Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 9 octobre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire

9 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce lundi, 9 octobre 2006, je salue toutes

11 les personnes présentes. Je salue les représentants de l'Accusation, les

12 avocats, ainsi que Messieurs les accusés, et ainsi que tout le personnel de

13 la salle d'audience.

14 LE TÉMOIN : STJEPAN KLJUIC [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Aujourd'hui, nous terminons le contre-interrogatoire

17 de

18 M. Kljuic, que je salue également. Il a été prévu que Me Karnavas aurait

19 dix minutes pour terminer son contre-interrogatoire. Ensuite, Me Nozica et

20 Me Murphy auront une heure et 30, et les autres avocats se partageront

21 l'heure et demie restant, étant précisé que nous terminerons impérativement

22 à 19 heures.

23 Voilà. Me Karnavas.

24 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

25 les Juges. Après avoir eu vainement réfléchir à la chose, j'ai relu les

26 notes du compte rendu, je me suis rendu compte en fait que ce témoin est

27 très difficile -- c'est un témoin qui est difficile de contre-interroger

28 et, en dix minutes, je ne pourrais certainement pas arriver à ce dont je

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1 veux en arriver. Ayant dit ceci, les points que je voulais couvrir peuvent

2 être couverts par le biais d'autre témoin, donc ne nous subirons aucun

3 préjudice. A la lumière de ceci, je cède mon temps au conseil, à mes

4 collègues qui auraient besoin de ce temps, encore une fois, merci.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Karnavas.

6 Maître Nozica, vous avez la parole.

7 Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges.

9 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit : Me Nozica, micro.

10 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kljuic.

12 R. Bonjour.

13 Q. Je vais vous poser un certain nombre de questions au nom de la Défense

14 de M. Stojic. Lorsqu'il est question des conseils pour certaines zones, je

15 crois que vous savez de quoi je parle. Le HDZ a d'abord commencé à parler

16 pour la première fois lors d'une réunion de la présidence le 16 avril 1991

17 là.

18 Mme NOZICA : [interprétation] Je demanderais que l'on place au témoin la

19 pièce -- soumettre la pièce P 00034.

20 Q. Monsieur Kljuic, il s'agit de documents que vous avez déjà vus, mais

21 nous allons nous concentrer sur les Conseils chargés de districts séparés

22 ou particuliers. Je vais donc parler de la session de la présidence du 16

23 avril 1991. Nous l'avons devant nous.

24 Mme NOZICA : [interprétation] Je demanderais également que l'on place la

25 page 3.28 en croate. Je demanderais également que l'on place la page 3 en

26 anglais.

27 Q. Voici, nous avons sous les yeux le document en question. Nous allons

28 examiner ensemble le point 2.8, pour rappeler de quoi il en est. On peut

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1 lire :

2 "Selon les capacités particulières et les travaux qu'ils font, on détermine

3 les personnes chargées de certains districts qui sont responsables de

4 s'entourer d'une équipe de personnes très professionnelles, de l'équipe

5 professionnelle, pour s'assurer que le fonctionnement du parti fonctionne

6 bien, pour ce qui est de toutes les zones, et d'en soumettre un rapport à

7 la présidence avec un programme court."

8 Nous voyons ici les noms. M. Mate Boban était chargé pour la section

9 communale; M. Ivo Stanic pour le droit; M. Vitomir Lukic pour la culture;

10 M. Jerko Doko pour la défense et la police, et cetera. Nous voyons ici que

11 vous étiez chargé des questions relatives avec l'information, donc, de

12 concert avec Ivan Markesic et Smiljko Sagolj. Nous voyons qu'on doit

13 procéder à la formation d'une coalition qui, plus tard, s'appellera le

14 Conseil de sécurité.

15 R. Oui.

16 Q. Le critère était de s'entourer de personnes qui étaient -- qui avaient

17 les capacités professionnelles ?

18 R. Oui.

19 Q. Selon cette liste, nous voyons que vous vous êtes plié à cela ?

20 R. Pour autant que nous en avons pu et pour autant que les personnes

21 étaient disponibles pour s'engager.

22 Q. Cela dépendrait des [imperceptible], bien sûr. Je comprends. Vous avez

23 abordé les questions de l'organisation du conseil lors de la session de la

24 présidence, session du 10 juillet 1991.

25 Mme NOZICA : [interprétation] Je demanderais que l'on place la pièce P

26 000341. La pièce P 0003 -- ou plutôt 41. Mais nous ne semblons pas encore

27 voir le document à l'écran. Je suis vraiment désolée. Il s'agissait d'une

28 session de la présidence du comité du HDZ de Bosnie-Herzégovine qui s'est

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1 déroulée le 10 juillet 1991. Le numéro est le P 00041, alors qu'on voit ici

2 à l'écran, au compte rendu d'audience "341", mais il s'agit effectivement

3 de P 00041. Je crois qu'il s'agit bien du document en question. Oui,

4 effectivement.

5 Q. Il y a des extraits du procès-verbal de la session de la présidence qui

6 a eu lieu le 10 juillet - à la page 2.2, en croate et en anglais, c'est à

7 la page 3. Est-ce que l'on pourrait remonter le document un peu, afin que

8 le témoin puisse l'examiner ? Donc, au point 2, nous pouvons lire :

9 "Afin d'améliorer la qualité du travail au niveau du HDZ de BiH, les

10 conseils ont été organisés pour les zones individuelles. Ceci était

11 difficile -- est nécessaire au sein du Conseil municipal ainsi qu'au

12 Conseil municipal du HDZ."

13 Nous avons ensuite le Conseil chargé des questions de l'Economie. Nous

14 avons une autre personne ici si nous comparons le document précédent; est-

15 ce que c'est exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Nous avons la chambre ou le Conseil chargé de questions de Sécurité et

18 qu'on appelait autrefois "police et sécurité" ou le "Conseil de la Police

19 et de la Sécurité."Nous avons ensuite le Conseil chargé des Questions

20 juridiques, le Conseil pour la Culture et l'Education, ainsi que le Conseil

21 chargé des questions de la Santé et du Bien-être social.

22 En fait, ce que je souhaite soulever ici - et je crois que vous nous l'avez

23 déjà confirmé - est que, pour la première fois, lors cette réunion de la

24 présidence qui s'est tenue le 10 juillet 1991, nous avons ce terme qui

25 apparaît pour la première fois, "Conseil de Sécurité"; est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Maintenant, je vous demanderais de nous dire ce qui est écrit au-dessus

28 du point 2 en croate. C'est sur la même page en croate, et en anglais,

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1 c'est à la page qui suit : 00841180, c'est le numéro de la page, donc, le

2 00858890.

3 On peut voir ici que la prise du pouvoir en Bosnie-Herzégovine est un

4 processus qui n'a pas encore été mis en œuvre pour des raisons bien

5 connues. Mais le travail doit être accéléré à tous les niveaux et la prise

6 de pouvoir au sein de la BiH n'a pas été complètement complétée pour des

7 raisons tout à fait connues, et cetera.

8 Maintenant, est-ce que l'une des raisons pour ceci, pour le fait

9 ainsi que le HDZ est en train de créer et ces conseils étaient, parce que

10 le pouvoir et l'autorité n'avaient pas encore été établis jusqu'aux

11 élections.

12 R. Les raisons sont bien complexes pourquoi est-ce que les autorités n'ont

13 pas été créées de façon adéquate. Mais il était tout à fait naturel que les

14 partis qui, à ce moment-là, avaient remporté 95 % des voix lors des

15 élections croates, devaient être pris en compte. Il fallait s'assurer de

16 questions simples : économie, santé, culture, économie, les conditions

17 économiques, et cetera, et cetera. Donc, eu égard à la situation dans l'ex-

18 Yougoslavie et, bien sûr, les questions relatives à la sécurité.

19 Donc, c'était -- nous avons essayé de compenser de cette façon-là

20 l'inertie de l'appareil étatique, c'est-à-dire de nous tenir bien informé,

21 de nous trouver dans une situation où nous pouvions dicter certaines

22 solutions sur le terrain et, plus particulièrement, lorsque

23 -- là où les Croates étaient majoritaires.

24 Q. Oui. Je comprends. Mais je comprends que ce Conseil de Sécurité -- ou

25 je présume que ce Conseil de Sécurité était établi justement à cause de la

26 situation complexe qui existait en Bosnie-Herzégovine au cours de cette

27 période.

28 R. Oui. Justement. Vous en Bosnie-Herzégovine également, mais -- et en

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1 Croatie, puisque les premiers incidents qui se sont déroulés au lac

2 Plitvice, par exemple, vous savez les incidents qui s'étaient passés là.

3 Ensuite, il y avait eu un sabotage à Borovo Selo, où un policier croate

4 avait été tué. Donc, c'était des tensions très fortes. Il y avait de la

5 propagande. Milosevic avait le contrôle de la télévision, des médias. Il

6 avait également la police et l'armée qui obéissaient à ses ordres. Donc,

7 nous devions réagir. Nous devions nous préparer à cette situation et si

8 vous étiez mieux organisés et mieux en mesure d'aborder ou de faire face à

9 la situation. Bien sûr, tout ceci dépendait de la position géographique de

10 la région et de la situation politique de la région en question.

11 Q. Maintenant, concernant le Conseil exécutif du HDZ du

12 6 août, est-ce que ces questions avaient été soulevées lors de cette

13 réunion, pour ce qui est de la conclusion qui avait été faite par la

14 présidence et c'était en fait le conseil qui a eu une réunion le

15 10 juillet.

16 Mme NOZICA : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

17 pièce P 00047, s'il vous plaît ? Voilà, justement, nous avons le document

18 sous les yeux. Examinons le document pour voir de quoi il s'agit. S'agit-il

19 bien du procès-verbal ? Pourrait-on avoir la page 5.14 en version croate et

20 c'est à la page ERN 00337302, en anglais, également point 14, donc, le même

21 point qui nous intéresse. Je suis tout à fait certaine que vous allez

22 pouvoir retrouver le passage.

23 Q. Si vous examinez la version en croate d'abord, je souhaiterais attirer

24 votre attention sur le point 14 où on peut

25 lire :

26 "Le Conseil principal du BH HDZ confirme les résolutions adoptées par le BH

27 HDZ, pour ce qui est du Conseil de la réunion du 10 juillet 1991 concernant

28 la nomination des conseils et des personnes chargées de diverses consignes.

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1 Nous avons essayé la composition des conseils ainsi que la liste des

2 personnes qui étaient censées devenir membre du secrétariat du BH HDZ."

3 Nous pouvons conclure sur la base de ceci, M. Kljuic, n'est-ce pas,

4 que les membres du conseil n'avaient pas encore été nommés; est-ce que

5 c'est exact ?

6 R. Oui.

7 Q. S'agissant des districts. Vous avez soulevez cette question lors des

8 réunions de la présidence du HDZ BiH lors de la session du 26 août 1991.

9 Mme NOZICA : [interprétation] Je demanderais la pièce P 00052.

10 Q. Nous voyons la première page ici et sur cette première page, on peut

11 lire, je cite, en fait il s'agit de quelque chose qui est mentionné assez

12 fréquemment lors des réunions dont vous étiez le président que M. Ante

13 Beljo était présent. Pourriez-vous nous dire qui était M. Ante Beljo à

14 l'époque ?

15 R. Ante Beljo était le secrétaire général de la communauté démocratique

16 croate de la République croate qui était venue en Bosnie -- qui venait en

17 Bosnie, souvent pour avoir des consultations et des fois poursuivre ou à la

18 suite de directives. Il nous était très près puisqu'il était né en Bosnie-

19 Herzégovine. Donc, s'agissant de Zagreb, ils l'ont sans doute placé pour

20 être une liaison entre nos deux parties.

21 Q. Est-ce que nous pourrions examiner un autre sujet qui nous intéresse et

22 qui a trait au conseil qui peut être trouvé à la page 2.14 et à la page 2.4

23 en anglais ? Le numéro ERN est le 00860077. Donc, c'est la page qui suit

24 pour ce qui est de la version anglaise, point 4. Page suivante.

25 "On peut lire de la part de la présidence du BH HDZ, les conseils ont

26 été nommés."

27 Pour la première fois, nous voyons quelle était la composition de ces

28 conseils. Donc, ce qui nous intéresse, c'était le Conseil de Sécurité. Je

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1 souhaiterais que l'on se penche donc sur la question du conseil de

2 Sécurité. Nous pouvons voir votre nom, Mate Boban, le nom de Branko Kvesic.

3 Qui était Branko Kvesic à l'époque ?

4 R. Branko Kvesic était le ministre adjoint pour les questions relatives à

5 l'Intérieur et le chef du département qui, autrefois, était connu sous le

6 nom de UDBA, U-D-B-A, ou le service de Sécurité qui était une portion très

7 importante au sein du ministre de l'Intérieur.

8 Q. Pour autant que je le sache, M. Jarko Doko était le ministre de la

9 Défense; est-ce que c'est exact ?

10 R. Oui.

11 Q. Pour ce qui est des autres personnes qui s'y trouvaient, tous avaient

12 un certain lien avec la Défense qui s'occupait des questions chargées de la

13 Défense et de la Sécurité, c'est ce que faisait le Conseil de Sécurité,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Oui. C'était des représentants de diverses régions. Filipovic était de

16 Samac, Bozo Rajic était d'un autre endroit, d'une autre région, ainsi de

17 suite. Donc, nous avions nommé à cette époque des personnes pour tenir ces

18 positions régionales qui pouvaient couvrir l'ensemble de la Bosnie-

19 Herzégovine. Vous aviez le représentant de la Bosnie-Herzégovine, de la

20 Posavina et des personnes qui travaillaient au sein de l'administration et

21 de l'Etat, tel que Jerko Doko, par exemple, et moi-même, puisque j'étais

22 également membre du Conseil d'Etat chargé des questions de Sécurité, ex

23 officio, bien sûr.

24 Q. Fort bien, merci. Maintenant nous arrivons aux conclusions du Conseil

25 de Sécurité du BH HDZ, réunion qui s'est déroulée le

26 18 septembre 1991.

27 Mme NOZICA : [interprétation] Puis-je avoir le document suivant, c'est le

28 document P 00058. La première page de ce document en anglais est en B/C/S,

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1 c'est la page 1 qui m'intéresse. Voilà, nous l'avons en croate.

2 Effectivement, nous avons la page 1. Pourrait-on descendre un peu, voilà,

3 afin que nous puissions voir l'ensemble de la première page, merci.

4 Q. Voici, ici nous pouvons voir que le Conseil de Sécurité avait désigné

5 Bruno Stojic.

6 R. Oui.

7 Q. En fait, c'était le ministre adjoint au sein du gouvernement de Bosnie-

8 Herzégovine.

9 R. Oui, c'était l'adjoint ou l'assistant du ministre de l'Intérieur des

10 questions de l'Intérieur et il était chargé du Département financier et des

11 Renseignements.

12 Q. Très bien. Oui, enfin, chargé des questions de Logistique pour le

13 matériel, et cetera.

14 R. Oui.

15 Q. Donc, il a été élu après les élections multipartites pour être nommé à

16 ce poste. Il a été élu par le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, n'est-

17 ce pas ?

18 R. Non, il n'était pas -- il n'a pas fait partie du processus électoral,

19 mais il a été nommé par le HDZ qui, parmi d'autres choses, s'agissant du

20 partage du pouvoir, a eu cette fonction et les recommandations sont

21 arrivées, nous avons eu des sessions consultatives et il a été nommé en

22 tant que ministre adjoint chargé des questions de l'Intérieur pour les

23 départements que vous avez mentionnés il y a quelques instants.

24 Q. Est-ce que c'était la raison pour laquelle il a été nommé à ce poste ?

25 R. Oui.

26 Q. Lors de cette session, le Conseil de Sécurité a changé son nom au nom

27 cellule de Crise ?

28 R. Oui.

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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez s'il y a eu d'autres sessions de la

2 cellule de Crise qui avaient eu lieu et dont Bruno Stojic a participé et

3 vous-même ?

4 R. Je ne peux pas dire si la session eu lieu, mais la cellule de Crise

5 fonctionnait à Sarajevo puisque tous les députés n'étaient pas membres de

6 la cellule de Crise. Jerko Doko, moi-même et d'autres, Brana Kvesic, avec

7 qui nous communiquions les uns avec les autres sur une base quotidienne.

8 Vous devez comprendre que nous parlons d'une époque particulière, il y

9 avait une guerre en Croatie, une agression avait été lancée contre la

10 Croatie, une guerre de grande étendue, enfin, une vraie guerre avait été

11 lancée, les Serbes avaient été expulsés du territoire, il y avait un très

12 grand nombre de réfugiés et il fallait s'occuper de toutes ces questions,

13 il fallait leur venir en aide. La cellule de Crise avait reçu, donc, des

14 informations pertinentes et nous avons essayé d'intervenir. Pour ce qui est

15 de la JNA, par exemple, nous avions entendu dire que les Croates avaient

16 été expulsés d'un village tout près de Prijedor. Ensuite, il nous a fallu

17 vérifier cette information. Nous nous étions rendus auprès de nos forces

18 policières, il nous arrivait également de voir la police fédérale et

19 ensuite, on avait contacté Kadijevic qui était le ministre de la Défense.

20 La cellule de Crise avait donc pour but de venir en aide à ceux qui étaient

21 des personnes à risque à l'époque.

22 Q. Donc je peux conclure qu'il y avait un contexte non officiel qui avait

23 lieu tous les jours à cause de la dynamique des événements. Vous essayez de

24 résoudre les problèmes, vous communiquiez avec les membres avec lesquels

25 vous pouviez contacter -- enfin, les membres que vous vouliez contacter.

26 R. Oui, des fois les membres, ou sans le président lui-même, nous avons

27 essayé de résoudre les problèmes.

28 Q. Dans le cours de votre interrogatoire principal, vous avez déjà déposé

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1 tel que dit dans ce document que c'était le devoir de la cellule de Crise

2 de vous changer --

3 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Encore une fois, comme je vous l'ai

4 dit assez souvent, je vous demanderais de ralentir, Maître Nozica ainsi que

5 M. Kljuic. Je vous demanderais donc de parler plus lentement et de ménager

6 des pauses entre les questions et les réponses. Je vous remercie.

7 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je vous en

8 remercie. Je vais tâcher de faire un effort dans ce sens.

9 Q. Donc, lors de l'interrogatoire principal, vous avez déclaré que le

10 travail de la cellule de Crise était d'être chargé de tous les systèmes de

11 la Défense du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, de s'assurer de

12 l'approvisionnement des armes, ce qui est écrit dans ce document ici, au

13 point 1, paragraphe 3 de la conclusion; est-ce c'est exact ?

14 R. C'était notre volonté, c'était ce que nous souhaitions faire. Je ne

15 sais pas si vous avions réussi à faire notre travail, mais c'était une

16 énorme, énorme tâche pour les personnes qui étaient des amateurs, en fait.

17 Q. Pourriez-vous nous dire, je vous prie, si à l'époque, selon vous, on

18 avait déjà commencé d'armer le peuple musulman par le biais de la ligue

19 patriotique et des bérets verts. Attendez que l'on reçoive la traduction,

20 voilà, vous pourrez répondre par la suite --

21 R. Puis-je répondre Je ne suis pas tout à fait certain qu'il

22 s'agissait d'une organisation telle que l'on pouvait le présenter

23 aujourd'hui. Ce n'était pas organisé, les gens demandaient des pensions, et

24 cetera, mais pour parler de l'armement spontané il n'y a absolument aucun

25 doute. Mais de toute façon tout le monde s'armait et je dois vous dire que

26 les sources principales de cet armement c'étaient les habitants locaux.

27 C'est-à-dire que les forces paramilitaires serbes ainsi que les individus

28 de la JNA étaient ceux qui étaient les personnes qui faisaient du trafic

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1 d'armes et qui les vendaient.

2 Q. Je vous demanderais de nous parler de la Ligue patriotique et des

3 Bérets verts, de nous dire ce que vous en savez maintenant. Est-ce qu'en

4 réalité l'organisation de ces unités était officielle ? Est-ce que vous le

5 saviez en 1991 ? Est-ce que vous aviez entendu parler de cela ?

6 R. Non pas dans le sens où on le représente aujourd'hui. Mais s'agissant

7 de groupes qui étaient liés, qui étaient organisés et qui se préparaient à

8 la défense de la patrie, effectivement c'était tout à fait visible et on

9 l'a remarqué à Sarajevo, de toute façon au début des agressions. S'il n'y

10 avait pas eu de tels groupes, tels jeunes hommes, Sarajevo aurait tombé

11 entre les mains de la partie adverse. Sarajevo n'aurait pas réussi à

12 survivre ou à se défendre pendant 320 jours car il y avait un siège pendant

13 cette période.

14 Q. Lorsque nous parlons de la Ligue patriotique et des Bérets verts, nous

15 parlons de l'armement du peuple musulman, n'est-ce pas, en fait, c'était

16 l'information militaire du Parti SDA ?

17 R. Je dois vous dire qu'au sein de ce groupe qui ont défendu Sarajevo il y

18 avait également parmi eux des gens qui appartenaient à diverses nations. Il

19 y avait également des représentants de divers chefs de divers groupes. Je

20 dois également vous parler des catégories sociales. Il s'agissait de très

21 pauvres personnes -- des personnes qui étaient très pauvres, des

22 délinquants d'avant la guerre qui s'étaient organisés pour procéder à la

23 défense du pays ou de la patrie, alors que les Marxist, les intellectuels

24 attendaient dans leur salon de voir ce qui se passerait. Ils avaient des

25 qualités ces jeunes mais il est arrivé une déviation. C'était le problème

26 du système et non pas de ces jeunes hommes. Pour ce qui est de cette

27 première période cette jeunesse de Sarajevo sans avoir des moyens de

28 défense est sortie dans la rue pour défendre leurs villes et je crois qu'il

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1 faudrait reconnaître ce qu'ils ont fait et les remercier.

2 Q. Oui. Bien sûr. Mais il y avait des personnes qui étaient organisés par

3 le biais de la police. Il y avait des personnes qui s'étaient auto

4 organisées mais outre cela il y avait également des personnes qui étaient

5 déjà -- qui faisaient déjà partie de ces formations, telle la Ligue

6 patriotique, Bosna, et les Bérets verts.

7 R. Tout à fait.

8 Q. Est-ce que vous saviez qu'il y avait une réunion de représentants

9 musulmans de Bosnie-Herzégovine ou pour -- c'est-à-dire pour toute l'ex-

10 Yougoslavie qui a eu lieu au bâtiment de la police à Sarajevo le 10 juin

11 1991, réunion lors de laquelle on a créé l'organisation ou le Conseil

12 plutôt de la Défense nationale agissait dans le cadre du SDA ?

13 R. Non. Puisque les Serbes avaient également leur cellule de Crise dans le

14 cadre du SDS et puisque nous avions également procédé à la formation de la

15 cellule de Crise il était tout à fait normal on pouvait s'attendre lorsque

16 les Musulmans procèdent à la formation du même type de cellules de Crise.

17 Q. Vous me dites maintenant que c'était une époque lors de laquelle chaque

18 peuple à sa propre façon dans le cadre des parties qui avaient remporté le

19 pouvoir avait essayé de s'organiser et de se défendre des agresseurs dans

20 le cadre d'une guerre qui était alors --

21 R. J'espère que vous vous rappelez, Madame, qu'à l'époque la JNA avait

22 changé son image. Il ne s'agissait plus d'une armée populaire, il

23 s'agissait d'une armée serbe. Je dois également dire -- souligné, que sous

24 les ordres de Veljko Kadijevic, elle avait également changé d'orientation

25 politique, il ne s'agissait plus d'une orientation politique et socialiste,

26 il s'agissait d'une armée de Chetnik. A l'époque, il y a eu d'horribles

27 crimes de guerre commis en Croatie, ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine, c'était

28 tout à fait normal que dans un système dans lequel le ministère de la

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1 Défense ni en Bosnie-Herzégovine et en Yougoslavie n'avait la situation

2 sous le contrôle. Les gens s'étaient organisés de la façon la plus simple

3 qu'ils ont pu faire, puisqu'il s'agissait d'organisations secrètes. Il

4 s'agissait d'organisations de conspiration sur une base nationale et

5 religieuse.

6 Q. Est-ce que vous vous étiez entretenu avec d'autres membres, des

7 représentants des deux autres peuples sur l'armement -- concernant

8 l'armement des citoyens de Bosnie-Herzégovine, s'agissant des trois

9 nationalités lors de cette session ? Est-ce qu'à l'époque l'agression d'un

10 autre pays menaçait la paix, la Serbie-et-Monténégro Serbie ?

11 R. D'abord, je dois vous dire qu'à l'époque la Bosnie-Herzégovine s'était

12 sentie coincée justement, parce que le gouvernement politique avait avant

13 les premières élections démocratiques avait remis les armes de la Défense

14 territoriale à la JNA. Pour le Président et les Juges, je voudrais dire que

15 Tito avait créé un système de formations militaires selon lesquelles il y

16 avait l'armée populaire yougoslave, en tant que pouvoir régulier, donc une

17 armée composée d'officiers de carrière, de soldats et de citoyens qui

18 venaient faire leur service militaire, mais il y avait également un autre

19 système appelé la Défense territoriale. C'était un système comme sous

20 Guillaume Tell. C'était un peuple armée qui si jamais la Yougoslavie

21 capitulait, cela donnerait à une guérilla, une défense de guérilla.

22 Q. Excusez-moi, Monsieur Kljuic. Il me semble que la Chambre de première

23 instance a déjà eu l'occasion d'entendre des explications sur les systèmes

24 de Défense territoriale par l'entremise d'autres témoins.

25 R. Je m'en réjouis.

26 Q. Mais j'ai une autre question à vous poser, à partir du moment où la JNA

27 prend l'armement de la Défense territoriale, est-ce qu'il y a eu une

28 opposition manifestée par le président de la présidence de l'époque, M.

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1 Alija Izetbegovic ?

2 R. Non, vous avez raison. C'est avant les premières élections

3 démocratiques qu'il y a eu reddition des armes - remises des armes. La

4 présidence, le gouvernement socialiste a autorisé cela, ce ne sont pas les

5 nouvelles autorités démocratiques qui l'ont autorisé. Quand nous sommes

6 arrivés, les armes avaient déjà été prises.

7 Q. Quand vous êtes arrivé, comme vous le dites, est-ce qu'il y a eu des

8 réactions officielles de la part de M. Izetbegovic ? Puisque d'une certaine

9 façon ces armes étaient toujours sur le sol de la République de Bosnie-

10 Herzégovine ?

11 R. Oui, en Bosnie-Herzégovine, mais placées sous le contrôle de la JNA et

12 des forces serbes. C'est par la suite que les généraux, tel que Zelac à

13 Banja Luka, ont distribué ces armes en serbes de Krajina. Ce n'est pas

14 publiquement qu'Izetbegovic a manifesté son opposition parce qu'il espérait

15 que la JNA n'allait pas opérer une agression contre la Bosnie-Herzégovine.

16 Ceci étant dit, il y avait des personnes qui ont réagi.

17 Mais il faut bien replacer les choses dans leur contexte, les communistes

18 tenaient en mains les médias. Ce n'était pas le cas uniquement en Bosnie-

19 Herzégovine. En Croatie c'était la même chose, les communistes ont remis

20 les armes à la JNA, et les seuls communistes de l'ex-Yougoslavie qui ne

21 l'ont pas fait, qui n'ont pas remis les armes c'étaient les Slovènes, et se

22 sont des Slovènes avant tout, et yougoslaves par la suite, et

23 internationaux par la suite en troisième lieu, or, chez nous, dans les

24 milieux politiques, et l'appartenance yougoslave avait la priorité devant

25 le sentiment d'appartenance à la Bosnie-Herzégovine.

26 Q. Je souhaite que l'on revienne au vif du sujet et pour enchaîner sur

27 cette réponse, que vous venez d'apporter, à savoir que M. Izetbegovic n'a

28 pas pris la parole publiquement pour réagir. Pourriez-vous dire qu'à partir

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1 au moment où le nouveau pouvoir démocratique a été mis sur pied, M.

2 Izetbegovic n'avait pas la possibilité de réagir publiquement ?

3 R. Le ministre de la Défense, Jerko Doko, a réagi, mais, sans qu'il n'y

4 ait de résultats, donc, cela n'a pas de pertinence.

5 Q. Mais est-ce que ce n'est pas de pertinence ou ce qu'on y lit, c'est

6 l'attitude du SDA, de ce parti politique, face à la guerre qui est

7 imminente, à la différence du HDZ. Vous parlez de Jerko Doko qui a été

8 ministre de la Défense au HDZ; est-ce que c'est peut-être ces différences-

9 là qui nous expliquent ces réactions différentes ?

10 R. Certes, sans aucun doute. Auprès des Croates -- parmi les Croates, il y

11 avait un autre état d'esprit. Ils pouvaient -- ils étaient très impatients

12 de sortir de la Yougoslavie, mais ce n'était pas la même chose parmi les

13 Musulmans de Bosnie. Ils n'avaient pas cette même prise de conscience. Il y

14 avait des Musulmans qui n'étaient pas seulement de Bosnie, mais aussi qui

15 étaient de Sandzak, qui se trouvaient dans la police, l'armée, la police

16 secrète yougoslave, donc dans les services qui étaient loyaux au régime.

17 Ces gens-là mettront longtemps. En fait, il faut que ce soit là qu'on

18 commence à les tuer pour qu'ils comprennent que cette armée populaire

19 yougoslave n'ait plus ni yougoslave, ni populaire parmi ses

20 caractéristiques, et c'est à partir de ce moment-là qu'on verra croître la

21 résistance des Musulmans, du peuple musulman, qui dans ce processus

22 d'agression, comptera le plus grand nombre de victimes en dernier lieu.

23 Q. Vous avez dit que la Défense territoriale a remis ses armes à la JNA

24 avant la guerre -- avant les élections démocratiques; vous vous rappelez le

25 mois ?

26 R. Ecoutez, en 1990, c'est en octobre qu'on a eu les élections ? En

27 Croatie, c'était en mai et cela, c'était au tout début de l'année. Donc

28 c'était même avant les élections en Croatie.

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1 Q. De toute évidence, mes données diffèrent des vôtres. Je vous remercie.

2 Nous avons parlé de la Ligue patriotique. J'aimerais savoir si,

3 aujourd'hui, vous savez si à Banja Luka, il y a eu création de ce genre

4 d'unités, ou à Trebinje. Si les partis membres de ces cadres, qui ont créé

5 la Ligue patriotique, est-ce qu'ils ne situaient pas surtout dans les

6 villes Mostar, Konjic, Zenica, sur un territoire revendiqué d'ores et déjà

7 par les Serbes ? A ce moment-là, il n'y avait pas création de la Ligue

8 patriotique ?

9 R. Oui, vous avez raison. Mais ce sont -- il n'y a pas que les Musulmans

10 qui l'ont fait. Les groupes minoritaires n'ont pas créé des groupes

11 militaires. Les Serbes à Travnik, ils étaient 19 % de la population, ils

12 n'y ont pas fait -- il n'y ont pas créé des unités. Mais tout un chacun

13 cherchait à s'approvisionner en armes.

14 Là où ils étaient majoritaires et là où ils pouvaient le faire

15 secrètement et où ils se sentaient en sécurité, puisque Belgrade venait de

16 se doter d'un alibi pour lancer l'agression, il a mis sur pied une

17 propagande disant que les Croates et les Musulmans s'étaient armés. Si vous

18 analysez la presse des années 1990, 1991, Politika Ekspres, Nin, Politika,

19 qu'est-ce qu'on y lit ? Que les Serbes sont mis en danger, parce que les

20 Oustachi se sont armés.

21 Or, en réalité, les services de Contre-espionnage yougoslaves ont

22 délibérément mis en vente des armes ordinaires, des pistolets, des fusils,

23 pour que les Croates et les Musulmans aient l'impression de s'être armés.

24 C'était un handicap parce que certains ont vraiment cru que c'était une

25 réalité, qu'ils étaient vraiment armés. Enfin, c'est une autre chose pour

26 ce qui est de la Croatie, qui a pu s'armer depuis l'Occident, mais la

27 Bosnie-Herzégovine n'a pas pu le faire. Donc, elle n'avait pas suffisamment

28 d'armes et l'Etat n'était pas en mesure de protéger les citoyens, car en

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1 vertu de la loi, on ne pouvait renforcer que la police. La police

2 professionnelle était celle qui était la plus compétente. Après, il va y

3 avoir scission parce que les Serbes vont quitter les rangs de la police.

4 Mais ce que nous avons essayé en tant qu'autorité légitime, nous avons

5 essayé de mobiliser environ 30 à 40 000 policiers de réserve. Ils ont été

6 dotés en armes, puisque dans ces entrepôts, la police avait des armes. A ce

7 moment-là, le ministre de l'époque de l'Intérieur, le 31 mars 1992, a

8 démantelé la police de réserve, soit disant parce qu'il n'y avait pas

9 suffisamment de ressources, pas de moyens financiers pour la maintenir.

10 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, une erreur, page 16,

11 ligne 17, on lit "90 %". Je pense que c'est une erreur qui n'est pas

12 insignifiante. Lorsqu'il s'agit du nombre de Serbes -- pourcentage de

13 Serbes à Travnik, le témoin a dit "19 %". Je pense qu'il convient de

14 corriger cela.

15 Mme NOZICA : [interprétation]

16 Q. Je vous remercie d'avoir mentionné la police. Vous vous référez à la

17 structure où a travaillé M. Bruno Stojic, à l'époque ?

18 R. Oui. Mais M. Bruno Stojic avait une formation d'économiste. Il n'était

19 -- il n'avait pas d'impact politique dans ce ministère et il était chargé

20 d'intendance et il devait se procurer des véhicules, des meubles.

21 Q. Oui, mais, aussi, l'équipement matériel militaire.

22 R. Oui, comme vous le dites.

23 Q. Mais c'était diffusé de manière plutôt correcte ?

24 R. Vous savez, la police était pluriethnique. Il y avait plusieurs

25 dizaines de milliers de fusils entre les mains des Serbes, des Croates et

26 des Musulmans de Bosnie-Herzégovine. S'ils avaient eu cela, l'agression se

27 serait passée autrement.

28 R. Mais les policiers, ils étaient formés, entraînés. Or, nous avons eu

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1 beaucoup de jeunes qui sont venus défendre la Bosnie alors qu'ils ne

2 savaient rien des armes, et en particulier, lorsqu'il s'agit de système

3 d'armes, de lance-roquettes portables, et cetera, des gens qui,

4 techniquement étaient totalement incultes, donc, ils ont été victimes des

5 armes. Il y avait beaucoup de pertes à ce moment-là.

6 Q. Je fais des petites pauses, parce que je suis le compte rendu. Mais je

7 vois pourquoi vous évitez de me répondre. S'agit-il bien de ces polices-là,

8 du ministère de l'Intérieur de la République de Bosnie-Herzégovine où a

9 travaillé jusqu'à ce moment-là,

10 M. Bruno Stojic ?

11 R. Je ne comprends pas.

12 Q. Mais est-ce qu'il s'agit du même ministère, lorsque vous parlez de ces

13 polices professionnelles ?

14 R. Oui. Tout à fait. Lui, il y a travaillé -- il était l'un des adjoints

15 du ministre.

16 Q. Très bien. Je ne vais pas vous montrer le dernier document de cette

17 série qui concerne ce Conseil de Sécurité, mais je vous rappelais la

18 réunion du 16 janvier 1992. A ce moment-là, il a été question de nouveau de

19 la situation sécuritaire en Bosnie-Herzégovine. A ce moment-là, on a dit de

20 nouveau que les cellules de Crise de Bosnie-Herzégovine, à tous niveaux,

21 doivent de toute urgence, s'occuper des préparatifs à la défense. Vous avez

22 dit vous-même que c'était un processus assez difficile et qu'en peu de

23 temps, on n'aurait pas pu s'attendre à avoir des résultats satisfaisants,

24 alors, c'était logiquement, n'est-ce pas, une tâche inscrite dans le

25 temps ? La présidence s'en est occupée sur une période prolongée.

26 R. Oui.

27 Q. Merci. A présent, je voudrais aborder un nouveau sujet. Dans le cadre

28 de votre déposition, permettez-moi de rafraîchir votre mémoire. Lorsque M.

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1 le Juge Antonetti, le 27 juin 2006, vous a posé une question, à savoir

2 lorsqu'il vous a demandé pourquoi vous n'avez pas réuni une convention du

3 HDZ fin 1991 et début 1992, pour préciser vos positions - et je cite pages

4 3 922 et 3 923 du compte rendu d'audience - vous avez répondu que vous

5 n'avez pas pu convoqué cette convention parce que Sarajevo était assiégée,

6 à ce moment-là, parce que, dès ce moment-là, il était très difficile de

7 sortir de Sarajevo.

8 R. Oui. Il n'y avait pas lieu non plus pour que je convoque une convention

9 régulière.

10 Q. Excusez-moi. Est-ce qu'on peut se polariser maintenant sur le siège de

11 Sarajevo ?

12 R. Non. Attendez. Je vais vous dire quelque chose. Les 23 et 24 janvier

13 1991, j'ai fait une convention à Mostar. Il était nécessaire pour que l'on

14 précise nos positions avant la guerre; cependant, je n'ai pas pu le faire

15 compte tenu de la situation dans laquelle je me suis trouvé, et ceux qui

16 ont été vaincus à la convention de Mostar ils ne souhaitaient pas. Ils ne

17 souhaitaient pas parce qu'ils pensaient qu'ils n'allaient pas l'emporter.

18 Q. Monsieur Kljuic, vous avez expliqué cela déjà en détail. Je veux juste

19 vous rappeler la portion du texte où vous parlez du blocus de Sarajevo.

20 Vous dites qu'il était physiquement impossible de communiquer depuis

21 Sarajevo vers le reste de la Bosnie-Herzégovine.

22 A partir du mois d'avril 1992, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine

23 et la présidence, est-ce qu'ils exerçaient un contrôle sur les territoires

24 qui n'étaient pas occupés à l'époque par l'armée serbe ? Est-ce qu'ils

25 pouvaient communiquer avec ces territoires ?

26 R. C'était possible. Avec certains, c'était rendu plus difficile. Il y

27 avait aussi des endroits qui étaient totalement coupés. Il y avait aussi

28 des territoires qui n'étaient palus loyaux au pouvoir central.

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1 Q. S'il vous plaît, compte tenu de cette situation, situation blocus de

2 Sarajevo. Le gouvernement et la présidence, ont-ils entrepris quelque

3 chose, pour autant que vous le sachiez, pour apporter son soutien à la

4 défense de Mostar devant l'armée serbe en mai 1992 ? Techniquement,

5 étaient-ils capables de le faire et, d'après ce que vous savez, ont-ils

6 entrepris quelque chose ?

7 R. On ne pouvait que fournir un soutien moral, qu'il s'agisse de Mostar,

8 de Tuzla, de Gorazde ou de Bihac. Dans cette situation les gens se sont

9 auto organisés. Bien sûr, la question était de savoir, si en s'organisant,

10 ils gardaient leur loyauté vis-à-vis du pouvoir central ou pas. Les régions

11 serbes ont tout de suite rejeté de faire preuve de loyauté au pouvoir

12 central.

13 Q. Monsieur Kljuic, nous allons revenir à cela à cette question de loyauté

14 aux instances légitimes et légalement élues. Mais je voudrais pour

15 l'instant que l'on parle de ce que vous venez d'analyser parfaitement à

16 savoir d'avoir très bien dit -- l'avoir très bien dit à la présidence.

17 Est-ce que vous vous souvenez des réunions du gouvernement de Bosnie-

18 Herzégovine qui se sont tenues à Zagreb, parce que c'était techniquement

19 plus facile que de les réunir à Sarajevo ?

20 R. A l'attention des Juges de la Chambre je dois dire le suivant; la

21 Bosnie-Herzégovine a vécu deux maux; d'une part l'agression et d'autre part

22 la trahison au sein des structures du pouvoir. Car il faut savoir qu'il y a

23 eu des gens qui ont déserté la présidence et que nous n'avions pas de

24 gouvernement.

25 Q. Des trois peuples ?

26 R. Cinq ministres musulmans ont quitté le gouvernement. Bien entendu, les

27 Serbes se sont enfuis de manière organisée même si ce n'est pas le cas de

28 tous. Simovic, le vice-président du gouvernement, est cherché pendant

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1 quelque temps, mais Nikolic, par exemple, le ministre de la Justice, est

2 resté pendant toute la guerre à Sarajevo, le premier est parti à un moment

3 donné.

4 Q. Excusez-moi si je semble un peu petit peu nerveuse. Nous n'avons pas

5 beaucoup de temps, donc, est-ce qu'on pourrait se limiter uniquement au

6 sujet prévu ?

7 R. Oui.

8 Q. Certaines réunions du SDA même ont été tenues à Zagreb à ce moment-là.

9 R. Cela je ne le sais pas, mais je sais qu'ils avaient une base forte à

10 Zagreb.

11 Q. Que le SDA avait une base forte à Zagreb ?

12 R. Oui, oui, ils avaient des gens qui s'occupaient de la logistique, la

13 politique, des gens qui étaient à Zagreb.

14 Q. Est-ce qu'on pourrait dire que cela a duré pratiquement pendant toute

15 la durée de la guerre à Zagreb, et puis, à Split qu'il y avait un centre

16 logistique ?

17 R. Non, surtout à Vienne, je pense. Il y avait une théorie disant que ce

18 n'était pas de Sarajevo qu'on pouvait secourir la Bosnie-Herzégovine, qu'il

19 fallait sortir du pays. Mais, finalement, cela venait toujours de ceux qui

20 soit étaient déjà partis à l'étranger, soit voulaient partir à l'étranger.

21 Q. Oui, je suis d'accord avec vous. C'est à Vienne qu'il y avait la base

22 logistique principale pour ce qui est de l'argent, mais c'est la Croatie

23 qui m'intéresse ici aujourd'hui. Vous pouvez confirmer que vous êtes au

24 courant du fait qu'à la fois à Split et à Zagreb, il y avait des bases

25 logistiques fortes en particulier de l'ABiH ?

26 R. Oui.

27 Q. Merci. Fin 1992 et début 1993, au nom du gouvernement et la présidence

28 de Bosnie-Herzégovine, ce sont les représentants des Musulmans de Bosnie

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1 qui prenaient les décisions-clés.

2 R. Je ne pourrais pas être d'accord avec cela. Mais je pourrais dire

3 qu'ils étaient les plus nombreux, cela c'est exact. Je ne vois pas à

4 quelles décisions vous vous référez. Pour ce qui est des décisions de

5 principe adoptées par la présidence, c'était adopté par consensus de la

6 part de ceux qui étaient restés à Sarajevo. Les chefs du gouvernement

7 quittaient Sarajevo, souvent ce n'était -- agir contre le gouvernement. Il

8 y en a eu un justement qui s'est mis à agir contre la Bosnie-Herzégovine

9 qui était parti.

10 Q. Non, je me réfère aux décisions fondamentales, clés, dont dépendait

11 l'avenir de Bosnie-Herzégovine, je parle des accords de paix, des décisions

12 qui étaient importantes pour les trois peuples. Car vous avez dit vous-même

13 à plusieurs reprises, et M. Izetbegovic de sa vie il a dit un nombre infini

14 de fois que vous prôniez une Bosnie-Herzégovine pluriethnique, citoyenne.

15 Ces décisions, qui étaient décisions-clés pour les citoyens de Bosnie-

16 Herzégovine et, en particulier, pour ce qui est des différents accords, des

17 prises de contacts avec la communauté internationale, les opinions

18 exprimées lors de ces Conférences internationales, est-ce que ces décisions

19 étaient prises au nom de toute la présidence, ou on pourrait dire que cela

20 représentait un petit nombre de personnes qui avaient des liens politiques

21 avec M. Alija Izetbegovic ?

22 R. Pour ce qui est du référendum sur l'indépendance, sur l'indépendance

23 l'entrée au sein des Nations Unies, ce sont les décisions que nous avons

24 prises ensemble, j'ai pris part à ce processus.

25 Q. Monsieur Kljuic, je parle de la période qui a suivi la reconnaissance

26 de la Bosnie-Herzégovine, comme je l'ai dit c'est à partir de ce mois

27 d'avril jusqu'à la fin de votre participation à la présidence.

28 R. Le 10 octobre 1992, et puis du 4 novembre 1993, jusqu'au 14 octobre

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1 1996.

2 Q. Ou, pendant cette période-là.

3 R. Tout d'abord, je vais vous dire que je n'ai pas fait partie de ces

4 délégations pour deux raisons; premièrement, Izetbegovic ne me supportait

5 pas; deuxièmement, Tudjman ne voulait pas recevoir la délégation bosniaque

6 si j'en faisais partie, même si j'étais un représentant légitime du peuple

7 croate.

8 Q. Vous dites qu'Izetbegovic ne vous supportait pas ?

9 R. Voyez-vous, ils disaient tous qu'ils prônaient une Bosnie-Herzégovine

10 citoyenne et pluriethnique. Je disais aussi avec mais doter d'un conseil

11 d'époque et pour protéger les intérêts des nations et je suis fier d'avoir

12 maintenu cette ligne jusqu'à aujourd'hui. Pourquoi la Bosnie-Herzégovine ne

13 l'est plus pluriethnique dans le sens où nous avons combattu, comme

14 diraient les communistes de l'époque, il y a à cela des raisons subjectives

15 et objectives.

16 Q. Je ne joue pas une fausse naïveté, mais, si M. Izetbegovic - même

17 d'après vos propres dires - prônait cette Bosnie pluriethnique --

18 R. Mais je n'en suis pas certain. Je n'ai jamais dit de manière formelle

19 dans cette déclaration. C'est ce qu'il disait, mais c'est lui qui a accepté

20 que Haris Silajdzic soit à la tête d'une délégation de quatre Musulmans au

21 sein des Nations Unies. A l'époque, j'ai dit : "Mais, Messieurs, j'aurais

22 trouvé, ne serait-ce, qu'un Croate aveugle et un Serbe handicapé pour que

23 les trois peuples soient représentés ?" J'ai eu de graves problèmes, et

24 après, j'ai été vendu à la Conférence de Londres.

25 Ils ont emmené un petit employé qui, après, deviendra une figure

26 politique pour représenter les Croates. Pourquoi ? Parce qu'il était prêt à

27 tout accepter. Le petit Ivo Komsic, pourquoi a-t-il été membre de la

28 délégation post-koalia [phon], il a voulu le tolérer et pas moi. J'étais un

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1 véritable combattant pour une Bosnie-Herzégovine pluriethnique et j'ai été

2 battu. Je pense que ce n'est pas de mon erreur.

3 Q. Je voudrais vous soumettre la position de Lord Owen à l'époque. Je

4 pense que vous le confirmerez.

5 Mme NOZICA : [interprétation] La pièce 2D 00191.

6 Q. Il s'agit d'un passage du livre l'Odyssée balkanique, livre dirigé par

7 Lord Owen qui était le président de la Conférence internationale sur l'ex-

8 Yougoslavie. Je pense que vous avez eu l'occasion de le rencontrer à de

9 maintes reprises et vous avez certainement lu le livre.

10 R. Les deux.

11 Mme NOZICA : [interprétation] Page 85 en Croate, s'il vous plaît.

12 Page 52 en anglais. A l'intention des Juges de la Chambre, j'ai souligné la

13 portion du texte que je vais lire et j'ai fourni cela aux interprètes

14 également. Excusez-moi, c'est la pièce 2D 00191. [imperceptible] -- qui

15 n'ont pas le texte.

16 Q. J'en donnerai lecture : "Lorsque le Croate, Mile Akmadzic, a été nommé

17 chef de gouvernement --"

18 Mme NOZICA : [interprétation] Je vois que les interprètes précisent qu'ils

19 n'ont pas cette traduction. J'ai laissé les traductions dans la cabine.

20 J'espère que pour les autres documents que j'ai laissés, il n'y aura pas de

21 problème.

22 Q. Je reprends : "Lorsque le Croate, Mile Akmadzic, a été nommé président

23 chef du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, il a vraiment essayé de faire

24 fonctionner une présidence collective. Il est revenu à Sarajevo et s'est

25 servi de son expérience de secrétaire de la présidence d'avant la guerre

26 afin d'essayer de rétablir l'autorité de la coalition musulmano-croate qui

27 avait remportée le référendum sur l'indépendance que les Serbes avaient

28 boycotté.

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1 Mais, jusqu'à la fin de l'année 1992, il est devenu clair qu'il n'y

2 parviendra pas et que le pouvoir est passé entre les mains d'un petit

3 groupe de ministres musulmans nommé le président Izetbegovic, ainsi que

4 l'homme qui était présenté comme candidat pour le poste du vice-président,

5 Ejup Ganic. Les décisions étaient prises ailleurs. Nous avions à faire à un

6 gouvernement musulman qui représentait surtout la population musulmane.

7 Telle était la situation à ce moment-là."

8 Alors, comment pouvez-vous commenter cela ?

9 R. Tout d'abord, Lord Owen n'est pas objectif. Deuxièmement, si

10 Izetbegovic s'est emparé du pouvoir, c'est aussi parce qu'il a été soutenu

11 grandement par Zagreb. En fait, j'aurais dû être président en Bosnie-

12 Herzégovine, le 19 décembre 1992, en vertu de la constitution de la Bosnie-

13 Herzégovine. Puis, par un accord secret, j'ai été éliminé de la présidence

14 et pour présenter les Croates, on y a fait venir un homme qui n'a jamais

15 pris part aux élections, et ce, parce que Tudjman et Izetbegovic ont passé

16 un accord secret.

17 Q. Juste un instant. Est-ce que vous aviez connaissance de cet accord

18 secret ?

19 R. Un de mes amis à Zagreb, un membre de la direction croate, Slavko

20 Degoricija, m'a informé, par l'intermédiaire d'une femme de Rijeka, qu'il y

21 avait quelque chose qui se préparait contre moi -- qui se tramait contre

22 moi, mais elle n'a pas pu me dire quoi. Mais cet accord, il était justifié

23 parce qu'Izetbegovic, le 19 décembre 1992, dans le cadre d'une tentative

24 menée pour le président de la présidence, a rejeté la constitution de

25 Bosnie-Herzégovine.

26 Mais laissez-moi finir, je vous prie. Le président Tudjman était au

27 courant de ce fait. Donc, en janvier 1993, à l'époque, je n'étais qu'un

28 citoyen ordinaire de Sarajevo, donc, lors d'une réunion à Zagreb, il m'a

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1 dit : "Vous connaissez la constitution de votre pays, vous n'êtes pas le

2 président de Bosnie-Herzégovine,

3 M. Izetbegovic, vous êtes le président des Musulmans, et en tant que tel,

4 vous êtes le bienvenue."

5 Donc, tous ceux qui ont essayé de renverser la Bosnie-Herzégovine,

6 Milosevic et compagnie, pour eux, ce qui était important, c'était que la

7 constitution de la Bosnie-Herzégovine a été rejetée.

8 Q. Monsieur Kljuic, je ne vais pas entrer dans les raisons de toute

9 cette problématique, pour l'instant, mais il est vrai, vous ne pouvez le

10 nier que quelque soit ce que recherchait M. Tudjman,

11 M. Izetbegovic vous a éliminé de la présidence.

12 R. Ce n'était pas Tudjman, mais Tudjman a demandé à Izetbegovic de faire

13 quelque chose qu'il ne pouvait pas faire. Il a agit dans son intérêt. Mais,

14 en fait, il a trahi l'esprit de la constitution de Bosnie-Herzégovine.

15 Ce n'est qu'en automne 1993, comme c'est dit dans le livre d'Owen,

16 c'est à ce moment-là seulement que les dirigeants, légalement élus de

17 Bosnie-Herzégovine, avaient donc été éliminés. C'est à ce moment-là

18 seulement que, sur pression de la communauté internationale, il est revenu

19 me voir pour que nous mettions en place une instance multinationale;

20 cependant, la présidence n'avait plus de pouvoir. C'était des individus qui

21 avaient le pouvoir, et il y a eu des négociations constamment avec les

22 Musulmans. Si un Croate ou un Serbe apparaissait tel que le septième main

23 dans ces délégations, personne ne lui demandait rien. Je ne participais pas

24 à tout cela même si on me demandait mon opinion.

25 Q. Vous avez été président -- membre de la présidence jusqu'en 1996 et

26 vous nous dites que parfois les Musulmans participaient à ces négociations.

27 J'aimerais que vous nous disiez si cela confirme que

28 M. Izetbegovic ou quelqu'un d'autre vous a envoyé participer à ces

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1 négociations ou plutôt quelqu'un qui l'a envoyé aux négociations après 1993

2 a toujours représenté les intérêts des Musulmans.

3 R. Non, non, ils ont également défendu les -- il y avait aussi les

4 représentants des Croates. Mais chaque fois qu'il y avait un sommet à

5 Washington ou Dayton, le président établissait un cadre pour le traitement

6 des questions politiques nécessaires. Il fallait que ce soit des questions

7 qui répondent aux intérêts minimums de la Bosnie-Herzégovine. Ces intérêts

8 devaient être préservés, mais la manière dont ils étaient protégés, je ne

9 sais pas.

10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais que vous apportiez

11 quelque lumière sur une de vos réponses précédentes. Vous parlez d'un

12 certain "il", dont vous nous dites, ce "il", qu'il a trahi. Cela se trouve

13 à la page 28, ligne 3. Vous dites : "Il a trahi la constitution de Bosnie-

14 Herzégovine." Ensuite, vous dites : "Il venait me voir et puis on a mis en

15 place une instance multinationale." Cela, c'est aux lignes 7 et 8. C'est

16 qui ce "il" ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] "Il", cela désigne le président Izetbegovic,

18 mais ce que vous avez dit ensuite, ce n'est pas exact.

19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

20 Mme NOZICA : [interprétation]

21 Q. J'aimerais qu'on passe maintenant à l'ABiH. Ici, nous sommes toujours

22 en 1992.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste un instant. Avant de passer à l'ABiH, juste

24 une petite précision. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y a eu un accord

25 entre Tudjman et Izetbegovic pour vous éliminer de la présidence car,

26 d'après ce que vous nous dites, c'est vous qui auriez dû être le président

27 de la présidence. Pour quelles raisons Tudjman vous élimine, alors qu'étant

28 président de la présidence, étant Croate président de la présidence, vous

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1 pouviez être un atout pour lui ? Alors, quel était le véritable enjeu de

2 votre élimination ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, d'après la constitution de la

4 Bosnie-Herzégovine, les sept membres de la présidence sont égaux. Le

5 président de la présidence, c'est le premier entre ses pairs, primus inter

6 pares. D'après la constitution, vous pouvez -- une personne donnée peut

7 être au maximum deux ans président de la présidence. Il y a des élections

8 chaque année, si bien qu'il peut y avoir deux mandats. M. Izetbegovic a été

9 élu en 1990 et son mandat a pris fin le 19 décembre 1992. Là, c'était la

10 date butoir ultime. Du temps du communisme, l'ordre de rotation à la tête

11 de la présidence avait bien été établi. D'abord, c'était un Serbe, ensuite

12 un Musulman ou un Bosniaque, et ensuite un Croate. Donc, c'était mon tour,

13 c'était à mon tour d'être président de la présidence.

14 Vous avez dit, Monsieur le Président, que pour le président Tudjman cela

15 aurait été un avantage de m'avoir à ce poste. Moi aussi, c'était mon

16 opinion. Mais il a décidé de ne pas tirer profit de ce que je sois un poste

17 aussi avantageux pour lui.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, à votre avis, pourquoi il a décidé cela ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant un certain temps, j'ai été un de ses

20 favoris. Mais comme je suis quelqu'un qui suivait son propre chemin, qui

21 n'était pas facile d'influencer, j'ai remarqué qu'à Zagreb, aussi bien qu'à

22 Belgrade, on n'aimait pas la Bosnie-Herzégovine, on ne comprenait pas la

23 Bosnie-Herzégovine. Puis, troisièmement, en tant que membre croate

24 légalement élu à la présidence, j'ai obtenu 500 000 voix et aucun Croate

25 avant ou après moi n'a jamais obtenu autant de voix. Mais je crois qu'à ce

26 titre, la défense d'une Bosnie-Herzégovine multinationale et séculaire,

27 c'était pour moi ma mission historique.

28 Lorsqu'il y a eu un certain de changements politiques à Zagreb, on m'a

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1 éliminé de mes fonctions. Je dirais qu'il est possible que

2 M. Tudjman voulait me démettre de mes fonctions politiquement, il ne

3 voulait pas que je sois tué. D'autres ont menacé de le faire, pourtant.

4 Mme NOZICA : [interprétation]

5 Q. M. Kljuic, reparlons de cette question. Est-ce que

6 M. Izetbegovic vous a démis de vos fonctions ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous dites que cela s'est fait sur proposition de

9 M. Tudjman, sur sa suggestion ?

10 R. Oui. Mais en tout cas, c'est M. Izetbegovic qui m'a fait partir de la

11 présidence, cela c'est sûr.

12 Q. Quand vous avez quitté la présidence, à la fin de votre mandat --

13 R. Mon mandat n'est pas arrivé à son terme.

14 Q. Laissez-moi finir. A la fin du premier mandat de

15 M. Izetbegovic, est-ce qu'il y a une autre personne qui n'était pas

16 Bosnienne qui aurait pu être président de la présidence ? Est-ce qu'il vous

17 a démis de vos fonctions parce que Tudjman l'avait demandé, ou est-ce qu'il

18 l'a fait afin de pouvoir lui-même rester au pouvoir ? Il est resté au

19 pouvoir, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, tout à fait. La présidence était en mutation du point de vue

21 juridique. Cela s'est passé au moment du départ des représentants serbes --

22 de la représentante serbe, Mme Plavsic, et

23 M. Nikola Koljevic.

24 Q. 1992, n'est-ce pas ? En avril 1992 ?

25 R. Oui. D'autres ont été nommés à partir des voix qui avaient été

26 exprimées. C'était tout à fait légitime, mais, quand on m'a démis de mes

27 fonctions, quand on m'a destitué, on a fait venir quelqu'un qui n'avait pas

28 participé aux élections.

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1 Q. C'était un Croate ?

2 R. Oui.

3 Q. Si un président croate de la présidence était devenu membre ou

4 président de la présidence, membre de la présidence et vous, vous aviez été

5 destitué pour des motifs politiques, pourquoi est-ce que cette personne

6 n'est pas devenue président ? Pourquoi M. Izetbegovic est-il resté au

7 pouvoir jusqu'à la fin ?

8 R. M. Izetbegovic ne m'a pas destitué pour nommer quelqu'un d'autre, il

9 m'a destitué parce qu'il voulait rester au pouvoir.

10 Q. Fort bien. Je crois que c'est clair maintenant. Avant la pause, passons

11 à un thème aussi très intéressant, c'est-à-dire tout ce qui a trait à

12 l'ABiH.

13 Selon vous, à ce moment-là, est-ce que la présidence contrôlait l'ABiH ?

14 R. Quand on a pris le pouvoir, c'était tout de suite après la journée de

15 l'armée, l'armée de Yougoslavie. C'était une fête. Chaque république avait

16 organisé des manifestations à cette occasion et les dirigeants de l'ABiH

17 étaient déjà en marge, à l'époque. Ils étaient marginalisés. On avait pris

18 des armes à la Défense territoriale et à ce moment-là, Veljko Kadijevic, au

19 même moment, il a procédé à une réorganisation des régions militaires.

20 Q. Mais M. Kljuic, le temps qui m'est imparti est vraiment limité. Sans

21 vouloir faire preuve d'un manque de courtoisie, je voudrais nous ramener à

22 la période d'avril 1992. Enfin, la période précédent les événements

23 d'avril. On a parlé de votre participation à la présidence.

24 R. Nous ne contrôlions pas l'armée.

25 Q. Je parle ici de l'ABiH et pas la JNA.

26 R. Elle a été constituée à partir de la Défense territoriale.

27 Q. Il y a peut-être eu un malentendu. Je vous demande si vous étiez en

28 mesure de contrôler l'ABiH. Est-ce que la présidence exerçait un tel

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1 contrôle ? Est-ce qu'ils vous écoutaient ?

2 R. Oui, tout à fait.

3 Q. Absolument. C'est très bien. Avez-vous entendu parler d'une réunion qui

4 a eu lieu en août 1993 à Zenica ? Je sais que vous n'étiez pas là, à ce

5 moment-là.

6 R. Non, je n'y étais pas, je n'ai rien à voir avec tout cela.

7 Q. Fort bien. Ultérieurement, quand vous êtes devenu membre de la

8 présidence et vers la fin 1993, est-ce que vous avez eu l'occasion

9 d'entendre parler du comportement -- des chefs de l'armée de ceux qui se

10 trouvaient dans les rangs les plus hauts -- élevés de l'armée. Est-ce que

11 vous avez entendu parler de leur attitude envers la présidence et le

12 gouvernement ?

13 R. Oui. Oui, mais, à ce moment-là, la présidence n'avait plus le contrôle

14 ni de l'armée, ni du secteur financier. Nous avions très peu d'information.

15 Il n'y avait pas d'armes, il n'y avait rien à manger.

16 Q. C'était quand, cela ?

17 R. Après mon retour en 1993, à l'automne.

18 Q. A partir de 1993 ?

19 R. L'armée, quelqu'un d'autre en avait pris le contrôle, ainsi que la

20 police. La présidence n'avait plus aucun pouvoir. Je dois dire que les

21 membres de la présidence n'étaient pas très intéressés par toute cette

22 question.

23 Q. Le pouvoir avait été pris sur la police et l'armée, mais qui ? Qui

24 avait pris pouvoir sur ces deux institutions ?

25 R. Izetbegovic.

26 Q. Examinons la pièce 2D 00187. Il s'agit des conclusions d'une réunion

27 qui a eu lieu à Zenica. Je crois que vous allez trouver ce document

28 intéressant. Examinez, je vous prie, certaines de ces conclusions. Cela

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1 concerne également la période pendant laquelle vous étiez membre de la

2 présidence. Examinez la première page, point 2. Ici, nous avons des

3 conclusions.

4 Je cite : "Les objectifs du combat de notre armée restent les mêmes,

5 restent la lutte pour un Etat de Bosnie-Herzégovine, Etat qui restera

6 unifié et au sein de ses frontières reconnues."

7 Nous parlons ici du 20 et du 21 août 1993.

8 Veuillez vous reporter au point 3.

9 "La guerre pour le territoire va se poursuivre, même si la paix se

10 fait selon les principes de l'accord de Genève. La poursuivre de la guerre

11 sera encore à la fois …"

12 Page suivante, s'il vous plaît, page suivante aussi bien en anglais

13 qu'en croate :

14 "Se poursuivra contre les deux fascismes, le fascisme serbo-

15 monténégrin, d'une part, et le fascisme Oustachi de l'autre, séparément ou

16 ensemble."

17 Penchons-nous sur une autre conclusion que l'on trouve à la page 3 du

18 document. Page 3 en anglais et page 3 également en version croate. Point

19 11, on peut lire la chose suivante :

20 "Les autorité civiles et militaires, pendant cette période, alors que

21 les combats se poursuivaient, n'agissaient pas conformément aux principes

22 fondamentaux du conflit armé. Les autorités civiles s'étaient seulement

23 mises partiellement au service de la guerre, ce qui a eu pour conséquence

24 un disfonctionnement de la logistique et du combat armé, et cetera."

25 Mais peu importe la suite, examinons le point 3 ensuite qui suit sur

26 la même page :

27 "Dans tous les corps d'armée, il faut avoir recours aux opérations

28 offensives dans les combats et dans les affrontements plus qu'auparavant.

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1 Les opérations de sabotage et de reconnaissance doivent prendre un

2 caractère massif et se concentrer sur l'arrière, les positions arrières de

3 l'ennemi et plus en profondeur."

4 Mme NOZICA : [interprétation] J'aimerais que l'on présente au témoin la

5 dernière page du document, aussi bien en anglais qu'en croate.

6 Q. Le document a été signé par le commandant adjoint de l'état-major

7 principal des forces armées, Sefer Halilovic. Les plus hauts dirigeants de

8 l'armée qui ont participé à cette réunion ont accusé les autorités civiles

9 de ne pas les avoir aidé à se procurer des armes. Vu les documents que nous

10 venons de voir, est-ce que c'est effectivement une conclusion à laquelle on

11 peut arriver ?

12 R. Oui, je crois qu'ils étaient insatisfaits parce qu'ils n'avaient pas

13 reçu les ressources financières dont ils avaient besoin de la part des

14 communautés locales.

15 Q. Nous y reviendrons un peu plus tard, mais j'aimerais que nous

16 examinions quelque chose qui est extrêmement important vu vos activités au

17 sein de la présidence. Il s'agit d'une -- ce qui a été dit par M. Sefer

18 Halilovic lors d'une réunion de Zenica le 21 et le 22 août 1993, pièce 2D

19 00186. Il s'agit de la transcription des propos tenus lors de cette

20 réunion, lors de cette consultation. Page 21 en croate et page 20 en

21 anglais. J'ai souligné à l'intention des Juges de la Chambre et à

22 l'intention des interprètes, le passage dont je souhaite donner lecture. Je

23 pense que tout le monde a reçu ce passage. Je vais donner lecture du

24 passage concerné lentement. Cela se trouve à la page 21. La page a été

25 affichée à l'écran, je crois. J'aimerais me concentrer sur le milieu de la

26 page. Je vais commencer la lecture. Je cite :

27 "Je dois dire que je regrette qu'il n'y ait pas de membres de la

28 présidence ici parce que je ne veux pas parler d'eux alors qu'ils ne sont

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1 pas là. L'Etat ne nous a ni acheté, ni fourni un montant minimum de

2 munitions et d'armes alors même que les routes, à un moment donné, étaient

3 ouvertes. Sule, dans les cinq premiers mois…"

4 J'imagine que vous savez qui est ce Sule, M. Sulejman Vranje, on voit

5 dans le compte rendu.

6 Donc : "…dans les cinq premiers mois, on pouvait passer sans grande

7 difficulté, dans grand problème. Ensuite, au cours des cinq mois qui ont

8 suivi, on pouvait passer si on était muni d'une sorte de certificat. Alors,

9 certains disaient oui, d'autres non, mais certains arrivaient à passer.

10 Puis ensuite, tout a été bloqué et puis il était impossible de passer.

11 Maintenant, il est impossible de passer, si bien que l'Etat ne nous a rien

12 fourni même quand c'était possible parce qu'ils étaient en train de

13 privatiser les biens publics et les ressources publiques. Il s'agissait de

14 privatisation purement et simplement.

15 "Comptant maintenant 13 victimes parmi les membres proches de ma

16 famille à Sarajevo, je n'ai nullement l'intention de dire à quiconque dans

17 cet Etat ce que je pense d'eux -- ou plutôt, je n'ai plus l'intention de

18 cacher ou de ne pas leur dire ce que je pense d'eux même si cela me coûte

19 la vie à l'instant. Je n'ai pas d'intérêt personnel. La seule chose qui

20 m'intéresse, c'est la survie de l'Etat et du peuple. Il y a eu

21 privatisation des ressources pour certains groupes exclusifs de personnes

22 et nous n'en avons tiré aucun profit. Nous restons confrontés à la question

23 de savoir par quelle méthode nous pouvons nous procurer du butin et comment

24 nous pouvons nous emparer de certaines industries spécialisées, comme par

25 exemple, Vitez, comment s'emparer de Zunovnica. Parce que, pour notre

26 armée, c'est deux endroits constituent des lieux stratégiques. Avec Vitez,

27 le système industriel ou militaire industriel de notre Etat, est complet,

28 est complet. Si bien, à ce moment-là, nous aurons toute la chaîne entre nos

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1 mains."

2 A qui reprenait-on Vitez, Monsieur Kljuic ? A la Serbie ou à la Croatie ?

3 R. C'était en Bosnie-Herzégovine, à l'endroit où, pendant l'agression, les

4 Croates exerçaient l'autorité.

5 Q. Je poursuis la lecture. Je cite :

6 "A Zunovnica, il s'agit de ce qui est super urgent, ce qui est prêt, de ce

7 qui peut être utilisé immédiatement. C'est là qu'il y a les matières

8 premières, la dynamite, la poudre, les munitions. Avec Vitez, on intègre le

9 système de production spécialisé. Si la question, maintenant, qu'on posait

10 c'est : 'Ta maison est en feu, est-ce qu'il faut éteindre le feu chez toi

11 ou aller à Vitez ?' à ce moment-là, je répondrais sans hésiter : 'Il faut

12 aller à Vitez d'abord parce qu'avec Vitez, on réintègre la totalité de la

13 production spécialisée spécifique'."

14 Donc, je voudrais savoir, s'agissant des Bérets verts, de la Ligue

15 patriotique, et cetera, c'était en 1993, dernière page, on voit que c'est

16 Sefer Halilovic qui intervient à la page 22 du croate, page 21 en anglais.

17 J'aimerais lire une phrase importante, page 22 du croate et 21 en anglais,

18 dans la partie inférieure du document, vers la fin du document, on peut

19 lire :

20 "Je dois vous dire que Bakir Alispahic et Sule et ce groupe de personnes,

21 j'en suis sûr, ont armé la région de Sarajevo, la région de la Bosnie

22 orientale au cours de la période qui a précédé la guerre, en tant que

23 membres de Ligue patriotique. Nous nous sommes déplacés, nous avons fui,

24 nous nous sommes cachés, procédé à des arrestations."

25 Vitez va se révéler très importante, parce qu'après la pause je vais vous

26 parler -- je vais vous demander ce que vous avez dit lors de certaines

27 réunions de la présidence au sujet de Vitez et vous allez nous parler de

28 votre opposition à la prise de Vitez.

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1 Mais d'après ce qui figure ici, est-ce qu'on peut dire qu'en réalité, le

2 principal chef celui qui était au commandement critiquait les autorités

3 parce que les autorités n'avaient pas fourni suffisamment d'armes, et

4 affirmaient, d'autre part, l'intention qui était la sienne de poursuivre,

5 de poursuivre la guerre donc que la paix soit signée ou pas ? Est-ce que

6 c'était l'état d'esprit général à ce moment-là ?

7 M. SCOTT : [interprétation] Objection. Il ne s'agit pas d'une question,

8 mais d'un discours. Je voudrais savoir s'il s'agit simplement d'une lecture

9 ou s'il y a une question qui est posée au témoin.

10 Le témoin nous a dit qu'il ne participait pas aux activités du

11 gouvernement à ce moment-là, à partir d'octobre 1992 jusqu'à novembre 1993.

12 Il a dit qu'il ne participait à cette réunion. Nous venons de passer de

13 longues minutes à écouter le conseil de la Défense nous donner lecture

14 d'une transcription des propos tenus lors de cette réunion. Est-ce que ce

15 témoin en sait quoi que ce soit, est-ce qu'il peut aller au-delà de la pure

16 conjecture au sujet de la signification de cette réunion, et de la

17 politique poursuivi ? On ne nous a donné aucune justification pour poser ce

18 genre de question.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Nozica, le témoin, au mois d'août,

20 n'avait pas encore réintégré la présidence. C'était une réunion qui se

21 tient le 21 et 22 août. Vous avez cité un paragraphe où Sefer Halilovic

22 semble critiquer les politiques qui n'auraient pas mis à la disposition de

23 l'ABiH tous les moyens nécessaires. Il évoque les questions relatives aux

24 privatisations, et semble sous-tendre le fait que certains hommes

25 politiques ont plutôt eu des intérêts personnels que l'intérêt de l'Etat.

26 Alors, le témoin n'était pas dans la présidence à cette époque,

27 qu'est-ce qui peut -- qu'est-ce que vous voulez lui demander sur une

28 réunion auquel il n'assistait pas ? Il n'a certainement pas eu connaissance

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1 à l'époque des propos d'Halilovic. Donc, quel est l'intérêt que vous voulez

2 faire ressortir ?

3 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, lors de cette

4 réunion, M. Halilovic a présenté son opinion sur le travail de la

5 présidence avant le conflit et jusqu'à ce mois d'août. Etant donné que

6 jusqu'à la fin de 1992, le témoin était membre de la présidence, la

7 question que je voulais lui poser, c'était de savoir s'il avait bien

8 compris s'il était clair pour lui que l'ABiH avait de telles prises de

9 positions. Parce qu'ici, il y a une évaluation d'une période assez longue,

10 pas une période de huit mois seulement -- une armée -- une période assez

11 longue. Je voulais savoir si pendant qu'il était membre de la présidence il

12 avait connaissance de cet état de fait, ou s'il l'a appris à son retour.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'étais pas au courant. Je n'en

14 étais pas informé, parce que l'armée s'était transformée depuis sa mise en

15 place et jusqu'à la période à laquelle fait référence Halilovic. Je dois

16 dire que je n'ai œuvré pas avec d'autre pour qu'Halilovic devienne

17 commandant de l'armée, parce qu'à l'époque nous avions des officiers de

18 hauts rangs qui étaient Serbes et Croates, qui étaient fidèles à la Bosnie-

19 Herzégovine. Stjepan Siber, Jovo Divjak. Il y avait Mustafa Hajrulahovic,

20 un autre officier, qui était extrêmement capable, mais qui ne convenait pas

21 aux représentants du SDA.

22 Mme NOZICA : [interprétation]

23 Q. Que voulez-vous dire ?

24 R. Bien, c'était quelqu'un qui ne faisait pas preuve de beaucoup de

25 sentiments religieux, disons 05,18. Alors qu'au début, Halilovic, était le

26 favori d'Izetbegovic. Plus tard, il lui est devenu ouvertement hostile.

27 Mais Halilovic était un officier inférieur -- de rang inférieur, en 1991 il

28 était encore capitaine. Il est devenu commandant quelques mois plus tard.

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1 Donc, il s'en ait débarrassé et il a continué à se lancer dans ses

2 rhétoriques communismes, même chose pour la Bosnie-Herzégovine, ce qui

3 n'était pas vrai, puisque la Croatie a accueilli un demi-million de

4 Musulmans et pas les autres qu'elle a renvoyés ailleurs dans le monde;

5 sinon, M. Izetbegovic a envoyé sa famille à Brac, dans l'île de Brac, mais

6 pas ailleurs. On peut dire que Zagreb et Belgrade étaient toutes deux

7 hostiles à la Bosnie-Herzégovine. Nous avons lutté contre eux, et vous

8 voyez qu'il y avait un capitaine de l'armée populaire de Yougoslavie qui

9 parlait de la sorte.

10 Ceci n'était peut-être pas connu de l'opinion publique, les Croates

11 c'étaient les méchants et les Musulmans c'étaient les gentils. La pratique

12 était courante.

13 Nous avons examiné un certain nombre de documents, et vu que

14 M. Tudjman ce n'est pas le seul qui est responsable du conflit avec les

15 Musulmans et Izetbegovic. Izetbegovic a dit une fois qu'il faut être deux

16 pour faire la guerre, et il faut être deux pour tout faire.

17 Dans le cadre de mon écriture de mon ouvrage : "La trahisons de la Bosnie,"

18 je suis tombé sur un accord entre Izetbegovic et Boban, qui a été signé

19 devant Lord Owen dans lequel il est dit que la république aurait une sortie

20 sur la mer adriatique et aurait une force maritime.

21 Si cela avait été rendu public ce document, les gens n'auraient pas

22 combattu parce que les gens qui étaient antifascistes sincèrement qui

23 étaient contre l'agression contre la Bosnie-Herzégovine sont actuellement

24 une classe soumise en Bosnie-Herzégovine, je suis honoré d'en être un

25 membre.

26 Q. Merci.

27 Mme NOZICA : [interprétation] Le moment est venu de faire la pause. Après

28 la pause, j'aurais des questions supplémentaires à poser au témoin à ce

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1 sujet. Mais vous avez évoqué Brac, vous nous dites que c'est là que la

2 famille de M. Izetbegovic se trouvait.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Mais vous pouvez lui poser la question

4 plus tard parce qu'il est déjà 4 heures moins 10. On va faire la pause et

5 on reprendra --

6 Mme NOZICA : [interprétation] Certainement. Merci.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- à 4 heures 10.

8 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

9 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Nozica.

11 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je souhaiterais simplement vous

13 informer que je me suis enquéris pendant la pause du temps qu'il me reste.

14 Donc, il me reste encore dix minutes. De la Défense de M. Coric, j'ai reçu

15 15 minutes, donc, je dispose de 25 minutes et j'en aurai terminé du contre-

16 interrogatoire pendant cette période qu'il me reste.

17 Q. Monsieur, lorsque vous avez parlé de Brac et de Milanovac, pourriez-

18 vous expliquer aux Juges de la Chambre où se trouve Brac et où se trouvait

19 la famille de M. Izetbegovic, dans quel Etat ?

20 R. Dans la République de Croatie, alors que Gornji Milanovac, ainsi que

21 Donji Milanovac étaient en Serbie.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis vraiment désolé, et je vois

23 que vous avez déjà répondu. Je crois que vous étiez en train de répondre,

24 alors que Me Nozica est encore en train de vous poser la question. Je crois

25 que vous l'avez interrompue, tout du moins c'est quelque peu perdu. Je ne

26 savais plus qui parlait. Je suis désolé.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, désolé, effectivement. Alors, Brac, où se

28 trouvait la famille de M. Izetbegovic, est situé dans la République de

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1 Croatie, alors que Gornji Milanovac ainsi que Donji Milanovac, donc,

2 Milanovac du haut et Milanovac du bas, ce sont deux villes en Serbie.

3 Mme NOZICA : [interprétation]

4 Q. Merci. S'agissant de la séance de la présidence, je parle de la

5 deuxième partie de l'année 1993 -- s'agissant -- de la deuxième partie de

6 la séance en 1993, et s'agissant de l'attaque sur Vitez, tel que nous

7 l'avons vu au compte rendu -- au PV de la réunion du Conseil de l'ABiH,

8 déjà, au mois d'août 1993, est-ce que les cibles de l'ABiH étaient déjà

9 planifiées ? Est-ce que vous vous souvenez d'en avoir parlé ?

10 R. Certainement. Comment il y avait eu quelques moments importants et j'ai

11 parlé, j'ai défendu de façon légitime ce point de vue, puisque je n'aurais

12 jamais accepté d'être assis au sein d'un corps qui attaquerait de façon

13 légale un territoire dans lequel vivent les Croates. Lorsqu'à Fojnica, on a

14 tué deux frères franciscains, à la demande de Izetbegovic, je me suis rendu

15 sur place et j'ai neutralisé cette animosité. Donc, je ne pouvais pas vous

16 dire pourquoi Vitezit était si important pour eux, je ne suis pas un expert

17 militaire. Mais c'est un fait que les combats se sont déroulés de façon

18 intensive. Autre chose, c'est que nous, les membres -- en tant que nous,

19 membres de la présidence, recevions des informations de structure de

20 l'ABiH, qui disait que c'était les meilleurs jeunes hommes et de ne pas y

21 aller. Mais j'ai dit à Izetbegovic, de façon très ouverte et très souvent,

22 je lui ai dit : "Si une guerre entre les Croates et les Musulmans existait"

23 - à l'époque, c'était des Bosniens, donc, on les appelait les Bosniens -

24 "si jamais cette guerre devenait une guerre de fond entre ces deux peuples,

25 ce n'est pas bien ni pour les uns, ni pour les autres, et certainement pas

26 bien pour la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat.

27 Q. Monsieur Kljuic, nous allons déterminer, sous peu vos dires, qui sont

28 consignés au PV de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine,

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1 qui s'est tenue le 29 décembre 1993, et il s'agit, en l'occurrence, de la

2 pièce 2D 00189.

3 Nous voyons ici, en Croate, la première page. Pour l'identifier, vous vous

4 souvenez bien de cette séance ?

5 R. Oui.

6 Q. En anglais, que le titre a été traduit car je ne vais pas examiner

7 l'ensemble de la page. Donc, je vous demanderais --

8 Mme NOZICA : [interprétation] Avec l'aide des personnes chargées du e-

9 court, pourrait-on avoir la ligne 10/3, qui est traduite en anglais ? Donc

10 10/3. C'est cette page-là qui m'intéresse et, en croate, c'est le numéro 2D

11 04/0140. Voilà. C'est ce qui c'est le passage en question. Pourrait-on

12 avoir également en anglais le paragraphe, je vous prie, et en anglais,

13 c'est la pièce 2D 040143 ? Voilà, très bien. Merci.

14 Q. Je vais vous donner lecture du paragraphe qui commence avec "M. Ganic

15 était membre de la présidence." Afin de pouvoir identifier les personnes

16 qui étaient présentes lors de cette assemblée, il y avait M. Komsic qui

17 était membre de la présidence, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Nous avons également votre nom à vous ainsi que le nom de M.

20 Izetbegovic. Nous pouvons voir, depuis le début, on dit :

21 Ganic dit : "S'agissant de la FORPRONU, il y a des personnes qui

22 souhaitent ces conflits. Ne l'oubliez surtout pas. Il y a eu des forces

23 étrangères qui se sont immiscées de ce problème."

24 On parle de Vitez pendant toute cette période.

25 Komsic répond : "Si jamais les hommes rendent leurs armes et sortent,

26 ceux qui veulent sortir, il n'y a pas de problème, ceux qui veulent sortir

27 à l'extérieur."

28 Izetbegovic dit : "Il y a une autre chose. Nous n'allons pas avoir

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1 l'usine."

2 Vous dites : "Mais notre armée en a vraiment besoin. C'est la raison

3 pour laquelle nous n'irons pas à Foca, mais à Vitez. Nous ne sommes pas des

4 enfants."

5 Est-ce que vous avez très clairement dit ce que vous pensiez ?

6 Simplement pour expliquer aux Juges de la Chambre, de quoi s'agissait-il ?

7 Pourquoi est-ce que vous répondez ainsi ? Pourquoi avez-vous cette

8 réaction ?

9 R. Je dois vous dire qu'une satisfaction énorme m'envahit après plusieurs

10 années à la lecture de ceci, car certaines de Zagreb et d'Herzégovine

11 m'avaient proclamé Traître du peuple croate parce qu'ils sont restés en

12 Croatie, alors qu'eux, ils disaient qu'il n'y avait plus de Croates à

13 Sarajevo. Mais le fait est qu'il s'agit du symbole des Musulmans étaient

14 les plus nombreux à Foca et c'était, d'une certaine façon, cette ville

15 représentait un symbole du commerce des capacités. Je dois vous dire

16 également d'excellence, mais l'armée ne va pas à Vitez, mais bien à Foca,

17 ce qui veut dire que c'est une conséquence d'un processus et je dois vous

18 dire que le conflit entre les Croates et les Musulmans est un passage le

19 plus tragique de l'histoire bosniaque.

20 Quand les conflits sont arrivés, Milosevic et Karadzic ont arrêté les

21 activités militaires sur le front oriental. Ils ont permis que les

22 Musulmans soient plus forts sur le front occidental, en pensant qu'ils

23 prennent Travnik, Bugojno, Vitez et Fojnica, ils n'allaient pas demander

24 Ruda, Foca, Visegrad. Donc, la situation était très difficile, et bien sûr

25 que les dirigeants militaires, sous l'influence d'Izetbegovic, ont estimé

26 que Travnik était peut-être plus important et Bugojno aussi, Fojnica, plus

27 important que Ruda, Medzic [phon] et Visegrad.

28 Cependant, ni en disant ceci, j'ai voulu exprimer mon opposition, je leur

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1 ai expliqué que nous n'étions pas des enfants et que nous savions très bien

2 qu'est-ce que cela veut dire et j'ai essayé d'empêcher que la guerre avec

3 les Croates ne s'enflamme car c'était très mauvais pour les Croates, non

4 pas seulement pour les Croates qui sont restés sur le territoire où les

5 Musulmans étaient majoritaires, mais également pour les Croates en tant que

6 peuple constitutif de la Bosnie-Herzégovine ainsi que pour le peuple

7 bosnien puisque c'était le seul parti, les seules personnes qui avaient au

8 début -- s'étaient opposées au fascisme serbe.

9 Q. Justement, c'est la raison pour laquelle je vous ai posé cette

10 question, à savoir si la Ligue des patriotes -- la Ligue patriotique avait

11 été formée dans Foca. Est-ce que déjà, à partir de ce moment-là, déjà à

12 partir de 1992, on avait compris que les dirigeants musulmans, comme on les

13 appelait ainsi, avaient cédé certains territoires pour préférer d'autres

14 territoires alors que, de façon très concrète, ils disaient qu'ils étaient

15 pour une Bosnie-Herzégovine unifiée ?

16 R. Je ne dirais pas cela. Je n'interprète pas les choses comme ceci. Je

17 dirais que le peuple musulman se trouvait sur la ligne de défense contre le

18 fascisme serbe. Je crois que ces informations partiales étaient le produit

19 de l'état de la situation. Je dois dire que, s'agissait de l'ABiH, il y a

20 eu un très grand nombre de VCC [phon] de la JNA, qui avaient été

21 endoctrinés pour penser que les Croates étaient des Oustachi, et ceci, vous

22 le verrez plus loin, chez Halilovic, et même aujourd'hui, que Zagreb et

23 Belgrade sont encore des ennemis, alors qu'avant on parlait de Zagreb.

24 Maintenant, à cause du public, on a également ajouté Belgrade.

25 Q. Monsieur Kljuic, excusez-moi, je dois, encore une fois, vous rappeler

26 que le temps est court, donc, je voudrais aborder quelque chose d'autre. Je

27 ne m'attendais pas que ce soit une question concernant le peuple musulman.

28 Justement, je vous dis -- je vous parle de ces choses qui sont le produit

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1 du gouvernement politique. Je n'ai pas voulu vous poser une question sur le

2 peuple musulman.

3 R. Je dois vous dire que mon malheur personnel est le malheur également de

4 la Bosnie-Herzégovine ainsi que le malheur du peuple bosnien et croate

5 était que le président Izetbegovic et le président Tudjman ne pouvaient pas

6 s'entendre, ne pouvaient pas s'accorder. C'était une animosité qui existait

7 entre les deux et malheureusement, deux peuples ont péri à cause de cette

8 animosité qui était la leur.

9 Au cours de tout ce processus, vous aviez une manifestation

10 officielle, il y avait plusieurs accords secrets pour lesquels même nous,

11 d'ailleurs, nous ne savions. Certaines réunions avaient été consignées dans

12 des PV; d'autres, non. Donc, de quoi s'agissait-il, de quoi ont-ils parlé,

13 je ne sais pas. Puisque je connaissais les deux, puisque je leur étais très

14 proche, à la fin, ni l'un des deux ne m'aimait plus, mais je dois vous dire

15 qu'ils adoraient jouer à ce jeu, à savoir qui allait trahir l'autre, mais

16 en réalité, ils trahissaient leur peuple.

17 Q. C'est très intéressant tout ceci, ce que vous nous dites est très

18 intéressant, mais comme je n'ai plus énormément de temps, je souhaite que

19 l'on revienne à cette session de la présidence.

20 Dites-nous : est-ce que vous vous souveniez d'être intervenu

21 justement lors de cette session de la présidence sur la question des liens

22 de la Bosnie-Herzégovine avec les pays islamiques et que vous avez essayé

23 de parler des contacts avec l'Egypte ? Avant de répondre, je vous

24 demanderais de bien examiner le pièce 2D 00189 et la page 4/3 en anglais et

25 en croate. 4/3. Même pièce, oui, voilà, je le vois sur le e-court.

26 Mme NOZICA : [interprétation] Pourrait-on également avoir le passage en

27 croate, en haut. M. Kljuic dit en haut de la page, même page, page 4,

28 voilà. Nous l'avons ici, très bien, merci.

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1 Q. Je vais vous donner lecture lentement car j'estime que ce passage est

2 important. Vous dites : "Puis-je m'exprimer. Est-ce que tu vas appuyer…"

3 Parce que vous vous adressiez à M. Izetbegovic, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Donc, vous lui dites : "Est-ce que tu vas appuyer le fait que l'Egypte

6 soit l'un de nos piliers du monde islamique. J'ai écouté ta proposition et

7 mon jugement est le suivant. La Turquie, oui, mais pour ce qui est de

8 l'Egypte, il faudrait, plus tard, demander au ministère, ne pas lui donner

9 l'ordre, mais s'entretenir avec le représentant du ministère, surtout avec

10 le ministre des Affaires extérieures pour mettre l'accent sur l'Egypte, car

11 je crois -- je sens que l'Egypte pourrait nous aider énormément au point de

12 vue politique."

13 Voici ce que M. Izetbegovic a répondu : "Je crois que l'Egypte peut

14 nous aider, seulement, il faudrait savoir à quel point ils peuvent avoir

15 une influence au sein du monde musulman et à l'Occident. Actuellement,

16 c'est l'Arabie Saoudite qui est la plus importante pour ce qui est du monde

17 occidental. L'Egypte, eu égard à la situation financière, est un pays qui

18 dépend économiquement. Si quelqu'un du monde occidental -- il dépend de

19 l'Arabie Saoudite, car vous le savez, tous les lieux saints s'y trouvent et

20 c'est là-bas qu'il y a 200 milliards de dollars de revenus. Donc, l'Arabie

21 Saoudite est un pays dont la voix est entendue, là-bas, le plus. Il y a

22 quelques mois, ils ont arrêté une action du gouvernement britannique en

23 menaçant qu'ils allaient couper les provisions, l'approvisionnement, et

24 cetera. L'Egypte ne peut pas faire cela. Je ne suis pas tout à fait certain

25 que l'Egypte soit un pays avec beaucoup d'influence, mais, pour ce qui est

26 de son influence au sein du monde musulman-même, encore une fois, l'Egypte

27 n'a pas le plus d'influence, non pas à cause des problèmes avec Israël, ce

28 pays n'est pas un pays avec le plus d'influence. Il y a deux pays qui ont

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1 le plus d'influence, c'est l'Arabie Saoudite d'une part, l'Iran, pour les

2 pays un peu plus rigide, et le Pakistan, un pays dont la politique est bien

3 équilibrée. Par contre, il faut établir des liens avec l'Egypte."

4 Vous assistez plus loin, vous parlez de l'Egypte, ce qui correspond à votre

5 politique -- à la politique que vous meniez, que vous avez expliqué aux

6 Juges de la Chambre. Voici, je vais vous poser la question suivante : à la

7 suite de ceci, est-ce que vous pensez que les citoyens à l'époque où l'on

8 parle de tout ceci, est-ce que vous, vous pouvez nous dire si des citoyens

9 croates ou serbes qui étaient restés à Sarajevo le 20 décembre 1993 ? Est-

10 ce que les citoyens, donc, serbes ou croates, avaient compris qu'il fallait

11 établir des liens avec, à l'époque, les pays suivants : le Pakistan,

12 l'Iran, l'Arabie Saoudite et non pas les pays tel le pays et l'Egypte que

13 vous aviez proposé ?

14 R. Tout à fait. Non, ni à l'époque, ni aujourd'hui. Vous savez, je suis un

15 homme mur au point de vue politique et je souhaitais que -- il y avait des

16 secrets au sein des Nations Unies pour ce qui est Boutros-Ghali et à cause

17 de l'influence égyptienne au sein du monde des intellectuels musulmans et

18 la Turquie, puisque la Turquie est un Etat laïque, il aurait fallu établir

19 avec eux des liens. Je n'ai pas parlé de finances, de l'instrumentalisation

20 de la religion, je n'ai pas insisté pour que le shiisme soit introduit en

21 Bosnie.

22 Tout ceci est arrivé plus tard, mais, lorsque les choses sont

23 devenues également dangereuses pour notre pays, cinq membres de la

24 présidence de la Bosnie-Herzégovine ont donné une -- ne se sont pas

25 exprimés en s'opposant à l'instrumentalisation de la religion dans l'armée.

26 Je vais vous dire qu'en cette époque-là j'étais chef d'une délégation et

27 j'étais d'une délégation -- représentation des Serbes et des Croates.

28 Lorsque chez Antony Lake, on nous a reçu qui était le chef de la sécurité

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1 des Etats-Unis d'Amérique, en vue de préparatifs pour les accords de

2 Dayton. La condition, sine qua non, non pas par la Bosnie-Herzégovine en

3 tant qu'Etat laïc, parce que nous voulions que la Turquie soit un modèle.

4 Mais on a parlé de l'instrumentalisation de la religion de trois côtés.

5 Aujourd'hui, on parle de la tragédie du peuple croate et de l'introduction

6 de l'église au sein du peuple croate, et cetera.

7 S'agissant d'un pays qui est pluriethnique, car il y a également une

8 quatrième confession, il y a également les Juifs, qui ne sont pas nombreux,

9 mais qui ont beaucoup d'influence à Sarajevo. Donc, s'agissant d'un pays

10 dans lequel vous avez quatre religions monothéistes, la seule façon de

11 survivre est de créer un Etat laïc. Mais personne ne prenait cet Etat-là

12 car, pour un succès politique, la religion peut jouer un rôle énorme.

13 Q. Je vous remercie, Monsieur Kljuic. Je suis vraiment navré de ne pas

14 avoir pu m'entretenir avec vous sur les questions que vous avez souvent

15 mentionnées dans votre témoignage, c'est-à-dire une Bosnie-Herzégovine

16 indivisible, et s'agissant des derniers résultats des élections. J'aurais

17 bien voulu aussi parler d'où se trouve la Bosnie-Herzégovine aujourd'hui.

18 Merci.

19 R. Merci, Maître.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître.

21 Alors, avocat suivant.

22 Pour M. Praljak, qui intervient ?

23 M. KOVACIC : [interprétation] M. Praljak posera un certain nombre de

24 questions, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Praljak, des questions techniques.

26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

27 Juges, je vous remercie. Je vais certainement me poser des questions

28 techniques.

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1 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

2 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, comme vous le savez, je ne peux pas

3 maintenant m'entretenir avec vous longuement sur certaines -- tout un grand

4 nombre de sujets. Mais étant donné que vous êtes un homme des plus

5 importants pour expliciter cette situation pour donner quelques lumières,

6 je vais vous poser certaines questions quant aux documents afin de pouvoir

7 établir certains faits. Je suis, malheureusement, limité par le temps,

8 donc, je ne pourrais pas m'entretenir longuement sur un très grand nombre

9 de sujets que j'aurais bien voulu aborder avec vous.

10 R. C'est réciproque, vous le savez.

11 Q. Merci. Je souhaiterais revenir à l'accord Boban et Karadzic du 6 mai

12 1992, donc, l'accord entre Boban et Karadzic.

13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je demanderais que l'on montre au

14 témoin la pièce 3D 000430. C'est cet accord en question dont je parle. Nous

15 allons maintenant donner lecture du point 5 de cet accord. Je vais

16 simplement donc vous donner lecture du point5.

17 "Avec cet accord, les raisons cessent pour cesser la Conférence de la

18 Communauté européenne pour la Bosnie-Herzégovine. Les deux parties

19 demandent que la conférence se poursuive de façon urgente."

20 Q. C'est ainsi que l'on peut lire le point 5, n'est-ce pas ? Est-ce que

21 c'est vrai ?

22 R. Je ne le sais pas. Je ne connais pas la teneur de ce document.

23 Q. Vous l'avez à l'écran.

24 R. Je dois vous dire que Mate Boban n'était pas la personne légitime pour

25 négocier avec les Serbes. Ce n'était pas un représentant légitime pour

26 discuter de ces questions avec les Serbes. Il n'était que l'un des 44

27 représentants de la Bosnie-Herzégovine.

28 Q. Monsieur Kljuic, je voudrais simplement dire si cela est exact, si j'ai

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1 bien donné lecture de ce passage.

2 R. Oui.

3 Q. Est-ce que vous savez "Franjo Boras" ?

4 R. Oui.

5 Q. Franjo Boras était membres de la présidence de la Bosnie-Herzégovine.

6 Il était issu des rangs du peuple serbe.

7 R. Oui, légitimement choisi ou élu lors des élections.

8 Q. Très bien. Merci. Est-ce que vous savez si dans son livre intitulé :

9 "Le chaos de Bosnie-Herzégovine," rédigé en 1996 --

10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Il s'agit du document

11 3D 00446. Je demanderais que l'on place cet extrait sur le e-court afin que

12 le témoin puisse l'examiner.

13 Dans son livre, il a décrit la façon dont Cutileiro et M. Lord Carrington

14 ont demandé -- leur ont demandé -- et lui ont demandé d'aller s'entretenir

15 avec les Serbes -- de négocier avec les Serbes.

16 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je demanderais que l'on ouvre la page

17 du livre 2 444, page 2. Non. C'est-à-dire la page suivante. Voilà. Cela se

18 suivra.

19 On peut voir comme il le dit il ne s'agit ici que de titre du livre,

20 donc il cite : "A la fin des négociations avec la délégation serbe, Lord

21 Carrington s'est adressé à moi en me disant le propos suivant, je cite :

22 'M. Boras, si jamais vous n'arrivez pas à parvenir à un accord, nous allons

23 vous laisser vous entretuer mutuellement et ensuite nous vous imposerons

24 une résolution'."

25 M. Boras répond : "Lord Carrington, comme et avec qui voulez-vous

26 qu'on se mette d'accord ? L'agresseur serbe a tous les moyens en sa

27 disposition. Il a pris tout l'équipement de l'armée populaire yougoslave et

28 vous entendez le bruit que produisent les lance-roquettes et les canons qui

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1 sont tirés depuis les hauteurs. Lorsque nous nous parlons -- nous nous

2 entretenons avec nous c'est un dialogue de sourd. Les représentants du

3 peuple musulman sont passifs. Ils ne font absolument rien pour assurer la

4 défense de Bosnie-Herzégovine et ils espèrent encore obtenir l'aide de

5 l'armée populaire yougoslave."

6 Ensuite, deux lignes plus bas à la fin de la conversation : "Cutileiro dit

7 -- Cutileiro nous a dit que les trois délégations nationales devraient

8 s'efforcer de se mettre d'accord mutuellement s'agissant de la délimitation

9 territoriale, de parler également des unités constitutives à l'intérieur de

10 l'ABiH sans la participation de la communauté internationale."

11 Plus loin, on lit : "Concernant les conclusions de Sarajevo, le 6 mai 1992,

12 il y a eu une réunion entre les délégations croates et serbes, la

13 délégation croate était menée par Mate Boban, et nous étions au sein de

14 cette délégation. Il y avait également Mlado Santic et moi. Au sein de

15 cette délégation selon les propos de M. Boras, membre de la présidence élu

16 de façon légitime de Bosnie-Herzégovine, donc, il était également présent,

17 ils se sont entretenus.

18 Q. Est-ce que c'est ce qui est écrit dans ce livre ?

19 R. Je n'ai pas lu le livre.

20 Q. Vous avez à l'écran les passages.

21 R. Attendez, je vais vous venir en aide. Franjo Boras, oui, il avait été

22 élu de façon légitime, mais il n'était pas compétent, il ne pouvait pas

23 sans se consulter avec le président de son parti ainsi que les dirigeants

24 de mener des négociations avec le peuple serbe -- avec le côté serbe

25 plutôt.

26 Deuxièmement, à l'époque, personne ne nous avait pas fait de tort que

27 Milosevic en Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

28 Troisièmement, ce qui est très important c'est que Franjo Boras avait prêté

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1 serment pour dire qu'il descendrait l'intégrité territoriale et la paix en

2 Bosnie-Herzégovine pour l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine et en menant

3 des négociations. Il a été contrevenu à ce serment -- qu'il a violé le

4 serment.

5 Q. Je veux simplement que l'on revienne à ce qui est écrit dans le livre.

6 Je vous prierais, de vous en tenir à cela, bien sûr.

7 R. Oui. Bien sûr.

8 Q. Je suis d'accord avec vous pour un très grand nombre de questions.

9 C'est incontestable. Je voudrais simplement que l'on constate ce que Franjo

10 Boras a écrit là-dessus.

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je demanderais que l'on passe à huis

12 clos partiel avec votre permission, Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi voulez-vous passer à huis clos partiel ?

15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Parce que je souhaite dire quelque

16 chose qui, selon moi, ne devrait pas être dit en audience publique

17 concernant M. Franjo Boras.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier.

19 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

20 [Audience à huis clos partiel]

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 (expurgé)

27 (expurgé)

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1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 [Audience publique]

6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

7 Q. Voyons maintenant, examinons la réunion de Grac. Un témoin, qui

8 s'appelle Josip Manolic, est venu déposer devant ce Tribunal et il a dit

9 qu'à la suite de cette réunion de Grac, à Grac, que les conflits ont cessé

10 entre les Croates et les Musulmans -- ou les Serbes, plutôt, excusez-moi.

11 Donc, je vous demanderais de bien vouloir jeter un coup d'œil sur la carte

12 qui se trouve là, près de vous et je souhaiterais vous demander la chose

13 suivante. Après le

14 6 mai, après ce que j'appelle l'accord d'entente de ne pas procéder à

15 l'attaque, est-ce que les choses suivantes sont arrivées ? Premièrement, en

16 Bosnie, dans Bosanska Posavina, à partir du mois de mai, jusqu'à la fin du

17 mois de juin, l'armée de la Republika Srpska a, à la suite de combats très

18 difficiles, pris Derventa, Modrica et Bosanski Samac, avec l'aide du HVO.

19 Est-ce que vous voyez sur cette carte les attaques, la ligne d'attaque de

20 l'armée serbe sur Bosanska Posavina ? Dites-nous si cette attaque avait été

21 menée entre les mois de mai, juin 1992 -- ou octobre, plutôt, jusqu'à la

22 chute de Bosanski Brod ?

23 R. Mais c'est tout à fait absurde, justement.

24 Q. Justement, je vous parle de cela. Est-ce que vous savez si l'armée de

25 la Republika Srpska a mené une offensive sur Livno le 23, donc, entre le 23

26 et le 25 mai 1992, et le HVO les a aidé avec le désir de passer par Livno

27 et d'arriver à Split ?

28 R. Je me souviens très bien de cette opération, mais j'ignore les détails,

Page 8010

1 maintenant.

2 Q. Merci. Est-ce que vous savez si, après cette réunion, les forces de la

3 Republika Srpska se sont -- ont percé la rivière Neretva, ont pris la

4 municipalité de Stolac, une grande partie de la municipalité de Capljina et

5 une grande partie de Mostar ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous savez si, vers la mi-juin 1992, les forces du HVO, avec

8 l'aide mineure de l'ABiH ont pris ces territoires, c'est-à-dire Capljina et

9 Bosanski Stolac, et cetera ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous savez s'il y a été des tombées à la suite de combats le

12 29 septembre 1992 et que l'armée de la Republika Srpska a fait -- a

13 repoussé les forces du HVO et l'ABiH et ensuite, après, les municipalités

14 de Jajce ?

15 R. Oui, mais il n'y avait pas, malheureusement, de combats très nourris,

16 prononcés.

17 Q. Très bien. Maintenant, est-ce que vous savez si, en 1993, l'artillerie

18 a mené des attaques sur Mostar-Stolac ?

19 R. Oui.

20 Q. L'armée de la Republika Srpska a attaqué Livno, Bugojno et

21 Tomislavgrad ?

22 R. Oui.

23 Q. L'armée de la Republika Srpska attaque Orasje dans Posavina ?

24 R. Oui, tous les jours.

25 Q. Les Unités du HVO -- merci. Les Unités du HVO défendaient la Bosnie-

26 Herzégovine également à Sarajevo, Bihac, Usora, Zepce, Vares, Gradacac,

27 Brcko et Tuzla; le savez-vous ?

28 R. Oui, bien entendu.

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1 Q. Merci. Sur la carte, on trouve l'emplacement de 11 brigades du HVO et

2 d'un Bataillon du HVO qui ont été créés et qui ont été déployés à

3 l'extérieur de ce que nous avons pris l'habitude d'appeler par la suite des

4 provinces 3, 8 et 10. En fait, elles sont déployées dans les provinces 1, 5

5 et 9; le savez-vous ?

6 R. Oui. C'est d'après le plan Vance-Owen que vous désignez les provinces.

7 Q. Oui. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ces 11 brigades et ce

8 Bataillon du HVO ont été mis sur pied et qu'ils ont combattu sur le

9 territoire qui se situe à l'extérieur de ce qui est convient d'appeler ici

10 la banovina croate, à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que

11 vous pouvez vérifier cela sur la carte ?

12 R. J'ai aidé la dernière fois, Monsieur l'Avocat, pour expliquer ce que

13 c'est que la banovina, mais c'est une fiction, ce n'est pas un fait.

14 D'autre part, tout ce que vous dites est exact. Il y a eu des combats. Les

15 Croates ont apporté leur pierre à la défense de la Bosnie-Herzégovine,

16 (expurgé) mais, après son

17 accord, tout était à l'opposé. Si, à la présidence, nous avons pris la

18 décision de la création des forces armées de Bosnie-Herzégovine, donc, tous

19 ceux qui descendaient la Bosnie-Herzégovine, c'était mon problème

20 principal. Comment incorporer le HVO à l'ABiH ? Comment les fusionner ? Les

21 problèmes se sont posés à cause du comportement des commandants, des hommes

22 politiques, et cetera. Mais il ne fait aucun doute que la partie croate a

23 contribué à la défense de la Bosnie-Herzégovine. Cette contribution a été

24 importante. C'était sur le plan de la logistique, par exemple, et peut-être

25 plus sur la Défense elle-même, donc, l'aide logistique au niveau de

26 Gradacac et de Tuzla. Il y avait le commandant du 2e Corps d'ABiH, Zeljko

27 Knez; et Mejacevic commandait la ville de Gradacac. Donc, vous ne citez que

28 ces aspects positifs, je l'admets. Ceci étant dit, sur le plan de rivalités

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1 entre les personnalités, il y a eu des conflits qui sont nés et, sur le

2 plan politique, également, à l'extérieur du système et des institutions.

3 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Il me semble voir ligne 13 de cette même

4 page, une erreur. Il faudrait lire "du peuple croate" et non pas "de la

5 Croatie" quand il s'agit de la contribution.

6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

7 Q. Monsieur Kljuic, malheureusement je n'ai pas suffisamment de temps pour

8 entrer là-dedans. Croyez-moi, seul le temps m'empêche de rentrer dans ces

9 détails car, sinon, j'aimerais rentrer dans ces questions-là, de conflits

10 entre les personnalités, dans la question des commandants de la Bosnie-

11 Herzégovine qui se sont trouvés dans les rangs de la JNA pendant son

12 agression contre la Croatie, et cetera. Seulement, s'il vous plaît,

13 constatant que les 11 brigades croates ont combattu pour la Bosnie-

14 Herzégovine à l'extérieur du territoire, qui est appelé la "banovina" ici,

15 par le Procureur; êtes-vous d'accord ?

16 R. Oui.

17 Q. 3D 00431, c'est la pièce suivante, s'il vous plaît. En attendant la

18 pièce, s'il vous plaît, examinez ces lignes rouges sur la carte. Après la

19 chute de Jajce, l'armée de la République serbe avait-elle pour objectif de

20 repérer une percée vers Sarajevo ?

21 R. Mais ils n'arrêtaient pas d'assiéger Sarajevo, mais la qualité de leurs

22 militaires n'était pas très grande et ils ne pouvaient pas y parvenir.

23 Q. Non, mais après par Travnik; est-ce qu'il voulait percer ce corridor ?

24 R. Bien entendu.

25 Q. Le corridor de la Posavina de Bosnie, est-ce que vous pouvez

26 l'examiner ?

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte rendu

28 d'audience, il serait peut-être utile de dire de quelle carte il s'agit,

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1 quel numéro elle porte. Aussi, lorsque le général Praljak se réfère à la

2 carte, il faudrait que le témoin puisse savoir exactement de quelle carte

3 il s'agit et qu'il l'explicite pour le compte rendu d'audience.

4 M. SCOTT : [interprétation] De manière comparable, il nous faudrait les

5 dates, Monsieur le Président, parce qu'on évolue de 1990 à 1995, il

6 faudrait les dates précises lorsqu'on pose les questions au témoin.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Praljak, tenez compte des

8 observations.

9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, les dates

10 exactes des opérations ont été citées par moi. Les mois et les dates,

11 Jajce, Posavina, Livno, c'est l'année 1992, tout cela. Vous avez ce

12 document, vous avez ces dates précises après la réunion de Graz, vous avez

13 la série de ces événements.

14 Q. Monsieur le Témoin, montrez-nous le corridor qui a été défendu par les

15 Serbes. C'est une ligne épaisse, on le voit.

16 R. C'était le corridor qui rattachait Banja Luka et Belgrade.

17 Q. Merci.

18 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je n'ai plus besoin de la carte; cela

19 sera versé au dossier, s'il vous plaît.

20 M. KOVACIC : [interprétation] On pourrait peut-être attribuer une cote à la

21 carte maintenant pour qu'on puisse s'y référer par la suite. Est-ce que M.

22 le Greffier pourrait --

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro pour la carte, la

24 grande carte.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] IC 47.

26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

27 Q. On nous dit que votre réponse n'a pas été consignée. Alors, ce que je

28 vous ai demandé, si après la chute de Jajce en passant par Travnik et Donji

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1 Travnik, l'armée serbe voulait arriver à Sarajevo ?

2 R. L'armée de la Republika Srpska se trouvait autour de Sarajevo, elle

3 voulait le conquérir, mais c'était des militaires de mauvaise qualité,

4 donc, ils n'y sont jamais parvenus et puis la morale des troupes n'était

5 pas bonne.

6 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Les interprètes vous demandent,

7 Monsieur Kljuic et Monsieur Praljak, d'attendre. Monsieur Kljuic, attendez

8 que la question soit posée et n'y répondez qu'une fois qu'elle aura été

9 terminée.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous présente mes excuses, Monsieur le

11 Juge. Vraiment, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous faciliter

12 la compréhension.

13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

14 Q. Nous n'avons pas suffisamment de temps maintenant. J'ai fait remettre

15 aux Juges un enregistrement vidéo des événements auxquels vous avez

16 assisté, des événements de Polog.

17 R. Oui.

18 Q. Cela se situe à côté de Mostar, près de Siroki Brijeg. La population

19 croate a arrêté une brigade de la JNA à cet endroit ?

20 R. Oui.

21 M. SCOTT : [interprétation] La date, s'il vous plaît.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Du 7 au 9 mai 1991.

23 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] J'avais l'intention de citer la date,

24 mais je vous remercie.

25 Q. M. Alija Izetbegovic est arrivé à ce moment-là, vous-même aussi. Est-il

26 exact de dire que la population croate vous a accueilli par des

27 applaudissements, vous-même et M. Izetbegovic, vous a réservé un accueil

28 très chaleureux, très enthousiaste ?

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1 R. Je suis arrivé dans la matinée du 7 et M. Izetbegovic est arrivé dans

2 l'après-midi du 9. C'est vrai que nous avons été bien accueilli, mais parmi

3 les personnes présentes ou rassemblées, il y avait aussi ceux qui

4 souhaitaient qu'un incident se produise.

5 Q. C'est exact qu'il y a eu -- mais sur les images que vous avez vues, on

6 vous a applaudi ?

7 R. C'est exact.

8 Q. M. Izetbegovic a demandé, à ce moment-là, que cette Brigade de chars

9 qu'on la laisse passer vers Kupres.

10 R. Mais ce sont les 72 heures d'une situation très difficile pour moi.

11 J'avais été arrêté avec le ministre de la Défense, le général Jerko Doko,

12 c'est le général Andzelic qui m'a arrêté. A Sarajevo, son fils prônait la

13 fraternité et l'égalité. Cela, c'est une première chose. Ensuite, le

14 président Tudjman et le cardinal Kuharic, eux aussi, ils ont conseillé

15 qu'on laisse passer la colonne. Je leur ai demandé leur avis parce que

16 j'étais dans une situation difficile. Pour la première fois, depuis la

17 seconde guerre mondiale, figurez-vous, dans la Yougoslavie socialiste, on

18 arrête une colonne de 168 chars pleinement équipés pour le combat. Tenant

19 compte du moment en Croatie à ce moment-là, il n'y avait eu que deux

20 incidents qui se sont produits, l'agression contre la Croatie n'avait pas

21 encore connu d'escalade et sur le terrain à Zagreb, il y avait des gens qui

22 pensaient qu'il valait mieux, peut-être, que la véritable guerre ne se

23 déclenche qu'ici.

24 Ce n'est pas uniquement pour parler de mes capacités, mais aussi pour

25 citer quelques personnes qui m'ont aidé sur place, Slobodan Bozic, il

26 faudra toujours mettre en exergue cet homme-là, et aussi le colonel

27 Pantelic qui commandait le Corps d'armée de Mostar. Vous savez, c'était un

28 moment très difficile. Pendant 72 heures, je n'ai pas fermé les yeux et

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1 j'ai dit au colonel Bogdan : "Toi et moi, nous sommes ici dans une

2 situation très difficile, la plus difficile. On ne s'en sortira que si tu

3 ne tires pas et je ferai le reste, je me chargerai du reste."

4 Puis, de Belgrade, le général Spirkovski, le commandant de la 1ère

5 Région militaire, avait émis la directive disant qu'à 14 heures, l'armée

6 devait passer. Mais comment allait-elle passer, en écrasant le peuple ?

7 Donc, la population croate a agi, c'était un symbole de la résistance. Pour

8 la première fois dans l'Europe communiste, un escadron de ce genre, de la

9 4e Armée d'après sa taille, armée comme au sommet du monde, s'est vue

10 arrêtée.

11 Q. Ceci ne fait aucun doute, je suis parfaitement d'accord avec vous, mais

12 est-ce qu'on peut se montrer d'accord sur une constatation ? Cette Brigade

13 de chars, avec autant de chars, a pris part, par la suite, les 9 et 10

14 avril 1992, à l'attaque contre Kupres. Un mois plus tard, à l'attaque

15 contre Livno, je l'ai évoqué parce qu'ils voulaient passer jusqu'à Split.

16 R. C'est exact. Je ne suis pas heureux qu'ils passent pour Kupres.

17 Q. Non, nom de Dieu, personne n'a affirmé cela.

18 R. Mais du 7 au 9, on a empêché un massacre qui s'annonçait, massacre de

19 Polog.

20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La pièce 3D 00432. Peut-être la

21 présenter à M. Kljuic, s'il vous plaît.

22 Q. Monsieur Kljuic, il s'agit là d'une attaque menée par les Serbes de

23 Krajina sur le village d'Unista, qui se situe sur le territoire de l'Etat

24 de Bosnie-Herzégovine. Je vais vous montrer une carte. Non, cela c'est

25 Ravno. Un instant, s'il vous plaît. J'ai mal cité. 3D 0043 -- je ne l'ai

26 pas, je ne sais pas comment je l'ai perdu.

27 M. KOVACIC : [interprétation] C'est la page 2. C'est le même document, mais

28 à la page 2.

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1 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Non, je ne l'ai pas, Monsieur.

2 M. KOVACIC : [interprétation] On peut le placer sur le rétroprojecteur ? Le

3 voici.

4 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir le bas, s'il

5 vous plaît ?

6 Q. Ma seule question est la suivante. Savez-vous que, le 10 mai 1991, les

7 Serbes de Krajina, commandés par Mile Martic, ont occupé le village

8 d'Unista sur le territoire de Bosnie-Herzégovine et qu'ils ont chassés les

9 Croates de là-bas; est-ce exact ?

10 R. Oui, c'est exact. Nus avons arrêté Martic.

11 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas suffisamment de temps pour entrer dans

12 ces questions-là, mais est-ce que vous savez comment ont réagi les

13 autorités suite à cela ? Est-ce que dans n'importe quel pays ce serait le

14 début de la guerre ?

15 R. Non. Attendez. Ne généralisons pas. Mais depuis la République de

16 Croatie vous avez attaqué la Bosnie-Herzégovine. Comment ? Vous allez me

17 dire mais ce n'est pas la Croatie qui a attaqué ce sont les Serbes qui ont

18 attaqué depuis là-bas. Ne demandez pas que l'Etat de Bosnie-Herzégovine

19 donc en tant qu'Etat protège une partie du territoire attaqué par l'une

20 unité paramilitaire de l'autre Etat, puisque l'Etat en question n'empêche

21 pas cette unité paramilitaire -- ne l'empêche pas d'agir sur le territoire

22 de l'Etat voisin.

23 Q. Monsieur Kljuic, je suis entièrement d'accord avec vous. Vous avez

24 parfaitement raison. Les Serbes ont occupé une partie du territoire de la

25 République de Croatie, et la Croatie n'était pas en mesure de l'empêcher.

26 Je suis parfaitement d'accord avec vous là-dessus.

27 Je vous demande cette seule chose : l'occupation d'une partie du

28 territoire d'un Etat -- dans n'importe quel Etat ne serait pas considéré

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1 comme un début de guerre contre cet Etat ?

2 R. Oui. Mais je viens de vous dire que la Croatie ne pouvait pas se

3 protéger, elle ne pouvait pas les empêcher d'aller sur notre territoire. De

4 même pour nous, on ne pouvait pas les empêcher et protéger ce territoire.

5 Q. Non. Je parle d'interprétation. Je ne parle pas des faits. Je ne parle

6 pas de ce qui s'est déroulé. Je parle uniquement d'un point de vue

7 théorique, comment ont réagi les structures politiques ? Est-ce qu'à leurs

8 sens, c'était un début d'agression contre la Bosnie-Herzégovine ?

9 R. Non.

10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Alors, s'il vous plaît, maintenant, 3D

11 00432.

12 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que les voix se chevauchent.

13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

14 Q. Monsieur Kljuic, c'est toujours la même question. Il s'agit de Ravno.

15 Ma question est très simple. Les Serbes, l'armée de la Republika Srpska,

16 est-ce qu'elle a attaqué le village de Ravno, le 15 septembre 1991 et le 6

17 octobre 1991, est-ce qu'elle a chassé et tué la population croate ?

18 R. Oui.

19 Q. Je vous remercie.

20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je voudrais voir la pièce 3D 00445,

21 s'il vous plaît. Est-ce qu'on peut l'afficher ?

22 C'est une traduction intégrale en anglais de la déclaration

23 islamique. Ce texte a été soumis aux Juges.

24 Q. Ce texte a été rédigé par M. Alija Izetbegovic; est-ce exact ?

25 R. Oui.

26 Q. Avez-vous lu la déclaration islamique ?

27 R. Oui, à plusieurs reprises.

28 Q. Il n'y a pas lieu donc de vous demander si le message fondamental

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1 politique de la délégation islamique et la création d'une Bosnie-

2 Herzégovine citoyenne avait le souhait que les Musulmans dépassent les 50 %

3 et que, par la suite, il mette sur pied une république islamique ?

4 R. C'est un ouvrage théorique. On pourrait dire que c'est même une utopie

5 comme John Locke a décrit parce qu'il n'y a aucune mention de nom d'Etat

6 dans le texte. C'est plus un débat théorique pour voir quel serait le

7 comportement d'un peuple musulman dans un pays où il serait majoritaire.

8 Q. La déclaration islamique au moment des premières élections législatives

9 de Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'elle a été tirée à plus de 200 000

10 exemplaires ? Est-ce qu'elle a été distribuée à la population musulmane et

11 en particulier aux membres du SDA ?

12 R. Tout ceci est exact, je dois le dire. Ce texte est incompréhensible

13 pour la grosse majorité de la population de Bosnie-Herzégovine. Je dois

14 vous dire que personne n'a protesté à l'époque, ni les communistes qui

15 détenaient le pouvoir ni les partenaires -- leurs partenaires en

16 Yougoslavie. Personne ne l'a pris au sérieux ce livre. Il a été édité,

17 certes, et redit à plusieurs reprises.

18 Q. Je comprends parfaitement. Il y a eu de nombreux ouvrages de par le

19 passé dans l'histoire qu'ont pas été pris au sérieux la première fois où

20 ils ont été publiés. C'est un fait, n'est-ce pas, qu'on l'a imprimé à 200

21 000 exemplaires et que cela a été distribué à la population musulmane et en

22 particulier aux membres du SDA; est-ce exact ?

23 R. Je suppose puisqu'ils en ont tiré un si grand nombre d'exemplaires. Il

24 a bien fallu trouver des membres des partis musulmans pour qu'ils le

25 lisent. Je pense que les Musulmans communistes l'ont lu.

26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La pièce 3D 00 --

27 M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- pour la déclaration islamique,

28 c'est un gros document. Quel est le paragraphe ou la page que vous voulez

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1 qu'elle soit admise ? Parce qu'on ne va pas admettre tout le livre.

2 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que M. Kovacic et M. Praljak parle en même

3 temps.

4 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai choisi les

5 passages qui devraient être versés au dossier. Il s'agit des pages qui se

6 lisent en parallèle en croate et en anglais. Nous vous avons remis la

7 totalité de l'ouvrage pour que vous puissiez en prendre connaissance. Nous

8 l'avons -- nous avons reçu la traduction d'une librairie de Washington.

9 Nous avons une édition bilingue. Je pensais que c'était clair ce qui devait

10 être versé au dossier. Voilà.

11 M. KOVACIC : [interprétation] Nous allons faire cela plus tard. Mais, en

12 fait, nous pensons que c'est dans son intégralité que le livre devrait être

13 versé au dossier à cause du contexte en mettant en exergue les pages

14 intéressantes.

15 Mais, en attendant que le document s'affiche, page 52, lignes 21 à

16 23, on a mentionné le nom d'un témoin dans l'affaire Naletilic. Après, on

17 est passé à huis clos partiel, mais il faudrait que l'on ferme l'audience

18 avant que ne s'épuisent les 30 minutes.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

20 Monsieur le Greffier.

21 M. KOVACIC : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kljuic, le livre -- la déclaration

23 islamique, vous l'avez lue entièrement vous ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La pièce 3D 00447, s'il vous plaît.

26 Est-ce qu'on peut l'afficher ? C'est le serment de la Ligue patriotique. Le

27 texte de ce serment.

28 Q. Ma question sera la suivante. La Ligue patriotique a-t-elle été fondée

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1 le 17 avril ou à peu près 1991, à peu près à cette date-là ?

2 R. Je vous ai dit, il y a un instant que je ne pouvais pas vous répondre à

3 cette question. C'était dans l'illégalité de manière clandestine, et vous

4 savez dans l'espace de l'ex-Yougoslavie, une fois qu'une guerre se termine

5 tout le monde cherche à prouver son droit à la pension de retraite pendant

6 des années qui suivent en disant qu'ils avaient travaillé dans la

7 clandestinité, donc, je ne sais pas.

8 Q. Est-ce que vous savez quel a été le texte du serment qu'on prêtait à la

9 Ligue patriotique ?

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. J'ai le document qui porte le texte du serment cité d'après le livre de

12 Nihad Halilbegovic intitulé "Les faits sur la Ligue patriotique de Bosnie-

13 Herzégovine," édité à Sarajevo en 1994. Page 17. J'en donne la lecture :

14 "Je prête serment par Allah Jelleshanuhu que toujours à tout moment et en

15 tout lieu je défendrais tous les intérêts du peuple musulman, et cetera."

16 Par la suite on a voulu corriger ce texte de serment, mais malheureusement

17 nombre de documents restent qui en témoignent et j'en ai d'autres reprises

18 des débats. A l'époque, l'organisation militaire clandestine Ligue

19 patriotique ne s'adressait exclusivement qu'au peuple musulman et ne jurait

20 que par Allah.

21 R. Je pense qu'il n'y a là rien d'étranger. Tout un chacun a dit que Dieu

22 me vienne en aide. Puis, essayons de reformuler cela, essayons de voir si

23 un autre peuple de Bosnie-Herzégovine aurait jamais envisagé de défendre

24 les intérêts d'un autre peuple. Donc, cela a été tout à fait naturel. C'est

25 une autre question de savoir jusqu'au cela nous a mené, mais tout un

26 chacun, au début, a cherché à défendre ses propres intérêts. Heureusement

27 pour moi, au départ, les Croates et les Musulmans de Bosnie avaient les

28 mêmes intérêts, mais, hélas, je le regrette, éperdument, à changer, mais,

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1 vous savez, je ne suis pas sûr que le texte du serment fût tel que vous le

2 montrez aujourd'hui, initialement. Vous savez pourquoi ? Parce que nombre

3 de personnes qui ont rejoint la Ligue patriotique avaient quitté les unités

4 de la JNA et c'était des athées.

5 Q. Monsieur Kljuic, toutes vos explications sont généralement exactes,

6 mais le serment semble avoir eu ce texte-là. Si vous ne le savez pas, vous

7 ne le savez pas.

8 R. Oui, maintenant, que je l'ai lu, je sais la même chose que vous.

9 Q. Oui, mais nous avons des documents à l'appui. Nulle part dans les rangs

10 du HVO, je ne sais pas ce qui en est des Serbes, il n'est écrit qu'on jure

11 par Dieu et il est écrit que nous défendrons à la fois le peuple croate et

12 tous les autres peuples. Mais, enfin, passons.

13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir le document 3D

14 00420, s'il vous plaît. C'est un document qui a déjà été montré dans le

15 prétoire. M. Pinter l'a présenté.

16 Q. Le 27 mai, d'après ce document, 1992, une décision a été prise,

17 décision de créer des unités de la Défense territoriale et cette décision a

18 été signée par M. Alija Izetbegovic, on le lit en page 3. Je vous invite

19 maintenant à examiner uniquement la première page et dites-nous si ceci est

20 exact.

21 R. Je n'ai pas vu la première page, je ne vois pas qui se réuni.

22 Q. Première réunion, République de Bosnie-Herzégovine, présidence de la

23 République de Bosnie-Herzégovine.

24 R. Je ne vois pas la première page.

25 Q. Est-ce qu'on peut la revoir.

26 R. Est-ce qu'on peut voir la liste des présents ?

27 Q. Non, rien du tout. Juste la signature, la signature de

28 M. Izetbegovic.

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1 R. Je ne me souviens pas de ce document. Qui plus est, seul Mate Sarlija

2 n'est pas le nom qui appartient à la même catégorie.

3 Q. Oui, très précisément. Mate Sarlija est un Musulman, d'après la source.

4 Il s'appelle Nijaz Batlak, en fait, c'est son vrai nom. Mate Sarlija est

5 son pseudonyme. Si vous lisez les noms qui figurent sur cette liste, ne

6 serait-ce qu'un seul Croate ici ?

7 R. Pas en première page.

8 Q. Deuxième page, s'il vous plaît. J'aimerais que vous vous penchiez sur

9 la page 2.

10 R. Je regarde les noms, il n'y en a aucun, à moins que quelqu'un n'ait eu

11 le sentiment d'être de nationalité croate, mais je n'en ai pas

12 connaissance.

13 Q. La page 1 ?

14 R. Mais cela, c'était juste un mémo de la présidence, ce n'est pas un

15 document de la présidence.

16 Q. Passons à la page 3, s'il vous plaît. Page 3, s'il vous plaît. Il y a

17 la signature de M. Izetbegovic, un tampon qui n'est pas très visible. Est-

18 ce que c'est bien cela qu'on voit ici ?

19 R. Oui, je crois.

20 Q. Le numéro officiel d'enregistrement ?

21 R. Oui.

22 M. KOVACIC : [interprétation] Je crois qu'il y a une petite erreur au

23 compte rendu d'audience qui ne reflète pas tout à fait la réponse du

24 témoin, page 69, ligne 3. Le témoin a dit que c'était un document privé

25 d'Izetbegovic; enfin, il a dit quelque chose de ce genre.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait. Je n'ai jamais vu ce document et

27 je ne l'aurais pas signé.

28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

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1 Q. Vous pensez que c'est un document personnel d'Izetbegovic ?

2 R. Il l'a signé, puis il y a le tampon, le cachet de l'Etat. On voit que

3 c'est un mémo de la présidence, mais c'était des décisions qui ne faisaient

4 pas l'objet de discussions lors d'aucunes séances auxquelles j'ai pu

5 participer.

6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait placer ce

7 tableau sur le rétroprojecteur.

8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pendant que l'on procède à cette

9 manipulation, j'aimerais avoir une question au sujet de cette liste. Cette

10 liste, si j'ai bien compris, fait référence à un certain nombre de

11 localités. En tout cas, il y a un classement par localité ou par origine

12 géographique. Est-ce que ce sont des localités où l'on trouve également des

13 localités à majorité croate, ou est-ce qu'on a là uniquement des troupes,

14 des unités qui ont été affectées ou créées dans des endroits, dans des

15 localités où se sont les Musulmans qui sont en majorité ? Livno, par

16 exemple, ce sont des municipalités qui se trouvent le long de la frontière

17 croate, par exemple, Tuzla.

18 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Toutes, sauf sur les municipalités qui

19 se trouvaient sous le contrôle des Serbes. Les autres régions de Bosnie-

20 Herzégovine, d'après le texte, se trouvaient sous contrôle musulman et une

21 sous contrôle serbe, pas une seule croate.

22 Q. C'est ce que le témoin a dit.

23 R. Un instant. J'ai dit qu'est-ce qui figure dans le document, mais ce

24 document n'est pas valable, il ne reflète pas la situation sur le terrain à

25 l'époque.

26 Q. Monsieur Kljuic, je vous en prie.

27 R. Ce document n'est pas un document digne de foi, document valable.

28 Q. Monsieur Kljuic, je sais qu'on a peut-être oublié ou omis le rôle qui

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1 était le vôtre au sein de la présidence, mais ce document, c'est une

2 décision signée par M. Izetbegovic à titre de président de la présidence.

3 Dans ce document, il délivre un ordre, donc ce document est tout à fait

4 valable, même si vous vous ne pensez pas qu'il fasse qu'on aille considéré

5 ce document comme un document valable, mais cela, c'est autre chose. Il ne

6 reflète pas la situation et n'est pas conforme à la constitution de Bosnie-

7 Herzégovine, dans ce cas-là, je comprends tout à fait ce que vous voulez

8 dire.

9 R. Non, vous n'avez pas compris. Ce document n'est pas véridique. Il a

10 peut-être été préparé au moment où l'indépendance a été obtenue, puisque la

11 Bosnie-Herzégovine avait une Défense territoriale, mais les Serbes avaient

12 apporté les armes et tout l'équipement et la Défense territoriale était en

13 place. J'ai mentionné les noms de certaines personnes qui étaient actives

14 au sein de la Défense territoriale. Ensuite, ce sont des fonctionnaires

15 locaux qui sont intervenus. Il y avait une institution qui se trouvait dans

16 le bâtiment de la présidence.

17 Q. Mais veuillez, s'il vous plaît, m'aider, Monsieur Kljuic. J'aimerais

18 beaucoup pouvoir discuter longuement de toutes ces questions, mais la

19 Chambre ne m'a pas accordé suffisamment de temps et puis on m'a limité à

20 des questions d'ordre strictement techniques. Je voudrais savoir si vous

21 connaissez le document ou pas.

22 R. Non.

23 Q. Merci.

24 R. Ce document n'est pas un document valable parce qu'à l'époque, il

25 existait une Défense territoriale de Bosnie-Herzégovine qui était sous le

26 commandement du ministère de la Défense, avec des généraux Siber, Divjak,

27 Mustafa Hajrulahovic, bien d'autres. Ce qui nous montre -- les pourcentages

28 qu'on voit ici ne sont pas corrects.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir à ce stade.

2 D'abord, il y a une question qui a été posée par M. le Juge Trechsel et à

3 laquelle il n'a pas été répondu, alors je pense qu'il faudrait répondre à

4 cette question. C'est intéressant. Malheureusement, M. Kljuic a décidé de

5 répondre à une question qui ne lui avait pas été posée. Je souhaiterais

6 donc lui demander de se restreindre. Peut-être pourrait-on reposer la

7 question, afin que le général Praljak puisse y répondre.

8 Deuxièmement, on vient d'utiliser le terme de valable. Je me demande si

9 c'est valable ou à l'opposé de l'égal juridique. Est-ce qu'il s'agit d'un

10 document juridiquement valable ou pas ? Peut-être que M. Kljuic estime que

11 ce document n'est pas légal, parce que sa décision n'est pas légale. Ce qui

12 signifie que le président, en apposant sa signature et son sceau, aurait

13 créé un document illégal, c'est-à-dire en outrepassant les pouvoirs que lui

14 conférait la constitution.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que le document n'est pas valable.

16 Alors, pour vous, cela veut dire quoi ? Est-ce que le document ne restitue

17 pas la réalité ou ce document signé par

18 M. Izetbegovic serait entaché d'illégalité ? Alors précisez-nous votre

19 position.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux. Bon, il existait une Défense

21 territoriale, la force de la Défense territoriale, et sa structure était

22 très différente de celle qui est mentionnée ici. Il s'agissait d'une

23 institution qui était légale.

24 Deuxièmement, le président de la présidence, ou plutôt la personne

25 qui présidait la présidence, pas le président de la présidence, mais celui

26 qui la présidait, ne pouvait pas désigner des personnes pour occuper des

27 postes -- positions subordonnées parce que cela, c'était le chef de la

28 Défense territoriale -- le commandant des forces territoriales qui pouvait

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1 le faire, c'était son rôle.

2 Donc, on voit ici que c'est un document illégal. On voit qu'il est

3 écrit : "Mémo de la présidence," et on voit le cachet de la présidence, et

4 cetera. Mais il a abusé de ses pouvoirs.

5 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

6 Q. Mais ce que j'essaie, moi aussi, de montrer, de prouver, Monsieur

7 Kljuic.

8 R. Oui, je l'ai confirmé. Vous dites que c'était le seul document.

9 Q. Non, je vous ai demandé si vous connaissiez le document, s'il avait été

10 signé par Alija Izetbegovic et s'il disait bien ce qu'il disait.

11 R. Je ne peux pas vérifier le PV ou le numéro de référence. Qui peut dire

12 si c'est le bon numéro de référence qu'on voit ici, le numéro de

13 protocole ?

14 Q. Merci. Maintenant, regardons le rétroprojecteur.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maintenant vient le tour de ma

16 question, une sorte d'aparté, de note de bas de page à ce que nous venons

17 de dire. Donc, le document nous dit qu'il n'a jamais vu

18 -- le témoin nous dit qu'il n'a jamais vu ce document, il n'y a aucun

19 rapport entre lui et ce document. Donc, je pense que, si l'Accusation avait

20 présenté un tel document, la Défense se lèverait immédiatement pour dire

21 que ce document n'avait aucun intérêt. Il faudrait -- mais je vois qu'il se

22 lève maintenant.

23 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez d'intervenir. J'interviens parce

24 que M. le Témoin nous dit que le président Izetbegovic outrepassait les

25 pouvoirs que lui conférait la constitution au moment où il a établi ce

26 document, au moment où il procède à ces nominations, ce qui nous montre

27 qu'on a une politique à deux visages. Il y a ce qui se passe au su et au vu

28 de tout le monde quand il agit en tant que président de la présidence, en

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1 vertu de la constitution, publiquement, mais s'il agit subrepticement, de

2 son propre chef, parce qu'il se trouve qu'il est à la tête de la présidence

3 et je crois que ce que nous dit le témoin, c'est que ce document est

4 illégal en tant que tel. De fait, on peut voir qu'Izetbegovic outrepasse

5 les attributions que lui confèrent la constitution et le monsieur qui est

6 assis ici, lorsque le document a été établi, ce monsieur, il était membre

7 de la présidence.

8 Ce qui fait qu'on se pose immédiatement la question suivante. S'il

9 était membre de la présidence, comment se fait-il que le président de la

10 présidence ait subrepticement procédé à ces nominations ? C'est exactement

11 là où veut en venir le général Praljak et cela fait un lien avec votre

12 question qui est extrêmement intéressante, extrêmement valable. Est-ce que

13 ces localités, elles étaient uniquement contrôlées par des majorités

14 musulmanes ou par d'autres majorités ? C'est la raison pour laquelle j'ai

15 insistée, pour qu'on réponde à votre question, Monsieur le Juge, question

16 extrêmement importante, parce que cela pourrait peut-être nous montrer,

17 pendant quelques instants, où M. Izetbegovic, ce président de la

18 présidence, voulait en venir. Quel était son objectif avec ce document

19 réalisé de manière subrepticement, en dehors des pouvoirs qui lui sont

20 conférés par la constitution. Je crois que c'est ce que dit le témoin.

21 Donc, j'essaie simplement d'apporter mon aide à cette discussion.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je n'ai pas --

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais je ne mets pas en doute ce qu'a

25 dit le témoin. J'ai tout à fait bien compris ce qu'il a dit et je l'ai

26 compris de la manière dont vous venez de l'exposer. Ce n'est pas cela qui

27 est en question. La question, elle porte sur le document. J'ai dit que

28 c'était une petite note de bas de page, une question annexe, disons. Le

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1 général Praljak n'y a pas répondu.

2 Bon, je vais être plus précis. Est-ce que vous pourriez dans cette liste,

3 nous indiquer quelles sont les nominations où les créations d'unités qui

4 correspondent ou qui doivent être impliquées ou engagées à Grude et Livno ?

5 M. Petkovic peut répondre s'il connaît la réponse.

6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Non, non. Il ne connaît pas mieux la

7 situation. Non, cela renvoie à la population à majorité musulmane. Il ne

8 l'a pas fait pour Grude, parce qu'à Grude, c'était les Croates qui

9 représentaient la majorité. Cela s'est fait uniquement pour les zones dont

10 on estimait qu'elles étaient habitées en majorité par des Musulmans.

11 Maintenant, je voudrais qu'on passe à la page 3 du document. J'aimerais que

12 la page 3 du document soit placée sur le rétroprojecteur parce qu'il y a

13 une partie du document qui n'a pas été photocopiée. On a oublié de le

14 faire. Donc, j'aimerais présenter cela à M. Kljuic parce qu'il y a de la

15 main de Izetbegovic une note, quelque chose qui a été ajouté par lui.

16 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'ai écouté la traduction en

17 français et j'aimerais poser une question avant de donner la parole à M.

18 Scott.

19 Ma question, elle est la suivante. M. Kljuic a parlé de ce document en

20 disant que c'était un mémorandum. Ma question - et là, je me tourne vers

21 ceux qui utilisent le B/C/S - ici, on voit dans l'introduction, le

22 préambule de ce document. On voit le nom de la présidence, et il donne les

23 instructions suivantes, et cetera.

24 Donc, ma question c'est de savoir s'il s'agit véritablement d'une

25 décision, comme cela a été traduit en anglais, ou il s'agit d'un

26 mémorandum, comme l'a dit M. Kljuic. C'est la question que je souhaiterais

27 poser à M. Praljak ou à quiconque souhaiterait y répondre.

28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [aucune interprétation]

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1 L'INTERPRÈTE : S'il vous plaît, microphone.

2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Il s'agit d'une décision. Il décide

3 qu'il prend cette décision. La décision est définitive, claire, précise.

4 S'il vous plaît --

5 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

6 avec votre permission, quelques explications au sujet de ce terme de

7 mémorandum.

8 Le témoin l'a utilisé de la manière dont on utilise généralement ce

9 type de concept, qui désigne un bout de papier dans le coin gauche

10 supérieur duquel on trouve le nom de celui qui a établi le document,

11 document de la présidence de Bosnie-Herzégovine, par exemple. Voilà ce

12 qu'on veut dire par mémorandum. En fait, c'est un document où figure -- où

13 il y a un en-tête, un morceau de papier, un bout de papier avec un en-tête.

14 Enfin, ceci afin d'éviter tout malentendu.

15 M. KOVACIC : [interprétation] En fait, en anglais, il faudrait dire

16 "header", c'est-à-dire "en-tête". Donc, cet en-tête, on désigne cela dans

17 notre langue en utilisant le mot "mémorandum". Cela désigne tout document

18 utilisé par une institution quel quelle soit.

19 M. SCOTT : [interprétation] Merci. Je voudrais dire plusieurs choses.

20 D'abord, pour revenir a ce qui a été dit par M. le Juge Trechsel il y

21 a quelques instants, je suis tout à fait d'accord avec vous et cela s'est

22 passé constamment cet après-midi. On montre des documents au témoin alors

23 qu'il n'a aucune connaissance s'agissant de ces documents et je m'y oppose,

24 j'ai une objection, parce que cela s'est passé continuellement cet après-

25 midi qu'on présente au témoin des documents dont il ne sait strictement

26 rien.

27 Deuxièmement, je ne pense pas que le conseil de la Défense doive se

28 lever pour caractériser, pour qualifier la déposition du témoin pour

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1 l'interpréter, pour nous dire. Je pense ce que c'est -- voilà que le témoin

2 est en train de nous dire. Cela, il faut le laisser pour une période

3 postérieure de cette procédure.

4 Troisièmement, ce n'est pas à M. Praljak ou à M. Petkovic de déposer.

5 S'ils veulent déposer, ils pourront venir s'asseoir ici et je serai très

6 heureux de les contre-interroger. Mais ce n'est pas à eux de déposer parce

7 qu'une fois encore, on voit que cela se produit comme cela s'est déjà

8 produit par le passé.

9 Quatrième chose, je ne vois pas du tout la pertinence de ce qui est

10 en train de se passer. Nous avons passé l'essentiel de l'après-midi à

11 traiter de questions qui n'ont aucune pertinence, notamment dans les 25

12 dernières minutes. Je ne vois pas en quoi ceci constitue une défense par

13 rapport à l'expulsion des Musulmans de Mostar en juin 1993.

14 Ensuite, j'ai une question au sujet du temps. Je ne sais pas comment

15 la Défense se répartit le temps entre les différentes équipes. M. Praljak,

16 lui, parle depuis maintenant 50 minutes. Je veux avoir du temps pour

17 procéder à un interrogatoire supplémentaire du témoin, je ne sais pas

18 combien de temps il me reste, et il reste à la Défense.

19 Mme NOZICA : [interprétation] Il est tout à fait logique que le

20 Procureur soit intervenu comme il l'a fait à l'instant pour nous expliquer

21 quelle était l'opinion de M. Trechsel. Mais je dois dire quelque chose au

22 sujet de ce que le Juge Prandler a dit. A la page 1, qu'on ne voit plus

23 maintenant, mais, en tout cas, quand on la voyait, on voyait que c'était un

24 document qui avait été rétabli par la présidence en mai 1992. A l'époque,

25 M. Stjepan Kljuic était membre de la présidence. Donc, forcément, il a dû

26 participer à cette réunion ou la réunion qui a suivi, réunion au cours de

27 laquelle on a adopté le procès-verbal de la réunion d'avant. Donc, M.

28 Kljuic aurait dû avoir connaissance de ce document et je pense qu'il n'y a

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1 personne qui soit mieux à même que lui de nous dire si ce document a

2 effectivement été adopté ou pas lors de la réunion de la présidence.

3 Pour terminer, je souhaiterais ajouter encore une phrase qui est la

4 suivante, à savoir que les questions posées cet après-midi l'ont été avec

5 une connaissance parfaite, la meilleure connaissance qui se puisse être

6 imaginée de l'acte d'accusation, donc je ne comprends pas l'observation

7 faite par le Procureur.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait revenir à la page 1

9 parce que, si on regarde l'en-tête du document, on voit très clairement qui

10 a délivré ce document ? Ce sont là des faits complètement incontestables et

11 je ne veux pas répondre à ce que vient de dire le Procureur parce que

12 j'utiliserais le temps qui est imparti à mon client, mais je crois que ceci

13 est très évident.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kljuic, on a passé beaucoup de temps sur ce

15 document, ce document qui est donc intitulé : "Décision sur la formation

16 d'Unité de Défense territoriale." Il y a une signature, il y a un cachet

17 qui montre que c'est le président de la présidence qui a signé ce document.

18 Dans le préambule du document, il est fondé sur l'article 41

19 concernant le texte sur les forces armées et il y a dans le préambule le

20 renvoi à une réunion qui s'est tenue le 27 mai, autant préciser que ce

21 document est daté du 27 mai, donc, on pourrait conclure que la présidence

22 s'est réunie le 27 mai et que le président, en exercice de la présidence,

23 signe cette décision.

24 Alors, est-ce que vous, vous étiez présent lors de la réunion de la

25 présidence ? Alors, c'est oui ou c'est non.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais à Sarajevo. Je n'aurais pu être nulle

27 part ailleurs qu'à la réunion de la présidence parce que pendant

28 l'agression de Bosnie-Herzégovine, je vivais dans le bâtiment de la

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1 présidence. Donc, j'étais dans le bâtiment, j'étais sur place, j'étais dans

2 les locaux, mais je ne me souviens pas --

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous vous souvenez d'une réunion où M.

4 Izetbegovic a dit qu'il fallait créer des unités territoriales tel qu'on le

5 voit dans cette décision ? Est-ce que vous avez un souvenir ou pas ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, s'il vous plaît. Quand on regarde la

7 liste de ces nominations, on voit qu'il y a beaucoup de ces gens qui

8 étaient à la tête de certains groupes qui ont défendu avec plus ou moins de

9 réussites dans le pays. Or, maintenant, il fallait les réincorporer, les

10 intégrer dans le système.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Le témoin ne répond pas à votre question qui

12 était tout à fait directe, tout à fait précise, une question à laquelle il

13 faut répondre.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, en règle générale, les questions sont très

15 précises, alors, ma question, elle est la suivante : est-ce que vous avez

16 eu un vent ou est-ce que vous avez entendu à un moment donné, au niveau de

17 la présidence, qu'il fallait créer des unités de Défense territoriale tel

18 qu'on les voit réparties dans les localités de Zenica, Sarajevo, et cetera,

19 et cetera.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons fait de notre mieux pour mettre en

21 place de telles unités, mais je n'aurais jamais accepté ces noms et

22 d'abord, je n'étais pas à cette réunion non plus lorsque cela a été

23 proposé, si cela a été proposé lors de la réunion, parce que cela a été

24 peut-être proposé en-dehors de la réunion, en dehors de la session de

25 travail.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que - vous avez répondu, mais je veux que ce

27 soit bien indiqué au transcript - est-ce que le président de la présidence

28 avait le pouvoir de décider de la constitution d'Unités de la Défense

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1 territoriale ? Il semble que vous avez dit non, que cela ne lui incombait

2 pas. Alors, quel est votre point de vue définitif ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon opinion définitive c'est la suivante :

4 nous avions une Défense territoriale qui a été active dès le premier jour

5 de l'agression et que, s'agissant de la nomination des commandants de

6 niveau intermédiaire, c'était l'état-major principal de la Défense

7 territoriale qui en était responsable et pas celui qui était à la tête de

8 la présidence.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui, à l'époque, était à la tête de l'état-major de

10 la Défense territoriale, si vous vous en souvenez ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je m'en souviens. D'abord, il y a un M. -

12 un colonel de la JNA - Efendic. Izetbegovic ne l'aimait pas beaucoup,

13 alors, il l'a fait remplacer, il a fait venir Sefer Halilovic plus tard.

14 Puis ensuite, il a remplacé Sefer Halilovic à son tour, au bout du compte.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document - cela a peut-être échappé à tout

16 le monde, mais je ne pense pas - le dernier paragraphe fait jouer un rôle

17 au ministre de la Défense qui doit organiser les commandements de ces

18 unités. Qui était le ministre de la Défense à l'époque, si vous vous en

19 souvenez ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Jerko Doko.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était un Croate ou un Musulman ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était Croate.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne vous souvenez pas si M. Jerko Doko vous

24 avait parlé de la responsabilité qu'il avait d'organiser ces unités ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en souviens. On se côtoyait et tous les

26 jours c'était la guerre. On était dans le même bâtiment toute la journée

27 longue, tous ces gens-là qui avaient des sentiments patriotiques, mais qui

28 n'avaient pas la formation parce qu'il faut savoir qui en a -- qui, avant

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1 la guerre, était même des repris de justice. Tous ces gens-là, il fallait

2 les intégrer dans une espèce de système -- dans une espèce de Défense

3 territoriale. Ils avaient besoin d'aide -- d'assistance. C'est de cette

4 manière que l'ABiH a été mis sur pied.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause et après, on aura qu'une heure. La

6 dernière question que M. Scott avait soulevée.

7 Monsieur Praljak, quelle est la pertinence ? Parce que c'est une -- vous

8 voulez établir quoi avec ce document ?

9 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] L'acte d'accusation repose sur

10 l'entreprise criminelle commune qui parle de présupposés. A savoir que les

11 dirigeants croates c'est-à-dire les six hommes qui sont assis ici, en 1992,

12 1993, et 1994, tous ces gens-là donc ont travaillé exclusivement pour

13 séparer une partie de la Bosnie-Herzégovine du reste, et que les Musulmans,

14 ils étaient en faveur d'une Bosnie-Herzégovine qui restait en l'Etat, que

15 nous, nous étions des séparatistes et que notre philosophie, c'était de

16 considérer la guerre -- notre façon de voir la guerre, le destin des

17 Croates. C'est tout ce qui explique toutes les atrocités qui ont eu lieu

18 sur le territoire à partir de ce moment-là. Or, ces documents que je suis

19 en train de vous présenter, ce document montre -- c'est évident avec les

20 cartes, avec tout ce qui concerne les brigades, tout ce qui concerne la

21 manière dont la Ligue patriotique s'est comportée ainsi que

22 M. Izetbegovic ainsi que la Défense territoriale, avec le fait qu'il y a

23 zéro croate sur cette liste. On voit donc que l'acte d'accusation n'a

24 strictement rien à voir avec la réalité des faits. Ces documents, bien

25 entendu, ils sèment le trouble au sein des membres de l'équipe du bureau du

26 Procureur parce que rien de ce qui figure dans l'acte d'accusation n'est

27 conforté par ce qui figure dans ces documents. Ces documents sont

28 pertinents, selon moi, et ils montrent l'évolution des événements sur le

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1 long terme mais au quotidien également. On voit comment la situation s'est

2 détériorée. Comment finalement on en est arrivé à la guerre ? Quelles ont

3 été les conséquences de cette guerre, conséquences de l'impossibilité de

4 contrôler les gens qui participaient à cette guerre ? C'est cela qui a

5 entraîné les faits qui sont au cœur de nos débats. C'est la raison pour

6 laquelle j'estime que ces documents ils ont un lien avec l'acte

7 d'accusation lui-même.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour vous, ce document est pertinent parce qu'il y

9 un lien avec votre défense.

10 Alors, il est 6 heures moins 20, nous allons faire une pause, mais M. le

11 Greffier m'indique en raison d'un problème lié à l'expurgation d'un nom, il

12 nous faut 30 minutes. Alors, on reprendra à 6 heures 10.

13 --- L'audience est suspendue à 17 heures 44.

14 --- L'audience est reprise à 18 heures 14.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il nous reste trois quarts d'heure.

16 Monsieur Scott, vous avez besoin de combien de temps pour vos questions

17 supplémentaires ?

18 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaiterais

19 vous dire qu'il me reste environ 20 minutes, mais je vais accepter ce que

20 vous me donnez.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacevic.

22 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, étant donné que vous

23 nous avez permis de nous partager le temps entre les trois accusés, je

24 souhaiterais vous informer que mon client a en tout une heure et 30

25 minutes, donc, 30 minutes du temps original : 30 minutes de Coric et 30

26 minutes de Petkovic. Cela fait une heure 15. Il a utilisé jusqu'à

27 maintenant 45 minutes, selon le Greffe, donc, il lui reste encore une demi-

28 heure.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

2 Alors, Monsieur Praljak, vous terminez. Vous avez une demi-heure

3 encore, et ensuite le quart d'heure qui restera sera pour

4 M. Scott. Alors, ne perdez pas de temps parce que cela va être très juste

5 maintenant.

6 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis

7 vraiment désolé que ce soit ainsi.

8 Q. Monsieur Kljuic, je vous demanderais de prendre la page que j'ai placée

9 sous le rétroprojecteur pour en terminer avec ce document. Nous voyons dans

10 ce document qu'outre que ce document sur la Défense territoriale, sur le

11 document original, il y a une note manuscrite et que c'est M. Izetbegovic

12 qui a inscrit quelque chose dans sa propre main. Est-ce que vous

13 reconnaissez l'écriture de

14 M. Izetbegovic ?

15 R. Oui.

16 Q. Très bien. Merci. Je n'ai plus de question à vous poser sur cela.

17 Question suivante, l'armement de la Bosnie-Herzégovine du HVO de la

18 Croatie, est-ce que vous savez si, pendant toute la guerre, les armes de la

19 Croatie étaient distribuées au HVO et à l'ABiH ?

20 R. Ce n'était qu'à Sarajevo que le HVO -- Sarajevo ne recevait pas

21 suffisamment d'armes. Pour ce qui est du reste c'était à l'extérieur des

22 accords institutionnels. Dans le cadre duquel les hauts représentants du

23 SDA étaient impliqués, et avec les Croates de Zagreb et les représentants

24 du SDA et les Croates hauts placés, Croates qui participaient dans ceci.

25 Q. Est-ce que vous savez qui est le général Cermak ?

26 R. Oui. Il était dans l'armée croate.

27 Q. Est-ce que vous connaissez le général Zagorac ?

28 R. C'était après Cermak.

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1 Q. Très bien. Merci.

2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, montrer au

3 témoin 3D 00439 ?

4 Q. Je demanderais au témoin, de voir ce document, et de confirmer que la

5 date est bien la date du 7 avril. La note du

6 7 avril, la spécification du 7 avril 1993, ainsi que la spécification :

7 "Permis de passer et le QG du HVO l'a approuvé --

8 Il y a le nom de trois Musulmans -- de trois noms de Musulmans; est-

9 ce que vous voyez ceci dans le document ?

10 R. Oui. Ils sont accompagnés de deux chauffeurs, et eux aussi sont

11 Musulmans.

12 Q. Je vous remercie.

13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin le

14 document 3D 00008 ? Pouvez-vous, je vous prie, faire un zoom ?

15 Q. Zagreb, 6 mars, le ministère de la Défense de la République de Croatie,

16 ordre disant de passer par la base de logistiques de Grude de transporter

17 un nombre indiqué de munitions d'obus, et cetera, pour Gradacac et en

18 passant par Visoko. Les chauffeurs sont tous des Musulmans. Tout ceci est

19 destiné aux Unités de l'ABiH.

20 R. Il y a Blazevic, Stipo et c'est un chauffeur croate.

21 Q. Merci.

22 R. Tout est écrit comme vous l'avez mentionné.

23 Q. Je vous remercie, Monsieur Kljuic.

24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin le

25 document 3D 0009 ?

26 Q. C'est ce document-ci, effectivement. République de Croatie, ministère

27 de la Défense. Le 26 mars 1993. Ordre de passer par la base et Logistique

28 de Grude. Les moyens seront pris par M. Seta Sajub de Sarajevo et,

Page 8041

1 s'agissant de l'escorte pour le convoi, c'est M. Juric, Franjo, les autres

2 sont des Musulmans. Est-ce que vous savez qui était M. Seta ?

3 R. Pardon, quel était son nom ?

4 Q. C'était Sajub.

5 R. Non, je connais M. Seta qui était ambassadeur de Bosnie-Herzégovine à

6 Ljubljana.

7 Q. Plus tard. Donc, le document du 26 mars -- ce document du 26 mars fait

8 état des armes de l'ABiH qui sont envoyées par le biais de la base de

9 logistique de Croatie; est-ce que c'est ainsi ?

10 R. Oui.

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je demanderais que l'on montre le

12 document 3D 00010.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Question de ma part très rapide, je ne veux pas

14 prendre du temps de M. Praljak.

15 On a des éléments de preuve qui établissent que la République de Croatie

16 fournissait des armes à l'ABiH puisqu'on a au mois de mars, au moins

17 d'avril, et cetera. Est-ce que les autorités politiques ou les gens qui

18 habitaient à Sarajevo à l'époque savaient que, nonobstant le conflit entre

19 le HVO et l'ABiH, la Croatie livrait des armes à l'ABiH. Est-ce que cela se

20 savait ou vous découvrez cela maintenant ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je savais à l'époque, même quand j'étais à

22 l'extérieur de la présidence, à l'époque où je n'étais pas encore membre de

23 la présidence, que pour Tuzla et plus particulièrement pour Gradacac qu'on

24 livrait, qu'on procédait à la livraison d'armes. C'était un peu sur une

25 base privée, c'était stratégique et je savais que toute la Bosanska

26 Krajina, y compris Bihac, était appuyée ou soutenue par la Croatie, ce qui

27 peut être interprété d'une première façon d'aider les citoyens de la

28 Bosnie-Herzégovine et ensuite, si Bihac tombait, les forces croates se

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1 trouveraient dans une situation assez difficile.

2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je ajouter une question ?

3 Est-ce que vous avez jamais vu ces documents, Monsieur Kljuic, auparavant ?

4 Est-ce que vous les avez vus auparavant, est-ce que vous pouvez nous dire

5 si vous êtes en mesure d'identifier ces documents, est-ce que vous pouvez

6 nous dire si, effectivement, ces documents sont des vrais, est-ce que ce

7 sont des documents qui sont effectivement ce qu'ils prétendent être ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, c'était à l'extérieur des

9 institutions et il y avait donc les relations bilatérales de Tudjman et

10 Izetbegovic avec les individus qui étaient placés plus bas qu'eux.

11 Maintenant, à savoir si la Croatie fournissait réellement en armes ou

12 livraient effectivement les armes pour d'autres parties, je peux vous dire

13 que lorsque j'étais sur le territoire en Bosnie-Herzégovine, je me rendais

14 à Tuzla, Gradacac, Vares; j'étais tout près de Brcko, souvent. Les gens qui

15 exécutaient des fonctions très élevées nous informaient que malgré tout les

16 malentendus, le matériel passait par une partie de la Bosnie-Herzégovine.

17 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci. Je voudrais simplement aviser

18 les Juges de la Chambre que ce Tribunal recevra des milliers de documents

19 de ce type, non pas un ou deux, mais des milliers de documents. Mais juste

20 pour -- vous avez introduit la question suivante.

21 Q. Si les armes de la Croatie n'étaient pas livrées à l'ABiH, avec quels

22 moyens disposaient l'ABiH pour tirer, qui procédait à la production et de

23 quelle façon est-ce qu'ils pouvaient mettre la main sur les armes ?

24 R. C'est une question fort intéressante, mais, puisque je suis également

25 la victime de ce genre de rapport, je souhaiterais vous poser une autre

26 question. Comment se fait-il que vous fussiez en conflit puisqu'une amitié

27 existait, une telle amitié ? Car la plus grande victime de ce conflit,

28 c'était les Croates qui étaient restés en Bosnie-Herzégovine et dans les

Page 8043

1 grandes villes.

2 Si on nous avait posé une question, si on nous avait posé la

3 question, il n'y aurait jamais eu de conflit. Par contre, tout à l'heure,

4 avec l'intrusion d'autres pays, je savais et vous savez très bien que c'est

5 sur cela que comptait Izetbegovic. On est parvenu à un accord qui était

6 bien connu entre Zagreb et Sarajevo, l'accord dans lequel l'aide des pays

7 islamiques arriveraient en Croatie et selon un critère établi, je ne sais

8 pas quel était ce critère, on allait distribuer ces armes. Donc la plupart

9 allaient au Musulmans, mais c'était des intérêts privés, à l'extérieur des

10 institutions, des arrangements privés qui, malheureusement.

11 J'estime que c'était quand même des arrangements positifs, mais qui,

12 malheureusement, n'ont pas pu arriver à neutraliser le conflit entre les

13 Musulmans et les Croates jusqu'à ce que les Américains n'aient dit :

14 "Stop", "Arrêtez," et c'est à ce moment-là qu'on a procédé à la création de

15 Bosnie-Herzégovine, et c'était le plus beau jour de ma vie, c'était le 18

16 mars 1994.

17 Q. Merci, Monsieur Kljuic. Je souhaiterais simplement passer en revue ces

18 faits, maintenant, à savoir comment se fait-il que la guerre ait éclaté, le

19 Tribunal pendant des années. Mais le fait est le suivant, et nous affirmons

20 ceci, en fait je vous demande de consulter ce document du 26 mars 1993.

21 Non, voyez ici le 30, la date du 30, ici : "Encore une fois, Seta de

22 Sarajevo s'occupe de ceci et pour ce qui est du convoi de l'escorte, c'est

23 tous des Musulmans."

24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] J'ai encore sept à huit documents de ce

25 type dont je demanderais le versement au dossier et que je souhaiterais

26 montrer aux Juges de la Chambre. Je souhaiterais que l'on saute ce passage,

27 en fait, ce n'est plus vraiment important.

28 Q. Mais j'aimerais savoir si vous reconnaissez ce document et si vous le

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1 reconnaissez ?

2 R. Je ne reconnais absolument rien. Je vois ce que je vois, je vois des

3 noms de chauffeurs, je vois le matériel qui a été donné, je n'ai absolument

4 aucune raison de douter de ceci parce que je sais que c'était la source

5 principale de l'armement outre celle que nos unités ont pu se procurer lors

6 des combats avec l'agresseur ou elles les ont peut-être achetées d'une

7 autre façon.

8 Mais je peux le dire pour les Juges de la Chambre qu'à l'époque, la

9 Bosnie-Herzégovine était une petite Casablanca. Tout le monde venait vendre

10 leurs armes, plus particulièrement on vendait -- enfin, c'était des soldats

11 étaient dans des forces internationales. Vous savez très bien qu'en Bosnie-

12 Herzégovine, il y avait des Ukrainiens, des Russes, et cetera, puisque

13 c'est une business très bien développée.

14 Q. Je vous remercie.

15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Simplement pour constater, pourriez-

16 vous, je vous prie, montrer ce document au témoin. On peut voir ici

17 "République de Bosnie-Herzégovine, ministère de la Défense." Voilà,

18 simplement pour confirmer. On peut lire Ministre de la Défense de Croatie,

19 République de Croatie et ministère de la Défense.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, le numéro du document ?

21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Le numéro 10, 10.

22 Q. Donc, c'est M. Zagorac, il est conseiller du ministre de la Défense de

23 la République de Croatie; est-ce bien ce qui est écrit ici ?

24 R. Oui.

25 Q. Il me reste deux points à aborder, à savoir est-ce que vous connaissez

26 quelque chose que l'on désigne par le nom accord historique passé le 2 août

27 1991 à Belgrade ? Muhamed Filipovic représentait le peuple musulman dans le

28 cadre de ces négociations d'accord musulmano-serbe. Filipovic Karadzic. Le

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1 2 août 1991. Est-ce que vous êtes au courant de l'existence de cet accord

2 historique ?

3 R. Non seulement suis-je au courant, mais c'était l'un des actes de la

4 trahison de la Bosnie-Herzégovine car, si ce soi-disant accord historique

5 avait été traduit dans les faits, seuls les Croates se seraient trouvés

6 exclus de l'accord, ils auraient endossé le rôle d'agresseur.

7 Cependant, je dois vous dire aussi que, pour miner cet accord, enfin,

8 je suis éloquent, mais je n'ai pas suffisamment de force, cela aurait

9 marché, cet accord, si M. Izetbegovic n'avait pas été hostile à celui-ci.

10 Donc, c'est ce qui m'étonne. Pourquoi l'animosité de la politique croate

11 pendant cette période-là ? Pourquoi était-elle à l'égard de M.

12 Izetbegovic ? Car pour que ce soit clair, je ne le dis pas à votre

13 intention, je le dis pour les Juges. Si Izetbegovic avait accepté cet

14 accord historique, les Serbes avaient des chars et des officiers. Si

15 Izetbegovic avait considéré que c'était bon, s'il avait réussi à persuader

16 le peuple musulman, 300 000 Musulmans seraient partis vers l'ouest et ne

17 seraient pas restés le long de la ligne Karlobag-Virovitica. Ils seraient

18 probablement allés jusqu'à Rijeka avec les Serbes. C'est la raison pour

19 laquelle ce fait historique nous montre le conflit croate aux Musulmans

20 comme un paradoxe.

21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La pièce 00281, s'il vous plaît,

22 puisqu'on ne peut pas rentrer dans tous les détails et toutes les

23 péripéties historiques.

24 Q. Est-ce que cet accord a existé ? Pouvez-vous me confirmer cela ? Oui ou

25 non ?

26 R. Je ne peux pas vous répondre dans ce terme-là, s'il vous plaît. Cet

27 accord, Belgrade a tenté de la passer par Cosic et Milosevic, il a tenté de

28 le passer avec le SDA, le parti politique principal et le dirigeant du

Page 8046

1 peuple musulman. Quand cela n'a pas marché, ils ont essayé de passer par un

2 parti secondaire. Ils ont emmené les hommes politiques dans Zulfikar

3 Alispahic, qui c'était présenté comme candidat aux élections présidentielle

4 de 1990, le candidat d'ailleurs qui a été 42ième d'après le nombre de votes.

5 Il a reçu le moins de vote possible lors de ces élections. C'était cela

6 l'homme convoqué par Belgrade.

7 Q. Non, Monsieur, je vous parle de l'accord dans le texte, vous trouverez

8 sous les yeux. Est-ce que c'est bien Muhamed Filipovic et Radovan Karadzic

9 qui ont passé cet accord et est-ce qu'ils l'ont paraphé à Belgrade ?

10 R. Oui.

11 Q. Je vous remercie.

12 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La pièce 3D 00433, s'il vous plaît. Il

13 s'agit de la transcription de l'émission intitulée prison centrale diffusée

14 à la télévision fédérale de Bosnie-Herzégovine. L'invité est l'académicien,

15 Muhamed Filipovic. Nous ne pouvons pas vous montrer l'image.

16 Q. Mais j'attire votre attention sur le passage surligné. Je vais en

17 donner lecture, en bas : "Pour la Bosnie du point de vue des intérêts

18 bosniaques, du point de vue des intérêts de mon peuple bosnien, la priorité

19 absolue a été d'éviter la guerre."

20 C'est cela qu'il dit, il parle du peuple bosnien et il parle du fait

21 d'éviter la guerre : "C'est la raison pour laquelle nous avons négocié. Je

22 n'ai pas inventé, Monsieur, et ce n'est pas de mon propre chef que je me

23 suis engagé dans les négociations, mais feu Alija Izetbegovic partageait la

24 même opinion, et il m'a mandaté moi et Zulfikarpasic pour qu'on négocie."

25 Encore une fois, ce sont les propos de Muhamed Filipovic prononcé lors de

26 cette émission. On a présenté cela au Tribunal; êtes-vous d'accord ou non ?

27 R. Non, je vais vous dire comment cela s'est passé. Il est exact de dire

28 que messieurs Zulfikarpasic et Muhamed Filipovic sont partis pour Belgrade,

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1 et ils ont tenu au courant de cela

2 M. Izetbegovic. Je le sais. Attendez. Ne m'interrompez pas.

3 Q. On n'a pas le temps. Je n'ai pas le temps, Monsieur.

4 R. Le temps ce n'est pas important. C'est un point très important. Je vous

5 aiderai par la suite pour gagner du temps. Ce qui est censé c'est

6 qu'Izetbegovic ne l'a pas accepté, mais c'était un pragmaticien [phon] dans

7 la politique, il a cédé pour voir comment le peuple musulman réagira. Je

8 dois vous dire que les instances politiques du peuple musulman n'étaient

9 absolument hostiles à cela, et c'est la raison pour laquelle cet accord

10 historique a échoué. S'il n'avait pas échoué --

11 Q. Cela on l'a déjà entendu. Le fait est qu'on a tenté de passer cet

12 accord.

13 R. Très bien. Parfait. Je m'en félicite.

14 Q. Mais on ne trouve pas ici l'interprétation et on ne sait pas quels

15 effets ceci a eu pour le peuple croate.

16 R. Mais c'était tragique.

17 Q. Oui. Exactement, tragique.

18 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je voudrais maintenant afficher la

19 déclaration commune, où l'accord signé par Momir Bulatovic, Alija

20 Izetbegovic, et Radovan Karadzic ainsi que Slobodan Milosevic, cet accord a

21 été signé, et nous verrons en dernière page la date. C'est l'année 1993, en

22 septembre.

23 Auriez-vous l'amabilité d'afficher la première page, point 1 dans le texte

24 croate ? Les Juges de la Chambre ont le texte en anglais. S'il vous plaît,

25 première page, premier point, je donne lecture du premier point : "Afin de

26 faire tout pour que s'arrêtent momentanément toutes les hostilités et les

27 conflits armés entre les forces de Bosnie-Herzégovine et les forces des

28 Serbes de Bosnie, conformément à l'accord du 30 juillet 1993,

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1 immédiatement, et au plus tard, à partir du 18 septembre 1993, précisément

2 à midi, d'établir un contact direct ou le téléphone rouge entre les

3 commandants."

4 Q. Est-ce que c'est écrit ici, le 30 juillet 1993 ?

5 R. Oui, c'est exact, mais ce document ne m'est pas inconnu. C'est la

6 première fois que je le vois.

7 M. KOVACIC : [interprétation] Ce document vous a été fourni plus tard,

8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je vois que vous n'arrivez pas

9 à le trouver. Il a été ajouté en plus.

10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Point 5, s'il vous plaît.

11 Je donne lecture du document : "Afin de mettre sur pied un groupe de

12 travail destiné de charger des questions spéciales qui concernent la

13 délimitation territoriale entre deux républiques de l'union future de

14 Bosnie-Herzégovine, y compris la région de Brcko, de Bosanska Krajina, la

15 vallée de la Neretva, Bosnie orientale, et le mont Ozren, et de même" - je

16 souligne - "y compris le droit naturel des deux républiques à avoir un

17 accès à la mer."

18 Q. C'est ce qui est écrit, Monsieur ?

19 R. Oui, c'est ce que vous venez de dire c'est ce qui est écrit ici.

20 Q. Merci. Donc, il n'est pas dit où ils ont accès à la mer, il est tout

21 simplement dit qu'ils auront un accès.

22 R. Non, mais, pardon, vous avez l'accord Boban-Izetbegovic qui précise où

23 il y a eu une issue à la mer, sortie à la mer.

24 Q. Ce n'est pas un débat ici.

25 R. Non, mais vous voulez que j'accepte un document que je vois par la

26 première fois de ma vie. Quand j'essaie de vous aider pour vous dire où il

27 y aura un accès à la mer, à quel endroit, vous ne m'aidez pas. Il y a un

28 addendum. Il y a un accord bilatéral entre Izetbegovic et Boban.

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1 Q. Je serais ravi de passer cinq jours avec vous.

2 R. Non, mais je ne serais pas ravi, ceci me fait raviver toutes les peines

3 que j'ai eues en tant que victime de la politique menée par d'autres.

4 Q. Dans ce document, je vous montrerais la dernière page en anglais, je

5 vais vous montrer la signature ? Est-ce qu'il est écrit là-dedans ce que

6 j'ai dit ?

7 R. Oui. Sauf que je ne le savais pas. Oui, je ne connais pas ce document.

8 C'est la première fois que je vois.

9 Q. Cette réponse me satisfait.

10 R. Parfait.

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] La dernière page en anglais est-ce que

12 l'on peut l'avoir avec les signatures, s'il vous plaît, sur ce document ?

13 Q. Est-ce que vous reconnaissez l'écriture d'Alija Izetbegovic et sa

14 signature ?

15 R. Oui.

16 Q. Je vous remercie.

17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une question, pour qu'on soit

18 absolument certains. Ce document serait signé également par Momir Bulatovic

19 et Slobodan Milosevic, mais ces deux n'ont pas signé, ils auraient dû

20 signer; est-ce exact ?

21 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Momir Bulatovic et Slobodan Milosevic

22 n'ont pas signé ce document. Radovan Karadzic, Alija Izetbegovic, David

23 Owen, et Thorvald Stoltenberg l'ont signé.

24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

26 Q. Savez-vous qu'à ce moment-là, en été 1993, il y a eu une offensive qui

27 a été lancée, entre autres, la Neretva 1993, donc, offensive de l'ABiH

28 contre les populations -- contre les territoires majoritairement peuplés de

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1 Croates, pour justement avoir un accès à la mer, comme Sefer Halilovic l'a

2 dit. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

3 R. Oui.

4 Q. Dites-moi : à partir de la fin de l'année 1992, avec une arrivée plus

5 importante des Mujahedin, puis tout au long de l'année 1993, savez-vous que

6 les unités musulmanes, dans leur écrasante majorité, au moment où elles

7 s'alignent, au moment où elles partent au combat, poussent le cri : "Allah-

8 u-Ekbar" ?

9 R. Mais on instrumentaliser la religion dans les rangs de l'armée et cela

10 a été fatal pour l'armée. Mais je dois vous dire que tous ces cadres afro-

11 asiatiques qui sont arrivés en Bosnie-Herzégovine, ils n'étaient pas

12 tellement bienvenus aux yeux des citoyens de Bosnie-Herzégovine. Ils sont

13 passés, cependant, par la Croatie et par des centres logistiques que vous

14 avez mentionnés. Vous avez dit que, par ces centres, vous avez envoyé des

15 armes. Ils sont tous passés non pas par la partie de Milosevic, mais par

16 là-bas.

17 Q. Tout comme les armes ?

18 R. Oui. Exact. Parfait.

19 Q. Mais est-ce que vous savez que tous, absolument tous sont passés par la

20 Croatie avec des cartes d'identité de 256 organisations humanitaires

21 enregistrées sur le sol de la Croatie ?

22 R. Mais, justement, qui a autorisé la présence d'autant

23 d'organisations humanitaires ? Chaque Etat se doit de surveiller l'activité

24 de ressortissants étrangers sur son sol et je suppose que le Croatie savait

25 ce que faisait ces étrangers qui sont venus par la suite chez nous semer le

26 trouble.

27 Q. Mais, Monsieur Kljuic, un Etat digne de ce nom, qui a un tiers de son

28 territoire occupé, qui a un demi million de réfugiés musulmans et un demi-

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1 million de réfugiés ou des personnes déplacées croates, avec un nouveau

2 pouvoir, avec une nouvelle constitution, et aussi qui fait face au fait que

3 tout refus de la reconnaissance de toute organisation humanitaire sur le

4 sol croate susciterait la révolte de la communauté internationale,

5 consistant à dire que les Croates cachaient quelque chose. Mais, Monsieur

6 Kljuic, dites-moi : est-ce qu'il était possible, à ce moment-là, de dire en

7 Croatie qu'on allait refuser la création ou l'existence ou le

8 fonctionnement des organisations humanitaires qui allaient aider la Bosnie-

9 Herzégovine ?

10 R. Non. On a pu s'assurer qu'elle fonctionne de manière raisonnable, dans

11 des proportions raisonnables. On ne pouvait pas les arrêter ou interdire.

12 Q. Très bien. Ma dernière question : Slavko Degoricija, en passant par une

13 femme, vous a fait savoir quelles étaient les intentions de Franjo Tudjman

14 à votre égard. Que fait-il au sein du gouvernement croate ?

15 R. Il faisait partie du premier gouvernement croate. Il était ministre du

16 Renouveau. C'était un poste très important, parce que la Croatie était

17 partiellement détruite, occupée. On s'attendait à ce que la reconstruction

18 permettrait d'en faire un état sur la bonne voie, européen, et cetera.

19 Q. Alors, mais, pendant la guerre, le ministre chargé de la reconstruction

20 était une figure insignifiante dans le gouvernement ?

21 R. Je dois dire que je l'ai perçu comme quelqu'un de très important. Il

22 est passé par une femme, certes, pour m'avertir, mais j'ai pensé qu'il

23 était important; cependant, effectivement, vite, il sera marginalisé.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question, vous l'avez dit. Alors, vous

25 n'allez pas en reposer encore une de plus ? En plus, c'était 7 heures moins

26 quart.

27 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je voudrais dire la chose suivante au

28 témoin.

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1 Q. Slavko Degoricija, ce n'était pas un conseiller du président Tudjman,

2 ni un ministre au portefeuille important. Alors, comment, dans ces

3 conditions, auriez pu vous croire que cet homme vous informait par

4 l'intermédiaire d'une femme des interventions du président Tudjman à votre

5 égard ? Est-ce qu'il s'agit peut-être là de simples conjectures ou de

6 quelque chose qui n'est nullement fondé ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Répondez à cette question seulement.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est très compliqué. Ma tête était à Sarajevo

9 et ailleurs. Par la suite, on m'a éliminé. On m'a emmené un homme de la

10 rue, qui, plus tard, a quitté la Bosnie-Herzégovine comme le président nous

11 en avait parlé. En fait, dans le conflit qui a eu -- qui existait entre

12 Izetbegovic et Tudjman, et pour ceux qui se trouvent en Herzégovine, ils

13 écoutaient de Zagreb. Dans le contexte, nous pouvons voir que la Bosnie-

14 Herzégovine était partagée en trois républiques. A Sarajevo, il n'y avait

15 pas de Croates.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans deux républiques.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais M. Boban a même dit que les seuls qui

18 restaient, étaient des traîtres.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : A vous, la parole.

20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

21 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

22 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je pourrais

23 prendre une minute de votre temps ? Les trois documents que nous avons vus,

24 ces trois documents avec une cote D, nous souhaiterions plus tard les

25 verser au dossier. Je souhaiterais simplement mentionner leur numéro, 3D

26 00449, ensuite 3D 00450, c'est la décision avec le passage de la main à

27 Alija Izetbegovic, celui -- d'abord, c'était un tableau de la Défense

28 territoriale et le troisième document, c'est 3D 00451, déclaration

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1 conjointe, dernier document que nous avons examiné.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- demain, pour l'admission des

3 documents.

4 Bon.

5 Alors, Monsieur Scott, pour les questions supplémentaires.

6 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Nouvel interrogatoire par M. Scott :

8 Q. [interprétation] Monsieur Kljuic, nous n'avons que quelques minutes,

9 donc, je serai très bref et je vais vous demander vous-même aussi d'être

10 très succinct dans vos réponses. Je souhaiterais qu'on présente au témoin

11 la pièce P 00600.

12 On vous a posé plusieurs questions, Monsieur, au sujet de la politique de

13 Izetbegovic et du gouvernement de Sarajevo, s'agissant de ce qui était en

14 train de se passer en ex-Yougoslavie à l'époque. Donc, on vous a posé des

15 questions au sujet des déclarations alléguées - alléguées je le répète -

16 parce que vous l'avez mentionné, dans votre déclaration précédente, on n'a

17 pas le temps d'en parler de manière approfondie, mais donc il s'agit de la

18 déclaration selon laquelle M. Izetbegovic aurait dit : "Ce n'est pas notre

19 guerre." J'aimerais que vous examiniez le paragraphe 5 de ce document,

20 deuxième page.

21 R. Un instant, je vous prie. Est-ce que vous pourriez me montrer le croate

22 à l'écran ?

23 Q. J'aimerais qu'on zoome sur le paragraphe numéro 5. Non, je ne crois

24 qu'on ait trouvé la bonne page en croate.

25 R. Oui, merci. A droite ? Oui, d'accord.

26 Q. Monsieur, est-il exact qu'ici, dans ce PV de la réunion de la

27 présidence de la Bosnie-Herzégovine, que vous avez signé, vous et M.

28 Kostroman, est-ce qu'une décision a été prise d'endosser -- d'approuver la

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1 décision prise par la Bosnie-Herzégovine de se prononcer pour la

2 neutralité ?

3 R. Oui, c'était la seule possibilité. La seule possibilité, c'est-à-dire

4 de ne pas participer activement à l'agression ou -- contre la Croatie et

5 paralyser la Serbie, parce qu'on avait dit ici qu'il ne fallait pas que la

6 Bosnie-Herzégovine soit un camp d'entraînement et un camp duquel -- ou un

7 terrain duquel on puisse mener des attaques contre l'autre partie.

8 Q. Cela a été la politique officielle du HDZ de Bosnie-Herzégovine à

9 partir d'octobre 1991, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. On vous a demandé pourquoi la Bosnie-Herzégovine n'aurait pu autoriser

12 la JNA à mener sur son territoire des actions contre la Croatie. Pouvez-

13 vous dire en quelques mots aux Juges de la Chambre si quiconque en Bosnie-

14 Herzégovine à l'époque, avait la capacité d'empêcher la JNA d'opérer en

15 Bosnie-Herzégovine, en ex-Yougoslavie, donc en Croatie ou en Bosnie ? Ceux

16 quiconque qui avaient cette possibilité, ce pouvoir, s'il l'avait voulu ?

17 R. Non. L'armée populaire yougoslave au Règlement en vigueur à l'époque,

18 cette armée avait le droit de procéder à des manœuvres et le mouvement des

19 troupes se faisait toujours sous couvert d'exercice de manœuvres. D'autre

20 part, il faut savoir que la Croatie n'avait pas la possibilité d'empêcher

21 cela sur son territoire, d'empêcher les mouvements et les tirs de la JNA

22 sur sont territoire.

23 J'ai eu un duel disons verbal avec le ministre de la Défense actuel

24 de l'époque qui lors d'une réunion à Zagreb m'a dit : "Mais pourquoi est-ce

25 que vous nous tirez dessus ?" Ils affirmaient qu'il y avait des tirs qui

26 étaient ouverts en provenance du territoire de Bosnie-Herzégovine, c'est

27 vrai, mais c'était les Tchetniks de la JNA qui tiraient. Je lui ai dit :

28 "Mais pourquoi est-ce que vous n'empêchez pas ce qui se passe à Mirkovci ?"

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1 C'est un village chetnik pas loin d'Osijek, à quelques 17 kilomètres

2 d'Osijek. Cela se trouve sur le territoire de la Croatie.

3 Donc, le système de Défense de la Croatie et le système de Défense

4 population de la Bosnie-Herzégovine ne pouvaient pas faire face de manière

5 efficace à l'armée populaire yougoslave.

6 Q. Monsieur, est-ce qu'à un moment donné, en 1991, on peut dire qu'il y

7 avait environ un tiers du territoire de la République de Croatie qui était

8 occupé par la JNA ou par des forces militaires serbes ?

9 R. Oui. L'armée populaire yougoslave et les insurgés serbes.

10 Q. Est-il exact que le président Tudjman de Croatie n'avait pas plus la

11 possibilité que le président Izetbegovic de Bosnie d'empêcher la JNA de

12 faire ce qu'elle souhaitait faire ?

13 R. Il ne pouvait pas le faire, effectivement, parce que, comme vous l'avez

14 vu précédemment, les communistes de Croatie ainsi que les communistes de

15 Bosnie-Herzégovine ont trahi leur propre patrie et ont donné les armes de

16 la Défense territoriale.

17 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on vous présente la

18 pièce P 00116, P 00116. J'aimerais que l'Huissier nous aide à aller aussi

19 rapidement possible et à passer rapidement à la page 4 dans la version en

20 anglais du document. Malheureusement, je ne suis pas sûr de la page

21 correspondante dans la version B/C/S, c'est peut-être aussi la page 4, donc

22 la page qui nous intéresse. Oui, merci. J'aimerais qu'on zoom sur le

23 paragraphe qui s'intitule : "Evaluation du travail et du rôle du parti…" On

24 procède à cet exercice sur les deux pages.

25 Q. Est-ce que vous avez trouvé le passage où on dit : "L'attitude des

26 représentants croates au sein de l'Assemblée de la Bosnie-Herzégovine, en

27 particulier, lorsqu'on a pris des décisions au sujet de la question du

28 référendum est une conséquence directe de l'absence de prise politique

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1 claire."

2 Quand on parle de représentants croates dans l'Assemblée de Bosnie-

3 Herzégovine, de qui parle-t-on et comment se fait-il que ces gens se sont

4 retrouvés à ce poste au sein de l'Assemblée de Bosnie-Herzégovine ?

5 R. Oui. Nous avions des représentants qui étaient assignés sur deux bases.

6 D'abord, il y avait 44 représentants du HDZ sur les 240 membres du

7 parlement de Bosnie-Herzégovine. Tous nos représentants, à l'exception d'un

8 d'entre eux, étaient favorables à un référendum portant sur l'indépendance.

9 Q. Je vais vous interrompre parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.

10 Ces 44 représentants que vous aviez au sein de l'Assemblée de Bosnie-

11 Herzégovine, est-ce qu'ils étaient tous élus ou est-ce que leur nomination

12 découlait de ce qui s'était passé -- enfin des élections démocratiques de

13 1990 ?

14 R. Oui.

15 Q. Donc, ces Croates qui avaient été élus démocratiquement s'étaient

16 prononcés au sein de l'Assemblée, avaient voté en faveur du référendum ?

17 Enfin, première version, ils s'opposaient à toute autre version, n'est-ce

18 pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Au cours de votre déposition, vous avez parlé à plusieurs reprises de

21 M. Miro Lasic et à un moment donné, on vous a empêché, on ne vous a pas

22 donné la possibilité de donner des explications supplémentaires, à savoir

23 comment il se faisait qu'il avait participé aux discussions relatives au

24 plan Cutileiro et le fait qu'il était devenu membre de la présidence à

25 votre place.

26 Premièrement, avant que nous en terminions, je vais vous donner la

27 possibilité de nous dire ce que vous souhaitez dire sur ce point et

28 deuxièmement, j'aimerais que vous nous disiez si vous estimez que M. Lasic

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1 était un modéré au sein du HDZ.

2 R. Dans la première phase, jusqu'au moment où il était remplacé, il était

3 relativement modéré. Mais il s'agissait d'un homme qui aurait pu être utile

4 dans n'importe quelqu'un qui avait eu une tendance à la violence. C'est un

5 républicain, un membre de la société civile, et cetera.

6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous interromps, Monsieur Scott,

7 j'aimerais une précision. Dans votre question, vous avez parlé de

8 représentants croates. Est-ce qu'il s'agit de représentants de la

9 République de Croatie ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, non. C'était des citoyens de la

11 Bosnie-Herzégovine qui appartenaient à la communauté ethnique croate. Parce

12 qu'au parlement, il y avait des Musulmans, il y avait des Croates, des

13 Serbes, des athées, des socio-démocrates, des réformateurs, des libéraux.

14 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

15 Q. Est-ce que c'est ce même M. Lasic qui, plus tard, a quitté le

16 gouvernement de Bosnie-Herzégovine avant que vous-même vous ne réintégriez

17 la présidence ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que, quand tous les autres Croates de Bosnie s'étaient retirés

20 du gouvernement central --

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Opposition, objection, parce qu'ici on est

22 en train de faire des suppositions. Il a dit qu'ils s'étaient retirés, donc

23 je signale que le Procureur n'a pas à déposer ici. Je ne vais pas me lever

24 pour le contre-interroger.

25 M. SCOTT : [interprétation] Je reformule.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

27 M. SCOTT : [interprétation]

28 Q. Est-ce que vous savez, Monsieur Kljuic, quoi que ce soit au sujet des

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1 membres du gouvernement qui s'étaient retirés du gouvernement et pourquoi

2 et à quel moment ?

3 R. Il y en a qui ont pris la fuite dès le début de l'agression, ils ont

4 passé cinq mois à l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine, il y avait parmi

5 eux des Serbes, des Croates et des Bosniens. Mais ici je parle des Croates

6 et eux ils sont restés à Zagreb jusqu'à ce qu'on les remplace.

7 S'agissant de la situation critique que connaissait la Bosnie-

8 Herzégovine, la période critique, c'est-à-dire l'automne 1992, 1993, au

9 moment où on m'a remplacé et où on a fait venir M. Akmadzic Miro en tant

10 que premier ministre, celui qui a remplacé Jure Pelivan,

11 M. Lasic, aussi, à un moment donné, la présidence s'est retrouvée sans un

12 seul Croate.

13 Bien entendu, le Groupe de contact et ceux qui voulaient que le

14 conflit de Bosnie prenne fin ont recommandé la réintégration de la

15 présidence, ils voulaient que la présidence redevienne l'organe politique

16 numéro un du pays. M. Izetbegovic, les gens qui sont restés au sein de la

17 présidence de guerre, ils avaient à côté d'eux, dirons-nous, un siège vide

18 pour les Musulmans, celui de Fikret Abdic, et ils ont fait venir M.

19 Durakovic qui est arrivé troisième aux élections. J'étais le seul à avoir

20 gagné les élections, donc, je suis retourné à la présidence étant donné que

21 M. Boras avait abandonné l'idée de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat.

22 Le troisième homme à la deuxième place, c'était Ivo Komsic qui a gagné ce

23 droit lors des élections.

24 Donc, pour la première fois, l'Etat retrouvait la place qui était la

25 sienne avec son institution numéro 1. L'objectif c'était d'essayer de

26 remédier aux effets de la politique qui avait été menée précédemment.

27 Q. Très rapidement, ligne 7, page 103. On a l'impression que vous avez

28 parlé de la Grande-Serbie, mais, en fait, je crois que ce que vous avez

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1 dit, vous, vous avez parlé de Zagreb, à ce moment-là, n'est-ce pas ? Vous

2 avez dit qu'on tirait les ficelles depuis Zagreb, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous venez de parler de M. Komsic; pouvez-vous nous dire qui était-il ?

5 Est-ce que c'était un Croate de Bosnie, M. Komsic ?

6 R. Oui.

7 M. SCOTT : [interprétation] Pour terminer, avec la patience de la Chambre,

8 j'aimerais encore profiter d'une minute.

9 Q. Je ne veux pas vous mettre en difficulté, Monsieur Kljuic, mais suite

10 aux questions qui vous ont été posées par M. Praljak, je dois vous poser

11 des questions au sujet des combats qui ont eu lieu autour de Tomislavgrad,

12 Livno, Bugojno entre les forces serbes et les forces du HVO. Est-ce que

13 vous vous souvenez des dates de ces combats ?

14 R. Les combats ont eu lieu en plusieurs cycles. Le premier cycle de

15 combat, on peut dire qu'il s'est déroulé au cours de l'automne 1992 et

16 ensuite, quand le HVO a réussi à défendre l'essentiel du territoire, en

17 1993, on a assisté à des tentatives pour utiliser le vide au sein de la

18 Défense des territoires croates, pour aller vers Split, pour couper en deux

19 les territoires croates, pour isoler la population croate.

20 Q. Dernière question au sujet de ces combats. Si on pense, par exemple, à

21 ce qui s'est passé autour de Stolac, Capljina, Mostar, dans la période de

22 mai à juin 1992, aux combats qui se sont déroulés à cet endroit, je voulais

23 savoir si vous avez des informations quel qu'elles soient sur la durée des

24 combats et sur le nombre de pertes enregistrées du côté serbe.

25 R. Les Serbes n'ont fourni aucune information, même par l'intermédiaire de

26 la Croix-Rouge. Ceci, on a pu s'en rendre compte uniquement à partir des

27 images venant de Bijeljina, des villes qui étaient serbes à l'époque, comme

28 Banja Luka. Soudain, on voyait 30 avis de décès ou 30 nécrologies et on se

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1 disait : "Mais comment cela se fait que tous ces gens-là soient morts ? Ils

2 ne peuvent pas -- il n'y a pas eu d'épidémie de grippe." Donc, il y avait

3 beaucoup de gens qui venaient du front de Mostar et qui sont morts là-bas.

4 Beaucoup de victimes, beaucoup de brutalité avec des gens qui se sont

5 comportés comme Ratko Mladic. Donc on peut dire qu'il n'y avait aucune

6 différence entre ces deux hommes et c'était une époque marquée par la

7 brutalité.

8 La survie du HVO était absolument essentielle, parce qu'à Grahovo et

9 Glamoc, ils ont dû faire une brèche dans une sorte de forteresse qui avait

10 été mise sur pied par une armée professionnelle serbe, mais ils étaient

11 très optimistes. Ils ne pensaient pas qu'ils allaient échouer, mais ils

12 n'ont pas mis en place de deuxième ou de troisième ligne de défense et

13 quand la première ligne est tombée, à ce moment-là, ils se sont enfoncés

14 aussi loin que possible sur le territoire, aussi bien que possible.

15 Q. Merci.

16 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, il y a d'autres

17 questions que je voulais aborder, mais comme je n'ai pas le temps, je

18 m'interromps ici. Merci.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, votre audition vient de se terminer à La

20 Haye. Je vous remercie au nom de mes collègues d'être venu aujourd'hui pour

21 témoigner à la demande de l'Accusation.

22 Comme vous le savez, nous poursuivons notre audience avec un nouveau témoin

23 et j'invite à venir pour l'audience qui débutera demain à 9 heures. Je vous

24 remercie.

25 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le mardi 10 octobre

26 2006, à 9 heures 00.

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