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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 25 septembre 2007

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

6 s'il vous plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

8 de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Jadranko Prlic et consorts.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière. Je salue toutes les

10 personnes présentes, M. Scott, Mmes et MM les avocats,

11 MM. les accusés, ainsi que toutes les autres personnes de cette salle, à

12 l'intérieur et à l'extérieur de cette salle.

13 Nous devons poursuivre nos travaux par la poursuite du contre-

14 interrogatoire. Avant cela, je sais que M. Murphy et Me Karnavas veulent

15 intervenir pour quelques sujets.

16 Mais avant, Maître Karnavas, vous avez la parole.

17 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour.

18 Bonjour, Messieurs les Juges et à toutes les personnes dans le prétoire.

19 Hier, lorsque j'ai quitté la salle d'audience, j'étais quelque

20 déprimé. C'est peu dire car j'étais plutôt déçu d'avoir été trop vigoureux

21 dans la manière dont j'ai réagi aux réactions du Juge Trechsel qui essayait

22 de m'interrompre dans ma présentation des arguments, lorsque je tentais de

23 répondre aux objections formulées par l'Accusation. En fait, j'étais déçu

24 par mon propre comportement. Mais c'est tout de même quelque chose qui se

25 reproduit souvent. La justice doit réellement être faite et être visible.

26 Au cours des derniers mois, il y a de nombreuses occasions où il semblerait

27 aux yeux, en tout cas, de ceux qui nous regardent et aux yeux des accusés,

28 en tout cas, un membre de la Chambre de première instance semble exprimer,

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1 de façon assez vigoureuse, ses sentiments, hier. On cite un exemple.

2 J'étais en train de réagir à une objection, et une objection fondée en ce

3 sens que l'Accusation a, bien entendu, le droit de formuler des objections.

4 Cela se rapportait à la question de la pertinence évoquée par moi-

5 même et d'autres, bien entendu, dans notre objection, et je l'ai de nouveau

6 évoqué au début de la séance hier. J'ai tenté de mettre en garde la Chambre

7 sur le fait que nous allions ouvrir une boite de pandore, et au bout de 17

8 mois de témoignage, les Juges de la Chambre devraient déjà savoir ce qui

9 est pertinent et ce qui ne l'est pas, sans avoir à entendre la déposition;

10 et pour ce qui est du poids, de la valeur probante, ils peuvent statuer à

11 la fin du procès.

12 Quoi qu'il en soit, j'avais le sentiment d'être tout à fait dans mes

13 droits, dans le cadre de la Défense du Dr Prlic, en répondant à l'objection

14 formulée. J'ai écouté M. Scott. Il a pu s'exprimer sans geste de la part

15 des Juges. On l'a autorisé à s'exprimer. Ensuite, j'ai tenté de le faire

16 et, bien sûr, on m'a interrompu. Une des raisons étant -- enfin, le Juge

17 Trechsel m'a indiqué que le témoin est historien et non pas un avocat et je

18 lui ai posé des questions juridiques.

19 Alors, je suis rentré chez moi, j'ai quelque peu réfléchi parce que

20 sur le vif je ne réfléchissais pas peut-être aussi rapidement que j'aurais

21 dû le faire, et je me suis demandé : où était le Juge Trechsel, par

22 exemple, lorsque nous avons entendu M. Tomljanovich, un autre historien de

23 Yale ? Il n'a pas arrêté M. Tomjanovic, alors qu'il s'exprimait sur la loi.

24 Où était-il ? Pourquoi ne sait-il pas adresser à M. Tomljanovich quand il

25 parlait de sciences politiques et d'autres domaines dans lesquels il

26 n'était manifestement pas

27 compétent ? M. Tomjanovic s'est vu autoriser à parler du domaine qui ne

28 relève pas de l'histoire. Il a parlé du droit à maintes reprises. Il nous a

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1 parlé des structures de la Communauté croate de la République croate

2 d'Herceg-Bosna et, bien entendu, la Chambre a autorisé la Défense à mettre

3 en cause ses compétences, et ce, de façon énergique ce qui était bien

4 fondé.

5 Donc, on peut soit l'empêcher d'explorer ces domaines ou donner à la

6 Défense la possibilité de réagir. Mais je n'ai pas vu la Chambre -- les

7 Juges de la Chambre réagir à ce moment-là. Et ce côté-ci, cela donne

8 l'impression que, lorsque c'est un témoin de l'Accusation, il n'y a aucune

9 réaction, mais lorsque la Défense commence - comme je l'ai fait hier - à

10 remettre en cause, à contester les connaissances du témoin sur des

11 questions à propos desquelles, il nous avait donné des opinions dans son

12 rapport, et au milieu de ma déclaration, je n'ai même pas été entendu.

13 J'entends de réagir, de répondre à une objection concernant la pertinence,

14 et à ce moment-là, il y a une forme de jugement préliminaire. Je suis

15 préjugé pour ainsi dire, et je crois que c'est injuste.

16 Il y a eu d'autres incidents aussi. Hier, M. Kovacic a évoqué la question

17 des archives. Le Procureur s'est levé, a parlé de la Bibliothèque du

18 congrès, et il semblait que le Juge Trechsel avait aussi la même idée. Il

19 pensait aussi à la Bibliothèque du congrès. On a vu le Juge Trechsel même

20 dire ces mots sous silence, mais il disait déjà : "Library of Congress,"

21 avant que M. Scott ne le mentionne. Bon, cela n'a pas beaucoup d'effets

22 néfastes, mais quelle perception est-ce que cela donne ?

23 Il y a quelques semaines, on a posé la question de savoir que mangent les

24 prisonniers, et le Juge Trechsel a dit : "Ah, si tant est qu'il ait quelque

25 chose à manger." Cela me paraît quelque peu cynique. Mon client l'a relevé.

26 Il m'a dit : "Est-ce que vous n'allez pas réagir à cette remarque ?"

27 "Comment puis-je réagir ?" "Que puis-je dire ?" Et puis il m'a demandé :

28 "Mais, comment puis-je bénéficier d'un procès équitable si les juges font

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1 ce genre d'observation."

2 C'est sans doute une réaction assez naturelle compte tenu des

3 circonstances, mais si nous parlons de la manière dont la justice est

4 perçue, je crois que nous devons être tous plus prudents. Que la justice

5 soit rendue à la fin du procès ou non, je ne le sais pas encore, l'avenir

6 nous le dira. Nous avons évidemment des possibilités du côté de la Défense,

7 comme celui de l'Accusation. Nous savons que la Chambre est divisée et elle

8 a été depuis longtemps. La plupart des décisions ne sont pas prises à

9 l'uniformité, et les divisions sont assez apparentes.

10 Mais je suis préoccupé. J'essaie de m'acquitter de ma tâche d'une façon

11 adéquate. Je n'aime pas me lever et m'insurger contre un Juge, mais je ne

12 pense pas qu'il soit équitable, qu'un Juge opine du chef lorsque c'est

13 l'Accusation qui parle, et fasse le contraire -- montre par un geste qu'il

14 n'est pas d'accord lorsque c'est la Défense qui s'exprime. Car cela créé

15 une apparence. Cela donne aux accusés l'impression que certains Juges ne

16 sont pas aussi -- n'ont pas une ouverture d'esprit telle qu'on pourrait le

17 souhaiter. Je ne dis pas que c'est le cas, mais je ne sais pas, et je suis

18 très préoccupé.

19 Peut-être, lorsque tout le monde sera un petit peu plus -- ce sera calmé,

20 il serait peut-être bon d'avoir une audience conformément à la Règle 65

21 ter, donc, à huis clos, mais enfin, il faut dissiper quelque chose. Je ne

22 pense pas qu'il soit convenable que des membres de la Chambre fassent des

23 observations à micro ouvert lorsque les autres, les accusés, peuvent les

24 entendre, expriment leurs opinions. Je ne pense pas qu'il soit convenable

25 qu'ils interromprent la Défense lorsqu'elle répond à une objection,

26 lorsqu'il semblerait notamment qu'il y est deux poids, deux mesures. Vous

27 auriez également pu interrompre M. Tomjanovic, vous avez choisi de ne pas

28 le faire. Vous l'avez autorisé à s'exprimer librement.

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1 Mais tout d'un coup, lorsque l'on est confronté à ce témoin, il faut

2 le protéger parce que, si l'Accusation dit : "Voilà, cela cadre bien avec

3 notre théorie," vous dites : "Bien, c'est très bien." Cela me paraît

4 cynique de dire : "On ne sait pas si c'est pertinent ou non. Nous allons

5 l'entendre." Alors, lorsque la Défense tende de démontrer que ce n'est pas

6 pertinent, on interrompt la Défense, il n'a donc pas de compte rendu -- pas

7 de déclaration de la Défense au compte rendu.

8 Je pense que c'est injuste. Ce n'est pas équitable. Je sais que je

9 prends un risque en soulevant cette question devant les Juges de la

10 Chambre, mais mon client a regardé cela de moi et il me demande : "Qu'est-

11 ce qui se passe ?" Et je suis obligé de lui expliquer chaque jour qu'il ne

12 doit pas s'inquiéter, que la Chambre va examiner tous les faits en toute

13 objectivité, en dépit des expressions du visage, de quelques choses qui

14 sont dites par m'égard.

15 Nous devons garder à l'esprit que la justice ne doit pas seulement

16 être rendue, elle doit être visible, et je demanderais ainsi à la Chambre

17 de fixer une date pour une petite séance à ce sujet. Je pense que ce serait

18 bien pour calmer les choses.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelques brefs commentaires de ma part sur ce

20 que vous venez de dire. Il y a un témoin qui vient déposer dans le cadre de

21 la demande du Procureur afin qu'il réponde à des questions portant sur les

22 faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie pendant la période de

23 l'acte d'accusation, et après l'acte d'accusation. A partir de là, est

24 arrivée, hier, à un moment donné, une question juridique, et mon collègue -

25 mais il s'exprimera s'il le veut - a fait valoir que l'historien n'était

26 pas juriste, et que de ce fait, il apparaissait difficile à l'intéressé de

27 répondre à des questions de droit, puisque sa formation ne le prédispose

28 pas à cela. Voilà ce qui a été indiqué là-dessus.

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1 Moi-même, j'avais un autre point de vue, pensant qu'un historien doit

2 normalement avoir quelques connaissances juridiques. Toutefois, je

3 reconnais que les dispositions transitoires de l'accord de Washington étant

4 d'une telle complexité pouvaient totalement échapper au témoin. Donc, voilà

5 le débat qui s'est déroulé hier sur la question du droit et de l'histoire.

6 Le deuxième sujet indiqué, il semblerait qu'il y a quelque temps à

7 propos de Dretelj, est venue en discussion la question de la nourriture des

8 détenus, et le Juge de la Chambre a fait observer un élément qui était déjà

9 apparu lors du témoignage recueilli par d'autres témoins. Et de mémoire, je

10 me souviens que certains avaient indiqué que la nourriture était la même

11 pour les soldats et les détenus. Bon. Donc, ce qui avait été dit ne prêtait

12 pas particulièrement à des conséquences.

13 Alors, sur la façon dont la justice est perçue, tout le monde a bien

14 compris que ce n'est pas là-dessus que va se jouer l'appréciation de la

15 pertinence et de la valeur probante. Ce sera uniquement sur les documents,

16 et sur les questions posées et les réponses données aux questions, et le

17 tout à la lumière des éléments de preuve que la Défense amènera le moment

18 venu. Donc, personne n'est capable aujourd'hui de dire que tel ou tel Juge

19 a tel ou tel sentiment sur telle ou telle question. Puisque tout cela est

20 très mouvant, la vérité d'aujourd'hui n'est pas la vérité de demain. Alors,

21 demain, il y aura d'autres éléments qui pourront rechanger la donne, donc,

22 aucune conclusion ne doit être tirée.

23 Les accusés seront jugés au final en fonction de tous les éléments

24 que nous aurons. Pour le moment, il y a des éléments qui apparaissent --

25 qui sont même discutés et la conclusion finale n'interviendra qu'à la fin,

26 donc, quiconque, qui penserait que des décisions ont déjà été prises ou

27 sont en voie de l'être, se tromperait lourdement.

28 Donc, voilà ce que je tenais à dire concernant les problèmes qui viennent

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1 d'être évoqués. Je ne sais pas si mon collègue veut intervenir. Je lui

2 donne la parole.

3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne

4 tenterai pas d'aborder toutes les questions évoquées par le conseil de la

5 Défense, mais deux questions seulement. Tout d'abord, le fait que j'ai fait

6 des gestes de la tête. Monsieur Karnavas, je ne sais pas jouer au poker, je

7 ne suis pas né avec un visage qui me permettrait de bien jouer au poker, je

8 n'ai jamais appris à le faire. Je me souviens, à un moment donné, Mme

9 Nozica et, je crois, peut-être que Mme Alaburic, avaient dit qu'elles

10 aimaient bien voir mon visage refléter ce qu'elle disait parce que, comme

11 ça, elles savent à quoi s'en tenir. Je ne réagis pas délibérément. Mais je

12 tenterai de retenir toute expression du visage qui refléterait ma réaction.

13 Cela dit, lorsque je faisais ce geste du visage, je n'essayais pas de

14 vous interrompre lorsque je secouais la tête. Je n'essayais pas de vous

15 interrompre et le fait que j'ai secoué la tête ne veut pas du tout dire que

16 j'ai préjugé les questions qui nous sont soumises. Cela ne se réduit pas à

17 ce que vous affirmez, Monsieur Karnavas.

18 D'un autre côté, quant à la position du témoin, j'ai toujours une

19 objection, et nous y reviendrons sans doute, il ne s'agit pas tellement du

20 fait que le témoin est historien plutôt que juriste. Mais le fait que la

21 mission qu'on lui avait confiée était limitée dans son ampleur, était

22 simplement anthologique, on lui a demandé ce que peut constater un

23 historien aujourd'hui concernant la période qui a suivi l'accord de

24 Washington. On ne lui a pas demandé le moindre jugement de valeur sur le

25 fait de savoir si ce qui s'est passé était illicite, par exemple.

26 Le terme "illicite" apparaît à un moment donné, et le Président m'a

27 déjà autorisé à demander au témoin -- de lui demander de préciser ce qu'il

28 veut dire par là, et quelle est l'origine de ce terme. Cela m'a étonné. Je

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1 n'ai pas donné autant de poids à cela que vous, évidemment, c'est votre

2 droit. Je pense que c'est tout ce que j'ai à dire.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Si je puis brièvement répondre quant au

4 jugement de valeur. Si vous prenez le deuxième rapport, donc, mon contre-

5 interrogatoire portait surtout sur ce deuxième rapport, donc ce deuxième

6 rapport comporte de nombreux jugements de valeur. C'est le problème. En

7 deuxième lieu, je comprends bien sa mission mais on ne peut pas étudier des

8 événements historiques dans l'abstrait, il faut prendre du recul, les

9 mettre en perspective.

10 J'affirme que l'Accusation tente d'amener la Chambre à tirer certaines

11 conclusions. C'est leur droit. Mais ce que nous vous demandons c'est de ne

12 pas tirer ces conclusions avant d'avoir entendu tous les éléments de

13 preuve, tous les faits historiques dans leur perspective. Or, le témoin

14 nous dit : "Ma mission était très limitée, je n'ai rien fait d'autre,"

15 alors qu'on aurait pu s'attendre à ce qu'il ait connaissance d'autres

16 événements, d'autres faits.

17 Et c'est ce que je tentais de dire hier et je crois que nous ne

18 sommes pas d'accord sur jusqu'où on peut aller dans le contre-

19 interrogatoire. Je ne pense pas qu'il s'agit de témoignage pertinent. Vous

20 pensez que cela peut l'être, et la seule façon d'élucider cette question

21 c'est d'en poser -- de poser des questions. Je n'ai pas interrompu

22 l'Accusation pendant l'interrogatoire principal mais j'ai le droit de

23 soulever d'autres questions. Je suis obligé de poser des questions

24 concernant les années 1996, 1997, 1998 jusqu'à 2007, si j'ai bien compris

25 la théorie de l'Accusation est la suivante : l'entreprise criminelle

26 commune aurait continué à exister jusqu'en 1999, 2000, même jusqu'à

27 aujourd'hui.

28 C'est leur thèse, et donc, je dois me défendre contre cette thèse. Et

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1 si je n'ai pas à me défendre contre cette thèse nous ne devrions pas

2 écouter la déposition de ce témoin car cela va au-delà de l'acte

3 d'accusation, de la période couverte par l'Accusation. Mais l'Accusation

4 soutient que cette entreprise criminelle commune était tellement ancrée,

5 tellement profondément enracinée, les Croates n'arrivaient pas, de toute

6 façon, à s'entendre. Ils insistent, il persévèrent, bon, ils ont le droit

7 de présenter de tels arguments. Mais moi, j'affirme qu'il faut s'intéresser

8 à d'autres faits historiques.

9 Si l'on étudie les accords de Washington ou de Dayton, il faut tenir

10 compte du contexte. Que prévoyaient-ils ? Que se passaient-ils à l'époque

11 dans le pays ? Quelles étaient les possibilités ? Que faisait la communauté

12 internationale ? Que fait-elle encore aujourd'hui ? Donc, j'invite la

13 Chambre à prendre, par exemple, la réunification de l'Allemagne. A

14 l'époque, l'économie de l'Allemagne était florissante, la plus prospère

15 dans toute l'Europe et pourtant l'on sait tous les problèmes auxquelles

16 l'Allemagne était confrontée. Alors, en pleine guerre, évidemment, le

17 phénomène est multiplié par mille ou juste au lendemain de la guerre en ce

18 qui concerne Dayton.

19 Donc, à la fin de cette déposition, je vais vous soumettre la thèse

20 d'après laquelle il faudrait simplement ne pas accorder d'attention à tous

21 ces faits.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- va intervenir et puis après, je donnerai la

23 parole à M. Scott.

24 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Mais je pense qu'il faut aussi

25 que je prenne la parole parce que les questions soulevées par Me Karnavas

26 ont plus d'importance à nos yeux, et nous devons y réfléchir et donner nos

27 propres réponses aux questions soulevées. Nous devons tenir compte de ce

28 qu'il dit. Pour ma part, je suis très attentif à ce que dit M. Karnavas. Il

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1 a une approche très constructive pour ce qui est de son travail, il défend

2 mieux les intérêts de son client. Je sais qu'il a des connaissances très

3 étendues et nous savons également qu'il est président de l'Association des

4 conseils de la Défense.

5 Je pense que c'est aussi la raison pour laquelle il se sent investi

6 d'une responsabilité toute particulière et, bien sûre, la tâche primordiale

7 de défendre les intérêts de son client et de pouvoir s'adresser à cette

8 Chambre de cette manière, à la lumière de toutes ces réalisations.

9 D'ailleurs, j'avais l'habitude de lire ses articles et tout ce qu'il a

10 écrit au sujet des questions qui intéressent la Défense en ce Tribunal.

11 Cela dit, je trouve tout de même quelque peu problématique qu'il ait

12 adopté une sorte de fil conducteur d'après lequel il tente systématiquement

13 de démontrer que ce procès n'est pas équitable, et je ne saurais accepter

14 ce leitmotiv -- cette approche. Je suis fermement convaincu que nous devons

15 arriver à mieux nous comprendre.

16 Nous sommes tous conscients de l'importance des questions qui se posent et

17 du fait qu'il incombe aux Juges de la Chambre d'être indépendants,

18 d'écouter tant l'Accusation que la Défense, et d'être réellement aussi

19 objectif qu'il est humainement possible de l'être tout en analysant les

20 questions qui leur sont soumises. Et les Juges de la Chambre doivent alors

21 tirer leurs propres conclusions afin de pouvoir statuer. En même temps, je

22 suis réellement convaincu qu'il n'est pas juste de caractériser ce que fait

23 la Chambre comme étant injuste vis-à-vis de la Défense, de leurs clients,

24 les accusés et ainsi de suite. C'est la raison pour laquelle je souhaite

25 m'exprimer pour dire que je me rallie aux autres Juges de la Chambre qui

26 ont fermement l'intention de mener un procès équitable.

27 Et c'est la raison pour laquelle nous prions la Défense, et notamment

28 M. Karnavas, de ne pas se laisser emporter par leurs propres convictions,

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1 par leur art oratoire et de comprendre que la composition de la Chambre est

2 telle qu'il y a de très bons espoirs que le jugement sera équitable.

3 C'est tout ce que je souhaite dire, je ne veux pas entrer dans les

4 détails concernant les compétences du témoin, ce qu'il a écrit, quelles

5 sont ses connaissances. J'ai moi-même quelques connaissances concernant les

6 accords de Washington et de Dayton, car à l'époque, dans les années 1990,

7 je travaillais au sein du ministère des Affaires étrangères de la Hongrie,

8 sur les questions juridiques -- les aspects juridiques de la crise dans les

9 Balkans et en Bosnie-Herzégovine. Donc, j'ai quelques connaissances à ce

10 sujet.

11 Mais, en même temps, je ne saurais prétendre que je sais tout, et

12 c'est la raison pour laquelle, à l'avenir, je souhaiterais vraiment étudier

13 tous les éléments dont nous disposons et je peux vous assurer que mon

14 approche consiste à parvenir à des conclusions qui sont justes et

15 équitables, c'est ce que je souhaitais dire.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]

17 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur

18 le Président, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes

19 dans ce prétoire et autour du prétoire.

20 Messieurs les Juges, j'aurais quelques commentaires, j'espère, brefs,

21 suite à ce qui s'est dit ce matin, et je vais faire preuve de modération.

22 Je commencerais en disant que, bien sûr, la Défense a le droit

23 d'acter, au compte rendu d'audience, ses préoccupations en ce qui concerne

24 le procès, son équité, les droits des accusés. Bien entendu, ça va de soi,

25 c'est un endroit légitime qu'est un prétoire pour faire ce genre de chose.

26 C'est ainsi que je commencerais mon intervention.

27 J'ajouterais, à ces remarques liminaires, que je suis un peu déchiré.

28 Est-ce que je vais dire quelque chose ? Est-ce qu'il n'est pas préférable

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1 d'entrer dans le vif du sujet, de reprendre à des positions tout de suite ?

2 Mais le problème, c'est que Me Karnavas l'a très souvent dit -- il dit que

3 les parties doivent acter leurs interventions et peut-être, dans quelques

4 années, une Chambre d'appel -- quelqu'un d'autre lira ce dossier d'instance

5 et qu'il est important qu'il soit bien équilibré et que, de temps à autre -

6 - ne serait-ce que, de temps à autre, l'Accusation acte aussi à ses

7 dossiers, ses préoccupations, et qu'il n'y ait pas simplement, de façon

8 répétée, les griefs de la Défense. A notre avis, ce serait ainsi refléter

9 le caractère équilibré de ce dossier.

10 Je reconnais les droits qu'a la Défense, dont Me Karnavas à

11 s'exprimer, mais la façon dont c'est fait, de façon répétée, notamment

12 hier, même ce matin, même si ceci s'est fait dans un ton plus conciliant

13 aujourd'hui, la substance est la même. Quelle est ma préoccupation ? C'est

14 qu'ici, il y a un dessin à cette intervention, ce n'est pas intimider les

15 Juges, les menacer, les refroidir un peu dans un certain sens, et c'est

16 pour aussi pousser la Chambre davantage, comme certains le percevrons à

17 l'extérieur de ce prétoire, il faut savoir comment on est perçu, ça dépend

18 de l'endroit où on est à l'intérieur de ce prétoire ou à l'extérieur. Je

19 n'insisterais pas là-dessus, je me contenterais de dire que Me Karnavas a

20 présenté sa perspective à lui et pas nécessairement la perspective qui est

21 celle de tous ceux qui suivent ce procès.

22 Il est injuste d'acculer la Chambre à une position quelle qu'elle

23 soit, sauf le respect que je dois à M. Le Juge Prandler, je ne pense pas

24 qu'il soit juste de le pousser à exprimer ses préoccupations, certes à

25 l'égard du comportement de Me Karnavas, mais je vais chanter ses louanges

26 en disant que c'est un très bon avocat, qu'il fait ceci, qu'il fait cela.

27 Ça ne devrait pas être une intervention nécessaire et je suis sûr, par

28 ailleurs, que M. Le Juge Prandler a la même estime pour les substituts de

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1 l'équipe du Procureur, mais pas les commentaires qu'il a formulées.

2 Me Karnavas fait pression sur la Chambre, sur M. Le Juge Prandler,

3 par exemple, pour qu'il ressente le besoin de féliciter

4 Me Karnavas dans une situation qui, à mon avis, ne mérite pas de louanges

5 ou de félicitations. C'est là quelque chose qui n'est pas juste envers

6 l'Accusation et envers la procédure que constitue ce procès dans sa

7 totalité.

8 Je pense aussi très, très présomptueux d'agir, c'est terriblement

9 présomptueux car un conseil se prononce sur la façon dont travaille une

10 Chambre, dise qu'il y a des divisions entre les Juges et d'en faire les

11 commentaires. Je ne sais pas si Me Karnavas a les connaissances d'initier,

12 mais quoi qu'il en soit, il est tout à fait inconvenant de faire ce genre

13 de commentaire.

14 Je reviens à ce qui s'est passé hier au moment de la déposition du

15 témoin, je vous l'ai dit hier, ce témoin a été chargé par l'Accusation de

16 répondre à des questions comme l'a indiqué M. Le Juge Trechsel. Si ça

17 n'arrange pas Me Karnavas, c'est bien possible, il peut me le dire, et il

18 peut le dire à l'Accusation, il peut m'attaquer, moi, il peut attaquer le

19 travail que l'Accusation fait, mais il n'est pas juste, à mon avis -- à mon

20 humble avis, d'attaquer le témoin alors que le témoin a fait ce qu'on lui

21 demandait de faire, de faire valoir un point sur lequel j'ai beaucoup

22 insisté ainsi que lui hier.

23 Excusez-moi de revenir là-dessus, mais le témoin a uniquement pour

24 tâche de montrer ou de faire des recherches sur les opérations répétées et

25 poursuivies ou l'existence de l'Herceg-Bosna. Que ce soit bien, que ce soit

26 mal, que ce soit justifié ou pas, est-ce que c'est une institution qui a

27 continué à fonctionner après les accords de Dayton, je pense que la réponse

28 est claire, elle est affirmative, je n'ai même plus contesté. Ça a été

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1 contesté à un moment donné, maintenant, on ne le conteste plus on essaie de

2 le justifier. C'est cette cible mobile -- cette cible mouvante dont je

3 parlais hier.

4 Et je pense qu'on agi de façon inéquitable envers le témoin

5 aujourd'hui, et j'espère que cela ne se répétera pas aujourd'hui. Je m'en

6 tiendrais là.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]

8 M. MURPHY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

9 Messieurs les Juges. En fait je n'avais pas l'intention d'intervenir

10 maintenant, il y avait méprise. J'aurais voulu intervenir en fin d'audience

11 plutôt qu'en début; cependant, il est peut-être de l'intérêt général qu'il

12 y ait maintenant une intervention de la part de quelqu'un qui n'a pas été

13 partie prenante au débat assez animé qu'il y a eu hier. Résumons la

14 question concernant le témoin, l'Accusation dit : "Il ne convient pas de

15 procéder au contre-interrogatoire de ce témoin en sortant des limites qui

16 lui ont été données pour le travail qu'il avait à faire." Je pense que

17 c'est un secret pour personne. L'Accusation en citant ce témoin avait

18 l'intention en fin de compte de laisser entendre à Chambre de première

19 instance que ce qui se passait ou ce qui s'est passé après Dayton était à

20 certains égards illégal et était la poursuite d'une entreprise criminelle

21 commune.

22 Si ce n'était pas là l'intention de l'Accusation, pourquoi a-t-on mis deux

23 jours à avoir cette déposition qui sinon serait tout à fait dénouée de

24 pertinence. Et si c'est bien là l'intention qu'avait l'Accusation,

25 maintenant, elle nous dit : "On ne peut pas contre interroger ce témoin

26 pour voir quelles auraient été les dispositions transitoires en vertu de

27 l'accord de Washington ou celui de Dayton," c'est tout à fait erroné.

28 Pourquoi ? Parce que si on demande s'il y a eu poursuite de

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1 l'existence de l'Herceg-Bosna et quelles ont été ces activités après une

2 période donnée dans le temps, c'est tout à fait intéressant et pertinent de

3 dire ou de demander si on lui avait affecté un rôle particulier. Si elle

4 avait un rôle quelconque, quel était ce rôle dans le monde après Dayton ?

5 Si on a témoin qui dit de lui-même qu'il est expert de l'histoire des

6 Balkans, de l'histoire de l'ex-Yougoslavie et si ce témoin dit : "Et bien,

7 je ne sais pas, je ne me suis pas embarrassé de lire les accords de Dayton,

8 je ne connais pas la teneur." Mais ceci a une incidence sur le poids qu'il

9 faut donner à sa déposition, et ce sera une question qui devra être

10 tranchée dans un sens ou dans un autre par la Chambre de première instance.

11 Mais si M. Scott dit : "On ne peut pas mettre à nu cette faille, cette

12 carence," je pense que là ce n'est pas correct.

13 Je fais valoir très simplement que Me Karnavas avait tout à fait le

14 droit de poser cette question. Je ne pense pas qu'il soit utile de ma part

15 de faire un commentaire sur d'autres questions.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Murphy.

17 On va introduire le témoin. Je vais demander à M. l'Huissier d'introduire

18 le témoin.

19 Je crois que Me Karnavas a 45 minutes encore.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors, attendez, Maître Karnavas, parce que je

22 crois que le Juge Trechsel avait une question de suivi à poser.

23 Bonjour, Monsieur. Vous entendez bien la traduction de mes propos ? Bien,

24 alors mon collègue le Juge Trechsel a une question à vous poser.

25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Miller, je pense que vous

26 avez déclaré hier que votre rapport était une description objective de

27 l'évolution des événements. Pourtant Me Karnavas a signalé hier que vous

28 parliez de structures illégales dans le second rapport que vous avez

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1 établi. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment cette

2 déclaration se retrouve dans votre rapport ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai déjà expliqué. Mon rapport s'appuie

4 sur des recherches effectuées par d'autres organisations. Et ce terme

5 "d'illégal" vient du rapport de la CIG sur la réunification de Mostar. Un

6 chercheur doit soupeser des éléments qu'il utilise en vue de la préparation

7 de ce genre de rapport. Dans ce rapport de la CIG sur la réunification de

8 Mostar, il y a un argument fort convaincant qui est présenté c'est celui-

9 ci, les autorités croates de Mostar ont de façon systématique évité de

10 mettre en vigueur l'accord qu'elles avaient conclu avec les autres parties

11 en Bosnie, sous l'égide international. Ce qui fait que l'utilisation de ce

12 terme est légitime.

13 L'INTERPRÈTE : L'interprète se corrige : Il s'agit du groupe de crise

14 internationale.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que ceci n'éclaire pas de

16 façon différente votre rapport, puisque vous semblez appuyer cette

17 conclusion de l'institut et vous ne vous contentez pas de faire une

18 description, il y a quand même un jugement de valeur. Vous ne vous

19 contentez pas de faire une objection pour voir s'il y a poursuite de

20 l'existence de l'Herceg-Bosna ? Vous ne le dites pas peut-être de façon

21 expresse, mais est-ce que vous ne [imperceptible] votre attitude, vous ne

22 dites pas que cette existence qui s'est poursuivie était illégale ? Est-ce

23 qu'on ne peut interpréter votre rapport de cette façon-là ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas ici que ça reflète un préjugé

25 ni un préjugé de la part -- un parti pris de la part de ce groupe de crise

26 internationale. Je pense que ce groupe a montré que les autorités croates

27 d'Herceg-Bosna avaient évité la mise en œuvre de cet accord.

28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Miller, je ne parle ici de

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1 préjugé, de parti pris. On peut rester neutre, prononcer un jugement de

2 valeur. L'un n'exclut pas l'autre, ces termes ne sont pas contradictoires.

3 La question qui se pose c'est de savoir si on va faire une description

4 vraiment neutre comme si on était une caméra, un appareil photographique.

5 Et là, on peut aussi se demander si on reste tout à fait neutre. Mais quand

6 on décrit une situation, est-ce qu'on n'exprime pas ce faisant quelque

7 chose sur une valeur et ici en l'occurrence sur la légitimité aussi ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour moi, si on fait un commentaire sur la

9 légitimité, ce n'est pas un jugement de valeur. Un jugement de valeur ce

10 serait de dire : "Ce sont les foutus ou les sacrés Croates de Mostar qui

11 ont persisté à procéder de façon illégitime." Mais pour moi, ça, c'est un

12 jugement de valeur. Je ne pense pas avoir fait ce genre de chose dans mon

13 rapport. Mais, oui je ne suis pas d'accord avec la façon dont vous voyez

14 les choses, tout en respectant votre avis.

15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense que c'est un problème

16 sémantique qui se pose ici, dans une certaine mesure. Peut-être que nous

17 avons une conception qui a plus de recul ou une façon plus simple, plus

18 réfléchie de voir le jugement de valeur. Merci, vous avez répondu à ma

19 question.

20 J'espère que vous ne vous opposez pas à ma question, Maître Karnavas.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Non, vous étiez formidable.

22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Voyez, vous avez tendance là à

23 prendre les devants et à agir avec trop de sévérité quand vous nous jugez.

24 Donc faites preuve de prudence.

25 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, je le comprends, et merci Monsieur le

26 Prandler. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'Accusation mais je

27 suis parfaitement conscient de la tâche qui nous incombe.

28 LE TÉMOIN : NICHOLAS J. MILLER [Reprise]

Page 22708

1 [Le témoin répond par l'interprète]

2 Contre-interrogatoire par M. Karnavas : [Suite]

3 Q. [interprétation] Je rebondis sur la question du Juge Trechsel.

4 Commençons par une définition. Pour vous, qu'est-ce que c'est qu'un

5 jugement de valeur ? En effet, j'ai quelques questions à vous poser à cet

6 égard. Donnez-moi une définition d'un jugement de valeur.

7 R. Pour moi, un jugement de valeur, il me semble que ça va de soi. Un

8 jugement de valeur c'est un jugement qui se base sur les valeurs que j'aie

9 ou comment je vois ce que fait une institution, un individu.

10 Q. D'accord. Et je reprends une fois de plus votre réponse à la question

11 posée par M. le Juge Trechsel. Vous avez dit que vous aviez utilisé, lu

12 quelques rapports et vous avez donc utilisé la recherche d'un chercheur, un

13 universitaire. En fait, vous avez été un peu survolé ce que fait la toile

14 et vous en avez extrait des rapports de l'Internet, vous les avez lus,

15 c'est tout à peu près ?

16 R. Oui, non techniquement, c'est ce que j'ai fait.

17 Q. Donc, sur le plan technique, c'est ce que vous avez fait, et lorsque

18 vous avez fait des recherches sur l'Internet, vous avez fait un choix; là,

19 j'utilise le terme "discriminatoire," mais dans le sens de sélection, vous

20 téléchargez quelque chose, vous le lisez, ça vous plait, vous le retenez.

21 Donc, vous prenez, vous opérez un choix et puis vous faites une synthèse de

22 tous les éléments retenus. C'est bien ça ?

23 R. Oui. Il y a toujours ce choix, cette sélection en fonction des sources.

24 Q. Et ça quelque part, ça pourrait être appelé un jugement de valeur

25 aussi, non ?

26 R. C'est une question que vous me posez ?

27 Q. Mais vous avez entendu ma voix. Il y avait quand même une question dans

28 ma voix, n'est-ce pas ?

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1 R. Non, à mon avis, ce n'est pas un jugement de valeur.

2 Q. Mais je passe à autre chose. Vous dites que vous avez examiné ces

3 rapports, et au vu de ce qui s'est dit, est-ce que vous avez lu les notes

4 de bas de page ou est-ce que vous avez été plus loin ? Est-ce que vous êtes

5 allé faire des recherches dans les sources utilisées par ces organisations

6 -- sources utilisées pour en extraire des citations et pour former des

7 conclusions ? La question est simple cette fois-ci.

8 R. J'ai bien pris note des sources utilisées mais je ne les ai pas

9 consultées.

10 Q. Donc, vous avez lu les notes de bas de page et vous avez dit : "Bon,

11 s'il cite ce journal, ça doit être bon, ou ce rapport ça doit être bon."

12 Vous n'avez pas ressenti le besoin de retourner aux sources primaires,

13 comme le fera un universitaire, un chercheur. Vous avez lu le rapport, en

14 coup d'œil furtif aux notes de bas de page. Vous avez dit : "C'est bon. Ce

15 rapport a une certaine valeur et je veux l'intégrer dans mon rapport à

16 moi." Au fond, c'est comme ça que ça s'est passé, n'est-ce pas ?

17 R. Ce n'est pas comme ça, ça s'est passé ou pas seulement, c'est que font

18 des chercheurs des universitaires sans arrêt.

19 Q. [aucune interprétation]

20 R. Par exemple, vous avez trouvé le livre de Steven Burg et de Paul Shoup.

21 On accepte le travail que ces hommes ont fait. Aussi vu la réputation

22 qu'ils ont acquise grâce à d'autres travaux intérieurs. Nous ne pensons pas

23 qu'il soit possible d'examiner la moindre source utilisée pendant plus de

24 décennies si vous parlez d'historiens.

25 Q. [aucune interprétation]

26 R. Je veux dire que nos travaux s'imbriquent et on base le travail qu'on

27 fait sur ce que d'autres historiens ont fait avant vous sur des critiques

28 aussi. C'est ainsi que se développent nos opinions, nos positions, ce

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1 qu'ont fait d'autres chercheurs.

2 Q. D'accord. Hier - je n'insiste pas davantage sur cet aspect - hier, je

3 vous ai un peu -- j'ai un peu fait pression sur vous et vous avez dit :

4 "J'ai fait ce qu'on m'a dit de faire." Page 116, ligne 11 : "J'ai fait ce

5 qu'on m'a demandé de faire ce qui était de préparer un rapport concis sur

6 la poursuite de l'existence ou l'interruption de l'existence de

7 gouvernement d'Herceg-Bosna, et je l'ai fait en m'inspirant de sources du

8 domaine public sachant que je n'allais pas être en mesure de faire des

9 recherches sur place -- que j'en n'aurais pas le soutien financier."

10 Voici maintenant ce que je vous demande : est-ce que vous dites,

11 maintenant, que l'Accusation a refusé de vous accorder des demandes que

12 vous auriez formulées qui étaient d'examiner les sources initiales, ou

13 peut-être d'aller sur le terrain pour rencontrer certains des acteurs in

14 situ ?

15 R. Je n'en ai pas fait la demande. C'était ma supposition. J'ai supposé

16 que ce ne serait pas soutenu parce que finalement la demande qui m'a été

17 fait était assez simple et directe.

18 Q. Mais vous êtes historien, vous êtes expert, et on vous demande de

19 fournir une réponse à ces questions, est-ce que peut-être vous ne vous êtes

20 pas dit qu'il était nécessaire que vous disiez à votre client, le bureau du

21 Procureur, qu'il y a certains aspects que vous aimeriez examiner pour faire

22 un tableau complet, et objectif, sans préjuger ?

23 R. Non.

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Excusez-moi, je ne l'ai pas fait parce qu'il y a une différence entre

26 rédiger un rapport et le fait de dire des choses manifestes, ce n'est pas

27 contesté, pour faire ces différences il faudrait des années de travail des

28 chercheurs --

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1 Q. [aucune interprétation]

2 R. [aucune interprétation]

3 Q. [aucune interprétation]

4 R. -- et il faudrait pratiquement rédiger tout un manuscrit, un livre, ce

5 qui ne me semble pas nécessaire.

6 Q. D'accord. Nous allons bientôt examiner votre rapport, mais auparavant,

7 je voudrais terminer ce que nous avions entamé hier, nous parlons de la

8 période du processus de transition. Est-ce qu'il y a un transfert de

9 responsabilités vers les nouvelles institutions de la Fédération, et est-ce

10 qu'il y a eu un processus parallèle pour ce qui est du transfert des

11 responsabilités de l'Herceg-Bosna aux nouvelles institutions de la

12 République de Bosnie-Herzégovine conformément à la constitution de la

13 Fédération de Bosnie-Herzégovine ?

14 Si vous ne connaissez pas la réponse, dites-le-moi.

15 R. Je lisais la question parce qu'elle est assez compliquée. Tout comme

16 hier, je le répète, je n'ai pas mémorisé le libellé des accords de Dayton

17 et je ne peux pas vous dire précisément, mais j'ai quand même un avis assez

18 instruit.

19 Q. Je ne veux pas ici de conjecture.

20 R. [aucune interprétation]

21 Q. Parce que normalement ça -- partie intégrante de votre connaissance,

22 puisque c'est ce que vous demandait le Procureur. Dites-moi, entre

23 parenthèses, vous avez avant de commencer l'acte d'accusation ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez vu qui était mis en accusation ?

26 R. Oui.

27 Q. Bon. Je suppose que la lecture de l'acte d'accusation vous aurez

28 compris qu'il ne faut pas être grand clair en droit pour savoir -- il ne

Page 22713

1 faut pas nécessairement un doctorat de troisième cycle de l'université

2 d'Indiana pour savoir plus ou moins quelles sont les questions causatives.

3 R. Si je vous dis que je ne connais pas bien la cause défendue par

4 l'Accusation, est-ce que ça veut dire que je suis plus bête, moins

5 intelligent ? Je ne suis pas formé ou spécialisé en droit. J'ai bien lu

6 l'acte d'accusation, et pour moi, je ne n'avais pas besoin de tout

7 comprendre. On m'a donné une tâche, je l'ai exécutée.

8 Q. Pourquoi ne pas avoir lu l'acte d'accusation si ce n'est pas

9 obligatoire ?

10 R. Parce que j'étais curieux.

11 Q. [aucune interprétation]

12 R. J'avais du temps à tuer.

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. C'est vrai.

15 Q. Ici, dans l'exercice de la fonction qui vous avait été attribuée, je

16 suppose que vous avez dû examiner divers accords, celui de Genève, de Bonn,

17 de Rome, de Sarajevo. Autant d'accords conclus entre 1995 et 1996, est-ce

18 que vous avez examiné ces accords qui sont tous disponibles sur le site web

19 du bureau du Procureur du haut représentant ? Est-ce que vous les avez

20 examinés ?

21 R. J'ai examiné la plupart de cet accord dans le sens où j'ai lu aussi les

22 accords de paix de Dayton, mais je ne les ai pas mémorisé, pour moi il

23 n'était pas important dans le cadre de l'élaboration de ces rapports.

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. Ici, je peux vous dire que je ne les ai pas regardé.

26 Q. Vous ne les avez pas lus avant de préparer ou dans le cadre de la

27 préparation de vos rapports. Je ne vous pose pas une question à propos de

28 la teneur même, vous les avez appris par cœur, mais je veux savoir si vous

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1 les avez utilisés ces sources, parce que ce sont des sources du domaine

2 public ? Est-ce que vous les avez consultées pour vous préparer à la

3 rédaction de votre rapport ?

4 R. Je le répète, je ne les ai pas regardées de façon précise pour préparer

5 mon rapport, ce rapport-ci.

6 Q. Fort bien. Merci. Je suppose que si je vous demandais si vous aviez lu

7 un rapport d'expert de la Banque mondiale, de la IMF, format international

8 pour connaître le système économique de la Fédération de Bosnie-

9 Herzégovine; vous diriez "non" aussi ?

10 R. Au fil du temps, j'ai lu certains de ces éléments, mais pas dans le

11 cadre de la préparation de ce rapport.

12 Q. Qui a organisé et qui était responsable du régime de santé dans la

13 Fédération ? Est-ce que vous avez lu des choses à ce propos ?

14 R. Non.

15 Q. Il y avait combien de fonds de retraite lorsque a été signé l'accord de

16 la création de la Fédération en 1994 ?

17 M. SCOTT : [interprétation] Ça suffit. On a déjà eu suffisamment hier.

18 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

19 M. SCOTT : [interprétation] Ecoutez, ici, on essaie vraiment de persécuter

20 le témoin et parce que par méchanceté, le témoin l'a dit hier, il a dit

21 qu'il n'avait pas besoin d'examiner ces sources et il ne l'a pas fait non

22 plus à cette fin très restreinte, et quand on demande à ce témoin :

23 "Combien il y avait de fonds de retraite en Bosnie-Herzégovine à un moment

24 donné," c'est tout à fait dénué de pertinence. C'est, en effet quelque --

25 c'est pour continuer le harcèlement du témoin.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est peut-être pertinent.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui, c'est

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1 peut-être pertinent si on essaie de bien cerner et de discerner les étapes

2 du processus de transition. Mais le Procureur l'a dit avec beaucoup

3 d'éloquence, il faut quand même avoir un dossier. Il faut faire ce dossier,

4 et j'ai le droit de contribuer à ce dossier tout comme lui, c'est la façon

5 que j'ai de le faire. Par exemple, je demande : quelles étaient les

6 entreprises qui fournissaient l'électricité ? C'est peut-être pertinent à

7 un moment donné. Il y a combien d'organisations qui existaient au moment où

8 est signé l'accord de la création de la Fédération, au moment où on signe

9 Dayton ou après la signature de Dayton ?

10 M. SCOTT : [interprétation] Ce n'est peut-être pas le cas. Mais j'espère

11 que maintenant tout le monde sera qu'il n'est pas juste de poser ce genre

12 de questions à ce témoin.

13 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, pour gagner du temps --

15 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- mais surtout pour la Défense, vous voulez poser

17 des questions dont le témoin va dire : "Je ne sais pas." Bon. Alors,

18 pouvez-vous rassembler toutes les questions en une seule phrase, où il va

19 dire : "Je ne peux pas répondre," parce que les fonds de pension il ne sait

20 pas, il le sait. Si vous lui demandez sur l'alimentation électrique après

21 les accords de Dayton, il va dire : "Je ne sais pas." Comment sont payés

22 les fonctionnaires ? Il va dire : "Je ne sais pas." Alors, j'ai compris que

23 vous vouliez développer une thèse et pour développer la thèse vous avez

24 besoin que ça soit inscrit au transcript. C'est pour ça que vous posez les

25 questions. Est-ce que je me trompe sur votre démarche ?

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous ne vous trompez pas, mais il y a quand

27 même un peu plus que ça dans ma tentative sauf le respect que je dois au

28 sentiment qu'on peut être certain dans ce prétoire. Moi, je trouve que ce

Page 22716

1 rapport il est criblé de jugements de valeur, ce qui explique mes

2 questions.

3 Mais quoi qu'il en soit, je passerai à autre chose. Je n'ai que quelques

4 questions à poser sur ce propos et puis je passerai à autre chose. Il me

5 reste deux questions très rapides.

6 Q. Est-ce que la République de Bosnie-Herzégovine avait pour 1994 un

7 budget qui reprenait toutes les dépenses militaires et pour l'éducation --

8 ou les tribunaux de police ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce qu'elle avait -- ou l'Herceg-Bosna a un budget en 1994 pour

11 l'éducation de la police militaire et ses dépenses ? Donc, on est au moment

12 de la signature de Dayton ?

13 R. Je ne sais pas.

14 Q. Fort bien. Le Dr Jadranko Prlic, savez-vous quelles étaient ses

15 fonctions suite à la signature de l'accord de Washington ?

16 M. SCOTT : [interprétation] Objection quant à la pertinence. En quoi ceci

17 est-il relié à l'existence ou à la disparition de l'Herceg-Bosna ? Si on

18 demande à ce témoin quelle était la fonction de

19 M. Prlic après, ça n'a aucune pertinence par rapport à la mission confiée

20 au témoin.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur Scott. Je suis un peu surpris, Monsieur

22 Scott, de ce que vous dites parce que, dans les documents que vous aviez

23 préparés dans les classeurs, il y a des comptes rendus présidentiels où

24 manifestement M. Tudjman et M. Prlic parlent de l'après Washington. Alors,

25 comme ces documents sont dans des pièces de l'Accusation que la Défense

26 connaît, il est peut-être normal que Me Karnavas demande au témoin s'il

27 connaît la position de M. Prlic sur les résultats des accords de

28 Washington.

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1 Enfin, là, je suis un peu surpris puisque c'est -- ce sont -- c'est

2 dans les documents. Il y a un document où il y a M. Prlic et

3 M. Tudjman, qui sont en train de parler de cela. Alors, le témoin est-il au

4 courant, n'est-il pas au courant, je n'en sais rien.

5 Alors, Maître Karnavas, posez votre question.

6 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le

7 Président. Soyons clairs, je ne vais pas insister. Je comprends ce que vous

8 avez dit, et il est tout à fait équitable que Me Karnavas pose des

9 questions à propos d'un document mentionnant expressément l'intervention de

10 M. Prlic sur tous ces comptes rendus présidentiels, mais je n'ai pas posé

11 de questions à propos du rôle et des fonctions de M. Prlic après cette

12 période et je ne pense pas qu'il y ait des documents qui en parlent. Je

13 voulais simplement l'acter. Mais je comprends parfaitement votre décision,

14 Monsieur le Président.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, et tout ceci

16 va devenir limpide. M. Scott va comprendre où je veux en venir dans

17 quelques instants.

18 Q. Est-ce que vous connaissez le poste qu'il occupait ?

19 R. Je sais qu'il a été premier, premier ministre du gouvernement d'Herceg-

20 Bosna. Et je pense qu'il est devenu après ministre des Affaires étrangères

21 du gouvernement de Bosnie.

22 Q. D'accord. Moi, je vous parle de la signature des accords de Washington,

23 je vous parle de la formation de la Fédération avant Dayton. D'accord. Est-

24 ce que vous savez quel était le poste qu'il occupait au sein du

25 gouvernement, le gouvernement comme nous nous l'entendons en Bosnie-

26 Herzégovine, c'est-à-dire est-ce qu'il avait un poste après aussi au sein

27 de la Fédération suite aux accords de Washington ? Vous pouvez dire : je

28 sais, je ne sais pas, ou je vais deviner ?

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1 R. Je réponds non.

2 Q. Fort bien. Votre rapport, celui que nous avons examiné hier. Page 1

3 tout à la fin, vous dites : "Certains des Croates de --

4 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

5 Q. -- Bosnie plus modérés ont été dépêchés à la Fédération alors que

6 beaucoup des éléments plus radicaux de la guerre sont restés en poste en

7 Herceg-Bosna," et là, vous citez certains rapports; nous savons que vous

8 avez examiné ces rapports sans vous demander pourtant comment ils avaient

9 vu le jour.

10 Tout d'abord, examinons c'est aspect-là. Qui étaient les éléments plus

11 modérés parmi les Croates de Bosnie à l'époque ? Est-ce que vous le savez ?

12 Si vous ne le savez pas, dites-le, dites simplement : je ne sais pas ?

13 R. Je parle de gens du type Kresimir Zubak et je pense que Prlic a été

14 envoyé vers Sarajevo.

15 Q. Mais qui "l'a envoyé là-bas" ?

16 R. Qui l'a envoyé ?

17 Q. Oui.

18 R. Les autorités d'Herceg-Bosna.

19 Q. Mais quelles autorités d'Herceg-Bosna ? Vous étiez en train de laisser

20 entendre que quelqu'un en Herceg-Bosna a dit : "O.K., Prlic, tu vas être

21 désormais un membre du gouvernement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine,

22 alors que nous autres, nous de la ligne dure, allons rester à Mostar."

23 Comment est-ce que vous avez compris cela ? Parce qu'après tout vous êtes

24 un historien et nous sommes en train de parler de faits historiques. Et il

25 me semble qu'il y a là également un jugement de valeur, l'un de ceux que

26 j'aime bien parce que vous avez qualifié mon client de modérer.

27 R. Oui, je veux bien accepter qu'il s'agisse là d'un jugement de valeur.

28 Q. Fort bien. Veuillez me dire où vous êtes-vous procuré cette information

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1 au sujet du "dispatching," de quelqu'un ? Vous pouvez répondre : "Je ne

2 sais pas," on peut aller de l'avant pour regagner du temps.

3 R. Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai accepté les expertises faites par les

4 gens qui ont rédigé ces rapports.

5 Q. Fort bien. Merci.

6 R. I n'y a vraiment pas de quoi.

7 Q. Alors, vous nous dites : "Les rencontres du HDZ, les réunions du HDZ et

8 des gouverneurs cantonaux locaux, et cetera, font office de véritable

9 gouvernement d'Herceg-Bosna lorsqu'il s'agit d'affaire."

10 Alors, je suppose que ce commentaire particulier est une chose qui a

11 découlé du fonctionnement des structures cantonales vis-à-vis de la

12 Fédération et des pouvoirs qui étaient ceux des gouverneurs des cantons

13 lorsque vous avez rédigé cela; exact ou pas ?

14 R. Je vais encore une fois répéter ce que j'ai dit auparavant.

15 Q. Fort bien. Fort bien. On peut gagner du temps.

16 R. La réponse n'est pas celle de je ne sais pas. J'ai dit que j'ai accepté

17 l'expertise et les sources que j'ai utilisées.

18 Q. Monsieur, je vous ai posé une question concrète : que se passe-t-il si

19 votre source a tort ? Et si c'est -- je sais que ces académiciens acceptent

20 ce que les autres leur disent mais certains académiciens n'acceptent pas ce

21 que d'autres ont dit, et notamment c'est le cas des historiens, donc, il y

22 a des historiens qui raisonnablement ne sont pas d'accord avec ce qui a été

23 dit. Et là, il n'y a pas de notes de bas de page, alors, je vais imaginer

24 qu'il s'agit probablement de la même source. Alors, ma question est que se

25 passe-t-il s'ils ont tort ? Vous avez préparé un rapport -- vous vous êtes

26 basé sur cela, mais vous avez donc d'ores et déjà accepté que c'était

27 juste. Mais que ce passe-t-il s'ils avaient tort ?

28 Votre réponse devrai être : je ne sais pas, n'est-ce pas ?

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1 R. S'ils ont eu tort, la réponse serait que je me suis servi d'un jugement

2 mauvais lorsque j'ai accepté les jugements figurant dans ce rapport.

3 Q. Fort bien.

4 R. Mais il me semble qu'il convient de tomber d'accord avec ce qui est dit

5 dans ce rapport.

6 Q. Vous dites en page 3 que : "Les leaders croates ont découragé les

7 réfugiés et les personnes déplacées à retourner dans les secteurs qui

8 étaient placés sous le contrôle d'autres groupes ethniques." Il y a une

9 note de bas de page numéro 9. Alors, j'aimerais que vous m'indiquiez d'où

10 découle ce fait-là ? Ne me parlez pas de vos sources. Je voudrais savoir si

11 vous l'avez trouvé ailleurs, ou est-ce que la réponse est la même, j'ai

12 accepté ce qui avait déjà été dit dans un rapport.

13 R. Vous avez la même réponse.

14 Q. Fort bien. Dans le paragraphe suivant, où il n'y a pas de note de bas

15 de page, vous dites : "Les organisations internationales et autres experts

16 ont identifié quatre sources disant que l'intransigeance -- pour ce qui est

17 de cette intransigeance de l'existence d'Herceg-Bosna."

18 Première question : c'est encore une question de jugement de valeur ? Parce

19 qu'auparavant, vous nous avez laissé croire que vous étiez en train de

20 parler de faits. Or, ici, il semble être question d'un jugement de valeur;

21 donc, quelles sont ces organisations internationales en question? Il n'y a

22 pas de notes de bas de page, on ne peut pas le savoir.

23 R. C'est un paragraphe de conclusion.

24 Q. Fort bien.

25 R. Excusez-moi. Alors, il s'agit d'un jugement de valeur repris chez

26 d'autres. Je suis en train de rapporter ma conclusion.

27 Q. Oui, mais qui sont ces autres experts ? Si nous voulions nous adresser

28 à eux peut-être pour remettre en question ce qu'ils ont mis sur papier,

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1 peut-être voudrions-nous en savoir plus long. Pouvez-vous nous indiquer qui

2 sont ces experts parce que vous ne donnez aucun nom ici. Est-ce que la

3 réponse est la même, à savoir qu'il s'agit d'une conclusion ?

4 R. Lorsque je parle d'"organisations internationales et d'autres experts,"

5 je fais tout simplement un résumé des autres paragraphes du rapport, je me

6 réfère aux personnes que j'ai déjà citées, aux organisations que j'ai déjà

7 citées.

8 Q. Fort bien, merci. On va passer maintenant au passage HDZ et Ante

9 Jelavic, en page 4. Nous sommes en train de parler du HDZ. Ici, vous nous

10 dites dans cette première partie, premier paragraphe : "Le HDZ s'est divisé

11 en deux factions qui ont suivi des lignes différentes, l'une dirigée par

12 Ante Jelavic, Prlic et autres, qui ont continué à souligner les intérêts de

13 l'Herzégovine, et l'autre dirigée par Kresimir Zubak, qui avait dit que le

14 HDZ devrait prendre en considération les intérêts des Croates de la Bosnie

15 toute entière."

16 Alors, ma première question est la suivante : est-ce là un jugement de

17 valeur ?

18 R. Je ne qualifierais pas cela de jugement de valeur.

19 Q. Fort bien. Mais, sur quoi cela se fonde t-il ? Je ne vois aucune

20 information au sujet. Sur quoi se fonde votre affirmation disant que

21 Jadranko Prlic a continué à mettre au premier plan les intérêts de

22 l'Herzégovine. Et avant que vous ne répondiez à cela, en particulier, si

23 vous avez manqué de curiosité intellectuelle pour apprendre quelles étaient

24 les fonctions qu'il exerçait au sein de la Fédération et au sein du

25 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine à l'époque. Donc, partant de quoi

26 avez-vous fait cette déclaration ?

27 R. Ce rapport entier se fonde sur les sources secondaires disponibles, et

28 ce sera toujours ma réponse.

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1 Q. Fort bien, merci. Alors, plus loin, vous dites - et là, je vais sauter

2 quelques passages pour passer à la page 5 où il est question d'un discours

3 tenu par Jelavic au mois de mars, le 3 mars 2001 - et vous dites bien que :

4 "Cette formulation assez compliquée laissait entendre que le HDZ avait

5 l'intention de fonctionner dans le cadre de Dayton, il apparaît que de

6 cette déclaration que les Croates en Bosnie sont laissés à la merci de non

7 Croates."

8 Est-ce que c'est un jugement de valeur ou pas ?

9 R. Je ne le vois pas en tant que jugement de valeur.

10 Q. Fort bien. Donc, vous êtes en train de parler de fait ? Oui ou non ?

11 R. Je suis en train de donner une interprétation.

12 Q. Ah, vous donnez une interprétation. Bien, fort bien. Partant de sources

13 secondaires ?

14 R. Oui.

15 Q. Et rien de plus ?

16 R. Exact.

17 Q. Fort bien. Alors, est-ce que vous savez ce qui s'est passé en Bosnie à

18 l'époque et ce que M. Jelavic, exactement, avait fait au sujet des droits

19 de la nation croate au sein de la Bosnie-

20 Herzégovine ? Savez-vous nous dire quel a été son objectif principal

21 défendu par lui et par d'autres Croates au sein de la Bosnie-Herzégovine ?

22 R. Le haut représentant a souhaité mettre de côté les parties qu'il avait

23 définies comme étant nationalistes ou extrémistes, il a voulu les mettre de

24 côté, les éliminer de la vie politique de Bosnie, à mon avis.

25 Q. Oui, mais ça c'est venu après. N'est-il pas un fait que les Croates ont

26 estimé qu'ils étaient ni à l'écart, à savoir placer en mauvaise situation,

27 en mauvaise position au sein de la Fédération parce qu'ils étaient moins

28 nombreux, que leurs droits nationaux avaient été de ce fait mis en péril.

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1 C'est un sujet de discussion de nos jours encore ?

2 R. Oui.

3 Q. Il est un fait que des conversations sont en court, où la communauté

4 internationale est en train d'essayer de trouver une solution pour la

5 Bosnie-Herzégovine ?

6 R. Oui.

7 Q. Fort bien. Mais, alors, avez-vous eu l'occasion de vous pencher sur un

8 rapport pour ce qui est de la mise en œuvre des accords de paix de Paris,

9 France, 14 décembre 2005 ? Et l'auteur de ce texte est M. Bruce Hitchner,

10 de l'université Tufts, qui se trouve être membre du Secrétariat de ce

11 groupe de travail travaillant sur la constitution ?

12 R. Non.

13 Q. Fort bien. Je crois que vous n'êtes pas en train de suivre à présent ce

14 qui est en train de se passer ?

15 R. A présent, non.

16 Q. Fort bien. Alors, seriez-vous surpris si je vous disais que les mêmes

17 questions au sujet desquelles les parties en présence avaient débattu en

18 1991, 1992, 1993, et au-delà, se trouvent être les sujets dont on parle de

19 nos jours encore ? A la différence près que les Serbes veulent garder la

20 Republika Srpska, les Musulmans de Bosnie veulent plus ou moins un

21 gouvernement unitariste alors les Croates essayent de trouver une solution

22 médiane ?

23 R. Cela ne me surprendrait pas.

24 Q. Fort bien. Donc, dans ces déclarations de ce monsieur qui est un

25 professeur tout comme vous, il est dit : "Les Croates dont la position

26 démographique en Bosnie se trouve de plus en plus faible, la situation

27 n'est guère moins difficile parce qu'étant donné qu'ils n'ont pas leur

28 propre entité, ils n'ont pas d'autre choix que d'appuyer un gouvernement

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1 qui devrait être décentralisé et en même temps fonctionnel et efficace."

2 Alors, n'est-ce pas là en substance, ce que M. Jelavic avait essayé de

3 réaliser à l'époque ou est-ce que vous n'êtes pas à même d'apporter une

4 réponse à cette question ?

5 R. Je dirais que c'est bien le cas.

6 Q. Fort bien. Penchons-nous maintenant sur notre premier rapport. Je ne

7 sais pas de combien de temps je dispose encore, mais je voudrais très

8 brièvement que nous nous penchions sur ce rapport, le premier. A l'examen

9 de ce rapport - et je crois que M. Murphy est ici et qu'il est également un

10 professeur - il a généreusement dit qu'il vous donnerait un B moins en

11 votre qualité d'étudiant. Moi, je voudrais même donner un D à quelqu'un,

12 peut-être un C à un débutant mais pas plus que cela. Tout votre rapport se

13 fonde, en réalité, sur des articles de journaux, et c'est partant de là que

14 vous tirez des conclusions, n'est-ce pas ?

15 R. C'est ce qu'on pourrait dire, j'imagine.

16 Q. Fort bien. Je ne vais pas entrer par trop dans les détails. Vous avez

17 indiqué que tous étaient des Yougoslaves ou que sais-je. Mais je voudrais

18 vous évoquer une question. Vous avez mentionné les négociations de Graz;

19 vous en souvenez-vous ?

20 R. Oui.

21 Q. Et quelque part dans ce texte, vous citez Burg et Shoup, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Alors, ce qu'il est intéressant de relever ici, si l'on se penche sur

24 la page 11 de votre rapport où vous dites au bas de la page, juste après la

25 note de bas de page numéro 33 : "Les spéculations formulées par le journal,

26 Danas, hebdomadaire indépendant croate, n'ont pas pu mettre de côté le fait

27 concret que Mate Boban et Karadzic Radovan avaient négocié à Graz comme si

28 les Musulmans de Bosnie n'existaient pas. Ça se passe au mois de mai 1992.

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1 Donc, les négociations de Graz se passent en mai 1992. Donc, les

2 négociations de Graz ont mis un place un cadre pour les négociations --" à

3 venir et -- et cetera, et cetera.

4 Donc, c'est juste là que va ou s'étend votre recherche au sujet de Graz,

5 n'est-ce pas ?

6 R. C'est l'étendu de ce que je fais comme recherche au sujet de Graz pour

7 ce rapport.

8 Q. Fort bien. Lorsque vous disiez "Shoup," vous dites que c'est là une de

9 vos sources ?

10 R. Hm-hm --

11 Q. Et vous mentionnez auparavant, page 9, un homme qui s'appelait Adil

12 Zulfikarpasic, et je pense que tous ceux qui ont étudié cette langue ont

13 appris à prononcer ce nom, parce qu'une fois qu'on a appris ça, le reste

14 est plus difficile pour ce qui est du B/C/S. Alors, vous connaissez cet

15 homme-là, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous savez qu'il a une fondation et qu'il y a une librairie ou des

18 archives assez importantes à Sarajevo ?

19 R. Je veux bien vous croire mais je ne le savais pas.

20 Q. Bien. Alors, vous le citez en novembre 1991. Et pour ce qui est du

21 Shoup, ça commence à la page 70 ou 71, il y a là un long extrait portant

22 sur ce monsieur où il a indiqué qu'il allait avec la direction du SDS à

23 Belgrade, en juillet, août 1991 pour essayer d'aboutir à un deal négocié

24 dans le secret et comme Shoup décrit.

25 Il est dit que : "Ça commençait en 1991 parce que les Serbes avaient

26 souhaité créer une Grande-Serbie en Croatie. Ensuite, le MBO," - le parti

27 de ce monsieur-là - "ferait en sorte que ce scénario se transformerait en

28 une grande Bosnie-Herzégovine ou une Bosnie-Herzégovine agrandie" parce

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1 qu'on dit que la Bosnie-Herzégovine n'est pas seulement décrite comme une

2 République mais comme un état "avec un gouvernement unitaire sans

3 régionalisation -- cantonisation de quelle nature que ce soit.

4 "Ces trois provisions ou dispositions figuraient dans le brouillon

5 serbe dont il a été question, il a également question d'autonomie au cas où

6 les Serbes de la Krajina s'en iraient."

7 Cela pourrait donc rester une partie de cette Bosnie-Herzégovine

8 agrandie.

9 Alors, comme vous le dites, M. Shoup est de ceux qui de suivre les

10 travaux des autres. Donc, il l'a indiqué comme étant une chose qui se

11 produisait ?

12 R. Je n'ai pas de raison d'en douter.

13 Q. Et lui dit en page 82 [comme interprété] : "Pendant ces négociations,

14 Adil Zulfikarpasic a rencontré Milosevic à Belgrade. D'après Zulfikarpasic

15 ou son rapport, Milosevic lui aurait apporté son soutien pour ce type

16 d'accord. À son retour à Sarajevo, en provenance des Etats-Unis,

17 Izetbegovic est également allé à Belgrade pour s'entretenir avec Milosevic.

18 Il y a eu des fuites pour ce qui est de la teneur de la conversation entre

19 Zulfikarpasic et Milosevic. Et c'est ce qui a soulevé l'opinion publique en

20 Bosnie contre cette union envisagée entre Belgrade et Sarajevo."

21 Ensuite, il est question de ce qui a été rapporté par le journal,

22 Borba, puis il y a la réaction de M. Kljuic qui somme toute ne semblait pas

23 terriblement satisfait de tout ce qui se passait dans son dos alors qu'il

24 faisait partie du gouvernement.

25 Alors, une fois de plus, je vais mettre cela dans la présentation de

26 mon affaire. Mais vous avez indiqué qu'on homme de science se devait de

27 suivre les travaux des autres hommes de science. Or, vous êtes un

28 historien, n'est-il pas un fait que cette déclaration faite par

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1 Zulfikarpasic en novembre 1991, qui au côté d'Izetbegovic avait rencontré

2 Milosevic, ceci dans l'objectif de continuer à faire partie de la

3 Yougoslavie, n'était-ce pas là le sujet de ces négociations secrètes ?

4 R. Je veux bien accepter la description qui en est faite, oui.

5 Q. Alors y avait-il une raison pour laquelle vous n'auriez pas présenté

6 cela pour essayer d'établir une sorte d'équilibre et dire qu'il y a eu des

7 négociations secrètes conduites par tout un chacun, par toutes les parties

8 et au lieu de citer Shoup, vous auriez peut-être pu citer Zulfikarpasic,

9 indiquant en page 9 que la guerre conduirait à de nombreuses victimes. Il

10 ne faut pas être terriblement intelligent pour le conclure. Ça, je le sais.

11 Donc, si cet homme qui était si préoccupé avait conduit des négociations

12 secrètes avec les Serbes, pourquoi ne l'avez-vous pas indiqué ?

13 R. J'aurais pu le faire.

14 Q. Certes.

15 R. Mais je n'ai pas eu à en faire état à l'époque. J'ai indiqué cette

16 citation de Zulfikarpasic parce qu'il a dit que cette bataille pourrait

17 servir de sentier pour la création d'une nation. Et il a essayé d'éviter ce

18 sujet pour ce qui est des négociations en cours. J'ai cité ce qu'il a dit.

19 Q. Oui, mais il est en train de négocier avec Milosevic : "C'est le prince

20 des ombres ou des ténèbres dans les Balkans."

21 R. Oui, je veux bien que ce soit là un jugement de valeur.

22 Q. Oui. Alors, les gens le caractérisaient, le qualifiaient de la sorte à

23 l'époque. On le qualifiait de prince des ténèbres. Alors, nous avons vu

24 qu'Izetbegovic et ce monsieur étaient en train de négocier avec lui.

25 Alors, en tant qu'historien et sachant comment les Croates se

26 sentaient, non seulement les Croates de Croatie mais les croates en Bosnie-

27 Herzégovine, comment pouvez-vous formuler une opinion d'expert sur le fait

28 de savoir quelle aurait été leur réaction au sujet d'un deal secret de

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1 cette nature ?

2 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Est-

3 ce que M. Karnavas est en train de laisser entendre que les Croates de

4 Bosnie avaient une seule façon de penser et qu'ils allaient réagir tous de

5 la même façon ?

6 M. KARNAVAS : [interprétation] Tout d'abord, j'ai dit en Bosnie-

7 Herzégovine, pour ma part, ça c'est d'un. Et j'ai dit qu'il y avait deux

8 déterminantes de cet Etat, la Bosnie et l'Herzégovine. Et --

9 M. SCOTT : [interprétation] Mais mon objection à cela même, tous les

10 Croates de la Bosnie-Herzégovine auraient-ils une réaction monolithique

11 identique à ce type de chose ?

12 M. KARNAVAS : [interprétation] Bon, je vais revenir au sujet pour

13 reformuler ma question.

14 Q. Y a-t-il eu quel que Croate que ce soit à l'époque au sein du

15 gouvernement en 1991, au sein du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ? Et

16 je parle de gouvernement dans le sens où l'entendent les Américains, non

17 seulement la partie qui se rapporte au premier ministre et les cabinets,

18 mais aux autorités, y a-t-il eu des

19 Croates ? Ou plutôt, laissez-moi élaborer. Est-ce que les Croates étaient

20 un peuple constitutif de la Bosnie-Herzégovine à l'époque ?

21 R. D'après la constitution yougoslave, --

22 Q. Vous parlez de "yougoslave."

23 R. Mais on est en train de parler de la période avant ou après la guerre ?

24 Q. Je suis en train de parler de l'avant-guerre.

25 R Avant la guerre, les Croates avaient été considérés comme nation

26 constitutive de la Bosnie et de la Yougoslavie.

27 Q. Je parle de la Bosnie; est-ce que la Bosnie avait une constitution ?

28 R. Oui, elle avait une constitution de la République.

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1 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Dans le transcript, il manque ce que ce

2 monsieur a répondu. Le monsieur a dit que les Croates étaient peuple

3 constitutif de la Yougoslavie et de la Bosnie. Je voulais corriger. Je

4 voulais donc l'indiquer.

5 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur Prlic.

6 Q. Alors, ces Croates, qui faisaient partie du gouvernement à l'époque en

7 Bosnie-Herzégovine, les Croates, je dis bien : quelle aurait été leur

8 réaction au sujet de ces négociations secrètes ? Et si cette réaction était

9 censée être bénigne, pourquoi avoir des négociations secrètes ? Pourquoi ne

10 pas les avoir invités eux aussi puisque c'était une partie -- un peuple

11 constitutif et on saurait où les Serbes allaient ? Les Serbes en Bosnie

12 voulaient faire partie de la Yougoslavie. Ça ne pose pas de problème. Donc,

13 à votre avis, quelle aurait été leur réaction ?

14 M. SCOTT : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur le Président, je

15 veux faire objection à la pertinence de cette question. Dans le premier

16 rapport, il et question de deux sujets. Le premier rapport est clair et on

17 en a parlé hier. Il dit qu'il y a eu des pratiques communes au sujet de ces

18 conflits et déplacements massifs des populations, violence ethnique, et

19 cetera. La deuxième partie de cette question a été celle de savoir dans

20 quelle mesure il a été -- cela a-t-il été rapporté : est-ce qu'il y a eu

21 des négociations secrètes entre les Musulmans et quelqu'un d'autre ? Mais

22 en l'occurrence, je ne vois pas quelle est la pertinence pour ce qui est de

23 ces deux questions. Le témoin n'a pas eu à s'en occuper.

24 Nous revenons à une situation où on est un peu comme au supermarché.

25 Il n'y a pas de limite, il n'y a pas de limitation dans ce prétoire, et

26 tout ce que M. Karnavas envisage de dire, il peut en parler.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque l'on parle de

28 la guerre de la Bosnie, c'est un sujet qui commence à la page 8 de ce

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1 rapport. Et je dois placer les choses dans leur contexte. Je ne sais pas

2 d'où M. Scott a tiré cette habileté pour ce qui est de conduire

3 l'interrogatoire principal, mais il ne peut pas s'attendre à poser une

4 question au témoin sans pour autant qu'il y ait de questions à ce même

5 sujet au contre interrogatoire.

6 M. SCOTT : [interprétation] Mais je crois qu'il devrait être contre-

7 interrogé sur ce qu'il était censé faire et sur ses conclusions. Et je suis

8 en train de pratiquer le droit tout comme

9 M. Karnavas --

10 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]

11 M. SCOTT : [interprétation] -- et je m'en excuse, Monsieur le Président.

12 Donc, je disais : je m'attends à ce que le témoin soit contre interrogé de

13 façon adéquate. Et les Juges de la Chambre n'ont pas manqué de remarquer

14 qu'au fil des 17 mois, j'ai rarement fait objection pour ce qui est des

15 contre-interrogatoires en cours. J'ai laissé une grande marge de manœuvre,

16 et je ne prends la parole que quand c'est vraiment inadéquat et quand on

17 sort des cadres de ce dont il a été question.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : La question est la suivante :

19 Me Karnavas demande au témoin : quelle aurait été la réaction des Croates

20 s'ils avaient appris qu'il y avait des négociations secrètes à Belgrade

21 entre Milosevic et certaines personnes comme

22 Zulfikarpasic ? Ceci figure à la page 9 du rapport où il est indiqué qu'un

23 homme politique musulman donne une interview en 1991, et cetera.

24 Donc, il serait intéressant de savoir si les Croates de Bosnie-

25 Herzégovine avaient appris cela, quelle aurait été leur réaction. Alors,

26 peut-être le témoin le sait ou il ne le sait pas.

27 Alors, Monsieur, qu'est-ce que vous pouvez répondre à la question de

28 Me Karnavas ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis certain du fait de pouvoir affirmer

2 qu'ils seraient troublés, mais je ne peux pas vous répondre par un oui ou

3 par un non.

4 M. KARNAVAS : [interprétation]

5 Q. Mais, moi, je ne vous ai pas demandé ce type de réponse. C'était une

6 question en suspens parce que ça se trouvait à l'extérieur de la portée de

7 l'interrogatoire principal dans un certain sens. Je vous laisse donc, je

8 vous ménage de l'espace pour que vous alliez en profondeur. Dans votre

9 réponse, pouvez-vous étoffer votre propos et pourriez-vous peut-être vous

10 référer à ce que l'Accusation a dit ? En page 6, vous parlez : "Des

11 Yougoslaves," - de qui qu'ils s'agissent - "ils étaient prêts à faire la

12 guerre en mi-1991 et la guerre à laquelle ils s'attendaient était une

13 guerre ethnique."

14 Alors, c'est une déclaration plutôt vague. J'imagine que les résidents, les

15 citoyens de la Bosnie-Herzégovine, indépendamment de leur appartenance

16 ethnique, de leur confession ou autre, étaient des Yougoslaves parce que la

17 Yougoslavie existait dans un certain sens. Et vous dites qu'ils se

18 préparaient à la guerre et qu'ils s'y attendaient.

19 Alors, si c'était le cas, et si Izetbegovic s'entretient avec

20 Milosevic en juillet et août dans le secret pour ce qui est de découper des

21 parties du Yougoslavie ou que sais-je quoi au sujet de ces négociations

22 secrètes, Izetbegovic et les autres, ne savaient-ils pas que cela ne ferait

23 qu'exacerber la situation, que cela créerait la peur et l'instabilité parmi

24 la population croate en Bosnie-Herzégovine au point où il leur deviendrait

25 nécessaire de s'organiser par eu même ?

26 R. C'est une question de longue portée une fois de plus.

27 Q. C'est une question de longue portée. A vous.

28 R. Oui, je me doute bien que les Croates de Bosnie seraient plutôt

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1 troublés lorsqu'ils apprendraient que de telles négociations ont eu lieu.

2 Mais ici, le contexte historique est également important. Izetbegovic a

3 sans doute négocié avec Milosevic parce qu'il a compris que le gouvernement

4 à Tudjman avait épousé une approche à long terme au sujet de la Bosnie. Les

5 Croates historiquement parlant voulaient incorporer de grosses parties de

6 la Bosnie dans cet Etat croate. De là, à savoir si c'était légitime ou pas,

7 ce n'est pas mon problème.

8 Q. Fort bien.

9 R. Mais, c'est une chose que dont tout Yougoslave, et tous étaient

10 Yougoslave avant la guerre.

11 Q. Moi, je comprends.

12 R. Mais, je me demande pourquoi vous adoptez ce ton et ces remarques au

13 sujet de l'utilisation de ce terme. Les Yougoslaves avaient compris que les

14 autorités croates avaient l'intention de faire ce type de choses.

15 Q. Une question rapide. Est-ce qu'Izetbegovic a jamais proposé

16 l'Herzégovine à Tudjman, par exemple ?

17 R. Oui ou non ?

18 Q. Oui, oui ou non.

19 R. J'en doute sérieusement.

20 Q. Vous en doutez ?

21 R. Oui, j'en doute. Mais je ne sais pas.

22 Q. Alors, vous n'avez jamais entendu dire Izetbegovic à Tudjman qu'il

23 pouvait avoir l'Herzégovine ?

24 R. Je n'en suis pas au courant.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Le moment est épuisé. Alors, comme il va falloir

26 faire la pause, terminez vite par une dernière question.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, merci, et j'allais le dire justement.

28 Donnez-moi un instant, Monsieur le Président.

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1 Q. Vous avez parlé de Tudjman et d'Izetbegovic, qui ont dû, comme Oliver

2 Twist, aller voir Milosevic et de lui demander une espèce de protection en

3 substance ?

4 R. Non.

5 Q. C'est ainsi que je comprends la chose.

6 R. Ah, ça, oui.

7 Q. Alors, est-ce que la guerre avait déjà fait rage en Croatie, est-ce

8 qu'elle a commencé ?

9 R. Au moment où Izetbegovic s'est entretenu avec Milosevic ?

10 Q. Oui, justement. On est en train de parler de juillet, août 1991, date à

11 laquelle se sont tenu ces négociations secrètes. Est-ce qu'à l'époque la

12 JNA avait déjà attaqué ?

13 R. Ça avait commencé.

14 Q. Ah, ça avait commencé, fort bien. Donc, à cette époque justement il y a

15 des négociations secrètes et il y a une attaque sur Ravno et Izetbegovic

16 vient et il dit : "Ce n'est pas notre guerre à nous." Cela a été ce message

17 aux résidents de la Bosnie-Herzégovine, qui sans doute aucun, et vous le

18 savez parce que vous êtes historien, avec un doctorat en histoire, d'une

19 belle université. Alors, ces Croates ont compris que ce président là ne

20 veillait pas au meilleur de leurs intérêts ?

21 R. En ma qualité d'historien qui a étudié ces questions bien plus en

22 profondeur que ne le fait ce procès-ci, je voudrais dire que ma supposition

23 d'homme éduqué, c'est que les Croates de l'Herzégovine étaient tout à fait

24 contents de cette formulation.

25 Q. Vous voulez dire que les Croates attaquaient, Izetbegovic dit : "Ce

26 n'est pas notre guerre," alors qu'on attaquait un village croate et que la

27 JNA lance des attaques contre la Bosnie-Herzégovine.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : -- compris, mais, Monsieur le Témoin, il semble qu'à

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1 la ligne 5, page 45, vous dites qu'en tant qu'historien qui avait étudié en

2 profondeur les questions plutôt que ce Tribunal le ferait. Vous doutiez,

3 vous doutez du fait que les Juges ne se posent pas les mêmes problèmes que

4 vous ? J'ai peut-être mal compris, oui.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je suis désolé. J'espère que vous allez

6 certainement le faire. Mais d'après la façon dont j'ai compris ce procès,

7 ce procès ne se penche pas sur les positions, l'attitude historique croate

8 vis-à-vis de l'Herzégovine. J'ai surtout, je n'ai surtout pas voulu manquer

9 de respect, mais je suis en train de recevoir une grande quantité de

10 commentaires relativement de mauvais goût au sujet de mon éducation. Et je

11 me suis proposé de répondre à cela.

12 M. KARNAVAS : [interprétation]

13 Q. Je vais y venir. Je vais vous poser la question : Juillet, août 1991,

14 Monsieur, d'après votre expertise historique, vous indiquez que la Croatie

15 avait déjà été attaquée par la JNA. J'ai mentionné Ravno, vous savez que

16 Ravno se trouve en Bosnie-Herzégovine. Et ça été attaqué. Et vous devez

17 savoir qu'à l'époque la JNA a lancé ses attaques sur la Croatie à partir du

18 territoire de la Bosnie-Herzégovine. A cette même époque, Izetbegovic est

19 le président de la présidence. Mais, en pratique, il agi en tant que

20 président de l'Etat, non pas comme étant le premier parmi des égaux, mais

21 il est le président de la république et Izetbegovic était en train de

22 négocier directement ou par des représentants à lui, avec le régime à

23 Milosevic.

24 Or, ma question à votre égard, Monsieur est très simple : Etant donné les

25 circonstances prévalent à l'époque, est-ce que vous vous trouvez surpris

26 par le fait que les Croates en Bosnie-Herzégovine, réalisant ce qui est en

27 train de se passer, et réalisant qu'après l'attaque sur Ravno, Izetbegovic

28 apporte une réponse qui est celle de dire : "Ce n'est pas notre guerre à

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1 nous." Et certains ont interprété la chose comme étant le fait qu'il va

2 s'asseoir et ne rien faire à ce sujet. Alors, êtes-vous surpris de voir les

3 Croates se sentir dans l'insécurité -- avoir de l'insécurité vis-à-vis de

4 ce leader, et suite à cela, voir décider en quelque sorte de s'auto

5 organiser aux fins de mettre en place une autoprotection. Est-ce que cela

6 vous surprend ?

7 M. SCOTT : [interprétation] Objection, parce que c'est une question qui

8 fait à peu près 20 lignes de compte rendu d'audience. Je ne sais plus

9 quelle est la question posée au départ au témoin. C'est une première chose.

10 Deuxième chose, pour que tout soit clair au dossier, je pense que Me

11 Karnavas devrait être plus précis et dire "la déclaration supposée"

12 d'Izetbegovic parce que des éléments vous ont été présentés montrant que

13 cette déclaration n'a jamais été prononcée, donc je pense qu'il serait plus

14 correct de dire "la déclaration supposée" de M. Izetbegovic.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai jamais entendu personne qui conteste

16 cette déclaration, première chose; deuxième chose, la question est peut-

17 être longue mais vous aurez constaté, Messieurs les Juges, qu'elle s'appui

18 sur des faits, des éléments de preuve qui ont été présentés en ce Tribunal

19 et ce n'est qu'à la fin que la question entre en jeu. Parce que le reste ce

20 sont des faits qui ont été présentés comme élément du dossier ici devant

21 vous.

22 Q. Monsieur le Témoin, êtes-vous en mesure de répondre à cette question ou

23 pas ?

24 R. Bien entendu.

25 Q. Fort bien.

26 R. [aucune interprétation]

27 Q. [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ANTONETTI : -- répondez.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je serai heureux d'y répondre. Je pense

2 que tout le monde en Bosnie avait de très bonnes raisons d'avoir un

3 sentiment d'insécurité à l'époque. Je pense que si Izetbegovic a fait cette

4 déclaration c'était parce qu'il était dans la plus grande insécurité. On ne

5 peut pas reprocher, je ne reprocherai pas aux Croates en Bosnie-Herzégovine

6 d'avoir eu ce sentiment d'insécurité à l'époque. C'était un sentiment très

7 répandu à l'époque.

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Malheureusement, nous devons faire la pause

9 et je n'ai plus de temps.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est temps de faire la pause, donc, nous faisons

11 une pause de 20 minutes.

12 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

13 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Défense, Maître Kovacic.

15 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais vous présenter

16 une requête conformément à votre ordonnance auparavant afin de permettre à

17 M. Praljak d'interroger lui-même le témoin, j'estime pour ma part, que dans

18 le cas concret, on aura répondu aux deux conditions de ceux qui sont

19 évoqués dans la décision que vous avez rendue; à savoir qu'il a des

20 connaissances spécifiques sur le sujet et il a participé en personne à ces

21 événements dont le témoin dans la première partie de son premier rapport a

22 parlé, à savoir là où il parle de faits dont il a tiré des conclusions. Je

23 tiens également à vous demander de ne pas perdre de vue, que du fait de

24 notre opinion, l'analyse de cet expert n'est pas strictement historique.

25 Cela va outre les limites de l'expertise historique parce que dans une

26 certaine partie des questions de politicologie et de sociologie de la

27 société et cela s'aventure dans d'autres domaines des sciences ou requiert

28 d'autres connaissances.

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1 Alors, je rappelle aux Juges de la Chambre que le général Praljak a été

2 participant actif dans ce processus de démocratisation de la société dans

3 la fin des années '80 et début des années '90. Ce sont là, dont les sujets

4 que le témoin expert a parlés dans une certaine façon, parce qu'il aurait

5 fait des études de sociologie et de philosophie, il a vaqué à la théorie et

6 pratique, et notamment à la littérature en la matière, donc, il dispose des

7 connaissances nécessaires.

8 Et à cet effet, je crois qu'il répond aux deux critères que vous avez

9 évoqués, je vous demanderais donc de le lui permettre de poser par lui-même

10 ses questions à l'expert.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. SCOTT : [interprétation] L'Accusation aurait une objection quant au fait

13 que M. Praljak interrogerait le témoin. Le fait que la Défense tente ainsi

14 de justifier son rôle illustre, encore une fois, le fait que les limites

15 posées par la Chambre n'auraient plus de sens, je pense donc que, oui, ces

16 limites seraient vidées de leur sens.

17 En tout cas, l'Accusation a une objection à ce sujet, car quant à ces

18 éléments d'information, M. Karnavas a certainement démontré son attitude à

19 passer en revue ses moyens de preuve et l'on s'attendrait à ce que tout

20 conseil de la Défense adresse ses questions, donc nous levons une

21 objection.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, la Chambre vous demande : sur

23 quelles questions ou points M. Praljak poserait ses propres questions ? Sur

24 quels éléments ou évidemment ses compétences en sociologie pourraient être

25 utiles ? Quels seraient les sujets

26 abordés ?

27 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, il y a toute une série

28 de thèmes. Bien entendu, M. Praljak n'aura pas le temps de se pencher sur

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1 la totalité des sujets, mais il a pensé à envisager de se pencher sur un

2 thème, notamment sur le sujet de Konrad Lorenz, à savoir le mal. Au sujet

3 de quoi l'expert devrait avoir connaissance de cette littérature, du moins

4 cela devrait être le cas, il est question là directement de ses

5 conclusions, des conclusions qu'il a tirées au sujet de l'analyse qui

6 figure dans la première expertise, à savoir caractéristiques notoirement

7 connues et modèle des conflits dans les Balkans tels que présentés dans les

8 rapports fréquents au fil de l'année 1992.

9 Je veux dire que cette partie-là du rapport, je tiens à dire que

10 cette partie-là du rapport du témoin et hier on nous a apporté des

11 explications à ce sujet, se fondent sur des évaluations de sources qui sont

12 citées par l'expert et sur lesquelles il se fonde en interprétant quels

13 étaient ces caractéristiques et modèles notoirement connus des conflits

14 tels que qualifiés par ses soins.

15 Alors, notre thèse à nous c'est de dire que ce n'était pas les seuls

16 facteurs, les seuls éléments, ça c'est d'un; et de deux, il s'agit de

17 savoir dans quelle mesure la presse de l'époque sur laquelle s'appuie

18 l'expert a relevé la chose de façon correcte. Il a -- il eut fallu disposer

19 de connaissances pour prendre en considération ces éléments-là. Or, M.

20 Praljak dans ce processus qui a précédé au conflit, processus de

21 démocratisation de la société en 1989, lorsqu'on a supprimé le système mono

22 partite et lorsqu'il s'agissait de faire entrer sur scène de nouvelles

23 forces politiques qui n'existaient pas, et -- ou qui existaient, mais qui

24 n'étaient pas organisés.

25 Et à quoi a participé M. Praljak, il y a participé, il sait ce qui

26 s'est passé et il a su quels sont les événements qui ont influé et de

27 quelle façon pour ce qui est des événements qui ont ensuite débouché sur

28 des conflits directs à savoir lorsqu'il s'agit des décisions de la Serbie

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1 et de l'armée populaire yougoslave d'y prendre part.

2 Et si vous voulez une explication plus détaillée, M. Praljak peut vous

3 donner plusieurs exemples pour vous illustrer cela. Je peux le faire mais

4 je pense qu'il le fera mieux parce que nous avons procédé à un partage des

5 thèmes de la sorte. J'ai, moi, préparé l'expertise qui sort de l'acte

6 d'accusation mais M. Praljak, lui, est suffisamment cadré en la matière. Je

7 ne veux pas répéter ce qui a déjà été dit.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question, Maître Kovacic. On a un

9 rapport -- enfin, on a deux rapports, l'un qui est avant -- avant les

10 événements, donc, ce qui s'est passé en 1991-92, principalement, et l'autre

11 après les accords de Washington. Bon. Après les accords de Washington, le

12 général Praljak n'était plus -- ne jouait plus de rôle puisque quand il

13 regagne la Croatie au mois de novembre 1993, il apparemment il ne joue pas

14 de rôle.

15 En revanche, sur le rôle avant, vous venez de dire qu'il a joué un

16 processus, qu'il a joué un rôle dans le processus de la démocratisation,

17 c'est-à-dire tout ce qui arrive est arrivé avant 1993.

18 M. KOVACIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président, vous

19 l'avez à juste titre relevé. Dans le deuxième rapport, à savoir celui qui

20 parle des événements suite aux accords de Dayton, M. Praljak n'a pas de

21 questions de préparer à cet effet. C'est moi qui voulais le couvrir ce

22 domaine, mais étant donné que mon confrère l'a fait, je ne vais pas le

23 faire à nouveau. Je préfère laisser davantage de temps à M. Praljak. Et

24 pour ce qui est de la deuxième partie que vous avez évoquée.

25 Tout ce qui s'est passé en 1990, 1991, et qui fait l'objet du début

26 de l'exposé de -- du rapport qui couvre jusqu'au mois de juin, on parle

27 d'éléments essentiels pour ce qui est du pourquoi et du comment des

28 événements. C'est dans cette partie-là que M. Praljak a pris une part

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1 active et c'est là qu'ont commencé -- qu'on a commencé à créer des partis.

2 C'est l'époque où on a mis en place une autorité démocratique, et

3 s'agissant de ces événements-là, M. Praljak, il a véritablement pris part à

4 part entière avec tout son temps et toute son énergie. Personne ne connaît

5 mieux ces événements que lui. Et une phrase encore, si vous le permettez.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Il a pris part en Croatie ou en Bosnie-

7 Herzégovine ?

8 M. KOVACIC : [interprétation] En Croatie en 1989, 1990, 1991, en Croatie,

9 et tout ce récit commence avec la présentation de l'expert fait par

10 l'expert comme vous pouvez le voir vous-même. L'expert part du fait que des

11 caractéristiques générales et des modèles généraux de conflits dans les

12 Balkans se sont manifestés et étaient notoirement connus de la thèse de

13 l'expert justement du fait de ces premiers événements survenus en Croatie

14 et couvrant jusqu'en juin 1991. C'est la partie introductive. C'est la

15 thèse présentée par l'expert. Et c'est ensuite que ces mêmes modèles tels

16 qu'il les a présentés, conflits ethniques, et cetera, se sont reflétés en

17 Bosnie.

18 Parce que, ergo, toute personne normale et censée ayant des fonctions

19 à exercer ultérieurement en 1992, 1993 en Bosnie avait dû savoir que ce --

20 ce qui se produirait c'est de l'équivalent de ce qui s'est passé en

21 Croatie. Et la thèse que nous défendons, et c'est la raison pourquoi le

22 général Praljak veut en parler lui-même à savoir que lui en personne a pris

23 toute son énergie et son temps et ses connaissances pour participer

24 notamment à la création de ces circonstances qui avaient pour objectif une

25 démocratisation de la société. Et dans cette démocratisation il y a eu des

26 résistances qui s'y sont opposées raison pour laquelle il y a eu des

27 conflits et une guerre.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ajouter quelque chose aussi ? Qu'est-ce que

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1 vous voulez dire de plus ?

2 M. KOVACIC : [interprétation] Ce que je voulais juste ajouter et finir avec

3 une phrase. Ce sont précisément les circonstances dont le témoin a parlé de

4 façon sélective pour abonder dans sa thèse mais il a pris pour sources

5 plusieurs journaux. Or, ça ne s'est pas passé dans un milieu stérile. Tout

6 ce qui s'est passé et nous avons des connaissances sociales suffisantes en

7 la matière, sous-entend de plus d'implication, plus de facteur, plus de

8 faits qu'il convient de mettre sur la table pour pouvoir évaluer la

9 réalité.

10 Et dans ce processus, M. Praljak, il a participé en personne, et

11 j'affirme que, mis à part ce fait-là, il a des connaissances non seulement

12 formelles du fait d'avoir fait des études de sociologie et de philosophie,

13 mais des connaissances sociales générales. Je répète que ces

14 caractéristiques qui sont celles de la connaissance dont on doit avoir

15 possession, mais il faut avoir des connaissances en matière de sociologie

16 de la société pour pouvoir faire une analyse et une documentation qui, à

17 mon avis, se doit d'être souligné à savoir qu'une thèse présentée de la

18 sorte se trouve être dénuée, à mon avis de sens. Merci.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre qui a délibéré autorise M. Praljak

21 à poser des questions uniquement sur la période allant jusqu'en avril 1992,

22 début où il y a marqué de la guerre en Croatie, et pas sur la Bosnie-

23 Herzégovine, uniquement sur ce qui s'est passé en Croatie 1990, 1991 et

24 avril 1992 parce que M. Praljak était à l'époque en Croatie. Donc, voilà le

25 champ de l'autorisation.

26 Bien. Alors, Monsieur Praljak, vous avez la parole. Question temps, M.

27 Praljak avait 30 minutes; c'est bien ça, Maître Kovacic ?

28 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois qu'il a

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1 reçu quelques moments de la part des autres conseils. Je n'ai pas étudié la

2 question, mais peut-être vous le dira-t-il vous-même.

3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je me

4 suis vu accorder dix à 15 minutes de la part de

5 M. Prlic, mais vous allez voir à quoi je vais m'en tenir. Je n'ai pas

6 d'ailleurs eu l'intention de parler des sujets dont M. Karnavas a parlé

7 déjà. Je vais parler de faits, faits à partir desquels il a été apporté des

8 jugements de valeur.

9 Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Bonjour, Docteur.

11 R. Bonjour.

12 Q. Veuillez m'indiquer, pour commencer : quelle est l'estimation de la

13 leur qui ne porte pas ou quel est le jugement historique qui ne

14 constituerait de jugement de valeur ?

15 R. Bien, il me semble encore une fois que nous abordons la définition même

16 d'un jugement de valeur. A mon sens, un jugement de valeur c'est lorsque

17 j'applique mes valeurs à votre situation sans se limiter exclusivement aux

18 faits. Je pense qu'une évaluation historique a forcément une interprétation

19 et on pourrait dès lors affirmer qu'il s'agit de jugement de valeur.

20 En tant qu'historien, nous sommes toujours en train de débattre du

21 bien fondé de telle ou telle interprétation, et donc de formuler des

22 jugements de valeur.

23 Q. Bien, on va sauter cela. Vous nous avez dit que vous avez lu en Croatie

24 le journal Danas, et le Hrvatski Tjednik. Alors, je vous prie de nous dire

25 si vous avez lu la liste de Vecernji, Vjesnik, et Slobodna Dalmacija, la

26 liste de Rijecki Novi, le Glasnik de Osijecki, le journal Glas de la

27 Slavonije ? Est-ce que vous avez suivi ces journaux en Croatie ?

28 R. Dans le cadre de ma vie professionnelle, j'ai lu la liste de Vecernji,

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1 et Slobodna Dalmacija. Parfois Glas Slavonije également. Je n'ai pas lu ces

2 journaux dans le cadre de l'élaboration de mon rapport.

3 Q. Merci. Avez-vous lu Globus, Nedjeljna Dalmacija, et d'autres

4 hebdomadaires ? Et vous êtes-vous servi de ces rapports pour la rédaction

5 de vôtre ?

6 R. Non.

7 Q. Savez-vous qu'à l'époque où vous avez lu Danas, quel était le tirage de

8 ce journal ?

9 R. J'aimerais simplement dire que je n'ai pas répondu "non" à la question

10 antérieure. Peut-être avais-je fait un signe, mais en fait j'avais,

11 effectivement, consulter Globus, mais pas dans le cadre du rapport.

12 Et je ne saurais vous dire quel était le tirage pour Danas.

13 Q. Pouvez-vous me dire le nom de l'un quelconque des journalistes qui

14 aurait travaillé dans cet hebdomadaire de Danas qui n'avait pas été membre

15 éminent de la Ligues des communistes de Croatie ? Pouvez-vous me donner le

16 nom d'un journaliste qui aurait été collaborateur de Danas donc vous êtes

17 donc servi des articles qui n'auraient pas été éminents de la Ligue des

18 Communistes de Croatie ? Pouvez-vous me donner ne serait-ce qu'un nom ?

19 R. Non, je ne saurais le faire.

20 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, je ne vois pas la

21 pertinence de votre question. Vous savez, bien sûr, qu'à l'époque en

22 Yougoslavie, comme dans d'autres pays communistes, les communistes étaient

23 partout. Donc, franchement, je ne vois pas la pertinence de votre question.

24 Vous avez déjà soulevé cette même question par le passé, mais je ne pense

25 pas que l'on devrait poser cette question au témoin. Merci.

26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, la

27 pertinence de cette question est la suivante : les communistes encore, et

28 pour ce qui est notamment du journal de Danas - dont je ne peux pas parler

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1 en plus en long et large - avait défendu la thèse du maintien de la

2 Yougoslavie, et donc, leurs écrits étaient dénués d'objectivité parce

3 qu'ils avaient défendu une idée politique qui était qu'en démantèlement

4 complet et désintégration complète. Donc c'est la raison pour laquelle je

5 pose la question, est-ce que ces journalistes étaient membres de la Ligue

6 des Communistes de Croatie, ou est-ce qu'il faisait partie de cette autre

7 catégorie des nationalistes particuliers ?

8 J'ai estimé que la question était pertinente.

9 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je comprends bien votre thèse,

10 Monsieur Praljak. Cela dit, si je ne m'abuse, si je me souviens bien, vous

11 avez écrit votre thèse à l'université concernant l'éthique Marxist, n'est-

12 ce pas ? Est-ce vrai ? Je crois dès lors que la question que vous évoquez

13 et les anciens communistes, tout cela n'est pas couvert par l'acte

14 d'accusation, et pas non plus par les rapports rédigés par le témoin.

15 Ainsi, je maintiens que -- j'insiste plutôt sur le fait que vous devez

16 poser des questions concernant les rapports. La Chambre l'a décidé vos

17 questions doivent concerner deux parties du rapport, tout ce qui précède le

18 mois de juin 1991 et le début de la guerre, et ce qui s'est passé en

19 Croatie, et se limiter à cela.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

21 M. SCOTT : [interprétation] J'aimerais me rallier à l'objection formulée

22 par le Juge Prandler. L'Accusation formule la même objection quant à la

23 pertinence. Cette question, aimerait bien savoir de quelles conclusions il

24 s'agit, dans ce premier rapport et par rapport à quelles conclusions est-ce

25 que le fait que les -- ou certains auteurs auraient été communistes

26 auraient eu un impact ? Je vais vous donner un exemple, à la page 7, au

27 haut de la page, il est question, comme nous l'avons déjà dit lundi, du

28 meurtre de civils que l'on a obligé à traverser un champ de mine en octobre

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1 1991, ils ont été contraints de le faire par les forces serbes.

2 Ce que M. Praljak suggère qu'en raison du fait que certains auteurs

3 auraient pu être communistes cet incident n'aurait pas eu lieu. Donc

4 comment est-ce que cela peut être pertinent vis-à-vis des conclusions

5 auxquelles le témoin est parvenu.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : -- continuez. Vous voulez par votre question, dire

7 que les journalistes de Danas étaient engagés dans la mesure, ou d'après

8 vous, c'étaient des membres du parti communiste, et de ce fait, eux, ils

9 étaient pour le maintien de la Yougoslavie. C'est ça que vous vouliez

10 établir, alors, bon, vous l'avez dit, maintenant passer à autre chose.

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

12 Juges, ce que je voulais seulement c'est posé une question, et j'ai cité

13 pour cette raison-là tous ces journaux. Est-ce que le témoin objectivement

14 parlant, comme cela est le devoir d'un historien, consulter plusieurs

15 sources ? Je n'ai pas dit quoi que ce soit contre les gens de Danas -- les

16 journalistes de Danas, j'ai voulu montrer par là que le témoin lors de son

17 choix a pris part d'une partie -- ou le parti vient -- d'un parti. J'ai

18 voulu indiquer que ces sources n'ont pas été plus multiples mais il s'est

19 référé à un seul type de sources. Et c'est tout ce que je voulais dire.

20 Q. Monsieur, veuillez nous dire, parce que vous vous êtes occupé des

21 Balkans, et avant le début de ce procès, j'ai rédigé un livre et je vais

22 parcourir rapidement l'histoire de la Yougoslavie. Dites-moi : est-ce

23 qu'entre 150 et 200 000 Croates ont bel et bien été tués à Blajburg en

24 Slovénie et à Krejeni Putevi [phon] après la Deuxième Guerre mondiale,

25 c'est une population, des soldats qui s'étaient retirés vers des forces

26 alliées en Autriche ? Est-ce que vous avez eu connaissance de la chose ?

27 R. Oui, oui, en effet.

28 Q. Avez-vous également su qu'après cette guerre-là, dans la Slovénie

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1 libérée, on a retrouvé 410 tombes, 298 fosses communes, 87 fosses, et

2 ravins, 15 ravins anti-chars, 16 mines, et quatre abris antiaériens, où on

3 a enterré essentiellement les Croates qui se retiraient vers les forces

4 alliées à la fin de la Deuxième Guerre mondiale; le saviez-vous cela ?

5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, auriez-vous

6 l'obligeance de nous expliquer comment cela se rapporte à ce premier

7 rapport ?

8 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, le témoin a

9 clairement dit dans son rapport que le problème entier de cette étape

10 pluriethnique de l'Etat de Yougoslavie commence après la mort de Tito, et

11 cette borne de Yougoslavie a été détruite par des particularismes

12 nationalistes. Jusque-là, tout allait bien, tout était magnifique. La Ligue

13 des Communistes était une organisation merveilleuse et Tito n'a pas désigné

14 de successeur comme s'il s'agissait d'une dynastie des Habsburg ou de quoi

15 que ce soit d'autre et en raison de ces méchants nationalistes qui

16 voulaient briser cette Yougoslavie, qu'il y a eu tous les crimes qui sont

17 survenus par la suite.

18 Alors, je vais poser plusieurs questions brèves et rapides, pourquoi et

19 pour indiquer sur quoi s'est créée cette Yougoslavie, quelle a été la

20 substance même de ce régime communiste, quels sont les crimes sur lesquels

21 elle a été construite. Et moi, j'ai énuméré certains chiffres pour

22 démontrer que depuis le début ça l'a été la cellule ou la prison des

23 peuples où il y a eu tout le temps un souhait ou une aspiration à la

24 démocratie, à la liberté et aucun particularisme n'a occasionné la

25 destruction de cet état, mais cet état s'est démantelé parce que c'était

26 une dictature. Et je voudrais que l'on m'autorise à donner plusieurs autres

27 exemples, si vous estimez que j'ai répondu à la question que vous avez

28 posée.

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1 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Non, à mon avis, cela ne convient

2 pas. Je vous prie de vous concentrer sur les chapitres pertinents du

3 rapport.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, la Chambre a pris une décision

5 unanime, on vous demande de vous centrer sur la période 1990-1991-1992

6 avril, et en Croatie. Par votre question, vous soulevez un autre problème.

7 Mon collègue estime que ce n'est pas pertinent. Moi, à titre personnel,

8 j'aurais aimé entendre vos questions, mais je me range à l'avis de la

9 Chambre.

10 Donc, je vous demande mais vous aurez certainement l'occasion par d'autres

11 témoins d'aborder ces questions qui pour vous, vous paraissent importantes.

12 Alors, ce témoin n'a parlé que de 1991, 1990, 1992, donc, posez-lui des

13 questions uniquement là-dessus; sinon, on part dans un autre champ qui est

14 intéressant certainement, mais vis-à-vis de ce témoin, ça peut paraître

15 moins pertinent.

16 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, excusez-moi, mais

17 comment va-t-on comprendre une thèse ? Il s'agit d'une thèse. On parle des

18 élites yougoslaves, page 2 de son rapport. Les élites yougoslaves se sont

19 complètement rangées derrière ce particularisme nationaliste qui a tout le

20 temps existé au côté de l'idée yougoslave.

21 Alors, de quelle façon un historien, qui étudie les Balkans, peut-il

22 commencer à un moment où l'état se démantèle ? Il s'agit d'une

23 désintégration de la société, et cela s'était manifesté pendant 30 ans sur

24 bien des éléments.

25 Q. Alors, Monsieur, expliquez-nous pourquoi la Yougoslavie s'est-elle

26 désintégrée, en raison des nationalistes particularistes, dites-vous ?

27 R. Je voudrais vous poser une question avant de fournir une réponse, peu

28 importe. Il y a eu désintégration parce que le pays était dirigé par un

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1 dictateur, de 1944 à 1980. Et pour lui, il voyait ce pays comme étant

2 composé d'une série de peuples qui étaient tous des nationalistes qu'il

3 fallait réprimer pour maintenir la stabilité. Rien dans mon rapport ne

4 laisse entendre que je pensais que Tito était un brave homme, et quand il

5 est mort il n'y avait rien dans cette position ou qu'il soit à même de

6 poursuivre cette politique répressive, ce yougoslavisme forcé.

7 J'ai essayé d'être aussi clair que possible, et ce yougoslavisme

8 forcé n'a pas pu se maintenir, au contraire, je parle de nationalisme

9 particulariste. Ce ne sont pas les mots que j'ai choisis moi, non pas que

10 je distancie de cela. Ce ne sont pas des mots que j'ai choisis, mais ces

11 nationalistes particularistes ont comblé ce vide qui s'était installé. Et

12 ce n'est pas un jugement de valeur que je prononce. Il y a eu un dictateur,

13 des nationalismes et disons que ni l'un ni l'autre de ces éléments ne

14 provoque de sentiment particulier chez moi. Je pense qu'il y a eu une

15 augmentation des nationalismes qui sont devenus plus vitaux, plus agressifs

16 et finalement plus violents à cause de la répression active depuis 1944.

17 J'espère répondre à votre question.

18 Q. Merci. Mais qu'en est-il de la liberté de cet aspect-là de la

19 démocratie ? De la déclaration américaine sur l'indépendance et des droits

20 de cette déclaration que vous défendez, et à laquelle vous croyez qui parle

21 du droit des peuples ? Est-ce que l'URSS s'est démantelé, désintégré en

22 raison de nationalisme aussi ? Est-ce que toute cette composition s'est

23 démantelée en raison de nationalisme ou en raison des aspirations de la

24 liberté à la démocratie, aux droits des peuples et ainsi de suite, par

25 exemple, dans l'esprit de la déclaration de l'indépendance des Etats-Unis ?

26 J'aimerais que vous l'expliquiez aux Juges.

27 R. On pourrait débattre de la nature de la déclaration de l'indépendance

28 de notre constitution pendant des heures. Mais je ne pense pas que les

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1 droits des nations y soient mentionnés. On pense plutôt aux droits des

2 individus en tant que tel. Mais pour ce qui est de l'Union soviétique et de

3 Yougoslavie, elles se sont désintégrées pour les mêmes raisons. Au fond,

4 parce que c'étaient des dictatures qui ne pouvaient pas se perpétuer.

5 Et très souvent c'est un troisième élément, je suppose très souvent le

6 nationalisme c'est l'expression d'un souhait, d'un désir de liberté.

7 Cependant à mon avis, malheureusement très souvent il se détériore pour un

8 souhait de liberté, et la liberté d'une nation c'est la privation de

9 liberté d'une autre. Je suppose qu'en l'occurrence pour ce qui est de la

10 Yougoslavie, où les territoires étaient actuellement mélangés sur le plan

11 de nationalisme, l'expression du nationalisme de l'un est souvent

12 l'expression de l'oppression d'un autre, en fin de compte.

13 Q. Bon, je ne vais pas continuer dans ce sens. Je vais passer à autre

14 chose. Je vais vous demander : est-ce que quand on dit Yougoslavie,

15 l'appellation c'est République socialiste fédérative de Yougoslavie; est-

16 ce que bien cela ?

17 R. Je crois que oui.

18 Q. Alors, fédérative, ça veut dire je n'ai pas parlé de droit. Je vais

19 vous poser des questions au sujet de ce à quoi j'ai vaqué. Ne savez-vous

20 pas que jamais en Yougoslavie, mis à part la doctrine à Brejnev, on a

21 limité le principe de Lénine du droit des peuples à l'autodétermination

22 jusqu'à la sécession et cela a existé dans la constitution de la République

23 socialiste fédérative de Yougoslavie. Donc, le droit des peuples à

24 l'autodétermination jusqu'à la sécession.

25 R. Je sais que c'est un droit qui se retrouve dans la constitution

26 yougoslave de 1974. Vous faites une référence à la doctrine de Brejnev, je

27 ne la comprends pas. Il n'en demeure pas moins que le droit à

28 l'autodétermination des peuples plutôt qu'à celle des républiques c'est une

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1 question complexe, puisqu'il n'y a jamais eu un seul peuple dans une

2 république donnée. Ce n'est pas en pratique aussi simple que cela semble

3 dans une constitution, par exemple.

4 Q. Écoutez, quand on parle de république et de peuple, pouvez-vous me dire

5 quelles sont les trois premières phrases de la constitution de la

6 République socialiste de Croatie ? La constitution de la République

7 socialiste de Croatie ? Comment s'énoncent les trois premières phrases ?

8 Est-ce que ça s'énonce comme suit : "La Croatie est un Etat. La Croatie est

9 l'Etat national du peuple croate. La Croatie est l'Etat des Serbes et des

10 autres nations et minorités nationales qui résident" ?

11 Est-ce que ce sont les trois premières phrases de cette constitution de

12 cette République socialiste de Croatie ?

13 R. Je n'ai pas mémorisé ces phrases. Ce que vous dites me semble c'est

14 correct. Je sais qu'il y a une distinction entre la constitution socialiste

15 et celle qui a été, qui est entré en vigueur en 1991. Mais ça me semble

16 être assez correct ce que vous dites. Je vous crois.

17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous êtes sérieux, Monsieur Praljak

18 ? Excusez-moi. "L'Etat croate est un Etat national de la nation du peuple

19 croate. La Croatie est le peuple des Serbes et des autres nationalités" ?

20 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] J'ai bien cité. Je suis sûr de ce que

21 je dis parce que c'est une chose à laquelle j'ai vaqué pendant 40 ans.

22 La Croatie est un Etat, point. La Croatie est l'Etat national du peuple

23 croate, point. La Croatie est l'Etat des Serbes et des autres nations et

24 minorités nationales qui y résident. C'est ainsi que se lisaient les trois

25 premières phrases de la constitution de la République socialiste de

26 Croatie. Et je le dis parce que le témoin nous dit dans son rapport que la

27 modification de la constitution, lorsque la Croatie est devenue autonome,

28 indépendante, il y a eu le fait de voir les Serbes devenir des citoyens de

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1 deuxième ordre.

2 Q. Alors, à quel sens affirmez-vous que les Serbes sont devenus des

3 citoyens de deuxième ordre ?

4 R. Je ne me souviens plus du libellé exact qui le disait et je serais prêt

5 à admettre que la différence entre les constitutions est peut-être un peu -

6 - sont obscures pour quelqu'un qui ne s'y connaît pas. Mais quand on voit

7 le libellé de la constitution de Croatie après l'arrivée au pouvoir de

8 Franjo Tudjman, vraiment heurter -- heurter la population serbe de Croatie

9 même pour quelqu'un qui est de l'extérieur et je ne comprends pas pourquoi

10 on a retenu ce libellé-là, enfin.

11 Q. Mais je vous en prie. Si vous ne savez pas exactement ce qu'on nous

12 disait, comment pouvez-vous affirmer que telle chose risque d'offenser

13 quelqu'un ?

14 Je vous prie de vous référer à mon classeur de documents et de vous

15 pencher sur un document portant le numéro 3D 01085, 3D 01085.

16 Il s'agit d'un document publié par l'assemblée de la République de

17 Croatie le 8 octobre 1991. Il s'agit d'une décision relative à une

18 sécession de tous liens de l'Etat, et de tous liens juridiques avec la

19 RSFY. Est-ce que vous savez que cela est la décision qui a été prise suite

20 à un moratoire de trois mois qui a suivi la déclaration de Brioni et après

21 que l'aviation serbe ait bombardé le bâtiment du gouvernement et de la

22 présidence de la République de Croatie, à savoir les Banski Dvori ?

23 Est-ce que vous avez eu connaissance de ces événements ?

24 R. Oui.

25 Q. Alors, je vous demande de lire le paragraphe 5 : "La Croatie, en sa

26 qualité d'Etat souverain et indépendant, en garantissant les droits de

27 l'homme et des minorités ethniques, donc, en garantissant c'est explicite

28 par la Charte des -- générale des Nations Unies, les actes finales de la

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1 Conférence d'Helsinki, les documents de l'OSCE," et ainsi de suite.

2 Alors, qui est-ce qui serait ou pourrait être offensé par ce type de

3 position, si tant est qu'il souhaite être citoyen de cet

4 Etat ?

5 R. Mais vous me demandez de parler au nom de la population Serbe de

6 Croatie mais moi je peux vous dire ce qui les a offensée ?

7 Q. Ah non.

8 R. Non, ah, je croyais que vous me disiez d'arrêter. Oui, ils étaient

9 offensés par le fait que des Serbes n'étaient pas mentionnés exclusivement

10 et aussi par le fait qu'ils étaient considérés comme étant une minorité

11 nationale. Quant à moi, bon, moi, ça ne me pousserait pas à me rebeller,

12 mais vu les conditions de la Croatie historiquement c'était considéré comme

13 étant par les Serbes, comme étant par les Serbes donc un précédent

14 dangereux.

15 Q. Mais pouvez-vous me dire, je vous prie, si vous avez lu le mémorandum

16 de l'Académie serbe des sciences et des arts ?

17 R. Oui, vraiment à fond, j'ai écrit à ce propos, oui, je vous dis, oui.

18 Q. Est-ce que c'est une prise de position politique claire de la part de

19 l'élite intellectuelle serbe sur le point de dire qu'ils souhaitent que

20 tous les Serbes, indépendamment des frontières des républiques, vient dans

21 un seul et même Etat ? Est-ce que c'est explicitement dit dans ce texte ?

22 R. C'est implicite dans le document, ce n'est pas dit, ce n'est pas

23 déclaré explicitement.

24 Q. Est-ce que dans le cadre de ceci, Milosevic a conduit toute sa

25 politique de façon à suspendre la constitution de la République socialiste

26 fédérative de Yougoslavie en supprimant deux provinces : le Kosovo et la

27 Vojvodine, de façon autonome, sans consulter qui que ce soit d'autres dans

28 les autres républiques ?

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1 R. Attendez, je voudrais lire ce que vous avez dit, ce commentaire que

2 vous venez de formuler. En 1998 et 1999, en fait il a suspendu la

3 constitution, il a modifié le statut constitutionnel du Kosovo et de

4 Vojvodine et il a imposé au Monténégro une direction qui lui était

5 favorable. Je n'irais pas jusqu'à dire que ceci a été fait avec l'autorité

6 de ce mémorandum qui n'avait pas au fond d'autorité.

7 Q. Bon. Dites-moi encore une chose. Est-ce que dans le cadre d'un tel

8 projet national avec Milosevic à sa tête, l'armée populaire yougoslave,

9 quelques années avant la guerre, n'a-t-elle procédé à sa propre

10 réorganisation de façon à sécuriser les frontières de la Grande-Serbie dans

11 la Croatie sur la ligne Karlovac-Ogulin-Virovitica; est-ce que vous en

12 savez quoi que ce soit ?

13 R. Je sais que cette ligne revêt plus de profondeur dans l'histoire

14 politique de la Serbie et je crois ceux qui s'y connaissent mieux que moi,

15 et en fait, que l'armée populaire yougoslave s'est repositionnée, a

16 repositionné ses unités pour défendre l'Etat serbe. Je parle, quand je dis

17 "ligne," de cette ligne Karlovac-Ogulin-Virovitica.

18 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vous demande de vous pencher sur le

19 3D 01086, le 3D 01086.

20 Partant des exigences formulées par la commission à Badinter, disant

21 qu'avant de se prononcer les républiques sont censées procéder à un

22 référendum pour se demander, pour consulter la population et savoir si les

23 populations souhaitaient un Etat. Alors, ça été proposé le 29 avril et cela

24 a été accepté à la date du 19 mai. Il y a eu -- 1991, il y a eu deux

25 questions au référendum. La République de Croatie, en sa qualité d'Etat

26 souverain et autonome, qui garantit l'autonomie culturelle et tous les

27 droits aux Serbes et aux autres groupes ethniques en Croatie, peut-elle

28 entrer en alliance d'État indépendant ? Et l'autre question était celle de

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1 savoir si la Croatie resterait à faire partie de la République socialiste

2 fédérative de Yougoslavie.

3 Est-ce que c'est donc les deux questions qui ont été posées à la population

4 partant des conclusions de la commission Badinter ?

5 R. Oui.

6 Q. Alors, Monsieur, s'il n'y a pas de raisons de conquête vis-à-vis des

7 territoires de la Croatie ou de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre de

8 certaines forces politiques en Serbie, qui peut être offensé par ce type de

9 questions et pourquoi cela serait-il

10 offensant ?

11 R. Vous avez une fois de plus je ne peux pas parler au nom des Serbes. Je

12 suppose que je comprends leur réticence historique à faire confiance au

13 gouvernement croate parce que, dans l'histoire du XXe siècle, la Croatie a

14 connu toute une série d'événements au cours desquels la Croatie, a sans

15 doute maltraité des Serbes de Croatie ainsi que de Bosnie. Je crois que

16 l'Etat indépendant de Croatie nous est connu de tous. Donc, je pense que ce

17 n'était pas une garantie explicite de sauvegarde des droits, on pourrait

18 estimer que c'est un discours incendiaire et ça pourrait être utilisé à des

19 fins de propagande par des Serbes plus extrémistes en Croatie. Et là, je

20 n'ai pas l'intention de formuler un jugement de valeur.

21 Q. Malheureusement, en raison des exigences des Juges, je ne peux pas

22 faire tout ce que je veux, mais j'ai tout ceci noir sur blanc. Dans quelle

23 mesure les crimes des Chetniks vis-à-vis des Croates et des Musulmans --

24 parlons des chiffres de la Deuxième Guerre mondiale, quels sont les

25 chiffres dont vous disposez au sujet des Musulmans et des Croates tués par

26 les Chetniks en Bosnie-Herzégovine et en Croatie ? Puisque vous parlez des

27 culpabilités de l'Etat de Pavelic ou de l'Etat de Nedic ou des Chetniks de

28 Draza Mihajlovic. Veuillez expliquer aux Juges quels sont les rapports

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1 entre les crimes commis par les différentes parties ? Toutes les parties

2 ont commis des crimes. Mais quel est le rapport en pourcentage ?

3 R. Je ne connais pas ce pourcentage. Mais je déduis de tout ceci qu'on me

4 demande d'établir une comparaison entre les -- de culpabilité ou les grâces

5 respectifs de ces peuples au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Vous

6 savez c'était un endroit dangereux, la Croatie, pour les Serbes. Si les

7 Croates disaient que si on avait une domination dans un Etat surtout serbe

8 ce serait dangereux, je le comprendrais aussi. Mais je ne connais pas les

9 chiffres, et je sais qu'ils sont très, très contestés.

10 Q. Bien. On fera verser cela au dossier au travers de témoignage d'autres

11 témoins avec les chiffres et les pourcentages précis. Ne savez-vous pas

12 partant des recherches que vous avez effectuées que l'Etat indépendant de

13 Croatie et le régime fasciste d'Ante Pavelic ont été bien plus criminalisés

14 que cela n'a été le cas du régime fasciste de Nedic en Serbie avec le même

15 type de crimes commis par les Chetniks de Draza Mihajlovic ? Est-ce que

16 dans vos recherches vous avez pu tirer ce type de conclusion ?

17 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je parle, Monsieur, Monsieur le

18 Procureur, aussi, de la peur.

19 M. SCOTT : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai essayé de ne pas

20 interrompre, M. Praljak peut perdre son temps s'il le veut, mais je pensais

21 que la Chambre voulait que les questions portent sur la période 1990-92.

22 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je voudrais dire la même chose, nous

23 avons déjà demandé à M. Praljak de poser des questions relatives à cette

24 période précise. Moi aussi, je pourrais vous donner énormément de détails

25 quant à ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Hongrois

26 ont tué beaucoup de monde, et les pays voisins effectivement il y a eu

27 beaucoup de meurtres. Mais ça ne sert pas à grand-chose de répéter tout

28 cela.

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1 En fait, Monsieur Praljak, vous avez déjà posé ce genre de questions au

2 moins cinq ou six fois au cours des 17 mois écoulés. Essayez de comprendre,

3 nous ne voulons pas vous empêcher de poser les questions que vous souhaitez

4 poser, mais je pense que vous aviez des instructions précises vous devez

5 vous intéresser aux sections du rapport dont vous avez été saisi et nous

6 avons précisé quelles étaient les parties sur lesquelles vous pourriez

7 poser des questions. Essayez d'accepter cette décision de la Chambre.

8 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] J'accepte, Monsieur le Juge, c'est le

9 témoin qui a commencé à expliquer les idées défendues par les Serbes et

10 j'ai dû l'évoque.

11 Q. Je vous demande de vous référer maintenant au 3D 01081, et on ira de

12 l'avant rapidement. Penchez-vous sur ce document. Il s'agit d'une

13 estimation des dégâts de guerre en Croatie. Est-ce que vous avez de quelque

14 façon que ce soit étudié les dégâts de guerre en Croatie occasionnés par

15 l'agression de l'armée population en Yougoslavie et par les Serbes insurgés

16 en Croatie ?

17 R. Non.

18 Q. Vous n'avez pas étudié la question.

19 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, si vous le

20 souhaitez vous pouvez vous pencher sur ce document, pour ce qui est des

21 estimations qui peuvent varier.

22 Q. Mais ces dégâts au total de votre avis peuvent-ils se chiffre à 252

23 milliards de dollars ?

24 R. Je crains bien que je n'en ai pas la moindre idée.

25 Q. Je vous prie, de vous pencher sur le document 3D 010076. Ne savez-vous

26 pas que sur le territoire actuel de la Republika Srpska il a été détruit --

27 M. KOVACIC : [interprétation] Je peux peut-être vous aider, c'est un livret

28 séparé.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai aussi.

2 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

3 Q. Alors, avez-vous connaissance du renseignement disant que sur le

4 territoire actuel de la Republika Srpska il a été détruit à peu près 700

5 bâtiments de l'Eglise catholique, le saviez-vous oui ou non ?

6 R. Non, je ne connais pas ce chiffre-là. Je sais que des lieux de culte et

7 des paroisses et des églises ont été détruits en très grand nombre dans

8 toute la région.

9 Q. Merci. Saviez-vous que dans les frontières de l'actuelle Republika

10 Srpska, il y a eu expulsion de plus de 200 000 Croates qui ne sont jamais

11 entrés chez eux ?

12 R. Une fois de plus, je ne connais pas ces chiffres particuliers, mais je

13 connais le phénomène et je ne conteste pas que ça été un phénomène énorme.

14 Q. Je vous demande de vous pencher sur le 3D 01074. Saviez-vous que dans

15 ces 11 municipalités dont je parlais -- dont je parle ici qui se trouvent

16 sur le territoire de la Republika Srpska pendant les années 1991 et 1992,

17 en partie 1993, il a été tué 840 Croates ? Avec les détails indiqués,

18 aviez-vous eu connaissance de ce renseignement-là ?

19 R. Je sais bien entendu que des Croates ont été tués en Republika Srpska,

20 mais je ne connaissais pas le nombre précis.

21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur Praljak,

22 essayez d'établir un lien entre ce que vous dites et le rapport du témoin ?

23 Parce que, moi, je ne parviens pas tout à fait à comprendre la pertinence

24 de cette question, le rapport, sauf que c'est un document du tu quoque

25 qu'on entend souvent ici.

26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Non. J'ai plus

27 de 100 fois dit que je ne vaquais pas à cela. C'est un témoin qui est un

28 historien, et vous, vous êtes juristes. A aucun moment je n'ai pensé

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1 envisager que le droit ne devait pas poursuivre toute personne ayant commis

2 des crimes. Ici, je parle de relations cause à effet. Ici, il s'agit de

3 savoir : qui est-ce qui a commencé, et qu'est-ce qui a créé le chaos ? Qui

4 est-ce qui a tué ? Qui est-ce qui a persécuté ? Qu'est-ce qui a détruit ou

5 saccager ? Quelle est la réponse sociologique ? Il est impossible de

6 comprendre si l'on --

7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, moi, je n'ai pas

8 le rapport et je ne l'ai pas compris comme étant un rapport qui a essayé de

9 déterminer qui a commencé la guerre. Ce n'est pas l'interprétation de ma

10 lecture de ce texte.

11 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous prie, de vous

12 pencher sur le rapport. Nulle part aucun mot ne fait état "d'agression." Il

13 y a trois parties en présence, il n'y a pas un début et une fin. Nous avons

14 trois parties qui commettent des crimes, ce qui est exact. Trois parties

15 d'un coup et on parle d'une guerre. Par exemple, on parle : "Du

16 gouvernement à Tudjman qui a essayé de s'emparer de Knin qui est la place

17 forte du SDS pour empêcher la tenue d'un référendum."

18 Q. Alors, Monsieur le Témoin, quand est-ce que le gouvernement de Tudjman

19 et avec quoi a-t-il voulu s'emparer de Knin ?

20 R. -- et c'est un homme qui avait des canons. Je ne sais pas. Knin faisait

21 partie de la République de Croatie.

22 Q. Comment la police de la République de Croatie, qui envoie deux

23 hélicoptères pour réinstaller un poste de police que les insurgés ont pris

24 et ces hélicoptères c'est des avions de l'armée populaire yougoslave, qui

25 sur le territoire de la République de Croatie, renvoient, c'est un coup

26 d'Etat au sein d'une république. Et vous dites de sang froid que le

27 gouvernement de Tudjman a essayé de s'emparer de Knin qui est une place

28 forte du SDS; Knin qui était jonché de troncs d'arbres est pris par les

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1 insurgés dans cette République de Croatie qui était encore la République

2 socialiste de Croatie.

3 Expliquez-le aux Juges. C'est la raison pour laquelle je vous pose la

4 question.

5 R. On va aller de l'avant. Vous avez fait un long commentaire, moi

6 je serais prêt à vous donner une réponse plus courte. C'est une question de

7 perspective qui se pose. Le SDS et sa direction avaient

8 --

9 Q. Je vous en prie, les Juges ne me laissent pas parler du contexte, je

10 vous prie de ne pas parler de cette perspective ou du contexte du

11 leadership. Je peux parler de ce thème si les Juges se mettent à parler de

12 ce contexte. Et on va parler de la psychanalyse, de la psychologie, de la

13 psychopathologie. Ce n'est pas votre tâche d'historien. Votre tâche

14 d'historien consiste à déterminer si Knin ou le poste de police de Knin

15 était en Croatie. Est-ce que ça été pris par les policiers insurgés à la

16 tête desquels il y avait Milan

17 Martic ?

18 R. C'était un poste en Croatie, il avait été occupé par des rebelles, je

19 suis d'accord avec ça. Il a été repris, en tout cas on a essayé de le

20 reprendre, c'est le gouvernement croate qui a essayé de le faire. Mais, je

21 ne vois pas vraiment en quoi c'est différent de ce que je dis dans mon

22 rapport. Enfin, peu importe.

23 Q. Où dit-on ce qui a précédé, les insurgés se sont emparés dans une

24 république qui faisait partie d'un Etat complexe, d'un poste de police.

25 Alors, quel est l'Etat au monde qui n'enverrait pas ses policiers

26 ordinaires pour établir l'ordre constitutionnel ? Où avez-vous écrit ?

27 M'enfin, merci, laissons de côté et allons de l'avant.

28 A la page 3, la prise de ce poste de police à Pakrac, vous le dites, par

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1 "les insurgés serbes," et cetera. Et plus bas vous dites qu'à Pakrac les

2 Serbes étaient à 38 %, constituaient les 38 % de la population. Il y avait

3 30 % de Croates et 21 % étaient des Yougoslaves. Alors, voilà, Monsieur, on

4 peut vous le montrer sur le rétroprojecteur, mais je vous ai donné lecture.

5 D'après le recensement de la population de Pakrac, en 1991, il y avait 27

6 509 habitants. Les proportions des Serbes et des Croates sont les bonnes,

7 mais il y avait 718 Tchèques, 273 Hongrois, 122 Slovaques, 869 Italiens, et

8 1346 Yougoslaves, ce qui constitue 8 %.

9 Alors, vous êtes un historien; comment êtes-vous arrivé de 8 à 21 % de

10 Yougoslaves ? Ça c'est ma première question. Et deuxième question, qu'est-

11 il advenu des Hongrois, Slovaques, Italiens, une fois que les Serbes ont

12 occupé Pakrac ?

13 R. J'ai cité une source que je considère toujours comme étant fiable, et

14 je crains de n'avoir vraiment aucune idée du sort de ces pauvres gens qui

15 ont été pris au milieu de ce conflit.

16 Q. Pour ce qui est maintenant de l'offensive contre Vukovar, pourrions-

17 nous voir à quoi cela ressemblait ? Est-ce qu'on pourrait visionner la

18 séquence ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'il faudrait que je fasse quelque

20 chose ?

21 [Diffusion de la cassette vidéo]

22 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

23 [aucune interprétation]

24 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci.

26 Q. Monsieur, l'offensive contre Vukovar, était-elle une agression ? Oui ou

27 non ?

28 R. Oui.

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1 Q. Bien. Parmi les 1800 combattants qui ont combattu, donc combattants de

2 l'armée croate, y avait une centaine de Serbes d'après ce que vous savez ?

3 R. Je ne sais pas.

4 Q. Est-ce que 10 000 personnes ont été emmenées vers des camps en Serbie ?

5 R. Malheureusement je n'ai pas de chiffres précis à ce propos.

6 Q. Combien de cadavres n'ont jamais été retrouvés, la République de

7 Croatie tente encore de les retrouver. Il s'agit donc de personnes

8 disparues, qui ont disparue de Vukovar. S'agit-il de centaines, de

9 milliers, après toutes ces conférences de paix, des déclarations

10 humanitaires qui ont été faites. L'on recherche encore ces personnes ?

11 R. Je ne sais pas quels sont les chiffres concernés, donc, le nombre de

12 personnes toujours disparues. Mais, j'imagine que c'est un chiffre élevé.

13 Q. Est-il exact que dans la ville d'Osijek, plus de 700 civils ont été

14 tués par les tirs d'artillerie serbe, pour autant que vous le sachiez ?

15 R. Je ne sais pas.

16 Q. Et dans la région de Slavonie, l'artillerie bosniaque, du territoire du

17 Bosnie-Herzégovine, n'a-t-elle pas tué plus de 500 civils dont un grand

18 nombre d'enfants ?

19 R. Cela ne m'étonnerait pas, mais je ne saurais vous le dire avec

20 précision.

21 Q. Les zones créées en Croatie sous la protection des Nations Unies, zones

22 protégées, est-ce que, dans ce contexte, plus de 600 civils croates ont été

23 tués ?

24 R. Encore une fois, je ne sais pas et je ne dispose d'aucune information

25 concernant des nombres précis. Je peux vous le dire d'emblée, mais je ne

26 remets pas en question les chiffres que vous citez, je ne peux simplement

27 pas vous dire s'ils sont exacts ou non.

28 Q. Très bien. Maintenant, pour en terminer avec cet exercice de

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1 simulation, passons à la pièce 3D 01077. J'ai transposé la France sur le

2 territoire qu'occupe en fait la Croatie, donc j'ai mis la population

3 française sur ce territoire et puis à la deuxième page, j'ai fait la même

4 chose pour la Croatie. A la page 3, l'offensive des forces de l'armée

5 yougoslave contre la République de Bosnie-Herzégovine, de Monténégro et de

6 Serbie. Vous pouvez étudier cela, vous voyez les territoires occupés.

7 Est-il vrai qu'un tiers de la Croatie fut occupé en 1991, 1992, 1993

8 et encore ultérieurement ?

9 R. Oui.

10 Q. Nous connaissons tous les chiffres concernant les personnes déplacées -

11 - les réfugiées dans la République de Croatie. Si je comparais cela à la

12 population de la France, seriez-vous d'accord pour dire que la Croatie,

13 dans le cours de l'année 1991 et au début 1992, comptait 800 000 plus même

14 de personnes déplacées et de réfugiés venant de Croatie et de Bosnie-

15 Herzégovine ? L'on peut voir cela dans les rapports de Mazowiecki; est-ce

16 exact?

17 R. J'ai un petit peu de peine à suivre votre question. Je ne sais pas tout

18 à fait ce que vous vouliez dire : "Si j'exprimais cela en terme de

19 population en France," mais, bon, je pense pouvoir exprimer mon accord avec

20 ce que vous avez dit.

21 Q. Et si l'on prend le nombre de Croates, 4 200 000 à l'époque, j'essaie

22 de décrire cela comme si cela s'était produit en France, c'est-à-dire qu'il

23 y aurait eu ce même rapport de 2 millions et demi et de personnes

24 déplacées, 151 000 personnes blessées, 10 000 personnes décédées pour des

25 raisons inconnues. Enfin, j'ai calculé le rapport ou les rapports.

26 Maintenant, pour en venir à 1992, lors de l'invasion serbe qui ce qui

27 restait encore de la Bosnie-Herzégovine, lorsque l'ABiH et le HVO se sont

28 agis ensemble, et donc, vous voyez encore une fois une superbe position de

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1 la France sur la Croatie, le territoire croate.

2 Peut-on séparer la Croatie de la Bosnie-Herzégovine d'après cet axe

3 Karlovac-Karlobad-Ogulin, comment est-ce que cela peut se concilier avec

4 l'accord, le présumé accord entre Tudjman et Milosevic concernant le

5 morcellement de Bosnie-Herzégovine ? Je ne suis pas tout à fait au clair,

6 en fait, en ce qui concerne les aspirations serbes. Où pourraient se

7 trouver les frontières d'un tel Etat ?

8 M. SCOTT : [interprétation] Pardon, Messieurs les Juges, mais, moi-

9 même, je n'arrive pas à comprendre la question. Je ne sais pas absolument

10 pas ce que l'on demande au témoin.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Praljak, précisez votre question. Là,

12 on peut être un peu perdu. Reformulez votre question.

13 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

14 Q. Monsieur, si les Serbes avaient souhaité s'emparer d'un tiers du

15 territoire croate, s'ils souhaitaient que cette frontière soit instituée,

16 enfin, de Karlobad, quelle aurait été la frontière avec la Bosnie-

17 Herzégovine ? Qu'est-ce qui aurait été intégré à la Croatie d'après le soi-

18 disant accord entre Tudjman et Milosevic ? Je ne sais pas si cela précise

19 ma question.

20 Enfin, peu importe. Vous n'avez pas à y répondre car cela deviendra évident

21 une fois que nous aurons étudié les cartes. Et voyons cette dernière carte,

22 il est question encore une fois des personnes déplacées mais transposées en

23 France. Et nous avons aussi les personnes déplacées en Bosnie-Herzégovine,

24 d'après un rapport, le même rapport, donc, il s'agit des années allant de

25 1991 à 1996.

26 Est-il vrai qu'en 1990 et en 1991, la Croatie a été attaquée; est-ce exact

27 ? C'est une première question.

28 R. Je dois avouer qu'il y a une certaine confusion en ce moment dans mon

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1 esprit, mais pour ce qui est de cette question-là, enfin, je ne vais

2 surtout pas utiliser le terme perspective, mais je crois qu'il y a deux

3 manières de comprendre ce qui se passait en Croatie en 1991.

4 La Croatie a objectivement fait sécession de la Yougoslavie, et puis,

5 l'armée yougoslave a en effet mené une offensive contre la Croatie. Mais je

6 suis toujours un petit peu dans la confusion en ce qui concerne toutes ces

7 simulations.

8 Q. Très bien, oublions la simulation. Mais conformément à la

9 constitution, toute entité fédérale a le droit à l'autodétermination, ce

10 qui peut aller jusqu'à la sécession. Alors, oubliez le droit d'une

11 République, de sa sécession, d'un pays auquel elle ne souhaite plus

12 appartenir.

13 Est-ce que votre thèse que à partir du moment où il y a eu un acte de

14 sécession, l'offensive est justifiée ?

15 R. Je ne nie pas cela. Je ne me prononce pas plus en faveur de cela, je

16 n'ai vraiment aucun enjeu en la matière. J'essaie de décrire les choses de

17 façon rationnelle, parfois ce n'est même pas possible, mais je ne nie rien

18 et je ne néglige pas en faveur de quoi que ce soit.

19 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, je suis vraiment

20 désolé, mais pour la troisième fois, je me vois obliger de vous demander de

21 vous concentrer sur le rapport. Vous avez le rapport sous les yeux. Tous

22 ici, nous avons ce rapport sous les yeux et vous devez vous concentrer sur

23 la période qui fait l'objet du rapport et je cite donc dans le chapitre de

24 : "Juin 1991 à avril 1992, la guerre en Croatie." Cela commence donc à la

25 page 3 et se poursuit jusqu'à la page 8. A la page 8, un nouveau chapitre

26 commence, donc, une réflexion au sujet de la guerre en Bosnie.

27 Maintenant, nous avons entendu parler d'un grand nombre de crimes, de

28 personnes qui ont été tuées, et ainsi de suite, et nous regrettons tous ces

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1 événements. Oui, mais j'aimerais tout de même que vous vous concentriez sur

2 les pages 3 à 8, que vous posiez des questions au témoin au sujet de ces

3 pages, si vous n'êtes pas d'accord avec ses conclusions décrites dans ce

4 chapitre.

5 Il s'agit ici d'un contre-interrogatoire du témoin qui doit porter sur ses

6 rapports. Ainsi, encore une fois je vous réitère que nous avons entendu

7 parler à de nombreuses reprises pendant ces derniers mois de faits,

8 d'incidents fort regrettables, et nous n'avons aucunement l'intention d'en

9 faire abstraction. Mais d'autre part, nous avons ici dans le prétoire un

10 témoin qui a écrit un rapport bien précis, il faudrait lui poser des

11 questions concernant ses rapports. Il ne convient pas de récapituler tout

12 ce que nous avons déjà entendu dire concernant la guerre en Croatie et

13 ailleurs.

14 Je suis réellement convaincu que votre approche est contre productive. Je

15 vous le dis très sincèrement. Parfois le mieux est l'ennemi du bien. Mieux

16 vaut être plus ciblé, là, vous en faites trop. Et donc je vous demanderais

17 vraiment de vous limiter à ces questions très précises.

18 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, mais je ne

19 suis pas d'accord avec cela. Et à la page 4 du rapport, on peut lire que :

20 "Borovo Selo était un village serbe, alors que Borovo Naselje était surtout

21 croate."

22 Q. Monsieur l'Historien, s'agissait-il de territoire croate ou de

23 territoire serbe dans l'ensemble ?

24 R. Cela se trouvait sur le territoire de la République de Croatie.

25 Q. Donc, ce n'était pas serbe la population dans sa majorité était croate

26 et serbe. Donc l'exactitude de ce qu'avance l'historien --

27 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Enfin, j'aurais trois questions à

28 poser. La Croatie a-t-elle fait l'objet d'une offensive ? A-t-elle modifié

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1 son système politique ? Et à l'époque, est-ce que la Croatie était en voie

2 d'instituer son propre Etat ? La Croatie a-t-elle accepté des centaines de

3 milliers de réfugiés ? Quel était le nombre de blessés ? Quelle était la

4 situation partout ailleurs dans le pays où l'infrastructure était détruite

5 ? Et j'essaie de comparer les données afin de vous donner un aperçu de ce

6 qui se passait.

7 Q. Bien entendu, je ne peux même pas parler de Konrad Lorenz et du mal

8 qu'il décrit. Nous devons nous en tenir à des comparaisons historiques et

9 ici, nous avons un historien qui est donc compétent. Mais je n'ai pas

10 d'autres questions à ce sujet.

11 Simplement veuillez confirmer pour moi : la Croatie est-elle passée d'une

12 dictature à une démocratie ? A-t-elle créé un nouvel Etat qui n'existait

13 pas sous cette forme auparavant, et a-t-elle fait l'objet d'une offensive

14 de grande envergure de la part de l'armée -- de la part d'une armée

15 puissance ?

16 R. En effet, les deux premières choses que vous avez mentionnées ont eu

17 lieu. Pour ce qui est du troisième, il y a des nuances avec lesquelles je

18 ne serais pas d'accord, mais il ne fait aucun doute que la guerre en a

19 résulté. Et ce que j'indique dans mon rapport c'est que tout le monde le

20 savait et tout le monde connaissait la nature de ce conflit.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Praljak, vous avez utilisé 45 minutes déjà. Le 30

22 minutes plus les 15 minutes de M. Petkovic. Il va falloir qu'on fasse la

23 pause, alors, terminez par une dernière question.

24 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] J'ai déjà posé ma dernière question,

25 Messieurs les Juges. Je voulais simplement dire, parce que j'étais un des

26 chefs de la rébellion contre les autorités à l'époque, j'ai participé à la

27 transformation démocratique de la société et j'ai des connaissances très

28 étendues concernant tous les faits, la société, la langue, la culture, tous

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1 les éléments constitutifs d'une nation, et toute guerre est issue d'un

2 temps de paix dans lequel les fondements de la paix font défaut, les

3 fondements d'une nation pluriethnique.

4 Mais, bon, nous n'allons pas pouvoir nous intéresser aux causes, aux

5 origines de cette guerre. Il semblerait que tout le monde était responsable

6 d'agression, tout le monde était offusqué, on ne sait plus quelle nation a

7 été victime de pillages, combien de gens ont été tués, combien de détenus.

8 Quelqu'un semble être offusqué du fait de ne pas avoir été inclus dans la

9 constitution; enfin, nous n'allons pas aborder -- ou devoir aborder toutes

10 ces questions.

11 Merci, Messieurs les Juges.

12 Q. [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons faire une pause de

14 20 minutes.

15 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

16 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, dans le calcul du temps, comme, Me Alaburic

18 avait donné 15 minutes à M. Praljak, donc, la Défense Petkovic a 15

19 minutes. Je n'ai pas en mémoire le sort pour M. Stojic.

20 Maître Murphy, vous aviez donné votre temps ou pas ? Je ne sais plus.

21 M. MURPHY : [interprétation] Je pense que j'aurais besoin de cinq ou dix

22 minutes, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

24 Bien. Maître Alaburic.

25 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :

26 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Docteur Miller,

27 bonjour à tous et toutes dans le prétoire. Une petite remarque. Si je

28 venais à avoir besoin d'un peu plus de temps, donc cinq à dix minutes à mon

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1 avis, aux fins d'en terminer avec ce que j'avais l'intention d'évoquer avec

2 ce témoin, je me suis entretenu avec M. Murphy, mon confrère, pour me

3 rétrocéder ce temps, et je tiens à demander aux Juges de ne pas perdre de

4 vue de ce fait-là.

5 Q. Docteur Miller, je me propose de parler avec vous de votre première

6 expertise, et à cet effet, je voudrais vous poser plusieurs questions à ce

7 sujet, j'estime que cela est susceptible d'aider les Juges de la Chambre

8 dans la décision qui leur rendront pour ce qui est de verser au dossier

9 cette expertise en tant que pertinente ou pas.

10 Alors, pour commencer, peut-être pourrions-nous tomber d'accord sur

11 l'objectif de votre intervention. Si j'ai bien comprise, vous avez souhaité

12 montrer que l'on avait considéré qu'étaient notoirement connu les éléments

13 clé du conflit en ex-Yougoslavie, qui était un conflit ethnique et que les

14 violences à l'égard des civils appartenant à d'autres groupes ethniques

15 étaient d'une certaine façon partie intégrante de ce conflit. Est-ce que je

16 vous ai bien compris ?

17 R. Oui.

18 Q. En d'autres termes, vous avez voulu démontrer que sur le territoire de

19 l'ex-Yougoslavie, tout un chacun savait quelle était la nature des conflits

20 survenus vers le début des années 1990, n'est-ce pas ?

21 M. SCOTT : [interprétation] Puisque c'est l'Accusation qui avait posé les

22 questions, on n'a pas demandé au témoin de montrer quelque chose, on lui a

23 demandé de sonder une question, celle de savoir quelle était éventuellement

24 la nature du conflit. On n'a pas demandé au témoin de montrer quelque chose

25 en particulier.

26 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

27 Mme ALABURIC : [interprétation] Si je puis répondre ou répliquer à mon

28 éminent confrère, M. Scott, je n'ai pas parlé de la mission confiée au

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1 témoin par le Procureur; j'ai parlé de ce qui découlait de l'expertise

2 rédigée par le témoin. Et c'est notamment, il y a 15 ou 20 minutes, ce qu'a

3 dit le témoin en disant qu'il avait souhaité montrer que tout un chacun

4 connaissait la nature du conflit. Q. Monsieur Miller -- Docteur Miller,

5 pouvons-nous revenir à la question ?

6 Votre expertise, a-t-elle voulu démontrer que tous, sur le territoire

7 de l'ex-Yougoslavie, connaissaient la nature du conflit en cause ?

8 R. J'aimerais simplement peaufiner cela en disant que je ne pense pas que

9 tout le monde connaissait la nature du conflit mais que toute personne

10 éduquée, engagée aurait compris la nature de ce conflit. Je ne sais pas

11 comment vous utiliser le terme de "tout le monde," si c'est de façon

12 précise ou pas.

13 Q. Veuillez m'indiquer, Docteur Miller : quelles ont été vos sources pour

14 tirer la conclusion et de dire que quelqu'un comprend ou ne comprend pas la

15 nature d'un conflit ?

16 R. Une question, bien sûr, très ouverte, mais moi, je ne vois qu'une façon

17 de l'approcher. Je ne pouvais pas repartir voir les gens concernés, fin

18 1991, en 1992. Ce n'était pas possible, donc, les sources ne seraient plus

19 fiables, à mon avis.

20 La seule amorce -- la seule démarche c'était l'examen de la presse de

21 l'époque. D'après moi, je ne vois pas d'autre façon. Ça revient à dire que

22 je ne sais pas si on peut tirer quelque conclusion que ce soit. On peut

23 tirer des extrapolations des conclusions. Je pense qu'il est fiable et que

24 c'est la seule façon d'essayer de comprendre.

25 Vous me demandez de ralentir, je comprends.

26 Q. Oui, je vous en prie. Je voudrais revenir aussi à la question que j'ai

27 posée. Si tenté que vous vous êtes référé, bon en premier lieu et

28 essentiellement à la presse, vous ne pouvez pas parler du fait de savoir si

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1 les gens ont compris et comment ils ont compris la nature du conflit. Mais

2 vous pouvez parler de la façon suivant laquelle le conflit a été présenté

3 par la presse, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Bien. Vous nous avez dit aussi que votre expertise, vous l'avez basée

6 sur les écrits des journaux politiques, Danas et Vreme, n'est-ce pas ?

7 R. J'ai également utilisé des journaux ou la presse occidentale,

8 américaine. J'ai aussi examiné d'autres hebdomadaires mais je ne m'en suis

9 pas servi. Pourquoi ? Parce que ces hebdomadaires avaient tendance à

10 présenter les événements de Yougoslavie de façon encore plus violente, et

11 je dirais qu'il y a aujourd'hui des preuves que la presse sous ses formes

12 les plus extrêmes, a été assez inventive que beaucoup de reportages,

13 surtout les reportages les plus extrêmes, les plus radicaux étaient

14 vraiment très peu fiables. Danas et Vreme pour la presse yougoslave, je

15 m'en suis servi effectivement.

16 Q. Excusez-moi, excusez-moi de vous interrompre. Mais, vos réponses sont

17 un peu trop longues pour le temps qui m'est imparti. Aussi, vous

18 demanderais-je de vous concentrer. Pouvons-nous tomber d'accord sur ce qui

19 suit : Si la presse américaine ou autre étrangère n'est pas pertinente pour

20 ce qui est de savoir ce qui se passait en Serbie, Croatie et Bosnie-

21 Herzégovine et qui était notoirement connu là-bas ?

22 R. Je serais d'accord pour dire qu'elle n'était pas aussi importante, oui.

23 Q. Bien. Vous nous avez dit hier, que vous vous êtes servi de ces

24 hebdomadaires, Danas et Vreme, mais que vous avez également lu Nin et vous

25 avez mentionné le Hrvatski Tjednik. Alors, au sujet du Hrvatski Tjednik,

26 étant donné que je suis originaire de Croatie et j'estime connaître assez

27 bien la salle médiatique de la Croatie, notamment de ces années 1990, je ne

28 sais vraiment pas de quel hebdomadaire vous êtes en train de parler ici

Page 22777

1 parce que, et j'aimerais que vous indiquiez duquel vous êtes en train de

2 parler.

3 R. Tout à fait. En fait j'ai espéré que j'aurais l'occasion de le faire.

4 Lorsque j'ai tenu ces propos hier, j'ai pensé que j'avais raison et quand

5 je suis retourné à l'hôtel hier soir je me suis rendu compte que je n'étais

6 pas tout à fait sûr du nom de l'hebdomadaire soutenu par le régime de

7 Tudjman. Et j'accepte à dire que j'ai fait une erreur, éventuellement.

8 Q. Fort bien. Je ne sais pas non plus à quel hebdomadaire vous vous êtes

9 référé et je ne vais pas maintenant prétendre connaître tous les noms des

10 hebdomadaires qui existaient à l'époque pour arriver à celui auquel vous

11 vous êtes référé. Mais, pouvons-nous tirer la connaissance suivante : Vous

12 avez tiré vos conclusions sur les écrits de ces hebdomadaires appelés Danas

13 et Vreme ?

14 R. [aucune interprétation]

15 Q. Pouvez-vous nous dire si vous lisiez ces hebdomadaires en 1991 et 1992

16 ou alors plus tard ?

17 R. Les deux.

18 Q. Pouvez-vous nous le dire ou est-ce que dans les années 1990, début

19 1990, il vous a été donné la possibilité de lire ces hebdomadaires et quand

20 ?

21 R. 1991, début 1992, j'habitais dans la zone de la Baie de San Francisco

22 et j'avais un kiosque toutes les semaines à Berkeley pour acheter des

23 journaux. J'en ai encore beaucoup dans un carton dans mon bureau, au

24 travail. Et je peux ajouter qu'au cours de cette période, je me suis trouvé

25 en Indiana, à l'université d'Indiana, qui a des abonnements, notamment ces

26 deux hebdomadaires.

27 Q. Veuillez me dire dans ces années 1990, ces mêmes années, quels sont les

28 autres journaux ou revues du territoire de la Serbie et de la Croatie que

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1 vous avez lu, si tenté qu'il en ait eu

2 d'autres ?

3 R. Je lisais Nin, et Interview de Serbie pendant qu'il a paru. Je n'ai pas

4 lu beaucoup de quotidiens, en tout cas, pas régulièrement. J'ai lu Duga

5 aussi de Belgrade. Pendant une période assez brève, je ne sais pas si

6 c'était une période si brève que ça ou pas, mais j'ai lu des articles de

7 quelque chose qui s'appelait Hrvatski Vojnik, me semble-t-il. Ce n'est pas

8 nécessairement un journal ou une revue à grands tirages, je suis sûr qu'il

9 y en a eu d'autres. J'ai aussi eu Glas Slavonije à ce kiosque à Berkeley,

10 donc de temps à autre, je l'ai acheté également.

11 Q. Lorsque vous avez préparé cette expertise que nous sommes en train de

12 parler, vous êtes-vous fondé sur les lectures de l'époque que vous avez

13 faite des journaux ou est-ce que vous avez relu ces journaux à nouveau --

14 ou plutôt, ces revues hebdomadaires dont on a parlé tout à l'heure ?

15 R. Je les ai relus.

16 Q. Pouvez-vous nous expliquer partant de quoi avez-vous tiré la conclusion

17 disant qu'à l'époque, c'était les hebdomadaires les plus représentatifs

18 pour l'opinion publique, tant de la Croatie que de la Serbie ?

19 R. Au fait, ce n'est pas une conclusion que j'ai tirerais. Il ne dirait

20 pas qu'il représentait l'opinion publique en Serbie. Je dirais plutôt, et

21 je pense que là, il y a consensus général tout du moins aux Etats-Unis.

22 Manifestement, il y a un certain parti pris, mais on dirait que c'était le

23 plus fiable. C'est un dessin que je n'ai pas inclus et revues des magazines

24 d'actualités qu'on considérait - attendez, je cherche le bon mot -- le mot

25 juste, qui aurait peut-être glorifié les violences.

26 Je ne cherchais pas les exemples des plus extrêmes parce que sans

27 doute que ma thèse aurait été plus convaincante ou plus attrayante.

28 Q. Sans pour autant nous aventurer dans le bien fondé de vos conclusions

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1 ou le fait de savoir si je suis d'accord avec vous ou pas, Docteur Miller,

2 je voudrais que nous tirions ceci au clair. Peut-être pouvez-vous les juger

3 comme étant fiables ces hebdomadaires, mais si votre mission est de montrer

4 ce qui était notoirement connu, peut-être vaudrait-il mieux s'appuyer sur

5 des médias plus représentatifs, à savoir des médias qui sont lus suivis par

6 le plus grand des pourcentages de la population ? Pouvons-nous tomber

7 d'accord sur ce principe ?

8 R. Oui. Oui, dans une certaine mesure, je suis d'accord avec vous, et j'ai

9 lu ces médias. Je pense que c'est un peu ironique mais j'ai décidé de ne

10 pas les inclure parce que je trouvais que l'image que ces médias donnaient

11 n'était pas fiable. Mais ça aurait contribué ou renforcé mes propres

12 conclusions si je les avais incluses, peut-être que j'aurais dû le faire du

13 coup.

14 Mais ce que dit Danas, ce que dit Vreme, pour ce qui est de la nature des

15 violences, la nature des guerres, c'est quelque chose de plus modéré que

16 l'image qu'en véhicule -- la plupart de ces autres revues. C'est une

17 conclusion générale que je base, surtout sur la lecture que j'ai fait au

18 cours des années '90.

19 Q. Pouvez-vous me dire vous saviez que le journal Vreme avait un tirage si

20 petit, que sans l'aide de donations étrangères, cette revue ne serait

21 subsistée sur le marché ?

22 R. Oui, je le sais.

23 Q. Saviez-vous aussi que Danas, vers le début des années '90, avait un

24 tirage si petit que cela a été l'une des raisons principales pour

25 lesquelles en automne 1992, on a cessé de le publier ?

26 R. Je sais que c'est une des raisons.

27 Q. Docteur Miller, dites-moi, s'il vous plaît : avez-vous ouï-dire que sur

28 le territoire de l'ex-Yougoslavie, à peu près une dizaine de pourcent de la

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1 population lit des journaux du tout --

2 M. IBRISIMOVIC : [aucune interprétation]

3 Mme ALABURIC : [interprétation] -- et que 90 % de la population ne reçoit

4 des informations que de la part des médias électroniques, à savoir la radio

5 et la télévision ?

6 R. Je n'avais pas entendu dire cela, mais j'aurais tendance à le croire.

7 Q. Je vais reprendre ma question. Je remercie ma consoeur qui m'a signalé

8 que la question n'a pas été bien consignée. J'ai dit que 10 % à peine de la

9 population lisaient les journaux, et que 90 % ne recevaient des

10 informations que de la part des médias électroniques; votre réponse est,

11 j'imagine la même, vous avez bien compris ma question, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, je l'avais compris, et je réitère ma réponse.

13 Q. Docteur Miller, vous avez bien compris ma question. Vous parle le

14 serbe, le croate, le bosniaque; appelons-le comme on veut ces langues ?

15 R. Oui.

16 Q. C'est la raison pour laquelle vous avez pu lire la presse du territoire

17 de l'ex-Yougoslavie en langue originale, n'est-ce pas ?

18 R. Il est certain que je suis en mesure de lire la presse en version

19 original. Et au cours de la préparation à ce rapport, j'ai surtout consulté

20 la traduction en anglais de Vreme. Au départ, bien entendu, je l'avais lu

21 en serbe.

22 Q. Bien. Veuillez m'indiquer, Docteur Miller, pouvons-nous tomber d'accord

23 sur le fait qu'au début des années '90, il ne serait être question du

24 territoire de l'ex-Yougoslavie comme étant un marché unique. Il serait plus

25 juste de dire qu'il s'agissait d'un marché croate, serbe, ou bosno-

26 herzégovien; quand je parle de "marché," je parle depuis -- du point de vue

27 des médias ?

28 R. Oui, je serais d'accord avec vous.

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1 Q. Alors, pouvons-nous également tomber d'accord pour dire qu'une chose

2 notoirement connue sur le marché médiatique serbe risque d'être tout à fait

3 inconnue ou méconnue sur le marché médiatique croate ?

4 R. Intellectuellement parlant, oui, je suis d'accord, mais mon rapport ne

5 fait pas de différence entre les Serbes et les Croates. Les éléments

6 viennent des deux, et la façon dont a été présentée la guerre des deux

7 côtés étaient au fond la même.

8 Q. Je n'ai rien voulu ou faire impliquer pour ce qui est des relations

9 entre Serbes et Croates. J'avais besoin de cela pour continuer ou enchaîner

10 sur ce qui suit : avez-vous fait des recherches, Docteur Miller, pour

11 savoir combien de population en Bosnie-Herzégovine avait suivi les écrits

12 de ces hebdomadaires, Vreme et Danas ?

13 R. Non.

14 Q. Pouvons-nous alors nous mettre d'accord sur le fait que les écrits de

15 cet hebdomadaire de Belgrade, Vreme, et celui de Zagreb, Dans, ne nous

16 laisse pas parler de chose notoirement connue sur le territoire de la

17 Bosnie-Herzégovine ?

18 R. Vous savez, de façon générale --

19 Q. Moi, je vous demanderais d'être bref. Est-ce qu'on peut tomber d'accord

20 ou pas ?

21 R. Il m'est impossible d'être tout à fait concis. Je peux être assez

22 concis. Nous le savons tous, en Bosnie il y avait les trois populations.

23 J'ai passé un certain temps à Sarajevo, et je sais que peut-être que Vreme

24 n'était pas lu à Zagreb et que Danas n'était peut-être pas lu à Belgrade.

25 Mais, en fait, je pense que ces deux magazines, ces deux hebdomadaires

26 étaient lus par l'électorat respectif à Sarajevo. Le marché était divisé

27 bien sûr mais il était lu.

28 Q. Docteur Miller, quand je vous pose cette question, je n'ai pas à

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1 l'esprit les dizaines de personnes qui à Zagreb, et Belgrade, et à Sarajevo

2 lisaient ces hebdomadaires en provenance du territoire du reste de la

3 Yougoslavie. Parce qu'il serait peut-être plus nombreux que dix. Nous

4 parlons de choses notoirement connues donc nous parlons d'une vaste

5 population.

6 D'après ce que vous avez dit, et vous avez dit que vous ne saviez pas

7 si oui et dans quelle mesure Danas et Vreme se vendaient sur le territoire

8 de la Bosnie-Herzégovine, ma question logique suivante est celle-ci :

9 serait-il juste de conclure que Vreme et Danas ne seraient être un

10 fondement pour tirer ce type de conclusions concernant ce qui était

11 notoirement connu dans le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Je ne parle

12 pas de la dizaine intellectuels ou des dizaines d'intellectuels à savoir.

13 Je parle de la population entière et générale de la Bosnie-Herzégovine.

14 R. Je me sens à l'aise si j'extrapole à partir de lecture plus vaste. Je

15 vous ai dit déjà que j'avais exclu d'autres revues, c'est sans doute une

16 erreur, mais, au fond, ça disait la même chose. Evidemment, on peut

17 toujours avoir des différences, mais, stricto sensu, à propos de ces deux

18 magazines, bien sûr, on ne peut pas conclure que tout le monde en Bosnie-

19 Herzégovine les lisait. Ça serait manifestement absurde.

20 Q. Docteur Miller, nous ne sommes pas en train de parler du fait que tout

21 le monde l'ait lu. Bien sûr, que tout le monde n'a pas lu. Ce n'est pas

22 contesté. Avez-vous des éléments de preuve disant que quiconque avait lu

23 Vreme et Danas à l'époque, au début des années '90 en Bosnie-Herzégovine ?

24 R. Je n'ai aucune preuve à vous montrer que quelqu'un les aurait lus.

25 Q. Bien. Docteur Miller, pouvons-nous alors tomber d'accord sur le fait de

26 dire que votre rapport, fondé sur les écrits de cet hebdomadaire de

27 Belgrade de Vreme et de Zagreb, Danas, ne serait être un indicateur fiable

28 pour se déterminer ce qui était notoirement connu sur le territoire de la

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1 Bosnie-Herzégovine au début '90 ? Et je vous prie de répondre brièvement,

2 par un oui ou par un non.

3 R. Je pense, effectivement, ça peut être utilisé parce que j'ai lu autre

4 chose et qu'ici vous avez une version très synthétisée d'autres lectures

5 également.

6 Q. Docteur Miller, je ne suis pas en train du fait -- ou de parler du fait

7 que vous ayez des informations, et du fait que vous pourriez parler de ce

8 qui était notoirement connu en Bosnie-Herzégovine. Je ne mets pas en doute

9 vos connaissances. Je parle de votre expertise qui se fonde comme vous nous

10 l'avez dit vous-même sur les écrits de ces deux hebdomadaires.

11 Alors, se fondant sur ces deux hebdomadaires, cela peut-il être un indice

12 fiable pour déterminer ce qui était notoirement connu en Bosnie-Herzégovine

13 au courant de 1991 et 1992 ?

14 Je suis sûre -- je crois que vous avez de la difficulté à répondre à cette

15 question. Mais je vous demande d'essayer et d'être franc et honnête en

16 répondant.

17 R. Je pense que c'est aussi fiable qu'autre chose pour déterminer ce

18 qu'est l'opinion publique, ce qu'on sait notoirement dans l'opinion

19 publique en 1991 c'est quelque chose de difficile. Les conclusions que j'ai

20 eu dans mon rapport s'inspirent d'autres éléments que les seuls

21 hebdomadaires Danas et Vreme, et sans doute tout ce qu'on peut utiliser

22 pour déterminer ce qui était de connaissance notoire à l'époque.

23 Q. Dites-nous, Docteur Miller, est-ce qu'à l'occasion de cette première

24 expertise, vous avez souhaité nous dire quels sont les éléments clés du

25 conflit sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et vous n'étiez pas si

26 intéressé que cela par le fait de savoir ce qui était notoirement connu sur

27 les différents marchés médiatiques des différentes républiques de l'ex-

28 Yougoslavie ?

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1 R. Je ne crois pas comprendre votre question. Vous parlez d'une première

2 partie du conflit, ou une première partie de mon rapport ?

3 Q. Je ne parle pas de la première partie, mais du premier rapport -- donc,

4 le premier rapport. On en a deux. Le premier se fonde sur la presse

5 américaine, la presse étrangère, des sources que vous n'avez pas toutes

6 mentionnées, et vous tirez certaines conclusions. Donc, partant de tout

7 ceci, il pourrait être tiré la conclusion suivante : à savoir que c'est

8 vous qui avez donné votre vue de la nature du conflit et vous avez moins

9 traité de ce qui était notoirement connu. Or, nous sommes intéressés parce

10 qui était notoirement connu en Bosnie-Herzégovine à l'époque.

11 R. Je ne pense pas que je donne mon opinion ici, j'ai fait de mon mieux

12 pour dire ce qu'on savait de façon générale.

13 Q. Bien. Dernière question pour ce qui est de ce jeu de questions. Si vous

14 avez souhaité nous démontrer ce qui était notoirement connu sur le

15 territoire de la Bosnie-Herzégovine, pourquoi n'avez-vous pas analysé un

16 seul des médias publiées en Bosnie-Herzégovine, or Sarajevo avait une

17 activité des maisons d'édition fort riche et abondante ou tout aussi

18 abondante que celle de Zagreb ?

19 R. J'aurais pu le faire, mais, en fait, on ne m'a pas demandé de

20 m'intéresser à ce qu'on savait en général en Bosnie-Herzégovine. Bien

21 entendu, je connais cela, mais ce n'est pas ce qu'on m'a demandé de faire.

22 On m'a demandé de montrer ce qui se savait généralement sur le territoire

23 de l'ex-Yougoslavie.

24 Q. Dernière question : vous n'avez donc pas vaqué à ce qui était

25 notoirement connu ou vous ne vous êtes pas occupé de ce qui était

26 notoirement connu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

27 R. Pas en particulier.

28 Q. Merci. J'aurais encore une question pour vous, Docteur Miller :

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1 supposons que les facteurs essentiels de conflit sont des facteurs

2 ethniques et tout ce que vous avez dit dans votre rapport serait donc

3 exact.

4 Ne pensez-vous pas qu'il eut été logique de s'attendre à ce que le

5 gouvernement décidant de mettre sur pied une armée crée cette armée avec

6 des membres de son propre groupe ethnique, donc, ne pas créer une armée

7 multiethnique, multiconfessionnelle ?

8 R. Oui, je m'y attendrais.

9 Q. Saviez-vous, Docteur Miller, qu'en Herceg-Bosna, le HVO, le

10 gouvernement -- l'autorité - appelez-le comme vous voulez - la structure,

11 qui avait donc géré cette partie de la Bosnie-Herzégovine, a créé une armée

12 qui s'appelait le HVO et qui était composé tant de Croates que de Musulmans

13 et de Serbes et de membres d'autres groupes ethniques et minorités

14 ethniques, y compris celle dont on a parlé tout à l'heure, et sur certaines

15 parties de l'Herceg-Bosna, notamment vers Mostar, il y avait plus de

16 Musulmans que de Croates dans certaines brigades ? Avez-vous jamais entendu

17 dire ce type de chose ?

18 R. J'étais au courant de cela. Je savais qu'au début de la guerre, la

19 composition ethnique des différentes armées était plus compliquée que ce ne

20 fut le cas plus tard. Et je ne suis pas surpris d'entendre votre

21 explication aussi claire.

22 Q. Saviez-vous que cette composition ethnique du HVO telle qu'énoncée a

23 été la composition ethnique jusqu'à la moitié 1993, de l'année 1993, je ne

24 vais pas vous fatiguer maintenant avec un événement qui a eu lieu le 30

25 juin 1993, mais les Juges sont au courant.

26 Alors, ne saviez-vous pas que le HVO était multiethnique jusqu'en mi-1993 ?

27 R. Je n'aurais pas pu vous donner la date exacte de la fin de son

28 existence, mais je vous crois sur parole.

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1 Q. Docteur Miller, pouvons-nous tomber d'accord sur ceci, si le HVO se

2 trouvait être constitué sur des bases multiethniques, l'autorité qui a créé

3 une telle armée n'avait donc pas l'intention et ne s'attendait pas à faire

4 la guerre aux Musulmans -- aux Musulmans de Bosnie de la Bosnie-Herzégovine

5 ? Est-ce que c'est ce qui serait logique de tirer comme conclusion ?

6 R. [aucune interprétation]

7 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, mais là, on demande vraiment de

8 véritable conjecture à la réponse de ce témoin.

9 Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'estime que ce n'est

10 pas des conjectures. C'est une conclusion logique qui se fonde sur les

11 prémisses qui sont présentées par le Dr Miller dans sa première expertise

12 dont nous sommes en train de parler actuellement, parce que, si le conflit

13 ethnique était la caractéristique principale, et si ce que le témoin a dit

14 au sujet de la violence à laquelle on pouvait s'attendre vis-à-vis des

15 membres des autres groupes ethniques, on aurait pu tirer la même conclusion

16 au sujet de l'armée. Et je voudrais que le témoin ait l'autorisation ou

17 qu'il lui soit permis de répondre à la question que je lui ai posée.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Répondez, Monsieur.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais permettez-moi de relire la question.

20 Mme ALABURIC : [interprétation]

21 Q. Je vais la reprendre, mais vous pouvez la relire si vous le souhaitez.

22 R. Oui, je pense que je peux la lire. Merci.

23 Une fois de plus, je ne sais pas. Je ne pouvais pas deviner ce qu'avait en

24 tête les chefs du HVO, et je pense que cette question demande une

25 conclusion logique. Pour moi, ça relève trop du domaine de l'hypothèse ou

26 de la conjecture.

27 Q. Si vous pensez que c'est de la pure spéculation. Je vous remercie,

28 Docteur Miller.

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1 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec

2 mon contre-interrogatoire. Merci.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- alors, allez-y.

4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais ajouter une question qui

5 découle de ce que vient de demander Mme Alaburic.

6 Hier, nous avons discuté pendant un certain temps d'une déclaration que

7 vous avez faite concernant le HVO et le fait que le HVO n'était pas prêt,

8 n'était pas disposé à être -- faire partie d'une armée unifiée de l'ABiH,

9 et l'on a démontré qu'il était donc assez normal qu'il y ait deux armées.

10 Maintenant, est-il exact de dire que, conformément aux accords, il était

11 prévu qu'il y ait une armée commune pour la Fédération, c'est-à-dire une

12 armée de la Fédération aurait dû être instituée et composée de soldats

13 croates et bosniens ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire après la

15 conclusion de l'accord de Washington.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je présume mais je ne peux pas répondre par

18 oui ou par non.

19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Avez-vous trouvé le moindre élément

20 de preuve dans le cadre de vos recherches, pour démontrer que cela s'est

21 produit ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Qu'il y avait des armées

23 unifiées ?

24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] De la Fédération ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Petkovic.

27 Contre-interrogatoire par l'accusé Petkovic :

28 L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Juste une petite question qui est

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1 peut-être technique peut-être pas. On va voir si le témoin sait répondre.

2 Et si vous me le permettez, je vais poser ma question.

3 Q. [interprétation] Le témoin sait-il que l'armée de la Fédération avait

4 deux composantes et que cela a été réglementé ainsi par la loi. Une des

5 composantes était l'armée de Bosnie-Herzégovine et l'autre était le HVO, et

6 que cela a été l'organisation des unités. Et le HVO avait été le premier

7 des Corps d'armée croate conformément à la loi qui a été promulguée à ce

8 sujet.

9 Ne saviez-vous pas que l'armée de la Fédération était donc composée de deux

10 composantes, c'est ce qui est dit dans la loi. Il y avait l'une qui était

11 l'armée et l'autre le HVO.

12 R. Je ne le savais pas aussi clairement, c'est précisément.

13 Q. Mais dans le document que le Procureur vous a montré hier, n'avez-vous

14 pas vu quels étaient les rapports, les relations qui étaient mises en place

15 pour ce qui est de la répartition des moyens et des ressources accordées

16 par le gouvernement des Etats-Unis, sur tel nombre de chars, il y en avait

17 100 pour les uns et le reste pour les autres. Qui est-ce qui a procédé à

18 cette répartition ?

19 Donc, c'étaient ceux qui avaient œuvré à la création d'un programme

20 pour cette armée de la Bosnie-Herzégovine, et le général Warner l'avait

21 fait de l'armée américaine.

22 M. SCOTT : [interprétation] Messieurs les Juges, une objection quant au

23 document mentionné par M. Petkovic. Car l'Accusation n'a pas eu le droit

24 d'utiliser le document, donc, il est inapproprié pour la Défense d'utiliser

25 ce même document. Je serai heureux de pouvoir l'utiliser mais soit c'est

26 autorisé pour les deux parties ou pas du tout.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Il s'agit d'un passage du document dont il

28 était manifeste que cette partie ne porte aucune signature et aucune date.

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1 Il y avait d'autres documents qui étaient annexés, mais je pense que la

2 manière dont la question a été formulée est tout à fait appropriée, car

3 cela se réfère à un document qui comportait des chiffres. Donc je pense que

4 cela n'a rien d'inapproprié.

5 De toute manière, sur le fond la question devrait être posée au témoin,

6 avait-il connaissance de cela ? De qui était responsable de la

7 distribution, d'ailleurs cela découle de la question posée par le témoin

8 Juge Trechsel, donc, il me semble que c'est éminemment pertinent. Et je ne

9 vois pas pourquoi l'Accusation formule une objection. Est-ce qu'elle a peur

10 de quelque chose ?

11 M. SCOTT : [interprétation] Soyons juste, Monsieur Karnavas. Je n'ai

12 certainement pas peur des moyens de preuve mais je pense que les règles du

13 jeu doivent équitables, et que si l'on n'autorise pas une partie d'utiliser

14 une pièce, on ne doit pas non plus l'autoriser à l'autre partie. J'avais

15 relevé à un moment donné que le document --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que vous n'aviez pas été autorisé à

17 utiliser une pièce. Laquelle pièce ?

18 M. SCOTT : [interprétation] Celui auquel se réfère M. Petkovic; je crois

19 qu'il s'agissait du 10267.

20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais --

21 Mme ALABURIC : [interprétation] M. le Président a également posé la

22 question au sujet du nombre de chars et autres matériels qui sont cités

23 tout à l'heure.

24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais intervenir car j'ai

25 formulé une observation. J'ai dit que ce document ne portait aucune

26 signature, et ainsi de suite. Cela s'est référé au document de 18 pages qui

27 comportait des annexes. Et je ne me référais pas à ces annexes. Je dois

28 dire que j'ai été quelque peu surpris que l'Accusation n'aborde même pas

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1 ces autres documents, mais il ne m'appartient pas de le proposer --

2 d'encourager l'Accusation à le faire. Donc, je ne pense pas qu'il serait

3 injuste que M. Petkovic pose la question. Je crois qu'il y a un malentendu.

4 M. SCOTT : [interprétation] Oui, il y a eu peut-être un malentendu. Et j'ai

5 fait de mon mieux pour signaler à la Chambre que le document était reçu

6 dans la forme que vous avez sous les yeux. Donc il s'agissait d'un seul

7 document, les document étaient réunis en un, présentés comme un document

8 unifié, réunissant plusieurs documents, c'est ainsi qu'on l'avait trouvé

9 dans les archives. Et donc, j'avais compris puisqu'il y avait une partie du

10 document qui était remise en question, on ne pouvait pas utiliser le

11 document du tout, c'est que j'avais compris.

12 Mais je serai heureux d'y revenir, si j'ai l'occasion de le faire.

13 L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, permettez-moi de

14 poser une seule question encore. L'armée de la Fédération n'a pas été

15 organisée d'après ce document. Mais il y a un autre document d'organisation

16 de cette armée dans les archives de la Fédération et de l'armée de la

17 Fédération. J'affirme qu'il existe un document adopté au niveau de la

18 Fédération disant que l'armée de la Fédération est composée de deux

19 constituantes : l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.

20 Ce document existe au niveau de la Fédération, on peut le retrouver de nos

21 jours encore au ministère de la Défense de la Bosnie-Herzégovine. Je ne

22 parle pas par cœur. C'est un rapport qui a été rédigé par quelqu'un pour

23 quelqu'un d'autre et j'ai eu l'impression que c'est plutôt un document du

24 renseignement. Mais le document dont je parle s'appelle : "Fondement de

25 l'organisation et rapport de force ou ordre de grandeur," je ne suis pas

26 très sûr, mais ça existe. Permettez-moi de le faire retrouver.

27 Donc, il s'agit de l'organisation de l'armée de la Fédération. Cela a

28 été constitué de deux composantes et la chose a été abrogée il y a quelques

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1 jours à peine. Mais ça, ça s'appelait l'armée de la Fédération, et M. Sotka

2 parlait de la -- est-il commandant de la composante croate au sein de cette

3 armée fédérale ? Nous avons des documents au niveau de la Bosnie-

4 Herzégovine qu'on peut faire apporter. Et ça c'est un document qui a été

5 communiqué par quelqu'un à quelqu'un d'autre, on ne sait pas qui l'a signé,

6 c'est probablement des renseignements qui ont été volés dans le ministère

7 de la Défense pour les donner à quelqu'un. Mais il y a un document disant

8 que cette armée de la Fédération avait deux composantes : le HVO et l'ABiH,

9 cela il y a juste à peine -- jusqu'à il y a quelques jours à peine.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Petkovic d'après lui, se basant non pas sur ce

11 document mais sur un texte, tout ce qui est plus officiel. L'armée de la

12 Fédération serait constituée de deux composantes : le HVO et ABiH, qu'est-

13 ce que vous en pensez ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai aucune raison de le contester. Mais

15 encore une fois --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Maître Murphy.

17 M. MURPHY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Contre-interrogatoire par M. Murphy:

19 Q. [interprétation] Docteur Miller, je m'appelle Peter Murphy. Je fais

20 partie de l'équipe de la Défense qui représente M. Bruno Stojic. J'aimerais

21 d'abord vous interroger au sujet d'une réponse que vous avez donnée à une

22 question posée par Mme Alaburic.

23 M. MURPHY : [interprétation] A la page 85, ligne 21.

24 Q. Vous avez dit que vous n'avez pas recherché les exemples les plus

25 extrêmes. Vous avez dit et je vous citerai : "Cela aurait sans doute rendu

26 ma thèse plus convaincante."

27 Lorsque vous avez utilisé cette formule : "Rendu ma thèse plus

28 convaincante," pourriez-vous nous dire de quelle thèse il

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1 s'agissait ?

2 R. Il va sans dire que mon rapport repose sur une thèse d'après laquelle

3 les caractéristiques que j'ai décrites étaient bien connues. Voilà, c'est

4 la thèse que j'avance, et la thèse aurait été plus facile à démontrer, mais

5 il m'appartient également d'évaluer la valeur de certains éléments de

6 preuve et je crois qu'il est bien connu que les médias et les postes

7 yougoslaves ont exagéré les incidents sur le terrain de façon automatique.

8 Q. Bien, je vous ai posé la question parce qu'un peu plus tôt dans le

9 cadre des questions posées par Mme Alaburic. M. Scott l'a interrompue pour

10 mettre l'accent que -- sur le fait qu'on ne vous avait pas demandé de

11 parvenir à telle ou telle conclusion, mais simplement d'effecteur des

12 recherches. Et sur la base de ce que vous avez dit, j'avance qu'en fait,

13 votre rapport avait une finalité ou prédéterminée, des conclusions

14 prédéterminées ?

15 R. Non, je ne suis pas d'accord. On m'a demandé de rédiger un rapport.

16 J'en ai tiré des conclusions. Il y a une thèse, mais on ne m'a pas demandé

17 de parvenir à une conclusion spécifique. Il va sans dire que j'ai moi-même

18 vécu les années 1990, donc je savais à quoi m'attendre, mais je ne suis pas

19 du tout d'accord avec ce que vous affirmez.

20 Q. J'aimerais encore vous poser une question concernant l'Herceg-Bosna.

21 Donc, cela concerne votre deuxième rapport concernant le fait que l'Herceg-

22 Bosna a continué à exister. Vous savez, bien entendu, que la Communauté

23 croate d'Herceg-Bosna fut instituée ou proclamée en novembre 1991, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Hm-hm.

26 Q. [aucune interprétation]

27 R. Oui.

28 Q. C'était donc avant que la communauté internationale ne reconnaisse la

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1 Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant; est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Et au cours de la même période, les Serbes de Bosnie ont également

4 institué un certain nombre de structures politiques qui à long terme ce

5 sont transformées en Republika Srpska, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Grâce aux accords de Dayton ou suite aux accords de Dayton, la

8 Republika Srpska est devenue une partie constitutive de la Bosnie-

9 Herzégovine, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Conviendrez-vous avec moi qu'en tout cas pendant la guerre, la

12 communauté internationale a fait les mêmes critiques à la Republika Srpska

13 qu'à Herceg-Bosna ?

14 R. Oui, je serais d'accord.

15 Q. En d'autres termes, il s'agissait d'un Etat illicite créé sur le

16 territoire de la Bosnie-Herzégovine. C'était la critique principale, n'est-

17 ce pas, à cet égard ?

18 R. Je suppose, oui -- mais oui.

19 Q. Mais aujourd'hui, en raison des circonstances historiques, la Republika

20 Srpska a -- qui dans un [imperceptible] légitimée sur la base des accords

21 de Dayton ?

22 R. Je suis d'accord.

23 Q. Et depuis Dayton, seriez-vous également d'accord pour dire qu'il y a

24 une assez grande insatisfaction concernant la structure politique de la

25 Bosnie-Herzégovine de la part des trois populations qui la composent ?

26 R. Oui.

27 Q. A plusieurs reprises, le bureau du haut représentant a dû apporter des

28 modifications afin de satisfaire aux exigences de part et d'autres ?

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1 R. Oui, je l'accepte, mais je pourrais vous préciser quelles sont ces

2 modifications.

3 Q. Nous n'avons pas besoin d'entrer dans les détails. Est-ce que vous

4 savez aussi, qu'aujourd'hui même, il y a beaucoup de pression politique

5 exercée au sein de ces trois populations afin d'apporter des modifications

6 importantes à la structure instituée par Dayton ?

7 R. Oui.

8 Q. Et conviendrez-vous avec moi que, dans toute société démocratique, les

9 Croates de Bosnie, ainsi que les autres populations, ont le droit de

10 militer sur le plan politique en faveur des modifications qu'ils appellent

11 de leur vœu ?

12 R. Oui.

13 Q. Donc, lorsque vous parlez dans votre rapport, je crois que vous avez

14 utilisé le terme, "intransigeance," de la part de certains Croates de

15 Bosnie, pour être tout à fait équitable, pourrait-on dire qu'il s'agit

16 simplement d'une détermination à obtenir les modifications qu'ils appellent

17 de leur vœu par le biais du processus politique ?

18 R. Oui. Je suppose qu'on pourrait l'interpréter ainsi.

19 M. MURPHY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- pour les questions supplémentaires ? S'il vous

21 faut que 15 minutes, nous pourrions terminer aujourd'hui avec le témoin.

22 M. SCOTT : [aucune interprétation]

23 L'INTERPRÈTE : Avec un micro, s'il vous plaît.

24 M. SCOTT : [interprétation] A la lumière de ce que nous avons dit au sujet

25 de ces documents, je suis en train de relire cette série de documents.

26 Donc, j'aurais besoin de plus d'un quart d'heure, donc, je demanderais à

27 pouvoir faire le -- mener -- poser ces questions supplémentaires demain.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] Dois-je en déduire qu'il veut rouvrir

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1 l'interrogatoire principal ? J'aimerais bien une réponse concrète.

2 M. SCOTT : [interprétation] Je ne sais pas, puisque je suis en train de

3 réétudier ces documents. J'avais compris - peut-être par erreur - que ces

4 documents avaient été jugés et recevables, donc, j'aimerais pouvoir les

5 parcourir de nouveau et préparer ces questions supplémentaires de façon

6 adéquate. Parce que le fait qu'il nous reste dix minutes, le fait qu'on

7 nous incite à accélérer, cela arrive souvent pour ce qui est de

8 l'Accusation, c'est inadéquat. Nous avons le temps, il est prévu que le

9 témoin puisse rester, donc, je demanderais à poser mes questions

10 supplémentaires demain.

11 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection mais si le

12 Procureur décide de revenir sur son interrogatoire principal, et si la

13 Chambre lui autorise, bien entendu, nous aurons le droit de mener notre

14 contre-interrogatoire à ce sujet, je suis sûr que M. Scott serait d'accord.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- il est bien clair dans mon esprit, Monsieur

16 Scott, que vous poserez demain des questions supplémentaires en liaison

17 avec les questions posées lors du contre-interrogatoire.

18 Ce n'est pas un réexamen, il y a un interrogatoire principal, donc, ce sont

19 des questions supplémentaires.

20 Alors, Monsieur le Témoin, malheureusement, je pensais que vous pourriez

21 peut-être partir aujourd'hui, mais il faudra donc revenir demain matin.

22 Donc, vous reviendrez pour l'audience qui débutera demain à 9 heures, mais

23 qui sera normalement assez courte. Voilà.

24 Donc, j'invite tout le monde à revenir pour l'audience de demain 9 heures.

25 M. MURPHY : [interprétation] Puis-je encore vous dire quelques mots avant

26 que nous suspendions, puisqu'il nous reste quelque temps. Je sais que,

27 demain, vous devez assister à une réunion plénière, donc, nous aurons moins

28 de temps. Demain matin, ce sera le dernier jour où je comparaîtrais devant

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1 un Tribunal, j'ai 35 ans de carrière. Bien entendu, j'ai des émotions très

2 partagées à ce propos.

3 J'aimerais vous dire quel privilège cela a été pour moi de pouvoir

4 pratiquer devant ce Tribunal, et notamment cette Chambre si éminente, aux

5 côtés de confrères aussi éminents. Et j'aimerais formuler tous mes vœux

6 pour les accusés, et dire, que c'est un réel privilège avoir pu en tant que

7 dernière affaire assurer la présentation de M. Stojic.

8 Je vous remercie, Monsieur le Président, de toute votre courtoisie.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Maître Murphy. Au nom de mes collègues et au nom

10 du Juge Mindua, qui n'est pas là, car il siège actuellement dans le procès

11 Dragomir Milosevic, je vous l'ai déjà dit, mais, je le répète, nous

12 formulons nos meilleurs vœux de réussite dans votre nouveau métier, qui va

13 être le métier de juge. Mais qui est au combien difficile et nous vous en

14 apportons la preuve tous les jours. Mais je sais que, grâce à vos grandes

15 qualités manifestées dans 35 ans de barreau, vous n'aurez aucune difficulté

16 à accomplir cette noble mission qui est celle de juge. Et donc, nous

17 serions ultérieurement très heureux de vous rencontrer dans d'autres

18 circonstances. En tout cas, soyez assuré de nos meilleurs vœux pour cette

19 nouvelle partie de votre carrière.

20 Voilà. Il est donc l'heure. Nous nous retrouvons demain à

21 9 heures. Merci.

22 --- L'audience est levée à 13 heures 35 et reprendra le mercredi 26

23 septembre 2007, à 9 heures 00.

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