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1 Le mardi 23 janvier 2007
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier. Appeler le numéro de
6 l'affaire, s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : Bonjour, Monsieur le Président. Affaire
8 IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue toutes les
10 personnes présentes, M. Scott, son assistant, Messieurs, Mesdames les
11 avocats, MM les accusés ainsi que tout le personnel de cette salle
12 d'audience.
13 Je vais d'abord donner la parole à M. le Greffier pour les numéros IC.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Plusieurs
15 parties ont soumis des listes de documents qui vont être versés au dossier
16 par le biais du Témoin CV. La liste soumise par l'Accusation aura le numéro
17 IC 240. La liste soumise par 2D aura le numéro IC 241. La liste soumise
18 aura par 3D aura le numéro IC 242. La liste soumise par 4D aura le numéro
19 IC 243. La liste soumise par 5D aura le numéro IC 244. Le bureau du
20 Procureur a également soumis une liste de documents qui vont être versés au
21 dossier par le biais du témoin CW qui recevra le numéro IC 245. Le bureau
22 du Procureur a soumis une liste de documents qui vont être versés par le
23 biais du témoin CX qui aura le numéro IC 246.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Première décision orale, concernant la traduction de
25 la pièce P 02291.
26 Lors de l'audition du Témoin BJ, le 29 août 2006, à la page 5673, du compte
27 rendu en français, Me Ibrisimovic a demandé une nouvelle traduction d'une
28 partie de la pièce P 02291. Il s'agit du passage dans la traduction qui se
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1 lit comme suit, je cite : "De la part du HVO, M. Berislav Pusic est nommé
2 en tant qu'officier de liaison avec la FORPRONU."
3 Cette pièce a été admise le 28 septembre 2006. Le Greffe nous a
4 informé que le service de Traduction a fourni la nouvelle traduction
5 demandée. Je demande, par conséquent, au Greffier d'audience de remplacer
6 la traduction admise par la traduction révisée.
7 Deuxième décision orale portant sur le rapport d'expertise de M.
8 Patrick van der Weijden. Bien. Je vois au transcript que le nom n'est pas
9 orthographié, donc, van der Weijden c'est v-a-n, plus loin d-e-r, plus loin
10 W-e-i-j-d-e-n.
11 Le 15 décembre 2006, l'Accusation a soumis à la Chambre et à la Défense le
12 rapport d'expertise de M. Patrick van der Weijden conformément à l'article
13 94 bis du Règlement. Par réponse en date du 15 janvier 2007, les conseils
14 des six accusés se sont opposés à l'admission de ce rapport et ont contesté
15 sa qualité d'expert en matière de science balistique; cependant, la Défense
16 n'a pas contesté sa qualité d'expert en matière de tirs isolés, ni la
17 pertinence de ce rapport, tout en se réservant le droit de remettre en
18 cause la valeur probante de certains aspects de son rapport. Ils ont, par
19 ailleurs, demandé de pouvoir contre-interroger M. van der Weijden.
20 La Chambre, ayant délibéré sur le rapport d'expertise, tient tout d'abord à
21 souligner que les conseils de la Défense n'ont avancé aucune raison précise
22 justifiant leur opposition à la requête du Procureur en date du 15 décembre
23 2006. Ensuite, à la lecture du rapport d'expertise et du curriculum vitae
24 de son auteur, la Chambre estime que M. Patrick van der Weijden est
25 habilité à témoigner en tant qu'expert sur les matières évoquées dans son
26 rapport. Notamment, sur les aspects relevant de la technique des tirs
27 isolés.
28 Cependant, conformément à la demande de la Défense, la Chambre considère
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1 que M. Patrick van der Weijden doit témoigner en personne devant le
2 Tribunal notamment pour répondre aux questions des conseils des accusés
3 dans le cadre du contre-interrogatoire. A cette occasion, les conseils
4 auront donc la possibilité de contester la validité des conclusions
5 figurant dans le rapport d'expertise. La Chambre fait observer que c'est à
6 la lumière de l'audition de M. van der Weijden et du contre-interrogatoire
7 de la Défense qu'elle évaluera en définitive la valeur probante et la
8 pertinence dudit rapport.
9 Etant donné la nature très technique de ce rapport, l'expert pourra le
10 consulter à l'audience pour expliquer les conditions auxquelles il est
11 arrivé. Par ailleurs, la Chambre fixe la durée de l'interrogatoire
12 principal à deux heures, et la durée du contre-interrogatoire a quatre
13 heures, étant précisé que chaque équipe de la Défense disposera à cet effet
14 de 40 minutes à moins que les équipes de la Défense ne s'accordent sur une
15 répartition différente du temps du contre-interrogatoire.
16 Pour me résumer, l'expert aura devant lui son rapport. L'Accusation aura
17 deux heures au maximum pour poser les questions, et la Défense aura quatre
18 heures globalement pour contre-interroger. Etant précisé que chacun des
19 avocats pourra avoir à sa disposition 40 minutes s'il n'y a pas d'accord
20 entre les avocats.
21 Voilà concernant cette décision orale qui devait intervenir, puisque
22 l'expert est prévu dans 15 jours.
23 Etant précisé que conformément à notre demande, nous aurons deux jours
24 avant enfin même trois jours avant la venue de l'expert des témoins
25 victimes qui viendront déposer, le 31, puis début février et le 5 février,
26 l'expert étant programmé, lui, le 6, 7 et 8 février.
27 Enfin, troisième intervention de ma part c'est suite à la demande de Me
28 Karnavas d'avoir 20 minutes dans le cadre d'un 65 ter. Bien. La Chambre n'a
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1 pas délibéré sur le fond de cette question, simplement concernant les 20
2 minutes, il faut trouver le temps approprié soit le témoin qui viendra tout
3 à l'heure aura terminé aux environs de 6 heures et demie, 7 heures moins
4 20, et à ce moment-là je donnerai 20 minutes. Si nous n'avons pas terminé
5 avec le témoin aujourd'hui, la Défense aura donc 20 minutes demain pour
6 faire valoir son point de vue. Si j'ai bien compris entre les lignes, ce
7 que disait Me Karnavas, Me Karnavas veut intervenir suite à la requête de
8 l'Accusation concernant l'admission d'éléments de preuve au titre de
9 l'article 92 bis (A) et (B) du Règlement, requête déposée le 15 décembre
10 2006 concernant Gornji Vakuf, et la Défense a répondu le 12 janvier 2007,
11 par ces écritures que j'ai sous les yeux, et l'Accusation a fait une
12 réplique le 18 janvier 2007.
13 Donc, je pense que Me Karnavas veut intervenir sur la teneur de la réplique
14 et notamment au niveau du dernier paragraphe des écritures. Donc, nous
15 aurons 20 minutes soit en fin de journée soit en début de demain pour
16 aborder cette question.
17 Etant bien précisé, que de mon point de vue, c'est que l'intervention va
18 porter sur les écritures en réplique de l'Accusation; c'est bien cela,
19 Maître Karnavas ? Pour ne pas qu'il y ait d'erreur parce que je me méfie
20 maintenant des traductions.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
22 Messieurs les Juges. Il s'agit de la permission de répliquer à la réponse,
23 dans cette réplique, à mon avis, il faut -- il y a des éléments dont il
24 faut traiter et je pense qu'à la fois, la Défense et l'Accusation méritent
25 d'être entendues.
26 Justement avant de venir ici aujourd'hui, avant le début de la procédure,
27 il y avait une demande ou plutôt un document qui devrait mettre à jour la
28 Chambre de première instance au sujet de quelques questions générales dont
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1 nous souhaitons traiter. Vous aurez cela par écrit.
2 Puis, puisque j'ai pris la parole, s'agissant de l'expert en matière
3 de tirs, je souhaite simplement informer la Chambre de première instance
4 que nous avons déposé une requête afin de rencontrer ce monsieur avant sa
5 déposition. L'Accusation l'a acceptée, et cet homme pourra nous rencontrer.
6 Nous souhaitons remercier l'Accusation d'avoir permis cela et de nous avoir
7 aidés, car ceci va nous permettre d'accélérer les choses par rapport à la
8 déposition de ce témoin.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce que vous venez de dire, les Juges vont
10 en délibérer demain parce que c'est la première fois que se pose le cas
11 devant notre Chambre, sur le fait de savoir si la Défense peut rencontrer
12 un témoin de l'Accusation avant l'audience. C'est un problème de principe
13 que nous avons à trancher, nonobstant les accords que vous avez pu passés
14 les uns et les autres.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas
16 que vous devriez délibérer à ce sujet. L'Accusation a accepté de nous
17 permettre de rencontrer le témoin expert. Ils peuvent assister à cette
18 rencontre, et d'ailleurs, je crois qu'ils vont assister à la rencontre,
19 simplement afin de parler avec lui des détails de son travail. Car le
20 travail n'est pas aussi détaillé que ce à quoi on s'attend. Vu qu'il s'agit
21 là d'un témoin. Donc, l'Accusation, à mon avis, ne sera pas lésée. Ils
22 seront présents.
23 Bien sûr, nous allons nous plier à vos instructions, mais je dois
24 dire que, dans un système au moins contradictoire, d'habitude, il est
25 possible d'avoir accès au témoin expert avec la possibilité donnée à la
26 partie adverse d'assister ou surveiller cette rencontre.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : -- dirons demain après-midi, puisqu'on se
28 réunit demain. Nous vous dirons ce que nous avons décidé sur cette
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1 procédure. Etant rappelé que lorsqu'on témoin prête serment, il devient le
2 témoin de la justice. Il n'est plus le témoin des parties.
3 On va faire venir maintenant le témoin qui va déposer. Concernant la
4 durée, nous avons proposé et décidé que l'Accusation aura une heure et
5 demie et la Défense une heure et demie, plus évidemment les questions des
6 Juges, qui ne manqueront pas d'être posées audit témoin. Ce qui devrait
7 nous permettre normalement de terminer et peut-être d'avoir les 20 minutes
8 recherchées pour vous permettre de développer vos arguments.
9 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite
10 dire quelque chose au sujet de cette allocation. La Défense de M. Petkovic
11 sera la première à prendre la parole concernant ce témoin en particulier.
12 Mais les instructions et la pratique adoptées ici et reflétées par ce que
13 vous venez de dire, à notre avis, ne fonctionnent pas très bien par rapport
14 un témoin de ce genre compte tenu du fait que, si le résultat est que nous
15 - nous, on en parlait hier - chacun pendant 15 minutes, cela veut dire que
16 personne n'a vraiment suffisamment de temps pour contre-interroger ce
17 témoin. Par exemple, Mme Alaburic et moi-même, nous avons parlé de la
18 possibilité d'avoir un contre-interrogatoire, et nous considérons que 15
19 minutes ne suffisent pas. Je ne demande pas une heure ou quelque chose
20 comme cela, mais 15 minutes ne suffiront pas.
21 Bien sûr, M. Petkovic a le droit d'avoir suffisamment de temps pour
22 que son conseil procède au contre-interrogatoire. Mais d'autre part, il n'a
23 pas le droit d'utiliser le temps de nos confrères.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous nous dites, cela a déjà été
25 discuté avant que vous arriviez. Maître Stewart, au départ, l'Accusation
26 nous avait dit qu'elle avait besoin de trois ans pour présenter sa cause,
27 trois ans. Par simple calculs mathématiques, si la Défense, comme vous êtes
28 en train de me dire, avait besoin également du même temps, ce procès aurait
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1 duré 21 ans. Alors, voilà le cadre général. Vous nous dites : j'ai besoin
2 de beaucoup de temps pour interroger le journaliste qui arrive. On va très
3 vite se rendre compte tout à l'heure --
4 M. STEWART : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, je ne
5 suis pas tout à fait d'accord. J'ai dit que 15 minutes ne suffiraient pas.
6 Vu au calendrier général, j'ai fait allusion, en fait, qu'hier, nous avons
7 procédé de manière très efficace. Parfois, s'agissant de certains témoins,
8 nous n'avons pas besoin de tout ce temps. Mais s'agissant d'autres témoins,
9 nous avons besoin d'en peu plus de temps que 15 minutes par client. Je ne
10 vous demande pas beaucoup de temps. Nous n'avons pas encore d'ailleurs
11 entendu la déposition du témoin qui vient d'entrer, mais je vous demande
12 d'avoir un peu plus de souplesse si parfois nous en avons besoin. Peut-être
13 que je me trompe, mais j'anticipe que, dans l'espace de 15 minutes, il ne
14 nous sera pas possible de couvrir tous les points. Je vais faire de mon
15 mieux, mais peut-être je vais faire cette demande. Je peux la renouveler,
16 bien sûr, compte tenu de ce à quoi la situation ressemblera d'ici quelques
17 heures.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons écouté.
19 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
21 LE TÉMOIN : JEREMY BOWEN [Assermenté]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, levez-vous, s'il vous plaît. Avant de vous
24 faire prêter serment, pour les besoins du transcript, je vous demande de
25 nous donner votre nom, prénom, date de naissance.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Jeremy Bowen, né le 6 février 1960.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession actuelle ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis journaliste.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Où cela ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille pour la BBC. Je suis le rédacteur
3 chargé du Moyen-Orient.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, avez-vous déjà témoigné devant un tribunal
5 sur les faits qui se sont déroulés en Bosnie-Herzégovine dans les années
6 1990 à 1993, ou 1994, ou c'est la première fois que vous témoignez ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas la première fois. J'ai
8 déposé dans le procès contre Tuta et Stela.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez témoin de l'Accusation ou témoin de
10 la Défense ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais témoin de l'Accusation.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Votre audition dans le procès Tuta et
13 Stela avait durée combien de temps ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était il y a quelques années. Je ne me
15 souviens pas avec exactitude, mais je pense que j'ai passé pratiquement une
16 journée là-bas. Il y avait une pause pour le déjeuner, et j'ai été le matin
17 et l'après-midi.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Le contre-interrogatoire a eu lieu dans la
19 journée, à la suite des questions du Procureur je suppose ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout a été fait en une journée, l'ensemble de
21 ma déposition a duré une journée, pas plus.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette précision qui peut nous être utile,
23 aux uns et aux autres.
24 Je vous demande de lire le serment, Monsieur.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
26 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques éléments d'information sur la façon dont va
2 se dérouler cette audience. Nous avons prévu que l'Accusation aura une
3 heure et demie, et la Défense aura globalement une heure et demie. A la
4 différence dans l'affaire Tuta et Stela, ici nous avons six accusés et 12
5 avocats, Mais chaque accusé - par lui-même d'ailleurs, ou son avocat -
6 pourra, le cas échéant, vous poser des questions. Les quatre Juges qui sont
7 devant vous ne manqueront pas également de vous poser des questions. Alors,
8 je ne sais pas si dans l'affaire Tuta et Stela les Juges vous ont posé des
9 questions, mais je sais qu'en ce qui me concerne, et certainement mes
10 collègues, nous aurons également des questions à vous poser. Soyez, dans
11 vos réponses, très précis et bref et répondez à la question posée. Si vous
12 ignorez le fondement de la question ou si vous ne comprenez pas la
13 question, n'hésitez pas de demander à celui qui vous la pose de la
14 reformuler. Par ailleurs, pendant l'interrogatoire principal, il se peut
15 que l'Accusation vous présente des documents, voire également la vidéo qui
16 a été tournée par la BBC, et nous aurons certainement l'occasion de
17 visionner le fruit de votre travail. Voilà.
18 Monsieur Scott, vous avez la parole, pendant une heure et demie.
19 M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
20 Juges, et toutes les personnes présentes dans ce prétoire.
21 Interrogatoire principal par M. Scott:
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.
23 R. Bonjour.
24 Q. Monsieur, le Juge vous a déjà posé quelques questions brèves concernant
25 votre parcours professionnel; est-ce qu'il est exact de dire que vous êtes
26 né à Cardiff le 6 février 1960 ?
27 R. Oui.
28 Q. Vous êtes depuis quelques années déjà, journaliste à la BBC ?
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1 R. Oui, depuis presque 23 ans.
2 Q. Est-ce qu'il est exact que vous avez commencé à travailler pour la BBC
3 en 1984 et pendant les deux premières années vous étiez à Londres en train
4 de faire votre formation pour la BBC ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu plus de détail concernant votre
7 travail actuel ?
8 R. En ce moment, le rédacteur en chargé du Moyen-Orient, donc, je suis la
9 première personne qui présente et analyse les nouvelles concernant le
10 Moyen-Orient. J'habite à Londres, mais je travaille et je voyage souvent
11 dans la région.
12 Q. Très bien. S'agissant de la période avant votre départ pour Mostar, je
13 souhaite en parler. Mais, d'abord, je souhaite vous poser quelques autres
14 questions concernant votre parcours professionnel. Est-ce qu'il est exact
15 de dire que pendant sept à huit ans, à partir de 1987 vous étiez
16 correspondant depuis Genève, ensuite, vous étiez basé à Londres ?
17 R. Oui.
18 Q. Pendant cette période, est-ce qu'il est exact de dire que vous avez
19 envoyé des reportages dans approximativement 60 pays, y compris des pays où
20 des conflits armés se déroulaient partout dans le monde ?
21 R. Oui, c'était dans la période entre 1987 et l'année 1990. J'allais
22 surtout à des endroits où il se passait de grands événements.
23 Q. Est-ce qu'il est exact qu'en 1989 vous avez couvert des conflits, par
24 exemple, à El Salvador et en Afghanistan ?
25 R. Oui.
26 L'INTERPRÈTE : Peut-on demander aux parties de faire une pause entre la
27 question et la réponse pour les interprètes. Merci.
28 M. SCOTT : [interprétation]
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1 Q. Fin 1989, début 1990, est-ce que vous avez couvert la révolution en
2 Roumanie ?
3 R. Oui.
4 Q. En 1991, est-ce que vous avez couvert ce qu'on peut décrire, je suppose
5 aujourd'hui comme la première guerre du Golfe ?
6 R. Oui, j'étais à Bagdad pendant la période de la guerre.
7 Q. Est-ce que vous avez aussi envoyé des rapports de la Somalie pendant la
8 période civile, en 1991 ?
9 R. Oui, et juste avant cette période, j'étais en Chine pendant la période
10 pendant laquelle il y avait la loi martiale après les événements de carrée
11 de Tiananmen.
12 Q. Est-ce qu'il est exact de dire que lorsque vous avez reçu vos
13 affectations en ex-Yougoslavie, vous avez quelques années d'expérience, non
14 pas seulement comme journaliste qui envoyait des reportages de l'étranger
15 mais notamment s'agissant de la situation de conflit armé ?
16 R. Oui. La première fois que je suis allé en ex-Yougoslavie, c'était en
17 1991, j'avais 31 ans et je dirais que parmi les gens de ma génération,
18 j'avais le plusieurs d'expérience en tant que journaliste de la BBC dans ce
19 domaine à l'époque.
20 Q. Je vais vous demander que l'on fasse des pauses, s'il vous plaît, pour
21 les interprètes ?
22 R. Oui. Excusez-moi.
23 Q. Pas de problème. Est-il exact que vous étiez en 1995 journaliste de la
24 BBC au Moyen-Orient ?
25 R. Oui.
26 Q. En 1996, est-ce que vous avez reçu une récompense comme meilleur
27 journaliste qui a suivi l'assassinat du premier ministre, Yitzhak Rabin ?
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. Est-ce que vous avez été primé pour le documentaire : "Travail non
2 terminé," également que nous allons regarder aujourd'hui, un peu plus
3 tard ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que c'est en 1994 ?
6 R. Oui, j'ai été primé pour ce travail en 1994, mais je l'ai effectué en
7 1993.
8 Q. Est-ce que vous pourrez nous dire, Monsieur, pour terminer si vous avez
9 été primé pour votre reportage concernant l'arrestation de Saddam Hussein,
10 en Irak ?
11 R. Oui. J'ai reçu le Sony gold.
12 Q. Est-ce que vous pouvez dire aux Juges à quel moment vous êtes allé en
13 Yougoslavie pour la première fois et dans le cadre de quelle mission ?
14 R. La première fois que je suis allé en Yougoslavie, c'était en 1991
15 lorsque la guerre a commencé en Croatie. Je suis allé tout d'abord à
16 Belgrade, puis je suis allé depuis Belgrade aux enclaves serbes dans la
17 partie croate de l'autre côté de rivière de Danube. Enfin, j'étais basé à
18 Zagreb et je travaillais surtout sur le territoire croate et entre autres,
19 j'étais à Vukovar, à Osijek et dans la plupart des théâtres de la guerre,
20 au cours de cette année.
21 Q. Très bien. Par la suite, dans votre travail de journaliste de l'ex-
22 Yougoslavie, est-ce que vous étiez basé, est-ce que vous envoyiez vos
23 rapports depuis la ville de Sarajevo ?
24 R. Oui. Tout d'abord, je suis allé à Sarajevo, en juillet 1992, ensuite
25 j'y étais assez constamment jusqu'à presque la fin de la guerre en 1995.
26 Q. Est-ce que vous pouvez brièvement décrire votre travail à Sarajevo, les
27 conditions au sujet desquelles vous envoyiez vos rapports pendant que vous
28 étiez là-bas ?
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1 R. Pendant cette période, je travaillais depuis la ville de Sarajevo et je
2 travaillais aussi ailleurs en Bosnie. J'envoyais des rapports concernant le
3 siège, concernant le progrès de la guerre, les missions humanitaires
4 internationales. Tout d'abord, je suppose l'histoire principale pour nous
5 était les épreuves des civils assiégés des deux côtés derrières des lignes.
6 J'ai essayé également de travailler autant que possible sur le territoire
7 serbe, je voyage aussi en Bosnie orientale. De là-bas, je suis allé à
8 Gorazde -- à l'enclave de Gorazde, et j'y étais en autonome 1992 lorsque
9 les tensions montaient en Bosnie centrale. J'étais en Bosnie centrale
10 aussi.
11 Q. Je vais vous poser quelques autres questions concernant Sarajevo.
12 Quelle est votre expérience personnelle concernant le pilonnage et les
13 tireurs isolés dans cette ville ?
14 R. La plupart des journalistes étrangers à Sarajevo étaient dans l'hôtel
15 Holiday In qui était dans le centre de la ville, tout près de la ligne de
16 confrontation dans le centre de ville. Nous étions au centre de l'endroit
17 où l'on tirait. Il n'était pas possible de sortir de l'hôtel en raison des
18 tirs isolés. Il n'était pas possible de se tenir à l'hôtel à cause de cela.
19 D'ailleurs, l'hôtel était souvent touché par balles. Donc nous avons
20 véritablement vécu la guerre sous tous ces aspects. Bien entendu, nous
21 étions en tant que journalistes étrangers, nous pouvions partir, ce qui
22 était le grand avantage que nous avions par rapport à la population qui
23 résidait là-bas.
24 Q. Quelle était la situation humanitaire à Sarajevo à cette époque ?
25 R. Elle était assez désespérée, car à cause des assassinats, il y avait
26 donc la situation alimentaire, cette crise qui a commencé a début de la
27 guerre au début de la guerre et qui véritablement s'est installée. Une fois
28 qu'ils ont commencé à fermer largage humanitaire, couloir aérien, la
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1 situation alimentaire a pu être stabilisée. Les gens avaient juste assez
2 pour survivre. Prenons principalement un fait, vu que la majorité des
3 personnes ne pouvaient pas quitter la ville, il était extrêmement dangereux
4 de le faire parce qu'il n'y avait aucun endroit dans la ville qui n'était
5 pas touché par un obus.
6 Q. Au cours de votre travail à Sarajevo, est-ce que vous pouvez expliquer
7 aux Juges ce que vous avez vu, vous êtes allé dans les deux principaux
8 hôpitaux, l'hôpital du Kosovo, l'hôpital public.
9 R. Oui. A l'instar de tous les journalistes là-bas, je me suis rendu dans
10 ces hôpitaux fréquemment. Si vous travailliez dans une zone de guerre en
11 tant que journaliste, un hôpital est un bon endroit pour essayer de
12 découvrir ce qui se passe, des anecdotes, essayer de parler aux victimes de
13 guerre. Si vous avez un peu de chance, en général c'est un peu moins
14 dangereux que d'être exposé en pleine rue bien que nous nous trouvions dans
15 la rue tous les jours.
16 Q. Vous avez mentionné un peu plus tôt le fait que vous aviez voyagé et
17 que vous êtes déplacé autour de la ville de Gorazde. Est-ce que vous
18 pourriez nous dire quelle fut votre expérience à ce sujet ?
19 R. En août 1992, le Haut commissariat des Nations Unies ainsi que l'un de
20 leur personnel local, qui s'appelait Larry Hollingorth, organisait un
21 convoi dans Gorazde. Gorazde à l'époque ne bénéficiait d'aucun secours
22 depuis le début de la guerre. Donc, Larry Hollingworth a dû organiser tout
23 un nombre de permissions de cessez-le-feu pour essayer de parvenir à
24 Gorazde. Nous sommes arrivés à Rogatica. Nous avons eu quelque problème
25 mais essentiellement nous avons poursuivre notre chemin. Lorsque nous
26 sommes arrivés à Gorazde, les gens étaient particulièrement ravis de nous
27 voir.
28 En fait, j'ai immédiatement pensé à toutes ces photos que l'on a vues dans
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1 les villes européennes qui étaient libérées à la fin de la Deuxième Guerre
2 mondiale. Les gens se sont précipités. Ils étaient véritablement
3 transportés de joie, parce qu'ils pensaient qu'ils allaient être sauvés.
4 Bien sûr, cette mission n'était là que pour une journée. Ils étaient très
5 pâles, affamés. Certains avaient passé un temps assez long à l'intérieur.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, une objection. Je
7 m'excuse, Monsieur, mais je suis sûr que cet homme a beaucoup d'anecdotes à
8 raconter à propos de la guerre en Bosnie, et cetera. Mais au vue du temps
9 qui nous a été imparti, je pense qu'il serait peut-être judicieux de se
10 concentrer - bon - Sarajevo il n'y avait pas de problème. Maintenant, nous
11 pouvons peut-être commencer à penser à ce qui s'est passé à Mostar. Je ne
12 suis pas en train de contester l'orateur.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
14 C'était exactement la réflexion que je me faisais, il y a quelques
15 minutes. Il est vrai que --
16 M. SCOTT : [interprétation] Je n'avais presque terminé. C'était juste pour
17 planter le décor, le contexte.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est bon de planter -- aborder l'essentiel parce
19 que le témoin a une expérience fabuleuse et tout ce qu'il a vécu pourrait
20 nous occuper pendant des heures voire des journées entières. Mais il faut
21 aller à l'essentiel qui en l'espèce est Mostar.
22 M. SCOTT : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président. Il pourrait
23 passer des jours à nous raconter tout cela, alors que j'ai passé quelques
24 minutes pour essayer d'expliquer le contexte en ex-Yougoslavie.
25 Q. Monsieur, avant que nous n'abordions la situation à Mostar, vous nous
26 avez dit que vous vous étiez également rendu dans la zone de la Bosnie
27 centrale qui a une pertinence pour cette affaire; est-ce que vous pourriez
28 nous dire pourquoi vous vous êtes rendu en Bosnie centrale, et quel était
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1 votre but ?
2 R. Je voulais savoir ce qui se passait en Bosnie centrale, et en fait, il
3 s'agissait de l'automne 1992 donc je me suis déplacée avec mon équipe par
4 la vallée. Je suis passé par la vallée Lasva et puis nous nous sommes
5 rendus dans les localités et villes importantes de cette région. J'ai
6 également commencé à avoir un vécu direct, une expérience directe des idées
7 des Croates de Bosnie, parce qu'il y a eu une réunion que j'ai eue à
8 Busovaca avec Dario Kordic.
9 Q. Comment se fait-il que vous ayez pu l'interviewer Dario Kordic ?
10 R. Grâce à notre traductrice locale qui était originaire de Zagreb. Elle
11 avait des liens avec lui. Je ne sais plus très bien d'ailleurs lesquels.
12 Elle m'a dit : "Voilà," -- je n'avais pas entendu parler de lui à ce
13 moment-là et elle m'a dit : "Voilà. C'est un type que vous voudriez
14 véritablement rencontrer. Il a son importance. Il va avoir de plus en plus
15 d'importance." Essentiellement, nous avons parlé du projet national des
16 Croates.
17 Q. Alors, nous allons revenir en arrière un petit moment. J'aimerais
18 savoir si vous avez eu une réunion avec Daryl, et le cas échéant où
19 approximativement ?
20 R. Sur une colline qui se trouvait à l'extérieur de Busovaca. Je pense
21 qu'il s'agissait d'un petit village. Nous y sommes allés. Il avait une
22 sorte de QG là-bas. On pourrait parler de salle de guerre où les cabinets
23 de guerre. Il avait un petit bureau dont je me souviens parfaitement, en
24 fait, parce qu'il avait de la tapisserie en daim marron, et nous avons
25 parlé pendant un certain temps dans ce bureau.
26 Q. Vous avez dit il y a quelque moment - je regarde le compte rendu
27 d'audience - que Kordic vous a parlé du projet national des Croates. Est-ce
28 que vous pourriez dire aux Juges ce que vous avez dit M. Kordic ?
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1 R. Cela fait un certain temps de cela. Je n'ai pas mes notes avec moi,
2 donc, je ne peux pas véritablement le citer directement. Mais il s'est
3 exprimé et il a parlé des sentiments qu'ils éprouvaient pour Zagreb, que
4 pour eux il y avait un lien --
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque que ce
6 témoin n'a pas témoigné dans l'affaire Kordic alors qu'il aurait été
7 disponible. M. Kordic a été jugé, a été condamné, et, bien entendu, ne peut
8 comparaître ici en tant que témoin. Alors, là, nous sommes en quelque sorte
9 handicapés par ce qui est dit. Parce que c'est la première fois que
10 j'entends parler de détails qui ne font pas partie de la déclaration du
11 témoin. J'aimerais soulever une objection. J'aimerais soulever une
12 objection.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : De mémoire, l'intéressé dans sa déclaration écrite a
14 évoqué cette rencontre. Il en a parlé. Par ailleurs, il ne faut pas dire
15 que vous auriez un préjudice s'il fallait absolument comparer ce qu'il dit
16 avec M. Kordic car vous avez toujours vous la possibilité de citer M.
17 Kordic et la Chambre peut également le citer comme témoin ainsi que
18 l'Accusation. Donc, ce n'est pas parce qu'on est condamné qu'on ne peut pas
19 témoigner. Voilà.
20 Alors, Monsieur Scott, continuez.
21 M. SCOTT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Aux fins du compte
22 rendu d'audience, je dirais que la Chambre a tout à fait raison. C'est à la
23 page 2 de la déclaration du témoin, c'est très explicite.
24 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi. Excusez-moi.
25 Alors, là, j'aimerais soulever une objection. Car ce qui vient d'être dit
26 n'est pas tout à fait exact.
27 M. SCOTT : [interprétation] C'est ici --
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que vous savez quand même mieux que
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1 moi comment la situation. Il y a une phrase tout simplement sans aucun
2 détail. Je n'ai pas accès à M. Kordic. D'ailleurs je ne sais pas si M.
3 Kordic a témoigné ou non dans cette affaire, mais, en tout cas, il ne
4 pourra pas être disponible pour être contre-interrogé. M. Kordic ne fait
5 pas partie de ce procès. L'Accusation aurait pu le convoquer dans l'affaire
6 Kordic ce témoin s'il pensait que cela avait été si important. Je ne
7 souhaiterais pas que l'on aborde des détails auprès de ce témoin à propos
8 de sa conversation avec M. Kordic. Car c'est un préjudice pour nous, parc
9 que M. Kordic n'est pas à notre disposition. Il n'est pas disponible. Il ne
10 s'agit que d'information par ouï-dire. On ne peut pas le soumettre à un
11 contre-interrogatoire.
12 M. SCOTT : [interprétation] Premièrement, ce n'est pas une base pour une
13 objection pour commencer. Si Me Karnavas a des observations à faire, bien,
14 faites-le venir ici.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- et cette Chambre très relative -- il ne faut pas
16 nous donner des heures pour nous déterminer. Nous avons délibéré, nous
17 estimons que l'Accusation peut poser les questions sur le contenu de ce qui
18 figure dans la déclaration écrite, car le contenu qui figure dans la
19 déclaration écrite était connu de la Défense, et que de ce fait, étant
20 connu la Défense est à même de le contre-interroger. Voilà. Uniquement,
21 Monsieur Scott sur les quatre phrases ou cinq phrases figurant dans la
22 déclaration écrite sans aller au-delà.
23 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'avais quasiment
24 terminé d'ailleurs. Je voulais tout simplement demander au témoin de nous
25 relater dans la mesure de ses moyens et dans la mesure où il s'en souvient
26 sa conversation avec M. Kordic à propos de ce projet national. Je pense que
27 sa réponse a été interrompue.
28 Q. Monsieur Bowen, je vais vous reposer la question, si vous pouvez
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1 répondre à nouveau. Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous a dit M.
2 Kordic à présent de ce projet national pour les Croates ou avec la
3 Croatie ?
4 R. Fondamentalement, le thème -- son thème c'était que les Croates de
5 Bosnie avaient des droits qui voulaient être séparés des autres peuples de
6 la Bosnie et ils indiquaient qu'ils se sentaient assez en sécurité parce
7 qu'ils savaient qu'ils avaient le soutien du gouvernement de Tudjman à
8 Zagreb.
9 Q. Alors nous allons maintenant parler plus précisément de Mostar. Est-ce
10 que vous pourriez dire aux Juges - dans un premier temps nous allons donc
11 regarder cette vidéo - mais à propos de ce documentaire que vous avez
12 préparé comment est-ce que vous avez appris pour la première fois ce qui se
13 passait à Mostar, et comment se fait-il que vous vous êtes intéressé ?
14 R. Il y avait tous les matins au QG de la FORPRONU à Sarajevo une séance
15 d'information destinée aux journalistes ainsi qu'une séance d'information
16 militaire destinée au personnel de la FORPRONU. Puis il y avait après une
17 séance d'information humanitaire qui émanait du HCR. Puis, un matin, je
18 pense que cela s'est passé la fin du mois de juillet, au début du mois
19 d'août 1993. Je pense que c'était le début du mois d'août 1993, d'ailleurs,
20 le porte-parole du HCR, qui était Peter Kessler, a pour la premier fois
21 évoqué la situation qui prévalait dans la partie est de Mostar. Je me
22 souviens en grande ligne qu'il a dit qu'il y avait environ 25 000 personnes
23 qui se trouvaient là-bas, que ces personnes avaient très, très peu d'eau et
24 très peu de vivre, qu'ils étaient assiégés, qu'ils étaient encerclés. Il a
25 également dit -- il a utilisé cela -- il a dit, en fait, c'est -- en fait,
26 il y a donc ainsi un axe Ho Chi Minh à Mostar de Jablanica." Donc, pour que
27 justement l'armée de la Bosnie puisse faire venir des vivres. En tant que
28 reporteur, j'ai immédiatement pensé, bien je dois pouvoir emprunter cet axe
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1 routier. Je veux suivre ce chemin. Donc, il est question, je veux aller à
2 Jablanica, puis je veux essayer d'aller à Mostar pour voir ce qui se passe,
3 puisque c'est un nouveau théâtre de guerre.
4 Q. Bien, Monsieur, je vais passer les quelques prochaines minutes --
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bowen, vous venez de dire -- parce que
6 jusqu'à présent, nous n'avions jamais entendu cela. Vous venez de dire que
7 la FORPRONU, tous les matins au quartier général, il y avait une conférence
8 de presse avec les journalistes. On en déduit que vous aviez été présent à
9 ces conférences de presse. Votre sentiment personnel, quelqu'un comme vous
10 qui a parcouru le monde entier, surtout sur des événements que l'on peut
11 qualifier d'événements importants. Est-ce que le compte rendu que vous
12 aviez eu de -- il vous semblait totalement objectif, bien informé, non
13 discutable, ou vous aviez le sentiment que c'était approximatif ? Quelle
14 était votre perception de ces conférences de presse ? Par ailleurs, qui
15 faisait la conférence de presse ? Le porte-parole de la FORPRONU,
16 l'officier commandant, l'officier chargé de relations avec la presse ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] En règle générale, c'étaient les porte-parole
18 de la FORPRONU qui dirigeaient les conférences de presse à ce moment-là. Il
19 se peut que ce fût Barry Frewer, qui était un officier militaire canadien.
20 Il y en avait des autres qui s'exprimaient parfois, de temps à autre. En
21 règle générale, je dois dire que ce qu'ils disaient était assez fiable
22 essentiellement. Par exemple, tous les matins, ils donnaient le nombre des
23 obus qui avaient explosé. Les observateurs militaires des Nations Unies
24 nous faisaient le décompte du nombre d'obus qui avait explosé à Sarajevo.
25 Ils nous donnaient ces chiffres. C'était intéressant. Ils nous donnaient
26 d'autres détails. J'étais quand même conscient du fait que parfois ils
27 essayaient de prêcher pour la cause des Nations Unies. Par exemple, il y
28 avait un polémique et d'aucun se demandait si ce qui se passait à Sarajevo
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1 était un siège ou un cercle stratégique. C'est ce que disaient les porte-
2 parole, pour leurs propres raisons politiques. Ils ne voulaient pas appeler
3 cela un siège. Nous avions l'habitude d'obtenir des renseignements qu'ils
4 donnaient très franchement pendant les séances d'information du HCR.
5 Je dois dire que Peter Kessler est la personne qui a parlé de Mostar.
6 Il avait parlé de ce "chemin Ho Chi Minh, qui débouchait sur Mostar." Je le
7 connaissais à ce moment-là depuis au moins une année, et je dois dire que
8 ses renseignements étaient fiables. Il nous avait donné de nombreux tuyaux,
9 de nombreuses anecdotes. Je le côtoyais. Nous nous appelions par nos
10 prénoms. Nous étions collègues. Je lui ai parlé après la séance
11 d'information. Il m'a donné quelques autres informations. Je n'avais aucune
12 raison de mettre en doute ce qu'il disait. Puis, c'est quelqu'un qui était
13 assez compétent et qui a dit : "Ecoutez, il y a vraiment un scoop là-bas.
14 Il y a 25 000 personnes qui ont beaucoup, beaucoup de problèmes, et on ne
15 peut pas faire arriver les convois. D'après ce que nous savons, la seule
16 solution, c'est de passer par les montagnes à pied avec l'armée de Bosnie.
17 Si nous voulons que les convois arrivent, il va falloir utiliser les
18 routes, de toute façon, probablement, pas pouvoir percer les lignes des
19 Croates de Bosnie."
20 En d'autres termes, Monsieur le Président, cela me semblait être une
21 histoire qui semblait intéressante et cela valait la peine d'aller voir ce
22 qui se passait.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : En ce qui me concerne, je sais ce que c'est le
24 chemin Ho Chi Minh, mais pouvez-vous, pour les besoins du transcript, nous
25 dire c'est quoi un chemin Ho Chi Minh ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une référence qui est faite aux lignes
27 d'approvisionnements établies par les Vietnamiens du Nord pour
28 approvisionner les guérillas qui se trouvaient au Vietnam du Sud, et ce,
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1 pendant la guerre des années '60. Bien entendu, là c'était sur une plus
2 petite échelle. Mais lorsqu'il a parlé du chemin Ho Chi Minh, ce que j'ai
3 compris c'est qu'il y avait une route terrestre, à pied, écartée des accès
4 routiers, qui permettrait de passer à travers les lignes de front et qui
5 nous permettrait d'arriver à la ville assiégée de Mostar. Pour être très,
6 très honnête, j'étais quand même très, très intrigué. Parce que j'avais
7 l'impression que, ne serait-ce que pour y arriver, ce serait déjà une
8 expérience forte intéressante.
9 M. SCOTT : [interprétation]
10 Q. Je vais maintenant passer quelques minutes à vous poser des questions à
11 propos de vos deux visites à Mostar, ou deux séjours. Peut-on dire, pour le
12 compte rendu d'audience, qu'il est exact que pour ces -- deux voyages dont
13 vous en avez parlé, en fait, il s'agissait de préparer un documentaire pour
14 la BBC intitulé : "Travail non terminé." ?
15 R. Oui, c'est exact. Puis, je me suis rendu une troisième fois là-bas, au
16 début de l'année 1994. Mais le documentaire que vous allez voir a été fait
17 à partir de ces deux séjours, en août, puis ensuite septembre et octobre,
18 de l'année 1993.
19 Q. A la suite de la question posée par M. le Président, est-ce que vous
20 pourriez nous dire un peu plus ce que vous avez fait pour parvenir à avoir
21 accès dans la partie de Mostar Est ? C'est la première fois en août 1993.
22 R. C'était très, très compliqué parce qu'à cette époque-là, si vous
23 vouliez conduire de Sarajevo à Mostar, cela prenait moins de deux heures.
24 Pendant la guerre, cela nous a pris trois jours. Premièrement, il a fallu
25 obtenir l'autorisation pour franchir plusieurs lignes de front pour sortir
26 de la ville de Sarajevo, à proprement parler. Ensuite, nous avons conduit,
27 et d'ailleurs nous avons emprunté la route principale, la route principale
28 qui relie Sarajevo à Mostar, pendant un certain temps. Près de la ville,
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1 c'était bouclé, c'est là où la guerre avait commencé à nouveau, parce qu'il
2 y avait une enclave qui était contrôlée par le gouvernement de la Bosnie à
3 ce niveau-là, entre Sarajevo et Konjic. A ce moment-là, lorsque -- à la fin
4 du premier jour, la crépuscule pointé, et nous avons donc tourné vers la
5 droite, à la droite de la route principale, vers l'ouest en l'occurrence.
6 Puis, nous avons emprunté un chemin forestier. La forêt était assez dense.
7 Il y avait quelques chemins. Il y a des soldats qui ont de Jablanica, puis
8 ils nous ont montrés, par là-haut, et nous n'avions absolument pas la
9 moindre d'idée d'où nous allions, mais nous sommes passés par cette forêt.
10 Il faisait très, très sombre. La nuit est vraiment tombée. Puis, en plein
11 milieu de la forêt, cette nuit-là, on a vu une lumière. J'ai frappé à une
12 porte, et --
13 M. LE JUGE ANTONETTI : pendant ce trajet par cette forêt, est-ce que vous
14 étiez équipés avec ce que l'on voit à la télévision ou dans les reportages,
15 un gilet pare-balle et marqué "Presse," ou vous étiez en tenue civile ?
16 Comment étiez-vous vêtus ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, nous étions vêtus en civil. Nous
18 étions toujours habillés en civil. Mais nous étions à bord d'une Land Rover
19 blindée sur laquelle il était inscrit "BBC." Nous avions à l'intérieur du
20 véhicule des casques ainsi que des gilets pare-balles. On ne les portait
21 pas à l'intérieur du véhicule. J'avais trois collègues avec moi.
22 D'ailleurs, nous avons entendu dire que cette forêt pouvait être très
23 dangereuse. Nous avons fermé les portes de l'intérieur, et nous nous sommes
24 demandés ce que nous allons faire -- qu'est-ce qu'on fera si on est arrêté
25 et qu'on pointe des fusils vers nous. Nous avions plusieurs stratégies pour
26 nous en sortir.
27 M. SCOTT : [interprétation]
28 Q. Une fois que vous êtes arrivé à Jablanica, est-ce que vous pouvez
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1 poursuivre votre récit ? Que s'est-il passé après ?
2 R. Nous sommes arrivés à Jablanica, au niveau de la deuxième journée de
3 notre voyage. J'ai commencé à poser des questions aux gens. Je leur ai dit
4 : "Ecoutez," il y a un hôtel à Jablanica. Jablanica, ce n'est pas une très,
5 très grande ville, c'est une bourgade. Il y avait une base espagnole des
6 Nations Unies, alors, dans un premier temps, nous avons laissé notre
7 voiture et les vivres, on avait laissé cela au niveau de cette base. C'est
8 important parce qu'ils nous ont dit qu'il n'y a plus d'ordre public à
9 Jablanica. Ils voulaient tout cela. Nous sommes allés à l'hôtel. Je pense
10 qu'il s'appelle l'hôtel Bosna. Peut-être que je me trompe d'ailleurs. Ils
11 nous ont dit : "Il faudrait peut-être que vous rencontriez des gens qui se
12 déplacent entre Jablanica et Mostar." Alors que nous nous trouvions là, je
13 m'adressais à des étrangers. Il y a des gens que je ne connais pas.
14 Quelqu'un nous a mis en contact avec un homme qui répondait au nom de Humo.
15 Je décrivais comme le commandant adjoint des combattants de la partie
16 adverse est de Mostar, justement. Il est venu nous aider, pour arriver, il
17 nous a dit qu'il avait été à Sarajevo, qu'il s'était rendu à Sarajevo pour
18 trouver une équipe de télévision qui pourrait revenir. Il n'en avait pas
19 trouvé. Donc, il est revenu sans personne. Il était assez satisfait de nous
20 trouver. Il nous a dit : "Venez demain matin à un endroit qui s'appelle
21 Glogosnica." Je pense que c'est la bonne prononciation. Cela se trouve
22 juste au sud de Jablanica. C'est à partir de cet endroit que le convoi a
23 commencé.
24 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire dans un premier temps combien de
25 temps cela vous a pris pour parcourir à pied la distance entre Jablanica et
26 Mostar ?
27 R. Je dirais entre 18 et 20 heures, ce fut une très longue journée. Nous
28 avons marché pendant la nuit également. Il y avait une caravane de quelque
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1 20 ou 25 chevaux de bail. Il y avait également des mules; la plupart des
2 chevaux et des mules portaient d'ailleurs des munitions. Nous leur avons
3 loué quatre chevaux pour pouvoir transporter tout notre matériel. Nous,
4 nous avons marché avec les chevaux. Nous avons suivi les chevaux. Nous
5 avons suivi Humo, nous avons marché jusqu'à ce que nous arrivions. Il y a
6 eu quelque retard, on nous a tirés dessus à un moment donné, il a fallu
7 attendre jusqu'à la tombée de la nuit pour que nous puissions poursuivre
8 notre chemin en toute sécurité. Puis nous avons fini les derniers
9 kilomètres, en fait, il fallait marcher jusqu'au village qui se trouvait au
10 nord de l'enclave. Ensuite, ils ont déchargé les chevaux, charger toutes
11 les munitions, cela qui représentait la charge de 20 camions, puis nous
12 sommes assis là-dessus avec différents soldats de l'armée de la Bosnie.
13 C'est ainsi que nous sommes arrivés donc sur ce camion dans le centre de
14 Mostar Est.
15 Q. Alors, il va falloir dans un premier temps, vous avez parlé de ce
16 chemin de montagne. Est-ce que vous pourriez décrire aux Juges quelle était
17 l'apparence de ce chemin de montagne ?
18 R. C'était un chemin qui était très pentu parfois, j'étais d'ailleurs
19 absolument étonné et surpris de voir, que ces chevaux qui étaient si
20 chargés ne perdaient pas l'équilibre. Je veux dire que c'était, cela
21 montait de façon assez raide à partir de Jablanica. Lorsque vous arriviez
22 en haut, il y avait donc un grand plateau, un plateau qui était entouré de
23 montagne, là, il y avait un grand espace ouvert au niveau de ce plateau.
24 C'était un espace ouvert par lequel nous sommes passés. Je veux dire que le
25 terrain est fantastique. C'est vraiment une randonnée fantastique en temps
26 de paix, mais en temps de guerre, vu tout ce qui s'était passé c'était
27 assez dur.
28 Q. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges si vous savez s'il y avait
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1 d'autres façons d'arriver à Mostar, si on ne voulait pas emprunter ce
2 chemin montagneux ?
3 R. D'après ce que Humo m'a dit essentiellement, c'était le seul chemin.
4 Q. Est-il exact de dire que lorsque vous êtes arrivé à Mostar, la première
5 fois, je parle de votre première visite à Mostar, vous êtes resté entre
6 huit à dix jours ?
7 R. Oui, c'est exact. Plutôt dix jours que huit d'ailleurs.
8 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire très brièvement où vous avez
9 séjourné pendant ce mois-là, ce premier séjour ?
10 R. Excusez-moi.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Le général Petkovic veut intervenir.
12 L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que
13 vous demandiez au témoin, si c'est lui qui a voulu utiliser ou emprunter ce
14 chemin militaire, peut-être qu'il aurait pu bénéficier de la protection de
15 la FORPRONU pour pouvoir emprunter la vallée de la Neretva pour aller de
16 Jablanica à Mostar. Je pense que le témoin aurait pu choisir d'être protégé
17 et aurait pu se rallier à la FORPRONU, aurait pu emprunter l'axe routier.
18 Je pense que c'est lui qui a choisi d'emprunter ce chemin pointu.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceci est une question qu'on peut poser pendant le
20 contre-interrogatoire. Mais la question du général Petkovic appelait une
21 question que j'avais l'intention de poser, le général Petkovic m'a devancé.
22 Avant de partir à Jablanica, est-ce que vous avez informé la FORPRONU du
23 fait que vous allez à Mostar par ce chemin, est-ce que eux-mêmes vous ont
24 dit que c'est peut-être dangereux, vous pourriez venir plutôt avec nous.
25 Quelle a été la position de la FORPRONU sur votre intention d'aller par ce
26 chemin ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, j'ai dit à la FORPRONU à
28 Jablanica et au Bataillon espagnol. Je leur ai dit où nous avions
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1 l'intention d'aller parce que je leur ai demandé comment on pourrait y
2 aller, je leur ai demandé s'il connaissait peut-être des gens qui auraient
3 pu nous aider. Pour ce qui est de faire le voyage avec la FORPRONU, ce
4 n'est pas ainsi que les choses se passaient avec les journalistes en
5 Bosnie. Je peux penser à une ou deux fois où les forces britanniques de la
6 FORPRONU, qui se trouvaient en Bosnie centrale, et d'après moi, c'était
7 très rare de pouvoir voyager avec la FORPRONU, comme faisant partie de leur
8 convoi.
9 En règle générale, ils n'autorisaient pas ce genre de chose. Parfois,
10 d'aucuns essayaient de les suivre, mais ce qui se passait c'est que vous
11 essayez de suivre un convoi de la FORPRONU, il y avait un barrage routier.
12 Eux, ils pouvaient passer à travers les barrages routiers, puis vous vous
13 arrêtez, si vous essayez de leur emboîter le pas. On a essayé de faire cela
14 autour de Sarajevo, en suivant la FORPRONU justement et cela a fait chou
15 blanc. Par exemple, le convoi avec lequel je me suis rendu à Gorazde,
16 c'était un convoi de la FORPRONU avec la Croix-Rouge avec protection de la
17 FORPRONU. En fait, ils nous ont demandé d'être au centre du convoi, parce
18 que ce qui se passait toujours lorsqu'il y avait des véhicules des
19 journalistes, si vous suivez le dernier véhicule de transport de troupes
20 d'un convoi, qu'il s'agisse de l'armée de Bosnie, de Serbe ou de Croate peu
21 importe qu'il y ait des tirs dirigés vers les barrages routiers, mais il y
22 en avait des barrages routiers. Dans le meilleur des cas, on vous demandait
23 de rebrousser chemin. Dans le pire des cas, vous aviez brusqué beaucoup de
24 choses.
25 En été 1993, cela faisait deux ans que la guerre en Croatie avait commencé,
26 j'y avais passé quand même beaucoup de temps. J'avais dû être arrêté à de
27 nombreux barrages routiers. Je me disais que cela ne servira à rien
28 d'essayer de les suivre parce que les Espagnols ne nous ont pas dit que
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1 nous pouvions aller avec eux. Donc, cela n'a fait que renforcer nos
2 sentiments à ce sujet. Je me suis dit la seule façon c'est d'aller avec
3 l'armée de Bosnie. D'ailleurs c'est le même message que j'ai reçu de la
4 part des Espagnols. Les Espagnols nous ont dit c'est cela qu'il faut faire.
5 Puis, je vous dirais également que les Espagnols n'étaient pas
6 particulièrement proactifs dans cette région. Ils avaient différentes
7 patrouilles, certes, mais on ne peut pas dire qu'ils étaient
8 particulièrement actifs. Je dois dire que, très franchement, je me suis dit
9 que cela faisait partie du reportage que d'y aller avec l'armée de la
10 Bosnie, parce que le début du reportage c'était de faire en sorte qu'ils
11 arrivent là-bas. Alors, si on était allé avec la FORPRONU, mais de toute
12 façon, nous n'avons pas eu le choix. D'après ce que j'entendais de la
13 FORPRONU également, la seule façon c'était d'emprunter ce chemin.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.
15 M. SCOTT : [interprétation]
16 Q. Monsieur Bowen, pourriez-vous nous dire quelque chose très brièvement ?
17 Vous avez déjà mentionné en répondant au Juge, vous avez décrit les
18 conditions qui régnaient. Dites-nous : est-ce que vous avez passé, séjourné
19 lors de votre premier voyage à Mostar ?
20 R. La première nuit à Mostar, nous avons passé la nuit dans un immeuble où
21 se trouvait une banque et que les forces bosniaques utilisaient comme leur
22 QG. Après cela, pendant quelques nuits, nous avons dormi dans un sous-sol
23 en face de l'hôpital de campagne à Mostar, qui a été utilisé comme une
24 extension de cet hôpital, mais on a dû sortir de là, parce que cet espace a
25 été très vite rempli de personnes blessées, parce que ils avaient besoin de
26 tous ces lits. Donc, on a dû quitter cet endroit, ils nous ont emmenés à la
27 maison d'un homme qui l'a louée -- quelque deutschemarks et puis, c'est
28 tout.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour le compte rendu, quand vous êtes arrivé
2 de ce chemin à --
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Désolé, je ne peux pas vous donner la date
4 exacte. Peut-être que je pourrais la retrouver. Tout ce que je puis vous
5 dire c'est que c'était à peu près pendant la deuxième ou troisième semaine
6 du mois d'août 1993. Peut-être cinq à six jours avant le premier convoi du
7 HCR qui était arrivé à Mostar.
8 M. SCOTT : [interprétation]
9 Q. Monsieur, les Juges vont entendre une de vos déclarations au début du
10 commentaire où vous dites que Mostar Est le théâtre de guerre très féroce
11 et que la situation y était très difficile. Comment -- de quelle façon on
12 peut comparer la situation de Mostar à la situation en ex-Yougoslavie ?
13 R. Ecoutez, c'était très intense. Je pense que je peux faire une
14 comparaison parce que j'ai vu beaucoup d'autres théâtres de guerre. Le seul
15 endroit comparable était Vukovar que j'avais vu deux ans avant cela. Mais à
16 Mostar c'était encore plus intense, parce que par certains côtés, sa
17 situation pouvait -- être également comparées la situation de Sarajevo
18 parce que -- mais, en même temps, c'était une surface, un territoire
19 beaucoup plus petit. Il y avait beaucoup de dégât. La pression sur la
20 population civile était énorme parce qu'il n'avait pas d'aide
21 internationale, parce qu'il y avait trop de demandes, trop de gens qui s'y
22 trouvaient. Tout cela faisait que c'est dans le cas dans toutes les guerres
23 modernes que ce sont les civils qui souffrent le plus. Il y avait beaucoup
24 de souffrance que les civils à Mostar ont subi à cette époque-là et déjà
25 dès les premiers quelques jours j'ai pu m'en apercevoir.
26 Q. Il y a quelques instants en répondant à la question du Président de la
27 Chambre vous avez dit que vous étiez arrivé cinq ou six jours avant le
28 premier convoi du haut-commissariat en août 1993 ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que cela signifie que c'était le premier combat qui est arrivé à
3 Mostar Est depuis un bon moment --
4 M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai une objection. C'est une question
5 directrice. On peut poser la question d'une autre manière.
6 M. SCOTT : [interprétation]
7 Q. Dites-nous, s'il vous plaît : qu'est-ce que vous savez de ce convoi qui
8 est entré à Mostar au mois d'août 1993 ?
9 R. Les gens du HCR, qui voyageaient avec ce convoi, m'ont dit que c'était
10 le premier convoi qu'ils ont réussi à faire entrer à Mostar depuis que les
11 combats ont éclaté au début de l'été.
12 Q. Alors, les gens qui vivaient à Mostar Est où est-ce qu'ils vivaient ?
13 Où est-ce qu'ils habitaient à cette époque-là lors de votre premier
14 voyage ?
15 R. Majoritairement dans les sous-sols. Dans les grands immeubles modernes,
16 il y avait des grands sous-sols qu'ils utilisaient pour cela. Par ailleurs,
17 il y avait un couvre-feu qui était imposé par une grande partie de la
18 journée. Les autorités ont
19 -- ce qui m'a marqué c'est que les autorités locales se sont vraiment
20 mobilisés et bien organisés cette enclave. Ils ont rationné la nourriture,
21 les vivres. Il n'y avait pas de marché noir comme c'était le cas à
22 Sarajevo, donc, il y ait très peu de nourriture, mais elle était distribuée
23 très souvent. La ration consistait en de bols de soupe par jour. La plupart
24 des gens passaient la plupart de la journée dans le sous-sol --
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous venez de décrire la situation au mois
26 d'août, étant précisé qu'un témoin nous avait dit que le premier convoi est
27 arrivé le 21 août. Donc, si on comprend bien, vous êtes arrivé aux
28 alentours du 15 août. Quand vous êtes, vous, arrivé, vous étiez le seul
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1 représentant de la presse internationale ou vous aviez d'autres collègues
2 qui étaient présents dans Mostar ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait un photographe avec nous. En fait,
4 on l'a pris avec nous dans notre Land Rover. Elle s'appelait Alexandra
5 Boulet, elle était française -- une photographe française. Je pense qu'il y
6 avait encore une personne de l'agence France Presse, et quelqu'un qui est
7 resté juste une demi-journée avec nous quelques jours plus tôt quelqu'un de
8 la CNN. Nous étions bien les seuls, qui étions là-bas. Je ne me souviens
9 pas seulement si la personne de l'agence France Presse si on l'avait
10 rencontrée en août ou en septembre. Il y avait très peu de journalistes --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, je vous pose la question parce que, dans
12 les années 90, les médias internationaux, lorsqu'ils sont dans des endroits
13 particulièrement exposés, il y a toujours des reportages en live, en
14 direct, ce qui veut dire qu'au mois d'août, à Mostar, les médias
15 internationaux ne pouvaient pas faire de reportage en direct à l'extérieur
16 sur la situation de la ville ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non pas en direct à la télévision. Maintenant,
18 peut-être que ce serait faisable techniquement parce que l'équipement dont
19 nous disposions à l'époque n'était pas comme celui d'aujourd'hui, parce
20 qu'aujourd'hui, c'est plus petit, plus facile à utiliser, plus léger. On
21 peut même envoyer des photos par une ligne téléphonique. Mais c'était il y
22 a 14 ans et, à ce moment-là, on ne pouvait pas le faire parce que
23 l'équipement nécessaire on ne pouvait pas le transporter.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous deviez être équipé, je présume d'un téléphone
25 satellitaire. Est-ce que vous avez appelé votre siège à Londres pour leur
26 dire que la situation était telle que cela méritait de la part des médias
27 un investissement local important ? Est-ce que vous avez communiqué avec
28 Londres pour leur expliquer que la situation était très, très
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1 particulière ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'ai voulu vous dire tout à
3 l'heure, c'est vrai nous avions un téléphone satellitaire, et nous
4 rapportions de la situation par ce téléphone, et parfois c'était émis il y
5 a la télévision, parfois à la radio.
6 C'est vrai, j'ai dit à Londres à mon bureau qu'il serait bien si l'on
7 pouvait transmettre les images en direct par la télévision, mais à ce
8 moment-là, on considérait cela trop dangereux parce que tout cet équipement
9 est très volumineux et nécessite également deux personnes pour l'utiliser,
10 donc, à ce moment-là, on pensait qu'il ne fallait pas le faire parce que
11 c'était logistiquement trop difficile à faire et puis trop dangereux.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, il y a quelque chose qui m'étonne un peu.
13 Vous dites que vous aviez un téléphone et vous étiez en contact Londres.
14 Vous pouviez très bien relater ce que vous voyiez, et sur les chaînes
15 télévision comme on voit à SkyNews ou à d'autres. Il y a un écran, il y a
16 un plan fixe et il y a le commentaire du journaliste. Donc, vous auriez
17 très bien pu dire, je suis à l'angle de telle rue. Autour de moi, il y a
18 tel spectacle, et cetera. Vous n'avez pas fait cela, ou vous l'avez fait en
19 direct ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas bien expliqué ce que
21 je faisais. Oui, je faisais exactement cela par le téléphone, cela était
22 émis à la télévision et à la radio. Le téléphone satellitaire, à cette
23 époque-là, il pesait environ 50 kilos, donc, on ne pouvait pas se promener
24 partout en portant ce téléphone satellitaire. Mais on regardait à un
25 endroit précis et puis on transmettait les informations en direct.
26 M. SCOTT : [interprétation]
27 Q. Après ce premier voyage à Mostar au mois d'août 1993, vous êtes rentré
28 à Londres; que s'est-il passé après -- avant votre deuxième voyage à
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1 Mostar ?
2 R. Après mon retour du premier voyage à Mostar, quasiment --
3 immédiatement, et par hasard, un producteur de documentaire de la BBC,
4 Eamonn Matthews, m'a téléphoné et il m'a dit qu'il souhaite produire un
5 documentaire avec moi comme un journaliste sur la guerre en Bosnie. J'ai
6 dit alors je sais où il faut aller parce qu'il y a une histoire incroyable
7 que la ville Mostar Est en train de vivre, et personne n'en sait rien.
8 Puis, à cause de ces problèmes de nature logistiques que vous avez
9 mentionnés, Monsieur le Juge, il n'y a pas de diffusion de reportage en
10 direct, et cetera, et je pensais que si on allait faire un documentaire, on
11 pourrait essayer de faire quelque chose de mieux. Donc, j'ai proposé de
12 faire cela à Mostar.
13 Q. Comment cela a été, du point de vue logistique ? Comment votre deuxième
14 voyage à Mostar Est a été organisé ?
15 R. C'était le producteur Eamonn qui a tout organisé du point de vue
16 logistique. Il est allé faire un tour en Bosnie-Herzégovine pendant une
17 semaine ou dix jours. Il a regardé s'il y avait d'autres possibilités,
18 d'autres histoires à raconter. Il est allé en Bosnie centrale, à Sarajevo,
19 à Mostar Ouest. Il a discuté avec les autorités croates de Bosnie. Il n'est
20 pas allé à Mostar Est. Puis, il est vrai qu'après le passage de ce premier
21 convoi des Nations Unies, la situation s'est un tout petit peu améliorée du
22 point de vue des efforts que la communauté internationale fournissait. Dans
23 cette période intérimaire entre ces deux voyages, il était possible d'aller
24 en voiture -- d'entrer en voiture à Mostar Est. Il a passé un accord avec
25 les observateurs -- la Mission européenne qui s'y trouvait. C'était les
26 gens qui avaient des uniformes blancs, et il était organisé avec eux.
27 Q. Est-il vrai, Monsieur, que vous êtes rentré à Mostar Est le 25
28 septembre 1993 et que vous y êtes resté environ deux semaines et demie ?
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1 R. Oui.
2 Q. Dans votre documentaire, on peut voir des Musulmans traverser le pont
3 et arriver à Mostar Est. Pourriez-vous nous dire si c'est quelque chose que
4 vous avez vu une fois ou à plusieurs reprises?
5 R. Il y a une séquence. C'était filmé pendant la nuit, avec une caméra
6 adaptée à cette situation. On voit là les gens qui traversent la rivière
7 Neretva, accompagnés par des coups de feu. On voyait, on entendait les
8 balles -- il y avait -- c'est arrivé à plusieurs reprises. Nous n'avons pas
9 pu à chaque fois filmer. Mais je sais cela. Ce qui se passait en fait c'est
10 qu'on chassait les gens de Mostar l'ouest, et on les faisait traverser la
11 ligne de front.
12 Je dois dire que quasiment chaque jour j'ai dû voir un certain nombre
13 de personnes plus ou moins grand traverser, chercher où aller. Je me
14 souviens que je discutais avec deux sœurs qui avaient toutes les deux un
15 bébé dans les bras, qui disaient arrivées de Capljina, qu'elles ont subi
16 des mauvais traitements là-bas, que leurs maris étaient emmenés, qu'elles
17 pensaient qu'ils étaient morts, leurs maris, et qu'ils sont échappés parce
18 que leur mère était croate et que c'est pour cela qu'elles allaient être
19 épargnées.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, juste pendant que vous
21 êtes sur le sujet, vous venez de dire que lorsque cette population de
22 personnes musulmanes traversaient la rivière Neretva, les civils, les
23 femmes et les enfants étaient l'objet de tirs de "sniping," -- de tirs
24 indiscriminés, ou les tirs partaient du côté croate bosniaque de Bosnie sur
25 les armées ou les forces opposées. Vous comprenez ma question ? Est-ce que
26 les tirs visaient les personnes qui traversaient la rivière ou les forces
27 armées qui étaient de l'autre côté ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient les tirs qui étaient destinés
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1 à terroriser les civils parce que là-bas, il n'y avait que des femmes, des
2 enfants, des vieillards. Il n'y avait pas d'hommes en âge de porter des
3 armes. On ouvrait le feu sur ces gens-là. Je ne pense pas qu'ils
4 souhaitaient les tuer parce que, s'ils avaient voulu le faire, ils auraient
5 pu le faire. Mais c'était vraiment pour les terroriser. Ils auraient pu
6 également utiliser des mortiers. Cela aurait eu le résultat. Mais là
7 c'était pour les terroriser. Parce que j'ai parlé à ces gens-là après leur
8 traversée, et ces gens-là m'avaient raconté leurs expériences, tout ce
9 qu'ils avaient vécu pendant les quelques heures avant d'arriver à Mostar
10 Est, comment ils étaient expulsés par les forces croates à Mostar Ouest, et
11 cetera.
12 M. LE JUGE MINDUA : Je vous remercie. Merci beaucoup.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que c'est important pour nous, vous nous
14 dites que les femmes, les enfants et les vieillards qui traversaient la
15 rivière, il y avait des tirs. Mais vous dites que s'ils avaient voulu, ils
16 auraient pu les toucher, mais qu'en fait, c'étaient des tirs pour les
17 effrayer. Est-ce que c'est bien ce que vous nous dites ? J'ai même cru
18 comprendre que s'ils avaient voulu les tuer en quelque sorte, ils auraient
19 pu utiliser les mortiers. Ce que vous avez vu de vos propres yeux, est-ce
20 la situation de personnes qui traversent et on tire au-dessus de leurs
21 têtes ou autour pour les effrayer, pour les dissuader de traverser, n'est
22 pas dans l'intention de les tuer ou de les blesser ? Pouvez-vous être très
23 précis sur cette question.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose, et c'est basé sur
25 l'expérience que j'ai acquise en couvrant les conflits, c'est qu'il
26 s'agissait en fait d'harcèlement, qu'ils le faisaient pour harceler ces
27 gens. J'ai discuté avec beaucoup d'autres personnes, pas seulement avec
28 ceux que vous alliez voir dans mon documentaire. J'ai plusieurs heures
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1 d'enregistrement avec des entretiens avec ces personnes, des gens qui ont
2 été déjà terrorisés par la situation. Parce qu'il y avait des membres de
3 leurs familles qui étaient -- pour lesquels ils croyaient qu'ils étaient
4 morts, qui avaient déjà subi des violences, qui avaient été chassés de
5 leurs maisons. Je suppose que les Croates de Bosnie pouvaient être
6 suffisamment efficaces, qu'ils pouvaient les tuer s'ils avaient voulu le
7 faire. Quand je dis qu'ils auraient pu utiliser les mortiers, c'est vrai.
8 Ils auraient pu également tirer un peu plus bas les balles parce que c'est
9 très près, très près. On entendait le son assez caractéristique qu'on
10 connaît bien. Quand on entendait ce genre de bruit, on savait que la balle
11 a dû passer de très près. Donc, je pense que s'ils avaient voulu, ils
12 auraient pu les toucher et que leur intention était vraiment de les
13 harceler. Mais c'est une supposition de ma part. Je ne peux pas être à
14 100 % sûr. Ils auraient pu à la limite les tuer même avant de les laisser
15 partir de Mostar Est.
16 M. SCOTT : [interprétation]
17 Q. Vous avez mentionné à plusieurs reprises que vous avez vu des personnes
18 arriver à Mostar Est depuis Mostar Ouest ou depuis Capljina et que
19 c'étaient des femmes, des enfants et des vieillards, et que vous n'y avez
20 pas vu des hommes en âge de porter des armes; cela est-il exact ?
21 R. Oui. J'ai vu beaucoup de gens qui sont venus de Mostar Ouest ou des
22 villages environnants, et je dois dire que je n'ai pas vu un seul homme en
23 âge de porter des armes. Il y avait à peine, parmi ces gens, quelques
24 jeunes garçons. C'étaient vraiment des adolescents, si on peut considérer
25 que les garçons - nous étions présents - qu'ils peuvent porter des armes
26 alors qu'il y en avait. Mais ce n'est pas mon avis. Les autres ils avaient
27 peut-être plus de 65 ou 70 ans.
28 Q. Est-ce que vous avez réussi à apprendre où se trouvaient les hommes
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1 musulmans qui étaient en âge de porter des armes ?
2 R. Oui. Beaucoup de gens m'ont dit qu'ils étaient à l'Heliodrom, surtout
3 leurs épouses.
4 Q. Avez-vous essayé à cette époque-là --
5 R. [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation passe à un autre sujet, vous permettrez
7 de revenir à la suite de la réponse que vous avez faite sur les tirs. Il y
8 a donc des personnes qui quittent Mostar Ouest et qui vont à Mostar Est, et
9 il y a des tirs. Alors, pour nous les Juges, nous voulons savoir qui a
10 tiré ? Alors, d'après vous qui leur tirait au-dessus d'eux, à côté, ou pour
11 les effrayer ? Qui était les auteurs des coups de feu qui partaient ? Si
12 vous le savez. Si vous ne le savez pas, vous dites : "I don't know."
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Les tirs venaient du côté des Croates de
14 Bosnie. Les gens qui traversaient le fleuve ce jour-là nous ont dit qu'ils
15 avaient quitté Mostar Ouest quelques minutes plus tôt. Donc, je pense que
16 c'était absolument clair que les tirs sont venus du côté des Croates de
17 Bosnie. Je ne sais pas si je vous ai déjà dit que j'avais vu des gens
18 traverser pendant la journée la ligne de front à côté du Bulevar. C'est
19 quelque chose que vous allez voir dans le documentaire, il y a un couple de
20 personnes âgées et une jeune femme qui ont été poussées à traverser ce --
21 c'était la journée et on leur a tiré au-dessus des têtes. Vous allez voir
22 ces images dans le documentaire.
23 M. SCOTT : [interprétation]
24 Q. Monsieur, la question que je vous ai posée tout à l'heure donc des
25 femmes vous ont dit que leurs hommes étaient à l'Heliodrom. Est-ce que la
26 BBC, votre équipe, n'a jamais réussi à visiter et à filmer l'Heliodrom
27 pendant cette période ?
28 R. Mon collègue, Eamonn Matthews, a essayé d'arranger quelque chose afin
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1 que nous y allions et il soit allé voir les autorités croates de Bosnie à
2 Mostar et il ait demandé leur collaboration, leur assistance. Notre projet
3 initialement a été de filmer de deux côtés de la ligne de front, et nous
4 avons demandé d'aller voir des endroits différents, et je pense qu'il avait
5 demandé d'aller -- qu'on nous laisse aller vers l'Heliodrom. Ils n'ont pas
6 voulu coopérer avec nous ce qui a fait que nous sommes allés seulement à
7 Mostar Est.
8 Q. Pendant que vous vous trouviez à Mostar Est avez-vous rencontré
9 seulement des Musulmans ou il y avait des Serbes et des Croates aussi ?
10 R. J'ai vu majoritairement des Musulmans, mais il y avait aussi des
11 personnes qui vivaient de mariages mixtes ou des personnes, enfants de
12 couples mixtes. Je peux dire en ce qui concerne les personnes venant des
13 villages environnants ils étaient quasiment 100 % de Musulmans, puis parmi
14 des personnes vivant en ville il y avait des gens d'autres communautés.
15 Vous savez, qu'en Bosnie en général la population des villes elle est
16 mixte. Par exemple, je me souviens d'un médecin de l'hôpital qui ne voulait
17 pas qu'on le filme parce que sa femme et ses enfants se trouvaient de
18 l'autre côté. Je pense qu'en fait lui il était Musulman que sa femme était
19 Croate et qu'un jour il s'est trouvé tout simplement de ce côté-là de la
20 ligne de front et qu'il a été -- il ne pouvait plus revenir, c'était la
21 situation.
22 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose de plus concernant le
23 pilonnage et les tirs isolés ?
24 R. Les tirs isolés représentaient un réel danger. Il y avait plusieurs
25 endroits à Mostar Est qui étaient connus comme endroits très dangereux à
26 cause des tirs isolés parce que tout le monde savait qu'il y avait des gens
27 qui avaient été tués à ces endroits précis, par exemple, dans la rue de
28 Tito entre le QG et l'hôpital de campagne. Parfois, les gens essayaient de
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1 traverser une distance de 25 mètres. C'était un croissement en forme de T,
2 et la situation de terrain était telle qu'on pouvait viser -- il n'y avait
3 aucun obstacle donc à cet endroit précis, il y avait beaucoup de victimes.
4 Aussi, il y avait un autre endroit de l'autre côté de la ville qui était
5 très dangereux donc les tirs isolés représentaient un réel danger, le
6 pilonnage également parce que cela arrivait le jour ou la nuit. A n'importe
7 quel moment on ne pouvait jamais être tranquille donc les gens devaient
8 passer la plupart du temps au sous-sol et pouvaient même pas sortir pour
9 chercher de l'eau alors qu'ils en avaient besoin. C'était très difficile de
10 faire garder les enfants tout le temps dans le sous-sol, mais --
11 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Mon micro marche. Je m'excuse de
12 vous interrompre, Monsieur Scott.
13 Monsieur Bowen, vous avez mentionné le tir isolé et vous avez raconté
14 ce que vous avez vécu à Mostar Est également dans votre déclaration écrite
15 nous pouvons voir plusieurs mentions des activités de tireurs isolés. La
16 question que j'ai pour vous est la suivante : saviez-vous à l'époque ou
17 avez-vous vu à l'époque si les Musulmans de Mostar Est pratiquaient la même
18 chose, c'est-à-dire s'ils ouvraient également le feu de la même manière
19 vers -- l'autre côté ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas vu cela mais je suppose que c'est
21 ce qui se passait. Je suppose que c'était la tactique qu'ils employaient.
22 Les autorités de l'armée de Bosnie-Herzégovine ont utilisé cette technique
23 à Sarajevo, a utilisé les tirs embusqués de côté de Sarajevo, je suppose
24 sans doute ceci se déroulait à Mostar aussi.
25 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous étiez présent sur les lieux, et vous
27 avez été témoin, semble-t-il, d'après ce que vous nous dites de pilonnage
28 et de tireurs embusqués, en tant que professionnel qui a parcouru le monde,
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1 les endroits les plus chauds de la planète, votre impression personnelle en
2 tant que témoin visuel et auditif, ces tirs est-ce qu'ils semblaient
3 organisés selon des séquences de tir, ou c'était laissé à la discrétion des
4 soldats qui étaient sur le terrain et qui pour se distraire faisaient des
5 cartons ? Est-ce qu'en quelque sorte, est-ce que pour vous cela résultait
6 d'une stratégie militaire d'une organisation militaire, ou c'était des
7 comportements individuels de soldats plus ou moins bien contrôlés ? Quelle
8 est votre appréciation de ces événements ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que je suppose qu'ils étaient assez
10 bien organisés. J'ai vu le HVO opérer ailleurs, et j'ai l'impression qu'ils
11 étaient bien organisés. Bien équipés, ils avaient de bons uniformes. Dans
12 la partie nord de cette enclave, par exemple, ils avaient des réflecteurs,
13 donc, si parfois on essayait de traverser pendant la nuit, ils pouvaient
14 nous voir et nous tirer dessus, ce qui montre un certain niveau
15 d'organisation. Ils avaient des armes lourdes, des mortiers lourds, des
16 chars, ce qui montre aussi qu'ils étaient organisés d'une certaine manière.
17 Puis, vous savez, il n'y avait pas des tirs incessants, parfois, il y avait
18 beaucoup de tirs pendant une heure ou deux, ensuite, la situation était
19 calme pendant une heure, deux heures, une demi-journée. Mais, en terme
20 général, on entendait des tirs d'arme légère très souvent.
21 S'agissant des activités des tireurs embusqués, il ne suffit pas d'être un
22 tireur embusqué, il faut que la personne soit bien organisée en ce qui
23 concerne ces compétences et ces équipements, notamment pour pouvoir
24 utiliser un fusil à lunette.
25 Donc, je dirais que d'un côté ils étaient bien organisés, puis d'autre part
26 tout ceci se déroulait depuis plusieurs semaines, plusieurs mois, puis, une
27 arme utilisée pour viser Mostar Est, était une grande arme antiaérienne sur
28 la colline de Hum qui surplombait la ville. Cette arme terrifiait tout le
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1 monde du côté est, car c'était une arme à grand calibre qui provoquait
2 beaucoup de dégâts, mais aussi faisait beaucoup de bruit. Lorsqu'ils
3 tiraient de cette arme, on entendait le son d'une forte explosion partout
4 dans Mostar de l'Est.
5 Par exemple, je suis allé à l'enterrement d'un enfant qui avait été tué par
6 obus et l'enterrement s'est déroulé après la tombée de la nuit, au
7 cimetière en raison du fait que le cimetière était à la portée de cette
8 arme antiaérienne. Les gens étaient préoccupés de la possibilité d'être
9 visés là-bas.
10 Afin de répondre à votre question, brièvement, j'ai l'impression qu'ils
11 étaient organisés car je connais les gens qui étaient au sein du HVO,
12 qu'ils avaient organisé leurs Unités de Combat et que ceci se déroulait
13 pendant assez longtemps. Donc, il était nécessaire d'avoir le soutien
14 logistique pour ce faire et des soldats.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : On est obligé de faire la pause. Donc, on va faire
16 une pause de 20 minutes. On reprendra à 16 heures 10.
17 --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.
18 --- L'audience est reprise à 16 heures 12.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.
20 M. SCOTT : [interprétation]
21 Q. Monsieur, je souhaite vous poser quelques questions encore, avant de
22 passer à la séquence vidéo.
23 Mais avant d'abandonner le sujet des tirs isolés pour le moment au moins,
24 est-ce qu'il y a eu certains emplacements à Mostar Est, avec des signes
25 d'avertissement concernant les tirs isolés ?
26 R. Oui, il y avait de tels signes, il y avait des signes puis il y avait
27 aussi des endroits avec des parois érigées, des parois en métal qui
28 permettaient aux gens de se déplacer de manière un peu plus sûr. Mais, vous
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1 savez, c'était toujours difficile il y avait des endroits où il fallait
2 traverser du point A au point B, c'était l'endroit où les gens courraient
3 et vous savez c'était le cas souvent que l'on voyait les gens courir par
4 là.
5 Je parle maintenant de tout ce qui s'est passé à la rive est de
6 Neretva. Bien sûr, les choses étaient bien intenses du côté ouest, dans la
7 partie du territoire contrôlé par l'ABiH, du côté ouest de Neretva, parce
8 que c'est là que les combats se déroulaient le plus. La situation était
9 plus dangereuse, là-bas.
10 Q. Très bien. Concernant ce point, s'agissant de la ligne de front qui
11 était du côté de la rive ouest de la Neretva, est-ce que vous pourriez nous
12 dire qu'est-ce que vous avez pu observer concernant le pilonnage, est-ce
13 que les pilonnages suivaient un certain modèle s'agissant de ce que vous
14 avez pu observer depuis l'endroit où vous vous trouviez ?
15 R. C'est bien, il n'y avait pas vraiment un modèle systématique. Vous
16 savez le pilonnage pouvait éclater à n'importe quel moment et n'importe où.
17 C'était certainement vrai pendant la période pendant laquelle j'étais prêt
18 des endroits d'impact des obus. Par exemple, ceci n'était pas près des
19 positions militaires d'après ce qu'on pouvait voir. Je suis sûr s'il y
20 avait eu des positions militaires qui souhaitaient pilonner, ils auraient
21 pu le faire, mais ici ils ne faisaient aucune distinction entre les parties
22 différentes de la partie est de la ville.
23 Q. Avant d'abandonner ce sujet, est-ce que vous pourrez nous dire pendant
24 que vous étiez à Mostar, est-ce que vous avez vu des positions militaires
25 de l'ABiH près de l'hôpital ?
26 R. Non. Je n'en ai pas vu près de l'hôpital, vous savez je ne peux pas
27 dire avec certitude qu'il n'y en avait pas mais je n'en ai pas vu.
28 Q. Très bien. Est-ce que vous avez parlé pendant la période que vous avez
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1 passé à Mostar avec les soldats de l'ABiH sur la ligne de front concernant
2 l'emploi des prisonniers musulmans ?
3 R. Oui. Je me suis rendu aux positions sur la ligne de front plusieurs
4 fois à Santici et Bulevar, et j'ai rencontré les soldats qui étaient sur la
5 ligne de front, qui s'étaient retirés de ces positions qui passaient un peu
6 de temps à l'écart des lignes de front. Avec eux, j'ai pu avoir des
7 conversations parfois assez longues et j'ai entendu dire de la part de
8 plusieurs sources que les prisonniers appartenant à l'ABiH étaient utilisés
9 comme boucliers humains. J'ai entendu plusieurs récits dont un est
10 représenté dans le film, concernant la manière dont les prisonniers étaient
11 poussés à l'extérieur afin de créer une couverture pour permettre une
12 avancée aux forces des Croates de Bosnie. En fait, certains de ces soldats
13 avaient lesquels j'ai parlé m'ont dit qu'ils avaient été forcés de jeter
14 des grenades à main et de nourrir le feu sur leur propre population, au
15 moment où ils étaient confrontés à cela. Puis ils ont dit également qu'ils
16 utilisaient les prisonniers pour faire des travaux forcés sur les lignes de
17 front, pour creuser les tranchées et pour combler, remplir les sacs de
18 sable, ce genre de chose.
19 Q. Est-ce que vous avez entendu parler des prisonniers croates qui étaient
20 détenus du côté musulman ou à Mostar Est ?
21 R. Oui. J'ai d'abord vu des prisonniers croates lors de mon premier voyage
22 en août, c'était dans la caserne. La caserne nord de Mostar. En fait, nous
23 allions sur la route. J'ai vu plusieurs personnes, j'ai vu une foule et je
24 suis allé voir de quoi il s'agissait avec les caméramans, il y avait un
25 groupe de prisonniers qui exhumait les cadavres croates. Donc, c'était des
26 prisonniers croates qui exhumaient les cadavres croates et j'avais
27 l'impression qu'ils étaient utilisés dans le cadre d'un échange des
28 cadavres. C'est seulement par la suite que j'ai appris qu'il y avait des
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1 prisonniers croates à Mostar oriental.
2 Lorsque je suis rentré afin de filmer le documentaire, comme je
3 savais déjà qu'il y avait des prisonniers, nous avons demandé de les voir,
4 et nous avons pu les voir. Ils étaient enfermés, à cette époque-là, dans
5 une cave ou au rez-de-chaussée. C'était une pièce sans fenêtre ou la
6 fenêtre était complètement couverte. La lumière était seulement
7 artificielle. Ils ne pouvaient pas parler avec nous. J'ai essayé de leur
8 parler, même si on me demandait de ne pas le faire, mais personne ne
9 répondait. Visiblement, on leur avait donné des instructions de ne pas nous
10 parler.
11 Q. Ce que vous venez de dire à cet égard, lorsque vous voyagiez et filmiez
12 les choses concernant Mostar lors de vos deux visites, est-ce qu'il y a eu
13 des restrictions concernant votre circulation ou est-ce que vous avez pu
14 filmer librement en ce qui concerne le camp musulman ?
15 R. La restriction principale en toute zone de guerre est le danger, donc
16 c'est en fonction de cela qu'on détermine où les journalistes peuvent se
17 déplacer. Nous avons demandé d'avoir des guides qui nous amèneraient aux
18 positions sur les lignes de front. Bien sûr, nous y sommes allés, car si on
19 se déplaçait en tant qu'étranger sans guide et sans leur permission, dans
20 ce cas-là le risque était réel de se faire tirer dessus. Donc, il était
21 nécessaire d'avoir un guide pour pouvoir se déplacer de manière sûre.
22 Vous savez, par exemple, nous avons traversé un des ponts afin
23 d'arriver à Santici avant l'aube et très tôt dans la matinée on nous a dit
24 qu'il y avait des positions des Croates de Bosnie à proximité. Vous savez
25 c'est très stressant. Il faisait nuit, et nous avons dû traverser ce pont
26 afin de nous approcher de ces positions, et nous avions besoin de l'aide
27 dans de telles situations. Mais en aucun moment ils nous ont dit : "Vous ne
28 pouvez pas faire ceci. Vous devez faire cela."
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1 Q. Très bien.
2 R. Ce n'était pas comme en Irak, où j'ai travaillé pendant longtemps, où
3 ce genre de chose se passait.
4 Q. Vous dites que : "Rien de tel ne vous est arrivé" ?
5 R. Là, j'ai parlé du besoin d'avoir des guides. Mais nous pouvons faire ce
6 qu'on voulait. Nous pouvons filmer ce qu'on voulait. Ils ne nous disaient
7 pas : "Vous pouvez filmer ceci et vous ne pouvez pas filmer cela."
8 Q. Vous étiez à Mostar à ce moment-là. Est-ce qu'il est exact de dire que
9 lorsque vous avez quitté Mostar oriental c'était en octobre, le début
10 octobre 1993, et vous êtes rentré à Londres ?
11 R. Oui, on est rentré à Londres.
12 Q. [aucune interprétation]
13 R. Oui.
14 M. SCOTT : [interprétation] [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes le premier témoin à qui je peux poser
16 cette question. On constate, d'après ce que vous nous dites que vous étiez
17 là en août, aux environs du 15 août 1993, et puis vous êtes revenu en
18 septembre. Vous nous avez expliqué qu'il y avait une ligne de front.
19 D'après votre propre évaluation, car on a l'impression que vous étiez à
20 Mostar Est parmi l'ABiH, parmi ceux qui étaient du côté musulman. Est-ce
21 qu'à votre avis, à votre sentiment, le HVO aurait pu, par une attaque
22 généralisée, prendre facilement la ligne de front et envahir Mostar Est ?
23 Est-ce qu'ils avaient cette possibilité, ou c'était en termes militaires
24 impossible ? Ce qui explique la permanence de cette ligne de front ?
25 Quelle évaluation faites-vous, bien que vous ne soyez un militaire,
26 mais vous êtes quand même quelqu'un qui a été confronté pendant vos 23 ans
27 de vie professionnelle à des problèmes liés à des conflits, est-ce que
28 d'après vous, si le HVO avait voulu, est-ce qu'ils auraient pu envahir et
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1 passer et occuper totalement Mostar Est ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] A mon avis, l'ABiH était très bien organisée
3 en fait et ils étaient très mobiles. Ils savaient recruter tous les hommes
4 aptes à combattre et ils étaient unis dans ce qu'ils faisaient. A Sarajevo,
5 par exemple, vous ne pouviez pas dire cela. Des unités différentes avaient
6 des tensions internes entre elles, mais je n'avais pas cette impression à
7 Mostar.
8 Je pense qu'ils étaient assez efficaces dans la défense de leurs
9 positions, et leurs positions étaient bonnes, une fois sécurisées. Je ne
10 sais pas si le HVO aurait pu faire venir plus de forces pour monter une
11 attaque et je ne sais pas s'ils souhaitaient faire cela. J'avais
12 certainement l'impression que l'ABiH, avec ses forces, accomplissaient une
13 mission de manière assez efficace dans la défense de leur territoire.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Juste pour terminer cette question. Vous avez évoqué
15 le fait que le HVO avait, sur la colline Hum, une arme antiaérienne. Vous
16 avez évoqué à un moment donné l'existence de tanks, et vous avez parlé de
17 pilonnage. Mais est-ce qu'un pilonnage constant et en force de Mostar Est
18 n'aurait pas obligé, malgré l'organisation de l'ABiH, à reculer et
19 abandonner le terrain ? Ou était-on, comme vous le dites, dans des
20 positions souterraines ? Parce que vous avez indiqué vous-même que vous
21 aviez été, au mois d'août, dans un premier temps, dans le sous-sol, et qu'à
22 ce moment-là, le pilonnage n'aurait pas permis de résoudre, en termes
23 militaires, la situation ? Qu'est-ce que vous pouvez nous dire là-dessus ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connaissais pas la politique interne
25 d'aucun des camps. Dans le film, il existe un récit concernant un entretien
26 que j'ai eu avec le général Pasalic, que j'ai interviewé, et Pasalic a dit
27 -- il a affirmé qu'ils avaient presque capturé l'arme sur la colline Hum
28 peu avant notre arrivée et qu'ils avaient reçu l'ordre de se retirer,
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1 ordre émanant du commandant militaire de l'ABiH de Sarajevo car ils
2 souhaitaient montrer qu'ils étaient prêts à respecter le cessez-le-feu ou
3 quelque chose de semblable. Il y avait des raisons politiques de cela
4 autrement dit.
5 A l'époque, j'avais l'impression que le HVO souhaitait vraiment prendre le
6 contrôle de l'ensemble de Mostar en tant que leur capital, et parfois il y
7 a eu des échanges bien intenses entre les deux camps. Parfois, on avait un
8 grand nombre de blessés qui influaient dans l'hôpital. Lorsque j'étais sur
9 les lignes de front, il y a eu plusieurs visites, il y a eu des échanges de
10 feu. Pas constamment et pas toujours extrêmement intenses. Par exemple, au
11 bout de quelques années, je suis allé à Grozny, lors de la première attaque
12 des Russes, et c'était bien plus intense. Mais compte tenu des normes qui
13 prévalaient, c'était bien intense.
14 Puis, vous avez demandé si le HVO aurait pu entrer et s'emparer de ces
15 positions. Mais la guerre en zone urbaine est très difficile. Encore une
16 fois, si l'on prend Grozny comme repère, les Russes se sont déplacés avec
17 des armes lourdes et ils ont détruit cette ville faite de béton en quelques
18 semaines; cependant, ils n'ont pas pu vaincre les combattants tchétchènes.
19 Je pense, toute proportion gardée, que le HVO, s'ils avaient effectué une
20 percée, ils auraient eu des problèmes. Les rues étaient trop étroites dans
21 l'enclave de la Bosnie-Herzégovine, du côté ouest, sur la rivière ouest de
22 Neretva. Donc, les chars n'auraient pas pu y passer, et mêmes s'ils
23 utilisaient les chars, ils n'auraient pas pu les utiliser de manière
24 efficace, donc, ils tiraient des combats d'hommes à hommes et il s'agissait
25 aussi du fait que les membres des forces de Bosnie-Herzégovine à Mostar Est
26 étaient très motivés. Ils pensaient qu'ils allaient être tués s'ils ne se
27 battaient pas jusqu'à la mort. Plusieurs personnes me l'ont dit donc je le
28 crois.
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1 Plusieurs d'entre eux avaient des membres de leurs familles. Des hommes qui
2 avaient été emprisonnés par des Croates de Bosnie ou déjà tués. Ils étaient
3 en colère à cause de ce qui se passait. Je pense qu'ils étaient très, très
4 motivés, ils étaient des combattants efficaces.
5 M. STEWART : [interprétation] Je souhaite que l'on corrige quelque chose à
6 la page 54, il a été dit : "Guerre en zone urbaine." En anglais, il est
7 écrit : "Guerre ouverte", "Open warfare." J'ai entendu : "Guerre urbaine."
8 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit "urbaine."
9 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est facilement malentendu.
10 Ma dernière question avant qu'on va voir la vidéo. Vous nous avez dit
11 que vous aviez interviewé le général Arif Pasalic. On va certainement voir
12 ce passage. Dans les conversations avec lui ou avec d'autres personnes,
13 est-ce qu'à un moment donné, vos interlocuteurs ou toutes les personnes que
14 vous avez vues sur le terrain, vous ont dit qu'il ne pouvait pas y avoir de
15 solution militaire mais que la solution ne pouvait être que politique ?
16 Est-ce que vous avez pu aborder ce type de solution à ce conflit qui se
17 déroulait à Mostar ? Ou bien personne n'a évoqué des solutions ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas particulièrement. J'ai souvent posé la
19 question. Je leur demandais si ce qu'ils voulaient c'était un Etat
20 musulman. Ils ont toujours dit qu'ils ne voulaient pas d'Etat musulman. Ils
21 ont toujours nié cela.
22 Pour être très franc avec vous, Monsieur le Président, sans mes notes je ne
23 me souviens pas des détails des conversations que j'ai eues avec Pasalic
24 pour ce qui est de l'avenir politique. Alors, j'ai parlé un certain nombre
25 d'interlocuteurs avec oui, les gens avaient l'impression que finalement
26 cela passerait par une solution politique, mais vous parliez à des gens qui
27 se trouvaient dans une situation de combat quotidien, et tout ce qu'ils
28 essayaient de faire c'était de survivre jusqu'au lendemain, en fait, leurs
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1 aspirations n'étaient pas très, très élevées à l'époque.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
3 Monsieur Scott, la vidéo.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "La propagande croate résonne derrière la ligne de front à Mostar, le champ
7 de bataille le plus dur de la guerre de Bosnie-Herzégovine. Depuis le mois
8 de mai, avec la complicité et le soutien du gouvernement croate, les
9 Croates de Bosnie assiègent quelque 60 000 personnes dans la partie est de
10 Mostar; pour l'immense majorité ce sont des Musulmans qui ripostent avec
11 énergie. Il n'y a pas d'endroit sûr à Mostar Est. On peut être tué ou
12 mutilé n'importe quand, à n'importe quel coin de rue. A moins de l'avoir vu
13 soi-même il est difficile de réaliser le peu de temps qu'il faut pour
14 détruire une vie.
15 JEREMY BOWEN : En cette matinée qui s'annonçait tranquille Franja Pavlovic
16 Croate de naissance, a commis l'erreur de sortir pour réparer les dégâts
17 causés par les obus. Son épouse, Raima, étant Musulmane, les Croates les
18 ont chassés et contraints à traverser la ligne de front vers Mostar Est en
19 août. Il a eu au moins une chance : un camion de pompiers, le seul qui
20 reste dans cette partie de Mostar, était à proximité. Peut-être allait-on
21 PV l'amener à l'hôpital à temps. Rien avant la guerre n'avait préparé Mme
22 Pavlovic à tout cela. Elle a 53 ans. Après son mariage elle a travaillé
23 comme comptable dans une agence de graphisme. Les derniers lambeaux de
24 cette vie ont disparu quand son mari a été touché. Les rues étaient
25 désertes et pas seulement à cause du pilonnage. Pendant la journée il y a
26 un couvre-feu de six heures pour protéger la population. L'hôpital n'était
27 qu'à quelques minutes de là, rien n'est loin à Mostar Est.
28 Le médecin n'a pas eu à l'examiner longtemps. M. Pavlovic était mort. Il
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1 avait été tué par un éclat d'obus dans la poitrine. Pour sa femme le
2 médecin a accompli les gestes usuels.
3 RAIMA PAVLOVIC : [en langue étrangère]
4 JEREMY BOWEN : 'Vous ne l'avez pas encore examiné," dit-elle. "S'il vous
5 plaît, faites un effort.' Depuis l'explosion il ne s'était écoulé que dix
6 minutes. L'hôpital était prêt à accueillir les victimes suivantes.
7 RAIMA PAVLOVIC : Ce matin on a essayé de réparer le mur. Il avait été
8 détruit par un mortier. Il est sorti pour voir quelle heure il était et
9 pour chercher de l'eau pour que je puisse faire la lessive. C'est à ce
10 moment-là que cela s'est passé.
11 JEREMU BOWEN : A chaque fois, les médecins souffrent un peu plus. Ils
12 disent essayer de ne rien montrer. Ils étaient mariés depuis 32 ans.
13 La Neretva coupe Mostar en deux. Ces bâtiments démolis se situent sur la
14 rive est, le fief des forces du gouvernement de Bosnie contrôlé par les
15 Musulmans. Mais ils ont également un point d'ancrage sur la rive ouest
16 contrôlée principalement par les Croates. Pour y accéder il faut franchir
17 le vieux pont qui fut construit dans les années 1500. Il a été touché
18 plusieurs fois mais il tient toujours -- ou presque. Sur la colline les
19 Croates savent que si le pont tombe ils auront anéanti le moral de leurs
20 adversaires. Il s'agirait d'une victoire stratégique également car c'est là
21 que passe la route qui mène à la ligne de front. Un caméraman local,
22 Miralem Smelhogij [phon] a suivi les efforts des Croates pour le détruire.
23 Il a filmé ces images. Depuis il est mort, unité par un mortier il y a
24 environ un mois.
25 Ils ramenaient des corps depuis le front le jour où nous avons traversé
26 pour la première fois. Ces brancardiers travaillent pour un réseau de
27 défense civil bien organisé, auquel doivent participer les hommes qui ne
28 sont pas dans l'armée. Du fait de son isolement, Mostar Est est devenue
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1 l'enclave du gouvernement bosniaque la mieux gérée et la plus fortement
2 mobilisée. C'est indispensable car ses habitants n'ont presque rien. Il
3 leur restait à espérer que les couvertures les cacheraient aux tireurs
4 embusqués. On ne peut pas aller très vite quand on porte un brancard.
5 D'habitude ils ne se donnent pas la peine de ramener les morts jusqu'ici
6 mais cet homme était en vie au début du trajet et ils ont voulu essayer de
7 l'amener à l'hôpital. Quand il est mort il n'a pas paru utile de faire
8 demi-tour. Les soldats nous ont dit que la meilleure façon de traverser
9 était de courir. C'est la manière la moins dangereuse de franchir la
10 Neretva; avant, tout simplement les guides touristiques recommandaient d'y
11 flâner. Un autre point est encore debout, mais il est encore plus proche
12 des positions croates.
13 UN HOMME : La ligne de front croate est à 50 mètres.
14 JEREMY BOWEN : Le moral des soldats est étonnamment bon, bien qu'ils soient
15 moins bien armés que les Croates. Ils utilisent des éclairs de miroir pour
16 regarder leurs ennemis à la façon des soldats d'une autre génération qui se
17 servaient de périscopes dans les tranchées. La guerre a sa routine : monter
18 la garde, attendre souvent sous les tirs. Là c'était une grenade tirée par
19 une roquette qui a touché l'étage supérieur. Une autre grenade a explosé
20 dans l'immeuble d'en face. Comme d'habitude, l'armée bosniaque manque
21 d'armes, alors on en fabrique. On a baptisé celle-ci le petit tonnerre. On
22 nous dit que l'explosif provient de bombes croates qui n'ont pas encore
23 exposé. A quoi ressemble la vie d'un soldat à Mostar ? Maintenant, nous
24 sommes tous soldats maintenant ici. C'est une vie ordinaire. Cela m'a l'air
25 d'être une vie dure. Oui, c'est une vie très dure. Oui, c'est une vie très
26 dure. A priori, à l'exception des haut-parleurs diffusant la propagande
27 croate, il n'y a pas grande différence entre cet endroit et n'importe
28 quelle autre ligne de front urbaine en Bosnie-Herzégovine, même les
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1 cadavres en putréfaction dans le "no man's land" sont au rendez-vous. Mais
2 la différence existe, bel et bien, car ici les soldats du gouvernement de
3 Bosnie apprennent. Ils sont convaincus qu'ils sont maintenant supérieurs à
4 leurs ennemis croates de l'autre côté de la ligne.
5 Toutes les souffrances qu'ils ont endurées depuis le début de la guerre
6 leur ont fait comprendre un fait essentiel : pour survivre, ils doivent
7 compter que sur eux-mêmes. Personne ne viendra à leur secours. La
8 population est assiégée par des ennemis et il y a longtemps qu'elle a cessé
9 de rêver d'une intervention militaire internationale. Mais ils pensent
10 pouvoir gagner cette guerre parce qu'ils n'ont nulle part où aller, parce
11 que leurs souffrances les ont raffermis parce qu'ils se pensent confronter
12 une alternative très simple : se battre ou mourir. Pour se déplacer à
13 Mostar la règle numéro un est de se tenir à l'abri des regards des tireurs
14 croates sur le Hum, la colline qui domine la ville. La règle numéro deux
15 est de ne pas ralentir, car les Croates du Hum feront mouche si leurs
16 camarades cachés derrière les sacs de sable et au bas de la rue ne les
17 devancent pas.
18 Les soldats bosniaques ici savent tout cela et beaucoup plus encore. Sans
19 quoi, ils n'auraient pas survécu aussi longtemps. Le commandant de cette
20 unité, Nerman Brkan, 31 ans était vétérinaire avant la guerre. Il était
21 spécialisé dans la reproduction animale. Maintenant, comme ses camarades,
22 il a appris à tuer. Ils se plaignent : cette bombe artisanale était trop
23 lourde à lancer. Ils préférèrent les modèles de taille réduite.
24 Je n'aime pas tirer sur les gens mais je suis obligé de le faire. Je suis
25 obligé à cause des ennemis de l'autre côté. Je vis ici, je vis ici avec mon
26 père, ma mère, mon grand-père, ma grand-mère. Ils sont morts ici. Je vis
27 ici, je me bats pour ma maison, pour mes parents, pour mes camarades, pour
28 mon peuple, pour mon pays.
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1 Pourriez-vous accepter un accord de paix qui ferait de Mostar une ville
2 divisée comme Berlin ? Comme Berlin ? Berlin, oui avant la chute du mur.
3 Voudriez-vous la même chose pour Mostar ? Non. Si vous perdez, où irez-
4 vous ? Je ne sais pas. Des réfugiés ont commencé à arriver dans le "no
5 man's land," encore un homme, un vieil homme et une vieille femme. Il leur
6 dit de se dépêcher et de se mettre à couvert. Souvent les Croates
7 commencent à tirer après avoir contraint des Musulmans à quitter Mostar
8 Ouest en franchissant cette partie de la ligne de front. Fatima et Salin
9 Matic venaient d'être chassés de chez eux par des Croates armés. M. Martic,
10 qui a 72 ans, a réussi à enfiler trois chemises et à se saisir de deux
11 parapluies avant de partir.
12 Sa femme, âgée de 70 ans était encore en chemise de nuit. Leur voisine de
13 84 ans, Mme Almassa Humo, est arrivée quelques minutes plus tard. 'Ne vous
14 asseyez pas là,' lui a-t-on dit, 'ils pourraient vous tuer.' Même si cela
15 importait encore à Mme Humo elle n'avait plus la force de se déplacer toute
16 seule. Chaque jour les soldats voient arriver ainsi les plus faibles et les
17 plus âgés. Ils ont entendu tant de récits de brutalité, d'actes inhumains
18 et d'expropriations qu'ils peuvent à peine supporter d'en écouter
19 davantage.
20 Elle dit que les Croates l'ont giflée si fort qu'elle a encore mal aux
21 joues. Les soldats affirment qu'ils sont d'abord de Bosnie et ensuite
22 Musulmans, mais toutes ces souffrances renforcent leur identité musulmane.
23 Les Croates nous haïssent à cause de notre religion, dit-elle. Mais pour
24 les soldats il ne s'agit pas ici de religion. Il s'agit de contrôle du
25 pouvoir. Il s'agit de protéger leur peuple. Des gens comme des femmes et
26 les enfants expulsés de Mostar Ouest. Cette famille a eu la chance. Les
27 Croates voulaient seulement leur faire peur.
28 Cela c'est la guerre. Cela seulement, c'est la guerre. Simplement les
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1 armes ? Simplement les armes. Pas les droits de l'homme ? Non. Vous en
2 voyez, vous, des droits de l'homme ? Vous en voyez des droits de l'homme ?
3 Des cadavres, tuer les gens, se battre contre les femmes et les enfants,
4 c'est vos droits de l'homme ? 200 000 personnes, des Musulmans meurent.
5 Quand, quand est-ce que cela va s'arrêter ? C'est pour quand la justice ?
6 Où est la justice ? Où ? Celui qui meurt, meurt. Celui qui vit, vit.
7 L'enseignement que les soldats tirent du nettoyage ethnique, c'est que si
8 on veut vivre, il faut se battre. On a conduit les réfugiés au cœur de
9 l'enclave où aucun civil ne contredirait la conclusion tirée par les
10 soldats. Mostar Est s'est organisée pour une guerre longue. Ce sont les
11 dirigeants militaires de Mostar qui en sont responsables. A la présidence
12 de Esad Humo, qui était architecte avant la guerre. Comme tous les
13 commandants de Mostar Est, il s'est découvert un talent pour le combat, le
14 commandement et la survie. Personne dans la pièce n'a dit vouloir un état
15 musulman mais personne n'a nié combattre pour les droits des Musulmans.
16 Il y a deux ans j'étais normal, si on peut parler de la sorte. Un citoyen
17 normal qui travaillait, vous voyez, qui étudiait. J'avais un emploi, une
18 femme, des enfants, un frère, une maison, un foyer. Maintenant tout a
19 changé.
20 Dites-moi, pourquoi vous vous battez ici ?
21 Pourquoi on se bat ? D'abord, pour avoir un endroit où vivre. Pour
22 survivre, voilà pourquoi on se bat. C'est la première chose, et ensuite
23 s'il y a autre chose, je ne sais pas ce que c'est.
24 Qu'est-ce qu'il y a ensuite, un Etat musulman ? Un Etat musulman, je ne
25 suis pas sûr parce que je ne me bats pas pour un Etat musulman, je me bats
26 pour un Etat, disons comme l'Angleterre ou la France, je veux dire un Etat
27 pour des gens qui peuvent vivre ensemble sans faire aucune différence.
28 Est-ce que l'expérience de ces deux dernières années a une influence sur la
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1 manière dont vous vous battez ?
2 Nous apprenons à tuer, oui. Pas seulement nous, les soldats, tout le monde
3 apprend à survivre parce qu'ici, c'est la loi de la jungle. Si on ne veut
4 pas être tué, il faut tuer. C'est la loi de la jungle classique, c'est --
5 tout le monde sait cela.
6 La loi de la jungle dans des conditions de vie inacceptable pour des
7 animaux. Tout ce qui nous reste, disent ces femmes, c'est la tristesse et
8 la douleur. L'une d'elles nous a confié une lettre à ramener dans un monde
9 dont elles pensent qui les a abandonnées. Les civils savent que leur seul
10 espoir est de se prendre en main, de tenir jusqu'à la fin de la tuerie, de
11 survivre à l'hiver. Mais comment éviter la pneumonie, la bronchite et pire
12 encore, quand on habite une maison dont le toit a été détruit les obus. Ces
13 gens sont des réfugiés. Ils vivent dans des ruines, comme des milliers
14 d'autres à Mostar Est.
15 Elle ne peut pas marcher. Elle gît sur un lit trempé dans les vêtements
16 nauséabonds.
17 Que puis-je faire ? Soit je meurs, soit je continue à vivre comme cela.
18 Vous savez que votre armée va venir à votre secours et gagner cette guerre
19 pour vous ?
20 Oui.
21 Pourquoi est-ce que cela est nécessaire ? Ne vaut-il pas mieux négocier ?
22 Je crois que c'est nécessaire parce que cela ne sert à rien, absolument à
23 rien de parler avec eux, parce que eux, ils ne veulent pas vivre avec nous.
24 Mais pour vous libérer, il faudra l'armée bosniaque ? Ce ne sera pas grâce
25 au monde extérieur ou aux négociations ? Ce sera des soldats ?
26 HEMALINA TANOVIC : Oui. Parce que je veux vous dire, nous ne faisions
27 vraiment confiance à personne parce que tout le monde parle de nous. Tout
28 le monde parle de notre situation, de la vie difficile qui est la nôtre,
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1 mais personne ne fait rien.
2 JEREMY BOWEN : La plupart des habitants ne sortent que lorsqu'il le
3 faut, une fois par jour pour aller à la distribution de soupe. Chaque
4 récipient doit durer 24 heures à une famille. Il n'y a grand-chose, mais
5 tout le monde reçoit à peu près la même quantité. Le marché noir qui a
6 corrompu Sarajevo n'existe pas à Mostar Est. Comme il n'y a pratiquement
7 pas d'aide qui arrive jusqu'à la ville, il n'y a rien à vendre ou à
8 acheter. Tout est rationné. Les civils font ce qu'on leur dit, ils n'ont
9 pas le choix.
10 L'organisation commence sur la ligne de front. On a mis sur pied des
11 postes de premier secours avancés. Nuzreta Bercric [phon], qui était
12 géologue, est responsable de celui-ci. Elle le dirige depuis chez elle.
13 Elle soignait une de ses voisines quand une autre explosion a retenti.
14 C'était très proche, plus près encore qu'elles ne l'imaginaient. Deux
15 hommes descendaient la rue en marchant. Le quartier est très peuple. Il
16 n'est qu'à quelques centaines mètres des positions croates. Elle a giflé
17 l'homme le plus gravement blessé pour prévenir un état de choc. Les
18 passants ont couru à son aide. Quelqu'un a crié qu'on amène de l'eau.
19 JEREMY BOWEN : L'homme de droite est mort. Ils ont réussi à sauver
20 l'autre. Peu après, une autre urgence. Une femme était étendue sur la rive.
21 Elle faisait la lessive pour sa famille. Elle était déjà morte, tuée par un
22 tireur embusqué croate. S'ils survivent assez longtemps, les blessés sont
23 amenés ici à l'hôpital. C'est une autre cible de prédilection pour les
24 Croates. On descend les brancards dans la cave de l'immeuble qui était
25 auparavant un laboratoire de santé publique. Le docteur Dragan Milavic est
26 le directeur de l'hôpital. Il l'a organisé à partir de rien juste avant le
27 début de la guerre contre l'armée des Croates de Bosnie, le HVO.
28 L'infirmerie moderne de Mostar, où il travaillait, est du côté croate. Ici,
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1 c'est un charnier, mais c'est tout ce qu'ils ont. Le couloir sent le sang.
2 Il n'est absolument pas stérile et il n'y a pas assez de place pour les
3 blessés. Mostar Est n'est pas grande. Souvent, ils soignent des gens qu'ils
4 connaissent. Parfois, ils soignent des gens qu'ils aiment.
5 SELMA SLIPEVICHEVICH : J'ai couru dans le hall et j'ai vu mon père
6 gisant sur le sol, sur un brancard. J'ai regardé son visage. Il avait un
7 œil ouvert et l'autre fermé et il lui manquait cette partie du visage. Je
8 voyais ses dents. A ce moment-là, j'ai pensé : 'Ce n'est pas grave, c'est
9 seulement le visage; cela pourra s'arranger. Il aura une cicatrice, et
10 après ? Pas besoin qu'il soit beau.' Puis, j'ai regardé plus bas et j'ai
11 enlevé la couverture et j'ai vu un énorme trou ici. Il ne saignait pas,
12 c'était simplement un trou rouge. J'ai essayé de toucher les éclats d'obus.
13 On est habitué quand on travaille à l'hôpital, on touche. On touche pour
14 déterminer si les éclats d'obus sont entrés profondément, et j'ai commencé
15 à le faire et mes mains se sont tachées du sang de mon père.
16 DR DRAGAN MILAVIC : Nous sommes confrontés à des problèmes immenses,
17 mais nous comprenons que nous devons les régler nous-mêmes. Nous devons
18 régler les choses nous-mêmes. Chaque fois que je parle avec la Croix-Rouge
19 ou aux Médecins sans frontières ou une autre organisation internationale,
20 on nous dit : 'Nous voudrions bien vous aider, mais notre action est
21 entravée par les forces croates du HVO qui assiègent la ville.' Ils font
22 toujours référence au HVO. Ils l'utilisent comme une excuse à leurs propres
23 insuffisances.
24 JEREMY BOWEN : Le résultat, c'est qu'Emir Demic regarde mourir frère
25 Armele de 12 ans. Il est constamment auprès de lui. Armele est dans le coma
26 depuis qu'il a été touché à la tête par un éclat d'obus. Parfois, il semble
27 aller un peu mieux. On dirait presque qu'il va se rétablir. Mais tout comme
28 les promesses d'une évacuation médicale, ce n'est là qu'une illusion
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1 cruelle.
2 EMIR DEMIC : Il n'a pas vraiment de chance ici. Les médecins disent
3 que chaque moment compte.
4 JEREMY BOWEN : Est-ce qu'on a dit qu'il pourrait évacué ?
5 EMIR DEMIC : Des promesses ont été faites, mais ce sont des promesses
6 en l'air.
7 DR DRAGAN MILAVIC : Beaucoup de patients sont morts parce que nous
8 n'avons pas les installations nécessaires pour les soigner convenablement.
9 Dans ces conditions, je ne crois pas que ce gamin ait la moindre chance.
10 JEREMY BOWEN : Cela ne s'arrête jamais. Medina, 11 ans, vient d'être
11 blessée à la tête. Un obus est tombé sur l'appartement de sa famille.
12 L'hôpital n'avait pas de lit disponible pour elle alors on l'a laissée sur
13 un brancard. Son père ne pensait pas à ses propres blessures provoquées par
14 un éclat d'obus et pourtant assez grave. Il l'avait qu'une chose en tête :
15 sa fille. On l'a préparée pour l'opérer. Il y a sept mois, la salle
16 d'opérations était une réserve inoccupée. A l'hôpital, il y a un
17 neurochirurgien qui a refusé d'être filmé, car sa femme et son enfant sont
18 de l'autre côté. Mais le seul outil de diagnostic à sa disposition est un
19 vieil appareil de radiographie, alors il ne peut pas faire grand-chose. Le
20 docteur Milavic, directeur de l'hôpital, est également un anesthésiste. Il
21 a endormi Medina. Ils ont commencé à travailler. Des donateurs
22 internationaux lui ont promis un hôpital de campagne ultra moderne, d'un
23 niveau bien supérieur aux conditions primatives qui prévalent ici et qu'ils
24 abhorrent tous. Mais l'hôpital de campagne est coincé en Croatie; personne
25 ne semble en mesure de le faire venir à Mostar Est. Ils n'ont pas essayé de
26 retirer les éclats d'obus du cerveau de Medina, car c'était trop risqué. Sa
27 seule chance était d'être évacuée vers un véritable hôpital loin de la
28 guerre. Il y a eu une explosion. Un obus a atterri devant l'hôpital. Un
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1 médecin qui se tenait en haut des escaliers menant à la cave a été blessé.
2 C'est un endroit dangereux, mais ils y vont pour échapper à l'atmosphère
3 fétide qui règne en bas.
4 JEREMY BOWEN : "Ecartez-vous," dit le docteur Milavic. Il était sorti
5 en courant de la salle d'opérations pour examiner son confrère. On a aidé à
6 descendre la femme légèrement blessée d'un employé de l'hôpital. Le médecin
7 blessé avait peur, car dans cet hôpital les mauvaises blessures aux jambes
8 finissent souvent par des amputations. Le docteur Milavic a tenté de le
9 rassurer : après tout, il avait eu de la chance selon les critères qui
10 prévalent ici. Les médecins sont sur le point de craquer. Il n'est pas
11 inhabituel pour chacun d'eux de réaliser dix grosses opérations en une
12 journée. A quelques mètres de là, l'opération de Medina continuait. On
13 avait le temps de tout essayer pour elle. Aucun autre blessé n'était
14 arrivé. La situation ne s'améliore pas la nuit. 500 Musulmans venaient
15 d'être dévalisés et chassés de Mostar Ouest par les Croates. Pour se mettre
16 en lieu plus ou moins sûr, ils ont dû traverser la Neretva sur un pont fait
17 de corde et de planches. Les soldats bosniaques leur ont indiqué par où
18 passer. Les Croates tiraient sur ceux qu'ils venaient de transformer en
19 réfugiés. Quelques heures seulement auparavant, avant que les bandes
20 croates ne viennent les chercher et ne les forcent à traverser la ligne de
21 front, ils se pensaient en sécurité. Ils s'étaient installés pour la nuit.
22 Les mitrailleuses croates n'ont cessé de tirer et les réfugiés ont
23 continué à arriver. Ils essayaient de tuer des femmes et des hommes âgés,
24 des mères et leurs enfants. Elle avait si peur qu'elle pouvait à peine
25 marcher mais elle essayait de calmer ses deux fils. Chaque nouvelle famille
26 doit être nourrie et logée. Nous sommes face à un crime de guerre dont
27 l'objectif est froidement calculé : augmenter la pression qui pèse sur les
28 autorités militaires de Mostar Est. La brutalité des expulsions fait passer
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1 avec force le message : avec les extrémistes croates un compromis n'est ni
2 possible ni souhaitable. Les réfugiés ont passé leur première nuit à Mostar
3 Est dans un théâtre détruit par les bombes. En une nuit, ils ont tous
4 perdu leur maison et leurs biens. Ils ont parlé de persécutions, de viols
5 et d'assassinats.
6 UNE FEMME : On nous a conduit jusqu'à un petit bois. On a extrait mes fils
7 de la voiture. On les a emmenés dans ce bois. On m'a dit qu'on leur avait
8 tranché la gorge. Je vis uniquement parce qu'Il le faut. Seulement parce
9 qu'il le faut. Qu'est-ce que c'est, cette vie ?
10 UNE AUTRE FEMME : Qu'est-ce que j'y connais à la politique ? Je n'y ai
11 jamais pensé. Ce soir les soldats croates m'ont dit de me taire, de ne rien
12 dire et c'est ce que j'ai fait. Je n'ai jamais rien fait à personne.
13 JEREMY BOWEN : Le lendemain matin un cadavre gisait à l'endroit où les
14 réfugiés avaient traversé. C'était une femme vêtue d'un tricot rose. Son
15 sac à provisions s'était répandu autour d'elle. L'ONU examine les documents
16 cachés par un des réfugiés dans ses chaussures. Il a refusé de nous laisser
17 voir son visage. Il a expliqué qu'il s'agissait de listes des Musulmans
18 morts qu'il a été forcé d'enterrer. Certains étaient des civils, d'autres
19 des soldats. En tout il y avait 274 noms. Une femme a raconté que dix
20 hommes l'avaient violée et dévalisée avant son expulsion.
21 UNE FEMME : Ma mère m'a murmuré : 'Ils vont nous tuer.' Je lui ai
22 simplement dit : 'N'aie pas peur' très doucement pour qu'ils ne puissent
23 pas m'entendre. J'ai pensé qu'ils allaient nous abattre, qu'ils me
24 violeraient et qu'ils me tueraient ensuite. Par chance ils ne m'ont pas
25 tuée, enfin 'par chance' parce que je n'ai pas été tuée. Mais le viol --
26 parfois, mon cerveau s'arrête fonctionner. Je n'arrive pas à penser
27 correctement. Je me bats toute seule. C'est difficile.
28 JEREMY BOWEN : Les bâtiments pourront être reconstruits mais chaque viol,
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1 chaque meurtre, et la destruction de leur ville changent ces hommes et ces
2 femmes. Goran Stosic a été notre guide sur une partie particulièrement
3 déplaisante de la ligne de front. Il était accroupi parce que les Croates
4 tiraient depuis leurs positions de l'autre côté du mur. Pour survivre et
5 pour gagner ils font des choses qu'ils n'auraient même pas pu imaginer il
6 n'y a pas si longtemps. Goran est devenu un combattant accompli. Avant la
7 guerre il essayait de devenir avocat. Il nous a parlé d'un pays où les
8 Musulmans, les Serbes, et les Croates pourraient revivre ensemble; après
9 tout, a-t-il indiqué, il y avait encore des Serbes et des Croates dans
10 l'armée bosniaque. Nous avons avancé lentement le long de la rive à l'abri
11 des regards des tireurs embusqués. Mais ils pouvaient nous voir quand nous
12 sommes remontés vers les tranchées. Peu important que quelques Serbes et
13 quelques Croates fassent partie de l'armée bosniaque. Ce n'est pas le cas
14 de la plupart des autres. Toute chance de réconciliation a disparu il y a
15 longtemps dans des tranchées comme celle-ci. Il faudra attendre au moins
16 une génération avant de retrouver ce qui a existé ici autrefois.
17 Hodzic, le commandant de Goran, nous a montré à l'aide d'un miroir où se
18 trouvait un tireur embusqué croate. Il était dans une tour. Hodzic n'a pas
19 essayé non plus de dissimuler la manière dont l'armée bosniaque traite ses
20 prisonniers. Un prisonnier de guerre croate est apparu dans la trachée que
21 nous venions de traverser. Les prisonniers creusent les tranchées et
22 alignent des sacs de sable sur les positions de la ligne de front les plus
23 exposées et les plus dangereuses.
24 Quand ils ne travaillent pas ils sont détenus dans une cave à l'atmosphère
25 poisseuse et mal ventilée. Nous avons pu les filmer mais nous n'avons pas
26 eu le droit de parler à aucun d'entre eux. Un des prisonniers était
27 gravement blessé. Il souffrait beaucoup. Nombreux sont les prisonniers à
28 avoir été blessés. Le garde nous a expliqué avec une certaine délectation
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1 que leurs blessures étaient dues à des tirs croates sur la ligne de front.
2 Les prisonniers étaient maigres mais ils ne semblaient pas plus mal nourris
3 que n'importe quel civil de Mostar Est. Le garde nous a indiqué qu'ils
4 mangeaient la même nourriture.
5 Ceux qui les détiennent savent que le travail des prisonniers sur la ligne
6 de front (ici ils exhumaient des corps) constitue une violation de la
7 convention de Genève. Mais ils préfèrent voir les prisonniers plutôt que
8 les leurs accomplir ce travail. Dans la guerre, il n'y a pas de voie
9 médiane, il y a des vainqueurs et des victimes.
10 Les soldats bosniaques savent parfaitement de quel côté ils préfèrent se
11 trouver.
12 Ils ont déterré ces corps pour les échanger contre des prisonniers.
13 Mostar est la ville la plus dévastée de toute l'ex-Yougoslavie, la
14 situation y est pire qu'à Sarajevo ou à Vukovar. C'est une bataille très
15 durer et elle va durer encore longtemps.
16 Hodzic commande l'armée bosniaque à Cantece, l'ancien quartier commerçant.
17 C'est dans ses cours, ses sous-sols et ses allées que se déroulent les
18 combats les plus durs de Mostar. A Cantece, l'armée bosniaque met à
19 l'épreuve sa nouvelle résistance. Les soldats ont réalisé que dans le
20 combat en zone urbaine, on meurt si on se retient, si on hésite à tuer. Ce
21 qui veut dire : pas de pitié et pas d'indulgence. Hodzic nous a expliqué
22 que les Croates faisaient aussi travailler les prisonniers de l'armée
23 bosniaque sur la ligne de front, les obligeant parfois à construire des
24 positions à quelques mètres seulement des leurs. Hodzic raconte qu'ils ont
25 reconnu parmi ces prisonniers des amis, des cousins et même des frères. Les
26 sacs de sable indiquent les lignes du HVO croate. Mais les ordres sont
27 clairs, il faut attaquer. Même si des prisonniers bosniaques sont sur le
28 chemin.
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1 EFTAN TIKVESA : L'ennemi était tout près. Nous avons avancé nos positions.
2 Seul un mur de 20 à 30 centimètres d'épaisseur nous séparait de deux
3 soldats du HVO. Ils se servaient de nos prisonniers qu'ils obligeaient à
4 travailler sous la menace du fusil. J'ai dû jeter deux grenades à main au
5 milieu d'eux.
6 JEREMY BOWEN : Loin des combats les plus durs l'armée bosniaque contrôle
7 également les villages excentrés au nord et au sud. Le commandant régional,
8 le général Arif Pasalic nous a emmenés les visiter. C'est un militaire de
9 carrière; il était officier dans la JNA, l'ancienne armée yougoslave. Il y
10 a eu quelques obus tirés par les Croates mais la journée a été calme. Les
11 positions bosniaques étaient sures. Même Mostar, à huit kilomètres de là,
12 était assez tranquille. Pourtant le général n'était pas un homme heureux.
13 Il aurait eu des raisons de l'être : après 30 heures de combat acharné ses
14 hommes avaient réussi à traverser une banlieue contrôlée par les Croates
15 pour atteindre le sommet du Hum, la montagne qui domine Mostar. Il
16 s'agissait sans doute de leur plus importante victoire depuis le début de
17 la guerre.
18 ARIF PASALIC : Cette montagne, c'est la clé. Qu'on attaque ou qu'on
19 défende. Pour conquérir Mostar il faut prendre le contrôle de cette
20 montagne. Pour défendre Mostar, il faut garder le contrôle de cette
21 montagne parce qu'elle domine la ville et toute la vallée.
22 JEREMY BOWEN : Mais l'ordre est venu de Sarajevo : il leur fallait battre
23 en retraite. Le gouvernement voulait donner un signal positif pour les
24 pourparlers de paix. Le général s'est exécuté à contrecoeur, mais il a
25 refusé d'aller à Sarajevo pour des consultations relatives aux
26 négociations, un processus qui ne lui inspire ni confiance ni intérêt. Ceux
27 de Sarajevo contrôlent les chevaux de charge qui ravitaillent Mostar Est en
28 munitions, donc c'est encore eux qui décident. Mais par précaution, les
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1 commandants de Mostar, hommes à l'esprit indépendant, achètent également
2 des armes aux Serbes. La route qui passe par les hautes montagnes sera
3 beaucoup plus problématique pendant l'hiver. Notre convoi a attendu la
4 tombée de la nuit avant de se lancer dans la partie la plus difficile du
5 voyage, à pied tout d'abord, par une ouverture dans la ligne de front
6 croate. Dans la banlieue de Mostar, ils transfèrent les munitions dans des
7 véhicules puis dévalent à toute allure une route que se disputent les
8 belligérants. L'armée bosniaque contrôle la partie goudronnée, mais les
9 Croates ont installé des projecteurs le long de la route. Leurs positions
10 se situent à quelques centaines de mètres de là. Nous pouvons toujours
11 espérer, si nous allons assez vite, que ceux qui manient les projecteurs ne
12 pourront pas nous repérer. Nous n'avons pas eu de chance. Ces quelques
13 minutes ont été très tendues. Chaque véhicule ne transporte qu'une petite
14 quantité de munitions au cas où il soit touché et où le chargement soit
15 perdu.
16 JEREMY BOWEN : Il existe un autre itinéraire pour entrer à Mostar, la route
17 principale utilisée par les convois de l'ONU si les Croates le leur
18 permettent. Les camions de vivres sont si rares que leur arrivée fait
19 toujours sensation. Cette fois-ci, ils ont apporté un chargement de farine.
20 Les soldats puis l'hôpital s'emparent de la plus grosse part de la
21 cargaison. Les civils n'arrivent que très loin, en troisième position. Il
22 n'y a pas assez de vivres; tout le monde s'attend à un hiver placé sous le
23 signe de la faim et du danger. Le convoi a également amené une équipe
24 médicale de l'ONU à l'hôpital. Ils sont venus identifier les malades dont
25 l'état est suffisamment grave pour justifier une évacuation à l'étranger.
26 Le docteur Milavic les a conduits auprès des deux enfants blessés à la
27 tête.
28 UN HOMME : [aucune interprétation]
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1 JEREMY BOWEN : Emir Demic était encore au chevet de son frère. Il attendait
2 ce moment désespérément. Il avait passé l'essentiel des deux dernières
3 semaines avec Armel, toujours plongé dans un profond coma. Medina était
4 allongée à quelques mètres de là.
5 UNE FEMME : Je voudrais emmener mon enfant loin de cette folie. C'est
6 l'enfer ici. Si seulement elle pouvait se réveiller.
7 JEREMY BOWEN : Mais l'état de Medina se détériorait. Elle est morte un peu
8 plus tard. L'enterrement a eu lieu après la tombée de la nuit à cause des
9 tireurs embusqués. Medina n'a pas été évacuée à temps parce que des deux
10 côtés on utilise l'évacuation médicale comme une arme de guerre. Ils
11 n'étaient pas prêts à conclure un marché pour elle, pour Armel, qui était
12 encore vivant au moment de notre départ, ou pour qui que ce soit d'autre.
13 Aujourd'hui à Mostar, tout ce qui compte, c'est le combat. Ils ont compris
14 l'essence cruelle de cette guerre, dans laquelle les compromis ne valent
15 rien et où seuls les plus forts survivront.
16 JEREMY BOWEN : Si le président Izetbegovic sapait vos efforts en signant un
17 bout de papier où il serait écrit : 'Nous décrétons un cessez-le-feu à
18 l'endroit où nous sommes maintenant et nous arrêtons de nous battre.'
19 L'accepteriez-vous ?
20 ESAD HUMO : Il ne le fera pas. Il ne le fera pas, donc c'est inutile d'en
21 parler. Pas question. Il n'y a pas, il est impossible que lui ou quiconque
22 d'autre dise : 'Tout est fini. Votre ville est divisée' ou 'Vous devez
23 quitter la ville.'
24 JEREMY BOWEN : Beaucoup de vos hommes ont été tués ici. Votre propre frère
25 a été tué au combat. Combien de temps encore pourrez-vous supporter ces
26 pertes ? Combien de temps encore pourrez-vous voir vos hommes se faire
27 tuer, parce qu'ils ne vont pas tous durer éternellement, n'est-ce pas ?
28 ESAD HUMO : Vous voyez, je crois que c'est, désolé mais pour moi c'est une
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1 mauvaise question, et je ne vois qu'une bonne réponse à cette mauvaise
2 question. La bonne réponse c'est que nous allons gagner. C'est la réponse.
3 La question n'est pas de savoir combien de temps. Je ne sais pas combien de
4 temps, encore dix ans, encore 20 ans, je ne sais pas. Je ne comprends pas
5 ce que vous me demandez, mais vous devez essayer de me comprendre quand je
6 vous dis que nous nous battrons jusqu'au bout.
7 SOLDATS : [aucune interprétation]
8 JEREMY BOWEN : Ces jeunes hommes, Serbes, Croates et Musulmans, tous
9 soldats de l'armée bosniaque, chantent la mort de Mostar, la ville où des
10 amitiés telles que celles qui les lient étaient possibles. Ils espèrent que
11 leurs enfants pourront être amis. S'ils vivent assez longtemps pour devenir
12 pères."
13 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
14 M. SCOTT : [interprétation]
15 Q. Monsieur Bowen, je vais vous poser encore quelques questions sur ce
16 qu'on vient de voir. Au tout début de ce documentaire, vous dites quelque
17 chose dans le sens que le HVO était aidé et soutenu par le gouvernement
18 croate. Est-ce que vous pourriez nous dire maintenant ce qui vous a fait
19 déclarer une telle chose ?
20 R. Je crois que je vous ai déjà dit que je savais même avant d'arriver à
21 Mostar qu'il y avait des liens entre Mostar et Zagreb. C'est une
22 information que j'ai eue en partie de conversations que j'ai eues avec des
23 personnes à Zagreb, puis aussi lors de mon entretien avec M. Kordic à
24 Busovaca. Pendant que j'y étais, on m'a montré également des papiers
25 d'identité des Croates, des soldats croates, des gens de Zagreb, qui ont
26 pris -- ces papiers ont été pris sur des corps des soldats tués. A part
27 cela, on en parlait tout le temps à Zagreb. On parlait du projet serbe. On
28 en parlait à Belgrade également. Donc, c'était quelque chose dont on
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1 parlait tout le temps. Ce n'était pas un secret. C'était quelque chose de
2 tout à fait habituel.
3 M. STEWART : [interprétation] Je crois que M. Scott n'a pas vraiment cité
4 le témoin. Il a dit, le témoin : "Qu'étant donné que les Croates de Bosnie
5 ont été soutenus et aidés par le gouvernement croate." Je le dis juste pour
6 le compte rendu.
7 M. SCOTT : [interprétation] Bon. Très bien.
8 Q. Revenons maintenant au documentaire. On voit une séquence qui a été
9 réalisée pendant la nuit. On voit un groupe de Musulmans qui traversent le
10 pont. Est-ce que vous vous souvenez de la date ?
11 R. C'était vers la fin du mois de septembre. J'ai quelque part la date, et
12 je pense que vous pouvez la trouver aussi dans ma déclaration de témoin.
13 Peut-être le 29 septembre. Je ne sais pas comme cela. Peut-être --
14 normalement, je mettais toujours une date pour tous les enregistrements, et
15 c'est certainement marqué dans ma déclaration, mais maintenant, je ne me
16 souviens pas précisément de la date.
17 Q. Juste un instant, s'il vous plaît.
18 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, si vous pensez que c'est
19 nécessaire, je vais vous montrez maintenant la déclaration du témoin. Je
20 pense que tous ici soldats le prétoire ont cette déclaration. Je peux la
21 lire, aussi dites-moi ce qu'il faut faire.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous acceptons cela. Il est bien marqué dans
23 sa déclaration que c'était le 29 septembre 1993 dans la nuit. Donc, on peut
24 passer à autre chose. Merci.
25 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Maître Karnavas.
26 Juste un instant.
27 Q. Ce groupe que vous avez vu traverser le pont, cette nuit, dans la nuit
28 de 29 septembre, pourriez-vous dire aux Juges si c'était un groupe -- le
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1 groupe le plus nombreux que vous avez vu traverser le pont pendant votre
2 séjour à Mostar ?
3 R. Oui. J'étais un peu déçu. En fait, quelques nuits avant de cela, on
4 avait dit que je m'étais couché trop tôt pour voir des gens traverser le
5 pont. Alors, là, c'était pour moi une occasion de voir ce qui se passe et
6 de saisir également cette occasion pour discuter avec ces gens. Ecoutez,
7 là, j'ai vu dans le documentaire que quelques-uns de ces gens ont été
8 touchés. Je crois que tout à l'heure, j'ai dit que personne n'a été touché,
9 que c'étaient seulement des tirs d'harcèlement. Vous voyez la mémoire, elle
10 flanche après 14 ans.
11 Q. Je pense qu'avec cela, j'ai fini avec mes questions. Merci beaucoup,
12 Monsieur le Témoin.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vais donner la parole à la Défense.
14 Sur le temps que demandait Me Stewart, j'ai l'impression qu'il y a peut-
15 être eu un malentendu. Dans la décision que nous avions indiquée, c'était
16 une décision sur le temps supplémentaire. En revanche, dans la mesure où
17 nous avons indiqué que la Défense avait globalement une heure 30, si les
18 autres avocats laissent à
19 M. Petkovic tout leur temps, la Défense de Petkovic a une heure 30 devant
20 elle. Voilà c'est ce que nous avons indiqué. Mais à défaut d'accord entre
21 les avocats, nous sommes malheureusement obligés de diviser le temps en
22 six.
23 Bien. Alors qui commence le premier ? Si on divise en six, cela fait
24 15 minutes chacun. Mais peut-être que certains n'auront pas de questions à
25 poser, je ne sais pas.
26 M. STEWART : [interprétation] Je vais le faire, mais comme je ne sais
27 pas ce que vont faire les autres équipes de la Défense, est-ce que je dois
28 m'arrêter au bout de 15 minutes ou profiter plus tard de temps qui restera
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1 éventuellement ?
2 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est suggéré par mon collègue que ce serait
3 que l'on fasse une pause, que pendant les 20 minutes de la pause, la
4 Défense s'entende. Mais j'avais déjà indiqué que, le vendredi que nous
5 avions bloqué, vous permettait les uns et les autres de préparer la
6 semaine, que notamment concernant la venue de ce témoin. Vous pouviez vous
7 réunir entre vous, et savoir qui à titre principal allait mener le contre-
8 interrogatoire de ce journaliste de la BBC. Ce qui évitait aux uns et aux
9 autres de se pencher tous sur les mêmes questions, les mêmes objets,
10 apparemment, vous n'êtes pas ennemis.
11 Là, on va faire une pause pendant 20 minutes. Peut-être qu'entre vous
12 vous allez pouvoir vous mettre d'accord pour savoir qui à titre principal
13 va utiliser le temps. Parce que c'est comme cela qu'il faut travailler,
14 sauf si chacun veut pendant 15 minutes poser des questions. Croyez-moi, en
15 15 minutes, on peut poser beaucoup de questions. Donc, on fait la pause
16 pendant 20 minutes et nous reprendrons dans 20 minutes.
17 M. STEWART : [interprétation] Avant la pause, je ne ferai aucun
18 commentaire maintenant sur ce que vous venez de dire, mais pourrions-nous
19 demander la question suivante : le Procureur a utilisé une heure et demie
20 avec le documentaire, une heure et demie c'est plutôt long, alors, est-ce
21 que le Procureur a vraiment utilisé une heure et demie ou pas ?
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a utilisé une heure 34, tout compris. Une
23 heure 34, j'ai le décompte du Greffier.
24 M. STEWART : [interprétation] Bien. J'ai posé la question, je ne vais pas
25 maintenant faire un problème de ces quatre minutes qu'on pourrait
26 éventuellement partager entre nous six pour gagner chacun 40 secondes.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, nous faisons la pause pendant 20 minutes.
28 --- L'audience est suspendue à 17 heures 24.
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1 --- L'audience est reprise à 17 heures 46.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Stewart, vous avez la parole puisque
3 vous êtes debout.
4 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis debout
5 car j'anticipais cela. Je pense qu'il faut apporter une correction dans le
6 compte rendu d'audience car j'ai parlé de 40 secondes et non pas de 40
7 minutes avant la pause, et il y a une différence entre les deux, bien sûr.
8 J'ai réservé ma position avant la pause.
9 Je souhaite dire maintenant que je comprends ce que vous proposez,
10 Monsieur le Président, mais ce n'est pas réaliste. Il n'est pas réaliste de
11 s'attendre à ce que six équipes de la Défense se réunissent pour discuter
12 de telle manière. Pendant la dernière pause nous avons passé notre temps
13 avec notre client, ce qui était prioritaire pour nous. Mais, s'il vous
14 plaît, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, imaginez les six équipes
15 de la Défense se réunissant pour discuter des questions qui vont poser
16 pendant le contre-interrogatoire et les sujets qui vont couvrir. Tout
17 simplement, ceci n'est pas réaliste nous ne pouvons pas faire ceci. Nous
18 finirons par avoir des espèces d'échange de monnaie, mais il faut nous
19 comprendre et avoir de l'indulgence. Nous ne pouvons pas avoir plus de
20 temps que 15 minutes. Je reviens à ce que j'ai dit au début, ces 15 minutes
21 ne suffisent pour personne pour mener le contre-interrogatoire. Vous savez,
22 si ces six personnes veulent parcourir 12 kilomètres, cela ne nous aide
23 pas. Si vous dites qu'il faut que chacun fasse juste deux kilomètres, les
24 choses ne peuvent pas se passer ainsi. Cela ne fonctionne pas efficacement.
25 Je sais que ceci s'est fait par le passé et j'en ai parlé avec Me Alaburic,
26 qui m'a dit qu'effectivement, on avait accepté cet arrangement mais on s'y
27 est opposé lorsque l'on considérait que ceci était nécessaire, et à
28 présent, on considère qu'il est nécessaire de demander plus de temps car
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1 ceci n'est vraiment pas satisfaisant.
2 Je souhaite si quelqu'un souhaite ajouter quelque chose par rapport à
3 de tel contre-interrogatoire.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Un instant, s'il vous plaît. Avant -- pendant qu'il
5 parlait, je regardais les six documents de la Défense Petkovic. Je me
6 disais que pendant le temps qu'il parle, j'avais moi largement le temps
7 d'introduire les six documents au témoin. Voilà, c'est tout.
8 Alors, Maître Karnavas, si vous voulez continuer à perdre le temps,
9 continuez, alors que c'est du temps qui aurait permis de poser des
10 questions utiles au témoin journaliste.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Monsieur le
12 Président. Mais je souhaite dire pour le compte rendu d'audience que cet
13 homme a parlé d'un grand nombre de sujets qui concernent l'acte
14 d'accusation, tels que l'entreprise criminelle commune, ensuite les
15 attaques répandues et systématiques, conflit armé international. Je
16 souhaite dire que nous avons passé environ 47 minutes à visionner une
17 cassette vidéo que nous avions déjà vue avant de venir ici. Nous aurions pu
18 faire ceci à un autre moment, lorsque nous avions plus de temps pour
19 libérer plus de temps pour le contre-interrogatoire. Je pense que ceci
20 n'est pas la meilleure manière d'utiliser le temps de la part de
21 l'Accusation, et que c'est nous les victimes maintenant puisque nous
22 n'avons plus suffisamment de temps pour contre-interroger cet homme.
23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite dire que
24 la Défense de Petkovic, comme les autres, a le droit à la fois de contre-
25 interroger le témoin et d'avancer ces arguments et faire des propositions.
26 C'est ce que j'ai fait de manière appropriée à mon avis. A mon avis, il ne
27 faut pas nous obliger à agir différemment en nous disant que nous sommes en
28 train de perdre le temps. Nous ne perdons pas notre temps même si la
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1 proposition soit rejetée.
2 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte rendu
3 d'audience, je souhaite dire que je suis absolument d'accord avec les
4 observations de mes confrères. Je partage totalement leur avis. Je ne
5 souhaite pas perdre notre temps en disant plus que cela sauf si ce n'est
6 pour ajouter qu'à notre avis chaque Défense ici est indépendante et a le
7 droit de contre-interroger chacun des témoins qui concernent son client de
8 la manière la plus appropriée, selon la Défense. Seulement à chaque fois
9 qu'il est possible, nous trouvons un accord entre nous, mais nous ne
10 pouvons pas échanger le temps entre nous et faire du commerce avec le temps
11 entre nous.
12 Chacun d'entre nous mérite d'avoir l'occasion de poser des questions
13 qui sont pertinentes pour son client par rapport à l'acte d'accusation. Du
14 point de vue de chacun d'entre nous, plusieurs sujets d'importance cruciale
15 dans l'acte d'accusation ont été relevés par ce témoin.
16 Il ne nous est pas possible de faire cela de manière convenable en 15
17 minutes.
18 M. MURPHY : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite dire pour
19 le compte rendu d'audience également que je suis d'accord avec ce qui a été
20 dit par Me Stewart. Je ne souhaite pas prendre plus de temps pour ajouter
21 quoique ce soit d'autre.
22 M. SCOTT : [interprétation] Je souhaite me prononcer pendant une minute,
23 Monsieur le Président.
24 Ce que dit Me Karnavas, ce n'est pas approprié. Nous avons exactement
25 utilisé le temps qui nous a été alloué par la Chambre de première instance.
26 Nous avons demandé deux heures, nous avons eu une heure et demie. Nous
27 l'avons respecté. Quoique nous fassions, c'est erroné, si nous présentons
28 les documents publiquement on est critiqué, si on ne le fait pas
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1 publiquement, on est critiqué de nouveau. Nous essayons de faire de notre
2 mieux. Encore une fois, nous avons passé 20 minutes en traitant de cela
3 mais il n'est vraiment pas nécessaire de faire ceci tous les jours même si
4 c'est un sujet important. Merci.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre a délibéré une décision que vous
7 commencez pendant le quart d'heure que vous avez. Si, ensuite, il reste des
8 questions importantes, nous aurons toujours la possibilité d'être flexible,
9 mais encore, faut-il que nous puissions estimer la pertinence et l'intérêt
10 des questions parce que si c'est pour parler de tout et de rien, ce n'est
11 pas important. Donc, commencez et nous verrons si, effectivement, il vous
12 manque du temps pour aborder certaines questions qui sont nécessaires.
13 Je rappelle, sans faire des références précises à des décisions
14 rendues par la Chambre d'appel, que le contre-interrogatoire n'est pas un
15 droit absolu. Le contre-interrogatoire doit obéir à certaines contraintes
16 qui sont, qu'il doit y avoir dans les questions un lien avec les questions
17 posées par l'Accusation, voire les questions posées par les Juges, et
18 cetera.
19 Donc, commencez, et on verra si, effectivement, sur ce que vous
20 n'avez pas pu poser comme question, s'il est nécessaire de vous accorder du
21 temps supplémentaire.
22 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Contre-interrogatoire par M. Stewart :
24 Q. [interprétation] Monsieur Bowen, je suis sûr que vous avez trouvé cela
25 intéressant.
26 Monsieur Bowen, vous avez certainement conclu que Me Alaburic et moi-même,
27 nous représentons M. Petkovic, qui était debout tout à l'heure.
28 Dans le documentaire, Monsieur Bowen, vers la fin de votre déposition, vous
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1 avez demandé à M. Humo -- vous avez dit : "Si vos efforts militaires
2 étaient sapés par le président Izetbegovic, qui signerait un accord de paix
3 indiquant que, pour le moment, nous avons un cessez-le-feu, maintenant,
4 nous allons arrêter les combats; est-ce que vous l'auriez accepté" ?
5 Afin de clarifier quelque chose, est-ce que cette partie de votre
6 documentaire se fond sur les enregistrements qui ont été effectués lors de
7 votre deuxième visite, à Sarajevo en 1993 ?
8 R. Toutes les interviews avec Humo ont été enregistrées lors de cette
9 deuxième visite, oui.
10 Q. Est-ce que vous vous souvenez, ou est-ce que vous savez qu'en fait, il
11 y avait déjà à cette époque-là, au moment où vous êtes rentré à Mostar un
12 papier signé par Izetbegovic et Tudjman, une déclaration conjointe de
13 cessez-le-feu ?
14 R. C'est votre document ici.
15 Q. C'est l'un des documents, oui, absolument. C'est le document P 050051.
16 C'est le premier document du lot.
17 R. Oui. Je l'ai parcouru brièvement, mais j'ai constaté en suivant les
18 quatre années de guerre en Bosnie, en ex-Yougoslavie avant 1991 et 1995
19 qu'il y avait souvent des cessez-le-feu qui n'étaient pas suivis d'effet
20 sur le terrain. J'ai presque perdu le compte du nombre de fois où on
21 écoutait à la BBC ou World qui disait qu'un cessez-le-feu a été signé à un
22 certain endroit alors qu'en même temps il y avait des pilonnages qui se
23 déroulaient. Donc, un journaliste, en tant que journaliste sur le terrain,
24 je n'ai jamais accordé beaucoup d'importance à ces récits de ce qui a été
25 signé par exemple à Genève ou ailleurs car je voyais ce qui se passait sur
26 le terrain.
27 Q. Mais vous saviez qu'au moment de cet échange avec M. Humo, ce papier
28 avait été signé, une semaine plus tôt ?
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1 R. Je ne me souviens pas en détail, et en particulier, mais j'ai
2 l'impression que souvent, il y avait ce genre d'accord de cessez-le-feu qui
3 n'était pas suivi d'effet. Mon analyse de journaliste de la politique de
4 cessez-le-feu était que souvent, c'était le résultat de la pression de
5 l'extérieur, que ceci ne reflétait pas vraiment la volonté parmi les
6 protagonistes de la guerre.
7 Q. Est-ce que vous saviez qu'il y avait un accord signé au mois d'août
8 concernant le cessez-le-feu mais il s'agissait en réalité d'un plan sérieux
9 de la part de l'ABiH qui souhaitait profiter de cela pour lancer une
10 offensive contre le HVO ?
11 R. Je n'étais pas au courant de leur projet, mais je trouvais cela
12 intéressant. Si j'examine ce document car, bien sûr, les déclarations
13 conjointes rendues publiques auxquelles nous avions accès disaient autre
14 chose, mais nous n'avions pas accès aux ordres militaires confidentiels.
15 Donc, je ne savais pas cela. Avant d'aller à Mostar, je suis allé au bureau
16 de Rasim Delic à Sarajevo, par exemple, et nous n'avons pas eu de telles
17 informations. Donc, je ne savais pas qu'il y avait des plans d'offensive.
18 Q. L'action, que vous décrivez dans le documentaire sur la colline Hum,
19 s'agissait là d'une action réussie du point de vue de l'ABiH. L'action
20 avait réussi presque, mais ensuite, suite aux ordres donnés par Sarajevo,
21 ceci s'est arrêté, dans le cadre de l'opération Neretva 1993; vous vous en
22 souvenez ?
23 R. Je n'ai pas entendu le mot de code. Non, jamais.
24 Q. Est-ce que vous vous souvenez, n'est-ce pas, que quelques jours avant
25 votre arrivée là-bas, il y a eu des discussions de paix et de déclarations
26 selon lesquelles il y avait eu une continuation des activités d'offensive
27 lancée par l'ABiH ?
28 R. Oui. Ils ont dit qu'il y avait une attaque qui se déroulait. Il y avait
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1 une guerre qui se déroulait. Je n'ai jamais essayé de suggérer que seule
2 une partie attaquait l'autre. Il s'agissait d'une guerre réciproque entre
3 deux parties.
4 Personnellement, j'aurais aimé pouvoir couvrir le côté des Croates de
5 Bosnie en détail aussi, mais j'ai eu la possibilité de couvrir ce qui se
6 passait du côté du gouvernement de Bosnie-Herzégovine car je n'avais pas
7 accès ailleurs. J'y suis allé surtout afin d'envoyer des rapports
8 concernant ce qui se passait à un certain moment. C'est ainsi que je voyais
9 mon travail.
10 Q. Est-ce que vous savez qu'un ordre a été donné par M. Delic le 30
11 septembre ? Est-ce que vous le savez ?
12 R. Le 30 septembre, non.
13 Q. M. Bowen -- peu importe, M. Praljak en parlera.
14 R. Bon.
15 Q. Donc, pour le moment -- c'est à quelle page --
16 R. [aucune interprétation]
17 Q. Peu importe, c'est M. Praljak qui en parlera.
18 R. [aucune interprétation]
19 Q. A la page 24 du transcript du documentaire, vous avez parlé de l'ordre
20 donné par Sarajevo et leur demandant de se retirer puisque le gouvernement
21 souhaitait accepter le signal positif. Vous avez mentionné cela dans votre
22 déposition. Ensuite, vous parlez de l'approvisionnement en munitions. Est-
23 ce qu'il est exact de dire que d'habitude on pensait que l'idée d'acheminer
24 les munitions était une idée importante, qu'il était important pour l'ABiH
25 d'acheminer les munitions à Mostar ?
26 R. Cela dépend de ce que vous voulez dire par le terme substantiel. Bien
27 sûr, on les envoyait dans la mesure du possible. Ils utilisaient des
28 caravanes de chevals, comme celui que j'avais emprunté. Mais il s'agissait
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1 souvent des obus de mortier.
2 Ils avaient des outils pour s'acquitter de leur mission, dans une
3 certaine mesure. Puis, ils avaient des armes d'infanterie assez légères,
4 mais ils n'avaient pas vraiment d'armes lourdes.
5 Q. Mais ils étaient certainement en mesure de mener une offensive de
6 manière concertée, n'est-ce pas ?
7 R. Ils étaient très motivés et ils se battaient dans cette guerre
8 d'une manière bien efficace. Comme il est caractéristique de la première
9 année de la guerre du point de vue du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, à
10 vrai dire, je pense que la situation était assez chaotique. J'ai été
11 impressionné de voir qu'à Mostar Est, les forces de l'ABiH étaient bien
12 organisées. Ils agissaient de concert et ils combattaient de manière
13 efficace.
14 Q. Dans le documentaire, vous parlez des commandants indépendants de
15 Mostar. Vous avez dit qu'ils étaient mécontents face aux ordres émanant de
16 Sarajevo, qu'ils avaient une : "Mentalité indépendante et qu'ils achetaient
17 des armes des Serbes aussi." Lorsque vous dites indépendants dans leur
18 mentalité, j'ai l'impression qu'il s'agit d'un euphémisme. Car en fait, ils
19 allaient à l'encontre des ordres.
20 R. Non, je n'avais pas cette impression-là. Vous savez, par exemple,
21 Pasalic, j'ai eu plusieurs conversations avec lui, et il a dit qu'ils
22 suivaient les ordres, mais ils n'en étaient pas contents. Ils avaient
23 l'impression que les autorités de Sarajevo ne poursuivaient pas la guerre
24 avec la détermination nécessaire. Au fond, ils souhaitaient que les gens de
25 Sarajevo se battent de manière un peu plus féroce.
26 Q. Je souhaite vous poser quelque chose au sujet des événements du 29
27 novembre.
28 R. Septembre.
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1 Q. Septembre, excusez-moi. Dans votre déclaration - je me demande si vous
2 l'avez sous les yeux.
3 R. Non.
4 L'INTERPRÈTE : Peut-on demander aux parties de faire des pauses entre les
5 questions et les réponses ? C'est presque impossible pour les interprètes.
6 M. STEWART : [interprétation]
7 Q. C'est à la page 4 de la déclaration. Il s'agit du deuxième paragraphe
8 où vous dites : "Au cours des deux voyages que j'ai effectués à Mostar Est,
9 en août et septembre 1993, il y a eu presque toujours et constamment des
10 Musulmans qui venaient à Mostar Est depuis la partie ouest ou d'autres
11 parties de la région. Parfois, le nombre de Musulmans qui entraient à
12 Mostar Est augmentait de manière dramatique. Ces gens-là étaient expulsés
13 de chez eux et des villages, par les forces croates de Bosnien. Le 'Travail
14 non terminé,' le documentaire contient une séquence pendant la nuit du 29
15 septembre 1993, portant sur un grand nombre de Musulmans qui étaient
16 expulsés et qui sont venus à Mostar Est.
17 "Pendant cette nuit-là, approximativement 200 personnes ont été
18 expulsées à Mostar Est."
19 Dans le documentaire, il est question 500 personnes et vous dites dans la
20 déclaration 200 personnes. Comment expliquez-vous cette différence ?
21 R. Je pense qu'encore une fois, ma mémoire m'a joué un mauvais tour. J'ai
22 écrit le script du documentaire sur la base des cahiers -- des notes que
23 j'avais trois semaines au maximum après les événements, alors que la
24 déclaration était faite quelques années plus tard.
25 Q. Ce n'est pas à cause de cela.
26 R. C'est qu'au bout de sept, huit ans après les événements. Donc, c'était
27 certainement ma mémoire qui m'a joué un mauvais tour. Personnellement, je
28 pense que le numéro donné dans le documentaire est plus précis.
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1 Q. 500, alors. Ensuite, dans votre déclaration, vous continuez en disant :
2 "Avec les forces croates de Bosnie qui tiraient au-dessus de leurs têtes
3 pendant qu'ils traversaient un petit pont au-dessus de la Neretva pour
4 aller à Mostar Est."
5 Pour clarifier quelque chose, dans le documentaire, vous ne parlez pas du
6 tout de ces tirs au-dessus de leurs têtes. Comment est-ce qu'on peut
7 expliquer cela par rapport à ce que vous avez dit à la Chambre ce matin ou
8 cet après-midi ?
9 R. Vous savez, il s'agit de la différence entre lorsque l'on tire dans la
10 tête de quelqu'un ou au-dessus des têtes. Car le lendemain, on a vu dans le
11 film qu'il y avait un cadavre de quelqu'un qui avait été tué dans le "no
12 man's land."
13 Q. Vous parlez de la femme ?
14 R. Oui. C'était sur la route qu'ils prenaient d'habitude, et cela a été
15 fait par un tireur embusqué compétant.
16 Q. [aucune interprétation]
17 R. Le lendemain -- ils ont dit qu'ils étaient venus le lendemain, et ces
18 gens-là avaient pris la route habituelle et ils ont vu le cadavre qui
19 gisait par terre.
20 Q. Vous avez dit aujourd'hui, au cours de l'interrogatoire principal, que
21 personne n'avait été touché lorsqu'ils traversaient la rivière.
22 R. J'ai parlé du moment où ils traversaient la rivière.
23 Q. Vous avez dit que personne n'avait été touché par une balle.
24 D'ailleurs, la position n'était pas tellement qu'il y avait des Musulmans à
25 l'est de la rivière, mais il était question plutôt de ligne de front des
26 Musulmans qui était de l'autre côté de la Neretva, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Alors --
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1 R. Vous connaissez la carte aussi bien que moi.
2 Q. Pendant cette nuit-là, il y avait 500 personnes --
3 R. Je vous interromps. Tous ces numéros que -- que ces nombres que les
4 journalistes vous donnent se fondent sur les estimations à l'époque. Ce
5 n'est pas vraiment de la science. Certainement, je ne les ai pas comptés
6 personnellement.
7 Q. Je ne suggère pas autre chose, Monsieur Bowen.
8 R. D'accord.
9 Q. J'accepte que c'était entre 200 et 500.
10 R. Certainement.
11 Q. Vous dites 500, mais vous auriez pu dire quelques centaines de
12 personnes ?
13 R. Oui.
14 Q. Il serait possible de dire, n'est-ce pas, que certains d'entre eux
15 avaient été touchés par balle, mais si tel était le cas, si quelqu'un avait
16 été touché par balle, vous en auriez parlé dans votre documentaire ?
17 R. Non, car comme je l'ai dit dans ma déposition souvent il y avait des
18 balles qui passaient au-dessus de leur tête pendant qu'ils traversaient la
19 rivière. Je suis absolument d'accord pour dire qu'il y avait des forces de
20 l'ABiH des deux côtés de la rivière, et vous savez, avec une kalachnikov,
21 on peut tirer à une distance de 600 mètres, donc, je pense qu'un bon soldat
22 pouvait tirer à une telle distance, donc, je n'avais pas de raison de
23 supposer qu'ils tiraient sur leur propre population.
24 Q. Monsieur Bowen, excusez-moi, vous avez dit aujourd'hui au fond qu'ils
25 n'essayaient pas vraiment de tuer les gens, alors que dans le documentaire
26 vous dites sans équivoque qu'ils essayaient de tuer les enfants et les
27 femmes alors que c'est de ce que vous avez dit dans votre déposition.
28 R. Bien, je pense que je me suis trompé dans mes souvenirs, je me souviens
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1 qu'il y avait des tirs, il y avait des coups de feu qui passaient au-dessus
2 de ma tête. Je me souviens du sifflement, donc j'avais l'impression peut-
3 être qu'ils n'essayaient pas de tuer quelqu'un, et je me souviens que ce
4 soir-là je n'avais pas mon gilet par balle, ni ma casque, et j'ai entendu
5 des balles qui sifflaient autour de moi. Donc, je suppose que j'ai conclu
6 qu'ils souhaitaient tuer quelqu'un, mais peut-être ils n'ont pas réussi à
7 tuer qui que ce soit.
8 Peut-être au bout de toutes ces années je donne plus de mérite au HVO
9 qu'ils ne le méritent réellement.
10 Q. Je m'excuse parce que, par amabilité aux courtoisies, je ne veux pas
11 vous interrompre, mais il y a quand même la pression du temps.
12 R. Je m'excuse.
13 Q. Non, non, ce n'est pas un problème.
14 Alors, voilà ce que j'aimerais vous dire. Ce matin, ce que vous avez me
15 semblait tout à fait logique, étant donné de l'endroit où ils se
16 trouvaient, bon, faisons abstraction de cette pauvre femme pour le moment,
17 mais le fait est que personne n'a été tué, à ce moment-là. Est-ce que cela
18 n'indiquait pas qu'ils n'avaient pas l'intention de tuer quiconque parce
19 qu'en fait, je pense qu'il aurait été exact de dire de façon subtile que ce
20 n'est pas ce qu'ils essayaient de faire.
21 R. Je dirais qu'il faudrait peut-être ne pas oublier le cadavre de cette
22 femme --
23 Q. Oui, oui, c'est vous qui avez omis cela lors de votre déposition.
24 R. Oui. Pour être très honnête avec vous, je pense que j'avais oublié
25 cette photo. Cela faisait un moment que je n'avais pas vu ce film, mais
26 étant donné que -- de toute façon il vaut mieux s'en tenir à ce que l'on a
27 dit au moment des événements plutôt que 14 ans plus tard.
28 Q. Très bien.
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1 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je n'oublie pas
2 l'heure qui passe. Je pense que c'était un sujet extrêmement important à
3 propos duquel j'ai posé des questions, alors, est-ce que je peux poursuivre
4 avec mon sujet suivant -- le thème suivant, Monsieur le Président ?
5 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est quoi votre thème suivant ?
6 M. STEWART : [interprétation] Je vais essayer d'aller vite en besogne pour
7 vous le décrire mais il s'agit des références qui sont faites dans le
8 documentaire aux Croates et il y a d'autres termes qui sont inusités pour
9 parler des Croates. Monsieur le Président, je vais -- cela ne devrait pas
10 durer très, très longtemps.
11 Q. Monsieur Bowen, vous avez fait référence aux Croates de Bosnie et vous
12 avez fait et ce n'est pas une critique de ma part d'ailleurs vous faites
13 référence aux Croates et aux ennemis croates, et cetera, à un tireur
14 embusqué croate, puis à la page 17 du compte rendu, là, nous voyons qu'il y
15 a une référence qui est faite aux extrémistes croates puis ensuite vous
16 parlez de gangs de Croates et vous utilisez cette expression des gangs de
17 Croates pour indiquer qu'il s'agit de personnes qui ont expulsé les autres
18 de Mostar puis vous dites -- vous parlez de la brutalité des expulsions qui
19 permet de comprendre qu'une solution de compromis avec les extrémistes
20 croates n'est ni souhaitable, ni désirable.
21 Alors, premièrement, j'aimerais savoir ce que vous entendiez lorsque vous
22 parliez des extrémistes croates car c'est la seule fois dans ce script du
23 documentaire que vous utilisez cela.
24 R. Oui, c'est assez véhément comme formule parler de gangs et
25 d'extrémistes, c'est assez véhément et lapidaire. Je suis d'accord avec
26 vous. Mais j'ai probablement interrogé des douzaines de personnes, et il
27 n'y a que quelques secondes qui ont été diffusées, il s'agissait
28 d'entretiens avec des personnes qui avaient été expulsées par des groupes
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1 de jeunes hommes armés qui les avaient expulsées très brutalement de leurs
2 foyers en pleine nuit avec leurs femmes, leurs enfants, et les personnes
3 âgées, et là, je ne peux parler que de groupes ou de gangs de jeunes hommes
4 armés qui les ont chassés de leurs foyers. Alors, c'est peut-être
5 percutant, mais c'est ce qui s'est passé. Puis, en pleine guerre en Bosnie,
6 il ne faut pas oublier que le terme de "nettoyage ethnique" était souvent
7 utilisé. C'est un concept qui était très bien connu, et je pensais que les
8 groupes, qui pratiquaient le nettoyage ethnique, pratiquaient une forme
9 très extrémiste d'action politique parce qu'ils essayaient de modifier la
10 composition ethnique des lieux par la force et la contrainte, et au vu des
11 circonstances, je pensais que je pouvais parler de comportement extrême.
12 Q. Lorsque vous parlez des extrémistes croates vous ne parlez pas des
13 autorités classiques et régulières si vous voyez de quoi je parle ?
14 R. Non, je parlais des personnes qui étaient responsables, des personnes
15 qui sur une telle échelle se comportaient de la sorte. Au vue de l'échelle
16 des événements on ne pouvait pas décrire ces événements comme des
17 événements fortuits. Tout cela était orchestré puisque cela se passait avec
18 tant de régularité qu'il fallait bien que cela soit coordonné c'est ce que
19 je voulais dire. Ceux qui donnaient les ordres aux gens pour qu'ils
20 expulsent la population civile de leurs foyers en pleine nuit en les
21 menaçant de leur fusil, en rouant de coups les hommes et n'oubliez pas la
22 femme qui a été interrogée, elle nous a dit que ses deux fils avaient eu la
23 gorge tranchée, ils ont été tués d'après ses dires, d'après ses propos. Il
24 y avait de nombreuses anecdotes de ce style d'hommes qui avaient été
25 chassés et qui n'ont plus jamais été revus.
26 Je pensais que l'utilisation du mot extrémiste était tout à fait
27 judicieuse.
28 Q. Vous dites qu'une solution de compromis avec les extrémistes croates
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1 n'était ni possible ni désirable. Donc, une solution avec les personnes --
2 et il y a une certaine autorité, cela aurait quand même été souhaitable.
3 R. Ce que j'essayais de relayer comme message en utilisant cette formule
4 et peut-être que je n'étais pas assez suffisamment percutant d'ailleurs et
5 c'est mon point de vue, certes, mais c'est l'impression dégagée -- que j'ai
6 dégagée en voyant les défenseurs musulmans de Mostar Est. Eux étaient
7 d'avis que ce n'était pas la peine d'envisager des solutions de compromis
8 avec des personnes qui étaient capable de faire ce genre de chose.
9 Q. Alors, vous parlez de nettoyage ethnique c'est un peu comme, bon, un
10 modèle -- un titre puisqu'il y a quelque sorte d'un cliché, si c'est un
11 jargon vous utilisez --
12 R. Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire.
13 Q. Dans votre script, pour chaque scène supplémentaire, que c'est votre
14 script plutôt que le script de quelqu'un d'autre.
15 R. Non, c'est moi qui l'ai rédigé.
16 Q. Vous mettez militaire/paramilitaire -- les différents thèmes qui
17 correspondent sur les différentes pages. Je ne sais pas si vous voulez
18 avoir un exemplaire. Je pensais que vous aviez vu le script.
19 R. Je l'ai, je l'ai le script en face de moi.
20 Donnez-moi une page.
21 Q. Page 17. Regardez à la fin de la page. Vous voyez ce qui est marqué,
22 viol, oui, militaire/paramilitaire. Oui.
23 R. Je sais que c'est en français.
24 Q. C'est en anglais aussi.
25 R. En anglais, oui, oui, je m'excuse. Cela y est je l'ai trouvé.
26 Voilà, je l'ai trouvé en anglais.
27 Je pense que cela a été ajouté par le Tribunal. Cela n'est pas mon script.
28 C'est une transcription qui a été préparée par le Tribunal.
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1 Q. Alors, voilà, d'où la confusion dans mon esprit.
2 R. Si seulement vous pouviez être organisé. Ce serait merveilleux.
3 Q. Alors, je retire la question. Pour ce qui est du nettoyage ethnique, il
4 ne s'agit pas donc de ce qui est indiqué dans le document, mais je parle de
5 votre document; est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que le
6 concept ou le terme de "nettoyage ethnique" correspond à un incident
7 perpétré par un petit groupe, un incident brutal, et cela vous le décrivez
8 donc dans le documentaire. Puis, vous avez - alors, cela c'est un exemple -
9 puis, vous pouvez également avoir englobé dans cette définition du
10 nettoyage ethnique une campagne orchestré, une politique à très haut
11 niveau ?
12 R. Vous savez, vous pouvez utiliser des mots qui décrivent ce genre de
13 politique s'il s'agit d'un comportement répété -- si cela se produit
14 plusieurs fois, s'il n'y a qu'un événement, s'il y a une seule famille qui
15 avait été expulsée par un groupe d'hommes armés je n'aurais probablement
16 pas parlé de nettoyage ethnique. Mais étant donné que cela se passait si
17 fréquemment et non pas seulement à ce moment-là et non pas seulement sur ce
18 théâtre de guerre, mais il faut savoir que le concept du nettoyage ethnique
19 était un concept que les gens comprennent, et je pense que la meilleure
20 définition correspond à une politique générale et globale. Toute politique
21 se subdivise en actions.
22 Q. Monsieur le Président, si j'avais la possibilité de contre-interroger
23 quelqu'un, ce serait M. Scott que je souhaiterais interroger, à propos de
24 l'utilisation de ces titres.
25 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, puisqu'il est question
26 de moi, je dirais que le script que vous avez est celui que nous avons reçu
27 de la BBC. Apparemment, c'était un système d'indexation utilisé par la BBC.
28 Vous voyez la page première de la version anglaise : archives vidéo et base
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1 de données. C'est ce qui est marqué à la page première. Je pense que, comme
2 toute organisation -- la BBC doit traiter un grand nombre de données
3 d'information, donc ils ont des archives qui sont codifiés.
4 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
5 M. SCOTT : [interprétation] Ce n'est pas le bureau du Procureur qui a fait
6 cela. Nous nous sommes contentés de reprendre exactement ce qui avait été
7 reçu par la BBC.
8 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
9 M. STEWART : [aucune interprétation] C'est très bien parce que comme cela,
10 je n'ai pas besoin de présenter une requête pour procéder au contre-
11 interrogatoire de M. Scott. C'est une très bonne chose. Monsieur le
12 Président --
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Mes collègues estiment que vous avez épuisé votre
14 temps de parole et qu'il faut que vous arrêtiez. Quelle question vous
15 vouliez poser d'utilité pour les Juges ?
16 M. STEWART : [interprétation] --
17 M. LE JUGE ANTONETTI : N'oubliez pas que les questions que vous posez,
18 c'est pour qu'il y ait un résultat sur les Juges.
19 M. STEWART : [interprétation] Oui, pour les Juges et puisque nous assurons
20 la défense de M. Petkovic, donc c'est à double but. Je sais que M. Petkovic
21 souhaite également poser quelques questions brèves. Mais tout ce que je
22 voulais demander au témoin -- en fait, Monsieur le Président, puisque le
23 témoin ne semble pas savoir à quoi correspondent ces titres, puisque je le
24 vois le témoin hocher du chef de façon négative, je ne vais pas insister.
25 Une bonne nouvelle pour vous, apparemment M. Petkovic n'a pas de questions
26 à poser. Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps supplémentaire. Je
27 vous suis extrêmement reconnaissant.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : J'étais prêt à donner la parole à Petkovic, mais
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1 s'il n'a pas de questions à poser alors passons à la suite. Me Karnavas qui
2 tournait la tête en tout sens. Maître Tomic.
3 Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs
4 les Juges, nous n'avons pas de questions pour ce témoin. Nous avons passé
5 notre temps à l'autre équipe de la Défense.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ibrisimovic.
7 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Nous avons donné notre temps à la Défense
8 de M. Praljak aussi.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
10 Maître Karnavas.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
12 bonjour à nouveau. J'aimerais avoir la possibilité de poser quelques
13 questions, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
14 Contre-interrogatoire par M. Karnavas :
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
16 R. Bonjour.
17 Q. Je vais aller à l'essentiel et je vais dans un premier temps
18 m'intéresser au titre de votre documentaire intitulé "Affaire à régler." Je
19 pense que c'est tout à fait approprié, parce que manifestement vous n'avez
20 jamais entendu l'autre version, la version de l'autre camp, donc c'est tout
21 à fait quelque chose qui n'a pas été réglé.
22 R. Nous l'avons intitulé affaire à régler ou affaire à suivre parce que la
23 guerre n'était pas terminée.
24 Q. Mais vous n'êtes jamais allé demander à l'autre camp.
25 R. Le producteur a essayé de le faire avant que nous ne commencions à
26 filmer, pour essayer d'avoir les mêmes dispositions que celles qui étaient
27 prises du côté de l'ABiH, mais comme je l'ai déjà dit auparavant,
28 malheureusement la coopération n'a pas été des meilleures.
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1 Q. C'est ce que vous dites. Est-ce que vous savez si d'autres journalistes
2 britanniques ont pu aller voir l'autre camp et obtenir des informations
3 sans problème ?
4 R. Peut-être. Mais de toute façon, c'était assez irrégulier.
5 Q. Vous personnellement, est-ce que vous avez fait des efforts ? Non pas
6 votre producteur, mais vous maintenant, c'est à vous que je m'adresse. Vous
7 avez fait des efforts ?
8 R. Pas dans le cadre de ce voyage, parce que mon producteur était allé
9 pour prendre les dispositions et donc je ne l'ai pas fait.
10 Q. Nous allons procéder par étape.
11 R. Bien.
12 Q. Vous étiez dans le pays depuis un certain temps. En 1992, vous y étiez.
13 Vous aviez eu la possibilité de rencontrer M. Kordic.
14 R. Oui.
15 Q. Vous entendez parler de cette histoire en août 1993 et vous dites que
16 vous allez voir de quoi il s'agit.
17 R. Oui.
18 Q. Vous entendez parler du chemin Ho Chi Minh, mais vous dites pourquoi
19 pas, allons-y, et c'est justement ce que vous avez fait.
20 R. Oui.
21 Q. Avant de vous rendre là-bas, est-ce que vous avez essayé d'obtenir des
22 informations auprès des Croates pour voir si vous pouviez peut-être obtenir
23 leur point de vue ? Parce que vous n'obteniez qu'une version des
24 événements.
25 R. Vous parlez du premier séjour ?
26 Q. Oui, du premier séjour.
27 R. Non. Ce que j'ai essayé de faire --
28 Q. Non, non. Par étape.
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1 R. Oui, j'essaie de répondre à vos questions.
2 Q. Donc, vous vous rendez sur place, vous voyez qu'il y a en effet quelque
3 chose à en tirer. Vous avez probablement déjà archivé certaines idées à la
4 suite de votre séjour, et puis là vous décidez d'y retourner et de faire
5 cette vidéo; c'est cela n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Avant de retourner à Mostar, vous-même - je sais que vous avez un
8 producteur - mais vous-même, est-ce que vous avez fait quelques recherches
9 à propos de Mostar ?
10 R. Oui, j'ai fait quelques recherches. Je n'en ai pas fait beaucoup entre
11 les deux voyages parce que j'en revenais, donc j'étais en train de
12 récupérer.
13 Q. Bien. Est-ce que vous avez, par exemple, essayé de savoir qui faisait
14 partie de l'autre camp, quelle était la structure politique qui existait ?
15 R. Oui.
16 Q. Cela, vous l'avez fait ?
17 R. Oui. J'ai obtenu des informations et je les ai lues.
18 Q. Vous avez lu tous ces documents. Est-ce que vous avez fait, par
19 exemple, des efforts pour contacter M. Boban pour voir s'il vous aurait
20 donné la permission d'aller à Mostar Est ?
21 R. Non. Personnellement, non.
22 Q. Est-ce que vous savez si votre producteur l'a appelé ?
23 R. Je n'en sais absolument rien.
24 Q. Est-ce qu'il vous a jamais dit exactement qui il avait contacté et qui
25 lui avait opposé refus ?
26 R. S'il l'a dit, je ne m'en souviens pas. Je sais qu'il a passé plusieurs
27 jours pour essayer d'obtenir des résultats.
28 Q. Très bien. Où se trouvait-il pendant cette période ?
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1 R. Je pense qu'il était descendu dans un hôtel à Medjugorje et qu'il
2 allait dans le quartier ouest de Mostar.
3 Q. S'il vous avait donné le nom de la personne qu'il avait vue, en
4 commençant par les gens du HVO, de la direction du HVO, ou leur supérieur
5 hiérarchique, il vous aurait donné les noms de ces personnes ?
6 R. Ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent. C'est un de mes
7 collègues particulièrement estimé. J'ai entièrement confiance. Il m'a dit :
8 Cela fait deux jours que j'essaie et je n'ai rien obtenu. Je n'ai pas à le
9 contre-interroger. J'ai cru tout simplement ce qu'il me disait.
10 Q. Est-ce que vous avez essayé d'appeler M. Kordic pour voir s'il aurait
11 pu vous être utile ?
12 R. Il n'y avait pas de téléphones. Si M. Kordic avait un numéro de
13 téléphone satellite, en tout cas, je ne l'avais pas son numéro de
14 téléphone. Pendant toute la guerre, il n'y a pratiquement pas eu de contact
15 téléphonique.
16 Q. Bien. Vous étiez déjà allé en Bosnie centrale auparavant; c'est ce que
17 vous avez dit.
18 R. Oui, bien sûr.
19 Q. Une fois de plus, je ne veux surtout pas vous piéger. Mais avant
20 d'aller à Mostar, vous saviez quel allait être -- vous aviez un plan en
21 tête. Vous êtes d'accord ? Puisque vous hochez du chef.
22 R. Oui, oui.
23 Q. Mais il faut que vous nous l'indiquiez pour que cela soit consigné.
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Je n'essaie pas d'être particulièrement désagréable. Donc, vous aviez
26 une histoire en tête. Vous aviez deux camps. Vous pouvez répondre, s'il
27 vous plaît.
28 R. Je suis d'accord avec vous. Je savais qu'il y avait deux versions.
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1 Q. L'idée, cela aurait été d'avoir les deux versions justement. C'est ce
2 que vous vouliez faire ?
3 R. Oui, c'est ce que je voulais faire.
4 Q. Aujourd'hui, tout ce que nous savons c'est ce que vous nous avez dit, à
5 savoir que votre producteur vous a dit que vous ne pouviez pas aller de
6 l'autre côté de la ville pour filmer.
7 R. Oui.
8 Q. Bien.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bowen, les questions que
10 Me Karnavas vous pose, je voulais vous les poser parce que je me suis
11 également posé les mêmes questions.
12 Vous êtes un journaliste, disons, haute gamme. Vous travaillez pour la BBC,
13 qui est mondialement connue, et vous avez la chance d'être dans une zone où
14 il se passe des événements importants. A ma connaissance, au mois d'août et
15 septembre, la FORPRONU était aussi dans les parages.
16 Un journaliste de votre renom, de votre compétence, faisant un
17 reportage, il est normal de présenter toutes les faces du problème. Comment
18 se fait-il que vous n'avez pas pris attache avec la FORPRONU pour leur dire
19 : "Est-ce qu'il ne serait pas possible pour moi, représentant le BBC, de
20 traverser de votre côté avec vous pour interroger M. Boban, M. X, Y, ou Z,
21 pour avoir leurs points de vue sur ce que je vois à Mostar Est ?" Cela ne
22 vous est pas venu à l'idée ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas précisément. J'étais en contact avec la
24 FORPRONU plusieurs fois, en fait, le seul contact que j'ai eu avec la
25 FORPRONU quand j'étais à Mostar c'était avec les soldats espagnols qui
26 étaient là. Lorsque vous travaillez pour une organisation importante telle
27 que la BBC c'est que la première fois que je me suis rendu ce n'était pas
28 un documentaire que je faisais. C'était le journal quotidien. Nous avions
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1 également une couverture pour le quartier ouest. Il y avait une équipe de
2 Zagreb qui venait régulièrement à Medjugorje et qui se rendait dans la
3 partie ouest de Mostar. Il y avait une autre équipe également qui se
4 trouvait avec le convoi du HCR qui est arrivé à la fin du mois d'août. Donc
5 je faisais partie d'une grande organisation de nouvelles. Il y avait, par
6 exemple, un caméraman, un Croate, qui -- on l'avait basé à Zagreb. Il avait
7 une motorisée, et il a passé des semaines dans le quartier ouest de Mostar
8 il a parlé aux gens il a pris des photos. Cela c'était pour --
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que jusqu'à présent, cela ne nous était pas
10 très évident que la BBC avait des équipes déployées sur le terrain, une qui
11 couvrait la zone Mostar Ouest, l'une Mostar Est, et d'autres qui avaient en
12 charge les convois humanitaires. Alors, question évidente : est-ce qu'entre
13 membres de cette équipe de la BBC qui était répartie en plusieurs groupes,
14 il y avait entre vous des contacts ? Vous aviez un téléphone satellitaire,
15 je présume que les autres y avaient aussi. Est-ce qu'entre vous vous
16 échangiez des informations ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Les communications étaient
18 particulièrement difficiles même avec un téléphone satellitaire. A
19 l'époque, les téléphones satellitaires étaient véritablement très
20 rudimentaires par rapport à ce que nous avons maintenant. Ils ne
21 fonctionnaient pas très, très bien. Ils utilisaient beaucoup d'énergie, de
22 courant. Nous essayons d'économiser les piles. J'utilisais cela pour le
23 stricte minimum. Il était trop dangereux de l'installer. Il y avait
24 beaucoup de pression et très franchement je ne pense pas que mes collègues
25 font ce qu'ils peuvent. Je fais ce que je peux c'est à Londres concorde.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Mostar Ouest, est-ce que vos collègues auraient
27 pu demandé à une interview à M. Boban, par exemple ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis sûr qu'ils l'ont fait, ils n'étaient
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1 pas constamment pendant tout le mois d'août à Mostar Ouest, mais je sais
2 qu'ils s'y sont rendus pour des visites. Je suis sûr que M. Boban a accordé
3 des entretiens à la BBC pendant cette période. S'il ne les a pas accordés
4 je suis absolument sûr qu'ils lui ont demandé d'en accorder. C'est
5 classique on essayait toujours d'obtenir des entretiens auprès d'une
6 personne qui avait son importance et sa réputation.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que
9 grâce à vous mon contre-interrogatoire sera beaucoup plus bref et je vous
10 suis extrêmement reconnaissant d'avoir posé ces questions.
11 Q. Monsieur, d'après les réponses que vous avez apportées il semblerait
12 que si vous aviez voulu aller de l'autre côté peut-être pas à ce moment
13 précis vous auriez pu le faire ?
14 C'est ce j'ai lit de façon implicite dans votre réponse.
15 R. Est-ce que je peux répondre ?
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien, j'aimerais bien avoir aucune
17 observation désagréable de la part du Procureur parce que le Procureur est
18 en train de faire des observations.
19 M. SCOTT : [interprétation] Parce que vous ne prenez pas en considération
20 ce qui a été dit Monsieur Karnavas.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous pouvez vous lever et présenter des
22 objections.
23 Q. Monsieur, vous, si vous aviez voulu aller faire des efforts. Vous
24 n'avez pas appelé Zagreb. Vous n'avez pas appelé vos contacts. Vous n'avez
25 absolument fait aucun effort et nous avons eu des témoins qui sont venus
26 ici, d'autres Britanniques, d'autres journalistes, qui n'avaient pas votre
27 expérience, mais qui pendant la même période ont pu se rendre à Mostar
28 Ouest et avoir -- et rencontrer les dirigeants des forces croates.
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1 R. Il y a une grande différence entre y aller pour poser quelques
2 questions pour un journal télévisé et y aller pour faire un documentaire.
3 Si je m'étais rendu là-bas avec une équipe de caméraman et si j'étais allé
4 à l'extérieur de leur QG j'aurais peut-être bénéficié d'un entretien. Mais
5 il y a une très grande différence entre obtenir un entretien, une interview
6 et envisager un accès de plusieurs semaines pour pouvoir présenter un
7 documentaire et faire un documentaire. Il faut faire la différence entre un
8 documentaire indépendant et des informations qui sont données dans le
9 journal.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : -- tout à l'heure le documentaire. Techniquement, la
11 BBC aurait pu faire le même documentaire côté Mostar Ouest, le long de la
12 ligne de front. La BBC aurait pu faire un reportage avec des soldats du
13 HVO, qui auraient expliqué pourquoi ils se battaient, pourquoi ils étaient
14 là, et cetera, et cetera. Est-ce que c'était impossible ou possible ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, non, non. C'est
16 justement ce que je voulais dire. Nous avons demandé aux Croates de Bosnie
17 de Mostar Ouest, et ils ont refusé.
18 On aurait bien aimé. J'aurais bien aimé d'aller de l'autre côté de
19 m'entretenir avec ces soldats. Mais quand mon collègue qui est très
20 expérimenté qui était un vétéran dans la profession et qui a fait des
21 documentaires très, très bien quand il a essayé et il n'a pas réussi à
22 obtenir quelque chose, je me suis dit que ce n'était pas la peine de perdre
23 mon temps qui était déjà limité d'aller faire la même demande à cette même
24 personne qui avait refusé auparavant. Voilà.
25 Q. Très bien.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous allez voir à la page 2 094 un autre
27 témoin, M. Jiels a réussi à obtenir une interview le 28 août 1993. Je le
28 dis simplement pour le compte rendu. Cet entretien -- cette interview a eu
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1 lieu à Mostar Ouest avec M. Prlic. Merci.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Avocat suivant, Maître Murphy.
3 M. MURPHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Contre-interrogatoire par M. Murphy :
5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.
6 R. Bonjour.
7 Q. Aujourd'hui, en montrant dans le prétoire juste après vous avez déclaré
8 que vous avez couvert des événements très importants; vous souvenez-vous de
9 cela ?
10 R. Oui, en grande partie. J'étais basé à Londres et je suivais la
11 situation dans un très grand nombre de pays.
12 Q. Vous nous avez donné l'exemple de ce qui s'est passé en Chine après la
13 tentative de révolution, l'histoire de la place -- c'était la même pour
14 vous c'était un élément très important ?
15 R. Oui.
16 Q. Quand vous avez lors de la conférence de presse à Sarajevo de M.
17 Kessler entendu parler de Mostar vous avez conclu que c'était une quelque
18 chose de très important ?
19 R. Oui. Oui.
20 Q. Une échelle moins importante vous avez dit qu'il était très bien
21 d'aller aux hôpitaux parce que c'étaient des endroits qu'on pouvait
22 entendre des récits intéressants.
23 R. Oui.
24 Q. Des récits pour vous c'est quelque chose d'important dans votre
25 profession, n'est-ce pas ?
26 R. Ecoutez, les événements dont nous parlons, que nous couvrons,
27 l'histoire reflète dans ces récits que nous pouvions entendre.
28 Q. Mais quand vous dites une histoire en récit cela enveloppe aussi une
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1 partie -- cela a une connotation de la sensation, un événement
2 sensationnel, n'est-ce pas ?
3 R. Non.
4 Q. Vous, en couvrant ces événements vous ne pensiez pas que vous pourriez
5 prétendre avec du succès à un prix international du genre de Monte Carlo
6 pour les journalistes.
7 R. Ecoutez, non, ce n'est pas pour cela. Nous couvrions des événements
8 dramatiques. Nous pouvions circuler plutôt librement à Mostar Est et voilà.
9 Q. Tout à l'heure vous avez répondu à une question de Me Karnavas vous
10 avez déclaré que vous auriez bien aimé d'avoir eu l'occasion de rencontrer
11 les gens de l'autre côté de Mostar et de présenter leur côté de l'histoire.
12 R. Oui. J'aurais bien aimé, mais je vous ai dit que nous avons essayé
13 d'obtenir l'accès à Mostar Ouest et on ne l'a autorisé. C'est tout.
14 Q. Je suppose alors que pour vous il était important de présenter les deux
15 côtés de l'histoire, n'est-ce pas ?
16 R. Bien sûr.
17 Q. Alors. Essayons maintenant de nous concentrer sur un aspect particulier
18 de cette histoire, de ce récit que nous avons entendu dans votre
19 documentaire, dont vous avez parlé aujourd'hui. Vous avez mentionné plus
20 tôt que vous étiez persuadé que ce qui se passait à Mostar et en général
21 avec les Croates de Bosnie que tout cela se passait avec une certaine forme
22 de coopération de la part du gouvernement croate ?
23 R. Oui.
24 Q. J'aimerais bien maintenant discuter avec vous un peu de ce qui vous a
25 fait déclarer une telle chose, de ce que vous avez fait pour vérifier
26 l'exactitude de ce que vous avez déclaré maintenant ici sous serment ?
27 R. Oui. J'en ai témoigné déjà avant devant le Tribunal.
28 Q. Dans l'affaire Tuta et Stela. Pour le compte rendu il s'agit des pages
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1 5805 et 806 du compte rendu de cette affaire. Souvenez-vous que le
2 Procureur vous a posé la question à cette époque-là, quelle était la base,
3 sur quelle base vous pourrez affirmer qu'il y avait une coopération entre
4 le gouvernement croate et les Croates de Bosnie ?
5 R. Oui, je crois que j'ai regardé au compte rendu de cette audience hier,
6 je m'en souviens oui.
7 Q. Bien. Donc vous en souvenez. Je vais essayer de vous rappeler
8 maintenant quelque chose que vous avez déjà mentionné ici. Vous avez -- je
9 cite, "je peux expliquer cela à plusieurs niveaux différents. Tout d'abord,
10 j'ai vu que l'armée croate était -- a participé dans ce qui se passait là-
11 bas et donc on peut en conclure que le gouvernement de Zagreb y participait
12 également." Vous souvenez de cette réponse ?
13 R. Oui.
14 Q. Ensuite, vous avez parlé des papiers d'identité retrouvés sur des corps
15 et les prisonniers croates.
16 R. Oui.
17 Q. En outre, vous avez également mentionné que vous avez eu un entretien
18 avec Dario Kordic ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous avez également déclaré, que vous aviez rencontré plusieurs
21 personnes à Zagreb qui vous ont exprimé d'une manière in officielle cet
22 avis ?
23 R. Oui.
24 Q. Maître Karnavas a mentionné un autre journaliste britannique que nous
25 avons déjà vu ici, Mme Belinda Giles. Vous la connaissez ?
26 R. Oui, je la connais.
27 Q. Est-ce que vous avez vu le documentaire produit pour le canal quatre en
28 novembre 1993, qui s'appelait la grande Croatie ?
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1 R. Non.
2 Q. Donc vous ne savez pas que pour les besoins de réalisation de ce
3 documentaire, que Mme Giles a interviewé plusieurs personnes de haut grade,
4 très haut placées dans le gouvernement croate ?
5 R. Comme je vous ai dit, je n'ai pas vu ce documentaire, donc je n'en sais
6 rien.
7 Q. Donc, vous n'en avez aucune idée ? Quand vous avez préparé votre
8 documentaire, vous avez fait des allégations pareilles contre le
9 gouvernement croate, vous n'avez pas essayé d'interviewer les ministres de
10 ce gouvernement croate ?
11 R. Écoutez, pendant des années que j'ai passé là-bas, que je couvrais les
12 événements en ex-Yougoslavie alors que je me trouvais à Zagreb, je me suis
13 entretenu avec plusieurs personnes membres du gouvernement. Puis, je
14 parlais avec beaucoup de gens.
15 Q. Peut-être que ma question n'était pas suffisamment précise. Avez-vous
16 interviewé quelqu'un du gouvernement de Croatie pour les besoins du ce
17 documentaire ?
18 R. Non.
19 Q. Donc, vous ne l'avez pas fait, quelqu'un du HVO ou HZ ou HB ?
20 R. Non pas pour ce documentaire.
21 Q. Par ailleurs, je vous rappelle que je représente ici
22 M. Bruno Stojic; vous n'avez jamais parlé avec M. Stojic ?
23 R. Non.
24 Q. Donc, à la lumière de tout ce que vous nous avez dit, affirmez-vous que
25 votre allégation que l'Accusation contre le gouvernement croate que c'était
26 lui qui participait, encourageait nationaliste, pensez-vous qu'elle reflète
27 d'une manière juste la situation des deux côtés, ou je vais reformuler
28 encore la question.
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1 Pensez-vous que ce que vous avez dit contre le gouvernement croate de la
2 Croatie, que cela est une évaluation juste et objective de la situation ?
3 R. Ecoutez, mon documentaire n'était pas consacré à cela, de répondre à
4 cette question, c'est seulement dans le contexte de l'histoire que j'ai
5 raconté dans mon documentaire que je fais cette déclaration. Du point de
6 vue d'un journaliste, pour moi, il était clair eu égard à tout ce qu'on a
7 entendu jusqu'à maintenant, pour moi donc, il était clair que c'était bien
8 le cas. D'autres personnes, beaucoup d'autres personnes à l'époque
9 pensaient la même chose.
10 Q. Donc c'est quelque chose que vous avez entendu dans les conversations
11 que vous aviez à l'époque ?
12 R. Oui. A Zagreb en Bosnie, les pièces d'identité que j'ai vues avec des
13 tâches de sang, il y avait beaucoup de traces, d'indices, puis aussi cela
14 faisait partie du discours que l'on entendait à l'époque.
15 Q. Vous parlez d'un discours là ?
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bowen, dans la ligne de la question de Me
17 Murphy. J'ai le transcrit de ce que vous avez dit dans votre documentaire.
18 Je vous lis la phrase. Vous dites ceci : "La propagande croate résonne
19 derrière la ligne de front à Mostar. Le champ de bataille le plus dur de la
20 guerre de Bosnie-Herzégovine." Puis, vous rajoutez ceci : "Depuis le mois
21 de mai, avec la complicité et le soutien du gouvernement croate, les
22 Croates de Bosnie assiègent quelque 60 000 personnes dans la partie Est de
23 Mostar." Quand vous dites ceci, venant d'un journaliste de la BBC, vous
24 imaginez bien l'impact que cela peut avoir. Alors qu'est-ce qui vous
25 permettait au moment où vous faites ce commentaire, de dire que le
26 gouvernement croate est complice de ce qui est en train de se passer ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Franchement, Monsieur le Président, je ne
28 pensais pas que cela surprendrait personne à cette époque-là, ce que
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1 j'étais en train de dire dans mon documentaire. En fait, je pense qu'à ce
2 moment-là déjà d'autres journalistes en avaient parlé. Cette phrase pour
3 moi, c'était quelque chose juste pour planter le décor, pour les rappeler
4 de ce qui s'est passé déjà, tout le monde le savait.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour vous c'était un fait notoire.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était quelque chose dont beaucoup de gens
7 parlaient, par exemple, quand on posait la question, comment pensez-vous
8 que les Croates de Bosnie arrivent à s'armer, d'où pensez-vous que leurs
9 armes venaient, les obus pour les chars, leurs uniformes ? Même si vous
10 regardiez les indices, tout petit indice, vous aurez pu juste à la base de
11 cela voir qu'il y avait un lien. Leurs insignes étaient quasiment
12 identiques. Je me suis rendu souvent à Zagreb, à Split, partout, j'ai
13 beaucoup parlé à des gens qui s'y trouvaient, à des personnes auxquelles
14 j'ai parlé d'une manière officielle et non officielle, des personnes qui
15 travaillaient pour le gouvernement. Donc, j'ai entendu beaucoup de choses
16 et je pense que -- quand j'ai dit cette chose-là dans mon documentaire, je
17 pense que ce n'était pas une surprise pour personne.
18 M. MURPHY : [interprétation]
19 Q. Maintenant, vous allez faire un sot, si je peux ainsi dire qu'en fait,
20 vous disposiez des preuves, que l'armée croate a participé dans ce projet
21 nationaliste et a gagné le gouvernement croate; c'est cela ?
22 R. J'ai passé un bon moment en Croatie et peut-être que je me suis jamais
23 posé la question -- je n'ai remis en question les suppositions. Mais je
24 pense que l'armée croate a dû agir avec le consentement du gouvernement
25 croate et du président croate, n'est-ce pas ?
26 Q. Oui, mais vous n'avez jamais eu des entretiens afin de vérifier si
27 c'était bien comme cela.
28 R. Oui, j'ai eu quelques conversations officielles, par exemple, avec
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1 Dario Kordic à Busovaca.
2 Q. Lui, il était membre du gouvernement croate ?
3 R. Non, mais il était membre de la direction d'Herceg-Bosna, et je pense
4 que son opinion était valable.
5 Q. Au moment où il faisait des recherches sur cette question de la
6 présence des troupes étrangères en Bosnie-Herzégovine, avez-vous appris
7 qu'il y avait des soldats des pays musulmans ?
8 R. Oui, je savais qu'il y avait des combattants, par exemple, de
9 l'Afghanistan, ils se trouvaient dans une maison de Zenica.
10 Q. Avez-vous tiré la conclusion à partir de cela que le gouvernement
11 afghan soutenait le projet nationaliste de Bosnie-Herzégovine ?
12 R. Le gouvernement de l'Afghanistan n'était pas une instance très bien
13 organisée. J'avais déjà, à cette époque-là, passé un bon moment en
14 Afghanistan. En 1992, les Moudjahiddines ont pris le pouvoir. Voilà.
15 Q. Parlons, par exemple, de la Turquie, de la Syrie, pas de l'Afghanistan.
16 Avez-vous conclu de ce qui se passait là-bas que ces gouvernements-là
17 soutenaient les projets nationalistes des Bosniaques ?
18 R. Je ne sais pas s'il y avait des Irakiens, des Syriens ou des Turcs. Là-
19 bas, ce que je savais, c'était seulement pour les Afghans et les Saoudites.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense de M. Praljak qui a 45 minutes, puisque
21 15 minutes à lui plus les 15 minutes cédées par
22 Me Tomic et Me Ibrisimovic. Donc, vous avez 45 minutes. Ce qui fait qu'on
23 continuera demain. Il nous reste dix minutes, ne les perdons pas. Je vous
24 donne la parole.
25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président,
26 j'utiliserai aussi les quatre minutes du Procureur. Je vois que,
27 maintenant, il me reste six minutes jusqu'à la fin de l'audience de la
28 journée.
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1 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Bowen.
3 R. Bonjour.
4 Q. A l'époque où vous vous trouviez à Mostar, qui était le commandant du
5 HVO, le savez-vous ? Le saviez-vous à cette époque-là ?
6 R. Je ne sais pas.
7 Q. Monsieur Bowen, c'était moi, moi-même, l'accusé.
8 Question pour vous. N'est-il pas agréable pour un journaliste professionnel
9 de la BBC de ne pas savoir comment s'appelait le commandant de l'armée dont
10 il parlait autant dans le [inaudible]? Vous ne trouvez pas cela bizarre ?
11 R. J'avais entendu votre nom, parce que c'était un nom que les gens
12 mentionnaient.
13 Q. Attendez. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Je vous prie, s'il vous
14 plaît, de répondre à mes questions. Je peux vous dire pour information que
15 j'étais réalisateur de théâtre, que j'ai réalisé beaucoup de documentaires.
16 Déjà à ce niveau-là, peut-être que nous pouvons trouver une langue commune.
17 Alors, dites-moi maintenant, à l'époque où vous vous trouviez à Mostar,
18 vous ne saviez pas qui était le commandant du HVO ? Répondez par oui ou par
19 non, s'il vous plaît.
20 R. Peut-être que je ne me souvenais pas, que je me souvenais maintenant,
21 en répondant. Mais certainement qu'à l'époque, étant donné que j'avais
22 entendu votre nom, probablement que je le savais.
23 Q. Merci. Il serait bien d'éviter peut-être. Devant le Tribunal il faut
24 avancer des affirmations claires, comme je le savais ou je ne le savais
25 pas. Après je passe à un autre sujet.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, peut-être que ce
27 n'est pas faisable. Nous ne pouvons pas demander à un témoin de déclarer
28 quelque chose avec certitude s'il n'est pas sûr de quelque chose. Parce que
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1 si vous exigez une réponse d'un témoin [inaudible], vous le poussez à
2 mentir. Un témoin n'est pas ici pour mentir. Donc, n'essayez pas d'obtenir
3 cela. Si le témoin n'est pas sûr, il doit honnêtement nous dire : Ecoutez,
4 je ne suis pas sûr ou je ne le sais pas, et cetera.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : La question que vous pose M. Praljak, je me l'étais
6 également posée quand je vous vois interviewer M. Arif Pasalic. Je me suis
7 dit, il interroge le commandant du 4e Corps, est-ce qu'il a pensé à voir de
8 l'autre côté. L'époque était difficile, certes, mais à l'époque le
9 commandant du HVO, vous saviez son nom, vous ne le saviez pas ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que la réponse que j'ai donnée tout à
11 l'heure était mal formulée. Je connaissais le nom de
12 M. Praljak, nous avons parlé avec beaucoup de détails de ce qui se passait.
13 J'ai passé un bon moment avec M. Pasalic. Il a beaucoup parlé aussi des
14 personnes de l'autre côté, de l'autre camp. Là je ne peut pas me souvenir
15 avec une certitude à 100 % que j'étais absolument sûr à cette époque-là et
16 que c'était M. Praljak le commandant. Mais ce serait le premier nom -- tout
17 à l'heure c'était le premier nom des accusés qui m'a passé à l'esprit quand
18 j'ai passé à cette affaire ici. Je pense que oui, j'ai dû le savoir.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Pasalic a évoqué avec vous quelques noms de ceux
20 qui étaient de l'autre bord.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais les généraux, on parle souvent de
22 leurs adversaires, ils se demandent souvent ce que sont leurs intentions.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.
24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]
25 Q. Savez-vous qui était mon adjoint, donc, l'adjoint, le commandant de
26 l'état-major du HVO ?
27 R. Peut-être qu'à l'époque je le savais, mais maintenant je ne me souviens
28 même pas. Si vous me dites son nom, peut-être que je pourrais -- hm-hm, je
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1 le reconnais ou je ne le reconnais pas.
2 Q. Merci. Vous savez que M. Pasalic était commandant au
3 4e Corps. De l'autre côté, du côté du HVO existait la zone d'opération au
4 sud-est, Herzégovine le sud-est. Savez-vous qui était le commandant de
5 cette zone d'opération, donc, au même rang qu'Arif Pasalic du côté de
6 l'ABiH ?
7 R. Je dois admettre que je n'étais pas un expert pour la structure du HVO.
8 Il y avait des personnes dont on parlait beaucoup, et vous en faites
9 partie. Je m'en souviens bien mais --
10 Q. Ecoutez, essayez de me faire perdre de temps. Répondez à mes questions
11 directement, s'il vous plaît. Savez-vous comment s'appelait à cette époque-
12 là le commandant de la zone d'opération de l'Herzégovine de sud-est ? Vous
13 le savez ou vous ne le savez pas ?
14 R. Je dois répéter ce que je viens de vous dire. Peut-être que je le
15 savais à l'époque, mais je ne m'en souviens pas maintenant.
16 Q. Merci beaucoup. Il ne reste qu'une minute. Dites-nous, pour le besoin
17 de votre documentaire, avez-vous utilisé le matériel, les enregistrements
18 réalisés à cette époque-là ou vous avez utilisé d'autres enregistrements
19 qui n'avaient pas réalisés par vous, plus tôt ou plus tard, mais pas par
20 vous, pendant vos séjours ?
21 R. Ecoutez, le documentaire dure 43 minutes et environ trois minutes ont
22 été enregistrées lors de notre premier séjour, et pendant notre séjour avec
23 nous, se trouvait quelqu'un qui était un journaliste accrédité qui avait sa
24 caméra. Il s'appelait Nadzic Sandler, Britannique également. Il était
25 accrédité par la BBC, donc, il s'agit des enregistrements à 100 % faits et
26 réalisés par la BBC.
27 Q. Je ne vous ai pas demandé cela. J'ai vu dans votre documentaire
28 plusieurs cadres qui ont été enregistrés depuis la partie de Mostar qui
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1 était sous le contrôle du HVO. Est-ce que c'est vrai ou pas ?
2 R. Ecoutez, ce n'est pas vrai. Tout ce qui est dans le documentaire était
3 enregistré depuis la partie contrôlée par l'armée bosniaque. J'ai oublié de
4 dire qu'il y avait aussi quelques photos qu ont été enregistrées et aussi
5 l'enregistrement audio de bruit produit par le pilonnage, le pilonnage du
6 vieux pont.
7 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Il est 7 heures.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Bowen, quasiment pour vous, vous allez être
9 obligé de rester à La Haye ce soir, de revenir pour demain après-midi parce
10 que nous sommes d'audience également. Malheureusement pour vous, demain
11 après-midi, donc, il faudra revenir à 14 heures 15. D'ici là, bien entendu,
12 vous n'avez aucun contact avec personne car, comme vous avez prêté serment,
13 maintenant, vous êtes le témoin de la justice et donc vous n'appartenez
14 plus à l'Accusation.
15 Je vous souhaite une bonne soirée et j'invite tout le monde à revenir pour
16 l'audience de demain.
17 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mercredi 24 janvier
18 2007, à 14 heures 15.
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