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1 Le jeudi 31 août 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 [L'accusé Pusic n'est pas présent dans le prétoire]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire
10 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En cette dernière
12 journée du mois d'août, 31 août 2006, je salue toutes les personnes
13 présentes. Je salue M. Mundis et ses assistants, je salue également tous
14 les avocats, je salue les accusés ici présents. Je constate que M. Prlic
15 nous rejoindra dans quelques instants parce qu'il était en cours de route -
16 il y a un problème - il est représenté par son avocat, donc, assisté par
17 son avocat, donc, il nous rejoindra.
18 Par ailleurs, hier, nous avons été saisi par Me Karnavas de deux questions,
19 une question relative à l'article 71. Me Karnavas nous avait demandé
20 d'entamer la procédure de l'article 71 pour le témoin de lundi. Entre
21 Juges, nous avons évoqué cette question, et nous ne faisons pas droit à
22 cette requête, ce qui veut dire que le témoin de lundi viendra comme il
23 était prévu. Après voir prêté serment, il répondra aux questions du
24 Procureur sur son travail d'expertise, et au contre-interrogatoire.
25 Le deuxième point Me Karnavas nous avait - il n'est pas là - je rends
26 également la position de la Chambre - évoqué, la question liée à l'article
27 90(H)(ii), à savoir est-ce que la -- lorsque la Défense est en possession
28 de document qui pourrait contredire les dires d'un témoin, mais que la
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1 question n'a pas été posée au témoin par l'Accusation, et qu'à ce moment-
2 là, est-ce que -- si la Défense ne présente pas ce document ou n'évoque pas
3 le sujet, est-ce qu'elle n'a pu après le droit de revenir sur cette
4 question ? Alors, à partir de là, Me Karnavas nous expliqué qu'il y avait
5 deux systèmes : le système américain et le système australien et
6 britannique, et que dans le système australien et britannique, il y a une
7 interdiction absolue de revenir après sur ce point. Nous les Juges qui
8 avons une approche beaucoup plus large, nous estimons que, si le point n'a
9 pas été évoqué, il peut toujours être évoqué ultérieurement.
10 Donc, nous tenons à rassurer Me Karnavas sur ces inquiétudes en la matière.
11 Voilà. Donc, c'étaient les deux points.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'avais l'intention - et cela au nom
13 de la Chambre également - de faire des observations à propos du
14 comportement de Me Karnavas hier peut-être que cela -- tel que ce
15 comportement a été présenté au compte rendu d'audience page 79, lignes 3 et
16 4, mais je ne pense pas qu'il soit judicieux de faire ces observations en
17 son absence, donc, je me réserve le droit d'intervenir ultérieurement.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors, Monsieur Mundis, nous avons un
19 témoin. Comme je vois qu'il y a un rideau, y a-t-il un point que vous
20 vouliez soulever ? Nous allons passer en audience à huis clos.
21 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
22 [Audience à huis clos partiel]
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21 [Audience publique]
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'attends de voir à l'écran le visage sous
23 petit rectangle. Bon. C'est bon.
24 Bien. Alors, Monsieur, vous allez devoir répondre à des questions qui vont
25 vous être posées par les personnes que vous avez rencontrées hier et qui
26 vont poser un certain nombre de questions. Il est prévu une heure de
27 questions. A l'issue des questions, nous ferons une pause technique d'une
28 durée de 20 minutes pour vous reposer et ensuite, vous aurez à répondre à
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1 des questions posées par les avocats qui peuvent vous paraître nombreux,
2 mais il n'y en a qu'un pour chaque accusé vous posera également des
3 questions. Le cas échéant, il se peut que deux accusés puissent aussi
4 intervenir pour poser des questions techniques, on verra. Les quatre Juges
5 qui sont devant vous, eux peuvent également vous poser des questions,
6 notamment des questions afin d'obtenir des précisions sur les réponses que
7 vous avez apportées aux questions des uns et des autres, ou bien sur des
8 événements dont vous avez été témoin ou victime qui sont visés dans l'acte
9 d'accusation et qui nous paraissent importants et appellent de notre part,
10 peuvent appeler des questions. Voilà.
11 Si vous éprouvez une difficulté quelconque, n'hésitez pas à nous en faire
12 part. Soyez rassuré, cela va bien se passer comme cela s'est toujours bien
13 passé jusqu'à présent. Donc, ne soyez pas inquiet.
14 Alors, je vais maintenant donner la parole à l'Accusation.
15 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Interrogatoire principal par M. Mundis :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin BL.
18 R. Bonjour.
19 Q. En réponse à une de mes questions, question que je vous ai posée tout à
20 l'heure, vous nous avez dit que vous étiez originaire du village de
21 Lapsunj. Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre jusqu'à quand vous avez
22 vécu dans ce village ?
23 R. J'ai vécu dans ce village jusqu'à la guerre.
24 Q. Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre de première instance,
25 Monsieur, quelle était la composition ethnique de votre village au moment
26 où la guerre a commencé ?
27 R. Il y avait des Musulmans ainsi que quatre ou cinq foyers croates qui
28 habitaient dans ce village, alors que dans le village avoisinant, il y
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1 avait des Croates.
2 Q. Monsieur, je vous demande de vous concentrer sur les années 1991 et
3 1992. Combien de foyers musulmans y avait-il dans le village de Lapsunj ?
4 R. Environ 60.
5 Q. Dans quelle opstina, donc, municipalité, se trouve située Lapsunj ?
6 R. Dans la municipalité de Prozor.
7 Q. Pourriez-vous décrire à l'intention de la Chambre de première instance
8 les relations entre les Musulmans et les Croates dans le village de
9 Lapsunj, et ce, jusqu'au printemps de l'année 1992 ?
10 R. Les relations étaient excellentes. Nous étions invités aux différents
11 mariages. Il n'y avait pas de problème, tout se passait for cordialement.
12 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, aux fins du compte
13 rendu d'audience, je souhaite indiquer que l'accusé, M. Pusic, vient
14 d'entrer dans le prétoire.
15 Q. Monsieur le Témoin BL, est-ce que vous pouvez nous relater ce qui s'est
16 passé au début du mois d'avril 1992 ?
17 R. Alors, je travaillais pour une entreprise jusqu'en 1992, jusqu'en avril
18 1992, puis je fus mobilisé par la Défense territoriale, la TO. J'ai répondu
19 à l'appel de mobilisation et nous sommes allés à Prozor, nous sommes allés
20 donc nous présenter à Prozor et ils nous ont envoyés à la centrale
21 hydraulique Rama. Ils nous ont envoyés dans un véhicule et puis ils nous
22 ont distribué là des armes et du matériel. Puis, ils nous ont emmenés à
23 Ravasnica et c'est là en fait qu'il a fallu que nous établissions nos
24 positions. Nous y avions passé un certain temps là-bas, parce qu'en fait le
25 tour de garde était de 15 jours en quelque sorte. La relève n'arrivait
26 qu'au bout de 15 jours. J'étais un peu en retard par rapport à l'appel de
27 mobilisation, donc j'y ai passé entre sept et dix jours.
28 Q. Je vais vous interrompre, Monsieur le Témoin BL. Lorsque vous dites que
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1 vous vous trouviez sur ces positions au niveau de ou près de Ravasnica, qui
2 se trouvait à ces positions ? Contre qui étaient dressées ces positions et
3 avec qui étiez-vous au niveau de ces positions ?
4 R. Nous étions là avec le HVO et nous étions face aux Serbes.
5 Q. Une fois de plus, Monsieur le Témoin BL, lorsque vous
6 dites : "Nous, nous y étions avec le HVO," à qui fait référence le pronom
7 personnel "nous" ?
8 R. Nous, nous les Musulmans. La plupart des gens qui se trouvaient là.
9 Q. En 1992 -- ou plutôt, en avril 1992, est-ce que les Musulmans étaient
10 organisés ? Est-ce qu'il y avait des formations militaires ou des
11 structures militaires ?
12 R. Oui, il y avait là la Défense territoriale, il y avait un commandement
13 conjoint.
14 Q. Une fois de plus, Monsieur le Témoin BL, par souci de précision, vous
15 parlez d'un commandement conjoint, quelles forces faisaient partie de ce
16 commandement conjoint ?
17 R. A l'époque, il s'agissait en fait du HVO et de l'armée -- ou plutôt de
18 l'armija --
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Lorsque vous étiez face aux Serbes, vous aviez un
20 uniforme avec un insigne, il y avait marqué quoi sur l'insigne ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Personnellement, je n'avais pas d'insigne, à
22 ce moment-là, mais le HVO m'avait fourni un uniforme, certes.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur l'uniforme, il n'y avait pas -- n'y avait aucun
24 insigne ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous aviez un commandant ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, je ne pouvais pas voir le
28 commandant.
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi de poursuivre et
2 d'enchaîner. Vous dites que vous n'avez pas vu le commandant, donc il n'y
3 avait personne qui donnait des ordres. Vous n'avez vu personne donner
4 d'ordre.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je suis allé à Ravasnica. Il y avait
6 un homme que je ne connaissais pas de la Brigade Rama.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous aviez été formé pour
8 ce service ? Est-ce que vous avez été formé vous ainsi que les autres qui
9 se trouvaient là ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Dans la JNA, c'était -- je manipulais un
11 fusil sans recul - on m'a appelé et on était là --
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous avez été formé au
13 sein de la JNA au départ ? Est-ce que j'ai raison lorsque j'ai dit cela ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, oui, parce que j'ai été au sein de
15 la JNA.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.
17 Excusez-moi, Monsieur Mundis.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Je donne parole à M. Mundis.
19 Oui. Il y a une autre question.
20 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin BJ, dans le même ordre d'idée --
21 M. LE JUGE ANTONETTI : BL.
22 M. LE JUGE MINDUA : BL. Voilà. BL. Dans le même ordre d'idée en ce qui
23 concerne votre service militaire ou votre - je ne sais pas si c'était un
24 bataillon ou bien une compagnie - chaque jour ou chaque semaine après le
25 service, est-ce que vous aviez un camp militaire, un cantonnement ou vous
26 retourniez chez vous à la maison avec votre arme ? Est-ce qu'il y avait un
27 règlement militaire et la règle claire que vous étiez susceptible de
28 suivre ? Est-ce qu'il y avait des tribunaux militaires à ce moment-là
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1 susceptibles de juger les délinquants éventuels ? Répondez, s'il vous
2 plaît. Evidemment, quand je parle de vous - encore une fois, il s'agit des
3 éléments musulmans comme des éléments du HVO - dont je parle des camps
4 militaires -- des cantonnements -- de logements pour les militaires -- les
5 hommes en arme -- le Règlement militaire qui s'appliquait à ces deux
6 groupes armés et des juridictions militaires tout cela pour avoir une idée
7 de la discipline qui régnait, à ce moment-là, au sein de ce groupe.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, qu'il y avait une institution
9 militaire du côté du HVO mais on restait sur place pendant 15 jours et on
10 passait la nuit à Zahum près de Ravasnica, et après ces 15 jours on
11 rentrait à la maison, donc, on changeait d'équipe.
12 M. LE JUGE MINDUA : Donc, vous rentriez à la maison avec vos armes.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, avec les armes.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je peux comprendre que vous apparteniez en fait à la
15 Brigade Rama.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, oui, à cette époque-là, oui. A cette
17 époque-là, j'étais envoyé de la Brigade TO à la Brigade Rama.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Mundis, grâce à vos questions, on y
19 verra beaucoup plus clair.
20 M. MUNDIS : [interprétation]
21 Q. Témoin BL, pendant cette période 1992-1993 aviez-vous des
22 responsabilités de commandement à quelque niveau que ce soit militaire ?
23 R. J'étais un simple soldat. Je n'avais pas de gallon. Je n'avais aucune
24 responsabilité spéciale ou importante.
25 Q. J'aimerais attirer votre attention, Monsieur le Témoin, sur la période
26 de la fin du mois de juin 1993, fin juin 1993. A cette époque-là aviez-vous
27 des tâches ou des responsabilités militaires ?
28 R. La question n'est pas claire. Est-ce que vous pourriez préciser, s'il
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1 vous plaît ?
2 Q. Où étiez-vous le 26 juin 1993 ?
3 R. Nous étions à Idovac. J'étais sur le front à Idovac avec le HVO. Nous
4 faisions face aux Serbes, et on était là, et c'était la fin de l'équipe --
5 on faisait des sept jours sept jours à ce moment-là. Parfois, c'était sept
6 jours 15 jours. Lorsqu'on avait fini notre travail d'équipe, la nouvelle
7 est arrivée, que certains types du village de Lapsunj fussent enfuis par
8 Drasevo vers Gornji Vakuf. Ensuite, on nous a dit de rentrer à la maison,
9 nous avons remis nos armes, et ils nous ont dit que c'était inutile de
10 revenir sur la ligne front parce qu'ils nous faisaient pas confiance, parce
11 qu'ils pensaient que c'est nous qui avions permis à ces types de traverser
12 les lignes.
13 Q. Excusez-moi, Monsieur le Témoin, je voudrais vous interrompre ici pour
14 vous poser quelques questions de précision. Où se trouve Idovac ?
15 R. Idovac se trouve entre Kupres, Gornji Vakuf et Prozor. C'est à
16 l'intersection de ces trois lignes.
17 Q. Dans quel opstina se trouve Idovac ?
18 R. Prozor.
19 Q. A quelle distance se trouve environ Idovac de Lapsunj ?
20 R. Je ne sais pas. Je n'ai fait que huit années d'école primaire et je ne
21 peux pas vous dire combien de kilomètres il y a entre l'un et l'autre.
22 Q. Vous nous avez dit, Monsieur, que nous travaillons sept jours --
23 parfois, sept jours -- 15 jours. C'est à la page 14, ligne 14. Pouvez-vous
24 expliquer à la Chambre ce que signifie ce 7-7 ou 7-15 ?
25 R. On était sur les fronts. Parfois, on passait sept jours sur le front et
26 sept jours à la maison ou 15 jours sur la ligne ou/et 15 jours à la maison.
27 Cela dépendait, parfois, cela variait.
28 Q. Il y a quelques minutes, vous avez répondu à une question du Juge
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1 Mindua et vous avez dit que vous aviez vos armes, les petites armes. Mais
2 ce jour-là, vous nous aviez dit que vous avez remis vos armes. Est-ce que
3 c'était la procédure normale en juin 1993 ?
4 R. Non, non. Parce qu'en juin, le 26 juin, nous avons rendu nos armes,
5 mais après l'attaque contre Prozor, on a commencé à rendre les armes au
6 HVO.
7 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre où vous vous êtes rendus le 26 juin 1993,
8 après avoir rendu vos armes ?
9 R. Lorsque nous avons déposé nos armes, nous nous sommes rendus en camion
10 à Prozor. Ils nous ont mis au club des pompiers dans une petite pièce au
11 sous-sol, une pièce de deux mètres sur quatre, environ, pas plus. Nous
12 sommes restés là et ils nous ont dit qu'on allait devoir faire une
13 déclaration.
14 Q. Permettez-moi de vous interrompre. Lorsque vous avez dit : "Nous avons
15 rendu nos armes," c'est qui, nous ?
16 R. Nous, les Musulmans qui étions là.
17 Q. Qui conduisait ces camions puisque vous dites que vous êtes allé à
18 Prozor en camion, qui conduisait ce camion ?
19 R. Des membres du HVO qui venaient de la protection civile. En fait, je ne
20 sais pas qui conduisait.
21 Q. Où se situe ce club des pompiers auquel vous avez fait référence ?
22 R. En venant de Jablanica, c'est à l'entrée de Prozor.
23 Q. Combien de personnes faisaient partie du groupe qui a été emmené au
24 club des pompiers ?
25 R. Environ 25 personnes se trouvaient à la caserne des pompiers.
26 Q. Combien de temps êtes-vous restés à la caserne des pompiers ?
27 R. Nous y avons passé la nuit et le matin, un ou deux, enfin je ne sais
28 pas combien de soldats sont entrés, et ils nous ont dit qu'ils avaient
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1 besoin de quelques hommes pour faire un travail. Ensuite, ils nous ont fait
2 remonter dans des camions et ils nous ont emmené en direction de Uzdol.
3 Q. Permettez-moi de vous interrompre encore une fois.
4 M. MUNDIS : [interprétation] Je voudrais demander, Monsieur le Président,
5 avec l'aide de Mme l'Huissière, de montrer une photo au témoin, dont nous
6 avons une copie papier ici. C'est aussi sur le système e-court. C'est la
7 pièce P 9683. C'est une des photos qui se trouve dans le livre de la visite
8 sur place. 9683.
9 Monsieur le Témoin, voyez-vous la photo sur l'écran devant vous ?
10 R. Oui, oui, je vois bien, c'est cela, ce bâtiment.
11 Q. Quel est le bâtiment que vous voyez sur l'écran que vous avez devant
12 les yeux ?
13 R. C'est la caserne des pompiers.
14 Q. C'est la station des pompiers où vous avez passé la nuit ?
15 R. Oui.
16 Q. Merci. Vous nous avez dit -- enfin, vous nous disiez lorsque je vous ai
17 interrompu que - et c'est aux lignes 15 et 16 de la page 16 - qu'on vous a
18 fait monté sur des camions en direction de Uzdol. Qui vous a fait monter
19 sur ces camions ? Vous dites : "On nous a fait monter."
20 R. Les soldats du HVO, parce que la police militaire se trouvait à la
21 caserne des pompiers et ce sont les seuls qui avaient des contacts avec
22 nous là-bas et ils ont permis aux soldats de nous emmener pour travailler à
23 Uzdol.
24 Q. Lorsque vous dites : "La police militaire se trouvait à la caserne des
25 pompiers," comment le savez-vous ?
26 R. Parce que nous les avons vus. Ce sont les seules personnes qui avaient
27 des contacts avec nous.
28 Q. Alors, je vous pose la question ainsi, comment saviez-vous qu'il
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1 s'agissait de la police militaire ?
2 R. Nous avons vu leurs ceintures, leurs uniformes.
3 Q. Y avait-il un signet distinctif sur ces ceintures ou ces uniformes ?
4 R. Il s'agissait d'uniformes de camouflage avec des ceintures blanches de
5 la police militaire.
6 Q. Cette police militaire que vous avez vue à la caserne des pompiers,
7 portaient-ils des insignes sur leurs uniformes ?
8 R. Je ne me souviens pas très bien, ce n'était pas facile pour nous de
9 nous approcher de ces hommes et de regarder s'ils avaient des insignes. Ce
10 n'était pas une fête du village où on pouvait aller regarder ce qu'avait
11 les gens, nous étions en prison.
12 Q. A quelle force militaire ces policiers militaires étaient-ils
13 affiliés ?
14 R. Au HVO.
15 Q. Comment le savez-vous ?
16 R. Parce qu'à l'époque, il n'y avait pas d'armée BH à Prozor. Il n'y avait
17 pas d'uniformes, ni dans la TO ni nulle part. Après la chute de Prozor, il
18 n'y avait que le HVO, et c'était le HVO qui commandait tout.
19 Q. Monsieur le Témoin BL, pour revenir à ce que vous nous racontiez,
20 combien de personnes se trouvaient-elles dans le groupe qui a été amené à
21 Uzdol ou en direction d'Uzdol ?
22 R. Vingt et quelques. Seul le chef parmi nous les Musulmans est resté sur
23 place, une seule personne avec qui ils pouvaient parler. Le reste, nous
24 avons tous été amenés pour travailler en direction d'Uzdol.
25 Q. Ce jour-là, où vous a-t-on amenés, dans ces derniers jours du mois de
26 juin 1993 ? Où vous a-t-on amenés ?
27 R. Ils nous ont amenés à Uzdol, et nous avons passé la nuit à l'école
28 primaire, et pendant la journée, nous travaillions sur la ligne à Komin,
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1 près de Kapela.
2 Q. Monsieur le Témoin BL, lorsque vous dites : "Nous avons été amenés pour
3 travailler sur la ligne à Komin, près de Kapela," vous parlez de quel genre
4 de travail ?
5 R. Nous avons creusé des tranchées, nous avons fortifié la ligne, nous
6 avons fait tout ce qui était nécessaire.
7 Q. Combien de temps êtes-vous resté sur la ligne à Komin, près de Kapela,
8 dans la zone d'Uzdol ?
9 R. Nous sommes allés là-bas pour travailler et nous sommes restés pendant
10 12 jours à la prison d'Uzdol, mais tous les jours, nous allions travailler
11 à Komin.
12 Q. Après ces 12 jours, lorsque vous étiez à Uzdol et à Komin, où êtes-vous
13 allé ?
14 R. Nos femmes nous posaient des questions pour essayer de savoir où nous
15 nous trouvions, et on nous a renvoyés à la maison. Ensuite, tous les
16 matins, nous devions nous présenter au centre du village de Lapsunj. Nous
17 nous présentions pendant plusieurs jours, et par la suite, nous sommes
18 partis de chez nous pour travailler à Crni Vrh. Après un certain moment,
19 ils nous ont renvoyés à l'école primaire de Prozor. Lorsque nous revenions
20 du travail, ils nous ont envoyés là-bas en camion.
21 Q. D'accord. Encore --
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais poser une question qui
23 pourrait avoir l'air ridicule à vos yeux, j'en suis conscient, mais il faut
24 que je vous la pose. Avez-vous été payé pour ce travail que vous avez
25 réalisé ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
28 M. MUNDIS : [interprétation]
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1 Q. Monsieur le Témoin BL, je voudrais revenir à la réponse précédente.
2 Pendant cette période où vous étiez à la maison, vous dites : "Tous les
3 matins, il fallait que l'on se présente au centre du village de Lapsunj," à
4 la page 19, lignes 4 et 5. Que faisiez-vous après vous êtes présenté au
5 centre du village de Lapsunj ?
6 R. Votre question n'est pas claire. Pouvez-vous préciser, s'il vous
7 plaît ?
8 Q. Vous nous avez dit que vous vous présentiez tous les matins au centre
9 du village de Lapsunj. Après cela, que faisiez-vous ? Vous rentriez chez
10 vous, vous alliez ailleurs ? Que faisiez-vous après vous être présenté,
11 pendant cette période où vous vous trouviez à la maison ?
12 R. Pendant deux ou trois jours, ou je ne sais plus exactement combien de
13 temps, on était arrêtés, et ensuite on allait travailler à Crni Vrh. C'est
14 là qu'on nous a amenés.
15 Q. Monsieur le Témoin BL, quel était le genre de travail que vous faisiez
16 à Crni Vrh ?
17 R. On creusait des tranchées et on fortifiait les lignes, on renforçait
18 les lignes et tout ce qui était nécessaire de faire.
19 Q. Vous nous avez dit, aux lignes 6 et 7 de la page 19 : "Après un certain
20 moment, ils nous ont renvoyés à l'école primaire de Prozor." Est-ce que
21 vous vous souvenez plus ou moins à quelle époque vous avez été amené à
22 l'école primaire de Prozor ?
23 R. C'était l'école secondaire de Prozor. Je ne suis qu'à moitié
24 alphabétisé. Je ne me souviens pas de toutes les dates, de toutes les
25 époques. Je ne me souviens pas des heures et des minutes. Cela me pose
26 problème.
27 Q. Est-ce que vous vous souvenez plus ou moins du mois et de l'année où
28 vous avez été amené à l'école secondaire de Prozor ?
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1 R. Si je me souviens bien, c'était en juillet 1993, mais franchement, je
2 ne connais pas la date exacte.
3 M. MUNDIS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, avec
4 l'aide de Mme l'Huissière, j'aimerais que l'on montre au témoin la pièce
5 9685. Il s'agit d'une des photos qui se trouvent dans les documents se
6 rapportant à la visite sur place.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà l'école secondaire.
8 M. MUNDIS : [interprétation]
9 Q. Pour le compte rendu d'audience, cette photo que vous regardez, que
10 vous voyez, Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire quel est ce bâtiment
11 et où il se situe ?
12 R. Je ne comprends pas ce que vous avez dit. Pouvez-vous répéter ?
13 Q. Vous avez dit : "C'est l'école secondaire," donc, je suppose que c'est
14 la photo de l'école secondaire ?
15 R. Oui.
16 Q. Dans quelle ville se situe cette école ?
17 R. A Prozor, en haut de la ville, sur la colline Makljen.
18 Q. Pouvez-vous nous dire combien de temps vous êtes resté à l'école
19 secondaire de Prozor ?
20 R. Je suis resté là jusqu'au 31 juillet 1993.
21 Q. Vous souvenez-vous plus ou moins du nombre de jours ou de nuits que
22 vous avez passés dans cette école secondaire de Prozor ?
23 R. Non. Non, parce que tous les matins, on nous amenait travailler, et
24 tous les soirs, je rentrais là pour passer la nuit. Je n'avais pas de
25 papier ni de crayon pour noter les dates, les mois, les années ou le nombre
26 de personnes.
27 Q. Pouvez-vous nous donner un chiffre approximatif du nombre de personnes
28 qui se trouvaient dans l'école secondaire de Prozor lorsque vous y étiez,
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1 en juillet 1993 ?
2 R. Je ne peux pas vous le dire exactement. Je dirais qu'il y avait environ
3 10 salles de classe, à raison de plusieurs personnes dans ces salles de
4 classe. Il y avait environ 500 personnes, je dirais, mais comme je vous
5 l'ai dit, je ne comptabilisais pas tout pendant que j'étais là-bas. J'étais
6 en prison et puis je faisais le travail.
7 Q. Vous avez dit, à la page 21, ligne 11 : "Tous les matins, on m'amenait
8 au travail." Qui vous amenait au travail ?
9 R. Les soldats du HVO.
10 Q. Est-ce que vous étiez le seul qu'ils amenaient ainsi au travail ?
11 R. Non, il y avait d'autres personnes également. Il y avait un groupe qui
12 arrivait et ils avaient besoin de 10 personnes, puis un autre groupe avait
13 besoin de 20 personnes, il y avait des groupes qui avaient besoin de 15
14 personnes. Mais à l'époque, j'étais jeune, et d'ailleurs je ne suis pas si
15 vieux que cela maintenant, grâce au ciel. Je faisais partie des premiers
16 qu'ils prenaient pour travailler.
17 Q. Vous avez dit, Monsieur, à la page 21, ligne 24, que les soldats du HVO
18 vous amenaient au travail. Comment vous saviez qu'il s'agissait de soldats
19 du HVO ?
20 R. Parce qu'ils avaient des insignes.
21 Q. Monsieur le Témoin BL, pendant cette période, lorsque vous dormiez à
22 l'école secondaire de Prozor, en juillet 1993, où est-ce que l'on vous
23 amenait pour travailler ?
24 R. Parfois, ils nous amenaient à Crni Vrh, d'autres fois à Jurici. Une
25 fois, moi-même, je suis allé à Pisvir, dans la direction de Jablanica.
26 Q. Lorsqu'ils vous amenaient à Crni Vrh ou à Jurici ou à Pisvir vers
27 Jablanica, quel était le travail que vous deviez effectuer ?
28 R. Nous creusions tout le temps. Nous creusions des tranchées, des
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1 tranchées de communication, des tranchées. C'est ce genre de chose que l'on
2 faisait.
3 Q. Pour enchaîner à la suite de la question posée par le Juge Trechsel il
4 y a un petit moment, est-ce que vous avez jamais reçu le moindre salaire
5 pour tout ce travail que vous avez effectué ?
6 R. Non, bien sûr que non. Je n'ai jamais reçu le moindre dinar, et
7 d'ailleurs, je n'ai jamais reçu quoi que ce soit depuis 1992 jusqu'à la fin
8 de la guerre.
9 Q. [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je m'excuse, mais vous dites qu'ils
11 vous choisissaient parce que vous étiez jeune. Les personnes qu'ils
12 choisissaient, est-ce qu'ils leur demandaient s'ils étaient disposés à
13 faire ce travail ? Est-ce que vous aviez un choix ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, nous n'avions pas le choix. Personne ne
15 nous a demandé si nous voulions y aller ou non. Ils nous montraient du
16 doigt et ils disaient "toi", et puis voilà, c'était tout.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Avez-vous jamais assisté à un
18 incident au cours duquel quelqu'un aurait refusé d'y aller ou aurait posé
19 des problèmes ? Que se passait-il, si cela s'est passé ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la salle de classe où je me trouvais, ce
21 genre d'incident ne s'est pas passé.
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous y passiez la nuit, on vous donnait à
24 manger ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne les vivres, c'étaient les
26 femmes et les enfants qui nous amenaient à manger de chez nous, donc ceux-
27 là, ils les laissaient faire. Toute personne qui n'avait personne qui lui
28 amenait à manger, ils leur donnaient du pain.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous pourriez vous enfuir ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Nous ne pouvions pas.
3 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait répéter sa réponse ?
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Pendant la nuit, quand vous dormiez, vous étiez sous
5 la surveillance de soldats armés ? On vous a enfermés à double tour dans
6 les salles de classe ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Il y avait un garde à la
8 porte, à l'entrée de l'école, mais personne ne fermait les salles de classe
9 parce qu'il fallait bien que nous allions aux toilettes, par exemple.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y avait un garde. Vous étiez 500. A 500, vous ne
11 pouviez pas neutraliser les gardes et vous enfuir ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'étions pas armés. Le garde était armé.
13 M. MUNDIS : [interprétation]
14 Q. Monsieur le Témoin BL, à ce moment-là, en juillet 1993, quelles étaient
15 les forces armées qui contrôlaient la ville de Prozor ?
16 R. En 1993 ?
17 Q. Oui, en juillet 1993, au moment où vous vous trouviez dans cette école,
18 quelles étaient les forces militaires qui contrôlaient la ville de Prozor ?
19 R. L'armée du HVO contrôlait Prozor.
20 Q. Pendant la période que vous avez passée à l'école secondaire de Prozor
21 en juillet 1993, quel était l'âge des hommes que l'on prenait pour
22 travailler ?
23 R. Il s'agissait de jeunes hommes. Lorsqu'ils ont utilisé tous les jeunes,
24 ils utilisaient les autres.
25 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous entendez par "les jeunes
26 hommes" et les autres ? Est-ce que vous pourriez nous donner une fourchette
27 d'âges ?
28 R. Il y avait des gens qui avaient 20 ans, qui avaient 30 ans; c'étaient
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1 les plus jeunes et les plus forts, ceux dont l'âge était compris entre 20
2 et 30.
3 Q. Monsieur le Témoin BL, vous nous avez dit un peu plus tôt que vous vous
4 trouviez à l'école secondaire de Prozor jusqu'au 31 juillet 1993. Que
5 s'est-il passé ce jour-là ?
6 R. Le 31 juillet 1993, tôt le matin, deux ou trois obus sont tombés. Il y
7 en a un qui est tombé près du bâtiment scolaire, l'autre qui est tombé près
8 de Viteks, et l'autre dans le coin de Uniks. En fait, c'est plus ou moins
9 la même zone, le même secteur. Les obus, et c'est quelque chose que nous
10 avons appris de leur part, provenaient de positions de la BH.
11 Q. Lorsque vous dites, Monsieur le Témoin BL : "C'est quelque chose que
12 nous avons appris de leur part," qui entendez-vous par "de leur part" ?
13 R. Les gens qui se trouvaient là. Les gens qui étaient avec nous. Ils ont
14 dit que l'armija avait pilonné. C'étaient les gardes et les autres qui se
15 trouvaient là qui nous l'ont dit.
16 Q. Donc, ce sont les gardes qui vous l'ont dit --
17 R. Oui.
18 Q. -- que c'était -- d'accord.
19 R. Oui.
20 Q. Après que ces obus sont tombés dans le voisinage de l'école secondaire,
21 qu'est-ce que vous avez fait ?
22 R. Il y a deux ou trois soldats qui sont entrés, je ne sais pas exactement
23 combien ils étaient. Ils sont allés dans les salles de classe, puis il y en
24 a un qui est venu dans la salle de classe où je me trouvais. Il a dit :
25 "Nous avons besoin de 70 personnes pour travailler." Puis, ensuite, ils
26 nous ont choisis, un, deux, trois. Ils disaient : "Toi, toi, toi, ici, toi
27 là." Ils ont choisi ainsi les personnes, puis nous sommes sortis. A
28 l'entrée de l'école, du bâtiment scolaire, il y avait un portail, puis il y
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1 avait un homme qui dressait une liste.
2 Je suis sorti. Je le connaissais un peu, donc lorsque je suis arrivé près
3 de lui -- en fait, je ne connaissais pas son nom et son prénom, mais je le
4 connaissais de vue. On se rencontrait à Prozor. Enfin, toujours est-il que
5 je lui ai demandé où est-ce que nous allions, et il m'a dit : "Je ne le
6 sais pas."
7 Nous sommes montés dans le camion. Nous étions 20 par camion. Il y avait 20
8 personnes dans un camion et 50 dans un autre. J'étais dans le camion où il
9 y avait 50 hommes.
10 Q. Où est-ce qu'ils vous ont amenés ?
11 R. Ils nous ont conduits dans la direction de Makljen, et lorsque nous
12 sommes arrivés à Makljen, ils se sont arrêtés pendant un moment. Il y a un
13 café qui s'appelle le Café de Baba Janja, à Makljen. Le camion avec les 20
14 personnes est resté là, alors que l'autre camion avec les 50 personnes, ils
15 nous ont conduits vers Crni Vrh.
16 Q. Quelle est la distance entre Crni Vrh et Makljen ?
17 R. Ecoutez, je ne le sais pas. Comment vous vous attendez à ce que je
18 sache cela ? Je n'ai jamais véritablement mesuré les distances. Enfin, je
19 ne le sais pas.
20 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui s'est passé après qu'ils vous
21 ont conduits vers Crni Vrh ?
22 R. Nous avons conduit jusqu'à Crni Vrh, alors jusque-là -- jusqu'au moment
23 -- jusqu'à où vous pouvez aller avec le véhicule, puis ensuite ils ont
24 arrêté le camion et ils nous ont dit de sortir. Ils nous ont demandé de
25 nous déplacer deux par deux, donc de former une colonne deux par deux, et
26 ils nous ont dit de marcher. C'est ce que nous avons fait. Nous avons donc
27 poursuivi notre chemin, puis on entendait beaucoup de bruit. Il y avait des
28 gens qui criaient dans les bois. Mais nous, nous n'avons pas osé nous
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1 retourner pour voir ce qui se passait parce qu'ils nous avaient donné
2 l'ordre de regarder par terre et de ne pas regarder devant nous. Lorsque
3 nous sommes arrivés dans un petit pré, ils nous ont donné l'ordre d'enlever
4 nos chaussures et nos chaussettes et d'entasser tout cela dans une pile qui
5 se trouvait à une certaine distance, enfin, à côté de nous. C'est ce que
6 nous avons fait.
7 Q. Après cela, Monsieur le Témoin BL, lorsque vous avez enlevé vos
8 chaussettes et vos chaussures et que vous les avez lancés pour former un
9 tas, est-ce que vous êtes allé quelque part ? Où êtes-vous allé ?
10 R. Puis, nous avons poursuivi notre chemin vers la ligne de front et nous
11 avons appris à ce moment-là que l'ABiH avait le contrôle, avait donc
12 investi des positions du HVO au niveau de Crni Vrh. Nous sommes allés --
13 nous nous sommes dirigés vers là où on nous a demandé d'aller, et lorsqu'à
14 un moment donné, ils nous ont arrêtés, lorsque nous étions rapprochés de
15 cet endroit, ils nous ont dit de regarder le soleil, donc on était là,
16 debout, à regarder le soleil. Puis, ils ont commencé à nous faire subir des
17 sévices.
18 Q. Qu'est-ce que vous entendez par ces "sévices" ?
19 R. Il y en a un qui a semblé me reconnaître, donc, il m'a
20 dit : est-ce que je bénéficie des mesures de protection, maintenant ?
21 Q. Oui, mais Monsieur le Témoin BL, si vous souhaitez mentionner un nom,
22 il faut que nous passions à huis clos partiel.
23 R. Alors, est-ce que nous pourrions passer à huis clos partiel ?
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.
25 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
26 [Audience à huis clos partiel]
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
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11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 [Audience publique]
21 M. MUNDIS : [interprétation]
22 Q. Monsieur le Témoin BL, ce jour-là, lorsque vous étiez à Makljen et Crni
23 Vrh, dans ce secteur, est-ce que votre frère faisait partie du groupe qui
24 se trouvait avec vous ?
25 R. Oui, oui.
26 Q. Après qu'il vous a mis en tête de colonne, est-ce que vous pouvez nous
27 raconter ce qui s'est passé ?
28 R. Je n'ai pas très bien saisi votre question.
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1 Q. Il y a un petit moment de cela, vous nous avez dit, et c'est à la ligne
2 25 de la page 27 : "Il m'a donné l'ordre de me rendre en tête de colonne,
3 et j'ai supposé que cela signifiait qu'il fallait que je me rende en tête
4 de colonne pour être tué." Est-ce que vous êtes allé au début de la
5 colonne ?
6 R. Oui. De toute façon, je devais obéir aux ordres.
7 Q. Monsieur le Témoin BL, lorsque vous êtes arrivé en tête de colonne,
8 est-ce que vous pouvez nous raconter ce qui s'est passé ?
9 R. Ils nous ont provoqués. Ils ont dit à un homme de dire : "Allah-U-
10 Ekbar." Il l'a dit. Puis, ensuite, ils lui ont fait -- en fait, ils l'ont
11 maltraité. Ils lui ont dit : "Pourquoi est-ce que tu dis quelque chose
12 comme cela puisque nous sommes en terre croate ?" Puis, ensuite, ils nous
13 ont attachés, ils nous ont attachés avec des câbles téléphoniques, donc,
14 c'est un câble qui est très résistant. Ils nous ont attachés, ils nous ont
15 attachés les mains derrière le dos comme on le fait pour les prisonniers.
16 Je ne peux pas vous l'expliquer, mais le câble passait par notre cou
17 également, donc si on commençait à gigoter, cela tirait sur le câble. Il
18 fallait que nous soyons alignés l'un après l'autre, épaule contre épaule.
19 Q. Monsieur le Témoin BL, pour que le compte rendu d'audience soit bien
20 clair. Vous venez de nous décrire comment vous avez été attaché. Qui vous a
21 attaché ?
22 R. Les soldats du HVO.
23 Q. Une fois de plus, Monsieur, je vous poserai la même question : comment
24 est-ce que vous saviez qu'il s'agissait du HVO et de soldats du HVO ?
25 R. Parce que nous avions vu leurs insignes. Il n'y avait personne d'autre
26 à cet endroit à ce moment-là. Qui d'autre serait venu ? Qui d'autre nous
27 aurait attachés ? Personne n'est venu d'une autre région du monde.
28 Q. Monsieur le Témoin BL, combien d'entre vous, approximativement bien
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1 sûr, ont été attachés ainsi ?
2 R. Il y avait le groupe de 50 hommes et puis il y a l'autre groupe de 20
3 hommes qui est resté Makljen. Je ne sais pas où ils sont allés, ces 20
4 hommes dans le camion, parce que comme je vous l'avais expliqué, on nous
5 avait mis dans deux camions.
6 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que l'on
7 donne au témoin un papier vierge et j'aimerais lui demander, avec votre
8 autorisation, de nous faire un croquis pour que nous comprenions comment
9 ces personnes ont été attachées ensemble.
10 Si l'on pouvait placer cela sur le rétroprojecteur.
11 Q. Monsieur le Témoin BL, j'aimerais vous demander, je vous prie, de faire
12 un croquis afin de nous montrer comment les hommes qui avaient été attachés
13 ensemble ont été alignés.
14 R. [Le témoin s'exécute]
15 Q. Très bien. Je vous remercie. Je voudrais que vous nous expliquiez ce
16 que vous avez dessiné. Que décrit, en quelque sorte, ce croquis ?
17 R. Alors, sur ce croquis, vous pouvez voir exactement, vous pouvez voir la
18 ligne supérieure avec la flèche, c'est là que nos cous étaient attachés. La
19 ligne inférieure, c'est pour montrer comment nos mains étaient attachées
20 derrière notre dos, et la flèche représente la tête de la colonne. J'étais
21 parmi les trois ou quatre premiers hommes. J'étais le deuxième ou
22 troisième, je n'en suis plus très sûr.
23 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez nous dire dans quelle direction se
24 déplaçait cette ligne ? Une fois de plus, il va falloir que vous dessiniez
25 sur la feuille la direction vers laquelle se déplaçait la ligne.
26 R. [Le témoin s'exécute]
27 Q. A côté donc de la flèche qui indique la direction prise par la colonne,
28 est-ce que vous pourriez mettre le chiffre 1, je vous prie ?
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1 R. [Le témoin s'exécute]
2 Q. Monsieur le Témoin BL, est-ce que vous pourriez indiquer, je vous prie,
3 sur ce croquis, où se trouvait la ligne de front vers laquelle vous vous
4 déplaciez ? Où était-elle située, cette ligne de front ?
5 R. [Le témoin s'exécute]
6 Q. A côté de la ligne de front que vous avez dessinée, Monsieur, est-ce
7 que vous pourriez, je vous prie -- ou plutôt, voilà ce que j'aimerais vous
8 poser comme question. Quelles étaient les forces militaires qui se
9 trouvaient au niveau de cette ligne de front ?
10 R. Sur cette ligne de front, l'ABiH avait cette nuit-là pris le contrôle.
11 L'objectif était de reconquérir des positions qui avaient été perdues.
12 Q. Est-ce que vous pourriez mettre les lettres ABH le long de la ligne de
13 front qui était détenue ce jour-là, à la fin du mois de juillet 1993, par
14 l'ABiH ?
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Monsieur le Témoin BL, à ce moment-là, au moment où la colonne se
17 déplaçait vers la ligne de front de l'ABiH, où se trouvaient les forces du
18 HVO qui gardaient la colonne ?
19 R. [Le témoin s'exécute]
20 Q. Monsieur, cette colonne qui représente les prisonniers, j'aimerais
21 savoir combien de personnes environ faisaient partie de cette colonne.
22 R. Nous étions 50, je l'ai déjà dit.
23 Q. Est-ce que vous pourriez donc mettre le chiffre 50 à côté des petits
24 bonshommes que vous avez dessinés, pour que nous puissions tous nous
25 souvenir qu'il y avait 50 personnes dans cette colonne ?
26 R. [Le témoin s'exécute]
27 Q. Merci. J'aimerais vous demander de pouvoir mettre les lettres BL ainsi
28 que la date d'aujourd'hui, à savoir le 31 août 2006, dans le coin inférieur
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1 de cette feuille.
2 R. [Le témoin s'exécute]
3 M. LE JUGE ANTONETTI : On a une question à poser.
4 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, juste une précision sur votre
5 dessin, parce que vous avez fait une colonne avec des personnages et vous
6 dites qu'il y avait 50 personnes. Alors, les autres personnes sont plutôt
7 derrière cette première ligne que je vois ou elles sont toutes sur la même
8 colonne ? Parce que, si je comprends bien, cette colonne fait face à la
9 ligne de front de l'armée de BH et derrière elle, il y a le HVO. C'est bien
10 cela ? Alors, il y a une colonne, parce qu'à un moment vous avez dit que
11 vous étiez en colonne par deux. Mais là, il y a une colonne. Les autres
12 personnes sont dans quel sens ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, là, à ce moment-là, nous nous déplacions
14 à la file indienne dans une colonne. Vous pouvez voir la flèche qui indique
15 la direction vers laquelle nous nous dirigions. Mais juste avant d'être
16 attachés, nous étions deux par deux. Mais après qu'ils nous ont attachés,
17 là, nous nous déplacions en file indienne.
18 M. MUNDIS : [interprétation] Je vois bien l'heure, je sais que le moment
19 serait venu pour une pause et je n'en ai plus pour longtemps, dix ou 15
20 minutes après la pause.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, on va faire la pause. Il est 10 heures 30,
22 nous nous retrouverons à 10 heures moins 10.
23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
24 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, l'audience est reprise.
26 Monsieur Mundis.
27 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Q. Monsieur le Témoin BL, au moment où la pause est intervenue, vous aviez
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1 dessiné le diagramme complet. Une fois que le groupe de prisonniers, une
2 fois que tous ces prisonniers ont été attachés avec des fils de téléphone,
3 du câble téléphonique, est-ce que vous pourriez nous dire ce qui s'est
4 passé ensuite ?
5 R. Comme on le voit sur cette photographie, nous avons avancé vers la
6 ligne de front où se trouvait, à ce moment-là, l'ABiH et les soldats du HVO
7 ont commencé à tuer les membres de notre groupe l'un après l'autre dans le
8 rang que nous formions. Comme nous étions tous attachés les uns aux autres,
9 lorsque l'un de ces hommes tombait, puisque nous étions attachés avec le
10 même câble qui nous passait autour du cou, cela nous serrait le cou et nous
11 empêchait de respirer. Donc, à un certain moment, un soldat a donné l'ordre
12 à l'un des prisonniers qui était dans le rang avec nous, entravé comme
13 nous, il lui a donné l'ordre de se détacher pour retirer les cadavres des
14 hommes tués et les transporter à l'arrière du rang que nous formions, à une
15 centaine de mètres. Ensuite, cet homme devait revenir au bout de la colonne
16 et se tenir debout, les mais dans le dos. Donc, les choses se sont passées
17 de cette façon pendant un certain temps. Nous continuions à avancer et les
18 soldats du HVO se sont alignés les uns à côté des autres puis, un peu plus
19 tard, ils se sont écartés les uns des autres, et un soldat s'est retourné,
20 et à ce moment-là nous avons remarqué qu'il n'y en avait plus qu'un seul
21 qui était près de nous. Ce jeune homme qui avait été chargé de retirer les
22 cadavres et les blessés est arrivé dans le dos de ce soldat, lui a retiré
23 son fusil, lui a appuyé sur la gorge. J'ai vu ce qui se passait à ce
24 moment-là, et sans très bien savoir comment, j'ai réussi à me détacher les
25 mains, puis, une fois que mes mains ont été libres, j'ai enlevé le câble
26 qui me serrait la gorge, je ne sais vraiment pas comment. Je me suis mis à
27 courir vers la ligne de l'ABiH.
28 Entre-temps, je suppose que les soldats s'étaient retirés de leur position,
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1 car, normalement, il y avait sur ce front des hommes qui étaient les frères
2 de certains d'entre-nous. Nous l'avions appris, mais nous nous sommes
3 rendus compte qu'ils étaient partis, qu'ils s'étaient retirés. Chacun
4 d'entre-nous appelaient les hommes qu'ils connaissaient, qui faisaient
5 partie de sa famille. Certains nous ont reconnu et pour ma part, comme il y
6 avait un peu plus bas un village croate, Dobrasin, et avant Dobrasin, il y
7 avait un autre village qui s'appelait Voljevac et la ligne passait entre
8 ces deux villages. Donc, j'ai décidé de me diriger vers la forêt, et dans
9 ma fuite, je me suis fracturé le bras gauche en tombant. Mais, malgré tout,
10 je suis arrivé jusqu'à Voljevac. A Voljevac, nous avons été accueillis et
11 installés dans l'école primaire et le lendemain, nous avons vu un médecin
12 qui m'a envoyé à l'hôpital de guerre de Jablanica.
13 Q. Monsieur le Témoin BL, j'aimerais vous interrompre à ce stade car
14 j'aurais des questions complémentaires à vous poser sur la base du récit
15 que vous venez de faire. Page 33, ligne 12 du compte rendu, lignes 12 et
16 13, vous nous avez dit qu'à un certain moment, les soldats s'étaient
17 écartés les uns des autres. Pouvez-vous nous dire ce que ces hommes du HVO
18 ont fait exactement, ceux qui étaient derrière vous ? Qu'ont-ils fait à ce
19 moment-là, exactement ?
20 R. Je l'ai dit, mais je ne sais pas si vous m'avez bien compris. J'ai dit
21 que la ligne qui ne constituait, au fur et à mesure que nous avancions vers
22 l'avant, cette ligne, donc, ils l'étendaient latéralement en s'écartant les
23 uns des autres. Donc, à un certain moment, ils se sont trouvé assez
24 éloignés de nous, évidemment, pas très loin, mais ils étaient peut-être à
25 50 mètres de nous. Bien sûr, je n'avais pas un mètre pliant pour mesurer
26 exactement cette distance, mais le terrain était accidenté, ce n'était pas
27 un terrain plat.
28 Q. Encore une fois, Monsieur. Peut-être n'aie-je pas bien compris. Je vous
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1 redemande, à ce moment-là, où se trouvaient les autres soldats du HVO qui
2 précédemment étaient juste derrière vous ? Où sont-ils allés entre-temps si
3 vous les avez vus, pouvez-vous nous le dire ?
4 R. Ils étaient d'abord dans notre dos, et peu à peu, ils occupaient les
5 positions sur les côtés. Donc, ils allaient de plus en plus sur les côtés.
6 Q. Monsieur, vous nous avez parlé de ce soldat du HVO qui a été désarmé,
7 mais qui était seul. Quelle a été la réaction des autres soldats du HVO,
8 s'il y a eu une réaction de leur part, lorsqu'ils ont vu ce soldat du HVO
9 se faire désarmer par l'un des vôtres ?
10 R. Dans la seconde, ils n'ont pas réagi, mais un peu plus tard, quand nous
11 nous sommes mis à courir, ils ont tirés dans notre dos. Mais étant donné
12 que le terrain était assez accidenté et que nous courrions sur une pente
13 descendante qui était boisée, ils n'ont pas pu nous atteindre. Nous étions
14 27 à prendre la fuite à ce moment-là et 23 d'entre-nous sont restés sur le
15 sol, sans doute tués, peut-être blessés. Nous n'étions pas médecins, nous
16 ne pouvions pas le déterminer exactement.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous
18 expliquer ce qui vous permet de citer des chiffres aussi précis ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'à notre arrivée dans notre village de
20 destination, on nous a compté, une liste a été établie et nous nous
21 connaissions tous. Donc, au départ nous étions 50 et c'est ce qui nous a
22 permis de déterminer qui se trouvait encore parmi nous et qui n'y était
23 plus. Quand au jeune homme qui s'est libéré le premier, celui qui était
24 chargé de déplacer les cadavres, il savait à peu près précisément combien
25 d'entre-nous étaient restés surplace.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je vous ai bien écouté, vous étiez 50 attachés
28 les uns aux autres par le câble téléphonique qui vous reliait au niveau du
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1 cou, au niveau des jambes, ayant les mains liées. Vous avez dit qu'à un
2 moment donné le HVO a tiré et que 27 ont pris la fuite. Alors, si je fais
3 50 moins 27, cela voudrait dire que lorsqu'il y a eu les tirs au départ, il
4 y en a 23 de vos camarades qui ont été abattus. Est-ce que vous pouvez nous
5 apporter des précisions partant du fait que vous étiez 50 au départ ? En
6 réalité, il y a eu combien de survivants ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] 27 d'entre-nous ont survécu et 23 ont été
8 touchés. Certains plus tôt et d'autres un peu plus tard, ils n'ont pas tous
9 été touchés ou tués au même moment.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie de cette précision.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous venez d'évoquer la question du
12 temps. Avez-vous une idée du temps qui s'est écoulé entre le moment où le
13 rang que vous formiez a reçu l'ordre d'avancer dans la direction du front
14 de l'ABiH et le moment où vous êtes parvenu à vous enfuir ? Combien de
15 temps s'est écoulé entre ces deux moments ? Cinq minutes, une heure, une
16 demi-heure ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Cher Monsieur, on nous a emmené le matin en
18 voiture. On nous a emmenés le matin à partir de l'école. La route montait,
19 c'était une côte ascendante, et dans la soirée, à 7 heures du soir à peu
20 près, nous avons réussi à nous enfuir.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, je me suis peut-être
22 mal exprimé. Le temps qui m'intéresse, le laps de temps qui m'intéresse est
23 celui où vous étiez exposé au feu de la partie adverse, c'est-à-dire le
24 moment à partir duquel le rang que vous formiez a commencé à se déplacer
25 vers l'ABiH.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, nous n'avions pas de montre,
27 nous ne pouvions pas voir l'heure exacte. Quelle heure il pouvait être ?
28 Peut-être aux environs de midi, mais je ne saurais dire exactement quelle
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1 heure il était, à ce moment-là.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
3 M. MUNDIS : [interprétation]
4 Q. Monsieur le Témoin BL, en page 33, lignes 2 et 3 du compte rendu
5 d'audience, ou même lignes 1, 2 et 3 de la page 33, vous avez déclaré :
6 "Nous avons avancé dans la direction de la ligne tenue par l'ABiH et
7 pendant ce temps les soldats du HVO ont abattus les hommes faisant partie
8 de notre groupes les uns après les autres." Comment savez-vous cela, Témoin
9 BL, comment savez-vous que ce sont des soldats du HVO qui ont abattus les
10 hommes faisant partie de votre groupe ?
11 R. Cher Monsieur, ce que j'ai dit, c'est qu'ils ont été abattus les uns
12 après les autres, tout ne s'est pas passé en même temps. Mais je sais que
13 l'homme qui était à côté de moi a été tué et l'autre jeune homme lui a
14 détaché les mains, l'a désentravé, j'ai vu cela de mes propres yeux. J'ai
15 vu que la balle qui l'a touché venait de derrière, il n'a pas été touché à
16 l'avant du corps.
17 Q. Il y a-t-il eu un moment, Monsieur, où vous avez vu des soldats de
18 l'ABiH sur la ligne de front vers laquelle vous avanciez ?
19 R. Nous n'en avons pas vu, Monsieur.
20 Q. Avez-vous entendu des tirs venant de la direction qui se trouvait
21 devant vous ?
22 R. Au moment où nous sommes arrivés, plus personne ne tirait devant nous.
23 Q. Monsieur le Président, je demanderais, si vous le voulez bien, un huis
24 clos partiel de quelques instants.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
26 le Président.
27 [Audience à huis clos partiel]
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27 [Audience publique]
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, en audience publique, le contre-interrogatoire
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1 va donc débuter.
2 Je donne la parole à celui qui veut intervenir en premier.
3 Mme TOMANOVIC : [interprétation] La Défense du Dr Prlic n'a pas de
4 questions à poser à ce témoin. Je vous remercie.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les besoins de la formation des uns et des
6 autres, on nous dit que l'Accusation a utilisé une heure 15 minutes.
7 Maître Murphy.
8 M. MURPHY : [interprétation] Je n'ai pas de questions pour ce témoin.
9 Merci.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Murphy.
11 Monsieur Kovacic.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai des questions à
13 poser à ce témoin et je pense que cela devrait durer 15 à 20 minutes. Tout
14 dépendra des réponses.
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin BL. Malheureusement, je
16 dois utiliser ces initiales.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste avant de vous donner la parole, on a oublié --
18 M. Mundis a oublié de demander que la pièce dessinée par le témoin soit
19 versée un numéro.
20 Monsieur Mundis, à moins que vous ne le demandiez pas, je ne sais pas.
21 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que
22 cela sera la pièce IC 00033. Nous souhaitons que cette pièce soit versée au
23 dossier. Nous aimerions également demander aux fins du compte rendu
24 d'audience que les deux photographies qui ont été montrées au témoin, les
25 pièces, P 9683 et P 9685, soient également versées au dossier.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, ces trois pièces sont admises
27 puisqu'elles ont été reconnues par le témoin.
28 Bien. Alors, Monsieur le Greffier, confirmez-moi bien que la pièce IC 00033
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1 est admise.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Cette pièce a
3 été admise.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Ainsi que la P 9683 et P 9685.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ces deux
6 pièces ont été admises, P 09683, P 09685, IC 00032 et
7 IC 00033.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
9 Maître Kovacic.
10 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 Contre-interrogatoire par M. Kovacic :
12 Q. [interprétation] Bonjour, BL, je regrette de devoir m'adresser à vous
13 en utilisant ces initiales, mais c'est la procédure que nous devons suivre.
14 Je m'appelle Bozidar Kovacic, je suis avocat et je représente l'un des
15 accusés, le général Praljak. J'aimerais vous poser quelques questions.
16 Dans un premier temps j'aimerais vous dire que nous nous exprimons dans la
17 même langue et je vais donc vous demander de marquer un petit temps d'arrêt
18 à la fin de vos réponses pour ou à la fin de mes questions pour donner la
19 possibilité aux interprètes de suivre le rythme et je ferais la même chose,
20 et vous verrez comment cela fonctionne.
21 Alors, dans un premier temps j'aimerais vous poser quelques questions pour
22 bien placer la situation dans le contexte. Je parle de la situation qui
23 prévalait au mois de juillet 1993 lorsque vous étiez emprisonné et que vous
24 creusiez des tranchées.
25 Monsieur BL, vous nous avez dit que votre famille venait vous rendre visite
26 dans l'école qu'on vous amenait à manger qu'il y avait quelques 500 hommes
27 là, donc vous obteniez des renseignements à propos de ce qui se passait;
28 est-ce que cela est exact ?
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1 R. Non, nous ne pouvions pas obtenir d'information parce qu'ils venaient
2 tout simplement à la porte où il y avait le garde et ils lui donnaient ce
3 qu'ils avaient amené.
4 Q. Entre vous, est-ce que vous n'avez jamais parlé des bruits qui
5 couraient de ce que vous aviez entendu ?
6 R. Ecoutez, les seuls bruits qui couraient émanaient des membres du HVO
7 pendant que nous travaillions.
8 Q. A ce moment-là est-ce que vous saviez ou est-ce que vous avez appris
9 qu'au cours des derniers jours du mois de juillet 1993 Bugojno était tombé
10 et qu'à la suite de la chute de Bugojno et cela a été une des conséquences
11 de cette chute quelque 20 000 réfugiés de la région de Bugojno sont arrivés
12 dans la région de Prozor, la région où vous habitiez. Est-ce que vous en
13 avez entendu parler de cela ?
14 R. Non. Je n'en ai pas entendu parler. Qui aurait pu le raconter ? Nous
15 n'avions pas de télévision. Nous n'avions pas de radio.
16 Q. Vous avez dit que vous parliez aux soldats du HVO.
17 R. Oui, un peu. Ils nous disaient ce qu'ils pouvaient, mais nous ne
18 parlions absolument pas de politique.
19 Q. Est-ce que ces soldats du HVO vous ont dit qu'ils y avaient des
20 réfugiés de Bugojno ?
21 R. Je ne le sais pas. Ils ne m'en ont pas parlé.
22 Q. Monsieur BL, en réponse à une question posée par l'un des Juges vous
23 avez dit que vous aviez reconnu l'une des personnes qui escortaient le
24 camion. Vous avez dit que c'était quelqu'un qui était originaire de Bosnie.
25 Est-ce que Bugojno fait partie de la Bosnie d'après ce que vous avez dit ?
26 R. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait d'un réfugié, mais son accent m'a
27 donné cette impression, mais, toutefois, il se peut qu'il s'agisse soit
28 d'un réfugié, soit d'émigrant.
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1 Q. Très bien. Pour bien m'assurer que vous ne savez rien à ce sujet et
2 peut-être que vous saurez quelque chose à propos de ce que je vais vous
3 poser. Après la chute de Bugojno, est-ce que vous savez que quelque 3 000
4 soldats du HVO qui ont dû quitter cette zone sont arrivés à Prozor et que
5 certains étaient armés ? Est-ce que vous en avez entendu parler de cela ?
6 R. Non. Je n'avais aucun moyen pour apprendre cela. Je ne pouvais pas
7 l'entendre cela.
8 Q. Est-ce que vous avez entendu dire qu'à Prozor et dans les villages
9 avoisinants il y avait un certain chaos qui prévalait parce qu'il y avait
10 eu perte des positions du HVO puis qu'il y avait arrivé d'un grand nombre
11 de réfugiés ?
12 R. J'étais en prison. Je n'étais pas libre. Comment est-ce que j'aurais pu
13 le savoir ?
14 Q. Monsieur BL, vous n'étions pas complètement isolé, vous obteniez quand
15 même des nouvelles, c'est ce que je vous dis.
16 R. Bien, de grâce, expliquez-moi comment j'aurais pu obtenir des
17 nouvelles ? Vous le savez, vous ?
18 Q. C'est moi qui vous pose des questions, mais je vais vous le dire. Les
19 nouvelles vous parvenaient parce que les gens de votre village venaient
20 vous amener à manger, il y a des gens qui ont eu l'autorisation de rentrer
21 chez eux pour différentes raisons, les gardes vous parlaient, vous alliez
22 travailler. Il y a certaines personnes qui vous parlaient lorsque vous vous
23 trouviez là-bas. Donc petit à petit, je suppose que les nouvelles
24 filtraient jusqu'à vous et je pense qu'il est tout à fait naturel et
25 logique que ce genre de bruit fasse objet de discussion entre vous.
26 R. Ce n'est pas exact en ce qui me concerne. Personne ne parlait. Je ne
27 sais rien à ce sujet.
28 Q. Vous nous dites que vous n'étiez pas au courant de ce chaos et que vous
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1 n'étiez pas non plus au courant de ce grand nombre de réfugiés; c'est
2 exact ?
3 Est-ce que vous pourriez nous dire s'il est exact que vous n'en aviez pas
4 entendu parler ?
5 R. Non, je n'en ai pas entendu parler.
6 Q. Très bien. Puis, plus tard, lorsque vous êtes rentré dans votre village
7 après tous les événements que vous avez malheureusement vécus est-ce que
8 vous en avez entendu parler ?
9 R. Oui, mais à ce moment-là je n'étais pas -- ou plutôt je ne suis
10 toujours pas rentré dans mon village.
11 Q. Est-ce que vous y allez de temps en temps pour une visite ?
12 R. Oui, peut-être une fois par an mais je ne parle pas de ce genre de
13 chose.
14 Q. Oui, mais vous voyez les membres de votre famille, vous voyez les gens
15 de votre village, vous aviez des contacts avec eux, est-ce qu'ils vous en
16 ont parlé de cela par la suite ?
17 R. Voilà ce que je peux vous dire : il y avait 60 foyers dans mon village.
18 Il y en a seulement 15 voire moins maintenant, donc avec qui est-ce que je
19 pourrais avoir des contacts ?
20 Q. Très bien. Je vais passer à autre chose. Vous nous dites que ni au mois
21 de juin 1993 ni plus tard donc vous n'avez jamais appris qu'il y avait eu
22 l'arrivée de ce grand nombre de réfugiés dans Prozor et dans la région de
23 Prozor et qu'à cause des combats et c'était le chaos le plus complet qui
24 régnait en juillet. Cela vous n'en avez jamais entendu parler, personne ne
25 vous l'a dit ?
26 R. Non. Personne ne m'en a jamais parlé. Je n'étais pas informé de cela.
27 Q. Très bien. Bien, je pense que vous avez -- vous nous avez répondu à ce
28 sujet. Vous nous avez parlé de la situation à Crni Vrh où on vous a conduit
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1 pour creuser des tranchées. Vous nous avez dit vous-même que l'ABiH avait
2 investi Crni Vrh; exact ?
3 R. Oui. J'ai entendu dire qu'ils avaient pris ce village cette nuit-là. Je
4 n'ai pas vu.
5 Q. Très bien. Vous étiez de la région. Vous aviez donc suivi au sein de la
6 JNA avant la guerre une certaine formation militaire donc est-ce que vous
7 pourriez confirmer s'il est exact ou non que Crni Vrh se trouve sur une
8 petite colline et si la personne ou l'armée qui tient Crni Vrh contrôle
9 ainsi Prozor; est-ce que cela est exact ?
10 R. Oui.
11 Q. En termes militaires, c'est une colline importante, est-ce que vous
12 êtes d'accord ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous dites qu'on vous a emmené creuser des tranchées à Pidris.
15 R. Non. Je n'ai jamais mentionné Pidris.
16 Q. Il se peut que j'aie mal compris. Est-ce que c'était Pisvir ?
17 R. Oui, Pisvir en direction de Jablanica.
18 Q. Est-ce que vous pouvez répéter ce nom à nouveau ?
19 R. P-i-s-v-i-r. Pisvir.
20 Q. Très bien. Vous avez dit vous-même que Pisvir se trouvait dans la
21 direction de Jablanica lorsque l'on parle de Prozor.
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous êtes d'accord que pour dire que cela se trouve à
24 quelque six ou sept kilomètres de Jablanica ?
25 R. Oui. Il se peut que cela soit exact. Je n'ai pas mesuré les kilomètres.
26 Lorsque vous parlez de Gracac et que vous prenez la route goudronnée
27 il y a une colline et puis vous avez le village de Gracac près de Prozor.
28 Q. Des nouvelles tranchées ont été tranchées là, n'est-ce
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1 pas ?
2 R. Oui. Oui, oui. C'est exact. Des tranchées ont été creusées là.
3 Q. Le HVO a creusé des tranchées.
4 R. Non. Nous les prisonniers avons creusé des tranchées pour les soldats
5 du HVO.
6 Q. En face de quelque armée se trouvaient ces tranchées ?
7 R. Je suppose en face de l'ABiH parce qu'il n'y avait pas de Serbes dans
8 ce secteur.
9 Q. Donc, il s'agissait d'opérations pour conquérir ou investir des terres
10 vers le Sud, vers Jablanica.
11 R. Exact.
12 Q. C'était l'armée de la berge qui conquérait ce territoire ? Les secteurs
13 de Jablanica et de Prozor devaient être placés sous le contrôle de
14 l'armée ?
15 R. Non, du HVO, parce que l'armée se trouvait à Jablanica.
16 Q. Mais vous venez de nous dire que l'armija avait déjà pris des positions
17 au niveau de Crni Vrh et que, ainsi, ils pouvaient contrôler Prozor.
18 R. Oui, mais cela c'est une période différente. Lorsque l'on parle de
19 Pisvir.
20 Q. Quand est-ce que les tranchées à Pisvir ont été tranchées ?
21 R. Nous sommes allés à Jurici, nous sommes allés à Crni Vrh, nous sommes
22 allés à Pisvir. J'aurais du prendre avec moi un calepin pour pouvoir
23 consigner les dates et les lieux où nous nous sommes trouvés, mais nous ne
24 pouvions pas le faire.
25 Q. Cela c'est clair. Bien sûr que je ne vous pose pas cette question. Bien
26 sûr que je ne vous demande pas cela, mais nous sommes d'accord, tout cela
27 s'est passé en juillet 1993 ?
28 R. Oui, en juillet, en juillet, lorsque je me trouvais à l'école
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1 secondaire, c'est exact.
2 Q. Très bien. Je vous remercie. Vous dites que donc ils vous emmenaient
3 travailler depuis l'école vers plus endroits et que c'était le HVO qui le
4 faisait, que vous avez vu les insignes du HVO. Alors est-ce qu'il
5 s'agissait d'insignes du HVO ou d'insignes de la police militaire du HVO ?
6 R. C'était le HVO. La police, elle ne va pas sur la ligne de front. Nous
7 savons tous ce que fait la police.
8 Q. Lorsque vous vous trouviez dans ces endroits, notamment à Crni Vrh,
9 mais également les autres que vous avez mentionnés, est-ce que vous avez vu
10 des insignes, d'autres insignes ? Est-ce que vous savez de quelle Unité du
11 HVO il s'agissait ?
12 R. Non. Je ne comprends pas ce genre de chose. Ce qui était important pour
13 nous, c'est qu'il s'agissait du HVO et c'était l'armée croate, en ce qui
14 nous concerne. Alors, qu'ils aient un oiseau ou un autre emblème pour
15 indiquer quelle était leur brigade, cela ne nous intéressait pas
16 véritablement.
17 Q. Alors, vous n'avez pas vu d'autres insignes à part l'insigne du HVO ?
18 R. Non, je n'en sais rien.
19 Q. Il est dit au compte rendu d'audience que c'était l'armée croate. Est-
20 ce que vous avez jamais vu une armée qui venait de la Croatie à cet
21 endroit ? Vous entendiez du HVO ?
22 R. Oui, j'entends le HVO. C'est ce que nous entendons lorsque nous disons
23 cela.
24 Q. Alors, voilà ce que j'aimerais vous poser comme question à propos de
25 ces soldats du HVO. Est-ce qu'il y avait des gens que vous connaissiez de
26 vue parmi ces personnes ?
27 R. Pendant que nous travaillions, nous n'osions pas regarder les gens dans
28 les yeux. Nous n'osions pas les regarder directement. Bien sûr que nous en
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1 connaissions certains, mais je préférais les éviter parce que j'avais peur.
2 Q. Est-il exact que certains étaient des gens du cru, oui ou non ?
3 R. Oui.
4 Q. Merci. Poursuivons. Nous allons maintenant aborder d'autres sujets que
5 vous avez mentionnés. J'aimerais revenir au début de votre déclaration et
6 je pense à l'existence de la Défense territoriale. Vous nous avez dit que
7 vous aviez été mobilisé par la Défense territoriale. J'aimerais vous poser
8 une question supplémentaire à ce sujet. Est-il exact de dire que le nom
9 complet et officiel de cette institution était l'état-major de la Défense
10 territoriale municipale à Prozor; c'est exact ?
11 R. Je pense que c'est exact. Mais je ne sais pas s'il s'agit de l'état-
12 major municipal. Vous savez, je ne comprends pas véritablement ce genre de
13 chose. Je n'ai pas véritablement été -- je n'ai pas véritablement suivie ou
14 eu une longue éducation scolaire.
15 Q. Quoi qu'il en soit, vous avez obtenu ou reçu les papiers de votre
16 mobilisation à Prozor ?
17 R. Oui, par écrit. Je les ai reçus chez-moi, donc je suis allé me
18 présenter à la TO, ils m'ont passé dans un véhicule et ils m'ont emmené à
19 la centrale hydraulique Rama, c'était un barrage qui se trouvait sur le
20 lac, et ensuite ils m'ont donné un uniforme et des armes.
21 Q. Très bien. A l'époque, à ce moment-là, lorsque vous vous trouviez là,
22 est-ce que tous les hommes en âge de porter les armes de la municipalité
23 ont été mobilisés ?
24 R. Oui, ils ont été mobilisés. Je ne sais pas s'ils ont tous reçu l'appel
25 de mobilisation en même temps, mais je ne peux pas parler pour toute la
26 municipalité.
27 Q. Très bien. Est-ce que les Croates et les Musulmans recevaient ces
28 ordres d'incorporation ?
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1 R. Oui, bien sûr qu'ils les ont reçus. Je sais que nous étions là-haut et
2 qu'il y avait des Croates et des Musulmans. Je ne peux pas vous dire autre
3 chose à ce sujet.
4 Q. Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'en 1992, la Défense
5 territoriale avait donc ce commandement conjoint dont vous avez parlé ?
6 R. C'est ce que les gens disaient. Je n'en sais rien. Je ne sais pas --
7 enfin c'est qu'on nous disait. On nous disait qu'il s'agissait d'un
8 commandement conjoint.
9 Q. Très bien. Vous nous dites qu'après votre mobilisation vous êtes allé
10 sur les lignes et qu'il y avait différentes équipes qui se relevaient l'une
11 et l'autre. Vous nous dites qu'en 1992, donc, vous avez travaillé suivant
12 cette structure. Vous y étiez pendant 15 jours et puis vous aviez 15 jours
13 de permission.
14 R. Bon, c'était 15 ou sept jours, ce n'était pas toujours la même chose,
15 cela dépendait du nombre d'hommes.
16 Q. Donc nous sommes d'accord. En 1993, lorsque vous vous trouviez à
17 Idovac, au niveau des positions avec le HVO, là aussi il y avait des tours
18 de garde, n'est-ce pas ? Est-ce que cela est exact ?
19 R. Oui.
20 Q. Avant que vous ne soyez mobilisé, juste avant, est-ce que vous
21 travailliez ?
22 R. Oui.
23 Q. Où travailliez-vous, si je peux me permettre de vous poser la
24 question ?
25 (expurgé)
26 Q. Lorsque vous avez été mobilisé, est-ce que cet emploi a cessé ou est-ce
27 que vous avez cessé d'exercer cet emploi ?
28 R. Oui.
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1 Q. Donc, vous passiez soit sept jours, soit 15 jours sur la ligne et je
2 parle du moment où vous vous trouviez au sein de la Défense territoriale.
3 Puis, lorsque vous aviez une permission, vous rentriez chez-vous, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous n'alliez pas dans une caserne ?
7 R. Non.
8 Q. Lorsque vous étiez chez vous, vous étiez tout à fait libre, pour
9 utiliser ce terme.
10 R. Bien sûr.
11 Q. Donc, vous n'aviez aucune fonction militaire et aucun devoir militaire
12 dont vous deviez vous acquitter lorsque ne vous étiez en permission ?
13 R. Non.
14 Q. Donc, vous serez d'accord pour dire que pendant ces sept, dix ou 15
15 jours, vous étiez donc un civil ?
16 R. Oui, oui, bien sûr que j'étais un civil.
17 Q. Lorsque -- est-ce que vous rameniez votre fusil avec vous de la ligne
18 de front ?
19 R. Jusqu'à ce que Prozor ait tombé, jusqu'au 23 octobre 1992, parce
20 qu'après nous ne l'avons plus fait.
21 Q. Très bien. Monsieur BL, est-ce qu'il est exact ou est-ce que vous savez
22 si au début de l'année 1992, lorsque de nombreuses personnes pensaient que
23 la guerre allait éclater en Bosnie et qu'il allait y avoir une agression
24 serbe, quelque soit d'ailleurs les différentes opinions que les gens
25 avaient, est-ce qu'il y a de nombreuses personnes qui ont achetés des armes
26 pour se défendre d'une attaque imminente des Serbes ?
27 R. Oui, les personnes qui pouvaient le faire.
28 M. MURPHY : [interprétation] Je m'excuse d'interrompre, Monsieur le
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1 Président, mais je souhaiterais passer à huis clos partiel pour un petit
2 moment seulement.
3 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.
4 [Audience à huis clos partiel]
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19 [Audience publique]
20 M. KOVACIC : [interprétation] Je m'excuse de cet oubli, mais je ne pensais
21 pas que cela allait nous permettre de découvrir l'identité du témoin parce
22 que c'est une grande entreprise qui emploie plusieurs centaines de
23 salariés.
24 Q. Monsieur, est-ce que nous pouvons poursuivre, et je vais reprendre en
25 fait là où nous nous sommes interrompus. Vous aurez compris pourquoi nous
26 avons été interrompu; c'était pour que votre identité ne soit pas
27 divulguée.
28 Donc, vous avez confirmé et dit que certaines personnes dont vous ne
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1 connaissez ni les noms ni les prénoms ont acheté des armes au début de
2 l'année 1992 et qu'ils ont payé eux-mêmes.
3 R. Je ne sais pas si cela est exact. Non. Certains l'ont fait, d'autres ne
4 l'ont pas fait. J'ai entendu dire que d'aucun achetait des armes et je ne
5 l'ai pas vu moi-même, donc je ne peux pas vous confirmer si cela est exact.
6 Q. Très bien. Mais vous, vous, est-ce que vous avez acheté des armes pour
7 votre défense ?
8 R. Non. J'ai reçu un fusil M-48 ainsi que dix balles; et vous le savez ou
9 je vous l'ai déjà dit ?
10 Q. Peut-être savez-vous que ces armes étaient les armes de la Défense
11 territoriale de Prozor et qu'elles ont pu servir entre trois jours ?
12 R. C'est possible mais je ne suis pas au courant.
13 Q. Très bien. Quand vous êtes allé à Idovac en 1993, on vous a encore une
14 fois donné une arme ?
15 R. Exact.
16 Q. Quand vous partiez, quand vous quittiez cet endroit, vous laissiez
17 votre fusil sur place, n'est-ce pas, dans ce cas-là ?
18 R. Oui. Il y avait une espèce de remise dans laquelle nous laissions nos
19 armes.
20 Q. C'était la règle pour tous les hommes qui prenaient leur service, en
21 dehors de ceux qui possédaient personnellement une arme ?
22 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas quelle était la règle. Je sais que nous,
23 Musulmans, nous disposions de cette remise spéciale dans laquelle nous
24 dormions et dans laquelle nous laissions nos armes. Je ne sais pas ce que
25 faisaient les autres.
26 Q. Cela veut dire que vous ne savez pas si les soldats du HVO ou d'autres
27 qui se trouvaient sur le front laissaient leurs armes sur place ?
28 R. Non, je ne sais pas parce que nous, nous rentrions dans nos villages et
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1 eux rentraient dans leurs villages séparément. Je ne sais pas ce qu'eux
2 faisaient.
3 Q. Bien. Quand la relève venait et que vous rentriez chez-vous en
4 permission, et vous laissiez vos armes, mais une autre équipe venait
5 prendre place, n'est-ce pas ?
6 R. Bien sûr, c'est normal.
7 Q. Donc, ces hommes qui prenaient la relève utilisaient les armes qui
8 étaient restées sur le front ?
9 R. Je ne sais pas, peut-être. Nous, nous les rendions dans cette remise et
10 ceux qui venaient, je ne sais pas ce qu'ils en faisaient.
11 Q. Mais, en tout cas, vous, quand vous reveniez sur le front, vous
12 récupériez les armes en question ?
13 R. C'est sûr, oui, absolument.
14 Q. Merci. Bien. J'aimerais que nous revenions au sujet Dont nous
15 discussion précédemment, c'est-à-dire, à la situation qui présidait lorsque
16 vous n'étiez pas de service, en 1992. Quand vous participiez aux
17 patrouilles du village en 1992, est-ce que vous aviez un autre travail
18 parce que l'usine avait fermé, n'est-ce pas ? Est-ce que vous aviez un
19 autre travail, quelque chose qui vous permettait de gagner votre vie ?
20 R. L'usine était fermée bien sûr et il ne nous restait que l'agriculture.
21 Q. Donc, vous étiez considéré comme un civil, la Défense territoriale vous
22 disait que vous étiez un soldat et que vous n'aviez pas le droit de
23 travailler ?
24 R. Bien non. Personne ne nous a empêchés de travailler. Bien sûr,
25 évidemment, personne ne nous a empêchés.
26 Q. J'aurais encore une petite question. Monsieur le Témoin BL, quand vous
27 avez dit que vous aviez été emprisonné, enfermé dans l'école. Vous avez
28 parlé d'un homme qui avait établi des listes de noms au moment où on vous
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1 chargeait à bord des camions. Vous aviez dit que vous le connaissiez de vue
2 et vous lui avez demandé s'il pouvait vous dire où on vous emmenait. Il
3 vous a répondu ne pas le savoir. Connaîtriez-vous par hasard le nom de cet
4 homme ?
5 R. Non. J'ai dit tout de suite que je ne me rappelais pas son nom. Je le
6 connaissais simplement de vue, pas du tout de façon approfondie. Nous nous
7 croisions en ville et nous nous disions bonjour, commence cela va, ce genre
8 de chose.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : En audience à huis clos partiel.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience huis clos
11 partiel, Monsieur le Président.
12 [Audience à huis clos partiel]
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14 [Audience publique]
15 M. KOVACIC : [interprétation]
16 Q. Monsieur le Témoin BL, vous avez déclaré que du temps de l'armée
17 populaire yougoslave vous aviez été entraîné au maniement des canons sans
18 recul.
19 R. Je ne comprends pas de quoi vous parlez. Qu'est-ce que cela veut dire
20 canon sans recul ?
21 Q. Excusez-moi, je n'ai pas été assez précis. Quand vous avez fait votre
22 service militaire au sein de la JNA il y a longtemps bien avant la guerre
23 vous avez été entraîné au maniement des canons sans recul; c'est bien cela
24 ?
25 R. Cela c'est exact, oui.
26 Q. Vous connaissez assez bien cette arme, n'est-ce pas ?
27 R. Je la connaissais.
28 Q. En tant que soldat qui connaît cette arme, conviendriez-vous avec moi
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1 que si ce sont des mortiers qui se trouvent à Crni Vrh ces mortiers ont
2 pour cible Prozor ?
3 R. Naturellement, bien sûr.
4 Q. Savez-vous si le front qui se trouvait à Crni Vrh s'est maintenu ? Est-
5 ce que la ligne qui séparait l'ABiH et le HVO est restée en place ? Quand
6 l'ABiH a pris le contrôle de Crni Vrh qu'est-il advenu du HVO ?
7 R. Je ne sais pas. Je n'étais pas présent. Quand nous sommes arrivés sur
8 place il y avait des soldats dans les bois, dans la forêt, ils circulaient
9 dans les environs, puis on nous a fait avancer vers le front pour creuser
10 des tranchées et quand nous sommes arrivés au niveau des tranchées c'est à
11 ce moment-là que nous avons pris la fuite. Je ne vais pas répéter tout ce
12 que j'ai déjà dit.
13 Q. La ligne du HVO était déjà tombée quand vous êtes arrivé sur place.
14 R. Oui.
15 Q. L'ABiH avait déjà investi la ligne précédemment tenue par le HVO.
16 R. Oui.
17 M. KOVACIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions pour ce témoin,
18 Monsieur le Président.
19 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
21 Des Juges ont des questions.
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une petite question simplement. Je
23 ne suis pas sûr de savoir exactement ce qu'est un canon sans recul. L'arme
24 au maniement de laquelle vous avez été entraîné, quelle est cette arme
25 exactement, Monsieur ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment est-ce que je pourrais vous la
27 décrire ?
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que c'est un canon qui sert à
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1 tirer sur des blindés ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une arme anti-blindée, Monsieur,
3 antichar. Cela je l'ai dit dans ma déposition. Je faisais partie du peloton
4 antichar de la JNA.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Autrement dit, c'est un tube, un
6 simple tube dans lequel on place des roquettes qui font à peu près 30
7 centimètres de long et puis on tire.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un canon qui a un vecteur en dessous, un
9 élément muni de deux roues qui permet de le déplacer et il faut cinq hommes
10 pour utiliser cette arme. Les obus sont placés à l'arrière et traversent le
11 canon pour sortir par l'avant.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question de suivi parce qu'à un moment donné la
13 Défense a dit qu'à la suite de Bugojno, c'était le chaos. Je voudrais donc
14 savoir quand vous alliez creuser des tranchées et vous partiez
15 principalement de l'école secondaire. Est-ce qu'en cours de route il y
16 avait des points de contrôle du HVO ? Est-ce que le HVO a arrêté le camion
17 dans lequel vous étiez pour vérifier qui était dedans ou pas ? Ou bien vous
18 alliez directement entre l'école et le lieu où vous faisiez -- vous
19 creusiez des tranchées sans être arrêté par quiconque ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Personne ne nous a arrêtés nulle part. Nous
21 sommes allés directement - enfin, pas tout à fait directement, mais juste
22 temps que le véhicule a pu rouler, nous sommes allés dans la direction de
23 l'endroit où on nous emmenait creuser les tranchées.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Le jour où vous avez été à Makljen et que vous avez
25 quitté l'école secondaire le matin pour vous retrouver dans la colonne des
26 50, Makljen est au nord de Prozor et pour aller de Prozor à Makljen il faut
27 emprunter une route qui tourne assez souvent et il doit y avoir une
28 distance d'environ dix kilomètres. Pendant ce parcours est-ce que le camion
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1 a roulé sans arrêt ou il a été arrêté à un moment donné ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Personne ne l'a arrêté. Il a fait
3 une halte à côté du café deux, trois minutes. Le café Baba Janja. Je ne
4 sais pas pourquoi ? Parce que nous étions sous la bâche, nous ne pouvions
5 rien voir et nous n'avons rien entendu. Il a fait une petite halte, là, et
6 il a poursuivi son chemin.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous remercie.
8 Maître Alaburic.
9 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :
10 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je m'appelle Vesna Alaburic, je
11 suis avocate de Zagreb et je représente le généralement Miviloj Petkovic
12 dans ce procès.
13 Q. Je n'ai préparé aucune question à votre intention. Mais en rapport avec
14 la partie de votre déposition d'aujourd'hui j'aimerais vous poser quelques
15 questions car il y a certaines choses que vous avez dites qui ne me
16 paraissent pas tout à fait claires. Je ne parviens pas à faire un tout
17 cohérent de vos propos dans le cours de toute votre déposition.
18 Dites-nous, je vous prie, vous avez déclaré que votre frère était à bord du
19 camion qui emmenait une cinquantaine de personnes --
20 R. Je demanderais un huis clos partiel.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Nous allons passer à huis clos.
22 M. LE GREFFIER : Nous sommes en audience partiel à huis clos, Monsieur le
23 Président,
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17 [Audience publique]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il nous reste dix minutes avant la pause, je
19 vous donne la parole, Maître Tomic.
20 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci.
21 Contre-interrogatoire par Mme Tomasegovic Tomic :
22 Q. Bonjour, Monsieur, je m'appelle Dijana Tomasegovic Tomic et je suis
23 avocat de Zagreb et je représente M. Valentin Coric en l'espèce.
24 Je sais qu'il est difficile pour vous de revenir sur tous ces événements,
25 je vais donc essayer d'être très brève. Je vais essayer de poser des
26 questions claires et brèves auxquelles vous pourrez répondre par oui ou
27 non.
28 Monsieur, aujourd'hui vous nous avez dit que pendant la période où
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1 ces événements se sont écoulés, la police militaire a passé une nuit avec
2 vous à la caserne des pompiers à Prozor et le reste du HVO, les autres
3 membres, les soldats du HVO étaient avec vous, est-ce bien cela ?
4 R. Oui.
5 Q. Je voudrais maintenant revenir à la nuit que vous avez passée à cette
6 caserne de pompiers et j'ai quelques questions à poser à ce sujet. Avez-
7 vous été battu par les membres de la police militaire ? Vous ont-ils fait
8 subir des sévices ?
9 R. Personnellement, non. Je n'ai rien vu, ni entendu non plus.
10 Q. Merci. Est-ce que la police militaire vous a menacé cette nuit ?
11 R. Non, je n'ai pas été menacé.
12 Q. J'ai encore une question à vous poser. Est-ce que la police militaire
13 vous a interrogé cette nuit-là ?
14 R. Non. Je n'ai pas vu d'interrogatoire non plus.
15 Q. Merci beaucoup, Monsieur. Je n'ai plus de question. Merci, Messieurs
16 les Juges.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Avocat suivant.
18 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai pas
19 de questions.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Les derniers avocats : Maître Nozica, Maître
21 Murphy, pas de questions ? Non ?
22 M. MURPHY : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Tout le monde a posé des questions au
24 témoin.
25 Monsieur Mundis, des questions supplémentaires ?
26 M. MUNDIS : [interprétation] Très brièvement sur un point, Monsieur le
27 Président, qui a été posé par la Défense de M. Praljak. Il s'agit de la
28 page 45, ligne 12 et page 47, ligne 25.
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1 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :
2 Q. [interprétation]
3 Q. Monsieur le Témoin BL, est-ce que vous vous souvenez d'une date bien
4 précise à laquelle vous auriez ou avez été démobilisé ?
5 R. Excusez-moi, répétez, parce que je n'ai pas compris la question ?
6 Q. Vous avez dit qu'à un certain moment, en avril 1992, vous avez été
7 démobilisé; est-ce que c'est bien le cas ? Vous avez reçu des documents et
8 vous avez été mobilisé ?
9 R. Oui.
10 Q. Avez-vous reçu un document officiel ou un autre document qui vous
11 disait que vous étiez démobilisé, c'est-à-dire que vous n'étiez plus membre
12 de la Défense territoriale ?
13 R. Non, non, je n'ai rien reçu.
14 Q. Merci, Monsieur le Président, nous n'avons plus de question.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur, votre témoignage vient de se
16 terminer. Donc, aux noms des Juges, je vous remercie d'être venu témoigner
17 à La Haye et je formule mes meilleurs vœux pour le retour dans votre pays.
18 Avant que vous ne partiez, je vais demander à Mme l'Huissière de bien
19 vouloir baisser les rideaux.
20 Alors, comme il nous reste quelques minutes et peut-être que vous pourrons
21 terminer après, Monsieur Mundis, pour lundi, le programme est bien celui
22 qui avait été annoncé il y a quelques jours ?
23 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le témoin prévu
24 pour lundi sera ici et il va commencer, comme l'a dit la Chambre, à une
25 déposition de cinq jours.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc, comme nous l'avons dit, le témoin
27 sera interrogé par l'Accusation pendant deux jours et puis, la Défense aura
28 trois jours, comme je l'ai indiqué. Nous espérons, comme je l'ai précisé
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1 hier, que vous arriverez entre vous à un accord. Si jamais il n'y a pas
2 d'accord, vous nous en ferez part et nous trancherons. Mais nous espérons
3 que vous arriverez à un accord sur la répartition de votre temps de parole.
4 Monsieur le Greffier, nous pouvons peut-être lever les rideaux puisque le
5 témoin est parti.
6 [Le témoin se retire]
7 Est-ce qu'il y a un sujet que les uns et les autres voudraient aborder ?
8 Monsieur Mundis ?
9 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation n'a rien à
10 vous proposer pour aujourd'hui.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, l'ordinateur, je présume ?
12 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Non, non, je n'ai toujours pas
13 d'ordinateur. C'est difficile à comprendre, mais je ne voudrais pas
14 reparler de la question. Je veux faire preuve de dignité, si je peux
15 utiliser ce mot. Mais il a quelque chose que je voulais dire sur la
16 déposition à huis clos partiel. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a
17 créé ce Tribunal et l'objectif était de contribuer à la paix en Bosnie-
18 Herzégovine et au-delà des territoires des Balkans occidentaux. C'est
19 impossible d'atteindre la paix si on ne trouve pas la vérité. Ce que nous
20 faisons ici, c'est essayer d'établir la vérité. Pour cela, que les témoins
21 viennent déposer et qu'ils acceptent la charge du témoignage.
22 La paix existe en Bosnie-Herzégovine depuis longtemps et je ne crois
23 pas qu'il y ait encore des risques ou des menaces. Donc, je regrette le
24 fait que les témoins déposent à huis clos ou à huis clos partiel parce
25 qu'il faut que ce que dise les témoins soit du domaine public, c'est
26 nécessaire de le savoir, à Rama, à Prozor, d'où il vient, pour que les gens
27 sachent exactement ce qui s'est passé et comment ces choses se sont passées
28 pour que les acteurs principaux, pour que la justice fonctionne, pour qu'il
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1 y ait des actes d'accusation qui soient rédigés, le cas échéant, pour que
2 les gens sachent exactement ce qui s'est passé, qui est responsable de quoi
3 et pour que les événements soient compris.
4 Donc, si on veut rechercher la vérité, on peut ainsi contribuer à la
5 paix, mais il ne faut pas que les gens se cachent derrière leur propre
6 lâcheté, parce que les personnes qui le font peuvent aussi raconter des
7 mensonges, puisque ces personnes sont protégées, et si cela n'avait pas été
8 à huis clos partiel, tout le monde aurait pu se rendre compte qu'il
9 s'agissait de mensonges. Donc les témoins qui veulent venir ici raconter la
10 vérité doivent accepter la charge que représente ce genre déposition.
11 Merci, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Sur ce que vous avez dit, juste une brève
13 observation, c'est le Règlement de preuve et de procédure de ce Tribunal
14 qui a instauré un mécanisme de protection pour les témoins et toutes les
15 Chambres de ce Tribunal agissent de cette façon. Du moment qu'un témoin
16 demande des mesures de protection pour des raisons personnelles,
17 objectives, subjectives ou autres, nous tranchons dans un sens favorable ou
18 défavorable. D'ailleurs, dans le cas précédent, vous avez constaté qu'on ne
19 lui a pas donné des mesures à 100 %, elles étaient partielles.
20 Monsieur Mundis, vous vous êtes levé.
21 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pour le compte
22 rendu d'audience, l'Accusation s'oppose à ce genre d'argument et d'éclat de
23 la part de M. Praljak. Il a l'air de dire que le témoin a menti parce que
24 la Chambre lui a donné des mesures de protection, c'est vraiment
25 insupportable. Il suggérait aussi qu'il s'agit de lâcheté. Dire que c'est
26 par lâcheté que ce témoin demande des mesures de protection, franchement,
27 avec tout le respect que je dois à M. Praljak, je voudrais souligner le
28 fait que ce témoin doit faire preuve de beaucoup de courage pour venir
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1 témoigner dans ces conditions.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour votre intervention.
3 Maître Kovacic, très vite.
4 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisque c'est mon
5 client qui a dit cela, je voudrais informer la Chambre que cette histoire
6 de l'ordinateur, c'est une histoire qui remonte au mois d'avril. J'ai donné
7 les copies des échanges de courriers, vous avez une idée du problème, mais,
8 au cours des quatre derniers jours, je crois, nous avons échangé deux
9 courriels avec la personne responsable au sein du Greffe. Maintenant, on
10 parle que c'est une question de logiciel, que peut-être dans deux semaines
11 ils auront peut-être le matériel, mais --
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juriste nous a informe que, la semaine prochaine,
13 votre client, la capacité de mémoire de son ordinateur doit certainement
14 doubler, donc, la question doit être résolue la semaine prochaine. Voilà,
15 bonne nouvelle.
16 Bien. Il est midi 30.
17 M. KOVACIC : [interprétation] Permettez-moi d'ajouter une phrase. Je
18 comprends l'objection de mon collègue comme une question de principe. Je ne
19 vois pas comment on peut interpréter ce qu'a dit mon client, comme voulant
20 dire que le témoin était lâche. Je ne vois pas comment on peut interpréter
21 cela. On ne peut pas dire -- il n'a pas dit non plus qu'il voulait mentir.
22 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je ne sais pas quelle était
23 l'interprétation, mais je n'ai pas dit cela. Je n'ai rien dit de la sorte à
24 aucun moment. J'ai parlé d'hypothèse. J'ai tout mis au conditionnel.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Votre mise au point est enregistrée -- figure
26 au transcript.
27 Je remercie toutes les personnes. Comme vous le savez, nous nous retrouvons
28 lundi à 14 heures 15. D'ici là, je vous souhaite un bon week-end et nous
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1 nous retrouverons lundi.
2 --- L'audience est levée à 12 heures 31 et reprendra le lundi 4 septembre
3 2006, à 14 heures 15.
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