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1 Le jeudi 14 décembre 2006
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler le numéro
6 de l'affaire, s'il vous plaît ?
7 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire
8 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En cette dernière journée de l'année, je salue
10 toutes les personnes présentes : les représentants de l'Accusation,
11 Mesdames, Messieurs les avocats, Messieurs les accusés, ainsi que tout le
12 personnel de cette salle d'audience.
13 Je dois rendre quatre décisions orales, mais, avant de rendre les décisions
14 orales, je vais d'abord donner la parole à M. le Greffier pour qu'il nous
15 indique des numéros IC.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur.
17 [interprétation] Des listes de pièces à conviction ont été versées par
18 l'entremise du témoin, Ismet Poljarevic. Ce qui a été versé par l'entremise
19 de l'Accusation se verra accorder la cote IC 179. En revanche, les pièces
20 versées par l'entremise 2D se verront attribuer la cote IC 180. Le 4D IC181
21 et 6D IC182. Merci.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
23 Décision orale numéro 1, relative aux pièces qui ont été produites
24 lors du témoignage du Témoin CK, qui a comparu à l'audience du 4 décembre
25 2006, la Chambre décide d'admettre l'élément de preuve suivant présenté par
26 l'Accusation, au motif qu'il présente une certaine valeur probante et une
27 certaine pertinence, P 09799, sous pli scellé. S'agissant des éléments de
28 preuve P 03160 et P 09086 présentées par l'Accusation, la Chambre constate
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1 que ceux-ci ont déjà été admis les 11 et 13 décembre 2006 respectivement.
2 Par ailleurs, la Chambre décide d'admettre les éléments de preuve suivants
3 présentés par la Défense de M. Praljak, au motif qu'il présente une
4 certaine valeur probante et une certaine pertinence, P 03214, P 03991.
5 Décision orale numéro 2, relative aux pièces présentées au Témoin CM, qui a
6 comparu le 5 décembre 2006, la Chambre décide d'admettre les éléments de
7 preuve suivants versés au dossier par l'Accusation au moyen des listes IC
8 00157 et IC 00171, au motif qu'il présente une certaine valeur probante et
9 une certaine pertinence. Il convient de préciser que les pièces P 09753 et
10 IC 00137 mentionnées dans ces listes sont admises sous pli scellé.
11 Par ailleurs, la Chambre décide d'admettre les éléments de preuve
12 suivants versés au dossier par la Défense de M. Stojic et mentionnés dans
13 la liste IC 00163 au motif qu'ils présentent une certaine valeur probante
14 et une certaine pertinence.
15 Décision orale numéro 3, relative aux pièces produites lors du témoignage
16 du Témoin CENTIMETRES, qui a comparu à l'audience du 6 décembre 2006, la
17 Chambre décide d'admettre les éléments de preuve suivants présentés par
18 l'Accusation au motif qu'ils présentent une certaine valeur probante et une
19 certaine pertinence. P 09754 sous pli scellé, P 01900 et P 09285, la
20 Chambre rappelle que les pièces
21 P 09086 et P 03057 ont été admises les 13 et 14 décembre 2006
22 respectivement.
23 Décision orale numéro 4, ce sera la dernière relative pièce produite lors
24 du témoignage du Témoin CP, qui a comparu à l'audience du 7 décembre 2006,
25 la Chambre décide d'admettre les éléments de preuve suivants présentés par
26 l'Accusation au motif qu'ils présentent une certaine valeur probante et une
27 certaine pertinence, P 09755 sous pli scellé, P 09104, IC 00115.
28 Je vais demander maintenant, Monsieur le Greffier, de passer pendant
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1 quelques instants à huis clos partiel.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
3 le Président.
4 [Audience à huis clos partiel]
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10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, j'ai cru comprendre que l'Accusation avait
12 encore besoin de 20 à 25 minutes.
13 M. KRUGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. C'est cela
14 mon objectif.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 LE TÉMOIN : SEJFO KAJMOVIC [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Alors, l'audience donc reprend et je
20 vais maintenant donner la parole à M. Kruger qui va vous poser des
21 questions dans le cadre de l'interrogatoire principal.
22 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Interrogatoire principal par M. Kruger: [Suite]
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
25 R. Bonjour.
26 Q. Dans l'après-midi d'hier ou dans la soirée lorsque nous nous sommes
27 arrêtés pour la journée, vous avez parlé d'un incident. Vous avez dit que
28 Mujo Zuhric a été arrêté, et emmené. Vous avez dit qu'il n'est jamais
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1 rentré. Est-ce que c'est quelque chose qui s'est passé dans le hangar où
2 vous étiez détenu à Gabela ?
3 R. Oui, il a été emmené du hangar numéro 3, il était assis devant moi, à
4 trois ou quatre mètres.
5 Q. Quelles étaient les circonstances dans lesquelles il a été emmené ?
6 R. J'ai appris par la suite qu'il aurait été amené chez lui, à la maison.
7 Il parait qu'ils auraient cherché de l'argent, que c'était cela la raison
8 principale.
9 Q. Qui l'ont emmené ?
10 R. A ce moment-là déjà, il y n'y avait plus que la police militaire qui
11 pouvait rentrer dans le hangar.
12 Q. Cette police militaire appartenait à quelle organisation ?
13 R. Oui, c'était la police militaire du HVO.
14 Q. Plus tard, ce que vous n'avez jamais appris ce qui est arrivé à Mujo
15 Zuhric ?
16 R. Oui, je le sais. Son corps a été retrouvé il a été enseveli, enterré.
17 On a constaté qu'un meurtre a eu lieu, il y a eu une autopsie, enfin, je ne
18 sais pas trop tout ce qui a été fait, mais toujours est-il qu'il a été
19 enterré.
20 Q. A quel moment-là a-t-on retrouvé son corps ?
21 R. Je ne saurais pas vous le dire avec exactitude, quand il a été possible
22 de fouiller ce secteur, je suppose.
23 Q. De votre hangar, a-t-on emmené d'autres personnes pendant que vous y
24 étiez ?
25 R. Oui. On a emmené un jeune homme, Zujo était son nom.
26 Q. Vous pouvez décrire aux Juges de la Chambre dans quelles circonstances
27 il a été enlevé, Zujo
28 R. Il était assis à ma droite à cinq ou six mètres, peut-être sept contre
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1 le mur, le mur transversal. Il y avait un garde qu'on appelait le petit
2 Mali [phon], certains le connaissaient, ils étaient ses camarades de
3 classe, il a insisté pour qu'on élargisse les corridors - c'est comme cela
4 qu'il les appelait les passages - donc, qu'on se ramasse un petit peu pour
5 qu'eux puissent passer plus facilement. Il a employé ce terme "corridor,"
6 et Zujo, Mirsad - je ne sais vraiment pas pour quelle raison, pourquoi,
7 qu'est-ce qui lui est venu à l'esprit - il a dit : "Le corridor jusqu'à
8 Neum." Ce jour-là dans ses monologues prononcés le matin, on a appris qui
9 se passait quelque chose, qu'il y avait des négociations qui étaient en
10 cours, quelque chose comme cela. Boko nous a parlé de cela en disant :
11 "Alija veut atteindre Neum." Enfin, on savait qu'il était question de Neum
12 et c'est probablement pour cette raison qu'il a dit cela. Il a été emmené.
13 Mali a appelé Nikola Andrun, qui était à ce moment-là - comment dirais-je -
14 de permanence, de service, c'était le commandant adjoint du camp. Il a été
15 emmené et il n'est pas revenu. Véritablement je ne sais pas ce qui est
16 advenu de lui. Bien entendu, j'ai su par la suite qu'on l'a retrouvé, qu'il
17 a eu une autopsie et qu'il a été enterré.
18 Q. Vous avez déjà mentionné plusieurs membres du personnel du camp, Nikola
19 Andrum, Bosko Previsic, Mali, est-ce que vous pouvez dire aux Juges de la
20 Chambre qui étaient ces gens qui géraient le Centre de détention à Gabela ?
21 R. L'alpha et l'oméga étaient sans aucun doute Bosko Previsic.
22 Q. Qui était les gens qui commandaient ? Vous savez à quelle organisation
23 ils appartenaient ? A quelle unité ?
24 R. Je ne sais pas comment appeler cela, mais enfin tous les services qui
25 étaient sur place qui ont travaillé là-bas, les gardes qui d'autres, c'est
26 lui qui était le commandant du camp et tous les autres étaient ses
27 subordonnés.
28 Q. Les gardes qui travaillaient là-bas c'étaient des soldats réguliers,
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1 des policiers militaires réguliers, ou était-ce des gens plus âgés ?
2 R. Je dirais que c'était hétérogène quant à l'âge il y en avait qui était
3 tout à fait jeune, de jeunes hommes, mais il y avait aussi des hommes mûrs,
4 peut-être même un peu plus âgés, de mon âge, peut-être.
5 Q. Les gardes qui travaillaient là-bas ils étaient en uniforme ?
6 R. Oui, oui. Ils étaient tous en uniforme et, bien sûr, ils étaient armés.
7 Q. Vous savez de quelle région, de quel endroit sont venus ces gardes ou
8 leurs unités ?
9 R. Je sais que certains étaient du cru, du coin, de Konjic. Un, il y en
10 avait un en particulier. Il était vilain. De Konjic. C'est comme cela qu'on
11 l'appelait Konjicanin [phon], homme de Konjic. Entre nous, parmi les
12 détenus du camp, on l'appelait aussi : "Est-ce honnête ?" Donc, à chaque
13 fois qu'il y avait quelque chose qui se passait, il nous demandait "Est-ce
14 honnête ?" et nous, bien entendu, on devait répondre à l'unisson : "C'est
15 honnête." On n'avait pas le droit, bien entendu, de nous adresser à lui,
16 mais, entre nous, on l'appelait comme cela, homme de Konjic. Il avait une
17 spécialité dans cette brutalité. C'était de forcer les gens à nager sur le
18 béton. C'est comme cela qu'il l'appelait la nage, la question sur le béton.
19 C'était particulièrement pénible et dégradant, humiliant pour moi.
20 Q. Vous avez également parlé de Marko. Marko avait une habitude
21 particulière pour ce qui est quant à son attitude envers les prisonniers ?
22 R. En fait, Marko est la première personne que j'ai connue à Gabela. C'est
23 lui qui nous a accueilli au portail, qui nous a posé des questions à notre
24 arrivée. Dès ce soir-là, après minuit, il est venu dans le hangar, il
25 parlait très fort, criait bien entendu. Il nous a forcé à nous allonger,
26 ventre à terre, tourné vers le béton, pendant longtemps on a duré. C'était
27 comme cela. J'ai éprouvé des douleurs très fortes au niveau de ma colonne
28 vertébrale. J'avais l'impression qu'elle allait se casser. Il a dit qu'il
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1 allait tirer un coup de feu si quelqu'un redressait la tête, et une fois il
2 a même tiré, ce n'était pas sur nous mais c'était contre le mur.
3 Il y a un détail dont je me souviens un élément violent venant de lui cette
4 nuit, ce soir-là : il y avait parmi nous un homme qui était originaire de
5 Stolac, Smajo Ovcina [phon]. C'était cela son nom, un homme corpulent,
6 fort, mais c'était un diabétique. Son diabète était grave. Je ne sais pas à
7 quel moment il avait été emmené, mais il était au bord de l'épuisement,
8 donc, il a quand même réussi à rassembler ses forces pour lui demander de
9 l'eau. Je suppose qu'il était en pleine de crise de déshydratation. Mais au
10 lieu de lui donner l'eau, il y a asséné un coup de cross de son fusil. Je
11 n'ai pas pu bien voir de quoi, avec quoi il a battu, mais on a pu entendre
12 et, par la suite, on a pu voir qu'il lui a asséné un coup, en pensant qu'il
13 n'allait pas survivre, mais Smajo a survécu.
14 Q. Monsieur, hier, vous avez dit qu'à la fois des militaires et des civils
15 se rendaient dans le camp pendant la première période de détention là-bas
16 dans ce Centre de détention et qu'ils réservaient un mauvais traitement aux
17 détenus. Est-ce que cela s'est arrêté à un moment donné ?
18 R. Oui. Il y a eu des entrées au départ. Elles étaient plus fréquentes,
19 plus brutales, des assauts sur des détenus, en particulier, avant mon
20 arrivé. Certaines personnes étaient là depuis le 13, donc, c'était quelques
21 jours avant -- trois, quatre jours avant. Excusez-moi, je me suis perdu. Je
22 suis perdu. Pouvez-vous me rappeler la question ?
23 Q. Oui. Lorsque vous êtes arrivé, à partir du 17, vous avez dit qu'il y
24 avait un policier militaire et puis qu'il y avait un civil de constitution
25 athlétique qui sont arrivés, qui entraient dans le camp, cela s'est arrêté
26 à un moment donné ?
27 R. Oui.
28 Q. Cela s'est arrêté ?
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1 R. Oui. A notre grande satisfaction, cette pratique-là, elle s'est arrêtée
2 même si les meurtres ne sont pas arrêtés, même si on a continué d'amener
3 les gens à l'extérieur. Mais à partir d'un certain moment, seule la police
4 militaire du HVO a pu pénétrer dedans.
5 Q. Comment est-ce que cela s'est produit ?
6 R. Je ne peux pas savoir exactement quand cela s'est produit, mais, à
7 quelques jours de ma détention, il est venu en détention. Bosko Previsic a
8 apporté un papier qu'il a lu devant nous, au seuil de la porte et ce
9 papier, il l'a mis au mur sur la droite. Enfin, peu importe. Mais j'ai
10 compris. J'ai compris le contenu de ce texte tapé sur ce papier et il y
11 était dit qu'il était -- que l'accès était interdit au groupe et aux
12 individus. Je ne sais plus exactement la formulation, mais que seule la
13 police militaire avait le droit d'y entrer.
14 Q. C'est ce qui s'est produit, en réalité ? Seule la police militaire
15 pouvait entrer en contact avec les détenus qui se trouvaient au sein du
16 centre de détention ?
17 R. Oui, c'est ce qui s'est passé réellement. Seule la police militaire
18 pouvait rentrer. Les gens étaient emmenés et sortis et sélectionnés.
19 Certains ne sont pas revenus. J'ai su par la suite que certains avaient été
20 tués; cependant, on était soulagé jusqu'à un certain point. On savait que
21 ce n'est pas de leur propre chef que d'aucun allait pouvoir entrer et nous
22 soumettre à de mauvais traitements. Je savais -- on savait que c'était
23 uniquement eux qui étaient sur place.
24 Q. Le personnel de camp, est-ce qu'ils vous ont réservé des mauvais
25 traitements par la suite, eux ?
26 R. Je ne pourrais pas dire cela pour le personnel, en particulier pour
27 certains gardes. Il y avait cet homme de Konjic en particulier. Je pense
28 qu'il a dépassé toutes les bornes. D'après moi, c'était un homme sadique,
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1 malade. Il fallait qu'il se déchaîne sur les gens. Quand on amenait les
2 gens, c'était lui qui les interrogeait, qui les passait à tabac, voire
3 aussi, de manière que j'ai déjà évoquée. Mais il y avait des gardes qui
4 avaient un comportement tout à fait correct, donc c'était des gens qui
5 avaient un comportement humain. On voyait que certains vivaient mal le fait
6 qu'ils étaient là, qu'ils subissaient cela comme une obligation,
7 mobilisation, ordre. Je ne sais pas exactement, mais on voyait que certains
8 n'y prenaient pas plaisir, à la différence de la poignée pour qui ce
9 n'était pas le cas. Donc j'ai trouvé un peu d'espoir là-dedans. Cela
10 maintenait mon espoir.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous venez d'aborder un point que je
12 voulais vous demander et de vous-même, vous avez répondu à certaines de mes
13 interrogations. Vous venez de dire qu'il y avait des gardes qui,
14 manifestement, ne partageaient pas l'attitude de certains de leurs
15 collègues, mais vous semblez nous dire, il y avait des ordres qu'ils
16 exécutaient. Alors, ce que je veux savoir -- car, vous, vous avez été
17 présent sur les lieux, vous avez été victime, les comportements que vous
18 avez décrits, pour vous, est-ce que ces comportements provenaient de
19 conduite individuelle, d'individus à connotation sadique, comme vous l'avez
20 indiqué, ou est-ce que ces comportements répondaient à des instructions du
21 commandant du camp, par exemple, qui faisait qu'il y a eu ce type de
22 résultats ? Est-ce que vous avez réfléchi à cela et, étant sur place, que
23 pensiez-vous de ces comportements ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai estimé, à peu près, que
25 cela était plutôt individuel. Les uns se comportaient d'une façon, les
26 autres d'une autre façon. Je ne pense pas que l'on ait donné un ordre
27 spécifique. Il se peut qu'ils aient mal interprété des ordres disant qu'il
28 fallait être strict ou sévère. Je ne sais pas quels étaient les paliers de
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1 tolérance, mais je ne sais pas comment une personne normalement constituée
2 aurait pu donner un ordre de tel -- de cette nature. Je crois que cela
3 découle plutôt de leur composition ou de leur attitude mentale.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous
5 pensez que le directeur du camp avait connaissance de ce qui était en train
6 de se passer ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis certain qu'il le
8 savait et il est passé outre. Mais je n'affirmerais pas qu'il aurait donné
9 des ordres aux individus de se comporter de la sorte. Je n'ai aucune raison
10 de le penser. Je n'ai aucun argument à avancer.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est une réponse précise. Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Lorsque vous étiez en contact avec les gardiens,
13 est-ce qu'il y avait des échanges oraux avec les gardiens, ou
14 l'interdiction était telle que vous ne pouviez rien leur dire ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, il m'est peut-être un peu
16 plus difficile d'être précis. Je pense avoir compris la question,
17 toutefois. Le régime était strict pour ce qui était des placements. Il n'y
18 avait pas d'interdiction de s'entretenir avec les gardiens pour ce qui nous
19 concerne, mais je ne sais pas si eux avaient interdiction de s'entretenir
20 avec nous. Je sais que des gens leur ont parlé, mais le jour même où l'un
21 de mes collègues détenus a été passé à tabac, l'un des gardiens s'est
22 entretenu avec moi, de façon assez familière, ouverte, sincère, et j'ai cru
23 comprendre qu'il exprimait du regret vis-à-vis de cet homme qui se trouvait
24 être passé à tabac.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Là, vous dites que vous vous êtes entretenu
26 avec un gardien sur cet événement. Dans ce type de conversation privée que
27 vous avez pu avoir avec ce gardien, est-ce que ce gardien était conscient
28 que dans le futur, inévitablement, tout cela se saurait un jour ou l'autre
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1 et que des comptes seraient demandés. Est-ce que ce gardien avait
2 connaissance de ce qui pouvait se passer ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment pas, Monsieur le Juge,
4 quelle était leur façon de penser. J'ai même cru qu'il avait bu, mais sa
5 façon de raisonner était tout à fait en règle. Il s'était adressé à moi en
6 me disant "efendi." Donc, il savait ce que j'étais. Cette conversation m'a
7 détendue et, si ce jour-là il n'y avait pas eu ces violences vis-à-vis de
8 mon collègue qui a été tabassé, j'aurais trouvé cette journée comme étant
9 un point clair durant ce séjour au camp. Pour moi, cette conversation avait
10 beaucoup de valeur parce que l'essentiel c'était de voir l'humain en
11 quelqu'un.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma dernière question et je crois que mon collègue
13 aussi une question à vous poser. Ma dernière question est la suivante :
14 vous êtes un homme inscrit, cultivé. Quand vous avez été confronté à ces
15 gardiens, de l'autre point de vue, leur niveau intellectuel était élevé,
16 moyen, nul ? Est-ce que vous avez pu porter une appréciation sur leur
17 capacité intellectuelle de comprendre les événements auxquels ils étaient
18 mêlés ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que la
20 composition était hétérogène. Je ne pense pas qu'il y a eu des gens avec
21 une formation universitaire parmi eux, mais c'était des gens qui
22 raisonnaient de façon saine tout à fait saine indépendamment de leur
23 formation scolaire, mais il y a eu des gens qui se sont comportés de façon
24 autre. Donc, je ne pense pas que cela ait été prépondérant pour ce qui est
25 du comportement des uns ou des autres parce que parmi ces gardiens il n'y a
26 pas eu des gens à formation universitaire.
27 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, si je vous ai bien compris vous
28 avez dit que certainement que le commandant du camp était au courant de vos
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1 souffrances. Mais, vous n'êtes pas sûr qu'il ait reçu des instructions pour
2 vous maltraiter, d'une part.
3 D'autre part, vous avez dit que vous aviez l'occasion de parler avec vos
4 gardiens, et donc d'échanger avec eux. Alors, ma question, est-ce qu'il
5 vous était possible de porter le message de vos souffrances, d'expliquer
6 les mauvais traitements dont vous étiez l'objet aux autorités de votre
7 commandant de prison par un canal ou par un autre. Est-ce que c'était
8 possible de porter ce message aux autorités supérieures, est-ce que vous --
9 si vous ne l'avez pas fait vous-même, est-ce que vous aviez connaissance de
10 la mise au courant des autorités de vos souffrances ? Des autorités
11 supérieures, aux gardiens et aux commandants de prison ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je crois que cela se
13 trouvait être impossible que de faire diffuser ce type d'information. C'est
14 le commandant de la prison qui a été le plus brutal, qui en personne
15 passait à tabac. Il était impliqué. Il n'y avait de guère de sens de se
16 plaindre -- que de se plaindre auprès de lui, et nous n'avons pas eu
17 l'occasion à nous adresser à une instance plus élevée.
18 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
19 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous reçu la visite d'un officier militaire,
20 un brigadier Dzanko, à Gabela ?
21 R. Oui, je l'ai vu.
22 Q. Est-ce que vous pouvez donner une idée aux Juges de la Chambre quand
23 est-ce que ceci s'est produit au camp ?
24 R. Je crois que cela s'est passé une dizaine de jours après mon arrivée
25 là-bas, une dizaine de jours à peu près.
26 Q. Quand est-ce que ce brigadier Dzanko est venu ?
27 R. D'abord, nous avons entendu une discussion véhémente devant le hangar.
28 Nous n'avons pas été mis au courant de la visite, personne ne nous en avait
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1 informé. On s'était dit que c'était plutôt spontané, mais toujours est-il
2 que nous avons entendu une conversation qui faisait état de Bosko Previsic,
3 mais nous n'avions pas su qu'il y aurait une visite ? Ils ont donc débattu
4 de façon assez véhémente, et puis, ils sont entrés par la porte où je me
5 trouvais justement à côté. Cet homme s'est présenté, nous avions essayé de
6 deviner d'abord qui c'était et puis, il a dit qu'il était le brigadier
7 Dzanko, officier de l'armée croate. Il a dit qu'il était là en visite
8 privée, et il a même précisé qu'il avait des ex-soldats à lui. C'est ainsi
9 que j'ai cru comprendre la chose qui aurait été au front du sud avec lui.
10 Mais, il a précisé qu'il était là à titre privé. C'est à peu près cela. Il
11 inspecté le hangar entier, il en a fait le tour, il a constaté dans le
12 hangar comment les gens y vivaient, plutôt, il a pu constater les
13 conditions, l'absence de conditions plutôt. Je crois qu'il s'est entretenu
14 avec certains, il a posé des questions et il a dit à Boko de faire ouvrir
15 les fenêtres. Ces fenêtres étaient alignées tout à fait en haut, mais
16 fermées de façon hermétique. Elles se trouvaient juste en dessous du toit.
17 Il a dit qu'il fallait ouvrir les fenêtres parce que jusque-là les fenêtres
18 et les portes étaient fermées, nous n'avions pas d'air du tout. Boko a dit
19 -- le commandant Bosko Previsic a dit qu'on ne pouvait pas ouvrir les
20 fenêtres parce que c'était trop haut. L'autre a dit : "Mais faites-moi
21 apporter une échelle et je me charge de les ouvrir." Alors, Boko a dit :
22 "On les ouvrira nous-mêmes plus tard." Mais il ne les a jamais ouvertes.
23 Enfin, cette visite a été aperçue par nous comme étant une bonne chose, on
24 a ressenti certains changements, on ouvrait plus souvent les portes, on
25 nous donnait un peu plus d'eau. Je crois que cela, cette visite a été
26 utile.
27 Q. --
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être suis-je en train
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1 d'anticiper sur la question que vous allez poser, mais, dans votre
2 déclaration de témoin, vous avez précisé qu'après cette visite, les
3 fenêtres ont, en réalité, été ouvertes. Là, vous venez de dire que cela ne
4 s'est jamais produit. Là, je vois une certaine contradiction.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que les fenêtres n'ont tout de même
6 pas été ouvertes. Je crois que c'est plutôt les portes qu'on a ouvertes
7 plus souvent. Je n'exclurais pas la possibilité -- l'autre possibilité. Il
8 se peut que la chose m'ait échappée, mais je crois que les fenêtres n'ont
9 pas été ouvertes.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Donc, vous n'êtes pas certain pour
11 ce qui est de la réalité ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais plutôt que les fenêtres n'ont pas
13 été ouvertes.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
15 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
16 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous entendu d'autres conversations entre
17 Bosko Previsic et ce brigadier Dzanko, le même jour ?
18 R. Oui. C'était un échange qu'ils ont lors de l'arrivée devant le hangar.
19 A peu près en substance, ils ont dit -- je ne peux pas peut-être répéter
20 mot pour mot, mais, en substance l'un a prévenu l'autre en disant plus ou
21 moins : "Tu n'y es pour rien," ou peut-être "N'y es-tu pour rien du fait
22 que ces gens soient détenus ici, mais tu seras seulement tenu responsable
23 des conditions dans lesquelles ils vivent, donc, du fait de l'absence d'eau
24 ou d'air." C'est dans ce sens. C'était un avertissement que j'ai cru
25 comprendre comme tel. Je l'ai entendu.
26 Q. Qui a prévenu -- averti qui ?
27 R. C'est le brigadier Dzanko qui à dit à Boko, commandant du corps.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Le brigadier Dzanko, qui apparemment appartenait,
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1 d'après vous, à l'armée croate, cela m'a peut-être échappé, il était lui en
2 civil ou en militaire.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il portait des vêtements militaires, un
4 uniforme -- un officier -- un uniforme d'officier et il avait une tenue
5 très digne.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur cette tenue, il y avait des insignes, des
7 galons, des décorations ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne saurais vous le dire.
9 Etant donné qu'il s'était présenté, la chose n'avait que peu d'importance à
10 mes yeux. Il ne portait pas d'armes. Il avait un ceinturon large de
11 militaire, c'est ce qui m'est resté en mémoire. Mais je ne sais pas vous
12 dire s'il portait des insignes et quel type d'insignes. Cela, je ne sais
13 pas vous le dire.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous qui l'avez vu, qui l'avez entendu, qui avez été
15 témoin auditif de conversations, comment pouviez-vous expliquer la présence
16 d'un officier général étranger sur le sol de votre propre pays ? Est-ce que
17 vous vous êtes posé la question ou cela vous semblait normal, ou cela a
18 suscité des interrogations dans votre esprit ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Ce brigadier Dzanko a
20 été vu de nous tous. Il a inspecté le hangar entier. Donc, tout le monde
21 l'a vu et tout un chacun a probablement dû entendre. Peut-être ai-je été
22 mieux placé que les autres, parce que je me trouvais à côté de la porte,
23 mais, à ce moment-là, je n'ai pas jugé cela comme étant d'une importance
24 cruciale. L'important, c'était de voir les conditions de vie s'améliorer et
25 d'être plus soutenable. Le mot prépondérant, à l'époque, c'était "Croate."
26 Tout était croate : la terre, l'air, l'eau. Tout était croate, ce qui fait
27 que je n'ai pas eu à me pencher sur ce problème. Ce n'est pas ce qui
28 m'avait préoccupé le plus. Bien entendu, je comprenais ce que cela voulait
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1 dire, du point de vue de la souveraineté de l'Etat auquel j'appartenais, à
2 savoir la Bosnie-Herzégovine. A mes yeux, la chose prioritaire c'était de
3 faire en sorte que les conditions de vie soient les plus supportables, et
4 je n'ai pas pensé au reste.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous avez donné tout à l'heure en détail. Vous
6 avez dit que ce général croate faisait une visite à titre privé. Vous avez
7 même rajouté qu'il y avait apparemment à Gabela des anciens soldats qu'il
8 avait lui-même commandés. Alors, ces soldats, c'était des soldats du HVO ou
9 des soldats musulmans qui étaient emprisonnés ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je pense -- ou plutôt je ne
11 pense pas, je suis certain. C'était des Musulmans de Bosnie qui ont fait
12 partie des rangs du HVO auparavant. Je crois qu'ils ont dû être à ses côtés
13 dans un combat quelconque. Ils ont dû donc être ensemble, à ses côtés, à
14 faire partie de son unité.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, si je comprends bien, d'anciens soldats
16 musulmans ayant combattu avec le brigadier Dzanko se trouvaient prisonniers
17 à Gabela. Est-ce que ces anciens soldats de ce brigadier ont pu
18 s'entretenir avec le brigadier en question ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne sais vraiment pas. Il
20 s'est entretenu avec plusieurs personnes, mais je ne peux pas affirmer que
21 c'était des personnes qu'il connaissait d'avant. Le fait est que deux
22 brigades du HVO entière, où il n'y avait que des Musulmans de Bosnie avec
23 un commandant musulman de Bosnie, ont été arrêtés et placés dans un camp.
24 Certains à Dretelj, d'autres à Gabela.
25 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
26 J'aimerais maintenant que le témoin se penche sur la pièce 3731. Peut-être
27 pourrait-on nous la montrer dans le système d'affichage électronique ? Avec
28 l'aide de Mme l'Huissière, le témoin peut-être pourrait retrouver la copie
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1 papier.
2 Q. Alors, Monsieur, ce document et son avenant constituent un rapport
3 émanant de Nedjelko Obradovic et destiné au général Petkovic. Il y a là,
4 aussi, une déclaration de Bosko Previsic et c'est signé par Bosko Previsic.
5 Alors, serait-il exact de dire qu'avant-hier, vous avez déjà vu ce document
6 lorsque je vous l'ai montré ?
7 R. Oui. Je l'ai vu en effet.
8 Q. Alors, que, d'après vous, nous raconte ce document ? Est-ce que cela se
9 réfère à l'incident que vous venez de décrire aux Juges de la Chambre au
10 sujet de la visite de ce général de brigade, Dzanko ?
11 R. Oui. La date coïncide, à peu près, à une dizaine de jours près, donc,
12 cela se situe à une dizaine de jours après mon arrivée.
13 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse
14 d'intervenir, mais il convient de prévenir que dans la version anglaise, il
15 a été fourni une date erronée. On parle du mois d'août. Or, dans la version
16 B/C/S, il est question du 27 juillet. Merci.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez parfaitement raison.
18 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Juge, il faut être tout à fait
19 précis. En en-tête et dans la teneur du texte, il y a une traduction
20 erronée. Il est toujours question du mois de juillet. Or, dans la
21 traduction, il est toujours fait état du mois d'août.
22 M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, et je vous
23 remercie, mes éminents confrères, d'avoir relevé la chose.
24 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais attirer votre attention sur un fait
25 avant que d'aller de l'avant. Pour ce qui est de l'avenant, qui se trouve à
26 la page suivante, et c'est là une déclaration manuscrite faite par Bosko
27 Previsic et je vous réfère au dernier paragraphe de la page, où il est dit
28 : "C'est la situation à présent, et cela ira mieux. Pour autant qu'il
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1 pouvait le voir, cela n'était pas si terrible qu'on le lui avait dit."
2 Est-ce que c'est lui qui le dit, ou est-ce que c'est la version de
3 Bosko Previsic concernant ce que le brigadier Dzanko aurait dit ? D'après
4 vos souvenirs, quelle est la version qui serait exacte ?
5 R. Oui, j'ai pris connaissance de cette déclaration du commandant Bosko
6 Previsic. Je crois que cela est inexact, mis à part la partie où il est
7 question des ex-soldats du général de brigade Dzanko. Cela est exact. Tout
8 le reste -- pour ce qui est du reste, le brigadier Dzanko n'a rien dit.
9 Cela ce sont ces mots à lui. Dzanko ne l'a pas dit, cela. Il avait, lui,
10 été très bouleversé par ce qu'il avait vu.
11 Q. Vous dites qu'il était, de façon évidente, bouleversé, mais qu'est-ce
12 qui vous fait dire cela ?
13 R. Bien, ses réactions, les choses qu'il avait exigées auprès de Boko --
14 auprès du commandant Bosko Previsic. C'est l'expression de son visage le
15 disait. Je crois avoir assez bien jugé de la chose.
16 Q. Merci. Monsieur le Témoin, avant d'en terminer avec Gabela, je voudrais
17 vous montrer une image, et je me réfère notamment à la pièce à conviction
18 9016.
19 M. KRUGER : [interprétation] Je voudrais que nous montre la page 12 du jeu
20 de photographie. Il y a deux photos sur cette même page.
21 L'Huissière vous donnera un coup de main sous peu et nous allons demander à
22 ce que cela nous soit montré sur nos écrans. Non, ce n'est pas celle-là.
23 Monsieur le Juge, peut-être si on pouvait placer cela sur le
24 rétroprojecteur, cela ne prendra pas trop de temps. Je viens d'apprendre
25 que c'était la page 16, excusez-moi. Voilà. C'est cela.
26 Q. Monsieur le Témoin, ce hangar, c'est la photo du hangar de Gabela. Ma
27 question est simple : est-ce que ceci ressemble au hangar où vous avez été
28 gardé, au hangar numéro 3 ?
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1 R. Oui. Le hangar numéro 3, où j'étais, était comme cela. Cette porte-là,
2 une plateforme pour chargement et déchargement des camions, c'était à peu
3 près comme cela. Les deux autres avaient plus ou moins cet aspect-là.
4 Q. Si vous regardez de côté, vous pourrez voir des fenêtres derrière les
5 arbres. Est-ce que votre hangar avait des petites fenêtres de ce type ?
6 R. Oui, oui. C'étaient des petites fenêtres juste en dessous de la
7 toiture.
8 M. KRUGER : [interprétation] J'aimerais maintenant qu'on descende un peu
9 plus bas, qu'on regarde vers la deuxième des images qui se trouve sur cette
10 page. On voit le hangar.
11 Q. Est-ce que votre hangar avait des fenêtres semblables à ce qu'on voit
12 sur cette photo-ci ?
13 R. Oui. Les fenêtres étaient de ce type.
14 Q. Est-il exact de dire, Monsieur, que le 24 septembre 1993, vous avez été
15 libéré de Gabela ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Est-ce que --
18 R. C'est la date qui figure sur ce morceau de papier indiquant que j'ai
19 été relâché.
20 Q. Est-ce que vous avez été prévenu de votre libération ou pas ?
21 R. Je ne le savais pas à l'avance. Je ne savais même pas le jour même,
22 bien que j'avais l'impression qu'il se passait quelque chose. C'était dans
23 l'air. Je pensais, mon petit doigt me disait que nous serions peut-être
24 libérés.
25 Q. Est-il exact que Bosko Previsic lui-même vous a conduit jusqu'à
26 Capljina, où vous avez été placé dans une maison avec un certain nombre
27 d'autres imams qui avaient été relâchés de Dretelj ?
28 R. C'est exact.
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1 Q. Simplement pour les besoins du compte rendu, pourriez-vous nous citer
2 les noms de quelques-uns de ces imams qui étaient avec vous à cet endroit-
3 là ?
4 R. Sakib Kadric et son fils, Omer. Je crois que c'était un étudiant de
5 deuxième année. Sakib Kovacevic, Ibrahim Blazevic, Ahmed Alic, Numan Cosic.
6 C'étaient surtout des imams des paroisses voisines, de dzemats, comme nous
7 l'appelons.
8 Q. Est-ce que vous êtes restés à cet endroit-là à Capljina ? Combien de
9 temps êtes-vous restés ?
10 R. Quelques jours, trois ou quatre peut-être, jusqu'au 29, lorsque nous
11 avons été emmenés en Croatie.
12 Q. Comment se fait-il que vous ayez été emmenés en Croatie ?
13 R. Bien, c'était le seul chemin que nous pouvions emprunter. Nous n'avions
14 pas le droit d'aller en Bosnie, bien que c'était là où nous pouvions aller,
15 car c'est là que se trouvaient nos familles et les familles de tout le
16 monde.
17 Q. Qui ne vous permettait pas de vous rendre en Bosnie ?
18 R. Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ?
19 Q. Vous avez dit : "Ils ne nous ont pas permis de nous rendre en Bosnie."
20 Quand vous avez dit "ils" de qui s'agissait-il ?
21 R. Le HVO. Le HVO ne le permettait pas. Les autorités et le HVO.
22 Q. Aviez-vous besoin d'une quelconque autorisation pour vous rendre en
23 Croatie ?
24 R. Oui. Nous devions obtenir cette autorisation; sinon, nous n'aurions pas
25 pu passer la frontière et quitter Capljina.
26 Q. De quel type d'autorisation s'agissait-il ?
27 R. Je dois vous dire que pendant les quelques jours où j'ai séjourné à
28 Capljina, nous avons obtenu un document de Zagreb, qui était en quelque
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1 sorte une garantie pendant notre séjour en Croatie. Je crois que quelqu'un
2 devait se porter caution pour nous et ce document avait la signature du Dr
3 Adalbert Rebic. Je crois que c'était celui qui était à la tête de l'office
4 du bureau des réfugiés, et le mufti, Omerbasic, qui était le principal imam
5 de Zagreb. Après cela et après qu'il soit venu nous rendre visite, nous
6 avons obtenu nos papiers qui nous ont permis de quitter Capljina.
7 Q. Une fois arrivée en Croatie, où êtes-vous allés après cela ?
8 R. Nous sommes restés en Croatie pendant deux mois. Certains sont partis
9 en Allemagne, avant la fin des deux mois, pour aller retrouver leurs
10 familles, mais, moi-même, je suis resté deux mois à Podgora.
11 Q. Après deux mois à Podgora, où êtes-vous allé après cela ?
12 R. Vers la fin de l'année 1993. Je me suis rendu en Allemagne et j'y suis
13 resté jusqu'à la fin du mois de juin de l'année d'après et depuis là, je
14 suis rentré à Sarajevo et ensuite à Mostar.
15 Q. Est-ce que vous avez retrouvé votre femme et vos enfants à Sarajevo ?
16 R. Oui. Ma femme et mes enfants étaient retournés à Sarajevo, après toutes
17 les souffrances qu'elles avaient vécues.
18 Q. Merci, Monsieur. Je souhaite simplement, maintenant, aborder un dernier
19 aspect avec vous. Vous avez évoqué le fait plutôt, vous avez dit dans votre
20 déposition, avoir vu les mosquées de Lokve, Recice et Aladinici en flammes.
21 Puisque vous étiez imam dans la région, à ce moment-là ou par la suite,
22 avez-vous eu connaissance de la destruction d'autres mosquées dans votre --
23 au sein de votre communauté religieuse ou au sein de votre communauté au
24 sens large ?
25 R. Je n'ai eu l'occasion que de voir la mosquée qui était à Visici, au
26 moment où nous partions de Capljina, en direction vers la Croatie, j'ai pu
27 constater qu'il ne restait rien de la mosquée. Il ne restait plus une seule
28 pierre. Tout avait brûlé, il ne restait plus rien.
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1 Q. Monsieur, une dernière question donc. D'après vous, puisque vous êtes
2 imam, quelle était, d'après vous, la raison pour laquelle ces mosquées dont
3 vous nous avez parlé, ont été détruites ?
4 R. Ecoutez, je crois que je connais la raison. Je suis quasiment sûr.
5 L'objectif était de détruire et de faire disparaître toute trace de la
6 tradition islamique et de sa culture, de façon à ce qu'aucun Musulman ne
7 puisse s'en souvenir et qu'ainsi, ils ne reviendraient pas.
8 Q. Vous, en tant que Musulman de Bosnie, et les personnes appartenant à
9 votre communauté qui ont dû quitter la région, qu'est-ce que cela signifie
10 pour vous et de quelle manière ceci constitue-t-il un obstacle à votre
11 possibilité de rentrer dans la région par la suite ?
12 R. Quoi qu'il en soit, ceci rendait le retour plus difficile, car même
13 lorsque les gens ont commencé à rentrer, c'était plus difficile dans ces
14 régions-là, là où des lieux de culte avaient été détruits. Il y avait des
15 menaces, il y avait des tentatives d'intimidation. La première chose que
16 les gens ont faite, ils ont commencé à nettoyer leur cimetière respectif.
17 Ils ont commencé à reconstruire les mosquées et après, reconstruire leur
18 maison. C'est comme cela que le retour s'est fait.
19 Q. A quel moment les gens ont-ils commencé à rentrer ?
20 R. C'est difficile à dire. Il m'est difficile de m'en souvenir. J'ai déjà
21 à Mostar au mois de juillet 1994 et je travaillais déjà comme imam. A cet
22 endroit-là, j'avais mes obligations et j'avais mon travail et je ne pouvais
23 pas véritablement partir. J'avais déjà essayé de me rendre à Visici,
24 accompagné d'autres personnes, en compagnie de personnes dans deux
25 autocars, pour aller -- rendre -- pour nous rendre aux cimetières. Le mufti
26 Smajkic était avec moi. Mais nous n'avons réussi qu'à aller jusqu'à Buna.
27 Nous avons été par -- arrêtés par la police, qui avait des chiens, et nous
28 avons dû rebrousser chemin. Donc, nous n'avons pas réussi cette fois-là.
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1 Plus tard, ils ont commencé à enterrer les corps, les gens ont commencé à
2 rentrer. Les organisations humanitaires ont aidé les différentes personnes
3 à reconstruire leur maison et même les mosquées ont été reconstruite et
4 réaménagée. Je suis assez satisfait de la situation à l'heure actuelle. Les
5 choses se sont améliorées.
6 M. KRUGER : [interprétation] Merci. L'Accusation n'a plus de questions à
7 poser. Les documents restants dans la liasse de documents seront présentés
8 par la suite.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Le mieux, c'est de faire la pause de 20 minutes.
10 Donc, nous reprendrons dans 20 minutes.
11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 25.
12 --- L'audience est reprise à 15 heures 48.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste avant de donner la parole à la Défense, qui
14 disposera donc de deux heures et demie, il y a une question que j'aurais dû
15 vous poser, mais que je n'ai pas posée. Le commandant Bosko Previsic, ce
16 commandant, est-ce que vous savez si ultérieurement dans les années qui se
17 sont passées ces derniers temps ? Est-ce qu'il a fait l'objet de poursuite
18 dans votre pays ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je sais qu'il a
20 été jugé à Mostar. Je crois qu'il a échappé -- maintenant quelqu'un qui est
21 en fuite, et il a quitté la Bosnie-Herzégovine.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, vous dites qu'il y a eu une procédure
23 et qu'à votre connaissance il est fugitif ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Il renseignera ultérieurement.
26 Monsieur Mundis, vous avez des éléments sur cette personne ?
27 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
28 nous sommes en train de prendre les mesures nécessaires pour recueillir
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1 d'informations, je ne suis pas en mesure maintenant de répondre à cette
2 question avec un quelconque degré de certitude. Mais, je puis vous assurer,
3 compte tenu des commentaires faits par les Juges de la Chambre précédemment
4 à propos de différentes affaires en cours en Bosnie-Herzégovine, que nous
5 prenons les mesures nécessaires pour obtenir ce genre d'information. Peut-
6 être qu'au cours de l'année prochaine -- au début de l'année prochaine,
7 nous serons en mesure de disposer davantage d'éléments.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais donner la parole maintenant à la Défense.
9 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Je souhaitais simplement faire la clarté
10 sur la situation, car mon client a dit, et le témoin a dit, que c'est
11 quelqu'un qui s'est soustrait à la justice. C'est un fugitif. Je souhaite
12 dire qu'il y a une procédure judiciaire -- une procédure contre lui, mais
13 qu'un verdict a été rendu aujourd'hui devant le Tribunal de Bosnie-
14 Herzégovine.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous aurons plus d'éléments plus tard. Maître
16 Karnavas ?
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Bonjour, Monsieur le Président,
18 bonjour, Messieurs les Juges. Nous n'avons pas de questions à poser à ce
19 monsieur. Nous voulons le remercier pour être venu déposer ici. M. Praljak
20 a demandé avoir du temps. Nous avons cédé notre temps au général pour
21 autant qu'il en fasse bon usage. Merci.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour éviter tout problème de temps, deux heures et
23 demie, cela fait 150 minutes, 150 minutes divisées par 6, cela fait 25
24 minutes chacun. Voilà.
25 Maître Nozica ?
26 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant d'entamer
27 mon contre-interrogatoire, je souhaite vous dire que la Défense de Coric
28 m'a cédé dix minutes et la Défense de Pusic m'a cédé dix minutes également.
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1 Je n'utiliserai ce temps que si cela s'avère nécessaire et je pourrais
2 peut-être terminer dans le temps qui m'a été imparti.
3 Contre-interrogatoire par Mme Nozica :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kajmovic.
5 R. Bonjour.
6 Q. J'ai quelques questions à vous poser, et ces questions ne portent que
7 sur votre travail humanitaire. Du côté de la Défense, nous avons beaucoup
8 apprécié la déposition que vous avez faite. Il est rare, en fait, d'avoir
9 des témoins d'organisation humanitaire non gouvernementale. Il y a, donc,
10 un certain nombre de points que nous souhaiterons éclaircir avec vous. Nous
11 allons aborder certains documents et je souhaite plus précisément parler de
12 Merhamet.
13 Comme nous parlons la même langue, il faut marquer une pause entre
14 les questions et les réponses pour permettre aux interprètes de faire leur
15 travail, évidemment pour que cela soit utile pour les Juges de la Chambre
16 et les autres personnes présentes.
17 Est-il exact de dire qu'au cours des années 1992 et 1993, à propos
18 desquelles vous avez témoigné, lorsque vous avez travaillé à Merhamet, que
19 la base logistique de Merhamet se trouvait surtout à Zagreb et à Split ?
20 R. Je crois avoir déjà dit que nous et Caritas, nous obtenions les
21 fournitures du HCR et nous recevions quelques éléments complémentaires de
22 Split et de Zagreb.
23 Q. Nous n'allons pas parler du HCR maintenant. Je souhaite que nous
24 parlions de Merhamet. Je sais que Merhamet a remis aux civils des produits
25 de première nécessité. C'est vous qui avez fait une partie du travail et
26 l'autre partie a été accomplie par le HCR. Pour ce qui est de la Croatie,
27 un nombre d'organisations ont été créées en Croatie à ce moment-là afin de
28 procurer de l'aide à la Bosnie-Herzégovine, 220 -- 228 est le chiffre que
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1 j'ai sous les yeux, et 119 se sont trouvées en réalité en Bosnie-
2 Herzégovine.
3 R. Je dois vous dire que je ne me suis jamais rendu à Zagreb au cours de
4 mon travail. Je me suis rendu qu'à Split dans ce cadre-là.
5 Q. Est-il exact de dire que la communauté musulmane et Merhamet, avec
6 l'aide du SDA vers la mi-1993 -- et dans le courant de l'année -- 1992 et
7 dans l'année 1993, ont pris part à certaines activités ou celles qui
8 étaient importantes pour la population musulmane ?
9 R. Il est vrai que c'était une époque difficile. Les personnes ne
10 pouvaient simplement être là les bras branlants. Je crois que j'ai remarqué
11 --
12 M. KOVACIC : [interprétation] Avec votre permission, je crois que quelque
13 chose a été omis lorsque ma consoeur a posé une question au témoin.
14 Lorsqu'elle a demandé -- elle a posé une question sur les activités des
15 différentes organisations humanitaires en Croatie. Il n'y a que la deuxième
16 partie de la réponse qui a été enregistrée. Dans la première partie, le
17 témoin a dit : "Oui, j'ai eu connaissance des activités de telles
18 organisations."
19 Mme NOZICA : [interprétation] Merci, cher confrère.
20 Q. Nous allons maintenant regarder une pièce de l'Accusation, Monsieur le
21 Témoin. Nous allons regarder ceci ensemble. Ce document porte sur la
22 coopération entre les différents partis politiques et les organisations
23 caritatives et les organisations musulmanes,
24 P 01794. Vous l'avez dans le classeur rose. Vous pourrez soit le retrouver
25 dans le classeur soit vous pouvez le voir à l'écran. Il s'agit du premier
26 document de la liasse. Nous l'avons déjà dans le système électronique.
27 Il s'agit ici, en réalité, d'un document qui a été signé par des
28 représentants des institutions musulmanes de Capljina, le Parti de l'Action
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1 démocratique, le SDA, la communauté musulmane, le cercle culturel des
2 Musulmans appelé renouveau, Preporod, des représentants de Merhamet, et
3 l'Association de la jeunesse musulmane. Ceci s'est tenu le 2 avril à
4 Capljina, 2 avril 1993.
5 Est-ce que vous connaissez les gens qui ont signé ce document, SDA
6 Capljina, cet homme dont le nom figure ici ?
7 R. Oui.
8 Q. Communauté islamique, Nazif Basic; est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Juste en dessous, on voit les termes "Principal imam," Hasim Efendi
11 Palic. Ce n'est pas très lisible. Je ne sais pas si j'ai bien prononcé le
12 nom, Hasan Efendi Palic, imam principal. Est-ce que vous voyez ce
13 document ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous connaissiez cet homme ?
16 R. Oui, c'était mon collègue à Capljina. Malheureusement, il n'est plus
17 parmi nous.
18 Q. Pour Merhamet, M. Alija Suta. Je ne vois pas le nom de la deuxième
19 personne. Je crois que c'est Admir Mace; c'est exact ?
20 R. Oui.
21 Q. Pour Preporod, le groupe renouveau, Senad Hasanagic, oui ?
22 R. Oui, oui.
23 Q. Regardons ceci un petit peu, s'il vous plaît. Il y a quelques questions
24 politiques qui étaient tout à fait d'actualités à l'époque et qui sont
25 évoquées dans ce document aux points 1 et 2. On voit également que montrent
26 les autres paragraphes, mais ces paragraphes sont plus particulièrement
27 politiques. Au paragraphe 1, on peut lire que : "Ceux qui soutiennent le
28 plan Vance-Owen, signé par le président de la présidence -- contient et,
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1 par la présente, apporter au plan Vance-Owen une correction de
2 l'interprète, signée par le président de la présidence de la République de
3 la Bosnie-Herzégovine, Alija Izetbegovic; le président de l'Union
4 démocratique de Bosnie-Herzégovine, Mate Boban; ainsi qu'à l'accord
5 précédemment signé, l'accord musulmano-croate, et nous exigeons que la mise
6 en œuvre des documents signés soit effectuée immédiatement à tous les
7 niveaux, et dès que possible."
8 Le paragraphe 2, on peut lire : "Par la présente, sur tous les fronts
9 patriotiques de la République de Bosnie-Herzégovine, il faut faire
10 l'impossible pour restaurer la paix à cette terre qui a été détruite et
11 éparpillée partout et assaillie de toutes parts. Nous devons assurer sa
12 défense et reconstruire tout cela d'après le souhait de tous les citoyens."
13 Est-ce que vous vous souvenez de ce communiqué de presse et est-ce que vous
14 vous souvenez avoir pris part, d'une manière ou d'une autre à ceci ?
15 R. Je ne m'en souviens vraiment pas. Je pense que j'ai eu connaissance de
16 cela. A ce moment-là, je crois que c'était tout à fait d'actualité, mais je
17 ne m'en souviens pas précisément. Je ne vois -- vous ne voyez pas mon nom
18 ici.
19 Q. Oui, mais vous ne voyez les noms de personnes qui faisaient partie de
20 la communauté musulmane et des Merhamet et qui ont travaillé avec vous à
21 l'époque, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Hier, vous avez parlé, dans votre déposition, des répercussions des
24 événements de Donji Vakuf et -- Donji Vakuf et Prozor, au début de l'année
25 1993, et des relations qui existaient entre les Musulmans et les Croates de
26 Capljina ?
27 R. Oui.
28 Q. Il ressort de votre déclaration que le 29 juin 1993, alors que vous
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1 reveniez de Split et que vous escortiez le convoi de Merhamet, vous avez
2 été arrêté à Doljani au poste de frontière. Je souhaite simplement que ceci
3 soit clair. C'est un poste de frontière entre Bosnie-Herzégovine et la
4 Croatie, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. N'avez-vous jamais entendu parler du fait que, le 30 juillet, l'armée
7 de la BiH, accompagnée des soldats musulmans qui faisaient partie du HVO à
8 l'époque, a attaqué la caserne du camp du nord de Mostar. Ils ont pris le
9 contrôle, et ils ont pris le contrôle de la région entre Leticia, Potoci,
10 Rastane, Bijelo Polje, et ils ont arrêté la plupart des soldats du HVO et
11 des civils croates. Etiez-vous au courant de ces événements-là à l'époque ?
12 J'établis un lien avec les événements que vous avez relaté lorsque vous
13 êtes rentrés de Split, donc, je suppose que c'était un événement dont vous
14 aviez connaissance lorsque vous étiez à Capljina.
15 R. Oui. Effectivement, j'étais au courant de cela. Je savais qu'il y avait
16 eu ce conflit à Mostar et j'étais au courant déjà lorsque j'étais à Split.
17 Q. Saviez-vous que ces actes ont été condamnés par la SDA de Mostar
18 également ?
19 R. Oui.
20 Q. Je vous pose la question parce que, d'après le premier document que
21 nous avons, on constate qu'il y a une coopération entre le SDA, Merhamet,
22 la communauté musulmane, et saviez-vous que cet acte a été condamné par le
23 SDA de Mostar ?
24 R. Ecoutez, je ne sais pas, mais cela ne me surprendrait pas beaucoup.
25 Q. Nous allons passer en revue les documents ensemble. C'est le document
26 2D 3082. 2D 3082 et vous trouverez ce document dans le classeur, mais vous
27 pouvez le lire à l'écran si vous le souhaitez. C'est un document d'une
28 page. Donc, c'est juste une page.
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1 Tout d'abord, essayons de voir quels sont les signataires ici. "Pour le
2 Parti de l'Action démocratique, Dr Ismet Hadziosmanovic." Vous connaissez
3 cet homme, n'est-ce pas ? Vous le connaissiez à Mostar ?
4 R. Oui, on se connaissait. Je savais qui c'était, mais on ne se
5 connaissait pas pratiquement.
6 Q. Mohamed Alic, vous saviez qu'il était président ? Vous le connaissiez ?
7 Qui était-il ?
8 R. Non.
9 Q. Vous ne le connaissiez pas ?
10 R. Non.
11 Q. Alors, si on examine la situation actuelle à Mostar, le conseil
12 exécutif du SDA de Mostar et du parti musulman de Mostar, lors d'une
13 réunion extraordinaire conjointe tenue le 30 juin 1993 à Mostar, émet le
14 communiqué suivant : "A l'opposé de l'attaque menée par l'ABiH contre les
15 Unités du HVO à Mostar annoncée hier, le 29 juin 1993, lors d'une
16 conférence de presse tenue par le commandement du 4e Corps d'armée de
17 l'ABiH, révèle tous les sales jeux politiques par lesquels on cherche à
18 entraîner le peuple musulman dans une sorte de nouvelle Yougoslavie ou dans
19 une Grande-Serbie." Je ne donne pas lecture de la totalité du texte.
20 La suite lit comme suit : "Le peuple musulman et sa politique, jamais
21 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine n'accepteront une solution
22 politique qui a été forcée, qui a été obtenue par le biais des souffrances,
23 la perte de vies innocentes dans le peuple musulman et croate."
24 Vous voyez, il est dit -- en fait, c'est seulement en ce moment, le
25 SDA de Mostar, en coopération avec les chefs de la HZ Herceg-Bosna, l'état-
26 major principal du HVO, le Conseil municipal du HDZ de Mostar ainsi qu'avec
27 des représentants des institutions internationales, entreprend des mesures
28 concrètes afin de mettre fin au conflit, de créer des conditions permettant
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1 la communication entre les rives, et cetera, et cetera.
2 Donc, c'est le 30 juin, le moment dont on parle ? Il y a eu
3 véritablement ce genre de mesure de prise ? Est-ce qu'on a vraiment tenté
4 de normaliser la situation à Mostar, ou dans un sens plus large, la région
5 qui englobe Capljina également ?
6 R. Je dois dire, pour commencer, que je n'ai jamais été d'accord avec M.
7 Hadziosmanovic et le SDA au niveau régional. Je pense qu'ils ont trahi les
8 intérêts de mon Etat et de mon peuple et encore à ce jour, je ne justifie
9 pas et je n'apporte pas mon soutien à ce genre d'attitudes, d'approches. Le
10 SDA au niveau régional, avec le Dr Hadziosmanovic à sa tête, a coopéré avec
11 le HVO. Cela, c'est évident. J'étais convaincu de cela à l'époque et je le
12 suis encore aujourd'hui.
13 Q. Alors, est-ce que je peux dire de manière très brève -- Vous comprenez
14 pourquoi j'emploie le terme musulman ? Je sais qu'on ne parle pas de
15 Musulmans, maintenant, on parle de Bosniens. Mais à l'époque, on parlait de
16 Musulmans. Est-ce que vous admettez que tous les Musulmans n'avaient pas le
17 même point de vue quant à la solution à apporter au problème ? Peut-être
18 que certains divergeaient, voyaient une solution ici ? C'était des temps
19 troubles. C'était des moments où cela s'est vraiment passé, donc, il y a
20 des gens qui trouvaient une solution différente ou envisageait une solution
21 différente ?
22 Q. Si Citluk avait été attaquée, j'aurais pensé et parlé de la même façon.
23 Mais vous savez où se trouve le camp mort ? C'est au cœur de Mostar.
24 Personne n'a été attaqué. On ne pouvait que libérer ce qui nous appartenait
25 à nous tous, tous les habitants de Mostar.
26 Q. Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est la raison, précisément,
27 il ne fallait pas l'attaquer, surtout pas des Musulmans dans les rangs du
28 HVO. Monsieur, je ne veux pas qu'on rentre dans une histoire militaire. Je
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1 voudrais qu'on parle de Caritas et de l'impact politique de Caritas sur ce
2 territoire, pendant cette période-là. Mais revenons à ma question. Vous ne
3 m'avez pas répondu. A Sarajevo, d'après vous, pendant cette période-là, il
4 y avait effectivement un consensus politique, est-ce qu'on entreprenait des
5 choses de Zagreb, de Sarajevo afin de normaliser la situation, calmer la
6 situation là-bas. Est-ce que vous pouvez vous rappeler cette période ?
7 R. Vous avez raison. Bien entendu, on a déployé des efforts avant tout, on
8 voulait calmer les tensions, mais il faut savoir une chose. A l'époque,
9 avant, pendant, après, la Bosnie-Herzégovine était prise en otage pour la
10 Croatie, il y a une sorte de chantage de la part de la Croatie, donc, c'est
11 cela problème.
12 Q. Vous dites que la Bosnie-Herzégovine était l'otage de la Croatie.
13 Encore une fois comme je l'ai déjà dit, je ne voulais pas qu'on parle
14 politique, mais du point de vue de Capljina, vous savez que je suis de
15 Sarajevo, j'étais otage de qui à l'époque ? Donc, pour aider les Juges de
16 la Chambre, en Bosnie-Herzégovine, sur toute la totalité du territoire, il
17 y a eu des choses diverses qui se sont produites, différents conflits entre
18 différents groupes ethniques, voir même au sein d'un même groupe ethnique.
19 On est bien d'accord là dessus ?
20 R. Oui, je suis d'accord. Il y a eu des gens dont les points de vue
21 divergeaient et qui ne voient pas de la même façon.
22 Q. Au sein de chacun des peuples ?
23 R. Oui.
24 Q. Revenons maintenant à Merhamet. Quel est l'objectif, la finalité de
25 Merhamet ? C'est une organisation qui distribuait de l'aide humanitaire à
26 la population civile ?
27 R. Oui. C'est cela avant tout.
28 Q. Vous dites avant tout. Mais alors, une organisation humanitaire, est-ce
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1 qu'elle peut par exemple distribuer de l'aide à l'armée ?
2 R. Mais pour autant que je le sache, je n'ai pas dit qu'elle aurait
3 distribué de l'aide à l'armée mais si aux membres de leurs familles parce
4 que ces gens avaient des proches, les gens qui étaient au sein du HVO, de
5 l'armée, leurs proches ont reçu ce qu'ils ont reçu.
6 Q. Non. Si je vous ai posé la question c'est parce que vous avez dit avant
7 tout. Alors, je voulais savoir à qui vous pensiez en plus des citoyens ?
8 R. Mais la priorité de Merhamet était de distribuer de l'aide aux
9 citoyens. Avant tout aux réfugiés et puis la population résidente, de leur
10 distribuer des vivres et des produits de base.
11 Q. Mais vous êtes d'accord pour dire qu'aucune organisation humanitaire ne
12 pouvait distribuer de l'aide à l'armée ?
13 R. Mais en principe si ce n'est pas à cela qu'on s'attend de la part d'une
14 organisation humanitaire.
15 Q. Alors, voyez maintenant ce document 2D 00283. Vous le verrez mieux dans
16 ce format électronique, je crois. 2D 00283. C'est un document qui provient
17 du commandement du 4e Corps. On le verra un instant. Il faut un petit peu
18 de temps. Comme je ne suis pas très prise par le temps, nous pouvons
19 patienter un petit instant.
20 L'auriez-vous retrouvé dans votre classeur ? On peut recommencer 2D
21 dans ce classeur rose. 2D 00, voilà il s'affiche. Donc, nous voyons qu'il
22 s'agit du commandement du 4e Corps, la date du 11 décembre 1992. Il est dit
23 : "Informations sur le MTS dans le port de Ploce, fournies par le
24 commandement du 4e Corps à l'attention du grand état-major des forces
25 armées de l'ABiH." C'est bien cela ?
26 Bon, alors, voyons, si vous arrivez à reconnaître certains
27 événements ? Dans le texte : "Nous vous prions d'informer le Merhamet de
28 Sarajevo que, dans le port de Ploce, cela fait deux mois que se trouvent
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1 entreposés des vêtements et de bottes pour Merhamet Sarajevo. Ces moyens,
2 personne n'est venu les chercher alors qu'on est en train de payer des
3 frais de dépôts très, très élevés. Depuis, les informations ci-dessus nous
4 ont été communiquées par le représentant de Merhamet Mostar." Il est dit
5 par la suite : "Si Merhamet de Sarajevo n'est pas en mesure de prendre en
6 charge cet équipement, il est possible que Merhamet de Mostar le prenne."
7 Voyez-vous la suite, c'est là qu'on voit pourquoi je vous ai demandé quelle
8 est la finalité de Merhamet. "Jusqu'à présent, nous n'avons pas reçu de
9 faxe au sujet du fait qu'il convient de garantir les vivres pour les
10 membres du 5e Corps et, par après, vérification. Merhamet ne l'a pas reçu
11 non plus, si ceci n'a pas été envoyé, envoyez une télécopie au Merhamet de
12 Mostar au numéro 321, et cetera car l'autre numéro de télécopieur ne
13 fonctionne pas." On dit : "Commandant du 4e Corps dans la signature,
14 commandant par intérim à Pasalic." Je sais que pendant une certaine
15 période, il y a eu des besoins plus importants en vivre. Je sais aussi que
16 l'armée n'en a pas toujours eu suffisamment. Mais, je suppose que ce n'est
17 pas le cas au moment où se situe ce document.
18 Alors, Merhamet de Mostar, apparemment, aurait fourni des vivres à l'ABiH,
19 en particulier à son 4e Corps. Etiez-vous au courant de cela ?
20 R. Je n'avais pas --
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Nozica, mais je suis un tout
22 petit peu surpris. C'est flagrant ce document, est un document manuscrit
23 qui provient du commandement d'un corps d'armé parait-il.
24 Mais je ne me souviens pas avoir vu un document se situant à cet
25 échelon-là, du moins pas XXe siècle. Au XIXe siècle, oui; vous pouvez
26 m'expliquer cela ?
27 Mme NOZICA : [interprétation] Mais vous avez vu à l'instant le Procureur
28 présentait un document manuscrit. C'était un document qui provenait d'un
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1 officier assez haut placé. C'est le problème qui entre en cercle à la
2 période dont nous parlons. Nous ne verrons pas mal de documents manuscrits,
3 peut-être que le témoin pourrait donc confirmer si la personne dont la
4 signature figure ici, la personne qui a occupé ce poste a exercé ces
5 fonctions ici.
6 Si tel n'est pas le cas, nous aurons d'autres documents manuscrits de ce
7 genre. Hélas dans mon pays, encore aujourd'hui ce n'est pas extrêmement
8 rare comme vous semblez le penser.
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. Nous n'en parlons plus
10 pour le moment.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Arif Pasalic, sans aucun doute le commandant
12 eu 4e Corps, il n'y aucun doute là-dessus. Quant à savoir de quoi il s'est
13 agi ici, je ne sais pas, je n'étais pas au courant de cela.
14 Mme NOZICA : [interprétation]
15 Q. Ces vêtements entreposés pendant pas mal de temps dans le port de
16 Ploce, ce n'est pas quelque chose qui vous rappelle l'élément ?
17 R. Si j'en ai entendu parler, mais j'ai entendu parler de cas bien plus
18 graves, 180 camions de Merhamet ont parfois été pris, enlevés. Donc ses
19 bottes, mais c'est insignifiant par rapport à cela.
20 Q. Je ne parle pas l'enlèvement, si, si j'en parlerai, je parlerai aussi
21 des raisons qui ont été soulevées à l'enlèvement.
22 Mais, parlons maintenant du point 3 de ce document. Il est question de
23 raisons techniques -- comment le paragraphe 3 : "Nous estimons qu'il est
24 indispensable d'avoir des organes du gouvernement et des organes compétents
25 dans le poste de Ploce, visiter à l'avenir des carences qui font l'objet du
26 paragraphe 1. En particulier, parce que le port de Ploce voit passer de
27 grande quantité de nourriture, de carburant, et d'autres MTS, donc, il est
28 indispensable de garder les contacts en permanence."
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1 On ne dit pas que quelque chose a été capturé ou enlevé. On dit qu'il y a
2 une omission. Quelqu'un n'est pas venu en temps voulu se charger de ces
3 biens. C'est cela qu'il dit dans ce document. Vous pouvez me le confirmer.
4 Si vous ne vous souvenez pas de cela. Très bien. Nous allons passer à autre
5 chose.
6 R. Je ne peux pas formuler de commentaire, je ne m'en souviens pas.
7 Q. Très bien.
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste pour le compte rendu
9 d'audience, ce n'est pas un document adressé à Merhamet. C'est adressé au
10 service de Renseignement. Il n'y a pas de contact direct entre l'armée et
11 Merhamet. D'après ce document, le lien n'est pas établi.
12 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai lu l'en-tête du
13 document. Je dis à qui il s'adresse, le 4e Corps, l'adresse au Grand état-
14 major des forces armées de Bosnie-Herzégovine.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
16 Mme NOZICA : [interprétation]
17 Q. Dans le document, vous venez de mentionner à l'instant le fait que
18 certains convois ont été arrêtés et vous en savez des choses. Le 29 juin
19 vous accompagnez un convoi et vous étiez arrêté à Doljani. Dites-nous, s'il
20 vous plaît, saviez-vous qu'il y a eu des abus eu égard aux vivres et aux
21 produits de première nécessité que Merhamet a transféré de Croatie en
22 Bosnie-Herzégovine ? Pendant la période qui a précédé disons votre
23 incident, vous savez qu'il y a eu des abus, que des armes de manière
24 illégale sans document approprié aient été transférées de Croatie en
25 Bosnie-Herzégovine à bord de camions de Merhamet ?
26 R. Je n'ai pas dit qu'on nous a arrêté à Doljani. J'ai dit qu'on nous a
27 arrêté et emmené à Dretelj, et deux de mes collègues sont restés là-bas
28 pendant une période prolongée.
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1 Q. S'il vous plaît, excusez-moi. Vous avez entendu parler d'abus, de
2 transferts d'armes, livraisons d'armes. Je ne voulais minimiser vos
3 souffrances, mais j'ai entendu dire qu'on vous a relâché le même jour.
4 C'est la raison pour laquelle j'ai dit que vous avez été retenu ou gardé.
5 Mais je sais qu'effectivement, que vos collègues se sont retrouvés à
6 Dretelj, vous nous avez parlé de cela. J'aimerais savoir si vous êtes au
7 courant. Est-ce que vous pouvez nous aider ? Est-ce qu'il y a eu ce genre
8 de choses qui se sont produites ?
9 R. Comme en toute chose, je suppose qu'il y a eu des abus, c'est probable.
10 Mais il est vrai aussi que rien ne pouvait arriver en Bosnie à l'insu des
11 autorités croates.
12 Mme NOZICA : [interprétation] 2D 0008. C'est un document qui nous parle
13 d'un exemple, à mon avis, illustratif. Je l'ai choisi à dessein. Je pense
14 qu'il parle bien de ce que nous évoquons maintenant.
15 Est-ce qu'on peut afficher cela au témoin, 2D 0008 ? C'est un document qui
16 plutôt volumineux. Nous allons l'examiner assez rapidement.
17 Q. C'est un rapport spécial de l'administration de la police militaire,
18 secteur de la police militaire de la circulation et police générale du 23
19 février 1993. Il y a pas mal d'éléments dans ce rapport. Essayons d'avancer
20 vite. Il est dit : "Le 23 février 1993, au poste de Doljani," donc, c'est
21 là qu'on vous a arrêté également; c'est bien cela ?
22 R. Oui.
23 Q. On a arrêté des véhicules immatriculés à Gorazde. On a le numéro
24 d'immatriculation avec une remorque transférant ou transportant des biens -
25 sur la base du document et on a le numéro - d'aide humanitaire pour
26 Merhamet de Gorazde. Après une fouille détaillée dans l'administration de
27 la police militaire en plus de l'aide humanitaire on a trouvé de
28 l'équipement, entre parenthèses, armement conformément à la spécification
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1 et le rapport. Cela a été signé. C'est bien de toute évidence sont entrées
2 en Bosnie.
3 Mme NOZICA : [interprétation] Le document suivant. La page suivante. C'est
4 le PV suite à une audition du 25 février 1993. C'est l'audition ou
5 l'interrogatoire d'un des chauffeurs.
6 Est-ce qu'on peut faire dérouler le texte, s'il vous plaît, un petit
7 peu ?
8 On a entendu ce chauffeur, le 25 février et dit, je donne lecture :
9 "Le 12 février 1993, je me suis présenté à Merhamet de Split auprès de Suad
10 Sogolj, qui est le frère de Sejo Sogolj."
11 Q. Vous connaissez cet homme ?
12 R. Vraiment, je ne sais pas de qui il s'agit.
13 Q. "Je dirige le véhicule, tous les trois on est monté à bord d'un camion,
14 on est parti pour Zagreb afin de charger de l'aide humanitaire. Quand nous
15 sommes arrivés à Zagreb, nous nous sommes présentés à Sajmiste à l'entrepôt
16 numéro 23. Je ne suis pas entré dans l'entrepôt. Je n'ai pas regardé non
17 plus pendant le chargement des biens. J'ai juste entendu dire qu'il était
18 écrit sur les biens ou la marchandise qu'il s'agissait de médicaments et
19 d'une sorte d'aide humanitaire. Après Sajmiste, nous sommes partis au
20 quartier de Zitnjak et c'est là que nous avons chargé le reste de la
21 marchandise ou des biens, et il dit qu'il a tout dit sans avoir été
22 contraint de parler, et cetera, et il a signé."
23 Mme NOZICA : [interprétation] A l'intention des Juges de la Chambre et du
24 Procureur, la traduction de ce PV c'est la dernière page, en fait, de la
25 traduction, donc, il y a une confusion.
26 2D 030121. C'est cela le numéro. C'est un autre chauffeur. Il explique à
27 peu près la même procédure, mais il dit : "Quand je suis arrivé à Zagreb --
28 " Est-ce qu'on peut voir Ajanovic, Zejnil ? C'est la deuxième page. 2D
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1 030003 dans la version croate pour le témoin. Est-ce qu'on peut
2 l'afficher ? Vous avez ce classeur devant vous. Je voudrais que toutes les
3 personnes présentes dans le prétoire puissent le voir. 0003. 2D 00008,
4 c'est cela le numéro de la pièce à conviction. Page 3. Page suivante, peut-
5 on la voir ? Voici.
6 Zejnil Ajanovic, donc, c'est l'autre chauffeur. Si vous pouvez dérouler un
7 petit peu. Encore un petit peu pour le témoin. Voilà.
8 "Quand je suis arrivé à Zagreb, je me suis présenté immédiatement à
9 Sajmiste à l'entrepôt numéro 23 où j'avais précédemment déjà chargé de
10 l'aide humanitaire. Je me suis présenté à Suad Sogolj et il y avait en la
11 compagnie de Suad, Sefko Omerbasic, et Rizvanbegovic. Ces trois hommes ont
12 préparé cette aide humanitaire pour Gorazde."
13 Q. Vous connaissez sans aucun doute M. Omerbacic ?
14 R. Oui, je le connais.
15 Q. A l'époque, il aidait Caritas. Il avait des fonctions à la communauté
16 islamique ?
17 R. Oui, il était l'imam principal pour la Croatie.
18 Q. D'accord. Alors, au sujet de ce que vous avez dit, juste la deuxième de
19 cette déclaration.
20 Mme NOZICA : [interprétation] Donc, page suivante, s'il vous plaît, Madame
21 l'Huissière. Est-ce qu'on peut nous montrer cela ?
22 La version croate, H2, le témoin dit : "Précédemment, il m'est arrivé de
23 transporter des armes, mais à ce moment-là, j'avais des documents me
24 permettant de transporter légalement les armes. Cette fois-ci, ceci n'a pas
25 été fait. J'affirme que je n'étais au courant de rien et pour toutes ces
26 armes, seuls pourraient en parler soit Suad Sogolj, Rizvanbegovic et Sefko
27 Omerbasic."
28 Donc, on voit qu'il s'agit du rapport spécial 220301117, version anglaise.
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1 La seule importance de cette page -- s'il vous plaît, est-ce qu'on peut
2 l'afficher ? Est-ce qu'on a photographié et on a que six listes de ces
3 armes, paraît-il, d'après ce qu'on a sur ces pages.
4 On peut examiner la page suivante, s'il vous plaît ? Dans la page suivante,
5 la liste des armes -- une liste des -- donc, au point 1D OC, deux pièces.
6 Ensuite, un fusil allumette militaire. Ensuite, au point 6, PM. Est-ce
7 qu'on peut aller plus vite, s'il vous plaît ?
8 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] PM, c'est un fusil mitrailleur. Ce
9 n'est pas un fusil semi-automatique, comme on a dit.
10 Mme NOZICA : [interprétation] Je ne donnerai lecture que des abréviations
11 pour ne pas révéler les connaissances des effets militaires.
12 Au point 12, page suivante s'il vous plaît, au point 12, RPG. On voit
13 combien de pièces ? Deux Zolja, 16 pièces, 15 grenades à main ou obus --
14 obus. Ensuite, des obus pour RPG, des 60 ou 62 pièces, des grenades à
15 fusil. PAP, je ne sais pas ce que c'est, mais 19 pièces.
16 J'aimerais que nous parcourrions très rapidement cette liste et cela prend
17 beaucoup de temps. J'aimerais que nous passions aux photos.
18 L'INTERPRÈTE : Les interprètes seraient grés à Me Nozica de donner lecture
19 plus lentement.
20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Madame Nozica, je me demande si,
21 pour ce qui est des contraintes de temps, ceci est vraiment nécessaire,
22 parce que le témoin n'est pas un expert en matière d'armes, pour autant que
23 je puisse le voir, et je ne pense pas qu'il ait dit qu'il ait eu des
24 connaissances particulières au sujet dudit transport.
25 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, j'estime qu'il est très
26 important d'aborder ces questions avec un membre du Merhamet, qui a vécu
27 certains incidents. Il a été arrêté et en raison des marchandises
28 transportées, ce que je voudrais déterminer, c'est que, dans les
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1 marchandises transportées par cette organisation, il y a eu ce type
2 d'incidents. Nous nous arrêtons donc sur ce type d'exemple, je m'en excuse
3 et je me propose maintenant de passer à certaines photos puis j'en finirai.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis complètement d'accord,
5 absolument. La question, c'est de savoir s'il convient d'aller dans tous
6 ces détails et de compter toutes ces bombes et grenades. Est-ce que sur les
7 photos il n'est pas donné de voir qu'il y en a pas mal ? Cela devrait
8 suffire.
9 Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, je le fais pour vous, parce
10 que souvent, vous insistez sur un bon nombre détails et j'aimerais
11 maintenant que nous en arrivions aux photos avec le témoin, et là, nous
12 pourrions en terminer sur ce point.
13 Q. Alors, Monsieur le Témoin, je ne sais pas pourquoi ceci défile si
14 lentement et j'aimerais que vous veniez à votre classeur et j'aimerais que
15 vous feuilletiez le document, que vous alliez de l'avant. Voilà.
16 Mme NOZICA : [interprétation] Maintenant, nous pouvons à peu près voir.
17 Mademoiselle l'Huissière, j'aimerais que vous placiez ces photos sur
18 l'affichage électronique pour que nous puissions vérifier que les choses
19 sont -- correspondent bel et bien à ce que j'ai dit. Alors ici, nous voyons
20 cette photo. J'aimerais qu'on en voie encore une ou deux. Je ne vais pas
21 insister davantage. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en voir d'autres et
22 si vous vouliez bien nous montrer la suivante, je crois que cela irait.
23 Alors, on voit ici tout ce qui figurait dans la liste des armements. Voilà
24 de quoi il s'agit. Alors, suite à tout ceci, je crois que vous avez apporté
25 une -- une réponse partielle. Ce type de chose a bien pu se produire et
26 vous n'en avez pas été informé. Si ce type de chose arrivait, étiez-vous
27 informé ?
28 R. Non, je ne pouvais pas être informé. Je ne pouvais pas le savoir.
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1 Alors, je suis sorti deux ou trois fois pour véritablement nous procurer de
2 l'aide humanitaire. Pour moi, c'est complètement -- c'est une chose qui
3 m'est complètement inconnue.
4 Q. Je ne vous posais pas de questions à vous personnellement, je voulais
5 savoir si Merhamet, en sa qualité d'organisation, avait été informé de ce
6 type d'incident et vous-même en avez-vous été informé ?
7 R. Je vais vous répondre en toute responsabilité que pour ce qui est du
8 Merhamet de Sarajevo, et nous n'avons pas reçu un seul gramme de farine.
9 Nous en avons plus reçu de la part de Caritas et je crois que les relations
10 n'ont pas été de cette nature. Même si j'avais été commandant, je n'ai pas
11 disposé de ces informations.
12 Q. Vous avez été président de cette organisation, vous avez fait ce
13 travail pour Merhamet à Capljina ?
14 R. Non. Mon travail, c'était celui d'un imam et c'était là mes obligations
15 au quotidien. De temps à autre, je cherchais à procurer des marchandises
16 pour aider les gens et je m'en procurais auprès de Caritas également. Là où
17 je pouvais en demander, je m'adressais là.
18 Q. Ce que je voulais démontrer par la présentation de ces éléments de
19 preuve, c'est le fait d'avoir intercepté ces convois avait sa
20 justification; êtes-vous d'accord avec moi ?
21 R. Non. Vous avez dit que nous avons été arrêtés pour des marchandises.
22 Est-ce qu'on peut arrêter quelqu'un pour de la farine ? Je crois que vous
23 avez fait un lapsus. Je sais pourquoi j'ai été arrêté. Je n'ai pas été
24 arrêté pour ces marchandises.
25 Q. J'ai parlé d'interception, du fait de stopper ces convois à la
26 frontière.
27 R. Oui, mais la marchandise n'a pas été examiné du tout.
28 Q. Mon collègue vient de dire qu'hier, vous avez affirmé que vous aviez
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1 été membre -- excusez-moi un moment.
2 L'INTERPRÈTE : L'interprète serait gré à Me Nozica de parler plus près du
3 micro.
4 Mme NOZICA : [interprétation]
5 Q. En page 18 du compte rendu d'hier, vous avez dit que vous étiez membre
6 de cette institution et que vous vous êtes chargé de l'approvisionnement ?
7 R. Oui, oui.
8 Q. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question. Du reste, je
9 n'en ai plus. Merci beaucoup.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Question brève de ma part, Monsieur le Témoin. Nous
11 découvrons par les photos que cette organisation caritative aurait -
12 j'emploie le conditionnel - transporté des armes. D'après ce que vous avez
13 du fonctionnement de Merhamet, vous avez une explication à donner ? Comment
14 cela a pu se produire ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je pense que cela n'a pas pu
16 se produire sans que les autorités croates n'en aient connaissance. Des
17 fois ils laissaient passer ce type de marchandise si bien. Par la suite, il
18 arrivait qu'ils stoppent le convoi, qu'ils déchargent la marchandise, ce
19 sont des choses qui arrivaient. Toujours est-il qu'il ne s'agissait pas de
20 convois et de camions de Merhamet, mais probablement d'autres camions.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : On voit les photos des camions là, vous voyez on a
22 les photos, on a même les numéros d'immatriculation. Ces camions étaient
23 loués par Merhamet ? Etaient à eux ? Prêtés ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis certain du fait que Merhamet n'avait
25 pas disposé de camions à lui, à soi. Donc, pour ce type de service, il
26 requérait le service d'autrui. Nous n'avions pas des camions à nous, du
27 moins je n'en ai pas eu connaissance.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand il y a des convois humanitaires, Caritas,
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1 Merhamet ou je ne sais qui. Est-ce que la pratique n'était pas de mettre
2 sur les camions les inscriptions, Caritas, Merhamet, et cetera ? Ou cela se
3 faisait sans aucune référence ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait des inscriptions
5 reconnaissables pour que l'on sache bien de quoi il s'agit, de quelle
6 institution ou organisation il s'agit. Cela avait donc été marqué d'une
7 façon déterminée.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Là, d'après les photos sur les camions, il y a des
9 inscriptions ou pas ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, de façon évidente, il s'agit
11 d'un camion avec des plaques de Gorazde, et vous n'ignorez pas que Gorazde
12 a été encerclé pendant plusieurs années. Il est très probable que ces gens-
13 là se soient employés de façon multiple à l'approvisionnement en armes.
14 Mais sur le principe, je n'approuve pas qu'il y ait ingérence de Merhamet
15 dans ce type d'activités. Si tenté que Merhamet l'ait fait.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque en tant que responsable de religieux et
17 membre de Merhamet, est-ce qu'avec les autres responsables, vous avez
18 évoqué ce type de problèmes susceptible de jeter une ombre sur des
19 activités humanitaires. Si vous en aviez discuté, quelle mesure aviez-vous
20 pris pour éviter ce type d'événements ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je n'ai discuté avec
22 personne, du reste je n'étais pas au courant de cela. Si cela est bel et
23 bien arrivé, je n'en avais pas besoin dans mon entourage les gens étaient
24 armés, ils avaient suffisamment d'armes, ils avaient fait partie du HVO.
25 Donc, je n'ai pas eu à m'occuper de ce type de choses.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avocat suivant.
27 M. KOVACIC : [interprétation] Je voudrais que vous autorisiez le général
28 Praljak à poser plusieurs questions pour ce qui est du contexte des
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1 événements de l'époque.
2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
3 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Kajmovic.
5 R. Bonjour, Monsieur Praljak.
6 Q. Pour commencer, pendant que vous étiez à Gabela, aviez eu plus de mal à
7 supporter les humiliations ou les tortures physiques, la faim ?
8 R. Personnellement, j'avais beaucoup plus de mal à subir ces humiliations
9 parce que physiquement je n'ai pas été malmené, si je puis le dire.
10 Q. Pourrez-vous comprendre alors le fait que les questions un peu plus
11 amples sur les événements de 1992 et 1993 ne seront pas destinés à
12 amoindrir ce que vous avez vécu vous-même, le comprenez-vous ?
13 R. Oui, je comprends quelque soit la question que vous vouliez me poser.
14 Q. Alors, on ne peut pas à part entière se préparer si l'on n'a pas une
15 pause d'une journée, disons, mais essayons de tirer au clair cette visite
16 du général de brigade Dzanko. Le Juge qui préside vos travaux de la
17 Chambre, M. Antonetti, vous a demandé, et vous avez confirmé que Dzanko
18 avait souligné qu'il était venu en visite privée, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, c'est ce qu'il a dit.
20 Q. Mais nous n'avons pas tiré au clair l'aspect relatif à ce qu'il a dit,
21 à savoir qu'il serait venu rendre visite à des soldats qui s'étaient
22 trouvés chez lui. Ce sont ses propres termes, me semble t-il ?
23 R. Je ne pense pas que ce soit là ses termes. Il était venu rendre visite
24 au camp et aux détenus, et parmi ces derniers, il avait des soldats à lui,
25 des ex-soldats à lui. C'est ce que j'ai cru comprendre.
26 Q. Savez-vous qu'au début de l'agression sur la Croatie, en 1991, bon
27 nombre de Musulmans, de Bosniens - je veux parler de Musulmans de Bosnie
28 parce que nous parlons des temps d'antan - s'étaient portés volontaires
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1 dans les Unités de l'armée croate; le saviez-vous cela ?
2 R. Oui, oui. J'en connais bon nombre qui s'étaient battus en Croatie en
3 tant que volontaires.
4 Q. Saviez-vous aussi qu'ils avaient leurs résidences en Bosnie-Herzégovine
5 mais qu'ils étaient venus travailler là-bas, dans des chantiers navals ou
6 ailleurs; le saviez-vous ?
7 R. Oui, il y a eu des cas de ce genre.
8 Q. Saviez-vous aussi que le général de brigade Dzanko avait été chargé des
9 opérations au sud dans le secteur de Dubrovnik, de Slano ?
10 R. Non, je ne le savais pas. Mais je supposé qu'il devait être vers les
11 lignes de combat au sud et qu'il y a eu là-bas probablement des combats.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, une petite
13 intervention pour le compte rendu d'audience s'agissant de la question
14 précédente du général Praljak, en page 50. Le témoin a dit qu'il avait
15 connaissance du fait que ces Musulmans de Bosnie s'étaient battus de leur
16 plein gré du côté croate. Le témoin a dit dans l'armée croate, dans le HVO.
17 Alors, dans le compte rendu d'audience, il est dit : "Du côté croate," mais
18 le témoin a dit : "En Croatie." Je crois que les choses sont claires.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je parlais --
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
21 Q. De l'armée croate.
22 R. Oui. En Croatie.
23 Q. Dans l'armée croate, n'est-ce pas ?
24 R. Oui.
25 Q. C'est à juste titre que nous pouvons supposer que le général de brigade
26 Dzanko s'était renseigné au sujet de ces soldats-là qui avaient fait partie
27 de l'armée croate et qui sont ensuite, suite -- après la fin des conflits
28 en Croatie, qui seraient passés au sein du HVO et en Bosnie-Herzégovine.
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1 R. Ecoutez, je n'y ai pas pensé. Il a mentionné en passant. J'ai compris
2 clairement de quoi il parlait, mais je ne me suis pas fatigué à examiner le
3 fait de savoir qui étaient ces soldats. C'était une chose qui ne
4 m'intéressait guère à l'époque.
5 Q. Saviez-vous que ces soldats qui ont fait partie de l'armée croate et
6 qui étaient originaires de la Bosnie-Herzégovine étaient tant Croates que
7 Musulmans de Bosnie, après le cessez-le-feu en 1992, pour ce qui est de la
8 Croatie, sont revenus en grand nombre vers la Bosnie-Herzégovine et ont
9 rejoint les rangs du HVO et de l'ABiH lorsque la Bosnie-Herzégovine a été
10 attaquée ?
11 R. Oui. Je le sais.
12 Q. Bien. Nous avons tiré ce point au clair au sujet de Dzanko. J'aimerais
13 maintenant que rapidement, nous parcourrions cette année 1992. Au
14 printemps, la JNA arrive à Stolac et au plateau de Dubrava, n'est-ce pas ?
15 1992, printemps, disais-je.
16 R. Je pense que cela n'est pas exact. C'est en automne.
17 Q. La JNA en 1991, en automne. Après cela, il y a des réservistes du
18 Monténégro qui arrivent aussi.
19 R. Oui. A peu près.
20 Q. Serait-il exact de dire qu'à l'occasion de leur arrivée au plateau de
21 Dubrava, de ces unités, le Conseil de la Défense croate, le HVO, a fourni,
22 disons, une certaine résistance.
23 R. Je crois que la résistance a été faite de façon conjointe et les
24 Musulmans de Bosnie n'avaient pas encore fait partie du HVO. Donc si vous
25 parlez de Domanovici, lorsque la JNA s'était attaquée à Mostar, et cetera.
26 Q. Certes. Mais serait-il exact de dire qu'après l'arrivée des
27 réservistes, les Croates ont quitté cette région. Ils ont fui la région ?
28 R. J'en ai connaissance. Certains ont fui, d'autres pas.
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1 Q. Mais la plupart a-t-elle quitté ?
2 R. Je pense que c'est ce que l'on pourrait dire.
3 Q. Serait-il exact aussi de dire que lorsque les réservistes ont commencé
4 à se soûler et à pétarader en printemps 1992 vers Stolac et au plateau de
5 Dubrava, 12 à 15 000 Musulmans ont quitté le territoire et sont partis en
6 Croatie, en Dalmatie, en Herzégovine occidentale, de l'autre côté de la
7 Bregava et de la Neretva; est-ce exact ?
8 R. C'est exact. Seulement, je ne suis pas certain des chiffres.
9 Q. Serait-il exact de dire qu'à l'époque, vous êtes partis à Brac pour
10 rejoindre votre famille ?
11 R. Non.
12 Q. Quand êtes-vous parti ?
13 R. Pas moi. Ma famille est partie. Je ne suis parti qu'au bout de 40
14 jours.
15 Q. Mais à ce moment-là, vous et les membres de votre famille ou quiconque
16 d'autre avec qui vous vous seriez entretenu, vous aurait dit qu'il y aurait
17 eu, sur le plan affectif ou structurel, une attitude négative vis-à-vis des
18 Musulmans sur ces territoires-là ?
19 R. En réalité, je n'ai pas eu à attendre qu'on me le dise. J'en étais
20 convaincu. C'est ainsi que je percevais les choses moi-même.
21 Q. Donc l'accueil a été à bras ouvert, sans arrière-pensée ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que d'autres régions de la Bosnie-Herzégovine, suite à
24 l'agression serbe contre la Bosnie-Herzégovine, ont fait qu'en Croatie
25 déjà ? Il y avait des centaines de milliers de réfugiés venus de la Bosnie-
26 Herzégovine, des Musulmans et des Croates, bien entendu.
27 R. Il se peut que le chiffre soit grand, que le chiffre ait été important.
28 Je sais que c'était une population qui a été gardée quelques jours à
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1 Ilidza. Il en est arrivé 5 000 en un jour. Enfin, cela, c'est exact. A ce
2 moment-là, j'étais déjà à Split. Je tiens à le mentionner.
3 Q. Alors, serait-il exact de dire que le Croatie, qui se trouvait occupée
4 au tiers, dévastée, de fait sur bien des points, du point de vue de
5 l'énergie électrique, de l'approvisionnement en énergie électrique des
6 entreprises, avait mis à sa disposition -- à la disposition de ces gens-là,
7 les hôtels, les centres de repos, maisons de repos, camps et maisons
8 individuelles ? Cela est-il vrai ?
9 R. Oui. L'accueil, l'hébergement le meilleur possible a été assuré compte
10 tenu des circonstances.
11 Q. Par la suite, pour nourrir cette population, il y a eu intervention des
12 actions -- des organisations humanitaires et de l'UNHCR, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Alors, savez-vous nous dire si quelqu'un a payé l'électricité, l'eau
15 courante ou l'évacuation des ordures, ou autres services qui coûtent
16 quelque chose a l'Etat ? Est-ce que quelqu'un a payé ceci à la Croatie ? Le
17 savez-vous ?
18 R. Je sais que certaines organisations humanitaires, notamment arabes,
19 avaient payé des loyers pour certaines maisons pour certaines familles,
20 mais je crois que c'est négligeable par rapport aux installations
21 collectives à l'intention d'une grande partie de la population expulsée. D
22 Q. Auriez-vous connaissance, ne serait-ce que d'un seul cas ou quelqu'un,
23 l'un quelconque des Musulmans de Bosnie, de réfugiés, de personnes
24 expulsées de la Bosnie-Herzégovine, aurait, à quelque moment que ce soit,
25 payé des services médicaux qu'il aurait réclamé dans des hôpitaux croates,
26 à Split, Zagreb, Rijeka, et cetera ?
27 R. Vraiment, je ne le sais pas. Pour ce qui me concerne, j'étais en bonne
28 santé. Je n'ai pas demandé d'intervention, pas plus que ma famille, mais je
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1 ne pense pas qu'il y ait eu des difficultés quelconque de ce point de vue-
2 là.
3 Q. J'aimerais maintenant revenir un peu au terme de collaborationniste que
4 vous avez utilisé pour ce qui est d'une partie du SDA, vis-à-vis du HVO. Je
5 me propose de vous poser la question suivante. Savez-vous ou saviez-vous
6 que le président ou plutôt le membre du comité exécutif du SDA à Stolac, M.
7 Alija Rizvanbegovic, avait été expulsé du SDA sous motif de manque
8 d'activité pour ce qui est de l'organisation militaire des Musulmans avant
9 l'arrivée des Chetniks à Stolac, là où il arrivait refusé toute coopération
10 avec les Croates, qui eux avaient insisté sur la nécessité de défendre de
11 façon conjointe Stolac avant l'entrée des Chetniks, a, par la suite, mis en
12 place une autorité conjointe à Stolac, avec les Serbes ? Le saviez-vous,
13 cela ?
14 R. Je sais qu'il y a eu des choses de faites, mais je ne sais pas vous
15 commenter la forme de l'autorité mise en place. A mon avis, il avait eu un
16 rôle négatif à l'époque.
17 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'avant la guerre et pendant
18 la guerre la chose qui est le plus vite tuée c'est la vérité ?
19 R. Oui, elle meurt en dernier.
20 Q. Non, c'est l'espoir qui meurt en dernier.
21 R. Oui, cela est vrai.
22 Q. Est-ce qu'à l'époque déjà vous avez pu suivre le mécontentement de
23 certains petits groupes de Croates en raison du collaborationnisme de M.
24 Rizvanbegovic avec les Serbes à Stolac ? Y a-t-il eu là une première
25 fissure à se manifester ? Vous en souvenez-vous ?
26 R. Croyez-moi bien que pour ce qui est des événements de Stolac c'est une
27 chose dont je ne peux pas parler, parce que je n'avais pas de lien, de
28 communication, de contact. Je pense qu'à l'époque je ne suis jamais allé
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1 là-bas.
2 Q. Vous n'auriez pas connaissance de la chose --
3 R. Je sais ce qui s'est passé pour ce qui est de l'arrivée de la JNA. Bien
4 entendu, ce sont des choses que je n'approuve pas.
5 Q. Vous n'avez pas connaissance du fait que ce monsieur-là avait organisé
6 la pose de barricades lorsque le HVO, avec des éléments musulmans, avait
7 procédé à la libération de Stolac. Vous n'avez pas connaissance de ce fait
8 non plus ?
9 R. A l'époque je n'étais pas là-bas. Je n'ai pas pu, donc, commenter. Cela
10 se peut, compte tenu de tout ce qui s'est passé à Stolac. Cela est
11 possible, mais je ne peux vraiment pas vous le commenter.
12 Q. Avez-vous connaissance du fait que ce même monsieur avait par la suite
13 été l'idéologue numéro 1 au sein de la Brigade de Bregava, constituée
14 uniquement de Musulmans de Bosnie ?
15 R. Cela est possible. Je ne le sais pas. Je ne connais pas du tout cet
16 homme-là. Vraiment, je ne le connais pas.
17 Q. Bien. Rien alors. La chose est très simple. Si on ne sait pas une
18 chose, on ne le sait pas. Merci.
19 Ici, l'acte d'accusation part de l'accord sur le partage de la Bosnie
20 entre le président croate, Franjo Tudjman, et Slobodan Milosevic. Etait-ce
21 chose simple, dans le cadre d'un tel prétendu accord, de faire en sorte que
22 tous les Musulmans de Bosnie réfugiés en Croatie soient envoyés vers les
23 frontières occidentales, l'Autriche, la Hongrie, l'Italie, et dire : Nous
24 n'avons pas de place. Nous sommes en guerre. L'Europe n'a pas de guerre, et
25 les riches et -- profondément humanistes, veuillez aller là-bas. Pouvait-on
26 dire cela dans le cadre d'un plan de cette nature-là ? Serait-ce chose
27 logique ?
28 R. Je ne sais pas quel a été le planning. Je sais que les gens ont quitté
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1 la Croatie pour aller vers des pays tiers.
2 Q. D'après les informations qui vous seraient accessibles, a-t-on fait
3 partir de la Bosnie-Herzégovine à peu près un million cinq cent milles
4 personnes ? Y a-t-il eu un million cinq milles personnes déplacées ? Le
5 saviez-vous ?
6 R. Oui.
7 Q. Saviez-vous que la Croatie ne pouvait pas accueillir en aucune façon un
8 million cinq cent milles personnes, mais 250 000 à 300 000 personnes
9 étaient de permanence en Croatie alors que les autres s'en allaient ? Cela
10 est-il vrai ?
11 R. Oui, cela est exact.
12 Q. Ne serait-il pas logique, dans le cadre d'un plan de cette nature à
13 l'époque en 1992, au mois de juin, empêcher l'arrivée de tous les Musulmans
14 de Bosnie qui avaient fui la région des plateaux de Dubrave, mettre le feu
15 à toutes les mosquées et réaliser ce prétendu accord entre Karadzic et
16 Boban, accord de Graz ? Cela n'aurait-il pas été logique ?
17 R. Tout d'abord, pour moi ce n'est pas un prétendu accord, parce qu'à la
18 télévision j'ai pu entendre de la bouche des participants qu'il y avait eu
19 un accord, et ce qui a été convenu du point de vue de la Neretva et de sa
20 rive gauche notamment.
21 Q. Expliquez-moi alors pourquoi moi et Petkovic avons dirigé l'attaque de
22 l'autre côté de la Neretva si la Neretva était une frontière tant à Mostar
23 qu'ailleurs ? Est-ce que nous étions des renégats vis-à-vis de la
24 politique ? Est-ce que c'est de notre propre chef que nous avions procédé à
25 cela ? Comment expliquez-vous cela ?
26 R. J'ai une explication pour cela. Je crois que les sphères d'intérêt
27 avaient déjà été partagées et que l'on savait d'ores et déjà ce qui allait
28 appartenir au HVO et ce qui allait appartenir aux Serbes. Dans ces calculs-
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1 là, nous, Musulmans de Bosnie, nous n'en étions pas.
2 Q. Je peux accepter que vous ayez cet avis-là, mais nous devons forcément
3 arriver à une certaine logique. S'il y a eu accord de faire de la Neretva
4 une frontière, pourquoi aurais-je conduit l'attaque à Mostar vers l'autre
5 rive ? Pourquoi les Croates se feraient-ils tuer aussi bien que les
6 Musulmans ? Pourquoi les Musulmans et les Croates se feraient-ils tuer si
7 accord il y avait eu de faire en sorte que le Stolac appartienne aux
8 Serbes ? Pourquoi la population serait-elle revenue si accord il y avait de
9 faire en sorte que ce territoire soit purement croate ? Là, la logique fait
10 défaut. Dites-nous où est-ce qu'elle fait défaut ? Expliquez-le-moi, je
11 vous prie. Où cette logique fait-elle défaut ?
12 R. Je sais que deux Musulmans de Bosnie ont été tués. Je sais qu'aucuns
13 des Serbes ont été tués. Je sais qu'un accord avait déjà été conclu. Je
14 sais que les sphères d'influence avaient été partagées déjà.
15 Q. Très bien. Un document nous a été lu ici qui précisait qu'à Bilovje
16 Brdo, qui est une colline, trois personnes ont été tuées. Je ne vais pas
17 entrer dans le détail de cela avec vous.
18 Est-ce que vous savez que le port de Ploce, à l'époque où l'aide
19 humanitaire était acheminée en direction de la Bosnie-Herzégovine, a envoyé
20 quelque 700 000 tonnes de marchandises en direction de la Bosnie-
21 Herzégovine, à destination également de la communauté musulmane ?
22 R. Oui, parce que je connais la personne qui au port assurait la
23 distribution de ces marchandises. Il s'appelait Martin Ragus.
24 Q. C'était 700 000 tonnes, ce qui correspond à 70 000 camions ayant une
25 capacité totale de 10 000 tonnes ?
26 R. Oui, je suppose.
27 Q. Il y avait des difficultés avec certains convois, mais
28 70 000 camions ont réussi à passer. Est-ce que vous savez que ce n'était
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1 qu'avec moins de 5 % des camions en question qu'il y avait des problèmes ?
2 R. Tout ce que je sais c'est que les seuls convois qui étaient sûrs
3 étaient les convois du HCR. Tous les autres n'étaient pas sûrs. Dans
4 certaines parties de l'Herzégovine orientale, il y a eu des incidents. On
5 déchargeait les marchandises de quelque 180 camions en une seule fois.
6 Q. Vous êtes au courant de cela ?
7 R. Oui, je connais l'incident du convoi de Tuzla.
8 Q. Nous avons déjà évoqué les convois de Tuzla à plusieurs reprises devant
9 cette Chambre. Les Juges de la Chambre savent que 90 % de ce convoi a
10 réussi à passer néanmoins avec quelques difficultés. Donc, ma question est
11 celle-ci : tout ce qui était bien ne faisait pas l'objet de discussions,
12 mais les quelques histoires qui faisaient peur étaient diffusées et
13 circulaient librement et on en faisait grand cas. N'est-ce pas en général
14 ce qui se passe pendant la guerre ?
15 R. Monsieur Praljak, vous parlez ici de la pratique qui consistait à
16 arrêter les convois de Merhamet, s'il y avait quelque chose d'inhabituel.
17 Vous parlez de l'incident individuel. C'était simplement une pratique tout
18 à fait normale.
19 Q. Lorsque vous déchargez 700 000 tonnes dans un seul port de Croatie ou
20 dans quatre ports de Croatie, 700 000 tonnes d'aide humanitaire, ce qui
21 correspond à 70 000 camions qui transporteraient 10 000 tonnes chacun, j'ai
22 fait le calcul moi-même. C'est moins de 5 % de ces camions rencontraient
23 des difficultés. Bon, changeons un peu d'optique. L'ABiH, à la fin de
24 l'année 1992, ou peut-être au début de l'année 1993, comme nous l'avons
25 entendu dire de la bouche du chef de l'état-major général de l'ABiH, le
26 général Sefer Halilovic, 220 000 hommes -- comptait au total 220 000
27 hommes. Pardonnez-moi, le général Petkovic me corrige : 261 500 hommes.
28 Est-ce que vous connaissez ce chiffre ? Est-ce que vous savez que le
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1 général Halilovic a dit cela et a donné ce chiffre pour évoquer les
2 effectifs de l'ABiH au début de l'année 1993 ?
3 R. Ecoutez, peut-être qu'il disposait de ces hommes, mais il n'était pas
4 une force à proprement parler, parce qu'elle ne disposait pas de
5 suffisamment d'armes à cause de l'embargo de part et d'autre. Ils avaient
6 peut-être les hommes, les effectifs, mais ils n'étaient pas une force à
7 proprement parler.
8 Q. Ecoutez, tant pis. Nous allons laisser ceci aux soins des experts
9 militaires. Savez-vous que l'ABiH disposait de chars, d'hélicoptères, de
10 mortiers, d'obusiers, qui, de facto, que la plupart de ces hommes
11 disposaient de fusils et de fusils semi-automatiques ? Sinon, comment
12 aurait-il pu opposer une résistance ?
13 R. Oui. Ils disposaient de certains de ces articles, mais si on devait les
14 comparer aux forces qu'ils avaient en face, c'était quasiment nul,
15 négligeable.
16 Q. Pour l'ABiH, savez-vous quel serait le moyen pour elle ou la source
17 d'approvisionnement, comment ceci se faisait-il ? Par l'intermédiaire de la
18 Croatie, à la connaissance de la Croatie, avec l'aide de la Croatie, avec
19 l'aide de la communauté croate d'Herceg-Bosna et du HVO ? Connaissez-vous
20 une autre voie d'acheminement possible ?
21 R. Oui. La plupart des cargaisons arrivaient en traversant le territoire
22 croate. C'est en tout cas la zone qui était ouverte, la plus facile.
23 Q. Donc, si c'était la région la plus ouverte, il y avait d'autres voies
24 d'acheminement aussi qui étaient ouvertes ? Pourriez-vous nous en parler ?
25 R. On pouvait aussi acheter certaines choses des Serbes. En tout cas,
26 c'est ce que j'ai entendu dire, mais il fallait beaucoup d'argent.
27 Q. Est-il exact de dire que ces convois transportaient également du
28 carburant et du combustible, de l'essence pour les besoins de l'ABiH, sans
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1 pour autant qu'il y ait de retard ou qu'ils obstaclent [comme interprété] à
2 leur passage ?
3 R. Je ne sais pas. Certaines quantités, certainement, ont dû passer.
4 Q. Fort bien. Je souhaite maintenant reparler des premiers changements
5 démocratiques en Bosnie-Herzégovine. Est-il exact de dire que M. Alija
6 Izetbegovic a été emprisonné à deux reprises à l'époque de Tito et
7 Yougoslavie ?
8 R. Oui. Je sais qu'il a été arrêté deux fois.
9 Q. Est-il exact de dire que sous le régime communiste, il s'est battu pour
10 défendre les droits de ce qui était à ce moment-là la nation musulmane, qui
11 n'avait pas encore été reconnue comme telle ?
12 R. Oui. Il a défendu la démocratie et les droits de l'homme.
13 Q. Est-ce que vous savez que, lorsqu'il était en prison, c'était un
14 penseur politique, il a rédigé un ouvrage intitulé : "La déclaration
15 islamique ?"
16 R. Oui, je connais cet ouvrage.
17 Q. Est-ce que vous savez qu'à la veille de la première élection à
18 l'assemblée, M. Alija Izetbegovic était déjà à la tête du Parti de l'Action
19 démocratique, le SDA, et son livre a été publié à 200 à 250 000 exemplaires
20 et a été distribué aux membres du SDA ?
21 R. Je ne sais pas. Bon, j'ai disposé de ce livre, mais je l'ai acheté moi-
22 même.
23 Q. Est-il exact de dire que ce livre, la déclaration islamique d'Alija --
24 de M. Alija Izetbegovic envisage la lutte pour obtenir un Etat civique pour
25 que les Musulmans de Bosnie-Herzégovine -- les Musulmans de Bosnie-
26 Herzégovine doivent représenter 50 % de la population. A ce moment-là, on
27 pourrait créer un Etat islamique. Etait-ce bien là son programme
28 politique ?
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1 R. Non. Je ne connais personne en Bosnie-Herzégovine qui pourrait se dire
2 universitaire ou homme de sciences, qui aurait pensé cela.
3 Q. Ecoutez, je vais maintenant poser la question -- une autre question.
4 Est-ce que le livre dit ce que je viens de citer ? Est-ce ce qui est dit
5 expressément dans notre langue ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
6 R. Ecoutez, cela fait un certain temps que j'ai lu ce livre, mais je sais
7 que ce type de réflexions n'était pas les réflexions d'Alija Izetbegovic.
8 Cela, j'en suis certain.
9 Q. Bien. Donc, à la veille de changements structurels très importants pour
10 un Etat, lorsqu'un livre est publié à 250 000 exemplaires et que l'auteur
11 d'un tel ouvrage est le chef de la population musulmane bosnienne, ce livre
12 n'est-il pas à ce moment-là considéré comme un pamphlet politique ou un
13 manifeste politique dans les cercles ou dans les milieux scientifiques ou
14 universitaires ?
15 R. Ecoutez, vous avez dit vous-même que, sous le régime communiste, Alija
16 Izetbegovic avait été jeté en prison à deux reprises et ce livre n'aurait
17 pas pu être publié avant. C'est la raison pour laquelle il a été publié à
18 ce moment-là. Je sais que nous avons eu des difficultés, nous qui avons
19 rédigé des critiques. Je crois que c'était M. Filipovic qui a écrit les
20 critiques de ce livre. Je sais que c'était difficile.
21 Q. Lorsqu'un livre comme celui-ci est écrit en prison, il est écrit par un
22 citoyen qui combat pour défendre ses idées politiques, n'est-ce pas,
23 lorsqu'un citoyen fait cela, et lorsqu'un tel livre est publié, M.
24 Izetbegovic, qui était en même temps le chef du peuple musulman de Bosnie,
25 n'est-ce pas ? Est-ce que vous pourriez simplement nous dire si c'est à ce
26 moment-là que le livre a été publié à 250 000 exemplaires ?
27 R. Je ne sais pas si cela coïncide exactement au même moment, mais cela
28 doit être dans les environs.
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1 Q. Les Musulmans de Bosnie, les intellectuels, les sociologues, les
2 philosophes, les politologues et les experts de la communauté islamique
3 appartenant aux différents partis politiques, est-ce que quelqu'un s'est
4 opposé en public aux positions prises dans ce livre ? Est-ce que vous avez
5 connaissance de tel cas, ou que quelqu'un est remis en cause les positions
6 de M. Izetbegovic ?
7 R. Je ne sais pas si quelqu'un l'a fait et je pense que cela n'était pas
8 nécessaire non plus. Je n'ai pas lu dans ce livre ce que vous y avez vu.
9 Q. Vous êtes un homme instruit. Vous savez qu'un climat sociopolitique
10 comprend différents points de vue, différentes positions, différents
11 sentiments et émotions et n'englobe pas tant de faits qui peuvent être
12 étudiés dans le calme d'une chambre ? Est-ce qu'une nation peut percevoir -
13 - peut avoir une certaine perception des choses qui pourraient être
14 erronées lorsque les émotions sont fortes et que les groupes et les
15 individus et un groupe ethnique en entier, une nation entière ?
16 R. Il est vrai que les gens ont parfois quelques préjudices et ils
17 perçoivent les choses parfois de façon négative lorsqu'il y a des tendances
18 de ce genre, mais je crois qu'on ne pourrait pas mettre Alija Izetbegovic
19 dans cette catégorie-là. Il avait des préjugés, c'est vrai --
20 Q. Mettons cela de côté, est-ce que vous pensez que le peuple croate en
21 Bosnie-Herzégovine, par exemple, pour ce qui est de ce peuple, lorsqu'il a
22 vu ce livre, ce livre sortir avec des positions affichées telles qu'elles
23 étaient, est-ce que ceci a provoqué des réactions négatives et est-ce que
24 vous pensez que ceci aurait pu leur porter préjudice, peut-être parce qu'un
25 Etat -- il pourrait se sentir peut-être pris en étau dans un état de ce
26 type. Qu'ils aient raison ou non de penser cela, là n'est pas la question,
27 mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que ce genre de
28 sentiments peut existés ?
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1 R. Oui. C'est possible, s'ils écoutaient ce que disaient les gens à propos
2 de ce livre. S'ils lisaient le livre eux-mêmes, je suis sûr qu'ils
3 pourraient en tirer leurs propres conclusions.
4 Q. Monsieur Kajmovic, essayez d'aborder la question de cette manière-ci :
5 Le Coran est un livre sacré pour les Musulmans, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, cela ne fait pas l'ombre d'un doute.
7 Q. Est-ce que ce livre traite de systèmes religieux, moraux et
8 sociopolitiques de la société pour les personnes qui croient en ce livre ?
9 Si vous voulez, il s'agit ici d'organisations religieuses, morales,
10 sociopolitiques et de systèmes et de lois, est-ce que vous pensez que ceci
11 peut exprimer, je vais m'exprimer différemment, peut exprimer
12 l'organisation juridique et politique d'un pays ?
13 R. Le Coran est tout d'abord un code moral, un code de conduite morale et
14 évoque les questions juridiques et permet ainsi de réglementer la vie de
15 tous les jours de tous les individus de la communauté. C'est ainsi qu'on
16 pourrait l'exprimer.
17 Q. Est-ce que vous admettez ce que je vais dire ou l'affirmation que je
18 vais faire, que j'ai lu le Coran, avec les meilleures intentions du monde,
19 et je sais qu'il y a un élément moral qui est fort ? Est-ce que vous
20 acceptez cela ? Est-ce que c'est un fait ? Est-ce que vous me croyez ?
21 R. Pour moi, cela ne fait pas l'ombre d'un doute.
22 Q. Un des témoins qui est venu avant vous - c'était un imam, également; je
23 ne souhaite pas citer son nom - en 1992, à Capljina, il a utilisé le mot en
24 public, et il a dit que pour les Musulmans le Coran était à la fois la
25 constitution -- il a dit que le Coran était la constitution et le jihad la
26 voie à suivre. Je sais comment on peut interpréter le terme de jihad dans
27 le Coran. La question maintenant que j'aimerais vous poser : dites-moi, à
28 l'époque, il s'agissait d'une époque troublée que vous avez vécue, donc des
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1 mots assez forts, pour 99,99 % de la population qui ne comprend pas, est-ce
2 que vous pouvez imaginer l'impact négatif que peuvent avoir de tels propos
3 sur un autre groupe ethnique ? Tels que les Croates, par exemple ? Voilà ma
4 première question. Est-ce que vous êtes au courant de cela ? Est-ce que
5 vous pouvez comprendre et imaginer quelque chose de ce genre ?
6 R. Puis-je vous donner mon point de vue ou est-ce que vous souhaitez
7 simplement que je réponde par oui ou par non ?
8 Q. Monsieur Kajmovic, je connais bien le sens de ce qu'il a dit. En ce qui
9 me concerne, vous n'avez pas besoin de me l'expliquer. La question que je
10 vous pose est celle-ci : quelle était la perception ou que pensaient les
11 gens de tout cela qui ne savaient pas ce qu'il avait à l'esprit ? Est-ce
12 que ce serait négatif ?
13 R. Cela ne peut être que négatif.
14 Q. Bien, alors cela ne peut être que négatif. Bien. Savez-vous également -
15 - savez-vous l'énergie -- quelle est l'énergie nécessaire si on doit
16 réprimer ce genre de réaction négative au sein d'un peuple, au sein d'un
17 groupe ethnique, afin d'empêcher toute agression de nature affective
18 émanant de certains individus ? Savez-vous combien il faut parler, combien
19 d'explications philosophiques et d'énergie il faut déployer -- qu'il
20 fallait déployer à Capljina. A ce moment-là, j'ai dû crier beaucoup pour
21 essayer de faire taire quelque 20 jeunes qui voulaient réagir d'une
22 certaine manière.
23 M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président --
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, bien sûr. Différents individus
25 doivent apporter leur pierre ici, bien sûr. Certains individus et
26 institutions doivent faire tout ce qu'ils peuvent pour essayer d'empêcher
27 que n'éclate en public ce genre de chose, et cette manière de s'exprimer de
28 façon à pouvoir maintenir la paix entre le peuple et les individus.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kruger ?
2 M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé si
3 j'interromps le contre-interrogatoire, mais avec tout le respect que je
4 dois à la Chambre, cela fait un certain temps que la discussion est
5 intéressante, mais je ne sais pas si véritablement c'est vraiment pertinent
6 pour l'affaire qui me concerne. Je crois que cela requiert beaucoup de
7 spéculation de la part du témoin. Merci, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
9 C'est vrai, Monsieur Praljak, vous emmenez le témoin dans des voies
10 d'hypothèses successives en cascade et effectivement on peut se poser la
11 question de l'utilité.
12 De toute façon, il est 17 heures 30, et il nous faut faire la pause. Nous
13 reprenons dans 20 minutes, et après de 6 heures moins 10, nous aurons
14 jusqu'à 19 heures et ce sera terminé.
15 --- L'audience est suspendue à 17 heures 30.
16 --- L'audience est reprise à 17 heures 52.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise, je ne sais pas
18 si M. Praljak a encore des questions à poser parce qu'après il y aura
19 d'autres avocats.
20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge, je peux continuer
21 jusqu'à 18 heures 35 vu le temps qui m'a été cédé par mes confrères, et
22 c'est à ce moment-là que Me Alaburic va reprendre.
23 Donc, Monsieur le Procureur Kruger, je voudrais une explication. Pour
24 quelle raison, ces éléments, ce genre d'éléments est-il indispensable parce
25 que cela se fonde à l'acte d'accusation. L'acte d'accusation commence en
26 1991, parle du niveau ou du type d'organisation et de structures des
27 dirigeants croates qui auraient cherché à infliger au peuple musulman de
28 Bosnie tout ce qui est cité à l'acte d'accusation. Or le 3e protagoniste
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1 visé à l'acte d'accusation, Monsieur Kruger, c'est mon nom. Donc cela c'est
2 ma première réponse.
3 Deuxièmement, une société est composée de points de vue politiques,
4 sociologiques, biculturels, des notions des visions du monde. Toute société
5 démocratique, civilisée se trouve parfois confrontée à des anomalies qui
6 émergent en marge et, si nous suivons le bulletin télévisé ou les
7 informations, c'est ce qui arrive tout les jours. Que ce soit la population
8 noire des Etats-Unis d'Amérique qui se révolte, ou des citoyens français
9 d'origine islamique, et cetera. Si l'on ne comprend pas ces éléments-là que
10 nous sommes en train d'évoquer, j'en suis profondément convaincu, il est
11 impossible de comprendre l'escalade de la guerre. Le fait qu'il y a eu
12 débordement, non pas l'autorisation juridique à ce qu'il y ait vengeance ou
13 revanche, mais justement c'est pour cela que le droit existe, pour punir,
14 pour punir lorsqu'il y a infraction à la règle. C'est la raison pour
15 laquelle les prisons sont pleines à ce point, parce que pour toute sorte de
16 raisons, il y a des gens qui ne reconnaissent pas l'existence de ces
17 règles. La guerre, la faim, l'effondrement des systèmes politiques, socio,
18 de grandes dévastations, une carence d'organisation sociale est étatique et
19 le lieu idéale qui permet la multiplication des individus avec une charge
20 émotionnelle forte, multiplication de groupes, qui dans ce contexte-là, par
21 des temps pareils où les critères moraux s'abaissent, et ne suivent que
22 leurs propres lois, leurs propres idées, évaluations, estimations qui le
23 plus souvent ont pour résultats ce qu'a vécu M. le Témoin Kajmovic.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, à mon avis vous
25 avez commencé un mot clé très important, "ce que le témoin a vécu lui
26 même." C'est précisément pour cette raison qu'il est ici. Il est une pierre
27 dans ce mur qu'essaye d'alléger l'Accusation. Vous venez de prononcer un
28 discours de plus d'une page, mais précisément, il s'agit non pas de donner
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1 la possibilité au témoin d'être d'accord ou en désaccord avec vous, mais de
2 nous dire ce qui l'a traversé, ce qu'il a vécu. Je pense que l'Accusation a
3 raison lorsqu'elle dit que vous vous aventurez assez loin de cela. Donc,
4 puis-je vous dire que les accusés peuvent poser des questions au sujet des
5 faits concernant les situations où les témoins ont été personnellement
6 présents, on ne veut pas entendre de discours généraux et ce n'est pas la
7 première fois qu'on l'entend et ce n'est pas la meilleure façon d'utiliser
8 le temps qui nous est imparti.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, si vous voulez aider la Chambre et
10 si vous voulez mettre en exergue votre système de Défense, il faut vous
11 appuyer sur le témoin qui est là et également sur les documents qui ont été
12 présentés au témoin et sur ce qu'a dit le témoin. Parce que le témoin a dit
13 des choses importantes sur ce qui s'est passé à Gabela, et par le jeu des
14 responsabilités au-dessus du directeur de la prison, il y a les autorités
15 civiles, militaires et politiques. Dans ces autorités, vous aviez joué un
16 rôle. Donc, c'est cela qui nous nous intéresse. Il est très intéressant,
17 vous parlez du Coran, bien sûr que c'est intéressant. Mais le problème
18 c'est que nous sommes dans une enceinte judiciaire où nous les Juges, au-
19 delà du doute raisonnable, il va falloir que nous nous prononcions sur des
20 responsabilités, et notamment la votre. Donc, si vous perdez votre temps, à
21 ce moment-là, vous ne contribuez pas à votre propre Défense, c'est cela que
22 nous voulons vous dire. Ce que vous dites est très intéressant, mais très
23 intéressant sur un plan intellectuel, mais ce n'est pas cela qui vous sert.
24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Cependant, Monsieur le Président, le
25 Procureur d'après ce que j'a entendu n'a pas posé des questions à ce témoin
26 consistant à lui poser la question demandant si Praljak était à tel ou tel
27 endroit ou d'autres personnes. Praljak a-t-il pris part à telle ou telle
28 chose ? Le témoin a-t-il une preuve à l'appui, est-ce que le témoin m'a
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1 connu précédemment, me connaissait, connaissait mon travail ? Mais ce genre
2 de questions le Procureur ne les a pas posées.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais vous non plus, Monsieur Praljak
4 et cela fait longtemps que vous l'interrogez.
5 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Très bien, j'y vais. Je peux poser
6 cette question à la fin et d'ailleurs c'est ce que je vais faire.
7 Alors, indépendamment de tout, quoi qu'il soit, plaçons sur le
8 rétroprojecteur, devant M. Kajmovic si possible, Madame l'Huissière, s'il
9 vous plaît. Si vous voulez bien placer cela sur le rétroprojecteur, pièce
10 3D 00322. Je vais demander au témoin s'il est au courant de cela.
11 Q. Monsieur le Témoin, le crime d'Ahmici, c'est quelque chose dont vous
12 avez entendu parler, le 16 mars 1993 -- le 16 avril ?
13 R. Oui, je connais toute la vérité là-dessus.
14 Q. Très bien.
15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je voudrais qu'on montre sur le
16 rétroprojecteur la première page : "Crimes commis contre les Croates de
17 Doljani." Doljani de la municipalité de Jablanica.
18 3D 1300178. La première feuille jaune, s'il vous plaît.
19 Q. Le 28 juillet 1993, à Doljani, je ne dirai jamais que ce sont des
20 Musulmans qui l'on fait mais enfin, certains individus, certaines unités
21 ont tué 63 Croates. Etes-vous au courant de ce crime ? Vous en avez entendu
22 parler ?
23 R. Oui, j'en sais suffisamment pour pouvoir me faire une opinion là-
24 dessus.
25 Q. Très bien alors. 3D 13-0183. A Konjic au printemps 1993, à en juger les
26 informations que nous avons eues, que nous avons, il y a eu une attaque
27 lancée par l'ABiH, par son 4e Corps. Les Croates ont été expulsés et ce
28 sont les meurtres qui ont commis dans cette région, il y en a eu 85. Vous
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1 étiez au courant de cet événement de Konjic que je suis en train
2 d'évoquer ?
3 R. Je pense que je suis au courant de tous les meurtres de masse en
4 Herzégovine.
5 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bugojno, troisième feuille, s'il vous
6 plaît. 3D 13-0193. La page suivante, s'il vous plaît. Vous pouvez feuiller.
7 Q. En tout, la liste des morts est de 118. Vous étiez au courant de cet
8 événement également ?
9 R. Oui, de celui-ci et de certaines autres. Egalement à Bugojno.
10 Q. Très bien. Donc, 45 à Zenica au printemps 1993, à Kiseljak 35. Ma
11 question est la suivante, je pense que c'est une question qu'on doit tout
12 simplement poser : est-il impossible d'empêcher qu'il y ait un impact de
13 ces événements au sein d'un peuple ? Est-ce qu'il est impossible d'empêcher
14 cela, une incidence ?
15 R. Bien entendu, je suis concerné de ces crimes, mais je ne pense pas que
16 ceci doit inciter à commettre un crime contre un autre peuple.
17 Q. Mais, Monsieur Kajmovic, cela ne me viendrait absolument pas à l'esprit
18 de parler d'alibi, j'en ai parlé d'emblé. Il n'y a pas d'alibi pour un
19 crime si ce n'est pour des criminels. Vous êtes d'accord avec moi ?
20 R. Non, je ne peux pas formuler de commentaires là-dessus, je ne comprends
21 pas du tout.
22 Q. Bon. Nous pensons qu'il ne peut pas y avoir de justification, qu'il n'y
23 a pas de justification. En d'autres termes, il faudrait aménager le monde
24 de telle sorte qu'aucun crime n'y trouve de justification. Mais ma question
25 est de savoir, est-ce que c'est possible comment on y met fin; vous me
26 comprenez ?
27 R. Mais il faut créer un contexte, un climat où le criminel ne pourra pas
28 passer à l'acte. C'est cela l'art de la philosophie de la vie.
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1 Q. Mais ces habitants de Konjic, vous en avez parlé, vous avez dit que cet
2 homme était un sadique, qu'il a battu des gens. Mais tous les habitants de
3 Konjic, tous les hommes de Konjic ne l'ont pas fait. L'un d'entre eux était
4 un homme dérangé. Donc, la question est de comment l'empêcher, lui, d'agir.
5 Je ne dis pas que c'était impossible, j'ai dit simplement que c'est une
6 question compréhensible, n'est-ce pas, que se poserait tout un chacun ayant
7 pris part à une tentative de mettre fin à l'escalade de la guerre ?
8 R. Mais sans doute quelqu'un était compétent et habilité, responsable. Il
9 aurait dû l'empêcher de le faire et --
10 Q. Allons de l'avant. Nous voyons un petit peu de ce que vous pensez des
11 choses en tant que citoyen. A Capljina, la mosquée, a-t-elle été détruite ?
12 R. Non, elle n'a pas été détruite. Elle a été dévastée un petit peu à
13 l'intérieur.
14 Q. L'église orthodoxe de Capljina, a-t-elle été détruite ?
15 R. Je pense que non, l'église orthodoxe non plus.
16 Q. La mosquée de Pocitelj, est-ce qu'on l'a détruite après les accords de
17 Dayton au moment où il y a eu une trêve entre les armées ?
18 R. Je ne sais vraiment pas quand on l'a détruite. Elle n'a pas été
19 détruite avant mon arrestation. Je ne peux pas parler de la mosquée de
20 Pocitelj.
21 Q. Vous êtes allés à Visici, la police vous a arrêté. C'était après les
22 accords de Dayton ?
23 R. Oui, absolument.
24 Q. Donc, après les accords de Dayton, après la paix ou trêve. A ce moment-
25 là, il y avait encore ce genre de climat qui prévalait où on vous a
26 pratiquement, officiellement empêché de vous y rendre, on ne sait pas qui ?
27 R. Si. Je sais qui, la police du HVO avec des chiens.
28 Q. Sarajevo, est-ce que vous connaissez un fait avant les vacances
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1 judiciaires, je pense que ceci intéressera les Juges de la Chambre. A
2 Capljina, il y a une église franciscaine, c'est bien cela ?
3 R. Oui.
4 Q. Savez-vous que, par une décision prise par le Saint-siège et par
5 l'évêque de Mostar en tant que l'exécutant de cette décision,
6 M. Ratko Peric, que dans la municipalité de Capljina, les Franciscains
7 devaient partir et que les prêtres de l'ordre de Saint-Pierre devaient
8 arriver les remplacer ?
9 R. Je sais qu'il a été question de cela.
10 Q. Est-ce que vous savez que, malgré la décision du Pape, les fidèles, les
11 catholiques à Capljina ont marché dans l'église, ont mis du fil barbelé
12 autour et l'ont défendu à l'aide de fusils. Je vous pose cette question en
13 tant citoyen. Vous pouvez me répondre.
14 R. Je ne sais pas quels sont les moyens qu'ils ont utilisés, mais,
15 effectivement, je crois qu'ils ont muré l'entrée. Je ne sais pas s'ils
16 l'ont défendu fusils à la main.
17 Q. Si je vous pose la question c'est bien parce que je veux qu'on
18 comprenne quel -- comment a réagi la population qui vit là-bas, la
19 population, les fidèles catholiques et ils sont pratiquants. Ils se rendent
20 régulièrement à l'église, c'est bien cela, pour autant que vous le
21 sachiez ?
22 R. Je sais que la plupart des gens sont des croyants et que dans la mesure
23 du possible du temps ils sont pratiquants.
24 Q. Vous savez aussi qu'on ne peut pas commenter les décisions du Vatican
25 ou du Pape ? Il faut les écouter. Vous connaissez cette loi, cette règle du
26 souverain pontife ?
27 R. Oui, même si ce ne sont pas des écritures saintes.
28 Q. Mais, vous savez que les Franciscains sont toujours aujourd'hui à
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1 Capljina et qu'ils ne veulent pas décamper ?
2 R. Je ne sais pas vraiment. Je sais qu'il y a des Franciscains, mais,
3 effectivement, je pense qu'il y en a qui sont à Capljina.
4 Q. Mais cette question a pour objectif de montrer quelles sont les
5 possibilités d'exercer un contrôle effectif sur la population
6 d'Herzégovine. Comme on le voit, ils n'assument même pas les décisions du
7 Saint-Père.
8 Essayons maintenant de parler des écoles à Capljina. Un certain nombre
9 d'élèves musulmans de Bosnie s'est révolté au moment où les programmes
10 croates ont été introduits, ainsi que la langue croate.
11 R. Oui. Les enfants se sont révoltés. Les élèves.
12 Q. Très bien. Est-ce qu'il est exact que d'après la constitution de
13 Bosnie-Herzégovine, la langue officielle sur le territoire de Bosnie-
14 Herzégovine est le serbo-croate ou le croato-serbe ? Au début de cette
15 guerre c'était cela, jusqu'en 1993 ?
16 R. La langue serbo-croate était la langue officielle.
17 Q. L'éducation, après l'occupation de Sarajevo, avait-elle des moyens
18 quels qu'ils soient, des possibilités quelles qu'elles soient d'imprimer,
19 de rédiger des manuels nécessaires à une scolarité régulière ? Je parle du
20 pouvoir central de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine. Est-ce qu'il avait un
21 moyen d'élaborer les programmes, d'éviter les manuels et de les distribuer,
22 et cetera ?
23 R. Oui, même si les circonstances étaient difficiles, on a imprimé nos
24 manuels et pas seulement des manuels, mais aussi bien d'autres livres que
25 de manuels scolaires. On a imprimé des ouvrages de base. Il y a eu des cas
26 où des œuvres complètes ont été publiées.
27 Q. Est-ce que la grammaire de la langue bosniaque a existé à ce moment-
28 là ?
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1 R. Je ne sais pas de quel moment vous parlez. Au début, je suppose que
2 non.
3 Q. En 1993, il y avait la grammaire de la langue bosniaque -- en 1992 ?
4 R. Je suppose que non. Vraiment, je ne sais pas.
5 Q. L'orthographe, le dictionnaire, la morphologie, la syntaxe ?
6 R. Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas ce qui a existé. Cela ne veut
7 pas dire qu'il faut imposer ce qui n'est pas à nous, ce qui vient de
8 l'étranger. Je préfère être analphabète que d'accepter ce qui m'est imposé
9 d'ailleurs.
10 Q. Savez-vous que les enfants à Tuzla et à Zenica, les enfants croates
11 aussi, avaient étudié en langue serbo-croate ?
12 R. Oui, ils avaient étudié aussi en allemand ou en anglais.
13 Q. Est-ce qu'à l'époque, en sus des matières neutres, physique, maths,
14 chimie, biologie, sciences naturelles, géographie, compte tenu des
15 relativement faibles différences en matière de syntaxe, n'a-t-on pas pu
16 accepter comme solution provisoire l'appellation de langue croate en
17 attendant que les conditions ne soient créées pour que cette langue soit
18 qualifiée, conformément aux vœux des Musulmans ? Est-ce que cela a
19 véritablement constitué un fait imposé que l'on ne saurait accepter ?
20 R. Oui. On ne pouvait pas passer outre, parce que l'on aurait perdu notre
21 identité. Pourquoi n'avoir pas gardé le serbo-croate qu'on avait jusque-
22 là ? Je crois que les gens seraient quand même lettrés, auraient continué à
23 être lettré dans cette langue.
24 Q. Vous nous dites que vous auriez accepté le serbo-croate avec cette
25 appellation serbo-croate, "serbo" en première place ?
26 R. Oui. C'est la langue qu'on m'a enseignée à l'école primaire et à
27 l'école secondaire. Je la comprends parfaitement bien. Je ne considère pas
28 cette langue comme étant une langue étrangère, pour ce qui me concerne, du
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1 moins.
2 Q. Quand Sarajevo a été bombardée et pilonnée, lorsque l'on a expulsé des
3 centaines de milliers de gens, lorsque Vukovar et Dubrovnik sont en train
4 de brûler, vous pensez, vous estimez qu'il est préférable d'accepter
5 l'appellation serbo-croate qu'une appellation provisoire qui serait celle
6 de la langue croate ?
7 R. Oui, c'est ce que je pense. Je n'aurais jamais accepté la langue
8 croate.
9 Q. Un Juge vous a posé la question -- ou plutôt c'est M. le Procureur qui
10 vous a interrogé au sujet des médias, des journaux, radiotélévision. Alors
11 tant qu'il y avait le répétiteur sur le mont Velez, êtes-vous -- avez-vous
12 ressenti une contrainte quelle qu'elle soit du côté croate ou avez-vous pu
13 librement écouté Radio Sarajevo, la télévision de Sarajevo, suivre la
14 presse qui était publiée à Sarajevo, tant que cela a été librement diffusé,
15 que cela pouvait sortir de Sarajevo ? Est-ce que vous avez pu le faire sans
16 entrave ?
17 R. Pendant un certain temps, nous avons pu suivre TV Sarajevo. Ensuite, au
18 début, il y a eu Yutel et, par la suite, cela a été rendu difficile,
19 presque impossible. Nous avons suivi ce que nous avons pu suivre et ce sont
20 les chaînes croates que nous avons pu suivre pour être informé au minimum,
21 parce que nous étions dans une sorte de ghetto.
22 Q. Les chaînes croates avant la guerre étaient-elles présentes dans la
23 région ?
24 R. Oui. Je pense que oui.
25 Q. Dites-moi si à la télévision croate, à la radio ou dans les journaux
26 croates, vous avez pu recevoir des informations détaillées concernant le
27 crime perpétré à Ahmici ? Est-ce que cela a été passé sous le tapis ou est-
28 ce qu'on en a parlé de façon tout à fait ouverte ?
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1 R. Je pense que si vous parlez de la télévision de Zagreb, les
2 informations ont été diffusées et je crois que cela a été retransmis de
3 façon assez correcte.
4 Q. Avez-vous entendu parler de Trucina, près de Konjic ?
5 R. Je sais que des crimes y ont été commis, mais je ne saurais vous parler
6 de quelque détail que ce soit.
7 Q. Le 16 avril 1993, le jour même où il y a eu le crime d'Ahmici, il a été
8 commis à l'égard des Musulmans, il y a eu un crime de perpétrer à Trucina à
9 l'égard de Croates, cette fois-ci. Dites-moi, je vous prie, avez-vous, à la
10 radio croate ou à la télévision croate, dans les journaux croates, pu lire
11 quoi -- quelque chose au sujet du crime commis à Trucina, et combien de
12 fois avez-vous pu en prendre connaissance par rapport au crime d'Ahmici ?
13 R. Je n'arrive pas à me souvenir de ce que j'ai lu à l'époque et dans les
14 journaux. J'ai lu toutes sortes de revues et de publications, en dépit de
15 la situation assez piteuse au niveau de la presse. Mais de là, à savoir ce
16 que j'ai pu lire, à quelle période j'ai pu le faire, maintenant, je
17 n'arrive plus à m'en souvenir et j'ai encore plus de mal à en parler à
18 présent.
19 Q. Vous avez parlé du fait d'imposer la langue que vous ne sauriez
20 accepter; la langue croate. Saviez-vous qu'en Croatie en 1992, s'agissant
21 des enfants de Musulmans de Bosnie qui se sont réfugiés là-bas, il a été
22 organisé des cours complémentaires en langue bosniaque ?
23 R. Je sais qu'il y a eu ce type de cour.
24 Q. Comprendriez-vous la position que j'avancerais comme suit, et le
25 Procureur Kruger, les avocats, très souvent disent -- au lieu de Bosnie-
26 Herzégovine, ils disent Bosnie. Avez-vous remarqué cela le fait que l'on
27 dise plus souvent Bosnie que Bosnie-Herzégovine ?
28 R. Je ne l'ai pas remarqué. Mon Etat s'appelle Bosnie-Herzégovine. Je ne
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1 le ferais pas la différence. Mais très longtemps dans la façon de parler on
2 disait la Bosnie.
3 Q. A l'époque où l'Herzégovine était une région à part ?
4 R. Oui, mais je ne suis pas favorable à ce type de distinction. C'est pour
5 cela que je préfère que l'on parle de Bosnie-Herzégovine.
6 Q. Moi aussi. Si la Bosnie a existé en tant qu'Etat indépendant, est-ce
7 que l'Herzégovine sous Herceg Stjepan avait existé en tant que région
8 autonome et autogérée sous l'empire hongrois ?
9 R. Oui, on peut parler de Stjepan, de son fils, du fait d'accepter l'islam
10 et s'il l'avait fait où est-ce que cela nous aurait emmené ?
11 Q. La Bosnie est une partie de la Bosnie-Herzégovine; est-ce exact,
12 géographiquement parlant ?
13 R. Non. Je suis né en Bosnie-Herzégovine, qui a ses frontières du conseil
14 antifasciste de libération nationale. C'est là que je suis né dans cet
15 Etat-là, et c'est mon Etat.
16 Q. Monsieur Kajmovic, là-dessus nous sommes d'accord. Je vous prie, de me
17 répondre la question est des plus simples : une partie de la Bosnie-
18 Herzégovine géographiquement parlant s'appelle la Bosnie. Elle est
19 constituée de la Krajina, la Semberija, la Posavina, la Bosnie centrale, la
20 Bosnie de l'est; est-ce bien exact ?
21 R. Ce n'est pas exact, Monsieur Praljak. Je ne vois pas la Bosnie en tant
22 que notion géographique. Je la vois en tant qu'Etat où je suis né, où je
23 vis. C'est un Etat souverain. Pour ce qui est des autres nations on peut --
24 Q. Monsieur Kajmovic, est-ce que la Croatie, l'Etat croate, ou prenez la
25 France, il y a une Normandie, il y a une Provence, il y a des notions
26 géographiques. Nous ne nions pas l'existence de l'Etat français. Nous
27 disons qu'il y a des parties, certains sont Norman, d'autres sont Breton.
28 Est-ce que nous sommes d'accord sur ce point-là ?
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1 R. Je ne suis pas d'accord. Eux, ils sont tous français.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse, je dois
3 intervenir. Cela n'a rien à voir avec la procédure ici. Ce sont des débats
4 personnels entre M. Praljak et le témoin qui ont de façon évidente des
5 opinions divergentes au sujet de certains points. Je ne vois pas en quoi
6 cela peut aider la Chambre. Ceci ne nous mène à rien du tout. Cela ne
7 contribue en rien à l'accomplissement de la tâche de cette Chambre et je
8 suis désolé d'avoir à le dire. Ma dernière intervention n'a pas porté
9 fruit, j'en ai bien peur.
10 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, je ne peux
11 tout simplement pas être d'accord avec vous parce que les Bosniaques, les
12 Musulmans de Bosnie, et je dirais que l'Herzégovine elle est composée --
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur Praljak, il ne
14 s'agit pas là de savoir si vous êtes d'accord ou pas. Je crois que le Juge
15 Prandler voulait dire quelque chose.
16 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, je n'aime pas
17 beaucoup vous interrompre mais j'ai attentivement écouté avec patience ce
18 que vous avez dit et après mes collègues ici, le Président de la Chambre,
19 M. Antonetti et le Juge Trechsel qui vous ont expliqué en quoi les Juges de
20 la Chambre ne sont pas très aidés par les questions que vous avez posées et
21 avec les citations parce que j'ai l'impression que c'est une espèce de
22 leçon, et je suis Hongrois, je suis très intéressé par l'histoire de la
23 Bosnie-Herzégovine et j'en sais quelque chose et j'ai un diplôme
24 d'histoire. J'ai également un diplôme d'histoire du droit en même temps,
25 mais je sens que ceci n'aide pas la Chambre, nous sommes en train d'écouter
26 vos explications au sujet de la langue, au sujet de l'histoire, alors
27 j'aurais peut-être des commentaires à faire, mais je ne pense pas que cela
28 est une place ici pour ce qui est de discuter de l'histoire et des
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1 problèmes de la région ou de cette région-là du monde et malheureusement
2 nous en avons été témoin également. Alors, j'aimerais vous dire que je
3 préférais que vous concentriez sur ces questions pratiques qui sont liées à
4 l'affaire qui nous intéresse ici, et vous allez avoir une Chambre qui sera
5 disposée à aboutir à un consensus peut-être plus favorable pour vous pour
6 ce qui est des implications relatives à cette question. Je vous remercie de
7 votre attention.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, comme cela va être la fin de
9 l'année, c'est la période des étrennes, des cadeaux. La Chambre vous
10 invite, pendant les quelques jours de repos à lire tous les jugements qui
11 ont été rendus par ce Tribunal. Il y en a quelques-uns mais comme vous avez
12 une grande capacité de travail, en lisant ces jugements vous allez
13 découvrir comment les Juges travaillent pour arriver à des conclusions, et
14 au travers de toutes les décisions qui ont été rendues, vous verrez en quoi
15 l'histoire peut être intégrée dans les jugements, et à ce moment-là peut-
16 être, que vous allez réaliser qu'il faut au niveau des questions, envisager
17 une autre façon de procéder, parce que nous, c'est très simple. Nous allons
18 être obligés à la fin du procès, à tirer des conclusions sur des faits, à
19 savoir si à Gabela, il y a eu des mauvais traitements, et cetera. Donc, au-
20 delà du doute raisonnable, nous allons le déterminer, et après quoi, nous
21 allons monter la chaîne de responsabilité au travers des propos des
22 témoins, au travers des ordres, et cetera. Nous seront amenés à dire, en ce
23 qui vous concerne vous, parce que les faits qui se sont déroulés à Gabela
24 vous avez une responsabilité quelconque. Voilà. C'est cela -- c'est comme
25 cela que nous travaillons.
26 Vous passez une heure -- là vous avez pris presque une heure sur les
27 problèmes historiques, des problèmes de langue, serbo-croate, tout cela a
28 déjà été évoqué, alors moi je vous dis, lisez les jugements qui ont été
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1 rendus dans les affaires Blaskic, Kordic, et cetera, Naletelic, et vous
2 verrez comment les Juges travaillent.
3 Maître Karnavas voulait se lever.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, merci,
5 Messieurs les Juges. Je ne voudrais pas interrompre, mais peut-être
6 pourrais-je vous être d'une certaine assistance. Nous sommes -- nous nous
7 félicitons du fait de nous avoir présenter la façon dont les Juges de la
8 Chambre de première instance fonctionnent et ces lignes directrices de la
9 part de la Chambre sommes toujours très utiles. Peut-être serait-il utile
10 de voir M. Praljak identifier les sujets sur lesquels il compte interroger
11 le témoin, et ensuite, obtenir de votre part une ligne directrice pour ce
12 qui est des sujets qui risqueraient d'être utiles pour les Juges de la
13 Chambre à celles qui ne le seraient pas ou qui seraient dénuées de
14 pertinence, et peut-être pourrait-on peut-être le faire avec d'autres
15 témoins.
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être pourrais-je ajouter une
17 observation : j'accepte que l'histoire a un certain rôle à jouer mais ce
18 que je trouve difficile à accepter c'est au lieu de poser des questions au
19 témoin et d'attendre sa réponse pour passer à la question suivante.
20 Regardez, par exemple, Monsieur Karnavas, vous posez une question, et vous
21 attendez de la part du témoin une réponse, oui, non, je ne sais pas, j'ai
22 oublié, je ne m'en souviens pas, et quand M. Karnavas pose la question il
23 s'attend -- lorsqu'il s'attend que le témoin lui dise oui, et lorsque le
24 témoin dit non, il vient une autre question qui s'enchaîne. Vous, Monsieur
25 Praljak, lorsque le témoin vous dit non, lorsque donc vous n'obtenez pas la
26 réponse à laquelle vous vous attendiez, vous continuez à débattre avec lui
27 et essayer de le convaincre. Nous sommes ici non pas pour perdre du temps
28 et pour entendre des leçons ou pour donner des leçons, nous sommes là pour
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1 entendre les éléments dont le témoin se souvient, et je vous prie de
2 l'accepter.
3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur, j'accepte cela. Nous parlons
4 maintenant de la géographie de Bosnie-Herzégovine. Je ne remets pas en
5 question la qualité d'état de cette Bosnie-Herzégovine et nous allons
6 maintenant peut-être passer au sujet -- ou plutôt, sauter le sujet de la
7 langue bosniaque.
8 Mais, s'agissant de cette question, ce que je voulais c'était vous
9 venir en aide pour non seulement aboutir à la chaîne de commandement qui se
10 trouve être simple de part sa structure même. Ce que j'ai voulu démontrer
11 et ce type de questions a été posé pour voir quelle est la puissance de
12 cette chaîne de commandement. Sans ces explications-là, je crois que nous
13 ne pouvons pas comprendre ce qui était dans le pouvoir de la chaîne de
14 commandement.
15 Q. Mais, Monsieur Kajmovic, je vous demande la chose suivante : j'étais au
16 printemps 1992 là-bas, et par la suite, alors dites-moi : lorsque j'ai
17 séjourné là-bas moi-même, avez-vous jamais entendu dire -- voilà comment je
18 pourrais vous poser la question, que par mes propos, mes pensées ou par mes
19 omissions, j'aurais aidé à la production du mal.
20 R. Je ne pourrais rien dire de concret vraiment.
21 Q. On peut procéder de la sorte, mais, je crains fort, j'ai lu les
22 jugements rendus, Messieurs les Juges, je voulais dire que la complexité
23 là-bas est terrible. L'on ne saurait réduire cela à des modèles simplifiés
24 pour aboutir à une perte de vérité, c'est mon objectif, je n'ai pas pour
25 objectif d'entrer en dispute. Mais j'étais là-bas, j'ai connaissance de la
26 problématique, je n'ai pas connu seulement la structure de la chaîne de
27 commandement, mais il y a aussi le pouvoir de cette chaîne de commandement,
28 et ce que je voulais démontrer par le biais de ce témoin, c'est à quel
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1 point, où et comment s'est manifesté ce pouvoir et comment le mal a été
2 généré pour connaître cette escalade. Je voulais donc contribuer à
3 l'objectif ici, à savoir un jugement équitable.
4 Je vous remercie, Monsieur Kajmovic, je vous prie de m'excuser, je crois
5 que nous ne nous sommes pas entendus rien que sur ces points de géographie.
6 R. Non, non. Pas de problèmes.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Question, oui.
8 M. LE JUGE MINDUA : En fait, ce n'est pas une question c'est juste une
9 courte remarque que je voudrais faire suite de celle des autres Juges à M.
10 Praljak. Parce qu'évidemment, c'est toujours très intéressant de vous
11 écouter et j'écoute très attentivement parce que je cherche de comprendre -
12 - je cherche à comprendre le fond de votre pensée. Je saisie très bien
13 lorsque vous dites qu'il y a des dérapages dans la société, lorsque vous
14 invoquez l'histoire, la géographie. Mais c'est précisément le lien que nous
15 cherchons à établir parce qu'il y a des crimes qui ont été commis, que le
16 Procureur allègue avoir été commis dans certains endroits, par exemple, le
17 témoin parle de la prison de Gabela, et cetera où il y a eu des gardiens.
18 Il a évoqué le commandant de la prison qui était du HVO, et vous-même, il
19 se fait qu'à un certain moment, vous étiez commandant de -- voilà la
20 situation devant laquelle on se trouve. Vous avez eu à travers certains de
21 mes questions, je cherche à comprendre. Alors, la discussion que vous menez
22 avec le témoin est très intéressante, mais ce qui manque c'est le lien pour
23 qu'on puisse voir est-ce que ce qui se faisait là-bas dans cette prison,
24 vous avez quelques responsabilité ou pas, vous aviez quelques connaissances
25 ou pas ? Cela je pense à mon avis serait plus intéressant que de parler
26 seulement de façon générale, de difficultés qui arrivent dans les
27 gouvernements des états ou sur de problèmes de géographie. C'est comme cela
28 peut-être que vous allez aider la Chambre si vous pourriez faire le lien
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1 entre l'acte d'accusation et le témoin qui est en présence et d'éviter
2 justement de longs discours, cela ce sera plus intéressant.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous avez vu que les Juges sont
4 unanimes sur ce point et réfléchissez bien à ce qu'on vous dit. Ce que l'on
5 vous dit c'est pour vous aider, c'est dans votre propre intérêt car le
6 procès équitable c'est cela aussi. C'est que l'Accusation doit pouvoir se
7 défendre et doit se défendre pour éclairer les Juges sur les allégations et
8 il doit apporter des preuves sur sa Défense via le contre-interrogatoire,
9 voir vos propres documents que vous allez produire, voir vos propres
10 témoins. Parce que si, d'ici la fin du procès, vous parlez à chaque fois,
11 des 280 serbo-croates, les problèmes liés à la géographie, à l'histoire, et
12 cetera, tous les problèmes que nous devons répondre et statuer, vous ne
13 nous aurez pas aidé dans votre propre intérêt. C'est cela que tous les
14 quatre Juges nous essayons de vous faire comprendre.
15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, Messieurs les
16 Juges. A 90 % du temps nous avons parlé des sujets de réfugiés, des aides
17 humanitaires, et cetera. On ne peut pas dire que cela n'était que des
18 récits vides de sens au sujet de l'acte d'accusation. Nous avons appris
19 aujourd'hui que l'adjoint de Bosko Previsic a été condamné à 20 ans de
20 prison au tribunal de Sarajevo. On devrait donc prendre ce jugement et voir
21 qui est-ce qui l'a montré du doigt pour dire c'est lui qui m'en a donné
22 l'ordre. Voilà, Merci.
23 M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être pourrions-nous
24 mettre un terme utilement à ce débat. Je voudrais quand même indiquer que
25 mon client lit régulièrement l'acte d'accusation et nous lui rappelons la
26 nécessité de la lire et relire. Je tiens à rappeler que la plupart des
27 sujets, à savoir la langue et la partie histoire découlent aussi de l'acte
28 d'accusation. Cela se trouve dans la partie introductive de l'acte
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1 d'accusation. Je tiens à vous le rappeler à titre d'exemple. La question
2 relative à la langue, pour ce qui est donc des allégations présentées par
3 l'Accusation qui disaient que la langue croate avait été imposée au
4 Musulmans de Bosnie et que c'était une forme de croatisation et ainsi de
5 suite, pour ne pas reprendre tous les détails. Donc, c'est une des thèses
6 contre laquelle nous devons nous défendre. Nous pouvons bien entendu nous
7 entendre sur la façon de le faire, mais je ne veux pas commenter.
8 Pour ce qui est de l'histoire, il est question de cette longue aspiration
9 de la -- de l'état croate et de la population, de créer une banovina et de
10 s'emparer d'une partie de l'Herzégovine, et c'est de cette partie-là que M.
11 Praljak parle, et c'est là qu'il est question de l'unicité de la Bosnie-
12 Herzégovine. Vous vous rappellerez qu'il y a eu auparavant des évocations
13 de nature technique qui sont -- dont il a été fait référence à l'acte
14 d'accusation quand il parle de Croates de Bosnie. Il existe des Croates de
15 Bosnie-Herzégovine et non pas de Bosnie. Il y a aussi -- il y avait aussi
16 des Musulmans de Bosnie-Herzégovine que l'on appelle maintenant les
17 Bosniens. Je crois que le témoin ici présent serait d'accord et c'est ce
18 que pensent tous les membres de cette population-là. Donc, Praljak n'est
19 pas allé sans justification ou sans fondement dans ce secteur ou dans ce
20 domaine, nous pouvons bien entendu parler de façon procédée, mais les
21 sujets abordés ou prennent appui dans l'acte d'accusation et je sais ce
22 dont vous êtes en train de parler. Peut-être n'est-ce pas là la partie de
23 l'acte d'accusation qui devrait être prise en premier lieu. Je ne suis donc
24 pas porté à un débat, mais nous avons vu des Jugements où certains éléments
25 de la partie introductive de l'acte d'accusation sont repris dans la
26 condamnation. Donc nous nous défendons vis-à-vis de chaque mot qui figure à
27 l'acte d'accusation et qu'il soit en avant propos ou en conclusion. Je veux
28 attirer votre attention sur ce détail parce que, Messieurs les Juges, si
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1 j'ai déjà pris la parole, je voudrais vous demander l'autorisation de dire
2 ce qui suit : Nous sommes en train de finir la rédaction de notre réponse
3 concernant les 11 déclaration et il nous manque 300 mots pour pouvoir
4 finir. Alors, nous vous demanderions votre autorisation de dépasser la
5 limite impartie afin de pouvoir terminer ce que nous avons comme tâche.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, bien. Pour les 25 minutes qui nous restent,
7 Maître Alaburic, vous avez la parole.
8 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :
9 Q. [interprétation] Monsieur Kajmovic, bonjour. Bonjour, Messieurs les
10 Juges. Les choses seront beaucoup plus faciles avec moi.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : -- M. Kovacic n'apparaît pas sur le transcript,
12 donc, la Chambre donne l'autorisation à la Défense de
13 M. Praljak de dépasser la limite posée par la directive.
14 Mme ALABURIC : [interprétation]
15 Q. Monsieur Kajmovic, brièvement encore à propos des médias, quelques
16 questions qu'on vous a posées qui découlaient de vos réponses. Il pourrait
17 donner l'impression que la population de Dubrave pourrait dans certaines
18 circonstances être enclin à suivre les autres médias, hormis les médias que
19 vous écoutiez vous-même, les signaux de télévision étaient reçus sur le
20 plateau de Dubrave, est-ce qu'il y avait un répéteur à Velez ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce que vous pouvez me dire si ce répéteur a été détruit ou
23 endommagé lors de la première attaque par les forces serbes, ce que
24 maintenant ce que je vais appeler la JNA ou l'armée de la Republika Srpska
25 dans la région et dans les environs ?
26 R. Oui, mais pas seulement dans cette région. C'est à ce moment-là que le
27 répéteur a été endommagé.
28 Q. Est-ce que ce répéteur, qui était entre les mains des Serbes, est-ce
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1 que les positions serbes de Velez se trouvaient justement tout près de ce
2 répéteur ?
3 R. Oui, je crois qu'ils avaient le contrôle de tout cela.
4 Q. Bien. La presse, en 1993, qu'est-ce que vous aviez ? Qu'est-ce qui
5 parvenait jusqu'au plateau de Dubrave ?
6 R. Ecoutez, je ne sais si nous disposions de journaux du tout. Je n'ai pas
7 pu les acheter au kiosque de Capljina. Je crois qu'il y avait des magazines
8 --
9 Q. De Split. Est-ce que vous vous souvenez de certains journaux, de
10 certains titres peut-être, des noms de journaux plutôt, des grands titres
11 peut-être ?
12 R. Je crois que la plupart des articles parlaient de la guerre, mais je ne
13 me souviens pas d'un article précisément.
14 Q. D'autres journaux qui étaient publiés à Sarajevo, par exemple,
15 Oslobodjenje ou tout autre journal, est-ce que ceci vous parvenait d'une
16 manière ou d'une autre ?
17 R. Non, pas à ma connaissance. Ils étaient sans doute dans l'impossibilité
18 de nous faire parvenir cela. Oslobodjenje était publié à Zenica ainsi que
19 d'autres journaux également. Donc, c'est vrai, plusieurs possibilités
20 s'offraient à nous. On pouvait, par conséquent, avoir accès aux
21 informations.
22 Q. Ces journaux pouvaient-ils être vendus dans des centres assez
23 particuliers, par exemple, le plateau de Dubrave ?
24 R. Non, sans doute, parce qu'il n'y en avait pas.
25 Q. D'après ce que vous savez, est-ce que le HVO, qui d'après vous
26 contrôlait le plateau de Dubrave, empêchait que la presse musulmane ne soit
27 distribuée, j'entends la presse musulmane, j'entends par là les journaux
28 qui étaient publiés à Sarajevo ou par d'autres maisons d'édition ?
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1 R. Ecoutez, honnêtement je ne sais pas.
2 Q. Est-ce que vous conviendrez avec moi que le HVO n'a pas véritablement
3 empêché la presse écrite de Sarajevo de vous parvenir ?
4 R. Je ne sais pas si cela a été fait ou non. Je crois en réalité qu'ils
5 étaient tolérés compte tenu des circonstances.
6 Q. Je souhaite que vous répondiez de façon très précise. Savez-vous si le
7 HVO a fait quelque chose pour empêcher la presse musulmane d'arriver
8 jusqu'à la région de Dubrave, le plateau de Dubrave, oui ou non ?
9 R. Ecoutez, je ne sais pas. Je ne connais pas de cas précis. Peut-être
10 qu'ils se sont emparés d'un stock de journaux. Mais je ne sais rien de
11 précis à cet égard.
12 Q. Vous nous vous avez dit, Monsieur Kajmovic, lorsque vous avez évoqué
13 l'endroit où vous étiez, vous avez dit qu'il y avait une caserne dans
14 laquelle se trouvait le commandement de Knez Domagoj. Cette brigade, vous
15 saviez que la population était intimidée par leur comportement, vous saviez
16 que les soldats portaient tous des uniformes noirs. Concernant ces
17 craintes, je souhaite vous poser cette question-ci : les positions de
18 combat en face des positions serbes se trouvaient-elles à dix kilomètres de
19 l'endroit où vous habitiez ?
20 R. Oui, c'est bien la bonne distance.
21 Q. Pourriez-vous parler de ces positions face aux positions serbes ? Est-
22 ce que ces positions étaient tenues par la Brigade de Bregava et le HVO ?
23 R. Oui. Une partie était tenue par la Brigade de Bregava et l'autre
24 surtout par des Musulmans intégrés au HVO.
25 Q. Oui, oui. Heureusement ceci a été consigné au compte rendu d'audience.
26 Il s'agissait en réalité de Musulmans parmi les rangs du HVO. Est-ce que
27 vous savez qu'au cours de premier trimestre de l'année 1993, le HVO
28 comprenait quelque 1 500 Musulmans ?
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1 R. Je ne connais pas les chiffres exacts, mais il est vrai qu'il y avait
2 deux brigades composées de Musulmans, et ceci indique que leur nombre
3 devait être important.
4 Q. Pourriez-vous nous dire de quoi vous aviez peur exactement lorsque le
5 HVO était dans le voisinage d'autant qu'autant de Musulmans faisaient
6 partie du HVO ?
7 R. Ecoutez, je crois qu'il y a un malentendu ici. Je ne parlais pas
8 du HVO, plus particulièrement de la Brigade de Bregava, et je parlais des
9 personnes qui sont venues en uniformes noirs. C'étaient eux surtout parce
10 que vous savez que les membres de l'armée régulière du HVO ne portaient pas
11 de tels uniformes, et ces hommes, d'après ce que j'ai compris, c'étaient
12 les hommes de Tuta. Je ne sais pas si c'est le cas ou pas, mais c'est en
13 tout cas ce que les gens disaient. Ils étaient basés dans l'école, et non
14 pas dans la caserne.
15 Q. Est-ce que vous avez entendu parler du HOS ?
16 R. Oui.
17 Q. Avez-vous entendu parler du HOS dans des termes favorables ou
18 défavorables ?
19 R. Ecoutez, plutôt des termes favorables. C'étaient des gens qui se
20 révoltaient contre l'agresseur.
21 Q. Est-ce qu'ils étaient en général habillés en noir, est-ce qu'ils
22 portaient des uniformes noirs ?
23 R. Oui.
24 Q. Le Procureur a soulevé la question au mois d'avril 1993, j'aimerais
25 revenir sur cette époque-là. Il y a quelque chose qui est particulièrement
26 curieux eu égard aux documents qui vous ont été montrés par ma consoeur, Me
27 Nozica, et M. Praljak, en ce qui concernent Hadziosmanovic et le conseil
28 régional du SDA. Vous avez utilisé le terme de collaboration avec le HVO.
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1 R. Oui, c'est ce que je crois vraiment.
2 Q. Est-ce que vous conviendrez avec moi pour dire que le terme de
3 collaborateur signifie en réalité traître, lorsqu'on collabore avec
4 l'ennemi, on est un traître vis-à-vis de son propre peuple ?
5 R. C'est précisément ce que je voulais dire.
6 Q. Est-ce que vous voulez dire par là que vous estimiez que le HVO était
7 l'ennemi du peuple musulman ?
8 R. Oui, dès lors qu'ils ont commencé à agir comme ils ont agi, j'ai
9 commencé à les considérer comme cela.
10 Q. Ce changement, ce retournement de veste a eu lieu à quel moment d'après
11 vous, quand est-ce que vous avez commencé à les considérer comme les
12 ennemis, comme les ennemis du peuple musulman ?
13 R. Lorsque j'ai constaté qu'ils ne défendaient plus, que j'aie commencé à
14 avoir peur, qu'il y ait encore des Musulmans dans leurs rangs. Je ne
15 pensais pas que c'était notre ennemi. On faisait partie de la même armée,
16 mais je crois que je me faisais des illusions. Mais plus tard, ils ont
17 cessé de faire partie de notre armée à mes yeux. J'ai commencé à les
18 considérer comme des paramilitaires.
19 Q. Parlez-moi, maintenant, du mois de mars, si vous voulez bien, mars
20 1993. Ainsi, nous pouvons mettre ceci dans un contexte temporel. Au mois de
21 mars 1993, est-ce que vous avez considéré que le HVO, c'était l'ennemi ou
22 non ?
23 R. A ce moment-là, il n'avait pas encore commencé à ramasser les
24 intellectuels, donc peut-être que non.
25 Q. Est-il exact de dire que c'est à ce moment-là, environ, que les
26 Musulmans ont commencé à partir ou à quitter le HVO en grand nombre, pour
27 aller rejoindre l'ABiH ?
28 R. Ecoutez, je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais c'est
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1 compréhensible.
2 Q. Est-ce que nous pouvons regarder un document, s'il vous plaît ?
3 Document. Je vous ai remis un petit jeu de documents. Il s'agit du document
4 4D 30 -- 20 -- 4D 20469. Nous avons déjà vu ce document qui a été déjà été
5 présenté à la Chambre. Je souhaite brièvement évoquer avec vous certains
6 passages de ce document. Il s'agit du registre officiel de la police
7 judiciaire -- de la police militaire du HVO. Donc, au niveau de ce rapport,
8 on peut lire entre autres qu'on y parle des relations entre les Musulmans
9 et les Croates, que les tensions s'accroissent. A la ligne 2, on peut lire
10 : "La pression se faisait de plus en plus forte sur les Musulmans dans les
11 rangs du HVO et du MUP. On nous incite à quitter ces unités et à moins
12 qu'ils ne se conforment, on les menace de liquidation physique ou on menace
13 d'incendier leur maison."
14 Passons à un autre passage ici. On établit des listes. Listes des personnes
15 qui doivent être liquidées. Des groupes qui doivent être liquidés sont
16 ainsi définis et tout ceci est orchestré par Mehmed Dizdar, Alija
17 Risvanbegovic. Je vais répéter les noms. Mehmed Dizdar, Smajo Cerkez, Bajo
18 Bajro Pizovic, Esad Suta, Ibro Mahmutovic, Halko, Kemo, Hilmo, Nusreta
19 Balavac, Alija Fejzic, Emir Eminovic, Omer Boskailo, Ala Piric, Velija
20 Piric, Huso Maric, Zijo Boskailo, Muharem Behram, et d'autres.
21 Monsieur Kajmovic, est-ce que vous connaissez certains de ces noms ?
22 R. Oui. J'en connais quelques-uns, mais je ne connais pas l'ensemble de la
23 situation que vous venez de décrire. On vient de repartir à Stolac et moi,
24 je n'étais pas en contact avec eux. Je n'y suis pas allé, donc, je n'ai pas
25 véritablement d'informations, car je n'étais pas là et je ne vois pas
26 comment le fait qu'une personne soit allée d'une unité à l'autre justifie
27 l'incendie de leur maison.
28 Q. Nous ne parlons pas de cette question-là, maintenant. Est-ce que vous
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1 avez quelque chose à propos des activités politiques de certaines de ces
2 personnes ? Est-ce que sur cette liste il y a des personnes qui
3 considéraient que le HVO était un ennemi ?
4 R. Ecoutez, je ne sais pas. Il faut leur poser la question.
5 Q. Est-ce que nous pouvons maintenant regarder un autre document encore,
6 bien que j'en aie préparé deux ? Ce document est d'Arif Pasalic. Nous avons
7 déjà cité ce nom-là. C'est le document 4D 20 -- 3036. Il s'agit d'un
8 rapport sur la situation et l'évolution --
9 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le numéro de la brigade de
10 montagne.
11 Q. -- deux ou trois passages, car nous n'avons pas le temps d'aborder ceci
12 dans le détail.
13 Au paragraphe 3, on peut lire : "Nous avons rejoint nos hommes au sein du
14 HVO." Cela se trouve à la page 3, à la page 2, pardon. A la page 2 : "Le
15 personnel du HVO de Capljina a pour tâche de capturer le village de
16 Hasetici et le pont de Capljina, afin d'empêcher l'arrivée des troupes de
17 Metkovic. Il faut aussi capturer Stolac, de concert avec nos hommes dans
18 les rangs du HVO."
19 Monsieur Kajmovic, savez-vous quelque chose à ce propos ? Savez-vous que
20 certains Musulmans, dans les rangs du HVO, coopéraient avec l'ABiH ? C'est
21 comme s'il y avait un cheval de Troyes au sein des forces croates.
22 R. D'après ce que je peux voir, il s'agit d'un document militaire qui est
23 signé de la main de l'homme que je n'ai jamais rencontré de ma vie et je
24 n'ai rien eu à avoir avec cet homme et je ne vois pas comment je peux
25 commenter ce document.
26 Q. Je ne vous demande pas d'authentifier ce document. Je vous demande
27 simplement de me dire si vous savez quelque chose à propos de tout cela ?
28 R. Non. Je ne sais rien.
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1 Q. Ce document a été établi au début du mois de mai. Savez-vous qu'au mois
2 de mai et au mois de juin, le HVO a peut-être chassé les Musulmans qui se
3 trouvaient dans leurs rangs ? Est-ce que cela a été le cas ?
4 R. Non.
5 Q. Vous avez répondu à ma consoeur Nozica en disant que vous saviez --
6 vous étiez au courant des événements de Mostar le 30 juin, l'événement qui
7 s'était déroulé dans la caserne de Tihomir Misic et que la région même de
8 Mostar avait été capturée par l'ABiH avec l'aide des Musulmans qui se
9 trouvaient dans les rangs du HVO.
10 R. Ecoutez, nous ne pouvons pas être d'accord sur la terminologie. Vous
11 parlez de capture et je parle de libération car c'était notre territoire.
12 C'était à Mostar.
13 Q. Non, non, non. Je crois que c'est le contraire. C'est le terme opposé
14 serait "occupation." Je fais très attention. J'ai, à des fins, utilisé un
15 terme neutre. Je ne souhaite absolument pas vous offenser. Ils ont
16 simplement pris le contrôle. Bon, peut-être que pour vous, c'est une
17 occupation, une libération. Ils ont simplement pris le contrôle.
18 R. Ecoutez. Allez-y. Il s'agissait d'une libération.
19 Q. Saviez-vous que, précisément, après cet événement, après que le HVO ait
20 perdu le contrôle de certaines localités à cause du comportement de
21 certains Musulmans dans ses rangs, a décidé de chasser les Musulmans et de
22 leur demander de partir du HVO. Est-ce que vous savez quelque chose à ce
23 sujet ?
24 R. Non.
25 Q. Ecoutez, j'ai le temps de vous poser encore une question. Lorsque vous
26 avez dit que le 13 juillet, vous avez quitté votre ville d'habitation, vous
27 avez dit que vous étiez en train de vous cacher du HVO jusqu'au 17. Vous
28 vous cachiez dans les bois, du 13 au 17, car vous craigniez que le HVO ne
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1 vous trouve ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Ensuite, le 17 juillet, un soldat du HVO de votre voisinage est venu
4 vers vous et vous a dit que pour votre propre sécurité vous devriez
5 partir ?
6 R. Oui. Nous n'étions pas en sécurité à cet endroit-là. Nous étions
7 complètement encerclés par le HVO à Oplicici, Recice, Domanovici, Stolac,
8 et cette route, nous étions complètement encerclés par le HVO. Pendant un
9 certain temps ou pendant quelque temps ils ne se sont pas approchés de
10 nous.
11 Q. En réalité, le HVO vous a prévenu et vous a dit que pour être plus en
12 sécurité il fallait vous installer ailleurs.
13 R. Ecoutez, je ne sais pas s'il nous protégeait nous ou si c'était d'eux-
14 mêmes lorsque j'étais chez moi.
15 Q. Ecoutez, un homme peut être en train de tenter d'en protéger un autre
16 et les deux peuvent appartenir à la même entité, mais nous n'avons pas le
17 temps d'aborder cette question-là. Un soldat du HVO vous a prévu, vous a
18 dit qu'il fallait partir pour assurer votre propre sécurité. Ce qui est
19 intéressant à l'égard de l'acte d'accusation qui nous concerne ici, ce que
20 vous décrivez après cela, vous avez trouvé deux véhicules, les gens se sont
21 organisés et sont partis en direction de Pocitelj depuis cet endroit-là
22 parce qu'ils craignaient que quelque chose ne leur arrive ?
23 R. Non, nous n'avions pas le choix. Nous avons reçu l'ordre de partir.
24 Nous ne pouvions pas discuter. Je vous ai expliqué comment les véhicules
25 sont arrivés. Ils étaient commandés par le HVO et certains devaient
26 apporter leurs propres véhicules et on ne les a jamais revu. Je peux vous
27 dire quel type de décision avait été pris par le HVO. Mais ceci n'est ni le
28 lieu ni le moment d'en parler.
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1 Q. Monsieur le Témoin, vous avez répondu. Je pourrais lire votre réponse.
2 Vous avez dit : "Vous pour assurer votre propre sécurité --"
3 R. Non. C'est ce qu'on nous a dit. On nous a dit qu'on nous évacuait pour
4 notre bien, pour notre sécurité. Mais ce n'est pas ce que je sentais moi-
5 même, moi, je me sentais en sécurité chez moi dans ma maison.
6 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si vous avez essayé de dire
7 que vous ne souhaitiez pas partir ou quitter votre maison que vous vouliez
8 rester quelles soient les conséquences éventuelles, car il y avait des
9 combats dans la région ?
10 R. Non, il n'y avait pas de combat dans la région. Peut-être pendant deux
11 ou trois jours seulement. Donc il n'y avait pas de danger et nous n'avions
12 pas le choix tout simplement. Nous n'avions pas le choix. Ce soldat du HVO
13 est venu et il est venu parce qu'il avait de bons rapports de voisinage
14 avec les gens avec lesquels nous nous trouvions dans le bois. C'était un --
15 il avait fait cela pour service rendu. Une fois qu'ils sont partis les
16 Serbes sont arrivés. Ils se sont occupés des animaux et de leurs biens.
17 Pour ce qui est du soldat du HVO je suis sûr qu'il a fait parce que c'était
18 un bon voisin. Il y avait des bons rapports de voisinage et il nous a dit
19 que les camions arriveraient à 5 heures et qu'il fallait partir.
20 Q. Je comprends bien. Je sais très bien ce que vous avez dit sentir
21 lorsque vous avez dû partir. Pour l'instant, j'aimerais que vous vous
22 concentriez sur ma prochaine question. Cet homme qui, parce que c'était un
23 bon voisin, vous a averti - nous avons déjà dépassé le temps de cinq
24 minutes - simplement une minute supplémentaire - je vais -- cet homme
25 puisque c'était un bon voisin est venu vous voir et vous dire que pour
26 votre propre sécurité il fallait partir. Est-ce qu'il vous a donné un ordre
27 ou non ?
28 R. Ecoutez, c'était un ordre mais nous avions eu la chance, nous étions en
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1 bons termes avec nos voisins de façon générale. Tout ceci s'est bien
2 terminé. Autrement dit, nous avons dû partir mais nous sommes partis
3 convenablement.
4 Q. Bien. Monsieur le Témoin, nous allons conclure sur ce point. Vous avez
5 estimé que c'était une bonne chose si je puis parler au conditionnel que
6 tout ceci s'est terminé de cette façon-là ?
7 R. Oui. Nous sommes tous rentrés en vie et en bonne santé.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Coric, il n'y aura pas de questions, pour M.
9 Pusic non plus. Bien.
10 L'Accusation pas de questions supplémentaires ?
11 Bien. Monsieur, au nom des Juges, je vous remercie d'être venu
12 pendant deux jours à La Haye pour répondre aux questions des uns et des
13 autres. Nous formulons nos meilleurs vœux pour votre retour dans votre pays
14 et la continuation de vos activités religieuses.
15 [Le témoin se retire]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais lever l'audience et nous nous
17 retrouvons le lundi 8 janvier à 14 heures 15. Je vous remercie.
18 --- L'audience est levée à 19 heures 06 et reprendra le lundi 8
19 janvier 2007, à 14 heures 15.
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