Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 16 octobre 2006

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous pouvez appeler le numéro

6 de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Affaire

8 IT 04-74-T, le Procureur contre Prlic et consort.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue toutes les

10 personnes présentes, les représentants de l'Accusation, je salue les

11 avocats, je salue également les accusés qui sont présents.

12 Alors, aujourd'hui, nous avons un témoin qui va déposer aujourd'hui

13 et demain. L'Accusation a, d'après sont tableau, prévu trois heures. Nous

14 estimons que la Défense devra avoir trois heures et demie, avec le général

15 Petkovic, une heure, et chacun des accusés, 30 minutes. Donc pour le

16 général Petkovic, une heure, et les autres, 30 minutes, ce qui fait que

17 normalement si tout le monde se tient bien au planning, nous devrions

18 terminer avec ce témoin demain.

19 Alors, j'avais demandé à M. le Greffier de me faire le décompte de

20 l'utilisation du temps. Alors, grosso modo, l'Accusation a eu pour son

21 interrogatoire principal environ 90 heures. La Défense, avocats et accusés,

22 125 heures, c'est-à-dire presque 30 % de plus que l'Accusation. Les Juges

23 ont utilisé 23 heures pour leurs questions et, à ma grande surprise, on a

24 passé 80 heures en problèmes de procédure, les objections, tous les

25 problèmes, 80 heures, ce qui est énorme. Je crois que Me Karnavas va en

26 rajouter parce qu'il veut prendre la parole pour un problème. Alors cela

27 entrera dans la procédure.

28 Alors, Maître Karnavas, vous avez la parole.

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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

2 Juges. Je ne voudrais pas contribuer à cela, mais je me réjouis que la

3 Chambre ait soulevé la question, puisque cela nous préoccupe également. En

4 fait, M. Mundis, du côté de l'Accusation, a fait savoir qu'il pensait

5 qu'ils auraient besoin de leur 400 heures dans leur totalité, les 400

6 heures qui leur sont imparties. Je pense que c'est juste, et je pense

7 qu'effectivement ils avancent aussi vite qu'ils peuvent, même s'il y a eu

8 des petites entraves. Je suis certain que nous en aurons, nous aussi.

9 Alors, comme nous avons fait depuis cinq mois, il semblerait que

10 l'Accusation aura encore 15 mois avant d'en terminer avec la présentation

11 de ses moyens. En d'autres termes, si on tient compte de leur temps, de

12 notre temps, le temps nécessaire à la Chambre, il y aura quelques

13 adaptations nécessaires, des questions de procédure. Mais cela préoccupe la

14 Défense puisque le Greffe, sans nous demander notre avis, nous a imparti 12

15 mois et deux semaines. Pour ce qui est de la présentation des moyens de

16 l'Accusation, je ne voudrais pas maintenant rentrer dans cette question à

17 ce stade, mais je voudrais attirer l'attention de la Chambre là-dessus.

18 S'il est possible, la Chambre pourrait-elle nous fixer une date, nous

19 dire à quelle date elle pense que l'Accusation aura terminé sa

20 présentation, fin juillet, début octobre, on parle en terme d'heures. Je

21 pense que ceci nous aiderait énormément si on avait une date à l'esprit.

22 Pourquoi ? Parce que la Défense devrait s'adresser au Greffe à partir de ce

23 moment-là. Peut-être que pendant quatre ou cinq ou six mois la Défense

24 devra travailler sans ressource supplémentaire. Les Juges des Chambres sont

25 payés tous les mois. L'Accusation de même. On ne peut pas s'attendre à ce

26 que les avocats de la Défense travaillent sans être rémunérés. Nous avons

27 aussi des assistants, des familles. C'est une question qui se pose. Je

28 voudrais demander à la Chambre de nous donner une date, si cela est

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1 possible, et ceci aiderait énormément l'Accusation également si elle savait

2 à quel moment elle doit nécessairement terminer sa présentation des moyens.

3 C'était tout.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez bien fait effectivement

5 de soulever ce problème. Il est quasi certain pour la Chambre, enfin, je

6 m'exprime à titre personnel, mes collègues peuvent également intervenir

7 s'ils le souhaitent. Il est évident qu'il est hors de question que vous

8 travaillez gratuitement. Cela c'est bien évident. Si le procès dure 15 mois

9 en présentation par l'Accusation, les avocats sont payés pendant 15 mois,

10 pas pendant 12 mois. Cela serait totalement aberrant. Rassurez-vous de ce

11 côté-là, vous aurez tout à fait le soutien de la Chambre.

12 En revanche, vous dites que l'Accusation, au rythme, devrait avoir 15 mois.

13 Je ne suis pas tout à fait convaincu, parce qu'en théorie, l'Accusation

14 doit tenir compte d'un nombre de témoins qui peuvent basculer dans le 92

15 bis ou dans le 92 ter, voire dans le 89(F). Donc l'Accusation a

16 certainement des possibilités pour gagner du temps.

17 Mon souci, et c'est pour cela que je l'ai dit, je me suis rendu compte

18 qu'on avait passé près de 80 heures en problèmes de procédure. C'est

19 évidemment autant de mois que l'Accusation a pu utiliser. Il est fort à

20 parier maintenant qu'en raison des décisions multiples que nous avons

21 prises, on va gagner du temps au point de vue procédure. Il y aura moins

22 d'objections, moins de problèmes, et qu'à ce moment-là ce temps gagné

23 permettra évidemment à l'Accusation de déployer ses efforts pour présenter

24 ses éléments de preuve. On a passé quand même 80 heures en problèmes de

25 procédure, ce qui est quand même énorme.

26 Alors à ce stade, bien que Monsieur Mundis vous ayez peut-être pas une

27 vision claire, l'Accusation nous dit -- enfin la Défense nous dit que

28 d'après ses estimations vous en avez encore pour 15 mois.

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1 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ce n'est pas du

2 tout clair justement combien de temps il nous faudra. Nous avons dit à

3 plusieurs reprises que nous avions l'intention d'utiliser nos 400 heures.

4 Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour avancer aussi vite que

5 possible.

6 Permettez-moi de dire la chose suivante pour le compte rendu d'audience,

7 puisque nous ne pouvons pas entièrement contrôler le temps qui est utilisé,

8 l'Accusation ne souhaite pas qu'une date soit fixée comme date butoir pour

9 la fin de la présentation des moyes de l'Accusation. Compte tenu du calcul

10 fait par le Greffe, nous pensons que nous avons utilisé à peu près 80

11 [comme interprété]heures pour auditionner à peu près 35 témoins, je pense

12 que cela a été une manière assez efficace d'utiliser le temps, et nous

13 allons essayer de procéder à l'avenir en s'appuyant sur tout ce que le

14 Règlement nous permet d'utiliser pour faire de même.

15 Je comprends la difficulté de la situation de la Défense. C'est uniquement

16 une question qui se pose entre le Greffe et la Défense et peut-être la

17 Chambre. De voir quels efforts peuvent être faits pour faciliter la

18 situation de la Défense, nous sommes prêts à le faire.

19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, je ne prendrai pas

20 beaucoup de temps.

21 J'ai du mal à admettre l'attitude du bureau du Procureur. Je comprends

22 qu'il est très difficile pour vous d'anticiper combien de temps il vous

23 faudra, parce qu'effectivement, ce n'est pas vous qui maîtrisez entièrement

24 les débats. Nous ne le savons pas, mais la Défense ne contrôle pas non plus

25 les débats, mais vous devez accepter qu'on s'attend légitiment à ce que

26 vous nous donniez des pronostics qui permettrait à la Défense de se placer.

27 Il ne suffit pas de dire : "Nous ferons tous ce qui est en notre pouvoir ou

28 de notre mieux." Je suis désolé.

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1 M. MUNDIS : [interprétation] Permettez-moi de répondre brièvement, Monsieur

2 le Juge.

3 Nous sommes face à un problème, nous avons réitéré cela depuis le début,

4 nous ne savons pas combien de temps sera utilisé par le contre-

5 interrogatoire. C'est très important. Nous ne savons pas non plus à

6 l'avance combien de temps prendra la Chambre. Si je vous disais qu'il nous

7 faudra 310 heures de plus pour terminer la présentation de nos moyens ou

8 300 heures, ce serait juste si on suppose qu'il y aura 300 heures pour la

9 Défense, cela fera 600 heures en tout, et aucun moment pour les questions

10 posées par les Juges, ou 10 %, disons, de temps supplémentaire pour les

11 questions posées par les Juges.

12 Sur la base des statistiques que nous avons, je peux vous dire que nous

13 prenons un peu moins d'une heure 30 par jour, donc une journée pleine

14 d'audience, de 9 à 13 heures 45 ou de 14 heures 15 à 19 heures, une journée

15 pleine d'audience, nous utilisons un peu moins de 90 minutes en moyenne

16 jusqu'à présent, c'était cela le cas. C'était cela le temps que nous avons

17 utilisé.

18 Je vous garantis que nous essayons de procéder par 92 ter, 92 bis, 89 (F),

19 pour avancer aussi vite que possible. Mais à cette cadence, à ce rythme,

20 prévoir le nombre de jours en se basant sur le nombre de témoins qui

21 restent et le temps qu'il nous reste, ce serait complètement arbitraire.

22 Avec tous mes respects pour toutes les parties présentes, les 90 heures que

23 nous avons utilisées jusqu'à présent, je pense que nous les avons utilisées

24 à bon escient pour vous présenter des éléments dont vous avez besoin pour

25 prendre votre décision et pour exercer vos responsabilités de Juges de la

26 Chambre de première instance. Nous sommes tout à fait ouverts à toutes

27 suggestions venant de votre part pour nous indiquer comment il convient de

28 procéder, mais nous ne contrôlons qu'un tiers à peu près de ce qui se

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1 produit dans le prétoire pour ce qui est du contre-interrogatoire et des

2 questions de la Chambre qui nous échappent complètement.

3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne trouve pas que ce soit aussi

4 difficile. Vous avez de l'expérience maintenant, vous pouvez vous appuyer

5 sur cette expérience donc vous nous dites une heure et demie par jour

6 utilisée par vous. Je suis un petit peu moins optimiste que notre Président

7 pour ce qui est du changement dramatique et la disparition des questions

8 procédurales. Je pense que c'est inhérent à ces procédures que ces

9 questions vont se poser et que ceci nous rend la situation difficile. C'est

10 la règle du jeu, et il faut s'y plier.

11 Vous dites il vous faudra à peu près 300 heures de plus, 310 heures.

12 Les deux tiers de cela, si vous prenez une heure et 30 par journée ouvrable

13 ici, cela veut dire qu'il vous faudra un peu plus de 200 jours, et je pense

14 que ce serait probablement une évaluation réaliste.

15 M. MUNDIS : [interprétation] C'est un excellent point que vous faites, M.

16 le Juge Trechsel, à raison de quatre jours par semaine, ce serait à peu

17 près 50 semaines de plus d'audience, si on ne tient pas compte des journées

18 libres, les 50 journées de plus, y compris les vacances judiciaires,

19 signifie qu'il nous faudra jusqu'à la fin de l'année 2007 pour avoir nos

20 300 heures que nous avons prévues sur la base des décisions de la Chambre.

21 Si en moyenne on n'utilise pas autant de temps que jusqu'à présent,

22 on va s'engager en 2008. Cela va être au début de 2008 qu'on pourra

23 terminer notre présentation des moyens de preuve. Je ne voudrais pas du

24 tout qu'on se fixe une date limite trop figée, mais à raison de quatre

25 jours par semaine et 90 minutes par jour, environ 6 heures par semaine sont

26 nécessaires pour les interrogatoires de l'Accusation. Donc à ce rythme-là,

27 ce sera un peu plus de 50 semaines, et vers la fin de 2007, on aura

28 terminé, à ce rythme-ci.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je partage tout à fait le point de vue que

2 vient d'exprimer mon collègue. En principe, l'Accusation doit savoir où

3 elle doit aller, et vous devriez normalement avoir une vision claire de la

4 présentation de votre cause.

5 Etant observé que plus les jours et plus le nombre d'audiences vont

6 se dérouler, il y a du temps qui sera gagné, parce que ce n'est pas la

7 peine de répéter toujours les mêmes problèmes, les mêmes questions. Je vais

8 en citer deux : la question de l'eau à Mostar, les problèmes des convois,

9 et cetera. Bon, il y a des sujets qui ont été abondamment évoqués et

10 débattus sans que, chaque fois qu'un témoin vienne, lui reposer les mêmes

11 questions.

12 En revanche, il apparaît, et on l'a vu pas plus tard que jeudi

13 dernier dans le cadre du contre-interrogatoire, on voit apparaître une

14 nouvelle problématique. La nouvelle problématique, c'était celle de la

15 question des échanges de prisonniers. Bon, c'est une thèse de la Défense

16 sur le fait que les Croates ont échangé des Musulmans contre des Croates.

17 Bien, alors cela, évidemment, c'est problématique, cela doit appeler

18 évidemment un intérêt et du temps là-dessus. C'est aussi dans le cadre du

19 contre-interrogatoire, à la Défense, de ne pas revenir toujours sur les

20 mêmes problèmes qui sont maintenant parfaitement identifiés et connus de la

21 Chambre.

22 Alors concernant les problèmes de procédures, j'ai en souvenir les

23 objections de Me Murphy la semaine dernière. A plusieurs reprises, il y a

24 eu des objections sur le fait qu'un document présenté à un témoin, alors

25 que le témoin ne connaît pas ce document -- objection. Vous savez que la

26 Chambre a déjà tranché en disant que le document, même si le témoin ne

27 connaît pas le document, mais si le contenu est en rapport avec le témoin,

28 la Chambre admettra ce document. Alors ce n'est pas la peine à chaque fois

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1 de nous refaire des objections sur des problèmes qui ont déjà été tranchés.

2 C'est là où on perd du temps.

3 Je suis convaincu qu'au fil du temps, on ne pourra que gagner du

4 temps, et les uns et les autres seront de plus en plus performants. Par

5 contre, évidemment, je n'ai pas la vision exacte de savoir à quel moment le

6 Procureur va terminer la présentation de ses moyens de preuve, étant

7 observé que les 400 heures qui ont été allouées, c'était un nombre d'heures

8 global. Mais c'est à l'Accusation, dans ce nombre d'heures, de dispatcher

9 les témoins en fonction des besoins. Je vais citer un exemple : faire venir

10 quatre victimes pour un même fait. Peut-être qu'une victime, cela suffit.

11 Ce n'est peut-être pas nécessaire d'en faire venir trois autres qui vont

12 redire la même chose. Donc là, il y a une économie d'échelle à envisager.

13 Cela, c'est à l'Accusation, évidemment, d'anticiper tous ces problèmes.

14 Par ailleurs, et j'ai fait des comparaisons avec d'autres Chambres,

15 jusqu'à présent, on n'a pas eu des audiences qui se sont arrêtées faute de

16 témoins, d'annulations in extremis, c'est arrivé une fois. On est dans un

17 rythme important, continu, et on n'a pas eu d'avatar jusqu'à présent. Alors

18 il faut espérer que cela continue, personne n'a été malade, donc on a pu

19 continuer. Alors en théorie, si on continue sur ce rythme, l'Accusation

20 pourra certainement boucler ses 400 heures.

21 Alors, étant précisé comme elle a utilisé 90 heures, grosso modo, elle a

22 utilisé 25 % de son temps, il lui reste encore 75 %. Mais j'ai bon espoir

23 que sur les 75 % qui restent, il y a un certain nombre de témoins dont

24 peut-être la venue ne sera pas nécessaire, compte tenu du fait qu'un

25 certain nombre de témoins sont venus. Cela, c'est à vous évidemment de

26 revoir cela.

27 Tout à l'heure on va avoir un témoin international. Alors peut-être que

28 dans les internationaux, si vous faites venir le "big boss", il est peut-

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1 être pas besoin de faire venir le numéro 2 ou le numéro 3, ainsi de suite.

2 Donc là aussi, c'est à vous de bien présenter les témoins pour essayer de

3 gagner du temps.

4 Maître Kovacic.

5 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, au sujet de vos

6 préoccupations pour ce qui est du temps utilisé en questions procédurales,

7 les 80 heures que vous avez citées, puisque nous sommes déjà dans une

8 analyse très approfondie de ce que nous avons fait jusqu'à présent, Me

9 Karnavas, Me Murphy et moi-même ou plutôt les deux confrères, lorsqu'ils

10 prennent la parole, c'est le plus souvent au nom des six équipes de la

11 Défense. La Défense souhaite contribuer à l'économie du temps, et en règle

12 générale, à chaque fois que cela nous réussit, nous nous mettons d'accord,

13 nous nous concertons et nous déléguons un avocat qui prendra la parole sur

14 un point précis. Je pense que vous l'avez relevé jusqu'à présent.

15 Il y a eu justement des remarques que je faisais par exemple au sujet

16 de documents, moi, personnellement, et on continuera de faire ainsi, mais

17 il s'agit néanmoins de six équipes de Défense, et non pas d'une seule. Même

18 si nous essayons de faire tout pour économiser du temps et d'avancer de

19 manière efficace, cela n'est pas toujours absolument possible.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Un exemple. Vous aviez fait, je me rappelle, des

21 observations sur un document concernant une personne qui était décédée, sur

22 un état civil. La Chambre, elle a tranché. Si maintenant le cas se

23 renouvelle, ce n'est pas la peine de revenir faire la même observation

24 puisqu'on a déjà tranché. Vous voyez, si vous vous relevez pour dire : mais

25 ce document de décès, il y la motion qui est en dessous, je conteste, et

26 cetera, alors qu'on a déjà eu le même cas, c'est là où vous pouvez éviter

27 ce type d'intervention. Puisque la Chambre a pris une position, il n'y a

28 aucune raison de revenir pour nous sur une position qu'on a prise par écrit

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1 ou oralement. Voilà, je vous cite cela.

2 Mais en tout cas, je remercie la Défense du fait que lorsqu'un avocat

3 parle, il parle pour les questions de procédure au nom de tous les autres.

4 Là aussi, cela permet un gain de temps. Quand Me Karnavas, tout à l'heure,

5 est intervenu, il est intervenu évidemment pour l'ensemble des avocats sur

6 cette question de la rétribution des avocats pendant la phase de la

7 présentation des éléments de preuve par l'Accusation.

8 J'ai un collègue aussi qui veut intervenir.

9 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je ne voudrais pas prolonger ce

10 débat, puisque nous avons déjà pris suffisamment de temps. Mais je tiens

11 néanmoins à dire la chose suivante : la Défense a pris la parole,

12 l'Accusation a pris la parole, la Chambre elle aussi, mais il nous faut

13 tenir compte du fait que pour ce qui est du calendrier, il est très

14 important de ne pas perdre de vue les intérêts des accusés. Il ne fait

15 aucun doute que si nous pouvons terminer dans le respect des droits des

16 accusés et de ce Tribunal, ce sera dans l'intérêt des accusés que l'on

17 avance de manière prompte, mais en respectant toutes les Règles et les

18 articles qui doivent être respectés ici.

19 Je me joins à ceux qui ont demandé que l'on respecte le Règlement et

20 qu'on essaie de faire de son mieux. La Chambre, pour sa part, devrait tenir

21 compte de la question du calendrier et faire attention aux questions

22 qu'elle pose, tout comme les parties doivent le faire.

23 C'est tout ce que je souhaitais dire aujourd'hui. Merci.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacic.

25 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je serai très bref.

26 Mais précisément au sujet de l'exemple que vous avez cité, vous vous

27 rappellerez certainement que la majeure partie de ce débat a été faite par

28 écrit. C'est peut-être justement un très bon exemple. J'ai soulevé une

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1 objection que j'ai du soulevée pour exercer mon droit, et par la suite, on

2 a procédé par écriture, justement, pour gagner du temps à l'audience et

3 quelque chose qui s'ensuit.

4 Une question se pose, Monsieur le Président. Nous ne pouvons pas

5 savoir à l'avance quels sont les faits que nous devrons citer en appel, par

6 exemple, plus tard. Donc, deux points sont importants ici. La Chambre

7 d'appel pourrait dire par exemple que nous n'avons pas cité un fait en

8 première instance, donc nous devons au moins le citer, et deuxièmement, que

9 le critère dû aux diligences n'a pas été respecté. Parfois, même si je vois

10 que vous acceptez une preuve indépendamment des défauts de cette preuve, à

11 mon avis, du moins, même si vous dites : on verra quel poids on lui

12 accordera, ceci interviendra à la fin. Mais à cause de ce critère de dû aux

13 diligences, je dois réagir, je dois réagir immédiatement. Comme je vous ai

14 dit, on essaie de ne pas le faire dans le prétoire, essayant de le faire

15 par écrit à l'extérieur du temps d'audience. Mais la première objection

16 initiale doit être soulevée dans le prétoire.

17 Je pense avec tous mes respects, et je suis certain que mes confrères

18 et consœurs partagent mon opinion, on en parle évidemment, nous essayons

19 d'être très raisonnables et, parfois, nous ne soulevons certaines questions

20 que normalement nous aborderions si nous avions plus de temps, sans aucun

21 doute.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez parfaitement raison. Mais je voulais

23 dire, quand vous le soulevez une fois, vous faites preuve à ce moment-là de

24 diligence et vous soulevez le problème à juste titre, mais une fois que

25 c'est tranché par la Chambre, il ne faut pas le resoulever une deuxième,

26 une troisième ou une quatrième fois. C'est dans ce sens que je voulais

27 préciser mon propos.

28 Juste quelques secondes. Je vais demander à M. le Greffier de passer

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1 en audience à huis clos partiel.

2 M. LE GREFFIER : Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le Président.

3 [Audience à huis clos partiel]

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13 [Audience publique]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on va introduire le témoin tout de suite.

15 M. BOS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

16 Juges. Je voudrais informer les Juges de la Chambre, pendant que l'on

17 attend l'arrivée du témoin, je voulais informer les Juges de la Chambre

18 qu'il s'agira d'un témoin qui témoignera en audience publique. Il

19 témoignera sur les charges 1, 2, 3, 8, 9, 19, 20, 22 et 23. Son témoignage

20 sera pertinent quant aux paragraphes 64, 65, 66, 67 et 68 de l'acte

21 d'accusation.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Bos, pour cette présentation qui

23 nous est très utile.

24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Je vais d'abord vérifier que vous

26 entendez bien dans votre langue la traduction de mes propos. Si c'est le

27 cas, dites : Je vous comprends.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, je vous comprends très bien. Je

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1 reçois votre information, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous devez témoigner. Je vais passer à la

3 procédure de la prestation de serment. Je vais vous demander de vous lever

4 et de répondre à quelques-unes de mes questions. Vous allez d'abord me

5 donner vos nom, prénom et date de naissance.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Andrew David Williams. Je suis né

7 le 31 mai 1958.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ou activité actuelle ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille pour Stena Line. Je suis chargé

10 d'entrer les informations sur une base de données de Stena Line.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné devant un

12 tribunal ou un tribunal international sur les faits qui se sont déroulés

13 dans l'ex-Yougoslavie ou c'est la première fois que vous témoignez ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le deuxième procès en l'espèce, Monsieur

15 le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous nous dire, pour les besoins du

17 transcript, dans quel procès vous avez déjà témoigné ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le procès Kordic/Blaskic, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : A votre souvenir, vous étiez un témoin de

21 l'Accusation ou de la Défense, ou de la Chambre ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais un témoin de l'Accusation, Monsieur le

23 Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme aujourd'hui vous êtes un témoin de

25 l'Accusation, je vous demande de lire le serment que Mme l'Huissière vous

26 présente.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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1 LE TÉMOIN : ANDREW WILLIAMS [Assermenté]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Veuillez vous asseoir. Alors quelques éléments

4 d'information, mais comme vous avez déjà témoigné, mes propos ne vont pas

5 vous étonner. Vous allez dans un premier temps devoir répondre aux

6 questions de l'Accusation qui vont vous être posées par M. Bos, que vous

7 avez dû rencontrer ce matin ou hier. Dans le cadre de cet interrogatoire

8 principal, l'Accusation m'a indiqué qu'elle aurait besoin d'environ trois

9 heures. Bien entendu, si elle met moins de temps, la Chambre ne pourra

10 qu'applaudir.

11 A l'issue de cette phase, les avocats des accusés, vous voyez, sont

12 très nombreux, ils sont plus nombreux que dans le procès Kordic, les

13 avocats vous poseront des questions et certainement également, quelques-uns

14 des accusés, qui ont le droit aussi conformément au statut de ce Tribunal,

15 de poser des questions. La Chambre a décidé de donner un temps de parole à

16 la Défense de trois heures et demie, ce qui fait que normalement, si tout

17 se passe bien, nous devrions terminer demain votre audition.

18 Les quatre Juges qui sont devant vous, dans le procès Kordic, ils

19 n'étaient que trois, mais là, nous sommes quatre, peuvent à tout moment

20 vous poser des questions, et ils ne manqueront certainement pas de vous

21 poser des questions.

22 Essayez d'être très synthétique dans vos réponses, car comme vous le

23 savez, ce sont vos propos, combinés avec des éléments de preuve qui vont

24 vous êtes présentés par document, qui constitueront les éléments

25 d'appréciation qui seront soumis à la Chambre. Donc le Procureur a dû vous

26 mettre sous les yeux, vous mettra tout à l'heure tout un dossier où il y

27 aura des documents dont on vous demandera confirmation sur certains

28 documents.

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1 A ceci près, je regarde l'Accusation pour lui dire que j'ai constaté qu'il

2 y a deux documents du Bataillon britannique qui sont postérieurs au départ

3 de l'intéressé qui, si je ne fais d'erreur, a quitté son bataillon au mois

4 de mai, et les documents sont postérieurs. Donc, a priori, ce sont des

5 documents qu'il n'a pas eu à connaître, sauf, bien entendu, si le contenu

6 est en liaison directe avec des documents antérieurs ou sur des faits dont

7 il a eu à connaître. Voilà.

8 Sans perdre de temps, je vais maintenant donner la parole à M. Bos.

9 M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Interrogatoire principal par M. Bos :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Williams.

12 R. Bonjour.

13 Q. Permettez-moi de vous poser quelques questions en guise d'introduction.

14 D'abord, est-il exact de dire que vous avez rejoint les rangs de l'armée

15 britannique au mois de mai 1976 ?

16 R. Même si je comprends votre question, je n'entends pas, en fait, une

17 traduction de votre question. Oui, j'ai rejoint les rangs de l'armée

18 britannique en 1976.

19 Q. Est-ce que vous entendez donc la traduction en langue anglaise dans les

20 écouteurs ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-il exact de dire que vous avez servi en tant qu'officier

23 d'intelligence de renseignements pour le régime Cheshire à partir du début

24 du mois de novembre 1992 jusqu'au début de 1993 à Gornji Vakuf ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer quel était le rôle du régime

27 Cheshire de Gornji Vakuf ?

28 R. Nous étions déployés, nous étions déployés dans un bataillon en Bosnie

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1 centrale en appui des opérations des Nations Unies, et le bataillon et la

2 base principale du bataillon était stationné à Vitez, et il y avait une

3 compagnie dont je faisais partie qui était déployée à Gornji Vakuf en tant

4 que compagnie d'appui, c'est-à-dire que si jamais la force principale

5 devait quitter le pays rapidement, nous ouvrions le passage pour eux.

6 Q. Est-ce que c'était le seul rôle de ce bataillon à Gornji Vakuf ?

7 R. Nous avions deux rôles principalement : le rôle de donner l'appui aux

8 Nations Unies, c'est-à-dire de donner l'appui ou de faciliter l'aide

9 humanitaire qui entrait dans le pays, et nous avions également un rôle

10 qu'avait l'armée britannique, c'est-à-dire nous devions localiser les QG de

11 diverses unités, identifier les commandants et identifier si les armes

12 lourdes avaient été déployées sur place, et cetera.

13 Q. Combien de soldats britanniques étaient déployés à Gornji Vakuf ?

14 R. C'était une compagnie renforcée d'à peu près 150 soldats.

15 Q. Qui était votre commandant ?

16 R. Au début, le commandant c'était le commandant Alistair Rule, et il

17 avait été remplacé au mois de mars, au mois d'avril 1993, par le commandant

18 Alun Jones.

19 Q. Quel était votre rôle plus particulièrement, quel était votre rôle à

20 vous ?

21 R. Mon rôle est à deux volets. Principalement, le rôle que je devais jouer

22 était d'assurer l'information, c'est-à-dire d'obtenir l'information sur les

23 routes, les points de contrôle, et de pouvoir m'assurer que les convois qui

24 passent sachent que les routes étaient ouvertes et que c'était sûr pour

25 eux, qu'ils pouvaient passer. J'avais un deuxième rôle, qui était le rôle

26 que jouait un officier de l'armée britannique, c'est-à-dire que si le

27 besoin s'avérait, j'étais censé être ou j'allais être le contrôleur

28 d'artillerie senior pour ce qui est du contrôle aérien ou des frappes

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1 aériennes.

2 Q. Donc, dites-nous, est-ce que vous étiez tout seul ou est-ce que vous

3 aviez des collègues qui vous accompagnaient ?

4 R. Pendant la première partie, je jouais ce rôle à moi tout seul, c'est-à-

5 dire que c'est moi qui recueillais les informations, et j'ai eu du renfort

6 dans la deuxième partie de mon tour par un sergent qui s'appelait Peter

7 Dalton du Corps de reconnaissance.

8 Q. Est-ce que vous aviez quelqu'un qui pouvait vous donner une assistance

9 linguistique ?

10 R. Dans la base, il y avait deux interprètes, Belma et Alicia, et il y

11 avait également un capitaine qui parlait le serbo-croate, il s'appelait

12 Nick Short.

13 Q. Est-ce que ce capitaine vous offrait son aide ?

14 R. J'étais en liaison constante avec le capitaine Short, c'était également

15 un officier de liaison, et j'étais également en contact avec un autre

16 capitaine, Mike Hugues, qui était également un officier de liaison.

17 Q. Et tous les deux parlaient le B/C/S ?

18 R. Non, ce n'est que le capitaine Short qui parlait le serbo-croate.

19 Q. Dans le cadre de votre rôle en tant qu'officier de reconnaissance de

20 l'information, est-ce que vous envoyiez des rapports ?

21 R. J'envoyais des rapports quotidiens à Vitez qui, par la suite, étaient

22 mis ou envoyés au bataillon pour couvrir toute la zone couverte par le

23 bataillon.

24 Q. Merci, nous allons en parler un peu plus tard. Pour l'instant, abordons

25 d'autres questions.

26 S'agissant de votre deuxième rôle, vous dites que vous étiez un

27 contrôleur senior de mortier. Est-il exact de dire qu'avec cette fonction,

28 vous auriez, bien sûr, une bonne connaissance des armes et des systèmes

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1 d'armes ?

2 R. Dans l'infanterie, j'étais un contrôleur alpha de mortier, et chaque

3 bataillon d'infanterie est composé de huit contrôleurs de mortier.

4 S'agissant d'un contrôleur alpha de mortier, c'est normalement un

5 contrôleur avec le plus d'ancienneté.

6 Q. Lorsque vous êtes arrivé dans la région au début du mois de novembre

7 1992, quelle était la situation ?

8 R. La situation était plutôt calme. Il y avait quelques escarmouches

9 sporadiques, mais avant notre déploiement initial, entre "l'armija" et le

10 HVO à Prozor, il y avait quelques escarmouches.

11 Q. Mais avant d'en arriver là, simplement pour parler d'une situation, je

12 dirais un peu générale, à quoi ressemblait la situation dans la région

13 avant de parler de choses précises ?

14 R. En fait, c'était plutôt statique du point de vue militaire. Les parties

15 belligérantes en présence semblaient s'être plutôt positionnées en ligne de

16 défense statique.

17 Q. Je voudrais savoir simplement qui était les parties belligérantes ?

18 R. A l'époque, il y avait une sorte d'alliance entre le HVO et "l'armija",

19 et ils étaient alliés contre l'armée serbe de Bosnie.

20 Q. S'agissant de ce conflit, la situation était statique, comme vous nous

21 l'avez expliqué, n'est-ce pas ?

22 R. Pour l'ensemble du pays, c'était statique. Juste avant notre

23 déploiement, il y avait eu une avance menée par les Serbes de Bosnie tout

24 près de Travnik lorsque Jajce a chuté, et la ligne était déplacée vers une

25 petite ville qui s'appelle Turbe.

26 Q. Justement, j'allais vous poser quelques questions là-dessus. Parlons

27 maintenant de la ville de Jajce. Vous avez dit que la ville de Jajce était

28 tombée; elle était tombée entre les mains de qui, et quand est-ce que c'est

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1 arrivé ?

2 R. La ville de Jajce était tombée soit vers la fin du mois d'octobre ou

3 début novembre, et cette ville avait été prise par les Serbes.

4 Q. Quel genre d'effets est-ce que la chute de Jajce a eus quant à

5 l'ensemble de la situation sur le terrain ?

6 R. C'était plutôt chaotique. Il y avait un très grand nombre de personnes

7 déplacées, de réfugiés dans la région, et les forces qui se retiraient de

8 cette région également. Il y avait un grand mouvement. Cela a également

9 fait en sorte que nos commandants qui -- c'est-à-dire que notre compagnie

10 qui était déployée à Vitez se trouvait dans la portée d'artillerie des

11 Serbes.

12 M. BOS : [interprétation] Pour aider les Juges de la Chambre, il serait

13 sans doute beaucoup plus propice de montrer tout cela sur une carte. Je

14 demanderais que l'on place la carte sur le rétroprojecteur. Il s'agit de la

15 carte 9276, il y a quelques cartes que vous trouverez. Il serait utile de

16 placer cette carte sur le rétroprojecteur. C'est la carte qui porte le

17 numéro 2 de la pièce 9276. Cette carte montre la municipalité ou les

18 municipalités de Bosnie. Je souhaiterais que la carte soit un peu plus

19 claire. Pourrait-on faire un zoom ? Il faudrait ajuster. On ne voit pas

20 très bien. Très bien.

21 Q. Pourriez-vous nous expliquer où se trouve la municipalité de Gornji

22 Vakuf ? Pourriez-vous nous le montrer, Monsieur le Témoin ?

23 R. Voici la municipalité de Gornji Vakuf. Je vous montre à l'aide de ce

24 stylo.

25 Q. Vous nous avez parlé de la municipalité de Jajce. Pourriez-vous nous la

26 montrer, je vous prie ?

27 R. Voici la municipalité de Jajce.

28 Q. Pourriez-vous nous montrer sur la carte comment la situation a-t-elle

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1 changé pour ce qui est des lignes de front entre les Serbes d'une part et

2 le HVO et "l'armija" de l'autre côté, après la chute de Jajce ?

3 R. Dans cette zone-ci, la ligne qui se trouvait ici a été déplacée environ

4 là, dans la région de Travnik.

5 Q. Dites-nous, pourquoi est-ce que Gornji Vakuf est devenue une région

6 importante à la suite de cette chute de Jajce ?

7 R. L'intérieur de la Bosnie centrale est constitué de terrains montagneux,

8 et les routes principales dans cette zone se trouvent dans cette région-là.

9 A la suite de l'avancée des Serbes dans cette région, on ne pouvait plus

10 passer par ces routes. C'est à la suite de ceci que la ville de Gornji

11 Vakuf est devenue assez importante, un point principal, parce que dans la

12 partie ouest d'Herzégovine jusqu'à la Bosnie centrale, il fallait passer

13 par Gornji Vakuf pour pouvoir accéder à cette partie-là, et ensuite on

14 montait vers Vitez.

15 Q. Si je vous comprends bien, à la suite de la chute de Jajce, Jajce qui

16 est tombée entre les mains des Serbes, les routes en Bosnie centrale

17 n'étaient plus accessibles pour le passage du HVO et de l'ABiH ?

18 R. Il y avait une route principale qui allait de Bugojno jusqu'à Travnik.

19 Mais après la chute de Jajce, elle était devenue très proche de la ligne de

20 front, cette route, C'est ainsi qu'il n'était plus très utile soit de

21 déplacer l'aide humanitaire par cette route ou de nous déplacer ou

22 d'emprunter cette route.

23 Q. Je vous remercie.

24 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne pourrai certainement pas interrompre,

25 Monsieur le Président, mais pourrait-on demander au témoin de montrer sur

26 la carte ? Il est certain que nous pouvons lire, mais comme nous avons

27 quelqu'un ici qui était sur le terrain, il pourrait peut-être indiquer sur

28 la carte pour nous montrer où étaient les lignes exactement. Comme ceci, on

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1 pourrait avoir quelque chose de beaucoup plus concret.

2 M. BOS : [interprétation] Oui, certainement. Nous pouvons procéder de la

3 sorte, si cela peut venir en aide aux Juges de la Chambre ainsi qu'à la

4 Défense. Très bien.

5 Q. Témoin, pourriez-vous, je vous prie, nous indiquer à l'aide du stylo,

6 que l'huissier va vous remettre dans quelques instants, est-ce que vous

7 pourriez d'abord nous indiquer en traçant une ligne pour nous montrer où se

8 trouvait la ligne de front avant la chute de Jajce, et ensuite tracer une

9 deuxième ligne après la chute de Jajce ?

10 R. Il s'agira de quelque chose d'assez approximatif. Je ne peux pas vous

11 donner une idée absolument précise. Il ne s'agit que d'une esquisse. Dans

12 cette région-là, c'est ainsi, si je me souviens bien, c'était comme cela.

13 Après la chute de Jajce, la ligne allait comme ceci. Elle s'est déplacée

14 vers le bas, dans cette région-ci que je viens d'indiquer.

15 Q. Vous pourriez peut-être écrire un 1 à côté de la première ligne, donc

16 avant la chute de Jajce, et 2 pour indiquer la ligne telle qu'elle se

17 trouvait après la chute de Jajce. Merci.

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Vous avez mentionné un peu plus tôt qu'à la suite de la chute de Jajce,

20 les Musulmans se sont déplacés, sont sortis de Jajce pour aller dans

21 d'autres municipalités avoisinantes. Est-ce que les Musulmans se sont

22 également déplacés vers Gornji Vakuf ?

23 R. Oui, Certains d'entre eux se sont déplacés vers Gornji Vakuf et vers

24 Bugojno.

25 Q. Il y avait également des Musulmans, des soldats musulmans qui allaient

26 dans Gornji Vakuf, n'est-ce pas ?

27 R. Oui, certainement. Certaines des armées qui s'étaient repliées se sont

28 déplacées pour se rediriger dans la région de Gornji Vakuf.

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1 Q. Pourriez-vous nous dire quel était le nombre de soldats qui s'étaient

2 déplacés et qui sont allés dans la région de Gornji Vakuf ?

3 R. Les soldats que j'ai vus étaient principalement ceux qui vivaient dans

4 les villages de Boljkovac et Voljevac qui se trouvent au sud de la ville de

5 Gornji Vakuf. Il y en avait environ 50 en tout.

6 Q. Le fait que les réfugiés civils de Bosnie et les soldats de Bosnie et

7 le fait que toutes ces personnes allaient à Gornji Vakuf, est-ce que le HVO

8 s'est plaint de cela en novembre et en décembre ?

9 R. C'était une source de préoccupation, plus particulièrement eu égard à

10 l'aide et ce genre de chose, mais à ce moment-là, ce n'était pas une source

11 principale de conflit.

12 Q. Est-ce que c'est devenu une question particulièrement importante après

13 le conflit ?

14 R. Oui, c'est devenu une question importante avant le début du conflit, au

15 cours du conflit même, c'est devenu effectivement une préoccupation.

16 Q. Vous nous avez parlé brièvement de Prozor. Pourriez-vous nous

17 expliquer, expliquer aux Juges de la Chambre quelle était la situation dans

18 Prozor lorsque vous êtes arrivé dans la région en novembre et en décembre

19 1992 ?

20 R. Il y a eu quelques éclats d'hostilité entre le HVO et la population

21 musulmane locale, donc le HVO qui était sur place et la population

22 musulmane locale qui était sur place. Ils ont essayé d'imposer sur les

23 unités de "l'armija" qu'ils devaient se démanteler, partie du HVO.

24 Q. De qui s'agit-il ?

25 R. Non, c'était le HVO de Prozor, ce qui a mené vers les opérations de

26 combat dans la ville de Prozor même, et l'imam a été placé sous garde à

27 vue.

28 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu dans la ville de Prozor au cours de

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1 cette période ?

2 R. Oui. Lors de notre déploiement, nous sommes passés par la ville de

3 Prozor, et nous avons vu des opérations de combat alors que l'on passait

4 par là. Certaines maisons avaient été incendiées de suite.

5 Q. A quoi ressemblait la ville de Prozor lorsque vous vous êtes rendu là-

6 bas ?

7 R. C'était assez intense. Les rues étaient principalement vides. Il y

8 avait certaines maisons qui venaient juste d'être incendiées. Elles

9 fumaient encore. J'ai vu également quelques corps qui étaient jonchés le

10 long des rues.

11 Q. Selon votre évaluation, quel effet situation a-t-elle eu sur Gornji

12 Vakuf, cette situation dans Prozor ?

13 R. Les deux communautés qui se trouvaient à être à Gornji Vakuf ont

14 commencé à se faire encore moins confiance qu'avant et à se soupçonner les

15 unes les autres.

16 Q. S'agissant de l'activité du HVO à Prozor dans la deuxième partie de

17 1992, est-ce que cette activité a eu une certaine préoccupation quant

18 auprès du Bataillon britannique ?

19 R. Oui. Nous étions très préoccupés. Nous pensions que si jamais un écart

20 se faisait entre le HVO et "l'armija" dans la région de Gornji Vakuf, la

21 route qui permettait l'aide en Bosnie centrale serait coupée, ce qui non

22 seulement empêcherait la distribution d'aide qui était vraiment nécessaire

23 puisque l'hiver allait commencer, mais que cette région allait être isolée

24 et que notre groupe serait isolé en Bosnie centrale également, Monsieur le

25 Président.

26 Q. Vous avez sous les yeux deux pièces, et je voudrais attirer votre

27 attention sur la pièce 922.

28 R. Oui. J'ai trouvé le document 922.

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1 Q. Prenons la page 2 de ce rapport. Est-ce que vous reconnaissez ce

2 document ?

3 R. Oui. Il s'agit de l'information du résumé d'informations pour ce qui

4 est du groupe militaire, qui est généré par le QG de notre bataillon dans

5 Vitez.

6 Q. Très bien. Pour ce qui est de ce rapport, est-ce que vous avez

7 contribué à la rédaction de ce rapport qui a été envoyé à Gornji Vakuf ?

8 R. Comme je l'ai dit, j'envoyais un rapport de façon quotidienne à Vitez,

9 et c'est eux qui faisaient un condensé dans ce document, un résumé.

10 Q. C'est un peu difficile à lire, mais il semblerait qu'il y a une date.

11 Qu'est-ce que -- vous pouvez nous dire quelle est la date ?

12 R. Il semblerait que c'est le 1er décembre, quoique dans la version en

13 serbo-croate, nous lisons le 17 septembre.

14 Q. Si vous prenez la page 2, on fait référence aux tensions qui ont eu

15 lieu entre les Croates et les Musulmans, et on fait référence également aux

16 tensions dans la ville de Prozor. Est-ce que c'est de cela que vous nous

17 avez parlé il y a quelques instants ?

18 R. Oui, c'est effectivement cela. Cela fait partie de ce que j'avais dit,

19 les tensions qui étaient en train de monter entre les deux armées.

20 Q. Je vous demanderais de nous donner lecture de la dernière ligne, je

21 vous prie.

22 R. On peut lire ici -- la première partie est un peu floue, mais, "Le

23 corps a fait un rapport que deux pelotons du HVO, patrouilles," ou plutôt,

24 je fais erreur, mais je ne vois pas très bien. "Les patrouilles --" quelque

25 chose, un kilomètre, et on parle d'un kilomètre.

26 M. KOVACIC : [interprétation] Il faudrait peut-être changer, modifier

27 quelque chose qui a été indiqué au compte rendu d'audience, ligne 19. On

28 fait référence à la page 2 de ce document, on parle de "Prozor". A la page

Page 8437

1 2 de ce document, il n'est pas du tout question de Prozor. On parle de

2 Gornji Vakuf, il faudrait peut-être apporter une correction. Mais je crois

3 qu'il y a une certaine confusion lorsque le témoin nous parle. Est-ce que

4 le témoin nous parle de Prozor ou de Gornji Vakuf ? Car selon ce qu'il a

5 dit il y a quelques instants, il semblerait qu'il y a une légère confusion

6 entre les deux. On pourrait peut-être établir de quoi il en est.

7 M. BOS : [interprétation] Je vais certainement préciser cela immédiatement.

8 Je vais donner lecture. On peut voir : "GV croit que si le HVO dans Prozor

9 continue ainsi, une action militaire à Prozor est inévitable." Même si

10 l'en-tête se lit -- enfin, même si dans l'en-tête, on voit Gornji Vakuf, il

11 y a quand même référence à Prozor.

12 Q. Qu'est-ce que c'est, GV ? Qu'est-ce que cela veut dire ?

13 R. L'abréviation GV est Gornji Vakuf. A cette étape-là, pour ce qui est de

14 nos opérations, tout ce qui arrivait de Gornji Vakuf et tout ce qui

15 arrivait à Prozor ou à Tomislavgrad paraîtrait sous l'en-tête Gornji Vakuf,

16 c'est-à-dire que c'est le bureau de Gornji Vakuf qui était le premier à

17 recevoir des informations.

18 Ce rapport fait référence au HVO à Prozor, même si dans l'en-tête, dans le

19 titre, on peut lire Gornji Vakuf, puisque c'était le bureau de Gornji Vakuf

20 qui a fait le rapport.

21 Q. Je vous remercie de cette précision, Monsieur Williams. Pour revenir à

22 cette dernière ligne à nouveau, il est fait référence à des patrouilles du

23 HVO composées de deux pelotons. Est-ce que vous vous souvenez où se

24 trouvaient ces deux patrouilles de pelotons ?

25 R. Sans avoir une carte, il me sera difficile de le faire, sans avoir une

26 carte qui serait précise avec les différentes cotes. Je ne peux pas vous

27 dire s'il s'agit de tel village ou de tel village. C'était autour du

28 village de Here.

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1 Q. Dans quelle municipalité ?

2 R. La municipalité de Prozor.

3 Q. Pour préciser, vous nous dites, vous nous parlez de deux pelotons,

4 combien d'hommes y avait-il ?

5 R. Il y avait environ 25 à 30 hommes dans chaque groupe. Lorsqu'ils

6 utilisent le mot "patrouille", lorsqu'ils font référence à ce terme, cela

7 signifie qu'ils sont déployés tactiquement par opposition à un groupe qui

8 se déplace d'un endroit à un autre. Ils étaient armés et ils étaient en

9 formation tactique.

10 Q. Il s'agit de deux patrouilles, il s'agit d'une soixantaine d'hommes.

11 Pourquoi est-ce que cela fait l'objet d'un rapport ?

12 R. A ce moment-là, le HVO à Prozor -- il faut savoir que les villages qui

13 se trouvaient autour étaient des villages musulmans. Pour ce qui était de

14 négoce et de commerce, ils avaient tendance à venir à Gornji Vakuf. Les

15 patrouilles bloquaient la route à l'aide de constructions, de barrages, et

16 ce, afin de forcer les gens de cette région à aller vers Prozor.

17 Q. Pourquoi pensez-vous qu'ils faisaient cela ?

18 R. Pour essayer de faire en sorte de les placer sous le contrôle de

19 Prozor.

20 Q. Nous allons revenir à Gornji Vakuf.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Question de suivi par rapport à la dernière phrase.

22 Vous évoquez deux patrouilles du HVO. Pourquoi il n'y a pas la mention de

23 l'unité à laquelle appartenaient ces patrouilles ? Parce que le HVO, c'est

24 très général. Pourquoi votre rapport ne mentionne pas exactement quelle

25 unité ? A moins que vous ne le saviez pas ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Sans s'adresser directement aux patrouilles,

27 il était parfois très difficile d'évaluer à quelles unités elles

28 appartenaient. La plupart de ces personnes ne portaient pas les écussons

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1 qui permettaient d'identifier les brigades, l'écusson ou le brassard sur le

2 bras. Mais il faut savoir que la ligne de front n'était pas près de Prozor,

3 donc s'il y avait des soldats dans la municipalité de Prozor qui

4 s'adonnaient à des activités de soldats, on pouvait tout à fait supposer

5 qu'ils appartenaient au HVO de Prozor, et non pas à une autre unité du HVO.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Le souci que j'ai, c'est de savoir qui étaient

7 exactement ces unités. Est-ce que c'étaient des soldats appartenant à une

8 unité ou la police militaire du HVO qui circule ? Quand on voit une

9 patrouille de quelques individus, cela peut être la police militaire ? Cela

10 peut être une unité ? Est-ce que cela peut être des civils qui ont mis une

11 tenue de camouflage ? Voilà mon interrogation.

12 Quand vous citez la cote où vous les voyez, on voit GR et YJ 1369, donc

13 cela, c'est un élément topographique. Mais l'observateur qui constate, il a

14 des jumelles ? Il avait un tel objectif ? C'est une observation qui est

15 faite visuellement, par enseignement, par des drones ? D'où vient ce type

16 d'information ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont des informations que l'on obtenait

18 lorsqu'on posait des questions à la patrouille, à une de nos patrouilles

19 qui avait vu ces patrouilles. La référence 1369 fait référence à la

20 topographie sur la carte, donc topographie 1369 sur la carte. En fait, il

21 s'agissait de l'endroit où se trouvaient les patrouilles. Alors outre le

22 fait qu'il s'agissait du HVO, il n'y avait pas d'autres informations à leur

23 sujet, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Question, parce qu'on pourrait y passer des heures,

25 mais juste une dernière question. Vous dites le HVO. Est-ce à dire au

26 minimum qu'on a vu un insigne du HVO sur la tenue ou c'étaient des

27 individus qui avaient des armes, donc c'est automatiquement le HVO ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne "l'armija", ils avaient

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1 tendance à porter les symboles bosniens sur leurs manches. En fait, si vous

2 voyiez un groupe important, la plupart d'entre eux avaient ce symbole sur

3 leurs manches. Mais le HVO avait tendance à ne pas avoir de brassards ou

4 d'écussons sur leurs manches. Les types de pantalons qu'ils portaient, pour

5 ce qui est de leur tenue de camouflage, étaient différents du pantalon de

6 camouflage porté par "l'armija".

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous précisément nous décrire la tenue de

8 camouflage d'un membre du HVO ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] La plupart des factions belligérantes ou des

10 membres des factions belligérantes portaient seulement un pantalon. Il y en

11 avait très peu qui avaient la redingote ou la veste. Le type d'uniforme que

12 le HVO avait tendance à porter était de couleur plus sombre que celui qui

13 était porté par "l'armija".

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Plus sombre. Est-ce à dire noir ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non, Monsieur le Président. Tout

16 simplement plus foncé, un peu dans un coloré plus foncé.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez vu des membres du HVO habillés

18 tout en noir ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] De temps à autre, nous avons vu des soldats du

20 HVO ou des soldats croates de Bosnie habillés en noir, mais pas tout le

21 temps.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bos.

23 M. BOS : [interprétation]

24 Q. Pour revenir à Gornji Vakuf, Monsieur Williams, comment est-ce qu'ont

25 réagi les soldats locaux du HVO et de l'ABiH vis-à-vis de la présence de la

26 FORPRONU, lorsque vous avez établi votre base à Gornji Vakuf ?

27 R. Les jeunes du HVO du cru, ils ne voulaient pas notre présence là-bas,

28 mais les Musulmans locaux la voulaient. Ils voulaient que nous voyions

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1 quelle situation prévalait sur le terrain, et ils nous considéraient comme

2 une entité qui aurait en quelque sorte fait en sorte que le monde extérieur

3 voit ce qui se passe.

4 Q. Pourquoi est-ce que le HVO ne souhaitait pas votre présence là ?

5 R. Je ne peux pas répondre de façon très précise, hormis le fait que je

6 peux dire qu'ils ont probablement supposé que notre présence à cet endroit

7 leur empêcherait de faire ce qu'ils faisaient. Puis, ils étaient méfiants

8 pour ce qui est de nos objectifs et de la raison pour laquelle nous étions

9 présents dans cet endroit. Ils n'aimaient pas que nous mettions notre nez

10 dans des affaires et ils n'aimaient pas, ils n'appréciaient pas que nous

11 posions des questions que posent les soldats lorsqu'ils font partie d'une

12 patrouille.

13 Q. Au niveau local, comment est-ce que les soldats musulmans et croates

14 s'entendaient ?

15 R. Au départ, d'après ce que nous avons vu, il y avait une coexistence qui

16 fonctionnait relativement bien. Notre commandant les a aidés à créer des

17 commissions mixtes afin que ces commissions puissent superviser les

18 problèmes du coin. Je pense, par exemple, à des problèmes d'énergie,

19 d'adduction d'eau, de distribution d'aide, et cetera, donc pour faire en

20 sorte qu'ils puissent travailler ensemble.

21 Q. Quel était le nom du commandant du HVO local ?

22 R. Il s'appelait Tokic, Zrinko Tokic.

23 Q. Quel était le nom de l'unité HVO locale à Gornji Vakuf ?

24 R. C'était la Brigade Ante Starcevic.

25 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire M. Zrinko Tokic ?

26 R. C'était un homme plutôt agréable, qui n'a jamais fait preuve d'aucune

27 hostilité à notre égard ni d'animosité, bien qu'au départ, il ne se soit

28 pas véritablement rapproché beaucoup de nous. Il savait où se trouvait la

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1 ligne.

2 Q. Est-il exact de dire que vers la fin de l'année 1992, et bien sûr vous

3 le savez, mais que les tensions se sont exacerbées dans la région ?

4 R. Il y a des incidents qui ont provoqué une exacerbation de la tension

5 dans la ville à proprement parler. Cela s'est passé à la fin de 1992,

6 effectivement.

7 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait eu quelques incidents. De quel type

8 d'incidents voulez-vous parler ?

9 R. Il y a eu un incident, il s'agissait d'un soldat du HVO qui a assassiné

10 une personne handicapée mentale.

11 Q. Est-ce que vous pourriez nous fournir de plus amples renseignements à

12 propos de cet incident ? Quand est-ce que cela s'est passé et où est-ce que

13 cela s'est passé ?

14 R. Pour ce qui est de la date exacte, je ne peux pas m'en souvenir sans

15 pour autant faire référence à des documents. En fait, il avait tranché la

16 tête d'un Musulman qui souffrait d'un handicap mental et il avait utilisé

17 cette tête dans un bar musulman comme s'il s'agissait d'un bowling.

18 Q. Lorsque vous dites "il", de qui s'agissait-il ?

19 R. Sans faire référence à des documents ou sans consulter de documents, je

20 ne peux pas me souvenir de son nom. Toutefois, cet incident a fait l'objet

21 de discussions lors du cessez-le-feu et des négociations, et par la suite,

22 cette personne a été identifiée comme un soldat du HVO.

23 Q. C'était un soldat du HVO ?

24 R. Oui, c'était un soldat du HVO.

25 Q. J'aimerais vous demander de bien vouloir consulter la pièce à

26 conviction 759. Vous voyez la première page, est-ce qu'il s'agit à nouveau

27 d'une synthèse d'informations militaires du Cheshire ?

28 R. Effectivement. Lorsque nous avons été déployés au début, nous avons

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1 utilisé ce genre de formulaire avant que tout cela ne soit informatisé.

2 Q. Quelle est la date de ce rapport ?

3 R. Le 18 décembre à 21 heures 20.

4 Q. Si vous pouvez prendre la deuxième page du document, je vous prie. Ce

5 qui m'intéresse plus particulièrement, c'est la partie inférieure du

6 deuxième paragraphe, ce qui commence par "Gornji Vakuf." Je vous

7 demanderais de lire ce paragraphe qui va jusqu'à la troisième page.

8 R. A partir de la troisième ligne ?

9 Q. Oui, cela commence avec : " La tension à Gornji Vakuf." Est-ce que vous

10 pouvez continuer cette lecture ?

11 R. "Cela s'est exacerbé lorsqu'un Croate du nom de Rajic Valtko a décapité

12 un Musulman local à l'aide d'une feuille de vitre alors qu'il était en état

13 d'ébriété et avait probablement pris des drogues. La personne en fait était

14 paraplégique. Les Musulmans voulaient que Vlatko soit traduit en justice,

15 et ils ont dit qu'il les traduirait en justice à Mostar. Les Musulmans

16 disent maintenant qu'ils ont capturé ces prisonniers, dix personnes, et les

17 tensions continuent à être particulièrement vives" et cetera.

18 Q. Il y est indiqué là que le HVO allait traduire en justice cette

19 personne à Mostar. Est-ce que cette personne a été emmenée à Mostar ?

20 R. La personne a été enlevée de cette région et très certainement emmenée

21 à Mostar.

22 Q. Est-ce que vous pourriez décrire brièvement la réaction de M. Tokic ?

23 R. Est-ce que vous pourriez m'expliquer ?

24 Q. Bien, ce que je voulais dire c'est ce qui suit, lorsque cet incident

25 s'est passé, est-ce que vous-même ou est-ce que votre officier a parlé à M.

26 Tokic à propos de cet incident et quelle a été sa réaction ?

27 R. Lorsque l'incident s'est produit, les soldats des deux communautés ont

28 pris les armes immédiatement, et la situation a été particulièrement

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1 instable et volatile. Notre commandant à Gornji Vakuf, le commandant Rule,

2 a invité les deux commandants locaux dans notre base et il a fait en sorte

3 qu'ils puissent régler cette situation, qu'ils puissent assurer le contrôle

4 de la situation, la maîtrise de la situation, faire en sorte que leurs

5 soldats réintègrent leurs casernes et n'emploient plus leurs armes dans les

6 rues.

7 Q. Est-ce que cela a fonctionné, a donné des bons de résultats ?

8 R. Oui, en fin de compte, oui.

9 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant prendre la pièce à conviction

10 778 Si vous prenez la deuxième page de ce document. D'abord j'aimerais vous

11 poser une autre question, est-ce que vous avez déjà vu ce document ?

12 R. On me l'a montré hier.

13 Q. Bien. Si vous prenez la deuxième page de ce document, j'aimerais vous

14 demander qui a rédigé ce document ?

15 R. Il s'agit du général Tokic, commandant de la Brigade Ante Starcevic à

16 Gornji Vakuf.

17 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant consulter ce document brièvement et

18 nous dire s'il s'agit de la réaction de Tokic eu égard à cet incident ?

19 R. Oui. Parce que lui et le commandant musulman local ne voulaient pas

20 avoir une épreuve de force à ce sujet, donc il a été particulièrement

21 coopératif, il a identifié ou il a permis que le soldat en question soit

22 identifié pour qu'il puisse être traduit en justice. Le seul point de

23 discorde c'est que les Musulmans voulaient qu'il soit traduit en justice

24 dans un tribunal normal, alors que le HVO voulait qu'il soit traduit en

25 justice à Mostar. Mais ils sont convenus qu'il devrait être arrêté et qu'il

26 devrait être traduit en justice.

27 Q. Cela se retrouve dans la phrase dont je vais vous donner lecture, qui

28 se trouve à la première page où il est indiqué : "Le procureur militaire

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1 diligentera une procédure au pénal contre Vlatko Rajic et nous croyons que

2 le tribunal de Mostar sera à même de fixer une peine juste." Cela se trouve

3 au milieu de la première page, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que cet incident avec M. Rajic a à nouveau pris une importance ?

6 R. Lorsque les hostilités en janvier et début du mois de février 1993 ont

7 commencé, lors des pourparlers de cessez-le-feu, ce soldat s'est retrouvé

8 dans la zone Gornji Vakuf et il combattait avec d'autres soldats du HVO

9 contre "l'armija", et constamment lors des négociations on se demandait

10 pourquoi il y avait la présence de ce soldat dans cette région, pourquoi il

11 n'était pas en prison.

12 Q. Comment réagissait le HVO et comment est-ce qu'il expliquait la

13 présence du soldat ?

14 R. Ils ne réfutaient pas le fait qu'il soit présent, mais à part cela, ils

15 n'allaient pas vraiment dans beaucoup de détail.

16 Q. Comment est-ce que le commandant local, M. Tokic, a réagi ?

17 R. Il était surpris de voir que ce soldat était revenu.

18 Q. Est-ce qu'il y a eu d'autres incidents qui auraient encore aggravé les

19 tensions à Gornji Vakuf entre les Musulmans et les Croates ?

20 R. Il y a eu un incident car un établissement scolaire a été utilisée ou

21 faisait office de casernes.

22 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner de plus amples renseignements ?

23 Lorsque vous nous dites un établissement scolaire qui a été utilisé comme

24 casernes, par qui ?

25 R. Au départ c'étaient les deux camps qui utilisaient cette école, puis le

26 HVO a complètement investi l'école, et cela a provoqué des problèmes. La

27 situation a d'autant plus été exacerbée car le HVO a organisé une cérémonie

28 de levée du drapeau pendant laquelle on a tiré sur un policier musulman.

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1 Q. Pourquoi est-ce qu'on a tiré sur cet officier de police musulman

2 pendant cette cérémonie de levée du drapeau ?

3 R. Alors qu'ils étaient en train de lever le drapeau croate de Bosnie, le

4 policier a tiré au-dessus de tout ceci en signe de protestation, et à la

5 suite de quoi on lui a tiré dessus. C'était un peu un exercice de

6 propagande de la part du HVO puisqu'il y avait une équipe de télévision

7 croate de Split était sur les lieux, était venue sur les lieux pour filmer

8 spécialement cette cérémonie du drapeau.

9 Q. Est-ce que cela a été normal qu'une équipe de télévision vienne filmer

10 cela ?

11 R. Non. On ne s'attendait pas à ce qu'une équipe de télévision d'un pays

12 étranger vienne filmer la cérémonie du drapeau à l'extérieur d'une école.

13 Q. Cette cérémonie, plus tard, est-ce qu'elle a fait l'objet de diffusion

14 à la télévision croate ?

15 R. Nous avons été informés du fait que cela avait été montré à la

16 télévision et que cela avait été utilisé dans le cadre d'un exercice de

17 propagande et que les Croates avaient brûlé leurs propres drapeaux mais

18 avaient indiqué que c'étaient les Musulmans qui l'avaient fait, ce qui

19 n'était pas vrai.

20 Q. Alors est-ce que cela a d'autant plus exacerbé les tensions, cet

21 incident avec le drapeau ?

22 R. Oui, tout à fait.

23 Q. Quel fût la réaction de M. Tokic après cet incident ? Je suppose qu'une

24 fois de plus vous l'avez convoqué à la table de négociations, lui et

25 l'autre commandant local, afin de désamorcer la situation et la tension ?

26 R. Oui, oui. Il y a eu à nouveau une réunion avec les commandants locaux

27 et avec le commandant Rule, et ils ont réussi à mettre un terme à cette

28 escalade de la situation dont ils avaient perdu le contrôle.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce type de réunion, vous-même vous étiez partie

2 prenante, vous assistiez à la réunion ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce genre de réunions entre les commandants

4 locaux et le commandant Rule avaient lieu à notre base assez régulièrement.

5 J'étais parfois présent à certaines réunions, à d'autres je n'étais pas

6 présent.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les cas où vous étiez présent, votre sentiment,

8 les commandants locaux qui étaient là, est-ce qu'ils avaient une marge de

9 manœuvre individuelle ou tous leurs positionnements ne dépendaient que

10 d'une autorité supérieure ? Comment vous avez vécu ce type de réunions ? Ce

11 qui m'intéresse c'est de savoir quelle était la possibilité pour les

12 commandants locaux d'agir d'eux-mêmes ou ne prenaient-ils des positions

13 qu'en accord avec leur hiérarchie ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Au départ ou au début de notre mission, et je

15 pense à ce moment, par exemple, les commandants locaux réglaient la

16 situation entre eux avec l'aide du commandant Rule. Les deux commandants

17 locaux se connaissaient et lorsque leurs soldats commençaient à devenir

18 problématique, ils essayaient véritablement de les arrêter. A cette époque-

19 là, lors de cette phase-là, ils n'ont jamais été limité par une autorité

20 supérieure. Mais je suis sûr que le Procureur le démontrera plus tard si

21 cela a changé.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Enfin, là vous spéculez sur ce que le Procureur va

23 démontrer.

24 Je vais prendre un exemple que vous connaissez parfaitement. Cet

25 handicapé musulman dont on a coupé la tête, c'est une affaire grave. Le

26 commandant local avec qui vous vous êtes certainement entretenu de ce

27 problème, était-il à même de virer cette situation ou cela lui a échappé

28 totalement et il fallait que lui-même en réfère à une autorité supérieure ?

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1 C'est cela qui intéresse les Juges, c'est de savoir quel est le degré

2 d'autonomie des commandants locaux par rapport à leur propre hiérarchie.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, pour ce qui est de désamorcer la

4 situation et de faire en sorte que leurs soldats regagnent leur caserne, il

5 le faisait au niveau local. Alors, pour ce qui est de savoir où ce soldat

6 allait être traduit en justice, je suppose que leur hiérarchie avait leur

7 mot à dire.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le droit d'une armée, lorsqu'un militaire

9 commet un crime de cette nature, il est normalement passible du tribunal

10 militaire ? En période de conflit, est-ce qu'à ce moment-là le commandant

11 local ne peut pas constituer lui-même le tribunal militaire ? Pourquoi

12 l'envoyer, lui, à Mostar ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Sa présence dans la ville ne faisait

14 qu'aggraver la situation, donc on a dû le déplacer hors de la ville. Les

15 Musulmans voulaient qu'il soit traduit en justice à Zenica, et le HVO

16 n'acceptait pour ce faire que Mostar. Mais il a dû quitter la ville parce

17 que sa présence dans cette ville ne faisait qu'exacerber, aggraver la

18 situation.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci de ces précisions.

20 Il va être l'heure de faire la pause technique. Il est 4 heures moins

21 20, nous reprendrons dans 20 minutes, à 4 heures.

22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 40.

23 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Monsieur Bos, vous avez la

25 parole.

26 M. BOS : [interprétation] Merci.

27 Q. Monsieur Williams, pourriez-vous examiner la pièce 1068 ? Nous avons

28 parlé de cet incident avec le drapeau, avant la pause. Vous l'avez ? Vous

Page 8450

1 l'avez sous les yeux, 1068 ?

2 R. Oui, je l'ai.

3 Q. Il est difficile de lire. Regardez la première page. Vous voyez la date

4 du rapport ?

5 R. J'arrive à peine à distinguer -- c'est à un moment en janvier 1992 qui

6 pourrait être le 6, mais je n'en suis pas certain parce que ce n'est pas

7 clair.

8 Q. Acceptons que ce soit le 6 janvier. Le troisième paragraphe de la

9 première page, est-ce qu'on y voit une description de ce que vous venez de

10 dire dans votre déposition, juste avant la pause ?

11 R. Oui, c'est ce qui décrit l'incident.

12 Q. Mais à partir de cette date, donc nous parlons du 6 janvier 1992, que

13 s'est-il produit pendant les jours qui ont suivi ?

14 R. On a vu qu'il y avait un clivage très net entre les commandants du HVO

15 au niveau local et "l'armija" sur le plan local. Même si la situation s'est

16 désamorcée légèrement, elle n'est jamais revenue à ce qu'elle avait été

17 auparavant.

18 Q. A votre avis, vous avez dit qu'il y a eu davantage d'hostilités.

19 D'après vous, qui a été à l'origine de cette escalade d'hostilités ?

20 R. Je pense que c'était le HVO.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment, s'il vous plaît. Au troisième paragraphe

22 dans le document que vous avez sous les yeux, il est indiqué que les

23 commandants ont pu calmer la situation, et la majorité des soldats sont

24 retournés dans leurs casernes.

25 Alors pouvez-vous m'indiquer si à Gornji Vakuf le HVO avait une

26 caserne, et si l'ABiH avait une caserne ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La principale

28 caserne, le QG du HVO était dans l'enceinte de l'usine, juste à côté de

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1 l'endroit où nous étions, et ils avaient des soldats là-bas à différents

2 endroits de la ville.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Et l'ABiH, ils étaient où, eux ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, leur QG était dans la

5 ville, et ils avaient eux aussi des soldats qui étaient stationnés à

6 différents endroits dans la ville. Il y en avait bon nombre qui étaient

7 mariés et qui étaient chez eux, tout comme pour le HVO.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Les mariés retournaient chez eux chaque nuit et les

9 célibataires restaient à la caserne ? Comment cette situation était gérée

10 par le commandement local ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est ainsi qu'ils

12 fonctionnaient. C'étaient des brigades où le recrutement s'était fait sur

13 le plan local, donc il y avait des relèves. Il y en avait qui étaient sur

14 la ligne de front, et d'autres qui étaient prêts à prendre leur place sur

15 le front, puis d'autres qui revenaient se reposer chez leur famille.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette précision, parce que c'est un sujet

17 qui a déjà été évoqué à plusieurs reprises.

18 M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Q. Monsieur le Témoin, examinez la pièce 1094, s'il vous plaît. La page de

20 garde, la première page du document, est-ce que c'est bien un résumé

21 d'information militaire de Cheshire ?

22 R. Oui, Monsieur le Président, c'est le 11 janvier 1993.

23 Q. C'est la dernière page de ce rapport qui nous intéresse. S'il vous

24 plaît, j'attire votre attention là-dessus. Pourriez-vous donner lecture de

25 ce qu'on lit sur cette page ?

26 R. Page 4, on y lit un commentaire au sujet du rapport de la page

27 précédente.

28 Il est dit : "La situation à Gornji Vakuf est extrêmement tendue

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1 depuis quelque temps maintenant. On estime que tôt ou tard un conflit ne

2 manquera pas d'éclater. A Novi Travnik, la situation est extrêmement

3 tendue, et il est très probable qu'un conflit éclate entre les Croates et

4 les Musulmans sur place. Encore une fois, ceci pourrait s'étendre sur Vitez

5 également, comme dit dans le résumé de l'information militaire 71 du 10

6 janvier 1993. Ce qui n'arrange pas les choses, c'est l'arrivée des soldats

7 du HVO d'Herzégovine qui semblent exacerber la situation et déclencher des

8 problèmes. Fin du commentaire."

9 Q. Alors, est-ce que c'est vous qui avez rédigé cela, le commentaire ?

10 R. Le rapport, c'est moi. C'est un commentaire général. Dans les deux

11 derniers rapports de la page précédente, on présente une interprétation

12 générale de ce que cela pourrait signifier, de ce qui pourrait se produire

13 si on n'assume pas le contrôle de la situation.

14 Q. La dernière phrase, elle parle de l'arrivée des soldats du HVO

15 d'Herzégovine. C'est le rapport du 11 janvier ?

16 R. Cela a à voir avec Travnik et Novi Travnik, et cela se réfère à la

17 Brigade Ludvig Pavlovic.

18 Q. Vous dites : Il s'agit d'une unité qui arrive de Novi Travnik. Mais

19 comment est-ce que ceci pourrait avoir un impact sur ce qui se passe à

20 Gornji Vakuf ?

21 R. Les soldats dans les forces locales des deux côtés étaient très

22 suspicieux de ce qui se passait autour et dans les zones voisines

23 frontalières. Cela pouvait déstabiliser leurs zones, à moins que la

24 situation ne soit contrôlée très rapidement. C'était cela, ce qui pourrait

25 se passer à Novi Travnik.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : J'essaie d'y voir clair par ce commentaire,

27 qui est important sur la situation à Gornji Vakuf. Vous avez indiqué

28 plusieurs incidents : le problème du drapeau, la question de la

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1 décapitation de l'handicapé musulman, et cetera, et ceci peut justifier une

2 montée des tensions. Mais il peut y avoir d'autres causes de nature plus

3 politique, à savoir le transfert sur Gornji Vakuf d'autres éléments

4 extérieurs. Vous semblez aller dans ce sens puisque vous indiquez que

5 l'arrivée des soldats d'Herzégovine va rendre la situation encore plus

6 problématique.

7 Alors, pour vous qui étiez un observateur privilégié puisque vous

8 étiez sur place, cette montée des tensions, elle était due pour des raisons

9 purement locales ou des raisons exogènes, c'est-à-dire des raisons dont la

10 trame se constituait ailleurs ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y avait

12 plusieurs facteurs en jeu qui n'arrangeaient pas la situation. Dans le plan

13 Vance-Owen, un premier point qui, lentement mais sûrement, commençait à

14 être connu du public par la voie des médias et en partie, ce plan prévoyait

15 la cantonisation de la Bosnie, y compris Gornji Vakuf devait être remis aux

16 Croates de Bosnie. En outre, parmi les Croates de Bosnie, il y avait un

17 souhait de créer un Etat appelé l'Herceg-Bosna. Encore, c'est quelque chose

18 qui commençait à devenir manifeste. On le voyait sur les plaques

19 d'immatriculation des voitures, par exemple. Il y avait d'autres exemples.

20 Les Musulmans de Bosnie se sont sentis en danger à cause de cela.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste une dernière question. En termes militaires,

22 comment analysiez-vous l'arrivée des soldats d'Herzégovine ? Il y avait une

23 nécessité militaire de renfort de l'unité locale ? Pourquoi apparaissent

24 brusquement des soldats d'Herzégovine ? Quel a été votre commentaire sur

25 cette situation ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas concrètement pour quelle raison

27 cette unité en particulier est arrivée sur place, mais cette unité en

28 particulier, on considérait que c'est elle qui déstabilisait la zone et

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1 elle signifiait des problèmes. Là, quand elle se présentait, il y avait des

2 problèmes.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette unité est-elle dépendante d'une chaîne de

4 commandement ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce stade-là, donc c'est les premières

6 semaines de notre déploiement, je pense que cela faisait deux mois depuis

7 notre arrivée, il nous a semblé que la Brigade Ludvig Pavlovic ne faisait

8 pas partie d'une zone d'opérations en particulier, était directement

9 contrôlée par le QG de Mostar, était envoyée à différents endroits et dans

10 différentes zones pour mener des missions spécifiques, soit pour apporter

11 un renfort sur une portion de ligne de front qui était sous pression ou

12 pour tirer profit d'une percée ou d'un avancement qui avait été fait, ou

13 généralement, juste pour renforcer leurs forces dans une certaine zone.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : En anglais, vous dites "des missions spécifiques".

15 Est-ce bien comme cela qu'on doit comprendre ou est-ce qu'on doit

16 comprendre également pour des missions spéciales ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux, Monsieur le Président. C'était une

18 unité que le HVO avait qui pouvait être déployée rapidement et qui pouvait

19 rapidement changer le rapport de forces dans une zone donnée.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Etait-ce en quelque sorte une unité d'élite ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, au-dessus des HVO normaux, habituels.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pendant que nous parlons de cela,

23 pouvez-vous nous dire quels étaient les effectifs de cette unité, à peu

24 près ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. On voyait très rarement

26 une unité tout entière dans sa totalité. Je n'en ai jamais vu dans leur

27 totalité, et les effectifs des brigades différaient des effectifs d'une

28 brigade britannique. Alors généralement, quand on voyait la Brigade Ludvig

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1 Pavlovic, cela pouvait aller d'une compagnie à un bataillon.

2 M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur les Juges. Vos questions m'ont

3 permis d'avancer par rapport à mes prévisions. Vous avez abordé quelques-

4 unes des questions que j'allais poser.

5 Q. Mais juste pour revenir à quelques questions qui ont été posées par M.

6 le Président, M. le Juge Antonetti, au sujet du plan Vance-Owen. Vous avez

7 dit que ce qui s'est passé sur le terrain avait à voir avec le plan de paix

8 Vance-Owen. Est-ce que vous pouvez peut-être approfondir un petit peu ?

9 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, j'essaie de ne pas

10 intervenir sans raison valable, mais d'après ce que je vois, M. Bos

11 n'essaie pas de savoir ce qui permet à ce témoin de formuler des

12 commentaires sur les événements qui se sont déroulés sur le terrain, quelle

13 est la source de ces informations, qu'est-ce qui nous permet de savoir

14 qu'il est compétent. Enfin, je pense qu'il faudrait voir cela avant qu'il

15 ne commence à parler du plan Vance-Owen.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Témoin, c'est de vous-même que vous

17 avez abordé le plan Vance-Owen. Moi-même, quand je vous ai posé la

18 question, je ne l'ai pas mentionné. Alors, aviez-vous une particulière

19 compétence à Gornji Vakuf pour être informé du déroulement de ce qui se

20 passait à Genève et de ce qui allait être mis en place dans le cadre du

21 plan Vance-Owen ? Est-ce que vous aviez eu une formation pour cela ? Est-ce

22 que vous avez été briefé pour cela ou c'était du ouï-dire entre officiers ?

23 En réalité, votre unité, le Bataillon britannique, était parfaitement

24 informée des développements diplomatiques à Genève ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le plan de paix

26 Vance-Owen, à ce stade-là, commençait à être connu. On en parlait dans la

27 presse locale, et nous, on a créé une carte de Bosnie, différentes cartes

28 pour différentes finalités. Nous avions par exemple une carte des lignes de

Page 8457

1 front --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : "Nous", c'est le Bataillon britannique, ou "nous",

3 votre pays ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : "Yes" qui ? Le bataillon ou votre pays ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux, Monsieur le Président. D'après mes

7 souvenirs, c'est la section du génie royal qui nous a fourni une série de

8 cartes de Bosnie, par exemple, avec les lignes de front ou autre chose.

9 Nous avions une carte qui nous montrait la cantonisation prévue. A ce

10 stade, on a commencé également à en parler dans la presse, la presse qui

11 nous arrivait du Royaume-Uni. Aussi, nous avions des briefings réguliers

12 qui faisaient partie de notre procédure de fonctionnement habituelle,

13 briefings sur la situation en Bosnie.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Me Murphy doit être satisfait de la réponse ?

15 M. MURPHY : [interprétation] En partie, oui, Monsieur le Président. Ce qui

16 m'intéressait aussi, c'était de savoir ce qui permet dans les

17 qualifications du témoin, ce qui lui permet d'en parler.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, en tant qu'officier britannique, des

19 particulières qualifications pour apprécier la portée d'un plan mis en

20 œuvre par une autorité internationale dans le cadre de négociations menées

21 à Genève ? Est-ce que vous aviez une formation adaptée pour justement

22 aborder les problèmes de cantonisation, de mouvements éventuellement de

23 population, et cetera ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai fait partie

25 du renseignement militaire en Bosnie. Ma zone particulière c'était Gornji

26 Vakuf, et régulièrement j'étais briefé et je recevais des éléments

27 d'information le long de la filière de commandement. Et de manière

28 régulière, j'ai eu l'occasion de parler aux gens par l'entremise des

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1 interprètes et j'ai entendu leurs appréciations de la situation. A partir

2 du moment où on a commencé à parler des frontières des cantons, les forces

3 de Musulmans de Bosnie et de Gornji Vakuf étaient catégoriques, même si le

4 président Izetbegovic allait signer, eux, ils n'allaient pas remettre aux

5 Croates Gornji Vakuf.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est eux-mêmes qui vous l'ont dit ou c'est une

7 conclusion ? Etait-ce le commandant de l'ABiH qui vous l'a dit ou c'est une

8 synthèse de la température locale ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un petit peu de tout cela, Monsieur le

10 Président. La structure de commandement au niveau de la ville ne se

11 régissait pas de la cantonisation et les gens du cru n'étaient pas

12 satisfaits, étaient hostiles. C'était le sentiment qui prévalait dans la

13 population des Musulmans de Bosnie.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacic. Vous vous êtes levé trois ou

15 quatre fois.

16 M. KOVACIC : [interprétation] Peut-être que cela ne permettrait de gagner

17 une minute ou deux. Une ou deux fois le témoin a mentionné les lignes de

18 front; la première ligne de front, lorsqu'il a parlé de l'unité Ludvig

19 Plavovic, et lorsqu'il a répondu à votre question portant sur les cartes.

20 Il a dit qu'il avait différentes sortes de cartes. D'après la déposition

21 précédente du témoin, de toute évidence, il est question des lignes de

22 délimitation entre l'armée serbe de Republika Srpska et du HVO, plus

23 "armija", d'autre part. Je pense qu'il faudrait que ce soit précisé

24 maintenant.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Il faut préciser parce que quand tout à l'heure

26 vous avez, sur la carte, mentionné une ligne de front, je me suis dit il

27 faut peut-être lui faire préciser qui est derrière. Alors, pouvez-vous

28 préciser pour les besoins du compte rendu ? La ligne de front, c'était par

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1 rapport à la Republika Srpska ou il y avait une deuxième ligne qui

2 concernait le HVO et l'ABiH ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. A ce moment-là je

4 me suis référé à la ligne de front entre l'armée serbe d'une part et le

5 HVO, l'ABiH d'autre part.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, c'est comme cela que j'avais compris, mais vous

7 l'avez bien exprimé. Bien. Je m'excuse.

8 Monsieur Bos, continuez, s'il vous plaît.

9 M. BOS : [interprétation] Merci.

10 Q. Juste une autre question au sujet du plan de paix Vance-Owen. Vous avez

11 parlé de la réaction de la population musulmane du cru. Mais le HVO sur le

12 plan local, comment est-ce qu'il a réagi, et d'une manière générale,

13 comment est-ce qu'il a réagi au plan Vance-Owen ?

14 R. Excusez-moi. Ils estimaient que c'était une bonne chose sur le plan

15 local. Ils apportaient leur soutien à ce plan. Ils allaient recevoir le

16 contrôle sur ce canton.

17 M. BOS : [interprétation] La pièce 1087, s'il vous plaît.

18 Q. Avez-vous déjà eu l'occasion de voir ce document ?

19 R. On me l'a montré hier.

20 Q. Qui est l'auteur du document ?

21 R. C'est le général de brigade Milovoj Petkovic.

22 Q. Savez-vous qui c'est ?

23 R. Chef d'état-major du HVO. Il était stationné à Mostar.

24 Q. Avez-vous jamais eu l'occasion de rencontrer M. Petkovic ?

25 R. De manière très superficielle, une ou deux fois, mais on n'a pas été

26 présenté. J'étais juste présent aux endroits où il s'est trouvé.

27 Q. Quelle est la date de ce document ?

28 R. C'est le 9 janvier 1993.

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1 Q. De quoi s'agit-il dans cet ordre ?

2 R. Dans l'armée britannique ce serait une instruction donnée à toutes les

3 zones d'instructions de se mettre au niveau d'aptitude au combat le plus

4 élevé dans toutes les unités.

5 Q. Lorsqu'il est question "des négociations de Genève à venir", de quoi

6 s'agit-il ?

7 R. Lorsqu'il parle de négociations à venir, il se réfère au plan de paix

8 Vance-Owen.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question en appelant une autre, et je risque

10 d'être intarissable. L'Accusation vous présente un ordre où on voit que le

11 général Petkovic demande aux moins à trois hommes de se mettre en position

12 la plus élevée possible en termes militaires. Est-ce que dans votre

13 Bataillon britannique vous aviez un officier de liaison avec le HVO ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. On avait des

15 officiers de liaison partout sur le terrain qui se mettaient en contact

16 avec les officiers de liaison de tous les côtés, toutes les parties, les

17 Serbes --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui était votre officier de liaison auprès du

19 commandant du HVO ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] A Gornji Vakuf à ce moment-là, c'était le

21 capitaine Mike Hugues.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maintenant, un ordre de ce niveau, puisqu'il émane

23 de Mostar et du général Petkovic, est-ce que votre officier de liaison

24 était censé connaître l'existence d'un tel ordre, bien qu'il soit qualifié

25 de secret militaire confidentiel, est-ce que ce type de document pouvait

26 venir aux oreilles d'un officier de liaison qui faisait sur le terrain son

27 travail ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Presque certainement pas, Monsieur le

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1 Président. C'était un document très confidentiel au sein du HVO, comme

2 c'est indiqué "secret militaire". C'est ce qui est écrit sur le document.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais quand une armée se met en montée, en puissance,

4 il y a des signes qui doivent, pour un observateur et pour un agent de

5 renseignement se dire : Tiens, il se passe quelque chose. Est-ce qu'in situ

6 à Gornji Vakuf, vous avez constaté à compter du 9 janvier 1993, une

7 mobilisation, une montée en puissance du HVO soit par le rappel de

8 réservistes, soit par la suppression des permissions, soit par un

9 entraînement plus poussé, soit par l'arrivée d'éléments logistiques ou

10 autres ? Enfin, je ne vais pas rentrer dans la technicité militaire. Est-ce

11 que vous-même vous aviez constaté que quelque chose était en train de se

12 préparer ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous savions de par les incidents qui

14 s'étaient produits auparavant, quelles étaient les réactions des forces sur

15 place et que la situation entre les deux alliés était instable. A Gornji

16 Vakuf, ils s'armaient constamment, c'est-à-dire il y avait conflit armé

17 l'un contre l'autre tout le temps, donc il aurait été difficile de

18 remarquer que ce document est en train de causer un renfort. Tous les

19 renforts auraient été à cause des problèmes justement.

20 Pour ce qui est des troupes, la route principale pour passer par la

21 Bosnie centrale, c'était Gornji Vakuf, donc il y avait un flux constant de

22 circulation, on n'aurait pas nécessairement remarqué qu'ils étaient en

23 train d'avoir du renfort ou qu'ils se préparaient à faire quoi que ce soit.

24 Pour vous donner un exemple, la présence de la Brigade Ludvig Pavlovic dont

25 nous avons parlé un peu plus tôt est peut-être liée à ce document, mais

26 sans un lien direct, il est difficile de l'établir ou de dire cela.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Bos.

28 M. BOS : [interprétation]

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1 Q. A la page 44 du compte rendu d'audience, vous avez dit quelque chose il

2 y a à peu près 10 minutes, à la ligne 23 et à la ligne 24, lorsque le

3 Président vous a posé une question quant aux raisons politiques pour

4 lesquelles le HVO a commencé une opération militaire à Gornji Vakuf, vous

5 avez dit : Il y avait eu un désir de créer un Etat appelé l'Herceg-Bosna.

6 Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?

7 R. Oui.

8 Q. Ce désir politique de procéder à la création de cet Etat, est-ce que

9 cela a été initié de la part du gouvernement ou par le gouvernement plutôt

10 local ou ailleurs ?

11 M. MURPHY : [interprétation] Objection. Comment est-ce que le témoin

12 pourrait répondre à cette question ? Je voudrais formuler une objection de

13 spéculation, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il fallait auparavant, Monsieur Bos, lui

15 demander s'il a une compétence particulière pour apprécier les problèmes

16 politiques locaux.

17 M. BOS : [interprétation]

18 Q. Témoin, est-ce que vous avez une connaissance quelconque des hommes

19 politiques du HVO à Gornji Vakuf ?

20 R. Très peu, puisque j'essayais de me concentrer sur les activités

21 militaires.

22 Q. Lorsque vous avez dit à la page 44 qu'il y avait un désir pour créer un

23 Etat d'Herceg-Bosna, qu'est-ce qui vous a poussé à dire cela ?

24 R. Il y a eu des plaintes formulées provenant de la part de la population

25 musulmane dans la population, plaintes formulées aux commandants disant que

26 le HVO faisait des changements de plaques d'immatriculation, pas tellement

27 dans notre région à nous, mais plutôt dans la région de Prozor, plutôt que

28 de porter l'insigne de l'Herceg-Bosna de la renommée république d'Herceg-

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1 Bosna. Il fallait montrer des visas pour passer par des points de contrôle.

2 Par exemple, ces visas pouvaient être obtenus par le bureau du HVO.

3 Q. Témoin, pourriez-vous, je vous prie, prendre connaissance de la pièce

4 1184 ? Avez-vous déjà vu ce document auparavant ?

5 R. Je l'ai vu hier, mais avant cela, non.

6 Q. Pourriez-vous, je vous prie, prendre connaissance de la page 2 et nous

7 dire quelle est la date de ce document ?

8 R. Le document est daté du 18 janvier 1993.

9 Q. Pour revenir à la page 1, qui est l'auteur de ce document ?

10 R. Jadranko Prlic.

11 Q. Est-ce que vous savez qui était M. Prlic à l'époque ?

12 R. Outre le fait de dire que c'était un homme politique, j'ignore ce qu'il

13 faisait outre.

14 Q. A l'examen de ce document, est-ce que vous pouvez nous dire si cela

15 confirme vos affirmations qu'effectivement, s'agissant de l'extérieur de la

16 région de Prozor, si l'influence politique de Prozor s'étendait également

17 jusqu'à l'extérieur de Prozor ?

18 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. J'ai été très patient. Je n'ai

19 pas formulé d'objection, mais là je dois vraiment formuler une objection.

20 C'est une conclusion, mais sans mentionner également que c'est une question

21 directrice. Si je puis donner une suggestion à mon éminent confrère, il

22 serait peut-être plus propice de montrer le document. On montre un document

23 et on dit : "Qu'est-ce que vous pouvez conclure ?" Mais simplement, si on

24 suggère la réponse, à ce moment-là, le témoin, tout ce qu'il peut dire,

25 c'est : "Oui, j'imagine que oui. Je ne le sais pas." Mon éminent confrère

26 n'a pas d'abord établi les bases. Le témoin n'a pas la connaissance ou la

27 compétence nécessaire pour répondre à ces questions. Les questions sont

28 directrices et le témoin ne peut pas répondre autrement que de dire oui ou

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1 non puisque la question est trop suggestive, et il ne peut plus répondre

2 objectivement.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bos, essayez d'aborder de manière moins

4 discutable ce document, s'il présente pour vous un intérêt.

5 M. BOS : [interprétation]

6 Q. Témoin, pourriez-vous, je vous prie, donner lecture de ce document et

7 me dire ce que vous en concluez ? Quelle conclusion tirez-vous de la

8 lecture de ce document ?

9 M. KOVACIC : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,

10 je crois que cette question est encore moins correcte. Les témoins ne sont

11 pas ici pour formuler les conclusions, à moins qu'il ne s'agisse de témoins

12 experts, mais ils sont ici pour donner des faits.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, il y a un document qui relate de

14 la part du président du HVO, adressé à Gornji Vakuf, c'est-à-dire à

15 l'autorité militaire, à l'autorité municipale, mais également à la

16 population, puisque je vois également que la population doit avoir

17 connaissance de ce document. Alors vous avez expliqué que vous aviez aussi

18 des contacts avec la population.

19 A votre connaissance, est-ce qu'aux environs de la date de ce document, qui

20 est le 18 janvier, disons vers le 19, 20 janvier, est-ce que la population

21 de Gornji Vakuf a eu connaissance de la teneur de ce document ? Si oui, on

22 vous en a parlé ?

23 Deuxième temps de ma question : est-ce que le contenu de ce document

24 correspond à vos connaissances sur le terrain à l'époque ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. D'abord, je dois

26 dire que je ne sais pas si la communauté croate de Gornji Vakuf connaissait

27 le contenu de ce document. On ne m'a pas informé.

28 Le document lui-même renforce ou fait état de la situation générale

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1 sur le terrain à l'époque. Ce document dit plutôt que si le HVO -- enfin,

2 on demande au HVO de protéger la communauté croate. S'il est nécessaire,

3 ils recevraient du renfort de l'extérieur.

4 M. BOS : [interprétation]

5 Q. Je vous remercie, Monsieur Williams. Passons maintenant à un autre

6 sujet.

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne veux vraiment pas que l'on passe à

8 autre chose puisque le témoin vient d'évoquer quelque chose. On dit ici

9 être laissés à la merci des extrémistes musulmans. Le témoin peut peut-être

10 nous aider s'il y avait des extrémistes musulmans et les Moudjahiddines

11 dans la région ?

12 M. BOS : [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai effectivement vu cette phrase et j'ai eu la

14 tentation de vous poser la question, mais je me suis dit, compte tenu du

15 temps, je ne vais pas le faire.

16 Mais comme Me Karnavas voudrait une précision, il est fait clairement état

17 dans ce document d'extrémistes musulmans. Alors pour vous, cela veut dire

18 quoi ? Pourquoi il y a cette référence à des extrémistes musulmans ? La

19 Défense voudrait savoir si ces extrémistes musulmans ne seraient pas en

20 réalité des Moudjahiddines.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends très bien, Monsieur le Président.

22 Dans notre zone à nous, notre région à nous, il n'y avait pas de

23 Moudjahiddines, il y avait une brigade extrémiste au sein de la Brigade

24 musulmane. Si je me souviens bien, elle portait le nom de la 7e Brigade

25 musulmane, mais elle n'était pas située dans notre région, notre zone.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que la 7e Brigade musulmane était pour

27 vous extrémiste. Pourquoi ? En fonction de quels critères ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Car elle était composée d'un certain nombre de

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1 combattants musulmans qui venaient de l'extérieur du pays même, donc

2 "l'armija" musulmane avait des problèmes, justement, avec cette musulmane,

3 car elle était composée de combattants qui venaient de l'extérieur du pays,

4 donc les Musulmans de Bosnie sont Européens et ne sont pas comme les

5 Musulmans qui viennent des Etats islamiques plus extrémistes. Certains de

6 ces combattants provenaient de ces pays-là et ils ressortaient du portrait

7 général de "l'armija".

8 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

9 M. BOS : [interprétation]

10 Q. Nous pouvons maintenant passer à un autre sujet, et ce sujet est les

11 raisons militaires stratégiques pour que le HVO attaque Gornji Vakuf. Je

12 vous demanderais d'examiner une carte, la carte qui porte le numéro 24 de

13 la liasse de documents qui se trouve devant vous. Est-ce que vous pouvez me

14 dire ce que le HVO essayait d'obtenir en tant que point stratégique

15 s'agissant de Gornji Vakuf ?

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne veux

17 certainement pas interrompre ici, mais pourrait-on d'abord établir le

18 contexte de cette question ? Car d'abord, on présume que le témoin sait

19 quelles étaient les intentions du HVO, alors il faudrait d'abord établir

20 une base, à savoir quelle était l'importance stratégique de la région à ce

21 moment-là, quel était l'objectif stratégique pour les Musulmans et pour les

22 Croates. A ce moment-là, nous pouvons peut-être procéder étape par étape.

23 M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin suivait la

24 situation sur une base quotidienne pendant le conflit. Je crois qu'il est

25 tout à fait compétent d'en parler. Si la Défense souhaite le faire, nous

26 pouvons d'abord commencer en abordant des questions d'ordre plus général.

27 Nous pouvons certainement demander pourquoi est-ce que Gornji Vakuf était

28 une municipalité importante, mais je crois que le témoin peut également

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1 nous parler, nous donner plus de détails quant à la politique du HVO.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : En termes militaires, en quoi Gornji Vakuf et ses

3 environs avaient un intérêt stratégique pour le HVO ? Quels étaient les

4 enjeux ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] La ville même était en plein milieu d'une

6 route qui pouvait lier la partie centrale à d'autres parties de la Bosnie-

7 Herzégovine, donc la route principale qui passait par Tomislavgrad à Prozor

8 était sous le contrôle du HVO. A partir de Prozor jusqu'au point de

9 contrôle Makljen, il y avait un point de contrôle qui se trouvait au-dessus

10 d'une colline. Prozor était placé sous le commandement du HVO. La ville de

11 Gornji Vakuf ainsi que l'axe, la route qui menait en Bosnie centrale et la

12 route allait jusqu'à Bugojno, ce carrefour était ouvert ou fermé par la

13 personne qui avait le contrôle de la ville de Gornji Vakuf, c'est-à-dire

14 que si on avait le contrôle de Gornji Vakuf, on avait le contrôle de toute

15 cette zone-là en Bosnie.

16 Si c'était l'armée qui contrôlait Gornji Vakuf, ils pouvaient

17 interrompre l'aide qui provenait dans la communauté croate, ils pouvaient

18 empêcher que le HVO soit renforcé ou approvisionné. Si c'était le HVO qui

19 contrôlait, ils pouvaient faire la même chose.

20 M. BOS : [interprétation]

21 Q. Témoin, vous avez parlé de deux routes, de deux axes qui ont une

22 importance toute particulière. Est-ce que vous pourriez nous faire un

23 croquis de ces deux routes qui passaient par Gornji Vakuf ?

24 R. La première route est une route principale qui passait par Gornji

25 Vakuf. Donc ici, voilà, vous aviez une route à deux voies de Gornji Vakuf

26 jusqu'à Bugojno.

27 Q. Je vous suis. Je suis désolé de vous interrompre, mais est-ce que vous

28 pourriez, je vous prie, nous dire si cette route allait jusqu'au sud ?

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1 R. Oui, elle descendait jusqu'à Prozor et elle passait par Gornji Vakuf,

2 par le point de contrôle de Makljen qui est juste ici.

3 Q. Très bien, merci, c'est suffisant, c'est très bien. Ensuite, cette

4 deuxième route, je vous prie, pourriez-vous nous la dessiner ?

5 R. Cette deuxième route était une route faite par un bulldozer. On

6 l'appelait "La route de secours". Il y avait une route qui allait de

7 Travnik en Bosnie centrale.

8 Q. Qui contrôlait cette deuxième route ?

9 R. En fait, personne ne contrôlait cette route en tant que telle

10 puisqu'elle passait par les régions croates et musulmanes, et il y avait

11 des points de contrôle appartenant à l'armée et au HVO. Donc si vous

12 contrôliez Gornji Vakuf, vous pouviez contrôler cette route-là puisqu'il

13 était possible de fermer cette route.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que la question des routes pouvait

15 justifier que le HVO considère que toute cette zone était stratégique. Y a-

16 t-il d'autres raisons que la question des routes ? Y aurait-il d'autres

17 raisons ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Un officier du HVO m'avait déjà expliqué une

19 fois, je ne sais plus quel était cet officier qui me l'avait expliqué, mais

20 ils avaient un nom. Il faudrait regarder une plus grande carte de Bosnie au

21 centre. Il y avait beaucoup de communautés croates à Busovaca, à Vitez, et

22 cetera, donc autour de ces communautés-là, il y avait des communautés

23 musulmanes telles que Zenica et les autres. Eux, ou plutôt cet officier qui

24 m'avait tout expliqué avait parlé de ceci comme une ceinture de l'Islam,

25 donc il faudrait passer par la ceinture de l'Islam et lier toutes les

26 communautés musulmanes et en faire une chaîne.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand on regarde la carte, que vous avez sous les

28 yeux, où on voit qu'il y a des points rouges et des points verts, ceux-là

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1 représentent les localités à majorité musulmane, les points rouges à

2 majorité croate. Le constat qu'un observateur pourrait faire, c'est de

3 constater que Gornji Vakuf est à majorité musulmane, qu'il y a quelques

4 localités qui le sont, mais que toute cette zone est à prédominance croate

5 puisqu'on a beaucoup de localités qui sont croates. Est-ce que ceci pouvait

6 être pris en considération dans le cadre d'une action militaire ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il aurait

8 certainement fallu penser à cette situation pour assurer la sécurité des

9 arrières.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que compte tenu de la composition de ces

11 localités, en termes militaires, vous venez de dire "pour assurer ses

12 arrières," il fallait une prise de contrôle des localités à majorité autre

13 que sa propre composition, c'est-à-dire que le HVO avait tout intérêt

14 stratégique à occuper les localités qui sont en vert sur la carte, donc

15 Gornji Vakuf ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, non, Monsieur le Président,

17 puisque la route était ouverte, et la situation s'est détériorée très

18 rapidement.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, un autre aspect que vous n'abordez pas. L'ABiH,

20 au point de vue de la partition des forces en présence, l'ABiH, ils étaient

21 dans la même situation que le HVO, ils étaient en situation de faiblesse

22 numérique ? Comment vous analysiez la situation en termes de forces

23 militaires sur le terrain ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Lorsqu'on parlait

25 à une brigade, ce n'était pas une brigade qui était composée d'autant

26 d'hommes qu'une brigade de l'armée britannique. C'était plutôt un groupe de

27 combat renforcé, nous dirions cela au sein du Bataillon britannique. Pour

28 ce qui est de "l'armija", elle était moins bien équipée que le HVO. Mais

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1 les deux n'étaient pas bien équipés.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour vous, l'ABiH était en situation d'infériorité

3 en termes strictement militaires ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Point de vue

5 numérique, ils avaient peut-être le même nombre d'hommes, mais le HVO avait

6 peut-être accès à des armes plus lourdes que "l'armija".

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez. Peut-être qu'on reviendra tout à l'heure

8 là-dessus.

9 M. BOS : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

10 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous, je vous prie, prendre la pièce

11 1104 ? Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire de quelle pièce il

12 s'agit ?

13 R. Encore une fois, il s'agit d'un résumé d'information militaire du

14 bataillon. C'est un peu difficile de voir la version en anglais, mais je

15 vois que le document date du 12 janvier 1993.

16 Q. Pourriez-vous, je vous prie, prendre la page 2, je souhaiterais que

17 vous preniez connaissance du paragraphe du haut. Pourriez-vous nous donner

18 lecture de la ligne 7 qui commence avec le mot "Commentaire" ?

19 R. "Le HVO semble avoir comblé ou bouclé la route du nord, au nord et au

20 sud de Gornji Vakuf. La seule route qui est maintenant accessible à l'ABiH

21 est la route qui mène vers Novi Travnik."

22 Q. Pour revenir au document qui se trouve sur le rétroprojecteur, du 12

23 janvier, pourriez-vous nous expliquer ce que le HVO essayait de faire à

24 l'époque ? Ici, on peut voir qu'ils essayaient de boucler les routes au

25 nord et au sud. Que faisait-ils exactement ?

26 R. En essayant de fermer la boucle du sud, on garantit sa propre sécurité,

27 et en fermant la route au nord, on empêche les renforcements venant de

28 "l'armija" pour Bugojno et la région de Travnik pour aller en bas dans la

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1 région de Gornji Vakuf. Même s'il était impossible d'empêcher leur arrivée

2 à pied, mais ils pouvaient de toute façon -- leur arrivée à bord de

3 véhicules plus lourds était possible -- il était possible d'empêcher les

4 véhicules plus lourds et les véhicules plus importants.

5 M. BOS : [interprétation] Pouvez-vous, je vous prie, prendre la pièce

6 1209 ?

7 Q. Est-ce que vous avez déjà vu ce document auparavant ?

8 R. Oui, hier.

9 Q. Quelle est la date du document, je vous prie ?

10 R. Le document est daté du 19 janvier 1993.

11 Q. Qui est l'auteur de ce document ?

12 R. C'était le commandant Zeljko Siljeg.

13 Q. Est-ce que vous le connaissez ?

14 R. Oui. Pas personnellement, mais je l'ai rencontré à plusieurs reprises.

15 Q. Nous allons revenir à cela sous peu. Pour revenir à ce dont nous

16 parlons en ce moment, si l'on prend le début du rapport, les six premières

17 lignes du rapport.

18 R. "Comme nous l'avons marqué dans un rapport intérim aujourd'hui, nous

19 avons commencé des opérations d'offensive. Pour ce qui est de plusieurs

20 villages, des villages de Gornji Vakuf, nous avons encerclé Mackovac Brdo,

21 de Gornji Hrasnica. Il y a des opérations autour des opérations de

22 destruction dans d'autres villages --"

23 Q. Je vais vous arrêter ici. On parle aussi de Mackovac Brdo, du relais de

24 Mackovac Brdo. Est-ce que vous savez à quoi on fait référence lorsqu'on

25 parle de ce "relais" ?

26 R. Le relais est une colline qui surplombe Gornji Vakuf du côté sud-ouest.

27 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous l'indiquer avec un stylo et indiquer

28 un R à côté ?

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1 R. [Le témoin s'exécute] C'est une montagne assez importante. On l'appelle

2 le relais puisqu'il y a un relais radio qui est planté dessus.

3 Q. Et Gornji Vakuf ?

4 R. Gornji Vakuf est dans une vallée. La colline est très haute et elle

5 surplombe la plus grande partie de la ville. Si vous êtes sur la colline

6 avec des armes à tirs directs, il est tout à fait possible de cibler toutes

7 les parties de la ville.

8 Q. On parle ici d'un certain nombre de villages. Ce rapport fait état de

9 Zdrimci, de Gornji Hrasnica, et à la quatrième ligne, on peut voir un

10 "village illisible". Si vous prenez la version en B/C/S de ce document, je

11 crois qu'on peut voir le nom du village. C'est la ligne 4. Est-ce que vous

12 pouvez nous lire ce qui est écrit, ce que le traducteur n'a pas pu lire à

13 la ligne 4 ? Le dernier.

14 R. C'est Salodrica [phon], quelque chose comme cela, le village d'Urizcje.

15 Q. Ces villages dont on parle ici, Zdrimci ou Uzricje et Hrasnica, les

16 hameaux de Duvinaci [phon] et Fasnica [phon], est-ce que vous pourriez nous

17 indiquer où se trouvent ces villages sur cette carte ?

18 R. Zdrimci est ce village-ci. Hrasnica se trouve ici.

19 Q. Vous avez mis quelques annotations, vous avez plutôt tracé des lignes,

20 donc on n'arrive plus à lire les noms de ces villages.

21 Quelle était la raison pour laquelle le HVO voulait prendre le contrôle de

22 ces villages ?

23 R. C'est parce que ces villages avaient une vue sur la route. Même si le

24 HVO peut, par exemple, contrôler la route, il aurait quand même été

25 possible pour l'armée de tirer sur la route depuis ces villages. Si vous

26 vouliez assurer la sécurité de cette route ou si vous vouliez avoir le

27 contrôle de cette route, il fallait également s'emparer des régions, des

28 zones, des villages qui se trouvent de chaque côté de la route, car il

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1 était possible de tirer même avec les armes légères sur la route.

2 Q. Je souhaiterais maintenant aborder un autre thème.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant d'aborder un autre thème, toujours ce

4 document, ce rapport qui suit un rapport intérimaire est adressé donc par

5 Siljeg, qui doit être sur le terrain. Je constate qu'il l'envoie au HVO, à

6 la zone d'opérations du nord-ouest, mais je vois également la mention d'un

7 IKM Prozor, c'est-à-dire un poste de commandement avancé. Est-ce qu'à votre

8 connaissance, à Prozor, il y avait un poste de commandement avancé qui

9 contrôlait, en termes militaires, l'ensemble de l'opération militaire ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y avait un

11 poste de commandement avancé qui se trouvait dans le village de Pidris.

12 C'est ce que nous appelons un quartier général tactique.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] Comment le saviez-vous ? Comment

14 saviez-vous qu'il y avait ce poste de commandement avancé ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais plus pourquoi nous le savions, mais

16 le fait est qu'il se trouvait là, et lorsque nous emmenions le colonel

17 Siljeg pour qu'il participe aux négociations de cessez-le-feu, c'est là que

18 nous allions le prendre. Puis, pour autant que ma mémoire ne me trompe,

19 c'est "l'armija" qui nous avait dit, me semble-t-il, que cela se trouvait à

20 Pidris. Ils avaient posé des questions, organisé des briefings à des

21 personnes du cru qui avaient quitté cette région. Mais je ne peux pas vous

22 dire à 100 % que cela était l'origine de nos renseignements, mais en tout

23 cas, c'est là que se trouvait son poste de commandement avancé.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

25 M. BOS : [interprétation]

26 Q. Monsieur, au moment où les hostilités ont démarré, est-ce que vous vous

27 souvenez avoir participé à une réunion ?

28 R. Il y avait des négociations de cessez-le-feu de façon quasiment

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1 continue. Il y avait promesses de cessez-le-feu qui étaient faites, puis

2 ensuite, rupture du cessez-le-feu quelques minutes après la mise en vigueur

3 ou l'entrée en vigueur du cessez-le-feu. Alors plus le conflit en question

4 durait, plus il y avait des personnes haut placées dans la hiérarchie qui

5 participaient à ces négociations sur le cessez-le-feu. Ce à quoi je pense,

6 pour cette réunion à laquelle vous faites référence, il y avait une

7 délégation de Mostar. Je pense qu'il y avait le colonel Merdan, il y avait

8 également "l'armija" qui était représentée ainsi qu'un commandant de

9 Zenica, officier chargé de la sécurité Cikotic.

10 Q. Je vais vous interrompre. Puisque vous dites une délégation de Mostar,

11 qui composait cette délégation ?

12 R. Il y avait trois, quatre personnes de Mostar, me semble-t-il. Une de

13 ces personnes était le colonel Andric ou Androvic [phon].

14 Q. Mais qui représentaient-ils ?

15 R. Ils représentaient le HVO.

16 Q. Vous dites qu'il y avait un homme qui répondait au nom du -- enfin, qui

17 était le colonel Andric. Est-ce que vous vous souvenez du nom des autres

18 personnes ?

19 R. Je ne me souviens pas précisément du nom des autres personnes. Je ne me

20 souviens pas d'ailleurs combien ils étaient. Il se peut que le colonel

21 Siljeg ait été présent, mais je ne m'en souviens pas parce qu'il y avait

22 tant de réunions qui se déroulaient pour essayer de mettre un terme à cette

23 situation.

24 Q. Quand est-ce que cette réunion a commencé ?

25 R. Pour autant que je m'en souvienne, elle a commencé juste avant ou juste

26 après le déjeuner.

27 Q. Quel fut le thème des discussions lors de la réunion ? Quel était le

28 but ?

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1 R. Il s'agissait de désamorcer la situation ou d'essayer de la désamorcer,

2 de faire en sorte que des soldats extérieurs pour les deux camps,

3 d'ailleurs, quittent cette zone. Nous avions des convois d'aide qui étaient

4 arrêtés en pleine Bosnie centrale et nous voulions faire en sorte que

5 l'aide puisse arriver en Bosnie centrale.

6 Q. Vous vous souvenez de la date de cette réunion ?

7 R. Pas précisément de la date, mais je me souviens que cela s'est passé en

8 janvier, probablement après la mi-janvier, mais je n'en suis pas absolument

9 sûr et certain.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Le convoi qui était arrêté en Bosnie centrale, il

11 était arrêté en quel endroit, dans quelle localité, si vous vous en

12 rappelez ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les convois avaient été arrêtés, Monsieur

14 le Président. Il n'y avait aucun convoi qui entrait et aucun convoi qui

15 sortait. Gornji Vakuf était le seul endroit où ils pouvaient passer. Tous

16 les convois avaient été arrêtés, donc il n'y avait aucune aide qui était

17 livrée en Bosnie centrale et il n'y avait aucun camion transportant ou qui

18 revenait à vide, qui pouvait ressortir pour être chargé à nouveau.

19 M. BOS : [interprétation]

20 Q. Vous pouvez nous expliquer ce qui s'est passé à cette réunion ?

21 R. La réunion s'est passée pendant toute la journée. Je n'ai pas été

22 présent pendant toute la réunion, mais cette réunion a eu lieu pendant

23 toute la journée. Fondamentalement, le HVO était de plus en plus

24 belligérant, il faisait un peu de l'obstructionnisme, puis à la fin, c'est

25 le HVO qui a mis un terme à la réunion. Le colonel Andric a lu un ultimatum

26 par lequel il informait le colonel Merdan de "l'armija" et toutes les

27 personnes qui étaient présentes à la réunion que si les Musulmans ne

28 rendaient pas leurs armes, ne désarmaient pas, il y avait deux brigades qui

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1 étaient prêtes à attaquer la ville.

2 Q. Quelle fut la réaction à la suite de la lecture de cet ultimatum ?

3 R. Tout le monde était quand même un peu choqué, mais la situation était

4 quand même assez médiocre. Il y avait des échanges de tirs, le HVO avait

5 bouclé la ville, mais personne ne s'attendait à ce qu'ils allaient attaquer

6 véritablement la ville en bonne et due forme.

7 Q. Comment est-ce que le résultat de cette réunion a eu une incidence sur

8 la situation qui prévalait sur le terrain à Gornji Vakuf au cours des jours

9 suivants ?

10 R. La réunion s'est interrompue de suite parce qu'il n'y avait plus grand-

11 chose d'autre à dire. Le commandant Merdan de "l'armija" était extrêmement

12 contrarié. Il pensait d'ailleurs qu'ils allaient perdre la ville. Il ne

13 pensait pas que ses hommes allaient pouvoir résister, tenir la ville.

14 Nous, ce qui nous préoccupait, c'était la durée des combats, parce

15 que nous savions que l'hiver approchait, qu'il fallait faire en sorte que

16 les convois humanitaires puissent se déplacer. Puis, nous étions également

17 préoccupés par la sécurité de la population civile, qui avait beaucoup

18 augmenté du fait de l'arrivée des réfugiés dans la ville, donc nous nous

19 demandions comment on pouvait assurer la sécurité de cette population

20 civile.

21 Q. Poursuivez.

22 R. Et le lendemain, il y a eu en quelque sorte escalade jusqu'au début de

23 l'attaque.

24 Q. Vous dites qu'il y avait escalade, escalade jusqu'au début de

25 l'attaque, mais qui a commencé cette attaque, et quand est-ce que cela

26 s'est passé ? Combien de jours après la réunion ?

27 R. Il y avait constamment des échanges de tirs, des échanges de roquettes,

28 des échanges -- cela avait une intensité moindre, quand même. Mais ce qui a

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1 véritablement déclenché le début, ce fut les tirs d'artillerie et les tirs

2 de mortiers également, qui ont commencé à être tirés soudainement par le

3 HVO, donc il y a eu une augmentation de l'utilisation des armes à feu.

4 Q. Quand est-ce que cela s'est passé après la réunion ? Est-ce que vous

5 pourriez nous donner une indication peut-être ?

6 R. Pour autant que je m'en souvienne, cela a commencé le lendemain. Je ne

7 me souviens pas exactement du début de l'attaque, mais je pense que cela

8 s'est probablement passé le matin.

9 Q. Je vais vous montrer toute une série de documents qui ont trait à cette

10 réunion dont nous venons de parler et j'aimerais dans premier temps vous

11 demander de prendre la pièce à conviction ou de consulter la pièce à

12 conviction 1163. Vous voyez la page de garde; de quel document s'agit-il ?

13 R. Il s'agit d'un résumé d'information militaire qui date du 16 janvier

14 1993.

15 Q. Est-ce que vous pouvez passer à la page 3 dudit document ? Je vais vous

16 en donner lecture. Est-il exact qu'au dernier paragraphe de ce rapport, le

17 texte de l'ultimatum tel qu'il a été lu figure dans le rapport ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Qui a consigné ce texte ?

20 R. Ce texte -- c'est moi qui l'ai rédigé en anglais parce que je suivais à

21 la suite d'une traduction qui a été donnée par l'un des interprètes qui se

22 trouvait dans notre base.

23 Q. J'aimerais vous poser une question au sujet du texte de cet ultimatum.

24 Je vais vous donner lecture de la dernière phrase de la page 3 qui est

25 comme suit : "Les médias de Bosnie doivent indiquer dans le bulletin : une

26 liste des mois suivant laquelle il a été indiqué que le HVO n'a lancé ou

27 n'a tiré sur personne, n'a incendié aucune maison et que toutes ces

28 opérations ont été effectuées par les Musulmans."

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1 Est-ce que c'est la situation qui prévalait sur le terrain à l'époque ?

2 R. Absolument pas. C'était tout à fait le contraire.

3 Q. Après le texte de l'ultimatum, il y a des observations. Peut-être que

4 vous pourriez nous donner lecture de ces observations ?

5 R. Voilà ce qui est écrit : "L'ABiH", à savoir "l'armija", "a indiqué

6 qu'elle ne pouvait pas accepter toutes ces exigences. Le HVO ne semble pas

7 être disposé à négocier leurs exigences. Par conséquent, l'escalade du

8 conflit semble inévitable."

9 Q. Est-ce que c'est une conclusion qui a été tirée par la FORPRONU à

10 l'époque ?

11 R. C'est une conclusion qui a été dégagée par toutes les personnes

12 présentes dans la pièce : "l'armija", le HVO et la FORPRONU.

13 Q. Nous allons passer à un autre document. Il s'agit de la pièce à

14 conviction 1162. Avez-vous vu ce document auparavant, Monsieur ?

15 R. On me l'a montré hier.

16 Q. Alors si vous prenez la dernière page, qui est l'auteur du document ?

17 R. C'est le colonel Siljeg à nouveau, de la zone nord-ouest d'Herzégovine.

18 Q. A qui s'adresse ce document ?

19 R. A l'état-major principal du HVO à Mostar.

20 Q. Quelle est la date du document ?

21 R. Le 16 janvier.

22 Q. Est-ce que vous pourriez peut-être prendre le dernier paragraphe de la

23 deuxième page ?

24 R. Oui.

25 Q. Ce n'est pas la peine de nous en donner lecture, mais ce qui est écrit,

26 est-ce que vous pensez que cela fait référence à la réunion dont vous

27 parliez ?

28 R. Oui.

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1 Q. Je vous demanderais de prendre la toute dernière page du document. Est-

2 ce que vous pourriez nous donner lecture de ce qui est indiqué là ?

3 R. Il est dit que : "Le général Praljak leur avait envoyé un message

4 suivant lequel ils seraient absolument anéantis s'ils n'acceptaient pas la

5 décision de l'ABiH."

6 Q. Est-ce que vous savez qui est le général Praljak ?

7 R. Non. Je ne le sais pas, je m'excuse.

8 Q. Est-ce que nous pouvons passer à la pièce à conviction 1182, je vous

9 prie ?

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de passer à la pièce à conviction, regardez la

11 page 2 de ce document où on parle de la Brigade Kralj Tomislav, puis de la

12 Brigade de Rama. Je constate qu'il est fait mention des tanks. Est-ce que

13 vous-même aviez vu la présence de tanks sur le site ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de la

15 Brigade de Kralj Tomislav qui est de Tomislavgrad, comme cela est indiqué.

16 Puis ensuite, la brigade ensuite, c'est la Brigade Rama, c'est la Brigade

17 de Prozor, puis vous avez le tank qui est le T-55 où il en est question de

18 la troisième ligne qui venait de la colline Makljen à la colline Crni Vrh.

19 Bon, je ne sais pas très bien comment on prononce cela. Le mont ou la

20 colline Makljen, c'est le poste de contrôle que j'ai indiqué un peu plus

21 tôt. Il faut savoir que la plupart des soldats qui ont des chars donnent à

22 leur char ou à leur tank un nom. Celui-là, il s'appelait Tvigi, et nous le

23 connaissions assez bien. Puisqu'ils donnaient des noms à leurs véhicules,

24 nous étions en mesure de les suivre et de savoir où ils se trouvaient.

25 M. BOS : [interprétation]

26 Q. Une petite question de suivi, je vous prie.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que ce char s'appelait Twiggy. Vous le

28 connaissiez ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était Tvigi, T-v-i-g-i. C'est ce qui était

2 peint en lettres blanches. Oui, en tout cas, nous nous le connaissions,

3 Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque vous quittiez le poste de contrôle de

6 Makljen et que vous preniez le tournant qui descendait vers Prozor, vous

7 pouviez le voir au niveau du quartier général du HVO, on le voyait gravir

8 ou descendre vers le poste de contrôle de Makljen.

9 M. BOS : [interprétation]

10 Q. Est-ce que le HVO avait d'autres chars à part le Tvigi ?

11 R. Il y avait un M-48, un vieux char américain M-48, qu'ils avaient

12 positionné sur la colline au-dessus de Prozor. On ne l'a jamais vu se

13 déplacer. Lorsque vous le voyiez dans différents endroits, on nous avait

14 dit qu'il était remorqué parce que son moteur ne fonctionnait plus. Il y

15 avait également d'autres chars blindés. Il y avait un BRDM 2, qui était un

16 véhicule de reconnaissance soviétique, et il s'appelait James Dean, celui-

17 là, d'ailleurs.

18 Q. Est-ce que "l'armija" avait des chars ?

19 R. Dans notre zone, ils n'avaient pas de chars. Pour autant que je le

20 sache, le char le plus près pour eux, c'était un T-34 qui se trouvait à la

21 périphérie de Zenica. Un T-34, c'était un char soviétique de la Deuxième

22 guerre mondiale.

23 Q. Est-ce que vous pourriez consulter la pièce à conviction 1182, je vous

24 prie ? Une fois de plus, de quel type de document s'agit-il ?

25 R. Il s'agit à nouveau d'une synthèse d'information militaire du Cheshire

26 pour le 17 janvier 1993.

27 Q. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, prendre la deuxième page et la

28 deuxième partie du premier paragraphe ? Lisez cela en votre for intérieur,

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1 mais est-ce que cela décrit la réaction des Musulmans après l'ultimatum tel

2 que vous l'avez décrit auparavant ?

3 R. Oui, oui, oui. Il s'agit d'une séance de débriefing des officiers

4 musulmans qui se trouvaient là.

5 Q. Vous voyez qu'il dit qu'il avait reçu les instructions du président

6 Izetbegovic suivant lesquelles il devait rejeter l'ultimatum. C'est un

7 rapport du mois de janvier, du 17 janvier, et je suppose que cela signifie

8 qu'Izetbegovic avait été informé directement de cet ultimatum ?

9 R. Au niveau de notre base à Gornji Vakuf, dans le bureau que j'utilisais,

10 nous avions un satellite, un téléphone satellite INMARSAT. Lorsque les

11 personnes qui étaient présentes aux négociations de Gornji Vakuf

12 souhaitaient obtenir des précisions, elles utilisaient le téléphone

13 INMARSAT ainsi que le télécopieur, d'ailleurs, pour contacter les personnes

14 qu'elles souhaitaient contacter.

15 Q. J'aimerais attirer votre attention sur le troisième paragraphe qui

16 commence par le mot "commentaire". Peut-être que vous pourriez nous lire ce

17 commentaire ?

18 R. "La situation à Gornji Vakuf semble se détériorer davantage avec le

19 rejet de "l'armija" à des exigences du HVO, et nous pensons en que le HVO

20 va essayer de forcer ou de faire en sorte que leurs demandes soient prises

21 en considération après la date butoir de minuit. Il est tout à fait

22 vraisemblable que certains éléments des forces de l'ABiH du secteur de

23 Bugojno se déplacent pour apporter un renfort à l'ABiH à Gornji Vakuf.

24 C'est une possibilité qui est de plus en plus vraisemblable. Cela va

25 certainement susciter une escalade importante du conflit entre les

26 Musulmans et les Croates. Cela va représenter un obstacle sur la route

27 d'approvisionnement principale." C'est comme cela qu'on l'appelait, on

28 appelait cela la MSR, non seulement pour les convois d'aide, mais c'était

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1 également notre route principale, la route principale que nous empruntions.

2 Q. C'est la route que vous avez indiquée sur la carte un peu plus tôt ?

3 R. Oui, c'est l'axe principal vers la Bosnie centrale.

4 Q. Si vous pouvez regarder à nouveau le rétroprojecteur. En fait, si vous

5 pouvez nous expliquer de quelle route il s'agit.

6 R. C'est la route d'approvisionnement principale qui va de Vitez jusqu'à

7 Gornji Vakuf, puis qui descend vers Prozor en passant par Tomislavgrad et

8 qui repart vers notre base à Split. Si l'on interrompait cette route, si on

9 la bouclait, cela signifiait non seulement qu'on interrompait les convois

10 d'aide, mais on coupait fondamentalement la ligne d'approvisionnement pour

11 nos forces qui se trouvaient également en Bosnie centrale.

12 Q. Il y a une évaluation qui a été faite par le FORPRONU le 17 janvier, et

13 ils considèrent qu'il va y avoir exacerbation et escalade de la situation.

14 Est-ce que cela s'est passé ?

15 R. Oui.

16 Q. Encore un document à propos de cet ultimatum. Il s'agit de la pièce à

17 conviction 1207. Peut-être qu'avant de faire la pause, nous pourrions

18 étudier ce tout dernier document.

19 De quel type de document s'agit-il, Monsieur Williams ?

20 R. Il s'agit d'un communiqué de presse de la BBC.

21 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer quelle était la situation du

22 Bataillon britannique vis-à-vis des médias, et notamment des médias

23 internationaux ?

24 R. Notre commandant, le commandant général, le colonel Stewart, suivait la

25 politique suivante : la presse pouvait aller où elle le souhaitait, pouvait

26 parler à qui elle le souhaitait, et s'ils ne pouvaient pas se rendre où ils

27 souhaitaient aller, il fallait que nous les mettions dans des véhicules

28 blindés.

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1 Q. J'aimerais attirer votre attention sur la deuxième page de ce document.

2 J'aimerais vous demander de nous donner lecture de la deuxième ligne qui se

3 trouve à l'avant-dernier paragraphe.

4 M. MURPHY : [interprétation] Je ne sais pas sur quelle base on demande à un

5 témoin de lire un communiqué de presse. Alors peut-être que M. Bos pourrait

6 préciser cela à notre intention.

7 M. BOS : [interprétation] Ce que j'aimerais savoir ou demander au témoin,

8 s'il est d'accord avec l'évaluation qui est présentée dans ce document,

9 puisqu'il s'agit d'une déclaration du commandement du 3e Corps de l'ABiH.

10 Q. Monsieur, est-ce que vous pourriez nous donner lecture de cette

11 phrase ?

12 R. Quel paragraphe ?

13 Q. L'avant-dernier paragraphe avant la fin.

14 R. "Une date butoir de 24 heures, date butoir qui expire dimanche, à

15 savoir minuit aujourd'hui, a été octroyée pour ces demandes qui ont été

16 acceptées par le gouvernement de ce qu'on appelle l'Herceg-Bosna. Si cela

17 n'est pas fait, les dirigeants du HVO ont prévenu qu'ils ne seront pas

18 responsables des conséquences possibles. Les représentants du HVO ont

19 menacé ouvertement et ont dit qu'ils étaient prêts à utiliser toute la

20 puissance militaire qui était à leur disposition pour faire en sorte que

21 les demandes de l'ultimatum deviennent une réalité concrète. L'ultimatum

22 que le HVO a intimé à l'ABiH à Gornji Vakuf la nuit dernière, la

23 déclaration du commandement du 3e Corps de l'ABiH indique qu'il s'agit du

24 dernier exemple d'un plan qui a été extrêmement bien planifié et orchestré

25 et qui est concrétisé dans la municipalité de Gornji Vakuf depuis le 8

26 janvier."

27 Q. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec l'évaluation qui est

28 présentée par le commandant du 3e Corps ?

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1 R. Oui. C'était l'évaluation de la FORPRONU. Oui, pour ce secteur.

2 M. BOS : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que nous pouvons avoir

3 une pause, maintenant.

4 M. KARNAVAS : [interprétation] Petite précision, Monsieur le Président.

5 Est-ce que la BBC était présente à cette réunion ? Est-ce que c'est ce que

6 la BBC ou est-ce que ce que le Bataillon britannique a indiqué à la BBC,

7 ils se contentent de le répéter, ou est-ce que cela se fonde sur des

8 évaluations indépendantes ?

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, Monsieur le Témoin.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Mais à ma

11 connaissance, la BBC n'était pas présente à la réunion. Il y avait des

12 reporters des différentes agences de presse qui se déplaçaient tout le

13 temps dans Gornji Vakuf, et pendant que cet incident s'est déroulé, il faut

14 savoir qu'ils étaient un peu coincés là et qu'ils se trouvaient dans notre

15 base. Nous avions un officier responsable de la presse à Vitez qui

16 fournissait des consignes et des instructions à la presse. La presse avait

17 un bureau là qu'ils partageaient avec toutes les autres agences de presse,

18 BBC, Associated Press, et cetera. C'était un officier chargé ou responsable

19 de la presse du Bataillon britannique qui, quotidiennement, leur

20 fournissait des instructions, leur faisait un briefing, et ils pouvaient

21 poser toutes les questions qu'ils souhaitaient.

22 M. MURPHY : [interprétation] C'est intéressant, mais je vois que dans le

23 document, la source est censée être la radio de la Bosnie-Herzégovine,

24 Radio Sarajevo. Il ne me semble pas que cela corresponde à la réponse qui a

25 été donnée par le témoin.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous voyez, dans le document, la

27 source de la BBC semble être la Radio de Sarajevo qui aurait fait une

28 émission à 14 heures le 17 janvier 1993. Quelle est votre analyse ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Si la BBC indique que cela a été leur source

2 pour ce communiqué de presse particulier, il est évident que c'était la

3 source qu'ils ont utilisée. Mais il y avait tous les représentants de la

4 presse qui, à Vitez, écoutaient les consignes de l'officier. Je dirais que

5 cette attaque a fait l'objet de diffusion dans le monde entier à la

6 télévision. Nous, nous étions dans la base des Nations Unies et nous

7 pouvions nous voir nous-mêmes sur la chaîne Sky. Quelle que soit la source

8 qu'ils indiquent pour le communiqué de presse, qu'il s'agisse de la Radio

9 de Sarajevo, il est évident qu'ils avaient également reçu des

10 renseignements de notre part.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : La chaîne Sky, c'est Sky News qui faisait un direct

12 de l'offensive ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Sky News a présenté plusieurs reportages

14 pendant cette période. Ils avaient un reporter sur le terrain qui

15 s'appelait Arnout van Lynden, pour autant que je m'en souvienne.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Avec les "breaking news", l'avez-vous vue en

17 direct, l'émission ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous regardions Sky News tout le temps.

19 C'était une excellente source d'information pour nous également, puis il

20 faut savoir que Kate Adie, la grande journaliste de la BBC, venait souvent

21 et filmait, et elle a même été piégée dans un bâtiment, un immeuble à

22 Gornji Vakuf.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que je dois comprendre que les Britanniques

24 étaient renseignés directement par Sky News ?

25 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

26 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Autre précision à propos du même document,

28 parce qu'il est indiqué au paragraphe 2 que : "Le HVO demande également à

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1 tous les membres de l'ABiH de quitter la ville et proposent que des

2 patrouilles de police militaire mixtes devraient être les formations

3 militaires à Gornji Vakuf."

4 Peut-être que vous le savez, mais il semblerait que personne n'était

5 censé être à Gornji Vakuf, ni l'armée ni "l'armija", ni le HVO, mais vous

6 pouviez avoir la présence d'une police militaire mixte. Je me demande si

7 vous pourriez peut-être développer cette idée, Monsieur.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cela, c'était une proposition qu'ils

9 avaient suggérée, mais dans la réalité, ce n'était absolument pas viable.

10 Qu'en est-il des soldats du HVO qui sont originaires de Gornji Vakuf et

11 dont les familles vivent à Gornji Vakuf ? Qu'en est-il des soldats de

12 "l'armija" qui vivaient à Gornji Vakuf et dont les familles étaient à

13 Gornji Vakuf ? C'était une proposition qui ne tenait absolument pas la

14 route.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est l'heure de faire la pause. On va reprendre

16 dans 20 minutes. J'indique à l'Accusation qu'elle a utilisé quasiment une

17 heure 30. Il nous restera après, une heure. Si vous pouviez boucler votre

18 interrogatoire principal aujourd'hui, ce serait une excellente nouvelle.

19 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.

20 --- L'audience est reprise à 17 heures 51.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bos, vous avez la parole.

22 M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais maintenant qu'on parle des différentes

24 unités du HVO que vous avez pu voir dans la région pendant le conflit des

25 mois de janvier et février 1993. Alors, pour commencer, il y a des choses

26 que nous avons déjà abordées, mais essayons de progresser dans l'ordre.

27 Premièrement, à Gornji Vakuf, il y avait quelles unités locales du HVO ?

28 R. La Brigade Ante Starcevic. C'était la Brigade du HVO de Gornji Vakuf.

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1 Q. Son commandant ?

2 R. C'était Zrinko Tokic.

3 Q. Et dans la région, il y avait d'autres unités ?

4 R. Il y avait des éléments de la Brigade Bruno Busic. C'était une force

5 alpha. Par la suite, il y avait également un petit détachement du HOS, un

6 autre type de milice des Croates de Bosnie.

7 Q. Ce détachement du HOS, il avait quels effectifs, quelle était sa

8 taille ?

9 R. C'était un petit groupe, pas plus de 20 hommes.

10 Q. Quelles unités du HVO à l'extérieur de la municipalité de Gornji

11 Vakuf pendant le conflit de janvier ?

12 R. D'après la taille, la deuxième était la Brigade de Rama, donc du HVO de

13 Prozor.

14 Q. Qui commandait cette brigade ?

15 R. L'un des commandants haut placé était --

16 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.

17 M. BOS : [interprétation]

18 Q. Est-ce que vous pouvez épeler le nom pour les sténotypistes, s'il vous

19 plaît ?

20 R. K-O-L-A-K-U-S-I-C avec un accent aigu sur le dernier C.

21 Q. Et son prénom ?

22 R. Petar.

23 Q. La Brigade Ramska. D'autres ?

24 R. La Brigade de Kralj Tomislav, le roi Tomislav. Puis à côté d'eux, il y

25 avait la Brigade de Livno, pas toute la brigade, mais des éléments de cette

26 brigade-là. Ils avaient des éléments de toute l'Herzégovine, Siroki Brijeg,

27 Posusje, Grude, partout, mais pas en tant qu'une unité entière en sens

28 tactique du terme. Ils avaient des éléments qu'ils envoyaient en renfort

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1 pour renforcer des brigades qui allaient lancer des opérations.

2 Q. Et la Brigade du Roi Tomislav, qui la commandait ?

3 R. C'était un Canadien, il s'appelait Nick Glasnovic.

4 Q. La pièce 1107, Monsieur le Témoin, s'il vous plaît. Avez-vous déjà vu

5 ce document ?

6 R. Il m'a été montré hier.

7 Q. Qui est l'auteur du document ?

8 R. Le colonel Siljeg, le commandant de la zone opérationnelle du nord-

9 ouest de l'Herzégovine.

10 Q. Et l'ordre s'adresse à qui ?

11 R. A toutes les zones des opérations. Je pense que l'abréviation signifie

12 toutes les brigades subordonnées à cette zone d'opération.

13 Q. De quelle zone parlons-nous ?

14 R. Il s'agit de l'Herzégovine du nord-ouest.

15 Q. La date ?

16 R. La date est celle du 12 janvier 1993.

17 Q. Si vous lisez le premier paragraphe de cet ordre, il est fait référence

18 à l'incident qui concerne le drapeau croate. Est-ce que c'est le même

19 incident dont vous avez déjà parlé ?

20 R. Oui.

21 Q. Il est question de l'arrivée des forces de l'ABiH de Bosnie centrale à

22 Gornji Vakuf. Vous savez de quoi il s'agit dans cet ordre ?

23 R. De la brigade de Jajce ou Jajacka [phon] de l'ABiH qui est arrivée ici

24 ou certains éléments de cette brigade, après la chute de Jajce.

25 Q. Vous pouvez nous dire combien il y avait de militaires dans cette

26 brigade ou plutôt combien sont arrivés dans la ville à Gornji Vakuf ?

27 R. Dans la ville elle-même, pour autant que je le sache, aucun, mais ils

28 étaient stationnés dans les villages en bordure de la ville. Je pense qu'il

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1 y en avait à peu près 50.

2 Q. On vous a montré ce document hier. Vous pouvez le parcourir brièvement

3 maintenant. Comment qualifieriez-vous, comment décririez-vous ce type

4 d'ordre ?

5 R. Dans la terminologie militaire dans l'armée britannique, ce serait un

6 ordre de confirmation. Il y aurait normalement plusieurs documents, qui

7 auraient précédé celui-ci, s'adressant à différents commandants et

8 précisant des cartes et qui auraient été discutés en profondeur, et s'il

9 n'y avait pas de modifications majeures, alors le commandant émettait un

10 ordre de confirmation.

11 Q. Quel laps de temps s'écoulerait entre des ordres plus détaillés et

12 ordre de confirmation ?

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais on l'invite à spéculer, objection. Il

14 est en train de lire, cela nous dit ce qu'il pense être sa conviction sur

15 ce que c'est ce qu'il pense être, mais on ne sait pas s'il sait

16 effectivement s'il y a eu des ordres ou des réunions qui ont précédé cet

17 ordre. Donc il faudrait qu'on progresse dans l'ordre.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la plupart des armées --

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Encore une fois, j'objecte. Est-ce qu'il

20 peut nous dire précisément ce qui est du HVO ? L'armée britannique procède

21 à sa manière, c'est une autre chose. A moins, s'il va nous dire qu'il y a

22 une formation identique dans l'armée britannique à celle du HVO.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voyez cet ordre. Est-ce que la lecture de cet

24 ordre correspond au fonctionnement du HVO tel que vous l'avez perçu sur

25 place ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est un ordre de

27 confirmation pour lancer une attaque sur Gornji Vakuf.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bos, continuez.

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1 M. BOS : [interprétation]

2 Q. Je parcours ce document. Encore une fois, les unités qui sont

3 mentionnées dans le document, s'agit-il d'unités que vous avez vues agir à

4 Gornji Vakuf à ce moment-là ?

5 R. Oui.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Aux points 3.4, il semblerait qu'on fait mention de

7 deux tanks. C'est à la page 4 en anglais.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il y avait

9 davantage de chars pour l'attaque sur Gornji Vakuf que le T-55 qui était

10 arrivé de Prozor que j'ai mentionné précédemment.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il venait d'où l'autre char s'il y a Tvigi ?

12 Il n'y a pas James Dean.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Les deux autres chars, à en juger d'après ces

14 ordres, sont arrivés de la Brigade Tomislav.

15 M. BOS : [interprétation]

16 Q. A l'examen de cet ordre, qui aurait commandé toutes ces unités

17 mentionnées dans cet ordre ?

18 R. Ce serait le commandant Siljeg lui-même, le commandant sur le terrain.

19 Q. Nous avons mentionné brièvement aujourd'hui des brigades qui auraient

20 été commandés directement de Mostar. Vous pouvez répéter leurs noms ?

21 R. La Brigade Ludvig Pavlovic et la Brigade Bruno Busic.

22 Q. Comment décririez-vous ces brigades ? Quelle était leur finalité ?

23 R. La Brigade Ludvig Pavlovic semblait être un groupe de manœuvres, qui

24 constituait une sorte de réserve pour le commandant. Quant à la Brigade

25 Bruno Busic, il semblait que c'était des hommes qui faisaient de la

26 reconnaissance sur des distances importantes, des choses comme cela. La

27 Brigade Bruno Busic était éclatée en plusieurs petits groupes à différents

28 endroits.

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1 Q. La Brigade de Ludvig Pavlovic était un groupe opérationnel de manœuvre

2 d'après ce que vous avez dit. Qu'entendez-vous par là, expliquez-le aux

3 Juges ?

4 R. C'était une unité qui dans sa totalité pouvait être déployées

5 rapidement dans une zone, soit pour renfort à une attaque, une défense ou

6 pour tirer profit d'une offense.

7 Q. S'agissant des hommes qui étaient en relais dans cette brigade, qu'en

8 diriez-vous, par rapport aux soldats réguliers du HVO ?

9 R. Ils étaient mieux équipés. Ils semblaient être mieux organisés. Ceci

10 ressemblait plus à ce qu'on s'attende de la part d'un soldat qu'en moyenne

11 à celle du HVO.

12 Q. Je vous invite maintenant à examiner la pièce 1663, s'il vous plaît.

13 R. Vous pouvez répéter ?

14 Q. 1-6-6-3, s'il vous plaît. De quelle nature est ce document ?

15 R. Encore une fois c'est un résumé d'informations militaires du régime

16 Cheshire.

17 Q. La date ?

18 R. Le 14 mars 1993.

19 Q. Alors tout d'abord, la page 2 s'il vous plaît. Au paragraphe 5, il est

20 fait référence à un débriefing d'un mercenaire britannique, qui se trouve

21 dans les rangs de la Brigade Bruno Busic à Gornji Vakuf. Par la suite, on

22 dit que l'annexe figure l'information reçue pendant ce débriefing, l'annexe

23 A. Donc est-ce que l'annexe A constituait la page suivante ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous-même, vous avez débriefé ce mercenaire britannique ?

26 R. Oui.

27 Q. J'aurais une question au sujet de ce qui est écrit en annexe. Au

28 paragraphe 4, il est dit : Les internationaux sont formés en Croatie et

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1 sont payés par la Croatie elle-même. La personne que vous avez débriefée,

2 c'est quelqu'un qui a été entraîné en Croatie ?

3 R. Dans un premier temps, c'était un soldat britannique. Il a combattu

4 également comme mercenaire de l'armée croate à Osijek. Une fois que la

5 Croatie a été stabilisée, lui et des mercenaires qui étaient avec lui ont

6 été cédés au HVO.

7 Q. La pièce 8572, s'il vous plaît.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce mercenaire britannique que vous avez débriefé; le

9 contrat d'engagement de deux ans, il l'avait signé avec qui ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec l'armée croate, Monsieur le Président,

11 l'armée croate -- croate.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : L'armée croate ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Le HV.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Et il était payé comment, sur un compte en Suisse ?

15 Il était payé en espèce ? Comment était-il payé ? En deutschemark, en

16 dinar ? Est-ce que vous avez abordé avec lui ces problèmes ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Comme on le voit

18 dans le rapport, il était payé sur un compte en banque à Zagreb.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vous a indiqué le nom de la banque ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il m'a dit juste Zagreb, Monsieur le

21 Président.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Après que vous l'avez débriefé, qu'est-ce qu'il est

23 devenu ce mercenaire ? Il est reparti en Grande-Bretagne ou il est resté

24 sur place ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] On a développé une relation avec lui parce que

26 c'était un Britannique, et avant il avait été un mitant, un militaire

27 britannique, et il était assez bavard avec nous. On le faisait venir dans

28 notre base, il regardait la télé britannique, et on lui permettait de se

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1 servir de nos infrastructures pour qu'il puisse écrire.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Une muse ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Entre autres choses, Monsieur le Président,

4 oui. La dernière fois que j'en ai entendu parler, il a été arrêté par une

5 branche, notre branche spéciale il y a deux ou trois ans. Je ne sais plus

6 pour quelle raison, probablement à cause de ses activités de mercenaire.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Quand il était dans cette unité,

8 il parlait B/C/S ? Comment il faisait lui pour communiquer avec ses autres

9 camarades ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Il parlait le serbo-croate, Monsieur le

11 Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

13 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à signaler

14 quelque chose. Au point 1, il est dit que la fiabilité de ces éléments

15 d'information ne peut pas être appréciée. Je voulais simplement que ce soit

16 consigné au compte rendu d'audience. Peut-être que ce monsieur pourrait

17 nous dire ce qu'il entend par là. On ne peut pas apprécier --

18 M. BOS : [interprétation] Il s'agit de questions qu'on pourrait soulever

19 pendant le contre-interrogatoire, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, cela peut être soulevé, mais peut-être que la

21 Défense n'y reviendra pas. Curieusement vous marquez que la fiabilité ne

22 peut être en quelque sorte assurer. Pourquoi vous avez marqué cela ? Vous

23 doutiez un peu de ce qu'il disait ou pourquoi cela a été marqué ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que j'ai eu l'occasion

25 de lui parler, Monsieur le Président. Rien ne nous permettait d'établir une

26 comparaison entre ce qu'il disait et ce qui avait été dit par d'autres

27 personnes. Nous avions l'habitude de graduer nos sources de un à six, de A

28 à F. Donc ce serait une source F6, donc une source où on ne peut pas

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1 comparer parce qu'on n'a pas de points de repère. On ne peut pas évaluer.

2 Comme je vous ai dit, on a développé une relation pendant quelque temps.

3 J'ai dit également que nous avons pris l'habitude de lui permettre de

4 se servir de notre service de poste parce qu'il n'y avait pas de poste qui

5 fonctionnait en Bosnie centrale. C'est quelque chose qui nous a permis de

6 vérifier beaucoup de ce qu'il a dit. Il écrivait aux recrus, mercenaires,

7 au Royaume-Uni, en faisant des commentaires sur ces mercenaires avec qui il

8 était et des choses de ce genre.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Kovacic.

10 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je soulèverais une

11 objection à ce qu'on verse au dossier ce document pour deux raisons. La

12 date du document, c'est la mi-mars 1993, et l'acte d'accusation pour ce qui

13 est Gornji Vakuf, et c'est de cela que nous parle le témoin, ne parle que

14 de la fin de l'année 1992 et de janvier 1993. C'est la raison pour laquelle

15 je pense que cette partie de la déposition ni ce document n'ont pas de

16 pertinence.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est enregistré.

18 Monsieur Bos, les Juges vont délibérer. Continuez.

19 M. BOS : [interprétation] La pièce 8572, s'il vous plaît.

20 Q. De quoi s'agit-il ?

21 R. Il s'agit de l'écusson de la force Alpha, la Brigade Bruno Busic.

22 Q. Etes-vous l'auteur de ce dessin, de cette pièce ?

23 R. C'est moi qui ai dessiné cela, et nous voyons ma signature en bas.

24 Q. Merci. Est-ce qu'il y avait des unités de la police militaire qui

25 auraient pris part au conflit ?

26 R. Oui.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment. Parce que M. le Procureur passe très vite

28 à autre chose. L'écusson que vous avez dessiné, parce que c'était le badge

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1 qu'il avait sur lui quand vous l'avez débriefé ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. A l'époque, si on

3 y arrivait, on leur achetait des écussons et on envoyait cela le long de

4 notre filière de commandement pour archiver cela. J'ai acheté pour 10 marks

5 ceci de lui.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous lui avez payé 10 marks cet écusson que vous

7 avez gardé, qui est chez vous, dans vos souvenirs ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non, Monsieur le Président. Non, je l'ai

9 passé au supérieur parce qu'on a constitué une sorte d'archives d'écussons

10 des différentes unités.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vois entre Alpha force une espèce de carré, c'est

12 un damier que vous avez dessiné là ? C'est quoi, là, sous les pattes de

13 l'oiseau ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, Monsieur le Président, c'est le

15 damier rouge et blanc croate.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bos.

17 M. BOS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Q. Monsieur le Témoin, je vous ai posé une question il y a quelque temps,

19 est-ce qu'il y avait des unités de police militaire qui ont pris part au

20 conflit ?

21 R. Oui, il y en a eu.

22 Q. D'où sont-elles venues ?

23 R. Mostar.

24 Q. Comment reconnaissiez-vous ces unités de police militaire ?

25 R. Ils avaient tendance à avoir des casques bleus, et ils se servaient de

26 véhicules peints en bleu.

27 Q. Savez-vous quel rôle elles ont joué dans le conflit ?

28 R. Ils semblaient devoir assurer la sécurité derrière la ligne de front

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1 entre les Croates et les Musulmans.

2 M. BOS : [interprétation] La pièce 1053, s'il vous plaît.

3 Q. Est-ce que vous avez déjà vu ce document auparavant ?

4 R. Oui, on me l'a montré hier.

5 Q. Quelle est la date du document ?

6 R. Le 5 janvier 1993.

7 Q. Vous dites 1993, mais est-ce qu'en réalité --

8 R. Non. En fait, c'est le 5 janvier.

9 Q. Qu'est-ce qui est dit après le 5 janvier ? Qu'est-ce que vous voyez ?

10 R. Un 3.

11 Q. Qui a signé ce rapport ?

12 R. Quelqu'un qui s'appelle Valentin Coric.

13 Q. Est-ce que vous connaissez cette personne ?

14 R. Non.

15 Q. Ce document est envoyé à qui ?

16 R. Personnellement à Bruno Stojic, le chef du département de Défense.

17 Q. Est-ce que vous saviez de qui il s'agit ?

18 R. Non, malheureusement pas.

19 Q. Est-ce que ce document évoque l'implication des unités de la police

20 militaire à Gornji Vakuf ?

21 R. Oui.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document que vous avez sous les yeux, quelle

23 était la mission assignée à la police militaire, et qu'est-ce que vous en

24 pensez ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la mission de protéger la population, de

26 rétablir la circulation, donc de protéger les arrières et de diffuser la

27 crainte et la peur auprès de la population croate.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que c'était vraiment nécessaire ?

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1 Voilà la question. Si mon éminent confrère veut soulever ce genre de

2 question, le témoin pourrait nous le dire, car il était là à l'époque. Est-

3 ce que c'était vraiment nécessaire ?

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Etait-ce vraiment nécessaire de préciser à la police

5 militaire qu'elle a pour objet principal de protéger la population, de

6 contrôler le trafic sur les routes ? Est-ce qu'il fallait leur rappeler

7 leurs obligations ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le document, c'est un rapport de situation.

9 C'est le commandant de la police militaire qui explique la situation au

10 chef du département de Défense et essaie d'expliquer ce qu'ils faisaient.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin n'a pas

12 répondu à la question, mais puisqu'il se trouvait sur place, sur la base de

13 ce qui se passait à l'époque, car je comprends qu'il nous a dit qu'il avait

14 une activité sporadique, donc est-ce que cette activité était nécessaire à

15 ce moment-là ?

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce qu'il fallait vraiment que la police

17 militaire se déploie sur le terrain compte tenu de l'activité ? Parce que

18 c'est un document du 5 janvier. Vous remarquerez que c'est un document du 5

19 janvier.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Le déploiement des unités de la police

21 militaire aurait été nécessaire, et comme on dit dans le document, c'était

22 pour maintenir l'ordre, mais également, cela voulait dire qu'ils allaient

23 mener à bien cette mission ou ces missions. Il leur aurait fallu arrêter le

24 renforcement de Gornji Vakuf par les unités extérieures -- que vous-même --

25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi.

26 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, je voulais soulever une

27 question. En fait, je voulais poser une question. La question suivante.

28 Dans le rapport intérimaire, le dernier paragraphe en anglais se lit comme

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1 suit : "La mission principale de cette opération est de maintenir la paix

2 et l'ordre, de protéger la population et les zones peuplées, de dissiper la

3 peur auprès de la population croate et de rétablir la circulation dans les

4 municipalités."

5 Ma question est la suivante : d'après le souvenir du témoin, puisqu'il

6 était sur place, est-ce qu'il pourrait nous dire -- si le témoin est en

7 mesure de nous confirmer que la police a bel et bien fait ceci ? Est-ce que

8 vous avez vu des unités de la police militaire, Monsieur le Témoin ? Est-ce

9 que vous avez vu ce genre d'activités ? Est-ce qu'ils ont mené à bien ce

10 genre d'activités ? Je vous remercie par avance.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Ils ont établi des

12 points de contrôle sur la route. Ils ont renforcé les points de contrôle

13 qui étaient déjà installés, qui étaient déjà sur place.

14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voulais vous poser une question

15 aussi, Monsieur. Etant donné que vous étiez sur place, est-ce que vous

16 pouvez nous dire quelle était la situation relative à la sécurité ? Par

17 exemple, est-ce qu'il y avait plusieurs -- enfin, des délits qui avaient

18 été commis ? Est-ce qu'il y avait des situations qui ne permettaient pas

19 aux personnes de sortir ? Est-ce qu'il fallait effectivement mettre en

20 place une sécurité assurée par la police ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme vous pouvez le voir de la carte,

22 Monsieur le Juge, la population est mélangée au point de vue ethnique. Pour

23 ce qui est du niveau de crimes ou de délits commis, je ne peux pas faire de

24 commentaire. Mais une crainte existait, et on avait peur que la partie

25 adverse allait faire quelque chose, donc le but était de se protéger. La

26 police militaire, de par leur présence, dissipait la peur des habitants

27 croates dans les villages.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous en avez vu des policiers militaires ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : En termes militaires, est-ce que vous avez eu

3 l'impression d'appartenir à une unité bien structurée, disciplinée, loyale,

4 qui exécute les ordres, qui rend compte des problèmes ? Quelle impression

5 vous aviez, vous, concernant cette unité de police militaire ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas vous parler, vous dire

7 spécifiquement de quelle unité provenaient les membres de la police

8 militaire que j'ai rencontrés. Ceux que j'ai rencontrés étaient des gens

9 qui assuraient les points de contrôle, qui tenaient les points de contrôle.

10 Il était difficile de dire ce qu'ils faisaient exactement sur les points de

11 contrôle, outre de conclure qu'ils arrêtaient des véhicules, par exemple.

12 Ils contrôlaient la circulation et ils tenaient les points de contrôle.

13 C'est tout ce que je pouvais remarquer à ce moment-là.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui, attendez. Parce que la police militaire,

15 cela nous intéresse au plus haut point.

16 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, toujours dans le même paragraphe

17 sur le but, les objectifs de la police militaire, pourquoi il est fait

18 mention seulement de la population croate, et non pas de la population en

19 général ? Vous pouvez en savoir quelque chose ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas élaborer là-dessus

21 adéquatement, je peux simplement faire un commentaire, si vous le

22 souhaitez. C'est que, voyez-vous, j'ai l'impression que la police du HVO

23 était plus préoccupée par la sécurité des zones croates que par la sécurité

24 des régions au peuplement musulman.

25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Nous n'avons pas d'interprétation,

26 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un problème technique ?

28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Nous entendons.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Parfait. Vous dites que la police militaire se

2 préoccupait plutôt des Croates parce qu'on était dans une zone croate ?

3 Est-ce bien cela que vous avez voulu dire ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] La police militaire du HVO était plus

5 préoccupée par la sécurité de la communauté croate que par la communauté

6 musulmane.

7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Y avait-il également une police

8 militaire de l'ABiH qui protégeait la population civile musulmane ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait quelques membres de la police

10 militaire dans "l'armija", mais pas énormément. La défense villageoise

11 était plutôt concentrée autour de la Défense territoriale. C'était l'armée,

12 la milice, mais un très grand nombre de villages musulmans avaient des

13 armes à l'intérieur et des personnes qui étaient mi-formées, des résidents,

14 si vous voulez les appeler ainsi, des villageois, ce sont eux qui

15 assuraient la sécurité des villages. Des villages d'importance tactique à

16 certains endroits avaient les membres de "l'armija" en faisaient une

17 formation au niveau "armija", des troupes de "l'armija".

18 M. BOS : [interprétation]

19 Q. Monsieur le Témoin, je souhaiterais vous montrer deux autres documents

20 relatifs à la police militaire. Je vous demanderais donc de prendre la

21 pièce 1635, s'il vous plaît. Est-ce que vous avez déjà vu ce document

22 auparavant ?

23 R. Oui, on m'a montré ce document hier.

24 Q. Qui est l'auteur de ce document ?

25 R. C'est la même personne qui a rédigé le document précédent, Valentin

26 Coric.

27 Q. A qui est-il adressé ?

28 R. A Mate Boban.

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1 Q. Quelle est la date du document ?

2 R. Le 9 mars 1993.

3 Q. Je souhaiterais attirer votre attention sur le deuxième paragraphe de

4 cet ordre. Plus spécifiquement, ce qui m'intéresse, c'est la dernière

5 phrase. Ce rapport parle-t-il et, plus particulièrement dans ses dernières

6 phrases, parle-t-il de l'implication de la police militaire dans la région

7 de Prozor et de Gornji Vakuf ?

8 R. Quel paragraphe vous intéresse ?

9 Q. C'est le deuxième paragraphe, sur la page 1, complètement la dernière

10 phrase du premier paragraphe.

11 R. "Un bataillon de la police militaire est actif dans chaque zone

12 opérationnelle et le 1er Bataillon léger d'assaut est également actif sur le

13 territoire d'Herceg-Bosna, sur l'ensemble du territoire de la HZ HB."

14 Q. Vous êtes en train de lire la deuxième ligne alors que je vous ai

15 demandé de lire la dernière ligne de ce deuxième paragraphe qui commence

16 avec "autour", "around". Je vais vous en donner lecture. Voilà, Témoin.

17 "Environ 100 hommes, des représentants de la police militaire ont participé

18 à Prozor et 350 à Gornji Vakuf en Bosnie centrale, et la compagnie de

19 service d'active du 4e Bataillon de police militaire."

20 Maintenant, ces chiffres, est-ce que ces chiffres sont exacts ? Est-ce que

21 cela correspond à ce que vous avez vu sur le terrain ?

22 M. MURPHY : [interprétation] Je ne souhaiterais certainement pas m'immiscer

23 dans ce que vous avez déjà soulevé, Monsieur le Président, dans ce que vous

24 avez déjà dit, mais il me semblerait que le témoignage de Me Bos est peut-

25 être aussi utile que celui du témoin. Je crois qu'ici on se livre à des

26 conjectures.

27 M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin dit qu'il a déjà

28 vu une présence de la police militaire sur le terrain, donc ma question

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1 était de savoir si --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà comment il fallait lui poser la question. Vous

3 étiez sur le terrain. Est-ce que vous avez vu la police militaire dans des

4 actions de combat, non pas à contrôler les routes ou à maintenir la

5 sécurité, mais à participer à des combats ? Parce que le document que l'on

6 voit, il semble qu'à Gornji Vakuf, la police militaire a participé au

7 combat, et ils auraient eu huit morts et 64 blessés. Alors, avez-vous eu

8 connaissance de policiers militaires qui ont été tués au combat dans des

9 proportions quand même importantes ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je savais que la police militaire se trouvait

11 dans la région de Gornji Vakuf. S'agissant du nombre des effectifs de la

12 police militaire, je ne pourrais pas vous le confirmer. Je ne sais pas

13 combien ils ont eu de blessés ou combien d'hommes ils ont perdus, je ne les

14 ai pas vus combattre personnellement. Mais je me suis entretenu avec des

15 gens qui les ont vus se battre. J'étais également présent à l'extérieur

16 lorsque les deux parties ont essayé de négocier, à la suite desquelles --

17 enfin, on a évoqué leurs actions.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Autant tirer la conclusion que d'après vous, ils ont

19 participé au combat ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président. Il y a eu un

21 incident en particulier.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Lequel ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que M. Bos allait justement l'évoquer

24 sous peu.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous savez à l'avance les questions qu'on va vous

26 poser, bien. Alors, Monsieur Bos.

27 M. BOS : [interprétation]

28 Q. Témoin, vous pouvez certainement faire référence -- enfin, vous pouvez

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1 poursuivre votre réponse.

2 R. Il y a eu un incident très précis lors duquel la police militaire a

3 nettoyé le village qui s'appelle Hrasnica qui se trouve au nord de Gornji

4 Vakuf, légèrement à l'est de la route principale qui va de Gornji Vakuf à

5 Bugojno. Ce village avait été attaqué trois fois, et chaque attaque était

6 pire que l'attaque précédente. En fin de compte, le village a été

7 complètement détruit à la fin de ces attaques. Cette action avait été menée

8 lors des négociations de cessez-le-feu, c'est-à-dire on a évoqué cette

9 action lors des négociations. Il n'y a pas eu de déni, on n'a pas essayé de

10 nier que ceci a eu lieu de la part du HVO, et les témoins ont parlé de ce

11 qui s'est passé. Les témoins qui étaient présents ont pu identifier un

12 véhicule armé de la police militaire, et deux blindés de transport de

13 troupes de la police militaire ont participé également à cette attaque.

14 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Je vais peut-être vous poser

15 quelques questions plus détaillées plus tard, mais pour terminer avec cette

16 question de l'application des membres de la police militaire, je

17 souhaiterais que l'on aborde un autre document qui porte la cote 3090, donc

18 3090.

19 D'abord, permettez-moi de vous demander si vous avez déjà vu ces

20 documents auparavant ?

21 R. Je crois que c'est un document que j'ai vu hier.

22 Q. A la lecture de la première page, est-ce que vous pourriez nous dire --

23 donc on est revenus dans cette première page, quel est le titre de ce

24 document ?

25 R. "Rapport sur le travail de la communauté croate -- sur les activités de

26 la police militaire pour la communauté croate d'Herceg-Bosna." C'est une

27 analyse de la situation pour la période entre janvier et juin 1993.

28 Q. Qui est le signataire ?

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1 R. Valentin Coric.

2 Q. Permettez-moi d'attirer votre attention sur -- un instant je vous prie

3 -- à la page 6 de ce rapport. Ce sont les trois derniers paragraphes de ces

4 pages qui m'intéressent particulièrement. Est-il exact de dire qu'ici on

5 fait état d'une attaque généralisée lancée par les unités du HVO et les

6 unités de la police militaire du HVO sur les villages qui surplombaient les

7 positions dans la région qui se trouvait sur des élévations tenues par les

8 unités de l'ABiH ?

9 R. Oui.

10 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner lecture du dernier paragraphe

11 de ce rapport ?

12 R. "Vers 8 heures du matin, le même jour, le 2e Bataillon de la police

13 militaire de Livno et Posusje, composé de 30 policiers militaires, ont pris

14 le contrôle du village d'Uzricje, par lequel l'ABiH qui circulait autour de

15 la ville est entrée. Vers 14 heures 35, les membres du 1er Bataillon

16 d'assaut de la 1ère Infanterie légère de la police militaire a pris le

17 contrôle des villages de Zdrince et la plupart du territoire de ces

18 villages qui avaient été précédemment contrôlés par l'armée de l'ABiH."

19 Q. Maintenant, pour les bénéfices du Juge, est-ce que ce paragraphe fait

20 était de l'implication des unités de la police militaire ?

21 R. Oui.

22 Q. On parle du village d'Uzricje et on dit : "par lequel l'ABiH qui

23 circulait autour de la ville est entrée à l'intérieur." Est-ce que vous

24 seriez d'accord avec ce qui a été dit ici ?

25 R. Oui. Au cours de cette période, ce qu'ils essayaient de faire, c'est

26 d'assurer les arrières, donc d'assurer la protection des arrières. Pour ce

27 faire, il leur a fallu prendre le contrôle des villages musulmans pour

28 empêcher le renfort de Gornji Vakuf et éliminer toute possibilité de

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1 l'implication des combattants de ces villageois sur leurs arrières.

2 Q. Est-ce que cela veut dire qu'il leur aurait fallu pénétrer autour de la

3 ville, pénétrer le cercle de l'ABiH qui était autour de la ville ?

4 R. Non, cela voudrait de déléguer les fortifications, peut-être de creuser

5 des tranchées, peut-être une casemate, mais pas comme on peut voir ici, en

6 tout cas. Ici, on parle de défense, mais ce n'est pas exactement ainsi.

7 Q. Est-ce que vous n'avez jamais rencontré des troupes du HV à Gornji

8 Vakuf en janvier ou pendant la période pendant laquelle vous étiez à Gornji

9 Vakuf ?

10 R. Oui.

11 Q. Pourriez-vous nous dire quand est-ce que ceci était et quelles unités

12 avez-vous rencontrées ?

13 R. J'ai rencontré des unités du HVO, donc c'était l'hôpital de campagne de

14 Rumboci, à l'ouest de Prozor. J'ai rencontré un colonel, un sergent colonel

15 de l'armée croate. Je lui ai demandé pourquoi il se trouvait là, et il m'a

16 informé que cette région faisait partie du district militaire de Split.

17 A une autre reprise --

18 Q. Quand est-ce que vous avez rencontré cette personne ? Est-ce que vous

19 vous souvenez de la date ?

20 R. Non, malheureusement pas.

21 Q. Veuillez poursuivre, je vous prie.

22 R. J'ai rencontré cet homme à deux reprises, en réalité. Une autre fois,

23 juste à l'extérieur de la ville de Bugojno, il y avait une position

24 d'artillerie du HVO, et en me rendant là-bas pour voir quels étaient les

25 calibres qu'ils avaient, j'ai rencontré un petit groupe de soldats de

26 l'armée croate du HV, d'une unité de défense aérienne de Split, et une

27 autre fois, j'ai rencontré un peloton de soldats de l'armée croate autour

28 de la ville de Prozor.

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1 Q. Est-ce que vous nous dites que vous avez rencontré à deux reprises

2 différentes ces personnes de Split et de la défense aérienne ?

3 R. Oui. La section de la défense aérienne de Split se trouvait près de la

4 ligne d'attaque du HVO de la ville de Bugojno qui est à peu près ici sur la

5 carte. Cela, c'est la ville de Bugojno, donc ils étaient juste ici.

6 Q. Vous nous avez montré quelque chose sur une carte, sur le

7 rétroprojecteur. Il faudrait peut-être indiquer avec une indication

8 l'endroit où vous les avez rencontrés.

9 R. Il me faudrait avoir une carte plus détaillée, car c'était sur la crête

10 qui surplombait Bugojno, mais c'était environ ici. C'était une petite

11 section de l'armée croate. Ils avaient l'écusson sur leur uniforme

12 indiquant deux croix et un lance-missiles.

13 Q. La présence de ces unités de l'armée croate dans la région, est-ce que

14 vous avez parlé de cela aux représentants ?

15 R. Oui.

16 Q. Quelle était leur réaction ?

17 R. Il n'ont pas confirmé ni nié leur présence.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak. Cela marche.

19 M. BOS : [interprétation]

20 Q. Est-ce que vous pourriez --

21 M. LE JUGE ANTONETTI : [chevauchement] -- un autre document. Dans le

22 dernier document, est-ce que vous pouvez aller à la page 7 de la version

23 anglaise ? L'avant-dernier paragraphe, il est indiqué qu'au mois de

24 janvier, il y aurait 430 policiers militaires qui ont été engagés dans des

25 opérations de combat à Gornji Vakuf; 154 étaient membres du 1er Bataillon,

26 243 du 2e Bataillon et 32 du 3e Bataillon. Je vois le chiffre de 430

27 policiers militaires, et il y a eu 10 qui ont été tués, 63 blessés.

28 Pour vous, est-ce que c'est un étonnement de voir que plusieurs centaines

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1 de policiers étaient engagés dans la bataille ? Est-ce à dire qu'ils

2 étaient quasiment seuls sur le terrain ? S'ils n'étaient pas seuls sur le

3 terrain, il y avait donc les unités du HVO, les brigades que vous nous avez

4 indiquées. Mais cela faisait alors globalement combien d'hommes sur le

5 terrain ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour l'attaque contre Gornji Vakuf, il y avait

7 deux brigades de renfort de soldats sur le terrain. Il y avait plus de 3

8 000 soldats qui ont participé à cela, d'après les chiffres que nous avons

9 obtenus des commandants à l'époque, lors des négociations pour le cessez-

10 le-feu.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Trois mille soldats, est-ce que c'est une offensive

12 de grande envergue, de moyenne envergure ? Comment vous pouvez qualifier

13 une action où il y a 3 000 hommes sur le terrain, en termes militaires ?

14 C'est au technicien que je m'adresse. Moi-même je ne sais pas exactement ce

15 que signifient des chiffres pareils.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le contexte de la guerre en Bosnie, pour

17 une zone de secteur, il s'agissait là d'une grande offensive, une offensive

18 sur grande échelle.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : En termes militaires, il était vraiment nécessaire

20 d'avoir la police militaire, ou parce qu'eux, ils étaient bien équipés ?

21 Vous avez parlé tout à l'heure de véhicules blindés. Est-ce que leur

22 présence était vraiment indispensable ou elle était indispensable parce

23 qu'ils étaient peut-être mieux armés, mieux équipés ? Comment vous

24 expliquez que dans une offensive pareille, on a besoin d'eux ? A titre

25 d'exemple, est-ce que l'armée britannique, dans le cadre d'une offensive

26 quelconque, aurait besoin de la police militaire britannique pour les

27 aider ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, le lieu du combat,

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1 c'était la ville à proprement parler, Gornji Vakuf. L'infanterie, les chars

2 et les mortiers du HVO ciblaient cela. La police militaire a été utilisée

3 pour assurer l'arrière-garde, comme je l'ai dit un peu plus tôt. Toutefois,

4 je pense qu'ils avaient véritablement énormément sous-estimé l'aptitude des

5 villageois, leur capacité ainsi que la capacité de la Défense territoriale

6 dans les villages, d'où leur grand nombre de victimes. Car ils n'avaient

7 qu'un nombre limité de groupes de combat, de lignes de front, qui, comme je

8 l'ai dit, auraient été envoyés à Gornji Vakuf. Ils n'auraient pas été en

9 mesure d'affaiblir leurs lignes de front contre les Serbes pour obtenir

10 davantage de soldats pour ce genre de situation. La police militaire aurait

11 dû établir un périmètre extérieur autour de l'opération, ce qui signifiait

12 donc qu'il fallait faire en sorte que les villageois musulmans ne puissent

13 pas s'immiscer là-dedans ou intervenir et pour qu'ils puissent également,

14 eux, assurer la sécurité des routes menant vers la zone principale de

15 combat qui était la ville à proprement parler.

16 M. BOS : [interprétation]

17 Q. Monsieur, nous parlons de la participation des unités du HVO dans ce

18 secteur. J'étais sur le point de vous montrer une pièce à conviction qui

19 est la pièce à conviction 1 698. Si vous prenez la première page, de quel

20 document s'agit-il ?

21 R. Il s'agit d'un résumé d'information militaire du régiment de Cheshire

22 pour le 22 mars 1993.

23 Q. J'aimerais attirer votre attention sur la troisième page et dernier

24 paragraphe de cette page. Il est question de 40 soldats qui ont été

25 rencontrés et qui portaient les écussons de la 4e Brigade de la HV. Est-ce

26 qu'il s'agit justement de ce dont vous parliez un peu plus tôt ?

27 R. Oui, tout à fait. J'étais présent, d'ailleurs, lors de ceci. Ils

28 étaient assis et ils étaient rassemblés autour d'un mur qui se trouvait un

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1 peu à la fin de la ville, avec tout le matériel, notamment, tout

2 l'équipement en quelque sorte, les sacs à dos, les sacs de couchage, et

3 cetera.

4 Q. Vous leur avez demandé, à ces soldats, ce qu'ils faisaient dans cette

5 région ?

6 R. Oui, par le truchement de mon interprète. Ils m'ont dit qu'ils étaient

7 venus pour un mariage, et j'ai supposé qu'il s'agissait du mariage

8 d'Herceg-Bosna à la Croatie.

9 Q. Pour interpréter votre dernière observation, d'après ce que j'en

10 déduis, vous n'avez pas compris qu'ils se rendaient véritablement à un

11 mariage ?

12 R. Non, pas à un mariage.

13 M. KOVACIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Le document

14 porte la date de la fin du mois de mars 1993. Les événements dont il est

15 question n'ont absolument rien à voir avec l'acte d'accusation et Gornji

16 Vakuf dont nous parlons maintenant, parce qu'en fait, cette période est la

17 période qui n'est absolument pas couverte par l'acte d'accusation.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans l'acte d'accusation, il y a mentionnée la

19 présence de la HV, donc vous confirmez, Monsieur le Témoin, avoir vu une

20 unité de l'armée croate de vos propres yeux ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est de

22 l'attaque à proprement parler menée contre Gornji Vakuf, non, je ne peux

23 pas confirmer cela.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Au mois de mars, c'était postérieurement, vous avez

25 vu donc des soldats de la HV qui, peut-être sur le ton de la plaisanterie,

26 vous ont dit qu'ils venaient à un mariage ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais pour arriver à l'endroit où vous les avez vus,

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1 est-ce qu'ils avaient passé des points de contrôle du HVO ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ils se trouvaient

3 du côté nord, à la périphérie nord de la ville de Prozor.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Au point de vue équipement, qu'est-ce que vous avez

5 dans votre souvenir ? Comme équipement, ils avaient des véhicules ? Qu'est-

6 ce que vous pouvez nous fournir comme détails sur l'équipement de ces

7 soldats ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Non, il n'y avait

9 pas de véhicules blindés avec eux. Il s'agissait d'un peloton, donc une

10 taille de peloton. Ce qui a attiré notre attention au départ, c'est que

11 lorsque nous les avons vus, nous savions qu'il ne s'agissait pas de membres

12 du HVO. Ils étaient bien trop équipés pour cela. Ils étaient tous jeunes.

13 Ils avaient tous les cheveux courts. Ils avaient tous des uniformes avec le

14 pantalon et la veste qui allaient. Ils avaient des grades. Ils avaient des

15 écussons. Ils avaient également des fusils autrichiens qui n'étaient pas ce

16 que le HVO donnait. Puis, ils avaient aussi des armes, ce qu'on appelle par

17 exemple une mitraillette.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils étaient combien ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Une trentaine environ, entre 30 et 40, la

20 taille d'un peloton.

21 M. BOS : [interprétation]

22 Q. Monsieur, nous allons maintenant nous écarter du sujet des soldats du

23 HVO. J'aimerais vous poser quelques questions à propos d'une personne dont

24 le nom a été évoqué une ou deux fois, Zeljko Siljeg. Est-ce que vous l'avez

25 rencontré ?

26 R. Oui, je l'ai rencontré. On ne m'a pas présenté à cet homme, mais je

27 l'ai rencontré à de nombreuses reprises.

28 Q. Comment est-ce que vous rencontriez M. Siljeg ?

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1 R. Pour des pourparlers pour le cessez-le-feu, lorsque nous l'amenions et

2 nous le ramenions à la suite des pourparlers lors des pauses cigarettes,

3 pendant les négociations, pourparlers de cessez-le-feu.

4 Q. Lorsque vous dites que vous l'ameniez et que vous le rameniez aux

5 négociations pour le cessez-le-feu, est-ce que vous étiez la personne qui

6 transportait M. Siljeg aux négociations et qui le ramenait ?

7 R. La personne qui était disponible pour ce faire le faisait, allait le

8 chercher, et je l'ai fait plusieurs fois.

9 Q. Quelle était la fonction de M. Siljeg au sein du HVO ?

10 R. Il était le colonel qui commandait la zone opérationnelle du nord-ouest

11 de l'Herzégovine.

12 Q. Qui était le commandant direct de M. Siljeg ?

13 R. Le général de division Petkovic à Mostar.

14 Q. Comment est-ce que vous pourriez décrire les liens entre M. Siljeg et

15 M. Petkovic ? Je pense bien entendu au commandement et au contrôle.

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. D'abord,

17 il faudrait que tout cela soit bien fondé. Procédons par étapes. Sur quelle

18 base est-ce que le témoin peut tirer cette conclusion ? Est-ce qu'il l'a

19 observé ?

20 M. BOS : [interprétation] Je vais formuler cela de façon différente.

21 Q. Monsieur, j'aimerais vous demander de consulter la pièce à conviction

22 1153, je vous prie.

23 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection à nouveau. Cet homme ne

24 connaissait pas ce document à l'époque, donc il ne peut pas répondre à

25 ladite question, parce qu'on lui demandait -- si vous repreniez la première

26 question qui a été posée, donc cette personne, pour que ce témoin puisse

27 répondre de façon précise à propos du commandement et du contrôle, il faut

28 d'abord lui demander s'il a pu observer des liens, une hiérarchie. Il ne

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1 s'agit pas de lui montrer un document hier et de lui dire : maintenant, à

2 partir de ce document, qu'est-ce que vous pouvez déduire ? Cela ne suffit

3 pas véritablement.

4 M. BOS : [interprétation]

5 Q. Monsieur, n'avez-vous jamais participé à des réunions où était présent

6 M. Siljeg ?

7 R. Pas à toutes les réunions où il a participé, mais à certaines, oui.

8 Q. Lors de ces réunions, est-ce que vous avez jamais eu une raison pour

9 penser --

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Objection. Il peut lui demander

11 ce qu'il a observé lors de la réunion entre le général Petkovic et Siljeg -

12 -

13 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai moi-même posé une question tout à fait

14 différente qui concernait les commandements, mais locaux, pas M. Siljeg. La

15 question que j'ai posée peut être reposée.

16 Quand il y avait ces réunions à haut niveau, puisqu'il y avait le

17 colonel Siljeg qui était là, parfois vous, donc c'étaient des réunions à

18 haut niveau, quand vous, vous étiez présent, est-ce que le colonel vous

19 donnait le sentiment de diriger tout seul la situation militaire ou comme

20 tout bon militaire, il devait en référer à une autorité supérieure ? Si

21 c'est le cas, quelle autorité supérieure ? Vous en a-t-il parlé ? A-t-il

22 évoqué cela avec vous ou c'était lui qui militairement faisait la pluie et

23 le beau temps, comme on dit, dans la zone ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] En tant que commandant pour l'attaque, c'était

25 lui qui contrôlait et supervisait cela. Lors des négociations pour le

26 cessez-le-feu, de temps à autre il demandait une interruption de séance

27 pour que quelque chose puisse être précisé par quelqu'un d'autre, mais je

28 ne sais pas qui était ce quelqu'un d'autre.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, voilà, on va toucher du doigt le nœud de la

2 question. Il demandait une interruption de séance, alors il sortait de la

3 salle pour aller téléphoner, pour aller consulter quelqu'un, pour lire le

4 journal, et s'il sortait de la salle, cela prenait un certain temps. Quand

5 il revenait, qu'est-ce qu'il disait ? Est-ce que vous avez des souvenirs

6 précis ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Parfois, il quittait la salle en question et

8 il téléphonait. Il utilisait un téléphone. Je ne sais pas s'il s'agissait

9 d'un téléphone par satellite. Parfois, il repartait vers son propre QG,

10 puis il revenait avec une réponse. Cela dépendait.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Le type de réponse qu'il ramenait, il ne pouvait pas

12 prendre la décision lui-même ? Il fallait que cela soit avalisé par une

13 autorité supérieure ? Est-ce que vous avez un cas, un exemple très précis à

14 nous indiquer, dans votre mémoire ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des éléments de l'accord de cessez-

16 le-feu qui devaient être approuvés par des supérieurs hiérarchiques du fait

17 de la structure de commandement du HVO.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites du fait de la structure de commandement

19 du HVO. La structure du commandement du HVO, vous la connaissiez, vous ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] En demandant aux commandants à quelle brigade

21 ils appartenaient ou à quelle zone ils appartenaient lors des patrouilles

22 et lors des réunions, lorsque nous avions l'occasion de le faire, nous

23 avions pu établir ce que l'on appelait un arbre généalogique. Le colonel

24 Siljeg était le chef de la zone nord-ouest, zone opérationnelle nord-ouest

25 pour l'Herzégovine, et son supérieur était le commandant du HVO, à savoir

26 le général de brigade Petkovic.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dans vos milinfosum, cette chaîne de

28 commandement, vous l'avez décrite ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président. Si vous

2 parcourez ces documents, vous verrez qu'il y a sur plusieurs pages, dans

3 plusieurs rapports, un texte où il est indiqué le commandant de telle et

4 telle unité et monsieur X, et telle et telle personne lui sont subordonnées

5 et vous avez le commandant de cette unité qui est monsieur Y, et son second

6 est telle ou telle personne.

7 M. BOS : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'il est

8 quasiment 19 heures. Je ne sais pas. Je pense que le moment est venu de

9 lever l'audience. Je n'ai pas terminé et je pense que j'ai besoin au moins

10 de 45 autres minutes.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors on reprendra demain. Si la Défense ne peut pas

12 clôturer demain, il faudra que le témoin reste au moins jusqu'à mercredi.

13 Mais tout cela dépendra également des questions posées.

14 Voilà. Alors il est 19 heures, je vous invite à revenir pour l'audience

15 parce que nous sommes d'après-midi cette semaine, donc pour revenir demain

16 à 14 heures 15.

17 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mardi 17 octobre

18 2006, à 14 heures 15.

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