Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 17 août 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

8 les Juges. L'affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Jadranko Prlic

9 et consorts.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

11 Bien. En cette journée du 17 août 2006, le cours des audiences reprend

12 après la période de vacations judiciaires. Je salue les représentants du

13 Procureur, je salue tous les avocats, et je salue également les accusés qui

14 sont présents.

15 Comme vous le savez, nous avons rendu une série de décisions juste avant le

16 14 juillet, donc, j'espère que les avocats ont pris connaissance de ces

17 décisions. Actuellement, restent deux décisions qui vont intervenir très

18 rapidement concernant une requête de l'Accusation relative à l'article

19 94(B), et ainsi que des requêtes relatives à l'article 92 bis. Par

20 ailleurs, il y a également une décision qui sera prise prochainement suite

21 à la requête de

22 Me Ibrisimovic, relative à certains documents présentés par l'Accusation,

23 or, la liste de l'article 65 ter. Nous rendrons peut-être même dès la

24 semaine prochaine une décision en la matière.

25 Puis, il y a également une décision à prendre concernant des

26 documents relatifs à un témoin, le témoin Manolic. Voilà. Donc,

27 globalement, il n'y a aucun retard et toutes les décisions à intervenir

28 vont être prises dès le début de la semaine prochaine, ce qui permettra au

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1 procès de se dérouler dans les meilleures conditions possible.

2 Nous avons un témoin qui est prévu pour la journée d'aujourd'hui.

3 Monsieur Mundis, il est prévu, combien de temps pour ce témoin en ce qui

4 vous concerne ?

5 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

6 Messieurs les Juges, bonjour tout le monde dans le prétoire. C'est ma

7 collègue qui va poser la question ce matin; elle va pouvoir sans doute

8 répondre à votre question.

9 Mme GILLETT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Nous

10 prévoyons que l'audition de ce matin durera environ deux heures pour

11 l'Accusation, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci. La Défense, globalement, aura donc

13 jusqu'à 13 heures 45 pour son contre-interrogatoire, et éventuellement les

14 questions supplémentaires. Bien. J'espère que vous vous êtes entendu pour

15 savoir qui commencera le contre-interrogatoire. Dans le cas où il n'y

16 aurait pas un accord entre les avocats, le temps sera divisé par six pour

17 les uns et les autres, comme vous le savez.

18 Nous allons donc demander à Mme l'Huissière d'aller chercher notre

19 témoin.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous nous indiquer

22 votre nom et prénom ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Ibrahim Saric.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous m'indiquer également votre date de

25 naissance et le lieu de naissance ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 18 juin 1946, à Sarajevo.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ou fonction actuelle ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis ingénieur électrotechnicien et je

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1 m'occupe de télécommunications.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous m'indiquer quelles étaient vos fonctions

3 en 1992 et 1993 ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992-1993, au début de la guerre, j'étais

5 salarié des PTT jusqu'en octobre 1992 ou plutôt jusqu'au mois de septembre,

6 après quoi je suis rentré dans les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine

7 dans le 4e Corps d'armée.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné sur les faits qui

9 se sont déroulés pendant votre pays pendant ces années 1992, 1993 ici-même

10 ou devant un Tribunal national ou c'est la première fois que vous témoignez

11 en justice ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai témoigné dans le procès de

13 M. Dzidic et consorts à Sarajevo; sinon, c'est la première fois que je

14 témoigne devant un Tribunal international.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Je vous demande de lire le

16 serment.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

19 LE TÉMOIN : IBRAHIM SARIC [Assermenté]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur, comme vous venez de nous

24 indiquer que vous avez déjà témoigné dans un procès, vous êtes en quelque

25 sorte un peu habitué aux débats judiciaires. Simplement, la procédure ici

26 est une procédure tout à fait particulière, à savoir que dans un premier

27 temps, vous devrez répondre à des questions qui vont vous être posées par

28 l'Accusation qui est située à votre droite. L'Accusation nous a indiqué

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1 qu'elle comptait globalement un temps de deux heures et à la suite de cet

2 interrogatoire dit principal, les avocats de la Défense qui sont situés à

3 votre gauche vous poseront des questions dans ce qu'on appelle dans notre

4 procédure le contre-interrogatoire.

5 Les quatre Juges qui sont devant vous pourront, lorsqu'ils estimeront

6 nécessaire, également intervenir dans le jeu des questions en vous posant

7 eux-mêmes des questions. Si, pendant la durée des questions, vous éprouvez

8 une difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous en faire part.

9 Je rappelle que vous venez de prêter serment, ce qui veut dire que

10 vous devez dire toute la vérité, car comme vous le savez, un faux

11 témoignage est une infraction qui peut être poursuivie.

12 Voilà de manière donc très générale la façon dont va se dérouler

13 cette audience qui est prévue pour se terminer avec vous à 13 heures 45.

14 Entre-temps, nous aurons deux courtes pauses d'une durée de 20 minutes pour

15 des raisons d'ordre technique.

16 Donc, sans perdre de temps, maintenant, je vais laisser la parole à

17 la représentante de Mme le Procureur qui va vous poser des questions.

18 Mme GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Interrogatoire principal par Mme Gillett :

20 Q. [Interprétation] Bonjour, Monsieur Saric. Monsieur Saric, avant la

21 guerre en Bosnie-Herzégovine, où résidiez-vous ?

22 R. J'habitais à Mostar.

23 Q. Avec qui ?

24 R. Avec mon épouse et nos deux enfants.

25 Q. Répondant à une question de Monsieur le Président il y a quelques

26 instants, vous avez dit avoir rejoint les rangs du 4e Corps de l'armée de

27 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Quelles étaient vos fonctions au sein du 4e Corps de l'ABiH ?

2 R. J'étais chef du centre de Transmission.

3 Q. Où se trouvait votre base ?

4 R. Au moment où je suis entré dans l'armée, la base se trouvait dans le

5 bâtiment qu'on appelait le bâtiment Vranica, c'était le siège d'une

6 entreprise par le passé, dans la rue Stjepan Radica.

7 Q. A quel moment avez-vous rejoint les rangs du 4e Corps d'armée ?

8 R. En octobre 1992, quant au jour exact, je ne m'en souviens plus

9 exactement. Je ne sais plus si c'était le 15 ou le 20.

10 Q. A ce moment-là, savez-vous qui commandait le 4e Corps d'armée ?

11 R. C'était Arif Pasalic à ce moment-là. Il est devenu par la suite

12 général.

13 Q. Qui était votre supérieur direct au sein du 4e Corps d'armée ?

14 R. M. Pasalic avait un certain nombre d'assistants. L'un d'entre eux était

15 Sulejman Budakovic, chef d'état-major, qui faisait partie de mon unité.

16 Donc, mon supérieur direct était Sulejman Budakovic.

17 Q. Vous venez de dire que vous avez accomplissiez vos tâches dans le

18 bâtiment Vranica.

19 Mme GILLETT : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin la

20 pièce à conviction 09413.

21 Q. C'est la page 4 qui m'intéressera.

22 R. Voilà, c'est cela, ce sont les photos du bâtiment.

23 Q. Pourriez-vous décrire ces photos, dire ce qu'elles représentent pour

24 les Juges de la Chambre, je vous prie ?

25 R. Oui. C'est le bâtiment Vranica. Ces deux photos représentent le

26 bâtiment Vranica.

27 Q. Je vous remercie. Savez-vous dans quelles conditions le 4e Corps

28 d'armée en est arrivé à occuper ce bâtiment ?

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1 R. Non, cela je ne suis pas au courant.

2 Q. A quel endroit exact du bâtiment Vranica est-ce que vous travailliez ?

3 R. Si l'on prend la photo du haut, je travaillais dans la partie gauche du

4 bâtiment et dans la partie droite, plus près de la rue Stejpan Radica se

5 trouvait le siège de la 41e Brigade.

6 Q. A quel endroit se trouvait l'endroit où vous travailliez, à quel étage

7 du bâtiment ?

8 R. Au rez-de-chaussée, c'est là que se trouvaient les bureaux. Quant au

9 centre de Transmission, il était au sous-sol.

10 Q. Il y avait-il d'autres groupes ou d'autres organismes qui étaient logés

11 dans le bâtiment Vranica ?

12 R. A ce moment-là, la seule chose dont je me souviens, c'est que dans la

13 direction du MUP, c'est-à-dire un peu plus loin par rapport à la rue

14 Stejpan Radic, il y avait le siège du Tribunal qui fonctionnait encore.

15 Q. Vous avez dit que le 4e Corps d'armée occupait le sous-sol. Savez-vous

16 qui occupait l'étage qui se trouvait au-dessus -- les étages qui se

17 trouvaient plus haut dans le bâtiment ?

18 R. Dans les étages il y avait des appartements qui étaient occupés par des

19 particuliers.

20 Q. Le centre de Transmission où vous accomplissiez vos missions était-il

21 le seul qui était sous votre contrôle ?

22 R. Ce centre de Transmission, je le dirigeais directement, quant aux

23 autres centres de Transmission, ceux des brigades, ils avaient quelqu'un

24 qui les dirigeait directement, qui était responsable devant moi, et donc

25 ils étaient placés sous mes ordres, mais indirectement.

26 Q. Quand vous êtes entré dans les rangs de l'ABiH, avez-vous continué à

27 habiter à votre domicile ou étiez-vous logé dans la caserne ?

28 R. Non, je vivais chez-moi. La majorité des soldats à l'époque passait la

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1 nuit à leur domicile.

2 Q. A ce moment-là, où se trouvait votre domicile par rapport au bâtiment

3 Vranica ?

4 R. Si je parle de la photographie que j'ai sous les yeux et que je trace

5 une ligne devant le bâtiment dans le sens que j'indique avec mon bras

6 actuellement, mon domicile se trouvait à 100 mètres ou 150 mètres de

7 distance dans un immeuble d'habitation, dans une rue qui était parallèle à

8 la rue Stjepan Radica, et le nom de la rue où j'habitais était Ante

9 Suanica. On part du bâtiment Vranica et, au premier carrefour, on a la rue

10 Ante Suanica qui croise la rue Husein Skabuna [phon].

11 Q. Est-ce que vous pourrez voir le bâtiment de Vranica depuis votre

12 domicile ?

13 R. Le bâtiment est très haut. Il y a, si je me trompe, au moins dix étages

14 et il occupait une surface très importante. Donc, on le voyait de nombreux

15 quartiers de la ville, mais, devant le bâtiment, il y avait d'autres tours

16 et, devant mon immeuble, un bâtiment de plus de trois étages. Mon

17 appartement se situait au troisième étage de mon immeuble. Donc, depuis mon

18 appartement, il n'était pas possible de voir le bâtiment Vranica. La vue

19 était dégagée vers l'est de la ville, c'est-à-dire, vers la Neretva et le

20 centre-ville.

21 Q. Parlons du 9 mai 1993; est-ce que vous étiez de service ce jour-là ?

22 R. Non. J'étais censé prendre mon service à 8 heures, mais l'attaque qui a

23 commencé à 5 heures du matin m'en a empêché.

24 Q. Où se déroulait cette attaque ?

25 R. C'était une attaque qui a visé toute la ville mais plus

26 particulièrement un quartier, à savoir, le quartier qui était

27 majoritairement habité par des Bosniens.

28 Q. Qu'est-ce qui vous a empêché d'aller travailler ce jour-là dans le

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1 bâtiment Vranica ?

2 R. La situation, les obus, les balles et les soldats qui circulaient dans

3 les rues et qui ne portaient aucun insigne contrairement à moi. J'ai

4 compris qu'il valait mieux que je me rende ailleurs qu'à l'endroit où

5 j'étais censé être à 8 heures du matin car c'était impossible.

6 Q. A quel endroit étiez-vous censé vous rendre à 8 heures ?

7 R. J'étais censé aller au commandement du 4e Corps d'armée car ce jour-là

8 je devais prendre mon service de permanence.

9 Q. C'était à quel endroit exactement ?

10 R. Le commandement se trouvait dans le bâtiment que nous venons de voir

11 sur la photographie à savoir le bâtiment Vranica, et mon bureau était au

12 rez-de-chaussée. Le centre de Transmission, lui, était plus bas, au sous-

13 sol.

14 Q. Ce bâtiment a-t-il subi les effets de l'attaque ?

15 R. Ce bâtiment a largement subi les effets de l'attaque. Tout ce qu'on

16 voit ici, et un grand nombre en tout des appartements a été incendié.

17 Certains ne sont pas toujours pas rénovés aujourd'hui. Ce bâtiment a été

18 lourdement attaqué.

19 Q. Comment est-ce que vous avez pu le voir ?

20 R. Je n'ai pas vu cela de mes yeux mais mon épouse a réussi à sortir de

21 l'appartement à ce moment-là. C'est elle qui m'a dit : N'y va pas. Pour ma

22 part, j'ai descendu les escaliers de mon immeuble. Je suis arrivé jusqu'à

23 l'entrée de l'immeuble et j'ai vue le chaos qui régnait à l'endroit où

24 j'étais censé me rendre. Cela aurait été de la pure folie que d'y aller.

25 Q. Vous parlez de "chaos"; pourriez-vous décrire exactement ce que vous

26 entendez par ce terme ?

27 R. Quand je parle de chaos, je parle plus précisément d'un pilonnage très

28 intensif. Ce bâtiment qui se trouvait dans la partie occidentale de la

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1 ville, à l'ouest de la Neretva et qui est toujours sous le contrôle

2 majoritaire de la population croate aujourd'hui, était un bâtiment habité

3 surtout par des Bosniens. Les autres bâtiments n'ont pas subi les effets de

4 l'attaque. C'est le seul qui a été férocement attaqué par l'infanterie

5 aussi bien que par l'artillerie. Devant mon immeuble, il y avait un très

6 grand de personnes, des soldats mais aussi des civils qui ne savaient ni où

7 aller ni quoi faire. Les soldats pour leur part s'étaient probablement vus

8 affecter des missions précises.

9 Q. A quelle armée appartenaient ces soldats ?

10 R. Ils appartenaient au HVO.

11 Q. Comment pouvez-vous dire qu'ils appartenaient au HVO ?

12 R. C'était visible en raison des emblèmes qu'ils portaient sur l'épaule

13 gauche et, bien sûr, en raison de leur accent, de leur façon de parler.

14 Q. Seriez-vous capable de décrire les écussons qu'ils portaient sur

15 l'épaule gauche ?

16 R. Je ne pourrais pas le faire dans le détail, vraiment, parce que ce

17 jour-là je n'ai pas attentivement regardé, mais je sais que cet écusson se

18 composait du damier et du sigle HVO écrit en lettres majuscules. Je crois

19 me rappeler que la dénomination, Conseil croate de la Défense était

20 également inscrite en lettres plus petites au-dessus du sigle en majuscule,

21 mais je n'en suis pas sûr.

22 Q. Parlons maintenant des membres du 4e Corps. La nuit du 8 mai, combien

23 d'hommes étaient de service dans le bâtiment Vranica ?

24 R. Il n'y avait jamais personne dans le bâtiment -- il n'y avait plus de

25 30 hommes dans le bâtiment Vranica de nuit.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis obligé d'intervenir parce que, suite à une

27 question, vous avez fait une réponse et puis Mme le Procureur n'a pas

28 repris un des éléments. Vous avez indiqué que c'étaient des soldats du HVO

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1 en raison de leurs insignes et de leur accent. Vous voulez dire quoi en

2 disant qu'ils avaient un accent différent du vôtre ? Est-ce que vous avez

3 compris ma question ? Je la répète. Vous avez indiqué que ce --

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui --

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces soldats avaient un accent. Cela veut dire quoi

6 dans votre esprit ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. J'ai compris. Bien, pour moi, cela

8 veut dire qu'à Mostar nous reconnaissons très bien toutes les personnes qui

9 ne sont pas de Mostar. Des gens qui habitent à 20 kilomètres de Mostar ne

10 sont pas pour nous des habitants de Mostar et nous les reconnaissons par

11 leur façon de parler. Je ne parle même pas des gens qui habitent à 100 ou

12 200 kilomètres.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, c'étaient des soldats qui n'étaient pas

14 originaires de Mostar ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans le même ordre d'idée, Monsieur,

17 est-ce que dans ces conditions vous diriez que tous les membres de l'armée

18 de Bosnie-Herzégovine qui opéraient à Mostar étaient originaires de la

19 ville de Mostar ? Est-ce que vous êtes en train de dire qu'il n'y avait

20 pas, dans les rangs de l'armée musulmane, des soldats qui venaient

21 extérieur de Mostar ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de parler de soldats du HVO, bien

23 entendu, ils n'étaient pas tous de l'extérieur. Il y en avait à peu près 90

24 % qui était tout de même de Mostar, mais je parlais des hommes dont j'ai

25 entendu la voix au moment précis que j'étais en train de décrire, et ces

26 hommes-là, je les ai reconnus comme n'étant pas des habitants de Mostar. La

27 même remarque concerne l'ABiH, 90 % de ces soldats étaient de Mostar,

28 c'étaient des hommes qui avaient eu le sentiment qu'il importait pour eux

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1 de défendre leur ville contre l'agression qui avaient rejoint nos rangs.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

3 Mme GILLETT : [interprétation]

4 Q. Monsieur Saric, vous étiez en train d'expliquer aux Juges de la Chambre

5 que pendant la nuit il n'y avait jamais plus de 20 à 30 personnes de

6 service dans le bâtiment. La nuit du 8 mai, y avait-il 20 à 30 personnes de

7 service dans le bâtiment ?

8 R. [en B/C/S] [aucune interprétation]

9 Q. [en anglais] [aucune interprétation]

10 R. [en B/C/S] [aucune interprétation]

11 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que les

12 accusés ne reçoivent pas l'interprétation.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, les cabines d'interprétation, je ne reçois pas

14 l'interprétation en retour.

15 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le Président entend maintenant la cabine

16 française ?

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Répétez la question.

18 Mme GILLETT : [interprétation]

19 Q. Ces personnes, ces 20 à 30 personnes que vous avez décrites, était-ce

20 tous des membres du 4e Corps, ou était-ce des membres d'autre brigade,

21 d'autre corps ?

22 R. Il n'y avait personne d'un autre corps. C'était le 4e Corps qui

23 comptait plusieurs brigades dont la 41e Brigade motorisée, qui était

24 stationnée, elle, dans ce bâtiment. Donc, en tout, si on additionne le

25 personnel, les effectifs de la brigade et du corps, il y avait environ 30

26 voire 35 personnes, mais ce jour-là, au maximum 30 personnes.

27 Q. Savez-vous ce qui est advenu de ces soldats qui étaient de service dans

28 la nuit du 8 mai, donc, dans la nuit du 8 au 9 mai ?

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1 R. Disons, qu'il y a eu 30 soldats. Je ne sais ce qui est advenu d'aucuns

2 d'entre eux. Cependant, j'en ai entendu parler. Un certain nombre a réussi

3 à se changer en vêtements civils, et à s'enfuir de ce bâtiment. Puis, parmi

4 les autres, ce qui a été pris sur place, il y en a eu qui ont été tués sur

5 place, puis il y a en eu certains qui ont été emmenés à la Faculté du génie

6 mécanique et c'est là que ses vies se sont terminées.

7 Mme GILLETT : [interprétation] Je voudrais que l'on présente au témoin la

8 pièce 08588.

9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être est-ce que j'anticipe sur

10 la suite, mais comment savez-vous que certains de ces soldats ont été tués

11 sur place, exécutées par armes à feu ? Est-ce que vous l'avez vu ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je n'ai rien vu de mes propres

13 yeux, que je ne le sais pas directement, mais j'en ai entendu parler. Mais

14 ce qu'on entend dire à ces moments-là, c'est la vérité, rarement envoie-t-

15 on des désinformations dans ce genre de moment.

16 Mme GILLETT : [interprétation] Excusez-moi.

17 Peut-on présenter au témoin, s'il vous plaît, la pièce 08551 ?

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] On voit la pièce à l'écran.

19 Mme GILLETT : [interprétation]

20 Q. Monsieur Saric, est-ce que vous pouvez examiner la pièce qui s'affiche

21 à l'écran devant vous ? Vous voyez, on y trouve une liste de noms. Vous

22 voyez une liste de noms qui apparaît dans cette pièce, est-ce que vous

23 reconnaissez certains de ces noms ?

24 R. Je reconnais nombre de noms. Encore une fois, je dois dire qu'il y a un

25 nom qui manque Juskovic, par rapport à ce que j'en sais car ces jours-là -

26 et en particulier plus tard - il y a eu un enregistrement vidéo montrant

27 leur arrestation, qui a été diffusée à la télévision de Mostar, et

28 probablement au-delà. A partir du moment où on les a vu dans cet extrait

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1 télévisé, bien, après, plus personne ne les a revus. Pour ce qui est de

2 l'histoire que j'ai entendu, je pense qu'elle est tout à fait véridique

3 parce qu'il avait peu des informations à l'époque. Peu de temps après,

4 après leur arrestation, bien, ils ont été tués à la Faculté du génie

5 mécanique, ou ailleurs, mais cela s'est passé très vite.

6 Q. Les personnes dont les noms figurent sur cette liste, ce sont des gens

7 que vous connaissiez -- d'après que vous connaissiez de votre lieu de

8 travail ?

9 R. Au numéro 10, on a Penava Fahir, fils de Halil, qui était membre de

10 l'Unité de Transmission de la 41e Brigade; sinon, les autres, je les voyais

11 à l'extérieur ou à l'intérieur, mais je n'avais pas de contact tellement

12 avec eux parce que c'étaient des gens plus jeunes d'après leur âge, et

13 aussi d'après leur grade.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Saric, je vous demande de me dire le nom de

15 celui que vous avez désigné au numéro 10.

16 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, nous avons encore une fois

17 des problèmes. Il y a une interférence entre l'interprétation en B/C/S et

18 l'interprétation anglaise.

19 Est-ce qu'on peut remédier à cela, s'il vous plaît ? De toute évidence les

20 interprètes ont des problèmes.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Saric, vous avez dit tout à

22 l'heure que vous reconnaissiez quelqu'un qui était au numéro 10. Pouvez-

23 vous me donner le nom de cette personne qui travaillait dans le centre de

24 Transmission.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Penava Fahir.

26 Mme GILLETT : [interprétation]

27 Q. Monsieur Saric, après la date du 9 mai, le 4e Corps de l'armée de

28 Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'il a continué de se servir du bâtiment

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1 Vranica pour continuer d'y avoir son QG ?

2 R. Il est clair qu'il n'y avait pas que 30 membres au sein du 4e Corps et

3 30 hommes se sont trouvés dans se bâtiment au moment de l'attaque, tous les

4 autres se sont trouvés ailleurs. Il y en avait un certain nombre chez eux,

5 répartis dans leurs maisons, et puis il y avait aussi des soldats et des

6 officiers sur la rive gauche de la ville où ils ont continué d'opposer une

7 résistance après cette attaque.

8 Q. Pour ce qui est du bâtiment Vranica lui-même, après la date du 9 mai,

9 les soldats membres du 4e Corps, est-ce qu'ils ont continué d'y travailler,

10 est-ce que cela a continué d'être leur lieu de travail ?

11 R. Je pense que personne n'y s'est rendu. Je n'y suis pas allée, je

12 suppose que les autres ne sont plus revenus travailler, parce qu'un lieu

13 qui a été détruit et ravagé ne se prête plus au travail.

14 L'information disant que ce lieu ait été déménagé, et bien ce n'était

15 plus cela, ce n'était plus un lieu où on pouvait -- ce n'était plus un lieu

16 comme il l'avait été avant.

17 Q. Alors, où est-ce qu'il a été déménagé, quel a été le nouvel emplacement

18 du QG ?

19 R. Il y avait plusieurs bâtiments qui ont été utilisés par l'armée à ce

20 moment-là, mais le commandement du 4e Corps, si on entend par le

21 commandement le commandant et ses premiers assistants, et bien il a été

22 placé dans le bâtiment d'Energopetrol. C'est un bâtiment de logements. Au

23 rez-de-chaussée, il y avait des commerces et à côté de ce bâtiment, il y a

24 un bâtiment d'Energopetrol qui domine une partie de la rue et c'est la

25 raison pour laquelle tout ce pâté ou ce quartier s'appelait Energopetrol.

26 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date à partir de laquelle ce

27 bâtiment a commencé à être utilisé par le 4e Corps de l'armée de Bosnie-

28 Herzégovine ?

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1 R. Je ne m'en souviens pas, je n'étais pas là.

2 Q. D'après ce vous avez dit, après l'attaque du 9 mai, vous n'êtes plus

3 retourné travailler. Qu'avez-vous fait après le 9 mai, dans les jours qui

4 ont suivi ?

5 R. De manière générale, la situation après le 9 mai a été très difficile,

6 et en particulier pour ceux qui ont fait l'objet de persécutions, et

7 j'estimais que j'en faisais partie, parce que j'appartenais à l'armée qui

8 n'était pas sur son terrain à ce moment-là, donc, il fallait que je me

9 cache et c'est ce que j'ai fait jusqu'au 7 juillet. Pendant deux mois,

10 pratiquement, je me suis caché avec succès. 7 juillet 1993.

11 Q. Où est-ce que vous vous êtes caché ?

12 R. Pour l'essentiel, chez des Croates qui estimaient qu'ils étaient mes

13 amis et avec qui j'entretiens encore aujourd'hui des relations amicales.

14 Q. Etait-ce à Mostar-même ou avez-vous quitté la ville ?

15 R. Tout cela s'est passé à Mostar.

16 Q. Seriez-vous en mesure de nous dire à quel endroit de Mostar vous vous

17 êtes caché ?

18 R. Tout d'abord, dans les différents bâtiments qui se situent près de mon

19 appartement. Par la suite, dans Ilic, ce quartier de la ville où mes

20 ancêtres avaient leur propriété jadis. Mon père est originaire de ce

21 quartier, il avait une propriété là-bas, donc, je me suis rendu après des

22 gens qui ont acheté sa propriété.

23 Q. Où se trouve Ilici par rapport à Mostar ?

24 R. Cela se situe dans la partie ouest de la ville. C'est sûr les rives de

25 la rivière Radobolje, sur les rives gauche et droite. Au pied de la

26 colline, de la montagne, il y a la source de cette rivière qui prend sa

27 source et qui se jette dans la Neretva à Mostar-même, près du vieux pont,

28 et toute cette partie le long sa berge gauche s'appelle Ilici.

Page 5082

1 Q. A quel moment est-ce que vous êtes parti pour Ilici ?

2 R. Alors, cela, je n'arrive pas à me rappeler la date exacte. Mais je

3 dirais fin mai, car je sais que c'est à Ilici que j'ai entendu les

4 informations du 30 juin.

5 Q. Vous avez mentionné la date du 7 juillet. Vous avez dit que vous avez

6 dû passer dans la clandestinité, donc, le 7 juillet 1993; que s'est-il

7 passé ce jour-là ?

8 R. Alors, ce qui était inhabituel ce jour-là, j'ai fait ma sieste, j'ai

9 dormi l'après-midi. J'ai été réveillé par des coups frappés contre la porte

10 de cette maison de l'homme qui m'a hébergé --

11 Q. Excusez-moi, je vais vous interrompre un instant. Vous étiez où, à ce

12 moment-là ?

13 R. Que voulez-vous dire ? A l'intérieur de ce bâtiment ou à Ilici où cela

14 se trouve ?

15 Q. Je veux savoir les deux; où à l'intérieur d'Ilici et dans quel bâtiment

16 d'Ilici ?

17 R. Alors, c'est près de la rivière Radobolje à Ilici, là où il y a la

18 propriété des Sarici, près de la fameuse Londza. Ce site, très précisément,

19 se trouve en contrebas par rapport à l'hôpital actuel régional de Mostar,

20 donc, c'est un bâtiment qui a été acheté. Le terrain a été acheté à ma mère

21 et c'est là qu'il a bâti la maison, donc, le père de celui qui m'a hébergé.

22 Il y avait un garage au rez-de-chaussée avec un réduit pour les outils et

23 puis il y avait un séjour, des chambres à l'étage et puis il y avait aussi

24 un grenier plus haut qui n'était pas utilisé à ce moment-là.

25 Je me suis trouvé à l'étage qu'utilisait la famille. J'avais ma chambre et

26 sa fenêtre donnait sur l'hôpital, donc le nord -- elle était orientée vers

27 le nord. Le 7 juillet, ils ont cogné ou frappé à la porte de cette chambre-

28 là. Cet homme qui m'hébergeait, il était accompagné de deux soldats à ce

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1 moment-là.

2 Q. Vous avez dit que vous étiez en train de la sieste et qu'on vous a

3 réveillé. C'était à quel moment de la journée ?

4 R. Il était 16 heures à peu près.

5 Q. Qu'est-ce qui vous a réveillé ?

6 R. C'étaient des coups à la porte et le fait que l'homme qui m'hébergeait

7 ait cité mon nom, ait appelé mon nom.

8 Q. Lorsque vous avez entendu votre nom et lorsque vous avez entendu qu'on

9 frappait à la porte, qu'avez-vous fait ?

10 R. Rien. J'ai enfilé mon pantalon et j'ai ouvert la porte.

11 Q. Que s'est-il passé lorsque vous avez ouvert la porte ?

12 R. Lorsque je l'ai ouvert, j'ai vu deux soldats armés se tenir derrière

13 cet homme. Immédiatement, ils sont entrés avec beaucoup de dédain. Ils se

14 sont mis à fouiller la Chambre. En fouillant, ils ont trouvé des pièces

15 d'or qui appartenaient à ma femme et que j'avais mises à l'abri, là. Avec

16 beaucoup d'avidité, ils ont pris cela. Ils se sont emparés de cela. Ils ont

17 caché même l'un par rapport à l'autre, et puis, ils ont pris des espèces

18 qu'ils ont trouvées dans un sac-là. Ils ont fouillé la chambre de fond en

19 comble, sous le lit où je dormais. Ils ont trouvé un fusil automatique qui

20 appartenait à cet homme. Cet homme à qui appartenait la maison.

21 Q. Ces hommes comment étaient-ils vêtus ?

22 R. Les soldats, ils étaient en uniforme. Tout le monde portait le même

23 uniforme à l'époque, même uniforme de camouflage, bariolé. Mais il y avait

24 des différences d'emblème qu'ils portaient sur leurs manches. Ils avaient

25 l'emblème du Conseil de défense croate.

26 Je connaissais l'un des deux, Franjo Cvitkovic, de Citluk, qui vivait

27 à Mostar -- qui a vécu à Mostar avant la guerre. Je ne sais pas combien

28 pendant de temps ? Mais il était habitant de Mostar au moment où la guerre

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1 a commencé.

2 Q. Donc, après avoir fouillé la pièce, après avoir trouvé des bijoux,

3 qu'ont-ils fait ? Que s'est-il passé ?

4 R. On m'a emmené jusqu'à une jeep qui était garée devant la porte. On

5 s'est mis à bord de cette jeep et en passant par la maison de mes parents,

6 on a continué vers les oliviers. En fait, en cherchant les meilleures

7 routes, les meilleurs itinéraires, on est allé jusqu'à la Faculté du génie

8 mécanique.

9 Q. Alors, que s'est-il passé lorsque vous y êtes arrivé à la Faculté ?

10 R. Arrivé à la Faculté du génie mécanique, ils m'ont tout d'abord emmené

11 au sous-sol du bâtiment, il m'a enfermé dans une pièce où il y avait déjà

12 15 personnes.

13 Mme GILLETT : [interprétation] Je voudrais que l'on montre au témoin la

14 pièce 09413, s'il vous plaît.

15 Q. La page 11 de cette pièce.

16 R. Cela, c'est le foyer des retraités. En bas, c'est l'hôtel Mostar. En

17 haut, la photographie ressemble mais je crois que ce n'est pas cela. Pour

18 ce qui est celle d'en bas, il ne l'est pas. J'en suis certain.

19 Q. La page 12, s'il vous plaît. Reconnaissez-vous l'une ou l'autre des

20 photos ?

21 R. C'est le bâtiment inférieur sur la photo inférieure et aussi sur le

22 bâtiment à droite sur la photo supérieure. C'est cela. Je ne suis pas

23 certain pour la partie droite. Cela ressemble mais en fait ce n'est pas le

24 cas parce qu'il y a quelque chose qui n'existe pas. Pas sur ceci.

25 Q. Vous avez dit qu'à l'arrivée à la Faculté du génie mécanique, on vous a

26 emmené dans une pièce.

27 Mme GILLETT : [interprétation] Je voudrais que l'on vous présente ce

28 document. On pourrait le placer sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

Page 5085

1 Excusez-moi, nous avons ici deux croquis. Le deuxième est quelque chose que

2 je vais aborder plus tard. Je pense que le témoin n'a pas le croquis. Est-

3 ce que je peux l'examiner ?

4 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ma consoeur

5 pourrait-elle nous dire qui est l'auteur de ce croquis ? On ne voit ni le

6 numéro du bureau du Procureur ni cette pièce ne figure sur la liste qui

7 nous a été communiquée par la bureau du Procureur.

8 Mme GILLETT : [interprétation] Mon confrère a tout à fait raison. Il n'y a

9 pas de numéro ERN sur le document. Je vais poser à ce témoin quelques

10 questions portant sur le document afin de l'identifier. Par la suite, on

11 comprendra pourquoi que ce n'est que ce matin que la Défense prend

12 connaissance de ce document.

13 Q. Monsieur Saric, est-ce que vous pouvez nous dire de quelle nature est

14 ce document qui vient d'être placé devant vous ?

15 R. Oui, je peux. Sur la droite, on voit le sous-sol de la Faculté du génie

16 mécanique. Sur la gauche --

17 Q. Excusez-moi. Je vais vous interrompre, Monsieur Saric. Avant d'examiner

18 dans le détail ce document, je vais juste vous demander d'où provient ce

19 document ?

20 R. Ce dont nous sommes en train de parler s'est produit en 1992, pardon,

21 en 1993. Nous sommes en 2006 maintenant. Donc, 13 années se sont déroulées

22 depuis que je n'ai pas vu cet endroit. Hier, j'ai essayé de me rappeler

23 comment était cet endroit et j'ai fait ce croquis hier soir pour l'apporter

24 ici, ce matin. D'après mes souvenirs évidemment, puisque 13 années se sont

25 passées depuis. D'ailleurs, pendant ces 13 années, je suis m'employé à

26 oublier tout cela. Donc, il est possible que pour ce qui est de certains

27 détails le croquis ne soit pas exact.

28 Mme GILLETT : [interprétation] J'espère que mon éminent confrère a trouvé

Page 5086

1 la réponse à sa question portant sur l'origine du document. Je voudrais un

2 numéro. Ce serait la pièce 00027.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, tout à fait. Ce serait le document

4 IC 00-0027.

5 Mme GILLET : [interprétation] Merci.

6 Q. Monsieur Saric, vous avez expliqué que vous êtes arrivé à la Faculté du

7 génie mécanique. Est-ce que vous pouvez nous dire où on vous a emmené à

8 l'intérieur de ce bâtiment à l'aide de ce croquis si ceci vous aide ?

9 R. Je ne sais pas si on voit ce que je suis en train de montrer, mais il y

10 a une porte d'entrée, qui se trouve devant cet escalier, et cette porte,

11 elle donne sur la rue, c'est cette rue-ci à côté de ces sapins. Alors,

12 lorsqu'on rentre par là, par l'entrée principale, sur la gauche il y a un

13 escalier qui mène vers le sous-sol, à droite il y a un escalier qui mène

14 dans le sous-sol et sur la gauche l'escalier qui mène vers le rez-de-

15 chaussée c'est un petit peu surélevé par rapport au rez-de-chaussée. Puis,

16 il y a deux pièces où je suis resté lorsqu'ils m'ont apporté, mais c'était

17 après les événements qui se sont produits dans les pièces sur la droite.

18 M. MURPHY : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur le

19 Président. Je ne sais pas si ces détails sont particulièrement importants

20 pour les membres du bureau du Procureur, il nous est particulièrement

21 difficile de suivre car nous ne pouvons pas voir ce document ce à quoi le

22 témoin fait référence, donc il faudrait peut-être demander à l'Accusation

23 de trouver un moyen pour nous rendre disponible ce document.

24 Mme GILLETT : [interprétation] Je suis vraiment désolée --

25 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Le document sur l'ELMO, donc, tout le

26 monde le voit.

27 Alors, désignez avec votre crayon ce que vous venez de dire.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Si l'on compare l'image qui se trouve au bas

Page 5087

1 de l'écran avec ce croquis, ce bâtiment est dessiné ici. Voyez-vous. Nous

2 avons ici l'entrée principale, et devant cette porte d'entrée vous voyez

3 ces sapins. C'est la rue qui mène vers l'intérieur ou l'enceinte de la

4 Faculté. Il y a les escaliers ici.

5 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait parler plus dans le micro,

6 Monsieur le Président, je vous prie ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Saric, parlez dans le micro parce que la

8 cabine a du mal à vous suivre.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] On m'a emmené par cet escalier dans cette

10 cellule. Dans cette cellule, il y avait environ une quinzaine de personnes.

11 Il y avait une cellule qui se trouve juste à côté, elle était vide, à côté

12 il y avait trois ou quatre personnes. Je ne sais pas puisqu'ils étaient

13 fermés.

14 Il y a aussi une clôture en bois, comme il est tout à fait habituel d'avoir

15 dans les caves, donc oui, effectivement, il y a de l'air, mais il est

16 absolument impossible d'entrer ou de sortir.

17 Ici, il y avait une salle de très grande taille qui servait de toilettes.

18 Toutes les personnes qui étaient passées par la Faculté du génie mécanique,

19 non pas en tant que étudiants en génie mécanique, mais, en tant que

20 victimes, ont séjourné ici et devaient se servir de cette salle en tant que

21 salle des toilettes. Personne ne nettoyait cette pièce.

22 Alors, c'est ici, vous avez la pièce A c'était la pièce qui servait --

23 destinée aux tortures des détenus, aux passages à tabac, et la pièce B

24 était la pièce qui était destinée à l'exécution. C'était la fameuse pièce

25 d'égorgement. Là, vous avez la salle de torture.

26 Ensuite, il y avait la salle d'exécution, et les cellules c'était le

27 public qui pouvait regarder ce qui allait se passer.

28 Heureusement, je suis resté en vie, car je me suis toujours trouvé,

Page 5088

1 en fait, j'ai été dans la cellule numéro 1 et j'ai survécu.Mme GILLETT :

2 [interprétation]

3 Q. Monsieur Saric, vous nous avez donné un très grand nombre de

4 détail. Si nous essayons d'aborder plus en détail la description que vous

5 nous avez donnée.

6 D'abord, parlons de la pièce dans laquelle vous avez été placé lorsque vous

7 êtes arrivé à la Faculté du génie mécanique. Vous avez mentionné un certain

8 nombre de personnes qui se trouvaient à l'intérieur des cellules. Est-ce

9 que vous pourriez nous décrire la pièce ? Quelle était la taille de la

10 pièce ? Y avait-il des fenêtres, y avait-il des meubles ? La pièce était-

11 elle propre ou malpropre ? Est-ce que l'on pouvait dormir quelque part ? Y

12 avait-il de l'eau, y avait-il de la nourriture ?

13 R. Voyez-vous, il n'avait pas une seule personne qui était venue nettoyer

14 ces pièces pendant des années. Personne n'est venu nettoyer la pièce et les

15 détenus non plus n'avaient pas nettoyé cette pièce. C'était probablement la

16 pièce la plus salle dans laquelle vivaient les gens à l'époque. J'ai passé

17 trois journées très difficiles dans cette pièce. Pendant ces trois jours,

18 je n'ai rien eu à manger ni à boire.

19 Q. Quelle était la taille de la pièce ?

20 R. La taille de cette pièce, voilà, elle était très petite cette pièce.

21 Pour vous donner une évaluation personnelle, lorsque je regarde en arrière,

22 c'était probablement différent aujourd'hui que la taille de la pièce à

23 l'époque, peut-être 2 mètres et demi, 3 mètres. En fait, 3 mètres c'est

24 énorme pour cette pièce. Alors que l'autre pièce c'est environ 3 mètres.

25 Donc, je dirais entre 2 mètres et demi, des fois 3 mètres, ou peut-être 2

26 mètres 70 par 3 mètres.

27 Q. Qu'en est-il de la situation pour dormir ? Est-ce que vous pouviez

28 dormir quelque part ?

Page 5089

1 R. Voyez-vous, il y a ici une fenêtre qui est dessinée ici comme une

2 fenêtre ouverte mais elle était recouverte de briques, donc il y avait très

3 peu de lumière, il y avait un peu de lumière du jour heureusement, mais

4 elle était partiellement fermée.

5 Ici, vous aviez une espèce de clôture en bois, c'étaient des barreaux en

6 bois et il y avait une porte qui était une planche -- il y avait une

7 planche, ce n'était pas vraiment une vraie porte avec une serrure, mais

8 c'était une planche qui était appuyée ou accoté contre les escaliers.

9 Ensuite, dans la pièce, il n'y avait que des tables brisées, des meubles

10 sans pied, et cetera, il y avait un tout petit endroit où on pouvait

11 s'asseoir, donc, un pupitre d'écolier, tout petit. Voilà, je vous montre la

12 dimension ici, c'est pour un élève dans une classe, donc un pupitre d'élève

13 et c'était cela. L'heureux élu était assis derrière ce pupitre alors que

14 les autres personnes devaient soit être accroupies ou assises sur des

15 planches, donc, on dormait accroupi ou assis. Ce n'est que la personne qui

16 pouvait s'asseoir au pupitre qui pouvait en réalité espérer pouvoir dormir

17 un petit peu.

18 Q. Vous avez parlé de 15 personnes comme étant des personnes s'étant

19 trouvées dans cette pièce, est-ce que vous savez de quelle origine ethnique

20 elles étaient ces 15 personnes ?

21 R. Toutes les personnes que je connais étaient Bosniennes, d'origine

22 bosnienne, et d'après ce que j'ai pu entendre également d'autres personnes,

23 on me disait que toutes les autres personnes dans cette Faculté étaient

24 également des Bosniens.

25 Q. Est-ce que c'étaient des hommes, ou des femmes ?

26 R. Il n'y avait que des hommes. Il n'y avait pas de femme.

27 Q. Est-ce qu'on parle de soldats ou de civils ?

28 R. Toutes les personnes que je connaissais, en fait, étaient des civils.

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1 J'étais le seul qui, entre guillemets, était une personne militaire, un

2 soldat, si vous voulez -- ou un homme de l'armée.

3 Q. Quel était l'âge des personnes qui se trouvaient dans cette cellule

4 avec vous ?

5 R. De façon générale, c'était des hommes entre 40 et 50 ans et il y avait

6 un homme qui était un petit peu plus âgé et un autre jeune homme qui avait

7 environ une vingtaine d'années, c'était le fils de l'un des hommes que

8 j'avais -- dont j'ai déjà parlé, c'était Djukic, je le connais, je connais

9 cet homme. Je sais qu'il avait un fils de 20 ans et il avait également été

10 enfermé avec nous pendant trois jours, alors que les autres avaient tous

11 environ le même âge, entre 40 et 50 ans.

12 Q. Est-ce que vous connaissiez ces personnes ou certaines de ces

13 personnes ?

14 R. Oui, je connaissais certaines de ces personnes. Comme je dis, je

15 connaissais Djukic depuis l'école, depuis notre jeune enfance. Il y avait

16 Pilatovac, Mustafa, un mécanicien, et il y avait également Stupac - je ne

17 me souviens plus de son prénom - il y avait Hasan Trcalo, que je connais

18 depuis l'école primaire, et je ne me souviens plus d'autres noms, mais il

19 est tout à fait certain que ces personnes que je vous ai énumérées, je les

20 connaissais bien.

21 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de voir s'il y avait quelqu'un qui

22 montait la garde devant la porte de la pièce dans laquelle vous étiez

23 détenu ?

24 R. Non, puisque s'il y avait eu un garde là, il aurait vécu dans les mêmes

25 conditions que nous, donc cela aurait été une sanction pour lui. Alors il

26 est tout à fait certain qu'étant donné que les conditions étaient très

27 mauvaises, il n'y aurait pas eu de garde là. Donc il y a eu sans doute un

28 gardien au rez-de-chaussée ou devant la porte principale. Mais comme toutes

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1 les fenêtres étaient fermées, bloquées, donc il y avait sans doute des

2 gardes qui se trouvaient à l'extérieur du bâtiment, mais dans le sous-sol,

3 il n'y avait absolument pas de garde, personne ne restait là plus longtemps

4 que le temps nécessaire pour les passages à tabac, les exécutions et les

5 tortures.

6 Q. Pendant la première journée --

7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Puis-je interrompre

8 pour poser une question supplémentaire concernant les conditions de la

9 détention.

10 Est-ce que l'on vous permettait, Monsieur, de vous servir des toilettes ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Puisque les toilettes se trouvaient ici.

12 Les toilettes étaient ouvertes et publiques et tous les détenus pouvaient

13 s'en servir. Personne n'avait lavé ces toilettes. Ce n'était qu'une pièce.

14 Il n'y avait pas une salle d'eau, il n'y avait pas d'égout, rien. C'était

15 simplement une pièce que l'on avait improvisée en toilette.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

17 Mme GILLETT : [interprétation]

18 Q. Pour donner suite à la question de M. le Juge, dites-nous, Monsieur le

19 Témoin : comment faisiez-vous pour aller de votre cellule aux toilettes ?

20 R. Comme je vous ai dit, cette partie de la cellule était refermée par une

21 planche qui était appuyée contre l'escalier. Alors, chaque fois que

22 quelqu'un avait besoin de sortir, en fait, on n'avait pas souvent de

23 besoins. Comme je vous ai dit, j'ai passé trois jours sans boire, ni

24 manger, donc ce n'était pas vraiment nécessaire de se servir des toilettes,

25 on avait peur, mais également physiquement il n'était pas nécessaire.

26 Alors, on pouvait appeler le gardien, il nous arrivait de crier pendant 20

27 minutes jusqu'à ce que le garde arrive. Donc, tout ce qu'il avait à faire

28 c'est de soulever la planche, donc, il ouvrait la porte soulevait la

Page 5092

1 planche et il ressortait immédiatement. Donc, il nous disait : "Oui, vous

2 pouvez y aller," donc, comme il savait très bien que rien ne pouvait se

3 passer en une minute ou deux, à ce moment-là, il ouvrait et laissait la

4 planche ouverte et ensuite il la refermait pour repartir.

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé de vous interrompre encore

6 une fois. Est-ce que je peux comprendre qu'il y avait une odeur assez

7 désagréable qui émanait de cette pièce ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Horrible, c'était affreux. Ce n'est -- je ne

9 peux même pas décrire cette odeur nauséabonde, c'était absolument effrayant

10 et épouvantable.

11 Mme GILLETT : [interprétation]

12 Q. Lors de votre première journée à la Faculté du génie mécanique, vous

13 nous avez expliqué de quelle façon vous êtes arrivé et avez été placé dans

14 cette cellule. Dites-nous si vous êtes resté dans la cellule pendant toute

15 la journée ?

16 R. Non, pas toute la journée. Après un certain temps, je ne peux pas vous

17 dire combien de temps, peut-être une demi-heure, une heure, on m'a emmené

18 dans la pièce ici pour subir un interrogatoire. Voilà, j'ai dessiné un

19 bureau et une chaise où j'étais assis.

20 Q. D'après ce croquis, est-ce que nous devons comprendre que cette pièce

21 se trouve sur un autre étage, est-ce que c'est sur le même étage que votre

22 cellule ou un autre étage ?

23 R. Voilà, j'ai tracé une ligne ici, voyez-vous, pour démontrer que cette

24 partie à droite est le sous-sol, alors que la partie de gauche de ce

25 croquis est le rez-de-chaussée surélevé.

26 Q. Il y avait-il quelqu'un avec vous dans cette pièce où vous étiez

27 assis ?

28 R. Ici ? Dans cette pièce-ci, il n'y avait personne. De temps en temps,

Page 5093

1 certains soldats entraient et sortaient des trois portes ici. Voyez-vous il

2 y avait trois portes, donc simplement pour m'effrayer, pour me faire peur,

3 on passait par ici, on passait par là, mais tout ce qu'ils faisaient, c'est

4 de passer.

5 Q. Est-ce que quelqu'un vous a parlé, vous a adressé la parole ?

6 R. Seul le commandant de la police militaire m'a adressé la parole, il

7 était entré par cette porte-ci, c'était Dzidic, appelé Dzida. Il a ouvert

8 cette porte et il m'a aperçu assis et de façon sarcastique, il m'a dit :

9 "Alors, chef, quoi de neuf ?"

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Saric, vous venez de nous dire que le

11 commandant de la police militaire s'appelait Dzidic, surnommé Dzida; est-ce

12 que c'est cette personne qui a fait l'objet d'un procès dans lequel vous

13 avez témoigné ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais ce n'était pas cela le sujet en

15 question.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous nous dites que le commandant de la police

17 militaire s'appelait Dzidic.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je suis vraiment désolé de ne pas

19 pouvoir attester à 100 % que c'était effectivement cela sa fonction, que

20 c'était son nom. On disait que Dzida était le chef de la police. Le chef de

21 la police militaire, bien entendu, principal était quelqu'un d'autre, vous

22 le savez mieux que moi. Donc, Dzida, pour ce qui me concerne, c'était le

23 chef de la police pour ce qui est du bâtiment dans lequel je me trouvais,

24 bâtiment appartenant à la Faculté du génie mécanique.

25 Mme GILLETT : [interprétation]

26 Q. S'agissant de la pièce dans laquelle vous avez aperçu Dzidic, combien

27 de temps êtes-vous resté dans cette pièce ?

28 R. Deux, trois, quatre heures, environ.

Page 5094

1 Q. Qu'est-ce que vous avez fait pendant cette période de temps ?

2 R. Je n'avais qu'un crayon et un papier et on m'a demandé d'écrire les

3 événements qui se sont déroulés depuis le début de la guerre jusqu'au

4 moment où je me suis trouvé dans cette pièce. Donc de faire une

5 déclaration, si vous voulez.

6 Q. Qui vous a demandé de faire cette déclaration ?

7 R. Je ne sais pas, c'était l'un des soldats qui me l'a demandé, l'un des

8 soldats qui était là.

9 Q. Est-ce que vous avez effectivement fait une déclaration ?

10 R. Oui. J'ai pris un crayon et je l'ai rédigé sur un papier de ma propre

11 main.

12 Q. Après avoir terminé la déclaration, où est-ce que vous êtes allé ?

13 R. Après cela, après, je suis sorti de cette pièce-ci et on m'a ramené

14 vers ma cellule. C'était vers 9 heures du soir, 21 heures. Il faisait déjà

15 nuit.

16 Q. Qui vous a emmené vers la pièce, dans la cellule ?

17 R. C'était un soldat du HVO qui se trouvait sur place. Je ne sais pas qui

18 c'était exactement ? Je ne pourrais pas vous donner son nom.

19 Q. Lorsque vous êtes retourné dans la cellule vers 21 heures, ce soir-là,

20 qu'est-ce que vous avez fait ?

21 R. J'ai essayé de m'endormir. J'ai essayé de tout oublier comme si ce

22 n'était pas arrivé. Malheureusement, je n'ai pas réussi à m'endormir. Je

23 n'ai pas réussi à tout oublier. Je n'ai pas réussi à fermer l'œil. Ce qui

24 me faisait le plus peur, c'était la sécurité de ma famille et les cris qui

25 provenaient de la pièce ici, de cette pièce que je viens de vous montrer.

26 Dans cette pièce-là, il y avait trois ou quatre hommes. Il y avait aussi

27 des appels quand les gardes n'étaient pas là, on se parlait comme cela

28 entre les pièces. Nous avons su que c'étaient des personnes qui provenaient

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1 de la municipalité de Konjic et que ce soir-là où la veille, les soldats du

2 HVO avaient capturé ces hommes sur le territoire de Salakovac et ils les

3 avaient emmené, là, dans cette prison. L'un d'eux qui était le plus jeune,

4 le plus fort avait réussi de venir jusqu'à nous, jusqu'à notre clôture et

5 il nous a demandé de l'eau.

6 C'est à ce moment-là qu'il nous a raconté les détails, nous a

7 expliqué ce qui c'était passé. Pourquoi l'homme qui était avec lui dans la

8 pièce gémissait ? Il nous a dit qu'il s'appelait Hebibovic ou qu'ils

9 l'avaient déjà tué Hebibovic. Il disait qu'ils avaient tué Hebibovic. Je ne

10 sais pas si c'est lui ou quelqu'un avant. Nous, en fait, nous ne savons

11 pas. Nous pensions que Hebibovic était l'homme qui était allongé par terre.

12 Ce Hebibovic - si, effectivement, il s'agissait de Hebibovic - il a pris du

13 temps avant de mourir. Il devait sans doute être très fort. Il avait gémi

14 toute la nuit et vers 5 heures du matin, il a arrêté de gémir, 5 heures ou

15 6 heures du matin.

16 Q. Est-ce que vous avez pu voir que cet homme était allongé par terre ?

17 Vous nous avez dit qu'il était allongé ?

18 R. J'ai vu cela avec mes propres yeux que le lendemain lorsque je suis

19 sorti pour aller aux toilettes et je n'ai pas pu du tout faire mes besoins

20 dans les toilettes parce que j'étais trop ému. Je l'avais vu avant de

21 franchir les toilettes et j'étais trop bouleversé. Donc, je suis rentré. Il

22 était allongé par terre, juste, là. Mais il y avait un désordre

23 épouvantable.

24 Mme GILLETT : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce

25 08534, je vous prie ?

26 Q. Comme vous pouvez le voir, la copie de ce document n'est pas

27 particulièrement bonne, est-ce que vous seriez en mesure d'identifier ce

28 document, Monsieur ?

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1 R. Heureusement, je n'ai jamais rencontré ce document.

2 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

3 suis vraiment, terriblement désolée d'interrompre mais mon éminente

4 consoeur vient de dire que la copie est très mauvaise. Effectivement,

5 lorsque nous l'avons reçu il y a quelques jours dans nos bureaux, nous

6 avons essayé d'examiner cet exemplaire en la montrant ou en la mettant dans

7 différentes lumières. Mais ce n'est pas cela le problème. Le problème c'est

8 que le nom ne figure sur cette copie. C'est pour cela qu'en fait, c'est une

9 copie qui est complètement inutilisable. C'est un certificat de décès mais

10 on ne sait pas de qui.

11 Mme GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, vous pouvez

12 apercevoir qu'au bas du document, nous avons le prénom et le nom des

13 parents et ces noms-là sont lisibles.

14 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Les

15 noms de parents ne veulent absolument rien dire. Les parents auraient pu 15

16 enfants. Ce qui n'est pas tout à fait rare en Bosnie. Il aurait pu y avoir

17 d'autres Hebibovic. La raison justement pourquoi dans ces pays de l'ex-

18 Yougoslavie, on émet des certificats de décès pour pouvoir identifier une

19 personne précise. Donc, il faut avoir le nom et le prénom de la personne,

20 la date de naissance de la personne et les noms des parents pour décrire la

21 personne. Alors, si vous voulez procéder de la sorte, à ce moment-là, on

22 pourrait demander aux éminents confrères de l'Accusation de nous donner les

23 certificats de mariage des parents pour pouvoir déduire indirectement de

24 qui il s'agit. Pour abréger, Monsieur le Président, ce n'est pas une

25 preuve.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour abréger, bien, alors, posez-lui votre question.

27 Il nous reste cinq minutes. Allez-y.

28 Mme GILLETT : [interprétation] Oui, certainement. Voilà la question que je

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1 souhaiterais poser après avoir entendu les commentaires de mon éminent

2 confrère. Donc, la question que je souhaiterais poser est la suivante :

3 J'aimerais savoir s'il sait de qui il s'agit lorsque l'on examine le nom

4 des parents de la personne ? Est-ce qu'il pourrait nous dire de qui il

5 s'agit exactement ? Qui était la personne qui était détenue.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas cette personne. Je connais

7 cette famille. C'est une famille qui est originaire de Glavaticevo, en haut

8 de la rivière Boracko Jezero [comme interprété], tout près de Konjic.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous connaissez M. Ahmet Hebibovic ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais vous venez de dire le contraire. Vous disiez

12 que vous connaissiez la famille. Alors, de quelle famille ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle de la famille Hebibovic, mais il ne

14 s'agit pas seulement d'une famille. C'est une famille qui est là depuis des

15 générations. Les Hebibovic en tant que nom de famille. Ce nom de famille se

16 trouve dans cette région-là que je viens de vous dire, de vous donner. Je

17 connais un journaliste, Hebibovic à Sarajevo, mais ce n'était peut-être pas

18 lui. Il n'est peut-être pas lié à cette famille puisqu'il y a des Hebibovic

19 qui ne connaissent même pas entre eux.

20 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

21 permission, ce document a été émis par la municipalité de Konjic. Nous

22 pouvions apercevoir ici, en bas, la date, le 3/2/1995, et cetera. Ce bureau

23 de Konjic existe encore à ce jour, à Konjic. Donc, au lieu d'avoir des

24 exemplaires illisibles, l'Accusation pourrait peut-être demander à leurs

25 collègues à Mostar de se rendre à Konjic, de prendre un extrait de décence

26 valable, c'est-à-dire, un certificat de décès qui serait lisible et c'est

27 ainsi que nous pourrions peut-être nous comprendre.

28 Mme GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer de

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1 procurer la meilleure copie que possible. J'ai une autre question

2 concernant cet exemplaire. Les événements, dont nous parle le témoin,

3 n'auraient pas pu se dérouler avant le 7 juillet. En réalité, il s'agissait

4 sans doute du 8 juillet. C'est sans doute en date du 8 juillet que la

5 personne, que le témoin appelait Hebibovic et trouvait la mort, est décédée

6 dans la Faculté du génie mécanique. Alors que s'agissant de ce document,

7 nous avons la date, l'heure et le mois de l'année, nous pouvons lier 6,

8 ensuite 7. Ceci fait référence au mois probablement. Ce qui voudrait dire

9 que le document a été émis avant la date ou plutôt que la date du décès de

10 la personne sur le document que la personne est décédée avant la date en

11 question à laquelle fait référence le témoin.

12 Mme GILLETT : [interprétation] Je vais pouvoir poser cette question au

13 témoin.

14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.

15 Mme GILLETT : [interprétation]

16 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez décrit des événements qui se sont

17 déroulés au cours de la nuit du 7 et 8 juillet, et que le certificat que

18 nous avons fait état d'un décès du 6 juillet. Est-ce que vous pourriez nous

19 expliquer de quoi il s'agit exactement ?

20 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, la façon dont la

21 question est posée est incorrecte selon moi. Nous ne savons pas si ce

22 certificat a trait à cette personne. L'information s'agissant, à savoir

23 s'il est décédé le 6 ou le 7 ne veut absolument rien dire, puisqu'il

24 pourrait s'agir d'une autre personne.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je pense qu'il y a des questions beaucoup plus

26 fondamentales à poser en l'espèce que ce cas. Bon. Monsieur, je vais

27 reprendre la conduite. La personne que vous avez vue allonger qui

28 apparemment a gémi toute la nuit, et au matin, en allant aux toilettes vous

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1 avez vu qu'elle était décédée. Pouvez-vous nous dire exactement quel était

2 son nom et prénom, si vous le saviez ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] La personne décédée portait le nom de famille

4 de Hebibovic et je l'ai su de l'homme qui était avec lui dans la même

5 cellule, dans cette cellule-ci. Voyez-vous, il était venu nous voir là et

6 il nous a dit que Hebibovic était fini. Je ne le connaissais pas

7 personnellement.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : L'homme avec qui vous vous êtes entretenu, vous avez

9 expliqué qu'ils avaient été capturés à Konjic.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Tout près de Salakovac, c'est tout près

11 de Dreznica. Entre Dreznica et Salakovac. Environ 30 kilomètres avant

12 Mostar.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce Hebibovic c'était un civil ou un militaire de

14 l'ABiH ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient des civils d'après ce que m'avait

16 dit cet homme. Il voulait sans doute à Konjic et c'étaient des hommes qui

17 essayaient de survivre dans cette région, et j'imagine qu'ils essayaient de

18 se procurer un peu de nourriture ou d'aller acheter quelque chose ou

19 d'apporter quelque chose sur le marché noir, en fait. C'est sur cette route

20 qu'ils se sont faits capturer, qu'ils ont été emmenés là en tant que

21 civils.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 10 heures 30. On est obligé, pour des

23 raisons techniques, de faire la pause. Je rappelle à l'Accusation qu'elle

24 nous avait indiqué qu'elle avait besoin de deux heures. En théorie, il doit

25 vous rester une demi-heure.

26 Nous reprendrons dans 20 minutes.

27 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

28 --- L'audience est suspendue à 10 heures 57.

Page 5100

1 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. L'Accusation a la parole.

2 Mme GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne voudrais

3 pas abuser du temps de la Chambre sur ce problème du certificat de décès,

4 mais j'indique que l'Accusation a retrouvé un exemplaire original qui nous

5 a été adressé suite à une demande de coopération adressée au gouvernement.

6 Je crois que vous parviendrez à lire, à déchiffrer le nom de la personne en

7 première page de ce certificat. Donc, je demande que l'on remette ce

8 document à la Chambre.

9 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je

10 m'oppose à cette technique. D'abord, pour des raisons pratiques car si ce

11 document est autorisé, il sera introduit dans le système e-court et dans ce

12 système électronique personne n'aura la possibilité de tenir ce document

13 face à la lumière pour déchiffrer le nom qui y figure. C'est mon premier

14 argument.

15 Quant au deuxième argument c'est que, bien sûr, nous devons faire

16 preuve de tolérance par rapport à des documents qui nous proviennent des

17 archives qui, parfois, sont plus ou moins bien imprimés. Mais ce document

18 n'entre pas dans cette catégorie. C'est un document qui comme la collègue

19 de l'Accusation vient de le signaler est un document qui vient de l'état

20 civil. En tout cas, d'un registre municipal officiel. Donc, il ne pose

21 aucun problème de demander un exemplaire de meilleure qualité car tout

22 comme les billets de banque il importe de maintenir la qualité des

23 exemplaires. Donc, je pense qu'il serait convenable que l'Accusation nous

24 fournisse l'original et présente l'original.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, on a pris acte de vos observations. La

26 Chambre statuera sur cette question ultérieurement.

27 Poursuivez.

28 Mme GILLETT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 5101

1 Q. Monsieur Saric, s'agissant des événements que vous venez de décrire,

2 événements qui se sont déroulés à la Faculté du génie mécanique et qui

3 concernait, notamment, Hebibovic, j'aurais une autre pièce à conviction à

4 soumettre au témoin. Il s'agit de la pièce à conviction 03249.

5 Je m'intéresse à la page 1 de la version en B/C/S, version en B/C/S qui ne

6 compte qu'une page d'ailleurs. A la page 2 de la traduction anglaise de ce

7 même document.

8 Monsieur Saric, je vous demanderais de vous pencher sur la deuxième moitié

9 de la première page de ce document. Je vous demanderais de lire le

10 paragraphe qui commence par les mots : "Pozorno patrolna sluzba", "Service

11 de patrouille".

12 Avez-vous lu ce passage, Monsieur Saric ?

13 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, j'élève une objection

14 par rapport à toute cette série de questions qui nous a déjà occupé pas mal

15 de temps. Les informations détenues par le témoin au sujet de cet incident

16 proviennent apparemment d'une tierce personne et rien ne permet d'établir

17 un lien entre un certain, Hebibovic et l'homme qui a trouvé la mort dans

18 ces circonstances très regrettables. Par ailleurs, Monsieur le Président,

19 soumettre ce document au témoin sans même lui demander de le reconnaître ou

20 de l'authentifier constitue une violation de l'ordonnance de la Chambre

21 relative à l'admission des éléments de preuve, ordonnance rendue le 13

22 juillet 2006 et dans laquelle les Juges de la Chambre ont déclaré qu'un

23 document ne peut être admis de façon générale si un témoin ne peut fournir

24 des informations précises à son sujet. Donc, j'élève une objection par

25 rapport à toute cette série de questions.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons écouté ce que vous venez de dire, Maître

27 Murphy.

28 Le seul objectif que je vois dans votre question, c'est que la patrouille

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1 qui fait le contrôle indique qu'il y a 10 personnes qui ont été amenées au

2 commandement. Donc, on voit des noms dont apparaîtrait un dénommé

3 Hebibovic. La question que vous devriez poser c'est de savoir si parmi ces

4 noms, il y a d'autres que lui, le témoin, connaissait.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur les dix personnes dont les noms figurent

6 ici, je connaissais Salih Sijamija.

7 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûr du nom.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il travaille actuellement à la télévision de

9 Mostar.

10 M. LE JUGE TRECHSEL [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter le

11 nom de cet homme ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Salih Sijamija. Le numéro 10 de cette liste.

13 Quant à Adem Hebibovic, je lis son nom à l'instant et je me souviens

14 que c'est bien l'homme dont nous parlons car son prénom Adem a été prononcé

15 à l'époque.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de parler de Salih Silamija. Cette

17 personne, vous l'aviez vu détenu en même temps que vous ou pas ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne l'ai pas vu. Je le

19 connaissais et je l'ai revu par la suite. Il a survécu à toutes ces

20 atrocités. Comme je vous l'ai dit, il travaille aujourd'hui à la télévision

21 de Mostar.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette personne que vous aviez revue après,

23 vous avez dit qu'elle avait été détenue à la Faculté dans ces fameux

24 locaux.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je parle de Hebibovic.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Salih Sijamija, il a aussi été détenu dans ces

27 locaux ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas au moment où je m'y trouvais moi-même.

Page 5103

1 Mme GILLETT : [interprétation]

2 Q. Monsieur Saric, vous avez déjà dit que vous avez passé trois jours dans

3 les locaux de la Faculté du génie mécanique. Le troisième jour de votre

4 séjour à cet endroit, que s'est-il passé, et éventuellement dans quelle

5 direction êtes-vous parti ?

6 R. Le troisième jour, il y a eu un nouvel interrogatoire devant les

7 instances chargées des enquêtes du SIS. Cet interrogatoire a eu lieu aux

8 environs de 10 heures du matin. Il a duré plusieurs heures. Je dirais

9 jusqu'à 13 heures. Ensuite, on m'a emmené sous escorte dans la prison qui

10 se trouvait à l'Heliodrom.

11 Q. Etes-vous retourné après l'interrogatoire dans la pièce où vous étiez

12 détenu à la Faculté du génie mécanique, ce troisième jour de votre séjour à

13 cet endroit ?

14 R. Quand ils sont venus me chercher pour m'emmener à l'étage, à

15 l'interrogatoire, tous mes camarades sont restés dans cette pièce. A mon

16 retour, il n'y avait plus personne dans la pièce. La pièce était vide.

17 Q. Savez-vous où toutes ces personnes sont allées ?

18 R. Non. Je ne le savais pas à l'époque. Mais par la suite, j'ai appris

19 qu'on les avait tous emmené à l'Heliodrom. D'ailleurs, j'en ai rencontré

20 certains là-bas.

21 Q. Vous avez dit qu'on vous avait emmené à l'Heliodrom ce jour-là. Qui

22 vous y a emmené ?

23 R. La police militaire, une patrouille de la police militaire. Nous sommes

24 partis à bord d'une jeep. Il y avait avec moi deux soldats et le chauffeur.

25 Q. Quand vous êtes arrivé à l'Heliodrom, que s'est-il passé ?

26 R. L'un des hommes qui m'escortait avait emporté des documents. Quand nous

27 sommes partis de la Faculté du génie mécanique, ces documents avaient sans

28 doute été établis à l'avance. Il les a remis au garde qui se trouvait à la

Page 5104

1 porte de l'Heliodrom et les hommes escortés n'ont pas pénétré à l'intérieur

2 avec moi. Ils sont retournés dans la jeep, pour ma part j'ai pénétré dans

3 le bâtiment de l'Heliodrom tout seul. Après examen des documents reçus par

4 les gardes, on m'a immédiatement envoyé dans le sous-sol du bâtiment, où je

5 me suis retrouvé en cellule d'isolement.

6 Mme GILLETT : [interprétation] Encore une fois, je signale qu'il existe un

7 deuxième schéma que j'ai distribué et qui porte le titre de "Prison de

8 l'Heliodrom". J'aimerais qu'on place ce document sur le rétroprojecteur.

9 Q. Monsieur Saric, avant de rentrer dans les détails quant à la teneur de

10 ce document, pourriez-vous, comme vous l'avez fait avec le plan précédent

11 de la Faculté du génie mécanique, nous dire ce que représente le plan que

12 vous avez actuellement sous les yeux ?

13 R. Ce plan je l'ai également dessiné de mémoire la nuit dernière, et je

14 vois qu'il y a quelques imprécisions. Ici, ce sont es espaces vides, des

15 pièces vides qui n'étaient pas utilisées, donc il est possible que j'ai

16 commis quelques imprécisions par rapport à ces pièces. J'ai passé huit mois

17 à cet endroit et c'est sur la base de mes souvenirs que j'ai dessiné ce

18 plan.

19 Q. Revenons quelques instants sur ce que vous avez dit au sujet du lieu de

20 votre détention à l'Heliodrom, vous avez dit que vous aviez été enfermé

21 dans les sous-sols, je vous demanderais sur ce plan de montrer exactement

22 l'endroit où vous étiez détenu.

23 R. Vous voyez ici le plan du sous terrain de la prison. On pénétrait en

24 haut dans un grand hall d'entrée, d'où partaient des escaliers donc j'ai

25 emprunté ces escaliers pour descendre jusqu'à cet endroit ici, où se

26 trouvait une porte métallique, qui était en angle droit avec le mur que

27 vous voyez ici. La partie métallique de la porte commençait à peu près à un

28 mètre en dessous du plafond, donc, il y avait une ouverture qui permettait

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1 l'entrée de l'air et de la lumière.

2 Donc, nous avons franchi cette porte, et nous sommes entrés à cet endroit

3 ici. Je ne saurais dire avec certitude s'il n'y avait que trois cellules

4 derrière cette porte. Il est possible qu'il y en ait eu quatre ou cinq.

5 Mais ces cellules étaient séparées par le mur que vous voyez ici, et il y

6 avait une ouverture ici, une ouverture qui n'avait pas de porte. On m'a

7 emmené dans la cellule qui se trouve ici à gauche. Quel que soit le nombre

8 total des cellules, j'ai été emmené dans celle qui était à l'extrême

9 gauche, donc la cellule numéro 1. J'y ai séjourné du 10 juillet au 20

10 juillet, et c'est là que j'ai vu Hebibi. La pièce avait une superficie de 2

11 mètres sur 2 mètres 50. Elle comportait une fenêtre, donc la lumière

12 naturelle pénétrait dans la cellule, et à première vue elle n'avait rien

13 d'une cellule d'isolement.

14 Q. Etiez-vous seul dans cette cellule ?

15 R. Idris Hebibija se trouvait déjà dans cette cellule quand j'y suis

16 arrivé.

17 Q. Pourriez-vous décrire les conditions de vie dans cette cellule, je

18 parle des conditions sanitaires, de la nourriture et de l'eau qu'on vous

19 donnait, ainsi que des conditions dans lesquelles vous passiez la nuit,

20 vous dormiez ?

21 R. Dix jours c'est une période assez courte par rapport à tout le temps

22 que j'ai passé à cet endroit. Quand je suis entré dans cette cellule numéro

23 1 ma première impression : c'est qu'il y avait rien dans cette cellule

24 hormis une espèce de lit avec des couvertures. Le lendemain de mon arrivée,

25 on a emporté le lit. Il n'est resté que le sol en béton, le sol nu. Nous

26 avions plusieurs couvertures pour dormir à même le sol. Nous placions

27 quelques couvertures sous notre corps et nous en gardions également pour

28 nous recouvrir, même si ce n'était pas très nécessaire car c'était l'été et

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1 de toute façon nous n'avions pas beaucoup de couvertures.

2 Il y avait un seau, un simple seau en métal, qui nous servait à satisfaire

3 nos besoins naturels. Toutes les semaines, à peu près, ce seau était vidé,

4 on l'emportait jusqu'aux toilettes qui étaient des toilettes communes, et

5 elles se trouvaient au bout du couloir. Le couloir mesurait environ 30

6 mètres de long, et au bout du couloir se trouvait les toilettes. Nous

7 disposions de cinq minutes pour vider notre seau et faire notre toilette,

8 après quoi il fallait retourner dans la cellule.

9 La cellule était très sèche, parce que c'était l'été, et la sécheresse, les

10 murs étaient très sales. Le sol en béton avait des craquelures un peu

11 partout, même s'il semblait neuf. Mais la différence entre cette cellule et

12 d'autres endroits où j'ai séjourné dans cette prison était importante car

13 au moins nous avions la lumière du jour. Il y avait une fenêtre qui n'était

14 pas fermée. Voilà ce que je pourrais dire de la cellule numéro 1.

15 Vous constaterez donc que j'ai quitté cette cellule numéro 1 le 20 juillet,

16 après quoi on m'a emmené dans la cellule numéro 2 jusqu'au 25 février.

17 Cette période est la période la plus longue que j'ai passé dans la même

18 cellule. Alors, ici il y avait une fenêtre qui était obturée. Donc ni cette

19 fenêtre ni la petite ouverture dont j'ai parlé tout à l'heure ne permettait

20 à la lumière de pénétrer dans la cellule. Il n'y avait qu'un tout petit

21 raie de lumière qui passait, et elle était très sombre pratiquement toute

22 la journée.

23 Ici dans le couloir il y avait une ampoule électrique. Si l'électricité

24 était coupée pendant la journée, nous ne pouvions plus savoir si c'était le

25 jour ou la nuit dans notre cellule il y faisait absolument noir.

26 Cette cellule était très salle, comme la précédente. Elle avait sans

27 doute déjà été utilisée. Mais il y avait des matelas de type -- des matelas

28 semblables à ce que l'on a dans l'armée, et nous étions sept dans cette

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1 cellule. Nous n'avions pas la place pour circuler, puisque cette cellule

2 n'avait que 2 mètres de large. Donc nous étions sept qui devions dormir à

3 même le sol, et si nous voulions bouger il fallait enjamber les autres

4 occupants de la cellule. Nous ne pouvions absolument pas nous dégourdir les

5 jambes.

6 Les gardiens apportaient de la nourriture régulièrement, le matin et

7 l'après-midi. Le matin nous recevions du thé et quelques tranches de pain,

8 et l'après-midi des repas cuisinés.

9 J'ai vu plusieurs personnes que je connaissais déjà à cet endroit et

10 qui ont séjourné dans cette prison avec moi. Pendant la durée totale de mon

11 séjour, c'est-à-dire, jusqu'au 19 avril, j'ai constaté qu'un nombre d'entre

12 eux avaient perdu pas mal de poids. A la fin, ils avaient l'air de

13 véritables squelettes. La plupart d'entre eux avaient des blessures, des

14 ecchymoses et ont beaucoup souffert.

15 Voilà, pour l'essentiel, ce que je dirais de cette prison qui était

16 terrible et à laquelle il ne manquait, finalement, qu'une chambre à gaz

17 pour que l'image soit complète.

18 Q. Combien de temps avez-vous séjourné dans la deuxième cellule ?

19 R. Vous voyez dans la légende que j'ai séjourné dans la cellule numéro 2 à

20 partir du 20 juillet jusqu'au 25 février. Alors quand je dis 25, cela

21 pourrait être éventuellement le 24, je ne suis pas tout à fait certain. En

22 tout cas, j'y ai passé plus de quatre mois, pratiquement cinq mois.

23 Q. Pendant votre séjour dans ces deux cellules, vous est-il arrivé de

24 sortir de votre cellule à quelque moment que ce soit ?

25 R. C'était absolument impossible. Nous n'avions qu'une fois par semaine

26 l'occasion de marcher un petit peu en courant jusqu'aux toilettes avant de

27 revenir en courant vers la cellule. C'est la seule promenade qui nous était

28 proposée. Donc nous étions sept dans la cellule numéro 2 et le temps qui

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1 nous était imparti pour vider notre sceau dans les toilettes était vraiment

2 très court et je répète que cela ne se produisait qu'une fois par semaine,

3 très tôt le matin, avant que n'arrivent les autres détenus qui se

4 trouvaient à l'étage. En effet, un peu plus tard, les autres prisonniers se

5 rendaient au réfectoire en empruntant les escaliers et c'est donc avant

6 l'arrivée des autres prisonniers que nous avions un tout petit moment pour

7 vider notre sceau.

8 Q. Pour que tout soit clair, en quelle année ces événements ont-ils eu

9 lieu ?

10 R. Tout cela s'est passé en 1993 et 1994.

11 Q. Après votre séjour dans la cellule numéro 2, où vous a-t-on transféré

12 et quelles étaient vos conditions d'existence à ce nouvel endroit ?

13 R. On m'a transféré de la cellule numéro 2 à la cellule numéro 3 où les

14 conditions étaient absolument identiques à celle que j'ai vécues

15 précédemment, bien que la cellule ait été un peu plus grande. En tout cas,

16 j'avais l'impression qu'elle était un peu plus grande parce que j'y étais

17 seul.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. M. Praljak s'était levé, mais Maître, oui.

19 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur Praljak a besoin d'aller aux

20 toilettes, on vient de m'en informer.

21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

22 c'est une urgence.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bien, nous pouvons continuer --

24 M. KOVACIC : [interprétation] On peut continuer en son absence, pas de

25 problème.

26 Mme GILLETT : [interprétation]

27 Q. Monsieur Saric, vous étiez en train de décrire votre transfert dans la

28 cellule numéro 3 et vous aviez commencé à dire que les conditions de vie

Page 5109

1 étaient identiques même si cette cellule vous a paru plus grande. Je vous

2 demanderais de poursuivre à partir de là.

3 R. J'ai dessiné le plan des cellules, donc, c'était mon impression.

4 J'avais l'impression qu'elle était plus grande, mais il est possible que ce

5 n'ait été qu'une impression parce que je m'y suis trouvé seul.

6 D'ailleurs, j'y suis resté seul pendant un mois. En effet, un mois

7 plus tard ils ont amené un autre détenu, Enver Cibo, et nous avons passé

8 une dizaine de jours ensemble, peut-être un peu moins. Donc, les conditions

9 d'existence étaient les mêmes et l'emploi du temps était identique à celui

10 que j'avais déjà vécu dans la cellule précédente. Nous sortions de la

11 cellule une fois par semaine pour aller aux toilettes.

12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé d'interrompre, mais il y a

13 quelque chose qui ne semble pas coller. Le témoin vient de dire qu'il est

14 resté seul pendant un mois et qu'après un mois, un autre détenu a été placé

15 dans la même cellule et qu'ils ont passé une dizaine de jours ensemble. Au

16 total, cela fait plus qu'un mois, alors que le témoin a également indiqué

17 que le témoin avait passé au total un mois dans cette cellule. Donc je

18 demanderais un éclaircissement.

19 Mme GILLETT : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, il est très difficile aujourd'hui

21 de me rappeler exactement les dates. Les seules qui sont restées gravées

22 dans ma mémoire avec précision sont la date de début et la date de fin, à

23 savoir le 10 juillet et le 19 avril. Mais les autres dates intermédiaires,

24 lorsque j'en parle, c'est un peu approximatif. En tout cas, il a passé une

25 semaine à mes côtés et il est possible qu'en réfléchissant à ce séjour d'un

26 mois que j'ai passé dans cette cellule, en essayant de me rappeler tous les

27 événements et en essayant de dessiner le plan, il est possible que j'aie

28 fait quelques petites erreurs. Mais, en tout cas, il a passé avec moi une

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1 semaine sur ce total d'un mois.

2 Q. Vous venez de dire que cet homme s'appelait Cibo. Que s'est-il passé

3 après cette période que vous avez passée à ses côtés ?

4 R. Pendant la période où nous étions ensemble, il ne s'est rien passé

5 d'exceptionnel, mais quand j'étais seul, un événement a eu lieu. Vous

6 voyez, ici, à côté de la cellule, il y avait un portail avec des barreaux

7 métalliques et cette porte était recouverte d'une planche en maglot [phon]

8 et, dans cette planche, il y avait un trou. Donc, je pouvais voir les

9 autres détenus qui allaient au réfectoire et rentraient du réfectoire à

10 travers ce trou et eux aussi il leur arrivait de jeter un coup d'œil vers

11 le trou pour voir ce qui se passait avec moi.

12 Ils me faisaient passer de temps en temps un paquet de cigarettes,

13 donc, cette petite ouverture a été pour moi un grand soulagement parce que

14 tout le temps qui avait précédé, je n'avais bénéficié d'aucun appui,

15 d'aucun soutien. Avec cette nouvelle situation, j'ai eu l'impression, j'ai

16 repris un peu espoir. J'ai eu l'impression que quelque chose de mieux

17 pouvait éventuellement m'arriver. Ensuite, Cibo m'a rejoint et nous avons

18 passé ensemble entre cinq et sept jours, sans que rien de particulièrement

19 remarquable ne se passe.

20 Un autre avantage de la cellule numéro 3, c'est qu'elle était bénie

21 de lumière.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais j'ai du mal à me

23 représenter la situation globale. Vous dites que vous pouviez voir les

24 autres détenus par un trou et vous dites ensuite que vous avez reçu des

25 livres ou d'autres articles. Est-ce qu'ils passaient par le trou ou est-ce

26 que les gardiens vous les transmettaient ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Essayez de vous imaginer la porte avec des

28 barreaux, une planche qui la recouvre et un trou qui me permet de regarder

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1 ce qui se passe de l'autre côté. Mais la planche en question était fixée au

2 barreau par du fil de fer, donc, c'était un peu élastique, la planche

3 pouvait s'écarter de la porte et on pouvait faire passer des choses en

4 dessous et pour moi, c'était vraiment un énorme soulagement. Ils m'ont fait

5 passer un livre très volumineux que j'ai pu lire dans cette période où je

6 n'avais rien à lire, ce qui a été pour moi une aide très importante. Donc,

7 des objets de petite taille pouvaient passer, mais pas des objets de grande

8 taille.

9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

10 Mme GILLETT : [interprétation]

11 Q. Pendant que vous étiez là, est-ce que vous êtes entré en contact avec

12 l'un quelconque des gardiens ?

13 R. Ils sont de là. Ils s'acquittaient de leurs taches. Pour l'essentiel,

14 ils se contentaient de poser des questions sur les biens que l'on avait,

15 les uns et les autres, qu'on avait laissés, là, d'où on est venu ? Puis,

16 ils nous posaient des questions. "Qui es-tu ? Etais-tu un soldat ou pas,

17 militaire ou pas ?" Des questions semblables. Ils se provoquaient ceux qui

18 se laissaient provoquer. Mustafa Hadrovic, était intéressé à cet égard. Il

19 avait été policier de réserve. C'est comme cela qu'il a commencé la guerre.

20 Il a été tout particulièrement soumis à de mauvais traitements, à des

21 tortures, des injures. Je pense qu'il a eu la vie très, très dure, là-bas.

22 Q. Mais comment le savez-vous ? Comment savez-vous que c'est cela qui est

23 arrivé à M. Hadrovic ?

24 R. Tout simplement, il était avec moi dans la salle numéro 2. Le garde

25 venait. Il citait son nom. Il l'appelait pour le faire sortir, refermait la

26 porte une fois qu'il était sorti. Il l'emmenait quelque part. Mais quand

27 Mustafa, il était soit couvert d'ecchymoses, soit il était en sang, soit il

28 était apeuré, injurié, il y aurait eu des menaces. Enfin, il était très,

Page 5112

1 très maltraité. Oui, parce qu'il revenait. Il revenait dans la même pièce.

2 Il nous disait ce qui lui est arrivé. Qui lui a fait des choses, et cetera.

3 Q. Est-ce que vous avez reconnu l'un quelconque des gardiens ?

4 R. Ecoutez. Il faut savoir qu'avant ces événements, je n'en ai connu

5 aucun. Mais, par la suite, j'ai appris des noms, Zeljko Marjanovic, par

6 exemple, je l'ai mentionné - peut-être pas à l'instant - et il avait été à

7 la Faculté du génie mécanique. Il était gardien pendant que j'y étais. Il y

8 avait un certain Nikola et puis, celui qui était le numéro 1 pour ce qui

9 est des provocations et qui était le chef de la relève. Si vous me citiez

10 une dizaine de noms, je retrouverai son nom, je le reconnaîtrais. Mais, par

11 la suite, il est devenu chef ou président d'une municipalité à Mostar. Un

12 homme vraiment pas bien, surtout tous les égards, sinon, je n'en ai connu

13 aucun, personnellement.

14 Q. Mais est-ce que vous savez qui était le commandant de l'Heliodrom ?

15 R. Attendez. Pour moi, le commandant, c'était quelque chose qui était à 10

16 000 années lumières, au moins. J'avais des contacts avec le garde sur

17 place. C'était à ce niveau-là que j'avais des contacts. Cependant, dans le

18 cadre des conversations et quand on allait dans les WC, il y avait toujours

19 quelqu'un qui sortait de cette pièce, qui passait. Il y avait des

20 informations qui circulaient à une vitesse vertigineuse. Donc, on apprenait

21 des choses, beaucoup de choses. Mais tout cela, c'étaient des histoires. Ce

22 ne sont pas des preuves. Tout simplement, je ne sais rien si ce n'est qu'un

23 certain Smiljanic était en charge dans ce camp. Qui est cet homme ? Quel

24 est son aspect ? Je ne l'ai jamais vu. Pusic a été mentionné également, et

25 cetera. Mais tout cela, c'étaient des personnalités qui étaient bien loin

26 par rapport à la position dans laquelle se trouvait un prisonnier

27 ordinaire.

28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je poser une question ?

Page 5113

1 Mme GILLETT : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais que l'on reparle des

3 événements que vous avez décrits au sujet de M. Hadrovic. Vous avez dit

4 qu'il a été soumis à de mauvais traitements. Est-ce que vous l'avez citée

5 en exemple en pensant à d'autres personnes également qui avaient subi des

6 traitements comparables ou, d'après vos souvenirs, lui a été le seul ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est le seul pour qui cela s'est bien

8 terminé. J'en ai vu d'autres qui ont été très grièvement blessés et qui ont

9 subi des souffrances terribles. Dans cette pièce numéro 3, j'ai vu des gens

10 qui, pratiquement tous les jours, perdaient de leurs forces. Ils perdaient

11 des kilos tous les jours. J'avais plus de 100 kilos, par exemple, quand je

12 suis arrivé. Je n'en avais plus que 70 à la fin.

13 Comme je n'ai pas bougé, peut-être que j'ai grossi, mais les gens qui

14 descendaient au réfectoire pour aller manger, parmi ceux que j'ai vus, il y

15 avait par exemple des gens qui disparaissaient. Je les voyais un jour.

16 Puis, le lendemain, ils n'étaient plus là.

17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'étais un peu plus précis dans ma

18 question. Parmi les autres occupants des pièces, est-ce que vous en avez vu

19 qui auraient été emmenés et qui seraient revenus dans un état qui vous

20 aurait permis de penser qu'ils avaient subi de mauvais traitements ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, on n'ait pas pu être témoin

22 d'événements réels, mais je voyais les hommes. Je voyais un homme le jour

23 X, et puis, le lendemain, je voyais les suites. Je voyais des blessures,

24 des ecchymoses et puis, pendant toute ma période de séjour-là, j'ai vu des

25 gens devenir des squelettes et des gens perdus.

26 J'avais deux collègues qui, pendant leur séjour ici avec moi, avaient

27 appris que leurs fils étaient morts. Cette blessure est pire que toute

28 blessure physique. Donc, il y avait des informations qui parvenaient aux

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1 gens de la part de leurs familles, de leurs amis.

2 Ces informations pouvaient être bien pires que les sévices physiques

3 qui ne se sont jamais terminés. On n'a jamais été en manque de cela. Il y

4 avait des gens qui ont été envoyés en tant que bouclier sur le front. C'est

5 là qu'il y a eu des victimes. L'un de mes collègues, Muharem Budic de

6 l'Unité des transmissions a perdu la vie sur le front en tant que bouclier

7 humain.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a une autre question qui va vous êtes posée.

9 M. LE JUGE MINDUA : A la question de la représentante du Procureur, Mme

10 Gillett, s'agissant du commandant de l'Heliodrom, vous aviez, bien entendu,

11 dit que vous n'étiez pas en contact avec le commandant, mais que vous aviez

12 entendu parler de certaines personnes, notamment, M. Smiljanic et un

13 certain M. Pusic. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ces deux personnes ou

14 éventuellement sur

15 M. Pusic ? Vous pouvez dire quelque chose de plus ou c'est tout ce que vous

16 savez ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de M. Pusic, je sais aussi

18 qu'il s'est rendu souvent par là, où nous étions, mais quelque part

19 ailleurs. Certes, tout cela, ce sont des histoires, des racontars et qu'il

20 promettait une libération rapide, un échange, mais rien de tout cela n'a eu

21 lieu. Donc, il venait avec des promesses infondées pour calmer les gens,

22 s'ils étaient mal. Mais, enfin, c'étaient des promesses qui n'étaient pas

23 tenues. C'est ce que je sais concrètement à son sujet. Je ne l'ai jamais vu

24 de ma vie.

25 Je n'ai jamais été en contact direct avec lui.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Nos questions ne sont pas terminées.

27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Saric, est-ce que vous avez

28 eu l'occasion de parler à M. Hadrovic ?

Page 5115

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous a-t-il dit ce qui lui est

3 arrivé ? Est-ce qu'il vous en a parlé plus précisément ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Très souvent, nous avons eu l'occasion de nous

5 parler à ce sujet, pendant les événements et après ces événements. D'après

6 ce que j'ai compris - et personne ne l'a emmené avec l'intention de le tuer

7 ou de le faire disparaître - mais l'objectif était de lui faire subir des

8 sévices, de l'humilier, de le faire laver les planchers. Une fois qu'il a

9 lavé le plancher on le renvoyait le relaver une deuxième fois. S'il posait

10 une question, ne serait-ce que par un regard, pourquoi, on lui assénait un

11 coup. Ce n'était pas des coups mortels. Toutefois, ils avaient pour but de

12 l'humilier, de lui infliger la douleur, de le blesser. Ensuite, on lui a

13 demandé de chanter des chansons aux gardiens, bien entendu, il ne chantait

14 pas bien, et s'il ne commençait pas dans la bonne tonalité on le blessait.

15 Donc, c'était toujours une source qui nous tarissait -- une source

16 d'humiliation qui ne tarissait pas.

17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais compléter la question qui vient d'être

19 posée. Vous venez de nous dire qu'avec M. Hadrovic vous vous êtes entretenu

20 avec lui de tous ces événements, puisque vous êtes resté avec lui dans la

21 cellule pendant un temps assez long. Il vous a dit -- vous a-t-il dit que

22 les comportements à son égard ? Etaient-ils des comportements individuels

23 de gardiens qui outrepassaient les consignes données par l'autorité, s'il y

24 en avait une, ou c'était un système généralisé ? Qu'est-ce que M. Hadrovic

25 vous disait à propos des mauvais traitements ? Vous-même, qu'avez-vous

26 ressenti sur ce type de comportement ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Hadrovic est vraiment un très bon exemple

28 de ce qui se produisait là-bas, mais, d'après ce que je suppose, il vous

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1 appartient de révéler si -- de constater si cela faisait partie du système

2 à savoir comment rendre obéissant ceux qui ne l'étaient pas. Il faut savoir

3 que c'était le seul dans ma cellule à qui ce sort a été réservé. Il y avait

4 d'autres personnes qui, d'après leur mentalité lui ressemblaient, mais

5 aucun d'entre eux n'a subi ce genre de sanctions. On nous faisait tous

6 sortir dans ce couloir. Chacun d'entre nous n'a été sorti pas.

7 Occasionnellement, on nous faisait subir cela et nous assénait des coups,

8 mais on ne peut pas dire qu'on nous ait affligé des blessures. Vous savez,

9 lorsque vous assène un coup à la matraque dans le dos ou les reins, ou un

10 coup de pied dans la cheville, c'est des sensations qu'on n'oublie pas

11 facilement. Il y en avait beaucoup.

12 Mais Hadrovic, ce qui lui ait arrivé à lui, très certainement c'est

13 une fois par semaine, qu'on l'a fait monter là-haut, et il revenait avec

14 des ecchymoses, avec des coupures. Il avait très peur et aussi il était

15 très humilié, très -- il avait subi des injures, des humiliations. Il

16 fallait qu'il nettoie des chaussures aux gens qu'ils leur apportent de

17 l'eau.

18 Je ne sais pas pour quelle raison on n'a pas humilié d'autres

19 personnes de la cellule de cette manière-là. Peut-être qu'il y en a qui

20 même aux prix de leur vie ne l'aurait pas fait, mais Hadrovic a accepté et

21 peut-être est-ce pour cela qu'on lui a fait répéter cela.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Oui.

23 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, il vaudrait mieux

24 peut-être que j'interviens tout de suite. Il me semble qu'il y a une petite

25 erreur dans le compte rendu d'audience. Ligne 50, à peu près, 53. Il a dit

26 que M. Hadrovic a été le seul de sa cellule qu'on a fait sortir pour lui

27 faire subir des mauvais traitements. Or, ce qu'on lit c'est : "Il n'a pas

28 été le seul." Donc, il y en avait d'autres. A la fin de ce passage de cette

Page 5117

1 dernière déclaration du témoin, on voit qu'il répète encore une fois : "Il

2 a été le seul de cette cellule, Hadrovic, le seul à être torturé ainsi." Je

3 pense que c'est très important de le dire et d'y remédier tout de suite;

4 sinon, on peut vérifier aussi auprès du témoin.

5 Mme GILLETT : [interprétation] Monsieur le Juge, je m'excuse --

6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je me souviens nettement que le

7 témoin a dit ce que l'on lit ici et il a ajouté en disant que lui aussi on

8 l'a fait sortir dans le corridor, dans le couloir, et que là, on lui a

9 asséné des coups, mais il y avait deux jeux de faits séparés. Cette

10 humiliation spécifique était typiquement réservé uniquement à Hadrovic,

11 mais le fait de sortir les gens et de leur asséner des coups, cela c'est

12 quelque chose de plus général.

13 Est-ce que je suis d'accord ?

14 Monsieur le Témoin, est-ce que c'est ce que vous vouliez dire ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parfaitement. Tout à fait.

16 M. KOVACIC : [interprétation] Avec tous mes respects, Monsieur le Juge, je

17 pense que le témoin n'a pas compris ce que vous venez de dire. On peut

18 écouter la bande audio. Dans ce paragraphe qui commence, ligne 13, de

19 manière explicite, il dit : "Je ne sais pas pourquoi personne d'autre de ma

20 cellule n'a été obligé de faire des choses comparables." C'est ce qui

21 correspond à ce qu'il a dit au début de cette même réponse, mais, au début

22 de la réponse, il y a une erreur, on a introduit une négation mais

23 explicitement expressément dans la langue originale. Je l'ai bien écouté.

24 Il a dit : "De ma cellule, Hadrovic a été le seul qui a subi ce

25 traitement." Mais le mieux ce serait peut-être de lui poser la question.

26 Monsieur le Juge, votre question, avec tous mes respects a été trop

27 compliquée pour que le témoin comprenne.

28 Mme GILLETT : [interprétation] Très brièvement, je vais poser la question.

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1 Je ne sais pas de quelle ligne il s'agit dans le compte rendu d'audience,

2 ligne 53, d'après mon confrère --

3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non. 50.3.

4 Mme GILLETT : [interprétation] D'accord.

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Saric, y avait-il plusieurs

6 prisonniers qu'on a fait sortir de la cellule pour les passer à tabac et

7 pour les ramener à l'intérieur ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais uniquement dans cette partie-là,

9 dans cette partie devant la cellule. Mais Mustafa Hadrovic, on l'emmenait

10 Dieu sait où. On l'entendait à l'étage. Puis, il revenait au bout d'une

11 heure ou deux. Mais aucun autre n'a subi le même sort comme lui. Il y avait

12 des passages à tabac, mais il n'y avait pas des humiliations à l'étage pour

13 d'autres personnes.

14 C'est l'idée que je voulais exprimer pendant toute ma réponse. Je ne

15 sais pas comment on l'a couchée ici par écrit.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez dit que vous aussi que

17 vous avez été battu dans le couloir. Est-ce que vous pouvez nous le

18 confirmer ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux vous le confirme 100 fois, mais je ne

20 peux pas le prouver car ces bleus, ces ecchymoses sont disparues. C'est ici

21 au niveau de ce mur, entre ces deux portes. C'est là que cela eut lieu.

22 Deux ou trois sortaient. Généralement, deux ou trois soldats arrivaient,

23 puis ils s'exerçaient un petit peu, un petit training pendant quelques

24 minutes, ensuite, ils nous remettaient dans la cellule, et ils fermaient la

25 porte à clé derrière nous et c'était terminé pour ce jour-là.

26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation. Il va falloir terminer parce que le

28 temps court.

Page 5119

1 Mme GILLETT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'en tiendrai

2 compte. Il ne me reste que quelques minutes et ce sera bref.

3 Q. Monsieur Saric, est-ce que vous savez pour quelles raisons on vous a

4 placé dans cette cellule en particulier, les cellules que vous nous avez

5 décrites ?

6 R. Je suppose, puisque j'étais officier de l'ABiH, pour certaines raisons,

7 peut-être pour un échange ou pour une autre raison, il fallait peut-être me

8 réserver un traitement différent à celui réservé aux autres prisonniers.

9 Q. Vous avez passé en tout combien de temps à l'Heliodrom ?

10 R. Environ huit mois. C'est ce que je pense toujours. Donc, de juillet à

11 avril. Je n'ai jamais vraiment analysé, jamais compté tout cela, ce temps,

12 parce que pendant tout le reste de ma vie, j'ai cherché à l'oublier.

13 Q. Vous vous rappelez la date exacte de votre libération ?

14 R. Le 19 avril 1994.

15 Q. Comment est-ce que vous avez été libéré ?

16 R. Tout simplement, ce jour-là, tout a été démantelé, le camp dans sa

17 totalité. Du moins, le bâtiment où je me suis trouvé. Il y avait plusieurs

18 bâtiments, mais le bâtiment où je me suis trouvé a été vidé ce jour-là.

19 J'ai eu l'honneur de partir à bord du dernier camion, donc, j'ai pu voir

20 tous les occupants du camp, je les ai vus partir avant, et dans l'après-

21 midi, 16, 17 heures de l'après-midi, j'étais l'homme libre déjà. Mais ce

22 déménagement a pris toute la journée.

23 Q. D'après vos évaluations, vous avez vu combien de personnes partir ce

24 jour-là ?

25 R. Cela c'est mon estimation personnelle. Au moins mille personnes.

26 Mme GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec

27 les questions de l'Accusation. Le croquis qui a été placé sur le

28 rétroprojecteur, auquel s'est référé le témoin au sujet de l'Heliodrom,

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1 est-ce qu'on peut lui donner une cote électronique ?

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce IC 00028.

3 Mme GILLETT : [interprétation] merci, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous demandez le versement de quelle autre pièce, à

5 part cela ?

6 Mme GILLETT : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Les

7 photographies 09413, page 4, 11 et 12, pièce 8588, pièce 8534, ainsi que la

8 pièce 3249. Merci, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous ne demandez pas la pièce 8534 qui a fait

10 l'objet d'un -- bien, si vous le demandez, bien, nous statuerons --

11 Oui, Maître Kovacic.

12 M. KOVACIC : [interprétation] A ce sujet, je soulève une objection. Je

13 pense que cette pièce ne peut pas être versée sous la forme sous laquelle

14 elle se présente.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre statuera. Bien. Alors, maintenant,

16 la -- oui ?

17 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je pensais

18 que M. Kovacic en parlerait. La pièce P 3249, je pense qu'elle non plus ne

19 peut être versée. D'après l'objection de

20 M. Murphy, après son intervention, le témoin n'y est plus revenu. Vous vous

21 souvenez, c'est le rapport journalier de la police militaire du 6 juillet

22 1993 de Mostar.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre en délibérera cet après-midi.

24 Alors, maintenant, pour le contre-interrogatoire, est-ce que les

25 avocats se sont entendus entre eux ? Qui intervient en premier ?

26 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, tout à fait

27 franchement, je dois dire que nous ne nous sommes pas mis d'accord sur les

28 détails, mais d'après ce que nous avons pu voir, nous n'aurons pas besoin

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1 de plus de temps que le temps qui nous est normalement réparti. Donc, je

2 devrais être le premier en respectant l'ordre que nous avions avant la

3 pause, mais, Monsieur le Président, la défense de M. Praljak, en fait,

4 n'aurait aucune question à poser à ce témoin puisque sa déposition n'a rien

5 à voir avec notre client. Comme les autres défenses n'auront pas beaucoup

6 de questions à poser non plus, M. Praljak souhaite profiter de la présence

7 de ce témoin puisque professionnellement, c'est un ingénieur dans le

8 domaine des télécommunications en particulier et il y a un fait qui est

9 particulièrement important pour nous, à savoir quel était l'état du réseau

10 téléphonique en Bosnie à l'époque. Dans sa déclaration précédente, le

11 témoin en a parlé. Donc, quelques questions techniques peut-être pourraient

12 lui être posées par M. Praljak puisque ce témoin est qualifié dans ce

13 domaine. Merci.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, l'Accusation.

15 Mme GILLETT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai entendu la

16 proposition de mon confrère. Il propose un interrogatoire principal pour ce

17 témoin, mais ceci sort du cadre des questions posées pendant

18 l'interrogatoire principal.

19 M. KOVACIC : [interprétation] Si je puis me permettre de rappeler à la

20 Chambre le contenu des déclarations précédentes du témoin où il en a parlé

21 de manière détaillée. Nous nous sommes préparés au contre-interrogatoire en

22 ayant à l'esprit ce qui a été annoncé comme devant être la déposition du

23 témoin et, au début de sa déposition aujourd'hui, au début de

24 l'interrogatoire principal, il a été explicitement dit qu'il était le chef

25 des transmissions au sein du 4e Corps, dans le commandement du 4e Corps.

26 Dans son CV, il a dit qu'il était ingénieur dans le domaine de

27 l'électronique et il a travaillé au bureau de poste, donc il est qualifié

28 pour en parler.

Page 5122

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

2 Maître Murphy.

3 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis aider suite

4 à la question qui a été posée par l'Accusation, à savoir est-ce que ces

5 questions sortiraient du cadre de l'interrogatoire principal, d'après

6 l'article 90, alinéa H, l'interrogatoire principal peut avoir lieu aussi

7 lorsque le témoin peut fournir des éléments d'information pertinents pour

8 l'affaire, des éléments pertinents pour la partie qui contre-interroge. De

9 toute évidence, les questions proposées par M. Praljak tomberaient dans

10 cette catégorie. De plus, en vertu de ce même article, dans son alinéa III,

11 la Chambre peut, elle, user de son droit discrétionnaire pour poser des

12 questions sur des points supplémentaires. Donc, pour éviter de rappeler ce

13 témoin une deuxième fois, ceci nous permettrait d'économiser du temps et il

14 me semble qu'on est tout à fait dans le cadre des dispositions de

15 l'article.

16 Mme GILLETT : [interprétation] De plus, suite à ce que j'ai déjà dit,

17 lorsque nous avons soumis le résumé à la fois à la Chambre et à la Défense,

18 il n'a pas été question d'interroger le témoin sur les transmissions. Il a

19 été dit que, tout simplement, c'était sa profession. C'est dans ce

20 contexte-là qu'on l'a évoqué au début de sa déposition.

21 Pour ce qui est du contre-interrogatoire et de l'article 90, alinéa

22 H, encore une fois, je ne vois pas quelle serait la pertinence. Pourquoi la

23 Défense poserait-elle des questions là-dessus, au sujet des transmissions ?

24 M. MURPHY : [interprétation] Je pense que je peux expliquer. Je ne veux pas

25 souffler les mots à M. Praljak, mais je pense que la pertinence de ces

26 questions me paraît tout à fait évidente. Enfin,

27 M. Praljak souhaite en parler lui-même.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons en délibérer tout de suite entre

Page 5123

1 Juges.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il y a un désaccord entre les Juges sur cette

4 question. Le seul problème est de savoir sur la pertinence.

5 Monsieur Praljak, en quoi les questions que vous allez poser peuvent

6 être utiles à votre cause ? Parce que l'article 90(H) indique, je le lis :

7 "Le contre-interrogatoire se limite aux points évoqués dans

8 l'interrogatoire principal." Il apparaît que l'Accusation n'a posé aucune

9 question sur le problème des transmissions, au point ayant trait à la

10 crédibilité du témoin, bien la question ne se pose pas, et c'est là où il y

11 a un créneau pour la Défense et à ce ayant trait à la cause de la partie

12 procédant au contre-interrogatoire.

13 Donc, en quoi les questions, que vous voulez poser, vous intéressent

14 dans votre cause ?

15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Les témoins qui ont témoignés jusqu'à

16 présent, ainsi que M. le journaliste - je ne me souviens plus de son nom -

17 qui nous a parlé des difficultés de téléphoner, d'avoir des liens

18 téléphoniques dans certaines parties. Il y avait également un témoin qui a

19 parlé du HVO, il a dit que le HVO ne permettait pas que l'on établisse des

20 liens téléphoniques avec la Croatie et tout cette prémisse selon laquelle

21 le HVO et l'ABiH ne pouvaient pas communiquer, c'est-à-dire qu'on en a

22 énormément parlé. Les témoins qui sont venus déposer --

23 Mme GILLETT : [interprétation] Excusez-moi, je suis vraiment désolée de

24 vous interrompre --

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez-moi de le résumer et puis je vais vous

26 donner la parole. La Défense nous dit que plusieurs témoins ont évoqué des

27 problèmes de communication. Effectivement, je me rappelle que ce sujet a

28 été abordé à plusieurs reprises. C'est pour cela que M. Praljak ayant en

Page 5124

1 principe un spécialiste de la communication souhaite éclaircir ce problème.

2 Donc, pour l'Accusation, voilà quel est le point de vue de la Défense.

3 Alors, que répondez-vous, Madame Gillett ?

4 Mme GILLETT : [interprétation] Monsieur le Président, la raison pour

5 laquelle je me suis levée pour formuler mon objection - et je suis vraiment

6 désolée d'interrompre M. Praljak - c'est parce que je me demandais s'il

7 faudrait peut-être demander au témoin de sortir de la pièce eu égard à

8 certains points qu'allait évoquer M. Praljak ou certains points qu'il avait

9 déjà évoqués. Il serait peut-être mieux de demander au témoin de quitter la

10 salle.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Les Juges aboutissent à un consensus qui est

13 le suivant. Il n'y a pas de notre part une objection à ce que des questions

14 techniques soient posées sur les transmissions, mais nous voulons d'abord

15 évacuer le contre-interrogatoire sur ce qui a été dit dans le cadre de

16 l'interrogatoire principal et s'il nous reste du temps, on donnera la

17 parole à

18 M. Praljak. Voilà, donc, M. Praljak aura la parole s'il y a du temps, mais

19 ce qui nous importe, nous, c'est les réponses de la Défense au contre-

20 interrogatoire. Après, on donnera la parole à M. Praljak.

21 Alors, on va donc -- donc, Maître Kovacic, vous n'avez-vous à ce stade

22 aucune question à poser pour le contre-interrogatoire ?

23 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'aurions pas

24 d'autres questions pour le contre-interrogatoire et je souhaiterais

25 également vous informer que nous voulions, en fait, poser -- c'était notre

26 idée de demander à M. Praljak de poser des questions à la fin, c'est tout à

27 fait naturel.

28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, voilà, c'était notre intention.

Page 5125

1 Mais nous ne voulions pas simplement perdre notre droit, voilà la raison

2 pour laquelle nous sommes intervenus.

3 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Je suis vraiment, terriblement désolée. Je

4 dois me lever pour intervenir. C'est très important étant donné que M.

5 Praljak a beaucoup plus de connaissances sur la question que moi et je

6 dois, c'est-à-dire, s'agissant de notre défense à nous, j'ai préparé des

7 questions liées à la communication, aux communications, donc je ne voudrais

8 pas maintenant donner mes raisons en présence du témoin, mais j'estime que

9 pour les besoins de mots au contre-interrogatoire, il serait beaucoup plus

10 utile si M. Praljak pouvait poser ses questions maintenant. Si vous voulez,

11 je peux vous expliquer les détails.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Si j'ai bien compris, concernant le

13 contre-interrogatoire de M. Prlic, vous n'avez pas de questions spécifiques

14 à poser par rapport aux questions principales qui ont été posées par

15 l'Accusation, mais vous souhaitez aborder un point technique sur les

16 transmissions et vous estimez que le seul qui peut bien poser les

17 questions, c'est M. Praljak. Bon, c'est votre position. Alors, on va

18 continuer par les autres avocats. Vous avez la parole.

19 Mme NOZICA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

20 propose de procéder par l'ordre habituel du contre-interrogatoire et nous

21 ferons en sorte que M. Praljak puisse poser ses questions. Moi aussi, j'ai

22 des questions précises, des questions techniques, mais j'écourterai mes

23 questions pour laisser à M. Praljak la possibilité de poser des questions.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Quel sera l'ordre ?

25 Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

26 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

27 Q. [Interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Vesna

28 Alaburic, je suis conseil de Zagreb et je défends les intérêts du général

Page 5126

1 Milovoj Petkovic.

2 Monsieur Saric, je vais à présent vous poser un certain nombre de questions

3 qui, selon moi, sont des questions très simples et courtes et, grâce à ces

4 questions, je suis convaincue que nous allons pouvoir élucider certains

5 problèmes qui semblent être contradictoires. Je parle lentement car j'ai en

6 tête l'interprétation. Je dois permettre aux interprètes qui ne -- c'est-à-

7 dire, je dois permettre aux personnes qui ne parlent pas notre langue

8 d'entendre l'interprétation dans son intégralité.

9 Nous avons notamment reçu de l'Accusation votre déclaration que vous avez

10 remise, donc, aux membres du bureau du Procureur, selon le document que

11 nous avons reçu, en date du 29 août 2003. Je vous demanderais donc, lié à

12 ce document, si, effectivement, vous vous étiez entretenu avec l'Accusation

13 de ce Tribunal et si, effectivement, vous avez donné une déclaration le

14 jour que je viens de mentionner, à la date que je viens de mentionner.

15 R. Jusqu'à présent, lors de mon témoignage, c'est-à-dire, dans le cadre de

16 mon témoignage d'aujourd'hui, je l'ai mentionné. J'ai dit que, alors que

17 j'étais assis à ce bureau, j'ai fait une déclaration concernant ce qui

18 m'était arrivé depuis le début de la guerre jusqu'au jour où j'avais été

19 emmené là-bas et c'est ma déclaration écrite, en fait. Ma déclaration

20 écrite rédigée à l'époque a été dactylographiée pour vous. Je ne l'ai

21 jamais vue auparavant, je ne sais plus ce qui -- c'est-à-dire que je n'ai

22 pas relu la déclaration qui a été dactylographiée. Je ne pouvais pas

23 attester que ce qui a été dactylographié reflète mes propos à moi.

24 Q. La déclaration que vous mentionnez, vous l'avez remise aux membres du

25 bureau du Procureur, n'est-ce pas ?

26 R. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

27 Q. C'est-à-dire que, est-ce que vous savez si l'Accusation a pris

28 connaissance de ce document ?

Page 5127

1 R. Oui, j'ai vu le document chez les membres du bureau du Procureur.

2 Q. Monsieur, je n'ai malheureusement pas -- nous n'avons pas

3 malheureusement cette déclaration que vous évoquez. Nous n'avons reçu du

4 bureau du Procureur que l'une de vos déclarations, celle que vous avez

5 donnée au membre du bureau du Procureur de ce Tribunal, le 29 août 2003.

6 Cette déclaration me semble être très improbable comme étant celle que vous

7 aviez rédigée lorsque vous étiez assis derrière ce bureau. C'est une

8 déclaration qui commence avec les mots

9 suivants : "Je suis ici et je donne ma déclaration de ma propre volonté

10 devant les membres du bureau du Procureur du Tribunal pénal international

11 pour l'ex-Yougoslavie."

12 Voici comment commence cette déclaration. Donc, je vous demande si,

13 effectivement, en date du 29 août 2003, vous avez bel et bien fait une

14 déclaration auprès des membres du bureau du Procureur et est-ce que vous

15 avez, ce même jour-là, signé cette déclaration ?

16 R. De quelle journée parlez-vous ?

17 Q. Je parle du 29 août 2003.

18 R. Oui, effectivement, c'est le cas.

19 Q. Très bien. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si vous vous étiez

20 entretenu avec les membres du bureau du Procureur le 16 janvier ?

21 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la date.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 Mme ALABURIC : [interprétation]

24 Q. Je vais maintenant vous donner les contradictions que j'ai relevées

25 dans les deux déclarations. Vous nous avez dit aujourd'hui que vous avez

26 été arrêté par deux soldats. Dans la déclaration de 2002 vous parlez de

27 trois soldats. Ou plutôt dans la déclaration de 1998, vous parlez de trois

28 soldats. Pourriez-vous, je vous prie, préciser si vous vous êtes fait

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1 arrêter par deux soldats ou par trois hommes armés ?

2 R. C'étaient deux personnes. Il y avait une troisième personne qui était

3 le chauffeur. Si vous voulez que l'on considère comme étant un soldat alors

4 à ce moment-là ils étaient trois soldats. Voilà.

5 Q. Je vous remercie. Dans la déclaration de 1998, vous nous avez dit que

6 vous vous êtes fait arrêter par les membres de la police militaire du HVO,

7 alors qu'aujourd'hui, vous n'avez fait que parler des hommes armés, des

8 soldats armés. Je voudrais savoir si vous vous êtes fait arrêter les

9 membres de la police militaire.

10 R. J'ai été arrêté par Franjo Cvitkovic.

11 Q. Fort bien.

12 R. Il est sans doute facile de savoir à quelle armée il appartenait à

13 l'époque. Ce que je dis est peut-être faux car je n'ai pas des registres

14 officiels. Pour ce qui me concerne il représentait la police militaire ou

15 plutôt la police, mais si vous voulez pendant la guerre il s'agissait de la

16 police militaire, pour moi, c'était la police militaire. Il est tout à fait

17 certain que vous allez certainement pouvoir trouver son appartenance --

18 l'armée en question dans les documents dont vous disposez.

19 Q. Je vous remercie. Vous nous avez dit que vous vous êtes fait arrêter

20 dans une maison à Ilici dans laquelle vous vous cachiez, alors que dans la

21 déclaration de 19989 vous dites que vous vous êtes fait arrêter, vous avez

22 été capturé dans votre appartement. Est-ce que vous pourriez nous

23 expliciter de quoi il s'agit exactement ? Laquelle des deux déclarations

24 est juste, celle de 1998 ou celle que vous avez faite aujourd'hui ?

25 R. La vérité est que je me suis fait arrêter à Ilici dans la maison qui

26 n'était pas la mienne. Ce n'était pas dans mon appartement.

27 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner le nom du

28 propriétaire de la maison dans laquelle vous vous êtes fait arrêter ?

Page 5129

1 R. Il s'appelait Andjelko. Malheureusement, il est décédé depuis quelques

2 années.

3 Q. Pouvons-nous dire son nom de famille ?

4 R. Non.

5 Q. Très bien.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, parce que vous l'avez oublié ou parce que vous

7 ne voulez pas le donner pour des raisons diverses ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas de raison précise. Si jamais

9 je voyais le nom je vous le dirais, oui, c'est cela, mais je ne souviens

10 plus de son nom de famille. C'est cela mon problème, je ne me souviens

11 vraiment plus de son famille.

12 Mme ALABURIC : [interprétation]

13 Q. Je vous remercie, Monsieur Saric. Je vais maintenant vous poser un

14 certain nombre de questions sur un autre sujet, le bâtiment de Vranica.

15 Aujourd'hui, vous nous avez parlé d'attaques et vous nous avez dit, que ce

16 bâtiment avait été détruit lors des attaques du HVO. C'est ce qu'on voit au

17 compte rendu d'audience d'aujourd'hui, à la page 15, première ligne.

18 Alors, concernant cette déclaration, je vais vous poser la question

19 suivante : est-ce que vous savez si pour que les forces serbes pilonnent et

20 attaquent la région de Mostar en 1992 et en 1993 ? C'est-à-dire, est-ce que

21 vous savez si les forces serbes ont lancé des attaques contre Mostar ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que vous savez si les forces serbes avaient également lancé une

24 attaque sur le bâtiment de Vranica ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que vous savez si ce bâtiment-là était relativement beaucoup

27 endommagé par les obus serbes ?

28 R. Non.

Page 5130

1 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire alors jusqu'à quel point est-ce que

2 ce bâtiment avait été endommagé par des obus serbes ?

3 R. Je dois vous dire que le bâtiment était positionné de telle façon que

4 les obus serbes n'auraient pas pu endommager le bâtiment. Les Serbes

5 étaient de ce côté ici alors que je vous parle des dommages causés au

6 bâtiment de ce côté-ci, c'est-à-dire que l'obus ne peut pas traverser par-

7 dessus, l'obus ne pouvait que provenir d'un côté.

8 Q. Est-ce qu'il serait juste alors de conclure que les forces serbes, ou

9 plutôt que les obus serbes ne pouvaient attaquer ou ne pouvaient aboutir

10 sur le bâtiment de Vranica que de billet.

11 R. Non, il y en avait un peu partout sur le dessus. Mais pour ce qui est

12 de l'attaque du 9 mai, je dois dire que c'était la façade où était trouvé -

13 - la façade qui faisait face au corps de la brigade était complètement

14 incendié et qu'il y avait beaucoup de balles incendiaires avaient atteint

15 ce côté, cette façade-là du bâtiment qui avait complètement incendiée. Il

16 était absolument impossible d'y vivre. C'est dans ce sens-là que j'ai dit

17 que le bâtiment avait été complètement détruit. On n'a pas complètement

18 détruit, rasé au sol le bâtiment.

19 Q. Dites-nous, je vous prie, si c'était visible sur les photos du bâtiment

20 de Vranica, photographies que l'Accusation vous a montrées aujourd'hui ?

21 R. Je crois que oui. Je crois que oui, mais je ne suis pas tout à fait

22 sûr, vous savez ces photos-là sont plutôt des photographies informatives.

23 Ce sont des photographies qui ne démontrent pas tous les angles. Ce sont

24 des photos qui ne permettent simplement de voir mais le cadre n'est pas

25 tout à fait clair, il y a des branches d'armes qui ne nous permettent pas

26 de tout voir.

27 Mme ALABURIC : [interprétation] Je demanderais, Monsieur le Président, que

28 l'on montre au témoin de nouveau les photographies que l'Accusation lui a

Page 5131

1 montrées, il s'agit de la pièce P 09413, à la page 4. Je crois que ce n'est

2 pas cela, la page 4.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que c'est cela ? Voilà, vous verrez

4 qu'à l'angle droit vous verrez. Baissez un peu l'image vers le bas, je vous

5 prie. Vous verrez qu'à l'angle au côté inférieur droit vous verrez qu'on

6 peut voir des traces d'incendie.

7 Voilà. Voyez-vous ici au point inférieur droit, vous pouvez voir que le

8 bâtiment avait été incendié. Mais ce n'est pas à cet endroit-là que le

9 bâtiment a été incendié. Le bâtiment a été incendié partout, en haut, en

10 bas.

11 Mme ALABURIC : [interprétation]

12 Q. En s'agissant toujours de cette photographie, si nous pourrions

13 conclure que dans les appartements qui se trouvaient à côté de cette trace

14 d'incendie nous pouvons voir qu'il y avait quand même des habitants qui

15 étaient restés y vivre. Nous pouvons voir que les fenêtres sont ouvertes,

16 nous pouvons voir des fleurs, des plantes au balcon.

17 Dites-nous, est-ce que vous savez si outre les appartements qui étaient

18 complètement détruits, est-ce que vous savez s'il y avait des gens qui

19 étaient restés vivre dans ce bâtiment ?

20 R. Oui, tout à fait. A chaque endroit dans la ville où il y avait des

21 endroits où on pouvait vivre chaque lieu était habité. Mais cette partie-là

22 était incendiée.

23 Q. Je vous remercie. Serait-il juste de conclure que le bâtiment de

24 Vranica n'était pas tout à fait détruit, comme vous nous l'avez dit à la

25 page 15 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui ?

26 R. Oui. Si le mot "détruire" pour vous représente rasé au sol, oui,

27 effectivement, donc ce n'était pas le cas.

28 Q. Bien. Détruit, c'est-à-dire que vous nous pouviez pas vous asseoir.

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1 R. Oui. Vous savez, si vous détruisez ma chaise à moi, toutes les

2 personnes dans ce prétoire peuvent encore rester assis, alors que ce n'est

3 que ma chaise à moi qui est détruite. Alors, ces appartements-là étaient

4 détruits. Dans certains appartements d'aujourd'hui, encore aujourd'hui,

5 personne ne nie que ces appartements-là fussent incendiés.

6 Q. Nous parlons d'installations ou d'appartements individuels ?

7 R. Oui, tout à fait, parce que comme je vous ai dit, c'est un bâtiment qui

8 est très large et très haut.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Répondez lentement pour que la traduction puisse

10 suivre harmonieusement vos propos.

11 Mme ALABURIC : [interprétation]

12 Q. Dites-nous, Monsieur Saric, selon vous, est-ce que les moyens de

13 communication dans chaque armée est quelque chose de très important pour

14 cette armée ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si en cas de conflit entre deux

17 armées, chacune de ces deux armées essaient de savoir le plus qu'elle peut

18 concernant les moyens de communication de l'autre armée ?

19 R. Oui. C'est la tâche principale de chaque armée.

20 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire, si selon les lois de la guerre, et si

21 c'est habituel qu'une armée qui est en conflit avec une autre armée essaie

22 de détruire les moyens de communication de cette autre armée ?

23 R. Tout dépend de la façon dont la tactique militaire est menée. Il s'agit

24 de stratégies politiques. Il est absolument impossible de vous parler d'une

25 règle. La règle d'essayer de savoir ce que les autres ont comme moyen de

26 communication mais il n'est pas la règle de détruire les moyens de

27 communication de l'autre armée.

28 Q. Si nous avions des alternatives, à savoir, si vous voulez améliorer les

Page 5133

1 moyens de communications de l'armée ou détruire les moyens de l'armée

2 adverse, qu'est-ce que vous répondriez ?

3 R. Il est tout à fait certain que notre intention n'était pas d'améliorer

4 leur moyen de communication.

5 Q. Je vous remercie. Dites-nous, maintenant : si pendant que le 4e Corps

6 de l'armée de l'ABiH, c'est-à-dire, quand l'armée de l'ABiH a décidé de

7 cantonner son QG dans le bâtiment de Vranica qui est un immeuble où l'on

8 logeait ou, c'est-à-dire, un bloque appartement où les gens habitants, est-

9 ce que vous estimez en cas d'attaque sur l'armée de l'ABiH qui, selon la

10 logique de la chose comprend également les attaques sur le QG et sur le

11 centre des moyens de Communication -- des Transmissions, qu'à ce moment-là,

12 les civils étaient placés en très grand danger ? Ils pouvaient subir

13 énormément de pertes. Est-ce que vous savez pourquoi ? Est-ce qu'on aurait

14 décidé de placer dans un immeuble dans lequel il y avait des civils dans

15 cet immeuble-là, qu'on aurait décidé de placer le QG de l'armée et les

16 moyens de transmissions ?

17 R. Vous savez, dans plusieurs bâtiments dans lesquels vivaient des civils,

18 les QG du HVO étaient cantonnés ou des branches du HVO étaient placées.

19 Alors, c'est arrivé partout, dans chaque immeuble où les gens habitaient,

20 comme le mien, par exemple.

21 Q. Très bien. Donc, un jour, lorsque vous aurez --

22 L'INTERPRÈTE : Chevauchement. On demande aux deux interlocuteurs de ménager

23 des pauses entre les questions et les réponses.

24 Mme GILLETT : [interprétation] Je suis désolée. Je vais essayer de faire

25 attention.

26 Q. Je vous parle du commandement du QG de l'armée de l'ABiH. Vous ne

27 pouvez certainement pas tracer aucun parallèle avec le QG du HVO qui aurait

28 été cantonné dans un sous-sol d'un bâtiment, dans un immeuble d'habitation.

Page 5134

1 C'est la raison pour laquelle je vous pose la question. Est-ce que vous

2 saviez que les civils étaient particulièrement mis en danger lorsque vous

3 cantonnez un QG dans un immeuble d'habitation.

4 R. Comme je l'ai déjà dit, il y avait de 20 à 30 soldats qui étaient

5 stationnés. Cela ne ressemble au 4e Corps. Ce n'est pas le nombre d'hommes

6 qui constituaient le 4e Corps ou plutôt la

7 41e Brigade. Ce n'était que des segments des parties de ces dernières. Tous

8 les autres hommes qui étaient chargés des activités d'opérations étaient

9 cantonnés un peu partout, ailleurs. Le commandement-là était plutôt

10 symbolique. Le commandement avait un rôle, une symbolique. Mais là où il

11 était important que l'on procède à des attaques, ce n'était pas un si petit

12 nombre d'hommes.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : La question qui a été posée, j'allais dire

14 "essentielle." Alors, justement, les Juges vont aussi poser des questions.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Saric, qui a pris la

16 décision de placer le centre des Transmissions dans le bâtiment Vranica ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était sans doute un accord politique. La

18 décision n'avait pas été prise de la part du 4e Corps ou unilatéralement.

19 Il avait un accord avec le HVO. Il s'agissait d'un accord commun contre

20 l'ennemi serbe. C'étaient eux qui avaient déployés les positions à divers

21 endroits. Tout a été fait de concert avec eux.

22 Maintenant, qui sont les personnes qui se sont mises d'accord sur

23 certains points. Je ne peux pas vous le dire.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous apportez des éléments de réponse

25 mais dans la question antérieure de placer dans le sous-sol, le centre des

26 Transmissions qui est, dans toute armée du monde un centre névralgique.

27 Alors, même qu'il y a des civils qui habitent au-dessus. Est-ce que c'est

28 une décision rationnelle de placer le centre des Transmissions dans les

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1 locaux où habitent des civils puisqu'en cas de conflit, que ce soit les

2 Serbes ou X, Y, inévitablement, les obus allaient s'abattre sur ce lieu.

3 Voilà la question que vous a posée la Défense, que moi-même ce matin

4 j'avais envie de poser également. Alors, comme vous êtes le chef, vous

5 étiez le chef des transmissions, quel est votre point de vue à vous ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, il n'y a pas d'endroits qui étaient

7 particulièrement construits pour les besoins de l'armée du HVO et de

8 l'armée. Il n'y avait pas un seul bâtiment qui avait été destiné. Seulement

9 à l'armée, il n'y avait que des casernes qui se trouvaient au nord et au

10 sud de la ville. Ces casernes, bien sûr, ont servi pour les besoins de

11 l'armée du HVO et de l'armée : dans la partie sud, l'ABiH et dans la partie

12 nord, les casernes de Tihomir Misic. Il y avait le HVO. Il était tout à

13 fait normal que, dans de telles situations, on choisit des endroits un peu

14 éparpillés partout dans la ville dans laquelle on allait cantonner

15 certaines unités. C'était cela partout. Pour ce qui est du 4e Corps et du

16 centre des Transmissions, pour ce qui est des hommes qui étaient cantonnés,

17 là, dans le bâtiment Vranica, il n'y avait qu'une partie du système de

18 transmission de l'ABiH. Vous savez, pendant la nuit, c'est-à-dire, en une

19 seule soirée, ils ont complètement perdu leur importance, mais la vie a

20 continué.

21 Mme ALABURIC : [interprétation]

22 Q. Monsieur Saric, vous venez de nous dire que le HVO était cantonné dans

23 la caserne Tihomir Misic appelée le camp du nord, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous savez que le HVO a tenté avec le 4e Corps de l'ABiH de

26 se mettre d'accord sur le déploiement du 4e Corps au sud, dans la caserne

27 du sud, c'est-à-dire, de faire en sorte que les éléments du 4e Corps soient

28 extraits du bâtiment de Vranica ?

Page 5136

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous en savez ? A quel moment

3 est-ce que cela a commencé ? Qui a mené les pourparlers ?

4 R. J'ignore ces détails. Cela ne faisait pas partie de mes tâches et de

5 mes obligations. Je sais que d'abord, on a voulu changer d'importance les

6 unités. Alors, il est possible que certaines choses soient très

7 importantes, mais pour le commandement, non.

8 Donc, l'armée était cantonnée à l'hôtel Mostar qui avait déjà été

9 photographiée et sur l'une de ces photographies, lorsqu'on m'a demandé de

10 reconnaître le bâtiment de Vranica et c'est là qu'on est parvenu à un

11 accord que cet immeuble soit démilitarisé, c'est-à-dire que l'armée sorte

12 au complet de ce bâtiment pour qu'il ne reste plus de membres de l'armée,

13 vous savez ce qui est arrivé.

14 Q. Quoi ? Dites-nous.

15 R. Dès que l'ABiH avait quitté cet immeuble, les soldats du HVO sont

16 entrés à l'intérieur et ils ne sont plus sortis. C'était un accord qui

17 n'avait pas été respecté. Je ne sais pas qui n'a pas respecté l'accord ?

18 Pourquoi ? Je l'ignore. Je ne sais pas si, effectivement, il y a eu bel et

19 bien un tel accord. Je ne le sais pas. C'est ce que j'avais entendu dire.

20 Tout le reste était possible. Toutes les combinaisons possibles et

21 inimaginables étaient possibles.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est midi et demi. On est obligé d'arrêter. Donc,

23 on va faire une pause de 20 minutes et nous reprendrons dans 20 minutes.

24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 50.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il nous reste juste une heure, donc, il

27 faut terminer dans une heure.

28 Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai encore

Page 5137

1 deux questions à poser au témoin et je crois que j'en aurai terminé en

2 trois ou quatre minutes.

3 J'aimerais que l'on affiche à l'écran un document qui est le document 3D

4 00016. Un document qui fait partie des documents de la Défense de Praljak.

5 Je ne savais pas que j'allais utiliser ce document, c'est pourquoi je ne

6 l'ai pas fait figurer dans la liste que j'ai soumise à la Chambre et aux

7 collègues de l'Accusation, mais je pense que, si j'en mentionne la

8 référence, cela suffira.

9 Q. Monsieur Saric, je suppose qu'en lisant ce document, vous constaterez

10 qu'il s'agit d'un document datant du 21 avril 1993 et signé par M. Arif

11 Pasalic et Petar Zelenika. Je vous demanderais de lire à notre intention ce

12 document qui est un message, un communiqué destiné au public.

13 R. Je cite : "Un commandement conjoint sera créé en vue d'assurer le

14 départ de tous les soldats de l'ABiH --" - là, il y a un R qui manque - "--

15 adressé au camp sud de Konjic à la caserne Tihomir Misic et à la caserne de

16 l'Heliodrom. Les bâtiments existants et installations devront donc être

17 libérés et un déplacement devra se faire en direction des lignes ennemies.

18 Le délai accordé est de 48 heures après l'émission du présent ordre, le 23

19 avril à 13 heures."

20 Q. Monsieur Saric, pouvez-vous nous dire si le HVO a respecté cet accord,

21 pour autant que vous le sachiez ? Je vous rappellerai que vous nous avez

22 déjà dit que le HVO avait son siège dans la caserne Tihomir Misic.

23 R. Oui, dans la caserne Tihomir Misic, mais nous n'en avions pas terminé

24 de ce que nous discutions au sujet de l'hôtel Mostar.

25 Q. Mais le sujet qui nous occupe est le bâtiment Vranica et pas l'hôtel

26 Mostar. Nous n'avons pas de temps à consacrer à cela.

27 R. Oui, mais je n'ai pas dit tout ce que j'avais à dire sur ce bâtiment.

28 J'avais quelque chose à dire sur le bâtiment Vranica, à ajouter.

Page 5138

1 Q. Je ne vous ai pas interrogé au sujet de l'hôtel, donc ne perdons pas de

2 temps.

3 R. Désolé, mais je vous parlais du bâtiment Vranica.

4 Q. Pouvez-vous nous dire, pour autant que vous vous en souveniez, si

5 l'ABiH a respecté l'accord conclu le 21 avril 1993 ?

6 R. Je pense que oui, compte tenu du déploiement qui a été effectué.

7 Q. L'ABiH a-t-elle quitté le bâtiment Vranica et s'est-elle redéployée

8 dans les lieux dont les noms figurent dans le communiqué, c'est-à-dire, à

9 Konak et dans le camp sud ?

10 R. Que voulez-vous dire, vous parlez de tous les soldats ?

11 Q. Oui. Est-ce que le bâtiment Vranica a été abandonné, oui ou non ?

12 R. Non, il ne l'a pas été.

13 Q. Je vous remercie, je n'ai plus de questions sur ce sujet et j'en arrive

14 à ma dernière question pour laquelle je demanderais que soit affiché grâce

15 au système e-court le document 4D 00071.

16 Monsieur Saric, si vous en avez la possibilité, je vous demanderais de lire

17 rapidement le contenu de ce document qui est en fait le procès-verbal de

18 votre interrogatoire établi le 10 juillet 1993 par M. Frano Primorac et M.

19 Toni Ramljak, tous deux membres de la police militaire du SIS. Pouvez-vous

20 nous dire si ceci correspond bien à la déclaration que vous avez faite au

21 cours de cet interrogatoire ?

22 R. Ce document comporte de très nombreux éléments d'information, mais sa

23 rédaction correspond aux intérêts de ceux qui ont établi ce document. Je

24 n'ai pas tout en mémoire puisque pas mal de temps est passé depuis, mais,

25 personnellement, j'ai rédigé ma déclaration par écrit et ensuite, plusieurs

26 jours plus tard, elle a été dactylographiée. Je ne sais pas qui s'est

27 chargé de dactylographier ma déclaration, je n'ai vu ni Ramljak, ni l'autre

28 homme dont vous avez cité le nom, en train de le faire. Ce qui est écrit

Page 5139

1 ici comporte toutes sortes de déclarations farfelues, ou en tout cas, la

2 formulation ne correspond pas à ce que j'ai dit. De très nombreux éléments

3 d'information figurent dans ce texte.

4 Q. Avec votre autorisation, je vous poserais une dernière question. Sur la

5 base de ce que vous venez de dire, il s'en suit que la déclaration que vous

6 avez mise par écrit de votre main lorsque vous étiez assis au petit bureau

7 dans cette pièce est différente du procès-verbal de votre interrogatoire ?

8 R. Il est certain que la présentation est différente, mais je ne me

9 souviens plus si la formulation correspond exactement à ce que j'ai dis.

10 Q. Mais ce document est rédigé en langue croate. Vous avez peut-être une

11 manière un peu différente de vous exprimer, mais ce ne sont pas les mots

12 qui importent littéralement, c'est le fond, la teneur de ce document, le

13 sens, qui importe.

14 R. Il y a de nombreux éléments qui ne sont pas exacts dans ce document.

15 Q. Est-ce que cela signifie que votre déclaration manuscrite diffère

16 fondamentalement de ce procès-verbal ?

17 R. Non, non. Pas fondamentalement.

18 Q. Merci.

19 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu du peu

20 de temps qu'il nous reste, je n'ai pas d'autres questions, je vous

21 remercie.

22 Q. Merci, Monsieur Saric.

23 R. Merci à vous également.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Défense va demander le versement de ce

25 document, 71 ?

26 Mme ALABURIC : [interprétation] Le document 3D 00016 de la Défense Praljak

27 est déjà versé au dossier et nous demandons le versement au dossier du

28 document 4D 00071, effectivement, Monsieur le Président.

Page 5140

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre statuera, étant précisé qu'en

2 regardant le document B/C/S, sous son nom, il n'y a pas la signature.

3 Suivant.

4 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je

5 vais essayer d'être la plus succincte possible, mais il est possible que M.

6 Coric, après les questions que j'aurais posées, souhaite en poser quelques-

7 unes de son côté.

8 Contre-interrogatoire par Mme Tomasegovic Tomic :

9 Q. [interprétation] Monsieur Saric, je m'appelle Tomasegovic Tomic, et je

10 suis un conseil de la Défense de M. Coric. Je vais vous demander quelques

11 explications complémentaires, et à cette fin je vous demande votre aide. Si

12 j'ai bien compris, lorsque vous étiez dans la Faculté du génie mécanique,

13 ce séjour a duré du 7 au 9 juillet 1993, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous y êtes arrivé le 7 -- d'ailleurs, je vous demanderais un

16 éclaircissement à ce sujet car j'ai un peu de mal à suivre.

17 R. Tout cela s'est passé il y a très longtemps. Je ne me souviens pas de

18 tous les détails. Les choses correspondent à ce qui est écrit.

19 Q. Bien. Rappelons-nous ce qui s'est passé jour après jour. Vous avez été

20 arrêté le 7 juillet et vous avez été emmené à la Faculté du génie mécanique

21 où vous avez passé la nuit. Ce premier jour, vous avez été emmené dans une

22 pièce où vous avez mis par écrit une déclaration, ensuite vous avez passé

23 la nuit à cet endroit, si j'ai bien compris. Que s'est-il passé le

24 lendemain, le 8 juillet ?

25 R. Une attente. Seulement une attente.

26 Q. Une attente. Ensuite, arrive le lendemain, le 9 juillet. Vous passez

27 encore une nuit, puis arrive le 9 juillet. Le 9 juillet, d'après ce que

28 vous avez dit, vous avez été interrogé. C'est le

Page 5141

1 9 juillet que vous quittez la Faculté du génie mécanique; c'est cela que

2 j'aimerais comprendre ?

3 R. C'est sans doute qui s'est passé.

4 Q. Bien. Dites-moi, ce jour-là, si j'ai bien compris, vous n'avez pas

5 quitté la pièce dans laquelle vous étiez détenu hormis le moment où on va

6 emmener à l'interrogatoire.

7 R. J'ai quitté la pièce mais pas le sous terrain, pas le sous-sol. Je

8 pouvais aller aux toilettes.

9 Q. Encore un éclaircissement. Dans votre déclaration préalable vous

10 affirmez que pendant trois jours vous n'avez pas pu aller aux toilettes car

11 vous n'aviez pas le besoin d'utiliser les toilettes puisque on ne vous a

12 rien donné ni à boire ni à manger.

13 R. Je n'ai pas marché.

14 Q. Vous n'avez donc pas marché, vous êtes, par conséquent, resté dans la

15 pièce. Est-ce que cela signifie que c'est bien le cas ? Pouvez-vous

16 répondre par oui ou par non ? Cela signifie-t-il que vous êtes resté dans

17 la pièce et que vous n'avez absolument pas circulé ?

18 R. Est-ce que cela signifie que j'ai utilisé ou pas les toilettes.

19 Q. En effet.

20 R. Je ne les ai pas utilisées.

21 Q. Vous ne les avez pas utilisées. Maintenant, êtes-vous sorti de la pièce

22 où vous vous trouviez pour une autre raison que pour aller à

23 l'interrogatoire ?

24 R. Je suis allé aux toilettes, mais quand j'ai vu un corps sans vie, je

25 suis rentré dans ma pièce.

26 Q. Quel jour avez-vous vu ce corps sans vie ?

27 R. Je ne peux pas vous le dire avec précision. Cela a eu lieu pendant les

28 trois jours. Je crois que c'était le dernier jour.

Page 5142

1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi. Je

2 comprends bien que vous souhaitez gagner du temps, mais vous ne gagnerez

3 pas du temps en parlant très vite et en vous chevauchant en parlant en même

4 temps, cela ne fera que ralentir les débats. Les interprètes sont

5 totalement essoufflés et pour notre part nous tenons beaucoup à être sûrs

6 d'avoir tout entendu aussi bien ce que dit le témoin intégralement que ce

7 que dit le conseil.

8 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je prêterai attention à votre

9 avertissement, Monsieur le Juge. Je vous remercie.

10 Q. Monsieur Saric, par conséquent, vous avez déclaré que vous n'êtes sorti

11 de la pièce que ce troisième jour, le 9, pour aller aux toilettes.

12 R. Pour aller aux toilettes.

13 Q. Dans votre déclaration écrite, vous avez parlé de deux pièces

14 différentes, et la première vous l'appelez la salle de torture quant à la

15 deuxième vous l'appelez l'abattoir.

16 R. Oui.

17 Q. Pendant ces trois jours qu'a duré votre séjour dans le sous-sol, avez-

18 vous personnellement assisté à des tortures ou à la liquidation de

19 quelqu'un dans la pièce que vous appelez la salle de torture ou dans

20 l'autre pièce que vous appelez l'abattoir ?

21 R. La première nuit de notre séjour un groupe de soldats est arrivé, qui

22 semblait chercher quelqu'un, ces soldats avaient des lampes de poche. Il

23 faisait nuit, donc, je n'ai rien pu voir, mais ils ont frappé quelqu'un, et

24 depuis l'endroit où les choses se passaient nous avons entendu que

25 quelqu'un était en train de se faire passer à tabac. Est-ce que cet homme

26 est mort ou pas, je n'en suis pas sûr, mais en tout cas, ils ont frappé

27 quelqu'un cette nuit-là.

28 Q. Ce n'était pas da la pièce que vous appelez la salle de torture que

Page 5143

1 cela se passait.

2 R. Vous savez, il y avait une, deux, trois, cellules, et l'endroit où ils

3 torturaient les gens était tout près, la pièce que j'appelle la salle de

4 torture était tout près. Si on était debout à la porte c'était comme si on

5 était dans l'autre pièce.

6 Q. Donc vous ne pouvez pas dire exactement où cela se passait.

7 R. Dans la cave.

8 Q. Dans la cave, mais à quel endroit de la cave exactement vous ne sauriez

9 le déterminer ?

10 R. Non.

11 Q. Dites-moi, si vous pouvez ou pas répondre à ma question ? Je ne vous

12 demande pas si c'est important ou pas.

13 R. Je ne sais pas ce que vous me demandezé

14 Q. Je vous demande si vous savez exactement à quel endroit précis ce que

15 vous avez entendu a eu lieu. Vous avez dit avoir entendu le bruit de coup.

16 Est-ce que vous pouvez situer exactement l'endroit où cela s'est passé, ou

17 est-ce que plus généralement vous n'êtes capable de dire que cela s'est

18 passé dans la cave ?

19 R. Cela s'est passé dans l'espace situé entre la cellule numéro 3 et la

20 salle de torture. Maintenant, est-ce que c'était plus à l'intérieur ou

21 moins à l'intérieur, ou à la frontière entre les deux espaces, je ne

22 saurais le préciser, mais c'était à cet endroit-là.

23 Q. J'aimerais maintenant revenir sur la partie de votre déclaration

24 préalable où vous dites avoir vu une personne que vous désignez sous le nom

25 de Hebibovic, mais vous n'êtes pas sûr de son nom. Vous avez vu un corps

26 sans vie dans le couloir et décidé à ce moment-là de ne pas aller jusqu'aux

27 toilettes.

28 R. En effet.

Page 5144

1 Q. Ma consoeur, Me Alaburic, au cours des questions qu'elle vous a posées,

2 vous a soumis votre déclaration faite aux représentants du bureau du

3 Procureur de ce Tribunal le 16 janvier 1998. J'aimerais vous rappeler une

4 partie de cette déclaration préalable.

5 Dans laquelle vous dites, je cite : "Dans la pièce où nous nous trouvions

6 et dans les pièces voisines est arrivé un homme qui venait de Glavaticevo,

7 dans la municipalité de Konjic. Il nous a dit qu'ils nous avaient détenus

8 dans un endroit qui se trouvait dans la vallée non loin de la centrale

9 électrique de Salakovac. Il a dit que des civils avaient été détenus à cet

10 endroit, qu'ils avaient été frappés le premier jour, et qu'ils avaient

11 entendu les coups. Qu'un homme était allongé sur le sol dans le couloir.

12 Qu'il s'appelait Hebibovcic. Il ne connaissait pas son prénom. Les gens qui

13 se trouvaient dans la même pièce que moi passaient à côté de lui, ils ont

14 vu qu'il était allongé sur le sol et ils l'ont entendu hurler."

15 Dans votre déclaration préalable je ne vois nulle part mention du fait que

16 vous avez vu le corps de cet homme allongé sur le sol dans le couloir. Je

17 vous demande de bien vouloir m'expliquer la différence qui existe entre vos

18 propos et aujourd'hui dans ce prétoire et le passage de votre déclaration

19 préalable écrite que je viens de vous lire.

20 R. Ecoutez, Madame, tout cela s'est passé dans un espace de 15 mètres

21 carrés, 20 mètres carrés. Tout ce qui se passait on se rendait compte, mais

22 on ne voyait pas tout. Tout ce qui se passait dans cet espace était tout à

23 fait clair, tout à fait évident pour les oreilles et pour les sentiments

24 pour les autres sens également.

25 Q. Je vous demande de ne pas [imperceptible]. Est-ce que vous avez vu le

26 corps de cet homme sans vie, ou est-ce que vous ne l'avez pas vu mais que

27 vous en avez entendu parler par une tierce personne ?

28 R. J'ai entendu parler de la présence de ce corps sur le sol dans le

Page 5145

1 couloir, ensuite je suis allé aux toilettes et je l'ai vu de mes yeux. Je

2 savais qu'il était là. Il était déjà mort, à ce moment-là. Il ne

3 manifestait pas le moindre signe de vie. D'ailleurs, jusqu'à ce moment-là,

4 on entendait des bruits venant de sa part qui devenaient de plus en plus

5 rares au fil du temps.

6 Q. Donc, aujourd'hui, vous déclarez que vous l'avez vu de vos yeux.

7 R. Je l'ai vu allonger sur le sol, oui.

8 Q. Au début de votre interrogatoire, vous avez déclaré que vous aviez été

9 auditionné une fois par le tribunal de Bosnie-Herzégovine dans le cadre

10 d'un procès intenté à Zeljko Dzidic. Ce témoin s'est-il fait; a-t-il eu

11 lieu dans le tribunal régional de Mostar ?

12 R. Je ne sais pas quel était le tribunal. Le juge s'appelait Ivro Bulic.

13 Je ne sais pas qui d'autres participaient à cela.

14 Q. Mais vous avez été entendu par le tribunal de Mostar dans le procès

15 intentés à M. Dzidic, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Savez-vous à quel moment vous avez été entendu ?

18 R. Je ne m'en souviens pas.

19 Q. Vous avez déclaré aujourd'hui qu'on ne vous a pas interrogé au sujet

20 des circonstances dont vous avez fait état ici, aujourd'hui, dans le cadre

21 de votre déposition devant ce Tribunal. Ceci est-il exact ?

22 R. Je ne comprends pas votre question.

23 Q. Je vais la reformuler. Dans le cadre de votre audition à Mostar, vous

24 a-t-on posé des questions au sujet de la situation liée à la Faculté du

25 génie mécanique dont vous avez parlé ici, aujourd'hui ?

26 R. Oui, quand je dis que les sujets étaient différents, je pensais à

27 l'Heliodrom et à tout le reste. Je ne pensais pas uniquement à la Faculté

28 du génie mécanique.

Page 5146

1 Q. Je demanderais que l'on affiche sur le système e-court la pièce 5D

2 00515.

3 Maintenant, que nous avons le document, je souhaite vous poser

4 quelques questions juste avant de l'examiner. Dans le cadre de cette

5 procédure, vous a-t-on posé des questions qui portaient sur le meurtre de

6 Hebibovic qui est mentionné ici comme la personne que vous avez vue dans le

7 couloir ?

8 R. Oui, je pense que cela a été le sujet principal. Je n'en suis pas

9 certain mais vous avez tous les documents, l'intégralité des documents au

10 Tribunal.

11 Q. Je voudrais demander au témoin d'examiner le document mis à part de ce

12 qui est biffé. Est-ce que le témoin peut essayer de rafraîchir la mémoire ?

13 S'agit-il bien de cette déclaration qui a été donnée dans le cadre de

14 l'affaire que je viens de mentionner à Mostar ?

15 Monsieur Saric, à partir du moment où vous aurez lu ces deux derniers

16 paragraphes, pourriez-vous m'avertir pour qu'on tourne la page ?

17 R. Oui, c'est bon.

18 Q. Est-ce qu'on peut montrer la deuxième page ?

19 R. Oui.

20 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir un

21 petit peu ? Les deuxièmes et troisièmes paragraphes de cette page, pouvez-

22 vous en prendre connaissance, s'il vous plaît ? Le troisième paragraphe et

23 le troisième, est-ce qu'on peut les agrandir ?

24 Q. Je peux vous en donner lecture.

25 R. Oui, s'il vous plaît.

26 Q. Donc, ce que vous dites dans votre déclaration, deuxième paragraphe, je

27 vais vous le citer précisément, les cinq dernières lignes. Vous dites :

28 "Ces gémissements ont pu être entendus jusqu'au matin. Le matin, certains

Page 5147

1 sont allés dans les WC, c'est là qu'ils ont dit avoir vu un homme mort. Je

2 ne suis pas sorti et je ne l'ai pas vu. De la part de cet homme qui a

3 cherché de l'eau auprès de nous, j'ai entendu dire que cet homme tué

4 s'appelait Hebibovic. Il a dit que cet homme était de Konjic, me semble-t-

5 il, de Glavaticevo."

6 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela devant le tribunal de Mostar ?

7 R. Je suppose que oui car je sais, lorsque j'y suis allé, je l'ai vu.

8 Q. Je vous remercie. Donc, vous avez déclaré cela aujourd'hui. Dans le

9 cadre de votre déposition, vous avez dit la chose suivante : Pendant les

10 trois journées que vous avez passées à la Faculté du génie mécanique vous

11 n'avez reçu ni à boire ni à manger ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce exact ?

14 R. Oui.

15 Q. D'après votre déposition aujourd'hui et d'après ce que l'on vient de

16 lire à l'instant, il ressort que quelqu'un qui était placé dans une autre

17 pièce se soit rendue auprès de vous pour chercher de l'eau.

18 R. Oui. Mais il n'y avait pas d'eau.

19 Q. Il n'y avait pas d'eau. Alors, ce même document que nous avons encore

20 sous les yeux, est-ce qu'on peut voir la page 4 ?

21 Dans l'en-tête, on lit 63.

22 Je vais vous donner lecture du septième paragraphe. On y lit la chose

23 suivante : "Azra Penava a posé la question qui était de savoir d'où ils

24 avaient reçu de l'eau dans leur pièce où ils se sont trouvés et leur a

25 demandé s'ils recevaient la nourriture. Le témoin a déclaré qu'il ne savait

26 pas d'où était arrivé l'eau, mais qu'il y avait une bouteille en plastique

27 contenant de l'eau et que la nourriture, ils l'ont reçu le lendemain."

28 Est-ce que vous vous souvenez avoir déclaré cela ?

Page 5148

1 R. Vraiment, je ne sais pas d'où cela vient ?

2 Q. Donc, vous n'arrivez pas à vous souvenir ?

3 R. Non, car je n'ai pas vu cette eau.

4 Q. Je voudrais maintenant reprendre quelque chose que l'on trouve au début

5 de votre déclaration et je trouve que cela prête à confusion. Dans votre

6 déclaration, lorsqu'on vous a arrêté dans cette maison qui appartenait à

7 votre ami, vous avez dit que sous le lit dans lequel vous avez dormi on a

8 trouvé une Kalachnikov, mais cette Kalachnikov ne vous appartenait pas mais

9 plutôt que cela appartenait à votre ami ?

10 R. Oui.

11 Q. Mais j'aimerais savoir pourquoi votre aurait-il placé cette arme, cette

12 Kalachnikov sous votre lit ? Est-ce que vous avez une fonction de gardien -

13 - de policier ?

14 R. Mais peut-être qu'il en avait d'autres qu'il gardait dans le sous-sol

15 ou autre. Ici, il y avait juste l'arme mais il n'y avait pas de munitions.

16 Le chargeur était vide. Je ne sais pas pourquoi c'était posté ici ?

17 Q. Mais vous ne savez pas. Cela ne vous étonne qu'il ait placé sous votre

18 lit ?

19 R. Vraiment, je ne sais pas.

20 Q. Vous en avez parlé à votre ami ?

21 R. Non, jamais.

22 Q. Avant que l'arme ne soit trouvée ?

23 R. Non.

24 Q. Mais comment savez-vous alors que l'arme était vide, qu'il n'y avait

25 pas de munitions ?

26 R. Parce que, lorsque je l'ai pris, j'ai vu qu'il n'y avait pas de

27 munitions.

28 Q. Très bien.

Page 5149

1 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. Je

2 le donne à M. Coric.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Coric.

4 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 Contre-interrogatoire par l'accusé Coric :

6 Q. [interprétation] Je suis Valentin Coric, Monsieur Saric. Je suis

7 accusé ici. Mme l'Avocate a pratiquement épuisé toutes les questions que

8 j'allais vous poser, donc, il m'en reste quasiment une. Entre le 9 mai et

9 le 7 juillet 1993, pendant que vous vous cachiez, que faisiez-vous ? Est-ce

10 que vous faisiez autre chose en plus de vous cacher ?

11 R. Il y avait pas mal d'activités. Je lisais des livres. Je réparais des

12 engins électroniques, et cetera.

13 Q. Merci. Pendant ce temps-là, est-ce que vous avez entretenu un contact

14 quel qu'il soit avec votre commandement ?

15 R. Non.

16 Q. Avec personne, absolument personne ?

17 R. Personne.

18 Q. Alors comment est-ce que vous êtes arrivé à Ilici ?

19 R. A pied.

20 Q. Par quel itinéraire ?

21 R. De Susinska Buna vers Rondo, de Rondo à Ilici et en passant par les

22 marais jusqu'à ce site.

23 Q. Nous, qui connaissons bien Mostar, pourrions-nous dire que c'était les

24 chemins les plus utilisés par aller à Ilici ?

25 R. Oui.

26 Q. Mais vous qualifiez cela le fait de se cacher ?

27 R. Oui.

28 Q. Mais vos camarades du Corps d'armée, est-ce qu'ils ont lancé un avis de

Page 5150

1 recherche pour vous retrouver pendant qu'ils ne savaient pas où vous

2 étiez ?

3 R. Cela, je ne sais pas. Je n'en ai jamais entendu parler.

4 Q. Vraiment, jamais ?

5 R. Jamais.

6 Q. Lorsque vous êtes sorti en avril 1994, est-ce que vous avez fait

7 l'objet d'audition de la part des organes de sécurité du

8 4e Corps ?

9 R. Quand je suis sorti du camp, j'ai repris mes fonctions de chef des

10 transmissions immédiatement. Bien entendu, j'ai fait une déclaration sur ce

11 que j'ai subi pendant cette période.

12 Q. Mais vous connaissez bien la structure militaire, vous savez bien ce

13 qui en est des responsabilités, en particulier pendant la guerre. Alors,

14 comment est-ce que vous réagissez en envisageant le fait que votre

15 commandant n'avait pas de contact avec vous ?

16 R. Je n'avais pas de contact, mais mon épouse était en vie, elle est

17 restée derrière.

18 Q. Mais c'était elle votre contact avec votre unité.

19 R. Oui. Puis, tous les autres membres de ma famille ont appris que j'étais

20 parti.

21 Q. Donc, ils savaient que vous étiez à Ilici ?

22 R. Non, mais que j'étais à l'Heliodrom.

23 Q. Oui, cela on comprend.

24 R. Mais Ilici, personne ne le savait, sauf mon épouse. Je pense que

25 personne ne le savait.

26 Q. J'en ai terminé avec cette partie-là. Il ne me reste que quelques

27 questions brèves.

28 Ces gens avec qui vous vous êtes retrouvé dans ces cellules

Page 5151

1 d'isolement, mais ce n'était pas des cellules d'isolement, en fait, il y

2 avait deux à sept hommes dans ces pièces. D'après quels critères est-ce

3 qu'on les plaçait dans ces cellules ? Parce qu'on savait qu'il y avait

4 d'autres personnes placées à d'autres étages qui se sont trouvées par

5 centaine ailleurs.

6 R. Mais c'est vous qui devriez me dire quels étaient les critères de

7 sélection pour répartir les gens. Je ne le sais pas.

8 Q. Lorsqu'on aura échangé les rôles, vous pourrez me poser des questions.

9 L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent, l'interprète ne peut pas suivre.

10 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation]

11 Q. C'est moi qui vous pose des questions, ne me posez pas des questions à

12 votre tour. Donc, quel a été le critère de cette sélection ? Pourquoi vous

13 a-t-on placé dans cette cellule ?

14 R. J'ai supposé que c'était parce que j'étais officier de l'ABiH.

15 Q. Tout ceux qui étaient avec vous étaient des officiers ?

16 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Je présente mes excuses aux interprètes.

17 Q. D'après ce que je vois, il y a avait quand même des contacts entre vous

18 qui étaient placés dans les différentes cellules ?

19 R. Oui.

20 Q. Je suppose que vous avez pu parler aux collègues qui étaient là,

21 également. Est-ce qu'avant d'arriver dans les cellules, vous en avez

22 parlé ?

23 R. Non.

24 Q. Vous n'avez pas éprouvé le besoin d'en parler ?

25 L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

26 j'en ai terminé.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

28 Maître Ibrisimovic.

Page 5152

1 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je n'ai que

2 quelques questions à poser. Il me faut faire très attention au temps.

3 Contre-interrogatoire par M. Ibrisimovic :

4 Q. [interprétation] Donc, Monsieur Saric, essayez, s'il vous plaît, de

5 répondre brièvement à mes questions qui seront brèves pour qu'il reste

6 éventuellement du temps pour nos autres collègues.

7 A votre arrivée à l'Heliodrom, vous avez dit que pratiquement vous ne

8 connaissiez personne, pour ce qui est de la structure du HVO et du

9 personnel sur place.

10 R. Oui.

11 Q. Le seul contact que vous avez pu avoir, c'était avec des gardes.

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez donné une déclaration en août de l'an 2002 - je vais vous

14 donner lecture d'une phrase - vous avez dit que vous n'avez pas eu

15 l'occasion de connaître la structure du commandement à l'Heliodrom ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous avez mentionné un nom, le nom de Smiljanic. Vous avez dit qu'il

18 était responsable du camp, qu'il était le commandant du camp ?

19 R. Donc, j'ai dit que j'ai entendu cette information et non pas que je le

20 savais exactement.

21 Q. M. le Juge Mindua vous a posé une question à laquelle vous avez répondu

22 que M. Pusic est quelqu'un que vous n'avez jamais rencontré, vous ne le

23 connaissiez pas.

24 R. Même encore aujourd'hui. Je n'ai jamais eu l'occasion de le voir.

25 Q. Le nom Mile Pusic, cela vous dit quelque chose ?

26 R. Non.

27 Q. Ivica Pusic ?

28 R. Non, aucun Pusic.

Page 5153

1 Q. En plus de ces deux déclarations que vous avez fournies en janvier

2 1998, en août 2002, vous avez fourni cette déclaration en 1993, à

3 l'administration de la police militaire. Peu après votre sortie de

4 l'Heliodrom en juillet 1995, vous avez fait une déclaration au CSB de

5 Mostar, n'est-ce pas ?

6 Puis, au Tribunal cantonal de Mostar en l'an 2000 ? Peut-être que

7 vous ne vous rappelez pas toutes ces déclarations, mais il y en avait cinq

8 ou six en tout que vous avez fournies et qui portaient sur ces événements.

9 Vous avez mentionné beaucoup de personnages qui ont participé aux mêmes

10 événements que vous; est-ce exact ?

11 R. Oui.

12 Q. J'ai pris connaissance de toutes ces déclarations, nulle part

13 n'avez-vous mentionné le nom de M. Pusic.

14 R. C'est probable.

15 Q. Je les ai lu, je vous dis que non.

16 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je vous remercie, je n'ai pas d'autres

17 questions.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernier avocat avant de donner la parole à M.

19 Praljak.

20 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, j'avoue que je ne vous

21 ai pas entendu parce que je n'avais pas le casque.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous ai donné la parole.

23 Mme NOZICA : [interprétation] Je vous en remercie.

24 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

25 Q. [Interprétation] Monsieur Saric, je suis Senka Nozica. Je suis conseil

26 de M. Stojic. Je vais vous poser quelques questions très brèves et je

27 tiendrai ma promesse, à savoir, je laisserai du temps pour M. Praljak.

28 S'il vous plaît, de manière générale, les personnes habilitées, que vous

Page 5154

1 considériez comme habilitées, comment elles se comportaient à votre égard

2 pendant que vous étiez à la Faculté du génie mécanique ?

3 R. C'était correct, à savoir, personne ne m'a battu, si on peut dire que

4 c'est cela qui implique une attitude correcte.

5 Q. S'il vous plaît, pendant qu'on parle de l'Heliodrom, là où vous vous

6 êtes trouvé stationné, est-ce qu'il y avait aussi des Croates ?

7 R. Oui. Mais ils ne restaient que très brièvement là-bas. Généralement,

8 c'était soit des criminels, soit des gens qui avaient enfreint la

9 discipline militaire. Ils ne restaient que très brièvement, mais il y en

10 eu.

11 Q. Est-ce qu'il s'en est trouvé avec vous dans la même pièce ?

12 R. Un seul. Qui n'est resté que peu de temps. Il était de Prozor, me

13 semble-t-il, il s'appelait Ante. Mais il restait si peu de temps que je

14 n'ai dû le citer nulle part. Peut-être que l'ai cité quelque part, c'était

15 un petit criminel, un informateur de police. Il est resté très peu de

16 temps. Donc, c'était le seul homme qui ne faisait pas partie du même groupe

17 national ethnique que nous. Puis, il y avait un homme de Split, on

18 l'appelait Splico [phon]. Puis, d'autres qui ont dû se trouver sur le front

19 et puis, je ne sais pas ce qu'ils ont fait par la suite, mais, enfin, ils

20 venaient là, ils passaient une nuit ou deux, et après ils étaient libérés.

21 Q. Peu avant qu'on ne vous emmène à la Faculté du génie mécanique, quelles

22 ont été vos fonctions ? Vous nous avez dit qu'au sein du

23 4e Corps, vous étiez un officier haut placé. Là je parle de la période qui

24 précède votre arrestation et le fait qu'on vous ait emmené à la Faculté du

25 génie mécanique.

26 R. Je devais diriger le centre de Transmission. Ce centre assure qu'il y

27 ait contact et transmission entre le commandant et ses collaborateurs et

28 entre le commandement et les différentes unités subalternes ainsi qu'entre

Page 5155

1 le commandement et le commandement supérieur.

2 Q. D'une certaine façon, on peut dire que vous étiez membre du

3 commandement ? Est-ce que vous avez pris part à ces transmissions, est-ce

4 que vous avez signé des documents ? Est-ce qu'il y a des documents qui

5 portent votre signature ?

6 R. Non.

7 Q. Je ne vous ai pas compris.

8 R. Mais c'était la première période d'existence du centre de Transmission

9 du 4e Corps. Donc, c'était la logistique et le commandement.

10 Q. Donc, vous voulez dire que vous, vous n'envoyez pas ces messages ?

11 R. Je ne le faisais pas, je ne signais pas d'ordre. Ce qui était ma tâche,

12 mais je ne le faisais pas.

13 Q. Est-ce que vous transmettiez des rapports ? Est-ce qu'il y a des

14 rapports rédigés de votre main ?

15 R. Mais naturellement qu'il y en a eu. Il fallait parfois faire des

16 rapports oralement ou par écrit.

17 Q. Je vous remercie. Je vous demanderais la chose suivante, car c'est la

18 course contre la montre, donc, il faut nous dépêcher.

19 Mme NOZICA : [interprétation] Je demanderais seulement de montrer au témoin

20 la pièce 2D 00083.

21 Q. Pourriez-vous je vous prie jeter un coup d'oeil sur ce rapport, et est-

22 ce que vous pourriez nous dire s'il s'agit bien de rapport rédigé par vous-

23 même ?

24 R. Non, ce n'est pour autant mon écriture. Ce n'est pas mon écriture.

25 Maintenant il faudrait que j'en prenne connaissance.

26 Q. Est-ce que c'est votre signature par contre au bas de la page ?

27 R. Oui.

28 Q. Donc, quelqu'un a écrit --

Page 5156

1 R. Seulement la signature est la mienne, mais quelqu'un d'autre a rédigé

2 ce rapport. Ce n'est pas mon écriture.

3 Q. Je vais vous donner lecture : "De la part du commandant du Bataillon de

4 Montagne Prozor en passant par le commandement du

5 3e Corps, Strictement confidentiel, numéro 02-2870-1/93.

6 "Nous vous envoyons ce document pour que vous puissiez en prendre

7 connaissance."

8 Le texte est le suivant : "Le 7 août 1993, dans la soirée dans la région de

9 Scipe --" - ce qui voudrait dire village de Scipe, S pour Selo village - "-

10 -pour ce qui est du HVO ils ont procédé à des provocations par armes

11 d'infanterie."

12 R. Je ne peux pas suivre puisque je ne l'ai pas à l'écran.

13 Q. Je suis étonnée que vous ne l'ayez pas à l'écran, puisque je l'ai à

14 l'écran. Quelque chose ne fonctionne pas avec l'écran, du moniteur du

15 témoin. Est-ce que vous pourriez vérifier, je vous prie ?

16 R. Je le vois à l'écran, mais ce que vous voyez je ne le vois pas. Il

17 faudrait qu'on le déplace légèrement. Maintenant, je vois. Maintenant, oui,

18 parce que c'était un peu trop -- ce n'était pas bien placé.

19 Q. Bien, je vais recommencer à partir du deuxième paragraphe.

20 R. Vous n'êtes pas obligé de continuer la lecture. Je vais dire de quoi il

21 s'agit. C'est un rapport journalier, la personne qui était de service du

22 corps envoyait ceci au commandant.

23 Q. Avec votre permission, je souhaiterais bien le lire.

24 R. Poursuivez.

25 Q. "On procède à la provocation par armes d'infanterie. J'ai envoyé une

26 patrouille qui a arrêté et désarmé Ivanko Abram, membre de la 3e Compagnie

27 d'Uzedol. Ensuite, j'ai envoyé une équipe de 12 personnes pour prendre

28 Vilic Brdo, c'est une côte qui domine le village d'Ivanici depuis le

Page 5157

1 village de Pajici. C'est de là que la menace se fait pour nos forces. Au

2 cours du 8 avril 1993, les forces du HVO, les forces qui ont agi grâce à

3 l'aide -- d'attaques d'infanterie ont essayé d'enlever cette côte, mais

4 cette attaque a été repoussée."

5 Est-ce que c'est exact ?

6 R. Oui, il s'agit de -- probablement que oui. Ce n'est pas moi, qui ai

7 rédigé ce rapport, c'est un rapport journalier. Qu'est-ce que vous

8 intéresse ici ?

9 Q. Ce qui m'intéresse est de savoir si vous vous souvenez de ce rapport et

10 si vous vous souvenez l'avoir signé.

11 R. Je ne me souviens absolument pas de cela, mais si vous voyez cette

12 partie-ci, où on peut lire compte tenu du texte -- cela veut dire que c'est

13 un rapport que l'on a pris -- que l'on a obtenu du terrain, c'est-à-dire,

14 on l'a reçu ce texte du terrain. Par la suite, il y a eu un complément.

15 J'étais sur le terrain en tant qu'officier de service tous les jours, et

16 c'était un rapport journalier. Tous les jours on recevait des rapports

17 comme cela, des rapports qui faisaient état de la situation sur le terrain.

18 Q. Justement ce qui m'intéresse c'est la situation sur le terrain en date

19 du 11 avril 1993.

20 En dernier lieu, je vais soulever une -- en fait, je vais vous demander de

21 nous donner une précision concernant une déclaration que vous avez donnée,

22 il y a également une contradiction quant à ce que vous avez dit aujourd'hui

23 concernant la mort supposée de

24 M. Hebibovic.

25 Mme NOZICA : [interprétation] Je vais demander que l'on place le document

26 qui porte le numéro ERN RR 043775, donc, un document émanant du Procureur.

27 Je demanderais que l'on place ce document sur l'e-court électronique ou

28 grâce à l'e-court électronique.

Page 5158

1 Q. Je vous demanderais si vous vous souvenez que lors de l'enquête avant

2 le procès qui a eu lieu devant le juge à Mostar, vous souvenez-vous d'avoir

3 donné une déclaration liée à la mort de

4 M. Hebibovic ?

5 R. Je ne comprends pas, vous voulez savoir si avant la déclaration à

6 Mostar j'avais donné de telle déclaration.

7 Q. Je vous ai demandé très précisément, si vous avez donné une déclaration

8 lors du procès -- est-ce que vous avez donné une déclaration, c'est-à-dire,

9 est-ce que vous avez donné d'autre enquête lors de l'étape du procès --

10 lors de l'étape de l'enquête du procès, est-ce que vous avez fait cette

11 même déclaration ?

12 R. Oui.

13 Q. Je vais vous dire ce que vous avez dit justement lors de l'étape de

14 l'enquête du procès. Je vais vous donner lecture du document sous peu, mais

15 je vois que le document est anglais. Pour ne pas perdre du temps, je vais

16 vous donner lecture d'une partie de cette déclaration --

17 Mme NOZICA : [interprétation] Je demanderais que l'on place, à ce moment-

18 là, la déclaration sur le rétroprojecteur.

19 Est-ce que c'est cela ? Non, cela n'a rien à voir avec le numéro ECM.

20 Voilà.

21 Je demanderais à Mme l'Huissière de prendre le document et de placer la

22 deuxième page de la déclaration sur le rétroprojecteur.

23 Q. En réponse à une question de ma consoeur, Me Tomasegovic, vous lui avez

24 répondu que cet incident avec Hebibovic a eu lieu le dernier jour de votre

25 séjour. Monsieur Saric, je viens de vous poser une question.

26 R. Je ne sais pas quoi vous répondre. Dans la déclaration c'est tout à

27 fait clair et c'est très bien dit.

28 Q. Dans quelle déclaration ? Je n'ai pas saisi. Dans quelle déclaration ?

Page 5159

1 Là, tout est clair. Tout est clair.

2 R. Dans la déclaration d'aujourd'hui. Dans la déposition d'aujourd'hui.

3 Q. Vous avez dit, aujourd'hui, que -- je vous interromps.

4 R. Non, j'ai dit qu'il est mort avant mon départ.

5 Q. Monsieur, aujourd'hui, en répondant à une question de ma consoeur, vous

6 avez dit que l'incident avec M. Hebibovic a eu lieu le dernier jour.

7 R. De mon séjour, oui, probablement.

8 Q. Oui.

9 R. Oui.

10 Q. Alors, je vous demanderais de bien vouloir prendre connaissance de

11 votre déclaration, déclaration que vous avez également faite sous serment

12 et que vous avez donnée au juge d'instruction à Mostar. C'est en page 2, et

13 je vais vous donner lecture de vos propos. C'est assez illisible, mais

14 voilà ce que -- je vais vous donner lecture, le paragraphe surligné : "Il

15 m'est inconnu -- je ne connais pas aucun des accusés qui sont menés devant

16 ce procès. J'avais simplement entendu dire une fois qu'on a battu quelqu'un

17 dans le couloir, et plus tard, j'ai vu que cette personne avait été passée

18 à tabac il était mort, et il était allongé sur le sol pendant deux jours.

19 Qui était l'auteur de ce la ? Je ne le sais pas."

20 Est-ce que c'est ce qui est écrit dans cette déclaration ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous voyez une contradiction ?

23 R. Non.

24 Q. Vous ne la voyez pas ?

25 R. Oui, on dit ici qu'il était mort à partir -- depuis -- à partir de la

26 première journée, donc, il était allongé, oui, pendant deux jours,

27 effectivement.

28 Q. Merci.

Page 5160

1 Mme NOZICA : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions. Je vais

2 maintenant céder la parole à M. Praljak.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste cinq minutes parce qu'après, il y a une

4 audience qui démarre à 14 heures 15. Alors, Monsieur Praljak, faites preuve

5 de synthèse.

6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vais tenter de le faire de façon

7 maximale.

8 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

9 Q. [interprétation] Monsieur Saric, voilà, nous n'avons pas énormément de

10 temps, j'aimerais que l'on parle des moyens de communication dans l'ex-

11 Yougoslavie, le centre des Communications était à Zagreb.

12 R. Non. Il y avait Ljubljana, à Zagreb, et Skopje, ils avaient des moyens

13 directs. La centrale internationale se trouvait à Belgrade, mais il y avait

14 également une centrale internationale à Ljublana et elle avait des liens

15 directs avec l'Autriche et l'Italie. A Zagreb, il y avait également un

16 centre qui avait des liens avec la Hongrie, et à Skopje envers la Grèce et

17 la Bulgarie.

18 Q. Oui, mais c'était placé sous le contrôle de Belgrade. Tous les moyens

19 de communication et transmissions étaient sous le contrôle de Belgrade.

20 R. Oui, absolument.

21 Q. Le réseau était concentré vers les républiques; pour Sarajevo, pour la

22 Bosnie-Herzégovine, Zagreb pour la Croatie, Belgrade pour la Serbie.

23 R. Oui. Il s'agissait de centrale de transit. Il y en avait 17 en

24 Yougoslavie.

25 Q. Je vous remercie. Maintenant, elle était liée entre elles avec des

26 câbles coaxiaux.

27 R. Oui.

28 Q. Il s'agissait de câbles qui peuvent transmettre un très grand nombre de

Page 5161

1 conversations téléphoniques simultanément ?

2 R. Oui.

3 Q. Par la suite, on a procédé à la transmission grâce aux zones

4 électroniques, électromagnétiques ?

5 R. Oui.

6 Q. Donc, on ne pouvait pas traverser les monts, percer les monts. Donc, il

7 fallait avoir des relais pour pouvoir transmettre les communications ?

8 R. Oui.

9 Q. En 1992, les Serbes en détruisant le pont de Rastani et le relais de

10 Velez ont ainsi interrompu toute communication que Mostar pouvait avoir

11 avec le monde ?

12 R. Oui. Effectivement, oui. Il n'y avait pas dans la partie occidentale

13 vers Stolac, et cetera.

14 Q. Oui, vers la direction de Sarajevo et à Jablanica et Korenica, il n'y

15 avait absolument aucun moyen de communication. Ensuite, ils ont pris pour

16 cible la centrale de AXI et, par la suite, cette centrale -- excusez-moi --

17 ensuite, cette centrale avait été déplacée pour ne pas être complètement

18 pilonnée. C'est ainsi que les communications avec Mostar se sont éteintes.

19 Est-ce que c'est exact ?

20 R. Partiellement, oui.

21 Q. Donc les transmissions qui se trouvaient dans la partie sud-ouest, les

22 deux lignes que nous appelons, paraissaient aller sous le pont de Tarinski

23 [phon] ?

24 R. Oui.

25 Q. Lorsque le pont de Tarinski a été détruit, on a pu avoir des moyens de

26 communications téléphoniques ?

27 R. Oui.

28 Q. Le HVO a tiré un câble coaxial de Mostar en passant par Siroki Brijeg

Page 5162

1 et ensuite, le HVO a réussi ainsi à établir un lien avec Sveti Juraj en

2 direction de Makarska jusqu'à Split.

3 R. Oui.

4 Q. Le câble coaxial peut avoir une capacité plus grande ou plus petite,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Alors, il est cher.

8 R. Oui.

9 Q. Il est sensible.

10 R. Oui.

11 Q. Alors, pour tirer un câble de petite capacité n'est pas très bien

12 protégé ?

13 R. Oui.

14 Q. C'est ainsi que l'on obtient un très petit nombre de numéros qui ont

15 l'échange 058 pour établir des liens avec Split, et cetera ?

16 R. Oui. Le plus de numéros, c'est 120.

17 Q. Très bien. Ensuite, on avait coupé toutes les communications avec la

18 Bosnie centrale.

19 R. Oui.

20 Q. Il était absolument impossible de faire un appel téléphonique, n'est-ce

21 pas, dans cette direction-là ? Des fois, la ville de Tomislavgrad pouvait

22 de temps en temps établir des moyens téléphoniques, ils ont essayé de les

23 connecter parce qu'ils étaient d'abord dirigés vers Sarajevo. Maintenant,

24 il fallait qu'ils se tournent vers Split.

25 R. Oui.

26 Q. Donc, c'est un peu représentatif, n'est-ce pas, de la situation en

27 1992 ?

28 R. Oui. C'est à ce moment-là qu'il n'était plus possible d'appeler de

Page 5163

1 façon publique l'une, pour obtenir au moins les 120 numéros de téléphones

2 étaient importants. Mais l'une des parties de ces numéros de téléphone,

3 vous les aviez, vous, l'ABiH; est-ce que c'est vrai ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous, au sein de cette armée à Vranica, vous avez concentré deux QG les

6 plus forts, les plus importants, QG du 4e Corps qui est de Korenica et

7 Jablanica, allait jusqu'à Stolac et la 41e Brigade de Montagne. Vous aviez

8 placé des hommes-là et vous étiez les personnes les plus importantes au

9 sein de ce QG. Le chef des transmissions par exemple, n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est cela.

11 Q. Je n'ai plus d'autres questions. Je vous remercie. Je vous remercie

12 également, Monsieur le Témoin, de nous avoir offert toutes ces

13 informations.

14 M. KOVACIC : [interprétation] Peut-être une question pour conclure.

15 Contre-interrogatoire par M. Kovacic:

16 Q. [interprétation] parce que Monsieur, nous sommes vraiment désolé de

17 vous torturer avec toutes ces questions mais nous avons vraiment besoin de

18 votre expertise. Maintenant, question : Cette situation que vous avez

19 établie suite aux questions de M. Praljak et dites-nous si le réseau

20 téléphonique public entre ces parties-là de Bosnie-Herzégovine en 1992,

21 est-ce que plus tard de façon publique, est-ce qu'elle n'a jamais repris

22 son fonctionnement ?

23 R. Non, pas de façon publique.

24 Q. Merci.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est maintenant la fin. Si vous avez juste une

26 dernière question.

27 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Non, non. En fait, je n'ai pas d'autres

28 questions. Je voulais simplement dire qu'à la suite du contre-

Page 5164

1 interrogatoire du général Praljak, la Défense du Dr Prlic n'a pas de

2 questions.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Les pièces de la Défense, est-ce qu'il y a des

4 demandes complémentaires ? Maître Nozica ?

5 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je demanderais

6 que le document 2D 00083 soit versé au dossier ainsi que le document que

7 nous avons reçu de l'Accusation et qui a un numéro ERN. C'est le numéro RR

8 043775 et la deuxième page de ce document qui porte le numéro RR 043776. Il

9 était impossible de voir ces documents sur les écrans. Le numéro en dit ce

10 qui est de ces documents. Merci.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

12 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Nous aimerions demander le versement au

13 dossier du document 5D 00515. Merci.

14 Mme ALABURIC : [interprétation] Juste une question concernant la Défense du

15 général Petrovic : Le document que nous demandons que l'on verse au

16 dossier, c'est un document que la Défense a reçu de l'Accusation. Ce n'est

17 pas un document que nous avons trouvé, nous-mêmes. Merci.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.

19 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

20 Juges, je vais vous demander de m'accorder la parole, lundi, pendant cinq

21 minutes. Voici la raison. L'ordinateur qui me servait au sein de l'unité de

22 détention n'est plus un problème. C'est un énorme problème. En fait, je ne

23 suis pas prêt à laisser passer cette question. Je crois que j'ai le droit à

24 ma défense.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : On reviendra lundi sur cette question.

26 Bien. Donc, je vous remercie.

27 Monsieur Saric, au nom des Juges de la Chambre, nous vous remercions

28 d'être venu témoigner et nous vous souhaitons bon voyage de retour.

Page 5165

1 Nous nous retrouvons donc tous, la semaine prochaine, lundi à 14 heures 15

2 conformément donc au programme qui a été établi par l'Accusation et dont

3 tout le monde a eu connaissance. Je vous remercie.

4 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le lundi 21 août 2006,

5 à 14 heures 15.

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