Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 13 mai 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-04-74-T, le Procureur

  8   contre Prlic et consorts. Merci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 10   En ce mardi 13 mai 2008, je salue les représentants de l'Accusation, Mmes

 11   et MM. les avocats, MM. les accusés ainsi que toutes les personnes qui nous

 12   assistent.

 13   Aujourd'hui, nous devons poursuivre nos travaux avec l'audition d'un

 14   témoin cité par la Défense Prlic. J'ai cru comprendre que Me Karnavas

 15   voulait intervenir pour quelques observations liminaires.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Deux ou trois choses. D'abord, bonjour.

 17   Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, bonjour à toutes et à

 18   tous.

 19   Question technique, deux documents d'abord qui ont fait surface

 20   pendant la séance de récolement du témoin. Nous avons fourni des

 21   exemplaires de ce document à tout le monde mais pas dans le système e-

 22   court, ça n'a pas été saisi dans le système e-court parce qu'on m'a dit

 23   qu'il ne fonctionnait pas pendant le week-end. Ce sont des documents que le

 24   témoin nous a fournis quand il est arrivé, donc, on ne connaissait pas ces

 25   documents à l'avance.

 26   Deuxième chose, j'ai rencontré ce matin le témoin très brièvement, c'est

 27   notre habitude à nous d'aller voir le témoin pour l'accueillir, échanger

 28   quelques propos. Et il y a deux éléments qui ont été attirés -- sur

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  1   lesquels on a attiré mon attention, je pense de voir vous les signaler pour

  2   éviter tout effet de surprise. S'agissant du document 1D 02626 -- 1D 02626,

  3   en date du 12 juin 1998. C'est un ensemble de données de 1992 à 1998 --

  4   l'ensemble de données.

  5   Et le témoin nous dira pourquoi il connaît ce document et qu'il

  6   connaissance ce document. Il y a deux choses peut-être qui peuvent être

  7   pertinentes ici. S'agissant premièrement de la note de bas de page numéro 1

  8   de ce document, il est question d'élections qui ont eu lieu en Bosnie-

  9   Herzégovine en 1996. On m'a dit que les réfugiés de la Bosnie-Herzégovine,

 10   qui se trouvaient toujours en Croatie, ont eu le droit de voter à partir du

 11   territoire croate dans le cadre des élections qui avaient lieu en Bosnie-

 12   Herzégovine à ce moment-là et que ces élections ont été organisées par

 13   l'ODPR, le bureau pour lequel le témoin a travaillé, le bureau chargé des

 14   Personnes déplacées et des Réfugiés, et que ce n'était donc pas organisé

 15   par l'ambassade de Bosnie-Herzégovine en Croatie. Il a été décidé

 16   délibérément que ce ne serait pas l'ambassade mais le bureau, le bureau qui

 17   faisait l'objet d'un contrôle de la part de l'OSCE et qui contrôlait les

 18   élections en Bosnie-Herzégovine; c'est donc le bureau qui a organisé ces

 19   élections. Le témoin va également nous expliquer qu'après les élections,

 20   l'ambassadeur Robert, me semble-t-il, Robert Frowick - j'ai du mal à

 21   prononcer son nom correctement - enfin, c'est lui qui à l'époque était à la

 22   tête de l'OSCE et il avait émis un certificat de remerciement,

 23   d'appréciation à l'intention du gouvernement croate suite à ces élections.

 24   Autre élément qui figure dans ce rapport - à la page 3, paragraphe 4,

 25   c'est toujours le même document, je le répète,

 26   1D 02626 - vous constaterez dans l'avant-dernier paragraphe au-dessus du

 27   paragraphe 5, il est question d'événements qui ont eu lieu au cours de

 28   l'été 19 -- enfin, de l'été 1995 à mai 1996, au sujet d'un camp -- dans un

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  1   camp Krupcjensko [phon], et il apparaît qu'il y avait là un grand nombre de

  2   réfugiés musulmans qui s'étaient installés là-bas, c'était quelque chose

  3   d'improviser qu'ils avaient organisé eux-mêmes et on a demandé au

  4   gouvernement croate de faire lever ce camp. A l'époque, les Musulmans sous

  5   le gouvernement de M. Abdic, ils ont refusé. En tout cas, on a pu fermer le

  6   camp et déplacer ces réfugiés pour les installer à Gasinci, Obonjan. Et

  7   c'est là sous le contrôle de l'OSCE que le vote a été organisé -- les

  8   élections ont été organisées.

  9   Tout ceci est pertinent, pourquoi; parce que si on se reporte à la

 10   déposition du Témoin Azra Krajsek, on se rappelle qu'il nous a dit que dans

 11   ces camps régnaient des conditions inhumaines, et cetera. Voilà donc une

 12   partie de notre témoin au cours de laquelle il va parler de ce qui s'est

 13   passé dans ces camps. Je viens d'apprendre tous ces éléments, je vous les

 14   communique tout de suite et j'espère que ceci ne dérangera personne dans ce

 15   prétoire, que tout le monde sera en mesure de s'adapter assez vite.

 16   On me dit qu'il faut apporter un certain nombre de corrections.

 17   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je

 18   voudrais prévenir les interprètes de B/C/S que lorsque M. Karnavas parle de

 19   "camp", il parle de campement et non pas de "campe", parce que quand on dit

 20   en B/C/S, les gens qui écoutent dans notre langue peuvent se faire une idée

 21   erronée. Merci.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 23   On va introduire le témoin. Madame l'Huissière, allez chercher le

 24   témoin.

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous me donner votre nom,

 28   prénom et date de naissance, s'il vous plaît.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Damir Zoric. Je suis né le 1er

  2   janvier 1960.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez une profession actuellement; si

  4   oui, laquelle ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis directeur d'une société privée à

  6   Zagreb.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal sur les

  8   faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie; si c'est le cas, devant

  9   quel tribunal ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est le cas, devant ce Tribunal-ci.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Et dans quelle affaire, si vous vous en souvenez ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était dans l'affaire Martinovic, Naletilic.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Je vous demande de lire le serment.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   LE TÉMOIN : DAMIR ZORIC [Assermenté]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, comme vous avez déjà témoigné, mes

 21   explications vont être très brèves. Vous êtes aujourd'hui le témoin de la

 22   Défense de M. Prlic. Vous avez donc rencontré l'avocat de M. Prlic Me

 23   Karnavas qui vous a rencontré avant cette audience. Vous allez donc dans un

 24   premier temps devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par

 25   Me Karnavas. Le cas échéant, les quatre Juges qui sont devant vous pourront

 26   aussi vous poser des questions de suivi suite aux questions posées par

 27   Me Karnavas à partir de documents qu'il va vous présenter.

 28   Une fois que cette phase sera terminée, les autres avocats des autres

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  1   accusés pourront vous poser des questions dans le cadre du contre-

  2   interrogatoire qu'ils pourraient le cas échéant intenter si nécessité se

  3   faisait sentir pour eux.

  4   Une fois que cette phase sera terminée, le Procureur qui se trouve à

  5   votre droite aura le même temps que l'interrogatoire principal pour vous

  6   poser des questions; et il se peut qu'en cas de nécessité des questions

  7   supplémentaires vous soient également posées. Nous faisons des "break" --

  8   pauses toutes les heures et demie, une pause d'une durée de 20 minutes.

  9   Cette semaine, vous êtes prévu pour les trois jours de cette semaine,

 10   mardi, mercredi et jeudi, nous commençons nos audiences à 9 heures. Si, à

 11   un moment donné, vous ne vous sentez pas bien, dites-le-nous et à ce

 12   moment-là j'interromprai l'audience.

 13   Voilà donc de manière très brève la façon dont va se dérouler cette

 14   audience et sans perdre de temps, je donne la parole à

 15   Me Karnavas.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

 17   tous.

 18   Interrogatoire principal par M. Karnavas:

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Zoric. Il va falloir parler un petit

 20   peu plus fort pour qu'on puisse bien vous entendre parce que, sinon, les

 21   interprètes vont se plaindre. D'abord, je vais très rapidement évoquer

 22   votre parcours. En 1990, quelles étaient vos activités ?

 23   R.  Cette année-là, je travaillais à l'université de Zagreb en ma qualité

 24   de chercheur en matière scientifique --

 25   Q.  Et quand avez-vous quitté ce poste pour occuper le poste qui nous

 26   intéresse ici dans le cadre de votre déposition aujourd'hui, qui peut nous

 27   intéresser ?

 28   R.  Je suis parti en août 1992 lorsqu'à Zagreb, il y a eu création d'un

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  1   gouvernement d'unité démocratique -- ou d'Union démocratique, et j'ai été

  2   convié à assumer les fonctions au sein de ce gouvernement en qualité de

  3   conseiller du vice-président de ce gouvernement. Ce vice-premier ministre a

  4   été notamment chargé des questions sociales, de l'éducation, de la santé et

  5   des soins sociaux.

  6   Q.  Comment s'appelait-il ?

  7   R.  Dr Mate Granic.

  8   Q.  A l'époque, étiez-vous membre du HDZ ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Avez-vous jamais été à des rangs du HDZ ?

 11   R.  [aucune interprétation]

 12   Q.  Pendant quelle période ?

 13   R.  1995 à 2000.

 14   Q.  Bien. Vous dites que vous faisiez de la recherche. Dans quel domaine

 15   avant qu'on ne vous propose ce poste ?

 16   R.  J'ai diplômé d'histoire. Je suis diplôme en matière d'ethnologie et de

 17   culture ethnique ou anthropologie culturelle. J'ai diplômé et j'ai eu une

 18   maîtrise en la matière. Donc mes recherches se sont faites dans ce domaine.

 19   Q.  Parlons des activités qui étaient les vôtres au sein du bureau de M.

 20   Granic, du Dr Granic. Pouvez-vous nous expliquer quelle était la nature

 21   précise de vos activités ? Il s'agit de 1991, si je ne m'abuse.

 22   R.  J'étais censé être son assistant et l'aider dans les préparatifs en

 23   matière de réforme du secteur social, y compris l'université.

 24   Malheureusement, nous n'en avons fait que très peu car la guerre a

 25   commencé, et par la force des choses, nous qui étions là-bas, avons en fait

 26   commencé à nous occuper des séquelles de la guerre, à savoir travailler

 27   avec des gens qui arrivaient vers les régions libres en provenance des

 28   régions sous l'emprise des combats.

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  1   Q.  Concrètement, que vous a-t-on demandé de faire ? Et précisez le mois et

  2   l'année à partir duquel vous commencez. Ça nous permet de nous retrouver.

  3   R.  Suite à la chute de Vukovar, la Croatie s'est vue submergée de

  4   personnes expulsées et déplacées, et il n'y avait pas de structure civile

  5   qui serait à même de prendre soin de ces gens. Au mois de novembre 1991, on

  6   m'a proposé d'essayer d'organiser aux côtés d'autres personnes encore, un

  7   bureau qui serait tenu responsable auprès du gouvernement et qui prendrait

  8   soin de ces personnes-là.

  9   Q.  Dans mon casque-là en traduction, j'ai entendu le mot de "réfugiés."

 10   Vous parlez de la chute de Vukovar. Si je n'abuse, Vukovar se trouve en

 11   Croatie. Donc, quand vous parlez de réfugiés, est-ce que vous entendez par-

 12   là les personnes déplacées, les réfugiées ou les deux ?

 13   R.  A l'époque, nous ne savions pas exactement quelle était la terminologie

 14   juridique internationale à mettre en œuvre. Nous n'avions aucune expérience

 15   en la matière. Nous appelions ces gens-là des personnes déplacées ou des

 16   réfugiées. Ce n'est que par la suite que nous avons appris que les

 17   conventions internationales faisaient une distinction entre des nationaux

 18   déplacés sur le territoire à l'intérieur d'un pays et le réfugié arrivant

 19   de pays étranger. Pendant la première année, en terme pratique, nous

 20   appelions tous ces gens-là réfugiés.

 21   Q.  Il serait sans doute bien que vous essayiez de nous donner une idée de

 22   l'infrastructure qui était disponible à l'époque, des ressources qui

 23   étaient disponible -- du technique qui était disponible à l'époque en

 24   Croatie au moment de la chute de Vukovar. Ceci pour nous permettre de

 25   comprendre les ressources qui étaient disponibles à ce moment-là. Ensuite,

 26   on passera à 1991, 1992, 1993. Mais à ce moment-là -- à ce moment-là

 27   précis, quelles étaient les ressources disponibles ?

 28   R.  Il est difficile de parler d'infrastructures vu que celles-ci

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  1   n'existaient pas. La Croatie ne disposait pas d'expérience préalable en la

  2   matière. Il n'existait pas de service spécialisé, et chose importante, il

  3   n'existait pas non plus de moyen de prévu au niveau du budget pour ce type

  4   d'activité. Il y avait un enthousiasme auprès des gens certes qui ont vu un

  5   malheur immense se produire autour d'eux et qui avaient la bonne volonté

  6   d'aider. C'était notre infrastructure principale. En terme pratique nous

  7   n'avions rien d'autre, pas même un bureau au sens physique du terme,

  8   j'entends.

  9   S'agissant de mon bureau à moi, ce bureau du gouvernement, d'un

 10   nouvel Etat. Je l'ai installé au siège de la Défense territoriale. Ça

 11   faisait partie de l'armée de l'ex-Etat, c'était leur siège pour la ville de

 12   Zagreb. Et je l'ai fait littéralement cinq minutes après leur retrait en

 13   application d'un accord qui leur a fait quitter Zagreb.

 14   Q.  De quelle période parlez-vous ? Vukovar est tombé en novembre 1991; on

 15   ne savait pas.

 16   R.  Pendant cette période-là justement.

 17   Q.  Au moment de la chute de Vukovar, pourriez-vous nous donner une idée du

 18   pourcentage du territoire croate qui était occupé à l'époque par des forces

 19   étrangères, si c'était le cas ? Et quand je parle de "forces étrangères,"

 20   je pense -- parle de la JNA, puisqu'ici, il s'agissait de la JNA. La

 21   Croatie avait des frontières qui étaient reconnues au niveau international.

 22   Donc, qu'en était-il à l'époque ?

 23   R.  La Croatie n'était pas encore reconnue, il s'en fallait d'un mois ou

 24   deux, mais il y avait d'occupé à peu près un tiers du territoire de la

 25   Croatie, plus ou moins je dirais environ un tiers.

 26   Q.  Pouvez-vous nous donner une estimation du nombre de personnes déplacées

 27   à l'époque ?

 28   R.  Ce chiffre a varié selon l'évolution des événements, ça allait entre

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  1   200 et 300 000 personnes.

  2   Q.  Et ça, c'est après la chute de Vukovar. Moi, c'est de cette période que

  3   je vous parle, je vous parle de novembre 1991, novembre/décembre 1991, au

  4   moment où vous avez mis en place ce bureau.

  5   R.  Avant cette période, pendant cette période, et après cette période,

  6   c'était donc 1991 et la première moitié de 1992. Il s'agissait de 200 à 300

  7   000 personnes.

  8   Q.  Vous nous avez dit que la Croatie n'avait pas les connaissances

  9   techniques appropriées, vous nous avez dit qu'on ne comprenait pas très

 10   bien la différence entre réfugié et une personne déplacée. Pourriez-vous

 11   expliquer à la Chambre ce quelle a été la nature de l'aide technique -- de

 12   l'assistance technique en provenance des Nations Unies, des pays voisins,

 13   des pays qui interviennent dans ce genre de crise humanitaire ? Je voudrais

 14   savoir quel a été le volume de cette aide en 1991 ?

 15   R.  En 1991, on a rien reçu du tout. En fait, on a reçu une lettre en

 16   provenance de Genève disant que de l'aide était envoyée à la mission de

 17   l'UNHCR à Belgrade. Et ce qu'ils prévoyaient c'était de faire en sorte que

 18   28 % de cette assistance aboutisse en Croatie; c'était le pourcentage

 19   territorial du territoire croate au sein de la Yougoslavie, j'imagine, mais

 20   à l'époque, nous ne pouvions pas nous déplacer vers Belgrade car les routes

 21   étaient complètement bloquées.

 22   Q.  Bon. Je vais aller droit au but ici. A ce moment-là, si j'ai bien

 23   compris, la Croatie est attaquée par la JNA; c'est bien exact ?

 24   R.  Ça c'est exact.

 25   Q.  Bien. Le QG de la JNA, pour -- on peut dire que c'est à Belgrade, le QG

 26   principal --

 27   R.  Exact.

 28   Q.  Son gouvernement yougoslave, serbe, enfin peu importe le nom qu'on lui

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  1   donne, on considère qu'il est en train d'attaquer la Croatie c'est

  2   l'impression qu'on a et là on voit des gens de Genève qui écrivent une

  3   lettre à Croatie, en leur disant : "Et bien, allez à Belgrade pour obtenir

  4   ces 28 %, cette aide." Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de nous

  5   dire ?

  6   R.  Je pense que c'est bien ce qui s'est passé. Au tout départ, il n'était

  7   pas du tout conscient de ce qui se passait sur le terrain.

  8   Q.  Est-ce qu'ils ont envoyé quelqu'un sur place pour voir ce qu'il en

  9   était vraiment ? Vous dites qu'il y avait 200 000 à 300 000 personnes

 10   déplacées. J'imagine que le HCR des Nations Unies voulait savoir ce qu'il

 11   en était. La communauté internationale aussi. Les pays voisins ont pris un

 12   certain intérêt à ce qui se passait. Alors, quand sont-ils venus pour la

 13   première fois, à votre connaissance, avec une assistance technique ou

 14   autre, assistance financière, par exemple; quand sont-ils donc arrivés pour

 15   apporter leur aide dans le cadre de cette crise humanitaire ?

 16   R.  Les toutes premières délégations arrivant à Zagreb étaient ce qu'il est

 17   convenu de dire ou d'appeler délégations à haut niveau. Alors, c'était une

 18   belle chose que de voir à Zagreb des gens, comme Cyrus Vance, Herbert Okun,

 19   et autres personnalités éminentes au niveau de la vie internationale mais,

 20   eux, restaient cantonnés à ce que j'appelle le niveau politique. Il fallait

 21   qui se passe plusieurs mois en attendant que n'arrivent des premiers

 22   émissaires du HCR.

 23   Q.  Et quand ils sont arrivés, quel type d'aide ont-ils apporté exactement

 24   ?

 25   R.  Quand ils sont arrivés, il m'a semblé qu'ils étaient à peu près dans le

 26   même état dans lequel j'avais été quelques mois auparavant ils n'avaient

 27   pas de bureau, pratiquement ils ne comprenaient guère où ils se sont

 28   trouvés ni de quoi il retournait ce qui était en train de se passer. Il

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  1   leur a fallu du temps pour ouvrir un bureau, des structures, d'avoir des

  2   employés. Pendant toute la durée de cette crise humanitaire en Croatie, si

  3   on examine les chiffres, le HCR et d'autres organisations humanitaires ont

  4   apporté de l'aide. Seulement la part moyenne de leur aide par mois n'a

  5   jamais dépassé 11 %.

  6   Q.  J'aimerais que vous vous recentriez sur quelque chose, parce que je

  7   reprends aussi la cadence de vos réponses. Lorsqu'ils sont arrivés, vous

  8   avez dit qu'ils n'avaient pas de bureau, qu'ils n'avaient nulle part où

  9   installer leur matériel. Je suppose qu'à un moment donné, ils ont pris leur

 10   repère, ils ont installé un bureau, et ils ont commencé à fournir de

 11   l'aide. Pour ce qui est de l'aide technique, dont du savoir-faire, quelle

 12   aide qu'ils ont fournie au départ ?

 13   R.  La première aide que nous ayons reçue ou la première coopération que

 14   nous ayons connue c'était une coopération qui a permis de mettre sur pied

 15   une base de données c'est sur la base d'une liste dressée de toutes les

 16   personnes déplacées et des réfugiés qui se sont trouvés à ce moment-là en

 17   Croatie. Le HCR a proposé que l'on dresse cette liste et qu'on fasse une

 18   base de données et il nous a fourni les moyens techniques et les ressources

 19   qui nous ont permis de mener cela à bien à son terme.

 20   Q.  Alors, que devait être l'utilité de cette base de données, d'après la

 21   façon dont vous avez compris les choses ?

 22   R.  Il nous fallait savoir de quelle façon il s'agissait d'où elles avaient

 23   été chassées et d'où elles sont venues, quel était leur âge, combien

 24   d'enfants nous avions parmi ces gens-là, combien de malades, où ils

 25   étaient, quels besoins ils avaient, et également comment on pouvait les

 26   identifier.

 27   Q.  Tout d'abord, nous parlons de quelle période ici ? Quand la première

 28   base de données a-t-elle été établie ?

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  1   R.  C'était pendant la première moitié de l'année 1992.

  2   Q.  D'après ce que vous savez, à ce moment-là, est-ce qu'il y a déjà un

  3   poste budgétaire prévu dans le budget de la République de Croatie qui

  4   s'occuperait des besoins de votre bureau ?

  5   R.  Les sommes que nous recevions de la part du gouvernement ne nous

  6   arrivaient pas de manière régulière. Il n'y avait que deux employés qui

  7   étaient salariées, pendant les trois ou quatre premiers mois et c'était le

  8   chef de ce bureau et moi-même. Tous les autres étaient employés en tant que

  9   volontaires.

 10   Q.  Permettez-moi de vous interrompre. Plus tard nous apprendrons que vous

 11   êtes devenu membre du parlement, député, et vous le savez normalement une

 12   fois par an, il y a des discussions portant sur le projet de budget, de

 13   façon à ce que le gouvernement puisse planifier ses dépenses au cours de

 14   l'année. Alors répondez à cette question précise : est-ce qu'il y avait un

 15   budget, une enveloppe budgétaire qui avait été mise de côté par le

 16   gouvernement pour parer à ces besoins à votre connaissance ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Bien. Connaissez-vous le montant, l'importance de cette enveloppe

 19   budgétaire ?

 20   R.  Il m'est difficile d'en parler aujourd'hui, ce n'était pas la même

 21   devise. Après on a converti cela, mais le gouvernement a pris à sa charge

 22   tous les frais, lorsqu'il s'agissait de la prise en charge organisé,

 23   l'éducation, les frais de scolarité, les soins médicaux et tous les autres

 24   besoins de ces personnes-là.

 25   Q.  Alors, enfin, revenons à cette base de données, quelques questions

 26   rapides avant de passer à autre chose, à moins que les Juges de la Chambre

 27   n'aient des questions. Tout d'abord, est-ce qu'on a jamais utilisé de

 28   telles bases de données à des fins discriminatoires ? Je m'explique. Vous

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  1   savez qu'on peut reconnaître exactement le nombre de membres d'un groupe,

  2   d'où ils viennent ces individus, alors, on peut à preuve des mesures

  3   discriminatoires, pas de bons logements, pas d'éducation correcte, les

  4   envoyer dans un endroit où ils vont subir des mauvais traitement. Est-ce

  5   que vous savez si on a utilisé cette base de données à ces fins ?

  6   R.  La base de données on ne s'en ait pas servi à des fins

  7   discriminatoires. On en avait besoin pour techniquement nous acquitter de

  8   notre travail. Il nous fallait savoir où on avait des personnes à prendre

  9   en charge, qui étaient ces personnes, quels étaient leurs besoins. Il nous

 10   fallait savoir d'où étaient venus ces individus parce qu'à tout moment on

 11   souhaitait avoir la possibilité d'assurer le retour de personnes de

 12   l'endroit d'où ils étaient venus initialement.

 13   Q.  Permettez-moi de vous demander ceci : cette base de données je sais que

 14   vous avez au fond fait un recensement au départ; est-ce que cette base de

 15   données a été mise à jour; et si oui, à quelle fréquence elle l'a été ?

 16   R.  C'est périodiquement qu'on la mettait à jour. Il y avait de nouveaux

 17   arrivants, on les enregistrait et puis il y avait des gens qui repartaient

 18   et on les effaçait de nos listes. La base a été très souvent utilisée pour

 19   des besoins des organisations humanitaires en particulier pour ce qui est

 20   du service de Recherche de la Croix-Rouge internationale et également pour

 21   les programmes de regroupement familial car il faut savoir que nombre de

 22   familles se sont trouvées éclater, séparées par la guerre. Et alors, ils se

 23   sont retrouvés ou personnes déplacées et les différents membres d'une

 24   famille cherchaient à reprendre contact et la manière la plus facile de

 25   reprendre contact c'était sur la base de nos données.

 26   Q.  Vu votre réponse permettez-moi de vous demander ceci : suis-je en droit

 27   de suppose que vous avez partagé les données de cette base de données avec

 28   les organisations internationales ?

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  1   R.  Vous avez raison.

  2   Q.  Par conséquent, si le Haut-commissariat, disons, voulait consulter

  3   cette base à ses propres fins, est-ce qu'il pouvait le faire ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Très brièvement, dites-moi ceci : comment a-t-on recueilli les données

  6   ?

  7   R.  Il y avait des personnes qui travaillaient dans des centres sur le plan

  8   local, les réfugiés et les personnes déplacées étaient pris en charge dans

  9   ce centre et il y avait des formulaires qu'on remplissait en mentionnant

 10   les informations nécessaires. Par la suite, ces renseignements étaient

 11   rassemblés dans une base centrale et c'est là qu'ils étaient traités, on

 12   les archivait, on faisait tout ce qui est nécessaire pour ce type de base

 13   de données.

 14   Q.  Fort bien. Vous parliez de centres locaux, il serait sans doute

 15   maintenant utile que vous nous informiez de la façon précise dont ce réseau

 16   fonctionnait, ce réseau qui avait été établi, je parle de ce réseau des

 17   bureaux locaux. Alors, je suppose que le bureau principal est à Zagreb,

 18   mais maintenant, vous parlez de centres locaux. Pourriez-vous nous dire

 19   quelques mots sur la façon dont ce réseau a été installé ?

 20   R.  Dans toutes les municipalités qui ont existé jadis dans l'ex-Etat, il y

 21   avait ce qu'on appelait des centres de travail social; c'est comme ça qu'on

 22   les appelait. Comme nous avions des moyens limités, il nous a semblé qu'il

 23   fallait se concentrer sur des priorités. Les centres du travail social

 24   travaillaient avec des cas sociaux, avec des familles vulnérables, des

 25   personnes dépendantes, et cetera. Nous avons demandé auprès du gouvernement

 26   et c'est ce qui nous a été accordé. Nous avons demandé que ces centres

 27   soient intégrés dans la structure de nos bureaux et qu'ils commencent à

 28   travailler pour nous parce qu'à ce moment-là, la priorité sur le plan

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  1   social en Croatie c'était de prendre en charge plus d'un demi million de

  2   réfugiés et de personnes déplacées. Et à ce moment-là, c'était à peu près

  3   12 % de la population seulement il y avait un tiers du territoire de moins

  4   que normalement, donc, je pense que ceci nous permet de voir à quel point

  5   la situation était dramatique. Par conséquent, les centres locaux sont

  6   devenus des bureaux locaux du bureau du gouvernement qui avaient la charge

  7   des Réfugiés et des Personnes déplacées.

  8   Q.  A l'échelon supérieur, à la base nous avons les centres locaux, qu'est-

  9   ce qu'on a à l'échelon supérieur ?

 10   R.  L'échelon supérieur c'était les centres régionaux. Seulement c'était

 11   d'après le principe fonctionnel qu'ils étaient organisés, en fonction du

 12   nombre de personnes qu'ils avaient à la charge, je veux dire par là qu'il

 13   n'y avait pas une correspondance parfaite avec la répartition territoriale

 14   administrative de l'Etat, les régions ou les régions administratives, les

 15   contés, comme on avait -- on les avait déjà en Croatie à l'époque. Sur le

 16   territoire d'une région administrative, je pouvais avoir deux ou trois

 17   bureaux régionaux, tout simplement, parce qu'il y avait, par exemple,

 18   beaucoup de réfugiés et de personnes déplacées dans cette région en

 19   particulier c'était le cas. A titre d'exemple, à Split, sur le plan

 20   administratif en Croatie, il constitue une région administrative en Croatie

 21   suite avec ses environs, mais nous avions trois ou quatre bureaux régionaux

 22   là-bas.

 23   Q.  Très bien. Pourquoi ? Est-ce que c'était à cause du nombre de réfugiés

 24   et de personnes déplacées et donc du nombre de centres locaux ?

 25   R.  Oui. Nous nous efforcions d'ouvrir un maximum de centres de réception

 26   dans les localités qui ont reçu la première vague de réfugiés et de

 27   personnes déplacées sur le territoire libre.

 28   Q.  Bien. Pourriez-vous en quelques mots nous dire de combien de centre

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  1   d'accueil nous parlons, combien y en avait-il en tout qui étaient

  2   installés, où sont installés des personnes, que ce soit des personnes

  3   déplacées ou des réfugiés, afin que nous ayons si vous voulez un ordre de

  4   grandeur, une idée du nombre de personnes concernées ?

  5   R.  En Croatie, nous avions des endroits officiels pour recevoir ces

  6   personnes-là, il y en avait 597 en tout; donc, c'est ce qui nous permettait

  7   de prendre en charge à peu près la moitié des réfugiés et des personnes

  8   déplacées, et puis pour l'autre moitié, c'était des gens qui s'organisaient

  9   eux-mêmes. Ils se plaçaient chez -- ils s'installaient chez leurs parents,

 10   leurs amis, ou des personnes qui les accueillaient. Mais au fil du temps

 11   ces personnes-là, ces familles-là également se sont adressées à nous en

 12   demandant de l'aide pour couvrir les frais encourus par la prise en charge

 13   de ces personnes-là. En plus de ces 597 endroits, il est arrivé qu'il y ait

 14   des installations créées par des gens eux-mêmes. Si les conditions

 15   permettaient que la vie se poursuive à ces endroits-là, en apportant

 16   quelques améliorations, alors, on le faisait et puis on légalisait un site

 17   de ce type, mais le plus souvent c'était des endroits qu'il a fallu fermer,

 18   parce qu'il n'y avait pas de condition permettant une vie normale. Il

 19   n'avait pas d'infrastructure, pas suffisamment d'installations qui

 20   permettaient une hygiène normale, donc on essayait de fermer ces endroits,

 21   et de déplacer les gens qui étaient pour les places à des endroits plus

 22   appropriés.

 23   Q.  Restons sur ce sujet, pourriez-vous nous donner un exemple afin que

 24   nous comprenions bien de quoi nous parlons, un exemple, vous aviez des

 25   réfugiés ou des personnes déplacées qui s'étaient construits leurs propres

 26   lieux de séjour mais qu'on avait dû évacuer pour diverses raisons,

 27   notamment des raisons d'insalubrité ?

 28   R.  Dans les grandes villes il y a toujours la possibilité de trouver des

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  1   endroits abandonnés, désaffectés, des baraquements qui avaient servi, par

  2   exemple, sur des chantiers de construction et des choses semblables, tout

  3   simplement les gens sont entrés et se sont installés dans ces endroits-là

  4   et ont essayé de s'organiser. Il y avait des endroits où il n'y avait ni

  5   courant, ni l'évacuation des eaux usagés, ni courant. Et nous avons essayé

  6   soit d'améliorer les conditions donc en apportant de l'eau, l'électricité,

  7   canalisation. Bien, si ce n'était pas possible, on prenait en charge ces

  8   personnes à d'autres endroits, il y a toute une série d'exemples qu'on

  9   pourrait citer à l'appui de ce que je viens de dire. C'est pratiquement ce

 10   que je faisais 24 heures sur 24 pendant deux années.

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   R.  D'autres cas qui parfois sont avérés dramatiques, c'est, par exemple,

 13   lorsque la police nous appelait, ou quelqu'un d'autre, disant qu'à la garde

 14   ferroviaire il y avait un ou deux trains remplis de femmes et d'enfants et

 15   qui étaient là à attendre depuis un jour ou deux, et qui ne savaient pas où

 16   se rendre. Nombre de personnes, par exemple, ne souhaitaient pas descendre

 17   de ce train tant qu'on ne leur annonçait pas où ils allaient être placés.

 18   Et la pire des situations c'était lorsque dans un train comme ça il y avait

 19   deux ou trois personnes, par exemple, qui étaient des handicapés et qui ne

 20   pouvaient pas se déplacer tout seul ou qu'ils disaient quand quelques

 21   heures, il leur fallait se rendre à l'hôpital pour une dialyse sinon ils

 22   allaient mourir. Tous les jours on a rencontré des cas comme ça, que ce

 23   soit à Zagreb, ou à Split, ou à Karlovac, Osijek, et à d'autres endroits de

 24   Croatie.

 25   Q.  Nous allons maintenant examiner ces sujets en détail; cependant,

 26   auparavant, il serait sans doute bon de vous poser une question avant

 27   d'examiner davantage le contexte de vos activités puisque nous avons

 28   quelques documents à cet effet. Mais comprenons mieux, lorsque les réfugiés

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  1   et les personnes déplacées ont commencé à arriver, est-ce que vous avez été

  2   prévenu - et on parle de quelle quantité de personnes ? Il serait sans

  3   doute bon que les Juges comprennent qu'il y avait un tiers du territoire

  4   qui était occupé, qu'il menait une guerre ce pays, de quelle quantité

  5   parlons-nous ? Et du temps que vous aviez quand vous avez été prévenu de

  6   l'arrivée de ces personnes déplacées ou réfugiées ?

  7   R.  Nous parlons là des années 1991, 1992 et 1993. Quant aux chiffres des

  8   réfugiés, des personnes déplacées, ce chiffre a évolué pour ce qui est des

  9   personnes prises en charge de manière permanente en Croatie, c'était entre

 10   500 et 700 000 personnes. Autrement dit, nous avons travaillé au moins avec

 11   1 000 000 personnes parce qu'il y a eu des personnes qui ont poursuivi leur

 12   chemin et puis d'autres ont eu la chance de pouvoir retourner dès ce

 13   moment-là, hélas d'autres sont décédées. Mais, de manière permanente ce

 14   chiffre était supérieur à 500 000 pendant toute la période allant de 1991 à

 15   1993.

 16   Zagreb -- ou plutôt, l'aéroport de Zagreb se situe à quelques 25 kilomètres

 17   des premières lignes de front à ce moment-là. Le front n'était pas loin de

 18   Zagreb. Sisak se situe à 60 kilomètres de Zagreb, Karlovac, 40 kilomètres

 19   de Zagreb, et la ligne de front était pratiquement dans la banlieue. La

 20   Croatie est un petit pays.

 21   Q.  Mais, quel genre de préavis aviez-vous ? Est-ce qu'on vous disait --

 22   bon, dans une semaine, vous allez avoir autant de réfugiés, de personnes

 23   déplacées qui vont arriver. Donc, veuillez à ce que vous ayez suffisamment

 24   d'espace, de nourriture, d'eau. Quel genre de préavis aviez-vous ?

 25   R.  Mais on n'était absolument pas informé. Il s'agissait de personnes qui

 26   étaient chassées. Dans des cas individuels peut-être, on a reçu tel ou tel

 27   information, mais le plus souvent, c'est par les médias qu'on voyait qu'il

 28   y avait des personnes qui traversaient des lignes. Mais à partir du moment

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  1   où on apprenait leur existence, ou plus souvent, ils étaient déjà là,

  2   arrivés. Il n'y avait aucun préparatif au préalable, ce n'était pas

  3   possible.

  4   Q.  Et il s'agit de combien de personnes à un moment donné lorsque vous

  5   avez une vague de réfugiés, de personnes déplacées qui arrivent ? Je ne

  6   parle pas du chiffre total.

  7   R.  Des chiffres tout à fait précis existent dans les documents. Je peux

  8   dire qu'à tout moment il y a eu plus de 500 000 personnes. Et

  9   individuellement, il est arrivé, par exemple, que ne serait-ce que, pendant

 10   un week-end, 60 000 personnes arrivent à Zagreb. Et lorsque vous avez 60

 11   000 personnes qui y arrivent, c'est un problème logistique; même si vous

 12   avez un match -- un match de sport et si ce sont des réfugiés, des

 13   personnes déplacées, alors, là, c'est vraiment terrifiant; par deux fois

 14   c'est ce qui s'est produit. Et à plusieurs reprises, nous avons eu des

 15   situations comparables à Split. En tout, en Croatie il y avait deux axes

 16   principaux de migration, au nord et au sud. Ceux qui arrivaient au sud,

 17   qu'il s'agisse de personnes venues de Croatie ou Bosnie-Herzégovine, le

 18   plus souvent, arrivaient tout d'abord à Split. D'autres, ceux qui se

 19   rendaient au nord arrivaient le plus souvent tout d'abord à Zagreb.

 20   Q.  Revenons à notre peut-être de départ afin que nous voyions, nous

 21   puissions situer dans le temps votre engagement. Vous avez parlé du début

 22   de votre engagement en 1991. Avant d'examiner les documents, je vais vous

 23   demander de nous dire au cours de quelle période vous avez travaillé avec

 24   les personnes déplacées, les réfugiées, et quels étaient les postes que

 25   vous occupiez dans ce cadre.

 26   R.  J'ai été secrétaire général de ce bureau à partir de la création du

 27   bureau en novembre 1991 jusqu'en mars ou avril 1993. A ce moment-là, j'ai

 28   été élu député au parlement.

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  1   Q.  Et vous êtes resté député pendant combien de temps ?

  2   R.  C'était jusqu'à la fin de l'année 1995.

  3   Q.  Pendant que vous avez été membre du parlement, est-ce que vous étiez

  4   toujours concerné, engagé dans ces questions qui vous avez occupé

  5   auparavant, à savoir le traitement des personnes déplacées, des réfugiés ?

  6   Si oui, de quelle façon ?

  7   R.  En fait, je voulais rester tout le temps à faire ce travail parce

  8   qu'une fois que vous avez commencé à faire ça pour un [imperceptible], le

  9   parlement c'est qu'un endroit ennuyeux. J'ai continué à travailler en

 10   qualité de personne chargée de l'aide humanitaire. J'organisais des convois

 11   variés en Croatie ainsi qu'en Bosnie-Herzégovine. Et très souvent, je me

 12   suis déplacé en compagnie de ces convois-là vers les deux pays. Je n'étais

 13   pas si intéressé par les débats relatifs à la loi à adopter. Vers la fin de

 14   mon mandat, j'ai décidé de regagner ce bureau-là, j'ai une fois de plus

 15   accepté l'invitation du Dr Granic adressée à moi-même, et je suis revenu à

 16   ce bureau.

 17   Q.  Et nous parlons de quelle période ici ?

 18   R.  Fin 1995 et 1996. Je suis retourné travailler au même bureau chargé des

 19   Personnes déplacées, des Réfugiés.

 20   Q.  Bien. Nous parlons maintenant rapidement de certaines choses car je

 21   veux qu'ils soient consignés au dossier. 1D 02642. Ce sera le premier

 22   document que nous allons examiner. Ça doit être le premier document de la

 23   liasse 2642. Nous voyons qu'il s'agit d'une décision vous nommant

 24   secrétaire général; on voit votre nom, Damir Zoric, le 13 novembre 1992,

 25   bureau des Personnes déplacées, des Réfugiés.

 26   Première question : vous avez dit que vous avez travaillé en 1992.

 27   Or, ici, nous voyons que c'est seulement le 13 novembre 1992 que vous êtes

 28   officiellement désigné à ce poste. Pourriez-vous nous expliquer cet écart

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  1   dans le temps, en quelques mots ?

  2   R.  Ici, il est question de création d'un nouveau gouvernement dont le

  3   président avait souhaité que j'occupe ces fonctions-là une fois. Le

  4   gouvernement précédent, à savoir le gouvernement du Dr Greguric, celui qui

  5   a créé ce bureau, nous parlons de l'année 1992.

  6   Q.  Bien. Passons au document suivant, 1D 02640. 5 mars 1993; nous voyons

  7   encore une fois votre nom, il s'agit d'une décision qui vous relève de vos

  8   fonctions, et ceci, parce que vous êtes devenu député.

  9   L'INTERPRÈTE : On vient d'entendre 1991 et non pas 1992.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas cette décision mais je dirais

 11   oui. J'ai dû être relevé de mes fonctions parce qu'il n'était pas

 12   compatible d'avoir des fonctions exécutives et en même temps travailler

 13   dans l'instance législative.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Zoric, normalement, votre classeur a été préparé avec beaucoup

 16   de soin, inutile d'aller chercher les documents vers la fin du classeur,

 17   ils sont dans l'ordre que je suis.

 18   Maintenant, 1D 02643, une autre décision. Avec nomination de

 19   l'adjoint du directeur du bureau chargé des Personnes déplacées et des

 20   Réfugiés, date, 23 novembre 95, à l'époque est-ce que vous êtes toujours

 21   député; oui ou non ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Bien, question suivante : comment se fait-il que vous soyez député mais

 24   que, dans le même temps, vous soyez nommé adjoint du directeur ? Il me

 25   semble que cela est incompatible. Explication brève, s'il vous plaît, parce

 26   que nous avons beaucoup de travail à faire encore.

 27   R.  Seules les fonctions de président du bureau étaient incompatibles avec

 28   les autres pas celles de son adjoint. C'est la raison pour laquelle j'ai

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  1   été nommé adjoint.

  2   Q.  Bien. En quelques mots pourriez-vous nous dire quelle était la nature

  3   de vos responsabilités et de votre travail quand vous étiez adjoint du

  4   directeur ? En quelques mots.

  5   R.  Je m'apprêtais à remplacer à la tête de ce bureau-là, le

  6   Dr Rebic, qui pour des raisons de santé et autres souhaitait quitter celui-

  7   ci.

  8   Q.  Bien, document suivant, 1D 02639. Nous voyons qu'il s'agit d'une

  9   décision du 22 février 1996. On voit votre nom, et il s'agit de la

 10   nomination du président du vice-président et des membres du conseil chargé

 11   des personnes déplacées, des réfugiés. Vous voyez que vous êtes ici nommé à

 12   un poste. Quelle est la nature exacte de ce document, s'il vous plaît ?

 13   R.  Il s'agit du comité de gestion, du comité d'administration nommé par le

 14   gouvernement, parmi les membres du gouvernement, du parlement, des

 15   organisations humanitaires et des employés du bureau lui-même. Et, ce

 16   comité d'administration était là pour surveiller les activités du bureau.

 17   Les autres membres du comité d'administration étaient des gens venus je

 18   crois pour un ou deux cas du parlement, puis il y avait un ou deux

 19   représentants de Caritas. Moi, j'étais représentant des employés dudit

 20   bureau. Le Dr Kostovic, lui, était le représentant du gouvernement, et

 21   cetera. C'était une instance de surveillance qui était là aussi pour

 22   orienter les activités du bureau.

 23   Q.  Bien, document suivant, 1D 02639, 2639 en date du

 24   22 février -- non, non, excusez-moi, excusez-moi, vous avez tout à fait

 25   raison. 2641, en date du 3 mai 1996. Il s'agit d'une décision au terme de

 26   laquelle vous êtes nommé chef du bureau. On voit MA, ça veut dire que --

 27   représente le fait que vous êtes diplômé, que vous êtes titulaire d'une

 28   maîtrise. Vous n'avez pas encore reçu votre doctorat. Qui remplacez-vous ?

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  1   Quel était le poste que vous occupez au terme de cette décision ?

  2   R.  J'ai remplacé le Dr Rebic. Là, je suis devenu en termes pratiques le

  3   chef du bureau.

  4   Q.  Vous parlez du Dr Rebic, alors, traitons tout de suite de cette

  5   question. Qui est ce M. Rebic ? Parce qu'il a été insinué par un des

  6   témoins en charge qu'il faisait partie plutôt il avait des activités en

  7   rapport avec les allégations de l'Accusation au sujet d'une entreprise

  8   criminelle commune avec la République de Croatie, les événements de Bosnie-

  9   Herzégovine. Qui est donc ce Dr Rebic ?

 10   R.  Le Dr Aldabert Rebic, c'était quelqu'un de très en vue à Zagreb et en

 11   Croatie et c'est en cette qualité-là, on lui avait proposé de prendre la

 12   tête de ce bureau. Il se trouvait être un professeur à l'université, à la

 13   faculté de théologie, il enseignait l'archéologie biblique, l'exégèse, la

 14   langue hébraïque. C'était l'un des meilleurs experts croates en matière

 15   d'étude d'Israël, en matière d'hébreux aussi. C'est quelqu'un qui parle

 16   quatre ou cinq langues à l'échelle mondiale, il parle également l'ancien

 17   hébreu, je pense qu'il parle également la langue arménienne, il parle le

 18   grec, il connaît le latin, il a dû rédiger 20 ou 30 livres sur des sujets

 19   qu'il a étudiés.

 20   Le gouvernement voulait l'avoir à la tête de ce bureau précisément

 21   pour faire en sorte que du fait de ses qualités morales, il apporte des

 22   garanties vis-à-vis de la totalité des donateurs. Nous avons survécu à la

 23   guerre du fait de donation et de donateurs, pour indiquer qu'il n'y aurait

 24   pas d'abus ou qu'il n'y aurait pas utilisation abusive de l'aide

 25   humanitaire. Sa mission consistait à représenter ledit bureau, à intervenir

 26   auprès des organisations internationales, à motiver les gens; et moi,

 27   j'avais pour mission d'organiser les gens. J'avais pour mission de

 28   travailler dans le concret. Mais nous avons tous fait toute sorte de

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  1   travaux et cela est valable pour moi qu'ainsi pour le Dr Rebic. Je crois

  2   que la première voiture de fonction a été attribuée au Dr Rebic seulement

  3   fin 93. C'était un cadeau d'une organisation quelconque originaire de

  4   Munich.

  5   Q.  Je ne veux pas entrer dans les détails, je veux simplement savoir qui

  6   il était. Si j'ai bien compris, c'était le numéro 1 et vous étiez le numéro

  7   2 à ce moment-là ?

  8   R.  Je voulais vous indiquer que c'était quelqu'un de très modeste, c'est

  9   une personnalité modeste, simple. C'était lui le numéro un; j'étais moi le

 10   numéro deux.

 11   Q.  Et comment vous répartissiez-vous le travail ? Vous en avez déjà parlé

 12   brièvement mais pouvez-vous dire exactement quelle était la nature de ses

 13   tâches et ce que vous faisiez, vous ? Et je parle du moment où vous étiez

 14   secrétaire général et lui chef du bureau, en quelques mots et très vite,

 15   s'il vous plaît.

 16   L'INTERPRÈTE : se corrige, il convenait d'entendre la langue araméienne

 17   [phon], et non pas arménienne.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mon obligation consistait à trouver les gens,

 19   trouver les sites, trouver de quoi payer les factures, organiser le

 20   personnel, diriger. Très souvent, le partage du travail ne pouvait pas être 

 21   délimité jusqu'au bout. Parfois je faisais son travail et lui il faisait le

 22   mien.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation]

 24   Q.  Oui, mais quelle est la nature de son travail exactement ?

 25   R.  Il était chef du bureau. C'était l'homme numéro un du bureau. C'est lui

 26   qui communiquait avec le gouvernement, avec les organisations

 27   internationales, et représentait auprès du public ledit bureau.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Je crois que nous allons faire la pause à 9

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  1   heures 30 -- ou plutôt 10 heures 30.

  2   Q.  Avant de passer au cœur du sujet, examinons brièvement un certain

  3   nombre de documents qui présentent quand même un certain intérêt. Premier

  4   1D 02915. Si vous ne l'avez pas, on va vous en donner un exemplaire, il

  5   s'agit d'un certificat pour vous remercier, un certificat en date du 9

  6   janvier 1993. De quoi s'agit-il, pourquoi avez-vous reçu ce certificat,

  7   quelles informations pouvons-nous tirer de ce document ? En quelques mots

  8   seulement.

  9   R.  Pendant tout ce temps-là, nous étions saisis de la part de nouvelles

 10   organisations, d'individus originaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine

 11   qui réclamaient de l'aide. On nous demandait en premier lieu des vivres

 12   pour ce qui est d'autres choses, nous ne pouvions pas l'apporter. C'était

 13   soit des vivres, soit des vêtements, soit de quoi se chauffer. J'ai reçu

 14   plusieurs titres de remerciements de ce type, ça c'est l'un d'entre eux. Il

 15   est évident que les gens demandaient auprès de moi une aide matérielle, je

 16   leur ai fourni cette aide.

 17   Il s'agit du commandement de l'ABiH ici, pour ce qui est de la municipalité

 18   de Maglaj, ça se trouve au nord de Zenica et au sud de Derventa. En

 19   signature, on trouve deux commandants; l'un s'appelle Anto Marincic et

 20   l'autre s'appelle Sulejman Herceg. Il s'agit de façon évidente d'un

 21   commandement conjoint entre les forces armées croates et musulmanes ou

 22   bosniennes qui se battaient sur le territoire de cette municipalité

 23   bosniaque. En d'autres termes, notre aide parvenait en Bosnie très en

 24   profondeur en début de cette année 1993, c'est le tout début janvier 1993,

 25   je précise.

 26   Q.  Bien. Merci. Et si l'on se penche maintenant sur le document original,

 27   on voit -- [imperceptible] le blason de l'armija de la République de

 28   Bosnie-Herzégovine. Dans l'original, dans la version en B/C/S, c'est bien

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  1   le cas, n'est-ce pas ?

  2   R.  J'ai une copie mais je vois l'effigie de l'armée, oui.

  3   Q.  Bien. Très rapidement encore, examinons la pièce 1D 02916, un document

  4   qui porte la date du 9 juin 2005, cela vient de la municipalité de Travnik

  5   du président de la municipalité de Travnik ou de son chef. De quoi s'agit-

  6   il, sur quoi porte ce document ?

  7   R.  Je m'excuse, mais moi je ne le retrouve pas ce document.

  8   Q.  On va vous en fournir un exemplaire tout de suite.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'aide de

 10   Mme l'Huissière ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, je le vois sur l'écran.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation]

 13   Q.  D'accord. Bien.

 14   R.  [aucune interprétation]

 15   Q.  De quoi s'agit-il ? Il est question ici d'un ambassadeur. C'est ce

 16   qu'on voit dans ce document. Peut-être faudrait-il vous munir de vos

 17   lunettes parce que chaque seconde compte ici ?

 18   R.  Oui, en effet. J'ai entre-temps passé deux années à Sarajevo en qualité

 19   d'ambassadeur, et cette charte m'a été attribuée dans la ville de Travnik

 20   en 1995. Après une consécration depuis des années à des affaires privées

 21   sans participer pour en aucune façon aux activités publiques, mais la

 22   municipalité de Travnik m'a attribué cette charte me déclarant citoyen

 23   d'honneur de la municipalité de Travnik. J'ai été agréablement surpris par

 24   cette forme de récompense parce qu'ils avaient affirmé être reconnaissants

 25   de l'aide que je leur ai grandement apportée pendant et après la guerre. Et

 26   que je faisais partie de personnes qui se sont efforcées d'empêcher de

 27   mettre un terme ou de faire mettre un terme aux conflits bosno-croate en

 28   Bosnie centrale. Travnik c'est une municipalité comportant une majorité

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  1   importante de bosniens.

  2   Et pour ce qui est de cette opportunité-ci, j'ai été présent à la session

  3   du parlement municipal où c'est à l'unanimité que les députés ont votée en

  4   faveur, et ça été signé par le maire qui s'appelle Tahir Lendo. Il n'y a

  5   aucune autre particularité propre à cette charte-là mais je me félicite

  6   d'être le citoyen d'honneur, un citoyen d'honneur pour ce qui est d'une

  7   ville telle que Travnik. Ladite charte m'a été attribuée lorsque j'ai cessé

  8   d'être un intervenant politique de quelque nature que ce soit. Bien des

  9   années après avoir cessé d'effectuer des fonctions d'Etat quelles qu'elles

 10   soient. 

 11   Q.  Nous constatons, à la ligne 16, page 27 du compte rendu d'audience, que

 12   l'on lit la date de 1995, mais, en fait, vous parliez de 2005; c'est en

 13   2005 que vous avez reçu ceci, n'est-ce pas ?

 14   R.  C'est 2005.

 15   Q.  Pour le compte rendu d'audience, pouvez-vous nous dire à quel moment

 16   vous avez occupé le poste d'ambassadeur de la Croatie en Bosnie-

 17   Herzégovine; à quel moment, pendant quelle période ?

 18   R.  En 1999 et en 2000 jusqu' la fin de cette année-là, vers -- donc,

 19   c'était jusqu'à novembre 2000.

 20   Q.  -- le signataire de ce document. Pouvez-vous me dire, sur la base de

 21   son nom, s'il s'agit d'un Croate, d'un Musulman de Bosnie ou d'un Serbe ?

 22   Est-ce que vous pouvez le dire ? Juste à partir de son nom. Ou bien, est-ce

 23   que vous le connaissiez personnellement ? Et si c'est le cas, quelle est

 24   son appartenance ethnique ?

 25   R.  C'est quelqu'un que je n'ai connu qu'à ce moment-là, c'est de façon

 26   évidente un Bosnien. Il s'agit ici d'un nom musulman. Je ne sais pas

 27   comment il se déclare lui-même, mais je suppose que c'est un Bosnien

 28   puisque Travnik c'est à grande majorité musulman, c'est une ville de Bosnie

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  1   centrale, c'est le siège du Vezir.

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  [aucune interprétation]

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, le moment serait bien

  5   choisi pour moi.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question de suivie à poser.

  7   Monsieur le Témoin, je regarde ce texte et pouvez-vous m'éclairer sur

  8   le sens qu'il faut donner au deuxième paragraphe de ce document. C'est vrai

  9   que ce document est fait en 2005 et on pourrait penser qu'il vous

 10   récompense pour avoir, en qualité d'ambassadeur en 1999 et 2000, apporté

 11   votre concours à la République de Bosnie-Herzégovine. Mais je vois au

 12   deuxième paragraphe qu'il y a une référence à l'action que vous avez menée

 13   en tant qu'homme de paix, d'humaniste, politicien, homme d'Etat, et cetera,

 14   ainsi que votre gouvernement, mais pendant la guerre et non pas en 2000,

 15   1999 ou 2005. Pouvez-vous me dire qu'est-ce qu'ils ont voulu dire au

 16   deuxième paragraphe ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense, Monsieur le Juge, qu'ils avaient à

 18   l'esprit mes activités au total et mon comportement au sein de la Bosnie-

 19   Herzégovine. Pour ce qui est de savoir quelles sont les expressions

 20   utilisées, je dirais qu'ici c'est un langage propre à l'énoncé des chartes.

 21   A quoi faisait-il référence au juste, je l'ignore. Ce que je sais, c'est

 22   que le conseil municipal était censé voter en faveur de la décision, j'ai

 23   été convié à cette session, ils ont proposé l'adoption de cette décision,

 24   et c'est de façon unanime que le conseil l'ait.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci. Je crois que notre témoin est

 27   extrêmement modeste. Nous allons pouvoir constater au fil de sa déposition

 28   les raisons qui expliquent pourquoi on lui a décerné cet honneur pendant la

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  1   période pertinent. Mais j'aimerais que l'on fasse une pause, si vous le

  2   permettez.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Vingt minutes de pause.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

  5   --- L'audience est reprise à 10 heures 51.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  7   Maître Karnavas, vous avez la parole.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Q.  Bien, nous allons maintenant examiner les documents, Monsieur le

 11   Témoin. Voyons d'abord le document 1D 02623, 2623. Pas besoin de commencer

 12   dès le début, nous allons maintenant voir le document 2623; est-ce que vous

 13   l'avez ? Il s'agit d'un décret, vous voyez sa date, 30 août 1991. Je vous

 14   demanderai un commentaire sur ce document pour commencer; est-ce que vous

 15   le reconnaissez ?

 16   R.  Oui, je reconnais ce document, c'est un décret du gouvernement de la

 17   République de Croatie. Par ce décret, on crée le bureau des Réfugiés de la

 18   République de Croatie. Là, on peut voir ici que la terminologie employée,

 19   donc, encore la terminologie qui reflétait le terme de "réfugié," même si

 20   le bureau est créé à cause et pour les personnes déplacées. Ce sont les

 21   premiers pas, les premières tentatives de créer un organe de Coordination

 22   qui en Croatie prendrait en charge les personnes ayant été chassées de

 23   leurs foyers.

 24   Q.  Bien. Regardez l'article 11, s'il vous plaît : "A cette date on prévoit

 25   quelques règles minimales régissant l'organisation de la vie et du travail

 26   des réfugiés." Vous le voyez, c'est ma question.

 27   Quand on dit "de l'aide pour l'adaptation" - en anglais, "l'adaptation

 28   sociale" - qu'est-ce que ça veut dire exactement ?

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  1   R.  Je pense qu'on souhaite dire ici que les personnes déplacées ou les

  2   réfugiés ne doivent en aucune manière être exclus de la société. Un minimum

  3   doit être accordé et donné par l'Etat ou par le bureau pour pouvoir vivre.

  4   Donc, il s'agit là d'un logement et des vivres, mais en plus, ils doivent

  5   avoir la possibilité de participer à la vie et à la société d'être

  6   scolarisés ou d'exercer tous les droits qu'ils leur reviennent et qui

  7   reviennent à tous les citoyens.

  8   Q.  Bien. A l'article 11, nous constatons également qu'on dit que : "Il

  9   faut assurer la scolarité des enfants." Voici ma question : est-ce que vous

 10   savez si des écoles supplémentaires ont été construites ou si on a établi

 11   des classes supplémentaires ? Est-ce qu'on a recruté des professeurs de

 12   plus pour répondre au besoin de ces personnes déplacées à cette date-là ?

 13   Nous parlons là de l'année 1991.

 14   R.  A ce moment-là, nous ne pouvions pas ouvrir de nouvelles écoles;

 15   cependant, pour l'ensemble des enfants qui devaient être scolarisés nous

 16   avons fait en sorte qu'ils intègrent les écoles régulières déjà existantes

 17   jusqu'au plafond, au maximum matériellement possible dans toutes les

 18   classes. Il y a eu beaucoup d'endroits où le nombre d'élèves a dépassé ce

 19   qu'on appelle le seuil pédagogique. Donc, ce n'était pas 20 élèves par

 20   classe ça pouvait monter jusqu'à 40. Les enseignants, qui pour leur part,

 21   étaient eux aussi des réfugiés ont été invités à intégrer ces écoles.

 22   Q.  Bien. Rapidement, l'article 12 nous montre que ceci a été publié au

 23   journal officiel. Est-ce que nous devons comprendre que ce décret ainsi que

 24   d'autres lois étaient à la disposition de tous, notamment à celle

 25   d'organisation internationale comme le Haut-commissariat réfugié qui

 26   pouvait ainsi voir quelle était la législation en vigueur en ce qui

 27   concerne les personnes déplacées ou réfugiés ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Je pense que vous aviez auparavant parlé d'un certain

  2   M. Greguric, en effet, vous aviez dit lorsque je vous ai montré le premier

  3   document que vous aviez été nommé en 1992, vous aviez dit qu'en fait, vous

  4   aviez commencé à travailler dans ce gouvernement-ci. Nous voyons ici

  5   président -- ou Dr Franjo Greguric; c'est lui que vous parliez, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Oui, à ce moment-là il était chef de gouvernement.

  8   Q.  D'accord. Bien. Document suivant, 1D 0 --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a deux petits points que je voudrais aborder

 10   avec le témoin parce que cet office nous avions eu d'autres témoins qui

 11   sont venus nous parler de cet office et un  certain nombre de questions à

 12   l'époque n'avaient pas trouvé de solution. Comme nous avons le secrétaire

 13   général de cet office autant lui poser quelques questions sur la façon dont

 14   fonctionnait cet office. A l'article 1, Monsieur le Témoin, on voit la

 15   composition des membres de l'office, ministère de l'Intérieur, ministère de

 16   la Défense, et cetera. Et je vois au numéro 8, la Croix-Rouge croate. Vous

 17   pouvez nous expliquer s'ils ont participé à des réunions de travail avec

 18   vous ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il est question ici

 20   d'un bureau qui a été créé en août 1991, et ce bureau a existé pendant à

 21   peu près trois mois. Ce bureau n'a pas pu répondre à tous les besoins, et

 22   c'est à ce moment-là qu'on a créé un nouveau bureau appelé bureau du

 23   gouvernement de la République de Croatie pour les Réfugiés et les Personnes

 24   déplacées. Et c'est dans ce bureau-là que je me suis trouvé occuper le

 25   poste du secrétaire général.

 26   Mais pour répondre à votre question, oui, la Croix-Rouge a été très

 27   active dans le travail portant sur la prise en charge des réfugiés. En

 28   fait, ce sont eux qui ont été les seuls -- la seule structure à peu près

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  1   organisée qui avaient agi également de par le passé. Et qui avait certains

  2   endroits où ils pouvaient recevoir, prendre en charge les réfugiés et les

  3   personnes déplacées des endroits où ils avaient avant organisé des écoles

  4   d'été et d'autres manifestations.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de regarder l'article 3. Dans ce

  6   décret, cet office doit coopérer avec le HCR à Genève. Est-ce qu'à votre

  7   connaissance, il y a eu des liaisons, des entretiens, des réunions de

  8   travail, un suivi permanent de telle façon que le Haut- commissariat aux

  9   réfugiés soit au courant de tout ce qui a pu se passer ultérieurement

 10   concernant l'arrivée des réfugiés en Croatie ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, à ce moment-là, il n'y avait pas de

 12   coopération régulière, et le HCR n'était pas encore arrivé en Croatie. Nous

 13   tentions de procéder à un échange de correspondance avec eux et nous

 14   essayions de les informer de ce qui était en train de se produire en

 15   Croatie. C'est assez intéressant de voir ici que l'on dit : "Où se trouve

 16   le HCR, à savoir qu'il est à Genève," il devrait être sur le terrain. En

 17   fait, là, on se réfère aussi au siège du HCR, parce qu'à l'époque, on

 18   n'avait pas rencontré d'autre HCR.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Et après, quand vous, vous avez pris vos fonctions,

 20   vous avez eu des liens étroits avec eux ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je suis entré en fonction et quelques

 22   mois plus tard, lorsque les représentants sont arrivés en Croatie, j'ai eu

 23   une très bonne coopération avec les représentants du HCR. Pendant que

 24   j'étais en poste à partir de 1991 jusqu'en 1993, le HCR a connu trois hauts

 25   représentants pendant cette période-là et avec les trois, j'ai eu une très

 26   bonne coopération.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas. Oui. Attendez, je crois qu'il

 28   y a une autre --

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  1   M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, excusez-moi.

  2   Monsieur le Témoin, dans la foulée de la question du Président. Vous dites

  3   que vous étiez en coopération avec le HCR de Genève mais aujourd'hui, de

  4   cette séance, vous aviez vu que le mot "réfugié"dans ce document est, en

  5   fait, utilisé par erreur parce que vous vous occupiez de déplacés internes,

  6   dans leur propre pays à savoir la Croatie. Alors, votre coopération avec le

  7   HCR de Genève se situait à quel niveau ? Parce que vous, vous étiez censé

  8   vous occuper des Croates déplacés dans leur propre pays tandis que le HCR

  9   pourrait, lui, à mon sens, devait s'occuper des personnes qui venaient

 10   d'autres pays et qui se retrouvaient en Croatie. C'est vrai qu'aujourd'hui,

 11   la question de déplacer s'oppose dans les activités du HCR. Il y a une

 12   discussion; est-ce que le HCR doit s'occuper des personnes déplacées

 13   internes ou pas ? Mais, à cette époque-là, je pense que la politique du HCR

 14   c'était de s'occuper des réfugiés. Quelle était donc votre coopération ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que je vous ai bien compris, Monsieur

 16   le Juge, mais je dois dire une chose, en plus des réfugiés, donc, citoyens

 17   croates -- ou plutôt, des personnes déplacées qui étaient des citoyens

 18   croates reçus en Croatie. Il y en avait une partie qui était placée dans

 19   des pays tiers, une partie des personnes déplacées -- ou plutôt, de

 20   réfugiés croates ont été reçus en Hongrie, donc, ils sont devenus des

 21   réfugiés; en partie ils ont été reçus en Autriche, en Allemagne et en

 22   nombre moins important en Slovénie. Donc, en partie, il y a eu des citoyens

 23   croates qui bénéficiaient du statut de réfugié, statut sur le plan

 24   international. Et je pense que c'était un cheminement naturel pour les

 25   gouvernements de ces pays-là, c'est ce qui les a incités à nous encourager

 26   à coopérer d'une manière plus active avec le HCR. Et pendant que j'étais en

 27   poste, je sais que le HCR s'est penché sur la question de son mandat, s'est

 28   demandé s'il devait s'intéresser aux personnes déplacées également, et je

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  1   pense que c'est au vu de la crise humanitaire en ex-Yougoslavie que sur le

  2   plan international on a pris la décision que le mandat du HCR soit conçu de

  3   telle sorte que ces questions-là également soient englobées.

  4   Pendant toute la durée de mes fonctions, j'ai eu une bonne coopération avec

  5   le HCR. Notre travail, dans le cadre de notre travail on ne s'est pas

  6   tellement penché sur des questions formelles. On a pu chercher à répondre à

  7   une crise humanitaire qui était une situation d'urgence. Il nous a fallu

  8   éviter la catastrophe d'une manière ou d'une autre. Car il faut savoir que

  9   les chiffres des personnes exilées quelle que ce soit leur origine, leur

 10   provenance, que ces chiffres augmentaient de manière rapide.

 11   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question pour terminer. Cette notion de réfugié

 13   et de déplacé, Monsieur le Témoin, si je prends l'exemple d'une personne X

 14   qui est déplacée et qui arrive à Zagreb, par exemple, et qui va être prise

 15   en charge par l'office qui s'occupe de sa situation; cette personne peut

 16   rester quelque temps en Croatie et puis après partir dans un pays tiers,

 17   par exemple, en Norvège, et en Norvège, elle va avoir le statut de réfugié.

 18   Alors, ces situations, est-ce que vous les appréhendiez de manière très

 19   précise ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous avons connu ces types de situations,

 21   seulement encore une fois au départ pour l'ensemble des personnes chassées,

 22   exilées, pour toutes ces personnes nous avions le terme, nous employons le

 23   terme "réfugié," en anglais, "refugees." Mais dans la langue croate et dans

 24   d'autres langues slaves, ce terme signifiait qu'il s'agit d'un individu qui

 25   pour une raison quelle qu'elle soit s'enfuie, s'exile parce qu'il y a un

 26   danger qui le menace -- qui menace sa vie. Ce n'est que plus tard que le

 27   HCR nous a mis en garde, nous a signalé que la terminologie employée sur le

 28   plan international, que dans cette terminologie-là, le terme de "réfugié"

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  1   ou de "personne déplacée" ne signifie pas la même chose. Je pense que le

  2   terme croate qu'on n'emploie pour personne déplacée serait mieux traduit

  3   par "expulsé" mais lorsque le nouveau bureau a commencé à travailler,

  4   lorsque un nouveau décret a été pris portant sur le statut, nous avons

  5   essayé de respecter la terminologie utilisée sur le plan international.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous vous êtes livré à de la sémantique notamment

  7   avec le terme anglais "expellee" qui figure à la ligne 24 de la page 35.

  8   C'est intéressant ce que vous nous dites mais n'y a-t-il pas des situations

  9   où les personnes sont déplacées ou réfugiées sans avoir été expulsées parce

 10   que c'est de leur propre volonté qu'elles se sont retrouvées dans ces

 11   situations.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu ce cas de figure. Ces

 13   personnes-là, des gens qui sont arrivés parce qu'ils avaient peur et

 14   redoutaient pour leur vie, et la peur est une catégorie très suggestive.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous avez rencontré ce type de situation ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation]

 18   Q.  Fort bien. Et bien, restons sur ce sujet le temps de quelques

 19   questions. Je sais que le HCR vous a fait remarquer qu'il y avait une

 20   différence sur le plan juridique entre quelqu'un qui est déplacé et

 21   quelqu'un qui est un réfugié. Mais dans les faits pratiquement pour ce qui

 22   est du traitement qu'on réserve à l'une ou l'autre des catégories, est-ce

 23   qu'il y avait des différences ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Nous allons bientôt examiner davantage de documents mais pour ce qui

 26   est du placement des personnes, est-ce qu'on a fait des différences suivant

 27   la catégorie pour dire que des déplacés devaient aller dans tel ou tel

 28   centres alors que les réfugiés dans d'autres ?

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  1   R.  Non, il n'y avait pas cette différence d'attitude. Nous étions heureux

  2   de pouvoir les placer quelque part. Mais pendant la première année, la

  3   Croatie avait pour l'essentiel des gens qu'on pourrait qualifier de

  4   personnes déplacées et c'est uniquement au début de la guerre en Bosnie-

  5   Herzégovine, qu'on commence à voir arriver de manière plus significative de

  6   groupes importants de réfugiés, réfugiés qui arrivent en Croatie.

  7   Et comment avons-nous réagi ? Nous avons d'abord rempli toutes les

  8   installations que nous avions, tous les centres que nous avions.

  9   Et puis à partir du moment où ils étaient remplis, pleins, il nous a fallu

 10   chercher où construire de nouveaux centres. Autrement dit, c'est à peu près

 11   en 1992 -- au milieu de l'année 1992 et 1993, que nous avions beaucoup de

 12   centres où ne sont placés que des réfugiés car ils sont arrivés plus tard

 13   et dans les centres qui avaient existé au préalable, on avait placé des

 14   personnes déplacées qui étaient arrivées avant. Et parmi les problèmes que

 15   nous avons rencontré, il y avait celui-ci : nombre de centres sociaux,

 16   qu'on appelait ainsi, avait un caractère saisonnier et il n'y avait pas

 17   suffisamment de possibilité de prendre en charge là-bas des personnes en

 18   hiver. Des installations touristiques sur la côte, on les a également

 19   utilisés, mais pour l'essentiel, il n'y a pas de chauffage dans ces

 20   bâtiments, chauffage nécessaire pour l'hiver. Donc, il s'agit des bâtiments

 21   qui sont prévus pour des séjours estivants. Donc, compte tenu de cette

 22   situation, il faut bien s'emparer de toutes les possibilités, profiter de

 23   toutes les situations où on peut placer les gens, les prendre en charge

 24   dans des bâtiments où ils peuvent survivre et où ils peuvent traverser

 25   l'hiver. Ça ne nous serait jamais venu à l'idée que tout ceci allait durer

 26   si longtemps puisque nous étions convaincu qu'en quelques mois, au maximum

 27   un mois, on aura la possibilité de renvoyer ces gens chez eux.

 28   Q.  Tant que nous sommes en train d'examiner ce sujet, je vous pose

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  1   rapidement cette question, mais là je mets une carte du plan que j'avais

  2   pour mes questions. Est-ce qu'il y a eu des possibilités qui se sont

  3   concrétisées où vous avez des réfugiés ou des personnes déplacées, qui

  4   disons avaient été inscrites dans un centre et puis avaient pris eux-mêmes

  5   des dispositions, avaient demandé à des autorités d'être installés dans

  6   d'autres centres. Est-ce que ce genre de cas se présentait ? Et s'ils se

  7   sont présentés ces cas, pourquoi se sont-ils présentés ?

  8   R.  Nous avons connu ce type de cas. Tout d'abord, à cause de ces

  9   programmes qu'on a appelé programme de regroupement familial. Il est arrivé

 10   que les services de Recherche arrivent à identifier l'endroit où se

 11   trouvent des membres d'une famille -- ou plutôt que ce soit dans différents

 12   centres, dans différentes villes. Et à ce moment-là, on essayait de

 13   procéder au regroupement de ces gens, à un seul endroit. Donc, à leur place

 14   libérée venaient d'autres personnes. Et il y a toujours eu des légers

 15   déplacements, des fluctuations.

 16   En partie, il y a eu des centres qui n'ont pas pu durer plus de

 17   quelques mois parce qu'il n'y avait pas là minimum d'infrastructure, de

 18   condition. Pour une partie de ces installations, on recevait l'aide ou

 19   c'est le gouvernement qui prenait à sa charge les frais d'adaptation. Nous

 20   avons également construit trois ou quatre grandes cités pour y prendre en

 21   charge, placer ces gens-là. Et nous les avons -- nous avons prévu les

 22   emplacements de telle sorte que, par exemple, les gens qui se sont trouvés

 23   loin de la leur région d'origine se rapprochent de leur maison. C'est un

 24   programme qui était baptisé plus près de chez soi parce que nous avons

 25   estimé que c'était mieux que ces gens s'installent dans leur région.

 26   Q.  Pourquoi ?

 27   R.  Notre souhait était que rentrer chez eux, c'était ça la raison puisque

 28   la vie était plus supportable, plus facile pour eux dans un environnement

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  1   qui leur était familier. Et la raison pour laquelle par exemple, à titre

  2   d'exemple, donc, nous avons essayé pour les personnes déplacées de Vukovar

  3   qui étaient pris en charge sur la côte, que pour tous ceux qui le

  4   souhaitaient qu'on les replace dans des centres en Slavonie, donc, qui se

  5   rapprochent de leur ville. Et nous avons construit ces cités en bénéficiant

  6   l'aide du gouvernement allemand. C'est lui qui a envoyé une agence

  7   spécialisée et qui construit ces cités. De même, nous avons reçu l'aide, en

  8   plus du gouvernement allemand, donc, une aide plus conséquente de la part

  9   du gouvernement turc par exemple. Et toutes ces cités, nous avons essayé de

 10   les équiper pour l'hiver, et sur le plan logistique, ce n'était pas facile.

 11   Est-ce que je peux ajouter ?

 12   Les réfugiés et les personnes déplacées arrivaient beaucoup plus en été

 13   qu'en hiver parce qu'au printemps et en été, de règle générale, il y avait

 14   des opérations de guerre, et donc, il y avait un grand nombre de civils à

 15   ce moment-là qui se rendaient sur les territoires libres, mais le malheur

 16   c'est qu'il leur fallait rester pendant l'hiver et les centres où ils

 17   pouvaient bien passer l'été, ils pouvaient beaucoup plus difficilement

 18   passer l'hiver. Quant aux bâtiments qui ne pouvaient pas être utilisés en

 19   hiver, il nous fallait les vider, et il nous fallait replacer les gens

 20   ailleurs.

 21   Q.  Fort bien. Nous allons agir vite. Vous avez parlé d'un recensement

 22   effectué, qu'on a essayé de savoir où étaient les réfugiés, les personnes

 23   déplacées. Est-ce que ce processus, à votre connaissance, a été utilisé de

 24   façon à ce que des membres de famille puissent savoir où se trouvaient les

 25   membres de leur famille ?

 26   R.  Oui. Très souvent c'est ce qui a permis aux familles de se retrouver,

 27   ce sont ces bases. Car nous essayons de savoir, par exemple, quel était le

 28   dernier lieu de séjour pour les personnes ayant quitté la Croatie,

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  1   l'endroit où elles se sont rendues, et donc, la recherche pouvaient se

  2   poursuivre dans des pays tiers. Et souvent, ces recherches ont abouti, et

  3   précisément grave à ces données, à ces renseignements.

  4   Q.  Bien. Revenons à ce décret qui portait la cote 2623, 1D 02623. On

  5   évoque plusieurs ministères à l'article premier. Puis on vous a parlé de la

  6   Croix-Rouge croate. Je vais revenir à cette question. Mais auparavant, je

  7   vous demande pourquoi il était nécessaire d'avoir la participation de tous

  8   ces ministères pour prêter assistance aux personnalités qui devaient

  9   constituer les membres de ce bureau ou office ?

 10   R.  Oui, sauf que notre bureau n'avait pas une infrastructure très

 11   importante, et très souvent, des représentants officiels, des employés, des

 12   organes de l'Etat auxquels on s'adressait pour recevoir de l'aide,

 13   invoquaient les limites de leur propre mandat, donc, ces décrets concernent

 14   différents organes et différentes administrations de l'Etat et leur

 15   imposent l'obligation d'aide le bureau dans le cadre de l'autre mandat,

 16   donc, d'aider le bureau qui est une agence spécialisée chargée de prendre

 17   en charge les réfugiés et les personnes déplacées. Quant à nous, nous ne

 18   pouvions pas -- enfin, nous pouvions ne pas aussi bien organiser, par

 19   exemple, la scolarité, mais ce décret nous a permis de nous adresser au

 20   ministère de l'Education. De même, la protection médicale, nous nous

 21   adressions au ministère de la Santé. S'il n'y avait pas eu ce décret,

 22   n'importe quel directeur d'école en Croatie était libre de dire de me dire

 23   à moi ou à l'un quelconque de mes collaborateurs qu'il n'est pas tenu

 24   d'inscrire ces enfants à l'école puisqu'il ne savait pas qui allait couvrir

 25   les frais de leur scolarité. Grâce à ce décret, il était obligé de les

 26   recevoir et puis en passant par le ministère, c'est l'Etat qui prenait à sa

 27   charge les frais. Mais c'était ça l'idée, je pense, de la coordination à

 28   l'article premier. Et c'est certain que la pratique a été exactement

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  1   conforme à cela.

  2   Q.  Fort bien. Revenons à la Croix-Rouge croate, parce qu'on a tous un peu

  3   une image de ce que fait la Croix-Rouge en général. La Croix-Rouge croate,

  4   comment fonctionnait-elle ? Quelles étaient ses tâches et ses fonctions,

  5   disons, avant le conflit -- avant la

  6   guerre ?

  7   R.  Si je comparais la situation dont j'avais été témoin pendant

  8   l'existence de l'ancien Etat, donc, du fonctionnement de la Croix-Rouge, et

  9   si je compare donc cela à la manière dont travaille la Croix-Rouge

 10   internationale, il n'y avait que le nom qui leur était commun. La Croix-

 11   Rouge c'était une organisation basée sur le volontariat, qui avait à sa

 12   tête plusieurs professionnels, je pense, et qui procédait à des dons de

 13   sang -- la possession de banque de sang, et puis ils collectaient de l'aide

 14   pour des familles qui étaient des cas sociaux. Mais la Croix-Rouge croate a

 15   été très rapidement reconnue par l'organisation internationale et une bonne

 16   coopération a été établie, et en peu de temps, cette petite organisation a

 17   évolué pour devenir un groupe bien organisé, qui a bien coopéré sur le plan

 18   international. Et ce sont eux précisément qui ont mis sur pied ce service

 19   de recherche qui nous a été précieux. C'est la raison pour laquelle la

 20   coopération avec eux nous a été précieuse.

 21   Et puis Caritas aussi, Caritas était à l'époque une organisation tout à

 22   fait digne de foi qui était capable de mobiliser un grand nombre --

 23   Q.  Nous allons parler de cela dans un instant. Mais agissons avec méthode

 24   pour canaliser un peu notre entretien pour le diriger un peu mieux.

 25   Prenons maintenant le document suivant 1D 2637.

 26   Je vais vous demander de nous donner des réponses précises et

 27   concises afin que nous puissions progresser un peu plus rapidement. Nous le

 28   voyons, c'est un document qui porte la date du 22 novembre 1991, c'est un

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  1   autre décret qui porte sur l'office ou bureau des personnes déplacées et

  2   réfugiés. Vous le voyez ? Je vois que vous faites un signe de tête, ça veut

  3   dire oui ?

  4   R.  Oui, je le vois.

  5   Q.  Parfait. Et si nous prenons la dernière page, nous voyons à l'article

  6   12 que ceci aussi a été publié au journal officiel ?

  7   R.  [aucune interprétation] 

  8   Q.  Pourquoi était-il nécessaire d'adopter ce décret à votre connaissance ?

  9   R.  Ce décret d'une certaine manière suppléait aux carences du décret

 10   précédent. On créait un nouveau bureau et vous pouvez voir dans l'article 2

 11   pour ce qui est du cercle d'organisations avec qui il est prévu de

 12   coopérer, qu'il y a élargissement du nombre de ces organisations. Il y a en

 13   plus de la Croix-Rouge du Caritas, il y a le Merhamet, ce qui signifie

 14   qu'il y a un problème humanitaire important pour ce qui est des réfugiés

 15   originaires de la Bosnie, et ce décret a force de loi. Chaque décret de ce

 16   type se doit d'être publié au journal officiel.

 17   Q.  Article 4, examinons-le rapidement. Dites-nous : est-ce que vous

 18   pourriez nous l'interpréter parce qu'on dit : "Le suivi ou la surveillance

 19   du travail effectué par ce bureau sera effectué par le comité, le pilotage

 20   de ce bureau. Le président et ses membres ou les membres de ce conseil

 21   seront nommés et relevés de leurs fonctions par le gouvernement de la

 22   République de Croatie."

 23   Alors, sur quoi est-ce que ceci porte ? C'est à propos de quoi tout ceci ?

 24   R.  Il s'agit du fait que ce bureau est confié pour gestion au président et

 25   au secrétaire principal, et au-dessus d'eux, il y a une instance de

 26   surveillance nommée par le gouvernement également et qui est censé diriger

 27   -- ou plutôt, tracer les lignes directrices de ces activités, c'était entre

 28   les mains d'un conseil d'administration qui était également nommé par le

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  1   gouvernement.

  2   Q.  Bien. Et si on regarde l'article 5, sans se lancer dans de trop longs

  3   commentaires, il semble qu'il s'agit d'un certain nombre d'organisations :

  4   la Croix-Rouge internationale, Caritas, et vous êtes censé coopérer avec

  5   toutes ces institutions; est-ce bien exact ?

  6   R.  C'est exact. Les organisations internationales à l'époque voulaient

  7   savoir quelles instances au niveau du gouvernement étaient celles qui

  8   seraient leur interlocuteur, avec qui ils coopéreraient. C'est précisé dans

  9   cet article pour qu'on sache qui est le partenaire précis des organisations

 10   internationales au sein de la Croatie.

 11   Q.  Bien.

 12   Nous allons passer au document suivant 1D 00902, 1D 00902, qui porte la

 13   date du 5 mai 1992, un certificat signé par Mate Granic.

 14   Vous nous avez dit qui il était et ce certificat est adressé au Dr Slobodan

 15   Lang. Premièrement, qui est Slobodan Lang ? Le connaissez-vous ?

 16   R.  Je connais le Dr Lang. C'est un militant de longue date pour les droits

 17   de l'homme et un intervenant en matière humanitaire. Je l'ai connu du temps

 18   où j'étais étudiant déjà. Je crois que c'est à Kosovska Mitrovica qu'il

 19   était descendu dans un puits en guise de témoignage de solidarité vis-à-vis

 20   des miniers qui -- des mineurs qui travaillaient de cette mine et c'était

 21   dans une situation où les droits de l'homme étaient menacées, et où il a

 22   été question aussi de besoin humanitaire. Il était professeur à la faculté

 23   de médecine, du moins ce qu'il a été à l'époque, et c'est de cette même

 24   faculté que venait le Dr Granic.

 25   Il est évident que le Dr Lang devait bénéficier -- disposer d'un

 26   laissez-passer qui constituerait une pièce d'identité pour lui permettre un

 27   déplacement vers le sud du pays aux fins de lui permettre de constater la

 28   situation du point de vue humanitaire. Et en sa qualité de professionnel en

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  1   la matière - parce que je pense savoir que c'était un professeur en

  2   médecine sociale - il était donc habilité à apporter ce type de jugement.

  3   Et au retour de ce type de déplacement, il présentait des rapports.

  4   Q.  Je vais vous interrompre; est-ce qu'à ce moment-là, il était associé à

  5   un ministère quel qu'il soit ?

  6   R.  Non, pour autant que je le sache, non. Mais à l'époque, bon nombre de

  7   gens souhaitaient aider et il est l'un de ceux-là justement.

  8   Q.  Et on parle ici de la région de Croatie du sud, de quelle région

  9   s'agit-il ?

 10   R.  Il s'agit de région le long de littoral adriatique, donc la Dalmatie.

 11   C'est de façon phénique que l'on les appelle la région du sud de la

 12   Croatie.

 13   Q.  Une dernière question, et essayez d'être très bref. Pourquoi le Dr Lang

 14   a-t-il besoin d'un certificat comme celui-ci ? Pourquoi ne peut-il tout

 15   simplement pas aller en Croatie du sud et se livrer aux activités qui lui

 16   convenaient sur le point humanitaire ?

 17   R.  Pour aboutir au littoral adriatique depuis Zagreb à l'époque, je pense

 18   qu'il devait forcément s'arrêter à au moins 20 endroits différents postes

 19   de contrôle. Où il s'agissait de montrer patte blanche et dire où on va,

 20   pourquoi on y va, parce que je doute autrement qu'il ait pu avoir libre

 21   passage.

 22   Q.  Bien. Document suivant, 1D 02587, 13 mai 1992. Cellule de Crise des

 23   Musulmans de Croatie afin de fournir une aide humanitaire et autre à la

 24   République de Bosnie-Herzégovine, signé par le ministre des Finances, Jozo

 25   Martinovic, et il est question de 30 millions de dollars américains, ça ne

 26   représente pas tout à fait la même valeur que cela a aujourd'hui, bien

 27   entendu. Première chose, pouvez-vous nous dire ce qu'est cette cellule de

 28   Crise pour les Musulmans de Croatie ?

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  1   R.  Il me semble qu'il s'agit d'un groupe de particuliers, de notables de

  2   Zagreb essentiellement, qui ce sont réunis pour constituer une espèce

  3   d'association, qui, selon la terminologie officielle de l'époque,

  4   s'appelait cellule de Crise. Et ils se sont efforcés de réunir le plus

  5   possible de ressources à l'intention de la Bosnie-Herzégovine.

  6   Q.  Bien. Est-ce qu'il faut comprendre que cette somme de

  7   30 millions de dollars américains, elle provient du budget de la Croatie ?

  8   R.  D'après la forme de ce document, il s'agit ici d'une garantie bancaire.

  9   Toute personne travaillant avec de l'argent se féliciterait d'avoir ce type

 10   de papier, indépendamment du taux de change du dollar, seul la garantissait

 11   par le ministère des Finances le paiement de ce montant-là pour à

 12   concurrence de factures qui seraient établies à l'intention de cette

 13   instance. Alors, cet organe -- ou cette espèce de cellule de Crise, qui

 14   rassemblait les Musulmans de Croatie, pouvait, s'agissant des besoins de la

 15   Bosnie-Herzégovine, dépensaient 30 millions de dollars et le ministre des

 16   Finances se portait garant du paiement, donc, c'est une garantie bancaire

 17   classique ici; pour ce qui est de la Croatie à l'époque, je suis bien

 18   d'accord pour dire que c'était un montant énorme, et je pense que même de

 19   nos jours, il serait considéré comme étant énorme.

 20   Q.  Je veux être sûr de bien comprendre je ne suis pas banquier, je n'ai

 21   jamais travaillé dans une banque, mais il me semble qu'avec cette garantie,

 22   cette organisation pouvait se rendre dans des entrepôts, des magasins, et

 23   cetera, et puis choisir des denrées alimentaires, des médicaments, toutes

 24   sortes de fourniture, sur la base de leur estimation des besoins, et ceci,

 25   à hauteur de

 26   30 millions de dollars; est-ce bien cela qu'il faut comprendre ?

 27   R.  C'est ainsi que je le comprends. C'est bien de cela qu'il s'agit.

 28   Q.  Et rien n'indique ici où seraient envoyées ces marchandises une fois

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  1   qu'elles arriveraient en Bosnie-Herzégovine. Il n'y avait aucune condition,

  2   par exemple, indiquant que les biens devaient être envoyés vers telle ou

  3   telle municipalité ? Il n'existait aucune condition de ce type.

  4   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Rien

  5   n'indique que le témoin ait des informations sur ce point. A moins qu'il ne

  6   le sache personnellement. Nous n'avons aucune idée des dispositions qui ont

  7   été prises par le gouvernement de Croatie en collaboration avec ce groupe

  8   de Musulmans de Croatie. Nous ne savons pas s'il y a eu remboursement, et

  9   cetera. Nous ne savons rien au sujet de cette transaction, et le témoin n'a

 10   pas fait savoir qu'il y ait des connaissances particulières à ce sujet.

 11   Tout ce que nous avons sous les yeux c'est une lettre qui est assez brève

 12   et un petit peu énigmatique.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Pas du tout, ce n'est pas du tout

 14   "énigmatique," c'est tout à fait clair, et je suis d'accord cependant le

 15   témoin ne sait pas vers quelle municipalité de la Bosnie-Herzégovine ces

 16   biens vont être envoyés. Mais on peut passer à autre chose. Je pense que

 17   les Juges peuvent se faire une idée eux-mêmes de la valeur de ce document.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, moi, j'ai une

 19   question.

 20   Savez-vous dans quelle mesure il y a été fait usage de cette garantie, au

 21   bout du compte, qu'est-ce qu'il en est advenu ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, ça me ferait plaisir de

 23   répondre. J'ai certaines connaissances sur le sujet parce qu'en ma qualité

 24   de haut représentant -- ou haut fonctionnaire du gouvernement à l'époque,

 25   j'ai participé à toutes les sessions du gouvernement. Cette instance --

 26   cette cellule de Crise des Musulmans, coopérait étroitement avec le

 27   gouvernement de Sarajevo, et l'assistance organisée par leur soin était

 28   dirigée vers Sarajevo. Et que faisait Sarajevo avec ça, je ne le sais

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  1   vraiment pas.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse semble compliquer les choses. Cette

  3   lettre de garantie du ministre des Finances peut avoir plusieurs

  4   interprétations. Ça peut garantir des dépenses effectuées par cette cellule

  5   de Crise des Musulmans en Croatie pour l'achat de biens ou de nourriture

  6   pour les personnes réfugiées ou déplacées. Donc, on peut penser que le

  7   ministre des Finances informe cette cellule de Crise qu'ils ont en quelque

  8   sorte une garantie de

  9   30 millions de dollars, mais votre dernière réponse nous semble ouvrir une

 10   voie également. Est-ce que ça serait cette lettre de garantie qui, à ce

 11   moment-là, permettrait au gouvernement de Sarajevo d'engager également des

 12   dépenses qui seraient couvertes à un montant de 30 millions de dollars.

 13   Comment font-ils comprendre cette lettre de garantie, d'après vous ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est une garantie de paiement, Monsieur le

 15   Juge, qui garantit -- enfin, qui garantit de la part du ministère des

 16   Finances à l'intention d'un établissement, pour dire qu'à sa place, le

 17   ministère paierait des dépenses à concurrence du montant. Ça n'a rien à

 18   voir avec l'installation des réfugiés. Mais ça à voir avec l'aide

 19   recueillie au sein de la Croatie ou collectée en Croatie et qui est passée

 20   entre autres par la cellule de Crise de ces Musulmans de Croatie pour être

 21   envoyée vers la Bosnie-Herzégovine. Et à l'époque, bien des gens

 22   s'efforçaient de s'organiser, et c'est ainsi que s'est créée cette cellule

 23   de Crise des Musulmans. Ils avaient une coopération étroite avec Sarajevo.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une question supplémentaire,

 25   Monsieur le Témoin. Cette garantie, c'est une espèce de caution qui ensuite

 26   doit être remboursée quand la situation se régularise. Est-ce que vous

 27   savez si cet argent a été remboursé au gouvernement de Croatie à un moment

 28   ou à un autre ou une partie de cet argent ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que j'en sais, le gouvernement

  2   croate n'a jamais demandé à ce que cet argent soit restitué. Il s'agit

  3   d'une donation.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : -- mécanismes financiers, mais qui peuvent nous

  6   intéresser vu les connaissances de quelques uns. Pourquoi cette lettre

  7   porte le titre : "Garantie" ? Pourquoi il n'y aurait pas le titre : "Lettre

  8   de crédit" ? Est-ce que -- parce que vous avez dit quelque chose qui dit

  9   que c'est le ministère des Finances qui paierait. Donc, est-ce à dire --

 10   prenons l'exemple que cette cellule de Crise achète du riz pour des

 11   personnes, la facture à ce moment-là, est-elle adressée au ministère des

 12   Finances qui va payer la société qui vend le riz, ou bien, c'est la cellule

 13   de Crise qui paye en premier et qui se fait rembourser par le ministère des

 14   Finances ? C'est pour moi un peu confus.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Le ministre des Finances, qui a signé cette

 16   garantie, est venu occuper les fonctions de ministre des Finances en

 17   provenance de l'une des plus grandes banques de Croatie. D'après ce que

 18   j'ai pu voir comme garantie, ceci constitue une forme classique de garantie

 19   irrévocable, dirais-je, disant que les montants ou le montant de 30

 20   millions serait payé à l'égard de factures ou de dépenses qui seraient

 21   créées par les titulaires de cette garantie, les bénéficiaires de cette

 22   garantie qui est cette cellule de Crise des Musulmans en Croatie. Donc,

 23   pour les besoins qui, d'après eux, devaient être réalisés, ils pouvaient en

 24   Croatie recevoir des produits et autres biens à concurrence de 30 millions

 25   de dollars. Les frais relatifs sont pris en charge par le ministère des

 26   Finances.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Avant de laisser Me Karnavas poursuivre, je

 28   voudrais, pour le compte rendu d'audience, répéter ce que j'ai déjà dit,

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  1   mais qui apparaît clairement suite aux questions posées par M. le Juge

  2   Trechsel et par vous-même, Monsieur le Président. Nous constatons que le

  3   témoin n'a aucune connaissance de ces transactions -- des dispositions qui

  4   ont été prises. Et j'ai l'impression qu'il essaie d'apporter son concours

  5   aux Juges de la Chambre, mais tout ce qu'il nous dit ça relève de

  6   connaissances générales et pas particulières au sujet de ces transactions.

  7   Par exemple, il nous dit : "A ma connaissance, ça n'a pas été remboursé."

  8   Mais n'importe qui pourrait dire la même chose, à ma connaissance ou selon

  9   ce que j'en sais, et cetera. Enfin, finalement le fond de l'histoire c'est

 10   que ce témoin n'en sait rien, il n'a aucune connaissance à ce sujet.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, Maître Karnavas.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.

 14   Q.  Avançons un petit peu, accélérons un peu le mouvement. J'aimerais qu'on

 15   examine le document 1D 2609, 1D 2609. Un document qui se distingue un peu

 16   de ce que nous avons vu jusqu'à présent.

 17   Il est question là également de la somme de 30 millions de dollars

 18   américains. Premièrement, veuillez vous reporter à la deuxième page, la

 19   date 3 février 1993, de signataire. D'abord,

 20   M. Jacques Mouchet; le connaissiez-vous ce monsieur ?

 21   Est-ce que vous avez trouvé le document, Monsieur ? 2609.

 22   Bien, deuxième page du document. Est-ce que vous voyez l'endroit où on voit

 23   le nom de M. Jacques Mouchet ? Est-ce que vous le connaissez ? Et si c'est

 24   le cas, qui était-il ?

 25   R.  Oui, Jacques Mouchet c'était un représentant du HCR -- plutôt de la

 26   mission du HCR en Croatie.

 27   Q.  Ensuite, on voit une autre signature, celle du Dr Adalbert Rebic; est-

 28   ce que c'est sa signature ? Ce que vous en savez.

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  1   R.  D'après ce que je puis voir, oui, c'est sa signature.

  2   Q.  Nous avons entendu un témoin à charge, qui était rattaché à l'ambassade

  3   de Bosnie-Herzégovine, nous dire que le bureau -- l'ODPR, le bureau pour

  4   les Personnes réfugiées et déplacées, avait une politique discriminatoire

  5   envers les Musulmans, ne leur permettait pas d'aller à l'école pour les

  6   enfants. On les installait dans des endroits qui n'étaient pas propres au

  7   logement, on les isolaient, et cetera, et cetera. D'après ce document, est-

  8   ce qu'il ne semble pas que le Haut-commissaire des Nations Unies chargé des

  9   Réfugiés donne à l'ODPR 30 millions de dollars aux fins que cet argent soit

 10   distribué et soit utilisé dans le cadre de projets en faveur des femmes,

 11   des enfants, des personnes âgées, pour améliorer les logements, et cetera.

 12   Pouvez-vous nous faire part de vos observations au sujet de ce document vu

 13   la position que vous occupiez au bureau à l'époque ?

 14   R.  Ce document montre que le HCR, suite à la mise en place de sa mission

 15   en Croatie et en coopération avec ce bureau chargé des Réfugiés et des

 16   Personnes déplacées, s'était forcé d'aider les réfugiés en Croatie

 17   indépendamment de leur lieu d'origine, de leurs origines. Ici, on ne dit

 18   pas que ces réfugiés plutôt que d'autres recevraient telles choses, on

 19   parle de tous les réfugiés qui avaient besoin d'aide. Cette mission du HCR

 20   en Croatie avait de façon évidente confiance au bureau, vis-à-vis de ce

 21   bureau parce qu'il savait que cela serait distribué à l'intention de ceux

 22   qui en avaient besoin. Et dans le cadre de leur mandat à eux, ils avaient

 23   le droit de prendre une part active à la distribution de l'aide et à la

 24   surveillance vis-à-vis de distribution de cette aide. Et pour autant que je

 25   le sache, il n'y a pas eu une seule observation pour ce qui est de

 26   l'accomplissement de cette tâche.

 27   Q.  Bien, en quelques mots deuxième paragraphe, l'ODPR doit faire un

 28   rapport financier, un rapport narratif relatif à l'utilisation des

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  1   contributions reçues du Haut-commissaire. Deux questions sur ce point,

  2   premièrement : ces rapports, est-ce qu'ils ont été faits, et deuxièmement,

  3   est-ce qu'à un moment quelconque le HCR des Nations Unies a protesté ou

  4   s'est plaint parce que l'ODPR n'avait pas utilisé correctement les faux ou

  5   en avait fait un usage abusif ?

  6   R.  Non, le HCR ne s'est jamais plaint de cas de ce genre puisqu'il n'y a

  7   pas eu de cas de ce genre du tout.

  8   Q.  Bien, passons au document suivant, 1D 02585. Nous avons entendu un

  9   témoin à décharge en particulier -- ou plutôt à charge, Mme Azra Krajsek,

 10   nous parler de ces questions. Elle a déposé au sujet de la situation à

 11   certains endroits à Gasinci et puis sur une île Obonjan -- l'île d'Obonjan.

 12   Je ne prononce pas bien mais je suis sûr que tout le monde voit exactement

 13   à quoi je fais référence. Ce document du 11 septembre 92, j'ai d'abord une

 14   question à vous poser au sujet de ce document. A ce moment-là, à cette

 15   date-là, est-ce que la Croatie accueille des réfugiés de Bosnie-Herzégovine

 16   ? Est-ce qu'il s'agit de personnes déplacées ou bien est-ce qu'il s'agit

 17   des deux ? Je parle de cette période précise.

 18   R.  Ceci constitue une information officielle, des renseignements

 19   statistiques émanant du bureau à l'intention de tous ceux qui étaient

 20   intéressés par ces renseignements et le faisaient de façon régulière. On

 21   montre ici ou est-ce que l'on a installé en Croatie les personnes déplacées

 22   et les réfugiés parce qu'à ce moment-là, nous avions déjà bon nombre de ces

 23   réfugiés en provenance de --

 24   Ce que je voudrais vous dire seulement parce que j'ai entendu parler

 25   de --

 26   Q.  Je vais vous guider, ça nous permettra peut-être d'aller un peu plus

 27   vite. D'abord, on voit ici le nom d'Adalbert Rebic; est-ce que c'est sa

 28   signature ? Oui, non, je ne sais pas.

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  1   R.  Non.

  2   Q.  Est-ce qu'on voit ici le mot -- c'est-à-dire "pour" au nom, de ?

  3   R.  Oui, pour lui.

  4   Q.  Bien. Examinons maintenant ce document, il y a environ

  5   5 898 personnes qui se trouvent à Korcula. C'est une autre île; est-ce que

  6   j'ai raison ?

  7   R.  Vous avez raison. La Croatie compte plus d'un millier d'îles, Obonjan,

  8   c'est l'une des îles et sur toutes les îles qui sont mentionnées, c'est

  9   l'île qui se trouve être la plus proche du littoral. Il faut dix à 15

 10   minutes à bord d'un ferry.

 11   Q.  Excusez-moi, non, on va procéder par ordre. Je vous parle de Korcula

 12   c'est tout en haut. Vous voyez Dubrovnik, 5 898 ?

 13   R.  Exact.

 14   Q.  Est-ce que Korsula c'est une île et quelle est la situation de cette

 15   île, sur cette île ?

 16   R.  Korcula est une île, il se trouve à bord d'un ferry à trois heures et

 17   demie de Split. C'est sur cette île que dans les installations touristiques

 18   qu'on avait logées les personnes déplacées et les réfugiés, et ils étaient

 19   au moment de la délivrance de ce document un peu moins de 6 000.

 20   Q.  Bon, pour que les choses soient bien claires, il faut prendre un bateau

 21   pour se rendre du continent jusqu'à l'île, n'est-ce pas, on ne peut pas

 22   aller en voiture ? Essayez de répondre à ma question et puis pour qu'on

 23   avance. Je sais que c'est une question un peu sotte mais c'est pour ceux

 24   d'entre nous qui ne sont pas tout à fait au courant.

 25   R.  Oui, pour atteindre les îles, on prend la barque.

 26   Q.  On va passer maintenant à Slavonski Brod sur le document et tout en

 27   bas, dans la rubrique : "Slavonski Brod," on voit Djakovo; est-ce qu'il y

 28   avait une installation dans les environs ou à

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  1   Djakovo ? Je vois un chiffre ici, 1 382, me semble-t-il ?

  2   R.  Oui, lorsqu'on parle de Djakovo, on se réfère à la localité même de

  3   Djakovo. A ce moment-là, il y avait 1 382 personnes qui étaient installées

  4   et en plus dans un village aux alentours de Djakovo, à Gasinci, il y avait

  5   environ 3 000 personnes.

  6   Q.  Fort bien. A ces dates, d'où viennent ces personnes ?

  7   R.  Pour la première partie, je pense que ce sont des gens arrivés de

  8   Slavonie orientale, dès 1991 et ce sont eux qui occupent toutes les

  9   capacités d'accueil à Djakovo. Et puis ces 3 000, ce sont des réfugiés

 10   croates et de Bosnie-Herzégovine pour l'essentiel de la Posavina lorsqu'il

 11   s'est y produit ce qui s'y est produit, et on les appelait [imperceptible]

 12   car c'était un endroit approprié, on nous l'a mis à notre disposition. Il y

 13   avait un campement sur place que nous avons adapté grâce à l'aide des

 14   gouvernements étrangers que j'ai déjà mentionnés. On a emménagé l'endroit

 15   pour pouvoir y loger temporairement des personnes. Il y avait un

 16   dispensaire, une grande cuisine, toutes les possibilités d'hébergement pour

 17   un grand nombre de personnes.

 18   Q.  La communauté internationale au HCR ou toute autre organisation, est-ce

 19   que cette communauté internationale n'a jamais exigé qu'on ferme ces lieux

 20   ?

 21   R.  Non. Au contraire, ils nous ont aidés pour qu'on adapte cette localité

 22   pour qu'on prépare tout pour pouvoir prendre en charge les réfugiés, les

 23   personnes déplacées. Dans ces installations, y compris à Gasinci, vous

 24   aviez la présence des représentants des organisations internationales. Ces

 25   types de rapports -- ces types de statistiques leur étaient adressés

 26   précisément pour qu'ils puissent savoir -- pour qu'ils puissent

 27   l'apprécier, eux-mêmes, où il serait opportun qu'ils se rendent pour

 28   travailler dans le cadre de leur mandat. Donc, à Djakovo, par exemple, vous

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  1   avez des représentants de nombreuses organisations internationales qui

  2   étaient présentes, et il y avait le HCR, il y avait certaines organisations

  3   islamiques, j'ignore leur nom exact, la Croix-Rouge internationale et

  4   d'autres organisations de volontaires qui étaient présentes.

  5   Q.  D'accord, pourtant ce témoin a dit que, par exemple, à Gasinci, il y a

  6   eu des armes qui ont été dirigées vers ces lieux, ces installations, on a

  7   semblé indiquer que c'était dirigé expressément contre les Musulmans et

  8   qu'apparemment, il y aurait des crimes qui auraient été commis dans ces

  9   endroits. Nous n'avons, bien sûr, aucun nom ni de données précises. Mais

 10   d'après ce que vous, vous savez, est-ce que vous avez jamais eu vent de

 11   griefs ou de documents venant d'organisations internationales dont le HCR

 12   qui était sur les lieux in situ qui vous auraient relayé ce genre

 13   d'atrocités ou de griefs, quelque chose qui viendrait vérifier ce qu'a

 14   affirmé Mme Azra Krajsek lorsqu'elle a témoigné ici sous serment ?

 15   R.  Ce sont les seules objections dont je sois au courant, de la part

 16   d'aucune autre organisation présente sur place ne nous a adressé de griefs.

 17   Et puis il ne faut pas oublier que dans ce centre de réfugiés en plus des

 18   Bosniens, il y avait aussi des Croates. Vous savez que la Posavina

 19   bosniaque était peuplée à peu près à 50 % de Bosniens et à 50 % de Croates. 

 20   Les uns comme les autres se sont trouvés pris en charge là-bas et dans les

 21   centres de réfugiés ou de personnes déplacées, parler d'armes ça me semble

 22   vraiment peu digne de foi. Notre Etat avait besoin d'armes ailleurs à ce

 23   moment-là.

 24   Par ailleurs, si on décrit un crime ou de mauvais traitements, vous en tant

 25   qu'avocat, vous savez très bien comment on procède. On dit qui est l'auteur

 26   de quoi, à quel moment et contre qui. Qui en a été informé et ce qu'on a

 27   entrepris par la suite. Des griefs comme ça de manière très générale, ça me

 28   semble facile de les formuler et ça me semble peu probable que le

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  1   gouvernement garde des armes dans un centre de réfugiés où on a installé

  2   des Bosniens et des Croates. Et on sait très bien qu'à ce moment-là, l'Etat

  3   était relativement mal armé, et qu'il avait besoin d'armes ailleurs que

  4   dans un centre de ce type. Je ne trouve pas que ça a un sens. Je me suis

  5   trouvé à Gasinci à plusieurs reprises, c'était un endroit bien organisé qui

  6   pouvait prendre en charge beaucoup de gens. Ce qui était très important.

  7   Quant à savoir si toutes les personnes qui s'y sont trouvées étaient

  8   heureuses, non, personne n'était heureux parce qu'être réfugié, c'est un

  9   triste sort et il y avait beaucoup de mécontentement sans aucun doute, mais

 10   il n'y avait pas de discrimination. De manière officielle, on n'a pas

 11   encouragé la violence, tout au contraire si jamais il y avait une

 12   étincelle, officiellement on avait l'obligation d'empêcher que cela se

 13   produise ou reproduise. Et encore une fois nous n'avons reçu aucun rapport

 14   d'aucunes organisations internationales, or plusieurs ont été actives là-

 15   bas.

 16   Q.  Très bien. Parlons un peu d'Obonjan. En effet, ce même témoin, le

 17   Témoin Krajsek, lorsqu'elle est venue déposer ici a insinué qu'il y avait

 18   des Musulmans qui avaient été placés sur cette île pour être isolés parce

 19   qu'ils ne pouvaient pas aller jusqu'au continent. Ils n'avaient pas

 20   d'argent pour se payer le bateau de passage et je pense que vous l'avez

 21   indiqué c'est un trajet, une traversée de 15 minutes. Alors, avant de

 22   parler de façon plus précise de cette île, voyons les données pour Split et

 23   Brac, 3 150, je vois. A quelle distance cette île se trouve-t-elle du

 24   continent, de la terre ferme, en ferry ?

 25   R.  L'île de Brac, sa distance à partir de Split qui est le principal port

 26   sur l'Adriatique, la distance est à peu près une heure par bac. Nous avions

 27   également des réfugiés sur l'île de Hvar, c'est une autre île à deux heures

 28   de trajet par bac de Split mais nous en avions également à peu près 200 sur

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  1   l'île de Vis, qui est à quatre heures du continent, l'île la plus éloignée

  2   du continent de notre littoral --

  3   Q.  Mais c'est pour ça que je voulais que nous nous agissions avec une

  4   méthode parce que je veux m'assurer et je veux être sûr que tout est très

  5   clairement consigné au dossier. Vis se trouve à combien d'heures en ferry ?

  6   R.  Quatre heures.

  7   Q.  Votre office ou le gouvernement croate, pourquoi a-t-il installé des

  8   centres dans des îles aussi touristiques que Korcula, Brac, Hvar, et même

  9   sur une île qui se trouve à quatre heures, apparemment d'après ce qu'on m'a

 10   dit Vis n'est pas mal non plus comme île ?

 11   R.  Premièrement, ça ce sont des îles touristiques mais à l'époque il n'y

 12   avait pas de tourisme si ce n'est des touristes locaux. C'était très limité

 13   parce que c'était la guerre sur le continent. Deuxièmement, parce que sur

 14   ces îles il y avait des endroits où on pouvait placer les gens. C'étaient

 15   des installations touristiques, différentes dépendances, des lieux de

 16   villégiatures. Avant, dans l'ex-état, les entreprises avaient souvent des

 17   lieux de repos qu'on appelait des lieux de repos sur la côte destinés à nos

 18   employés, c'est précisément dans ces endroits-là qu'on a pu prendre en

 19   charge des gens. Dans certains cas --

 20   Q.  Merci. Prenons l'île d'Obonjan. Pourriez-vous dire aux Juges de la

 21   Chambre où elle se trouve ? Combien il faut de temps pour y parvenir,

 22   comment on y va sur cette île ? Ce qui se trouve sur cette île ? Pourquoi

 23   on l'utilisait disons avant le 11 septembre 1992, quelle en fût son

 24   utilisation après, après qu'on l'eût utilisée pour accueillir et loger des

 25   réfugiés et des personnes déplacées ?

 26   R.  L'île d'Obonjan est dans le secteur de Sibenik très près du continent,

 27   très près de Sibenik. Sibenik est à 60, 70 kilomètres au nord de Split. Et

 28   en face, il y a plusieurs îles dont l'île d'Obonjan à dix, 15 minutes à

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  1   bord d'un navire depuis le littoral. On l'appelait le septième continent

  2   dans le temps. On y a construit des installations pour recevoir de jeunes

  3   éclaireurs ou des scouts qui venaient passer là-bas leur entraînement,

  4   leurs cours d'été, si je ne me trompe pas avant la guerre on y recevait des

  5   jeunes du monde entier. C'est la raison pour laquelle on l'a appelée, on a

  6   baptisé cette île le septième continent. Et c'était une institution

  7   spécifique qui avait la charge de l'île et puis lorsque la guerre a éclaté,

  8   lorsque le problème des réfugiés s'est posé, entre autres, on y a placé

  9   également des réfugiés puisque vous aviez une cantine, des dortoirs, des

 10   terrains de sport, un dispensaire, toutes les infrastructures nécessaires

 11   pour recevoir un nombre important de personnes.

 12   En même temps, surtout à partir du moment où Jajce a été occupé et puis

 13   lorsque des parties importantes de la Bosnie orientale sont tombées, il y a

 14   eu un grand nombre de réfugiés qui sont arrivés de Bosnie à Split et Split

 15   à partir de ce moment-là offrait une image apocalyptique, je dois dire.

 16   Parce qu'à ce moment-là, ces gens-là, on les a reçus dans des gymnases pour

 17   passer la nuit, pour pouvoir s'organiser, pour voir qui ils sont, pour voir

 18   comment faire par la suite. Lorsque tous les gymnases de Split ont été

 19   remplis, on les a placés dans le centre de natation, la piscine du club de

 20   natation. Si vous vous penchez sur les statistiques, vous verrez que Split,

 21   à ce moment-là, avait 59 627 autres réfugiés et personnes déplacées qui se

 22   sont trouvés dans les différents bâtiments sur le territoire de Split. Et

 23   là, il s'agit de nouveaux venus. Donc, c'est la raison pour laquelle une

 24   partie de ces personnes qui ont dormi pendant des semaines dans cette

 25   piscine vidée, une partie a été placée sur l'île d'Obonjan et nous avons

 26   mis en place une ligne régulière pare-balle qui, une fois par jour, se

 27   rendait à Split, faisait la navette entre l'île et Split.

 28   Q.  Revenons sur ce dernier point que vous évoquiez, lorsque vous parlez du

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  1   fait que des personnes avaient été placées dans des piscines. Est-ce que

  2   c'étaient des Musulmans, des Croates, parce que d'après ce que semble dire

  3   l'Accusation, il y a des efforts concertés pour faire de la discrimination.

  4   C'est en tout cas ce qu'a dit ce témoin Azra Krajsek, alors, qui se

  5   trouvait dans ces piscine ? Je suppose qu'elles étaient vides.

  6   R.  Si c'étaient des réfugiés de Bosnie orientale, alors c'était presque à

  7   100 % des Musulmans, parce qu'il n'y avait pas là un nombre significatif de

  8   Croates. Si c'était cependant la Bosnie centrale ou d'autres régions de

  9   Bosnie, alors il y avait à peu près le même nombre de Croates et de

 10   Musulmans. Il n'y avait aucune discrimination à cet égard. Mais c'est un

 11   fait que les Croates s'intégraient plus facilement en Croatie. Il y en

 12   avait beaucoup qui avaient des parents, de la famille en Croatie. Ce n'est

 13   un secret pour personne et puis, d'autres qui n'en avaient pas étaient

 14   placés de la même façon. Lorsqu'on parle de réfugiés qui sont originaires

 15   d'un certain endroit, vous nous avez dit 10 ou 15 000 qui arrivent, mais ce

 16   sont 3 ou 4 000 qui finalement posent problème. Et maintenant, nous parlons

 17   de ceux qui n'avaient personne et pas d'endroit où ils auraient pu

 18   s'installer mieux.

 19   Q.  Très bien. Sur cette île d'Obonjan, qui était à 15 minutes de ferry du

 20   continent, combien de traversiers y avait-il par jour ?

 21   R.  En s'apercevant que parmi les réfugiés il y en avait qui souhaitaient

 22   se rendre en ville et qui n'avaient pas d'argent, nous payions ce bac,

 23   c'est nous qui payions. C'était une fois par jour que nous payions le

 24   trajet.

 25   Q.  Excusez-moi, Monsieur Zoric, j'ai beaucoup de documents à vous montrer

 26   et je vous serais gré de répondre à une question à la fois, parce que j'ai

 27   un plan. Je vous demande la fréquence des traversiers. Est-ce qu'il y avait

 28   cinq ferry, 20 ou un ferry par

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  1   jour ?

  2   R.  Une fois par jour, nous payions les frais. Je ne sais pas si elle a

  3   circulé plus souvent que ça par jour, mais nous payions une course par jour

  4   à cause des réfugiés.

  5   Q.  Mais est-ce que tous pouvaient partir en même temps ? Est-ce que vous

  6   savez quelle était la procédure pour autant qu'il y en ait une ?

  7   R.  Ils ne pouvaient pas embarquer tous. Ils étaient plusieurs centaines

  8   là-bas, milliers. On n'avait pas ce type de bac. Il pouvait monter 20 ou 30

  9   à bord. Et c'était un navire qui n'était pas très grand et ils avaient le

 10   choix de voir qui allait partir. Parce que dans tous les centres où il y

 11   avait des réfugiés conformément au règlement et au décret que nous avions

 12   vus, ils étaient libres de choisir leurs représentants. Ils se mettaient

 13   d'accord pour voir qui allait partir. C'est eux qui prenaient la décision.

 14   Q.  Si quelqu'un admettons avait besoin de voir un médecin sur le

 15   continent, mais n'avait pas l'argent pour utiliser le ferry, est-ce que ça

 16   voulait dire que le passage était gratuit pour ces personnes ?

 17   R.  Oui. C'est nous qui payions une course par jour. C'est nous qui

 18   réglions la facture à la compagnie propriétaire du bac. Il y avait des

 19   médecins dispensaires sur l'île également. Ils pouvaient fournir des soins

 20   de base. Or, si on avait besoin de se rendre auprès d'un spécialiste, il y

 21   avait l'hôpital à Sibenik et c'est là qu'ils se rendaient.

 22   Q.  Document suivant, 1D02586, 2586. Il ressemble en tout cas à la première

 23   page de ce document, ressemble au document précédent, la date est celle du

 24   27 octobre 1992 et nous avons divers lieux où se trouvaient des réfugiés.

 25   Parcourant ce document, nous allons voir d'autres tableaux aux pages

 26   suivantes. Est-ce que vous connaissez ce document, Monsieur ?

 27   R.  Oui, oui.

 28   Q.  Nous avons des chiffres ici notamment à la deuxième page, on voit

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  1   l'intitulé : "Faits concernant le nombre de personnes déplacées et de

  2   réfugiés," d'après vous, ces chiffres sont-ils exacts ou pas ? En effet, on

  3   voit au bas de page le : "Nombre total en Croatie : 630 449 personnes."

  4   R.  Nous avons ici les statistiques du bureau. Je pense que ce sont des

  5   chiffres très exacts. Le HCR nous communiquait ces renseignements

  6   également. Donc, la possibilité que quelqu'un fournisse d'autres données

  7   inexactes sous prétexte que ces données sont exactes, je ne pense pas que

  8   ça ait pu avoir lieu. Ce sont des chiffres exacts. A ce moment-là, la

  9   Croatie avait 630 000 réfugiés, personnes déplacées enregistrées.

 10   En plus, ces chiffres nous montrent, d'après nos informations et d'après

 11   les informations venues de l'étranger, quel était le nombre de réfugiés

 12   venus de Croatie pris en charge ailleurs, Autriche, Allemagne, Hongrie. Et

 13   vous voyez que ce sont surtout l'Allemagne et la Hongrie qui en ont pris

 14   beaucoup. Mais à partir de ce moment là, on a déjà commencé à faire des

 15   statistiques pour savoir ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine, où sont

 16   partis certains réfugiés. Et nous avons également des informations qui nous

 17   montrent d'où venaient surtout les gens en Croatie, surtout de Bosnie-

 18   Herzégovine, mais également d'autres républiques de l'ex-état.

 19   Q.  Tableau numéro 2, on voit l'Allemagne et la Hongrie qui en ont le plus,

 20   on voit pour l'Allemagne 55 000 et la Hongrie 32 600, alors que pour

 21   l'Autriche on a 2 500; c'est exact ? Au deuxième tableau, est-ce que j'ai

 22   bien cité les chiffres là ?

 23   R.  Vous avez raison. Les gouvernements de différents états à ce moment-là

 24   ont publié des quotas de personnes que ces états étaient prêts à recevoir.

 25   Et à partir du moment où ce quota de personnes enregistrées était atteint,

 26   l'état en question, tout simplement, fermait ses frontières.

 27   Q.  Bien. Une question que j'aurais dû vous poser plus tôt : les Croates de

 28   Croatie se sont-ils rendus dans d'autres pays, eux aussi, disons, des

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  1   personnes qui ont été déplacées en Croatie, elles seraient parties en tant

  2   que réfugiées ?

  3   R.  Oui, c'est vrai.

  4   Q.  Bien, merci. En ce qui concerne ce document-ci, est-ce que vous voulez

  5   faire un autre commentaire avant que nous ne passions à autre chose ?

  6   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci, Maître Karnavas. Merci

  7   d'avoir apporté ces révisions en ce qui concerne les chiffres; maintenant,

  8   tout est en ordre, merci. Je voulais intervenir auparavant mais ce n'est

  9   pas nécessaire. Je veux parler du nombre de réfugiés en Hongrie surtout.

 10   Merci.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 12   Q.  A ce propos, nous voyons que la Slovénie n'en a que 4 000 et avant

 13   c'était quand même une république de la Yougoslavie, on se serait attendu à

 14   ce qu'elle fasse preuve d'un peu plus de générosité. Pendant toute cette

 15   période de la guerre, d'après vous, la Slovénie combien a-t-elle accepté de

 16   réfugiés ?

 17   R.  S'agissant de cela, la République de Slovénie a mis en place une

 18   politique tout à fait rigoureuse en recevant peu de réfugiés. Et le régime

 19   de séjour imposé à ces réfugiés était très strict, c'était pratiquement

 20   comme des demandeurs d'asile. Et ce qui s'est produit, c'est que ces gens

 21   nous demandaient de les reprendre en charge en Croatie, ou ils partaient

 22   dans des pays tiers.

 23   Il y a eu des états qui ont été très ouverts à l'égard de l'arrivée

 24   des réfugiés, qui leur ont apporté de l'aide et qui leur ont permis aussi

 25   de se faire délivrer des permis de travail, par exemple, l'Allemagne. Ou

 26   dans certains états allemands, par mois, les réfugiés pouvaient recevoir

 27   jusqu'à autant que 1 000 deutschemarks. A titre de comparaison, je recevais

 28   peut-être 300 marks par moi en tant que salaire à l'époque. Donc c'était

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  1   mieux d'être réfugié en Allemagne que d'être membre du gouvernement croate

  2   à l'époque, pour ce qui est des rémunérations. Mais il y avait des pays qui

  3   ont été très stricts pour ce qui est des réfugiés, ils avaient des quotas

  4   définis et ils les plaçaient dans des centres d'accueil qui étaient très

  5   bien définis.

  6   Q.  Je vais m'assurer que je vous ai bien compris. Si quelqu'un arrivait en

  7   Bosnie en tant que réfugié et puis allait dans un pays tiers, comme en

  8   Allemagne. Une des personnes pouvait recevoir jusqu'à 1 000 marks par mois

  9   de compensation. Est-ce bien ce que vous nous dites ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Vous nous avez dit quel était votre salaire. Le gouvernement croate,

 12   combien donnait-il d'indemnisation à une personne déplacée. Par exemple, si

 13   moi je devais choisir entre la Croatie et l'Allemagne, qu'est-ce que la

 14   Croatie offrait comme indemnisation pour garder ces réfugiés ?

 15   R.  Le gouvernement croate prenait en charge tous les frais de séjour

 16   réguliers, de scolarité et de soins médicaux et occasionnellement si les

 17   ressources le permettaient, donc, occasionnellement, mais pas de manière

 18   régulière, on attribuait des aides ponctuelles, soit de la part du

 19   gouvernement croate, soit de la part des organisations internationales, et

 20   ce par l'entremise du bureau des réfugiées et des personnes déplacées,

 21   comme c'était le cas du HCR. Cela étant dit, ces sommes-là n'étaient pas

 22   allouées à titre régulier, ce n'était pas des sommes versées en permanence.

 23   Q.  D'accord, mais peut-être que ce sera le dernier --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien -- 20 minutes.

 25   --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

 26   --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, je crois que vous avez utilisé deux

 28   heures et demie.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] En fait, deux heures et 26 minutes, mais

  2   j'aurai fini bien avant que s'écoulent les quatre heures qui m'avaient été

  3   imparties.

  4   Q.  Bien, au moment où nous nous sommes interrompus je vous ai demandé ce

  5   que la Croatie avait donné et fourni, et vous avez dit qu'on assurait le

  6   logement des intéressés. Et puis vous avez parlé de scolarisation, et ça,

  7   ça m'a intéressé, ça a attiré mon attention parce que je me rappelle ce que

  8   nous avait dit Mme Azra Krajsek le 19 juin 2007, page 20 118 du compte

  9   rendu d'audience, ligne 22. Je cite : "Je dépose ici que les réfugiés de

 10   Bosnie-Herzégovine qui étaient musulmans ne pouvaient pas faire valoir leur

 11   droit à une scolarisation normale en Croatie dans les écoles de Croatie."

 12   Veuillez, je vous prie, nous dire si ceci est exact; oui ou

 13   non ?

 14   M. SCOTT : [interprétation] Auparavant, est-ce qu'on pourrait nous dire de

 15   quelle période il s'agit exactement ? Puisqu'on a parlé ici de 1991, 1992,

 16   1993 ? De quelle période s'agit-il exactement ? De quelle période parle

 17   exactement le témoin précédent ?

 18   M. KARNAVAS : [interprétation]

 19   Q.  Vous, vous étiez sur place en 1991, 1992, 1993, et pendant cette

 20   période, est-il exact de dire ce que dit Mme Krajsek, à savoir que les

 21   réfugiés de Bosnie-Herzégovine, qui étaient Musulmans, ne pouvaient pas

 22   faire valoir le droit de scolarisation normale dans les écoles de Croatie."

 23   Est-ce que c'était le cas pendant que vous étiez en fonction ?

 24   M. SCOTT : [interprétation] Là encore, il faut être juste. On parle de 1993

 25   et le témoin nous a dit qu'il avait quitté son poste le 5 mars 1993 si bien

 26   que si on parle de 1993, ça se limite au mois de janvier et février.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Je comprends les inquiétudes de

 28   l'Accusation, et je ne veux pas ici me lancer dans une longue discussion.

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  1   Mais vous vous souviendrez que je lui ai demandé si, au moment où il est

  2   devenu député, il avait continué à avoir des contacts, à se maintenir au

  3   courant de la situation des réfugiés et des Musulmans. On sait que le

  4   gouvernement croate finance tout cela. L'objectif -- mon objectif c'était

  5   d'éviter ce genre d'interruption malvenue qui vient de se produire. J'étais

  6   en train de donner tous les éléments justifiant mes questions. Moi, je lui

  7   ai demandé si à sa connaissance il était ainsi.

  8   M. SCOTT : [interprétation] On ne répond pas à la question que j'ai posée.

  9   Le témoin ne nous a donné aucun élément relatif à son activité après le 5

 10   mars 1993, et là, je vais insister, je vais insister parce que ça porte sur

 11   la -- ça tient à la portée de la déposition du témoin. Dans l'affaire Tuta,

 12   le témoin, dans sa déposition, a dit qu'il était impossible, je cite le

 13   compte rendu d'audience : "Qu'il était impossible pour lui de continuer à

 14   avoir -- être impliqué dans le travail de l'ODPR après avoir pris son poste

 15   au parlement croate en mars 1993." Donc, il faut ici parler de connaissance

 16   personnelle.

 17   Et jusqu'à présent, lorsqu'on a parlé de ce qui concernait la période

 18   où il était employé à l'ODPR, je ne me suis jamais levé, je n'ai jamais

 19   fait d'objection, mais, là, on est en train de parler d'une période où le

 20   témoin n'a pas été impliqué dans toutes ces questions. Alors, d'une manière

 21   très connexe, très générale, mais à ce moment-là, il faudrait nous donner

 22   des éléments plus -- qui justifient qu'il puisse intervenir à ce sujet.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] A ce moment-là, je vais reformuler -- je

 24   vais reformuler pour qu'on puisse avancer.

 25   Q.  Jusqu'en mars -- je le répète, jusqu'en mars 1993, est-ce que les

 26   réfugiés de Bosnie-Herzégovine, qui étaient Musulmans, est-ce qu'on les

 27   empêchait de faire valoir leurs droits à une scolarisation normale dans les

 28   écoles de Croatie ?

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  1   R.  Les réfugiés de Bosnie-Herzégovine, qui se trouvaient être Musulmans,

  2   jamais pas non plus jusqu'à mars 1993, n'ont eu d'obstacles pour ce qui est

  3   d'une poursuite de leur formation scolaire régulière en Croatie. Ils

  4   avaient le droit de se scolariser, ils avaient le droit à une protection

  5   médicale et bon nombre avaient exercé ce droit. Il y a bon nombre de

  6   documents et de témoignages qui montreront que bon nombre d'enfants ont

  7   fait [imperceptible] ou une formation complète pendant leur séjour en

  8   Croatie. Il y a eu des milliers d'enfants, c'est un fait notoirement connu,

  9   ça n'a rien à voir avec mes connaissances personnelles ou avec les périodes

 10   où j'ai été appelé à intervenir là-bas. Il y a donc bon nombre d'entre eux

 11   qui sont intégrés dans la société croate qui y vivait, qui travaillait à

 12   Zagreb et je connais personnellement bon nombre d'entre eux.

 13   Q.  A votre connaissance, et là, je ne vous demande pas de vous lancer dans

 14   des suppositions. A votre connaissance, est-ce que l'ont surgi des

 15   problèmes, des difficultés concernant certains enfants musulmans et

 16   l'enseignement dispensé dans les écoles de la République de Croatie ?

 17   R.  Si ces enfants voir quand ces enfants sont allés dans des écoles

 18   ordinaires en Croatie, ces enfants ont suivi un programme qui était en

 19   vigueur pour tout le monde dans ces écoles. Il y a eu des cas où les

 20   parents avaient demandé à ce que ces enfants-là soient scolarisés

 21   conformément à des programmes autres. Cela fait que, dans certains centres,

 22   il a été organisé des écoles que l'on qualifiait d'extraterritoriales ou

 23   alors des écoles avec une formation confessionnelle. Certains représentants

 24   religieux, s'agissant de ces enfants de réfugiés d'origine musulmane,

 25   avaient enseigné des matières qui ne sont pas enseignées d'habitude dans

 26   des écoles croates. Mais ceux, qui avaient souhaité dans ces écoles

 27   extraterritoriales ou confessionnelles, pouvaient bénéficier de ce type

 28   d'enseignement.

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  1   Q.  Ces écoles extraterritoriales, est-ce qu'elles existaient uniquement

  2   pour les Musulmans et est-ce qu'il en existait également pour les Croates ?

  3   R.  Les écoles extraterritoriales c'était essentiellement des écoles qui

  4   étaient gérées par des religieux où ces religieux avaient-ils participation

  5   à l'enseignement. Et il serait difficile de s'attendre à ce que des enfants

  6   de réfugiés croates suivent des cours dans ces écoles-là puisqu'ils sont

  7   d'une religion autre.

  8   Q.  Et qu'en est-il du financement de ces écoles ? D'après ce que nous

  9   avons vu jusqu'à présent, le ministre de l'Enseignement était censé

 10   participer à tout cela. Vous avez expliqué pourquoi, mais là, on se trouve

 11   dans le cas de ces écoles dites extraterritoriales, comment étaient-elles

 12   financées ? D'où provenait l'argent ? Et s'il vous plaît, écoutez la

 13   totalité de ma question avant de me répondre. Savez-vous si l'Etat croate -

 14   - si la République croate finançait ces écoles-là ?

 15   R.  Oui, ces faits étaient pris en charge par nous autres au bureau. Ces

 16   écoles se trouvaient dans les localités de ces centres d'accueil pour

 17   réfugiés et tous les frais étaient pris en charge par nous même.

 18   Q.  Nous savons que vous étiez là jusqu'en mars 1993, et je voudrais savoir

 19   pendant que vous étiez à cet endroit, et pendant même que vous étiez membre

 20   du gouvernement ou du parlement, je voudrais savoir si vous avez rencontré

 21   ou eu connaissance d'éléments indiquant que des institutions telles que le

 22   HCR des Nations Unies avaient protesté auprès de la République de Croatie

 23   au sujet de manœuvres discriminatoires contre les  Musulmans, s'agissant de

 24   leurs droits à un enseignement. Ça c'est la première question.

 25   Et puis, s'agissant du document 1D 2609, nous avons parlé de cette somme de

 26   30 millions de dollars américains que pouvait dépenser l'ODPR. J'imagine

 27   donc qu'on avait gardé la trace de la manière dont avait été dépensé cet

 28   argent. Donc, je voudrais savoir si vous avez eu connaissance d'éléments

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  1   écrits, concrets, que nous puissions les voir, indiquant que les

  2   représentants de la communauté internationale se plaignaient auprès de la

  3   République de Croatie parce qu'il y avait discrimination envers les enfants

  4   musulmans qui ne bénéficiaient pas d'une scolarisation normale.

  5   R.  Je n'ai pas connaissance d'un tel document.

  6   Q.  Bien. Pour être sûr de bien vous comprendre parce que, moi, je n'étais

  7   pas sur place, mais il y a l'île dont on a parlée où se trouvait un grand

  8   nombre de personnes, c'était un lieu qui était plutôt fait pour les

  9   vacances, pour une occupation saisonnière. S'agissant des enfants qui se

 10   trouvaient à cet endroit, quelles étaient les dispositions prises ? Que ce

 11   soit des enfants croates ou musulmans. Qu'est-ce qui était fait -- organisé

 12   pour assurer leur scolarité à ces enfants ?

 13   R.  Ce que nous avons entrepris tout de suite, c'était de voir s'il y avait

 14   parmi ces réfugiés un instituteur. S'il y avait, par exemple, un médecin ou

 15   quelque chose d'analogue, on suggérait qu'il se charge de ce type de

 16   travail justement. C'était du reste -- l'une des obligations des réfugiées

 17   à juger -- à savoir que les connaissances professionnelles qui étaient les

 18   leurs se devaient d'être mises au service de la survie ou au service

 19   d'autres personnes qui auraient résidé là-bas avec eux, et dans bon nombre

 20   de cas, les instituteurs se présentaient pour eux-mêmes pour participer au

 21   fonctionnement de ce type d'école.

 22   Deuxièmement, nous envoyons vers ces centres d'accueil des volontaires

 23   envoyés par des organisations nationales, voire internationales qui

 24   organisaient et géraient le fonctionnement de ce type d'école. L'une de ces

 25   organisations était très répandue en Croatie. Ça s'appelait "Sunflower;" ça

 26   rassemblait des volontaires de l'Europe toute entière et je crois que

 27   c'était financé par la fondation Soros parce que cela était son travail que

 28   de gérer bon nombre d'écoles de ce type.

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  1   Q.  Passons au document suivant, 1D 02588, 2588, il s'agit d'un décret vous

  2   en voyez la date, 27 octobre 1992, décret portant sur le statut des

  3   personnes déplacées et des réfugiés. Je ne veux pas m'appesantir trop sur

  4   ce document parce que tout le monde est à même de le lire mais je voulais

  5   attirer votre attention sur les articles 1 et 2 de ce document. Il semble

  6   que dans ce décret, le terme de réfugié s'applique, enfin si on adopte une

  7   lecture littérale de ce document ça s'applique aux Croates qui se sont

  8   enfuis à l'étranger en l'occurrence des Croates déplacés de Croatie qui

  9   sont allés s'installer en Autriche ou en Allemagne ou ailleurs, ou encore

 10   en Hongrie.

 11   Première question; est-ce que ce décret c'est l'instrument juridique sur

 12   lequel s'appuyait votre bureau dans le cadre de vos activités avec les

 13   personnes déplacées et les réfugiés au sein de, et j'insiste sur ce mot-là,

 14   au sein de la République de Croatie, en République de Croatie même ?

 15   R.  Oui, partant de ce décret, il a été déterminé le statut des personnes

 16   expulsées de Croatie vers les -- enfin, d'autres pays vers la Croatie et de

 17   pays tiers également en direction de la Croatie.

 18   Q.  Article 27, toute dernière page on voit que ce décret a été publié au

 19   journal officiel du 27 octobre 92. A votre connaissance, est-ce que la

 20   communauté internationale, le HCR des Nations Unies ou une autre

 21   organisation ont indiqué que ce décret n'était pas correctement rédigé,

 22   qu'il n'était pas suffisant puisqu'il ne concernait les réfugiés provenant

 23   de pays tiers et qui se trouvaient en République de Croatie ?

 24   R.  Il se peut que ce décret n'ait pas été correctement rédigé. Pour ce qui

 25   est des observations, je dirais que cela ne serait pas -- je dirais qu'il

 26   n'y a pas eu d'observation disant que ce décret n'est pas applicable. Nous

 27   nous sommes conformés à ce décret s'agissant des réfugiés au sein de la

 28   République de Croatie, et partant du texte, cela est aisément percevable

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  1   parce qu'il s'agit de droit exercé en Croatie. Ce décret ne m'octroie pas

  2   de droit pour ce qui est de déterminer à l'égard d'un réfugié qu'il soit

  3   originaire de Croatie ou d'un pays tiers ce qu'il devrait recevoir là-bas,

  4   ou est-ce qu'il devrait continuer à bénéficier de ce statut ou le voir

  5   supprimer ? Cela ne peut être applicable que sur le territoire d'un pays,

  6   et c'est ce que nous dit l'esprit du texte de ce décret.

  7   Q.  Avançons un petit peu, accélérons et passons à un document qui ne se

  8   trouve pas dans l'ordre que j'avais prévu. C'est le document 1D 02638, ce

  9   doit être le troisième document à partir de la fin dans votre classeur, et

 10   on voit que c'est une décision au sujet de la proclamation de la loi sur le

 11   statut des personnes déplacées et des réfugiés en date du 6 octobre 1993. A

 12   l'article 26, on peut voir que ce document a été publié au journal

 13   officiel, en quelques mots, pourquoi est-il nécessaire si vous le savez

 14   pourquoi a-t-il été nécessaire de prendre cette décision alors qu'il

 15   existait un décret qui traitait de la même situation; veuillez répondre si

 16   vous le

 17   savez ?

 18   R.  Je pense savoir, oui. La constitution croate, du moins celle de

 19   l'époque, accordait des droits au gouvernement pour faire en sorte que dans

 20   certaines situations les domaines soient aménagés par moyen ou par le biais

 21   de décret, alors que cela relève des compétences de la législature du

 22   parlement mais le gouvernement ne pouvait pas exercer ce droit de façon

 23   permanente. Cela ne pouvait être utilisé qu'à titre limité dans le temps,

 24   et au bout de cette limite temporelle, il fallait présenter le texte du

 25   décret au parlement afin que le parlement en fasse une loi. Et ça a été

 26   justement le cas ici.

 27   Q.  Bien, passons à la pièce 1D 026 --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Cette loi a été adoptée le 6 octobre 1993. J'ai cru

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  1   comprendre que vous étiez vous même parlementaire; est-ce que vous avez

  2   voté vous le texte ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Conformément aux compétences de la Chambre où

  4   j'étais député, j'ai donné mon vote en faveur de cette loi, oui.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est-à-dire au mois d'octobre vous connaissez la

  6   situation concernant les personnes déplacées et les réfugiés ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je connaissais la situation en effet, et en ma

  8   qualité de député, j'ai continué à entretenir des contacts avec les

  9   organisations internationales. J'ai été convié par ces dernières, je

 10   connaissais en personne bon nombre de ces représentants, par exemple,

 11   l'agence de l'aide humanitaire allemande, les gens du HCR, et cetera.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand ce texte a été adopté, est-ce qu'il y a eu des

 13   débats ? Est-ce qu'il y a eu des questions posées par les députés ou aux

 14   ministres qui rapportaient le texte, ou bien, ça a été inscrit à l'ordre du

 15   jour et ça a été voté dans la foulée ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne pense pas qu'il y ait

 17   eu un grand débat au sujet de cette loi.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Zoric, je ne peux

 20   m'empêcher de remarquer que l'article 2 de ce statut, de cette loi reprend

 21   toutes les formulations propres à donner l'impression que les réfugiés

 22   venant d'un pays tiers et qui se trouvent en Croatie ne sont pas concernés.

 23   Vous nous avez dit que le premier texte souffrait peut-être d'une rédaction

 24   un peu mal adroite, est-ce qu'on a envisagé de l'améliorer, est-ce que

 25   personne ne s'en est rendu compte ? Est-ce que vous pouvez nous donner des

 26   explications et dans la même logique, je voudrais savoir comment la

 27   législation a été adoptée ? Est-ce qu'il y avait un comité parlementaire

 28   qui était chargé de préparer les textes de lois ? Et si c'était le cas,

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  1   j'imagine que vous auriez dû en être membre; est-ce que vous pourriez

  2   apporter quelques éléments à la Chambre sur ce point ?

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Moi, j'avais -- c'est moi qui avais dit que

  4   le texte était peut-être mal rédigé. C'est moi dans ma question qui avait

  5   indiqué cela. Enfin, je vais être sûr que ce soit bien clair, c'est moi --

  6   c'est moi qui l'ai dit en premier. Or, je voulais apporter cette nuance,

  7   puisque ça, ça concerne la connaissance qu'avait le témoin de la situation.

  8   Je parle là de mes questions -- de ma première question. C'est moi qui ai

  9   parlé de textes mal rédigés, mais quoi qu'il en soit, je pense que c'est

 10   une question tout à fait valable que vous venez de lui poser.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis d'accord avec vous.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, Monsieur le Juge, je

 13   ne pense pas qu'il y ait eu de débat, de grand débat ou pas de débat du

 14   tout pour ce qui est de ce texte de loi. Je peux vous le dire avec

 15   certitude. J'ai été membre d'organes différents, mais s'agissant de ce

 16   texte de loi, il n'y a pas eu de débats particuliers. Il y avait un

 17   problème technique, à savoir, ne pas dépasser le délai constitutionnel pour

 18   ce qui est de la validité d'un décret, avant que de se muer en loi. Et je

 19   vois que c'est de cela qu'il s'agissait. Et vous avez bon nombre d'éléments

 20   de preuve disant que cette loi a été appliquée sur les réfugiés et a porté

 21   sur bon nombre de décisions relatives aux décisions. On voit que, dans ces

 22   décisions, il est fait référence aux articles précis de cette loi. Donc, ce

 23   texte de loi se rapportait à eux d'une façon appropriée. De là, à savoir si

 24   la rédaction a été idoine ou si techniquement cela a été bien fait, il

 25   m'est difficile d'en juger parce que je ne suis pas juriste, moi-même.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, quand on compare l'article 1 et l'article

 27   2 de la loi, l'impression qu'on peut avoir c'est que l'article 1 indique de

 28   manière très précise quels vont être les avantages qu'auront les réfugiés

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  1   ou les déplacés, à savoir l'éducation, la nourriture, logement, aide

  2   financière, soins médicaux, et cetera, et cetera. Et l'article 1 énumère

  3   tous les droits des réfugiés et des déplacés. Ou quand on regarde l'article

  4   2, l'impression qu'un juriste peut avoir, c'est qu'il y a une définition

  5   très précise du déplacé et du réfugié. Et que au sens de la loi tel que

  6   c'est dit, la personne est considérée comme déplacée lorsqu'elle a bougé ou

  7   changé au sein même de la Croatie. Donc, un Croate de Vukovar qui va à

  8   Zagreb, lui c'est un déplacé. Par contre, quelqu'un qui vient d'ailleurs,

  9   par exemple, un Croate de Mostar qui va à Zagreb, lui, pourrait être

 10   considéré comme réfugié. Alors, quand on dit que le décret ou la loi a été

 11   mal rédigé, est-ce que vous avez vous-même ce sentiment ? Même si vous

 12   n'êtes pas un juriste, mais vous avez exercé le droit de responsabilité,

 13   donc, vous pouvez sur un texte que vous êtes sensé avoir voté avoir un

 14   avis.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, à présent, je peux

 16   comprendre votre interprétation. A l'époque, je n'avais pas cette

 17   sensation-là. A l'époque, nous étions conscient du fait qu'il y avait un

 18   certain nombre de conventions internationales, nous coopérions avec le HCR.

 19   Il y avait la loi sur le séjour et le déplacement des étrangers sur le

 20   territoire de la république également. Nous avons signé les premiers

 21   accords sur le retour des réfugiés avec l'Allemagne, puis avec l'Autriche

 22   dès 1991; non seulement sur leur retour en Croatie, mais également le

 23   retour en Bosnie-Herzégovine. Le premier accord tripartite date de 1993

 24   déjà, donc, nous avions ces déplacements dans les deux sens, mouvements

 25   dans les deux sens. Donc, d'une certaine manière, nous appliquions,

 26   considérablement la loi que nous avons là sous les yeux, sur les réfugiés

 27   en Croatie également. Puisque conformément à cette loi, fonctionnait le

 28   bureau sur les réfugiés et les personnes déplacées qui déterminait leur

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  1   statut, les prenait en charge, les nourrissait et versait les frais de leur

  2   prise en charge en vertu de cette loi.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi de mettre en -- un certain

  5   nombre de points par le truchement du témoin. L'article 26, par exemple,

  6   nous indique que les dispositions des articles 13 à 19 du décret s'applique

  7   aux réfugiés de la manière appropriée. Maintenant, si on regarde l'article

  8   13, il est question de soins médicaux, d'éducation, et cetera. L'article

  9   14, si on l'interprète de manière littérale, c'est-à-dire que les réfugiés

 10   ce sont des gens qui viennent de l'extérieur de la Croatie; à ce moment-là,

 11   c'est les pays étrangers qui sont tenus de fournir un certain nombre de

 12   choses.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais vous êtes en train de déposer,

 14   Maître Karnavas ? Etes-vous un expert ? Non, parce que je suis quand même

 15   frappé. Je suis frappé de voir que vous vous adressez aux Juges pour donner

 16   des explications. Moi, je pensais que c'était au témoin de le faire.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 18   Q.  Veuillez, Monsieur le Témoin, examiner ce passage. C'est le document

 19   2588. Loin de moi, l'idée de vouloir enseigner le droit aux Juges de la

 20   Chambre ou d'interpréter un document juridique. Je voulais simplement

 21   prêter assistance et je m'excuse si en fait je suis allé trop loin, si j'ai

 22   dépassé les bornes de ma profession.

 23   Regardez l'article 26, puis les articles 13 et 14, pour ensuite revenir aux

 24   articles 1 et 2. Je sais que vous n'êtes pas un juriste, à qui ceci

 25   s'adresse-t-il ?

 26   R.  Les articles 13 à 19 énumèrent les droits d'une personne déplacée,

 27   énonçant les mesures prises par la République de Croatie face aux personnes

 28   déplacées : le logement, la scolarité, les soins médicaux sur le territoire

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  1   de la République de Croatie.

  2   Si vous prenez l'article 26, vous verrez que ces droits sont réalisés

  3   de manière appropriée adéquate également eu égard aux réfugiés. Ici, il est

  4   question uniquement des réfugiés qui se trouvent dans un pays tiers :

  5   Allemagne, Autriche, Hongrie, peu importe. Je ne comprends pas comment les

  6   députés auraient pu voter une loi qui serait contraignante vis-à-vis des

  7   organes de l'administration de l'Etat -- d'un autre Etat.

  8   Donc, de toute évidence, il s'agit des organes de l'Etat croate qui

  9   sont tenus de fournir la même aide aux réfugiés que celle qui est réservée

 10   aux personnes déplacées. Donc, c'est la manière dont je l'interprète, je le

 11   comprends, et c'est ainsi que les choses se sont déroulées dans la

 12   pratique.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, j'ai fait preuve de patience

 14   lorsque j'ai cédé la priorité à Me Karnavas, tout de moins, sur ce point.

 15   Mais il faut le dire, et ça doit être inscrit au dossier, c'est précisément

 16   pour cette raison que la qualification apportée par un conseil. C'est un

 17   problème, parce qu'il n'y a pas de preuve. Et j'utilise sciemment ce terme.

 18   Il n'y a pas de preuves au dossier qui diraient que par le parlement croate

 19   n'a pas adopté la loi qu'elle voulait adopter. C'est simplement Me Karnavas

 20   qui a laissé entendre, il y a quelques instants, que la loi était mal

 21   écrite. Mais ce n'est pas le témoin qui l'a dit, ce n'est pas ce qu'il a

 22   dit dans sa déposition. Nous n'avons aucune preuve à cet effet.

 23   Nous avons deux lois adoptées par le parlement croate. Il y en a une en

 24   1992, je pense, l'autre en 1993. A moins que nous ne supposions tous, et je

 25   dis bien supposions tous, que le parlement croate n'aurait commis deux fois

 26   la même erreur. Mais si, à cette supposition, rien ne prouve que le

 27   parlement croate n'a pas adopté la loi comme vous l'adoptez, qui dit que

 28   ceci ne s'applique qu'à des personnes qui se déplacent à l'intérieur dans

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  1   les frontières croates; et il n'y a aucune preuve prouvant le contraire

  2   dans le dossier.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Une question. Permettez-moi de faire une

  4   remarque, Messieurs les Juges. Excusez-moi de vous interrompre. Je voulais

  5   le dire et informer tout le monde de ceci : j'aurais pu rester

  6   [imperceptible] et ne pas en parler, mais je l'ai dit à la Chambre pour que

  7   le témoin ait l'occasion de fournir une explication, sachant que les Juges

  8   allaient lire ce texte, ce texte des lois. Il y aurait manifestement des

  9   questions, et je voulais faire preuve d'équité envers tous. Si nous gardons

 10   ceci à l'esprit, on pourrait demander si cette loi, à la connaissance du

 11   témoin, a servi de base pour aider les personnes déplacées ainsi que les

 12   réfugiés en République de Croatie. Et quand je dis "réfugiés," je parle de

 13   personnes qui viennent de Bosnie-Herzégovine ou d'autres lieux car nous

 14   savons qu'il y en a qui sont venus aussi de Vojvodine, du Kosovo notamment.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est l'application de cette loi qui

 16   permettait de fournir l'aide à la fois aux personnes déplacées et aux

 17   réfugiés. Leurs droits sont définis sur l'exemple des personnes déplacées

 18   mais il y a l'article qui précise que ces droits s'appliquent également aux

 19   réfugiés. Je pense qu'il ressort clairement qu'il s'agit des réfugiés en

 20   République de Croatie.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Maître Karnavas.

 22   J'ai fait une comparaison entre le décret et la loi, M. Zoric, et dans le

 23   dispositif de la loi, je ne vois pas ce qui se trouve à l'article 26 du

 24   décret. Il se peut que ça se trouve ailleurs mais que je ne l'aie pas

 25   trouvé. Si la loi ne reprend pas cet élément, je m'interroge, pourriez-vous

 26   nous donner une explication de cette absence ?

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait peut-être donner une

 28   cote pour le témoin ?

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ça c'est la pièce

  2   1D 02638.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien. Vous avez tout à fait raison,

  4   Monsieur le Juge, sur ce point.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas la loi de sa totalité

  6   [imperceptible].

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous allons vous le donner le texte intégral

  8   avec l'aide de Mme l'Huissière.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas, sans faire du juridisme

 10   pointilleux, mon attention est tirée par l'article 24 de la loi en

 11   disposition finale. L'article 24 semble lui balayer le problème en disant

 12   qu'en fait, cette loi s'applique à toute personne qui a quitté sa résidence

 13   permanente.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous avons vu, Monsieur le Président. Dans

 15   le décret, on retrouve cette disposition même si je répugne en parler parce

 16   que je ne voulais pas qu'on m'accuse d'une justice d'iniquité parce qu'on

 17   parle ici de désastre ou catastrophe naturelle. Et on pourrait se demander

 18   si une guerre c'est une catastrophe naturelle. C'est pour ça que j'avais

 19   hésité à en faire mention. J'avais essayé de faire preuve de passion et je

 20   ne voulais pas donner l'impression que j'ai essayé de vous induire en

 21   erreur. Parce que, moi-même, j'ai été rédacteur de texte de loi et je sais

 22   qu'on peut mal ou très bien écrire un texte de loi.

 23   Q.  Monsieur Zoric, vous voulez bien répondre.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, tout ce que je savais

 25   sur cette loi et sur ce décret, je l'ai déjà dit, je n'ai pas de meilleure

 26   interprétation à fournir. Il est certain que la loi s'est appliquée

 27   également sur des réfugiés. Je le sais grâce à ma pratique et je parle là

 28   de réfugiés en République de Croatie et il n'y avait là aucune réserve.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation]

  2   Q.  Permettez-moi de vous poser une question de suivi. Après le 6 octobre

  3   1993, est-ce que la Croatie a continué de loger, d'accueillir des réfugiés

  4   et de les aider ? Donc, je parle d'une période ultérieure à l'adoption de

  5   la loi, répondez par oui, ou par non, tout simplement.

  6   R.  Oui, la Croatie a continué d'accepter les réfugiés et leur accorder le

  7   statut de réfugiés.

  8   Q.  Vous avez parlé du fait qu'il y avait des inscriptions, des

  9   enregistrements, recensement des mises à jour, est-ce que vous auriez des

 10   données susceptibles d'étayer cette affirmation, à savoir qu'après le 6

 11   octobre 1993, la Croatie a continué d'accueillir des réfugiés de Bosnie-

 12   Herzégovine et ce faisant leur a aussi apporté de l'assistance humanitaire

 13   du type précisé tant dans le décret que dans la loi dans la décision ?

 14   R.  Oui, il existe des rapports comparables à ce que nous avons vu pour des

 15   années précédentes comparables ou identiques. Ces rapports étaient rédigés

 16   à titre hebdomadaire et ils existent pour toute la durée de l'existence de

 17   ce bureau jusqu'en l'année 1999.

 18   Q.  Le Président de la Chambre vous avait demandé si après être devenu

 19   parlementaire, vous vous étiez gardé au courant de ce qui se passait au

 20   niveau des réfugiés et des personnes déplacées, c'est à ce moment-là qu'on

 21   vous a rapporté à ce texte de loi. Ma question est celle-ci : lorsque vous

 22   étiez député est-ce que vous ou d'autres avaient pris des initiatives qui

 23   ont fait que vous avez été en Bosnie-Herzégovine pour apporter de l'aide

 24   humanitaire, et si ce fut le cas, quand est-ce que ceci s'est passé ?

 25   R.  A plusieurs reprises, nous avons pris l'initiative pour ce faire, nous

 26   nous sommes davantage focalisés sur l'aide à envoyer en Bosnie-Herzégovine,

 27   et sur le fait d'organiser des convois d'aide dans les régions que nous

 28   pouvions atteindre en Bosnie-Herzégovine. A plusieurs reprises, j'ai fait

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  1   le trajet personnellement avec ce type de convois dans des localités comme

  2   Vitez, Tuzla.

  3   Q.  Est-ce que ces convois ne transportaient ou cette aide humanitaire

  4   n'était destinée qu'aux zones croates qu'aux Croates de Bosnie-Herzégovine,

  5   ou est-ce que ces convois transportaient de l'aide fournie aussi à des

  6   zones musulmanes à des Musulmans de

  7   Bosnie ?

  8   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais avant

  9   que le témoin ne réponde à cette question, est-ce qu'on peut nous situer

 10   ceci dans le temps quand on parle de "convois;" est-ce que c'est 1992, 1998

 11   ?

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] De nouveau, on pose la question.

 13   Ecoutez, j'ai dit quand on était parlementaire. Et nous avons déjà établi

 14   qu'il était député de 1993 à 1995. Donc, on a vraiment là uniquement une

 15   période très limitée. On a vraiment circonscrit cette période. Excusez-moi,

 16   si je n'ai pas donné de date précise. Mais nous allons agir de façon

 17   méthodique et je peux promettre à M. Scott qu'il ne va pas comme ça rester

 18   dans l'ignorance. Il aura toutes les informations dont il a besoin.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire à quel moment au cours de quel mois, de quelle

 20   année, et essayons d'écarter cette préoccupation ?

 21   R.  Je parle de l'année 1994, également 1995. Jusqu'à ce qu'on signe

 22   l'accord de Washington, il a été pratiquement impossible de rentrer en

 23   Bosnie-Herzégovine, du moins dans la partie qui correspond à peu près à la

 24   Fédération d'aujourd'hui. Et à partir du moment où on a signé l'accord de

 25   Washington, progressivement, on a pu aller au-delà de cette zone, donc, je

 26   parle de cette période-là. Les convois n'ont jamais pu être acheminés

 27   uniquement là où il ne vivait qu'une seule partie parce qu'à ce moment-là,

 28   vous ne pouvez pas atteindre l'endroit, donc, si ce n'est pour d'autres

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  1   raisons, il fallait toujours avoir la coopération, coordination des deux

  2   parties qui étaient enchevêtrées, et donc, il n'a pas pu être question de

  3   missions unilatérales. Si je me rendais à Tuzla, je ne sais pas en fait de

  4   quel côté il convient de ranger Tuzla. C'est une localité, une ville au

  5   nord-est de Bosnie, c'est là qu'habitent les habitants de Tuzla, qu'en

  6   sais-je, je pense que c'est une ville à dominance bosnienne, mais il y a

  7   des Croates, des Serbes et autres. Deux fois je suis allé à Tuzla.

  8   Q.  Au cours de cette période, est-ce que vous avez eu des contacts avec M.

  9   Prlic - et je parle de la période qui va de 1991 à 1994 - en matière

 10   d'assistance humanitaire, assistance qu'il aurait demandée ? Et si vous

 11   avez eu ces contacts, d'abord, dites-nous quand ils ont eu lieu et puis

 12   donnez-nous quelques détails.

 13   R.  Il m'est difficile de dire exactement à quel moment j'ai fait la

 14   connaissance de M. Prlic, mais je le connais de l'époque -- de cette

 15   époque-là. Je pense -- je suis convaincu que nous nous sommes rencontrés

 16   quelque part lors de quelque chose qui s'est produit à Medjugorje. Je ne

 17   sais pas s'il peut confirmer. Peut-être est-ce à Split ou à Zagreb que nous

 18   nous sommes rencontrés. 

 19   Le premier travail un peu significatif que j'ai fait sur sa demande

 20   ou avec lui, c'était en hiver 1992. En fait, il y a beaucoup de demandes

 21   d'aide de Mostar et d'autres secteurs et qui venaient également de M. Prlic

 22   parce que la situation était très difficile, non seulement pour leurs

 23   personnes déplacées sur le plan local, mais la situation était très

 24   difficile sur le plan général. A une occasion, je lui ai proposé de partir

 25   avec moi en Autriche. J'allais le présenter à des gens que je connaissais,

 26   avec qui j'avais eu l'occasion de travailler, et je pensais qu'il allait

 27   pouvoir directement essayer d'organiser l'aide et le ravitaillement dans

 28   les secteurs qu'il avait à sa charge.

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  1   Je pense qu'il a été très étonné de me voir arriver le chercher à

  2   bord d'une camionnette. Peut-être qu'il ne s'en souvient plus. J'étais

  3   fonctionnaire, mais c'était à "books" en Suisse, de la part du "Rotary

  4   Club," que j'ai reçu ce véhicule en cadeau; c'était écrit dessus. Et ce qui

  5   l'a beaucoup surpris à l'époque, c'est que je n'avais pas de téléphone

  6   portable, je n'en avais pas. Et puis, on était tellement pressé qu'on est

  7   arrivé la veille à des réunions prévues. Donc on était très surpris que

  8   personne ne nous accueille. On est allé à Brac, mais le lendemain, on a pu

  9   établir tous les contacts, et je pense qu'à ce moment-là, il a pu établir

 10   les contacts assez valables et pour des secteurs -- des régions qui étaient

 11   importants pour lui, il a reçu un convoi, je pense, assez important, qui

 12   comptait 30 camions de vivres. Et je pense que ça les a aidés

 13   considérablement à passer l'hiver. Par la suite, ils ont continué de faire

 14   ce même travail sans que nous, on s'y mêle à l'avenir. Donc, tels ont été

 15   mes premiers contacts avec lui. Par la suite, il y en a eu relativement

 16   moins. Aussi, j'ai bien coopéré avec lui lorsqu'il était ministre des

 17   Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine basé à Sarajevo.

 18   Q.  Très bien. Le document suivant ce sera le document 1D 02608, 2608;

 19   date, le 29 octobre 1992. Vous le voyez, à la deuxième page, c'est le Pr

 20   Rebic, alors qu'à ce moment-là, vous travailliez pour le bureau ou

 21   l'office. Très rapidement, on voit l'objet : "Assistance financière unique

 22   à une série de réfugiés de Bosnie-Herzégovine." 

 23   Quand on dit : "Assistance financière unique ou une seule fois,"

 24   qu'est-ce que ça veut dire exactement ? Pourriez-vous nous le dire ?

 25   R.  Le bureau a reçu des moyens financiers qui ont été distribués en

 26   personne aux familles qui avaient pris en charge des réfugiés venus de

 27   Bosnie-Herzégovine. En fait, les réfugiés qui arrivaient de manière

 28   organisée avaient tous leurs frais couverts, donc, nous n'avions pas besoin

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  1   de les prendre à charge -- le bureau les prenait en charge.

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  Il y avait beaucoup de familles qui avaient reçu des réfugiés, mais

  4   avec le temps ces familles, à leur tour, avaient besoin d'aide -- d'aide

  5   financière parce que les frais de leurs foyers avaient augmenté

  6   considérablement, et au bout de quelque temps, ils avaient besoin d'aide,

  7   ils en avaient besoin de plus qu'on pouvait leur accorder, mais on leur a

  8   accordé une aide ponctuelle. Donc, Dr Rebic a donné cette aide à des

  9   bureaux régionaux; il s'agit de notre bureau, donc, l'aide financière à

 10   verser aux familles qui, d'après les registres, avaient reçu des réfugiés

 11   venus de Bosnie-Herzégovine.

 12   L'INTERPRÈTE : Correction - l'objet est assistance unique aux familles

 13   d'accueil de réfugiés.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation]

 15   Q.  Revenons, par exemple, à un document qui se trouve plus avant dans la

 16   liasse. C'est le document 1D 2609, qui se trouve juste après plus

 17   exactement. Ce sera le dernier point que nous aborderons aujourd'hui pour

 18   ce qui est du Haut-commissariat aux réfugiés. On parle ici de "montants

 19   d'argent quand on parle de familles d'accueil," c'est-à-dire que ce sont

 20   des familles là où des personnes déplacées, des réfugiés ont pu trouver un

 21   logement chez des amis ou des parents. Mais parfois, si ce ne fut pas le

 22   cas, ils ont pu trouver des familles, ils ont pu bénéficier d'une certaine

 23   assistance financière en raison de leur statut. Est-ce bien l'objet de ce

 24   texte ?

 25   R.  Ce document parle de ça.

 26   Q.  Très bien.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que nous n'avons plus de temps

 28   aujourd'hui.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : On n'a plus de temps. Quelques recommandations,

  2   Monsieur le Témoin. Comme vous avez déjà témoigné dans un précédent

  3   processus, vous savez que vous êtes maintenant le témoin de la justice, ce

  4   qui vous interdit d'avoir tout contact avec la Défense pendant donc toute

  5   cette semaine. Voilà ce que je voulais vous dire.

  6   Maître Karnavas, vous avez utilisé presque trois heures. Le Greffier nous

  7   dit deux heures 58 minutes. Voilà ce que je voulais vous dire.

  8   Donc, nous nous retrouverons demain pour l'audience qui débutera à 9

  9   heures.

 10   Oui, Maître Karnavas.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Je voulais simplement dire que, vu mes

 12   calculs, il me reste environ 30 minutes, peut-être moins, Monsieur le

 13   Président, pour qu'on agence le temps convenablement.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc, nous nous retrouverons demain à 9

 15   heures. Je vous remercie.

 16   --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 14 mai

 17   2008, à 9 heures 00.

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