les

8 camps a été prise.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Plus lentement.

10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

11 Q. Est-ce que vous savez que le ministre Granic est intervenu

12 seulement lorsque la chose a été annoncée à la télévision parce qu'il y

13 avait des hommes qui étaient mis en accusation pour avoir créé ces camps ?

14 Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

15 R. Vous devriez poser 245 questions au ministre Granic pour savoir quand

16 il est intervenu et ce qu'il a fait exactement.

17 Q. Merci. Lorsque vous étiez premier ministre de la République de Croatie,

18 le parti croate des droits a créé ses propres forces armées, les forces

19 armées croates, le HOS, n'est-ce pas ?

20 R. Les forces paramilitaires illégales, déclarées comme tel par la Cour

21 suprême.

22 Q. Exact, exact. Exact, tout à fait exact. Ces forces se sont-elles emparé

23 oui ou non d'un bâtiment situé dans le centre de Zagreb, un bâtiment connu

24 comme le centre Starcevic, et y ont-elles installer un canon antiaérien ?

25 R. Exact. Je suis personnellement au courant de cela et j'ai pris part à

26 la solution du problème.

27 Q. Est-ce que le premier ministre, Monsieur Manolic, avait pour devoir de

28 respecter la loi ?

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1 R. C'est exactement ce qu'il a fait.

2 Q. Combien de temps ces canons sont-ils restés dans ce bâtiment avant

3 votre intervention ?

4 R. Cela, je ne sais pas.

5 Q. Deux mois.

6 R. Si vous connaissez les dates, n'hésitez pas. Dites-les.

7 Q. Ces forces armées, le HOS, avait-il son état-major militaire ?

8 R. Oui.

9 Q. Le HOS avait-il des généraux ?

10 R. Oui, enfin, des généraux je n'en suis pas sûr parce qu'ils le sont

11 devenus plus tard, me semble-t-il.

12 Q. Merci. Donc, nous sommes en droit de considérer qu'il s'est passé

13 plusieurs mois avant que vous ne parveniez à résoudre la crise créée par un

14 coup d'état militaire dans la capitale, Monsieur Manolic.

15 R. En effet, parce que nous ne l'avons pas voulu. Ce n'était pas dans

16 l'intérêt du gouvernement croate dirigé par le chef du gouvernement et le

17 chef de l'Etat, ce n'était pas son intérêt à cette époque-là que d'entrer

18 en affrontement ouvert avec une faction qui défendant le concept de Grande-

19 Croatie. Par la suite, nous avons trouvé un modus operandi qui était

20 beaucoup plus efficace plutôt que ce que vous proposez, à savoir utiliser

21 l'armée et la police pour nettoyer tout cela par la violence.

22 Q. Monsieur Manolic, vous ne pouvez pas savoir ce que je pense. Je me suis

23 contenté de vous demander ce que vous aviez fait dans cette situation. Ce

24 que je sais, c'est qu'une telle chose aurait été inimaginable à Londres ou

25 à Paris et que, si cette chose s'est produite, cela n'est dû qu'à un seul

26 fait, à savoir que cet Etat était tellement jeune, tellement impuissant,

27 confronté à un nombre si important de problèmes que même face à un problème

28 aussi grave qu'un coup militaire à Zagreb, cet Etat n'a pas été capable de

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1 résoudre le problème; est-ce que ceci est possible ?

2 R. Oui, c'est tout à fait possible, mais j'aurais pu utiliser les mêmes

3 mots que vous pour le dire.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Praljak dit qu'il y a eu un coup d'état

5 militaire; vous confirmez ou vous contestez ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne saurais confirmer qu'il y a eu un

7 coup d'état militaire parce que, si un coup militaire se produit, il y a en

8 général un résultat qui est le changement de gouvernement, hors il n'y a

9 pas eu de changement de gouvernement, au contraire. Avec le temps, nous

10 nous sommes consolidés et nous avons entrepris des actions contre ces

11 personnes qui s'étaient engagées dans la voie de la destruction de l'Etat

12 indépendant de Croatie.

13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

14 Q. Merci. Je n'en ai plus pour longtemps. Le général Spegelj a-t-il été

15 mis en accusation par le gouvernement fédéral pour avoir violé la

16 constitution de la RSFY ?

17 R. Oui, il y a eu de telles accusations.

18 Q. Est-ce que le gouvernement fédéral a dressé un acte d'accusation contre

19 Franjo Tudjman pour avoir écrit une lettre au président américain Bush

20 senior ?

21 R. Cela je ne sais pas, je n'ai pas connaissance de l'existence de cette

22 lettre, ni l'existence d'un acte d'accusation.

23 Q. Merci. Est-ce que la présidence de la République socialiste fédérative

24 de la Yougoslavie était un organe collectif ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que la présidence de la République fédérale faisait partie

27 intégrante des forces armées de celle-ci ?

28 R. Oui.

Page 4503

1 Q. Est-ce que Stipe Mesic est demeuré président de la présidence ?

2 R. Précisez la date, s'il vous plaît.

3 Q. Au mois de juin 1991.

4 R. Oui.

5 Q. M. Stipe Mesic était-il président de la présidence de la République

6 socialiste fédérative de Yougoslavie à l'époque où l'armée population

7 yougoslave a attaqué la Slovénie ?

8 R. Oui. Mais contre, il était contre.

9 Q. Je vous en prie, je vous en prie. M. Stipe Mesic était-il président de

10 la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie au

11 moment où l'armée populaire yougoslave a attaqué Dubrovnik en Croatie ?

12 R. Oui.

13 Q. Formellement ?

14 R. Formellement, oui.

15 Q. Etes-vous au courant du fait que Stipe Mesic, un haut dirigeant de la

16 JNA à cette époque-là, aurait à quelque moment que ce soit, écrit à l'état-

17 major de l'armée yougoslave pour ordonner de s'opposer à l'attaque contre

18 la Slovénie et la Croatie et de ramener l'armée dans ses casernes ?

19 R. Je crois que c'est délibérément que vous posez une question

20 unilatérale, mais je vous répondrai. Le président Mesic a été très actif à

21 cette époque-là pour empêcher l'intervention de l'armée population

22 yougoslave en Slovénie. Son voyage, et chacun est au courant de cela, son

23 voyage le prouve ainsi que les actes des autres membres de la présidence

24 qui ont travaillé à cette fin à ses côtés et, d'ailleurs, cela, nous

25 pourrons tirer ces points au clair sans difficulté.

26 Q. Ma question était très simple. Est-ce que vous seriez au courant qu'il

27 aurait rédigé un ordre ?

28 R. Un ordre, cela je ne sais pas, car il s'agit de communications internes

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1 entre le président dans sa qualité de commandement en chef avec ceux qui

2 dépendent de lui, donc ne me poussez pas dans quelque chose, dans un

3 domaine où je n'ai aucune connaissance.

4 Q. D'accord, d'accord, très bien. Monsieur Manolic, est-ce qu'il y a bien

5 plus de 4 millions de Croates qui vivent en-dehors du pays ?

6 R. Je ne les ai pas dénombré, mais selon certaines statistiques ou plutôt

7 selon certains chiffres qui s'infiltrent dans certains documents et

8 certains ouvrages, je crois qu'effectivement ce chiffre circule.

9 Q. Est-ce que ces personnes au début de la dépendance de la République de

10 Croatie, au moment où celle-ci était agressée, est-ce que ces personnes ont

11 apporté une aide financière à la République de Croatie ?

12 R. Oui.

13 Q. Autrement dit, ont-ils aidé le peuple croate ?

14 R. Là encore, vous m'ôtez les mots de la bouche.

15 Q. Donc, ces Croates qui ont immigrés pour des raisons politiques ou

16 économiques, est-ce qu'il y en avait en pourcentage, un pourcentage

17 majoritaire qui venait d'Herzégovine ?

18 R. Oui, je crois.

19 Q. Après que les partisans soient intervenus en-dehors des tribunaux et

20 en-dehors du droit ?

21 R. Rien ne s'est fait en-dehors des tribunaux, ni en-dehors du droit.

22 Vous, simplement, vous étiez de l'autre côté, du côté des fascistes. C'est

23 tout.

24 Q. Merci. Monsieur Manolic, vous avez dit, hier, ici, combien le

25 financement du HVO avait coûté à la République de Croatie et, en répondant

26 à ces questions, vous avez dit une fois un milliards de marks et une

27 deuxième fois un milliard de dollars, quel est le chiffre exact, dollars ou

28 marks ?

Page 4505

1 R. Je ne sais pas, d'ailleurs j'ai fait un commentaire, j'ai dit qu'il

2 s'agissait d'un chiffre approximatif et qu'il était hors de question de le

3 considérer comme totalement précis car ce qui m'intéressait à ce moment-là,

4 c'était les effectifs numériques du HVO.

5 Q. Est-ce qu'à quelque moment que ce soit, vous avez demandé à l'état-

6 major du HVO de vous donner le nombre exact des membres du

7 HVO ?

8 R. Non, parce qu'il y avait un combat, et vous le savez bien, qu'il n'y

9 avait pas de communication à ce moment-là entre les partis d'opposition et

10 l'armée de Croatie.

11 Q. Monsieur Manolic, en 1994, vous êtes entrée dans l'opposition ?

12 R. C'est à ce moment-là que j'ai fait l'analyse dont nous venons de

13 parler. Je vous en prie, ne perdez pas de vue les dates car sinon nous ne

14 pourrons pas réussir.

15 Q. Mais en 1991, en 1992, en 1993, le HVO existait et je suppose que les

16 gens qui en faisaient partie, là-bas, savaient quel était le nombre de

17 membres du HVO, de soldats du HVO ?

18 R. J'en doute, j'en doute.

19 Q. Vous en doutez, merci beaucoup. Est-ce que vous pourriez remettre

20 l'analyse dont vous êtes l'auteur aux avocats du Tribunal ?

21 R. Quelle analyse ? Mon analyse elle figure dans l'ouvrage dont je suis

22 l'auteur. Je maintiens donc ce que j'ai dit dans ce livre.

23 Q. Est-ce que vous savez combien d'argent a été déversé en Croatie par les

24 immigrés politiques et économiques de Bosnie-Herzégovine ? Cet argent avait

25 pour but d'assurer la défense du peuple croate de Bosnie-Herzégovine face à

26 l'agression, indépendamment de l'identité de l'agresseur; est-ce que vous

27 êtes au courant de cela ?

28 R. Non, vous ne le savez pas non plus, d'ailleurs, vous ne pouvez

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1 qu'émettre des spéculations à ce sujet, car cette source d'argent venant de

2 l'étranger, de l'immigration était totalement incontrôlée, ne l'oubliez

3 pas. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, des organisations

4 criminelles se sont développées en rapport avec ces sommes, mais cela ce

5 n'est pas le sujet dont nous discutons ici.

6 Q. Monsieur Manolic, est-ce que vous savez qu'à l'instar de dizaines de

7 milliers d'autres personnes, je suis parti pour Sunja, non loin de Sisak en

8 qualité de volontaire et en violation des lois de la Fédération et que j'y

9 suis allé avec un fusil à la main pour assurer la défense du pays. Est-ce

10 que vous êtes au courant de cela ?

11 R. Non, je ne suis pas au courant de ce détail.

12 Q. Je vous en prie, je vous en prie. Est-ce que vous pourriez dire aux

13 Juges de la Chambre si vous avez connaissance directement ou indirectement

14 d'un quelconque fait ou d'un quelconque renseignement me concernant qui

15 vous permettrait de témoigner du fait que, de quelque façon que ce soit,

16 j'ai commis -- j'ai fait -- omis de faire ou encourager des tiers à faire

17 quelque chose qui pourrait être considéré comme un acte criminel tombant

18 sous le coup de la loi ?

19 R. Je peux certainement vous dire que je ne dispose pas d'un tel

20 renseignement.

21 Q. Merci beaucoup de votre patience. Je regrette que nous nous soyons

22 retrouvés de deux côtés différents ici, de deux côtés opposés, ici.

23 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie

24 du temps que vous m'avez accordé. Je préférerais garder le silence si les

25 choses étaient possibles. D'ailleurs, j'essayerai de le faire le plus

26 souvent possible, à moins d'être sûr de pouvoir apporter des

27 éclaircissements que d'autres ne peuvent pas apporter.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Scott, je présume que c'est

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1 pour vos pièces.

2 M. SCOTT : [interprétation] Je le ferais, Monsieur le Président,

3 lorsque la Chambre me le demandera, maintenant ou plus tard. Mais

4 j'aimerais simplement mettre l'accent sur deux ou trois petits en rapport

5 avec le calendrier et les horaires. D'abord, Monsieur le Président, je

6 crois avoir compris que la décision de la Chambre portant sur les limites

7 du contre-interrogatoire a été confirmée par la Chambre d'appel, à savoir

8 que le temps imparti à la Défense devait être égal à celui imparti à

9 l'Accusation, confirmé donc par la Chambre d'appel.

10 Deuxièmement, je sais que sur la base de cette décision, de la

11 Chambre de première instance, désormais confirmée par la Chambre d'appel,

12 chacune des équipes de la Défense devrait disposer de 55 minutes environ

13 pour interroger le témoin qui est ici. M. Praljak a déjà utilisé une heure

14 et 30 minutes. Il est clair que la Défense de M. Praljak a utilisé une

15 partie du temps imparti à d'autres équipes de la Défense. Donc, je me

16 demandais si, peut-être, la chose ne devrait pas être prise en compte par

17 les uns et les autres.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, ma façon

20 d'interpréter la première décision de la Chambre est la suivante :

21 d'accord, j'y ai vu une certaine flexibilité dès lors qu'un témoin prononce

22 le nom de diverses personnes. Ce témoin a prononcé le nom de mon client, a

23 prononcé le nom de M. Praljak, de M. Stojic, ainsi que celui de M.

24 Petkovic. Donc, en vertu de votre première décision, je ne vois pas

25 pourquoi la Défense ne pourrait pas disposer du temps nécessaire pour son

26 contre-interrogatoire.

27 J'ai également indiqué hier que la façon dont l'Accusation présente

28 sa thèse est, tout à fait, délibérée et a pour but de faire obstruction à

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1 la justice. L'Accusation agit ainsi car elle a peur de la vérité car elle

2 ne veut pas la voir éclater.

3 M. SCOTT : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

4 Objection, Monsieur le Président, ce n'est pas vrai.

5 M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai le droit de dire ce que je dis

6 pour le compte rendu d'audience. A mon avis, l'Accusation se comporte de

7 manière contraire à l'éthique car une phrase, une phrase et demie est tirée

8 d'un document entier et une question est ensuite posée au témoin sur cette

9 base. Ce qui empêche toute possibilité de témoigner. Peut-être que ceci

10 peut être le fait d'un Etat fasciste mais cela ne devrait pas être fait

11 dans un tribunal international.

12 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, j'objecte avec la

13 plus ferme vigueur. Ne regardons pas le compte rendu d'audience. Me

14 Karnavas vient de m'accuser. Il a accusé Kent Scott, un professionnel. Il

15 m'a accusé personnellement --

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.

17 M. SCOTT : [interprétation] -- d'avoir fait obstruction à la justice

18 --

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.

20 M. SCOTT : [interprétation] -- et d'agir contrairement à l'éthique.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.

22 M. SCOTT : [interprétation] Il doit savoir qu'il s'agit d'accusations

23 graves et j'aimerais insister pour dire qu'il est inacceptable que de

24 telles accusations soient faites dans une instance comme ce tribunal et que

25 je sois accusé de faire obstruction à la justice et de me conduire

26 contrairement à l'éthique. Je fais objection.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Comment est-il possible de confronter tous

28 les éléments de cette déposition si on cherche la vérité dans les

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1 conditions où l'obstruction à la justice est faite comme l'a fait

2 l'Accusation ?

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien --

4 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, que l'obstruction est un outrage

6 à la Cour, donc, il n'est pas envisageable une seconde que quelqu'un ait

7 l'intention de faire obstruction à la justice. Bon. Donc, calmez les uns et

8 les autres. La question, qui est posée, est de savoir le temps qui reste.

9 Bon, apparemment, la Chambre d'appel a confirmé la décision que nous avions

10 rendue sur la durée du contre-interrogatoire. Je n'en ai pas encore la

11 teneur puisque cela a été enregistré ce matin. Donc, nous prendre

12 connaissance. Tout ce que nous savons pour ce témoin, nous avons encore une

13 heure et demie, ce matin, et puis trois heures, cette après-midi. Donc, il

14 nous reste quatre heures et demie, plus demain où nous avons également

15 encore quatre heures si j'enlève les temps des "break". Donc, c'est quatre

16 heures plus trois heures, sept heures plus une heure et demie, il nous

17 reste huit heures et demie. Donc, dans les huit heures et demie, beaucoup

18 de choses pourront être dites par les uns et par les autres. M. Praljak a

19 abordé un certain nombre de sujets. Il ne sera peut-être pas utile pour les

20 autres de revenir, sauf si vous l'estimez utile sur le type de sujet.

21 Donc, il vous reste huit heures et demie. N'oubliez pas que

22 l'Accusation n'a pris que cinq heures et 25 minutes, je crois. Depuis hier,

23 nous avons passé presque trois heures dans le début du contre-

24 interrogatoire. Donc, en huit heures et demie, normalement, en faisant des

25 efforts de discipline, on doit et vous devez pouvoir terminer le contre-

26 interrogatoire. Donc, je vous fais confiance et voilà. Bien entendu, la

27 Chambre essaie d'être flexible au maximum pour que tout le monde soit

28 satisfait et n'ait pas l'impression que nous évacuions les problèmes.

Page 4510

1 Beaucoup d'éléments sont apportés lors du contre-interrogatoire. C'est fort

2 utile. Donc, centrez-vous sur les éléments très importants qui sont utiles

3 à la Chambre ?

4 Alors, nous nous arrêtons. Il est 10 heures 35. Nous reprendrons dans 20

5 minutes aux environs de 11 heures moins 5.

6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

7 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise.

9 Deux observations : tout d'abord, j'invite les avocats et les accusés à ne

10 pas faire d'attaque personnelle contre le représentant de l'Accusation qui

11 fait son travail. Si son travail est mal fait la sanction sera

12 l'acquittement total ou partiel - c'est le jeu judiciaire - donc

13 l'Accusation présente une thèse vous pouvez la critiquer mais on critique

14 la thèse one ne critique pas celui qui soutient la thèse. Donc évitez les

15 mises en cause personnelles, qui n'ont rien à voir dans cette enceinte.

16 Cela ne sert à rien. Nous sommes des Juges professionnels, nous prenons

17 connaissance donc des éléments de preuve, nous savons apprécier les

18 arguments des uns et des autres. Donc, cela ne sert à rien d'accuser

19 l'autre partie de turpitudes car de toute façon nous aurons nous à statuer

20 sur tous les éléments de l'acte d'accusation. Donc je tenais à rappeler

21 cela pour que l'audience se déroule le mieux possible et dans le meilleur

22 esprit.

23 Deuxièmement, comme vous le savez, la Chambre d'appel a rendu une

24 décision qui confirme intégralement nos décisions antérieures à savoir que,

25 conformément à l'article 90(F) c'est la Chambre, qui a pris souverainement

26 et discrétionnairement le temps alloué à la Défense. Donc, la règle

27 générale c'est que la Défense a le même temps que l'Accusation qu'il

28 convient dans certains cas de vous partager le temps mais comme le dit et

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1 note la Chambre d'appel nous avons invité à plusieurs reprises les avocats

2 à se réunir entre eux pour que collectivement entre eux ils désignent un

3 des avocats pour mener le contre-interrogatoire à titrer général ou

4 principal et que les autres interviennent à la marge. Comme je l'ai dit à X

5 reprises, ce n'est pas la peine que chacun revienne pour redire les mêmes

6 choses.

7 Donc vous avez ce travail collectif à faire. Même, si parfois entre

8 vous vous n'êtes pas d'accord, vous devez avoir un point d'accord général

9 qui permet à celui qui mène le contre-interrogatoire aux noms de tous de

10 poser des questions d'ordre général. Puis, quand on arrive aux problèmes

11 personnels de responsabilités personnelles, à ce moment-là, s'il apparaît

12 qu'un témoin n'a cité à aucune reprise les noms des accusés, la question ne

13 se pose pas. S'il a cité quelques noms, il est logique à ce moment-là que

14 les avocats dont le nom a été cité interviennent plus par rapport à ceux

15 dont les noms n'ont pas été cités.

16 Voilà. Donc, c'est à vous de vous discipliner les uns et le

17 autres, et c'est à vous de voir qui doit à titre principal aux noms de tous

18 poser les questions donc contre-interrogatoire d'ordre général et, ensuite,

19 à titre individuel vous intervenez pour votre propre cas, si le cas se

20 pose, parce qu'il y a un document où il y a le nom de votre client. Mais,

21 dans le cas contraire, à ce moment-là, il y a la division du temps, comme

22 le rappelle la Chambre d'appel, n'oubliez pas que nous sommes aussi pris

23 dans des contraintes de temps et de ressources. L'idéal serait que tout le

24 monde est du temps pour épuiser tous les sujets mais nous n'avons pas

25 malheureusement ce temps.

26 Alors, je pense que nous n'aurons aucun problème si entre vous dans un

27 premier temps vous travaillez collectivement pour savoir qui à titre

28 principal va contre-interroger le témoin. Si vous n'y arrivez pas, à ce

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1 moment-là, nous tombons dans la règle que la Chambre d'appel avalise, à

2 savoir, on divise le temps par six. Voilà. C'est pour cela que la Chambre a

3 toujours été flexible. Nous ne voulons pas donner l'impression que nous

4 vous coupons la parole, mais c'est à vous de vous disciplinez. S'il n'y a

5 pas d'accord, vous nous dites : "On n'est pas d'accord sur tel ou tel

6 point," et à ce moment-là, vous intervenez sur les points à titre

7 individuel.

8 Alors, pour ce témoin, ce qui me permet de dire qu'en tout état de cause,

9 nous terminerons avec lui demain à 13 heures 45. N'oubliez pas également

10 qu'il faut laisser aussi quelque temps au Procureur pour ses questions

11 supplémentaires, s'il en a besoin, donc il vous reste plus de huit heures.

12 En huit heures, on peut faire beaucoup, énormément. Voilà.

13 Alors, je vais maintenant donner la parole, je crois que c'est Me Kovacic

14 qui va intervenir.

15 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne vais pas

16 passer beaucoup de temps à vous dire sur quoi s'est mis d'accord la

17 Défense, mais nous sommes conscients de la situation à laquelle nous sommes

18 confrontés. Vous nous l'avez explicité, et je pense que nous pourrons en

19 terminer dans le temps que vous avez indiqué.

20 Mais, avant de commencer le contre-interrogatoire, une correction,

21 page 36, ligne 4 du compte rendu d'audience, il convient ici de dire "le

22 jeune Etat" et non pas "le longue Etat." J'aimerais que cela soit corrigé

23 au compte rendu d'audience en anglais. Donc, "young," au lieu de "long".

24 Maintenant, j'aimerais attirer votre attention sur autre chose. Dans

25 le tableau des témoins qui vont être entendus dans la prétoire que nous

26 avons reçu du bureau du Procureur avec le mémoire préalable au procès,

27 conformément partiellement à votre décision du 13 novembre, on peut lire

28 que le témoin, Josip Manolic, est le Témoin M et le Témoin M est qu'on

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1 établit un lien entre lui et Slobodan Praljak. Je ne vois pas très bien

2 pourquoi, ceci est indiqué.

3 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :

4 Q. [interprétation] Mais quoi qu'il en soit, bonjour, Monsieur

5 Manolic. Je m'appelle Bozidar Kovacic, je suis avocat de l'île de Krk, et

6 je vais vous demander d'observer une pause entre le moment où je vous pose

7 ma question et le moment où vous répondez, parce que nous parlons tous les

8 deux la même langue et, bien naturellement, nous aurons tendance à réagir

9 immédiatement -- l'intervention de l'un et d l'autre. Mais il ne faut pas

10 oublier que tout ce que nous disons doit être interprété si bien qu'il

11 convient de laisser un petit peu de temps aux interprètes pour faire leur

12 travail, donc, veuillez observer une pause avant de répondre. Merci,

13 d'avance.

14 Monsieur Manolic, j'aimerais préciser une question d'ordre général

15 sur laquelle vous êtes exprimé au cours de ces deux dernières journées. Je

16 suis certain que vous conviendrez qu'il ressort de votre déclaration que la

17 République de Croatie quand elle est devenue indépendante - quand elle a

18 été créée en 1990, cette république avait le droit, au sens -- le droit et

19 l'obligation morale de tenir compte des Croates qui se trouvaient en

20 Bosnie-Herzégovine dans le contexte de la désintégration de la République

21 fédérale socialiste de l'Yougoslavie; en conviendrez-vous ?

22 R. Oui.

23 Q. Toutes les parties en présence, tous les partis, tous les acteurs

24 politiques étaient d'accord sur ce point, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Pouvez-vous également convenir qu'à ce moment-là au moment de la

27 désintégration de la Yougoslavie et de la création d'une nouvelle Croatie

28 et de nouvelles relations entre les anciennes républiques, est-ce qu'à ce

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1 moment-là, donc, les intentions de la République de Croatie et de ses

2 dirigeants politiques - c'est à eux que je pense en premier lieu - ses

3 intentions étaient des plus honnêtes, des plus respectables du point de vue

4 moral ?

5 R. Oui.

6 Q. Quand on écoute les réponses que vous avez données précédemment, il

7 semble que selon vous et selon vos opinions politiques certaines erreurs

8 ont été commises dans le cadre des politiques menées à ce moment-là au fil

9 de l'évolution de la situation et il semble que selon vous le feu président

10 Tudjman a fait le choix -- a fait des choix politiques erronés, en tout cas

11 il a choisi une approche qui était différente de celle que vous estimiez

12 judicieuse.

13 R. Oui. Je pense que tout ce que j'ai dit au sujet de cette période le

14 montre très clairement.

15 Q. Oui. C'est exact. De plus, vous avez indiqué précisément quels étaient

16 les points sur lesquels vous étiez en désaccord avec lui, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. L'une de ces questions c'était la définition de la politique de la

19 Croatie envers la Bosnie-Herzégovine; est-ce que c'est bien exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Pendant cette même période, pendant ces mêmes événements, pendant ce

22 même processus, je voudrais qu'on parle du -- donne le revers de la

23 médaille, c'est-à-dire, ce qui se passait de l'autre côté. Conviendrez-vous

24 avec moi que dès 1991, après l'agression serbe contre la Croatie, la même

25 chose se passait en Bosnie-Herzégovine ? C'était clair, enfin, quand je dis

26 cela, c'est que je veux dire que c'était la même chose pour les dirigeants

27 politiques et pour l'ensemble du peuple.

28 R. Il faut faire la différence entre l'agression serbe contre la Bosnie-

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1 Herzégovine. C'est autre chose que le conflit entre les Croates et les

2 Musulmans.

3 Q. Bien sûr.

4 R. A moment-là, on ne pouvait pas savoir que le deuxième conflit allait se

5 dérouler.

6 Q. Oui, je sais, mais vous conviendrez avec moi que vu ce qui s'est passé

7 en 1990, en 1991, l'agression de la Croatie, notamment, à un moment donné,

8 au cour de cette période, au cour de ce processus dialectique, il est

9 apparu clairement pour tout le monde, aussi bien les hommes politiques que

10 tout le monde, que dans la période qui suivrait immédiatement, et c'est ce

11 qui s'est passé, la JNA -- ou plutôt, les forces armées contrôlées par la

12 Serbie entreprendraient des opérations et occuperaient la Bosnie-

13 Herzégovine ?

14 R. Oui, mais dans des circonstances assez différentes. Elle a eu une

15 attitude agressive envers la Croatie avec l'aide des rebelles ou de

16 certains d'entre eux, alors qu'en Bosnie-Herzégovine, la majorité de ses

17 actions ont été menées par une faction, la faction de Karadzic. Les

18 rebelles serbes de Bosnie-Herzégovine contre le gouvernement de Bosnie-

19 Herzégovine.

20 Q. Oui, nous pouvons en convenir. Mais quelques soient les structures

21 précises de ces forces que nous qualifierons de forces d'agression, il n'en

22 reste pas moins que la guerre, l'agression, les persécutions et tous ces

23 faits regrettables qui accompagnent les guerres, tout cela, on aurait pu le

24 prévoir, on aurait pu se douter que cela allait arriver.

25 R. On aurait seulement pu prévoir l'agression des rebelles serbes. Mais à

26 cette époque-là, en 1990, on ne pouvait pas savoir qu'il y aurait un

27 conflit entre les Croates et les Musulmans, on ne pouvait pas le prévoir.

28 Q. Oui, je parle du premier conflit, de l'agression. Lorsque cette

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1 agression serbe a commencé en Bosnie-Herzégovine, très peu de temps après,

2 vous avez reçu des informations qui étaient plus ou moins publiques.

3 J'imagine que vous, en tant que membre des plus hautes instances

4 politiques, vous le saviez, en tout cas, il était de notoriété publique que

5 les gens souffraient, que la population souffrait et que l'agression serbe

6 a fait des victimes, a fait des réfugiés, aussi bien parmi les Croates que

7 parmi les Musulmans.

8 R. Oui, au sein également des Hongrois et de tous les non-Serbes.

9 Q. Oui, c'est exact, toutes les personnes qui vivaient à cet endroit. Mais

10 on peut dire que vu les chiffres, les principales victimes ont été les

11 Musulmans et les Croates. Une fois encore, avec l'évolution de la situation

12 à partir de 1991, les Croates et les Musulmans dans toutes les zones de

13 Bosnie-Herzégovine ont commencé à s'organiser, à organiser leur défense

14 pour essayer de se défendre contre cette agression serbe.

15 R. Oui, de la grande agression serbe, mais je ne veux pas parler du peuple

16 serbe, mais de la politique de la Grande-Serbie, de la politique de

17 conquête.

18 Q. Je suis content de voir que nous sommes d'accord sur ce point. Donc,

19 les premières victimes ont commencé à essayer de se défendre contre cette

20 agression.

21 R. Oui.

22 Q. Dans le même moment, tous les peuples de Bosnie-Herzégovine, toutes les

23 communautés ethniques ont essayé de défendre leur position pour créer une

24 future Bosnie-Herzégovine, pour se préparer à cette future Bosnie-

25 Herzégovine après la guerre. Ils voulaient savoir pourquoi on faisait la

26 guerre. Nous, les Croates, les Musulmans, les autres groupes ethniques,

27 nous voulons savoir pourquoi nous combattons et quelle sera la situation

28 après, en Bosnie-Herzégovine, ce qu'on peut en attendre; est-ce que vous en

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1 convenez ?

2 R. Oui, c'est normal.

3 Q. Bien. Le fait qu'avec le début de l'agression serbe, le début de la

4 guerre, les premières victimes qui se multiplient, parallèlement à tout

5 cela, on voit que les Croates qui sont le groupe ethnique le moins nombreux

6 par rapport aux autres, les Croates ne reçoivent absolument aucune garantie

7 du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, de ses dirigeants administratifs et

8 politiques. On ne leur donne aucune garantie sur ce qu'ils peuvent attendre

9 du futur, une sorte de Serbo-slavie ou une sorte d'Etat qui sera dominé par

10 les Musulmans ou encore les droits des minorités, les droits d'une nation

11 minoritaire, les droits qui leur avaient été conférés par la constitution

12 de 1974 en tant que nation constituante, donc, les Croates ignoraient ce

13 qui les attendait et les dirigeants musulmans dans les négociations, dans

14 les pourparlers, ne voulaient pas leur dire clairement ce qu'allait être la

15 situation, ce pourquoi ils allaient combattre. Conviendrez-vous qu'en 1991,

16 1992, les Croates de Bosnie n'ont jamais reçu de garantie, n'ont jamais

17 reçu de promesses de la part de leur partenaire - parce qu'à l'époque ils

18 étaient encore partenaires - on ne leur jamais donné de garanties sur ce

19 que serait leur situation dans la Bosnie-Herzégovine de l'avenir ?

20 R. Vous n'avez pas tout à fait raison sur ce point car il y a eu des

21 contacts, des communications entre la présidence de l'Etat croate et celle

22 de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. J'ai participé à une réunion semblable à

23 Sarajevo. Les relations à l'époque étaient encore tout à fait acceptables,

24 tout à fait bonnes, je parle des relations entre les Croates et les

25 Musulmans. Donc, quand nous avons parlé -- mentionné les tentatives des

26 Croates de Bosnie-Herzégovine de s'organiser, nous nous sommes tous

27 félicité de voir ces groupes ethniques rassembler leurs forces, de

28 s'organiser parce que nous pensions que c'était leur seule manière pour eux

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1 de résister à l'ennemi.

2 Q. Je suis d'accord avec vous, mais la situation a évolué, il y a eu de

3 nouvelles négociations avec des représentants des Croates et des Musulmans

4 en Bosnie et les Serbes aussi ont été représentés lors de ces réunions,

5 mais le fait est - et là c'est mon évaluation de la situation que vous

6 pouvez acceptez ou non ou contester - le fait est que l'impression qu'avait

7 les Croates en Bosnie-Herzégovine de tout cela, c'est que leurs dirigeants

8 politiques de l'époque, c'est-à-dire les dirigeants politiques des

9 Bosniens, en Bosnie-Herzégovine, ne leur donnaient aucune garantie, ne leur

10 faisaient aucune promesse quant au statut qui serait le leur dans la future

11 Bosnie-Herzégovine. J'imagine que vous conviendrez avec moi que c'est

12 exact ?

13 R. Oui, mais pas entièrement. Parce que j'ai participé à des réunions et

14 des discussions entre Izetbegovic et Tudjman et Izetbegovic a demandé au

15 représentant [pas de texte] des Musulmans, il a demandé aussi à ce que M.

16 Boban, soit le ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine. Donc, ceci,

17 on oublie souvent de côté de ceux qui ne partagent pas mon opinion. Mais

18 précisons les choses, je vais vous dire quelle a été la réponse données à

19 Izetbegovic.

20 Q. Un instant, nous ne sommes pas encore arrivés à cette question-là. Ces

21 négociations au cours desquelles Izetbegovic a généreusement offert à Boban

22 le poste de ministre de la Défense, cela c'était déjà en 1993.

23 R. Oui.

24 Q. Cela, c'est déjà vers la fin de 1993, à un moment où on a essayé de se

25 réconcilier après le début du conflit. Ce sont-là des efforts entrepris

26 pour remédier à la situation. Je vous parle d'une période précédente. Je

27 pense que nous conviendrons tous deux que s'agissant de l'époque dont on

28 est train de parler, on n'a fourni aucune garantie quant à leur statut à

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1 l'avenir. Pour dire les choses très simplement, pour l'homme de la rue,

2 Izetbegovic envoyait un message qui n'était pas le bon, les gens voyaient

3 que l'Etat ne fonctionnait pas, qu'on ne leur faisait aucune promesse. Il

4 voyait que la Croatie ne lui fournissait pas une véritable assistance.

5 M. SCOTT : [interprétation] Me Kovacic est en train de prononcer sa

6 plaidoirie de clôture. Ce ne sont pas des questions que nous entendons ici.

7 Il suffit de regarder le compte rendu d'audience pour s'en convaincre. Me

8 Kovacic nous présente sa thèse. Il développe ses arguments. Il n'y a pas de

9 questions à poser au témoin. Quand on nous dit, par exemple, que tous les

10 Croates vivant en Bosnie-Herzégovine pensaient ceci ou cela. Donc,

11 objection sur la forme et aussi et il s'agit, uniquement ici, d'hypothèses.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, vous présentez une thèse. Allez

13 plutôt aux questions qui sont intéressantes pour vous et dont les réponses

14 peuvent être utiles aux Juges parce que votre thèse, elle est exposée déjà

15 dans votre mémoire. Vous allez la reprendre ultérieurement. Donc, on la

16 connaît. Ce n'est pas le témoin qui va dire que vous avez raison ou que

17 vous avez tort.

18 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis tout à fait

19 d'accord. Je souhaite simplement indiquer aux Juges de la Chambre que vu

20 les fonctions occupées par le témoin, nous avons ici un homme politique

21 chevronné, quelqu'un, de très bien, informé. Nous avons donc un témoin qui

22 est en mesure de nous dire si ces thèses, elles reposaient sous les feux ou

23 pas. C'est la raison pour laquelle que je pose ces questions. Je pense que

24 j'ai le droit de présenter ma thèse au témoin. Cependant, je vais le faire

25 maintenant d'une manière, un petit plus succinct ou simplement.

26 Q. Monsieur Manolic, n'abusons pas de la patience de toutes les personnes

27 présentes ici. Je crois que nous nous comprenons, très bien, nous deux.

28 Conviendrez-vous, bien entendu, on ne pas quantifier la chose, mais

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1 conviendrez-vous qu'il y avait pas mal de gens, pas mal de Croates en

2 Bosnie-Herzégovine qui comprenaient, qui voyaient que personne ne leur

3 garantissait quelques sécurités que ce soit dans le système qui allait

4 s'installer à l'avenir ?

5 R. Mais, les Musulmans ne pouvaient s'attendre à aucune situation

6 véritablement sûre, aucune sécurité. Pendant ces premiers mois de 1991,

7 personne en Bosnie-Herzégovine ne pouvait être certain de son avenir. Aucun

8 des groupes ethniques n'avait aucune certitude.

9 Q. Oui, je suis entièrement d'accord avec vous. Nous avons constaté, nous

10 avons vu à quoi a mené cette incertitude. Il n'existait pas vraiment

11 d'alliance véritablement solide entre les Musulmans et les Croates contre

12 l'agression de la Grande-Serbie. Nous avons vu que dans la période qui a

13 suivi, fin 1992 et 1993, nous avons pu constater qu'aussi bien, les

14 Musulmans que les Croates ont enregistré de terribles pertes. On a compté

15 un grand nombre de victimes. Pourquoi ? Parce qu'ils n'ont pas réussi à

16 s'organiser à temps.

17 R. Oui, c'est vrai. Mais là, vous oubliez une période pendant laquelle les

18 Musulmans et les Croates se sont opposés à l'agression serbe, au tout

19 début.

20 Q. Oui.

21 R. Vous avez passé sous silence, cette époque-là, et vous êtes passé à une

22 période ultérieure.

23 Q. Oui, mais sans entrer dans tous les détails, on peut qu'ils ne se

24 faisaient plus confiance. Personne n'avait fait à qui ce soit de promesses

25 au sujet de l'avenir si bien que l'alliance n'était pas suffisamment

26 solide. Voilà ce que j'affirme.

27 R. Oui. Le simple fait que l'alliance se soit effondrée, qu'elle se soit

28 limitée, le confirme.

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1 Q. Monsieur Manolic, conviendrez-vous que tout au long de ces événements

2 de Bosnie-Herzégovine, dans la mesure où vous les avez suivi, et j'imagine

3 que vous étiez mieux informé que le commun des mortels ? Conviendrez-vous,

4 Monsieur, que l'homme de la rue, aussi bien en Bosnie-Herzégovine qu'en

5 Croatie, cela n'intéressait pas les théories politiques générales au sujet

6 des droits des nations, des modifications des frontières ? Conviendrez-vous

7 avec moi que l'homme de la rue et vous étiez en contact avec les gens,

8 l'homme de la rue ? Ces gens-là, ce qui les intéressait, c'était leur

9 survie. Tout ce qu'il voulait savoir, c'était comme ils pourraient survivre

10 à cette situation extrêmement complexe de conflit, n'est-ce pas ?

11 R. Oui. Je reconnais que c'est ce qui intéressait l'homme de la rue. Mais

12 l'homme de la rue, il comprenait aussi une chose c'est qu'il fallait tenir

13 compte de ce qui allait se passer ensuite, et c'est cela qui a incité les

14 gens à s'organise et à se rassembler dans le cadre de leur communauté

15 ethnique respective.

16 Q. Oui, nous sommes, tout à fait, d'accord. C'est ma thèse, justement. A

17 un moment donné, en partie, le 18 novembre 1991, on a vu l'établissement de

18 la communauté croate de la Herceg-Bosna et on peut voir dans les comptes

19 rendus qu'il s'agissait d'une sorte d'organisation parallèle au HDZ ?

20 R. Je ne comprends pas très bien votre question.

21 Q. Etant donné qu'officiellement la communauté de la Herceg-Bosna était

22 mise en place le 18 novembre 1991 et qu'un peu plus tard, en 1992, elle a

23 commencé à s'enraciner et s'est véritablement renforcée. Vous, vous suiviez

24 la situation au sein du Conseil de la Sécurité et de la Défense nationale.

25 Vous avez pu comprendre comme d'autres l'ont fait, que la communauté croate

26 de la Herceg-Bosna était en train de se transformer en organisation

27 parallèle, une organisation parallèle à l'organisation du parti. Donc, au

28 départ, les Croates de Bosnie-Herzégovine étaient, pour la plupart, unis au

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1 sein du HDZ. Le HDZ qui était un mouvement, un parti politique. Or là, on

2 se rendait compte que les Croates commençaient à s'organiser de manière

3 différente, d'une manière plus affirmée, d'une manière parallèle.

4 Est-ce que vous en avez parlé au sein du Conseil de la Sécurité de la

5 Défense nationale ?

6 R. Pour moi, je ne voyais pas là une organisation parallèle s'installer.

7 Au contraire, j'avais le sentiment que c'était le HDZ qui avait mobilisé

8 ses forces pour créer la communauté croate de la Herceg-Bosna. Je pense

9 donc que l'on ne peut définir cette institution comme étant une institution

10 parallèle. Je pense qu'il vaudrait mieux dire qu'il s'agit, là, d'une

11 action concertée, commune. L'organisateur, c'était le HDZ et cette

12 institution a été créée en tant que structure du HDZ, structure créée par

13 le HDZ pour se transformer en autre chose, pour se transformer en structure

14 étatique.

15 Q. Oui, mais vous conviendrez que quelque soit cet objectif présumé que

16 vous venez de définir, l'idée, l'objectif, c'était de renforcer la défense

17 de la communauté parce qu'il n'y avait aucune promesse, aucune garantie qui

18 a été faite pour l'avenir.

19 R. Mais personne n'aurait pu de telles promesses. Mais vous savez bien

20 quelle a été l'implication de la communauté internationale pour résoudre

21 ces difficultés qu'il y a eu toutes sortes d'accords, d'idées qui étaient

22 lancées sur la manière de trouver une solution pacifique à ce qui passait,

23 à ce moment-là, dans la région.

24 Q. Oui, c'est exact. Mais, sans citer précisément les comptes rendus des

25 réunions, mais vous venez de nous en donner une idée. Le président Tudjman,

26 il me semble, à deux reprises, dit dans les comptes rendus qu'il a eu des

27 réunions - je paraphrase. Ici, bien sûr, il a déclaré que la situation en

28 Bosnie-Herzégovine, vu sa complexité, ne pourrait être résolue ni par les

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1 Croates, ni par les Serbes, ni par les Musulmans, mais par la communauté

2 internationale. C'est une position qu'il a toujours maintenue; conviendrez-

3 vous qu'il l'a répété à plus d'une reprise ?

4 R. Oui, il l'a répété plusieurs fois. Il a dit que l'influence de la

5 communauté internationale pourrait se révéler décisive dans la recherche

6 d'une solution à la situation en Bosnie-Herzégovine; c'est exact.

7 Q. En tant qu'homme politique actif à l'époque, conviendrez-vous que la

8 communauté internationale n'a rien entrepris -- n'a pas fait ce que nous

9 attendions qu'elle fasse ? Peut-être avions-nous fait preuve d'un excès

10 d'optimisme.

11 R. Non. Je ne dirais pas qu'ils n'ont rien fait. Ils ont cherché

12 activement une solution mais la situation était extrêmement en Bosnie-

13 Herzégovine, complexe à un tel point que la communauté internationale a eu

14 beaucoup de mal à résoudre la situation.

15 Q. Merci beaucoup.

16 M. KOVACIC : [interprétation] Je vais maintenant passer à un autre sujet

17 avec deux ou trois brèves questions à l'intention de la Chambre parce que

18 je pense que ce sont des points sur lesquels nous sommes d'accord.

19 Q. Veuillez donc répondre brièvement par oui ou par non. Pour que nous

20 avancions, vous nous avez dit que vous étiez l'un des fondateurs du HDZ en

21 Croatie. Je me réfère ici à le compte rendu d'audience du 3 juillet,

22 premier jour de votre déposition, vous avez dit que vous étiez l'un des

23 fondateurs du parti; est-ce bien exact ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Praljak fait-il partie du cercle qu'on pourrait qualifier de cercle de

26 fondateur du parti ?

27 R. Je ne vois pas ce que cette question a avoir avec cette affaire. Mais

28 enfin puisque vous me posez la question, M. Praljak a fait partie du comité

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1 d'initiative, donc il a fait partie de ceux qui ont pris l'initiative de

2 créer le HDZ. Mais avant que le parti ne soit créé il y a eu déjà une

3 divergence entre nous. Je ne voudrais pas vous en dire davantage; c'est

4 cela.

5 Q. On pourrait avancer plus rapidement si vous m'aviez laissé vous poser

6 la question. Donc, il a fait partie du comité d'initiative.

7 R. Oui.

8 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, la période pour qu'elle soit

9 claire, c'était du temps de la RSFY.

10 R. Oui.

11 Q. C'étaient les premiers partis politiques qui ont commencé à voir le

12 jour dans ce régime communisme.

13 R. C'est exact.

14 Q. Mais, comme vous venez de le dire, M. Praljak n'est pas devenu membre

15 du parti. Pouvez-vous nous confirmer qu'il n'a jamais été membre du parti

16 du HDZ ?

17 R. Je ne peux pas vous le confirmer, lui, il peut vous le dire, car je

18 n'ai pas suivi les carnets de membres. Peut-être qu'à un moment donné il

19 est devenu membre du parti. Je ne peux pas le nier.

20 Q. Nous affirmons qu'à aucun moment il est devenu formellement membre du

21 HDZ.

22 R. Je ne le sais pas.

23 Q. D'accord. Vous ne le savez pas. Je souhaite quelques questions. Je

24 change de sujet.

25 Monsieur Manolic, je suis citoyen de Croatie, d'après mes souvenirs,

26 au moment de la création de la Croatie l'une des premières mesures prise a

27 été l'adoption d'une nouvelle constitution. C'était l'une des mesures les

28 plus importantes parmi les premières mesures prises. Vous y avez pris part,

Page 4527

1 me semble-t-il ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Est-il exact de dire qu'il y a eu pas mal de débats que ce soit au

4 parlement ou ailleurs, parmi les rédacteurs de la constitution, les

5 experts, il y a eu un débat assez large politique mené pour voir ce qui

6 devrait faire partie du préambule de la constitution ?

7 R. Oui. C'est le président Tudjman en personne qui a rédigé le préambule.

8 Q. Vous étiez proche de cela.

9 R. Oui.

10 Q. Finalement, c'est par acclamation qu'on a adopté la constitution, si je

11 puis dire puisqu'il n'y a pas eu une seule voie contre.

12 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que le témoin est inaudible.

13 M. KOVACIC : [interprétation]

14 Q. Dans ce préambule de la constitution, on peut lire la première phrase.

15 M. KOVACIC : [interprétation] Je placerais le document sur le

16 rétroprojecteur si je le trouverais.

17 Je n'ai pas l'intention de verser au document la constitution. C'est un

18 document public. C'est juste pour permettre au témoin de s'orienter pour

19 lui rafraîchir la mémoire.

20 Q. Monsieur Manolic, bien entendu, vous connaissiez bien ce texte.

21 C'est la première phrase du préambule qui m'intéresse à présent.

22 Donc, la constitution de la République de Croatie, c'est le titre, c'est

23 déjà le texte modifié. Le premier titre qu'on lit,

24 c'est : "Les sources, les bases."

25 R. Oui. Mais la constitution ne fera pas l'objet de divergence entre nous.

26 Je serais parfaitement d'accord avec vous.

27 Q. Oui, oui, mais je voudrais que la Chambre le comprenne. Donc la

28 première phrase se lit : "En exprimant l'authenticité et l'existence

Page 4528

1 étatique millénaire du peuple croate qui s'est confirmé par l'ensemble des

2 événements historiques, son existence sous différentes formes juridiques

3 par l'existence et l'évolution de la pensée créatrice de l'Etat, réflexion

4 sur le droit historique du peuple croate à la souveraineté étatique pleine

5 et entière." Ce qui s'est manifesté. Deux points.

6 Ensuite, nous avons une énumération. Vous y avez pris part en tant

7 que juriste et citoyen, j'ai lu ce document; seriez-vous d'accord avec moi

8 pour dire que ce qui suit de ce préambule -- je caricature un peu, mais je

9 suis certain que vous serez d'accord qu'Urbi [phon] et Torbi [phon] ont dit

10 par là à tout le monde : on n'est pas né de la dernière pluie nous les

11 Croates, notre Etat il date pratiquement depuis les comtés croates du VIIe

12 siècle." C'est le premier alinéa. Ensuite on énumère l'Etat médiéval, le

13 royaume, donc tous les points historiques importants.

14 C'est une suite chronologique qui reprend 12, 10, 12 points, et on

15 arrive à la constatation de la création de la Banovina croate en 1939 par

16 laquelle on rétablit l'indépendance étatique croate au sein du royaume

17 yougoslave.

18 Il me semble que vous avez joué un rôle très important dans ces

19 débats car vous avez insisté pour que cette contestation y figure. Là, on

20 en arrive aux SAVNOH. Vous avez mentionné SAVNOH. Pourriez-vous préciser ce

21 que c'est que le SAVNOH ? Pourquoi avez-vous insisté vous sur le fait que

22 SAVNOH devait figurer dans cette continuité historique ?

23 R. Parce que SAVNOH a été d'abord un organe politique représentatif et,

24 ensuite, est devenu par transformation le parlement croate. Toutes les

25 décisions prises par le SAVNOH, au cours de la Seconde guerre mondiale et,

26 par la suite, dans sa continuité, cela s'inscrit dans la continuité de

27 cette politique antifasciste de SAVNOH. Ce qui est sur le plan de la

28 Yougoslavie était AVNOJ c'était sur le plan de la Croatie SAVNOH, le

Page 4529

1 Conseil antifasciste.

2 Q. On l'a fait figurer dans le préambule.

3 R. Oui.

4 Q. Pour montrer que c'est inscrit dans la continuité historique de

5 l'évolution de l'Etat croate.

6 R. Oui.

7 Q. On voit à la fois la Banovina croate comme une entité d'avant la guerre

8 et aussi le SAVNOH qui voit le jour immédiatement après la Seconde guerre

9 mondiale et qui est la trace qui incarne l'étaticité [phon] de l'Etat.

10 Ensuite, nous avons la période qui suit jusqu'à la constitution, la fameuse

11 constitution de 1974 selon laquelle la République de Croatie, tout comme

12 les autres républiques, se voit accorder le droit à l'autodétermination --

13 R. Autodétermination.

14 Q. -- et confirme que c'est de son plein gré librement qu'elle s'associe

15 au sein de la Fédération; vous êtes d'accord avec moi ici ?

16 R. Oui.

17 Q. Donc, vous serez également d'accord avec moi pour dire que le fait de

18 citer la Banovina de 1939 dans ce préambule n'a pas d'autre objectif si ce

19 n'est de reprendre la continuité historique de l'étaticité croate ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce qu'on serait en droit de dire que ceci traduit des ambitions

22 territoriales, le fait de mentionner la Banovina ?

23 M. SCOTT : [interprétation] Mais objection, comment est-ce que ce témoin

24 peut dire quelles auraient pu être les intentions de qui que ce soit ?

25 D'après la déposition du Me Kovacic, Franjo Tudjman lui-même a rédigé de sa

26 propre main le préambule; comment peut-on savoir quelles ont été les

27 intentions du président Tudjman ? Bien entendu, on peut lire dans les

28 transcripts ce qu'il en dit lui-même, mais comment ce témoin peut savoir

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1 quelles auraient été les intentions, les objectifs de qui que soit ? Ce

2 sont des pures conjectures.

3 M. KOVACIC : [interprétation] Si je puis répondre, Monsieur le

4 Président, j'ai jeté les bases pour pouvoir poser ces questions clairement.

5 Le témoin a dit que Tudjman a rédigé de sa propre plume le préambule, mais

6 il a dit : "J'étais à côté, j'étais à proximité," donc, si lui ne peut pas

7 répondre à la question sur la Banovina, à savoir, est-ce que le fait

8 qu'elle figure là traduit des aspirations territoriales ou est-ce que cela

9 signifie - comme il vient de nous le dire et comme c'est écrit dans la

10 constitution - autre chose ? Alors, je ne vois pas à qui dois-je poser

11 cette question. Si ceci pose problème au Procureur, que sa thèse sur la

12 Banovina soit réfutée, qu'elle se trouve dans --

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Manolic, il y a la Banovina qui figure dans

14 le préambule. Pour quelle raison ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, comme vient de le dire Kovacic

16 lui-même, parce qu'on cherche à mettre en avant la continuité de

17 l'étaticité croate à travers toute l'évolution de l'histoire depuis le VIIe

18 siècle, cela c'est une chose. Mais

19 M. Kovacic omet de dire autre chose. La Banovina croate avait également son

20 territoire et à travers ce procès, je suppose que c'est cela qui sera

21 mentionné, ce territoire occupé par la Banovina. Vous êtes d'accord avec

22 moi, n'est-ce pas, qu'il y avait aussi un territoire défini pour la

23 Banovina ?

24 M. KOVACIC : [interprétation]

25 Q. Oui, je suis absolument d'accord avec vous, Monsieur Manolic, mais,

26 d'après votre définition, vous êtes d'accord pour dire qu'on l'a fait

27 figuré dans le préambule pour exprimer l'étaticité, donc, pas des

28 revendications et aspirations territoriales. Vous étiez d'accord.

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1 R. Non, je n'étais pas d'accord là-dessus. Au moment de la création de la

2 Banovina, on a défini deux choses. Premièrement, le fait qu'elle avait un

3 caractère étatique et, d'autre part, ses frontières, son territoire.

4 Q. Je ne voudrais pas polémiquer avec vous, Monsieur Manolic, mais, par

5 voie d'analogie, il y a des aspirations territoriales également lorsque on

6 évoque les comtés croates du VIIe siècle.

7 R. Oui, bien sûr, mais il n'y a pas lieu d'en parler. Chacun de ces comtés

8 avait nécessairement ses frontières et ces frontières étaient-elles fermes

9 ou étaient-elles perméables ou échangeables, cela c'est une autre chose.

10 Q. Pour ne pas perdre de temps, nous, les Croates, on pourrait passer

11 beaucoup de temps à en parler.

12 R. Je dois dire que j'éprouve même du plaisir à en parler avec vous

13 maintenant.

14 Q. Mais je pense que la Chambre a compris pour quelle raison on a

15 mentionné la Banovina dans la constitution. Nous, les Croates, nous ne

16 sommes pas nés hier, on est là depuis le VIIe siècle. Merci.

17 Je vais changer de sujet maintenant, je passe à une autre série de

18 questions. Il y a une question que je vous ai déjà posée. Je ne voudrais

19 pas parler de Karadjordjevo, je pense qu'on en a parlé suffisamment

20 aujourd'hui, mais, indirectement, une question à ce sujet. Est-il exact

21 que, pendant cette période-là, à savoir, en 1991, Alija Izetbegovic, le

22 président de la présidence de Bosnie-Herzégovine, lui aussi, a eu des

23 entretiens bilatéraux, entre autres, avec Tudjman et en tête-à-tête ?

24 R. Je ne peux pas vous le confirmer dans ma déposition, c'est quelque

25 chose que je peux cependant supposer.

26 Q. Merci. De manière générale, pendant de longues années vous avez été un

27 collaborateur proche de Franjo Tudjman, nous estimons tous que vous avez

28 été très proche de lui, non seulement sur le plan politique, mais,

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1 également, vous étiez son ami. A en juger d'après la politique de Tudjman

2 depuis le tout début, est-ce que l'une des pièces maîtresses dans sa

3 politique, non seulement par rapport à la Bosnie, mais de manière générale,

4 a été que c'est par voie de négociation, par voie pacifique qu'il convient

5 d'agir ? Est-ce qu'il a toujours, par principe, été opposé à l'option

6 belliqueuse ou à la guerre comme moyen ?

7 R. Oui. La méthode par laquelle on allait réaliser la souveraineté croate,

8 c'était les négociations pour éviter tout affrontement militaire.

9 M. KOVACIC : [interprétation] Je voudrais soumettre un document. 3D 00306

10 dans sa version électronique.

11 Q. Monsieur Manolic, lorsque vous le verrez s'afficher, vous nous en

12 parlerez. C'est une lettre du Dr Franjo Tudjman qui date du 24 -- enfin,

13 après le 24 ou 25 avril 1993, c'est une lettre qui est envoyé à Alija

14 Izetbegovic et à Mate Boban. Je voudrais que le témoin puisse voir la suite

15 aussi du texte. Avez-vous entendu parler de cette lettre-là, l'avez-vous

16 vue éventuellement ? Pouvez-vous nous confirmer s'il s'agit bien d'une

17 lettre envoyée par Tudjman ?

18 R. Je ne suis pas au courant de l'existence de cette lettre.

19 Q. Mais, d'après ce que vous voyez là et puis -- est-ce qu'on peut montrer

20 la signature en deuxième page ? La deuxième page, s'il vous plaît, pour la

21 signature.

22 R. Oui, c'est bien la signature de Tudjman.

23 Q. Pour ne pas perdre davantage de temps, je pense que le document se

24 suffit. Tudjman s'exprime précisément le long des lignes que vous venez de

25 signaler, il essaie d'aboutir à la paix en Bosnie-Herzégovine, mais nous

26 n'avons pas le temps maintenant d'examiner le document plus en profondeur.

27 La pièce 3D 00295 à présent, s'il vous plaît, Monsieur le Greffier.

28 Brièvement, à l'instant, vous m'avez dit que Milosevic, ou pardon,

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1 qu'Izetbegovic a eu également des entretiens avec des Croates. Vous savez

2 qu'il y a eu beaucoup d'entretiens bilatéraux, multilatéraux entre les

3 présidents des présidences des différentes républiques à la recherche de

4 solutions. Il me semble que vous avez dit avant-hier qu'Izetbegovic ne

5 savait pas que Tudjman et Milosevic allaient se rencontrer à Karadjordjevo.

6 S'il vous plaît, est-ce qu'on peut me montrer la signature, faire défiler

7 le document pour montrer la signature ? C'est une lettre que je suis en

8 train de vous montrer. C'est par nos propres moyens d'enquête que nous

9 avons trouvé cette lettre. Avez-vous jamais eu l'occasion de voir

10 l'écriture d'Alija, sa signature ?

11 R. Je ne suis pas vraiment intéressé à cela, je ne pourrais ni affirmer,

12 ni réfuter.

13 Q. D'accord. J'essaierai de trouver des preuves plus fermes démontrant

14 qu'il s'agit bien d'une lettre d'Alija. Dans ce court paragraphe, Alija dit

15 : "Je suis convaincu (et en ce sens je dispose aussi de quelques

16 informations)," - que "lui" est souligné -- car c'est un message envoyé par

17 un messager. Il n'est pas codé, crypté, dans le cadre "d'entretiens

18 bilatéraux," vous proposera des solutions partiales, et cetera. Il demande

19 à ce que rien ne soit accepté par Tudjman de tout ce qui pourra être

20 proposé par Milosevic.

21 R. Tout d'abord, pour préciser qui est "lui", "il", je pense que c'est

22 Milosevic.

23 Q. Oui. Alors, est-ce que vous acceptez qu'Alija Izetbegovic aurait pu

24 s'adresser à Tudjman pour lui demander, de nous mettre d'accord avec

25 Milosevic ?

26 R. Oui, c'est possible. Mais c'est le 24 mars ou le 25 avril, la date.

27 Q. Nous ne sommes pas certains de la date, mais il semblerait que le 24

28 mars. Donc, c'est avant la rencontre.

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1 R. Ceci laisserait à penser qu'Izetbegovic était au courant du fait que la

2 rencontre allait avoir lieu. Même je ne savais pas à quelle date ils

3 allaient se rencontrer. De même, le président de la présidence yougoslave,

4 M. Mesic, lui, il ignorait également la date de la rencontre. Il l'a appris

5 par la suite mais ne l'a pas su avant.

6 Q. Quoi qu'il en soit --

7 R. Ce serait que des spéculations.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, M. Scott souhaite prendre la

9 parole.

10 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi

11 d'interrompre, mais est-ce qu'on peut avoir quelques informations au sujet

12 de la source alléguée de ce manuscrit. Il semblerait que c'est une lettre

13 qui provient du président de la présidence de Bosnie-Herzégovine adressée

14 au président de la Croatie qui a été rédigée sur un papier, en-tête de

15 Europecar --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous pouvez nous dire si c'est Europecar

17 qui vous a fourni le document ou comment avez-vous obtenu copie de ce

18 courrier.

19 M. KOVACIC : [interprétation] Ces sont mes enquêteurs qui ont trouvé ce

20 document. Je présenterais des preuves à l'appui, de l'origine.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pourriez-vous nous dire où elle s'est trouvée,

22 dans une poubelle ou ils l'ont trouvé où ?

23 M. KOVACIC : [interprétation] Je ne peux pas vous répondre exactement pour

24 le moment. Ce sont mes enquêteurs qui me l'ont apporté suite à quelques

25 visites qu'ils ont rendues. Il y a beaucoup de choses qui se sont passées

26 en quelques semaines. Je sais que c'est le résultat de mon enquête. Je sais

27 que ce document n'a encore été montré nulle part ailleurs. Mais,

28 effectivement, on lit ici : "Europecar." De toute évidence, c'est dans un

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1 hôtel ou lors d'un déplacement qu'on a rédigé la lettre. Ce n'est pas le

2 seul exemple de cas de figure, mais peut-être que mon client se souvient

3 mieux puisqu'à l'époque, il a pris part lui aussi. Peut-être qu'il connaît.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.

5 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, ce document a été remis par un

6 proche d'Izetbegovic, un homme qui est venu à nous en passant par l'ex-

7 conseiller du président Tudjman.

8 La source du document a été publiée dans le livre de

9 M. le Pr Miroslav Tudjman, livre publié un mois avant cette date et par

10 voie d'analyse graphologique, il est facile de certifier l'authenticité de

11 la lettre. Le 24 mars, c'est la veille, de Karadjordjevo, et dans le livre,

12 on explique également que c'est le président macédonien Gligorov qui en a

13 informé Izetbegovic et lui, il l'a eu à son tour à Belgrade, probablement,

14 cette information.

15 M. KOVACIC : [interprétation] Je remercie mon client de m'avoir aidé.

16 Dans le cadre de la présentation de nos moyens, bien entendu, nous

17 prouverons l'origine de ce document. Pour le moment, je pense que cela

18 suffit.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, s'il vous plaît, vous pouvez nous

20 expliquer si c'est le 24 mars ou le 24 avril. C'est très important pour

21 pouvoir parler du sens de la teneur de cette lettre.

22 M. KOVACIC : [interprétation]

23 Q. Oui, bien entendu, Monsieur Manolic, je suis parfaitement

24 d'accord avec vous. Il y avait, là, des corrections, apparemment, pour ce

25 qui est de la date. Nous affirmons que c'est le mois de mars, mais laissez-

26 nous le soin. Bien entendu, nous devrons le confirmer. Est-ce que vous

27 pouvez, tout simplement, nous dire que c'est une date possible ?

28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui. Dans la lettre, il est dit

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1 explicitement : "Dans le cadre des relations bilatérales, il va…" or, ces

2 entretiens bilatéraux, Milosevic et Tudjman n'ont jamais eu lieu après le

3 24 avril. Donc, la lettre ne peut être qu'antérieure, à savoir, le 24 mars,

4 puisque c'est le 25 que l'entretien bilatéral a eu lieu à Karadjordjevo.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que vous affirmez catégoriquement

6 quelque chose qui ne peut pas se défendre, qui ne peut pas se défendre

7 parce que vous affirmez catégoriquement qu'il n'y a pas eu d'entretiens

8 après Karadjordjevo. Encore aujourd'hui, je ne peux pas affirmer cela, et

9 je ne peux pas le rejeter non plus.

10 M. KOVACIC : [interprétation]

11 Q. Je vais omettre quelques sujets. Peut-être que cela va ressembler un

12 peu à un média de presse, mais je ne peux pas procéder autrement.

13 Monsieur Manolic, est-il exact de dire que les intérêts croates par rapport

14 à la Bosnie-Herzégovine, au départ, disons 1991, ou la moitié de 1992, est-

15 il vrai que la priorité pour la Croatie a été que la Bosnie-Herzégovine

16 reste un Etat indépendant et que cet Etat ne rejoigne la Serboslavie ou un

17 autre Etat, peut importe comment on l'appellera ? Est-ce que c'était

18 l'intérêt stratégique primordial pour la Croatie ?

19 R. Oui.

20 Q. Dans le contexte du démantèlement de la Yougoslavie ?

21 R. Oui.

22 Q. Page 98, ligne 2, lorsque le Juge qui préside la Chambre vous a posé

23 une question, vous avez confirmé que les Croates de Bosnie-Herzégovine

24 devaient s'organiser leur propre défense. Si je vous pose la question,

25 c'est pour le compte rendu d'audience. Il en me semble qu'on ne l'a pas dit

26 clairement mais qu'on a laissé entendre que cette organisation concerne les

27 préparatifs face à l'agression serbe, Grande-Serbie, donc préparatifs pour

28 se défendre. Vous êtes d'accord ?

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1 R. Oui.

2 Q. Il ne s'agit pas de se défendre contre les Musulmans à ce stade-là.

3 R. Mais il faut replacer cela dans le contexte historique, les dates. Oui,

4 mais à ce moment-là, on parlait de cela.

5 Q. Monsieur Manolic, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne

6 sais vraiment pas comment m'y prendre. Mon client a esquissé quelques

7 sujets --

8 R. Mais je ne suis pas pressé, du tout.

9 Q. Vous, vous ne l'êtes pas. Vous avez vu que mon client vous a présenté

10 des documents ce matin. Il y avait là plusieurs sujets qui ont été abordés.

11 Il souhaitait vous soumettre que la République de Croatie avant le conflit

12 ou pendant le conflit avec les Musulmans a fait preuve de certains

13 comportements qui démontrent qu'il n'y avait aucun plan en Croatie visant à

14 ce que, un beau jour, les circonstances le permettant, qu'on agisse au

15 détriment du territoire de l'Etat voisin. Pour abréger, mon collègue me

16 dira encore que j'entre en polémique mais je cherche à gagner du temps.

17 Est-ce que vous êtes d'accord pour dire --

18 Je reformule ma question.

19 Dans le cadre de votre déposition, vous nous avez dit que Franjo Tudjman,

20 la Croatie, a lancé un appel aux Croates de Bosnie-Herzégovine pour qu'ils

21 votent au fameux référendum et que c'est cela qui a permis en fait que l'on

22 vote l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine qui allait sortir de la

23 Yougoslavie; c'est exact ?

24 R. Mais vous omettez une toute petite période où, au sein du HDZ de

25 Bosnie-Herzégovine et également dans les rangs des Croates de Bosnie-

26 Herzégovine, il y a eu un sentiment dominant, à savoir qu'on ne vote pas au

27 référendum avec les Musulmans et que c'est très tard qu'on a pris la

28 décision, que malgré tout, les Croates devaient prendre part à ce

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1 référendum.

2 Q. Je vous remercie de nous avoir fourni cette information. Donc quelles

3 que soient les raisons, il y a eu des divergences d'opinions parmi les

4 électeurs qui allaient devoir voter, mais précisément, à cause de ce

5 différences, la direction politique de Croatie, Franjo Tudjman, s'adresse

6 aux Croates, lance un appel aux Croates, dit : "Allez voter, sauvez la

7 Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat souverain." Est-ce bien cela l'idée

8 principale ?

9 R. Oui, mais vous oubliez --

10 Q. Attendez --

11 R. Non, non, attendez. L'armée Grand-Serbe, à savoir, les rebelles serbes

12 sous l'influence de la politique de Milosevic ont commis un crime très

13 grave, le crime de Vukovar. Les traces ont été tellement profondes, les

14 séquelles ont été si fortes que les Croates ne pouvaient plus agir de

15 concert avec les Serbes.

16 Q. Oui, Monsieur Manolic, mais quelles qu'ont été les circonstances,

17 celles que vous venez de citer ou d'autres, faisant preuve de dialectique,

18 mais le fait est, et je banalise vraiment, je simplifie énormément, que

19 Franjo Tudjman a vraiment dit : "Allez aux élections, allez voter,

20 préservez l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine."

21 R. Oui là, ce n'est pas contestable, je suis tout à fait d'accord.

22 Q. Ultérieurement, on voit que la Croatie aide la Bosnie-Herzégovine à

23 différents niveaux. La Bosnie-Herzégovine ne peut survivre sans la Croatie.

24 Nous savons si bien l'un et l'autre, il s'agit d'aide humanitaire, d'aide

25 militaire, ce qui concerne les réfugiés, les hôpitaux, et cetera. On

26 apporte aussi une aide à tout ce qui est des manifestations sportives, la

27 vie sportive. Donc, je pourrais vous montrer de très nombreux documents qui

28 le confirment. Pourquoi la Croatie ferait-elle ceci si elle avait pour

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1 projet de diviser à l'avenir le territoire ? Répondez simplement à cette

2 question.

3 R. Mais il faudrait à ce moment-là me dire pourquoi il y a eu conflit

4 armé, qui a été à l'origine de ce conflit armé, pour quelle raison ? Ce que

5 vous dites, c'est vrai. Nous sommes d'accord jusqu'à ce moment-là. Je

6 pourrais même, sur ce point, être un témoin de la Défense, je pourrais être

7 votre témoin jusqu'à ce moment-là, oui. Mais à ce moment-là, il faudra

8 répondre à question suivante. Premièrement, pourquoi les Croates ont-ils

9 subit un endoctrinement pour qu'ils votent contre, et c'est ce qui est

10 arrivé finalement, parce qu'il n'y a pas de Croates en Bosnie-Herzégovine

11 ou un au sein de la direction croate qui ait eu la force, l'énergie morale,

12 d'aller avec les Serbes après la tragédie de Vukovar. C'est pourquoi je dis

13 que Vukovar a eu un effet de catalyseur à ce moment-là, dans ces relations.

14 A ce moment-là, les relations entre Milosevic et Tudjman se sont beaucoup

15 refroidies parce que cela a été un tournant.

16 Q. Oui, justement, même s'ils avaient conclu une sorte d'accord et c'était

17 ce que disaient les rumeurs qui circulaient, même si personne ne pouvait

18 les confirmer, donc, même s'ils s'étaient mis d'accord sur un point, s'ils

19 s'étaient mis d'accord sur quelque chose, il n'y aurait pas eu cette

20 attaque sanglante contre Vukovar et cela n'aurait pas déclenché tout ce qui

21 est arrivé en Bosnie ensuite.

22 R. Oui, mais, en politique, il n'y a pas de cohérence systématique. Alors,

23 qui est à l'origine de tout cela, Milosevic, les forces extrémistes, les

24 forces nationalistes; qui l'ont dépassé ? Je ne sais pas, je ne sais pas si

25 nous arriverons à le déterminer, ni vous, ni moi.

26 Q. Moi non plus, je ne le sais pas.

27 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Veuillez ralentir.

28 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Juge,

Page 4541

1 oui, tout à fait.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi aussi, je m'excuse, mais, parfois, dans le

3 feu de l'action, on oublie qu'on est dans un prétoire.

4 M. KOVACIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Manolic, vous dites qu'il y a des choses qui sont

6 imprévisibles dans le domaine politique. Je ne veux pas prolonger cette

7 discussion indéfiniment, mais vous avez dit vous-même que, selon vous,

8 l'attaque menée par l'agresseur Grand-Serbe contre Vukovar --

9 R. Non, pas attaque, attaque c'est beaucoup trop faible comme mot. C'est

10 un crime sanglant qui a eu lieu et on sait pertinemment, tout le monde sait

11 de quoi il est question. Il y a des milliers de personnes qui ont été

12 tuées, on a arraché les patients des hôpitaux pour aller les exécuter, et

13 cetera.

14 Q. Oui, nous sommes d'accord, tout le monde sait plus ou moins ce qui

15 s'est passé à Vukovar, mais vous dites que cela a eu un effet catalyseur,

16 cela a déclenché autre chose. Donc, vous deviez savoir qu'il y a les lois

17 de la physique qui existent et parfois il suffit d'un catalyseur pour

18 déclencher une autre réaction; est-ce qu'on peut en convenir ? La situation

19 est extrêmement complexe, n'est-ce pas ? Mais tout cela c'est extrêmement

20 complexe, on a du mal à déterminer quels sont les tenants, les

21 aboutissants, c'est presque de la mécanique quantique, enfin, c'est ce que

22 dirait mon client. On ne sait pas quand quelle particule va heurter un

23 électron.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Manolic, suivant la question qui vous est

25 posée et dont je me pose moi-même la question, vous avez dit que, de

26 novembre 1991 à mars 1993, au bureau de la présidence, vous étiez chargé

27 des services secrets, donc, vous étiez informé de certains événements.

28 La Défense du général Praljak nous indique que, pendant la période du

Page 4542

1 conflit entre les Croates de Bosnie-Herzégovine et les Musulmans de Bosnie-

2 Herzégovine, la Croatie a fourni des armes. C'est en application de quelle

3 logique ? Vous fournissez des armes à l'ABiH qui est en conflit avec les

4 Croates. Cela répond à quel impératif politique ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant cette période-là, il n'y avait

6 pas encore de conflit entre les Croates et les Musulmans. Il s'agit

7 toujours de l'agression Grand-Serbe contre la Croatie, contre les Croates

8 et la Bosnie-Herzégovine. Même si je n'ai pas participé à tout cela, il est

9 possible qu'à l'époque, la Croatie, d'une manière ou d'une autre, je ne

10 sais pas dans quelle mesure exactement, il est possible que la Croatie ait

11 envoyé ou vendu des armes à l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

12 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais

13 justement l'intention de poser ces questions au moyen de documents, mais je

14 n'ai pas le temps de le faire, si bien que je souhaiterais proposer que ces

15 huit documents qui se passent de commentaires, enfin ce sont des documents

16 limpides, on voit tout de suite qui est le destinataire, qui les a rédigés,

17 j'aimerais demander leur versement tout de suite, vous les avez dans votre

18 classeur. A ce moment-là, est-ce que l'Huissier pourrait placer la pièce 3D

19 006 sur le rétroprojecteur ? Non, ceci est déjà versé au dossier, mais on

20 pourrait prendre 3D 0007.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Tenez, il y en a un qui semblerait approprié,

22 c'est 3D 0009.

23 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Pendant que l'on

24 prépare ce document, j'aimerais dire qu'il s'agit de 1992 et 1993, ce sont

25 les dates que l'on voit ici sur ces documents c'est évident. Il y a un

26 autre document qui a été téléchargé dans le système de prétoire

27 électronique - document semblable mais qui n'est pas complètement identique

28 à l'autre.

Page 4543

1 Q. Monsieur Manolic --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivons, s'il vous plaît, avec le document que

3 vous avez sous les yeux, là, le 26 mars 1993, il y a un document qui semble

4 prouver qu'il y a un transfert d'armes à destination de l'ABiH.

5 Début de l'année 1993, y avait-il pas des problèmes entre l'ABiH et

6 le HVO en Bosnie-Herzégovine ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Si. Il y a des problèmes de conflit.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, il y avait des conflits armés, n'est-ce pas ?

9 Alors, il y avait donc des conflits armés, et là on a un document qui

10 montre que la Croatie envoie à l'ABiH 75 RPG-7, 7 600 mines, et cetera, et

11 cetera. Quelle est la logique ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de logique dans les transactions

13 commerciales qui ont peu avoir lieu avec -- ou que les dirigeants de l'Etat

14 en aient eu connaissance ou non.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

16 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que le document

17 3D 00186 pourrait être affiché à l'écran, je vous prie ? Je signale à

18 l'Huissière qu'elle faudrait également préparer le document suivant, 3D

19 00002. J'aimerais que ces deux documents soient affichés.

20 Q. A partir des documents qu'on a pu voir très rapidement à l'écran, on a

21 pu constater que l'ambassade de la République de Bosnie-Herzégovine à

22 Zagreb, depuis la reconnaissance officielle de la Bosnie-Herzégovine, on

23 voit donc qu'en juillet 1993, cette ambassade demande au ministère des

24 Affaires étrangères croates de l'autoriser à établir un bureau de

25 représentation économique et militaire à Zagreb, et ensuite dans le domaine

26 logistique…

27 M. KOVACIC : [interprétation] J'aimerais qu'on place à l'écran la pièce 3D

28 006.

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1 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûr de la cote.

2 M. KOVACIC : [interprétation]

3 Q. Donc, les autorités croates en 1993 - en juillet 1993 - ont autorisé la

4 République de Bosnie-Herzégovine - on le voit à l'écran - on voit que

5 l'ambassade de Bosnie-Herzégovine informe le gouvernement du nom des

6 personnes qui feront partie de cette institution -- on voit que le

7 ministère de la Défense de la République de Bosnie-Herzégovine a désigné un

8 certain nombre de personnes qui vont travailler au bureau de représentation

9 économique et militaire à Zagreb, au service logistique du commandement

10 Suprême. On a donc là des contacts officiels entre l'ambassade et le

11 ministère des Affaires étrangères. Conviendrez-vous avec moi que ceci nous

12 montre qu'on utilise ici le passé -- le ministère a désigné, c'est-à-dire

13 que tout ceci fait partie du passé, les choses ont déjà été faites, on a

14 déjà nommé un certain nombre de personnes ? Si on regarde la deuxième page,

15 on voit qu'il est fait mention de ceux qui vont être chargés du bureau de

16 la logistique de Split et au bureau militaire ou économique de Zagreb - on

17 a cinq personnes qui sont désignées - ensuite, Zagreb chargé de la

18 logistique. Il y a 21 personnes qui sont concernées, 21 personnes nommées,

19 et deux personnes nommées à Split. Si bien que les représentants -- nous

20 avons aussi des représentants officiels de la Bosnie-Herzégovine à qui la

21 Croatie permet de fonctionner et d'opérer en vertu de la convention de

22 Vienne sur -- de la convention consulaire de Vienne parce que tous ces gens

23 avaient des passeports diplomatiques. Il ne s'agissait pas de transactions

24 commerciales réalisées par des individus. On a ici un exemple du ministère

25 des Affaires étrangères croates qui accorde des autorisations de ce type.

26 L'ambassade de Bosnie écrit, n'est-ce pas, au ministre ?

27 R. Je voudrais que la Chambre en fasse la différence entre une politique

28 officielle et les trafics d'armes. On sait très bien qu'il y avait à

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1 l'époque un marché noir et qui était interdit à l'Etat croate d'acheter des

2 armes. Donc, on peut parler d'un trafic clandestin - chez nous on dit que

3 l'argent est roi. C'est l'argent qui dirige tout.

4 Q. Procédons par ordre, Monsieur Manolic, nous avons d'abord les relations

5 entre les organes officiels de la République de Croatie et la République de

6 Bosnie-Herzégovine - on voit dans ce document - l'ambassade d'un pays d'un

7 côté qui écrit un mémo au ministère des Affaires étrangères d'un autre

8 pays. Voilà le genre de document que nous avons devant nous. Cela c'est ce

9 dont je parle et pas ce dont vous parlez qui n'a aucune pertinence ici.

10 R. Oui. Mais je veux bien qu'on fasse la différence entre les deux.

11 Q. Oui, mais cela c'est autre chose. C'est autre chose de savoir comment

12 des personnes individuelles peuvent se procurer des armes. Mais il s'agit

13 ici de relations légales entre deux pays, entre la Croatie et la Bosnie-

14 Herzégovine. Il ne s'agit pas de marché noir mené par des individus.

15 R. Oui, mais vous êtes Juriste, vous devez savoir qu'il y a une différence

16 entre les relations illicites et autres.

17 Q. D'accord.

18 M. KOVACIC : [interprétation] Examinons maintenant le document suivant 3D

19 0002.

20 M. SCOTT : [interprétation] Au document 3D 00186, il est simplement indiqué

21 que des membres du corps diplomatique vont être installés -- vont aller

22 travailler en Croatie. Il y a des relations diplomatiques entre les deux

23 pays à ce moment-là même s'il y a guerre. Personne ne le conteste. Mais on

24 n'indique nullement qu'il y a transfert d'armes. Ce sont deux choses

25 complètement différentes. Même si on veut nous indiquer - on veut nous

26 faire croire qu'il y a un lien entre les deux à moins que Me Kovacic puisse

27 nous démontrer l'existence effective de ce genre de pratique.

28 M. KOVACIC : [interprétation] Là, je crois qu'on ne se comprend pas bien.

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1 J'affirme sur la base de ce document et des documents semblables qu'on a

2 déjà vus par le passé. On voit clairement à partir de ce document que la

3 République de Croatie à l'époque était un Etat reconnu par la communauté

4 internationale et qui a permis à la république voisine, la République de

5 Bosnie-Herzégovine, qui elle aussi était un Etat indépendant, il a donc

6 permis un certain nombre de choses. Il faut savoir qu'il y avait déjà la

7 guerre entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine à l'époque. Le paragraphe

8 232 nous l'indique. Le paragraphe 232 de l'acte d'accusation, conflit armé

9 international entre ces deux pays, un document sur le fait qu'à Split, il y

10 a des personnes venant de la Bosnie-Herzégovine qui ont un passeport

11 diplomatique. Est-ce que ce document caractérise, comme le soutien Me

12 Kovacic, qu'il existait des relations diplomatiques entre la Bosnie-

13 Herzégovine et la Croatie, ce qui signifiait que la Croatie avait reconnue

14 la République de Bosnie-Herzégovine dans tous ses attributs ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est exact. En termes juridiques,

16 cela tient, effectivement, mais je ne sais pas ce qu'il en est de ces

17 bureaux de représentation et des personnes qui ont été nommées, mais

18 j'imagine que ce document il est authentique.

19 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, vous avez

20 permis de faire le tour de ce problème de manière beaucoup précise que je

21 n'aurais pu le faire moi-même. Le document qui m'intéresse maintenant,

22 c'est le 3D 0032. J'aimerais qu'on l'affiche à l'écran. 000302. Non, nous

23 n'avons pas besoin de ce document-ci. Ce matin, pendant que M. Praljak,

24 nous avons brièvement vu ce document, le voici.

25 Q. Monsieur Manolic, veuillez jeter un coup d'œil à ce

26 document : "République de Bosnie-Herzégovine, ministère de la Défense,

27 strictement confidentiel, Sarajevo, 12 juillet 1993." Si nous étions assis

28 autour d'une table et si nous n'étions pas obligé d'utiliser le système de

Page 4547

1 prétoire électronique, nous pourrions voir s'il s'agit d'une décision du

2 ministère de la Défense dont l'objectif est la mise en œuvre des missions

3 qui sont celles ou qui relèvent du commandement Suprême des forces armées

4 de la République de Bosnie, et cetera, et cetera. On voit qu'il y a trois

5 éléments -- trois groupes qui sont mentionnés, et cela correspond en tout

6 point à ce qu'on voit dans le mémo envoyé par l'ambassade. Alors de quel

7 type de trafic s'agit-il ? La Bosnie est un Etat, a des institutions, des

8 dispositifs, nomme un certain nombre de personnes, elle a une ambassade à

9 Zagreb, elle informe le ministère de la Défense de la Croatie à Zagreb que

10 telle et telle personne a travaillé pour elle et qu'il convient de les

11 laisser vaquer à leurs occupations professionnelles, ces personnes-là.

12 R. J'ai parlé de trafic. Vous savez que quand on parle de trafic, cela

13 implique quelque chose d'illégal, c'est forcé, le trafic est illégal. Ce

14 qu'on voit ici, c'est qu'il y a des institutions légales qui ont participé

15 à des trafics. Je peux -- la seule dont je peux l'expliquer. Montrez-moi

16 des documents qui viennent du gouvernement, du président de la République

17 ou de qui que ce soit d'autre, confirmer que ce trafic que j'évoque moi-

18 même n'a pas eu lieu.

19 Q. Merci, Monsieur Manolic. Je crois qu'il est inutile que nous

20 continuions à débattre de cette question, mais il n'en reste pas moins que

21 vous avons à faire ici à des relations, à des activités entre deux Etats

22 qui se déroulaient de manière légale.

23 R. Oui, mais si vous lisez les comptes rendus, vous constaterez que le

24 ministère de la Défense de Croatie s'identifie à la cause de l'Herceg-Bosna

25 et ceci on le voit transparaître dans tous les documents. Comment allez-

26 vous expliquer cela ?

27 L'INTERPRÈTE : Maître Kovacic hors micro.

28 M. KOVACIC : [interprétation]

Page 4548

1 Q. Je vais maintenant vous présenter deux documents signés par le ministre

2 Susak, le 26 avril 1993, pour évoquer une question dont vous avez traité

3 hier, celle du financement par divers circuits.

4 M. KOVACIC : [interprétation] Nous n'avons pas eu le temps de télécharger

5 ce document dans le système de prétoire électronique, je vais donc demander

6 à l'Huissière son aide pour le place sur le rétroprojecteur.

7 Q. Examinez, je vous prie, ce document, 14 septembre 1993, il y a un

8 document qui est presque identique qui date d'un peu plus tard en septembre

9 et je ne sais pas si vous avez eu le temps de lire le texte, mais si c'est

10 le cas, vous pourrez constater la chose suivante. Il existe une traduction

11 de ce document.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourriez-vous lire les deux premiers paragraphes ?

13 M. KOVACIC : [interprétation] Bien sûr, bien sûr, c'est une document qui

14 est très bref, un document du 14 septembre 1993 qui est rédigé sur un

15 papier à en-tête du : "Ministère de la Défense de la République de

16 Croatie," avec un numéro de référence. C'est un document adressé à

17 l'administration des finances, au sein de ce même ministère. C'est un

18 document qui est signé par le ministre Gojko Susak, le titre du document

19 c'est "Ordre" et au point 1, il dit : "J'ordonne que soit accordé un prêt

20 au Conseil de la Défense croate de la communauté croate d'Herceg-Bosna,

21 département de la Défense de Mostar. Le montant c'est 5 965 000 dinars

22 croates --"

23 Il faut que je vous précise qu'à l'époque, l'inflation explosait,

24 donc, je ne sais pas exactement quel est le montant actuel que cela

25 représente, en tout cas cela représentait quelque chose malgré tout.

26 "Ces fonds proviennent du ministère de la Défense de la République de

27 Croatie, le versement doit être effectué immédiatement par le biais de la

28 Privredna Banka à Zagreb," et cetera, et cetera.

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1 Q. Pouvez-vous me dire quand cet argent a été remboursé ? Mais d'abord une

2 chose, conviendrez-vous avec moi qu'il s'agit d'un prêt, d'un prêt du

3 ministère de la Défense au HDZ de Mostar ?

4 M. SCOTT : [interprétation] Il ne peut pas poser cette question, il peut

5 demander au témoin s'il s'agit d'un prêt et celui-ci peut dire que c'est le

6 cas ou pas, mais nous ne le savons pas, nous.

7 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur le Président, mon

8 éminent confrère est avocat, tout comme moi. Le remboursement d'une dette,

9 on en parle après la dette, une fois que la dette a été établie, c'est

10 normal. D'abord, il faut qu'il y ait une transaction juridique, le

11 remboursement, on en procès après.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais poser la question qu'on aille plus

13 rapidement.

14 Monsieur Manolic, il y avait ici un document, qui semble établir que

15 le ministère de la Défense en la personne de son ministre donne instruction

16 pour qu'il y ait un prêt au HVO à Mostar. Est-ce que ce type de document,

17 pour vous, c'est une surprise ou vous nous dites que cela a rentré dans les

18 attributions du ministre de la Défense de donner des prêts à des entités

19 extérieures ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que, dans le cadre du budget licite

21 de la République de Croatie, on ne trouvait aucun poste de ce type. Le

22 ministre de la Défense a dissimulé tout cela dans le cadre de son propre

23 ministère. Il a accordé ce prêt sur la base des fonds du ministère. Donc,

24 oui, a priori, on pourrait dire que c'est un document qui est un document

25 en bonne et due forme. Mais, selon moi, cet argent n'a jamais été remboursé

26 et aujourd'hui encore. Mais cela on pourrait bien entendu se renseigner et

27 faire une enquête sur ce point.

28 M. KOVACIC : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Manolic, pouvez-vous affirmer de manière catégorique que cet

2 argent prêté au HVO n'a jamais été remboursé au ministère de la Défense de

3 Croatie ou que jamais aucun remboursement de quelque nature que ce soit n'a

4 été fait ? Est-ce que vous pouvez l'affirmer avec certitude ?

5 R. Non, je ne peux pas l'affirmer avec certitude. Je ne le sais pas.

6 J'ignore même tout de ces prêts qui ont été ainsi accordés.

7 Q. Merci. Cela c'est votre opinion. C'est votre opinion personnelle. Vous

8 pensez que c'est peut-être ou pas le cas.

9 R. Non. Vous simplifiez à outrance. Ce n'est pas ce que je pense.

10 Q. Bien. Je vais vous poser la question suivante : aux termes de la

11 législation croate, nous avons une sorte de cours des comptes. Je crois que

12 c'est vous-même, en tant que député, qui avez contribué à son adoption et

13 aux termes de cette législation, on a un service équivalent à une cour des

14 comptes, qui vérifie les comptes de l'Etat et qui a l'obligation - vous me

15 corrigez si je me trompe, Monsieur Manolic - mais qui a l'obligation

16 d'examiner les comptes et de détecter toutes transactions suspectes ou

17 sortant de l'ordinaire et qui a également pour mission de déterminer si

18 tous les ministères ont utilisé les fonds qui leur étaient impartis par le

19 budget de manière appropriée. Tout ceci figurait dans les registres de

20 comptes du ministère de la Défense. Personne ne sait s'il y a eu des

21 dessous de tables.

22 R. Si vous souhaitez convaincre les Juges de ce fait, il faudrait que vous

23 leur fournissiez l'audite du ministère de la Défense. Mais je ne sais pas

24 si cela va dans vos intérêts.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : M. le Juge Mindua a une question.

26 M. LE JUGE MINDUA : Merci, Monsieur le Président.

27 Monsieur le Témoin, je voudrais vous poser une question de clarification

28 pour vérifier si ma compréhension de fait est exacte. Vous avez dit que

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1 vous étiez chef de service de Renseignement de la Croatie, du 18 novembre

2 1991 jusqu'à mars 1993. En même temps, vous aviez dit que la politique du

3 président Tudjman consistait à ne pas laisser les bras croisés à la fois

4 sur la situation des Croates qui se trouvaient en Bosnie, c'est-à-dire que

5 c'était une obligation morale et même un devoir de s'intéresser au sort des

6 Croates qui étaient en Bosnie.

7 Par rapport à l'intervention, Maître Kovacic, et le document que nous

8 avons ici, je constate qu'il y a un ordre du 25 mars 1983 sur la livraison

9 d'armes à l'ABiH. En même temps, il y a un document de prêts d'argent du

10 ministre de la Défense croate au HVO.

11 Alors, ma question est de savoir, bien évidemment, en tant que

12 responsable du service de Renseignement, si vous étiez au courant de tout

13 cela et quelle en est l'explication ? Si le seul trafic lucratif pourrait

14 justifier ces deux ordres ou éventuellement ces deux ordres rentrent dans

15 la politique d'assistance ou de protection de Croates qui étaient en

16 Bosnie-Herzégovine ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma fonction en tant que mon poste, en tant que

18 président du bureau du Renseignement, ne consistait pas à surveiller les

19 ministères et le gouvernement de la République de Croatie. Chaque ministère

20 était autonome. Je n'avais pas pour fonction de les surveiller. Seul le

21 ministère de la Défense agissait de manière autonome dans le cadre de ses

22 compétences.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Manolic, mais vous ne répondez pas

24 exactement à la question de mon collègue qui était très précise. Les

25 documents qu'on vient de voir ils peuvent avoir deux explications. La

26 première, elle est donc du trafic et étant dans le trafic les autorités, M.

27 Tudjman, vous-même, ou d'autres n'étaient pas au courant, ou la deuxième

28 explication c'est que ces documents illustrent l'aide de la Croatie sur le

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1 plan logistique aux Croates de Bosnie. Alors, quelle explication ? Est-ce

2 que c'est l'une ou l'autre de ces hypothèses, ou une troisième ou une

3 quatrième ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est du caractère formel des choses

5 nous avons ici un document officiel, un document signé par la personne

6 responsable - il n'y aucun doute - cependant, on peut avoir des doutes

7 quant à la mise en œuvre de ce qui est indiqué ici. Est-ce que cela a été

8 fait licitement ou non ? Si cela été fait légalement, à ce moment-là, on

9 devrait trouver un poste au budget de la République croate un poste

10 prévoyant une aide à l'Herceg-Bosna. On ne trouve pas cela dans le budget.

11 Il faudrait que le monsieur soit plus précis.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est la conclusion pour vous ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Selon moi, la conclusion est la suivante : il

14 y avait des contacts entre le ministère de la Défense, mais si on regarde

15 les fonctions, les actions du ministère pendant toute cette période on

16 constate que le ministre était également à l'époque ministre de la

17 République croate de Bosnie-Herzégovine, même s'il ne l'était pas

18 officiellement. Je crois qu'il sera difficile à comprendre pour les Juges

19 en raison de la complexité des relations existantes à l'époque. Si on

20 regarde les documents du point de vue formel tout semble être en bonne et

21 due forme. Tout semble être conforme à la législation, à la constitution.

22 Certes. Mais quand on regarde ce qui se passait en réalité on constate

23 qu'il y a des choses qui manquent. Comment expliquer que la Croatie envoie

24 des armes à l'ABiH ? Alors que la Croatie était elle-même sous le coup d'un

25 embargo et ne pouvait se procurer des armes, donc elle ne pouvait pas

26 fournir des armes à qui que ce soit de manière légale.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : On va arrêter parce qu'on dépasse déjà le temps qui

28 nous est imparti. Nous reprendrons l'audience aux environs de 14 heures.

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1 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 38.

2 --- L'audience est reprise à 14 heures 06.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. J'ai cru comprendre

4 qu'il y avait une requête orale.

5 M. KOVACIC : [interprétation] Je suis confus, Monsieur le Président, je

6 n'avais aucune requête moi-même. Mon confrère, excusez-moi.

7 M. SAHOTA : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je faire une

8 requête orale ? La Chambre de première instance sait que la date butoir

9 imposée à la Défense pour soumettre ses réponses suite aux deux requêtes de

10 l'Accusation, enfin de prises en compte judiciaires des faits jugés, et ces

11 dates butoir expirent demain. La limite, pour ce qui est du nombre de mots,

12 comme vous le savez pertinemment, est de 3 000 mots ou dix pages.

13 Enfin, selon le calcul qui donne plus d'espace en fonction de la

14 directive pratique du

15 19 janvier, paragraphe C5, une réponse conjointe est en train d'être

16 rédigée par toutes les équipes de la Défense et, qui plus est, la Défense

17 est en train de répondre aux deux requêtes du Procureur en un seul

18 document. Les questions soulevées sont complexes, par conséquent, nous

19 demandons l'autorisation de la part de la Chambre de première instance afin

20 d'excéder, de dépasser la limite de 3 000 mots.

21 La réponse conjointe de la Défense ne dépassera pas 6 000 mots.

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre, par décision orale de ce jour,

24 fait droit à la requête et autorise donc la Défense, globalement, à dresser

25 ses écritures de telle façon que cela n'excède pas les 6 000 mots.

26 Voilà, Maître Kovacic.

27 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Afin de pouvoir

28 prévoir notre après-midi, j'ai dit que n'allais prendre que dix minutes,

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1 tout au plus. Il ne me reste que deux questions qui ne sont pas très vastes

2 et ceci permettra au reste des équipes de la Défense de respecter les

3 limites qui sont les nôtres. Q. J'espère que vous avez eu le temps de vous

4 reposer un petit peu, Monsieur Manolic. Comme vous venez de l'entendre, il

5 ne me reste plus que deux questions à vous poser, je pense que nous allons

6 pouvoir en terminer très rapidement. Compte tenu de vos affirmations -- de

7 vos appréciations eu égard au rôle joué par feu le ministre croate de la

8 Défense, M. Susak, ce que vous en avez dit en deux jours, ici, je souhaite

9 vous poser un document, puis je vous poserai ma question.

10 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce qu'on peut

11 afficher à l'écran la pièce P 00312 ? Il s'agit d'un rapport d'un

12 déplacement d'un voyage d'affaires du 4 au 12 juillet 1992 à Zagreb, Celju,

13 Ljubljana et Split. Monsieur le Procureur a passé pratiquement toute la

14 matinée, hier, avec ce document. Est-ce qu'on peut d'emblée passer -- on a

15 vu la première page.

16 Vous vous rappelez de quoi il s'agit, Monsieur Manolic ?

17 L'INTERPRÈTE : Hochement positif de la tête.

18

19 M. KOVACIC : [interprétation]

20 Q. Très bien. Alors passons, page 9, en bas de la page on a la pagination.

21 C'est vers le milieu de la page.

22 M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce que je peux avoir à l'écran le milieu

23 de la page, s'il vous plaît ? Ce n'est pas cela. Relevez un petit peu ?

24 Quelques lignes plus haut. Il me faut le point 2, le rôle joué par le HDZ.

25 Non, l'inverse. Voilà.

26 Q. Monsieur Manolic, nous avons ici, donc, au point 2 le rôle joué par le

27 HDZ. C'est quelque chose dont il a été question. Nous avons le texte qui

28 suit, puis vers le milieu, on lit : "Monsieur J. Manolic propose des

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1 personnes concrètes pour engager des entretiens avec des représentants de

2 Bosnie-Herzégovine et que ce soit Gojko Susak et je suppose Perica Juric."

3 Donc, il y a eu un débat au sujet des problèmes qui nécessitaient une

4 conversation et vous avez proposé concrètement que ce soit Susak et Juric

5 qui s'en chargent.

6 Compte tenu de certaines positions qui ont été les vôtres, certaines

7 appréciations que vous avez exprimées ici au sujet des activités du feu

8 Susak, le fait est que c'est lui que vous avez proposé et cela a été

9 accepté, semble-t-il, qu'il se charge au nom du parti de Zagreb et je

10 dirais aussi au nom de la direction politique d'engager des négociations

11 avec d'autres partis visiblement à la recherche d'une solution.

12 Suis-je en droit d'en conclure que vous étiez malgré tout d'accord

13 avec les politiques et les positions de Gojko Susak à l'époque ?

14 R. Non.

15 Q. Mais pour quelle raison l'avez-vous pratiquement désigné, je ne dirais

16 pas plénipotentiaire, mais enfin la personne en charge de négociations.

17 R. Compte tenu de la complexité de la situation en Bosnie-Herzégovine à

18 l'époque, Gojko Susak avait le plus d'influence et le plus de contacts avec

19 les personnalités de l'Herceg-Bosna. Mais je lui ai proposé en même temps

20 Perica Juric qui était un homme qui partageait mon point de vue au sujet de

21 l'Herceg-Bosna, c'est-à-dire au sujet du problème à résoudre en Bosnie-

22 Herzégovine, donc qui occupait des positions opposées à M. Susak.

23 Q. Mais je vous rappelle le moment où cela se situe, c'était en juillet

24 1992.

25 R. Mais cela ne change rien.

26 Q. Très bien.

27 R. Perica Juric était en contact avec les huit municipalités de Bosanska-

28 Posavina. Il était bien informé de la situation qui prévalait en Bosnie-

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1 Herzégovine. Il est originaire, par ailleurs, de Livno ou de Duvno, je

2 pense.

3 Q. Très bien. Juric apparaît souvent dans les comptes rendus lorsqu'il est

4 question de la Bosnie.

5 R. Oui.

6 Q. Mais je ne suis pas vraiment certain de vous avoir bien compris dans

7 votre réponse. Si j'ai bien compris, vous avez proposé Susak parce qu'il

8 avait une certaine valeur à cause de ses contacts, c'est bien cela ?

9 R. Oui.

10 Q. Mais est-ce que cela signifie --

11 R. Oui, cela signifie que ma ligne c'était la recherche de la solution, de

12 la solution optimale. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé tant Juric

13 que Susak.

14 Q. Oui, à présent je vous ai parfaitement compris, merci.

15 Puisque le document est déjà là, page 10, s'il vous plaît, le premier

16 paragraphe, c'est tout en haut de la page. Je ne sais pas si c'est vraiment

17 très important, mais cela ne prendra pas plus d'une minute. Donc nous avons

18 ici Susak qui s'exprime et avant que Boban ne prenne la parole, Gojko Susak

19 dit explicitement : "Avec les Musulmans, il faut rechercher une solution

20 commune car nous ne souhaitons pas aggraver nos relations." Est-ce que

21 c'est ce que vous venez de dire ?

22 R. Oui, tout à fait, nous devons chercher une solution.

23 M. KOVACIC : [interprétation] Je remercie M. le Greffier.

24 Q. Il ne me reste plus qu'un point à aborder. Nous avons beaucoup parlé de

25 ces comptes rendus très extensifs des réunions du VONS et du président

26 Tudjman. Il s'agit de la pièce P 2302, il s'agit de la réunion du VONS du

27 11 mai 1993. Il serait peut-être utile de l'afficher. Donc, P 2302 du 11

28 mai 1993. Voilà, je vais vous citer le numéro ERN parce qu'il sera plus

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1 facile de s'orienter, 01866904.

2 J'en donnerai lecture peut-être lentement pour gagner quelques minutes.

3 Vous vous rappellerez tout de suite où cela se trouve. Vous prenez la

4 parole suite au président. Il est dit ici : "M. Manolic, je pense que c'est

5 la plus sérieuse attaque de l'Occident, de sa politique depuis la guerre en

6 Slovénie contre nos positions. Maintenant, ceci a à voir avec la guerre en

7 Bosnie."

8 Je rappelle encore une fois la date, le 11 mai 1993. Il dit : "Voyez vous,

9 les Allemands vont venir et les autres, ils vont nous demander quelle est

10 notre attitude à l'égard des autorités centrales de Bosnie-Herzégovine."

11 Vous avez encore deux ou trois explications ici, je ne pense pas que ce

12 soit vraiment très important maintenant. Ensuite, à la fin de cette prise

13 de parole, vous dites la chose suivante --

14 M. KOVACIC : [interprétation] On me dit que je pourrais aider le Greffier

15 en citant le numéro, voici. Encore un petit peu, faites défiler. Deux

16 lignes, s'il vous plaît. Voilà.

17 Q. Le paragraphe que j'avais l'intention de lire est

18 celui-ci : "Je pense qu'il serait bien --" donc, vous poursuivez, là. Vous

19 le voyez à l'écran, Monsieur Manolic ? Donc, le paragraphe qui commence par

20 : "Je pense qu'il serait bien," et cetera.

21 Au paragraphe suivant, vous tirez une conclusion, vous dites :

22 "Messieurs, la Bosnie ne peut pas se maintenir telle qu'elle est

23 aujourd'hui, la seule solution est partager, puis qu'il reste une petite

24 Bosnie avec les Musulmans."

25 R. Non, ceci ne correspond pas à ce que je pense. Il cite cela au sujet de

26 l'ensemble du débat. J'ai dit que le moment est venu, que tous les

27 participants s'expriment, se prononcent, sont-ils favorables au partage. La

28 Bosnie, donc, il ne reste plus que la Petite-Bosnie aux Musulmans, Bien,

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1 non. Donc, c'est cela le contexte de mon exposé. Il manque, me semble-t-il,

2 une conjonction car, de la manière dont c'est présenté, on penserait que

3 c'est moi qui exprime mon opinion. Donc, c'est moi qui suis favorable au

4 partage de la Bosnie. Or, de tous mes entretiens, précisément de cette

5 période-là, il ressort que j'étais le plus déterminé à agir contre le

6 partage de la Bosnie.

7 Q. Très bien. Alors, est-ce qu'on peut avoir la suite ? Est-ce qu'on peut

8 le faire défiler ? Puisque dans la suite, vous dites : "Je pense que c'est

9 dans ce sens que cela évoluera; sinon, dans la phase suivante, à peu près.

10 C'est ce qui nous arrivera car ils veulent constamment nous comparer à la

11 Serbie, à Milosevic, et c'est la signification de cette attaque contre

12 nous."

13 Allons contre la Croatie maintenant pour réduire les pressions

14 exercées contre la Serbie ou pour faciliter à la Serbie, sa position.

15 Enfin, si je puis vous poser ma question, il est clair comme vous venez de

16 l'expliquer que différentes options sont encore en vigueur. On ne sait pas

17 encore celle qui sera choisie définitivement. Donc, on s'adapte aux

18 conditions indépendamment de l'auteur de cette déclaration.

19 R. Si c'est ma déclaration, mais ce que je dis c'est que le moment est

20 venu de prendre position. La direction croate doit se déterminer. Est-ce

21 qu'elle est pour ou contre le partage ? Justement pour qu'on ne se retrouve

22 pas sur un pied d'égalité avec la Serbie, qu'on ne mette pas dans une

23 situation. On pourra nous accuser d'agression comme on peut accuser la

24 Serbie. C'est cela que je veux dire par ces paroles.

25 Q. S'il vous plaît, corrigez-moi si je fais une erreur. Je vais vous

26 suggérer la conclusion qui s'impose. Ce n'est qu'en mai 1993, d'après ce

27 que vous venez de me dire la situation a atteint le point où il faut se

28 déterminer où il faut prendre une décision; c'est exact ?

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1 R. C'est exact. Mais ce n'est pas juste une rupture et la fin, puisque ce

2 débat se poursuit.

3 Q. Mais, bien entendu, dès le départ, nous étions d'accord sur le fait que

4 c'est une situation dialectique. Je pourrais même dire chaotique. Vous

5 serez certainement d'accord ?

6 R. Nous dirons "complexe" -- "situation complexe".

7 Q. Oui, c'est peut-être un meilleur terme. Je vous en remercie de votre

8 aide où la situation évolue tous les jours, les circonstances changent tous

9 les jours.

10 Q. Oui.

11 Q. On en arrive à ce qui a été dit par ce président. Je pense que vous

12 partagez son opinion à savoir que la solution pour la Bosnie-Herzégovine

13 serait déterminée ni par les Croates ni par les Musulmans ni par les Serbes

14 mais avant tout par la communauté internationale.

15 R. Oui, précisément.

16 Q. Monsieur Manovic, je vous remercie. Il me resterait quelques questions.

17 Vous êtes une mine d'or d'informations mais il me faut laisser du temps à

18 mes confrères et consoeurs. Je vous remercie.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Le prochain conseil de la Défense, s'il vous plaît.

20 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

21 Juges. Me Kovacic vient d'aborder un sujet que j'allais aborder, moi-même.

22 Donc, ceci raccourcit mon contre-interrogatoire. J'espère pouvoir en

23 terminer en l'espace de ce volet d'audience. Il me faudra, peut-être, un

24 petit de temps après la pause.

25 Contre-interrogatoire par M. Karnavas:

26 Q. [interprétation] Monsieur, vous avez indiqué hier que tous les co-

27 accusés sont coupables d'avoir pris part à l'entreprise criminelle commune.

28 Vous vous rappelez avoir dit cela, que tous, ensemble, ils ont essayé de

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1 partager la Bosnie-Herzégovine ?

2 R. Je n'ai pas dit cela. S'il vous plaît, ne me soufflez pas des mots à la

3 bouche, n'insinuez pas. Je pense que, mis à part Prlic, je n'en ai

4 mentionné aucun, et lui, je l'ai mentionné dans un autre contexte. Ce n'est

5 pas celui que vous évoquez maintenant.

6 Q. Donc, Monsieur, est-ce que vous aimeriez que votre position --

7 R. Non, pas ma position, mes propos, mes paroles. Montrez-moi ce texte où

8 je les ai accusés, tous les six, par leurs noms. Montrez-moi cela.

9 Q. Monsieur Manolic, vous êtes avocat de formation ?

10 R. Tout comme vous. Nous sommes d'accord.

11 Q. Très bien. Donc, vous êtes en train de nous dire aujourd'hui qu'aucun

12 d'entre eux n'a pris part à l'entreprise criminelle commune ?

13 M. SCOTT : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, ce n'est pas du

14 tout ce qu'il a dit.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je lui demande de clarifier sa position.

16 M. SCOTT : [interprétation] Mais c'est la sœur du domaine.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas le souvenir, Maître Karnavas, que le

18 témoin a indiqué que les accusés faisaient partie de l'entreprise

19 criminelle commune, à moins que vous ayez la page et la ligne auxquelles on

20 se référait, mais je n'ai pas le souvenir qu'il ait quoi que ce soit.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Monsieur le Président, d'après

22 mes souvenirs, il a montré du doigt dans ce sens, y compris vers les

23 accusés, mais nous allons vérifier cela dans le compte rendu d'audience.

24 Q. Enfin, quoi qu'il en soit, Monsieur Manolic, est-ce que vous avez cité

25 le nom de mon client, de M. Prlic, en disant qu'il a joué un rôle plutôt

26 constructif dans le cadre des accords de Washington ?

27 R. Oui, tout à fait. Ce document est le document le plus constructif au

28 moment où il s'est présenté par rapport à ce qui a précédé.

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1 Q. Vu que nous n'avons pas beaucoup de temps, vous avez examiné tous ces

2 documents. Nous pourrions retrouver les six points qui a, à voir avec la

3 mise en œuvre des accords de Washington. Ce sera la pièce P 08012. Est-ce

4 que c'est à cela que vous vous référiez ? Est-ce que c'est là, il est

5 formulé les six points, il a formulé les six points ?

6 R. Oui, je pense que c'est la proposition de Prlic. Vous l'avez dans le

7 compte rendu. Quand j'ai dit qu'il a été constructif, je peux dire qu'il a

8 fait preuve d'une approche constructive face à un document qu'il fallait

9 qu'on mette en œuvre.

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'essaie de

11 respecter les limites de temps. J'essaie d'employer mon temps de la manière

12 la plus créatrice possible. Alors, on peut trouver cela dans la pièce P

13 08012. Il s'agit du compte rendu du

14 4 mars 1994. M. Manolic était présent et les pages 49 à 51 sont les pages

15 où on peut retrouver les six points. Vous les verrez, Monsieur le

16 Président, Messieurs les Juges, c'est écrit là. Donc, je vais pouvoir

17 passer au sujet suivant.

18 Q. Alors, au moins dans un des comptes rendus, on retrouve également mon

19 nom. Il s'agit de la pièce P 01325. C'est le compte rendu du 27 janvier

20 1993. C'est le dernier compte rendu qui a été présenté par l'Accusation. Il

21 s'agit de la session du Conseil de Défense et de Sécurité nationale. Le Dr

22 Prlic a présenté une lettre, vous vous en souvenez ?

23 R. Je ne vois pas de quoi on parle. C'est la proposition de M. Prlic

24 exprimée lors de cette réunion, proposition en six points ou est-ce que

25 vous parlez d'une autre lettre. Je n'en sais rien d'une autre lettre. Je ne

26 suis au courant que de ces six points exposés par M. Prlic lors de cette

27 réunion.

28 Q. Très bien. Hier, vers la fin de l'interrogatoire principal,

Page 4564

1 l'Accusation a soumis la pièce P 01325. C'était une réunion du Conseil de

2 Défense et de Sécurité nationale du 27 janvier 1993. Votre nom n'y figure

3 pas. Mais il me semble que vous avez dit, hier, que vous vous souveniez

4 avoir participé à cette réunion. Lors de cette réunion, si on examinait à

5 la page 3 du document -- ou plutôt, à la page 2, on voit qu'il est d'une

6 lettre qui a été présentée par le Dr Prlic. Je pense, que page 3, on a

7 donné lecture de cette lettre, vous vous en souvenez; sinon, on passera à

8 autre chose ?

9 R. Je ne m'en souviens pas. Mais la question est aussi de savoir pourquoi

10 je ne figure pas là. Je vois que l'on ne me retrouve là lors de cette

11 réunion. Donc, je respecterais plutôt ce compte rendu enfin ce qui dit, je

12 n'ai pas dû assister à cette réunion. Peut-être ai-je fait confusion entre

13 celle-ci et d'autres réunions ? Mais je préfère m'en tenir à ce qui est

14 écrit dans ce compte rendu, s'il vous plaît, je pense que je n'ai pas pris

15 part à cette réunion.

16 Q. Fort bien. J'imagine qu'il n'est pas nécessaire que nous examinions ce

17 compte rendu puisque vous n'étiez pas présent pour parler de la lettre de

18 M. Prlic et de la conversation qui a eu lieu ensuite. Je vous ai posé une

19 question. Il est inutile, n'est-ce pas, Monsieur, que nous passions en

20 revue ce document ? Veuillez répondre par oui ou par non. Il faut que nous

21 consignions votre réponse au compte rendu d'audience. Bon. Tant pis. Je

22 vais continuer.

23 M. KARNAVAS : [interprétation] Je signale au Président que j'ai parlé

24 précédemment des propos tenus par M. Manolic au sujet de l'accusé. Je

25 signale que cela se trouve à la page 9, lignes 17 et 18, compte rendu du 4

26 juillet 2006. Je laisse à la Chambre le soin de déterminer ce qu'il

27 convient de penser de ces remarques.

28 J'aimerais maintenant que nous parlions de votre livre. Je ne vais pas

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1 entrer dans les détails parce qu'un de mes collègues va s'en charger.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourriez-vous lire les lignes 17 et 18 de la page 9,

3 comme cela il n'y aura plus ambiguïté.

4 M. KARNAVAS : [interprétation] En Bosnie-Herzégovine les principaux

5 exécutants de cette politique était Boban Kordic, et cetera, y compris les

6 accusés ici présents. Bon. Je vais relire parce qu'apparemment mon micro

7 n'était pas branché.

8 Il est dit ici : "En Bosnie-Herzégovine les principaux -- exécutants de

9 cette politique ont été Boban Kordic, le troisième échelon, y compris les

10 accusés ici." Si je me souviens bien,

11 M. Manolic a désigné de la main le banc qui se trouve là et où sont les

12 accusés. En anglais "accused" peut être interprété aussi bien au pluriel

13 qu'au singulier. J'imagine qu'il a désigné tout le monde. Etant donné qu'il

14 est Juriste, je suis sûr qu'il a choisi avec beaucoup de soin les paroles

15 qu'il a prononcées. Mais je vais continuer. Je vais continuer.

16 Q. Monsieur le Témoin, je vais aborder maintenant un autre sujet qui porte

17 sur votre livre. Quand j'ouvre ce livre je constate que vous êtes détenteur

18 des droits d'auteur pour ce livre qui a été publié en 1995; c'est bien

19 exact, Monsieur ?

20 R. Oui.

21 Q. Ceci étant, Monsieur, il est indiqué ici qu'un certain Hlad est le

22 correcteur - je ne sais pas exactement quel terme il faut employer - mais,

23 en tout cas, essentiellement, il s'agit de votre texte avec les

24 commentaires et les articles, parce que vous été le propriétaire, disons de

25 ce livre, et vous n'alliez pas signer de votre nom ou quoi que ce soit qui

26 ne serait pas correct, n'est-ce

27 pas ?

28 Pouvez-vous répondre, Monsieur ?

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1 R. Je vais vous dire que ce livre a été publié de manière tout à fait

2 licite en conformité avec toutes les réglementations en vigueur et pour ce

3 qui est de mes interviews, soyez sûr quelles ont toutes été signées.

4 Q. Non. Vous ne répondez pas à ma question. Donc, je vous parle d'avocat à

5 avocat.

6 R. Mais quelle est la réponse ? Alors, dites-la-moi, cette réponse.

7 Q. Bien, c'est ce que j'ai indiqué dans ma question précédente. C'est

8 qu'il ne s'agit pas -- nous n'avons pas une situation où il y a quelqu'un

9 qui vous interview, mais c'est plutôt Manolic qui lui-même a relu -- a

10 toiletté tous les articles -- en fait c'est vous, c'est vous Manolic --

11 c'est Manolic qui parle de Manolic. Je n'y vois à redire. Appelons un chat

12 un chat. Est-ce que vous conviendrez de cela avec moi, Monsieur ?

13 R. Vous remettez en question quelque chose -- enfin, vous, en tant que

14 représentant de la Défense, vous pouvez citer à la barre toutes ces

15 personnes qui pourront, soit affirmer, soit confirmer ce que vous dites. Ce

16 que je peux vous dire c'est que j'ai signé toutes les interviews qui

17 figurent dans ce livre et que je suis l'auteur. Vous le remettez en

18 question; c'est cela ou vous ne le remettez pas en question ?

19 Q. Je ne suis pas là pour répondre à vos questions, Monsieur. Je n'ai

20 aucun doute quant au fait que vous ayez fait toutes ces déclarations - fait

21 des déclarations en public. Mais savoir si tout ici est reproduit de

22 manière exhaustive et complète cela est autre chose. Ce qui m'intéresse

23 ici, c'est que j'essaie de déterminer et d'établir -- c'est que nous

24 n'avons pas ici un commentaire réalisé par quelqu'un d'extérieur un tiers

25 objectif mais c'est vous-même, Monsieur Manolic, qui avez commenté vous-

26 même vos propres interviews. Donc, vous commentez vous-même vos propres

27 propos et la raison pour laquelle j'avance ceci c'est que ce livre c'est de

28 la propagande politique. La propagande qui avait pour objectif de vous

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1 soutenir, de vous aider, de vous apporter un appui dans le cadre des

2 élections qui s'annonçaient après la publication.

3 R. Je ne pense pas que vous soyez au fait de la situation et des

4 événements. Je crois que vous improvisez en m'interrogeant et vos questions

5 ne tiennent pas. Tout ce que je peux vous dire c'est confirmé

6 qu'effectivement, il s'agit d'interviews que j'ai données, les

7 commentateurs cela peut être des personnes différentes, cela vous les savez

8 pertinemment, ceux qui apportaient des commentaires ils sont responsables

9 de ce qu'ils ont dit. On est là pour établir la vérité après tout.

10 Q. S'agissant du premier point, j'aimerais que vous nous apportiez votre

11 assistance mais sans pour autant me plonger dans une analyse du livre, je

12 voudrais savoir en premier lieu qui est Josip Manolic ? Si je regarde le

13 premier paragraphe, puisque c'est le titre de ce premier chapitre, on voit

14 que celui qui a rédigé ce commentaire énumère tout ce que vous avez

15 réalisé, toutes vos prouesses. Cela se trouve à la page 7 en B/C/S dans

16 votre livre, donc, premier titre : "Qui est Josip Manolic ?" Est-ce que ce

17 chapitre c'est vous qui l'aviez écrit ? Est-ce que cela a été écrit avec

18 votre consentement, ou est-ce que cela a été écrit de manière objective

19 indépendante ? Où réside la réalité, sans laquelle ces trois options ?

20 R. Je crois que les commentaires ils ont été réalisés de manière

21 indépendante mais le rédacteur s'est sans doute servi de mes propres

22 observations à moi.

23 Q. Je veux que les choses soient bien claires et être sûr de bien vous

24 comprendre. Quand j'ouvre ce livre je vois la première page Josip Manolic -

25 on voit ici un C entouré d'un cercle - ce qui signifie droit d'auteur.

26 "Copyright." Vous êtes donc le propriétaire des droits. Vous êtes le

27 propriétaire de ce livre, dirons-nous, y compris de tout ce qui concerne

28 Josip Manolic, y compris de ce chapitre intitulé : "Qui est Josip

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1 Manolic ?"

2 R. Oui.

3 Q. Quand on regarde le livre on voit qu'il y a une brève biographie, et à

4 la page 3 dans la traduction en anglais, vous indiquez, entre autres, qu'en

5 1944, si je me souviens bien, c'est à un jeune âge que vous avez commencé à

6 être impliqué dans certaines affaires concernant les services de Sécurité,

7 UDBA; c'est le nom de cet organisme sur les services de Sécurité, page 9,

8 mais je suis sûr que vous connaissez bien le texte de votre ouvrage.

9 R. Je ne vois pas ce qui pose problème ici, ce qui peut faire polémique.

10 Tout ce qui est écrit ici est exact, ma biographie et tout le reste.

11 Q. Ensuite, on peut lire qu'en 1946, pendant trois ans, vous êtes allé à

12 Belgrade pour suivre les cours de l'académie politique militaire. Est-ce

13 qu'il s'agissait d'une université ou bien est-ce qu'il s'agissait d'une

14 institution destinée à peaufiner les connaissances des jeunes cadres

15 communistes du temps de Tito ?

16 R. Je crois que vous déformez les choses, vous déformez les choses, vous

17 déformez le contexte temporel et autre. Bon, ici il est indiqué clairement

18 qu'en 1946 et en 1947, j'ai suivi les cours de l'académie politique

19 militaire de Belgrade, c'est ce qui est indiqué ici. Alors, trois ans ou

20 cinq ans, peu importe. Mais il ne faut pas procéder comme vous le faites.

21 Q. En 1948, vous avez environ à ce moment-là 28 ans, vous êtes nommé chef

22 du service Exécutif chargé de l'Application des peines au sein du MUP de

23 Croatie. Ceci, vous êtes resté à ce poste 12 ans. Est-ce qu'on peut dire

24 que vous étiez à la tête du service pénitentiaire croate ? Est-ce que c'est

25 à peu près à cela que cela correspondrait ?

26 R. Oui. En plus, des représentants de ce système pénal, qui sont aussi les

27 Juges et les autres. Dans tout ce système, j'étais l'un des intervenants

28 qui était à la tête du système pénitentiaire de la Croatie et tout ce qui

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1 s'est passé de bien ou de mal au sein de ce service, cela peut être mis à

2 mon compte pendant toute cette période.

3 Q. Il y a eu pas mal de choses assez répréhensibles qui se sont passées

4 pendant cette période, n'est-ce pas ? Au moment où certains postes de l'ex-

5 Yougoslavie essayaient d'exercer leur droit à l'autodétermination,

6 essayaient de manifester leur identité nationale, tout ceux qui optaient

7 pour cette voie se voyaient en but à des persécutions qui se manifestaient

8 de diverses manières. Certains ont dû faire de la prison du fait de leur

9 dissidence, n'est-ce pas ?

10 R. Oui. Tous ceux qui contrevenaient à la loi devaient répondre de leurs

11 actes, c'est le cas dans tous les Etats où règne l'état de droit. Quelque

12 soit leur poste, quelque soit leur point de vue, si les gens enfreignaient

13 la loi, à ce moment-là, ils étaient jugés et ils devaient éventuellement

14 passer par le système pénitentiaire pour l'exécution de leur peine. J'étais

15 l'un des dirigeants de ce système - je n'essaie nullement de le contester -

16 mais je ne vois pas très bien à quoi tout ceci vous sert, où est-ce que

17 cela vous mène.

18 Q. Nous y arrivons lentement, pas à pas, ne vous inquiétez pas. Mais, dans

19 votre livre, vous expliquez que vous avez modernisé le système

20 pénitentiaire, le système pénal. Vous avez amélioré les conditions qui

21 prévalaient dans les prisons. Ou est-ce que je surestime quelque peu ce que

22 vous avez fait ?

23 R. C'est exact, mais on précise dans le livre en quoi cela consiste. Il

24 s'agissait de l'information des cadres, des gens qui étaient en contact

25 direct avec les personnes qui purgeaient leur peine. Il y a aussi les

26 prisons ouvertes. Pour la première fois dans le Bloc socialiste, on a

27 ouvert des prisons de type semi-ouvert ou ouvert.

28 Q. Pour en terminer de ce chapitre de votre vie, c'est à ce moment-là,

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1 quand vous étiez dirigeant du système pénitentiaire, que le cardinal, très

2 connu, Stepinac a été arrêté alors que vous occupiez toujours ce poste et

3 on affirme que, toujours au cours de cette période. Il est mort suite à une

4 ingestion de poison. Bon, je ne dis nullement que vous soyez un de ceux qui

5 l'ont empoisonné, mais, en tout cas, c'est ce que d'aucuns prétendent. Est-

6 ce que c'est exact ?

7 R. Une fois encore, cet avocat, de manière extrêmement insolente, fait des

8 insinuations à mon sujet, au sujet d'un empoisonnement. La commission, qui

9 a procédé à une enquête au sujet des actions du cardinal Stepinac en

10 prison, n'a pas tenu compte de la possibilité de l'empoisonnement. J'ai été

11 entendu par cette commission, ils m'ont entendu ainsi que beaucoup

12 d'autres, des centaines d'autres personnes au sujet de ce problème.

13 Q. Mais vous étiez chargé de cet homme, n'est-ce pas, puisque vous étiez à

14 la tête du système pénitentiaire. On vous avait donné pour mission de

15 veiller au sort de cet homme, ce cardinal très estimé qui, ensuite, a été

16 identifié --

17 M. LE JUGE ANTONETTI : La question est pertinente par rapport à l'acte

18 d'accusation, mais, Monsieur Manolic, ce cardinal, il est mort de quoi ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que le cardinal est décédé neuf ans

20 après avoir quitté le système pénitentiaire. Je crois qu'il est mort suite

21 à une leucémie, mais je n'en suis pas sûr à

22 100 %. On a cessé de parler de toute cette question parce qu'il a été

23 soigné pendant toutes ces neuf années qui ont suivi son départ des

24 institutions pénitentiaires, donc, il ne peut pas y avoir de lien entre un

25 empoisonnement dont il aurait été victime en prison.

26 M. KARNAVAS : [interprétation]

27 Q. Après avoir quitté ses fonctions en 1960, me semble-t-il, vous

28 êtes devenu le chef du secrétariat chargé des Affaires intérieures de la

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1 ville de Zagreb, n'est-ce pas ?

2 R. C'est exact. Afin que les choses soient très claires, j'étais chef de

3 la police de la ville de Zagreb et de la région environnante.

4 Q. J'aimerais que nous parlions maintenant de quelque chose dont nous

5 avons parlé hier avant de vous entendre. Avant même que vous ne prêtiez

6 serment, M. le Juge Antonetti vous a posé un certain nombre de questions.

7 Je cite, page 42, audience du 3 juillet, ligne 8, M. le Juge Antonetti vous

8 pose la cause suivante : "Pouvez-vous me dire quelles étaient vos fonctions

9 en 1991 et en 1992 et en 1993," ce à quoi vous avez répondu : "En 1992,

10 j'étais le chef du bureau de la République jusqu'en 1993 -- en mai 1993

11 quand j'ai été élu président de la Chambre des comtés, la Chambre

12 supérieure du parlement."

13 Ensuite, M. le Juge Antonetti vous demande de prêter serment. Avant que

14 nous parlions de ce que vous avez dit, après avoir prononcé la déclaration

15 solennelle, je voudrais savoir pourquoi, quand M. le Juge Antonetti vous a

16 posé une question très précise au sujet de vos fonctions, pourquoi avez-

17 vous oublié -- omis de dire que vous étiez chef des services de Sécurité

18 pendant cette période ? Est-ce que vous avez eu -- est-ce que c'est un

19 oubli de votre part ou est-ce que, finalement, cela vous arrangeait de ne

20 pas dire toute la vérité aux Juges de la Chambre ? Où réside la vérité ?

21 Laquelle de ces deux réponses est exacte ?

22 R. Ni l'une, ni l'autre. Je n'ai pas eu non plus de problèmes de mémoire.

23 Je n'ai pas non plus l'intention d'élucider la question parce que la

24 biographie, elle est de notoriété publique et le Tribunal peut en prendre

25 connaissance à la connaissance de cette biographie. On pourrait écrire tout

26 un livre au sujet de mon parcours mais ici, nous avons un résumé. J n'ai

27 aucune raison de dissimuler, ne serait-ce qu'une minute ou une heure de

28 tous ces parcours de cacher quelques postes que j'aurais occupés.

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1 Q. On ira au compte rendu d'audience, que c'est en réponse aux questions

2 de la Défense que l'on a appris que vous étiez chef des services de

3 Sécurité mais que vous n'avez pas donné cette information volontairement.

4 Parlons maintenant de ce qui s'est passé après votre déclaration

5 solennelle. Vous avez juré de dire la vérité, toute la vérité, rien que la

6 vérité. Page 42, lignes 8 et 9 de l'audience du 3 juillet. Ensuite, M.

7 Scott, qui représente le bureau du Procureur, passe en revue votre parcours

8 avec vous et cela commence à la page 45, ligne 21, je cite : "M. Manolic,

9 nous allons ensemble passer en revue votre CV assez rapidement." M. Scott,

10 bien entendu, ne parle pas de vos fonctions au sein des services de

11 Sécurité, peut-être parce qu'il ne savait pas, peut-être parce qu'il l'a

12 oublié. Mais quoi qu'il en soit, si vous examinez ce qui figure à la page

13 46 et votre réponse à la page 47, on voit qu'à aucun moment, il est

14 question du fait que vous ayez été à la tête des services de Sécurité. Or,

15 Monsieur, quand on vous a demandé de prononcer la déclaration solennelle,

16 on vous a demandé de vous engager à dire toute la vérité.

17 Alors, pourquoi n'avez-vous pas dit toute la vérité au sujet de votre

18 parcours professionnel et autres ? Parce que cela va s'avérer très

19 pertinent, ceci, le moment venu.

20 R. Tout d'abord, je voudrais vous demander de respecter la terminologie

21 qui existait. J'ai été nommé représentant du bureau du président de la

22 république pour ce qui est des questions de la Sûreté de l'Etat.

23 Q. Bien. Est-ce que vous savez que ce bureau -- Excusez-moi.

24 R. Ici, je n'ai pas indiqué avec précision de quelle date à telle date,

25 j'ai occupé tel ou tel poste mais finalement cette omission, ceci a été

26 précisé lors de notre discussion.

27 Q. Oui, cela a été précisé. Mais je voudrais savoir pourquoi vous ne

28 l'avez pas dit ? Pourquoi vous avez omis de détail insignifiant ?

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1 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais, si on

2 regarde le compte rendu d'audience, on pourra constater que j'ai fait ce

3 que je fais avec beaucoup d'autres témoins, c'est-à-dire que j'ai guidé le

4 témoin dans l'examen de sa biographie et c'est mon erreur. J'assume toutes

5 les responsabilités. C'est moi qui n'ai pas posé la question idoine. Mais

6 la seule chose que je voulais dire c'est que, si M. Manolic voulait

7 dissimuler cette information à la Chambre, je ne vois pas pourquoi il a,

8 lui-même, communiqué cette information quand on lui a posé la question ?

9 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président --

10 M. SCOTT : [interprétation] J'assume la responsabilité. Je vous prie de

11 m'excuser de ne pas, moi-même, lui avoir demandé de nous parler de ces

12 fonctions-là. Je m'en excuse.

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous allons revenir sur ce point plus tard.

14 Mais, aujourd'hui, on vous a posé une question. M. Praljak vous a posé une

15 question au sujet des Moudjahiddines. Vous avez douté de ce qu'il vous

16 disait de cette information et tout ceci a eu lieu pendant la période au

17 cours de laquelle vous étiez chef des services de Sécurité. On peut voir ce

18 qu'il en est aux pages 16 et 18 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui.

19 Vous affirmez, à ce moment-là, que vous ne connaissez pas les dates. Puis,

20 ensuite, vous vous souvenez de la date avec précision, "18 novembre 1991."

21 Ce qui en vient nous amène à poser des questions au sujet de la véracité de

22 vos propos. Comment se fait-il que vous nous disiez que vous ne savez pas

23 entre quelle date et telle date vous avez été chef des services de

24 Sécurité ? Puis, soudain, une page plus loin, tout devient limpide. Vous

25 arrivez à vous souvenir d'une date précise. Alors, essayez de nous

26 expliquer ce qu'il en est. Comment cela se fait-il ?

27 M. LE JUGE ANTONETTI : J'avais noté cela, moi-même. Pourquoi vous avez dit

28 le 18 novembre 1991 ? Qu'est-ce qui vous a rappelé que vous avez pris vos

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1 fonctions le 18 novembre 1991 ? Est-ce que la mémoire vous était revenue en

2 cours de route ou il y a un fait précis qui vous a permis de dire, bien

3 oui, c'était le 18 novembre ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'on m'a demandé de dire à partir de

5 quel moment j'avais occupé ce poste au service de Renseignement parce que

6 c'est le moment où j'étais démis de mes fonctions de premier ministre.

7 Enfin, je ne les ai plus occupé. Il y a eu une période intérimaire pendant

8 laquelle je n'ai occupé aucun poste, en dehors d'un poste politique. On m'a

9 demandé à quel moment cela a été ? J'ai donné une réponse approximative.

10 J'ai dit que c'était, à peu près, vers le 18 novembre. Mais j'ai dit qu'il

11 ne fallait surtout pas prendre cette date au pied de la lettre et qu'il

12 suffisait de regarder les documents pour voir à quelle date exacte j'avais

13 été nommée ? Si on regarde ces documents, je pense que c'est le 18 novembre

14 1991 comme je l'ai déjà dit.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez, Maître Karnavas.

16 M. KARNAVAS : [interprétation]

17 Q. Je signale pour le compte rendu d'audience qu'à la ligne 10 de la page

18 16. Quand on lui demande -- quand M. Praljak lui demande, "De quelle

19 période il s'agit ?" A la ligne 10, on voit que la réponse est la suivante

20 : "Je ne peux pas vous le dire exactement, je ne peux pas vous le préciser

21 parce que je ne sais pas." Vous ignoriez à quel moment vous avez été chef

22 des services de Sécurité de la République de Croatie.

23 R. Mais je ne connais pas la date. Là, vous parlez de date, Monsieur.

24 Q. Est-ce que vous savez à quel mois c'était, et cetera, et cetera ?

25 L'échange se poursuit. Je laisse à la Chambre le soin de lire cet échange.

26 Tout ceci est dû à la mention des Moudjahiddines en Bosnie-Herzégovine. On

27 vous a demandé si vous étiez au courant de leur présence ? Si j'ai bien

28 compris, on a mentionné le chiffre de 5 000. C'est M. Praljak qui a donné

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1 ce chiffre, page 17, ligne 12. Vous avez dit : "Que vous n'en savez rien."

2 Avant même de parler des Moudjahiddines, pouvez-vous me dire combien il y

3 avait de services différents, en République de Croatie, qui récoltaient --

4 qui réunissaient des informations ? Parce que, si je me souviens bien,

5 hier, vous nous avez dit en décrivant vos fonctions, que vous étiez un

6 bureaucrate, que vous receviez des informations et que vous les

7 transmettiez au président. C'est un petit peu original cette façon de vous

8 présenter vous-même comme un simple bureaucrate. Mais dites-nous combien il

9 y avait de services différents, à l'époque, en République de Croatie.

10 R. Aucun de ces services n'était de mon ressort. En Croatie, soyons

11 précis, il existait le service chargé de la Protection de l'ordre

12 constitutionnel qui se trouvait au ministère de l'Intérieur et qui relevait

13 du ministre et par le truchement du ministre qui relevait du gouvernement.

14 J'avais les habilitations qui étaient conférées par le président pendant un

15 certain temps. J'étais plutôt une sorte de coordonnateur s'agissant de

16 toutes ces informations qui étaient réunies et qui étaient transmises par

17 le truchement du service et qui a transmis ces informations à d'autres

18 services.

19 Q. La question que je vous posais c'était de savoir combien il y avait de

20 services présents en République de Croatie, à l'époque ?

21 R. A l'époque, il y avait le service chargé des Affaires intérieures. Il y

22 avait une sorte de service d'Informations au sein de l'armée, puis, il y

23 avait une sorte de service chargé aussi de l'Information au sein du

24 ministère des Affaires étrangères.

25 Tous ces gens en charge de ces différents services relevaient

26 directement de leur propre ministère.

27 Q. Mais, vous, comment réunissiez les informations que vous - aviez ? Est-

28 ce que vous étiez tout seul dans votre service ou dans votre bureau ? Est-

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1 ce qu'il y avait des gens qui trouvaient ces informations pour vous ? Est-

2 ce que vous êtes en train de nous dire qu'aucun de ces autres services ne

3 vous a jamais communiqué d'information ?

4 R. Non. Cela je ne l'ai pas affirmé. Là, encore vous déformez. Je n'ai pas

5 dit cela. J'ai dit que ces renseignements ne m'étaient pas envoyés, mais

6 qu'ils auraient pu m'être envoyés quant au service que je dirigeais nous

7 étions cinq au total dans ce service, et vous savez très certainement

8 quelle masse de travail recouvre le service de Renseignement.

9 Q. Monsieur, vous étiez l'un des deux hommes les plus importants du pays à

10 ce moment-là du point de vue du pouvoir vous étiez le bras droit.

11 R. Là encore, vous déformez. Où est-ce que vous avez trouvé numéro 2 dans

12 la constitution croate ? Parce que vous veuillez maintenant respecter, je

13 vous prie, en tant que Juriste, la terminologie en vigueur. Dans la

14 constitution croate, il n'existe qu'un président. Il n'a pas de vice-

15 président ni quoi que ce soit de ce genre. Le numéro deux, selon la

16 constitution en Croatie, c'est le président du parlement. Or je n'étais pas

17 cela. J'étais président de la Chambre haute et ce uniquement en 1993.

18 Q. Donc, vous dites que de jure vous n'étiez pas le numéro deux, mais vous

19 ne prétendez pas ici aujourd'hui que de facto vous ne l'étiez pas. Il y a

20 une raison pour laquelle le président Tudjman vous a placé au poste où il

21 vous a placé en raison de votre expérience passée au sein des services de

22 Sécurité.

23 R. Certainement. Il est certain qu'il avait de l'appréciation pour cela.

24 Q. Bien sûr, et pendant toutes les années de l'ère Tito, vous avez passé

25 votre temps à affiner vos capacités en recueillant toutes sortes

26 d'information, n'est-ce pas ? C'est bien la raison pour laquelle il

27 souhaitait que vous soyez là où vous étiez ?

28 R. Encore une fois vous déformez.

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1 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Puis-je vous interrompre ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant toute cette période j'étais un

3 représentant politique un homme qui s'occupait de politique.

4 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je me permettrais d'interrompre Me

5 Karnavas et le témoin également.

6 Pour dire simplement comme cela a déjà été dit précédemment que nous

7 aimerions entendre le témoin parler de ce qui a un rapport direct avec le

8 procès auquel nous participons et en particulier avec les accusés. Car très

9 franchement, je ne vois pas beaucoup de raisons pour invoquer le Cardinal

10 Stepinac dans nos débats et je ne vois pas plus de raison de parler du

11 travail qu'accomplissait le témoin dans les années 40 et 50. Donc, Maître

12 Karnavas, je voudrais vous prier de vous concentrer si position sur les

13 questions qui ont réellement une importance pour cette Chambre et qui ont

14 un lien avec l'acte d'accusation.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Mais vous vous

16 souviendrez que cet homme vient de reconnaître qu'il a été choisi par

17 Tudjman en raison de l'expérience qu'il avait acquise dans le cadre de son

18 travail pour UDBA pendant toutes années. C'est là que réside la pertinence

19 parce qu'aujourd'hui, il a dit qu'il n'avait aucune information - qu'il ne

20 recevait aucune information. Alors, qu'hier pendant que l'Accusation

21 l'interrogeait il semblait disposer de tous les renseignements nécessaires.

22 Donc, je pense qu'il y a une pertinence à toutes mes questions.

23 Q. Monsieur Manolic, avez-vous répondu au général Praljak que vous ne

24 saviez rien des Moudjahiddines parce que la question n'avait jamais été

25 abordée pendant l'une quelconque de toutes ces réunions ? Est-ce que vous

26 vous rappelez avoir répondu cela ?

27 R. Oui, je m'en souviens. Moi aussi, je pourrais poser la question de

28 savoir si le chiffre de 5 000 que M. Praljak a tiré de sa manche était tout

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1 à fait exact. S'il n'était pas en réalité de 5 001, donc voilà pourquoi je

2 ne peux pas répondre mais ce n'est pas juste parce qu'encore une fois vous

3 faites pression sur moi. Vous déformez en disant que je ne savais pas

4 grand-chose. Oui, je savais beaucoup de choses mais les choses que je

5 savais non pas une importance extrême par rapport au débat qui se mène dans

6 ce prétoire. Tout ce qu'on me demandera je le dirais.

7 Q. Monsieur, on vous a posé une question au sujet des Moudjahiddines. Vous

8 deviez avoir des informations même si c'est nous qui avons dû mettre en

9 avant le fait que vous apparteniez au service secret et avec beaucoup de

10 réticence vous nous avez dit à quelque moment vous l'avez été. Maintenant,

11 vous nous dites que vous aviez toutes ces compétences et que c'est la

12 raison pour laquelle vous avez été choisi pour occuper le poste que vous

13 occupiez et quand on vous demande -- quand on vous pose une question au

14 sujet des Moudjahiddines, vous dites : "Tout ce que vous me demandez

15 aujourd'hui correspond à des choses qui n'ont jamais fait l'objet du

16 moindre débat dans ces réunions auxquelles j'ai participées." Vous dites

17 que c'est la raison pour laquelle vous répondez ne rien savoir des

18 Moudjahiddines. Oui ou non. Ceci figure en page 16 du compte rendu

19 d'audience. On peut le relire. Vous vous en tenez à votre réponse

20 précédente.

21 R. Vous n'avez pas le moindre document relatif à ces déplacements des

22 Moudjahiddines sur le territoire de la Croatie. Pas un seul document. Vous

23 improvisez ce que vous êtes en train de dire. Est-ce qu'ils ont traversé la

24 Croatie ou est-ce qu'ils ont utilisé un autre itinéraire ? Cela n'a guère

25 de pertinence pour cette Chambre.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que vous aviez la charge de coordonner

27 les services de Renseignement. Vous avez indiqué qu'il y avait un service

28 qui dépendait du ministère de la Défense, un du ministère de l'Intérieur et

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1 un du ministère des Affaires étrangères. Donc, vous coordonniez. Quand on

2 coordonne c'est que l'on rencontre les responsables de ces services et vous

3 deviez avoir des réunions avec eux. Lors de ces réunions, est-ce qu'à un

4 moment donné un des services a parlé du fait que des étrangers venant des

5 pays arabes transitaient par la Croatie pour aller en Bosnie-Herzégovine ?

6 Est-ce que cette question, à un moment donné, a été évoquée devant vous en

7 tant que coordonnateur des services de Renseignement de la Croatie ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, en toute

9 responsabilité, je vous dis que ce renseignement, nous n'en disposions pas

10 ce renseignement qui vient d'être évoqué ici et qui porte sur le transit

11 des Moudjahiddines sur le territoire de la Croatie. Puisqu'il existe encore

12 des êtres vivants qui ont eu cette expérience, si vous voulez vérifier ce

13 fait vous pourriez poser la question à des représentants de ces autres

14 services qui pourront vous répondre.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : En 1992, 1993, est-ce que le mot "Moudjahiddines"

16 était prononcé en Croatie ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Si je me souviens bien, non. Mais le

18 terme -- l'expression "volontaire" venant d'un certain nombre de pays arabe

19 était utilisée.

20 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai apprécié

21 la question que vous avez posée.

22 Penchons-nous sur les éléments de preuve de l'Accusation et en

23 particulier sur la pièce P 013517. Un compte rendu d'une réunion du Conseil

24 de sécurité nationale tenue en juillet 1993, et en page 17, c'est le

25 président qui s'exprime. Il dit, je cite : "Messieurs, ce que Milosevic a

26 dit est très intéressant à savoir qu'il y a entre cinq et 6 000

27 Moudjahiddines en Bosnie." Ensuite, le texte se poursuit avec d'autres

28 éléments de la discussion relative aux Moudjahiddines.

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1 Q. Bien. Monsieur Manolic, si vous vous penchez sur une autre page, une

2 cinquante et quelque de ce même compte rendu de cette même réunion du

3 Conseil de Sécurité nationale du 7 juillet 1993, et c'est très intéressant.

4 Vous constaterez que votre nom apparaît dans la version anglaise, en tout

5 cas. On le trouve votre nom. Page 33. Vous étiez donc présent et vous étiez

6 au courant. Le président durant cette réunion a parlé des Moudjahiddines et

7 moi ce que je vous affirme, Monsieur, ce que je soumets à votre attention

8 c'est que ce que vous avez dit en affirmant de rien savoir des

9 Moudjahiddines lorsque vous avez répondu à la question que vous a posée le

10 général Praljak ou en indiquant que ce sujet n'avait jamais été abordé au

11 cours des réunions auxquelles vous participiez et une pure vue de l'esprit.

12 R. Ecoutez, ce terme n'était pas utilisé. Je n'ai jamais entendu dans la

13 période dont vous parlez. Si nous parlons de la fin de la guerre, c'est

14 autre chose.

15 M. KARNAVAS : [interprétation]

16 Q. D'accord. Alors, vous dites probablement. Est-ce que vous êtes en

17 train de dire que vous n'êtes pas sûr que ce compte rendu soit conforme à

18 la réalité et que peut-être le Moudjahiddine s'y est glissé par hasard ou

19 est-ce qu'il a été prononcé ?

20 R. Je ne nie pas le fait qu'il ait pu prononcer ce terme, mais je ne me

21 souviens pas de l'avoir entendu prononcer ce mot. Mais, maintenant je lis

22 le compte rendu de cette réunion et vous évoquez ce fait et donc,

23 désormais, je veux bien croire qu'il l'a prononcé, d'autant plus qu'on

24 pourrait ajouter quelques mots à ce sujet, à savoir que Milosevic nous

25 terrorisait tous en parlant de l'arrivée de ses --

26 Q. Monsieur, ce n'est pas Milosevic que j'interroge, c'est vous, et sur le

27 compte rendu d'audience nous avons consignation de votre serment de dire la

28 vérité.

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1 M. SCOTT : [interprétation] Objection.

2 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est peu dire --

3 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, il est possible qu'il y

4 ait contradiction, mais il n'est pas question de parler de mensonge sous

5 serment.

6 M. KARNAVAS : [interprétation]

7 Q. Maintenant j'aimerais aborder un autre point, la question de Livno.

8 Est-ce que vous avez la moindre information à ce sujet, Monsieur ? Le débat

9 qui a eu lieu à Livno, est-ce que vous en avez eu connaissance, Monsieur ?

10 Vous savez de quoi je parle ?

11 R. Non.

12 Q. D'accord. Hier et aujourd'hui, on a parlé du référendum organisé en

13 Bosnie-Herzégovine. Vous rappelez-vous ce qui a été dit, hier et

14 aujourd'hui, dans ce prétoire à ce sujet ?

15 R. Je me souviens que le référendum a eu lieu et je me souviens du rapport

16 de forte qui existait au moment de ce référendum.

17 Q. Très bien. Etes-vous au courant du fait qu'une réunion a été organisée

18 à Livno, réunion qui a donné lieu à un débat qui a exclusivement porté sur

19 le libellé de la question proposée au référendum ? Vous rappelez-vous les

20 inquiétudes exprimées par les Croates de Bosnie-Herzégovine à ce sujet ?

21 R. Non, je ne suis pas au courant de cela. Je n'ai pas su que cette

22 réunion a eu lieu et je n'ai pas été informé des personnes qui ont

23 participé à cette réunion à ce moment-là. Je n'ai pas participé à cela.

24 Q. Très bien. Je suppose, puisque vous êtes assis ici aujourd'hui, que

25 vous n'avez pas le moindre souvenir d'une rencontre organisée par le HDZ en

26 Bosnie-Herzégovine qui avait un rapport avec le référendum, et notamment,

27 avec le libellé de la question proposée au référendum parce que les Croates

28 résidents de Bosnie-Herzégovine s'inquiétaient du fait que, telle qu'elle

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1 était posée, à ce moment-là, la question ne permettait pas de protéger de

2 manière convenable leurs droits souverains en tant que nation constitutive

3 de la Bosnie-Herzégovine. Soit vous vous souvenez, soit vous ne vous

4 souvenez pas, auquel cas, je passe à autre chose.

5 R. Je ne me souviens pas.

6 Q. Très bien. Donc, je suppose que vous n'êtes pas non plus au courant

7 d'une quelconque autre réunion également organisée pour discuter de cette

8 question ?

9 R. Ne parlez pas "d'autres réunions"; dites-moi concrètement de quelle

10 réunion vous parlez. S'agissant de la réunion que vous venez d'évoquer,

11 j'affirme ne pas être au courant, mais dites-moi quelles sont ces autres

12 réunions dont vous parlez et je pourrai vous répondre.

13 Q. Vous souvenez-vous, oui ou non, du fait que les Croates de Bosnie-

14 Herzégovine semblaient avoir un problème particulier par rapport au libellé

15 de la question ? Si vous ne vous en souvenez pas, pas de problème.

16 R. Je ne me souviens pas d'observations émanant d'eux, mais je me souviens

17 à peu près du libellé de la question. C'est pour répondre à cette question

18 que les gens ont votée au référendum. Maintenant, est-ce que tout le monde

19 était d'accord avec le libellé de la question ou pas ? Cela je ne pense pas

20 que ce soit important. Ce qui était important, c'était la question apportée

21 par ceux qui ont voté à la question proposée au référendum.

22 Q. Peut-être n'est-ce ni pertinent, ni important à vos yeux, Monsieur,

23 mais moi ce que j'affirme, c'est qu'un débat très nourri a eu lieu à ce

24 sujet et qu'au sein du HDZ de Bosnie-Herzégovine, des inquiétudes

25 importantes ont été exprimées par rapport au libellé de la question et

26 qu'en fait, en raison de cela, l'Union européenne a organisé des réunions

27 pour vérifier que le libellé de cette question garantissait le principe de

28 la souveraineté du peuple croate en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous

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1 vous rappelez de cela, oui ou non ?

2 R. Je sais qu'il y a eu des préparatifs avant le référendum où il a été

3 question des positions que le HDZ allait défendre en Croatie et des

4 positions que le HDZ allait défendre en Bosnie-Herzégovine. J'ai assisté à

5 des réunions du HDZ, aussi bien qu'en tant qu'institution de la Croatie

6 qu'en tant qu'institution de l'Herceg-Bosna, à cette époque-là.

7 Q. Oui, Monsieur, mais si je me souviens bien de la teneur de votre

8 déposition hier, vous sembliez penser que les Croates de Bosnie-Herzégovine

9 ne souhaitaient pas voter au référendum et que, par conséquent, il a fallu

10 que des pressions soient exercées sur eux par le président Tudjman pour les

11 y convaincre. Mais peut-être est-ce que je simplifie à l'excès votre

12 déposition ? Est-ce bien ce que vous avez dit ?

13 R. Il est tout à fait exact que le président Tudjman a exercé une certaine

14 pression politique sur eux pour qu'ils votent, pour qu'ils déclarent

15 clairement qu'ils étaient aux côtés des Musulmans contre les Serbes.

16 Q. Très bien. Je suppose qu'il est inutile que je vous mette sous les yeux

17 maintenant une déclaration de principe datant du 18 mars 1992 et portant

18 sur l'ordre constitutionnel en Bosnie-Herzégovine. Je veux dire compte tenu

19 des réponses que vous venez de faire, il me semble que vous n'avez pas la

20 moindre information au sujet de réunions qui auraient eu lieu au sein de

21 l'Union européenne et qui auraient porté sur le libellé de la question

22 proposée au référendum suite à l'expression d'une certaine anxiété de la

23 part des Croates de Bosnie-Herzégovine et avant tout au sein du HDZ de

24 Bosnie-Herzégovine, anxiété qui a d'ailleurs fait l'objet du débat de

25 Livno, autre réunion au sujet de laquelle vous n'avez pas la moindre

26 information. Il faudrait que vous répondiez à haute et intelligible voix

27 pour que votre réponse soit consignée au compte rendu d'audience.

28 R. Oui, je pense que ce que vous avez dit est exact.

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1 Q. D'accord. Merci. Passons maintenant à la question de Graz parce que,

2 dans votre déposition, si je l'ai bien comprise, vous semblez avoir évoqué

3 une espèce d'accord conclue à Graz entre Boban et Karadzic, si j'ai bien

4 compris ?

5 R. Aucun accord n'a été conclu à ce moment-là car les éléments préalables,

6 nécessaires à la conclusion d'un accord n'étaient pas présents,

7 n'existaient pas. J'ai dit très clairement qui avait demandé la convocation

8 de cette réunion, qui y a participé et quels en ont été les résultats. Cela

9 figure également noir sur blanc.

10 Q. D'accord. Bien, si j'ai bien compris, il y a un moment tout de même où

11 vous aussi avez participé à une réunion à Graz; est-ce que je me trompe ou

12 pas sur ce point ?

13 R. Ce dont je parlais à l'instant, c'était de la réunion à laquelle j'ai

14 participé, pas de la réunion à laquelle a participé Boban.

15 Q. D'accord. Vous parliez de la réunion à laquelle vous aviez assisté.

16 Mais dans quelle période se situe cette réunion ?

17 R. Dans la période ou à peu près à la date du 26 février.

18 Q. Très bien. Est-ce qu'il s'agit de la même réunion que celle où Karadzic

19 et Boban sont censés avoir conclu un accord, ou est-ce une autre réunion ?

20 R. La réunion dont je parle n'a pas le moindre rapport avec celle de

21 Karadzic et Boban. La réunion dont je parle a apporté une réponse très

22 claire à Karadzic et aux Serbes de Bosnie en indiquant que les Croates

23 allaient participer au référendum.

24 Q. D'accord. S'agissant d'une autre réunion tenue à Graz et impliquant M.

25 Boban et M. Karadzic, est-ce que vous avez des informations à ce sujet ? Si

26 ce n'est pas le cas je passe à autre chose mais si c'est le cas j'aurais

27 quelque chose à vous soumettre -- à vous montrer.

28 R. Je ne sais pas. Je n'ai pas été informé d'une quelconque rencontre

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1 entre Boban et Karadzic.

2 Q. Comme vous le constatez vous n'êtes pas en train de dire ici qu'un

3 quelconque accord aurait été conclu entre les deux hommes à ce moment-là,

4 Monsieur, n'est-ce pas, puisque vous n'avez pas d'information ? Je tiens à

5 ce que la chose soit claire aux yeux des Juges. D'après ce que vous savez -

6 et c'est particulièrement important compte tenu du poste qui était le vôtre

7 et des renseignements que vous recueilliez - bien, d'après vous, vous

8 n'avez rien su d'une quelconque réunion entre Karadzic et Boban dans une

9 localité appelée Graz, n'est-ce pas ?

10 R. Cet accord a été connu dans la mesure où certains des éléments abordés

11 à cette réunion l'ont été également à la réunion du Conseil de la défense

12 et de la sécurité national présidée par le président Tudjman et dont j'ai

13 parlé tout à l'heure. Puis les médias ont quelque peu évoqué l'événement

14 dans leur colonne, mais je ne savais pas au préalable que cette réunion

15 allait se tenir.

16 Q. Est-ce que vous avez eu la moindre possibilité de vous pencher sur une

17 lettre envoyée par Mate Boban le 17 mai 1992 à la diaspora. Déclaration

18 publique adressée à la diaspora, est-ce que vous l'avez eue sous les yeux ?

19 R. Non, je ne me souviens pas que Boban aurait envoyé une lettre à

20 l'opinion au public en général ou à qui que ce soit d'autres.

21 Q. D'accord.

22 M. KARNAVAS : [interprétation] Pour éviter tout malentendu j'aimerais que

23 l'on soumette au témoin la pièce 1D 00428.

24 Q. Pendant qu'on cherche ce document, j'aurais quelques petites questions

25 complémentaires à vous poser. Dans la dernière période, il me semble que

26 tout le monde essaie de se présenter comme l'associé ou le partenaire de

27 tout le monde. Les Serbes parlent à tout le monde pour essayer de se faire

28 des alliés. Les Serbes parlent aux Musulmans. Les Serbes parlent aux

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1 Croates. Les Croates parlent aux Serbes. Il me semble que dans cette

2 période-là et compte tenu de la situation qui prévalait à l'époque chacun

3 s'efforçait de trouver la meilleure solution d'éviter le démantèlement de

4 l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

5 R. C'est exact. Oui, il est exact que tout le monde s'efforçait de trouver

6 un moyen de régler le problème avec le moins de perte possible, avec le

7 moins de victimes possible et donc de trouver une solution globale à la

8 crise qui faisait rage aussi bien en Bosnie qu'en Yougoslavie.

9 Q. Au niveau yougoslave toutes sortes de réunions ont été organisées entre

10 les divers présidents des républiques, parfois ils se réunissaient à deux,

11 parfois à trois, et puis ils se déplaçaient d'un lieu à un autre. Tout cela

12 pour essayer de trouver une solution à la situation qui avait résulté du

13 démantèlement de l'ex-Yougoslavie, n'est-ce pas ?

14 R. Je crois que nous avons répondu à cette question.

15 Q. D'accord. Très bien. Vous nous avez parlé des postes politiques

16 importants que vous avez occupés. J'aimerais vous demander, si vous me le

17 permettez, si vous avez participé - parce que vous venez de dire que vous

18 avez participé à une réunion organisée à Graz - mais, pour en terminer avec

19 ce sujet, j'aimerais vous demander qui était l'organisateur de cette

20 réunion, qui vous a demandé de vous rendre à cette réunion ?

21 R. Le président Tudjman a reçu une demande émanant de Karadzic dans

22 laquelle celui-ci lui disait avoir le souhait de le rencontrer, de le

23 rencontrer lui, j'insiste là-dessus. Le président Tudjman n'a pas pu se

24 rendre à cette réunion car il y avait d'autres obligations, donc, il m'a

25 chargé, moi ainsi que le Pr Zvonko - aidez-moi, j'ai oublié le nom de

26 famille - Lerotic. Oui, c'est cela - donc, il m'a demandé à moi et à M.

27 Lerotic, qui était un de ces conseillers -- il nous a chargés, tous les

28 deux, de nous rendre à cette réunion qui s'est tenue à Graz dans la zone de

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1 l'aéroport. M. Koljevic y assistait pour représenter les Serbes, en

2 compagnie de M. Karadzic. De notre côté, j'ai déjà dit qu'il y avait moi et

3 M. Zvonko Lerotic, ce qu'il voulait nous demander en nous appelant à

4 participer à cette réunion : "C'était vous, Croates, nous vous demandons de

5 nous dire si vous allez voter -- si vous vous apprêtez à voter durant le

6 référendum ou si vous allez exprimer une quelconque solidarité avec les

7 Serbes qui ont décidé de le boycotter."

8 Q. Très bien. Donc, si j'ai bien compris et bien entendu votre déposition,

9 peut-être pourrez-vous me dire si vous êtes d'accord ou pas sur ce point ?

10 Les Croates de Bosnie-Herzégovine ne voyaient aucun intérêt, à ce moment-

11 là, à demeurer au sein d'un pays qui s'appellerait la Yougoslavie, n'est-ce

12 pas ?

13 R. Je pense que nous ne sommes pas en train de parler de la Yougoslavie.

14 Nous sommes en train de parler d'une période bien circonscrite dans le

15 temps à savoir la période où a été organisé le référendum. Je ne vois pas

16 la moindre raison pour laquelle vous améliorez le sujet de la Yougoslavie

17 dans tout cela maintenant.

18 Q. Bien. Mais nous avons qu'à un certain moment les Serbes de Bosnie-

19 Herzégovine ont adopté une position très claire qu'ils ont d'ailleurs

20 rendue publique et cette position consistait à ne pas souhaiter

21 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

22 R. A en juger par leur prise d'opposition, oui. Ils visaient la

23 destruction de la Bosnie-Herzégovine et ils l'ont fait par la voie la plus

24 violente et la plus cruelle qu'il soit avec recours à la force armée,

25 n'est-ce pas ?

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. On va prendre un "break" de 20 minutes.

28 Nous reprendrons à 4 heures moins 10.

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1 --- L'audience est suspendue à 15 heures 30.

2 --- L'audience est reprise à 15 heures 52.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président et Messieurs

4 les Juges.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

6 M. KARNAVAS : [interprétation]

7 Q. Monsieur Manolic, en votre qualité du chef des services de Sécurité, je

8 ne doute pas que vous ayez gardé la trace des noms de toutes les personnes

9 qui travaillaient à l'ambassade de Bosnie-Herzégovine basée à Zagreb; ai-je

10 raison ?

11 R. Non, non.

12 Q. Est-ce que cela vous surprendrait de savoir que 100 % de ces employés

13 étaient des Musulmans représentant la Bosnie-Herzégovine ? Pas de Serbes,

14 pas de Croates employés là-bas. Est-ce que cela vous surprendrait ?

15 R. Rien ne m'étonne. Rien ne me surprend car je ne le sais pas, donc, je

16 ne vois comment cela pourrait me surprendre.

17 Q. Très bien. Est-ce que vous savez dans quelle mesure cette ambassade, en

18 particulier, était concernée par les différentes questions, comme, par

19 exemple, l'aide humanitaire, les réfugiés, et ainsi de suite ? Est-ce que

20 vous en savez quelque chose compte tenu des différents postes que vous avez

21 occupés pendant la période concernée par l'acte d'accusation; 1991 jusqu'en

22 1993 et 1994 ?

23 R. Il y avait un ministère chargé de l'Aide humanitaire en Croatie c'est

24 par l'entremise de ce ministère-là que toutes ces activités se déroulaient.

25 Personnellement, je n'y ai pas pris part.

26 Q. Oui. Je vous entends. Mais dans la plupart des ambassades,

27 habituellement on a des membres d'autres services qui travaillent, si vous

28 me suivez. Donc, j'aimerais savoir si vous vous tenez au courant de ce qui

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1 s'y passait, qui venait, qui partait, et ce qui se passait sur le sol

2 croate par rapport à cette ambassade, en particulier, et eu égard à la

3 Bosnie-Herzégovine ?

4 R. Oui, mais c'est quelque chose qu'on fait -- comme on fait toujours

5 comme tous les autres services qui fonctionnent. Je n'y vois rien de

6 particulier et d'ailleurs je n'y vois rien de spécial par rapport à ce

7 procès. Je ne vois pas quel lien ceci aurait à voir avec quelque chose qui

8 vous permettrait de me disqualifier -- ce que vous avez entamé de faire ou

9 de faire quelque chose d'autres, je ne sais pas.

10 Q. J'essaie de comprendre dans quelle mesure vous vous teniez au courant

11 des événements qui se déroulaient en Bosnie-Herzégovine puisqu'il y a une

12 série de questions aujourd'hui où vous avez semblé répondre que vous ne

13 saviez pas ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine. Mais, compte tenu de ce

14 poste que vous avez occupé, vous étiez informé, et comme vous le savez

15 pertinemment, il y avait plein de services qui travaillaient à Zagreb ou

16 dans les environs, en particulier des services des pays occidentaux qui

17 vous fournissaient des informations, il y avait des échanges d'information,

18 donc, je ne comprends pas pourquoi vous nous dites, aujourd'hui, que vous

19 ignoriez ce qui se passait en Bosnie-Herzégovine dans une large mesure si

20 je tiens compte de votre poste -- de vos fonctions ?

21 R. C'est votre imagination qui est à l'œuvre lorsque vous dites qu'il y

22 avait divers services qui faisaient telle ou telle chose du renseignement.

23 Ecoutez, je n'ai pas besoin de rentrer là-dedans pas besoin.

24 Q. D'accord. Alors, examinons les comptes rendus - nous n'allons pas les

25 parcourir --

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, il faudrait deux ou

27 trois jours pour le faire, mais, compte tenu des limites de temps, nous

28 n'allons pas le faire.

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1 Q. Mais, si on les parcourait, on verrait qu'il y a eu des débats de

2 nature géopolitique qui étaient en cours. Est-ce que ce serait exact ?

3 R. Je maintiens tout ce que j'ai dit lors de ces différentes réunions et

4 je voudrais qu'on en parle. Je ne voudrais mêler à cela aucun autre

5 support, si ce n'est que les entretiens publics que j'ai donnés et que j'ai

6 accordés à l'époque.

7 Q. Oui, je vois, Monsieur. Si on tient compte des comptes rendus

8 présidentiels, hier, vous nous avez dit que vous ne saviez pas que c'était

9 enregistré à l'époque, à différents moments pendant cette période on a

10 discuté des souhaits ou des pensées des Américains, des Britanniques, des

11 Français, de la Turquie, de l'Iran, et cetera, ce que je suis en train de

12 dire c'est qu'il y avait beaucoup de questions de nature géopolitique qui

13 ont été abordés dans ces débats à la lumière des circonstances. Est-ce que

14 j'aurais raison en affirmant cela, ou est-ce que c'est mon imagination qui

15 déborde ?

16 R. Je pense que vous avez une imagination qui sort du cadre de tous ces

17 comptes rendus que j'ai eus l'occasion d'examiner et ces réunions

18 auxquelles j'ai pris part. Cela sort de ce cadre, votre imagination

19 déborde.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce n'est pas un problème d'imagination. L'avocat

21 vous pose la question. Est-ce que, lors de ces réunions, il y a eu des

22 discussions de nature géopolitique ? Vous répondez oui ou non. Donc, cela

23 ce n'est pas un problème d'imagination. La question elle est précise.

24 Est-ce que les membres du Conseil de Sécurité ont abordé des thèmes

25 géopolitiques ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, dans les comptes rendus sont

27 consignés précisément -- toutes les réunions, la date et les participants à

28 chacune des réunions vous -- je répondrai à toutes questions qui ont à voir

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1 avec ces comptes rendus, avec ces réunions auxquelles j'ai participé.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais sans aborder la question des transcripts,

3 dans votre souvenir, puisque vous étiez un des membres importants qui

4 participiez à ces réunions, est-ce que, dans votre souvenir, le président

5 Tudjman, vous ou d'autres personnes abordiez les questions géopolitiques ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Je pense que cela ressort de

7 certains comptes rendus, pas de tous, mais, de certains, où il y a le

8 président Tudjman qui expose sa réflexion là-dessus sur ce problème.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Maître Karnavas, poursuiviez puisqu'il répond

10 oui.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

12 Q. Avant de venir dans le prétoire aujourd'hui, d'après ce que nous en

13 savons, vous avez passé plusieurs moments avec le Procureur à examiner ces

14 comptes rendus. Pouvez-vous nous dire combien d'heures en tout vous avez

15 passé en la compagnie du Procureur pour examiner ces comptes rendus puisque

16 nous n'avons pas votre déclaration préalable -- nous avons un résumé, mais

17 nous n'avons pas votre déclaration formelle. Combien d'heures avez-vous

18 passé, à peu près, sur ces documents ?

19 R. Avec le Procureur, non je ne l'ai pas fait en sa compagnie, j'avais

20 déjà vu ces comptes rendus avant, donc je n'avais pas besoin de le faire

21 avec le Procureur, mais le Procureur peut vous dire combien d'heures nous

22 avons passé à nous entretenir ou avoir des contacts.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, encore ici, vous ne répondez pas à la

24 question. Ce n'est pas le Procureur qui est témoin, c'est vous. La Défense

25 vous demande : "Avez-vous, avec le Procureur, passé du temps pour examiner

26 ces transcripts ?" Donc, la réponse : "On ne les a pas évoqués ou on les a

27 évoqués." Si on les a évoqués, vous indiquez combien de temps vous y avez

28 consacré.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Puisque j'avais à ma disposition ces comptes

2 rendus à Zagreb, je n'avais pas besoin d'en parler avec le Procureur, de

3 parler avec lui de ces transcripts.

4 M. KARNAVAS : [interprétation]

5 Q. Donc, vous nous dites que vous les aviez sur vous, vous les avez

6 archivé vous-même ou c'est le Procureur qui vous les a fournis ? C'est le

7 Procureur qui vous a communiqué un certain nombre de ces documents pour que

8 vous les examiniez ou vous aviez cela dans vos archive personnelles ? Je

9 suppose que dans ce coin du monde, chacun possède ses archives

10 personnelles.

11 R. Oui, vous avez raison là-dessus, chacun a ses archives comportant des

12 documents qui sont procurés par divers moyens. Il y a des polémiques très

13 importantes en cours en Croatie qui portent sur ces comptes rendus.

14 Q. D'ailleurs, est-ce que vous avez soumis au Procureur vos archives ?

15 Est-ce qu'il était intéressé d'examiner ces documents ?

16 R. Ils ne m'ont demandé ni ces archives, ni mes notes. Ce que je leur ai

17 remis, c'est ce livre, ce livre de mes entretiens et on y voit quelles ont

18 été mes positions à travers toute cette période jusqu'en 1995.

19 Q. Très bien. Nous allons y venir à votre livre dans quelques instants.

20 Mais serait-il exact de dire qu'à la lumière du temps qui s'est écoulé,

21 vous ne déposez pas aujourd'hui en vous basant sur vos souvenirs au sujet

22 de ces événements qui se sont déroulés dans le cadre de ces réunions. Vous

23 examinez les comptes rendus et sur la base des comptes rendus que vous

24 déposez; est-ce vrai ? Serait-il exact de dire cela ?

25 R. Oui, c'est exact. C'est sur ces comptes rendus que j'ai formulé mes

26 commentaires et ce que j'en savais des choses. Lorsque je trouve une

27 constatation dans ce compte rendu, j'explique ce qui a à voir avec cette

28 constatation.

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1 Q. En d'autres termes, le Procureur a fait, comme il a fait hier et avant-

2 hier, il vous donne le compte rendu et c'est sur la base de la lecture du

3 compte rendu que vous déposez et non pas sur la base des souvenirs que vous

4 avez des événements.

5 R. Oui, il y a des réunions dont je ne me souviens même pas. Mais

6 lorsqu'on m'a présenté cela à l'écran, je me suis rappelé. Il n'est pas

7 difficile pour moi de me rappeler puisque tout au long de cette période

8 j'ai été participant à ces événements.

9 Q. Très bien. Alors, compte tenu du poste que vous avez occupé, compte

10 tenu des informations que vous receviez, est-ce que vous vous rappelez

11 avoir appris quelque chose au sujet de l'agence humanitaire du tiers-

12 monde ? D'après ce que j'ai compris, c'est une sorte d'agence humanitaire

13 dont une des fonctions est de rassembler des fonds pour financer, vous

14 savez, une partie de l'armée de la Bosnie-Herzégovine et peut-être les

15 Moudjahiddines. Vous vous souvenez d'avoir reçu cet élément d'information ?

16 R. Je n'ai pas reçu cette information, mais, à l'époque où j'étais encore

17 chef de gouvernement, j'ai appris que le gouvernement croate s'était

18 adressé à sa diaspora dans son ensemble pour fournir de l'aide face à

19 l'agression menée contre la Croatie.

20 Q. D'accord, je vois, mais --

21 R. Pour être précis, mis à part ce qui a été dit lors d'une réunion du

22 conseil ou lors d'une réunion de la présidence du parti politique au sujet

23 des événements qui étaient en train de se dérouler en Bosnie ou eu égard à

24 la Bosnie.

25 Q. D'accord, mais cette agence humanitaire tiers-monde a des liens avec

26 les intégristes islamiques. Ils n'étaient pas nécessairement dans leur

27 intérêt que la situation se calme dans la Bosnie-Herzégovine. Autrement

28 dit, ils auraient pu avoir un impact sur les éléments extrémistes.

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1 R. Il y avait ce genre d'information lors des réunions du VONS et

2 également lors des réunions du parti, il en a été question. Par conséquent,

3 j'ai été informé de cela. En particulier, je savais qu'il s'agissait de

4 l'aide fournie par l'entremise de la Turquie et de l'Iran destinée à la

5 Bosnie-Herzégovine. Là, ils ont demandé aux autorités croates de coopérer

6 pour leur permettre de livrer cette aide humanitaire et alors est-ce qu'il

7 y avait quelque chose qui venait en plus de l'aide humanitaire, cela c'est

8 autre chose.

9 Q. L'ambassadeur Galbraith, qui était l'ambassadeur des Nations Unies à

10 Zagreb à un moment donné, est venu voir le président Tudjman pour -- ou

11 plutôt, c'est le président Tudjman qui a pris contact avec lui - donc,

12 c'était dans l'autre sens - pour l'informer que des livraisons d'armes en

13 provenance d'Iran vers la Bosnie-Herzégovine étaient en route et d'après ce

14 que j'ai compris, c'est quelque chose dont il a été débattu au congrès

15 américain.

16 Je ne sais pas si l'Iran a cherché à jouer un rôle là-dedans pendant

17 cette période-là, mais d'après-vous est-ce un fait ? Est-ce que c'est

18 quelque chose dont vous avez été informé à l'époque ? Est-ce que l'Iran a

19 essayé de jouer un rôle, de livrer des armes aux Musulmans, en particulier,

20 aux extrémistes parmi les islamistes, aux Moudjahiddines ? Vous en savez

21 quelque chose ?

22 R. Oui, oui. J'ai appris cela. Il a été question également de cela lors

23 d'une réunion de notre conseil. Le chef de gouvernement Nikita Valentic de

24 l'époque, il a fait un rapport disant qu'il avait reçu l'ambassadeur ou un

25 commissaire iranien qui aurait demandé certaines choses, par exemple, que

26 l'aide humanitaire soit envoyée. Mais il ne me semble pas qu'il ait été

27 question d'armes. Il a été question uniquement d'aide humanitaire qui

28 pourrait passer par la Croatie pour arriver en Bosnie-Herzégovine. Cela,

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1 oui.

2 Q. D'après ce que j'ai compris, les Etats-Unis d'Amérique favorisaient la

3 Turquie, à savoir, ils pensaient que la Croatie devrait se tourner vers la

4 Turquie pour agir sur Alija Izetbegovic, enfin, influencer Alija

5 Izetbegovic. La Turquie est un pays musulman, mais séculaire et assez

6 démocratique. Ai-je raison en disant cela ?

7 R. Oui, vous avez raison. Il y a eu des contacts très intenses et il y a

8 eu aussi des contacts matériels très intenses entre la Croatie et la

9 Turquie pendant cette période, une période plutôt prolongée. Pour la

10 Croatie, à ce moment-là, c'était davantage acceptable que d'avoir le même

11 type de relations avec l'Iran. On en a parlé par mal. Lorsque vous, vous

12 avez mentionné Galbraith, effectivement, il y a eu des contacts intenses

13 avec le président Tudjman, en particulier, lorsque la situation se

14 dégradait à différents endroits, dans différents secteurs. On peut dire

15 qu'à ce moment-là, il y a eu des contacts pratiquement tous les jours.

16 Q. D'un point de vue historique, d'après ce que je comprends, les Serbes

17 et les Croates ont connu des problèmes, les uns avec les autres, dans

18 l'histoire ?

19 R. Oui. Mais même aujourd'hui, ils en ont encore.

20 Q. D'accord. Espérons que les choses s'amélioreront à l'avenir mais la

21 Bosnie-Herzégovine se trouve prise en sandwich d'une certaine manière entre

22 la Serbie et la Croatie; c'est exact ?

23 R. Oui, c'est cela. Elle ne pouvait pas se faire livrer de l'aide sans que

24 la Croatie y participe ou éventuellement la Serbie. Enfin, en fonction de

25 la situation du moment. Il fallait que les différents convois puissent

26 arriver en Bosnie-Herzégovine.

27 Q. D'après je comprends --

28 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque, n'y avait-il pas un embargo sur la

Page 4599

1 livraison des armes ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il y en avait un, et c'est la

3 raison pour laquelle, je pense, que lorsque monsieur cite Galbraith et le

4 président Tudjman, je pense qu'ils ont pu en parler car la question de

5 l'embargo, c'était la politique de tout le monde, de maintenir de la

6 manière la plus ferme possible, l'embargo. Donc, tout ce qui sortirait de

7 cela était considéré comme illégal et comme étant du trafic, et aucun Etat

8 ne veut y prendre part, du moins, pas publiquement.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, poursuivez.

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

11 Q. De la manière dont je l'ai compris, la politique prônée par les Etats-

12 Unis et par certains autres pays étaient qu'il fallait qu'il y a un embargo

13 en place. Mais il y avait d'autres moyens par lesquels les puissances

14 pouvaient permettre que les armes arrivent en Bosnie-Herzégovine. Elles

15 pouvaient détourner le regard, et en particulier, il s'agissait des armes

16 pour aider les Musulmans. Ai-je raison ? Je ne parle pas de politiques

17 officielles maintenant. Je parle maintenant de questions géopolitiques.

18 R. A cette question, la seule chose que je pourrais vous répondre c'est en

19 me lançant dans des conjectures et je vous ai dit que je ne voulais pas le

20 faire. Je veux vous parler des faits dont je suis certain.

21 Je vous ai dit qu'il y a eu des contacts intenses et des entretiens

22 entre Galbraith en tant qu'ambassadeur américain et le président Tudjman,

23 qu'il y a eu ce contacts intenses tout au long de cette période.

24 Q. Très bien. Alors, revenons maintenant au fait que la Bosnie-Herzégovine

25 se trouvait prise entre les deux. Elle est entre la Serbie et la Croatie. A

26 la lecture de ce compte rendu, à la lecture des textes sur le président, il

27 me semble, corrigez-moi si je me trompe que la principale préoccupation du

28 président Tudjman s'agissant de la Bosnie-Herzégovine était le fait que la

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1 Serbie risquait d'engloutir la Bosnie-Herzégovine et que par la suite, la

2 frontière serbe allait se retrouver à l'est de la Croatie, c'est-à-dire que

3 la Croatie allait avoir une frontière avec la Serbie. Peut-être que je

4 banalise en simplifiant à outrance, mais c'était cela, me semble-t-il, sa

5 préoccupation principale ?

6 R. Ce danger était là. C'est exact. Mais ce n'était pas le seul souci.

7 Donc, notre politique et la politique du président Tudjman consistaient à

8 préserver la Bosnie-Herzégovine, dans un certain sens, également comme une

9 zone tampon, en particulier, vers la Serbie.

10 Q. Exactement. Au sein des frontières de la Bosnie-Herzégovine, le

11 président Tudjman était plutôt ferme, compte tenu de la manière dont il

12 percevait l'histoire et la culture, et les fonctions qu'il s'y trouvait à

13 occuper. Bien qu'au sein de la Bosnie-Herzégovine, la nation croate devait

14 préserver son identité nationale et toute solution trouvée au sein de la

15 Bosnie-Herzégovine devait garantir les intérêts nationaux de la nation

16 croate au sein de la Bosnie-Herzégovine; ai-je raison ?

17 R. Pas jusqu'au bout, vous n'avez pas raison jusqu'au bout. Le président

18 Tudjman était mécontent de ces frontières, de ce croissant et des

19 frontières vers la Croatie. Mais, comme vous le savez, il n'a pas changé le

20 tracé de ces frontières. Elles sont restées les mêmes. Il a opté pour une

21 Bosnie unitaire au moment où il a décidé de participer au référendum avec

22 les Musulmans. Donc là, on ne peut pas chercher une faille parce qu'il n'y

23 ait pas, du moins, d'un point de vue formelle, car on a respecté le

24 référendum ainsi que ses résultats. Alors, quant à la pratique, la mise en

25 œuvre pratique d'une certaine politique à certains moments, cela, c'est une

26 autre chose.

27 Q. D'accord. Vous dites qu'il n'était pas content. Serait-il exact de dire

28 par rapport à tout pays balkanique, y compris la Grèce, puisque nous

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1 considérons que nous faisons partie des Balkans ? Nous avons tous notre

2 propre idée sur le tracé de nos frontières historiques de nos pays, et nous

3 sommes tous mécontents de nos tracés actuels; n'ai-je pas raison ?

4 R. Je pense que votre constatation est, tout à fait, appropriée et vaine.

5 Il n'y a rien à redire.

6 Q. D'accord. Mais, si nous sommes mécontents, cela ne veut pas dire que

7 nous allons nous lancer dans une guerre pour déplacer les frontières et

8 c'était cela la position du président Tudjman, qu'il en va pas lancer une

9 guerre contre la Bosnie-Herzégovine et qu'il ne va pas nécessairement

10 changer les frontières existantes. Il n'empêche qu'il s'inquiétait de la

11 possibilité que les Serbes avancent vers la Croatie ? Pardon ?

12 R. Oui. Je pense que le fait de constater qu'entre un mécontentement et la

13 réalisation de l'objectif résultant de ce mécontentement, il y a un long

14 chemin, et ce chemin n'a pas été couvert, car les frontières de la Bosnie-

15 Herzégovine en ce moment sont identiques à ce qu'elles étaient par le

16 passé.

17 Q. Très bien. Monsieur, est-ce que par hasard vous auriez participé à une

18 quelconque conférence internationale qui aurait eu lieu dans cette période,

19 disons dans la période allant du 18 mars 1992, le plan de Cutileiro,

20 jusqu'à la conclusion de l'accord de Washington, c'est-à-dire, aux environs

21 du 30 mars 1994 ? Est-ce que vous auriez participé dans cette période à une

22 quelconque conférence internationale ?

23 R. Je ne voudrais pas que vous m'accusiez de faux témoignage. C'est la

24 raison pour laquelle je m'efforce de me remémorer tous ces événements.

25 Q. Prenez votre temps.

26 R. Je pense n'avoir participé à aucune de ces conférences internationales

27 à l'exception de conférences avec la présidence de la Bosnie-Herzégovine ou

28 de réunion, en tout cas, de contact avec des représentants serbes à un

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1 certain moment. Voilà, je pense que c'est la bonne façon de répondre à

2 votre question.

3 Q. Très bien. Est-il permis de dire que dans toute cette période qui va de

4 1992 à 1994, l'un des problèmes les plus importants eu égard à la Bosnie-

5 Herzégovine, problème que vivaient les trois parties, à savoir, les Serbes,

6 les Croates et les Musulmans, est-il permis de dire que le problème

7 principal venait des frontières géographiques de la Bosnie-Herzégovine qui

8 risquaient de ne pas trouver leur place du point de vue de la défense des

9 intérêts vitaux de telle ou telle nation ? Est-ce que ce n'est pas ce qui

10 s'est passé pendant toute cette période de négociations ? Est-ce que chacun

11 ne s'efforçait pas de trouver la meilleure formule possible pour ces

12 frontières géographiques ?

13 R. Il est certain que l'on cherchait une formule pour satisfaire ces

14 intérêts. Mais cela ne date pas uniquement de 1992, mais du moment où il a

15 commencé à être question du démantèlement de la Yougoslavie. Dès ce moment-

16 là la question si les frontières qui seraient conservées seraient celles

17 des anciennes frontières de la République socialiste, destinées plus tard à

18 être confirmées comme frontières internationales par la Commission

19 Badinter. Donc, c'est déjà dès le début du démantèlement de l'ex-

20 Yougoslavie que ce problème des frontières est devenu un problème important

21 puisqu'il était question de les transformer éventuellement en frontières de

22 l'Etat.

23 Q. Bien. Mais avec le démantèlement de l'ex-Yougoslavie, et concentrons

24 nous sur la Bosnie-Herzégovine, nous y trouvons trois nations constitutives

25 dont le statut est garanti par la constitution de 1974, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Maintenant, bien que les Croates n'aient constitué que 17,4 ou 17,5 %

28 de la population en Bosnie-Herzégovine, ils n'étaient pas considéré comme

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1 une minorité, mais bien plutôt comme une nation, n'est-ce pas ?

2 R. Ils étaient considérés comme un élément constitutif de l'Etat qu'était

3 la Bosnie-Herzégovine.

4 Q. Il y a une très grande différence entre être un élément constitutif et

5 être une minorité, n'est-ce pas ?

6 R. Assurément, il y a une différence. D'ailleurs, cet aspect des choses

7 est défini dans la constitution. C'est dans la constitution qu'il est dit

8 que tel ou tel fait partie d'un élément constitutif ou que tel ou tel fait

9 partie d'une minorité, c'est-à-dire, qu'il est comparable à d'autres

10 éléments minoritaires. Dans toutes les républiques, c'était défini par la

11 constitution, et ce l'est encore aujourd'hui.

12 Q. Exactement. Etant donné que cette qualification d'élément constitutif

13 figure dans la constitution de 1974, lorsque la Yougoslavie est menacée de

14 démantèlement, les trois nations qui coexistent en Bosnie-Herzégovine

15 s'efforcent de voir comment elles vont pouvoir coexister à l'avenir dans un

16 espace qui, géographiquement, porte le nom de Bosnie-Herzégovine, et qui

17 est comparable à l'espace qui existait en tant que République de l'ex-

18 Yougoslavie avant le démantèlement de la Yougoslavie, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous conviendrez avec moi, Monsieur --

21 R. C'est en raison de cela que tous ceux qui défendaient la thèse de

22 l'unité de la Bosnie-Herzégovine avaient en fait à l'esprit l'ordre interne

23 du pays qui garantirait l'égalité de ces trois éléments. En dehors de cela,

24 il fallait aussi résoudre la question des droits des uns et des autres dans

25 telle ou telle partie de la Bosnie-Herzégovine prise isolément, c'est-à-

26 dire, en fonction des pourcentages des Musulmans, des Croates et des

27 Serbes, respectivement, dans tel ou tel endroit, il fallait s'assurer

28 qu'ils puissent participer au gouvernement en proportion de leur nombre.

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1 Q. Très bien. Maintenant, vous nous avez dit, n'est-ce pas, que vous ne

2 vous souveniez pas avoir participé à l'une quelconque des conférences

3 internationales, et je suppose tout de même que vous avez eu la possibilité

4 de jeter un coup d'œil au plan Owen-Stoltenberg, que vous l'avez même

5 examiné en détail puisqu'à l'époque, vous l'avez étudié de très près pour

6 en définir la nature de ce plan Owen-Stoltenberg ?

7 R. Oui. Stoltenberg a participé pendant une période prolongée à la

8 recherche d'une solution, non seulement pour la Bosnie-Herzégovine mais

9 également pour le problème opposant la Serbie et la Croatie. Je ne me

10 souviens pas maintenant exactement de la teneur de son plan pour la Bosnie-

11 Herzégovine, mais je sais qu'il existait, et qu'il a été grandement

12 présenté comme une solution possible du problème de la Bosnie-Herzégovine

13 de l'époque.

14 Q. Si vous vous penchez sur les dates, donc si nous suivons les événements

15 chronologiquement, il me semble, mais peut-être ai-je tort, et vous me le

16 direz dans ce cas, il me semble que le plan Owen-Stoltenberg était le

17 précurseur de l'accord de Washington qui finalement a conduit à la création

18 d'une Fédération en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

19 R. Je pense que ceci est exact.

20 Q. Très bien. Hier, vous avez abordé le sujet de la République croate de

21 Bosnie-Herzégovine, conception à opposer à une autre conception, à savoir,

22 celle d'une communauté d'Herceg-Bosna. Donc, vous avez parlé d'une

23 République croate d'Herceg-Bosna. Est-ce que par hasard à cette époque-là,

24 vous avez étudié ou examiné d'un peu plus près les décisions statutaires

25 qui ont été prises et qui ont servi de base à la création des communautés

26 de républiques, comme on les appelait à l'époque, qui permettait de voir

27 quel était le fondement de la création des communautés de républiques ?

28 R. Aussi longtemps qu'a existé la communauté d'Herceg-Bosna en tant

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1 qu'organisation qui avait pour but de résister à l'agression serbe, il y a

2 eu aucun point de discussion dans la politique croate ou entre nous, les

3 représentants de cette politique. Mais, lorsque cette forme a été révisée

4 en vue de transformer l'Herceg-Bosna en un Etat, alors, les malentendus ont

5 commencé à apparaître. Personnellement, j'estimais qu'il était impossible

6 d'admettre l'existence d'un Etat dans un Etat et que l'Herceg-Bosna se

7 verrait attribuer tous les éléments caractéristiques d'un Etat ce qui ne

8 pouvait que conduire à un conflit avec les Musulmans ou en tout cas avec le

9 gouvernement central de Bosnie-Herzégovine.

10 Q. D'accord. Vous dites "un Etat dans l'Etat." Ma question est la suivante

11 à présent : est-ce qu'à l'époque, vous avez examiné les décisions, les

12 textes législatifs, la jurisprudence, les décrets, les arrêtés, et cetera ?

13 Donc, en tant que Juriste, avez-vous procédé à une analyse indépendante, et

14 avez-vous, en toute indépendance, tiré la conclusion qu'il s'agissait bien

15 d'un Etat dans l'Etat ? Ou est-ce que c'est une idée qui s'est formée dans

16 votre esprit plus tard, ou que quelqu'un vous a communiquées ?

17 R. Je n'ai lu aucune de ces décisions de très près, je ne les ai pas

18 étudiées. Mais ce qu'il faut bien comprendre sur le plan politique c'est

19 que certains éléments étaient mis en avant et lancer à la face des autres

20 partis concernés, à savoir donc que l'Herceg-Bosna se présentait comme

21 étant dotée des éléments caractéristiques d'un Etat.

22 Q. Très bien. Hier vous nous avez indiqué avoir passé quelques temps en

23 Bosnie-Herzégovine dans cette période critique, est-ce que je vous ai bien

24 compris ?

25 R. Pratiquement pas. Une réunion à Sarajevo mais en dehors de cette

26 réunion je n'ai pas physiquement été présent sur le territoire de l'Herceg-

27 Bosna dans cette période, ou plutôt --

28 Q. Bien. Nous parlons d'un pays qui s'appelle la Bosnie-Herzégovine en ce

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1 moment, et quand est-ce que vous vous êtes trouvé à Sarajevo exactement ? A

2 quel moment ? Est-ce que vous vous en souvenez ?

3 R. C'était en 1990, peut-être début 1991, alors que les relations

4 politiques étaient très bonnes ou en tout cas assez bonnes entre la

5 présidence de la Bosnie-Herzégovine plus précisément

6 M. Izetbegovic et la présidence de la Croatie représentée à présent le

7 président Tudjman, donc, voilà de quel moment il s'agit.

8 Q. Très bien. Je suis sûr qu'à cette époque-là déjà, vous saviez, comme

9 vous le savez aujourd'hui, qu'il est arrivé un moment où Sarajevo a été

10 assiégée.

11 R. Oui. Mais je n'étais pas à Sarajevo lorsque la ville a été assiégée.

12 Q. Je sais. D'accord. Mais on pouvait tous suivre les événements sur CNN.

13 Ce n'est pas discutable, n'est-ce pas ?

14 R. Personne ne le nie, donc, il n'y a aucune raison de le discuter.

15 Q. Bien. Avançons pas à pas, si vous le voulez bien. Nous avons déjà

16 entendu un témoin ici même. Il s'agit de M. Kljuic qui a été interrogé au

17 sujet de cette période, et ce qu'il nous a dit fondamentalement c'est que

18 Sarajevo qui abritait le siège du gouvernement n'était plus capable de

19 veiller sur le reste du pays parce que la ville était assiégée et que donc

20 les populations vivant en dehors de Sarajevo se sont trouvées réduites à se

21 débrouiller par elle-même. Est-ce que vous seriez en désaccord avec cela ?

22 M. SCOTT : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Je ne pense

23 pas qu'il soit acceptable de soumettre à ce témoin des propos tenus par un

24 autre témoin.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais une décision de votre part,

26 Monsieur le Président.

27 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que de façon générale il n'est pas

28 acceptable d'interroger un témoin en lui soumettant les propos d'un autre

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1 témoin.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, Cette question lui a été posée à

3 quelques reprises car elle rentre dans la stratégie de la Défense, et donc,

4 à tort ou à raison, la Défense estime qu'elle doit poser cette question.

5 Donc, je ne vois pas qu'est-ce qui s'oppose à ce qu'un témoin réponde à la

6 situation de Sarajevo qui était encerclée et sans même faire une référence

7 à M. Kljuic, la Défense peut dire : est-ce qu'à sa connaissance, le témoin

8 savait que Sarajevo était encerclée ? Il répond : oui, je le sais ou je ne

9 le sais pas. Quelles étaient les conséquences de cette situation ? C'est un

10 homme politique d'envergure qui avait des responsabilités importantes. Il a

11 certainement dû entendre parler de Sarajevo. Bien. Alors --

12 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, pour que tout soit

13 clair, j'aimerais revenir -- répéter ma position. Je ne dis pas qu'il n'est

14 pas acceptable de l'interroger au sujet de Sarajevo mais je ne pense pas

15 qu'il soit acceptable de lui soumettre des propos d'un autre témoin.

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à reformuler,

17 Monsieur le Président. Il y a une concession que je ne voudrais pas faire

18 parce que j'ai le droit --

19 D'accord. D'accord.

20 Q. Monsieur Manolic, vous nous dire vous vous êtes trouvé une fois à

21 Sarajevo dans la période de 1990 environ, pouvez-vous nous dire si la

22 banque centrale fonctionnait en Bosnie-Herzégovine dans la période de 1991-

23 1992-1993-1994, si vous le savez, oui ou non ?

24 R. Cela je ne peux pas vous le dire. Je ne peux pas vous le dire parce que

25 ma présence à Sarajevo était liée à une réunion. Je suis arrivé et j'ai

26 participé à la réunion et je suis reparti. C'est tout ce que j'ai fait. Je

27 ne me suis pas intéressé au fonctionnement des institutions de Bosnie-

28 Herzégovine. D'ailleurs, vous avez élargie la période puisque vous avez

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1 parlé de 1995, n'est-ce pas ?

2 Q. Non, non. Je n'ai pas parlé de 1995.

3 R. Mais parlons de la question que vous m'avez posée. Vous m'avez d'abord

4 demandé si je savais que Sarajevo était assiégée. Je réponds oui, cela je

5 le savais.

6 Q. Monsieur, j'aimerais que nous avancions pas à pas, si vous voulez bien.

7 En raison de l'objection soulevée par l'Accusation, vous nous dites en tout

8 cas c'est ce que j'ai cru comprendre puisque vous ne vous trouviez pas à

9 Sarajevo vous ne savez pas si la banque centrale de Bosnie-Herzégovine

10 fonctionnait en 1992-1993-1994 ?

11 R. Je ne peux vraiment rien dire à ce sujet. Je n'avais rien à voir avec

12 cela.

13 Q. Pouvez-vous nous dire dans votre déposition quels étaient les services

14 du gouvernement de l'Etat de Bosnie-Herzégovine qui pouvaient s'occuper de

15 l'ensemble des habitants de Bosnie-Herzégovine dans la période 1992-1993-

16 1994 ?

17 R. A cela non plus, je ne peux pas répondre. Ce que je peux vous dire

18 c'est que dans la période 1990-1991 et jusqu'à l'agression toutes ces

19 institutions fonctionnaient car nous avions des communications, des

20 contacts très réguliers avec elles.

21 Q. Je comprends bien. Ce qui m'intéresse c'est 1992-1993-1994, et plus

22 particulièrement en 1994, car vous avez indiqué qu'il y avait un Etat dans

23 l'Etat. Maintenant, j'essaie de vous emmener à nous dire comment

24 fonctionnait l'Etat. Quelle était la situation dans l'Etat qui était la

25 Bosnie-Herzégovine ? Ce sera l'objet de ma première question. J'aimerais

26 que vous nous disiez, si vous le savez quels étaient les services sur

27 lesquels les habitants de l'Etat de Bosnie-Herzégovine pouvaient compter à

28 l'époque, est-ce qu'il y avait une devise en circulation ? Est-ce que les

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1 habitants pouvaient toucher leur retraite, et cetera, et cetera ? Est-ce

2 que la sécurité était assurée ? Est-ce que la Défense nationale

3 fonctionnait contre tout agresseur possible ? Pouvez-vous nous dire avec un

4 certain degré de certitude si vous savez en tant que fait correspondant à

5 la réalité si l'Etat de Bosnie-Herzégovine pouvait s'occuper de l'ensemble

6 de ces citoyens dans toutes les communautés existant dans le pays ? Est-ce

7 qu'elle pouvait proposer tous les services qu'un Etat peut normalement

8 proposer à ses habitants ?

9 M. SCOTT : [interprétation] Cela a déjà été dit plusieurs fois, et la

10 réponse a été apportée plusieurs fois.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Il évite la question, pourquoi ?

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a dit que de 1990 à 1991, les services

13 fonctionnaient jusqu'à l'agression. Donc, il semblerait qu'après 1991, cela

14 ne fonctionne plus. Question de suivi : peut-il

15 -- alors, Monsieur Manolic, vous avez dit que, d'après ce que vous saviez,

16 1990-1991, cela fonctionnait bien, il y avait des relations entre Zagreb et

17 Sarajevo. Puis --

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : après 1991, il y a eu des problèmes.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Après 1991, les problèmes ont surgi. Mais

21 j'aimerais établir un lien avec la question qui m'a été posée tout à

22 l'heure par la Défense et qui portait sur le siège de Sarajevo. Je crois

23 pouvoir dire que je suis d'accord, Maître, avec la citation que vous m'avez

24 rapportée provenant de M. Kljuic, à savoir qu'en raison du siège de

25 Belgrade, le système ne pouvait pas fonctionner en Bosnie-Herzégovine.

26 Donc, Kljuic a répondu à cela puisque vous m'avez rapporté ce qu'il a dit,

27 je ne suis pas au courant. Mais, en tout cas, je suis tout à fait d'accord

28 avec ce que vous m'avez cité comme étant la réponse apportée par Kljuic.

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1 M. SCOTT : [interprétation] Objection, objection. Un instant, Monsieur le

2 Président. C'était exactement l'objet de mon objection tout à l'heure et le

3 témoin vient de reprendre tout cela avec une très grande exactitude. Il ne

4 le sait pas lui-même personnellement, mais il donne son accord avec quelque

5 chose que M. Kljuic aurait dit alors qu'il n'est pas au courant. Voilà

6 l'objet de mon objection il y a quelques instants.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, d'accord. Mais, la question qui doit suivre :

8 qu'est-ce qui lui permet de dire cela ? Voilà, donc, Monsieur Scott, vous

9 vous levez; laissez travailler l'avocat de la Défense de manière

10 professionnelle. Il va embrayer immédiatement parce que, comme vous, il est

11 un professionnel et il sait que cela ne suffit pas, il ne peut pas

12 s'appuyer sur ce qu'a dit M. Kljuic, il faut que lui témoigne, donc, les

13 questions vont suivre, normalement, en professionnel.

14 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, merci.

15 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

16 simplement, en réponse à ce que vient de dire M. Scott, que nous avons tous

17 été informés et avons reçu la décision émanant de vous. Nous sommes

18 autorisés à utiliser des témoignages venant de tiers, d'autres témoins.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Je remercie mon confrère. A un certain

20 moment au compte rendu d'audience en anglais, M. Manolic est censé avoir

21 dit le siège de Belgrade alors que c'est le siège de Sarajevo qu'il faut

22 lire. Bon, on me dit que la correction est déjà faite, donc, pas de

23 problème.

24 Q. Monsieur Manolic, vous nous avez dit être d'accord avec les propos

25 tenus par M. Kljuic dans sa déposition. Bien entendu, vous nous avez dit au

26 préalable que vous ne vous êtes pas trouvé à Sarajevo et qu'à ce moment-là,

27 vous n'étiez pas au courant. Donc, ma prochaine question de suivi est la

28 suivante, qu'est-ce qui vous amène à cette conclusion ou qu'est-ce qui vous

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1 permet de valider ce que Kljuic a dit ici sous serment ? Je vous demande

2 une réflexion fondée sur votre pensée personnelle.

3 R. Le fait que sur la base des informations disponibles à l'époque et de

4 ce que l'on pouvait savoir, Sarajevo était assiégée, faisait donc face à un

5 blocus et puis deuxièmement, que l'Etat ne pouvait plus fonctionner en tant

6 qu'Etat de droit.

7 Q. Je suppose, puisque vous avez grandi dans l'ex-Yougoslavie, vous devez

8 sans doute savoir que dans le cadre du gouvernement central, un certain

9 nombre de ministères avaient leurs sièges à Sarajevo et non à Tuzla, Banja

10 Luka, Brcko, Doboj, Mostar ou ailleurs, n'est-ce pas ?

11 R. Je pense que c'est exact, oui. Il y avait des sièges gouvernementaux à

12 Sarajevo.

13 Q. D'accord.

14 R. Mais est-ce qu'ils étaient tous là-bas, je ne sais pas.

15 Q. Très bien. Est-ce que par hasard, puisque nous en avons déjà parlé,

16 est-ce que vous auriez par hasard des connaissances approfondies sur la

17 teneur du plan Owen-Stoltenberg ? Est-ce que vous savez exactement ce que

18 demandait ce plan, cet accord constitutionnel ?

19 R. Je ne saurais vous donner le détail de ce plan. Le texte est

20 certainement disponible quelque part, donc j'aimerais que l'on me soumette

21 le plan si on me demande des commentaires à ce sujet.

22 Q. D'accord, ce serait sans doute une bonne idée. Je présente à chacun mes

23 excuses pour le fait que je ne dispose pas encore d'une traduction de ce

24 texte, mais je lirai lentement en anglais. Le numéro de ce document, c'est

25 1D 00526. Je crois savoir que vous connaissez un peu l'anglais, Monsieur ?

26 Pouvez-vous lire l'anglais ?

27 R. Non.

28 Q. D'accord. Mais, j'ai l'impression que parfois vous répondez à certaines

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1 de mes questions avant d'avoir entendu la fin de l'interprétation, c'est

2 pourquoi je pensais que vous compreniez un peu l'anglais.

3 R. J'ai appris quatre langues étrangères, mais je ne suis réellement à

4 l'aise dans aucune d'entre elles.

5 Q. D'accord. Peut-on, je vous prie, afficher la page suivante à l'écran ?

6 Il y a quelques points particuliers qui m'intéressent. Le numéro du bas de

7 page qui m'intéresse c'est 1D 27-0012.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : On va travailler avec l'ELMO parce que M. le

9 Greffier vient de me dire qu'il y a un problème avec l'e-court.

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Je préfère le rétroprojecteur, de toute

11 façon, Monsieur le Président, donc, pas de problème.

12 Q. Si on regarde le bas de la page, Monsieur, on voit ici les soussignés

13 Bulatovic, Boban, Milosevic, Izetbegovic, Tudjman et devant les témoins

14 suivants, Stoltenberg et Owen se retrouvent en bas de la page. J'imagine

15 qu'il n'y a pas un nom ici que vous ne connaissiez pas ? Ce document,

16 d'après ce qui m'a été indiqué, date du 27 septembre 1993.

17 Dans la première partie on lit la chose suivante et je vais lire

18 lentement pour les interprètes. Je cite : "L'accord constitutionnel portant

19 sur l'Union des Républiques de Bosnie-Herzégovine figure à l'annexe 1 du

20 présent document. Les trois parties conviennent qu'il entrera en vigueur

21 une semaine après que le Conseil de Sécurité aura tenu compte du présent

22 accord et aura confirmé que l'Union des Républiques de Bosnie-Herzégovine

23 continuera à être membre des Nations Unies, comme cela est précisé dans la

24 résolution du Conseil de Sécurité, numéro 859 (1993) et autoriser les

25 Nations Unies à soutenir la mise en œuvre du présent accord."

26 Passons maintenant à la page suivante que j'ai remise à l'Huissière. Il

27 semble que cela soit l'annexe 1, page 290 du document. Un peu de patience,

28 Monsieur le Témoin, je vous prie de m'excuser de ne pas avoir de traduction

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1 dudit document.

2 Page 290. Bien. Il est indiqué ici -- fait suivre avec le titre.

3 D'abord : "Accord constitutionnel de l'Union des Républiques de Bosnie-

4 Herzégovine."

5 "Article 1 : L'Union des Républiques de Bosnie-Herzégovine est composée de

6 trois républiques constituantes et comprend trois peuples constituants, les

7 Musulmans, les Serbes et les Croates, ainsi qu'un groupe constitué d'autres

8 peuples. L'Union des Républiques de Bosnie-Herzégovine sera membre des

9 Nations Unies, et en tant qu'Etat membre, elle demandera son adhésion à

10 d'autres organisations du système des Nations Unies."

11 Il s'agit d'un accord constitutionnel qui semble avoir été conclu dans le

12 cadre du plan Owen-Stoltenberg. Vous conviendrez avec moi, Monsieur, que

13 cet accord constitutionnel qui est placé en annexe à ce plan, cet accord

14 constitutionnel donc, prévoit que la Bosnie-Herzégovine soit constituée de

15 trois républiques constituantes, n'est-ce pas le cas ?

16 R. Bien, c'est ce que je prônais pendant toute cette période. Quant à moi,

17 je connais tout cela, du fait des discussions politiques. Je sais qu'il y a

18 une telle proposition qui avait été faite pour que la Bosnie-Herzégovine

19 soit organisée de la sorte.

20 Q. Le fait que le plan Owen-Stoltenberg en appelle à une Bosnie-

21 Herzégovine constituée de trois républiques. Cela ne revient à exiger qu'il

22 y ait un Etat dans l'Etat. Il y a une grande différence entre une situation

23 où on a un Etat dans un autre Etat. Une situation où on a des républiques

24 comme ce qui est prévu dans le présent accord, n'est-ce pas ?

25 R. Ce n'est pas ainsi que j'avais compris la chose. Je n'avais pas compris

26 qu'il y aurait trois Etats. Il y aurait trois éléments constitutifs,

27 constituants la Bosnie-Herzégovine. A partir de ces éléments constitutifs,

28 le gouvernement s'organiserait aussi bien au niveau central, à Sarajevo,

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1 que dans les parties individuelles de cette Bosnie-Herzégovine, mais il

2 s'agissait de mettre en place trois Etats. En tout cas, ce n'est pas comme

3 cela que j'ai compris la chose.

4 Q. Tout à fait. Quand vous dites qu'il y a trois parties différentes, ce

5 sont les trois républiques différentes, parce que c'est écrit ici, je le

6 répète : "L'Union des Républiques de Bosnie-Herzégovine est constituée ou

7 est composée de trois républiques constituantes et comprend trois peuples

8 constituants…"

9 Nous avons donc un Etat et au sein de cet Etat, il y a trois

10 républiques.

11 R. Je pense qu'il y a une erreur de traduction ici. Il ne s'agit pas de

12 trois Etats constituants mais de trois éléments.

13 Q. D'accord.

14 R. Les éléments font référence au groupe et aux communautés ethniques

15 présentes sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

16 Q. J'ignore s'il y a une erreur de traduction, mais on ne demande pas ici

17 s'il y a des Etats mais s'il y a des républiques, trois républiques

18 constitutives au sein de la Bosnie-Herzégovine. Vous conviendrez avec moi

19 qu'est-ce qui a découlé des accords de Washington, celle d'une Bosnie-

20 Herzégovine constituées de deux républiques différentes, des entités. C'est

21 ainsi qu'on les appelle.

22 R. Je n'ai jamais entendu dire que l'accord Stoltenberg appelait des ses

23 vœux trois républiques sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Il faut

24 comprendre ce que sont ces éléments constitutifs. Ce sont les groupes

25 ethniques et il n'est pas facile de les inscrire au sein de frontières et

26 de dessiner les limites et les frontières de cet Etat.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'on peut mettre -- voilà.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. A l'article 2 de la page 291, on le voit. Je ne

2 le vois pas.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le vois mais ce n'est pas très clair. Oui,

4 l'article 2, c'est en anglais encore une fois.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est indiqué à l'article 2 "Que chacune des

6 républiques constituantes adoptent leur propre constitution."

7 Donc, comment vous interprétez cet article ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il est dit ici "républiques," à ce

9 moment-là, je ne pense pas que c'est correct, c'est exact, parce que nous

10 n'avons jamais accepté que ce soit des républiques. Vous le pouvez le faire

11 traduire. Vous pouvez retrouvez l'original de l'accord. Ensuite, je

12 pourrais faire mes observations, mes commentaires. Mais je ne peux pas

13 faire d'observations, de commentaires sur la base de ce document-ci.

14 M. KARNAVAS : [interprétation]

15 Q. Mais si je vous disais que ceci est une traduction correcte,

16 fidèle du plan Owen-Stoltenberg. Est-il, tout simplement, possible que vous

17 n'ayez pas eu vent des détails précis du plan ? Est-ce que cela n'est pas

18 possible ?

19 R. J'ai dit d'emblée que je ne connaissais pas, très bien, le texte de

20 l'accord. Je l'ai dit. Mais au cours des discussions politiques qui ont été

21 menées, jamais on n'a parlé de la mise en place ou de la création d'Etats

22 sur ce territoire. Tout ce dont on parlait, c'étaient des éléments

23 constitutifs sur la base desquels on pourrait construire une Bosnie-

24 Herzégovine. Voici la seule source de confusion que j'identifie. Est-ce que

25 ces éléments constitutifs sont des Etats ou pas ?

26 Q. [aucune interprétation]

27 R. J'accepte l'accord dans son intégralité à condition que ces éléments

28 constitutifs ne soient pas des Etats.

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1 Q. Essayons de faire la lumière sur une chose. Il y a une différence entre

2 un Etat, d'une part et une République, d'autre part. Il y a une différence,

3 n'est-ce pas ? C'est là, peut-être, qu'intervient ce malentendu entre nous,

4 parce que si on se reporte encore une fois à la page 290 de l'accord et si

5 on examine l'article 1 et je vais en redonner, une fois encore, très

6 lentement. On lit la chose suivante. Je cite : "L'Union des Républiques de

7 Bosnie-Herzégovine est composée de trois républiques constituantes et

8 regroupe trois peuples constituants…"

9 R. Non, si on parle de l'Union de la Bosnie-Herzégovine, cela suppose

10 l'existence d'un gouvernement secret. Ces Républiques feraient partie d'un

11 Etat central --

12 Q. [aucune interprétation]

13 R. -- ou d'un Etat unitaire plutôt.

14 Q. Je ne veux utiliser ce terme "d'Etat unitaire," mais je pense que vous

15 avez raison. Nous parlons d'un Etat et dans cet Etat, il y aurait trois

16 républiques différentes. Comme l'a indiqué à juste titre, Monsieur le

17 Président, toutes ces républiques auraient leur propre constitution qui,

18 bien entendu, seraient soumises, seraient subordonnées à la constitution de

19 l'Etat.

20 Si on part de cette discussion que nous avons, en ce moment-là, il me

21 semble qu'on peut déduire mais je me trompe peut-être. Il me semble qu'à

22 l'époque, vous n'aviez connaissance, d'ailleurs, aujourd'hui non plus

23 d'ailleurs, vous n'avez pas connaissance de la teneur de l'accord qui a été

24 conclu ou du plan Owen-Stoltenberg. Est-ce que je me trompe ou pas ?

25 R. Je crois que vous avez raison si vous dites qu'il y avait un plan.

26 Maintenant, s'agissant de la teneur de ce plan, du contenu de ce plan, je

27 ne pense pas que vous ayez raison, parce que même si les Serbes l'avait

28 accepté et les Croates aussi, peut-être, je doute, quant à moi, je doute

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1 que les Bosniaques avec Izetbegovic à leur tête l'auraient accepté. J'en

2 doute fort. Je pense que c'est la raison pour laquelle ce plan n'a jamais

3 été adopté, il n'aurait pas pu être mis en œuvre, ce n'était pas un plan

4 viable et vous me corrigerez si je me trompe.

5 Q. Procédons par ordre. D'abord vous ne contestez pas le fait qu'il y a eu

6 un plan, cela vous ne le contestez nullement, n'est-ce pas ?

7 R. C'est exact. Personne ne conteste l'existence du plan Stoltenberg.

8 Q. Vous savez, tout comme je le sais, qu'il arrivait à Izetbegovic de dire

9 une chose le matin et l'après-midi, de dire exactement le contraire.

10 M. SCOTT : [interprétation] Objection, objection.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais je le sais, je le sais à la lecture des

12 documents, cela apparaît clairement, c'est manifeste, c'est clair comme de

13 l'eau de roche.

14 M. SCOTT : [interprétation] Ce n'est pas à Me Karnavas de déposer ici.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais reformuler.

16 M. SCOTT : [interprétation] De plus, pendant que je suis debout et je

17 m'excuse parce que je me suis peut-être trop levé cet après-midi, je suis

18 désolé si c'est votre sentiment, en tout cas, ce témoin, il y a déjà 20

19 minutes, nous a dit qu'il ne connaissait pas les détails de cet accord.

20 Hors, Me Karnavas continue à rester sur cette même question, au même point

21 qu'il y a 20 minutes quand le témoin nous disait qu'il ne connaissait pas

22 le plan : "Oui, je sais qu'il y avait un plan, mais je ne connais pas les

23 détails de ce plan." C'est clair, c'est manifeste, alors pourquoi est-ce

24 qu'on continue à lui poser des questions de ce type ?

25 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est important, Monsieur le Président,

26 c'est important de voir qu'il nous dit qu'il y avait un Etat dans l'Etat.

27 Le témoin nous dit que cela ne le gênait pas, la communauté d'Herceg-Bosna,

28 et ensuite il nous dit : "C'était un Etat dans l'Etat" et si je montre que

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1 ce qui a -- l'accord précurseur aux accords de Washington en appelait à la

2 création de trois républiques et il apparaît que ce Monsieur qui

3 s'occupait d'autre chose n'avait pas connaissance de certains détails.

4 M. SCOTT : [interprétation] Tout à fait.

5 M. KARNAVAS : [interprétation] Ce qui nous amène à douter de la crédibilité

6 de sa déclaration quand il a dit qu'il y avait un Etat dans l'Etat, c'est

7 là que je veux en venir. Tout ce qu'il nous a dit, cela repose sur de pures

8 conjectures.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, on a déjà passé 20 minutes, le témoin nous dit

10 qu'il avait entendu parler d'un plan Stoltenberg-Owen et là il découvre

11 qu'il y avait la constitution de trois républiques, ce qu'il ignorait.

12 Voilà, c'est le constat que l'on fait à ce stade. Maintenant poursuivez.

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

14 Q. Vous avez mentionné, Monsieur le Témoin, Izetbegovic. Il y a une

15 question que je souhaite vous poser. Si vous vous basez sur les discussions

16 qui ont eu lieu en votre présence, et nous disposons des comptes rendus

17 présidentiels et je me trompe peut-être, corrigez-moi à ce moment-là, mais

18 il semble qu'il y ait des cas où certains se soient plaints, dont le

19 président Tudjman, se soient plaints en disant que, parfois, Izetbegovic

20 donnait son accord pour quelque chose pour ensuite changer d'avis, plus

21 tard. Je ne conteste nullement cette façon de faire, peut-être c'était là

22 sa nature, la façon dont il fonctionnait pendant cette période, parce que

23 manifestement, il y avait des décisions qui étaient très difficiles à

24 prendre.

25 R. Je ne pense pas que vous ayez raison.

26 Q. D'accord.

27 R. Parce qu'en ce moment, là vous êtes en train de parler du

28 fonctionnement mental de la manière de penser de M. Izetbegovic, donc je ne

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1 pense pas que ce soit -- on ne pourra pas arriver à une solution en

2 procédant de la sorte. Puis, d'abord, je ne suis pas le seul témoin

3 potentiel sur ce point. Vous aurez sans doute d'autres témoins avec qui

4 vous pourrez préciser un certain nombre de choses, je ne peux pas tout

5 préciser, je ne peux pas faire la lumière surtout. Je peux faire la lumière

6 sur certaines choses jusqu'à un certain point. En tout cas, voilà ce qui en

7 est pour cet accord-là précis.

8 Q. Fort bien, mais pour que les choses soient bien claires sur ce point,

9 au sujet de cet accord, il me semble aujourd'hui que les termes, les

10 conditions de cet accord, vous en prenez connaissance aujourd'hui pour la

11 première fois.

12 R. Oui, les dispositions précises de l'accord, oui. Mais je sais, vu les

13 discussions politiques qui avaient lieu, qu'il y avait un plan qui était à

14 l'étude de la part des différents représentants internationaux qui

15 cherchaient une solution, mais d'après ce que je sais, ce plan n'a pas été

16 adopté, il n'a pas effectivement été adopté, c'est resté à l'état de projet

17 et puis cet accord, il a été ensuite enterré au sein des accords de

18 Washington.

19 Q. Oui, parce qu'aux termes des accords de Washington, nous avons deux

20 républiques au sein de l'Etat de la Bosnie-Herzégovine. On peut dire qu'il

21 s'agit de deux entités, mais en fait, il s'agit de deux républiques.

22 L'accord de Washington appelle à la création d'une fédération et à Dayton,

23 nous avons la Bosnie-Herzégovine, un Etat avec deux républiques, trois

24 constitutions, plus un district. Je parle ici de Brcko.

25 R. Mais vous êtes avocat, vous êtes juriste, vous savez bien qu'il ne

26 s'agit pas de trois républiques, mais de deux républiques. Mais encore une

27 fois, ce n'est pas la solution parce qu'ensuite il y a eu les accords de

28 Dayton qui ont établi et présenté les choses de manière un peu différente

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1 de l'accord de Washington. Mais la difficulté, le problème existe et la

2 solution n'a toujours pas été trouvé sur le territoire de la Bosnie-

3 Herzégovine.

4 Q. Nous n'allons pas mettre un point final à ce chapitre, mais je pense

5 que nous avons pu établir un certain nombre de points, ce qui nous

6 intéressait ici.

7 On a parlé de "catalyseur" précédemment et j'aimerais que l'on revienne sur

8 l'utilisation de ce terme. Il me semble que lorsque ce livre a été écrit en

9 1995, à ce moment-là, vous-même et le président Tudjman, vous étiez

10 éloignés, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, c'est exact. A l'époque, effectivement, du point de vue politique,

12 nous nous étions éloignés, nous étions séparés.

13 Q. En fait, vous étiez plutôt avec M. Mesic, vous-même et Mesic, vous

14 alliez dans le même sens, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Il y a quelque chose qui n'est pas tout à fait clair pour moi, à un

17 moment donné vous avez quitté les services de Sécurité, vous êtes devenu

18 chef ou président de la Chambre supérieure -- laissez-moi finir, s'il vous

19 plaît --

20 R. Vous oubliez qu'ensuite j'ai été président de l'assemblée de la Chambre

21 des comtés au parlement.

22 Q. Monsieur, mais vous venez de nous dire que vous ne comprenez pas

23 l'anglais. Alors une fois encore, vous ne dites pas la vérité, parce qu'il

24 est manifeste que vous m'avez compris sans avoir besoin d'écouter la

25 traduction. Donc un instant, un instant. Procédons par ordre, pas à pas, on

26 va y arriver.

27 Certains estiment que quand vous êtes devenu président de la Chambre haute,

28 c'était en fait le contraire d'une promotion, c'était --

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1 R. Mais cela ce ne sont que des rumeurs. Quitter le bureau du chef de la

2 présidence et devenir le président d'un organe législatif, la Chambre des

3 comtés, c'est quelque chose de différent, donc, il ne faut pas simplement

4 rapporter les rumeurs qui circulaient dans la rue selon lesquelles je

5 n'avais -- j'avais subi un échec professionnel.

6 Q. Pendant que vous étiez à ce poste, est-ce que le gouffre qui vous

7 séparait, vous et Tudjman, n'a pas grandit ? Est-ce que ce qui vous

8 séparait de lui ne s'est pas amplifié ?

9 R. Mais quel poste ? Quelle fonction ? Soyez précis.

10 Q. L'une des difficultés principales que vous avez eue avec le président

11 Tudjman, c'est que il a affirmé que l'un de ses meilleurs ministres c'était

12 Susak et pas Manolic. Cela a suscité en vous une grande colère, une grande

13 jalousie.

14 R. Ici encore, les preuves, ceux sont des ragots que l'on rapporte. Ce

15 sont les ragots qui circulaient dans la rue. Montrez-moi un seul document

16 qui parle de cela.

17 Q. En fait, Susak était considéré par certains dans la diaspora comme

18 ayant des liens avec le milieu Oustacha, alors que vous, vous aviez lutté

19 aux côtés des partisans, vous aviez servi sous Tito, et c'est une des

20 raisons pour lesquelles --

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, quelle est la pertinence de la

22 question ici ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cela n'aie strictement aucun

24 rapport avec le procès et avec cette affaire. Mes relations avec Susak

25 impliquent un malentendu sur le plan politique.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Toute cette série de questions, Monsieur le

27 Président, j'en suis arrivé à la fin de cette série de questions, a une

28 pertinence, la pertinence est la suivante, il est manifeste que le témoin a

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1 certains comptes politiques à régler. Il y a des éléments qui nous montrent

2 clairement que Susak ne s'entendaient pas pour diverses raisons, notamment

3 que le fait que lui-même on l'avait sur la toucher alors qu'il était un des

4 membres fondateurs du HDZ. Je pense que c'est la raison pour laquelle

5 monsieur ici présent a tendance à déformer et a embelli quelque peu sa

6 déposition. Donc voilà pourquoi j'ai posé cette question, voilà pourquoi

7 elle est pertinente, Monsieur le Président ? C'est une question qui porte

8 sur sa crédibilité et les motivations qui pourraient être les siennes de

9 déformer la réalité.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Manolic, il apparaît que vous étiez à un

11 moment donné au bureau chargé du renseignement. Vous avez quitté cette

12 fonction pour devenir président de la Chambre haute. A votre avis, était-ce

13 une promotion ? Etait-ce une rétrogradation ? Etait-ce une mise à l'écart,

14 ou était-ce un cursus politique et professionnel normal ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que j'ai bénéficié d'une promotion,

16 j'ai été promu à un poste d'échelon supérieur dans la structure globale de

17 l'Etat. Quand j'en ai parlé au président Tudjman, quand j'ai eu des

18 entretiens avec lui pour savoir si oui ou non j'allais occuper ce poste, je

19 lui ai dit : "Bien, pour l'instant je suis président de votre bureau. M. le

20 président, je suis votre employé." Une fois que je deviendrai président

21 d'une chambre législative, je deviendrai un personnage politique dont la

22 survie dépendra des élections et il faudra que je sois élu par les députés

23 du parlement. Si bien que ma position devenait plus libre politiquement et

24 plus stable, et ceci à la différence du poste administratif que j'occupais

25 précédemment.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- vous avez été élu par les membres

27 de la Chambre haute comme président --

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai été élu. Mais il faut aussi que

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1 j'ajoute dans un souci d'objectivité que ce n'était pas contre la volonté

2 du président Tudjman, cela est absolument essentiel il faut le mentionner.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, il nous reste cinq minutes, parce

4 que c'est l'heure.

5 M. KARNAVAS : [interprétation]

6 Q. Monsieur, dans votre livre, et je ne vais pas en parler de manière

7 exhaustive --

8 R. On peut lire.

9 Q. Bien --

10 R. Vous pouvez même l'emmener en vacances pour le lire.

11 Q. Oui. Dans votre livre, il y a une passage - mes confrères en parleront

12 demain - vous indiquez que Tudjman et vous-même être toujours très amis

13 très proches, vous parlez de critiques qui sont émises à l'encontre du HDZ

14 et vous défendez la politique du HDZ, en particulier celle du président

15 Tudjman, et la démarche qui est la sienne, l'approche qu'il a adoptée; est-

16 ce que c'est exact ? Est-ce que c'est exact que dans votre livre on trouve

17 des entretiens que vous avez accordés et qui portent sur fait ?

18 R. C'est tout à fait vrai, tout à fait exact.

19 Q. D'accord.

20 R. Aujourd'hui encore, je défends le président Tudjman contre toutes

21 sortes de calomnie. Je ne permets pas qu'un certain nombre de choses soient

22 dites contre un homme qui a des mérites sur le plan politique, mais je sais

23 aussi être critique quand je vois des raisons de l'être, et on en voit les

24 conséquences ici même aujourd'hui, on voit bien ce que je critique.

25 Q. Vous êtes devenu très critique de M. Tudjman après avoir été chassé du

26 parti, vous-même et Mesic, n'est-ce pas, que vous avez été renvoyé du parti

27 du HDZ ?

28 R. Une fois encore vous faites preuve d'une incompréhension de la

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1 situation. Le président Mesic n'a pas été expulsé; moi, oui, j'ai été

2 expulsé.

3 Q. [aucune interprétation]

4 R. A cause de certains propos que j'avais tenus envers -- l'égard des

5 journalistes et à cause de points de vue que j'avais manifestés, et qui

6 n'allaient pas dans le sens de la position du président, et vous pourrez

7 vous procurer les documents provenant du tribunal disciplinaire qui a

8 décidé de m'expulser du HDZ.

9 Q. Enfin, pour finir, il est manifeste que l'une des raisons qui explique

10 votre expulsion, c'est que vous êtes un homme de principe, que vous

11 n'hésitez pas à dire ce que vous pensez, et vous n'hésitez pas à dire en

12 public, si c'est nécessaire, et à critiquer le poursuite, et c'est l'une

13 des raisons qui explique les frictions qui existaient souvent entre vous-

14 même et Tudjman.

15 R. Là, vous me placez non pas devant un dilemme politique mais devant un

16 dilemme moral. Je dois vous dire que même après avoir été chassé du parti

17 je suis resté en bons termes avec le président, et même après avoir moi-

18 même fondé un nouveau parti nos relations sur le plan humain sont restées

19 de bonnes relations. Or maintenant vous essayez de m'attribuer des motifs

20 personnels qui expliqueraient mon conflit avec M. Susak, et ce n'est pas

21 vrai non plus. Je suis allé voir M. Susak au Canada quand il était là-bas

22 si bien que nos relations personnelles sont restées tout à fait correctes,

23 mais politiquement effectivement nous étions en conflit.

24 Q. Je ne suis pas en train de parler de Susak, je suis en train de parler

25 de Tudjman, et ce que j'indique ici -- attend un instant, Monsieur, c'est

26 que vous, vous êtes un homme de principe et vous n'avez pas peur de dire ce

27 que vous pensez. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que je vous définis bien ?

28 Est-ce que c'est une bonne description de l'homme que vous êtes ?

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1 R. Oui, je pense que c'est une bonne description.

2 Q. [aucune interprétation]

3 R. Enfin, sur ce point, en tout cas.

4 Q. Donc, si on doit passer en revue les comptes rendus, et je n'ai pas eu

5 le temps de le faire, j'aurais besoin de deux ou trois jours, est-ce qu'on

6 ne trouvait pas justement la manifestation de ce que vous venez de dire, à

7 savoir que vous n'hésitez pas à faire part de vos préoccupations par

8 rapport à ce que dit Tudjman ou Susak, on pourrait trouver cela dans les

9 comptes rendus, et l'Accusation les a passés en revue. Avez-vous ces

10 comptes rendus ?

11 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Maître Karnavas, je crois qu'il y a

12 une petite erreur qui s'est glissée dans l'une des phrases qui ont été

13 dites récemment. Il y a peut-être quelque chose d'important ici. Au moment

14 où le témoin vous répond au sujet de ses relations avec M. Susak, page 161,

15 me semble-t-il ligne 2, la traduction se poursuit et on lit "Nos relations

16 sont restées assez correctes, mais, politiquement, nous n'étions pas en

17 conflit." Or, je pense qu'il est évident qu'il faudrait lire ici, dans le

18 deuxième membre de phrase "politiquement nous étions en conflit." Merci.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

20 Q. Ce que j'essayais de vous dire, Monsieur Manolic, c'est que vous êtes

21 tellement un homme de principe --

22 R. Oui. Je pense que c'est tout à fait exact ce qui vient d'être dit, il

23 existait un conflit, une opposition politique, mais pas d'opposition ni de

24 conflit personnel.

25 Q. Oui. Ecoutez, j'essaie de sortir d'ici le plus rapidement possible. Ce

26 que je voulais dire encore, c'est que quel que soit l'endroit où vous vous

27 trouvez, vous dites ce que vous pensez. Or, vous étiez présent à ces

28 réunions sans savoir que vos propos étaient enregistrés, et manifestement,

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1 vous disiez à l'époque ce que vous pensiez, et nous le voyons, nous le

2 lisons dans le compte rendu de ces réunions de la présidence. Vous ne

3 reteniez rien par devers vous, vous disiez ce que vous pensiez ouvertement.

4 R. Oui, mais il m'arrivait aussi de me taire. C'est le cas dans n'importe

5 quelle réunion. Il y a toujours quelque chose qu'on ne dit pas. Je

6 n'assistais pas à ces réunions en imposant toutes mes positions générales

7 ou toutes mes positions de présence en défense de telles ou telles

8 positions. N'essayez pas de me faire dire ce que je ne dis pas.

9 Q. Mais lorsqu'il a été question de la division de la Bosnie, comme vous

10 l'avez affirmée, et que Tudjman a dit qu'il désirait l'annexion de

11 certaines parties de la Bosnie ou, en tout cas, la partition de la Bosnie,

12 et qu'étant donné l'homme vous êtes, cela a suscité chez vous une certaine

13 inquiétude, une certaine préoccupation, ne sachant pas que vous étiez

14 enregistré, dans ces conditions, vous avez sans doute dit ce que vous

15 pensiez, et nous pouvons le voir à la lecture des comptes rendus de ces

16 réunions de la présidence.

17 R. Il n'y a nulle part dans ces comptes rendus où vous trouverez la

18 moindre mention du fait, n'est-ce pas, que le président Tudjman a dit

19 ouvertement où que ce soit, à quelque moment que ce soit, qu'il souhaitait

20 la partition de la Bosnie-Herzégovine. Vous n'avez trouvé cette formule

21 nulle part, j'en suis sûr. Parce que si vous l'aviez trouvé, je vous

22 remercierais de me la montrer.

23 Le président Tudjman était un homme hautement responsable sur le plan

24 politique. Il était historien. Il avait une vision très globale des

25 problèmes de la société, donc, il n'aurait jamais commis une erreur

26 consistant à s'exprimer ainsi. Mais il a fait d'autres petites erreurs dues

27 à son pragmatisme. La raison pour laquelle nous sommes assis ici

28 aujourd'hui repose notamment dans l'une de ces erreurs.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

2 M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. Mon contre-

3 interrogatoire est terminé. Je vous remercie de tout cœur, Monsieur

4 Manolic. J'espère ne pas vous avoir trop usé avec mes questions. Vous êtes

5 manifestement un être très fort, et vous avez pu subir ce contre-

6 interrogatoire.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais vous avez parfois été déplaisant.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vouliez-vous dire quelque chose ?

9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Le témoin dit que dans la pratique la

10 politique du président Tudjman nous a amené à nous retrouver assis ici

11 aujourd'hui. Donc, il établi de nouveau un lien direct entre une politique

12 et la pratique de cette politique et ce que contient l'acte d'accusation

13 qui nous a amené ici. Mais de quelle politique parlez-vous ? Si nous nous

14 penchons sur les faits, sur la réalité, nous avons rien appris de ce

15 qu'affirme l'Accusation ici. Nous n'avons pas appris que ceci aurait eu le

16 moindre rapport avec le président Tudjman. Je vous remercie.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vous ai pas accusé, Monsieur Praljak.

18 Donc, ne me mettez pas dans la bouche des mots que je n'ai pas dits. Mais

19 vous savez très bien comment la situation a évolué sur le territoire de la

20 Bosnie-Herzégovine. Vous savez très bien à quoi je m'opposais à l'époque.

21 Il est certain que vous pourrez débattre à fond de cette question avec

22 d'autres témoins devant la Chambre ici présente.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Demain, d'après mes calculs, il reste quatre

24 avocats. Il nous reste quatre heures demain, donc, répartissez vous le

25 temps. Nous reprenons l'audience demain à 9 heures.

26 --- L'audience est levée à 17 heures 25 et reprendra le jeudi 6 juillet

27 2006, à 9 heures 00.

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