Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 22 août 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le Président, et bonjour à

9 tous. Affaire numéro IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En cette journée de mardi, je salue toutes les

11 personnes présentes. Je demande à personne de se présenter puisque ce sont

12 les mêmes qui étaient là hier.

13 La Chambre va rendre plusieurs décisions puisque, comme je l'ai annoncé

14 hier, nous avons travaillé tous ce matin et, donc, je suis en mesure de

15 rendre plusieurs décisions orales.

16 La première qui concerne la question de l'ordinateur, nous avons pris acte

17 de la déclaration de M. Praljak relayée par les quatre lettres dont la

18 dernière datait du 16 août adressé à l'OLAD suite à ce problème. Nous avons

19 donné instruction au Juriste de la Chambre de prendre très rapidement la

20 tâche avec l'OLAD pour nous renseigner sur la faisabilité de l'augmentation

21 de la mémoire de l'ordinateur. D'après ce qui m'a été, jusqu'à présent,

22 indiqué, ceci ne doit pas poser de problème technique, mais il semblerait

23 que, concernant le coût qui est modique de l'ordre de quelques dizaines

24 d'euros, il y a des procédures onusiennes de possession des marchés ou

25 autres qui pourraient, dans une certaine mesure, expliquer le retard. Quoi

26 qu'il en soit, nous avons donc donné instruction à nos Juristes d'aller

27 très vite au renseignement et, dès que nous aurons un retour, je tiendrais

28 donc informer M. Praljak des suites qui seront données, en espérant que

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1 vous obtiendrez très rapidement satisfaction. Votre demande étant

2 parfaitement légitime.

3 Concernant la question relative au problème des documents, dont Me Murphy,

4 hier, nous avait évoqué le problème, nous avons estimé qu'à la fin du

5 contre-interrogatoire, l'Accusation fera, si elle le souhaite, sa requête

6 aux fins d'admission de ces documents. La Défense y répondra conformément à

7 notre décision antérieure et nous statuerons sur l'admissibilité de ces

8 documents. Etant précisé qu'à ce stade, les Juges estiment que les accusés

9 n'ont aucun préjudice dans la mesure où la Défense est toujours à même de

10 poser les questions adéquates au témoin à partir de documents qui sont

11 depuis quelques temps en possession de la Défense.

12 Il y a une décision relative aux pièces de la procédure du témoin, Manolic.

13 Alors, je la lis lentement afin que tout le monde puisse s'en imprégner.

14 "La Chambre doit se prononcer sur l'admission des pièces que les parties

15 souhaitent verser au dossier dans le cadre du témoignage de M. Josip

16 Manolic, témoin.

17 La Chambre rappelle en premier lieu que, conformément à la décision du 13

18 juillet 2006 sur l'admission des pièces, lorsqu'une partie ne présente

19 qu'un extrait d'une pièce en audience, elle doit se limiter à demander le

20 versement au dossier de cet extrait.

21 La Chambre invite les parties à lui communiquer par écrit, avant le 30

22 août, la liste des pièces et extraits présentés en audience au témoin,

23 Josip Manolic, et que les parties entendent demander co-admission.

24 La Chambre rappelle que s'agissant des extraits, les parties sont tenues

25 d'indiquer à la Chambre les numéros de page et/ou de paragraphe des pièces

26 correspondant aux extraits en question.

27 En second lieu, dans la mesure où la question de l'admission des pièces

28 dans le cadre du témoignage de Josip Manolic intervient après la décision

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1 du 13 juillet 2006, la Chambre réserve la possibilité pour l'Accusation de

2 saisir la Chambre d'une requête au cas où l'Accusation souhaiterait

3 demander l'admission des pièces qui n'ont pas été présentées au témoin,

4 Manolic. Cette requête devra être déposée avant le 30 août 2006 et être

5 dûment motivée conformément aux lignes directrices régissant l'admission

6 des éléments de preuve. La Défense aura huit jours pour y répondre et

7 formuler ses objections par rapport à chacune des pièces proposées pour

8 admission par ce biais.

9 La dernière décision orale. La Chambre, par décision orale, ce jour, se

10 prononce sur l'admissibilité est relative aux pièces concernant le

11 témoignage de M. Omer Hujdur des pièces relatives au témoignage d'Omer

12 Hujdur qui a comparu à l'audience déjà au 21 juin 2006.

13 La Chambre décide d'admettre les éléments de preuve suivants présentés par

14 l'Accusation au motif qu'ils présentent une certaine valeur probante et une

15 certaine pertinence : P 01542, P 01564,

16 P 01656, P 03020, P 03907, P 04247. Par ailleurs, la Chambre décide

17 d'admettre les éléments de preuve suivants présentés par la Défense au

18 motif qu'ils présentent une certaine valeur probante et une certaine

19 pertinence : 2D 00055, 2D 00056, 3D 00046, 3D 00126,

20 3D 00131, 3D 00287, 3D 00289, 3D 00291, 3D 00292.

21 En revanche, la Chambre décide de ne pas admettre les éléments de preuve

22 suivants présentés par la Défense car leur contenu ou leur existence

23 n'était pas connue du témoin : 3D 00123, 3D 00125,

24 3D 00136, 3D 00138, 3D 00284, 3D 00285, 3D 00290.

25 En outre, la Chambre décide de ne pas admettre les éléments de preuve de la

26 Défense suivants, parce que la Chambre n'est pas convaincue de leur contenu

27 ou de leur authenticité : 2D 00054 - non, il y a une erreur - 2D 00054, 3D

28 00048, 3D 00049, 3D 00050, 3D 00122, 3D 00136, 3D 00137.

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1 La Chambre décide enfin de ne pas admettre les éléments de preuve suivants

2 de la Défense car ils n'ont pas été présentés ou n'ont pas pu l'être au

3 témoin, Omer Hujdur, à l'audience : 3D 00130, 3D 00286, 3D 00288.

4 Dans la mesure où la décision, sur l'admissibilité des pièces

5 relatives au témoin, Omer Hujdur, intervient à ce jour, soit après la

6 décision sur l'admission d'éléments de preuve du 13 juillet 2006, la

7 Chambre décide de lui appliquer les principes dégagés par la décision du 13

8 juillet 2006. Ainsi, conformément à cette décision, la Chambre réserve la

9 possibilité pour l'Accusation de saisir la Chambre d'une requête au cas où

10 l'Accusation souhaiterait demander l'admission de pièces qui n'ont pas été

11 présentées au témoin, Omer Hujdur. Cette requête devra être déposée au plus

12 tard le 30 août 2006 et être dûment motivée conformément aux lignes

13 directrices régissant l'admission des éléments de preuve. La Défense aura

14 huit jours pour y répondre et formuler ses objections par rapport à chacune

15 des pièces proposées pour admission par ce biais.

16 Voilà nos décisions orales. Nous allons passer en audience à huis clos.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

18 le Président.

19 [Audience à huis clos partiel]

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22 [Audience publique]

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors en audience publique, je vais donner la

24 parole aux avocats qui doivent continuer le contre-interrogatoire. Alors,

25 je ne sais pas c'est au tour de qui.

26 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

27 D'après la liste de l'article 66 ter, nous avons reçu les noms qui

28 n'étaient pas marqués et nous n'avons pas les noms de ces témoins.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Mundis, que pouvez-vous répondre à

2 l'intervention de Me Ibrisimovic ?

3 M. MUNDIS : [interprétation] Sincèrement, Monsieur le Président, je ne suis

4 pas sûr de bien comprendre la préoccupation de M. Ibrisimovic. Le fait que

5 ce tableau 65 ter ne mentionne pas le nom de son client et que, par

6 conséquent, il n'a pas de questions --

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Maître Ibrisimovic, pouvez-vous expliciter

8 votre position ?

9 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je pense qu'il y a eu une mauvaise

10 interprétation, Monsieur le Président. Lorsque mon collègue a révélé -- a

11 découvert son tableau pour son témoin, il n'a pas mis le nom de notre

12 client et on ne l'a pas mentionné lors de l'interrogatoire principal --

13 notre client n'avait pas été mentionné, donc, je n'ai pas de questions.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Très bien.

15 LE TÉMOIN : CHRISTOPHER REESE [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, avocat suivant, Maître Karnavas, qui s'était

18 levé tout à l'heure, mais qui s'est rassis et qui se relève.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

20 Juges, toutes les personnes ici présentes.

21 Contre-interrogatoire par M. Karnavas :

22 Q. [interprétation] Bon après-midi, Monsieur Beese.

23 Je voudrais revenir à la dernière question -- ou plutôt, au document que

24 l'on a mentionné plus tôt. Si j'ai bien compris, vous voulez qu'on aille à

25 huis clos partiel chaque fois que l'on mentionne votre document ? Je sais

26 que la Chambre a pris une décision, mais est-ce que c'est votre choix

27 personnel que ce document soit considéré comme quelque chose dont on ne

28 peut pas parler en public ?

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1 R. Oui, s'il vous plaît.

2 Q. Alors, avant de venir ici aujourd'hui, ou même peut-être hier soir, ou

3 la nuit, vous avez eu la possibilité de relire les documents pour

4 rafraîchir votre mémoire, si vous aviez des doutes qui ont été créés par

5 d'autres ou par vous-même.

6 R. Oui, c'était disponible pour moi.

7 Q. Ce n'était pas ma question. La question est : est-ce que vous avez pu

8 vous rafraîchir la mémoire ? Est-ce que vous l'avez fait ? Parce que je

9 sais que le document était disponible. Donc, la question est : avez-vous

10 passé en revue ces documents pour vous rafraîchir la mémoire ?

11 R. Non.

12 Q. Parfait. Tout d'abord, je voudrais commencer par la mission elle-même

13 et c'est là que nous allons commencer notre contre-interrogatoire. Si j'ai

14 bien compris, vous avez travaillé avec la MOCE autour du 2 janvier 1993;

15 c'est bien cela ?

16 R. Oui, c'est cela.

17 Q. Vous êtes resté au sein de cette mission jusqu'environ le 21 juillet

18 1993.

19 R. Oui.

20 Q. Vous êtes arrivé dans le pays autour du 8 janvier.

21 R. Oui.

22 Q. Il y a eu deux occasions à laquelle vous avez été absent une dizaine de

23 jours, dix jours et pendant la période où vous étiez dans le pays -- tout

24 le reste du temps vous étiez dans le pays.

25 R. Oui.

26 Q. La période totale que vous avez pu passer au sein de cette mission

27 serait-ce environ six mois ?

28 R. Oui.

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1 Q. Vous nous avez dit en réponse à une question de l'Accusation que la

2 rotation était assez élevée au sein de la mission MOCE ?

3 R. Oui.

4 Q. Cela était dû aux faits que certains pays permettaient que leurs

5 observateurs passent quatre mois sur place et pour le Royaume-Uni, on

6 permettait aux observateurs d'être deux mois sur place; c'est bien cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Certains observateurs, comme vous-même ne connaissiez pas la région

9 auparavant; c'est bien cela ?

10 R. Oui.

11 Q. On peut dire que ceux qui ne connaissaient pas la région et qui ne

12 connaissaient pas ce contexte étaient arrivés plus ou moins avec un esprit

13 assez neutro [phon] vide, ils ne savaient pas ce qui se passait sauf ce

14 qu'ils avaient lu dans les journaux, qu'ils avaient vu à la télévision et

15 entendu à la radio.

16 R. Oui.

17 Q. Cela c'était bien votre cas ?

18 R. Oui.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Bon. J'espère que je ne parlais pas trop

20 vite pour les interprètes.

21 L'INTERPRÈTE : Merci beaucoup. M. Karnavas va ralentir le rythme.

22 M. KARNAVAS : [interprétation]

23 Q. Nous parlons la même langue, donc, il faut que je parle un peu moins

24 vite.

25 Dans ce cas bien précis, vous nous avez dit que vous ne connaissiez pas

26 très bien le HVO, le HDZ, c'est dans votre compte rendu. Ici, je crois

27 qu'on peut dire sans se tromper que vous connaissiez vraiment très, très

28 peu de l'histoire de l'ex-Yougoslavie.

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1 R. Oui.

2 Q. Vous n'êtes pas historien. Vous ne connaissez pas très bien l'histoire

3 de cette région.

4 R. Oui, c'est bien cela, pas de cette région.

5 Q. Vous n'aviez pas étudié de façon approfondie l'histoire de l'ex-

6 Yougoslavie et toute la situation politique; c'est bien cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous n'aviez pas étudié sa constitution avant la séparation.

9 R. Oui.

10 Q. Ou après la séparation.

11 R. C'est bien cela.

12 Q. Comme vous saviez la Yougoslavie a été démantelée et il y avait de

13 nouvelles républiques qui avaient été reconnues et qui formaient leur

14 propre constitution en tant qu'Etat légitime reconnu par les Nations Unies;

15 c'est bien cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Une fois de plus, avant d'arriver sur place, ou même après votre

18 arrivée, vous n'avez pas étudié les différentes constitutions pour bien les

19 connaître.

20 R. C'est bien cela.

21 Q. Dans votre cas particulier, je crois qu'on peut dire que vous étiez

22 surtout intéressé par une république qui ensuite est devenue un Etat et

23 c'est la Bosnie-Herzégovine; c'est bien cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous saviez avant d'arriver sur place qu'il y avait une guerre ou un

26 conflit dans ce pays.

27 R. Oui.

28 Q. Vous avez dit que c'était une guerre civile, c'est comme cela que vous

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1 compreniez la situation, comme c'est encore le cas aujourd'hui; c'est bien

2 cela ?

3 R. Oui, mais je ne m'étais pas ma main au feu pour une définition, en

4 particulier.

5 Q. Oui, mais vous pensiez que la situation en Yougoslavie c'étaient des

6 gens qui se battaient entre eux, donc c'était une guerre civile. Après on

7 pourra se battre sur les définitions techniques, théoriques de la guerre

8 civile. Vous saviez aussi que dans le contexte plus général du conflit qui

9 avait lieu en Bosnie-Herzégovine il y avait aussi un conflit ou une guerre

10 au sein de la République de Croatie; c'est bien cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Dans une grande mesure ce conflit au moment où vous êtes arrivé - je

13 veux parler du conflit avec la République de Croatie - ce conflit avait été

14 modifié, il avait changé, et il n'y avait pas de façon continue des

15 attaques de l'ancienne JNA ou quel que soit le nom que vous lui donnez.

16 R. Oui.

17 Q. Donc, je peux conclure que toutes ces réponses que vous ne connaissiez

18 pas très bien, même peut-être pas du tout ce qui se passait au sein de la

19 Bosnie-Herzégovine à l'époque où la JNA attaquait la République de Croatie.

20 R. Oui, j'accepte cela.

21 Q. On pourrait aussi dire que dans la mesure où la JNA avait agi au sein

22 d'un territoire de la Bosnie-Herzégovine, si on utilise

23 -- en utilisant comme point de départ pour attaquer les voisins, vous aviez

24 très peu de connaissance de tout cela.

25 R. J'avais une certaine connaissance.

26 Q. Connaissiez-vous ce qu'avait été la réaction du peuple croate en

27 Bosnie-Herzégovine par rapport à son gouvernement, c'est-à-dire du

28 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ? Comment il réagissait par rapport

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1 aux faits que la JNA utilisait le territoire de l'ABiH pour attaquer la

2 Croatie ? Je sais que c'est une longue phrase.

3 R. Oui, cela s'est passé bien longtemps. La communauté croate de Bosnie-

4 Herzégovine avait établi un conseil pour défendre ses intérêts et avait

5 résisté d'une façon passive au départ face à la JNA.

6 Q. Est-ce que vous saviez qu'il y avait des efforts qui étaient faits par

7 les Croates de Bosnie-Herzégovine avant que cela ne forme une communauté ?

8 Les efforts qu'ils avaient faits pour lancer un cri d'alarme pour sonner le

9 clairon pour qu'Izetbegovic et le gouvernement de Sarajevo fassent quelque

10 chose pour se protéger, pour s'armer, en disant qu'il y a une guerre qui

11 arrive du nord au sud. Etiez-vous au courant des efforts déployés par les

12 Croates de Bosnie-Herzégovine ?

13 R. Pas d'une façon détaillée.

14 Q. Lorsque vous êtes arrivé, la MOCE avait été en dehors du payas pendant

15 une certaine période.

16 R. Oui.

17 Q. Je ne connais pas la date exacte, peut-être que vous pouvez m'aider,

18 mais quand la MOCE était-elle retournée sur place en Bosnie ?

19 R. En décembre 1992, je pense.

20 Q. Début ou fin décembre ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Vous avez parlé de M. Lane, qui était celui qui gérait pratiquement le

23 tout au sein de la MOCE, je pense que c'était le centre de Coordination

24 lorsque vous travailliez. Est-ce que vous savez quand M. Lane est arrivé en

25 Bosnie-Herzégovine ?

26 R. En décembre.

27 Q. Est-ce qu'il était sur place avant cette période, ce creux ?

28 R. Non.

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1 Q. Lorsque vous êtes arrivé, lui, cela faisait maximum un mois qu'il était

2 sur place. C'est la totalité du nombre de jours pour lesquels il était

3 présent sur place en Bosnie-Herzégovine; c'est bien cela ?

4 R. J'imagine que c'est cela. Je ne sais pas exactement.

5 Q. Savez-vous, si vous ne le savez pas, dites-le mais savez-vous s'il

6 avait eu d'autre fonction sur place qui pourrait dire Il connaissait la

7 situation, il savait ce qui se passait avant qu'il ne devienne sur

8 l'observateur de la MOCE ?

9 R. Non.

10 Q. Vous ne savez ou non il n'avait pas d'autres fonctions ?

11 R. Je crois qu'il avait une certaine expérience de la Krajina aux quelques

12 mois qui précédaient son entrée en Bosnie-Herzégovine.

13 Q. D'accord. Alors, maintenant j'aimerais parler des orientations que vous

14 avez reçues lorsque vous êtes arrivé sur place. Si j'ai bien compris, il

15 s'agit de votre arrivée en 2 janvier et vous partez le 8; donc, il y a cinq

16 à six jours pour votre briefing ?

17 R. Oui.

18 Q. Il s'agissait d'un briefing officiel ou une conversation plus

19 officieuse, on venait, on disait des choses; est-ce que c'était bien

20 structuré ?

21 R. C'était un briefing bien structuré qui a eu lieu à l'hôtel à Zagreb.

22 Q. Je suppose que c'était à la conférence ou dans votre chambre, des gens

23 qui arrivent, on s'assied, on vous remet une chemise avec des documents;

24 c'est comme cela ? Une feuille de papier, un Bic ?

25 R. Non, non, c'était quand même un peu mieux que cela.

26 Q. Bon, et vous a montré des transparents ?

27 R. Oui.

28 Q. J'imagine que les militaires adorent ce genre de présentation, avec des

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1 ordinateurs. Ma question est celle-ci : dans tout ce qu'on vous a donné

2 pour le briefing, est-ce que vous pouvez nous décrire ce qui était la

3 teneur de ce briefing ? Qui pouvait vous donner, vous armer, vous équiper

4 pour comprendre avec qui vous alliez traiter et quels étaient vos

5 objectifs ? En bref, est-ce que vous pouvez vous souvenir de cela ?

6 R. Le briefing était surtout concentré sur la ligne de front à l'époque et

7 les parties au conflit. On y a traité des questions, notamment où étaient

8 actives, les lignes de front, et nous avons reçu peu d'information, mais

9 suffisamment pour comprendre dans quelle région nous allions être déployés

10 et pour comprendre que c'était des régions qui n'étaient pas stables. Là,

11 c'est ce que nous comprenions de la fédération entre les Croates et les

12 Musulmans.

13 Q. Parfait. Par chance, est-ce qu'on vous a donné une liste du qui est

14 qui ? Une liste des différentes régions où vous alliez travailler ?

15 R. Oui. J'ai reçu cela à Split lorsque j'étais déployé dans le sud.

16 Q. Oui, mais avant d'arriver à Split - comment dire - vous a-t-on donner

17 des orientations politiques, disons, de la façon dont fonctionnait le

18 gouvernement, donc, c'est-à-dire, des informations sur l'état et les

19 différentes communautés ? Est-ce qu'on avait un diagramme où on voyait :

20 voilà comment fonctionne ce gouvernement d'une façon politique, voilà les

21 différents niveaux de pouvoir ? Est-ce que vous avez reçu cela ?

22 R. On ne m'a pas montré de diagramme, non.

23 Q. Bon, on ne vous a pas montré de diagramme et donc j'imagine que lorsque

24 vous êtes arrivé finalement à Split et sur place, on ne vous a pas montré

25 de diagramme non plus.

26 R. M. Lane m'a expliqué lorsque je suis arrivé, quelle était la situation

27 et quels étaient les principales personnalités et un organigramme avec

28 cela.

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1 Q. D'accord. Mais je vous ai demandé si on vous avait montré un

2 organigramme, parce que là, il vous l'a donné de façon orale. C'est une

3 présentation orale. Ce que je voudrais savoir c'est si vous avez vu, couché

4 sur le papier, un organigramme et on pourrait vérifier, à ce moment-là, si

5 c'est sur papier parce que je ne veux pas dire que je n'ai pas confiance --

6 en fait, si je ne fais pas confiance, je ne sais pas ce qu'il a dit M.

7 Lane. Je ne sais pas si c'est correctement, mais, est-ce qu'il y a eu un

8 document qu'on pouvait vous montrer, et puis une autre personne sortait de

9 la pièce et une autre personne entrait pour vous expliquer l'histoire

10 institutionnelle du pays, et montré comment cela a changé, comment cela a

11 évolué, et tout cela qu'on peut remonter sur papier, voir comment c'était

12 structuré, organisé ?

13 R. Oui. Non, non. Il le dirait et moi, nous, on a préparé cela et --

14 Q. Donc, je suppose que l'on peut prouver des traces de cela dans votre

15 système. Cela faisait partie de votre système de rapport.

16 R. Non, pas au début.

17 Q. D'accord. Alors, maintenant, M. Lane était sur place pendant quatre

18 mois; est-ce qu'il vous a donné une orientation par rapport au gouvernement

19 de Sarajevo ou au niveau de l'état, qui était qui ?

20 R. Non.

21 Q. Saviez-vous qui était la personne numéro un en Bosnie-Herzégovine, au

22 niveau de l'état ?

23 R. Oui. Alija Izetbegovic.

24 Q. D'accord. Le titre de son poste, ses fonctions, c'était quoi ?

25 R. Officiellement ?

26 Q. Oui, officiellement.

27 R. Dirigeant ou leader de l'Etat.

28 Q. Alors, "leader", je n'aime pas très bien ce mot parce que lorsqu'on dit

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1 : qui est le leader, qui est le dirigeant principal au Royaume-Uni, vous me

2 diriez quoi ?

3 R. Oui, bon. Alors, il était président de la Bosnie-Herzégovine.

4 Q. D'accord. Il est président, et est-ce que vous savez comment cela

5 fonctionnait en dessous du président, les niveaux inférieurs ? Comment cela

6 fonctionnait ? Je vais préciser ma question. Si vous prenez l'organigramme

7 de l'Europe - alors, on parle de l'Europe - bon, vous avez un président, un

8 premier ministre - parfois le premier ministre a plus de pouvoir que le

9 président, parfois non, cela dépend du pays. En Grèce, c'est le premier

10 ministre, pas le président; en France, c'est le président et pas le premier

11 ministre. Bon. Mais est-ce que vous connaissiez la structure en dessous du

12 président pour la Bosnie-Herzégovine ?

13 R. Non. La raison principale en est que la zone dans laquelle nous étions

14 présents, ces autorités avaient très peu d'influence.

15 Q. Parfais. Lorsque vous êtes arrivé, est-ce que vous le saviez et vous

16 avez donc décidé qu'il n'était pas nécessaire d'étudier le système, le

17 fonctionnement de ce système ? Ou c'est quelque chose dont vous avez pris

18 conscience petit à petit, vous avez dit : bon, Sarajevo n'a pas grand-chose

19 à dire, donc, ce n'est pas la peine d'étudier ce qu'il en est; c'était quoi

20 votre position ?

21 R. En principe, notre préoccupation était d'observer ce qui se passait et

22 non forcément de comprendre tout le contexte. Mais, très vite, on a compris

23 que la position du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine à Sarajevo était

24 isolée du reste du pays.

25 Q. Parfait. Alors, vous n'avez pas été surpris de voir qu'il était

26 président, mais qu'il n'était président d'une présidence; est-ce que cela

27 vous a surpris, cela ?

28 R. Non.

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1 Q. Savez-vous comment fonctionnait cette présidence ?

2 R. Non.

3 Q. Par la suite, nous allons voir un document, mais ce qui est intéressant

4 dans ce document que nous allons voir - et vous devez me faire confiance

5 pour l'instant - c'est que M. Ganic est mentionné et on en parle dans un

6 document de la MOCE, et les ambassadeurs le nomme comme étant vice-

7 président de la Bosnie-Herzégovine.

8 R. Oui, je comprends très bien qu'ils utilisent ce genre de terme.

9 Q. Alors, est-ce que vous seriez surpris de savoir qu'à cette époque-là,

10 cette fonction n'existait pas dans la structure politique, il n'y avait pas

11 de poste de vice-président en Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que cela vous

12 surprend d'entendre cela ?

13 R. Non, mais je répète, ce qui nous intéressait, ce n'était pas de savoir

14 quel était le titre des personnes. Ce qui nous intéressait, c'était ce qui

15 se passait réellement sur place.

16 Q. Bon. Je comprends bien, mais ce que j'essaie de savoir ici, c'est que

17 vous êtes dans un pays, vous essayez de comprendre qui sont vos

18 interlocuteurs, vous essayez de comprendre comment vous pouvez aider dans

19 une situation chaotique, vous avez des ambassadeurs de la MOCE qui font

20 affaire, enfin, une personne qui parle d'une personne qui est membre de la

21 présidence, un membre de la présidence où il y avait M. Izetbegovic qui

22 était président à ce moment, mais il n'est pas avec d'autres personnes de

23 même niveau, et donc on parle d'une personne qui est vice-président. Donc

24 on lui donne une idée de plus de pouvoir qu'il avait en réalité. Est-ce que

25 vous pensez que ceci pourrait vous préoccuper ? Comment est-ce possible que

26 des ambassadeurs, pas simplement vous, des ambassadeurs, des membres de la

27 MOCE qui ont des positions supérieurs à la vôtre et qui ne savent pas

28 quelle est la structure politique de la Bosnie-Herzégovine et qu'il tire

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1 des conclusions ?

2 R. Je peux comprendre pourquoi on a mal utilisé certains termes et que

3 cela peut vous poser des problèmes, des préoccupations. Mais nous, ce qui

4 nous intéressait, c'était de faire un rapport sur ce qui se passait, peu

5 importe les noms, les étiquettes mises sur certaines personnes.

6 Q. Bon, d'accord. Alors, vous avez eu la possibilité, vous avez eu

7 l'occasion, vous, d'être en présence de M. Ganic, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Je suppose que si les ambassadeurs de la MOCE parlent de M. Ganic comme

10 étant - et c'est dans les documents - comme étant vice-président, en tant

11 que personne. J'imagine lorsqu'il était face à lui, il s'adressait à lui en

12 disant : "Mais c'est le vice-président." Est-ce que vous vous souvenez de

13 cela ?

14 R. Non. Ce dont je me souviens, c'est qu'on s'adressait à lui en disant M.

15 Ganic.

16 Q. Est-ce que lui-même disait qu'il était vice-président ?

17 R. Je ne m'en souviens pas.

18 Q. Bien, oui, parce que s'il s'était présenté comme vice-président et que

19 les membres de la MOCE l'avaient pris comme une chose évidente, il avait

20 cru -- cela aurait pu être considéré comme une fraude par la suite.

21 R. J'imagine qu'on va pouvoir lui parler --

22 Q. Mais ce n'était pas ma question. Mais question c'était que si M. Ganic

23 disait qu'il était le vice-président, c'est-à-dire, le nouveau numéro 2 du

24 gouvernement alors qu'il est simplement membre -- un simple membre de la

25 présidence, ce aurait été une tromperie, il vous aurait trompé; c'est bien

26 cela ?

27 R. Oui.

28 Q. Donc, il se serait faussement présenté, n'est-ce pas ? Il y aurait

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1 maintenant un document que j'aimerais examiner avec vous, dans lequel on

2 voit de la façon la plus claire qui soit que durant une réunion, il déclare

3 être présent à cette réunion en tant que représentant des Musulmans. Est-ce

4 que, pour ce qui vous concerne, vous aviez le sentiment, à l'époque, qu'il

5 était membre de la présidence ou qu'il était vice-président, quel que soit

6 le titre que vous vouliez bien lui donner, mais, en tout cas, qu'il

7 représentait avant tout les Musulmans ?

8 R. Oui.

9 Q. Il y a eu un cas où M. Boras était présent et il a été considéré comme

10 représentant les Croates, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Hier, une question vous a été posée par Me Alaburic, si je me souviens

13 bien, et elle vous a interrogé au sujet de M. Izetbegovic et, en lui

14 répondant, vous avez dit qu'il était le représentant avant tout du peuple

15 musulman de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

16 R. C'est ainsi que les choses ont évolué, en effet.

17 Q. Oui, très bien. Donc, si en tant que représentant de la MOCE, telles

18 étaient vos positions tout à fait naturelles, d'ailleurs, n'est-il pas

19 également vrai et n'aurait-il pas été tout à fait clair aux yeux d'autrui,

20 donc, notamment, aux yeux des Croates de Bosnie-Herzégovine, qu'Alija

21 Izetbegovic était avant tout un représentant des Musulmans, un représentant

22 de la population musulmane ?

23 R. Je ne saurais vraiment vous dire comment le Conseil croate de la

24 Défense pouvait le considérer.

25 Q. D'accord, mais je parle des Croates moyens. En tant que représentant de

26 la MOCE, vous le considériez comme un représentant des Musulmans, n'est-ce

27 pas ? Cela ne pose aucun problème, parce que je pense que c'est ainsi qu'il

28 souhaitait être considéré lui-même. Mais est-ce que dans ces conditions, le

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1 sentiment que vous aviez ne pouvait pas être également celui que d'autres

2 pouvaient avoir, comme par exemple, ses homologues croates ?

3 R. Les homologues croates, c'est un terme très général. Il faut savoir ce

4 qu'ils représentaient et quels étaient leurs objectifs.

5 Q. Je ne vous ai pas demandé ce qu'ils représentaient ou quels étaient les

6 objectifs. Je vous demande, s'il vous plaît, d'avancer pas à pas dans cette

7 question, d'accord ?

8 R. Excusez-moi, pourriez-vous répéter votre question ?

9 Q. Ma question était la suivante. La MOCE dont vous faisiez partie

10 considérait M. Izetbegovic comme étant le représentant des Musulmans, de

11 même que Mate Boban était considéré comme le représentant des Croates de

12 Bosnie-Herzégovine et Radovan Karadzic, comme le représentant des Serbes de

13 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce

14 pas ?

15 R. Ce n'est pas tout à fait aussi simple que cela, car

16 M. Izetbegovic aimait qu'on le considère comme représentant une population

17 qui résidait dans certaines régions de Bosnie et, selon moi, au nombre de

18 cette population, on trouvait, par exemple,

19 M. Boris et M. Siber et d'autres groupes ethniques. Donc, les choses

20 n'étaient pas tout à fait aussi simples que cela.

21 Q. Non, bien entendu. Je comprends bien que vous aimeriez légitimer, d'une

22 certaine façon, sa population à l'époque. Mais, même dans les conditions

23 que vous avez décrites, cet homme portait deux casquettes, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. D'accord. On ne pouvait pas s'attendre à ce que, durant des

26 négociations, Izetbegovic défende avant tout les intérêts de la population

27 qu'il représentait. Enfin, ce que je veux dire c'est qu'il n'allait, en

28 tout cas, pas laisser les choses évoluer dans un sens qui risquait de

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1 porter préjudice à la population qu'il représentait, n'est-ce pas ?

2 R. Exact.

3 Q. D'accord. Alors, puisque nous parlons de ce sujet et que vous venez

4 d'évoquer ce que souhaitait M. Izetbegovic, et je vais vous renvoyer à un

5 document, 1D 00814. C'est un extrait d'un livre que j'ai déjà utilisé dans

6 ce prétoire et qui est une compilation de divers documents dans lesquels on

7 trouve notamment un discours prononcé par Lord Owen. Je ne sais pas si vous

8 l'avez actuellement sur l'écran, devant vous. Il figure en page 214 de cet

9 ouvrage. Donc, allocution prononcée par Lord Owen à une réunion

10 ministérielle du comité directeur de la Conférence internationale sur l'ex-

11 Yougoslavie en date du 16 décembre 1992. Le passage que je voudrais citer

12 figure en haut de la page 2 du document dont je suis en train de parler.

13 Puisque nous avons ce système très sophistiqué, je vais l'utiliser.

14 Voilà, alors, je vous demanderais de vous pencher sur le troisième

15 paragraphe où nous trouvons les mots qui suivent : "Ce qui nous préoccupe

16 entre autres, c'est que le gouvernement de Bosnie-Herzégovine devienne

17 malheureusement de plus en plus le représentant exclusif de la population

18 musulmane."

19 Voilà, c'est ce que disait donc Lord Owen, le 16 décembre 1992, c'est-à-

20 dire, avant votre arrivée sur place. Alors, si M. Owen, qui participait de

21 très près aux négociations, avait cette perception de ce qu'était M.

22 Izetbegovic sur la base de ses contacts avec lui, est-ce que vous

23 conviendriez que, puisqu'il participait aux négociations à un niveau bien

24 supérieur au vôtre, il semblerait qu'Izetbegovic s'occupait, effectivement,

25 bien davantage des intérêts de sa population que des intérêts du

26 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, en dehors de ce qui allait dans le

27 sens de la population musulmane.

28 R. Je peux très bien comprendre ce que vous dites, mais je ne crois pas

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1 être qualifié pour faire un tel commentaire.

2 Q. D'accord. Mais ce que vous pouviez comprendre, je suppose, et j'en fais

3 état à titre de référence, puisque l'Accusation a évoqué ce fait, si je me

4 souviens bien. Donc, en tout cas, je crois me souvenir que l'Accusation a

5 parlé d'une réunion à Citluk, où une déclaration a été prononcée au sujet

6 de la communauté croate -- ou plutôt, des Croates de Bosnie-Herzégovine,

7 par leur représentant qui a dit que la communauté croate ne considérait

8 donc plus Izetbegovic comme le chef de l'Etat, mais bien plutôt comme le

9 représentant principal des Musulmans, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. D'accord. Si nous voyons quelle était la position de Lord Owen en

12 décembre 1996 sur cette même question. Pour cela, il suffit de se pencher

13 sur le procès-verbal d'une réunion tenue à ce moment-là. J'ai actuellement

14 sous les yeux le procès-verbal d'une réunion tenue le 5 mai 1993, donc,

15 c'est seulement six mois plus tard que les Croates en sont arrivés à ne

16 plus considérer Izetbegovic comme le chef de l'Etat et a donc considéré que

17 son poste à la présidence était illégal.

18 Q. J'aimerais que nous nous penchions sur le document

19 1D 00817, page 4, sous le paragraphe 8. Je vais lire cet extrait pour

20 gagner du temps parce qu'il ne paraît pas encore à l'écran.

21 Je cite : "Présentation et légitimité de M. Alija Izetbegovic en tant que

22 président de la présidence de Bosnie-Herzégovine, le fait qu'il se présente

23 ainsi est illégal. La population croate considère M. Izetbegovic comme le

24 représentant officiel des Musulmans de Bosnie-Herzégovine et comme rien

25 d'autre. De la même façon, l'ABiH n'ait sans doute légitime qu'en tant que

26 représentante des forces armées de la population musulmane."

27 Q. Compte tenu de ce que nous savons des observations faites par Lord Owen

28 et compte tenu de ce que vous venez de nous dire sur la base de votre

Page 5277

1 expérience personnelle au sujet de ce qu'était, effectivement, M.

2 Izetbegovic puisque vous avez dit qu'il était à vos yeux le chef de la

3 population musulmane, on peut penser qu'au mois de mai, et compte tenu de

4 tout ce qui se passait à ce moment-là sur place, les Croates considéraient

5 Izetbegovic de la même façon, notamment, lorsqu'ils avaient à traiter avec

6 lui autour d'une table de négociations, n'est-ce pas ?

7 R. Ils leur étaient permis d'exprimer cette position, en effet.

8 Q. D'accord. Cette position aurait été compréhensible, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. D'accord. Alors, je crois me rappeler que dans votre déposition vous

11 avez dit ne pas avoir étudié de très près l'histoire du HDZ ou du HVO ou sa

12 structure. Je crois que vous maintenez cette déclaration.

13 R. Oui.

14 Q. Je suppose que c'est ce que vous vouliez dire lorsque vous avez dit ne

15 pas avoir reçu l'information particulière sur la structure du gouvernement

16 ou de l'Etat et que vous pourriez faire la même observation au sujet des

17 niveaux locaux du pouvoir, à savoir que vous n'avez pas examiné de très

18 près la législation ou un document spécialisé quelconque relatif au niveau

19 inférieur du pouvoir -- au niveau du pouvoir local et de la structure du

20 HVO à ce niveau, n'est-ce pas ?

21 R. Exact.

22 Q. Bien entendu, M. Lane, qui était là avant, vous avait appris un certain

23 nombre de chose, en tout cas, il avait eu des renseignements. Mais, si je

24 comprends bien ce que vous avez dit dans votre déclaration, il semblerait

25 que, selon vous, M. Prlic était à l'époque le premier ministre, n'est-ce

26 pas ?

27 R. Oui.

28 Q. Seriez-vous surpris, si je devais vous dire, qu'en réalité, il n'était

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1 pas premier ministre ?

2 R. Encore une fois, une étiquette n'est qu'une étiquette. La situation

3 n'était pas très simple, mais je suis prêt à vous croire sur parole.

4 Q. D'accord. Très bien. Bien, Est-ce que vous avez pu comprendre - non -

5 je vais reformuler ma question. De quelle façon est-ce que vous compreniez

6 les fonctions de la communauté ? Est-ce que vous aviez l'impression que la

7 communauté incluait diverses municipalités de façon structurée, et comment

8 est-ce que vous compreniez les rapports entre ces municipalités et M.

9 Boban, ou éventuellement M. Prlic, ou un quelconque autre représentant du

10 système ? Comment est-ce que vous compreniez tout ce système ?

11 R. Comme je l'ai peut-être déjà dit hier, je le comprenais comme étant

12 représentatif d'un groupe ethnique particulier.

13 Q. D'accord. Est-ce que vous saviez qu'il y avait une présidence et que

14 Mate Boban était le président de la présidence contrairement à un poste où

15 il n'aurait été que président d'un Etat ? Est-ce que vous étiez au courant

16 de cela, de l'existence de la présidence qu'il présidait ?

17 R. Oui.

18 Q. D'accord. Si je devais vous demander qui étaient les membres de la

19 présidence à cette époque-là. Est-ce que vous pourriez nous répondre ?

20 R. Officiellement, non.

21 Q. D'accord. Seriez-vous surpris d'apprendre que ces membres de la

22 présidence étaient avant tout les présidents des municipalités ?

23 R. Non.

24 Q. D'accord. Saviez-vous qui était président des municipalités et quel

25 pouvoir était les leurs au niveau local aussi bien dans la vie civile que

26 sur le plan militaire s'ils avaient un tel pouvoir ?

27 R. Ce qui nous intéressait plutôt c'était l'influence qu'il pouvait

28 exercer.

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1 Q. Je comprends très bien. Mais --

2 R. Ce qui leur permettait d'agir dans tel ou tel domaine.

3 Q. D'accord. Bien. Nous y arriverons. Pour l'instant, je vous demanderais

4 si vous pouvez répondre à ma question précédente.

5 R. Je n'ai pas eu sous les yeux de document où figuraient noir sur blanc

6 leurs responsabilités précises.

7 Q. D'accord. Est-ce que vous avez demandé un tel document et est-ce que ce

8 document vous ne l'avez pas reçu ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous avez demandé des explications à ce sujet, et vous ne

11 les avez pas reçues ?

12 R. Non.

13 Q. Est-il permis de dire que si vous travailliez, effectivement, au côté

14 de Lane et d'autres représentants, la vérité c'est que ce qui vous

15 intéressait c'était, avant tout, de comprendre l'influence exercée par les

16 uns et les autres et qu'au niveau local vous ne saviez pas très bien qui

17 était responsable de quoi ?

18 R. Je pense que notre système de communication fonctionnait très bien et

19 que, si des personnes, avec qui nous avions des rapports, étaient mal

20 conseillées, cela pouvait être corrigé. Il y avait toute possibilité de

21 corriger une telle situation.

22 Q. D'accord. Je vous pose la question pour la deuxième fois : je ne

23 voudrais pas insister exagérément - parce que M. le Juge Trechsel, en

24 particulier, n'aime pas trop qu'on agisse ainsi du côté de la Défense -

25 mais répondez, je vous prie, à ma question : est-ce que la réponse que vous

26 pouvez faire c'est que vous n'étiez pas en mesure d'apprécier la nature

27 exacte des postes politiques occupés par les uns et les autres au niveau

28 municipal ? Est-il donc permis de dire que vous ne saviez pas exactement

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1 quelle était l'influence des uns et des autres au niveau sur le plan

2 militaire, en particulier ?

3 R. Exact.

4 Q. A un moment, le nom du général Petkovic va sans doute être mentionné,

5 donc, est-ce que -- je vous demande si, à un moment ou à un autre, il a

6 donné un ordre particulier par téléphone et que les dirigeants locaux ont

7 simplement refusé d'exécuter ses ordres, n'est-ce pas ?

8 R. En effet.

9 Q. D'accord. Ils ont refusé parce qu'ils ont estimé qu'ils pouvaient le

10 faire.

11 R. Peut-être.

12 Q. En réalité, le général Petkovic a essayé et finalement ses essais ont

13 été fructueux, mais au niveau où il pouvait le faire, il a essayé de se

14 faire entendre et les représentants locaux ont eu la possibilité sur le

15 plan civil et militaire de faire ce qu'ils voulaient, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Alors, on pourrait penser - excusez-moi - excusez-moi - je fais de mon

18 mieux. J'essaie de respecter les règles. Est-ce qu'après le genre

19 d'incident qui s'est produit dans ces conditions on aurait pu penser que

20 des efforts seraient faits pour améliorer le fonctionnement du système et

21 qu'en réalité aucun effort n'a été fait dans ce sens, n'est-ce pas ?

22 R. Non. Ce n'est pas aussi simple que cela. Encore une fois, il faut

23 apprécier de façon critique la situation pour voir quels étaient les

24 problèmes qui devaient être résolus.

25 Q. D'accord.

26 R. Notre obligation était de faire de notre mieux pour créer des

27 conditions satisfaisantes afin de développer le meilleur dialogue possible.

28 Q. Très bien. Je vais revenir un peu -- je vais revenir sur ce point un

Page 5281

1 peu plus tard. Nous avons parlé il y a quelques instants des informations

2 qui vous ont été fournies. J'aimerais que nous parlions maintenant un petit

3 peu de la structure militaire. Est-ce que par hasard étant un militaire

4 vous vous intéressiez éventuellement à cet aspect des choses, mais est-ce

5 que l'on vous aurait donné peut-être des instructions quant à la doctrine

6 militaire en vigueur avant le démantèlement de l'ex-Yougoslavie ?

7 R. Non.

8 Q. D'accord. Donc, je suppose que vous n'avez pas beaucoup entendu parler

9 de la Défense populaire généralisée.

10 R. Non, en effet.

11 Q. Est-ce que l'on vous a expliqué ce qu'étaient peut-être la Défense

12 territoriale et la façon dont elle fonctionnait dans le cadre de ce système

13 de la Défense populaire généralisée ?

14 R. On ne m'en a parlé que du point de vue de la Yougoslavie au niveau

15 national, du point de vue de l'organisation de son système de défense dans

16 les années précédentes.

17 Q. D'accord. Pourriez-vous expliquer ou vous rappelez-vous éventuellement

18 ce qu'on vous a dit à ce sujet dans un sens ou dans un autre ?

19 R. Il me serait utile que vous me rafraîchissiez un peu, et moi --

20 Q. D'accord, d'accord. Enfin, ce n'est peut-être pas parfait, mais je vais

21 le faire. Nous avons entendu parler de cette question dans ce prétoire à

22 plusieurs reprises, il existait la JNA, mais, également, au niveau local,

23 d'autres structures qui étaient connues sous le nom de Défense

24 territoriale; et au cas où la Yougoslavie était attaquée de l'extérieur, ce

25 niveau local disposait d'armements et pouvait mobiliser ses hommes, ces

26 hommes étaient entraînés. Depuis au moins 50 ans, cette structure et cette

27 doctrine étaient en vigueur, donc, au niveau local, les hommes en question

28 pouvaient s'organiser aussi bien sur le plan militaire que politique, et

Page 5282

1 donc, la Défense territoriale était censée dans ces conditions intervenir

2 au côté de l'armée de métier qui était la JNA pour lutter contre un

3 agresseur venu de l'étranger. Dans le cadre de la Défense territoriale,

4 étaient impliqués des hommes comme des femmes, dès lors qu'ils avaient

5 entre 16 et 60 ans. Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

6 R. Oui, mais vous le dites beaucoup mieux que je n'aurais pu le dire.

7 Q. D'accord, très bien. Est-ce que cela vous surprendrait d'apprendre que

8 ce système fonctionnait au niveau des républiques puisqu'il y avait

9 plusieurs républiques, mais également au niveau inférieur, au niveau plus

10 local, et qu'en cas de guerre, lorsque la guerre civile a éclaté, les

11 populations ont pu s'organiser dans le cadre de ce système d'autogestion,

12 mais que certains ont disposé d'armes depuis le début, c'est-à-dire, les

13 armes qui étaient celles de la Défense territoriale pour se défendre ? Est-

14 ce que vous étiez au courant de cela ?

15 R. Oui.

16 Q. D'accord. J'ai parlé de cela à titre de référence. Mais j'ai cru

17 comprendre, d'après ce que vous avez dit dans votre déposition, qu'il vous

18 était un peu difficile de comprendre la structure de l'ABiH, à l'époque.

19 Vous aviez du mal à savoir qui était au sommet, qui était en bas de la

20 hiérarchie parce que vous avez dû vous renseigner pratiquement du jour au

21 lendemain. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

22 R. Oui.

23 Q. D'accord. Je pourrais vous citer certains passages de votre déposition.

24 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Maître Karnavas.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge.

26 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'écoute l'interprétation, mais je

27 vois que vous rentrez dans des questions de détail. Vous avez dit que vous

28 alliez décrire, de façon générale, les diverses situations qui ont

Page 5283

1 caractérisé l'évolution de la guerre et je me demandais maintenant si vous

2 ne pourriez pas peut-être citer un peu plus précisément vos sources. Vous

3 avez parlé de 16 à 60 ans, mais je ne suis pas au courant de cela. Peut-

4 être un des accusés pourrait-il nous dire si cette tranche d'âge correspond

5 effectivement à la réalité.

6 M. KARNAVAS : [interprétation] D'accord.

7 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Notamment, si nous parlons de femmes

8 et d'hommes, et des jeunes. Je me demandais si certains ne pouvaient pas

9 participer à cette défense à partir de l'âge de 16 ans. J'ai l'impression

10 qu'il vaudrait la peine d'avoir confirmation ou infirmation des âges que

11 vous avez cités. J'ai pris donc la parole en vous interrompant, Monsieur

12 Beese, Maître Karnavas, parce que j'aimerais que nous ayons une information

13 précise sur ce point.

14 Merci, Maître Karnavas.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Donc, j'aimerais

16 vérifier que tout est clair sur ce point. Je parlais donc de la Défense

17 territoriale. Cela c'est le premier point. Ensuite, je parlais également du

18 système de défense généralisé qui était un système enseigné dans les écoles

19 dans l'ex-Yougoslavie. A l'époque, l'âge de porter les armes en cas

20 d'urgence était la tranche d'âge située entre 16 et 60 ans. D'ailleurs,

21 pendant le procès, nous allons présenter des éléments de preuve qui

22 établiront ce fait. Bien entendu, je vous remercie d'avoir soulevé ce

23 point, et c'est un point effectivement très important, donc, je vous suis

24 très reconnaissant d'en avoir parlé. La tranche d'âge concernait donc, pour

25 la possibilité de prendre les armes en cas de guerre, et c'est un chiffre

26 très important, c'est la tranche située entre 16 et 60 ans; et c'était

27 valable pour la Bosnie-Herzégovine. Tout combattant dont l'âge allait de 16

28 à 60 ans était donc considéré comme un militaire, c'est la raison pour

Page 5284

1 laquelle cette tranche d'âge est très importante. Je vous remercie d'en

2 avoir parlé.

3 Q. Monsieur Beese, Je disais que la MOCE avait eu quelques difficultés à

4 comprendre de façon très précise quels étaient les pouvoirs de l'ABiH et je

5 citerais ce que vous avez dit vous-même, je cite : "Ceci pouvait être

6 éventuellement la conséquence du fait que ces citoyens avaient été

7 entraînés et armés dans des délais très brefs."

8 Donc, c'est bien le sentiment que vous aviez à l'époque, n'est-ce pas ?

9 R. C'était une possibilité, en effet.

10 Q. Une possibilité. Bien entendu, ne sachant pas exactement quels étaient

11 les pouvoirs des uns et des autres, vous aviez un peu de difficulté à

12 situer exactement les pouvoirs de la Défense territoriale au niveau local.

13 Vous ne saviez pas tout de ses capacités à s'auto-organiser, n'est-ce pas ?

14 R. En effet. Il y avait des endroits où on était plus efficace que

15 d'autres.

16 Q. Très bien. Vous diriez la même chose des Croates, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. D'accord. Est-ce que vous savez maintenant de façon plus précise à quel

19 moment l'ABiH a été créée ?

20 R. Non.

21 Q. Nous avons un peu parlé du HDZ. Nous en avons fait mention en tout cas,

22 mais le SDA était bien le parti politique représentant les Musulmans à

23 l'époque, n'est-ce pas ? Donc, le parti politique regroupant la grande

24 majorité des Musulmans; c'est bien cela ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous le saviez. En tout cas, vous l'avez su, vous l'avez appris à un

27 certain moment et vous saviez que le SDA avait une branche militaire,

28 n'est-ce pas ?

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1 R. Non.

2 Q. D'accord. Est-ce que cela vous surprendrait d'apprendre qu'en réalité

3 le SDA a disposé de cette branche militaire dès le début, dès sa création;

4 puisqu'elle a crée dès sa créations la Ligue patriotique et que c'était

5 Halilovic, qui n'est pas un homme inconnu, n'est-ce pas, qui a été

6 l'architecte de cette structure militaire et qui en parle d'ailleurs dans

7 l'ouvrage dont il est l'auteur ? Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

8 R. Non.

9 Q. Donc, si nous partons du principe que vous n'étiez pas au courant, M.

10 Lane, peut-être, aurait pu le savoir et il aurait pu vous le dire; mais

11 peut-être ne le savait-il pas.

12 R. Peut-être ne le savait-il pas.

13 Q. D'accord. Donc, dans cette région où vous avez exercé vos

14 responsabilités, il existait, en tout cas à partir d'un certain moment, une

15 structure militaire, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous saviez exactement où cette structure militaire avait son siège ?

18 R. A l'Heliodrom, au sud de Mostar.

19 Q. D'accord. Je suppose donc que, si j'ai bonne mémoire, qu'un Heliodrom

20 sert à l'atterrissage d'hélicoptères, mais qu'en était-il de la région de

21 Travnik ?

22 R. Il y avait des usines d'armement un peu partout en Bosnie-Herzégovine.

23 Q. Il y avait donc plusieurs usines d'armement dans la région.

24 R. Oui, quelques-unes.

25 Q. En tant que militaire, est-ce que vous avez essayé de découvrir, en

26 tout cas dans la région où vous opériez, où se trouvaient exactement les

27 usines de munitions qui auraient pu être utilisées par les uns ou par les

28 autres pour s'emparer d'une partie du territoire ?

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1 R. Il y avait plusieurs villes qui avaient une usine d'armement ou de

2 pièces détachées pour fabriquer des armes. Peut-être que cela aurait pu

3 être intéressant d'en savoir davantage sur l'emplacement exact de ces

4 usines, mais je ne pourrais pas vous donner détail précis à ce sujet.

5 Q. D'accord. Donc je suppose que vous n'êtes jamais allé visiter l'une ou

6 l'autre de ces usines ?

7 R. Non.

8 Q. Très bien. J'aimerais maintenant que nous parlions un peu de la façon

9 dont vous pouviez apprécier la réalité de la situation. Vous avez

10 récapitulé la situation au début de votre déposition, vous avez dit que

11 vous aviez oublié certains détails, mais en tout cas, le siège de la MOCE

12 était bien à Zagreb, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Il y avait des centres régionaux dont l'un se trouvait à Zenica, n'est-

15 ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Puis, des centres de Coordination dont l'un se trouvait à Grude, n'est-

18 ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. On l'appelait le centre de Grude, mais, en fait, les gens qui y

21 travaillaient étaient à Siroki Brijeg, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Quelle est la distance qui sépare Siroki Brijeg de Grude, si vous vous

24 en souvenez ?

25 R. Il fallait à peu près 45 minutes en voiture pour aller d'une localité à

26 l'autre.

27 Q. D'accord. Est-ce qu'il serait permis de dire que, dans la période où

28 vous vous trouviez sur place, la route était assez -- n'était pas obstruée

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1 par quoi que ce soit, qu'on pouvait faire le trajet entre Siroki Brijeg et

2 Grude sans grande difficulté ?

3 R. Oui.

4 Q. Très bien. Lorsque vous étiez dans le pays, si j'ai bien compris, Mate

5 Boban se trouvait à Grude ?

6 R. Oui.

7 Q. Très bien. D'ailleurs, au fait, quand vous êtes arrivé dans ce pays,

8 quand vous êtes arrivé sur place, vous aviez déjà l'expérience des missions

9 internationales, vous aviez l'habitude de prendre rendez-vous avec des

10 responsables locaux et vous aviez des cartes de visite qui vous permettait,

11 à votre arrivée, de vous faire connaître des uns et des autres, n'est-ce

12 pas ? Est-ce que M. Lane a agi de cette façon avec vous ? En d'autres

13 termes, est-ce qu'il vous a fait faire la tournée de la région d'une façon

14 un peu organisée pour que vous sachiez dès le départ plus ou moins qui

15 était qui ?

16 R. J'ai été présenté aux dirigeants civils dans les communautés locales de

17 tout le sud de l'Herzégovine qui était la zone principale de mon action.

18 Q. D'accord. Est-ce que cela a été fait d'une façon organisée ? Est-ce

19 qu'il vous a dit : "Aujourd'hui, je vais vous emmener rencontrer les

20 dirigeants du HVO et, demain, nous irons voir les dirigeants musulmans."

21 Est-ce que c'est ainsi que les choses se sont passées ?

22 R. Oui.

23 Q. D'accord. Donc, je suppose que vous avez rencontré Mate Boban ?

24 R. Non.

25 Q. Vous ne l'avez pas rencontré ? Mais vous avez en tout cas participé à

26 une réunion à laquelle il a assisté, d'après ce que vous avez dit, si je ne

27 me trompe, le 8 mai 1993, n'est-ce pas ?

28 R. Exact.

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1 Q. C'était la première fois que vous avez vu Mate Boban dans une réunion ?

2 R. Oui.

3 Q. D'après ce que j'ai pu lire dans votre déposition écrite et d'autres

4 documents, il semblerait que, ce jour-là, vous vous êtes rendu compte, au

5 fil de la réunion, que Mate Boban était la personnalité numéro un au sein

6 de la communauté croate, n'est-ce

7 pas ?

8 R. Non.

9 Q. D'accord. En d'autres termes, vous le saviez déjà avant cette réunion ?

10 R. Oui.

11 Q. D'accord. Est-il permis de dire, dans ces conditions, que si vous

12 souhaitiez qu'un problème particulier soit résolu, c'est à lui que vous

13 vous adressiez peut-être en premier, ou peut-être pas en premier, mais, en

14 tout cas, parmi les premiers, n'est-ce pas, si le problème était urgent ?

15 R. En général, je prenais contact avec Mate Boban par le biais du centre

16 régional et pas directement.

17 Q. D'accord. En d'autres termes, vous aviez quelqu'un d'autres que vous

18 pouviez approcher plus directement ?

19 R. Oui.

20 Q. Mais ce n'était pas le cas de M. Prlic, peut-être ?

21 R. M. Prlic appréciait de me rencontrer s'il avait le sentiment que

22 quelque chose se passait à quoi il fallait remédier, il était tout à fait

23 prêt à me proposer une solution.

24 Q. D'accord. Est-ce que vous êtes en train de dire que Mate Boban

25 n'appréciait pas de vous rencontrer ?

26 R. Non.

27 Q. D'accord. Mais puisque vous avez dit que M. Prlic avait plaisir à vous

28 rencontrer, est-ce que je dois comprendre que c'était un homme dont la

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1 porte était toujours ouverte à la MOCE ?

2 R. Oui.

3 Q. En d'autres termes, il était tout à fait accessible, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Que vous ayez eu confiance ou pas en cet homme, il vous a toujours

6 indiqué qu'il était prêt à vous aider ?

7 R. Oui.

8 Q. Je ne voudrais pas avancer trop vite, mais ce point a déjà été abordé

9 hier. Il a été question de l'enlèvement de Serbes. Je crois que la date

10 était celle du 6 février 1993, si je me souviens bien. A ce moment-là, vous

11 avez pris contact avec un certain nombre de personnes, donc, M. Prlic et M.

12 Boban, et si je me souviens bien, il vous a été dit qu'une enquête aurait

13 lieu et que cette enquête n'était pas simplement un mot théorique; vous

14 vous rappelez avoir parlé de cela dans votre déposition ?

15 R. Oui.

16 Q. D'accord. Donc, s'il s'avère que, suite à ce qui a été dit par le

17 conseil de Me Coric et par M. Coric en personne hier, s'il apparaît que

18 cette enquête ne s'est pas résumée en un mot creux et que des efforts ont,

19 effectivement, été faits pour enquêter sur les événements, est-il permis de

20 dire que cela vous plaise ou pas, d'ailleurs, que des efforts effectifs ont

21 été faits pour enquêter sur la situation ?

22 R. Cela a été fait, mais je ne sais pas combien d'efforts ont été

23 déployés.

24 Q. Bien. Mais en tant que militaire présent sur place, est-ce que vous

25 vous rendiez compte que les représentants qui ont eu à agir dans ces

26 conditions ont dû le faire dans des conditions anormales, n'est-ce pas ?

27 R. En effet.

28 Q. De votre propre aveu, puisque vous l'avez dit, n'est-ce pas, dans votre

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1 déposition, des deux côtés il y avait des éléments extrémistes.

2 Extrémistes, d'ailleurs, c'est peut-être aller un peu loin, mais en tout

3 cas, des éléments incontrôlables, n'est-ce pas ?

4 R. En effet.

5 Q. Lorsque vous aviez affaire à des éléments incontrôlables de ce genre,

6 vous deviez veiller de très près à la sécurité des uns et des autres,

7 n'est-ce pas ?

8 R. Mon sentiment, c'était que le gouvernement du HVO exerçait un certain

9 contrôle et que c'était à lui qu'incombait de régler ce genre de problèmes.

10 Q. D'accord, d'accord, c'est le sentiment que vous aviez. Mais vous avez

11 vu que des efforts étaient faits, nous l'avons entendu de votre bouche

12 qu'un rapport a finalement été publié. Donc, manifestement, les choses ont

13 duré plus longtemps que vous ne l'auriez souhaité, mais est-ce que vous

14 êtes prêt à dire, depuis le siège que vous occupez dans ce prétoire, que,

15 dans les conditions où ces efforts ont été faits, ils n'ont absolument pas

16 donné le moindre résultat ? Ou est-ce que vous diriez qu'indépendamment du

17 groupe ethnique auquel appartenaient les uns ou les autres, ces divers

18 représentants ont déployé des efforts dans des conditions particulièrement

19 dangereuses avec toutes sortes de personnes incontrôlées qui circulaient

20 dans la région ?

21 R. En effet.

22 Q. D'accord. Alors, j'aimerais que nous revenions à ce dont nous parlions

23 un peu plus tôt, les questions de structures. Si j'ai bien compris, le

24 centre régional analysait les informations reçues du centre de

25 Coordination, n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Le centre de Coordination préparait un rapport quotidien sur la base

28 des renseignements qu'il obtenait des équipes sur le terrain, n'est-ce pas

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1 ?

2 R. Oui.

3 Q. Les centres régionaux mettaient ensuite ces rapports par écrit, les

4 dactylographiaient avant de les adresser plus haut, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Ensuite, le siège de la MOCE --

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous prierais de ralentir.

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, je le ferai.

9 Q. Monsieur Beese, les centres régionaux établissaient donc ces rapports

10 et les adressaient au siège de la MOCE, n'est-ce pas ? Ensuite, les

11 rapports étaient envoyés aux ambassadeurs des pays qui avaient des

12 représentants au sein de la MOCE, et notamment, à M. Vance et à M. Owen à

13 Genève, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Je crois que nous pouvons dire qu'au moins le résultat final qu'on a pu

16 obtenir de par les efforts de la MOCE, donc, en commençant par la base-

17 même, donc, si on prend l'approche de l'équipe, c'est ainsi que les choses

18 ont été faites ?

19 R. Oui.

20 Q. Très bien. Lorsque M. Owen ou M. Vance examinait les rapports provenant

21 de la MOCE, ces derniers pouvaient voir les rapports qui avaient été

22 envoyés, d'après ce qui a été vu, observé, analysé et rédigé par la MOCE,

23 n'est-ce pas ? D'abord, c'est au niveau de l'équipe et ensuite les choses

24 allaient en montant l'échelle.

25 R. Excusez-moi, je prends mon temps pour répondre simplement pour venir en

26 aide aux interprètes. Donc, oui, effectivement. La réponse c'est oui.

27 Q. Fort bien. Voilà ce qui m'intéresse. Lorsque vous avez parlé de

28 l'évaluation et de l'analyse, vous nous en avez parlé, mais vous n'avez pas

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1 vraiment expliqué de quelle façon cette information était analysée et

2 évaluée. Qui étaient les personnes qui étaient chargées de l'analyse,

3 quelle sorte de formation elles avaient reçue, quel était le protocole

4 observé ? Voilà, j'étais en train de réfléchir sur la question en examinant

5 ce que vous avez dit, et je souhaiterais vous présenter une série de

6 questions sur lesquelles vous pourrez réfléchir et vous allez peut-être

7 pouvoir nous donner une explication plus approfondie.

8 Voici donc les questions que je souhaite vous poser. Est-ce qu'il y avait,

9 d'abord, du protocole établi -- y avait-il une méthodologie particulière ?

10 Quel est le genre de critère qui était utilisé ? Y avait-il un contrôle de

11 qualité ? Est-ce que l'on pouvait vérifier ce qui a été évalué et dit ? En

12 réalité, avec une analyse finale, lorsque l'analyse finale avait été faite

13 est-ce qu'elle a été faite sur une base consensuelle ? Y avait-il donc un

14 consensus pour coucher par écrit ce qui a été dit, ou était-ce une personne

15 qui faisait une évaluation finale et une évaluation finale basée sur

16 l'information qu'il avait reçue tenant en tête ? D'abord, en tenant compte

17 de ce que vous avez dit, que cette personne aurait été une personne assise

18 quelque part dans un bureau en train de rédiger un rapport par écrit,

19 dactylographier un rapport, d'après des données reçues, plutôt que d'être

20 sur place -- plutôt que d'être une personne qui avait été sur place avait

21 pu voir et observer des choses plutôt que d'employer des efforts

22 empiriques ?

23 Dernièrement, qu'en est-il des opinions dissidentes ? Y avait-il des

24 opinions dissidentes qui étaient présentées ? Que s'est-il passé avec ces

25 opinions, s'il y en avait ? Alors, dites-nous, je vous prie : d'après votre

26 compréhension et d'ailleurs, j'ai mentionné ceci parce que je crois que

27 vous avez parlé -- vous avez travaillé au sein d'une équipe de

28 Coordination, et vous avez parlé dans un -- vous avez travaillé - pardon -

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1 dans un centre régional également ?

2 R. Oui.

3 Q. Alors, d'après votre expérience, pourriez-vous nous dire de quelle

4 façon les choses ont été faites ?

5 R. Pour commencer à la base, chaque équipe avait normalement deux

6 observateurs. Les deux observateurs se mettaient d'accord sur ce qui a été

7 dit au cours de la journée, donc, en discutaient, et plus loin, ils

8 faisaient un rapport au chef du centre de Coordination. Ceci n'est pas un

9 processus très complexe normalement. Le chef du centre de Coordination, à

10 ce moment-là, employait un formulaire standard sur lequel il envoyait des

11 rapports, c'est un rapport standard qui provenait de la MOCE. Donc, il

12 parlait de questions économiques, sociales, et militaires. C'étaient les

13 trois questions qui étaient abordées dans ce formulaire.

14 Au bas de la page, il y avait une espace réservée au résumé. Le chef

15 du centre de Coordination, selon moi, discutait de cette analyse -- de sa

16 propre analyse avec d'autres observateurs de longue date avant d'envoyer ce

17 rapport. Pour ce qui est des centres régionaux, selon mon expérience, les

18 rapports, qui étaient obtenus -- qui provenaient du terrain, étaient

19 obtenus entre 18 heures et 22 heures, et le processus pendant les périodes

20 très occupées la façon dont les choses étaient rédigées et compilées se

21 faisait jusqu'à minuit, lorsque la situation -- la période était assez

22 occupée et normalement deux ou trois membres responsables de la mission --

23 les membres les plus anciens de la mission en discutaient.

24 Selon moi, pour ce qui est du centre régional, je crois qu'il y avait

25 deux ou trois personnes qui parlaient -- qui discutaient du rapport avant

26 de l'envoyer -- le chef du centre régional, selon mon expérience à moi,

27 encore une fois, l'ambassadeur Jean-Pierre Thébault, il y avait donc lui,

28 moi-même, et le député chef du centre régional. Il y avait également M.

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1 Rémi Landry qui était le chef des officiers des centres des Opérations pour

2 les opérations au niveau régional.

3 Q. Très bien. Cela dit, il semblerait que, d'après ce que vous nous avez

4 expliqué, de toute façon qu'un consensus existait avant que le rapport

5 final ait été envoyé du centre régional au QG, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Donc, cela était fait sur la base de discussion d'après les données qui

8 ont été fournies aux "analystes", si vous voulez, qui n'avaient pas entendu

9 ou vu quoi que ce soit mais qui formulaient leur analyse sur la base d'un

10 rapport reçu.

11 R. Si jamais il y avait un doute qu'il y avait des discussions menées avec

12 des centres de Coordination qui avaient envoyé ces rapports.

13 Q. Vous nous dites si jamais il y avait un doute, est-ce que cela veut

14 dire qu'ils pouvaient vous appeler pour vous poser des questions ?

15 R. Nous les appelions, c'est nous qui les appelions.

16 Q. Bien. De quelle façon est-ce que vous savez qu'il y avait un doute ?

17 Comment saviez-vous quand appeler ?

18 R. Pendant une très longue période de temps les événements qui se sont

19 déroulés étaient tellement importants que nous donnions notre concentration

20 entière à ces événements-là. Nous nous concentrions entièrement sur ces

21 événements, donc, si jamais il y avait un conflit, par exemple, dans une

22 zone donnée, cela ne nous surprenait pas d'entendre de dire qu'il y avait

23 un conflit. Mais la difficulté c'était de comprendre pourquoi, à ce moment-

24 là, il y avait un conflit à cet endroit-là, et qu'est-ce que cela voulait

25 dire exactement.

26 Q. Fort bien.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause. Il est 14 heures moins

28 quart. Nous reprendrons à 4 heures 05.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

2 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

3 --- L'audience est reprise à 16 heures 06.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

5 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, avant de reprendre les

6 travaux, j'aimerais savoir si vous pouviez nous indiquer combien de temps

7 est-ce que la Défense a encore pour le contre-interrogatoire.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais grâce aux diligences de M. le Greffier, que je

9 remercie, M. le Greffier vient de me dire que vous avez utilisé quatre

10 heures 23. Nous avions indiqué hier que vous auriez huit heures, donc, en

11 théorie, il reste trois heures et 40 minutes.

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, que nous

13 aurons besoin d'un petit peu plus de temps, pas beaucoup plus, mais

14 j'espère que vous n'allez pas vous en tenir à ce nombre-là car nous devons

15 passer, sortir, rentrer de la salle audience, et cetera. Je crois qu'on

16 aura besoin d'un petit peu plus de temps.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

18 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis ajouter

19 deux phrases à la suite de ce qui a été dit. Vous nous avez indiqué que

20 vous nous aviez donné huit heures hier, cela est bien vrai, mais avant

21 cela, il a été question de deux jours et demi. Donc lorsque nous avons

22 divisé le temps entre les conseils de la Défense, nous avions pris en

23 compte dix heures, et voilà le problème. Alors, lorsque l'Accusation a

24 donné un nouvel horaire, je crois qu'ils voulaient planifier ou entamer le

25 nouveau témoin demain, après la deuxième pause -- donc, après la première

26 pause, si vous voulez, dans la deuxième partie de la journée. Donc, je

27 souhaiterais vous demander s'il nous serait possible d'avoir deux heures

28 demain matin car Praljak, moi-même et mon confrère, nous avons également

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1 des questions à poser.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : En ce qui me concerne, je ne vois aucune difficulté

3 lorsque le temps du contre-interrogatoire est utile. Mais, je note au

4 passage que Me Karnavas a posé des questions au témoin sur la question de

5 savoir comment étaient faits les rapports, et cetera. Bon, c'est très

6 intéressant, mais en une question et une réponse, cela suffit et on passe.

7 Vous avez passé plusieurs minutes là-dessus. C'est là où le temps peut être

8 utile, mais encore faut-il que cela soit justifié.

9 Alors, sur la question de savoir si, demain, vous pouvez encore utiliser

10 toute la journée, tout cela, cela dépend de l'Accusation.

11 Monsieur Mundis, vous vous étiez levé parce que le témoin qui est prévu

12 demain…

13 M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de me

14 permettre de vous adresser la parole très brièvement. Le problème est le

15 suivant : si l'Accusation nous indique -- enfin, si l'Accusation indique

16 qu'il y a deux témoins pour une journée précise, comme il est le cas pour

17 demain, cela ne veut pas nécessairement dire que la journée est divisée en

18 deux parts égales.

19 Nous allons également ajouter que, du point de vue de l'Accusation,

20 nous avons pris la décision de ne pas formuler d'objections pour un grand

21 nombre de questions non pertinentes car le conseil de la Défense sont des

22 professionnels et savent quel est le temps qui leur est imparti, et nous ne

23 voudrions pas non plus que la Défense dise : "Si l'Accusation ne s'était

24 pas objecté à maintes reprises, nous aurions terminé à temps."

25 Donc, ils savent très bien quel est le nombre d'heures qui leur est

26 imparti, ils savent très bien le genre de questions qui veulent également

27 poser au témoin et c'est au conseil de la Défense de s'organiser entre eux.

28 Si l'une des équipes de la Défense estime qu'elle a besoin de plus de

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1 temps, elle peut certainement poser la question et s'organiser entre elles.

2 Mais, vous avez indiqué que l'Accusation employait environ cinq

3 heures 30 dans le cadre d'un interrogatoire principal. L'Accusation a pris

4 au plus huit heures et donc d'étirer ceci à dix heures, je crois que ce

5 n'est pas le meilleur emploi du temps de la Chambre de première instance,

6 eu égard au fait qu'un très grand nombre de questions non pertinentes

7 avaient été posées. Merci.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais, concernant votre témoin qui va venir

9 demain, il vous faut combien de temps pour votre interrogatoire principal

10 pour ce témoin de demain ?

11 M. KOVACIC : [interprétation] Si je peux venir en aide à mon éminent

12 confrère, dans l'organigramme, il est indiqué deux heures et demie, donc,

13 deux heures 30.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, deux heures 30, ce qui fait que, comme il

15 s'agit d'un témoin classique -- témoin victime, la Défense aura également

16 deux heures 30. Donc, en tout, il faut au moins cinq heures pour le témoin,

17 donc, il faudrait impérativement commencer son audition, demain, de ce

18 témoin.

19 Bon. Donc, ce qui veut dire qu'il nous reste, là, on a encore une

20 heure et demie jusqu'à la prochaine pause; après la pause, il y a encore

21 grosso modo une heure, donc, il nous reste deux heures et demie. Demain, il

22 pourrait y avoir au moins presque trois heures pour la Défense. Donc,

23 globalement, la Défense, vous avez encore trois heures demain, plus deux

24 heures et demie aujourd'hui, donc, cela fait grosso modo cinq heures --

25 entre cinq heures et cinq heures et demie. Donc, vous devez largement

26 clôturer pour que, demain, après la deuxième pause, on commence avec le

27 témoin.

28 Bon. Alors, allez-y. Continuez, Maître Karnavas. Mais je vous adjure,

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1 une nouvelle fois : essayez d'aller à l'essentiel parce que nous sommes des

2 Juges professionnels, on comprend le sens des questions. On aurait nous-

3 même énormément de questions à poser, mais on vous laisser poser vos

4 questions et, parfois, en une question, les Juges règlent une demi-heure de

5 questions de la Défense.

6 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

7 Président. Je ferai de mon mieux pour aller plus vite et être encore

8 meilleur. Alors, voilà, je crois que vous avez soulevé la question, vous

9 m'avez dit que j'ai peut-être passé un peu trop de temps sur les questions

10 de la façon dont les rapports ont été faits, selon nous, nous estimions que

11 c'est très important car il y a un grand nombre de documents qui seront

12 présentés par le biais de ce témoin qui sont sous l'égide de la MOCE et qui

13 ont le sceau de la MOCE, et c'est la raison pour laquelle nous estimons que

14 ces documents sont importants, mais nous aimerions savoir de quelle façon

15 ont été compilés.

16 Q. Cela dit, Monsieur, vous étiez au courant de ce qui était connu comme

17 étant l'ultimatum, l'ultimatum du 15 janvier, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous nous avez dit hier, et je vais approfondir le sujet sous peu, mais

20 vous nous avez dit hier que vous n'avez jamais en réalité vu cet ultimatum,

21 n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Fort bien. Mais néanmoins, vous aviez compris qu'il y avait un

24 ultimatum et vous aviez agi conformément à cet ultimatum ?

25 R. Oui.

26 Q. Alors, voici, je vais maintenant tracer un tableau de fond pour ce qui

27 est des documents. Si j'ai bien compris, lorsque vous avez déposé et

28 lorsque je vois ce que j'ai vu dans d'autres documents écrits, donc le 15

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1 janvier, tout à fait par hasard, vous vous trouviez en présence du chef de

2 l'armée de Mostar, M. Pasalic, vous lui rendiez visite ?

3 R. Je rendais visite au commandant de la brigade qui n'était pas M. Pasic.

4 Q. Très bien. Donc vous visitiez, vous rendiez visite au commandant de la

5 brigade et vous étiez avec M. Lane et c'était le 15, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. A un certain moment donné, et c'est en réalité à ce moment-là, qu'ils

8 vous ont expliqué qu'il y avait un certain ultimatum, un certain type

9 d'ultimatum ?

10 R. Il faut être tout à fait clair. Je n'étais pas avec M. Lane le premier

11 jour de ma visite. Je l'ai vu lors de ma deuxième journée de cette visite.

12 Q. Très bien. Donc, M. Lane était seul ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous savez si c'était le matin ou l'après-midi ?

15 R. Je ne me souviens plus.

16 Q. Fort bien, mais néanmoins, si j'ai bien compris, ce soir-là, le soir en

17 question, une réunion a eu lieu au sein du centre régional et il est allé

18 ensuite à Split, il est parti pour Split ?

19 R. Oui.

20 Q. Mais, lorsqu'il est allé à Split, il a été armé d'une information qu'il

21 avait reçue du commandant musulman concernant un certain type d'ultimatum;

22 est-ce que c'est exact ?

23 R. Je ne me souviens pas des détails.

24 Q. Fort bien. Mais si j'ai bien compris votre témoignage,

25 M. Lane vous avait parlé de cela lorsqu'il est revenu de la réunion et en

26 réalité, il vous a dit les choses suivantes : qu'il ne faudrait pas vous

27 attendre à trop de coopération et qu'il ne faudrait pas s'attendre à trop

28 de l'armée musulmane car ils semblaient être quelque peu agités.

Page 5301

1 R. Oui.

2 Q. Fort bien. Bien, le lendemain, si j'ai bien compris, encore une fois,

3 on vous a convoqué de venir rencontrer ces personnes, donc les

4 représentants des commandants musulmans, de l'armée musulmane ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous ne vous trouviez que depuis huit jours à ce moment-là et c'est

7 lors de cette réunion-là que vous avez vu M. Arif Pasalic, si je ne

8 m'abuse, il était dans une espèce de rage d'alcoolique et c'est à ce

9 moment-là que son adjoint vous a lu un document composé de six pages.

10 R. Non, pas M. Pasalic.

11 Q. Non, pas lui, mais son adjoint.

12 R. Non, M. Pasalic n'était pas présent. J'ai eu une réunion avec le

13 commandant de la brigade et il est apparu -- vous parlez de M. Pasalic,

14 non, ce n'est pas M. Pasalic, mais c'était son aide, le commandant de la

15 brigade.

16 Q. Très bien. Ensuite, à la suite de cette réunion, vous êtes rentré en

17 contact avec M. Lane; est-ce que c'est exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Donc, c'est M. Lane qui vous a convoqué de venir à Split pour leur

20 faire un briefing, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous vous trouviez à Mostar à ce moment-là lorsque vous aviez fait ce

23 briefing ?

24 R. Oui.

25 Q. De quel côté de la rivière vous trouviez-vous ?

26 R. J'étais sur la rive ouest de la rivière.

27 Q. C'est là que le QG de l'armée de la BIH était située ?

28 R. Oui.

Page 5302

1 Q. Fort bien. Où était le bureau de M. Prlic, à ce moment-là ?

2 R. Sur les berges ouest.

3 Q. Très bien. Donc, quelle était la distance entre vous et le QG, est-ce

4 que vous pouvez nous dire, soit à la marche ou en voiture ?

5 R. Une dizaine de minutes.

6 Q. Après avoir entendu cette information, vous aviez compris que c'était

7 assez important, alarmant, et vous avez contacté M. Lane parce que c'était

8 assez perturbant comme information, qui se trouvait à Split, à ce moment-

9 là. Mais vous n'avez pas fait d'efforts, ni vous, ni la personne qui se

10 trouvait avec vous, vous n'avez pas essayé de vous entretenir avec M. Prlic

11 ou avec qui que ce soit - une autre personne - pour essayer de voir si

12 effectivement cet ultimatum était vrai et quelle était la nature de cet

13 ultimatum ? Vous n'avez pas essayé d'obtenir de l'information de l'autre

14 partie, n'est-ce pas ? Aucun effort n'a été déployé vers ce sens ?

15 R. Un effort, à ce moment-là, n'aurait pas également ou nécessairement été

16 la réponse.

17 Q. Mais ce n'est pas la question que je vous pose. Nous allons

18 certainement en parler, mais vous n'avez pas fait aucun effort, vous n'avez

19 pas fait d'effort, et ensuite, je vais essayer d'aller un peu plus vite.

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. D'accord. Donc, pour devancer, il semblerait que vous aviez devancé,

22 vous croyiez ce que vous aviez entendu et il n'y avait absolument aucune

23 nécessité de parler à un Croate. Les Croates avaient beau mentir de toute

24 façon et vous aviez décidé de croire ce que vous aviez entendu, et de vous

25 rendre immédiatement à Split.

26 R. Absolument pas.

27 Q. Très bien. Alors, expliquez-moi et aux Juges de cette Chambre comment

28 cela se fait que vous n'avez pas pris de mesures, que vous n'avez rien fait

Page 5303

1 - et vous l'avez admis vous-même - d'au moins entendre le récit de l'autre

2 partie, si l'ultimatum était vrai, s'il était véridique, et cetera.

3 Expliquez-nous.

4 R. Jusqu'à ce moment-là, je n'avais pas encore rencontré

5 M. Prlic. Je n'avais pas été briefé complètement concernant la chaîne de

6 commandement à qui je devais me rapporter. Je ne savais pas à qui je devais

7 aller parler. Vous venions de rencontrer l'armée de Mostar et il était tout

8 à fait normal de me fier aux personnes qui avaient beaucoup plus

9 d'influence que moi, et que c'est eux qui allaient s'adresser aux personnes

10 adéquates, à un niveau adéquat.

11 Q. Très bien. Mais s'il s'agissait d'une urgence telle qu'elle était, il

12 aurait -- on croirait que vous et la MOCE - pas seulement vous - qu'il

13 aurait fallu agir autrement, est-ce que vous aviez, par hasard, demandé à

14 M. Lane pour savoir qui aurait été l'homologue croate dans l'espèce ? Qui

15 aurait été la personne que vous auriez pu rencontrer du Parti croate pour

16 au moins obtenir son histoire à lui ?

17 R. Je me rapporte à M. Lane, M. Lane se rapporte à

18 M. l'ambassadeur, et c'était eux qui avaient le choix de faire ce qu'ils

19 allaient faire. Eux ont décidé de se rendre à Mostar pour s'entretenir avec

20 M. Prlic; c'était leur décision.

21 Q. Très bien. Lorsqu'ils sont arrivés à Mostar, c'était quel jour ?

22 R. C'était quelques jours plus tard.

23 Q. Quelques jours plus tard, très bien. Donc, l'ultimatum lui-même n'était

24 pas si imminent. Il ne demandait pas, cet ultimatum, il n'exigeait pas que

25 la MOCE agisse immédiatement puisque, si vous attendez deux ou trois jours

26 et qu'il s'agit d'une urgence, ce n'est pas vraiment une urgence, n'est-ce

27 pas ?

28 R. C'était une question importante. Ce n'était pas une urgence. La date

Page 5304

1 butoir pour l'ultimatum était le 20.

2 Q. Mais inutile de dire qu'avant de vous rendre à Split, la raison pour

3 laquelle vous avez été convoqué - puisque ce n'était pas votre propre

4 décision - mais la raison pour laquelle vous étiez convoqué pour que vous

5 donniez un briefing sur ce que vous aviez entendu, c'était la raison de

6 votre visite.

7 Q. Selon moi, il semblerait au moins, à ce moment-là, que --

8 M. KARNAVAS : [interprétation] En fait, j'essaie de ralentir, Monsieur le

9 Président, Messieurs les Juges, mais le temps court. Je ne pourrai pas tout

10 couvrir si je ralentie trop.

11 Q. Donc, il me semblerait que les personnes qui se trouvaient en haut de

12 l'échelon ne voulaient pas entendre ce que les autres avaient à dire. Ils

13 ne voulaient pas avoir tous les faits. Ils voulaient simplement avoir une

14 opinion unilatérale, n'est-ce pas ? Est-ce que c'était le cas ?

15 R. Absolument pas.

16 Q. Fort bien. Vous-même, vous n'aviez jamais dit qu'il faudrait peut-être

17 examiner cet ultimatum, se pencher sur cet ultimatum et voir quelle était

18 la teneur de cet ultimatum. Vous n'avez jamais demandé cela, n'est-ce pas ?

19 R. Je ne me souviens pas exactement ce que j'ai pu ou ne pas pu penser à

20 l'époque.

21 Q. Très bien. Donc, vous avez tiré des conclusions, donc, vous êtes arrivé

22 à une conclusion à un moment donné, et lorsque l'ambassadeur finalement est

23 arrivé, lorsqu'il a rencontré M. Prlic, vous n'étiez pas présent, mais M.

24 Lane vous a dit que des propos assez rudes ont été prononcés dans le sens

25 pour dire que M. Prlic avait reçu pour instruction de ne pas se conformer à

26 l'ultimatum, de ne pas se plier à l'ultimatum.

27 R. Oui, je crois que c'est ce qui a été dit.

28 Q. Dans ce prétoire, nous appelons ceci ouï-dire, donc, vous n'étiez pas

Page 5305

1 présent mais c'est ce que vous aviez entendu.

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Donc, vous aviez peut-être raison de croire M. Lane; nous, nous n'avons

4 aucune raison de le croire, mais c'est ce que l'on vous a dit, n'est-ce pas

5 ?

6 R. Oui.

7 Q. C'est ce que vous me racontez. A un moment donné, vous vous livrez à

8 des conjectures et vous pensez que peut-être que M. Prlic ou d'autres

9 personnes, Mate Boban ou autres, ont agi d'une certaine façon et ne se sont

10 pas pliées à la mise en œuvre, ou ne se sont pas pliées à l'ultimatum, ne

11 sont pas pliées à l'exécution de cet ultimatum puisque la MOCE leur a dit

12 de ne pas le faire, n'est-ce

13 pas ? Est-ce que c'était ceci ? Est-ce que la MOCE est intervenue ?

14 R. Oui, c'est cela.

15 Q. Vous tirez cette conclusion, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Donc, il est très juste de dire, n'est-ce pas, et je n'essaie pas

18 maintenant d'être critique, je n'ai absolument aucune critique à formuler,

19 ne le prenez pas mal, je vous prierais. Mais lorsque l'on prend la chaîne

20 hiérarchique, vous vous trouvez complètement en bas de la chaîne, vous ne

21 savez pas, vous n'avez pas l'information nécessaire, c'est-à-dire que vous

22 n'avez pas droit de consulter des documents, vous ne savez pas ce qu'elles

23 étaient les discussions qui étaient tenues à un niveau plus élevé.

24 R. Oui.

25 Q. Vous n'avez pas non plus participé à d'échanges de documents. Vous

26 n'avez pas vu que des documents avaient été échangés entre les parties,

27 n'est-ce pas ?

28 R. Oui, c'est cela.

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1 Q. Alors, pour commencer, puisqu'on traite de la question, nous pouvons

2 voir le document; est-ce que c'est un D ? Non, P 01215. Il s'agit d'un

3 document qui a été créé par la MOCE, signé par

4 M. Beaussou, en date du 19 janvier 1993. Le sujet : "Relations entre les

5 croates et les Musulmans. Visite à Mostar."

6 Est-ce que vous avez eu ce document, Monsieur ? C'est sur l'écran ? Avez-

7 vous vu ce document, Monsieur, auparavant ?

8 R. Je ne vois pas la totalité du document.

9 Q. Mais vous voyez la première page. Est-ce que vous reconnaissez le

10 document ?

11 R. Oui.

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que tout le monde voit le document ?

13 Parce que je ne le vois pas sur mon écran. Oui. Bon. Est-ce qu'on a une

14 autre copie ici ? Cela, cela fait partie des problèmes.

15 Alors voilà. Nous avons une autre copie pour l'ELMO. Je voudrais demander

16 l'aide de… Voilà. Parfait.

17 Q. Alors, si nous prenons la première page de ce document, on dit quelles

18 étaient les personnes qui étaient présentes à ce moment-là. Nous avons un

19 document à l'écran, et j'ai ma propre copie ici sous les yeux. Parfait.

20 Alors, on voit qui a participé à la réunion : M. Prlic, M. Pasalic, M.

21 Petkovic.

22 Si nous prenons la deuxième page de ce document -- non, tout d'abord

23 -- excusez-moi. Prenons d'abord la première page, parce que je voudrais que

24 vous examiniez ce document puisqu'on parle très clairement de cet incident,

25 de cette période; c'est bien cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Si nous prenons la deuxième page, il est écrit au paragraphe 3(B) :

28 "Après un certain malentendu et un échange de lettres, donc, copies

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1 jointes, entre le gouvernement de l'Herceg-Bosna, M. Prlic et le président

2 du BiH, il est demandé à M. Prlic d'organiser une réunion entre M.

3 Izetbegovic et M. Boban le plus tôt possible à Split. Cette réunion semble

4 nécessaire parce qu'on a besoin de nombreuses précisions, particulièrement

5 dans la période d'insécurité créée par les nouvelles perspectives de

6 Genève."

7 Vous voyez cela ?

8 R. Oui.

9 Q. Si nous lisons ce document, vous ne trouverez rien dans ce document

10 qu'il y aurait des mots très rudes qui auraient été prononcés par M. Prlic,

11 comme : Faites attention parce que la MOCE ferait ceci ou cela. On y trouve

12 rien. On parle d'une réunion, d'échanges, de malentendus, de lettres qui

13 ont été échangées, des deux parties qui essayaient de préciser les choses.

14 C'est un fait.

15 R. Oui.

16 Q. A l'époque est-ce que vous étiez au courant de ce document ?

17 R. Non, je ne pense pas.

18 Q. Parfait. Cela pourrait être utile.

19 R. Oui.

20 Q. Parfait. On m'a demandé de souligner que M. Petkovic - si on prend la

21 liste des personnes présentes à la première page - on dit que M. Petkovic,

22 chef d'état-major du HVO qui est arrivé dans notre meeting et M. Pasalic,

23 sans nous avoir prévenu officiellement. Bon. Mais on peut voir cela plus

24 tard. Alors, ce qu'on peut dire -- ce que nous avons ici, c'est un récit

25 par M. Beaussou de ce qui s'est passé; c'est bien cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Avant de parler de -- ce serait peut-être une bonne idée de voir le

28 document qui parle d'échanges d'information.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Si nous pouvions voir ce document P 012567.

2 Q. Parfait. Avez-vous vu ce document ? C'est un document. Il s'agit d'une

3 lettre adressée à M. Prlic qui vient de M. Izetbegovic.

4 R. Je n'avais pas vu ce document.

5 Q. Pour que nous soyons sûr de parler de la bonne période on dit qu'ici

6 les problèmes qui ont surgi récemment parmi les membres de l'ABiH et du HVO

7 ne sont pas des petits problèmes, mais ils ne sont pas insurmontables. La

8 lettre continue ainsi.

9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé. Est-ce que ce document porte

10 une date ? Parce que vous ne l'avez dit et on ne voit pas le texte.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Justement. Je voulais faire référence à

12 autre document qui parlait de la date de cette lettre. Alors, ce serait

13 bien de voir le document 1D 00818.

14 Tout ce que je peux vous dire, Messieurs les Juges, c'est qu'on voit en

15 haut de l'en-tête c'est délégation danoise de la MOCE. C'est tout ce dont

16 je dispose pour l'instant.

17 Alors, si nous pouvions voir cet autre document, 1D 00818, il s'agit d'un

18 ordre du jour d'une réunion qui a eu lieu et si nous voyons l'ordre du

19 jour; on voit point 1, analyse de la lettre de

20 M. Alija Izetbegovic. C'est le point 1 qui dit : "Le 17 janvier 1993, le

21 président de la République de Bosnie-Herzégovine, M. Alija Izetbegovic, a

22 envoyé une invitation à M. Jadranko Prlic dans laquelle il propose des

23 conversations à Sarajevo par rapport à toutes les questions en jeu.

24 L'invitation est arrivée après un accord auquel ils ont parvenu par

25 téléphone selon lequel M. Izetbegovic et sa délégation devraient venir à

26 Mostar le plus vite possible." En haut, on voit qu'il y a la date du 18

27 janvier 1993. Bon, je ne voudrais pas lire tout ce document parce que la

28 Chambre et les Juges pourront le lire au moment où on va le présenter. Vous

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1 voyez --

2 Q. Saviez-vous que cela était en train de se produire ?

3 R. Oui.

4 Q. A la page 2, nous voyons -- après l'analyse de l'invitation de M.

5 Izetbegovic au HVO, on dit qu'il avait été décidé d'envoyer une réponse.

6 C'est à la page 2 de ce document. Suite à la conversation téléphone du 16

7 janvier 1993, donc, apparemment, le 16 janvier, avant toute intervention de

8 la MOCE, il y avait une conversation entre

9 M. Prlic et M. Izetbegovic où on dit qu'on n'attendait l'arrivée annoncée

10 de votre délégation à Mostar. Donc, M. Izetbegovic avait fait des

11 promesses. Tenant compte de l'existence d'une nouvelle situation dans

12 certaines municipalités de la communauté croate d'Herceg-Bosna, Gornji

13 Vakuf, Jablanica, Mostar et d'autres et votre proposition de changer

14 l'endroit -- le lieu de la réunion, étant donné les circonstances

15 existantes, malheureusement, nous devons interpréter cela comme un autre

16 changement incohérent et nombreux changements politiques.

17 Vous voyez cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Bon. Si, sur place, vous aviez parlé aux personnes importantes dans la

20 communauté croate, vous auriez su que l'une des plaintes qu'il y avait eu

21 par rapport à M. Izetbegovic, c'est qu'il changeait souvent d'avis et qu'il

22 n'était pas toujours cohérent par rapport aux promesses qu'il faisait;

23 c'est bien cela ?

24 R. Peut-être.

25 Q. Bon. Bien, vous avez allusion à cela parce que vous dites dans un

26 document que les parties signaient des accords, mais qu'il n'avait pas du

27 tout l'intention de tenir ses promesses.

28 R. Oui.

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1 Q. Cela est valable pour les Musulmans aussi.

2 R. Oui.

3 Q. Cela est valable aussi pour d'autres accords militaires, un accord de

4 cessez-le-feu, c'est possible, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Si je comprends bien les choses, lorsque vous avez fait ce commentaire

7 cela faisait référence aux négociations qui étaient en cours par rapport à

8 la résolution des différences entre les Musulmans et les Croates à un

9 niveau très élevé, c'est-à-dire, le plan de paix Vance-Owen; c'est bien

10 cela ?

11 R. Oui.

12 Q. Parfait. Défi si le rapport est correct. Ce compte rendu du 18 janvier,

13 qui était préparé bien à l'avance de la procédure actuelle, il était clair

14 qu'apparemment, il y a eu tout de suite une communication pour essayer de

15 résoudre ce malentendu qui avait eu lieu selon lesquels les Croates avaient

16 commencé à entamer ce qui à leur avis était un accord auquel ils étaient

17 parvenus à un niveau très élevé avec l'aide de la communauté

18 internationale; c'est bien cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Parfait.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Là, je voudrais passer à un autre document

22 qui pourrait nous aider aussi. On arrivera ainsi finalement à la question

23 sur laquelle M. le Président a fait un commentaire ou sur laquelle je me

24 suis peut-être trop étendu et il s'agit du processus de rapports. Mais il

25 faut que l'on voit ce document d'une façon très attentive et on ne peut pas

26 accepter des choses comme cela telle quelle. Donc, si vous me permettez, je

27 voudrais faire référence au document P 01303. J'imagine que c'est déjà sur

28 les écrans.

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1 Q. Si nous regardons ce document nous voyons qu'il s'agit du 25 janvier

2 1993, et il s'agit de document que vous pouvez reconnaître.

3 R. Oui, c'est bien cela.

4 Q. Si nous passons à la deuxième page, nous voyons qu'on y dit que c'est

5 un document; est-ce que vous pouvez-vous nous dire, ce document vient d'où

6 et va où ?

7 R. Est-ce qu'on pourrait revoir le début du document ?

8 Q. Oui, passons à la première page. On voit "HRC Split" et cela veut dire

9 le centre régional de Split; c'est bien cela ?

10 R. Oui.

11 Q. C'est adressé à Zagreb; c'est bien cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Donc, si nous prenons maintenant la deuxième page, tout en haut de la

14 deuxième page, on voit point 4 et on y dit : "Je suis allé à cette réunion

15 à Mostar surtout pour avoir une interview privée avec M. Prlic, président

16 du gouvernement au HVO, afin d'exprimer nos préoccupations. Il a dit qu'il

17 comprenait les problèmes et qu'il partageait notre préoccupation. En fait,

18 le samedi, on a ordonné au colonel Siljeg d'arrêter immédiatement toute

19 attaque et d'obéir aux ordres." Vous voyez cela ?

20 R. Oui.

21 Q. Sur la base de ce document, si nous prenons le document suivant, P

22 01319, nous regardons d'abord la première page, tout en haut de la première

23 page, on peut voir de quoi il s'agit. On voit : "MOCE, section d'Opération"

24 et ensuite, on voit une liste de distribution, et vers le milieu de la

25 page, on voit qu'il s'agit d'activités d'observations journalières, le 25

26 janvier 1993. Qui a préparé ce rapport, Monsieur ?

27 R. [aucune interprétation]

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais, Monsieur le Juge, j'essaie de gagner

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1 du temps, je suis désolé. J'ai l'impression d'être -- que je vais me noyer

2 ici à cause du temps qui passe trop vite.

3 Q. Donc, pouvons-nous voir le document, vous voyez la liste de

4 distribution ?

5 R. Oui.

6 Q. Apparemment, cela va vers la capitale ou les différents ministères de

7 ceux qui participent à toute cette opération de la MOCE. Je suis désolé, il

8 s'agit du P 01309. P 01309.

9 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que vous pouvez mettre -- bon, nous

10 allons mettre le document, s'il vous plaît, sur l'ELMO, comme cela on

11 gagnera du temps ?

12 Q. Donc si vous regardez ce document-là, reconnaissez-vous ce genre de

13 document ?

14 R. Oui.

15 Q. Pouvez-vous expliquer à la Chambre en quoi consiste ce document ? D'où

16 vient-il, qui l'a écrit ?

17 R. Je ne vois pas très bien.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document est sous scellé. Donc, il faut passer en

19 audience à huis clos.

20 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président, je n'en

21 étais pas conscient.

22 M. LE GREFFIER : Huis clos partiel, Monsieur le Président.

23 [Audience à huis clos partiel]

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11 Pages 5314-5315 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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1 (expurgé)

2 [Audience publique]

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Prenons le

4 document 1D 00819. Pendant qu'on regarde ce document, il s'agit du

5 personnel de l'état-major du HVO et de l'ABiH. C'est un ordre en date du 20

6 juin 1993 et, si nous voyons la dernière page, nous voyons qu'il y a la

7 signature de M. Petkovic et qui porte un sceau de M. Arif Pasalic et,

8 apparemment --

9 Q. Avez-vous déjà vu ce document ?

10 R. Non, je ne pense pas, je ne m'en souviens pas.

11 Q. D'accord.

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Alors, si nous pouvons voir le reste du

13 document, je peux vous donner une copie si vous voulez la feuilleter

14 pendant que cela reste sur l'écran. On n'a pas besoin de cela sur l'ELMO,

15 mais simplement pour que le témoin puisse feuilleter.

16 Q. Donc, s'il vous plaît, examinez ce document. Il s'agit bien d'une

17 ordonnance ou du moins c'est son but. Il s'agit bien d'un ordre, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Oui.

20 Q. La date est le 20 janvier 1993.

21 R. Oui.

22 Q. Apparemment, il y a déjà eu un ordre qui a été émis par rapport à la

23 situation en cours à Gornji Vakuf; c'est bien le cas ?

24 R. Oui.

25 Q. Parfait. Si vous prenez ce document et vous le lisez, en tenant compte

26 des deux documents précédents que nous avons examinés, il est clair que le

27 dernier document que nous avons examiné, celui qui venait de Zagreb et qui

28 a été distribué vers les niveaux supérieurs, il est trompeur, ce document,

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1 parce qu'ici, nous avons un ordre du 20 janvier. Si vous prenez le premier

2 document que nous avons examiné, les documents de M. Beaussou, on voit

3 clairement que son anglais est assez bon parce qu'on dit : l'ordre a été

4 donné le samedi, donc, il parle du passé donc l'ordre a été donné. Mais,

5 dans le premier document, on n'y dit nulle part que c'est Prlic qui a donné

6 l'ordre et il s'agit d'un ordre signé par Petkovic et pas Pasalic; c'est

7 bien cela ?

8 R. Oui, j'imagine que le général Petkovic a reçu des instructions venant

9 de plus haut.

10 Q. Parfait. Ceci étant dit, vous nous avez dit que vous ne l'avez pas vu.

11 Vous ne saviez pas -- que vous ne connaissiez pas le HVO; c'est bien cela ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous savez qui était le commandant chef du HVO ? Le commandant en chef,

14 vous savez qui c'était ?

15 R. Non, sur ces termes-là, non.

16 Q. Seriez-vous surpris si je vous disais qu'il y avait ce genre de lois --

17 de législation en place à l'époque où vous étiez sur place qui vous donnait

18 une réponse bien précise parce que les pouvoirs étaient bien délimités et

19 on disait clairement qui était responsable de quoi ? Seriez-vous surpris

20 d'entendre cela ?

21 R. Oui, je serais surpris si vous dépendiez de ce genre de structure. Je

22 ne peux pas me baser sur une structure qui est décrite. Alors qu'on sait

23 que toutes les vies qui ont été perdues par la suite.

24 Q. Bon. D'accord. Ce que je voudrais vous faire admettre que vous ignoriez

25 la situation et que votre ignorance découlait de votre manque de

26 compréhension, ou de votre besoin de comprendre quelle était la structure

27 politique réelle parce que j'ai l'impression, mais dites-moi, si je me

28 trompe, que si je dois résoudre un problème, si je dois savoir exactement

Page 5318

1 ce qu'il y a dans une structure, il faut que je sache exactement, il faut

2 que je cherche l'occasion de savoir à qui je dois m'adresser.

3 R. Le 15 février, au moment où on discutait de la paix avec les officiers

4 supérieurs à Mostar il y avait eu plusieurs attaques contre Mostar, contre

5 Jablanica, Ahmici et alors c'est difficile de dire, à ce moment-là, qui

6 était chargé de quoi et quel était l'ordre du jour et le programme ?

7 Q. Bon. D'accord.

8 Alors, maintenant je voudrais vous montrer un autre document. Je peux vous

9 montrer cela. S'agissant de ce qui s'est passé de ces événements parce que

10 je pense que cela serait intéressant de voir - il faut que l'on voit le

11 croate et -- est-ce qu'on a le texte croate aussi ? Le document 1D 00820.

12 C'est une traduction officieuse du texte. J'ai l'original ici, ou plutôt

13 une copie de l'original que je peux mettre sur l'ELMO pour vous montrer --

14 pour que ce soit au compte rendu - bon, nous - on ne pourra pas le lire,

15 mais je voudrais vous montrer qu'il s'agit d'un -- est illigible [phon] et

16 la raison pour laquelle on dit que c'est un texte illigible, on parle

17 d'Ahmici, mais il y avait rien à Ahmici, si vous vous en souvenez, comme

18 vous l'avez décrit, c'était en février. Non, c'était beaucoup plus tard. En

19 avril 1993. Le 16 avril 1993. De toute façon --

20 R. Excusez-moi, je me suis trompé quand à la date, mais le fait est

21 toujours pertinent.

22 Q. Oui, je suis d'accord avec vous. La situation était vraiment très

23 tendue surtout autour du 19 juillet; c'est bien cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Alors, sans oublier qu'il s'agit de ce genre de situation tendue et

26 explosive, on comprendrait très bien pourquoi ? Par exemple, si une

27 communication vient de Genève et qu'on dit qu'il y a un accord, ce serait

28 normal que vous vouliez essayer de tout faire pour que la situation échappe

Page 5319

1 à tout le monde, parce qu'à Gornji Vakuf cela avait déjà commencé avant le

2 15 ou le 13, il y avait des heurts. Alors ce serait normal qu'on veuille

3 qu'une initiative soit prise, comme par exemple, l'ultimatum, comme on l'a

4 appelé. Grâce à cela, dans certaines zones, on demandait aux troupes de

5 l'ABiH, de ses subordonnées, au HVO et vice versa dans d'autres zones,

6 donc, c'est-à-dire que le HVO serait subordonné à l'ABiH. Cela est la

7 solution qui permettrait de faire face à cette situation explosive; c'est

8 bien cela ?

9 R. Bon. Alors, vous comprenez très bien qu'il se soit préoccupé d'entendre

10 qu'il n'y avait un ultimatum qui pourrait donner lieu au conflit et c'est

11 pour cela que je traite la question d'une façon très grave et sérieuse.

12 Q. Oui. D'accord. Je veux très bien. Mais, à ce moment-là, alors, vous

13 n'aviez pas toutes les connaissances et l'appréciation que vous avez eues

14 et vous ne saviez qu'au niveau plus élevé, il y avait des négociations et

15 on pensait qu'il y avait eu un accord qui avait été convenu entre les

16 Croates et les Musulmans.

17 R. Oui. Mais cela ne se passait peut-être pas sur le terrain.

18 Q. Oui. Je comprends bien. Ce que je veux vous faire comprendre c'est que

19 tout le monde travaille avec quelques informations, mais pas la totalité

20 des informations.

21 R. C'est bien pour la raison pour laquelle nous transmettons les

22 informations.

23 Q. Monsieur Beese, permettez-moi de revenir un peu en arrière. Je sais que

24 je vais épuiser tout mon temps sur cette question-là. Vous et M. Lane, vous

25 allez à Split, et là, M. Beaussou s'implique aussi. Ce que je suggère aussi

26 c'est que cet ultimatum, comme nous l'avons appelé, était basé -- était

27 fondé sur une idée qu'il y avait eu un accord convenu entre les deux

28 parties et que M. Izetbegovic avait été d'accord pour qu'il y ait -- et que

Page 5320

1 pour une fois, il tiendrait ses promesses et qu'il y avait une initiative

2 qui a été prise par le HVO parce que la question de Gornji Vakuf avait

3 commencé deux ou trois jours plus tôt, et qu'apparemment, cela allait

4 devenir explosif et échapper à tout contrôle.

5 M. MUNDIS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, c'est une

6 question. Ces affirmations que l'on -- compliquées, composées --

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, j'ai quelque genre d'affirmation.

8 M. MUNDIS : [interprétation] Vous affirmez un tas de choses. Vous dites :

9 M. Lane, vous êtes allé et il y a toutes sortes d'éléments ici. Vous dites

10 : M. Izetbegovic, qu'il était d'accord et que pour une fois, il allait

11 tenir ses promesses.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Je dois vous avouer que j'ai du mal à vous suivre et

13 à votre démonstration. Qu'est-ce que vous voulez au juste démontrer ? Est-

14 ce que, par une question synthétique, vous, par la réponse, vous éclairez

15 les Juges sur un élément qui, pour vous, vous paraît important ? C'est cela

16 le but à atteindre ? Parce que, si nous-mêmes, nous sommes totalement

17 perdus, tous les efforts que vous faites ne servent à rien. Alors, pouvez-

18 vous essayer de synthétiser ?

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, d'accord. Merci, Monsieur le Président,

20 et je vous prie de m'excuser pour la complexité de ma formulation. Alors,

21 prenons les choses point par point.

22 Q. M. Beese, la situation à Gornji Vakuf s'était envenimée, les

23 affrontements à cet endroit dataient déjà du 16 janvier, n'est-ce

24 pas ?

25 R. C'est à peu près cela, oui.

26 Q. Est-ce que cela aurait pu commencer même avant ?

27 R. Je ne m'en souviens pas.

28 Q. Très bien. D'accord. Donc, la crise existant, en tout cas, la situation

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1 était telle, de façon permanente, qu'elle risquait de devenir

2 incontrôlable, et c'était déjà le cas le 15 janvier, n'est-ce pas ?

3 R. Ce que je dirais pour ma part, c'est que cela avait déjà commencé à

4 Prozor.

5 Q. Je ne m'intéresse pas à ce que vous pourriez dire en sus de ce que vous

6 avez déjà dit. Mais en tout cas, à la période qui nous intéresse, la

7 situation risquait de devenir incontrôlable, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Très bien. Alors, supposons qu'un accord avait été, effectivement,

10 conclu et qu'Izetbegovic s'était vu proposé d'aller à Genève, est-ce qu'il

11 n'aurait pas été raisonnable dans ces conditions d'agir immédiatement et,

12 sur la base de ce que vous nous avez dit de la situation, n'eût-il pas été

13 raisonnable d'essayer immédiatement d'empêcher un affrontement ouvert, à ce

14 moment-là ?

15 R. Oui, mais il y avait des gens qui donnaient des consignes à l'armée et

16 d'autres gens qui n'étaient pas d'accord avec cela. Donc, toute cela ne

17 ressemblait pas à des préparatifs très sages.

18 Q. D'accord, d'accord. Mais est-ce que les choses vont bien se passer ou

19 pas, cela c'est une autre question. La première question à régler c'est :

20 est-ce qu'une volonté existait d'agir immédiatement ?

21 R. Oui.

22 Q. D'accord. Quand vous dites que les choses n'étaient pas faciles, je

23 suppose que le même commentaire aurait pu s'appliquer aux Croates qui

24 n'étaient pas tout à fait prêts à se soumettre à l'armée musulmane. Ils

25 risquaient de ne pas apprécier cela, n'est-ce pas ?

26 R. Ce n'est pas une question d'appréciation ou pas, c'est une question de

27 : est-ce que des préparatifs, est-ce que des plans, des projets avaient été

28 établis pour tenter de mettre en œuvre une coopération pacifique ?

Page 5322

1 Q. D'accord. Mais est-ce que vous auriez pu vous attendre, si les

2 Musulmans estimaient que les Croates devaient devenir leurs subordonnés,

3 est-ce que vous pouviez vous attendre à ce que l'inverse soit vrai

4 également ?

5 R. Dans une certaine mesure oui.

6 Q. D'accord. Très bien. Donc, si nous revenons au document dont je

7 parlais. Il est signé par M. Boban, en tout cas, c'est ce qui apparaît au

8 bas de l'original de ce document, il date du 20 janvier et il se lit comme

9 suit, je cite : "S'agissant de votre décision." Donc, il est fait référence

10 à une décision. Je poursuis la lecture, je cite : "Et après discussion avec

11 les co-présidents de la conférence de Genève, M. Vance et Lord Owen, je

12 vous demande de convoquer une réunion spéciale du HVO au sein du HDZ -- ou

13 plutôt non, du HVO de la communauté croate d'Herceg-Bosna pour établir une

14 date limite pour l'application de cette décision," et cetera, et cetera.

15 Vous voyez ce passage ?

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. J'aimerais revenir un

17 peu en arrière parce que je ne comprends tout simplement pas. Vous avez

18 demandé au témoin de dire quel serait le sentiment des Musulmans --

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] -- par rapport à une éventuelle

21 subordination. Les Croate qui auraient dû se subordonner aux Musulmans.

22 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ceci figure au compte rendu

24 d'audience. Mais est-ce que c'était une hypothèse que vous soumettiez au

25 témoin ou une réalité qui faisait l'objet de votre question ?

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous devons nous pencher sur ce qui est

27 convenu d'appeler ici l'ultimatum, que ce monsieur ici n'a jamais vu. Si

28 vous lisez le texte de ce texte dit est appelé un ultimatum, Monsieur le

Page 5323

1 Juge, vous verrez que la mise en œuvre proposée n'est pas proposée en sens

2 unique. Ce qui est censé être un accord devait dans certaines régions

3 donner le contrôle aux Croates, par exemple, c'est-à-dire qu'ils pouvaient

4 mener des opérations militaires organisées dans ces régions, et cetera,

5 parce qu'il y avait encore des Serbes qui les préoccupaient et l'armée

6 musulmane dans ces régions devait devenir la subordonnée des Croates, mais

7 vice-versa dans d'autres régions qui étaient sous le contrôle des

8 Musulmans, et qui devaient également pouvoir fonctionner. Alors, le HVO

9 dans ces régions devait se subordonner aux Musulmans. Voilà ce qui est

10 écrit dans ce document, en tout cas, ce qui était prévu à un moment

11 déterminé.

12 Mais puisque ce monsieur ici n'a jamais eu ce texte sous les yeux, j'essaie

13 de gagner du temps.

14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

15 M. KARNAVAS : [interprétation]

16 Q. Donc, revenons au document suivant qui pourrait nous aider à mieux

17 comprendre la situation. Le document 1D 00821. Nous voyons dans le texte de

18 cette décision qu'elle date du 20 janvier 1993, donc, apparemment, selon

19 les ordres déjà donnés, une réunion spéciale a été convoquée à laquelle une

20 décision a été prise. Lisons le préambule où nous voyions une référence à

21 ce qui précède et, ensuite, suit le texte de la décision; je cite :

22 "Premièrement, modifier le point 5 de la décision 01-4-3293 du 15 janvier

23 1993, qui établissait une date limite pour la mise en œuvre de cette

24 décision."

25 Ensuite, un peu plus loin dans ce même texte, au paragraphe numéro 2,

26 je lis ce qui suit, je cite : "En remplacement de la date limite fixée

27 précédemment, s'agissant d'obtenir la subordination des unités de l'ABiH au

28 commandement du Grand état-major du HVO dans les provinces 3, 8 et 10 et la

Page 5324

1 subordination des Unités du HVO par rapport au commandement de l'ABiH dans

2 les provinces 1, 5 et 9."

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Ceci, Monsieur le Juge, répond à votre

4 préoccupation.

5 Q. Je poursuis la lecture, je cite : "Qui était de cinq jours, un nouveau

6 délai est fixé et ce délai court jusqu'à la fin des pourparlers de Genève."

7 Est-ce que vous voyez ce texte, Monsieur ?

8 R. Oui.

9 Q. Alors, est-ce que vous étiez au courant de cela à l'époque ?

10 R. Non.

11 Q. Très bien. Donc, il est permis de conclure que du moins si on prend en

12 compte l'ensemble des documents, il est permis de conclure que votre récit

13 n'est pas tout à fait précis lorsque vous dites -- ou plutôt, vous supposez

14 que la conversation de M. Beaussou avec M. Prlic a eu lieu et que M. Lane

15 a, ensuite, précipité les événements pour obtenir une application d'un

16 ultimatum en raison des conditions difficiles. Parce qu'en fait, des

17 lettres ont été échangées entre Izetbegovic et M. Prlic, une décision a été

18 prise, des consignes ont été données par M. Boban suite à l'entretien avec

19 Lord Owen et M. Vance et, en raison de tout cela, le problème a été résolu;

20 n'est-ce pas ainsi que les choses se sont passées apparemment, Monsieur ?

21 R. Je pense que dans mes commentaires j'ai dit --

22 Q. Non, non. Je ne vous demande pas cela, Monsieur. Je vous demande : est-

23 ce que les choses ne semblent pas s'être passées ainsi ? Voilà quelle était

24 ma question. Vous pouvez répondre si vous en avez la possibilité.

25 R. Sur la base des documents qui m'ont été fournis, voilà les choses que

26 je savais. Je ne savais pas ce que vous venez de dire. Il semble que des

27 discussions aient eu lieu, nous pouvons en être très heureux, mais à

28 l'époque, nous étions tous inquiets de savoir si le processus allait être

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1 couronnée de succès ou pas.

2 Q. Monsieur, je ne vous demande pas cela, je vous demande, parce que je

3 vous rappelle que vous témoignez devant un tribunal, je vous demande si

4 telle est bien la suite de l'histoire.

5 R. Je peux seulement faire des commentaires sur ce que je savais.

6 Q. D'accord. Mais il semblerait qu'à l'époque où vous avez fait le récit

7 écrit de votre observation des événements parce que vous avez écrit au

8 sujet de ces événements, n'est-ce pas ? Vous n'aviez pas tous les

9 renseignements nécessaires. C'est bien cela ?

10 R. Je n'avais pas beaucoup de renseignements. Mais je ne commentais pas

11 des renseignements qui n'étaient pas à ma disposition, dont je ne disposais

12 pas.

13 Q. Monsieur, mes renseignements que je viens de vous soumettre aujourd'hui

14 donnent une image un peu différente de la situation que celle que vous avez

15 dépeinte, n'est-ce pas ?

16 R. Je ne suis pas d'accord.

17 Q. D'accord. Très bien. J'ai déjà utilisé deux heures et quelques minutes,

18 donc, je vais accélérer parce que je manque de temps. Donc dans le cadre

19 des transmissions de documents émanant de vous, à un certain moment, le

20 gouvernement de Sarajevo a reçu de vous, je suppose dans le cadre du plan

21 de Versailles, une proposition dont vous parlez qui porte sur les

22 pourparlers de Genève.

23 R. On m'a posé des questions, on m'a demandé si je pouvais donner mon avis

24 sur la réalité des faits, si tel ou tel fait était -- ne correspondent pas

25 à la réalité, pour autant que je me souvienne.

26 Q. D'accord. Est-ce que vous avez été invité à vous rendre à Genève par M.

27 Ganic; c'est bien cela ?

28 R. Oui.

Page 5326

1 Q. Si nous regardons les documents, M. Ganic est mentionné par M. Andersen

2 comme étant le vice-président de la Bosnie-Herzégovine, donc, assez haut

3 dans la hiérarchie. A un certain moment, vous avez la possibilité de

4 rencontrer Lord Owen, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Lord Owen, c'est un responsable politique très expérimenté, très

7 compétent, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. C'est un homme qui avait des positions déterminées et, pendant la

10 période dont nous parlons, il était engagé à fond dans la situation, si je

11 puis utiliser ce terme, dans les négociations qui étaient en cours, n'est-

12 ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Très bien. Donc, il ne fait aucun doute qu'il était au sommet de la

15 hiérarchie et qu'il disposait d'information dont tout le monde ne disposait

16 pas. Qu'il avait également de nombreux entretiens, qu'il participait à des

17 réunions d'information, et cetera, contrairement à vous, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Par ailleurs, les renseignements dont vous disposiez vous venaient du

20 terrain, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. D'accord. Lorsque vous avez rencontré M. Owen avec

23 M. Andersen, c'est M. Andersen qui dirigeait les débats, n'est-ce

24 pas ? Après tout, il était ambassadeur et vous ne l'étiez pas, n'est-ce pas

25 ?

26 R. Oui.

27 Q. Il parlait en tant qu'ambassadeur ?

28 R. Oui.

Page 5327

1 Q. C'est lui, normalement, qui prenait l'initiative de prendre la parole ?

2 R. Oui, en effet.

3 Q. D'accord. Donc, j'aimerais que nous passions à huis clos partiel

4 quelques instants, Monsieur le Président.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

6 le Président.

7 [Audience à huis clos partiel]

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13 [Audience publique]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il vous reste cinq minutes avant la pause.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, bien sûr. Merci.

16 Q. Alors, nous parlions de divergence de vue. Vous avez dit que votre avis

17 tout à fait déterminé c'était que les Croates de Bosnie centrale étaient

18 les agresseurs. Vous dites également avoir rencontré à un certain moment un

19 certain Martin, un observateur et finalement nous l'identifions comme étant

20 Sir Martin Garrod, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Il porte le titre de Sir, donc, je suppose que ce titre signifie

23 quelque chose de relativement important.

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce qu'il était commandant dans l'armée, ou colonel, ou général à

26 cette époque-là ?

27 R. Général.

28 Q. Il n'est plus général en ce moment.

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1 R. Il était général à la retraite.

2 Q. Bon. Donc quelqu'un qui avait pas mal d'expérience, et je pense que

3 vous serez d'accord avec moi pour dire que c'était une personnalité tout à

4 fait respectable, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 M. KARNAVAS : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous nous

7 penchions sur le document 1D 00815.

8 Q. Sir Martin Garrod est arrivé sur place quelques temps après vous à peu

9 près au milieu de la durée de votre séjour, n'est-ce pas, et vous êtes

10 resté d'ailleurs et il est resté un peu plus longtemps que vous ?

11 R. Oui.

12 Q. Bien. J'ai lu le texte, et d'ailleurs il m'a beaucoup intéressé,

13 apparemment il s'intéressait à vous pour vous soutirer des renseignements ?

14 R. Oui.

15 Q. D'accord. Parce qu'après tout, il était nouveau sur le terrain, vous

16 étiez déjà un ancien, dont il souhaitait pouvoir profiter de ce que vous

17 saviez déjà, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous étiez plus que désireux d'aider un général, enfin un général à la

20 retraite à se renseigner parce qu'après tout, vous étiez là dans un but

21 bien précis.

22 R. Excusez-moi, dans quel but précis ?

23 Q. Vous étiez là pour suivre la situation et transmettre des

24 renseignements.

25 R. Oui, mais pas nécessairement pour faire plaisir à un général, pas

26 simplement parce qu'il était général.

27 Q. Non, non. Je ne voulais pas dire que vous deviez faire plaisir à un

28 général, vous ne voyez aucun inconvénient à lui transmettre des

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1 informations, à le renseigner, n'est-ce pas ?

2 R. Il était important de le faire. Le fait de faire plaisir à quelqu'un

3 n'a rien à voir avec tout cela.

4 Q. D'accord, d'accord. Très bien. Donc page 3 de ce document, paragraphe

5 20. Je vais citer ce passage. Je cite : "Au cours des six derniers mois, il

6 est devenu évident que les Croates de Bosnie-Herzégovine souhaitaient

7 désespérément la paix, mais pas à n'importe quel prix. Ils ne cessaient de

8 mettre l'accent sur le fait que c'était eux qui avaient les premiers apposé

9 leur signature sur le plan Vance-Owen ainsi que sur les propositions Owen-

10 Stoltenberg à Genève. Ils n'avaient cessé de critiquer l'occident qui ne

11 les comprenait pas, entre guillemets, et qui les montrait comme des

12 agresseurs alors que ce même occident considérait et qualifiait les

13 Musulmans, que eux considéraient être les agresseurs, les qualifiait donc

14 de victimes. Dans toute cette période, ils ont progressivement perdu le

15 moral en voyant que les zones contrôlées par les Croates, notamment, en

16 Bosnie centrale ne cessaient de diminuer en taille suite au succès remporté

17 par l'ABiH."

18 Alors, il semble indiquer dans ce texte que les Croates souhaitaient

19 désespérément la paix. J'avise d'ailleurs au passage que ce document,

20 regardant la première page, date du 18 avril 1994. Donc il semble être

21 resté sur place un peu plus longtemps que vous, et dans ce court passage de

22 ce texte, il semble avoir tiré une conclusion un peu différente de la

23 vôtre, à savoir que les Croates cherchaient et souhaitaient désespérément

24 la paix.

25 R. Je ne suis pas d'accord.

26 Q. D'accord.

27 R. Il s'est peut-être exprimé ainsi parce que les moyens financiers du HVO

28 étaient en train de s'épuiser et que c'est peut-être cela qui les rendait

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1 désespérés, que c'est cela qui faisait qu'ils souhaitaient désespérément la

2 paix.

3 Q. D'accord. Vous indiquez à un certain moment que les deux parties

4 essayaient de s'emparer de certaines portions de territoire. C'est bien ce

5 que vous avez dit, n'est-ce pas, dans votre déposition ?

6 R. Oui.

7 Q. D'accord. Parce que si j'ai bien compris, d'après vous à l'époque, des

8 négociations se menaient pour un partage du territoire et les parties qui

9 s'étaient emparées de certains territoires n'allaient pas être contraintes

10 de les abandonner. C'est bien ce qui se passait à l'époque ?

11 R. Oui.

12 Q. Donc, ce ne sont pas simplement les Croates mais également les

13 Musulmans qui souhaitaient s'emparer de territoire aussi important que

14 possible dans le cas éventuel où les négociateurs décideraient de créer une

15 fédération, donc un pays avec diverses régions. Dans cette éventualité,

16 chacun souhaitait être à la tête de régions aussi grandes que possible en

17 Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

18 R. Je ne crois pas que je sois ici pour tirer des conclusions sur ce que

19 les uns ou les autres pouvaient souhaiter éventuellement.

20 Q. Je ne vous ai pas demandé ce qu'ils souhaitaient éventuellement, je

21 vous ai demandé s'il est vrai qu'à l'époque ce que j'ai dit était le cas,

22 car cela permettrait d'expliquer ce que faisaient les Croates mais

23 également les Musulmans.

24 R. Excusez-moi, je voudrais que mes réponses soient claires.

25 Q. Très bien. Donc quelle est votre réponse à la question ? Est-ce que les

26 Musulmans ne cherchaient pas également à s'emparer de territoires aussi

27 importants que possible dans cette période pendant les négociations au cas

28 où une confédération serait décrétée pour leur permettre d'être à la tête

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1 de territoires aussi vastes que possible. Ceci n'est-il pas une réalité ?

2 R. Personnellement, je ne saurais le confirmer.

3 Q. D'accord. Alors, nous revenons à la situation de Bosnie-Herzégovine en

4 1993, le 8 janvier. Est-ce qu'un incident ne s'est pas passé ce jour-là

5 dans un lieu appelé Jajce; c'est bien cela ?

6 R. Oui.

7 Q. Jajce. Alors, la MOCE ne se trouvait pas à Jajce à ce moment-là ?

8 R. La MOCE observait les retraits des troupes mais n'était pas présente

9 dans la ville.

10 Q. D'accord. On vous a donc fait le récit de ces événements, n'est-ce pas

11 ?

12 R. Oui.

13 Q. D'accord. Ce que vous nous avez dit, c'est que les deux parties se

14 renvoyaient la culpabilité par rapport à la situation, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Les Croates, notamment, étaient très émus parce qu'ils avaient le

17 sentiment que leurs alliés, c'est-à-dire, ceux qu'ils aidaient et

18 protégeaient, à Mostar notamment, mais également dans d'autres endroits,

19 les avaient laissés tomber, les avaient abandonnés. C'est de là qu'est née

20 la crise humanitaire qui a fait 30 000 réfugiés, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Et 20 000 de ces réfugiées à peu près se sont retrouvés dans les

23 villages environnants, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Bien sûr, la question c'était ce qu'il convenait de faire avec cet

26 énorme afflux de réfugiés.

27 R. Oui.

28 Q. Pour les Musulmans, pour Izetbegovic en tout cas, n'est-il pas permis

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1 de partir du principe que cet incident de Jajce ainsi que la situation de

2 Gornji Vakuf, le 15 janvier 1995, c'est bien cet incident que l'Accusation

3 souhaite que nous interprétions comme étant le début de l'affrontement

4 entre les Musulmans et les Croates, n'est-ce pas ?

5 R. C'est possible, je ne saurais le confirmer.

6 Q. D'accord. Voyons les choses de la façon suivante : Alija Izetbegovic

7 avait à traiter et à résoudre une crise humanitaire, il fallait qu'il

8 décide de ce qu'il pourrait faire avec les 20 000 Musulmans réfugiés qui

9 étaient arrivé dans sa région. C'est bien une façon de voir les choses,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Une autre façon de voir les choses, c'est de dire que c'était une bonne

13 occasion pour lui de développer l'ABiH en se dotant de nouveaux combattants

14 musulmans parmi ces 20 000 réfugiés qui, pour certains, avaient l'âge de

15 porter les armes, n'est-ce pas ?

16 R. Possible.

17 Q. Très bien. Bien entendu, si vous étiez Croate et donc minoritaire dans

18 cette région, vous risquiez fort de vous sentir assez mal en voyant arriver

19 tous ces réfugiés et notamment des gens qui -- des hommes qui étaient en

20 âge de porter les armes et de devenir des combattants, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Bien entendu. Bien entendu, nous en avons déjà un petit peu parlé, il y

23 a quelques minutes.

24 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, donnez-moi encore

25 quelques minutes, je vous prie, Monsieur le Président.

26 Q. Donc, c'est la raison pour laquelle j'aimerais que nous parlions de la

27 Défense territoriale. La Défense territoriale, en tout cas localement, elle

28 avait une unité qui pouvait participer à la défense de la région. Alija

Page 5342

1 Izetbegovic s'est donc doté de la possibilité de disposer d'une unité

2 mobile de combattants musulmans qui pouvait lancer des offensives un peu

3 plus loin que ce qui était possible jusque-là. Si nous tenons compte du

4 contexte général, il est possible que ce qui s'est passé à Jajce ait été un

5 événement beaucoup plus important que la traduction qu'en a faite la MOCE à

6 l'époque. Parce qu'il y avait cette crise humanitaire et les réfugiés ont

7 donné aux Musulmans une armée très mobile, plus importante en nombre que

8 jusqu'à ce moment-là, et qui est donc une nouvelle possibilité de s'emparer

9 de territoires plus vastes.

10 Si nous gardons cela à l'esprit, nous pourrons y revenir après la

11 pause, j'aurai encore quelques questions à vous poser au sujet des

12 négociations à la lumière de cette interprétation de la situation,

13 négociations qui étaient destinées à mettre en place une régionalisation,

14 une décentralisation; et donc, ces pourparlers étaient en cours à l'époque.

15 Ceci n'est-il pas un fait, Monsieur ? Est-il possible que peut-être vous-

16 même et les autres membres de la MOCE n'aient tout simplement pas bien

17 saisi, n'aient pas pris toute la mesure de l'importance de l'événement de

18 Jajce ?

19 R. C'est un événement qui a eu lieu, on pouvait se poser des questions

20 quant à ses conséquences à l'époque.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] Maître Karnavas, vous venez de poser

22 une question de plusieurs lignes. Bon, il a répondu. Si vous voulez, vous

23 répondrez après puisque j'ai des appels désespérés pour qu'on arrête.

24 Alors, il est 6 heures moins 20, on reprendra à 6 heures.

25 --- L'audience est suspendue à 17 heures 45.

26 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

28 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de

Page 5343

1 m'exprimer pour l'instant. Monsieur Karnavas a dit qu'il proposait de

2 suivre son contre-interrogatoire après la pause que nous venons d'avoir et,

3 si j'ai bien compris, il a beaucoup de questions à poser dans l'intérêt de

4 son client. Je pense, Monsieur le Président, qu'il faudrait inscrire au

5 compte rendu que j'ai dit, que j'ai signalé que ce témoin a déposé au sujet

6 de notre client, M. Stojic, et qu'il faut que nous ayons également à bien

7 amener un contre-interrogatoire du témoin et ceci, pendant un certain

8 temps. Je pense que nous l'avions dit clairement aux autres conseils. Mais,

9 pour le compte rendu, Mme Nozica et moi, nous nous sommes partagés le

10 travail de contre-interrogatoire parce que le contre-interrogatoire par

11 d'autres conseils, en fait, comme d'autres questions ont été posées, je

12 pourrais réduire le temps j'aurais besoin de trois-quarts, donc je pourrais

13 être très bref. Mais nos estimations nous disent que nous aurions besoin

14 d'environ deux heures de contre-interrogatoire, plus ou moins. Je sais

15 qu'il y aura des conséquences pour M. Kovacic et lui il voudrait peut-être

16 aussi que l'on entende ce qu'il a à dire.Merci, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, il vous faut combien de temps ?

18 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, après les questions

19 qui ont été posées par d'autres conseils de la Défense et surtout pour

20 éviter des répétitions, je pense que nous aurions besoin jusqu'à deux

21 heures. Je ne vois vraiment pas comment je pourrais encore réduire ce laps

22 de temps étant donné la quantité de documents qui sont utilisés avec ce

23 (expurgé)

24 scellé est un document très volumineux et qui représente quatre ou cinq

25 heures d'opposition. Parce qu'il s'agit presque de la déclaration écrite du

26 témoin et en présentant le document, l'Accusation s'est acquise quatre ou

27 cinq heures d'examen, d'interrogatoire et il faut quand même un contre-

28 interrogatoire.

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1 Permettez-moi d'ajouter, Messieurs les Juges, Monsieur le Président,

2 je crois qu'il est tout à fait raisonnable que vous soyez intéressés par

3 cette situation, mais l'Accusation avait envisagé deux heures et demie pour

4 le témoin suivant, ce qui veut dire que si l'Accusation commence à la fin

5 de la journée demain, ou si cela commence demain, elle aura une journée

6 complète pour ce témoin le lendemain, le jeudi, et ce témoin est un témoin

7 qui prendra moins de temps et qui a été prévu pour deux heures et demie.

8 Donc je vous demanderais, Messieurs les Juges, Monsieur le Président,

9 de nous donner les deux heures dont nous avons besoin pour ce témoin-ci

10 parce qu'on ne pourrait pas faire un contre-interrogatoire sur un document

11 aussi volumineux en moins de deux heures.

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi, si j'ai bien entendu,

13 j'aurais besoin de cinq minutes. Je vois mes notes, je comprends très bien

14 que M. Murphy ne soit pas content, mais, moi aussi, je représente un

15 client, comme lui représente son client. Je suis sûr qu'il y aura peut-être

16 un moment où lui aurait besoin de plus de temps et que je devrais être plus

17 bref. Voilà, je vous demande cinq minutes, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous reste cinq minutes. Alors, à ce stade, le

19 Greffier m'a indiqué tout à l'heure, apparemment il y a eu sept heures 44.

20 Donc j'ai l'impression que le temps cumulé de la Défense jusqu'à présent

21 faisait sept heures 44. Bon. Donc, on va être au-delà des dix heures.

22 Alors, si j'ai bien compris, il vous reste encore cinq minutes.

23 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ce qui veut dire que le suivant aura 45

25 minutes. Bon, c'est encore jouable.

26 Alors allez-y, terminez vite.

27 M. KARNAVAS : [interprétation]

28 Q. Monsieur Beese, pouvons-nous parler un peu du plan de Vance-Owen et vos

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1 efforts sur place. Très brièvement, lorsque vous êtes arrivé sur place,

2 vous n'aviez pas d'expérience préalable en termes de gouvernement; c'est

3 bien cela ?

4 R. Oui, c'est bien cela.

5 Q. Une partie de votre travail sur place ne vous rendait pas responsable

6 de la sécurité de personne, de la population locale ? Vous n'étiez pas là

7 pour les protéger, vous étiez là pour observer ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous n'étiez pas responsable de garantir l'eau potable, l'électricité,

10 le paiement des retraites, le prélèvement des impôts, tout cela ?

11 R. J'étais là pour faire un rapport.

12 Q. Je vous demande si vous étiez là pour faire rapport -- répondez à la

13 question, s'il vous plaît. Vous n'étiez pas sur place pour garantir

14 l'électricité, les poubelles, l'eau potable de la vie journalière,

15 quotidienne ?

16 R. Oui, c'est cela.

17 Q. Mais il y avait d'autres personnes pour cela, oui ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez dit que M. Prlic avait un point de vue différent du vôtre;

20 c'est bien cela ? Au sujet de la mise en œuvre.

21 R. Oui.

22 Q. Vous et la MOCE, vous pensez que le plan de paix Vance-Owen allait de

23 l'avant, c'est ce que vous avez dit. Vous avez dit qu'on vous avait donné

24 des instructions, que la MOCE vous avait donné l'instruction d'aider à la

25 mise en œuvre.

26 R. Oui.0

27 Q. A d'autres, on vous a dit : "On ne va pas vous donner un chèque en

28 blanc, allez-y, on ne va pas vous donner des informations détaillée sur la

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1 façon de mettre en œuvre ce plan de paix." C'est bien cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Dans vos conversations avec M. Prlic, est-ce qu'il a indiqué ce qui, à

4 son avis, était nécessaire sur la procédure à suivre; c'est bien cela ?

5 R. D'une certaine manière, oui.

6 Q. Une des choses qu'il vous a demandé de faire, c'était d'essayer de

7 trouver des interlocuteurs de l'autre côté pour qu'ils puissent commencer

8 ce processus avec votre participation ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez indiqué, c'est au compte rendu, qu'il fallait trouver des

11 interlocuteurs musulmans qui conviennent et que c'était presque toujours un

12 problème.

13 R. Oui.

14 Q. M. Prlic ne vous a jamais mis devant un fait accompli. Il n'a jamais

15 dit : "Voilà, c'est comme cela. Vous prenez, vous laissez. Je suis

16 inflexible. C'est comme cela, un point, c'est tout." Au contraire, son

17 approche était : "Voilà, je pense qu'on devrait faire comme ceci, qu'il

18 faudrait trouver un interlocuteur et discuter." C'est bien cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Je crois que vous vous attendiez à ce que lui, puisqu'il représentait

21 ses intérêts, qu'il essaie de présenter un paquet ou un point de départ qui

22 serait le plus favorable possible aux Croates. Vous vous attendiez que les

23 Musulmans feraient de même; c'est bien cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Donc, voilà pour le plan de paix Vance-Owen, c'est couvert, c'est fait.

26 Alors très brièvement, une dernière question. Je sais que ce sera couvert

27 d'une façon très détaillée, mais vous avez mentionné mon client et, donc,

28 j'ai une question à vous poser à ce sujet. Il s'agit de la question des

Page 5347

1 Moudjahiddines. Si j'ai bien compris, j'ai lu ce que vous avez écrit, et

2 vous avez dit que, lorsque vous êtes allé à Zenica, vous avez pris

3 conscience de l'existence des Moudjahiddines.

4 R. Oui.

5 Q. Personne ne voulait savoir qui il y avait derrière tout cela ?

6 R. Oui.

7 Q. Mais il était clair qu'il faisait partie de l'ABiH ?

8 R. Oui.

9 Q. En fait, vous avez dit que vous étiez assez prudent, que vous ne

10 vouliez pas trop gratter, trop voir de qui il s'agissait, ce qu'il faisait,

11 pour des raisons de sécurité, de votre sécurité personnelle ?

12 R. Oui, cela a été pris en compte.

13 Q. Oui, vous en avez discuté et, à un certain moment, comme je l'ai dit,

14 eux, c'est comme je l'ai compris. Vous aviez même peur d'être kidnappé par

15 ces personnes. Non pas par des Croates, mais kidnappé, enlevé par les

16 Moudjahiddines; c'est bien cela ?

17 R. On a pris cela en compte.

18 Q. Mais vous étiez un observateur, c'est pour cela que vous étiez là.

19 R. Oui.

20 Q. L'observation voudrait normalement que vous et d'autres, que vous

21 alliez sur place, que vous étudiez la situation et que vous voyiez s'il

22 s'agissait d'anciens combattants, des extrémistes, des Moudjahiddines ou

23 quelque soit les termes qu'on utilise pour eux, et de faire un rapport

24 exact sur ce que -- c'est cela votre travail ?

25 R. Oui.

26 Q. Mais, ici, pour des raisons de sécurité, parce qu'après tout, les

27 Musulmans avaient peur de ces anciens combattants, de ces Moudjahiddines.

28 Donc vous, vous n'avez peut-être pas fait tous les efforts nécessaires et

Page 5348

1 aujourd'hui, vous pourriez peut-être dire : oui, c'était des

2 Moudjahiddines, il y en avait autant, ils venaient de là, et cetera; c'est

3 bien cela ?

4 R. Non, non, pas tout à fait. Nous avions très peu de ressources, nous

5 avions beaucoup de voies à suivre, donc physiquement et matériellement,

6 c'était impossible en 24 heures de suivre toutes ces pistes possibles. Il y

7 avait des personnes dans la mission qui ont examiné de près ce qu'ils

8 faisaient.

9 Q. Mais dans ce que vous avez écrit, vous semblez dénigrer ce que vous

10 aviez entendu des Croates, y compris M. Prlic, qui disait qu'il y avait des

11 extrémistes des Moudjahiddines qui étaient là et qu'ils avaient commis des

12 crimes; c'est juste ?

13 R. Non, pas tout à fait. Ils avaient commis des crimes, toutes les parties

14 l'avaient fait, à un certain moment, à un certain niveau. C'est bien

15 différent du bombardement de communautés et d'attaques par l'infanterie; et

16 c'était cela notre priorité.

17 Q. Bon, d'accord. Mais je suis sur que M. Praljak va vous informer de

18 toutes ces choses-là. Pour terminer, dernière question --

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Pourrions-nous passer à huis clos partiel,

20 Monsieur le Président, pour une seconde ? Je sais qu'il faut une seconde

21 pour y arriver, mais --

22 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

23 [Audience à huis clos partiel]

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11 Pages 5349-5350 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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12 [Audience publique]

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, c'est parce qu'il y a une autre question.

14 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup. Désolé, Maître

15 Murphy, je ne vous permet pas de prendre la parole tout de suite, mais

16 j'aimerais partager mes préoccupations au sujet de l'usage que nous faisons

17 du temps. On se rappellera tous qu'il y a une décision de cette Chambre qui

18 a été confirmée par la Chambre d'appel quant à l'utilisation du temps par

19 l'Accusation et par les équipes de la Défense. Je voudrais rappeler que

20 cette question a été soulevée à maintes reprises. Je suis désolé, je vais

21 parler clairement de cette question. Nous allons perdre trop de temps si

22 nous suivons cette approche et nous poursuivons de la sorte. J'ai suggéré

23 au Président, M. Antonetti, et il était d'accord que nous devons examiner

24 la question de la proportion du temps utilisé par l'Accusation et par la

25 Défense, et il faudra revenir sur cette question d'ici peu parce que nous

26 voudrions précéder certaines diligences et en même temps, évidemment, il

27 faut que la Défense puisse faire son travail. Mais il faut aussi respecter

28 les décisions qui ont été rendues. Donc ceci étant dit, je vous remercie de

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1 m'avoir écouté et je demande à la Défense de coopérer.

2 Merci.

3 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi une

4 petite seconde. J'ai soulevé cette question avec une des équipes de la

5 Défense. Il y a peut-être certaines questions qui portent sur les

6 Moudjahiddines et pour lesquelles l'Accusation serait tout à fait d'accord

7 de dire que nous sommes d'accord. Il a été question que la Défense voudrait

8 poser dans son contre-interrogatoire et qui ne sont peut-être pas

9 nécessaires, et pour toute une série de point sur lesquels nous serions

10 d'accord. Alors, plutôt que de passer plusieurs heures demain sur les

11 Moudjahiddines, on pourrait peut-être inviter les équipes de la Défense à

12 mettre par écrit les questions bien précises qu'elles aimeraient soulever,

13 et M. Scott et moi, et notre équipe, nous allons nous asseoir pour voir

14 quelles sont les questions sur lesquelles nous pouvons être d'accord.

15 Cette Chambre sait très bien que cette institution a parlé de crimes

16 commis par les Moudjahiddines ou qui ont -- cela a déjà été commis par les

17 Moudjahiddines. Nous ne disputons pas ici au sujet des crimes qui ont été

18 commis par les Moudjahiddines, nous allons parler de questions,

19 propositions spécifiques, concrètes de la Défense pour voir si ce sont des

20 questions pertinentes. Nous sommes tout à fait disposés à examiner ces

21 questions pour voir si nous pouvons parvenir à un accord. Nous ne pensons

22 pas que si nous passons des heures pour un contre-interrogatoire de ce

23 témoin ou d'autres témoins sur la question des crimes commis par les

24 Moudjahiddines, je ne pense pas que cela fasse avancer l'affaire et que

25 cela va dans l'intérêt de personne en l'espèce. Ce que cela va faire, c'est

26 prolonger le procès. Donc je suis sûr qu'il y a toute une série de

27 questions sur lesquelles nous pourrions être d'accord.

28 Donc, je voudrais inviter la Défense, les différentes équipes de s'asseoir

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1 avec nous, de voir ensemble et faire des propositions par écrit, à

2 l'avance, pour que nous puissions les revoir et ceci nous permettra

3 d'épargner un temps important.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre espère que les avocats de la

5 Défense ont entendu la proposition de M. Mundis. Donc, nous vous invitons à

6 vous voir car c'est vrai que dans le cadre du contre-interrogatoire, ce

7 n'est pas la peine d'aller poser des questions auxquelles l'Accusation est

8 d'accord sur l'objectif de la question.

9 Bien. Alors, Maître Murphy, vous avez presque trois-quarts d'heure. Allez-

10 y.

11 M. MURPHY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

12 Permettez-moi de vérifier si nous sommes en audience publique. Je vois un

13 signe affirmatif. Le président, oui.

14 Contre-interrogatoire par M. Murphy :

15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Beese.

16 R. Bonjour.

17 Q. Monsieur Beese, j'ai très peu de questions pour vous au nom de M.

18 Stojic, Bruno Stojic. Je vais tenter de parler plus lentement, car il faut

19 permettre également aux interprètes de pouvoir nous interpréter,

20 d'interpréter nos propos.

21 Vous avez dit dans le cadre de votre déposition que vous vous êtes

22 entretenu à plusieurs reprises avec M. Stojic.

23 R. Oui.

24 Q. Les raisons de ces entretiens, de ces réunions, étaient d'essayer, de

25 vous permettre de tenter de trouver un moyen pour vous permettre accès à

26 certains endroits.

27 R. Oui.

28 Q. Vous aviez compris que M. Stojic était la personne qu'il fallait aller

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1 voir pour obtenir la possibilité de vous adonner à certaines activités.

2 R. Oui, que je devais m'adresser à son bureau à lui.

3 Q. Lorsque vous êtes arrivé sur le terrain des opérations, sur le théâtre

4 des opérations, l'Herceg-Bosna était une réalité déjà établie, n'est-ce pas

5 ?

6 R. Je ne peux répondre à votre question.

7 Q. Permettez-moi de reformuler la question, alors. Les représentants

8 d'Herceg-Bosnie étaient des personnes que vous deviez contacter pour

9 pouvoir mener à bien vos activités ?

10 R. Les représentants du HVO, plutôt que les représentants de l'Herceg-

11 Bosna.

12 Q. Est-ce que vous saviez que l'Herceg-Bosna en tant qu'entité existait ?

13 R. Oui, j'étais conscient de ce concept.

14 Q. Du concept, je vois. A combien de reprises, Monsieur, est-ce que vous

15 avez rencontré M. Stojic ?

16 R. Je crois que c'était à cinq reprises.

17 Q. Après cela, si je comprends bien, c'était devenu la pratique de

18 rencontrer son adjoint, M. Bozic, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, c'est cela.

20 Q. Répondez, si vous le pouvez, d'une façon claire. Lorsque vous avez

21 rencontré M. Stojic, combien de temps duraient les réunions, normalement ?

22 R. Entre 15 minutes à 30 minutes.

23 Q. Vous avez déposé, ou plutôt dans le cadre de votre déposition, vous

24 avez parlé d'une réunion qui a eu lieu le ou vers le 18 avril 1993, vous

25 souvenez-vous de cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Cette réunion était celle où M. Ganic était présent également, n'est-ce

28 pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous avez noté qu'à un moment donné, au cours de cette réunion, M.

3 Stojic a fait une tirade, vous l'avez appelé ainsi, n'est-ce pas, il a fait

4 une tirade, il a donné une tirade à M. Ganic.

5 R. Oui, je n'étais pas dans la pièce quand il est arrivé.

6 Q. Mais vous aviez compris, vous aviez cru que M. Stojic s'était exprimé

7 de façon assez claire à M. Ganic, qu'il avait élevé un peu la voix, n'est-

8 ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Il avait parlé de certains crimes, d'atrocités commis par les Musulmans

11 contre les Croates, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. M. Stojic, selon vous, s'était quelque peu emporté à cause de cela,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. C'était compréhensible, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. En réalité, au cours de votre carrière, vous avez également servi en

19 Irlande du nord, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous défendiez une partie du Royaume-Uni contre divers groupes

22 paramilitaires, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Ces groupes avaient commis des atrocités contre la population civile,

25 n'est-ce pas ?

26 R. Oui.

27 Q. Contre les policiers, également ?

28 R. Oui.

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1 Q. Malgré les efforts déployés par vous et vos troupes, ceci est arrivé

2 alors que vous vous trouviez sur le théâtre des opérations, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Je suis tout à fait certain que vous aussi, cela vous a fait quelque

5 chose, vous étiez furieux, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Je ne me souviens pas si j'étais furieux, si j'étais fâché, si

7 cela m'avait bouleversé. Je ne me souviens pas, je ne pourrais pas vous

8 dire ceci, mais cela m'avait bouleversé, voilà. Cela m'avait bouleversé

9 grandement.

10 Q. Il faudrait être moins qu'un être humain pour dire que ce genre de

11 chose ne nous bouleverse pas, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, tout à fait.

13 Q. Bien. Vous avez également pu voir, à d'autres occasions, que M. Stojic

14 a exprimé des points de vue qui, selon lui, étaient des activités

15 malencontreuses, des activités qualifiées de males, faites envers certains

16 éléments musulmans ?

17 R. Oui.

18 Q. Justement, à cause du fait que vous étiez là en tant qu'observateur,

19 vous pouviez comprendre l'opinion de M. Stojic, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Je crois que nous avons établi au cours des quelques dernières heures

22 du contre-interrogatoire, enfin nous avons entendu dire qu'effectivement,

23 certains éléments musulmans ont, effectivement, commis des atrocités à

24 l'encontre de personnes.

25 R. Oui

26 Q. Puisque vous aviez un nombre d'employés assez limité, vous ne pouviez

27 pas vous livrer ou diligenter une enquête en détail pour ceci.

28 R. Nous aurions fait -- nous faisions de notre mieux pour nous enquérir à

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1 savoir si, effectivement, des atrocités avaient eu lieu. Enfin, nous nous

2 renseignions. Mais il n'était pas possible de diligenter une enquête pour

3 ce qui nous concerne.

4 Q. Donc, vous faisiez de votre mieux.

5 R. Oui.

6 Q. Mais il est tout à fait certain que vous ne pouviez pas vous livrez à

7 toutes les enquêtes vous-même, vous et vos collègues n'avez pas pu mener

8 toutes les enquêtes que vous auriez voulu ou que vous auriez pu.

9 R. Oui, c'est exact.

10 Q. Je crois que vous avez également dit, je crois que le terme que vous

11 avez employé, c'est qu'il y avait des éléments incontrôlés du HVO qui se

12 livraient à certaines activités, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous n'étiez pas toujours en mesure de voir de qui il s'agissait

15 puisque leur uniforme n'était pas toujours en meilleur état ?

16 R. Oui.

17 Q. Donc, nous pouvons conclure qu'eux aussi s'étaient adonnés à certaines

18 activités illégales, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

21 le Président.

22 [Audience à huis clos partiel]

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17 [Audience publique]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Nozica, vous avez la parole.

19 Mme NOZICA : [interprétation] J'essaie d'utiliser au mieux chaque minute du

20 temps qu'il nous reste.

21 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

22 Q. [interprétation] Monsieur Beese, je m'appelle Senka Nozica et je

23 vais vous poser quelques questions dans le cadre de la défense de Bruno

24 Stojic dont je suis le conseil. Mon confrère vous a parlé du rapport datant

25 du 20 avril 1993 dont le numéro est 01981. C'est un document de

26 l'Accusation. Ce rapport, vous en avez parlé dans votre déposition en

27 disant à ce propos que M. Stojic était entré à l'improviste dans une

28 réunion, à laquelle vous n'assistiez pas d'ailleurs, et qu'il avait agressé

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1 M. Ganic lorsqu'il était question de certains renseignements relatifs à la

2 situation sur le terrain.

3 Est-ce bien ce que vous dites dans votre rapport dont la date est

4 celle du 21 avril ? Je fais cette correction car jusqu'à présent, c'est la

5 date du 20 avril qui a été consignée au compte rendu un peu plus haut. Oui,

6 tout va bien maintenant, la correction est apportée.

7 Donc, vous avez dit que certains événements avaient lieu sur le

8 terrain, qu'ils ont fait l'objet d'investigations de votre part et que

9 d'autres n'ont pas fait l'objet d'enquêtes. J'aimerais, pour ce qui me

10 concerne, revenir sur deux points qui figurent en page 2 et que je

11 considère importants. La page suivante, au bas de la page 2. Voici le

12 premier sujet qui me paraît important. "Le centre régional de Zenica essaie

13 d'élaborer un accord relatif à un cessez-le-feu local et ce, depuis le 18

14 avril 1993. Un certain nombre de réunions se tiennent en présence des

15 représentants des autorités locales, mais, au départ, toutes ces réunions

16 ne donnent que peu de résultats parce qu'il n'y a pas de commandant

17 militaire du HVO qui y participe." Vous souvenez-vous de ce rapport et du

18 passage que je viens de vous citer, où vous faites était du commandant

19 militaire du HVO ?

20 R. Je ne me souviens pas avoir eu ce rapport sous les yeux, mais je

21 comprends ce que vous dites du contexte.

22 Q. Si vous ne vous souvenez pas avoir eu ce rapport sous les yeux, je vous

23 demanderais de jeter un coup d'œil au paragraphe suivant, dernière phrase

24 de ce paragraphe suivant, où il est mentionné que c'est vous qui avez parlé

25 d'une interruption de la réunion.

26 R. Oui.

27 Q. La première rencontre, et cetera. Ce rapport traite de ces deux

28 événements.

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1 Je vais maintenant vous soumettre un certain nombre de documents qui

2 ont un rapport avec des réactions de M. Stojic, après quoi nous reparlerons

3 de cette réunion et de l'absence d'un commandant du HVO à celle-ci. Mais

4 cela, nous le ferons sans doute demain matin, car je n'aurai pas le temps

5 aujourd'hui.

6 Revenons sur une série de documents qui nous montrent les réactions de M.

7 Stojic par rapport à la situation sur le terrain. Je vais vous demander si

8 vous avez des renseignements au sujet de ces événements, si vous les avez

9 consignés par écrit et quelles sont les conclusions que vous avez pu en

10 tirer, notamment sur quoi vous vous êtes appuyé pour dire que M. Stojic

11 avait un caractère qui l'incitait à manifester assez souvent de la colère.

12 Evidemment, nous ne sommes pas tous les mêmes personnes, chacun a sa

13 propre personnalité. Manifestement, vous êtes quelqu'un de très rationnel

14 et peut-être que vous ne vous mettez pas souvent en colère, mais il y a des

15 gens qui le font. Suis-je en droit de faire cette remarque ?

16 R. Ce n'est pas une remarque à laquelle il est facile de répondre, je le

17 crains. J'espère que je suis capable de garder mon calme même si au fond

18 quelque chose me perturbe. Mais il m'arrive d'être en colère.

19 Q. Oui, mais néanmoins, je pense que vous conviendrez avec moi que

20 lorsqu'on veut évaluer une situation, il est préférable de ne pas fonder

21 son analyse uniquement sur sa propre attitude. Il y a d'abord ce que l'on

22 observe et il y a la compréhension que l'on peut manifester à l'égard de

23 personnes qui ne sont pas pareilles que nous, n'est-ce pas ?

24 R. En effet.

25 Q. J'aimerais maintenant que nous jetions un coup d'œil à la pièce à

26 conviction de la Défense, 2D 00099. Je vais essayer de gagner du temps,

27 c'est un document assez court. Je vais vous dire de quoi il traite.

28 Ce document, par conséquent, est un document du Conseil croate de la

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1 Défense, il n'est pas encore affiché à l'écran. Il vient du commandement de

2 la zone opérationnelle de Bosnie centrale, département chargé de

3 l'Information et il date du 16 avril 1993, et il porte l'intitulé suivant

4 "Communiqué destiné au public."

5 Mme NOZICA : [interprétation] Est-ce que nous avons un problème technique

6 par rapport à l'affichage de ce document ? Non. Bien. Il apparaît sur le

7 rétroprojecteur. Je vous remercie.

8 Q. Donc nous pouvons le lire : "Communiqué destiné au public," je cite :

9 "Suite à plusieurs actes terroristes commis dans la zone de Bosnie

10 centrale, le 16 avril, à cinq heures 45, les forces musulmanes ont lancé

11 une attaque féroce sur le commandement du secteur opérationnel de Bosnie

12 centrale dans le but d'en détruire le commandement.

13 "Le Conseil croate de Défense a riposté en ouvrant le feu sur

14 l'agresseur."

15 Le document suivant qui m'intéresse, c'est le document 2D 00097, dont

16 je demande l'affichage parce que je vais d'abord vous soumettre toute une

17 série de documents avant de vous poser mes premières questions pour essayer

18 de gagner du temps.

19 Il y est toujours question de la même zone opérationnelle, celle de

20 Bosnie centrale. C'est un rapport extraordinaire du 18 avril 1993. Il se

21 compose d'une page et il est signé par M. Tihomir Blaskic et se lit comme

22 suit, je cite : "Des forces musulmanes extrémistes poursuivent leur attaque

23 dans le but de totalement briser le HVO et d'expulser la population croate

24 hors de la vallée de la Lasva en interrompant totalement les communications

25 entre Konjic, Jablanica et Gornji Vakuf."

26 Je ne vais pas lire l'intégralité du texte, je suis sûre que les Juges de

27 la Chambre l'examineront très attentivement. Je souhaite simplement vous

28 soumettre ces événements chronologiquement et vous montrer quels étaient

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1 les renseignements dont disposait M. Stojic au sujet des événements en

2 cours, de façon à bien déterminer quelles étaient les informations dont il

3 disposait.

4 Le document suivant qui m'intéresse est le document 2D 00100. Il vient,

5 comme les autres, du Conseil croate de Défense. Nous allons simplement

6 attendre qu'il apparaisse à l'écran. Commandement de la zone opérationnelle

7 de Bosnie centrale à Vitez. Encore une fois, il date du 18 avril 1993 et se

8 lit comme suit, je cite : "A environ 24 heures, le 17 avril 1993, les

9 forces moudjahiddines musulmanes continuent à attaquer en permanence la

10 Bosnie centrale en concentrant leurs attaques sur Busovaca. Vitez et le

11 territoire croate de Zenica, ainsi que dans d'autres secteurs où des

12 préparatifs importants sont en cours pour rentrer dans l'action."

13 Est-ce que vous avez pu lire ces documents et notamment le dernier ?

14 R. Oui.

15 Q. J'aimerais maintenant vous soumettre deux autres documents très

16 importants dont l'un est déjà une pièce à conviction. La cote du document

17 qui m'intéresse est 2D 00021.

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. J'aimerais vous faire

19 une remarque intermédiaire, si je puis l'appeler ainsi. Il faut bien se

20 rendre compte que les conseils de la Défense sont censés mettre les

21 documents qui les intéressent à la disposition des autres personnes

22 intéressées dans le prétoire. Certains conseils ont sous les yeux un

23 document, ils en donnent le numéro de référence, et on le retrouve

24 immédiatement. Mais si vous me permettez cette remarque, dans le cas

25 précis, il est impossible de retrouver les documents dont vous parlez car

26 les chiffres sont donnés assez rapidement les uns après les autres, les

27 documents apparaissent à l'écran puis disparaissent, on en montre le début

28 puis la fin.

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1 A l'avenir, il serait bon d'essayer d'améliorer la situation. Nous

2 nous rendons bien compte que cela demandera des efforts de la part de

3 chacun et pas mal de travail sans doute, mais c'est une perte de temps de

4 continuer à parler de documents que les Juges n'ont pas sous les yeux.

5 Je vous remercie.

6 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, j'étais certaine que nous

7 avions organisé la séquence de ces documents, j'essaie de gagner du temps

8 bien entendu. D'ailleurs, les quatre documents dont je parlais sont

9 effectivement classés ensemble, mais le problème, c'est un problème de

10 temps. Si j'avais suffisamment de temps, je pourrais attendre que le

11 document soit affiché à l'écran grâce au système e-court et citer le numéro

12 du document suivant uniquement après l'affichage du document précédent. Je

13 vais essayer de ralentir un petit peu. Il me reste encore cinq minutes,

14 j'espère pouvoir en terminer de l'examen de ces documents.

15 Q. Donc, le document 2D 00021, nous l'avons sous les yeux, c'est un ordre

16 et il se lit comme suit, je cite :

17 "République de Bosnie-Herzégovine, l'armée de la République de Bosnie-

18 Herzégovine, 1ère Brigade de Mostar." C'est un document qui date du 19 avril.

19 Vous pouvez vous référer à la dernière page de ce document où vous verrez

20 qu'il s'agit d'un ordre émanant de M. Hujdur et adressé au commandant de la

21 41e Brigade mécanisée.

22 Revenons maintenant à la première page. Nous y voyons le titre de ce

23 document qui est un "ordre". Par conséquent, je cite : "Ordre destiné à la

24 défense." Mes confrères vous ont montré un ordre similaire hier. Mais à la

25 différence des ordres qui vous ont été soumis hier, nous voyons que le mot

26 destiné à la défense figure dans le titre, donc c'est un ordre destiné à la

27 défense. Maintenant, je m'intéresse au document 2D 00095 -- 2D 00095, oui.

28 Ce document est très intéressant. C'est une annexe à l'ordre destiné

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1 à la défense dont je parlais tout à l'heure. Normalement, on doit trouvé

2 dans ce document la liste des codes en vigueur ainsi que la couleur des

3 signes distinctifs utilisés par les hommes durant une attaque. La couleur

4 des signes distinctifs, brassards ou autres.

5 Je crois qu'il est intéressant d'examiner, en même temps que l'ordre

6 destiné à la défense, la partie centrale de ce texte-ci qui se lit comme

7 suit, je cite : "41e Brigade mécanisée," la date est la même que celle de

8 l'ordre, à savoir le 19 avril 1993; et je cite la partie du texte qui

9 m'intéresse : "En se servant du code RSK-625 [comme interprété], lancer une

10 attaque tous azimuts sur toutes les localités le long des axes de

11 circulation déjà définies." Nous avons déjà vu plusieurs ordres mais en

12 général c'étaient des ordres d'attaque et pas des ordres de défense.

13 Alors, ma question est la suivante : ayant lu ce document et compris

14 les renseignements qu'il comporte, parce qu'il est permis de parler de

15 renseignements dans la mesure où cet ordre a été émis le 19 avril, et si on

16 le compare aux renseignements dont M. Stojic disposait déjà à cette date,

17 je vous demande si vous avez connaissance de la réalité de ces événements ?

18 Est-ce que vous avez enquêté à leur sujet ? Est-ce que vous pensez que ces

19 événements auraient pu suffire à créer une inquiétude chez la personne qui

20 recevait ce genre de renseignements ?

21 R. Je ne pourrais commenter le dernier document que vous m'avez soumis.

22 Mais les documents que nous avons déjà vus précédemment parlent

23 d'agression, d'attaques, notamment en Bosnie centrale et c'est intéressant.

24 Notamment lorsqu'on pense au fait que l'ABiH a entrepris des actions en

25 riposte immédiate aux attaques militaires menées par le HVO. Pour l'ABiH il

26 est assez peu étonnant qu'elle ait riposté, qu'elle ait réagi à ce qui se

27 passait. Par conséquent, dire qu'il s'agit d'une agression, comme si

28 c'était une chose évidente, et que l'ABiH était l'agresseur initial c'est

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1 tromper son interlocuteur. Je dirais que les premiers documents que nous

2 avons pu voir faisaient partie d'un travail de propagande d'organisée. Je

3 ne formulerai aucun autre commentaire.

4 Q. Le dernier document montre précisément qu'il ne s'agit pas de

5 propagande, Monsieur Beese, et il me semble tout à fait clair. Je pense que

6 les Juges vont m'interrompre. Je pense que nous poursuivrons demain. Merci.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 19 heures 05. Nous nous arrêtons

8 aujourd'hui et nous reprendrons demain à 14 heures 15.

9 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le mercredi 23 août

10 2006, à 14 heures 15.

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