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1 Le mercredi 14 mai 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
9 Messieurs les Juges. Bonjour à toutes et à tous. Affaire IT-04-74-T, le
10 Procureur contre Prlic et consorts. Merci.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce 14 mai 2008, je
12 salue M. Scott et son collègue. Je salue M. le Témoin, Mmes et MM. les
13 avocats, MM. les accusés ainsi que toutes les autres personnes qui nous
14 assistent.
15 L'interrogatoire principal va se poursuivre. Il semblerait qu'il vous
16 reste, Maître Karnavas, une heure d'après les décomptes faits par M. le
17 Greffier. Vous avez la parole.
18 LE TÉMOIN : DAMIR ZORIC [Reprise]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
21 Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes dans ce prétoire et
22 autour de celui-ci.
23 Interrogatoire principal par M. Karnavas : [Suite]
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
25 R. Bonjour.
26 Q. Fort bien. Hier, nous avons eu une assez longue discussion à propos
27 d'un décret et d'une décision. La décision, c'est la pièce 1D 02638. Nous
28 n'allons pas y revenir tout de suite mais c'est de celle-là qu'il s'agisse,
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1 et nous avons parlé de la question, à savoir qui était réfugié ou ce qui
2 était un réfugié. Hier, vous avez dit que c'est partant de cette décision-
3 ci et du décret précédent que les réfugiés, qu'ils soient croates,
4 musulmans ou autres recevaient protection en Croatie; est-ce exact ?
5 R. C'est exact.
6 Q. Des questions ont été posées par les Juges de la Chambre. Je me suis
7 dit, par conséquent, que ce serait peut-être illustratif d'examiner la
8 pièce 1D 01581. Je pense que vous l'avez sous les yeux; c'est un document
9 séparé qui n'est pas dans la liasse.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est déjà versé au
11 dossier. Je pense que ça a été versé au dossier lorsque Mme Krajsek est
12 venue déposer. C'était sur notre liste jusqu'à lundi mais nous avions un
13 peu élagué pour nous conformer à vos instructions et nous voulons essayer
14 de terminer en trois heures.
15 Q. Quoi qu'il en soit, si nous examinons ce document 1D 01581 du 6 avril
16 1994, je vais demander à tout le monde de se concentrer sur le tout premier
17 paragraphe. Deuxième phrase de ce paragraphe : "Nous appliquons les mêmes
18 principes que ce qu'eux que nous avons appliqué aux réfugiés en République
19 de Croatie dès que les conditions permettant le retour en particulier de la
20 sécurité sont en place quelque part le statut de réfugiés d'une personne de
21 cette région est abolie et le retour est ainsi rendu possible ainsi que le
22 retour des personnes qui avait décidé lui-même de rentrer." Et vous voyez,
23 entre parenthèses : "(Voir comme faire la liste sur le Statut des personnes
24 expulsées et réfugiés, article 9, paragraphes 1 et 2, journal officiel
25 numéro 96/93.")
26 Gardons ceci à l'esprit pour revenir à l'article 9 de la décision 1D 02638,
27 je parle de la loi à proprement parler. Vous voyez l'article 9 de cette
28 loi. Dites-nous, si vous le pouvez, si M. Rebic fait référence dans ce
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1 texte à cet article-ci, paragraphes 1 et 2.
2 Pendant que vous êtes en train d'examiner ceci, vous pouvez trouver cette
3 loi sur internet au journal officiel et ce texte que nous avons ici est
4 effectivement le document portant le numéro 96/93.
5 Est-ce de ce document que vous parliez, Monsieur le Témoin ?
6 R. Je pense que cette décision -- ce mémo du Dr Rebic confirme ce que j'ai
7 dit hier, à savoir que le décret et la loi s'appliquent d'une certaine
8 manière -- ou plutôt, de manière conforme aux réfugiés venus de Bosnie-
9 Herzégovine. Si je puis ajouter un point, quelque chose que nous n'avons
10 pas pu évoquer hier. En sa qualité de membre des Nations Unies, la Croatie
11 a appliqué la convention des Nations Unies sur les droits des réfugiés, la
12 convention de 1951. La Croatie, par son adhésion aux Nations Unies, a
13 accepté toutes les conventions des Nations Unies ainsi que le protocole
14 portant application et d'application de la convention. D'après ce que je
15 voie, ces documents n'ont jamais été présentés ici.
16 Donc, il s'agit non seulement d'une application adéquate des textes
17 internes mais aussi il s'agit de l'application du droit international sur
18 les réfugiés qui se trouvent en Croatie.
19 Q. Merci. Bien, vous avez déjà devancé mes intentions au niveau de ma
20 prochaine question. Mais je veux m'assurer que nous sommes tout à fait
21 clairs. Ce que M. Rebic ici indique cette loi sur le statut des personnes
22 expulsées et réfugiées, article 9, paragraphes 1 et 2, est-ce à cela qu'il
23 est fait référence dans la décision qui porte le numéro 1D 02638 ?
24 R. Oui, c'est cela.
25 Q. Fort bien.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Si les Juges de la Chambre le souhaitent,
27 j'ai le site internet du journal officiel on peut poser ce document sur le
28 rétroprojecteur si on veut que ce soit versé officiellement au dossier.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je voudrais vous poser une
2 question accessoire mais je profite de ce document pour
3 aborder cette question.
4 Dans le document 1D 1581, qui est donc signé par le Dr Rebic, à la page 2,
5 l'avant-dernier paragraphe dans la version anglaise, il est dit que
6 personne ne peut retourner parce que leurs maisons ont été détruites, et
7 cetera, et cetera. Alors, la dernière fois, vous n'étiez pas là le Dr Prlic
8 nous a fait une déclaration, et à un moment donné, il a dit ceci qui m'a
9 posé problème et j'attendais qu'il y ait un témoin pour vérifier cela.
10 Le Dr Prlic nous a indiqué qu'il y avait par rapport à la propriété des
11 appartements un droit social, c'est-à-dire j'ai cru comprendre que la
12 Yougoslavie, qui était au départ un pays à système communiste, il n'y avait
13 pas un droit de propriété. Les appartements étaient donnés par la puissance
14 publique aux individus qui occupaient un appartement et la propriété était
15 une propriété sociale, et j'ai cru comprendre, au travers des propos du Dr
16 Prlic qu'en Croatie dans la République de Croatie, il y avait un system un
17 peu différent où j'ai cru comprendre que les Croates avaient la propriété
18 de leurs appartements.
19 Alors, pouvez-vous m'éclairer sur le système qui prévalait avant
20 l'éclatement de l'ex-Yougoslavie ? Est-ce que vous, par exemple, étiez
21 propriétaire de votre appartement car il y avait un acte de vente ou un
22 acte de propriété authentifié par un auteur; ou bien, la propriété était
23 collective, vous aviez un appartement qui vous était donné par la
24 municipalité pour l'occuper, et puis la municipalité pouvait donner votre
25 appartement à quelqu'un d'autre, et puis au moment de l'éclatement de l'ex-
26 Yougoslavie, à ce moment-là, les Etats ont basculé dans un système
27 d'économie libérale avec un droit de propriété sur les appartements ?
28 Alors, pouvez-vous m'éclairer sur ce point très particulier de la propriété
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1 de son appartement qui peut concerner évidemment les personnes déplacées ou
2 réfugiées ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pour autant que je
4 comprenne cette question et dans la mesure où je connais les choses dans
5 l'ex-Yougoslavie, y compris en Croatie, il a existé ce qu'on appelle la
6 propriété sociale. Mais la propriété privée existait elle aussi, certes il
7 y avait des limitations à la taille, à l'étendue de la propriété privée. On
8 pouvait être propriétaire d'un appartement et également propriétaire d'une
9 maison, tel était mon cas, c'est-à-dire mes parents ils avaient leur propre
10 maison. Si l'appartement avait été mis à la disposition par la municipalité
11 et par une entreprise ou par une institution, alors, l'appartement faisait
12 partie de la société de la propriété sociale, comme on appelait, et
13 l'individu et la famille, qui se sont vus attribuer ces appartements,
14 pouvaient utiliser -- avaient le droit du fruit sur cet appartement et
15 étaient tenus de se servir de l'appartement conformément à un système de
16 conditions.
17 En revanche, s'il ne respectait pas ces conditions, à ce moment-là, les
18 instances du pouvoir ou ceux qui avaient initialement mis l'appartement à
19 la disposition, pouvaient ré attribuer le logement en question à quelqu'un
20 d'autre mais, pour autant que je le sache, la propriété sociale était
21 pratiquement traitée comme la propriété privée. C'est comme ça que les gens
22 l'entendaient.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, merci pour cette précision.
24 Maître Karnavas.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 Q. Bien. Examinons le document suivant 1D 02606, il compte plusieurs
27 documents. Examinons-le d'abord, examinez la version originale en croate.
28 Première question : est-ce que vous reconnaissez ce document ?
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1 R. Oui.
2 Q. Et pour qu'est-ce qu'il représente ?
3 R. C'est un tableau qui constitue un rapport ou une partie d'un rapport
4 portant sur la manière et l'endroit où le bureau des réfugiés commandait et
5 distribuait les poêles à combustible, poêles à chauffage. Il fallait
6 s'approvisionner en poêles, face à la venue de l'hiver.
7 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une date parce que je
8 ne suis pas parvenu à trouver une date ?
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai pas terminé. Je n'ai pas encore posé
10 les bases.
11 M. SCOTT : [interprétation] Merci.
12 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne veux pas ici lui rabattre le caquet,
13 mais nous sommes professionnels.
14 M. SCOTT : [interprétation] Lorsqu'on soumet un document à une partie en
15 général, on donne aussi la date.
16 M. KARNAVAS : [interprétation]
17 Q. Pour vous, qu'est-ce qu'il représente ce document, Monsieur le Témoin ?
18 R. Il m'est arrivé de recevoir ce type de rapports, donc, je le connais.
19 Q. Pour répondre à la question posée par M. le Procureur, est-ce que vous
20 savez quand il a été établi ce document ? Je ne veux pas vous guider dans
21 votre réponse mais vous verrez, à la fin des dates, donnant quelques
22 indices à propos de certains incidents dont il est fait état ici.
23 C'était la version européenne de donner les dates ici qui sème la
24 confusion.
25 R. Je crois que c'est ce que nous avons fait avant l'arrivée de l'hiver
26 1992 ou en hiver 1992.
27 Q. Bien. Prenons -- ah, en passant, si nous examinons un document, nous
28 voyons la date, 1992, c'est assez clair. Nous avons une liste - je pense
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1 que c'est à la quatrième page - on voit plusieurs hôtels qui sont
2 mentionnées. Pourriez-vous nous dire où se trouvent ces endroits ?
3 R. Il s'agit toujours des choses situées sur la côte. Il s'agit de Split,
4 Makarska, sauf un inter qui est dans les environs de Zagreb.
5 Q. Si vous passez à la page suivante --
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que je peux demander une
7 précision ? Merci. Pour être précis, je pense qu'il y a une erreur au
8 niveau de la traduction. En effet, au nom 9, pour Gortan, on dit 4 janvier
9 1992. C'est assez surprenant parce que tout le reste parle de l'hiver 1992,
10 1993, et si vous voyez la version croate, vous verrez qu'en fait, qu'il ne
11 faut pas lire 1992 mais 1993. C'est une petite erreur, alors que nous
12 voulons que tout soit précis, n'est-ce pas ?
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
14 Q. Page suivante, où on parle : "Adaptation des installations, Haut-
15 commissariat aux réfugiés;" est-ce que vous voyez ce passage ?
16 R. Je vois.
17 Q. Et vous voyez que toutes les dates concernent l'année 1992, n'est-ce
18 pas ? Au regard du numéro 8, on voit "Gasinci;" est-ce qu'il s'agit de
19 l'île de Gasinci ?
20 R. Non. Non, ce n'est pas une île Gasinci, c'est le centre de réfugiés
21 près de Djakovo.
22 Q. D'accord --
23 R. Nous voyons ici que le HCR a adapté l'ex-centre militaire pour le
24 stationnement des hauts officiers pour le transformer et en faire un centre
25 de Réfugiés.
26 Q. C'est à propos de cet endroit que Mme Azra Krajsek disait qu'il y avait
27 des canons qui étaient ou des armes qui étaient dirigées sur ce lieu ?
28 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, je fais objection face à ce genre
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1 de commentaire. Le témoin ne le sait pas et ne sait que ce que Me Karnavas
2 lui dit, donc, il n'a pas d'information sur ce qui s'est passé ou ce qui ne
3 s'est pas passé. Et j'insiste, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
4 c'est la raison pour laquelle je ne cesse d'intervenir à propos de
5 commentaires, d'argumentations, de qualifications fournies par l'avocat de
6 la Défense. Ce n'est pas ce qui se fait dans le système de "common law". On
7 pose une question, parce qu'ici, nous sommes à l'interrogatoire principal,
8 on ne peut pas poser de question directrice. On pose une question qui est
9 générale, qui ne l'a pas suggéré une réponse. C'est cela que nous avons
10 besoin de rien plus.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais retirer la question. Nous verrons ce
12 document la semaine prochaine avec le témoin suivant; en effet, il y a des
13 documents qui se trouvaient dans la liasse que nous avons prévue, que nous
14 avions présentée ou préparée à l'attention de ce témoin nous allons voir
15 des griefs de Krajsek et de Turkovic, qui disait qu'il y avait des armes
16 qui étaient dirigées sur ces installations.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas un peu
18 étrange comme argumentaire ? Vous justifiez votre intervention par ce que
19 vous allez faire la semaine prochaine, alors que vous parlez à ce témoin,
20 et vous lui demandez de faire un commentaire sur ce qu'a dit un autre
21 témoin. A mon avis, il n'était pas là lorsque cet autre témoin a déposé, je
22 ne sais pas s'il en a vu le compte rendu. Je pense que l'objection était
23 valable.
24 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi de répondre.
25 Je ne faisais pas valoir de conclusion juridique ici, je réagissais
26 simplement à ce que disait l'Accusation.
27 Deuxièmement, nous avons discuté de cet incident hier. Hier, j'ai renvoyé
28 le témoin à certaines parties de la déposition de ce témoin. Il avait
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1 indiqué hier que dans ce camp qui avait un centre du Haut-commissariat;
2 jamais quand il n'y est allé, il était là, il occupait ses fonctions
3 jusqu'en 1993, que jamais il n'a vu d'arme qui était dirigée sur le
4 bâtiment. C'est ce que je dis.
5 Alors, ici, nous parlons de 1992 parce qu'on dit que ce sont deux camps qui
6 ont fait l'objet de protestation alors qu'il en avait près de 600 : qui
7 sont ces réfugiés, d'où ils viennent, qui sont-ils ce jour-là ? C'est ça
8 que je fais valoir.
9 M. SCOTT : [interprétation] Une fois de plus, malheureusement, le problème
10 perdure. Maintenant, Me Karnavas témoigne, il dit : il n'y a eu que deux
11 griefs sur 600 camps. Nous ne savons pas. Il n'y a pas de preuve.
12 M. KARNAVAS : [interprétation] Hier, on a dit qu'il y en avait 596.
13 M. SCOTT : [interprétation] Le témoin n'était même pas là entre mars 1993
14 et fin 1995, alors, à ma connaissance -- à sa connaissance, il ne s'est
15 jamais rien passé en Croatie. Puisque j'y n'étais pas. Pour ce qui est de
16 ce que je sais. Et le témoin ne sait rien de tout cela.
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Je passerais à autre chose.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, une intervention de ma part sur
19 cette question. Le problème que vous posez est le suivant : il y a pour des
20 réfugiés un lieu qui va accueillir des réfugiés. Ce lieu apparemment
21 recevait avant des officiers supérieurs, donc, c'était un lieu à
22 connotation militaire. Partant de là, peut-être -- peut-être qu'il y avait
23 dans ce lieu des armes, des canons. Je ne sais quoi. Et partant de là, vous
24 essayez d'éclaircir ce qu'a pu dire un autre témoin. Alors, il y a deux
25 systèmes en cause. Dans mon pays, par exemple, un avocat pourrait dire au
26 témoin présent : Monsieur le Témoin, un autre témoin a dit que, dans ce
27 lieu, il y avait des armes dirigées vers le camp de réfugiés. Vous êtes
28 d'accord, vous contestez, et cetera, et ça serait possible de poser cette
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1 question.
2 Dans le système "common law", M. Scott nous dit : non, on ne doit pas
3 le faire. Je lui en donne acte. Mais dans le système de ce Tribunal qui est
4 un système mixte, parfois il y a les deux systèmes qui peuvent à ce moment-
5 là se télescoper, d'où incident de procédure. Voilà ce que je voulais dire
6 mais comme vous passez maintenant à un autre sujet, je vous redonne la
7 parole.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, mais je
9 ne suis pas d'accord avec ce que dit M. Scott, lorsqu'il a insinué que je
10 ne mène pas bien cet interrogatoire principal. Enfin, moi, je ne sais pas
11 ce qu'il en est pour lui mais chez moi, on peut parfaitement dire à un
12 témoin ce qu'a dit à un autre témoin pour autant que la base ait été
13 établie, s'il y a une connaissance factuelle qui permet au témoin de
14 répondre à la question que je pose.
15 Q. Vous avez été à Gasinci, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, je suis allé souvent à Gasinci.
17 Q. Regardons la date, on voit ici 2 décembre 92. Alors, dites-moi : est-ce
18 qu'à ce moment-là, il y avait des personnes déplacées, des réfugiés qui
19 séjournaient à cet endroit ?
20 M. SCOTT : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir la date de la visite du
21 témoin parce qu'il a parlé des visites en 1991, 1992 -- non, non, c'est
22 très sérieux, il faut avoir une date. Il faut savoir parce que ce qui s'est
23 passé en 1991 peut être sans le moindre intérêt par rapport à ce qui s'est
24 passé en 1993.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous l'avons déjà dit. Le témoin a exercé
26 ses fonctions lorsqu'il se rendait à tel ou tel endroit. La date de cette
27 visite n'a aucun intérêt. Ce qui est important c'est que : est-ce qu'il
28 savait s'il y avait telle ou telle personne installée lorsqu'il y a
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1 effectué cette visite ? C'est la base, alors, je ne vois pas pourquoi
2 l'Accusation s'énerve. Franchement, je ne vois pas.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense qu'ici, vous avez raison et
4 moi, je rejetterai l'objection.
5 M. KARNAVAS : [interprétation]
6 Q. Alors, regarde vos fonctions, est-ce que vous savez s'il y avait
7 quelqu'un qui se trouvait dans ces lieux à ce moment-là ?
8 L'INTERPRÈTE : M. Scott, apparemment, hors micro : à quel moment.
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Mais regardez, je sais que c'est une date à
10 l'européenne, on voit 2.12.92, et vous avez vos lunettes quand même, vous
11 devez le voir.
12 M. SCOTT : [interprétation] Je m'oppose à ce genre de commentaire
13 personnel, c'est vraiment hors de proto. C'est une attaque et je pense que
14 la Chambre ne saurait l'autoriser. Il faudrait avertir -- admonester Me
15 Karnavas.
16 Oui, bien sûr que je peux lire la date; excusez-moi, Monsieur le Président,
17 je voudrais que ceci soit inscrit au compte rendu. Si M. l'avocat dit qu'il
18 fait référence qu'à cette date-ci, 2 décembre 1992, et ici, on ne parle de
19 rien d'autre parce que ce n'est pas toujours clair, à ce moment-là, pas de
20 problème.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ici, c'était limpide parce que
22 Me Karnavas a commencé sa question en faisant état de cette question.
23 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, je ne suis pas parfait. Ce n'est
24 pas comme ça que j'avais compris.
25 M. KARNAVAS : [interprétation]
26 Q. A votre avis, est-ce qu'il y avait quelqu'un qui se trouvait dans ces
27 lieux à cette date ? Et s'il y avait quelqu'un, qui était ces personnes ?
28 R. Il y avait à la fois des personnes déplacées, des réfugiés à ce moment-
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1 là.
2 Q. Combien de fois êtes-vous allé en visite vers cette période-là en ces
3 lieux ?
4 R. A l'époque, je suis allé peut-être trois ou quatre fois. Je suis allé
5 pour voir comment on était en train de mettre en service l'installation, ce
6 qui se produisait. Ça faisait partie de mon travail, de faire le tour de
7 ces endroits et de voir comment il fonctionnait. Encore une fois, il n'y
8 avait pas d'armement là-bas. Il n'y en avait pas du tout. Certes, ce site
9 avait été utilisé par l'ex-armée, mais cela ne signifiait pas qu'ils aient
10 laissé des armes sur place quand ils se sont retirés. Cette armée n'a
11 jamais laissé d'armes derrière elle, du moins c'est quelque chose qu'on
12 sait.
13 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, on risque
14 de recevoir la critique de la Chambre, je reviens sur ce qu'il dit, il dit
15 qu'il est allé trois ou quatre fois, mais quand, de quelle période parlons-
16 nous ? Décembre 1992, c'est à ce moment-là, ou est-ce que c'est sur une
17 période de trois ans ? Car je suis désolé mais je dois demander des dates.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous êtes interrogé sur ce qui
19 s'est passé il y a 15 ans; moi-même, j'aurais des difficultés de dire tel
20 mois j'étais là. Bon, mais vous avez peut-être une mémoire supérieure à la
21 mienne. Pouvez-vous, si vous en êtes capable, dire à quelle date vous avez
22 fait cette visite ou vous ne pouvez rien dire, parce que je comprendrais
23 parfaitement ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me serait très difficile de dire quelles
25 sont les dates où je me suis rendu. Mais il est certain que j'y suis allé
26 quand il y avait des choses importantes qui se produisaient. Des groupes
27 importants arrivaient, nous faisions des interventions importantes ou des
28 délégations du HCR se rendaient sur place, à ce moment-là, j'y allais, moi
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1 aussi. Je pense qu'en tout c'était trois, quatre, voire cinq fois en 1992
2 que je me sois rendu à Gasinci. Les dates exactes, je ne pourrai pas les
3 retrouver sur-le-champ.
4 M. KARNAVAS : [interprétation]
5 Q. Une dernière question à propos de ce document : tout en haut, on voit :
6 "Transformation des installations au HCR des Nations Unies." Ces chiffres,
7 que représentent-ils exactement ? Qu'est-ce que ça veut dire ? On pourrait
8 peut-être regarder la page suivante pour le dire.
9 R. Ces chiffres montrent les dates de signatures de contrats et montrent
10 aussi les montants des sommes dépensées en application de ces contrats-là,
11 combien de moyens il reste et quels sont les délais d'achèvement ou de
12 finalisation des travaux d'adaptation. Le financier de ce projet se
13 trouvait être le HCR.
14 Q. Très bien. Hier, nous avons vu un document qui porte la cote 1D 2609,
15 et il s'agissait d'un accord, d'une lettre visant un accord mutuel. Nous
16 avons vu que le bureau du ODPR, bureau de l'office des personnes déplacées
17 et des réfugiés, c'est un rapport d'état financier, des contributions
18 reçues. Donc, oui, effectivement, cette lettre est quelque peu différente,
19 mais j'aimerais vous demander les fonds qui ont été reçus par le HCR des
20 Nations Unies. Dites-moi si votre bureau ait été -- avait la responsabilité
21 de dire de quelle façon cet argent a été déplacé et où, de rendre des
22 comptes quant à la dépense de cet argent ?
23 R. Oui, le bureau assumait des responsabilités à cet égard et pour ce qui
24 est de savoir comment et où l'argent allait être dépensé, ce sont des
25 instances conjointes qui en décidaient. Le bureau avait un département
26 chargé de la coopération internationale qui coopérait avec le HCR, qui
27 avait à son tour des personnes chargées de tout ceci et nous présentions
28 des rapports concernant ce qui avait été fait, ce qui avait été dépensé.
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1 Q. Fort bien. Prenons maintenant le document 1D 01294, c'est le document
2 qui suit. Ce document fait référence au Dr Bisara Turkovic, qui est nommée
3 ambassadeur de la République de Bosnie-Herzégovine pour la République de
4 Croatie. Dites-nous si vous connaissez cette personne, qui est une femme,
5 en fait ?
6 R. Je l'ai rencontrée à plusieurs reprises à l'occasion de réceptions
7 variées.
8 Q. Très bien. Est-ce que vous avez eu des contacts officiels avec elle
9 alors qu'elle était ambassadeur - et maintenant je parle pour donner le
10 cadre temporel - donc, à partir du moment -- jusqu'au moment -- enfin,
11 pendant que vous étiez employé au sein du bureau du ODPR, c'est-à-dire en
12 1993 ?
13 R. Non, j'ai eu très peu de contact avec l'ambassadrice.
14 Q. Très bien.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi vous avez eu très peu de contact ? Je vois
16 qu'elle est nommée en janvier 1993. Bon, je sais que vous étiez en poste
17 jusqu'au mois de mars, donc, il y avait au moins tout le mois de février.
18 S'il y avait à cette époque des réfugiés en provenance de Bosnie-
19 Herzégovine, ne devait-elle pas prendre les contacts nécessaires pour
20 régler les problèmes ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que cela devait être le cas -- ou
22 plutôt, ça faisait partie de son mandat que de prendre soin de ses
23 citoyens. On s'adressait à moi fort peu. J'ai rencontré cette dame une fois
24 ou deux fois. Nous avons eu des échanges décents, nous avons procédé à des
25 échanges de propos courtois, quelques informations, mais sans plus.
26 M. KARNAVAS : [interprétation]
27 Q. Pour donner suite à quelque chose que vous avez dit hier, le Dr Rebic
28 était votre supérieur, n'est-ce pas ?
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1 R. C'est exact.
2 Q. Eu égard à la position qu'il occupait, pourriez-vous nous dire s'il
3 aurait été peut-être plus normal qu'elle-même ou son représentant le
4 contact lui étant donné que vous étiez le numéro deux, si vous voulez, et
5 que vous vous occupiez des affaires quotidiennes ?
6 R. Lui, il représentait le bureau et il est tout à fait naturel que les
7 représentants des autres Etats viennent à le contacter en premier lieu.
8 Mais qu'on lui ait montré quoi que ce soit concernant ce qu'il convient de
9 faire, je l'aurais su parce qu'il m'aurait transmis le devoir à réaliser.
10 Q. Fort bien. Dites-nous : où était situé votre bureau par rapport au
11 bureau du Dr Rebic ?
12 R. Nous étions dans le même bâtiment, lui était au premier étage, moi,
13 j'étais au rez-de-chaussée.
14 Q. Fort bien. Fort bien. Merci.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je souhaiterais que l'on prenne le document
16 1D 06207 [comme interprété]. Je répète 1D 02607, un document qui porte la
17 date du 3 février 1993.
18 Q. Et j'aimerais avoir une précision ici. On dit : "Une assistance, une
19 aide financière donnée une fois pour les réfugiés de la BiH pour
20 s'organiser." Pourriez-vous nous donner un commentaire rapide pour me dire
21 ce que ceci veut dire exactement ? Je sais que vous en avez parlé hier mais
22 nous avions parlé de la loi à savoir si des réfugiés effectivement
23 s'occupaient ou si le gouvernement croate s'occupait des réfugiés, des
24 réfugiés musulmans, et cetera, pourriez-vous nous dire ce que ce document
25 veut dire exactement ?
26 R. Il s'agit d'instruction à l'intention de bureaux locaux et régionaux,
27 centres chargés des activités sociales et qui s'occupaient de réfugiés
28 notamment pour ce qui est de savoir comment distribuer l'aide financière
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1 destinée aux réfugiés originaires de la Bosnie-Herzégovine, et ce,
2 notamment les réfugiés qui vivaient de façon autonome, qui étaient
3 installés non pas dans des centres d'accueil mais qui étaient quand même
4 recensés en Croatie comme était des réfugiés. Pour ce qui est de ceux qui
5 étaient donc recensés et vivaient dans des centres d'accueil collectifs,
6 les frais étaient pris en charge par nous-mêmes. Pour ceux des réfugiés qui
7 vivaient de façon autonome, les frais étaient pris en charge ça et là au
8 travers d'aide pécuniaire allouée de temps en temps et ceci et destinée aux
9 réfugiés originaires de Bosnie-Herzégovine.
10 Q. Très bien. Maintenant, prenons le paragraphe numéro 4 dans votre
11 déposition d'hier. Vous avez parlé des centres et des bureaux régionaux et
12 de la façon dont on faisait des rapports, dont on gardait les gens au
13 courant de ce qui se passait et des données du recensement; pourriez-vous
14 me dire ce que ceci veut dire ?
15 R. Ce passage parle de la façon dont les renseignements devaient revenir
16 vers l'administration depuis le terrain. Le
17 Dr Kurent était chargé du département international de ce bureau et c'est
18 elle qui coopérait de façon étroite avec le HCR. D'une certaine façon,
19 c'était elle qui était notre "house" ministre, le ministre à domicile.
20 Q. Très bien. Donc, les données provenaient des centres et étaient
21 envoyées aux bureaux régionaux, et par la suite, ils étaient envoyés ou
22 transmis au bureau chef; est-ce que j'ai raison de dire cela ? Est-ce que
23 c'est exact ?
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Très bien.
26 Alors, prenons le document suivante 1D 02283, qui porte la date du 25
27 février 1993.
28 Nous pouvons voir ici qu'il s'agit d'un protocole sur la coopération entre
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1 le gouvernement de la République de Croatie et le gouvernement de la
2 République de Bosnie-Herzégovine aux fins d'établir des centres de
3 Logistique dans la République de Croatie pour la réception et la
4 distribution d'aide humanitaire envoyée à la République de Bosnie-
5 Herzégovine.
6 Voici maintenant ma première question : j'aimerais savoir si vous étiez au
7 courant de ce protocole.
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française corrige au sujet de
9 "house minister," c'est "House Minister," ministre des Affaires étrangères.
10 R. J'étais au courant de son existence.
11 Q. Fort bien. Et maintenant, pour revenir à la page -- enfin, page 2, nous
12 pouvons voir que le Dr Mate Granic c'est la personne qui a fait en sorte
13 qu'au début, vous étiez impliqué -- en fait, vous travaillez avec lui ou
14 pour lui ?
15 R. [imperceptible]
16 Q. Très bien. Maintenant, est-ce que -- d'une quelque façon que ce soit,
17 est-ce que vous avez pris part à la mise en place de ce protocole ? On
18 parle du 25 février, et vous n'étiez pas -- cela ne faisait pas très
19 longtemps que vous étiez là, vous êtes en train de quitter le bureau du
20 ODPR pour prendre votre place au parlement.
21 R. A l'époque, peu d'organisations souhaitant aider la Bosnie-Herzégovine
22 se déplaçaient directement vers la Bosnie-Herzégovine. Nous avions -- il
23 était plus facile pour nous d'amener -- d'acheminer cette aide jusqu'à la
24 Croatie, et ensuite, en coopération avec les organisations croates ou -- et
25 Bosno-Herzégoviennes ou gouvernement respectif, on transportait
26 l'assistance vers la Bosnie-Herzégovine.
27 Parce qu'à l'époque, la guerre faisait rage en Bosnie-Herzégovine et bon
28 nombre de compagnies de transport ne voulaient pas y aller, exception faite
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1 des militaires, à savoir de la FORPRONU, mais les compagnies civiles très
2 rarement voulaient y aller ou alors dans des régions très limitées
3 seulement. Donc, c'est pourquoi Sarajevo avait tant de besoin ce qui fait
4 que Sarajevo avait besoin d'avoir des centres logistiques en Croatie qui
5 étaient si essentiellement à Split et à Zagreb. Notre mission d'après les
6 instructions du gouvernement consistait à les aider, à trouver des
7 entrepôts et ces entrepôts là. On leur a -- on les a fournis à Zagreb du
8 moins. J'ai pris part moi-même pour ce qui est de la foire de Zagreb. Il y
9 a des halls énormes que nous avons transformés en entrepôts pour leur --
10 les confier et c'est de là, de façon autonome et libre, qu'ils avaient
11 organisé la distribution de produits là où ils avaient estimé ou jugé
12 nécessaire que cela se fasse.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Pourrait-on maintenant prendre le document
14 qui suit, 1D 027 --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une question de suivi.
16 Monsieur le Témoin, là, vous venez de dire quelque chose qui me paraît
17 avoir beaucoup d'importance. A partir d'un document, vos coopérations entre
18 la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, il apparaît que des centres ont été
19 mis en place pour recevoir des réfugiés en provenance de la Bosnie-
20 Herzégovine. Partant de là, pourquoi ce système -- il semblerait que c'est
21 lié à l'action des Serbes qui a pu amener des déplacements de personnes ce
22 qui tomberait à dire au moins pendant une certaine période, il y avait un
23 accord entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine pour que la Croatie
24 reçoive chez elle des réfugiés et que c'est en bonne intelligence que le
25 système fonctionnait.
26 Est-ce que j'ai tort en tirant cette conclusion provisoire ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, si vous parlez de ce
28 protocole-ci, celui-ci se rapporte à la logistique et nous avons eu
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1 d'autres protocoles de signés concernant l'accueil et concernant le retour
2 des réfugiés vers la Bosnie-Herzégovine, c'était des protocoles signés
3 entre les deux Etats. Ce protocole-ci se rapporte à la mise en place de
4 centres logistiques en Croatie mais centres qui seraient sous contrôle et
5 administration de représentants du gouvernement de Sarajevo.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, si je comprends bien, il y avait un accord
7 pour que le gouvernement de Sarajevo contrôle la mise en place de ces
8 centres.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et, alors, cette coopération, à votre
11 connaissance, a duré jusqu'à quand ? Jusqu'à quand il y a eu une entente
12 entre les deux pays pour que ça fonctionne le mieux possible ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Toute la durée de la guerre cet accord a été
14 mis en œuvre. Et ces centres aidaient également au retour des gens. Sur un
15 plan opérationnel, je crois que c'est intervenu jusqu'en 1997.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- pendant toute la durée de la guerre. Alors, moi,
17 je ne sais pu quelle guerre parce que des guerres il y en a eu de
18 nombreuses. Alors, pouvez-vous être précis ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux être plus précis, Monsieur le Juge. Du
20 point de vue humanitaire, cette guerre n'a été qu'une seule guerre. Pour ce
21 qui est de l'autre signification, on pourrait répartir cela sur plusieurs
22 volets. La mise en place de ces centres logistiques va et court jusqu'à la
23 fin des opérations de combat en 1995. C'est de cette guerre-là que je
24 parle.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour essayer de bien comprendre, est-ce à
26 dire que, pendant une offensive de la BiH dans la vallée de Lasva, par
27 exemple, en Bosnie centrale, alors qu'il y avait donc des combats qui se
28 déroulaient, cet accord entre la République de la Bosnie-Herzégovine et la
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1 Croatie fonctionnait parfaitement ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Ça fait partie du
3 paradoxe que nous avons connu, et c'était le côté amer de la pilule. Les
4 gens ne faisaient des reproches parce que nous avions parfois des
5 situations où les militaires passaient leurs vacances avec leurs familles
6 respectives qui étaient réfugiées et à voir et écouter les informations, il
7 y avait une partie qui fêtait, qui célébrait, et l'autre qui était en
8 larmes ou en deuil. Et c'était là une chose -- ou un temps -- des temps
9 très durs, très durs.
10 M. KARNAVAS : [interprétation]
11 Q. Très bien. Alors, pour enchérir, vous parlez de "soldats." D'où
12 venaient ces soldats ? Où allaient-ils ? D'où provenaient-ils ? Je ne veux
13 pas vous poser de question directrice; dites-le-nous simplement, s'il vous
14 plaît. Donnez-nous un exemple pour illustrer cela, je vous prie.
15 R. Comme vous le savez, les soldats pouvaient avoir un week-end, une
16 permission, des vacances, et prenez-le, comme vous voulez, mais ils
17 venaient de la Bosnie centrale, essentiellement vers la Dalmatie, et s'ils
18 passaient ce week-end de congés, ils le passaient avec leurs familles qui
19 étaient probablement là au titre de réfugiés.
20 Pendant lequel il était difficile de traverser les lignes du côté des
21 positions des forces serbes, c'était plutôt rigide. Mais les lignes croates
22 et bosniennes étaient comme ci comme ça, c'était rigide des fois et c'était
23 plutôt souple. Il y avait des voies de passage ou lignes ou pas, mais on
24 pouvait quand même passer. Et je passais de la sorte avec mes convois, cela
25 fait que les soldats pouvaient quand même arriver. Et il y a eu des
26 situations où véritablement et des rapports ont été faits à ce sujet, il y
27 eu des situations émotionnelles lourdes d'affectifs parce que dans un même
28 petit village ou une [imperceptible] localité; on avait souvent les uns et
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1 les autres. Toutes les obligations qui étaient celles du gouvernement et
2 qui étaient les nôtres, nous les avons réalisées, le protocole a été mis en
3 œuvre. Tous les centres logistiques étaient en état de fonctionnement, les
4 approvisionnements de la Bosnie-Herzégovine passaient par la Croatie, et ça
5 se passait pratiquement en passant par ou en empruntant un pont -- un seul
6 pont --
7 Q. En fait, je vous arrête ici. Je vous ai posé une question très concrète
8 et pourriez-vous, je vous prie, nous donner une réponse concrète aussi ?
9 La question est la suivante : vous avez parlé de "soldats." Et j'aimerais
10 savoir si vous parlez de soldats musulmans qui tuaient les Croates en
11 Bosnie-Herzégovine pendant les jours de la semaine et ensuite les week-ends
12 et allaient rendre visite à leurs familles, par exemple, à Makarska pendant
13 le week-end. Est-ce que vous parlez de cela ? Est-ce que vous voulez dire
14 que c'est un exemple ?
15 R. Je ne sais pas si ceux qui avaient tué d'autres personnes venaient
16 aussi - ils ne venaient sûrement pas en uniforme - mais c'était sûrement
17 des soldats. Les militaires - parce qu'une fois revenus de permission ils
18 reprenaient leurs fonctions - mais ils passaient en tant que citoyens,
19 parce que la Croatie n'avait pas de régime de visa avec la Bosnie-
20 Herzégovine, et en sa qualité de terre d'asile en application des
21 conventions internationales, elle ne pouvait pas l'avoir non plus.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- détail qui peut avoir une importance, ces soldats
23 qui venaient rendre visite sur le sol croate aux membres de leur famille,
24 ils venaient en costume cravate, ou en jeans, ou bien, ils venaient avec
25 leur tenue de camouflage, leur tenue militaire ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, ils ne pouvaient pas
27 venir en uniformes. Ils pouvaient venir en vêtements civils; cependant, il
28 s'agit de gens originaires de petites localités où tout le monde se
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1 connaît. Et les gens du cru les reconnaissent parce que la Bosnie centrale
2 c'est une petite région. Les gens se connaissent et il n'était pas du tout
3 difficile de reconnaître les gens qui venaient de la même localité.
4 Mis à part ce fait, ces centres logistiques avaient en permanence des
5 missions de représentation ou des personnalités officielles qui
6 accueillaient ces convois de Bosnie-Herzégovine et il y avait également des
7 militaires parmi eux.
8 M. KARNAVAS : [interprétation]
9 Q. Il y a une autre question sur le sujet. Lorsque nous parlons de
10 soldats, nous parlons des soldats de quelle armée ?
11 R. Ça pouvait être les soldats de l'armée de la Bosnie-Herzégovine ou
12 alors des soldats du Conseil croate de la Défense.
13 Q. En d'autres mots, un soldat de l'armée de l'ABiH pouvait enlever son
14 uniforme et traverser la frontière, passer un week-end agréable, rendre une
15 visite à sa famille, retourner en Bosnie; est-ce que c'est bien de cela que
16 l'on parle, en Bosnie centrale ?
17 R. Certains pouvaient le faire -- pas tous, mais certains, oui.
18 Q. Très bien. Prenons, maintenant, le document 1D 02778. Je répète, 1D
19 02778. Au bas de la page, nous voyons que ce document émanant du bureau du
20 ODPR, du mois de février 1993, à Zagreb. Monsieur, reconnaissez-vous ce
21 document ?
22 R. [aucune interprétation]
23 Q. Et que représente ce document, sans entrer dans les
24 détails ?
25 R. Il s'agit d'une feuille détachée d'un appel, d'une information
26 distribuée à l'intention de toute personne désireuse d'apporter de l'aide.
27 Q. Très bien. Je souhaiterais maintenant appeler l'attention des parties
28 et des Juges de la Chambre sur le paragraphe 2, eu égard à la discussion
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1 que nous avons eu hier et aujourd'hui concernant l'aide donnée aux réfugiés
2 de Bosnie-Herzégovine. On peut le lire ici : "Donc, maintenant, en février,
3 il y a environ 400 000 réfugiés de Bosnie-Herzégovine enregistrés en
4 Croatie, et 250 000 personnes déplacées. Personnes provenant des zones
5 occupées, ravagées par la guerre en Croatie, c'est-à-dire que la Croatie
6 est responsable de l'accueil de plus de 650 000 personnes qui ont été
7 accueillies dans les hôtels, dans les maisons privées, dans les écoles, les
8 maisonnettes et même dans les wagons des trains."
9 Maintenant, je vous pose la question : est-ce qu'il s'agit bien d'une
10 déclaration précise ?
11 R. Cette déclaration est tout à fait exacte.
12 Q. Quel était le but de ce dépliant ? Nous avons vu, bien sûr, que l'aide
13 -- qu'on a demandé aux personnes de fournir l'aide, n'est-ce pas ?
14 R. On a demandé aux gens de faire des donations, de venir en aide à
15 d'autres, et on cherchait à développer la conscience chez les gens sur la
16 nécessité d'aider autrui parce qu'autrement, nous ne pourrions jamais
17 assumer ou porter tout ce fardeau. Il fallait, pour cette raison-là,
18 informer constamment le public et encourager chez les gens la conscience à
19 inciter les gens à avoir conscience de la nécessité d'aider les réfugiés --
20 ou plutôt, de nous aider nous-mêmes à survivre ensemble ces temps durs.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, le chiffre de
22 650 000 personnes est un chiffre énorme, et on voit que ces personnes ont
23 été réparties dans plusieurs endroits : hôtels, écoles, et cetera, et
24 notamment résidences privées, maisons. A votre connaissance, avez-vous eu
25 vent du fait que des Croates auraient reçu à leur propre domicile dans leur
26 propre maison des Musulmans qu'ils auraient hébergés pendant ces temps dits
27 de guerre ? Est-ce que vous avez quelques exemples à nous donner ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, il y a beaucoup
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1 d'exemples de ce genre. Dans les villes et dans les villages, les gens
2 accueillaient des réfugiés chez eux, plus de la moitié de ces réfugiés
3 n'étaient pas accueillis dans des bâtiments organisés à cette fin mais ils
4 ont été accueillis chez des gens, chez des particuliers. Ces particuliers
5 les ayant reçus sans avoir l'obligation de le faire. Les gens les ont reçus
6 parce qu'ils avaient envie de les recevoir. D'abord, il y a les membres de
7 la famille, les amis recevaient leurs amis. Mais bon nombre de personnes,
8 bon nombre dis-je était disposé à accueillir ces gens qui étaient tout
9 simplement arrivés et qui étaient dans le besoin. Ce type d'exemple, il y
10 en a eu vraiment beaucoup.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur le plan financier, si une famille croate
12 recevait, par exemple, des réfugiés musulmans, qui étaient totalement
13 démunis, qui n'avaient pas d'argent, rien, ils étaient arrivés avec leurs
14 simples valises sur les lieux; est-ce que cette famille croate pouvait
15 recevoir une aide financière de la part de la municipalité voire du
16 gouvernement pour contribuer à nourrir ces réfugiés musulmans ? Est-ce
17 qu'il y avait un système de protection sociale de mise à disposition de
18 moyens financiers pour faire face à ce type de situation ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces familles pouvaient recevoir de l'aide s'il
20 y avait des moyens disponibles. Cette aide n'était pas attribuée à titre
21 régulier, donc, ce n'était pas des versements réguliers ou permanents mais
22 c'était à titre ponctuel qu'on pouvait recevoir ce type d'assistance. Le
23 système qui a relativement bien fonctionné est celui de la distribution
24 d'aide humanitaire à ces familles. Pour l'essentiel, c'étaient des vivres
25 et des produits de première nécessité pour des foyers.
26 Il y avait des organisations humanitaires qui faisaient cela, Caritas,
27 Merhamet, la Croix-Rouge, et d'autres organisations de moindre taille. À
28 l'intention de ces familles qui avaient reçu des réfugiés sur leur toit,
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1 ils leur distribuaient de l'aide. C'était l'aide financière qui était la
2 moins fréquente ou la moins importante, évidemment avec le temps, ça
3 constituait un fardeau pour ces familles d'accueil. Parce que vous savez
4 que l'image enfin le tableau social en Croatie n'était pas rose à ce
5 moment-là. Évidemment, il faut assumer les frais fixes, les frais de
6 logement. Donc, occasionnellement, le gouvernement agit. Nous avons vu des
7 exemples ici donc le bureau se voyait octroyer des moyens pour les
8 distribuer dans ces familles d'accueil. Et parfois, il nous est arrivé de
9 recevoir des aides financières, de la part du HCR, que nous avons
10 distribuées à ces familles; cependant, ce n'était pas une aide permanente
11 qui aurait été versée tous les mois, c'était ponctuel.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Par contraste, si on voit ce que vous avez dit hier, si quelqu'un
15 allait mettons en Allemagne, comme vous l'avez dit, là, cette personne
16 pouvait recevoir jusqu'à 1 000 marks par mois; est-ce exact ?
17 R. Oui, sauf que l'Allemagne est un pays bien riche et il est toujours
18 bien riche que la Croatie. Il y avait des états au sein de l'Allemagne où
19 des réfugiés ont effectivement reçu ce montant d'aide.
20 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi d'apporter une
21 correction. Je pense que le témoin a dit jusqu'à 1 000 marks. Ça ne veut
22 pas dire que tout le monde recevait automatiquement 1 000 marks. Vous
23 avais-je bien compris, Monsieur le Témoin ?
24 M. KARNAVAS : [interprétation]
25 Q. Oui, vous faites un signe affirmatif de le dire.
26 R. Oui.
27 Q. Document suivant, 1D 02626. 2626. Il porte la date du
28 12 juin 1998. -- témoin à poser une question liminaire : est-ce que vous
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1 reconnaissez ce document ?
2 R. Oui.
3 Q. Avez-vous eu l'occasion de l'examiner ?
4 R. Oui. Il m'est arrivé de rédiger ce type de rapport.
5 Q. Parfait. On y trouve certaines données, en tout cas, en ce qui concerne
6 la période où vous avez trouvée dans cette officie, et nous savons que vous
7 l'avez réintégré en 1995; alors, d'où venaient ces données ?
8 R. Nous avons ici un aperçu résumé qui nous montre l'évolution de la
9 situation sur plusieurs années. Les sources des informations sont
10 différentes, sources propres du bureau des Réfugiés et des Personnes
11 déplacées, le HCR et d'autres organisations qui, à l'époque, ont travaillé
12 avec des réfugiés ou des personnes déplacées qui ont été présentes en
13 Croatie. Ce document nous montre un tableau général et fournit également
14 des statistiques, des chiffres précis pour montrer l'évolution de la
15 situation pendant plusieurs années pour ce qui est des réfugiés des
16 personnes déplacées en Croatie.
17 Q. Intéressons-nous à deux choses dans ce document.
18 Nous n'allons pas tout voir. Nous pouvons tous le lire.
19 Mais première note, on parle des négociations qui ont été organisées
20 en Bosnie-Herzégovine en 1996. Etes-vous en mesure de nous dire si l'ODPR a
21 participé d'une façon ou d'une autre aux élections pour la Bosnie-
22 Herzégovine ?
23 R. Oui. Les premières élections de l'après-guerre en Bosnie-Herzégovine
24 ont eu lieu en septembre 1996. Ces élections ont été organisées et
25 supervisées par l'OSCE. On a également décidé que ces élections allaient
26 être organisées hors de Bosnie-Herzégovine, que les réfugiés de Bosnie-
27 Herzégovine allaient pouvoir voter, donc, pour ce faire, on a décidé qu'en
28 Croatie également les élections allaient avoir lieu pour que sur le plan
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1 donc des élections parlementaires, les réfugiés de Bosnie-Herzégovine
2 puissent voter. L'OSCE a confié cette tâche au bureau des réfugiés et des
3 personnes déplacées et j'ai été nommé coordinateur. J'avais la charge de
4 l'ensemble de ce processus d'enregistrement, à savoir tous les réfugiés de
5 Bosnie-Herzégovine qui le souhaitaient, donc, qui souhaitaient voter, il
6 fallait qu'ils s'enregistrent au préalable. Environ 120 000 réfugiés sont
7 venus s'enregistrer.
8 Et il me semble que 97 000 ont voté. D'après ce document, il y doit y
9 avoir un chiffre précis, 93 546 - excusez-moi - c'est le nombre de
10 personnes qui ont voté. Nous avons organisé ces élections en coopération
11 avec des représentants de l'OSCE. L'OSCE avait dans notre bureau son
12 représentant permanent et ils ont envoyé également des dizaines
13 d'observateurs à tous les lieux de votes et également dans notre bureau. Un
14 représentant de l'OSCE qui avait -- enfin, le représentant qui avait la
15 charge de ce processus était un Suisse. Il s'appelait Tobias Werler, je
16 l'ai vu à ce moment-là et je n'ai plus eu l'occasion de le revoir. Je pense
17 qu'il était de Basel. C'est tout ce que je sais à son sujet.
18 Pour ce qui est donc du déroulement de ces élections, il a fallu
19 garantir d'une part des moyens financiers, et d'autre part, une aide
20 technique, et c'est ce que nous avons fait, soit nous, soit l'OSCE. Nous
21 sommes occupés de cela.
22 L'INTERPRÈTE : Me Karnavas, parlant hors micro.
23 M. KARNAVAS : [interprétation]
24 Q. Du fait de votre participation, est-ce que vous avez eu l'occasion du
25 fait de votre participation, la participation de votre office à ces
26 élections -- est-ce que vous avez été félicité ou fait l'objet de
27 commentaires ou de félicitations de la part de l'OSCE ?
28 R. Le représentant de l'OSCE pour la Bosnie-Herzégovine de l'époque,
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1 l'ambassadeur Frowick, il a adressé une très belle lettre et nous avons été
2 tous très fiers de la recevoir. Il a dit - je paraphrase - que ce processus
3 a constitué une excellente contribution au développement de la démocratie
4 en Bosnie-Herzégovine.
5 Q. Fort bien. Est-ce que ceci a été publié de façon à ce que le monde
6 entier soit au courant de la participation de vos services à cet événement
7 ?
8 R. Oui, c'est quelque chose qui a été diffusé par les médias. Je pense
9 qu'il a adressé sa lettre au ministre des Affaires étrangères mais que les
10 services d'information ont relayé cela à [imperceptible] média, et c'est
11 quelque chose qui a été diffusé dans les bulletins d'information.
12 Q. Une toute petite question à ce propos. Pourquoi est-ce que l'ambassade
13 de la Bosnie-Herzégovine à Zagreb ne s'est pas vue confier cette tâche ?
14 Comment se fait-il qu'on se soit adressé à l'office chargé des Personnes
15 déplacées et des Réfugiés ?
16 R. Peut-être faudrait-il adresser cette question à l'OSCE. Il serait mieux
17 placé que moi pour répondre, mais je pense qu'à l'époque, l'ambassade
18 n'avait pas véritablement une infrastructure qui lui aurait permis
19 d'organiser cela.
20 Q. Je dois quand même vous demandez ceci : est-ce que vous avez reçu des
21 griefs de la part de l'ambassade qui aurait dit que l'ODPR aurait fait
22 preuve d'iniquité ou aurait des manques de soins ou de bons égards envers
23 ses citoyens et ne devait dès lors pas se voir confier cette mission
24 pourtant importante ?
25 R. Non, non, il n'y a pas eu ce type de reproches. D'ailleurs, l'ambassade
26 a fait partie de ceux qui ont assuré le suivi du processus et des partis
27 politiques de Bosnie-Herzégovine ont envoyé leurs représentants également
28 pour suivre les élections parce qu'il s'agissait d'un nombre considérable
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1 de voix, en particulier dans des municipalités qui des municipalités qui
2 souhaitaient retrouver leur composition ethnique d'avant la guerre, et là,
3 toutes les voix ont compté -- chaque voix d'un réfugié a compté. Donc, les
4 partis politiques ont envoyé leurs dirigeants pour assurer la campagne au
5 nom de leurs partis, des partis respectifs dans les endroits de séjours des
6 réfugiés. Donc, c'était soit des partis représentants des Croates de
7 Bosnie-Herzégovine, soit des Bosniens de Bosnie-Herzégovine, les uns comme
8 les autres.
9 Q. Fort bien. Prenons la troisième page, quatrième paragraphe, dernier
10 paragraphe de ce paragraphe où il est dit ceci : "Entre l'été de l'année
11 1995 et mai 1996 en Croatie, quelques 20 000 réfugiés musulmans venant de
12 Velika Kladusa et de Cazin sont restés à Krupljensko, République de
13 Croatie. Le paragraphe dit ensuite : "Ces personnes ne sont pas comprises
14 dans les chiffres repris ci-dessous le camp a été fermé au début du mois de
15 mai 1996 lorsque le dernier groupe de réfugiés qui s'y trouvait est allé
16 dans des lotissements réservés à des réfugiés à Gasinci et à Obonjan."
17 J'arrête ma lecture. Est-ce que vous avez des informations sur ce passage-
18 ci ?
19 R. Les réfugiés qui sont arrivés dans la localité de Krupljensko étaient
20 originaires de Velika Kladusa et de Cazin. A deux reprises, ils ont tenté
21 d'entrer en Croatie. Après que ces forces où ce qui s'est produit là-bas
22 Abdic a perdu certains combats. Je ne rentre pas dans les événements de
23 Velika Kladusa, mais à ce moment-là, la Croatie était encore occupée, et
24 près de Karlovac, ils n'ont pas pu traverser -- franchir les lignes de
25 front entre les forces serbes et les forces croates et ils ont été ramenés
26 à Velika Kladusa. A partir du moment où il y a eu libération de ces
27 territoires, lorsque l'action de l'ABiH a permis à celle-ci de prendre
28 Velika Kladusa et Cazin, il y avait environ 20 000 partisans d'Abdic, qui
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1 sont arrivés en Croatie dans une petite bourgade qui s'appelle Krupljensko.
2 Et c'est là qu'ils se sont installés, et en fait, ils sont devenus à partir
3 de ce moment-là un problème international. Ils ne souhaitaient pas
4 retourner chez eux. Ils ne voulaient pas qu'on les place où que ce soit
5 ailleurs.
6 Les organisations internationales ainsi que notre bureau leur fournissaient
7 de l'aide, des vivres et autres. Dans cette localité, il faut dire que les
8 conditions qui prévalaient étaient vraiment très mauvaises. La République
9 de Croatie et la Turquie de concert avec les autorités de la Fédération de
10 Bosnie-Herzégovine qui venaient de se constituer ont créé des patrouilles
11 policières mixtes donc ces patrouilles ont fonctionné à Cazin et à Velika
12 Kladusa en Bosnie occidentale. Et d'une certaine manière, ceci a encouragé
13 les réfugiés à retourner parce que, dans ce centre, à plusieurs reprises,
14 ils ont entendu dire qu'il y a eu des passages à tabac, qu'il y a eu même
15 des assassinats de ceux qui retournaient chez eux. Donc, c'était des actes
16 de vengeance et ils avaient peur de rentrer. Donc, plusieurs mois plus
17 tard, grâce à l'activité conjointe des forces de police de Turquie, de
18 Croatie, et de Bosnie-Herzégovine, en Bosnie occidentale, on a vu retourner
19 à peu près 16 000 personnes. Toutefois, 4 000 d'entre eux n'ont absolument
20 pas souhaité revenir chez eux. Et ces
21 4 000, nous avons fini par les accepter à Gasinci; c'est là que nous les
22 avons pris en charge, que nous les avons installés. De là, certains ont
23 demandé de partir dans des pays tiers -- l'asile dans des pays tiers. Mais
24 la plupart ont fini quand même par retourner dans leurs foyers en Bosnie-
25 Herzégovine.
26 Q. Permettez-moi de vous arrêter. Une première chose : l'endroit où ils
27 ont été installés à leur arrivée, est-ce que c'était un camp accepté et
28 administré par l'ODPR ?
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1 R. Non, là c'était un village ou tout simplement ils y sont installés
2 spontanément. C'est là qu'ils se sont placés. Il n'y avait que quelques
3 maisons dans ce village. En fait, c'était sous des tentes qui se sont mis -
4 - des tentes qu'ils avaient apportées ou des camions. Ils se sont employés
5 à construire des espèces de maisons de terre. Enfin ce n'était pas digne de
6 séjour de l'être humain, c'était très improvisé.
7 Q. Est-ce qu'il y a eu des plaintes formulées à propos de ce camp; dans
8 l'affirmatif, qui c'est plaint ? Essayez d'être bref.
9 R. Je pense que la solution de ce problème a été la dernière condition que
10 la Croatie devait remplir pour devenir membre du Conseil de l'Europe. Comme
11 vous le savez, elle est devenue membre du Conseil de l'Europe et nous avons
12 résolu le problème de Krupljensko.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, votre réponse apporte un élément
14 de complexité simplement aux questions dont nous sommes saisies. On a vu
15 plusieurs documents avec des chiffres sur les réfugiés. Au départ, les
16 réfugiés en provenance de Bosnie-Herzégovine il y a deux grandes
17 catégories, les Croates et les Musulmans. Concernant les Musulmans, je
18 découvre par la réponse que vous faites, qu'il y avait parmi eux des
19 Musulmans favorables aux Croates, les troupes d'Abdic, par exemple. Donc,
20 il y avait des Musulmans pro-croates, et ces Musulmans pro-croates sont
21 accueillis comme réfugiés et rentrent maintenant dans les statistiques
22 générales. Et ça, c'est un élément de complexité que les Juges auront
23 évidemment à apprécier.
24 Votre office, quand vous étiez saisi de l'arrivée de ces réfugiés
25 musulmans, est-ce qu'il vous était arrivé de faire une distinction entre
26 les uns et les autres ou bien pour vous c'était tous des réfugiés musulmans
27 sans distinction ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne faisions pas ce
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1 type de distinction, d'ailleurs cela n'aurait pas été possible. Je ne pense
2 pas que les Musulmans étaient pro-croates ou pas. Je pense que tout
3 simplement ils étaient ce qu'ils étaient, et ceux de Bosnie occidentale. Il
4 faut savoir que l'historique de ce conflit est quelque chose de très
5 complexe. Je pense que ces forces ont combattu un petit peu du côté
6 Milosevic --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ne rentrez pas là-dedans, nous le savons. C'est
8 très complexe et tous les jours qui passent en apportent la preuve.
9 Alors, moi, ce qui m'intéresse c'est : y avait-il des distinctions entre
10 les Musulmans ? Et vous verrez pourquoi je vous pose la question parce que
11 j'ai une autre question qui va suivre après.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président, il n'y avait pas
13 de différence. Nous ne faisions pas la différence.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pourquoi je vous pose cette question ? Parce
15 que, dans le document, 1D 2637, première page dans la version en anglais,
16 sur les chiffres, on voit qu'il y a
17 1,8 millions de réfugiés, 900 000 en provenance de la BiH et les chiffres
18 donc permettent d'y voir clair; mais au deuxième paragraphe qui suit, il
19 est indiqué qu'il y a des personnes qui sont retournés en Bosnie-
20 Herzégovine. Alors, le retour en Bosnie-Herzégovine c'est dans le
21 paragraphe III de la page 2, au petit (1) qui commence en décembre 1992 en
22 Croatie, il y avait 371 319 réfugiés. Et le paragraphe qui suit, on parle
23 de la situation du mois de mai 1993 où on a enregistré 271 096 réfugiés en
24 provenance de la Bosnie-Herzégovine qui eux ont eu le statut de réfugié, et
25 alors, là, c'est là où ça devient intéressant pour moi. Il est indiqué que
26 plusieurs sont partis dans des pays européens et un petit groupe, qui n'a
27 pas eu apparemment le statut, est retourné en Bosnie-Herzégovine. Alors,
28 c'est ça qui m'intéresse.
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1 D'après ce paragraphe, on pourrait avoir la preuve que des gens sont
2 venus en Croatie pour avoir le statut de réfugié et puis ils sont repartis
3 en Bosnie-Herzégovine. Alors, c'est écrit dans ce document que vous ne
4 pouviez pas rédiger puisque lorsqu'il a été rédigé c'est en 1998. Peut-être
5 que vous étiez au courant mais, moi, ce qui m'intéresse c'est cette
6 situation du mois de mai où là, ce document dit que des Musulmans sont
7 retournés en Bosnie-Herzégovine. Alors, avez-vous eu la connaissance même
8 si vous, vous n'étiez plus à l'office au mois de mai, mais vous étiez
9 parlementaire, donc, à priori étant parlementaire vous deviez être informé
10 de certaines choses.
11 Saviez-vous que des Musulmans en provenance de la Bosnie-Herzégovine
12 sont arrivés en Croatie et puis sont repartis en Bosnie-Herzégovine, comme
13 semble indiquer ce document ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque les
15 rapports évoquent nombre de réfugiés placés en Croatie pendant telle ou
16 telle période, on se réfère uniquement à ceux qui se trouvent en Croatie à
17 ce moment-là. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en avait pas eu davantage,
18 mais ils sont partis dans des pays tiers où ils sont retournés chez eux.
19 Dans les registres du bureau, c'est de manière différente que nous avons
20 connu pratiquement un million de personnes qui se sont passées par chez
21 nous retourner chez eux, aller ailleurs, retourner ou pas retourner en
22 Bosnie-Herzégovine.
23 Mais peut-être à un moment donné il y en avait 200 ou 300 000.
24 Certains arrivaient, d'autres repartaient. Il y en a eu qui rentraient en
25 Bosnie-Herzégovine, puis retournaient encore une fois en Croatie, se
26 voyaient octroyer le statut de nouveau. A partir de l'année 1993 jusqu'en
27 95, même si cela peut sembler peu important, mais grâce à différentes
28 initiatives prises par le bureau, différents individus, des humanitaires,
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1 des représentants, et cetera, 5 000 personnes ont pu reprendre le chemin de
2 la Bosnie-Herzégovine. Peut-être que ça ne semble pas être significatif par
3 rapport à la totalité des chiffres, mais pour nous, ça a été un succès
4 considérable.
5 A partir de 1993, on a établi une coopération intense avec les
6 autorités allemandes pour assurer le retour de ces gens-là. Et pendant
7 toute la durée du temps, si vous vous penchez sur les statistiques en
8 Bosnie-Herzégovine, vous verrez pour les villes, par exemple, d'où nous
9 avons connu en Croatie et puis ailleurs partout en Europe des réfugiés,
10 comme Zenica. Ces mêmes villes ont dressé des listes pour montrer combien
11 eux ils avaient de réfugiés chez eux. Donc, il y avait des fruits
12 migratoires très importants. Mais en 1993 et surtout en 1995, ce retour est
13 devenu plus intense.
14 Et vers le mois de mars 1995, les gouvernements de Croatie et de
15 Bosnie-Herzégovine ainsi que les bureaux respectifs, donc, le bureau des
16 Réfugiés et aussi direction de Sarajevo et de Mostar ont signé un protocole
17 également, un protocole portant sur le retour. Et il y avait également un
18 accord tripartite international --
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vu l'importance de la question, je
20 vais affiner ma question. Ce qui m'intéresse c'est 1993 et début 1994.
21 Pendant cette période, vous venez de dire qu'entre 1993 et 1995, 5 000
22 personnes sont retournées en Bosnie-Herzégovine, très bien. Mais je
23 voudrais que vous essayiez d'affiner vos réponses; est-ce que, parmi les 5
24 000, dans la période 1993, début 1994, il y en aurait qui seraient
25 retournés dans l'Herzégovine, c'est-à-dire dans les zones contrôlées par le
26 HVO ? Et ça, c'est très important de le savoir. Est-ce qu'à votre
27 connaissance, il y a des Musulmans qui, pendant cette période 1993, 1994,
28 sont retournés dans le territoire contrôlé par le HVO ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait aussi des Musulmans
2 parmi ces gens.
3 M. SCOTT : [interprétation] Pour que ce soit précis ici, vous me le
4 permettez. Je regardais ces informations et pour qu'il n'y ait pas de
5 confusion, ces chiffres ne font pas de différence entre Croates et
6 Musulmans quand on dit 5 000 personnes de Bosnie-Herzégovine sont rentrées.
7 On ne sait pas si c'était 5 000 Croate ou 5 000 autres personnes ou un
8 mélange des deux.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va justement préciser cela. Ma question était
10 ultra précise. Elle ne concernait uniquement que les Musulmans qui seraient
11 revenus en Bosnie-Herzégovine dans des zones contrôlées par le HVO, et ce,
12 dans la période 1993, début 1994.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu des réfugiés musulmans qui sont
14 retournés chez eux.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous en êtes certain ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, il reste quelques minutes avant la
18 pause et il ne doit pas vous rester beaucoup de temps non plus.
19 M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai assez pour terminer mais il serait
20 peut-être utile de faire une pause maintenant.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, vous préférez qu'on fasse une pause.
22 Alors, on va faire la pause pendant ce temps-là. Le Greffier va travailler
23 pour nous dire combien de minutes voire de secondes qu'il vous reste. Et
24 après la reprise, je vous redonnerai la parole pour que vous terminiez
25 votre temps. Voilà, donc, nous faisons 20 minutes de pause.
26 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
27 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Maître Karnavas, il vous reste neuf minutes,
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1 c'est-à-dire 450 secondes.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
3 Q. Je souhaiterais revenir maintenant au document que nous examinions il y
4 a quelques instants et j'ai peut-être une question ou deux pour terminer.
5 Le document 1D 02626.
6 Pour reprendre le paragraphe 4 qui se trouve à la page 3, dans ce
7 paragraphe, on dit que 4 000 personnes avaient refusé de revenir à la BiH
8 et qu'il fallait qu'ils soient placés quelque part, ils sont allés à
9 Gasinci et Obonjan. Donc, ma question est la suivante : qui étaient
10 déplacés, et le bureau chargé des Personnes déplacées et des Réfugiés, qui
11 les a déplacés ?
12 Q. Un peu plus tôt nous avons parlé d'élections. Est-ce qu'ils étaient
13 encore là lorsque les élections ont eu lieu ?
14 R. Je pense que oui.
15 Q. Bien. Est-ce qu'il y avait également des centres où l'on pouvait se
16 rendre pour voter ? Comment est-ce que c'était organisé ?
17 R. A Gasinci, il y avait un poste électoral parce qu'il y avait là des
18 gens originaires de Bosnie-Herzégovine. Tous ceux qui s'étaient inscrits
19 là-bas et souhaitaient voter pouvaient le faire.
20 Q. Très bien. Je souhaiterais maintenant aborder un autre sujet. Vous nous
21 avez dit qu'en 1993, au mois de mars environ, vous êtes devenu membre du
22 parlement et nous savons qu'à partir du mois de mars 1993 et, plus tard,
23 jusqu'en 1994, il y a eu quelques conflits entre l'ABiH et le HVO et qu'il
24 y avait des réfugiés des deux côtés qui se réfugiaient en Croatie.
25 J'aimerais savoir la chose suivante : alors que vous étiez membre du
26 parlement, vous souvenez-vous d'avoir eu des discussions lorsqu'il a été
27 question de propositions au niveau parlementaire, à savoir qu'il fallait
28 limiter l'entrée des réfugiés musulmans en Croatie ou peut-être de limiter
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1 l'aide que ces derniers recevraient une fois rendus en Croatie ?
2 R. Le parlement n'a jamais pris ce type de décisions, ce que je sais c'est
3 que le gouvernement s'est adressé à la communauté internationale en
4 demandant de l'aide et bon nombre de gouvernements avaient répondu par
5 l'affirmative en envoyant des quotas, pour ce qui est du nombre de réfugiés
6 que ces gouvernements pouvaient accueillir. C'est surtout l'Allemagne qui
7 en a beaucoup accueilli, certains gouvernements ne voulaient pas en
8 accueillir du tout, bon nombre de pays islamiques avaient accueilli les
9 gens, la Malaisie, le Soudan, l'Iran, la Turquie, avaient envoyé des
10 représentants parmi les réfugiés en disant quel est le nombre que chacun de
11 ces pays pouvaient accueillir.
12 Q. Reconnaissant les événements en Bosnie-Herzégovine, et en Bosnie
13 centrale en particulier, où vous nous avez dit que les réfugiés d'origine
14 croate et musulmane se trouvaient ou venaient, est-ce qu'il y a eu des
15 efforts déployés pour discriminer les réfugiés musulmans qui entraient ?
16 M. SCOTT : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président --
17 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
18 M. SCOTT : [interprétation] Le microphone ne marche -- merci.
19 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
20 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends très bien
21 que Me Karnavas dit au témoin si vous le savez mais la question est
22 beaucoup trop large. En tant que membre du parlement, est-ce qu'il a parlé
23 de ces questions sur la base quotidienne ? Est-ce qu'il savait ce genre de
24 chose ? C'est comme j'ai mentionné ce matin, c'est comme demander à
25 quelqu'un si Joseph portait une chemise bleue hier, si elle le sait ? Il ne
26 peut pas le savoir ou il peut le savoir mais, en fait, il faudrait peut-
27 être être un peu plus précis. Il faudrait quand même démontrer que la
28 personne -- que le témoin a quelque connaissance personnelle. Est-ce qu'il
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1 était membre d'un comité ? Est-ce qu'en fait, on parle d'une période très
2 longue ? Est-ce qu'il savait si quelque part quelqu'un --
3 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
4 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais poser une série de questions
5 préliminaires afin de poser cette dernière question.
6 Q. A partir du mois de mars 1993 jusqu'à ce que vous ne deviez membre du
7 ODPR, est-ce que vous saviez si, en Croatie -- est-ce que vous saviez ce
8 qui se passait en Croatie concernant les réfugiés et les personnes
9 déplacées ?
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Nous allons y aller étape par étape, Maître
11 Scott, ne vous énervez pas.
12 M. SCOTT : [interprétation] Je n'essaie pas d'être difficile, Monsieur le
13 Président. Sérieusement, pas du tout. Mais pour le compte rendu d'audience,
14 je souhaiterais dire, et je participe à ceci comme tout le monde. Qu'est-ce
15 que ça veut dire : "Est-ce que vous saviez ce qui se passait en Croatie" ?
16 Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça ne veut rien dire.
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Il faut y aller étape par étape. Si le
18 témoin nous dit, non.
19 M. SCOTT : [interprétation] Bien sûr que le témoin va dire quelque chose.
20 Chaque personne qui lisait le journal pourrait dire : j'avais quelques
21 connaissances de ce qui se passait.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. D'accord. Très bien. Je vais reposer
23 une question un peu plus précise.
24 Q. Y a-t-il eu des discussions au parlement concernant les réfugiés et les
25 personnes déplacées tenant compte du fait que vous nous avez dit qu'il y
26 avait des restrictions budgétaires et qu'il y avait également un budget
27 réservé au financement des centres ? Est-ce que vous saviez, vous aviez
28 connaissance de cela ?
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1 R. Il y a eu des débats au niveau du parlement à ce sujet. Il y a eu des
2 débats publics, il y a eu des débats politiques et avec une participation
3 selon les cas, j'y ai participé moi-même parfois. Nous avions tous souhait
4 voir la situation se calmer, voir les conflits s'arrêter et créer les
5 conditions propices au retour des gens chez eux. Ces positions ont été
6 publiquement énoncées et confirmées de façon officielle.
7 Q. Fort bien. Au cours de ce procès, compte rendu d'audience est tenu, et
8 je vais demander pour le compte rendu d'audience si le gouvernement de
9 Croatie n'a pas donné une assistance adéquate aux réfugiés, si M. Rebic,
10 qui était un membre de l'entreprise criminelle commune, en fait, peut
11 devenir membre d'une entreprise concernant son occupation.
12 M. Scott a dit à la page 20 010, à la ligne 6, il a dit : "Je vais répondre
13 directement à cette question," qui se trouve à la page précédente. "Oui,
14 ceci fait partie au nettoyage ethnique des Musulmans de Bosnie-Herzégovine
15 et de la région d'Herceg-Bosna. Ceci faisait partie d'un système tel que
16 décrit dans l'acte d'accusation pour déplacer les Musulmans à l'extérieur
17 d'Herceg-Bosna et ceci a été fait de plusieurs façons. L'une des façons
18 était de les déplacer au moins de façon temporaire en Croatie non pas pour
19 les y abandonner ceux qui découlent du témoignage de ce témoin ou de les
20 déplacer dans un pays tiers mais de ne jamais sans avoir l'objet ou le but
21 de retourner en Bosnie-Herzégovine."
22 Maintenant, sur la base de ceci, et sur la base de votre implication
23 personnelle, alors que vous étiez membre du bureau jusqu'en 1993, donc,
24 entre 1993 et 1994, ou plus particulièrement alors que vous étiez à
25 l'extérieur du bureau, alors que vous étiez membre du parlement, est-ce
26 que, d'après vous, il y avait un effort concerté déployé par l'Etat de
27 Croatie ou les représentants de l'Etat de Croatie, tel M. Rebic, déployés
28 pour faire en sorte ce que la Croatie devienne une sorte de centre de
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1 Transit dans le but de forcer les réfugiés musulmans de repartir dans un
2 pays tiers, pour ne plus leur permettre de revenir dans leurs patries et de
3 cette façon-là de nettoyer ethniquement la région. Pouvez-vous répondre à
4 cette question ?
5 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je ne sais
6 pas si j'ai bien compris le Dr Zoric qui parle au nom de chaque personne,
7 de chaque représentant officiel de la République de Croatie ?
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons une
9 entreprise criminelle commune, et c'est le bureau qui est responsable de
10 ces réfugiés. Vous avez Dr Rebic d'un côté qui se trouve au sommet. Cette
11 personne était le second. D'après ce que j'ai compris, à la suite de toutes
12 les objections, je ne peux que deviner mais l'Accusation sous-tend que,
13 pendant cet homme - notre témoin - était à l'extérieur de son bureau,
14 concernant les événements qui se sont déroulés en Bosnie centrale, que
15 c'est à ce moment-là concernant l'ODPR -- que c'est à ce moment-là qu'ils
16 sont devenus membres de l'entreprise criminelle commune et c'est ainsi que
17 le Dr Rebic et d'autres ont soit aidé et encouragé à ce que les crimes
18 soient commis ou étaient eux-mêmes les auteurs physiquement responsables de
19 ces crimes. Donc, il y a l'une ou l'autre possibilité. Donc, l'Accusation
20 sous-tend que la Croatie était transformée en centre de Transit.
21 Donc je pose la question au témoin : si effectivement c'est un bureau
22 du gouvernement de l'Etat de Bosnie-Herzégovine et si le témoin est un
23 parlementaire, et si les budgets clairement existent, quelqu'un quelque
24 part doit savoir, doit avoir des connaissances de ce qui se passait. Le Dr
25 Rebic ne pouvait pas agir seul. Est-ce que, de toute façon, nous allons
26 l'entendre -- mais, selon lui, selon ce témoin, est-ce que ce bureau fait
27 partie de l'entreprise criminelle commune puisque c'était une agence de la
28 République de Croatie ? Voilà le danger de cette entreprise criminelle
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1 commune. Mais nous avons et c'est l'entreprise criminelle commune alléguée,
2 bien sûr, et nous avons les paroles de M. Scott où je pose la question à ce
3 témoin : est-ce qu'il était au courant de la situation ?
4 Q. Monsieur donc, pouvez-vous répondre à cette question ?
5 R. Je pense que je peux répondre. Je pense que tirer des conclusions sur
6 le nettoyage ethnique et dire que le bureau chargé des Réfugiés et des
7 Personnes déplacées y a pris part, est une conclusion erronée. Je vais vous
8 dire plusieurs éléments qui me font le dire. D'abord, dans les documents
9 tels que je les vois, il y a des plaintes en provenance de la Bosnie-
10 Herzégovine disant que ce bureau n'a pas dans tous les cas de figure
11 autorisé une entrée sur le territoire de la Croatie. Alors, ma question
12 logique c'est : si vous nettoyez ethniquement une région, pourquoi ne
13 laissez-vous pas venir à un endroit pour faciliter ce nettoyage ethnique,
14 pourquoi le faire plutôt que de le garder chez lui, le Dr Rebic et le
15 bureau chargé des Réfugiés ou quiconque d'autre en Croatie ?
16 Q. Un instant, s'il vous plaît.
17 R. -- et ne pouvait envoyer personne -- bon, je vais ralentir. Donc, le
18 bureau ne pouvait envoyer personne vers un pays tiers sans l'approbation de
19 l'intéressé et sans l'approbation du pays intéressé. En l'occurrence, cette
20 conclusion-là serait plutôt discriminatoire vis-à-vis des gouvernements de
21 l'Allemagne, du Danemark, de la Hollande, voire de pays tels que la
22 Turquie, l'Egypte, le Soudan, l'Iran ou la Malaisie qui ont également
23 accueilli ces réfugiés.
24 Tous les passages, transports, départs de ces réfugiés étaient organisés à
25 un échelon international et c'est la communauté internationale qui avait à
26 l'époque travaillé au travers d'une organisation à Zagreb, organisation
27 internationale des migrations, ainsi s'appelle-t-elle. Et les Etats-Unis
28 d'Amérique, le Canada, l'Australie sont passés par cette organisation pour
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1 procéder à l'accueil de personnes originaires de Bosnie-Herzégovine. Je ne
2 vois pas comment le Dr Rebic aurait pu influer sur le gouvernement canadien
3 pour délimiter un quota ou un autre gouvernement, quel qu'il soit, j'ai dit
4 le Canada à titre d'exemple, désigner, donc, un quota pour ce qui est du
5 nombre de personnes que ce pays-là allait accueillir. Cela n'était donc pas
6 notre travail.
7 Ce que je veux souligner c'est que, pendant toute cette période-là,
8 les accueils de personnes en Croatie et leur départ vers des pays tiers, il
9 y avait un canal à l'opposer pour le retour des gens vers la Bosnie-
10 Herzégovine, chose qui s'est intensifiée en particulier à partir de 1995
11 lorsque cinq pays européens se sont joints à l'accord allemand et croate
12 pour ce qui est de faciliter le transit des réfugiés de la Bosnie-
13 Herzégovine en passant par la Croatie vers la Bosnie-Herzégovine. Et à
14 partir de ce mois de mars de l'année 1995, cela s'est fait en application
15 de l'accord signé par le gouvernement à Sarajevo et le gouvernement à
16 Zagreb.
17 Moi, je n'étais pas de nouveau en mars au bureau, mais j'ai retrouvé
18 sur mon bureau le texte de cet accord, une fois arrivée, et pendant deux
19 ans, je l'ai mis en œuvre. C'est par le biais de ce bureau-là que les gens
20 revenaient vers la Bosnie-Herzégovine, et ça ne peut en aucune façon être
21 considéré comme du nettoyage ethnique.
22 Q. Très bien. Merci beaucoup, Monsieur.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Je me suis trompé à la page 41, Monsieur le
24 Président, j'ai dit à la ligne 2 que le gouvernement de la BiH et, en fait,
25 il aurait fallu lire le gouvernement de Croatie. Je souhaiterais me
26 corriger. Bien.
27 Q. Monsieur, une dernière question : nous savons qu'au mois de mai, juin
28 et juillet, plusieurs événements se sont déroulés en Bosnie centrale, et
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1 vous avez répondu à une question posée par les Juges de la Chambre un peu
2 plus tôt que la situation était difficile et qu'il y avait des griefs.
3 Pourriez-vous nous dire quelle était la difficulté de la situation sachant
4 que les Croates arrivaient comme c'est en tant que réfugiés, et que les
5 Musulmans également y arrivaient en tant que réfugiés ? Pourriez-vous
6 donner une indication aux Juges de la Chambre de ce qui se passait
7 réellement sur le terrain ? Quelle était la difficulté de la situation car
8 il nous faut avoir tous ces événements en contexte.
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Karnavas, je crois que vous
10 avez oublié de mentionner l'année. Vous avez donné le mois, mais vous avez
11 omis l'année, c'est 1993, probablement.
12 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, oui. Merci, Monsieur le Juge, 1993.
13 M. SCOTT : [interprétation] J'allais poser la même question. Maintenant,
14 vous venez de mentionner 1993, mais je crois que c'était en 1992 que cet
15 homme -- que notre témoin occupait ce poste; en mai, juin, et juillet 1993,
16 il n'occupait plus son poste. Moi, j'ai simplement présumé que Me Karnavas
17 parlait de l'année 1992.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président,
19 Messieurs les Juges, nous ne vivons pas dans une bulle. Le témoin se
20 trouvait sur place. Il était en Croatie et je peux vous peindre une image.
21 Imaginez, si --
22 M. SCOTT : [interprétation] Nous ne voulons pas entendre un long discours.
23 Me Karnavas veut faire -- prononcer un autre discours. S'il souhaite le
24 faire, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas ici qu'il faut le faire.
25 L'Accusation est tout à fait claire quant au cadre temporel et il n'est pas
26 juste de poser des questions à ce témoin, de lui demander de déposer sur
27 des questions détaillées alors qu'il n'occupe plus le poste qu'il occupait.
28 Ce n'est pas un secret. Mais je voulais simplement que les Juges de la
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1 Chambre obtiennent des éléments de preuve très clairs. Le témoin nous
2 parle, dépose sur le mois de mars 1993, et on lui revient avec 1994. Oui.
3 Effectivement, il a peut-être eu certains liens de façon limitée, mais le
4 témoin ne nous a jamais dit hier qu'il était impliqué de façon exhaustive
5 vers la mi-1993, donc, objection.
6 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Je souhaiterais dire quelque chose, Monsieur
9 le Président, simplement pour répondre. Le témoin vivait en Croatie, il se
10 trouvait là sur place. Il pouvait observer ce qui se trouvait autour de
11 lui. Je lui pose une question en tant qu'être humain qui se trouvait sur
12 place, qui vivait là-bas. En fait, avec votre permission, nous entendons
13 des commentaires de galerie des cacahouètes. Si je puis faire un
14 commentaire pour le compte rendu d'audience.
15 Vous pouvez y attribuer le poids que vous voulez mais il se trouvait sur
16 place. Je ne lui demande pas de nous parler des camps, mais je lui demande
17 de nous parler de l'atmosphère de façon générale. Est-ce que cet homme
18 n'est pas en mesure de nous dire, de façon générale, quelle était
19 l'atmosphère en Croatie, le climat en Croatie en parlant de la politique,
20 de la période de transition ? Bien sûr que oui. Nous parlons aussi de
21 plusieurs mois où les réfugiés arrivaient des deux côtés. Je lui demande de
22 nous donner son impression, l'impression de son vécu.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Reformulez la question et puis ça sera la dernière
24 question puisque le temps est terminé.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.
26 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous décrire le climat en Croatie pendant
27 les mois de mai, juin et juillet, et août aussi, les Croates étaient --
28 partaient de la Bosnie centrale où les conflits avaient lieu en Croatie et
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1 impliquaient les réfugiés croates et musulmans ?
2 R. Ce n'était pas chose simple que de vivre à l'époque en Croatie. En
3 effet, nous recevions des rapports aussi portant sur des massacres survenus
4 à l'égard de Croates, où les Croates étaient victimes et il était difficile
5 de garder son sang froid. Bon nombre de personnes étaient -- bon nombre de
6 députés au parlement croate, donc moi, ont essayé d'y aller. J'y suis allé
7 moi-même à plusieurs reprises vers cette Bosnie centrale, et avec tout le
8 respect qui est dû à ces gens qui ont beaucoup tempérament, j'y étais. Je
9 n'ai rencontré aucun des deux, moi, j'y étais et nous nous sommes efforcés
10 d'établir un lien, ouvrir des voies de communication, des filières de
11 communication. Nous entrons en contact avec des députés des parlements de
12 la Bosnie-Herzégovine. Une fois personnellement, j'ai réussi à le faire.
13 J'avais conduit une mission de collègues du parlement à Nova Bila; c'est un
14 village en Bosnie centrale où la Croatie avait offert des moyens pour la
15 construction d'un hôpital. Cet hôpital a bel et bien été construit. J'étais
16 censé -- en ma qualité de fonctionnaire le plus haut placé, j'étais censé
17 poser la pierre de fondement -- de fondation. En plus, des représentants
18 croates, on a invité des gens de Zenica, Doboj et autres localités qui
19 étaient des localités sous contrôle bosnien à l'époque. Alors, j'ai convié
20 nos collègues, je donne à titre d'exemple j'ai demandé à ces collègues de
21 m'emmener vers Bugojno, parce que pratiquement il était impossible d'y
22 accéder. Ce sont des Bosniens qui m'ont conduit à Bugojno, et ensuite, eux
23 m'ont prié de les emmener à Kiseljak parce qu'eux n'avaient pas le moyen
24 d'y aller. Ensuite, je leur ai demandé de nous emmener à Vares parce que
25 nous, nous n'avions pas moyen d'y accéder puis, eux, ils m'ont demandé de
26 les emmener dans une partie de Vitez où ils n'avaient pas eu accès à
27 l'époque. On a fait donc tout ça, on s'est entretenu avec des gens et nous
28 nous sommes efforcés d'établir des filières de communication.
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1 Et pour finir, nous sommes allés à Mostar. Je leur ai fourni la
2 possibilité de s'entretenir avec des gens du côté occidental et eux, M.
3 Kosnik, l'administrateur international de l'époque nous a rendu possible un
4 déplacement vers le côté est. J'étais convaincu que ce type d'action qui
5 très souvent faisait traverser les lignes de combat et qui était donc
6 dangereuse, était une chose d'après moi qui aidait à calmer -- à apaiser le
7 jeu et faire stopper le conflit.
8 C'est dans cette ambiance que nous avons vécue et que nous sommes
9 efforcés de faire quelque chose pour calmer la situation, et pour faciliter
10 le retour des gens chez eux.
11 Q. C'est à quelle époque, pour avoir un cadre temporel ? Plus
12 particulièrement, lorsqu'on parle de Nova Bila, puisqu'il y a eu des
13 allégations, à savoir qu'on a procédé à un nettoyage ethnique renversé par
14 les Croates, et vous parlez maintenant de l'établissement d'un hôpital.
15 R. Ça se situe à la période de la signature des accords de Washington; de
16 là, à vous donner des dates exactes, il me semble que c'était l'automne,
17 mais je ne sais plus si c'était 1994 ou 1995. Je pense que c'était plutôt
18 1994. Oui, pourquoi investirions-nous autant d'argent de notre état et
19 pourquoi construirions-nous un hôpital à l'époque ? Parce que l'hôpital
20 était en cours de construction et des gens ont été accueillis pour une
21 formation, une spécialisation à Zagreb et Split. L'hôpital fonctionne de
22 nos jours encore, il y a des médecins croates à l'intérieur, il y a des
23 médecins musulmans voire bosniens et je crois que ça fait partie du système
24 et cela fournit des prestations de service à l'intention des uns et des
25 autres. Il y a plusieurs établissements médicaux spécialisés, ce qui fait
26 que les uns font une chose, les autres font autre chose et en somme cet
27 hôpital en Bosnie centrale est la meilleure des preuves solides montrant
28 que les gens, la Croatie voulait que les gens restent là-bas et qu'ils y
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1 vivent, qu'ils y restent.
2 Cette pierre ou cette fondation étant une pierre de quelques tonnes qui a
3 été prise au niveau de la cathédrale de Zagreb. On avait reconstruit à
4 l'époque, on nous avait donné ce grand caillou, cette pierre et on a mis
5 une inscription dessus disant que la volonté de la Croatie était de faire
6 en sorte que les gens restent à vivre là où ils étaient nés et là où ils se
7 trouvaient leur maison.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant
9 de votre honnêteté, d'avoir été direct, d'avoir répondu à toutes mes
10 questions. Je vous remercie, donc, et mes collègues maintenant vous
11 poseront des questions ainsi que les Juges de la Chambre.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour le contre-interrogatoire, comment se présente
13 la situation pour les autres accusés ?
14 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, d'après les
15 informations recueillies auprès de mes collègues, je vais avoir moi-même 15
16 à 20 minutes des sujets à traiter. Je ne pense pas avoir besoin de plus que
17 cela. La collègue Alaburic a peut-être un peu plus que cela, et je crois
18 savoir que les autres Défenses n'ont pas témoigné d'intérêt pour contre-
19 interroger ce témoin. Alors, je voudrais demander l'aide de l'Huissière
20 afin qu'elle puisse distribuer des documents.
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, compte tenu de vos lignes
22 directrices dans la décision du 24 avril 2008, je tiens à préciser que mes
23 questions peuvent être définies comme faisant partie du contre-
24 interrogatoire. J'enchaînerai sur deux sujets qui ont été abordés d'une
25 certaine manière, le témoin en a dit quelque chose, je pense qu'il y a
26 encore des détails qu'il convient d'explorer, avec votre autorisation.
27
28 Q. [interprétation] Monsieur Zoric, bonjour.
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1 R. Bonjour.
2 Q. Je suis Bozidar Kovacic. Je représente ici le général Praljak. Je vous
3 remercie d'être venu déposer ici. Nous nous sommes déjà rencontrés et je
4 vais vous poser ma question pour commencer : vous avez travaillé à partir
5 de mars 1993 jusqu'à la fin de l'année de l'année 1995, vous avez été
6 député au parlement croate; c'est ce que vous dites page du compte rendu
7 d'audience d'hier, page 20, lignes 10 à 14. Pour commencer, je vais vous
8 demander -- ou plutôt, pour accélérer un petit peu, vous voyez ces quelques
9 documents qui vous ont été remis, le deuxième document; est-ce que vous
10 pouvez le prendre, s'il vous plaît, numéro 3D 01092. L'avez-vous trouvé ?
11 R. Oui.
12 Q. Si vous examinez ce document, vous pouvez facilement identifier de quoi
13 il s'agit. C'est une note diplomatique; le ministre des affaires étrangères
14 de Croatie, le 30 avril 1993, envoie cette note à l'ambassade de la
15 République de Bosnie-Herzégovine -- l'ambassade de Bosnie-Herzégovine à
16 Zagreb, les informe de l'intention d'une délégation de parlementaires
17 croates de se rendre en Bosnie-Herzégovine.
18 Et dans le deuxième paragraphe de ce document, l'on trouve un exposé des
19 motifs de cette visite. Vous étiez au parlement à ce moment-là, puisque
20 c'est le 30 avril 1993, donc, étiez-vous au courant de cette délégation de
21 parlementaires ? Vous savez pour quelle raison cette délégation s'est
22 constituée; quel a été l'objectif de sa visite ?
23 R. Je l'ai déjà dit un instant, s'agissant des événements en Bosnie, en
24 particulier en Bosnie centrale, c'est quelque chose qui, à ce moment-là, a
25 été présent dans la vie politique en Croatie et je suis au courant de cette
26 initiative. Il me semble que c'est la première fois une délégation de
27 députés à se rendre de cette manière-là là-bas dans ce pays voisin pour
28 voir sur place de quoi il s'agissait.
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1 Q. Merci. Dites-moi, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin : sauriez-vous
2 nous dire est-ce que vous vous souvenez, est-ce que vous savez un détail
3 quelconque au sujet de ce qui a précédé cette décision prise par le
4 parlement de dépêcher une délégation, envoyer une délégation ? Est-ce que
5 vous savez comment cela s'est fait ? Qu'est-ce qui a provoqué cela ?
6 R. Je pense que les causes ce sont les événements eux-mêmes, et la cause
7 immédiate c'est : M. Praljak, un jour, il est venu se présenter devant le
8 parlement et il a commencé à faire du lobbying parmi les députés. Je pense
9 qu'il était accompagné à ce moment-là de quelques personnes mais il n'est
10 pas difficile de le remarquer - enfin, on se souvient facilement - c'est
11 quelqu'un de très expressif. Il a dominé ce groupe et ce qu'il disait dans
12 le hall aux parlementaires.
13 Si c'est bien beau de se trouver à Zagreb, de se parler, de discuter, on
14 entend plein de choses et il y a beaucoup des informations et de choses
15 contraires à la vérité qui sont dites. S'il vous plaît, rendez-vous sur
16 place, voyez ce qui se passe, de quoi il s'agit, aidez-nous à mettre fin à
17 cela. C'est à peu près ce qu'il a dit, c'est comme ça que j'ai compris son
18 intervention.
19 Et après par la suite, il y a eu une réunion de la chambre de
20 représentants, et l'une des conclusions adoptée a été de constituer une
21 délégation de parlementaire, une délégation mixte avec des représentants de
22 différents partis. Cette délégation allait se rendre dans ces régions et, à
23 son retour, allait présenter son rapport. Je pense que c'est effectivement
24 ce qui a été fait, et je pense que, dans certaines de ces régions, ils se
25 sont rendus même avec l'aide des forces internationales qui ont été
26 informées de leur visite.
27 Q. Je vous remercie. Pour le compte rendu d'audience pour que ce soit tout
28 à fait clair, vous avez dit que ce lobbying de Praljak consistait à
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1 demander et il venait là-bas. Mais "là-bas," c'est la Bosnie-Herzégovine,
2 j'imagine ?
3 R. Oui.
4 Q. Merci. S'agissant de l'aide fournie par les forces internationales et
5 compte tenu, bien sûr, de la situation sur le terrain, à savoir la guerre,
6 les postes de contrôles placés sur les routes, je vous invite maintenant à
7 examiner le document 3D 00566. Je pense que c'est le premier dans la série.
8 C'est une lettre signée par le Dr Ivo Sanader; il était ministre adjoint
9 des affaires étrangères. Là encore, nous avons le papier en-tête du
10 ministère des Affaires étrangères. Il s'adresse au général Wahlgren, qui
11 est le commandant de la FORPRONU à Zagreb à ce moment-là.
12 Ce document, est-ce qu'il correspond à ce que vous savez au sujet du fait
13 qu'on a demandé de l'aide des forces internationales ?
14 R. Oui, M. le général Wahlgren était le commandant, à ce moment-là, des
15 forces internationales et le ministère des Affaires étrangères s'est
16 adressé à eux pour leur demander de l'aide.
17 Q. Je vous remercie. Voyons maintenant ces deux documents à la fois. Dans
18 les deux, l'on voit quelle est la composition de la délégation, il est
19 question de sept personnes. Je ne vais pas donner lecture des noms. Et
20 entre parenthèses, l'on voit à quel parti appartiennent ces personnes. Est-
21 ce que c'est clair qu'il s'agisse d'une délégation mixte qui regroupe des
22 représentants de plusieurs partis politiques, donc, il s'agit du
23 représentant de tous les partis politiques ? La Chambre sait ce qu'est le
24 HDZ, HSLS, HNSHSS, SDP; est-ce que vous pourriez préciser de qui il s'agit
25 ?
26 R. Oui, c'est une délégation mixte. Nous avons trois membres du parti qui
27 est au pouvoir, et puis les autres représentent des partis de l'opposition,
28 donc, quatre représentants du parti de l'opposition.
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1 Q. Je vous remercie. Et à ce sujet, encore une question, le dernier
2 document dans le classeur, s'il vous plaît, 3D 01091. 3D 0191.
3 Il ressort donc du titre et du paragraphe d'introduction, donc, j'attire
4 votre attention là-dessus pour le moment. C'est un rapport de cette
5 délégation mixte du parlement croate, donc, rapport suite à sa mission en
6 Bosnie-Herzégovine. Nous pouvons lire le premier paragraphe je ne veux pas
7 la faire. C'est bien cette délégation que vous venez de mentionner ?
8 R. Oui, c'est cette délégation sauf qu'un membre de cette délégation qui
9 est membre du parti au pouvoir c'est fait remplacer par quelqu'un d'autre,
10 mais oui, il s'agit de cette même délégation.
11 Q. Je ne vais plus étudier ce rapport. Ils ont eu des rencontres, des
12 entretiens sur place. Ils évoquent les détails de tout cela.
13 M. KOVACIC : [interprétation] Je précise à l'attention de la Chambre que
14 ces trois documents ont déjà été versés au dossier.
15 Q. Je vais revenir un instant au lobbying du général Praljak. Vous avez
16 dit à peu près sur quoi cela a porté. Est-ce que vous vous souvenez si le
17 général Praljak a eu le droit de s'adresser directement aux députés au
18 parlement au moment de ce débat qui portait sur la situation en Bosnie-
19 Herzégovine ?
20 R. Non, je ne sais pas. J'étais membre de l'autre chambre. Là, nous
21 parlons de la chambre des représentants.
22 Q. Oui, tout à fait. Je voulais qu'on confirme ça. Si je ne me trompe pas,
23 vous étiez membre de la chambre autre, la chambre des régions
24 administratives ?
25 R. Oui.
26 Q. Et là, c'est l'autre, la chambre des représentants qui s'est chargé de
27 ces débats ?
28 R. Oui.
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1 Mais je me souviens de ce rôle que nous partagions et aussi je me
2 souviens de ce qui était de la situation à la cantine du parlement, et
3 Praljak c'est quelqu'un qu'on remarque facilement, on se souvient
4 facilement vu son tempérament. Donc, je me souviens de lui. Et d'une
5 certaine manière j'ai été étonné de le voir là où il est arrivé et c'est ce
6 qu'il a exigé à sa manière --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Parce qu'il y a un problème technique. Voilà.
8 Recommencez à répondre.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] -- donc, je me souviens de
10 M. Praljak. Je l'ai vu dans le hall du parlement dans la cantine, le
11 restaurant du parlement et devant le bâtiment. Il est très facile de le
12 remarquer, vu sa manière de communiquer, cette manière très directe qui
13 s'exprime. Et pour moi, c'était un petit peu étonnant de voir qui soit là,
14 qui soit en train de demander des choses, et il s'adressait aux gens très
15 simplement, en disant : "Mais, enfin, rendez-vous là-bas, rendez-vous pour
16 voir la situation." C'est à peu près ce qu'il disait en abrégé. Il était
17 accompagné d'autres personnes mais je ne sais plus de qui. C'est
18 certainement lui qui a joué le rôle principal dans ce groupe.
19 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que cela suffit.
20 Je pense que cela suffit. Nous pouvons continuer.
21 Q. Un autre sujet que je souhaitais aborder avec vous. A plusieurs
22 reprises pendant votre interrogatoire principal, vous en avez parlé. A
23 partir de 1994 puis 1995, vous avez dit que vous êtes allé en Bosnie-
24 Herzégovine avec des convois humanitaires. Il s'agit de la page 79, lignes
25 19 à 22 du compte rendu d'audience d'hier.
26 Et, aujourd'hui, de nouveau, vers la fin des réponses à vos questions, page
27 35, vous avez évoqué votre visite en Bosnie en tant que groupe du parlement
28 faisant partie d'une délégation du parlement. Donc, là, nous avons évoqué
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1 la première visite des députés. Il y en a eu d'autres.
2 R. Oui. Pour autant que je sache, c'était la première et par la suite, il
3 y en a eu d'autres.
4 Q. Je vous remercie.
5 Pour le compte rendu d'audience, il nous faut attendre pour que nos voix ne
6 se chevauchent pas.
7 Très bien. Changeons de sujet. Alors, page 45, 21 et 22 également, vous
8 avez mentionné des soldats de l'ABiH qui à certains moments ou pour
9 certains se sont rendus ou se rendaient voir leurs proches qui étaient pris
10 en charge en République de Croatie. Vous travaillez au bureau chargé des
11 Réfugiés et des Personnes déplacées. Mais compte tenu également du fait que
12 vous avez été député, vous cherchez à savoir ce qui en était, vous vous
13 informiez -- teniez informer de ce sujet.
14 Les militaires de l'ABiH, eux aussi, pour certains se sont trouvés placer
15 dans différents centres médicaux des hôpitaux de centres de réhabilitation
16 en Croatie également ?
17 R. Oui, pendant toute la durée de la guerre en particulier c'était
18 l'hôpital de Split qui a reçu beaucoup de blessés -- blessés, membres de
19 l'ABiH, et également l'hôpital de Zagreb, l'hôpital Rebro, et le nouvel
20 hôpital. Et puis après avoir subi des interventions chirurgicales, et
21 cetera, nombreux d'entre eux ont été dépêchés dans des centres de
22 Rééducation. Je pense que nous pouvons imaginer les chiffres importants. Je
23 ne me suis pas très concrètement penché sur cela mais je sais qu'il y en a
24 eu beaucoup qui ont reçu ce type de soin en particulier à Split --
25 l'hôpital de Split. Et je pense que des dossiers très importants, tous les
26 protocoles médicaux, existent à cet hôpital au sujet de tous les patients
27 qui ont été hospitalisés là-bas.
28 Q. Je dois patienter un petit peu pour le compte rendu d'audience, mais
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1 c'est un autre aspect de ce phénomène qui m'intéresse.
2 De toute évidence, ce sont des proches, des voisins, des gens de leur
3 village également qui se rendent auprès de ces patients des les hôpitaux,
4 des gens qui se sont trouvés eux aussi en Croatie à ce moment-là. Vous êtes
5 au courant de cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Vous avez déjà mentionné le fait que ces réfugiés, également ces
8 patients, ces militaires dans les hôpitaux, ils regardent la télévision,
9 ils suivent les médias, ils étaient, pendant qu'ils étaient en Croatie. Et
10 là, vous avez dit quelque chose allant dans ce sens. Ils voyaient à la
11 télévision qu'il y avait, par exemple, une victoire, une défaite des leurs
12 en Bosnie; c'est bien cela ?
13 R. Oui, nous avons eu des cas de ce genre. Effectivement, littéralement,
14 des cas où en l'espace, au sein d'un même établissement, il y ait la fête
15 et le deuil, et j'ai été particulièrement secoué et ému par un cas dont
16 j'ai été témoin direct.
17 Q. Cette situation complexe. Le mieux serait peut-être de la présenter à
18 l'aide d'un exemple. Vous venez de dire que, personnellement, vous avez été
19 impliqué dans un cas de comparable. Est-ce que vous pouvez nous le relater
20 ?
21 R. Il s'agit d'un centre dans les environs de Makarska, des réfugiés de
22 Bosnie centrale ont été placés là-bas et il y avait les uns comme les
23 autres. Il s'agit de la famille de l'un de mes amis de Vitez. Ses proches,
24 ses parents ont été placés là et ils ont perdu plusieurs membres de la
25 famille. Et d'autres personnes, qui, eux aussi, se sont trouvés placer au
26 même endroit avec eux, ont reçu de bonnes nouvelles -- bonnes nouvelles
27 pour eux ou d'après leur vision des choses. Ça été une situation très
28 difficile parce qu'ils se sont adressés à moi me demandant qu'on les reloge
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1 ailleurs.
2 Dans ce type de situation, il est très difficile de demander aux gens de
3 rester ensemble. Je suis intervenu. A ce moment-là, j'ai demandé que l'on
4 déplace ces gens. En fait, j'ai demandé que les personnes déplacées croates
5 ou les réfugiés croates soient déplacés.
6 Q. Vu votre éducation, est-ce qu'on pourrait dire que ce type d'événements
7 ou d'incidents -- est-ce que c'est quelque chose qui crée non seulement des
8 problèmes politiques, mais aussi des problèmes sociaux, des problèmes au
9 niveau de la société, et les questions d'éthique et de comportement au sein
10 de la société se posaient ? Est-ce exact ?
11 R. Oui, c'est exact. Dans ce type de situation, il est très difficile de
12 garder la tête froide mais c'est indispensable, il faut garder son calme.
13 Q. Je vous remercie. J'ai une information portant sur un incident qui
14 s'est produit également dans un hôpital en Dalmatie. Suite à un cas comme
15 vous venez de le mentionner la victoire pour les uns, la défaite pour
16 d'autres, et des blessés, des militaires de l'ABiH, qui suivaient une
17 rééducation là, ont chanté après avoir entendu une nouvelle qui était une
18 bonne nouvelle pour eux. Est-ce que vous avez entendu parler de cet
19 incident à l'été 1993 ? Est-ce que vous êtes au courant également de ce
20 type d'incident ?
21 R. Je ne suis pas au courant de ce type, de celui-là en particulier mais,
22 de manière générale, je sais qu'il y a eu des incidents de ce type-là.
23 Mais, concrètement, celui-là, non je ne suis pas au courant.
24 Q. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions pour vous. Je vous
25 remercie de votre aide.
26 R. Je vous en prie.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak.
28 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Juste une question, Monsieur le
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1 Président.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Que, oui, qui est motivé pour quelle raison ?
3 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Une explication de cette situation.
4 Qu'on ne cherche pas à contourner la situation, à tourner autour du pot, je
5 voudrais poser une question portant sur le même sujet.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais consulter mes collègues.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Je vous ai posé la question et vous n'avez pas
9 répondu, et mes collègues demandent quelle raison qui peut motiver que vous
10 posez une question en fonction des lignes directrices que nous avions
11 rendues, à savoir que vous avez une connaissance technique personnelle du
12 problème, le cas échéant, vous avez rencontré l'intéressé. Quelle est la
13 raison qui vous permet de poser la question puisque la Chambre a décidé
14 comme cela.
15 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je souhaite uniquement que l'on tire au
16 clair la situation. Donc, il y avait des réfugiés en Croatie à 596 endroits
17 pour ce qui est du séjour organisé. Très souvent, c'étaient des Croates et
18 des Bosniens, c'est-à-dire Musulmans, placés ensemble. Des incidents se
19 sont produits; pour autant que je le sache, ces incidents étaient d'un
20 certain type et je voudrais demander au témoin s'il le sait parce qu'il y a
21 eu des célébrations des membres de l'ABiH qui célébraient leurs victoires
22 de manière bruyante, et je voudrais donc en substance demander au témoin
23 s'il y a eu des célébrations, des fêtes, suite à des victoires à Bugojno de
24 l'ABiH dans des centres de Réfugiés sur le territoire de Croatie, et
25 comment est-ce que cela a été accueilli par des Croates qui étaient
26 originaires de même bourgade qu'eux.
27 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, après cela, je demanderais à la
28 Chambre la possibilité de m'adresser à la Chambre au sujet de mon droit de
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1 poser des questions. Dans votre décision, l'on lit clairement que j'ai la
2 possibilité de poser mes questions si j'ai des connaissances directes ou
3 techniques. Donc, est-ce que je peux m'adresser à la Chambre par la suite
4 pour demander jusqu'où s'étendront les restrictions quant à mes droits.
5 Est-ce qu'à chaque fois, vous allez vous servir de votre droit
6 discrétionnaire en réduisant mon droit à un jugement équitable, à un procès
7 équitable ?
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a deux problèmes. Le premier problème, vous
9 voulez poser une question, alors, je vais consulter mes collègues.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Praljak, sur le premier -- la
12 question que vous vouliez poser, la Chambre estime que c'est une question
13 sans objet parce que le témoin a déjà répondu. Il a dit qu'il y avait des
14 incidents notamment liés à divers événements dont, par exemple, celui de
15 Bugojno, à titre d'exemple. Donc, il a répondu. Votre question n'apporte
16 rien. Alors, maintenant, donc, elle est sans objet et il n'y a pas lieu de
17 poser la question.
18 En revanche, maintenant, sur l'intervention que vous voulez faire devant la
19 Chambre, je vais à nouveau consulter mes collègues pour savoir qu'est-ce
20 qu'on décide.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Praljak, après consultation des
23 Juges, la Chambre rappelle qu'elle a rendu une décision sur l'étendue des
24 questions que vous avez le droit de poser. Cette décision a été confirmée
25 par la Chambre d'appel. Cette décision a été rendue au moment de la phase
26 de la présentation des éléments de preuve par l'Accusation. La Chambre
27 considère que le même système doit prévaloir quand ce sont les éléments
28 présentés par la Défense. Mais rien ne vous interdit à faire une requête
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1 écrite, la Chambre pourra la traiter après observation du Procureur, et le
2 cas échéant, vous pouvez faire une demande de certification d'appel. Voilà
3 ce que je vous dis. C'est une décision de la Chambre qui a été confirmée
4 par la Chambre d'appel. Donc, il n'y a pas de restriction de vos droits de
5 poser des questions, d'autant que votre avocat peut poser la question que
6 vous avez soulevée, il aurait très bien pu également la développer lui-
7 même. Donc, voilà.
8 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
9 Juges, nulle part dans cette décision, il n'est fait mention de question
10 technique. Tout d'abord, pourriez-vous me préciser, s'il vous plaît, de
11 quoi il s'agit ? Ce qui signifient les mots que vous avez signés ? A savoir
12 s'il a été appliqué personnellement, s'il peut témoigner personnellement,
13 donc, si les questions relèvent --
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas la décision sous les yeux et je n'ai pas
15 la traduction qui a été faite de notre décision dans votre langue. Si vous
16 l'avez, relisez-la pour nous, ça a été très clair. Les questions
17 techniques, par exemple, les tirs de fusil, la question liée à l'armée, et
18 cetera, où vous avez une connaissance technique personnelle, oui. Donc, ça,
19 vous pourrez poser une question. La connaissance particulière que vous avez
20 par rapport au témoin, et justement je voulais poser une question et vous
21 vous êtes levé, vous m'avez empêché de poser la question. Et selon la
22 réponse du témoin, vous auriez pu à ce moment-là intervenir. Tout ceci est
23 expliqué dans notre décision, ça a été contesté par vous-même. La Chambre
24 d'appel a confirmé la position de la Chambre. Je rappelle et vous le savez
25 mieux que quiconque qui a eu un débat au sein de la Chambre, moi, à titre
26 personnel, j'étais pour ne pas limiter votre droit, mes collègues ont
27 décidé autrement. Et donc, il y a une majorité de la Chambre qui a pris
28 cette décision à laquelle je suis obligé de me conformer.
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1 Et la Chambre d'appel a confirmé la décision majoritaire de la Chambre.
2 Voilà, c'est tout ce que je peux vous dire. Je ne peux pas dire autre
3 chose.
4 Oui, Maître Kovacic.
5 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas que le
6 moment sera propice pour ce qui est d'entrer dans les détails. Votre
7 décision est ce qu'elle est; je crois que nous nous sommes conformés de
8 façon absolue à cette décision pendant la présentation des éléments de
9 preuve de l'Accusation. Nous nous sommes conformés, il y a des définitions
10 qui sont données on ne va pas rentrer dans les détails. Mais je ne puis ne
11 pas dire qu'à la fin de la présentation des éléments à charge de
12 l'Accusation, une interprétation de la part de la Chambre de cette décision
13 a été faite, qui s'est faite quelque peu plus restrictive. La dernière fois
14 que ça a été fait, les Juges de la Chambre ont dit strictement rien que les
15 questions militaires. Or, ce n'était ni la lettre ni l'esprit de la
16 décision du mois de mai 2007, prise par les Juges de la Chambre.
17 Je propose qu'on n'en parle plus à présent pour ne pas donc perdre notre
18 temps, mais je vais présenter une requête par écrit, chose que j'ai le
19 droit de faire comme vous l'avez dit vous-même à savoir que la chose soit
20 réexaminée.
21 Parce que Messieurs les Juges, je me dois de dire une chose pour les
22 besoins du compte rendu de cette audience. Compte tenu de l'évolution de
23 cette question et d'un droit assez important attribué à l'accusé au début
24 du procès pour ce qui est de sa participation active au contre-
25 interrogatoire des témoins, jusqu'à la décision rendue par vos soins qui se
26 trouve être quelque peu plus restrictive et qui a fait l'objet d'un appel
27 de ma part et vous avez dit que la Chambre d'appel a rejeté cet appel et
28 qu'on a même tenu la décision rendue par la Chambre. Dans la phase
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1 ultérieure, cette décision à la fin de la présentation des éléments à
2 charge a été réinterprétée et c'est la raison pour laquelle cela mérite
3 d'être réexaminé.
4 Mais, bien sûr, en ma qualité d'avocat, ce que j'appréhende à la fois - et
5 je vais le dire franchement - c'est que cette décision ne soit rendue
6 encore plus restrictive par la suite. J'estime que celle qui est en vigueur
7 et qui date du mois de mai de l'an passé, bien que je ne sois pas tout à
8 fait d'accord avec elle mais à mon avis au moins assure-t-elle un minimum
9 de droit que l'accusé devrait avoir dans une procédure européenne
10 coutumière. J'estime que cela a à être expliqué mais si on vient à
11 interpréter de façon restrictive et je maintiens le qualificatif en disant
12 que c'est bien le cas, nous allons avoir de plus en plus de problème parce
13 que l'accusé devient de plus en plus l'objet de cette procédure au pénal.
14 Or, en application de la théorie en matière de droit pénal, de nous autres
15 continentaux, il devrait être sujet actif de la procédure.
16 Alors, la question qui se pose c'est celle d'abuser du temps en
17 répétant des questions, là je crois que les Juges de la Chambre ont un
18 outil qui est celui d'interrompre et de l'empêcher de gaspiller le temps
19 des Juges de la Chambre. Ça c'est incontestable. Donc, je propose qu'on
20 mette un terme à ce débat. Nous avons présenté une requête par écrit pour
21 re-soulever la question.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, votre avocat, qui parle d'or, nous
23 a expliqué qu'il allait donc faire une requête pour relayer vos
24 préoccupations et la Chambre rendra une décision. C'est ce que je vous ai
25 dit tout à l'heure. Qu'est-ce que vous voulez rajouter ?
26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge, je veux juste ajouter
27 le fait qu'en application de votre décision dont je connais bien le texte,
28 il est dit que là où j'ai des connaissances particulières et où la j'ai été
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1 impliqué, j'avais le droit de poser des questions, non pas seulement au
2 sujet de l'armée, parce qu'une question prise tellement claire se rapporte
3 de façon explicite à la possibilité de gérer ou de commander l'armée qui se
4 trouve à 20 kilomètres de l'endroit où ce type de chose se passait, il
5 s'agissait de prendre part aux activités.
6 Et c'est là justement la substance de l'observation des choses. Je ne suis
7 pas mis en accusation rien que pour des sujets militaires parce que, dans
8 l'acte d'accusation, il est dit que je suis le lien entre la partie croate
9 de l'entreprise criminelle commune et ce qui se passe en contrebas, et on
10 ne le dit pas seulement militairement mais politiquement aussi. Je ne suis
11 pas seulement un militaire, mais d'une certaine façon me trouvais-je être
12 impliqué à demander à ce qu'une délégation du parlement aille là-bas pas
13 peut-être par la force mais presque. Alors, il y est dit : s'il est
14 impliqué dans les événements et s'il a des connaissances particulières à ce
15 sujet. Mais mes connaissances particulières ne portent pas seulement sur
16 l'armée, cela porte sur l'état de conscience social, la politique et la
17 possibilité de gérer ou de conduire des activités.
18 Et je voudrais que vous posiez vous la question au témoin pour qu'il nous
19 réponde, de façon claire -- ou cristalement [comme interprété] claire :
20 est-ce qu'il y a eu des éléments armés et comment cela s'est-il répercuté
21 [imperceptible] ? Merci.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- l'intention de le faire.
23 Monsieur le Témoin, je voulais vous poser la question suivante : vous nous
24 avez dit qu'étant au parlement, et on a appris une précision vous êtes
25 membre de la chambre haute alors qu'il y a la chambre des représentants.
26 Vous avez vu ou entendu M. Praljak qui faisait du lobbying. Très bien.
27 Après quoi, nous savons que, vous-même, vous avez été sur place. Nous
28 savons par les documents que l'avocat a présentés qu'il y a également
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1 d'autres parlementaires qui se sont rendus sur les lieux. Alors, voilà la
2 question que je veux vous poser avant que M. Praljak intervienne.
3 Vous-même, connaissiez-vous M. Praljak personnellement ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai connu. Il résidait à Zagreb et je
5 l'ai connu en 1990, date à laquelle il a fait son apparition en public.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
7 Deuxièmement, quand vous avez été en Bosnie centrale - et on voit
8 bien que vous aviez été pendant les moments où il y avait un état de
9 belligérance entre les parties - pour y aller, vous avez été pris au départ
10 en charge par qui, le HVO ou la BiH ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous ne sommes jamais allés là-bas au nom des
12 uns ou des autres. Nous sommes allés là-bas en notre nom à nous. On avait
13 besoin de l'aide des uns et des autres pour pouvoir passer par des régions.
14 Nous n'avons pas eu de gros problèmes avec le HVO, mais une fois arrivée
15 jusqu'à Prozor, par exemple, il a souvent fallu négocier et demander des
16 contacts auprès de toutes les parties en présence pour qu'on nous laisse
17 passer au-delà. Très souvent, on informait par écrit toutes les personnes
18 qui étaient censées de notre avis nous aider et nous essayons de faire
19 notre séjour public parce que cela garantissait en quelque sorte notre
20 sécurité à nous aussi.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : -- les contacts que vous avez eus, est-ce que vous
22 avez eu un contact avec M. Praljak, par écrit, par téléphone, oralement,
23 par un intermédiaire ? Est-ce qu'il a joué un rôle pour que vous puissiez -
24 vous et vos camarades parlementaires -vous rendre sur les lieux ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de mes déplacements à moi, je
26 ne sais pas. Je ne sais pas s'il a -- il a peut-être eu un rôle dont je
27 n'ai pas été au courant, mais je ne lui ai pas demandé moi.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, pendant votre séjour, vous n'avez eu aucuns
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1 contacts avec M. Praljak ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Pendant qu'il assumait sa mission ou
3 qu'il se trouvait à la tête du HVO, je ne sais pas trop ce qu'il faisait,
4 je ne suis pas un expert en la matière. C'était une personnalité importante
5 là-bas mais je n'ai pas eu de contacts avec lui sur ces sujets-là, non.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et côté la BiH, qui était votre contact principal ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous n'avons, en réalité, jamais réussi à
8 avoir accès jusqu'au haut gradé. Nous avons toujours négocié avec les
9 commandants locaux, voire avec les militaires directement impliqués dans
10 les postes de contrôle. Le plus souvent, il s'agissait de s'entretenir avec
11 les commandants locaux qui étaient eux fort nombreux à chaque fois et avec
12 ces soldats qui étaient eux-mêmes chargés des postes de contrôle pour
13 qu'ils vous laissent passer. Parfois ils voulaient passer; parfois pas.
14 Parfois ils nous disaient de rebrousser chemin. Ils nous disaient parfois :
15 attendez un peu, patientez, attendez que ça se calme un peu.
16 Et pour nous, c'étaient des commandants locaux, les petites légumes,
17 les soldats ordinaires, leurs supérieurs immédiats. Je n'ai jamais contacté
18 pour ma part des commandants haut placés.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Petite précision. Ceci était lié les
20 questions qui vous ont été posées -- ont toutes trait à la mission des
21 parlementaires mais vous avez parlé d'autres visites que vous avez faites
22 en Bosnie car si je m'abuse d'après les documents, vous n'étiez pas membre
23 de la délégation parlementaire, même si vous étiez parlementaire à l'époque
24 ? Est-ce que vous pouvez nous confirmer cela ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas été membre de cette délégation-là
26 mais, à ce moment-là, j'étais membre du parlement. Alors, s'agissant de cet
27 événement, ça s'est fait de façon organisée avec l'aide des effectifs
28 internationaux et cela a été consigné et on a également informé
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1 l'ambassadeur en Bosnie-Herzégovine à Zagreb.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Merci pour vos réponses. Alors, on va passer
4 maintenant à Me Alaburic.
5 Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
6 tous et à toutes dans le prétoire.
7 Contre-interrogatoire par Mme Alaburic :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Zoric.
9 R. Bonjour.
10 Q. Je m'appelle Alaburic, Vesna et je suis ici pour défendre le général
11 Milivoj Petkovic. Dites-moi : avez-vous connu le général Petkovic ?
12 R. Oui, j'ai connu M. Petkovic.
13 Q. Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances vous avez fait sa
14 connaissance ?
15 R. J'ai fait sa connaissance au travers de sa carrière. Parfois il
16 intervenait dans le public. On pouvait voir ou entendre ses propos dans le
17 public, je savais donc qui c'était, et à plusieurs reprises, j'ai eu
18 l'occasion de le rencontrer et de lui dire bonjour. Ce n'est pas une
19 connaissance importante que nous avons réalisée entre nous. Je sais qui
20 c'est, je sais que c'était un militaire et je sais à peu près ce qu'il
21 faisait.
22 Q. Je n'ai pas eu l'intention et probablement ne vais-je pas vous
23 entretenir longuement sur bien des points, mais ce que je voudrais ici
24 qu'on tire au clair certains détails. Vous nous avez expliqué ici que la
25 Croatie se trouvait être signataire de la convention internationale
26 relative au statut des réfugiés ainsi que des protocoles de 1967,
27 concernant le statut des réfugiés. Vous en souvenez-vous ?
28 R. Oui, la Croatie a signé ces conventions. C'est des conventions de 1951
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1 et le protocole lui est de 1967.
2 Q. Essayons de définir quand est-ce que --
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je interrompre ? Je
4 souhaiterais rappeler les parties d'attendre et de ménager des pauses afin
5 que les interprètes puissent interpréter, avoir le temps d'interpréter car,
6 encore une fois, il y a un chevauchement et nous n'arrivons pas à suivre
7 même si nos interprètes sont excellents et je souhaiterais les féliciter et
8 leur donner tout mon appui.
9 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je souhaiterais confirmer que je
10 partage l'opinion de mon collègue mais je voudrais également ajouter que
11 les conventions de Genève ont été conclues en 1951 et non pas en 1957. Je
12 souhaiterais cela pour le compte rendu d'audience.
13 Mme ALABURIC : [interprétation] Je remercie les Juges des instructions qui
14 nous ont été données et, bien entendu, M. Zoric nous devons nous y
15 confirmer tous les deux. Je remercie également le Juge Prandler de cette
16 rectification. Le témoin a dit justement que cette convention datait de
17 1951 et le protocole lui datait de 1967.
18 Q. Essayons, Monsieur Zoric, de nous pencher sur le fait de savoir quand
19 est-ce que la Croatie est devenue partie prenante à ces traités
20 internationaux. Alors, est-ce que vous savez que la Croatie de part son
21 notification portant succession dès la première journée de son indépendance
22 le 8 octobre 1991, est devenue partie prenante à bon nombre de traités
23 internationaux, y compris ce relatif au statut des réfugiés ?
24 R. Je sais cela mais à la demande de l'Union européenne, la Croatie a
25 suspendu cette décision portant accession à l'indépendance et je pense que
26 pour ce qui est de toutes les conventions internationales les Nations
27 Unies, y compris celles qui ont été évoquées tout à l'heure, nous les avons
28 adoptées après l'accession de la Croatie aux Nations Unies, c'est-à-dire
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1 après notre affiliation aux Nations Unies.
2 Q. Je m'excuse, Monsieur Zoric, à toutes les personnes dans ce prétoire.
3 Je pense que vous avez dû commettre une erreur non intentionnelle. Pouvons-
4 nous tomber d'accord sur le fait que la Croatie a proclamé son indépendance
5 en juillet 1991, et qu'il y a eu un moratoire de trois mois proclamé en
6 juillet 1991 et le moratoire en question a pris fin en octobre 1991 et nous
7 célébrons la fête de l'indépendance qui se situe au mois d'octobre 1991,
8 n'est-ce pas ?
9 R. C'est bien exact.
10 Q. Alors, pouvons-nous nous mettre d'accord sur le fait que de par sa
11 notification portant succession à la république dès la première journée
12 d'accession à l'indépendance est devenue partie prenante à ces traités
13 internationaux ?
14 R. Oui, nous sommes d'accord.
15 Q. Bien, je voulais que nous tirions cela au clair. Veuillez nous
16 indiquer, Monsieur Zoric, si vous avez connaissance du fait que les accords
17 internationaux en application de la constitution croate font partie du
18 système juridique croate, au cas où la Croatie accèderait à l'un quelconque
19 de ces accords ou traités
20 internationaux ?
21 R. Oui, j'ai connaissance de ce fait.
22 Q. Saviez-vous qu'en application de la constitution croate, ce type de
23 traités internationaux ont plus de poids que la législation croate
24 proprement dite ?
25 R. Oui, je n'ignore pas le fait que la législation internationale se
26 trouve avoir plus de poids que la législation nationale.
27 Q. Bon. Je tiens à vous rappeler un document qui est fort important et
28 dont vous avez longuement parlé avec mon confrère,
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1 M. Karnavas. Je ne vais vous donner des renseignements, vous n'avez pas de
2 temps à perdre au niveau de la recherche. Il s'agit du
3 1D 2626, qui se trouve dans le jeu de documents de M. Petkovic, dans la
4 partie numéro 4, où il y est question de la dynamique ou de la décadence de
5 la crise des réfugiés. On dit que la République de Croatie fait face à un
6 grand nombre de réfugiés originaires de la Bosnie-Herzégovine à partir du
7 mois d'avril 1992 et au-delà.
8 Alors, pouvez-vous nous dire, Monsieur Zoric, si ce renseignement est exact
9 ? Donc, à compter du mois d'avril et au-delà, la République de Croatie fait
10 face à une vague de réfugiés en provenance de Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Oui, et en trois ou quatre mois à peine, le chiffre est monté à plus de
12 200 000.
13 Q. Dans la partie 4, on donne les renseignements sur la croissance de ce
14 nombre en haut en avril, ils étaient plus de
15 190 000; en août, ils étaient plus de 360 000; en décembre, ils étaient
16 plus de 370 000, et cetera. Alors, ces chiffres, d'après vous, se trouvent
17 être exacts ou pas ?
18 R. C'est exact.
19 Q. J'aimerais qu'on détermine ensemble maintenant quelle est la
20 réglementation portant sur les réfugiés qui était en vigueur à l'époque où
21 la Croatie a commencé à faire face à cette vague de réfugiés. Je vous prie
22 de vous référer à mon jeu de documents. Le document qui porte le 4D 1232.
23 Mme ALABURIC : [interprétation] Alors, observation à l'intention des Juges
24 de la Chambre. Cette loi portant sur le déplacement et le séjour des
25 étrangers, je ne l'ai pas en version traduite de façon intégrale; la
26 traduction va jusqu'à l'article 43 seulement. Aussi, estimais-je nécessaire
27 que cette loi existe afin qu'ils puissent être vus de quelle façon la
28 Croatie a ménagé le statut des réfugiés ? Je n'ai pas l'intention de
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1 parcourir les différentes dispositions de façon détaillée avec ce témoin.
2 Q. Monsieur Zoric, je vous demande de vous pencher rapidement sur
3 l'article 22 qui parle du séjour des étrangers partant de la reconnaissance
4 de leur statut de réfugiés. Puis ensuite, je vous réfère au chapitre 5
5 entier qui porte sur les réfugiés, à savoir articles 31 à 38 inclus, puis
6 toute une autre série d'articles. Et ma question à ce sujet est la suivante
7 : serait-il exact de dire que, par l'acquisition de ce statut de réfugiés
8 au sein de la République de Croatie, c'était un élément qui était prévu par
9 les textes de lois relatifs à l'arrivée et au séjour des étrangers tel que
10 je vous l'ai montré ?
11 R. C'est exact.
12 Q. Si vous vous penchez maintenant sur la partie introductive de ce décret
13 --
14 M. SCOTT : [interprétation] Désolé, je souhaite m'excuser auprès de mon
15 éminente consoeur. Est-ce que nous avons une traduction anglaise de ce
16 document ? Non. Ah, bon. Très bien. Merci.
17 Mme ALABURIC : [interprétation] Je vais répéter. Je regrette beaucoup le
18 fait que nous n'ayons pas cela d'intégralement traduit. J'ai pris hier la
19 décision de me servir de cette loi pour mon contre-interrogatoire, et
20 malheureusement, je n'ai --
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Encore, vous nous dites dans son
22 ensemble. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quelles sont les
23 parties qui ont été traduites ?
24 Mme ALABURIC : [interprétation] J'ai dit jusqu'à l'article 43 compris,
25 inclus.
26 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, je voulais seulement
27 venir en aide à Me Alaburic et dire qu'un très grand nombre de pages ont
28 été traduites en anglais, et nous pouvons trouver ces passages dans la
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1 première partie du document, à savoir l'article 2, qui fait référence aux
2 réfugiés et également que ceci a -- que cet état des réfugiés est basé sur
3 les conventions de Genève de 1951 et le protocole de 1967, et ce protocole
4 a été adopté à New York dans le cadre du travail des Nations Unies alors
5 que la convention de 1951 a été adoptée à Genève par les Etats qui ont pris
6 part à la conférence diplomatique. Merci.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Attendez, Maître Alaburic. Il semble qu'il y a
8 un problème. Dans votre classeur, il y a le document 4D 1231, et j'ai
9 l'impression que mon collègue vient de lire ce document et il y a le
10 document 4D 1232, qui lui -- moi, je ne l'ai pas traduit. Je n'ai pas la
11 traduction en anglais. Alors, quand vous parlez de l'article 22, c'est
12 l'article 22 de quel document ? Et nous n'avons pas la traduction en
13 anglais et le système e-court ne l'a pas non plus.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si je puis, ce que nous avons c'est
15 la loi sur l'asile mais ce n'est pas la même chose, n'est-ce pas ?
16 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, dans mon jeu de
17 documents, il y a deux lois. Il y en a un qui porte asile et l'autre porte
18 sur le déplacement et le séjour des étrangers. La loi portant sur le droit
19 d'asile existe en version anglaise. Il s'agit d'une loi de 2003, et cette
20 loi met hors vigueur ou hors validité certaines dispositions relatives à la
21 loi de 1991 relatives au séjour et au déplacement des étrangers. Les
22 dispositions mises hors vigueur se rapportent aux réfugiés. La loi que je
23 n'ai pas en version traduite c'est la loi sur le séjour ou le déplacement
24 des étrangers. Je voulais dire que je n'avais que la traduction de la
25 première moitié du texte de cette loi. Au cas où vous souhaiteriez
26 déterminer que le chapitre 5 aménage bel et bien le sujet des réfugiés, je
27 pourrais faire placer ce document sur le rétroprojecteur. J'ai estimé que
28 personnellement que cela n'a pas été si nécessaire que cela.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne sais pas qu'est-ce que vous vouliez mettre en
2 évidence par vos questions au témoin. Mais si vos questions sont d'une
3 importance capitale, à ce moment-là, il faut que les Juges aient la version
4 anglaise du texte; sinon, comment voulez-vous qu'on puisse donner une
5 valeur probante aux réponses qui vont être données à partir d'un texte dont
6 nous n'avons pas la traduction et à partir de fragments que vous allez
7 introduire. C'est ça que je ne comprends pas.
8 Si vous préparez le contre-interrogatoire de ce témoin, il y a des éléments
9 importants qui peuvent intéresser les Juges et avoir un impact; à ce
10 moment-là, venez à l'audience avec les documents traduits car vous savez et
11 vous nous avez vus les Juges, il y a un texte qu'est-ce qu'on fait nous; on
12 regarde le texte de l'article 1 au dernier article. On ne se contente pas
13 d'avoir les bras croisés et d'écouter ce que vous dites. On écoute ce que
14 vous dites mais en plus, on regarde le document, et moi, j'ai le scanne de
15 la première page à la fin pour voir s'il n'y a pas d'éléments qui vous ont
16 échappé ou des éléments qui contredisent ce que vous dites. Mais si vous me
17 présentez un document dans votre langue sans que je ne puisse faire ce
18 travail, je n'ai plus qu'à me croiser les bras et attendre la question
19 suivante.
20 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, au tout début, j'ai
21 indiqué que, s'agissant de ce témoin qui n'est pas un juriste, je n'avais
22 nullement l'intention d'analyser des textes de loi. Je lui ai montré ce
23 texte de loi-ci pour un élément tout à fait simple. Hier, il a été question
24 d'une loi portant statut des personnes déplacées et des réfugiés et,
25 Messieurs les Juges, on posait toute une série de questions qui ont
26 clairement fait entendre qu'il ne comprenait pas partant de quoi les
27 réfugiés originaires de Bosnie-Herzégovine recevaient un statut de réfugié,
28 car la loi qu'on leur avait montrée se rapportait uniquement à des citoyens
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1 de la République de Croatie et à des événements survenus sur le territoire
2 de la République de Croatie.
3 Aussi, je souhaitais montrer ou demander à ce témoin de nous dire si
4 l'accession au statut de réfugié était aménagée par cette loi relative au
5 séjour et déplacement des étrangers. Et j'ai indiqué que nous avions la
6 moitié de ce texte de loi de traduit. Je n'ai pas l'intention de le faire
7 verser au dossier parce que nous n'avons pas sa traduction. Mais nous
8 aurons d'autres témoins d'ici à ce moment-là, le texte sera traduit, on
9 vous le montrera.
10 Pour les besoins de mon contre-interrogatoire, il suffisait donc de
11 demander à ce témoin de vous dire à vous, Messieurs les Juges, que cette
12 accession au statut de réfugié s'agissant de personnes originaires de la
13 Bosnie-Herzégovine, c'était un élément aménagé par la loi portant séjour et
14 déplacement des étrangers.
15 Ce qui est important pour les besoins de mon contre-interrogatoire, et
16 j'estime pour vous aussi, c'est de déterminer que cette loi a été adoptée
17 au mois de juin 1991, qu'elle est entrée en vigueur à la date de sa
18 publication donc le 8 octobre 1991, donc, au moment de l'accession de la
19 République de Croatie à son indépendance et la question que je voulais
20 traiter avec ce témoin, c'est de savoir si l'ordre, l'adoption de cette
21 réglementation on avait envisagé la possibilité de voir la Croatie de faire
22 face à un tel problème d'afflux de réfugiés depuis la Bosnie-Herzégovine.
23 Donc, je voulais qu'on précise quelle est la loi qui aménageait tel sujet
24 ou telle autre matière et vous allez voir la traduction d'ici là pour vous
25 référer à des parties de la législation en question si vous estimez
26 nécessaire.
27 Alors, pour vérifier que je dis bien la vérité, vous pouvez vous
28 référer au 4(d) 1231, qui est une loi portant sur le droit d'asile qui se
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1 trouve être traduite en anglais et dans ces dispositions finales, à savoir
2 l'article 72. Il y est dit quelles sont les dispositions qui, dans la loi
3 relative au séjour des déplacements des étrangers, se trouvent être mises
4 hors vigueur alors que cela se rapporte aux questions relatives aux
5 réfugiés.
6 Et c'est tout ce que j'ai estimé nécessaire de dire à ce sujet et
7 cette argumentation a été plutôt longue, or, la question voulait savoir
8 seulement quelle est la loi qui aménage ce type de question aux concis.
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
10 Juges, je dois m'associer à l'Accusation -- je n'ai pas vu cela.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [hors micro]
12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi ses propos.
13 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
14 remercie Me Karnavas. Pour être tout à fait clair, je ne soulève aucune
15 objection à ce que -- je sais très bien que mon éminente consœur avait
16 toutes les bonnes intentions du monde. Ce n'est pas cela que je veux dire.
17 Mais il y a un problème fondamental qui se pose de nouveau. Je crois,
18 bien sûr, mon éminente consœur mais la loi, qui n'a pas été traduite, est
19 la loi qui s'applique, et donc, pour les personnes qui sont présentes dans
20 le prétoire et qui ne parlent pas croate, nous n'avons pas cette loi à
21 notre disponibilité, je ne peux pas poser des questions. Je ne peux pas
22 mener un contre-interrogatoire sur la base de cela. Je peux certainement
23 relire ce que nous a dit mon éminente consœur. Tout ce dont nous avons
24 parlé pendant déjà un jour et demi, le statut des réfugiés est régi par
25 cette loi dont nous n'avons pas de traduction. Alors, voilà le grand
26 problème. Je ne peux pas certainement poser des questions supplémentaires,
27 je ne peux pas mener un contre-interrogatoire si je n'ai pas de document.
28 Je sais qu'il est très difficile de se préparer, enfin de préparer
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1 tous les documents mais l'Accusation est dans la même situation. Je ne peux
2 certainement pas poursuivre sans avoir la traduction de ce document.
3 M. KARNAVAS : [interprétation] Je m'associe à l'objection soulevée par
4 l'Accusation, car moi aussi j'ai le droit de poser des questions
5 supplémentaires. Si j'ai bien compris ce qu'a dit
6 Me Alaburic, elle a dit que nous ne savons pas ce que nous sommes en train
7 de faire. Vous l'aurez remarqué, j'ai montré la lettre du
8 Dr Rebic qui renvoie à la décision qui est apparue dans le journal
9 officiel. En tout cas, j'ai parlé des paragraphes qui de l'avis du Dr Rebic
10 étaient la loi en vigueur.
11 Mais regardons aussi le moment auquel ceci intervient, car après nous
12 aurons un décret, une décision et vous avez entendu dire pourquoi cette
13 décision était nécessaire. Si Me Alaburic maintenant a l'intention de
14 s'attaquer à nous, de contester ce que nous avons dit, et bien, elle doit
15 fournir une traduction. L'idée de parler d'une loi croate mais en tant que
16 juriste comme de loi, je suis tout à fait à même d'interpréter cette loi.
17 Et je fais objection à ce qu'elle dit que c'était cette loi qui
18 s'appliquait alors que nous, nous disions que c'était tant le décret que la
19 décision qui s'appliquaient d'autant que M. Rebic fait référence à cette
20 décision dans la lettre qu'il envoie à l'ambassadeur Turkovic pour ce qui
21 est de la raison pour laquelle certaines personnes étaient envoyées en
22 Bosnie-Herzégovine. Apparemment, d'après M. Rebic, ces personnes n'avaient
23 plus le statut de réfugié, la situation s'était calmée, alors tant qu'on
24 n'a pas de traduction, je fais objection.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, cette question du statut juridique
26 des réfugiés n'est pas une question nouvelle. Il y a des mois de cela, si
27 je ne me rappelle plus quel témoin était venu et j'avais dit moi-même en
28 interrogeant la Défense : quels sont les textes qui régissent en République
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1 de Croatie le statut des
2 réfugiés ? J'avais posé moi-même la question, et de mémoire, j'avais fait
3 référence au convention de Genève. Mais j'avais demandé : "Quel est le
4 droit croate en la matière ?" Bon, j'avais posé cette question. Ça fait des
5 mois, voire peut-être même plus d'une année. Vous arrivez aujourd'hui pour
6 nous dire quelque chose, très bien, vous avez peut-être raison, moi, je ne
7 dis pas que vous avez tort. A ce moment-là, il fallait venir avec le texte
8 avec la traduction anglaise pour que justement nous soyons à même de poser
9 les questions, le Procureur a fait une objection en disant que lui, pour
10 qu'il contre-interroge, encore faut-il qu'il ait le texte; et
11 Me Karnavas vient également de dire que lui aussi veut avoir dans sa
12 langue, le texte. Alors, voilà la situation.
13 Mme ALABURIC : [interprétation] Et si je puis apporter juste une
14 explication. Si j'avais eu l'intention de citer en tant que mon témoin, ce
15 témoin pour qu'il parle des réfugiés, cette loi aurait certainement été
16 traduite en langue anglaise. Hier, à l'occasion de votre question, j'ai
17 pris la décision - et ce n'était pas seulement à cause de la question posée
18 par M. le Président Antonetti, mais aussi à cause de la réponse apportée
19 par M. Zoric qui a dit qu'il n'y avait pas seulement le décret qui était en
20 vigueur sur le statut des personnes déplacées, des réfugiés, mais qu'il y
21 avait aussi des textes de loi qui régissaient le statut des étrangers.
22 Hier, en préparant mon contre-interrogatoire, j'ai décidé de poser
23 cette question au témoin. Et j'ai estimé qu'il était correct de ma part de
24 préparer le texte de cette loi. Mais je n'ai pas l'intention de m'occuper
25 de cette loi maintenant; c'était juste une base me permettant d'aborder la
26 question suivante, à savoir ma question suivante porte sur le décret
27 portant au statut des réfugiés et des personnes déplacées en vigueur.
28 Q. Monsieur Zoric, pendant que vous étiez au bureau - document 1D2588,
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1 c'est dans le jeu de documents de la Défense de M. Prlic - est-ce que vous
2 pouvez, s'il vous plaît, jeter un coup d'œil sur ce document ?
3 Et ma question sera la suivante : est-ce que nous pourrions être d'accord
4 sur le fait que le fait que ce document était en vigueur jusqu'au mois
5 d'octobre 1993 ? C'est à ce moment-là qu'on a adopté la loi au sujet de
6 laquelle vous avez répondu aux questions de mon confrère Karnavas, hier ?
7 2588.
8 R. Oui, nous pourrions nous mettre d'accord là-dessus.
9 Q. Article 26, s'il vous plaît. Me Karnavas a attiré votre attention là-
10 dessus. Cet article important figure dans ce décret. Donc, il est dit ici
11 que les dispositions des articles 13 à 19 du décret doivent s'appliquer aux
12 réfugiés de manière appropriée. Donc, dans les articles 13 à 19 du décret,
13 on régit la question d'aide aux personnes déplacées; c'est bien cela ?
14 R. Oui. Dans les articles 13 à 19, il est question d'aide qui revient aux
15 personnes déplacées. A l'article 26, il est question du fait que de manière
16 analogue, il convient de traiter les réfugiés.
17 Q. Donc, les réfugiés, est-ce que c'était le fondement qui permettait aux
18 personnes déplacées de bénéficier des mêmes droits en Croatie que les
19 réfugiés de Bosnie-Herzégovine ?
20 R. Oui, c'était ça le fondement juridique.
21 Q. Très bien. Alors, revenons maintenant à la pièce 1D 2626. Je vais vous
22 donner lecture pour que vous ne perdiez pas votre temps en cherchant. Au
23 chapitre 5 il est dit : "En Croatie, il existe, et a existé depuis le
24 début, de la crise des personnes déplacées et des réfugiés un système
25 unifié de soins qui s'adressait à la fois aux personnes déplacées en
26 Croatie et aux réfugiés de Bosnie-Herzégovine qui ne faisaient aucune
27 différence par rapport à l'appartenance ethnique des réfugiés et des
28 personnes déplacées. Tous les réfugiés de Bosnie-Herzégovine indépendamment
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1 de leur appartenance nationale bénéficiaient du même statut et recevaient
2 le même traitement."
3 Monsieur Zoric, est-ce que vous pouvez nous confirmer cette conclusion que
4 je viens de lire ? Est-elle exacte ou pas ?
5 R. Cette conclusion est exacte. Et si vous me permettez, juste une phrase
6 que je souhaite ajouter. Par rapport au contexte, souvent on ne parle que
7 de réfugiés de Bosnie-Herzégovine qui sont soit des Croates, soit des
8 Bosniens, des Musulmans; mais je dois dire aussi que peut-être que les
9 statistiques ne montrent pas en Croatie, mais que nous avions également un
10 certain pourcentage de réfugiés qui étaient des Serbes. Ils n'étaient pas
11 très nombreux, mais il y en avait. Et de Sarajevo, nous avons eu des
12 membres de la communauté juive de Sarajevo. Donc, pour ce qui me concerne,
13 j'aimerais mieux qu'on parle de personnes qui se sont exilées, qui sont des
14 réfugiées et s'il le faut absolument, j'accepte de parler de leur
15 appartenance ethnique.
16 Q. Je serais tout à fait d'accord avec vous, Monsieur Zoric, si notre acte
17 d'accusation ne reprochait pas aux Croates des actes commis contre des
18 Musulmans. C'est la raison pour laquelle je suis obligée d'aborder la
19 question d'appartenance nationale de la manière dont je le fais.
20 Donc, nous avons dit que la dynamique de l'arrivée des réfugiés de Bosnie-
21 Herzégovine en Croatie nous montre plus de 360.000 des personnes arrivées
22 dès le mois d'août, n'est-ce pas ? Alors, dans notre jeu de documents, vous
23 voyez cet accord d'amitié et de coopération du 21 juillet 1992 ? Il a été
24 conclu entre Alija Izetbegovic et Franjo Tudjman. Si vous voulez bien,
25 examinons le point 3 de cet accord. Il s'agit de la pièce P0039 dans le jeu
26 de documents. C'est un document que nous avons souvent eu l'occasion
27 d'examiner dans ce prétoire. Et au point 3, il est dit, je cite : "La
28 délégation de l'Etat de la République de Bosnie-Herzégovine exprime sa
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1 gratitude à la République de Croatie d'avoir accueilli et pris en charge
2 des réfugiés de la République de Bosnie-Herzégovine au-dessus de ses
3 possibilités."
4 Dites-nous, Monsieur Zoric : les représentants des autorités de Bosnie-
5 Herzégovine, est-ce qu'ils ont souvent exprimé leur gratitude à la
6 République de Croatie pour les efforts déployés et la prise en charge des
7 réfugiés ?
8 R. Oui. Je ne me souviens pas de rencontres avec le président Izetbegovic
9 où il n'aurait pas réitéré ce type de phrase. Lors de chacune des
10 rencontres, ceci a été l'un des sujets. On nous a toujours fait part de
11 leur gratitude. Et c'était très encourageant.
12 Q. Et voyons maintenant la suite : "La République de Bosnie-Herzégovine et
13 la République de Croatie face au problème virulent de persécutions en
14 masse, en particulier de la population musulmane et croate de Bosnie-
15 Herzégovine coopérant sur la prise en charge des réfugiés en République de
16 Croatie et dans d'autres pays, sur la collecte d'aide humanitaire et
17 financière. La construction de centres d'accueil pour réfugiés dans des
18 secteurs sûrs de Bosnie-Herzégovine et également en travaillant sur le
19 retour des réfugiés de République de Croatie en République de Bosnie-
20 Herzégovine. A cette fin, un protocole particulier de coopération sera
21 signé."
22 Monsieur Zoric -- pourriez-vous nous dire, Monsieur Zoric, pour autant que
23 vous le sachiez, ce protocole, est-ce qu'il a effectivement été signé --
24 protocole de coopération ?
25 R. Oui. Il y a eu signature de ce protocole de coopération, et par la
26 suite, d'autres protocoles ont été signés qui se consacraient davantage sur
27 le retour. Le premier concernait l'aide et la prise en charge. Et puis je
28 pense que c'est pendant la première moitié de l'année 1995 qu'ont été
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1 rédigés, signés les protocoles qui portent sur le retour des gens.
2 Q. Dans mon jeu de documents, document 3D2710, s'il vous plaît. C'est un
3 document de la Défense du général Praljak, protocole de coopération entre
4 les gouvernements de la République de Croatie et gouvernement de Bosnie-
5 Herzégovine pour régler la question des réfugiés de Bosnie-Herzégovine.
6 Signé le 22 juillet 1992. Les signataires sont les deux chefs de
7 gouvernement, Franjo Greguric et Jure Pelivan.
8 Vous pouvez examiner, s'il vous plaît, ce protocole. Dites-nous :
9 est-ce que c'est bien de ce protocole-là que l'on a parlé à l'instant ?
10 R. Ici, nous avons le protocole que nous venons d'évoquer qui a été signé
11 à l'issue de cet accord. Je précise que Franjo Greguric figure parmi les
12 signataires - il était chef de gouvernement à l'époque - mais, en fait,
13 c'est son vice-premier ministre, Mate Granic, qui a signé. Il est -- il
14 avait la charge de cela à l'époque au sein du gouvernement croate.
15 Q. Au point 4 de ce protocole, s'il vous plaît, voyez-vous --
16 M. SCOTT : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Je regrette
17 que ça retombe toujours sur mes épaules. Moi, je voudrais bien partager ce
18 fardeau avec quelqu'un d'autre dans ce prétoire à moins que je sois le
19 seul, mais je n'aie pas de traduction en anglais. Blague à part,
20 effectivement, je ne voudrais pas être le seul à faire cette objection.
21 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons vérifié
22 dans les documents de la Défense du général Praljak et nous avons pu voir
23 que c'est un des documents qui sont en cours de traduction. Donc, c'est un
24 document qui n'a toujours pas été traduit, et c'est la raison pour laquelle
25 ce document ne peut pas encore être proposé au versement. J'estime que ceci
26 n'est pas une raison qui nous empêcherait de parler maintenant de ce
27 document, nous pouvons le placer sur le rétroprojecteur, si cela est
28 nécessaire pour traduire les -- les extraits que nous estimons utiles. Moi,
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1 c'est seulement le point 4 qui m'intéresse. Je -- je vais en donner
2 lecture.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- donner lecture du point 4 et ça ira plus vite.
4 Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, au point 4, je cite : "Le gouvernement
5 de la République de Croatie et le gouvernement de la République de Bosnie-
6 Herzégovine demanderont de la part de la communauté internationale
7 d'augmenter l'aide humanitaire, et en particulier de l'aide destinée à la
8 Bosnie-Herzégovine, ainsi que l'accueil de nouveaux réfugiés dans des pays
9 européens voisins qui ne pourront pas être pris en charge en Bosnie-
10 Herzégovine. Le gouvernement de la République de Croatie n'est pas en
11 mesure de prendre à sa charge les frais de transfèrement de l'aide
12 humanitaire internationale qui est destinée directement à la Bosnie-
13 Herzégovine
14 -- qui est acheminée directement à la Bosnie-Herzégovine."
15 Q. Monsieur Zoric, il en ressort que les représentants des deux
16 gouvernements se mettaient d'accord de s'adresser aux pays européens pour
17 que les réfugiés que la République de Croatie ne pouvait plus absorber
18 soient adressés vers ces pays-là. Est-ce que j'ai bien compris ce protocole
19 ?
20 R. Oui, je pense que vous le comprenez bien. Les gouvernements se sont
21 réellement adressés -- le pays -- le gouvernement croate l'a fait, c'était
22 d'ailleurs à l'ordre du jour de nombreux contacts internationaux, et les
23 gouvernements des pays européens ont répondu à l'appel et ont déterminé des
24 quotas pour l'accueil de ces personnes : la Hongrie, l'Autriche,
25 l'Allemagne, l'Italie, le Danemark, les Pays-Bas. Mais il y a eu d'autres
26 gouvernements -- d'autres pays que j'ai déjà mentionnés ici qui, par
27 l'entremise des organisations internationales, se sont déclarés prêts à
28 recevoir un certain nombre de personnes.
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1 Q. Reprenons maintenant à la pièce de la Défense 1D 2626 de la Défense de
2 M. Prlic. Prenons maintenant le sixième paragraphe de l'article 4, j'en
3 donne lecture : "Suite à l'appel lancé par le gouvernement de la République
4 de Croatie en juillet 1992 à l'adresse des pays de l'Europe occidentale
5 leur demandant de recevoir des réfugiés de Bosnie-Herzégovine, une grande
6 colonne de réfugiés de Bosnie-Herzégovine en passant par la Croatie
7 s'achemine vers l'Europe occidentale."
8 Cet -- cet appel, est-ce qu'il correspond à ce protocole signé par les
9 représentants des deux états ?
10 R. Oui, cet appel correspond à ce protocole.
11 Q. C'est le mois de juillet, donc, c'est au milieu de l'année 1992.
12 Monsieur Zoric, seriez-vous nous dire à l'année 1992, en Bosnie-
13 Herzégovine, il n'y avait pas de conflits armés entre les Musulmans et les
14 Croates, n'est-ce pas ?
15 R. A ce moment-là, pas encore. Du moins, pas pour autant que je le sache.
16 Q. Sommes-nous en droits de conclure que le départ des réfugiés de Bosnie-
17 Herzégovine dans les pays tiers au milieu de l'année 1992 et par la suite
18 ne pouvaient pas, par la nature des choses, être la conséquence d'un
19 conflit armée entre -- opposant les Croates et les Musulmans ?
20 R. Oui, c'est une conclusion tout à fait logique.
21 Mme ALABURIC : [interprétation] Je vous remercie, je n'ai plus de
22 questions. Je présente mes excuses, encore une fois, pour avoir présenté
23 des documents pas encore traduits, mais j'ai -- je m'excuse, je n'avais pas
24 d'autre solution. Merci.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Défense ayant terminé le contre-
26 interrogatoire, puisque plus personne n'a de question à poser, après la --
27 après la reprise, M. Scott commencera le contre-interrogatoire.
28 Oui, Maître Nozica, c'est bien ça si je ne me trompe ?
Page 28006
1 Mme NOZICA : [interprétation] Vous ne faites pas erreur, Monsieur le
2 Président. Tout simplement, une intervention qui sera utile avant la pause.
3 Le document qui a été utilisé pendant l'interrogatoire principal de Me
4 Karnavas, document 1D 02626, c'est un document qui a déjà été versé au
5 dossier, 2D 00486. Juste pour qu'il n'y ait pas de confusion sur le
6 versement de ce document. On s'en servira souvent, je pense qu'il est
7 important de le savoir. Merci.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott, vous vous étiez levé pour --
9 L'INTERPRÈTE : Le micro n'est pas branché.
10 M. SCOTT : [interprétation] J'attendais que le compte rendu soit complet.
11 Je veux le dire pour qu'on ne se demande pas pourquoi ceci n'a pas été
12 soulevé auparavant. Pour ce qui est de l'interrogatoire mené par Me
13 Alaburic et des autres, nous maintenons notre opposition à ce que des
14 questions directrices soient posées au niveau des questions supplémentaires
15 -- ou plutôt, des questions posées par les autres équipes de la Défense.
16 Nous allons déposer des écritures à cet effet et je ne voudrais pas que
17 quelqu'un pense que je n'avais pas soulevé cette objection, c'est la raison
18 pour laquelle je l'ai rappelé. Mais nous vous déposerons des écritures à
19 cet effet.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, dans 20 minutes, nous reprendrons l'audience,
21 et vous aurez 45 minutes pour débuter le contre-interrogatoire.
22 --- L'audience est suspendue à 12 heures 40.
23 --- L'audience est reprise à 13 heures 00.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Monsieur Scott, vous
25 avez la parole.
26 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
27 Juges. Bonjour à toutes et à tous, à la Défense.
28 Contre-interrogatoire par M. Scott :
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1 Q. [interprétation] A vous aussi, Monsieur Zoric.
2 R. Bonjour.
3 Q. Monsieur Zoric, entrons dans le vif du sujet dans la question du statut
4 des réfugiés et je veux vous dire que je vais aussi revenir à votre
5 audition lorsque nous avons appelé le procès Tuta-Stela,
6 Maletilic/Martinovic. Est-ce que vous ne faites pas une différence entre
7 quelqu'un qui est "un réfugié" et une personne qui est une "personne
8 déplacée" ?
9 R. Oui, je pense que j'en ai parlé suffisamment hier.
10 Q. De plus, vous reconnaissez, et dans le procès Tuta, vous avez dit qu'il
11 y avait, je vous cite : "Une grosse différence" entre quelqu'un qui a un
12 "statut de réfugié" et quelqu'un qui est "un étranger," n'est-ce pas ?
13 R. Je ne sais pas dans quel sens vous entendez la différence.
14 Q. Est-il exact de dire que quelqu'un à qui on a donné un statut de
15 réfugié bénéficie tout du moins en théorie de beaucoup de droits, plutôt
16 que quelqu'un qu'on considère simplement comme un étranger dans un pays ?
17 R. Non, ils ont les mêmes droits, les différences peuvent porter sur autre
18 chose, différence d'origine, de langue, d'appartenance ethnique. Mais pour
19 ce qui est de leurs droits, ils ont les mêmes droits.
20 Q. Monsieur, lorsque vous étiez témoin dans le procès Tuta, vous avez dit,
21 je vous cite que : "Il y avait une grosse différence" entre quelqu'un qui a
22 un statut de réfugié et quelqu'un qui est étranger. Si quelqu'un est
23 réfugié, le pays, je vous cite : "A l'obligation de lui fournir logements,
24 scolarisation des enfants, soins médicaux, et tout ce qui est nécessaire de
25 façon à ce que cette personne soit prise en charge à vie." Fin de votre
26 déposition.
27 Plutôt qu'un étranger, avez-vous dit : "C'est quelqu'un qui en
28 Croatie n'a pas le statut de réfugié qu'il n'avait pas, il n'a pas ces
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1 droits."
2 Maintenant, vous répondez différemment de ce que vous avez dit dans
3 le procès Tuta, n'est-ce pas ?
4 R. Je n'ai pas sous les yeux cette réponse. Je ne vois pas ce texte. Il
5 m'est difficile de l'apprécier maintenant. Un étranger ça peut être un
6 touriste, un étudiant, un homme d'affaire. Un étranger c'est un
7 ressortissant d'un pays autre qui vient dans ce pays-ci. Un réfugié vient
8 également d'un autre pays et qui bénéficie d'un certain nombre de droits
9 pas seulement ce statut de réfugié reconnu, donc, mais entre un touriste et
10 un réfugié, il est évident qu'il y a de grandes différences.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai une précision, Monsieur le Président.
12 Si M. Scott renvoie le témoin à son audition précédente, il faudrait peut-
13 être donner le numéro de page de façon à ce que je puisse préparer mes
14 questions supplémentaires. Je le remercie d'avance. Je suis sûr qu'il va
15 faire mes citations exactes mais ceci me permettra de mieux suivre.
16 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Maître Karnavas.
17 Maintenant, je vous renvoie à l'audition du témoin, page 11 018 lors
18 de sa déclaration sous serment.
19 Q. Et je vous ai cité, vous avez dit : "Qu'il y avait une grosse
20 différence," et je suppose que maintenant vous modifiez votre réponse, vous
21 dites : oui, il y a des différences, les réfugiés ont des droits, les
22 étrangers n'en n'ont pas; est-ce exact ?
23 R. Les étrangers bénéficient de ces mêmes droits aussi, mais ce ne sont
24 pas les mêmes droits que les droits des réfugiés. Mais je ne vois pas en
25 quoi je devrais modifier ce que j'avais dit précédemment. Précédemment,
26 j'avais dit les mêmes choses où j'ai parlé du même sujet qu'aujourd'hui.
27 J'emploie -- je n'emploie pas un vocabulaire technique d'un juriste,
28 j'emploie les termes de tous les jours et je me suis rendu compte que le
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1 temps vous est précieux, donc, je réitérais aujourd'hui ce que j'ai dit à
2 l'époque.
3 Q. Merci, Docteur Zoric. Je vais donc être très clair et j'essaie aussi de
4 faire preuve d'équité envers vous, je pratique donc la plus grande
5 transparence. A ces fins, je ne vais pas parler de façon générale,
6 générique. Quand je dis "réfugié," aux fins de mon contre-interrogatoire,
7 les autres conseils peuvent faire ce qu'ils veulent, mais, cet après-midi,
8 sans doute demain, lorsque je vous parlerai de "réfugiés," je vous parlerai
9 de quelqu'un qui a reçu le statut de réfugiés en vertu de la loi croate.
10 Est-ce que nous pouvons nous mettre d'accord là-dessus, Monsieur Zoric ?
11 R. Oui.
12 M. KHAN : [interprétation] Je ne sais pas si ceci va vous aider, Messieurs
13 les Juges, mais peut-être allons-nous gagner du temps car cette ambiguïté
14 ne semble pas peser sur le terme de réfugiés mais plutôt sur les droits
15 bien sûr en vertu du code pénal, certains droits sont conférés, les droits
16 des particuliers conférés par la convention de Genève sur les réfugiés. Il
17 faudrait peut-être préciser quels sont ces droits dont nous parlons. Si
18 nous sommes plus clairs là-dessus, peut-être allons-nous dissiper cette
19 confusion. Je ne sais pas si ceci va aider, Monsieur Scott.
20 M. SCOTT : [interprétation] Oui, ça pourrait être une source de confusion.
21 Je vous remercie de votre intervention.
22 Q. Ici, je parle précisément dans ce contexte de réfugiés, et je vais
23 reprendre vos propres paroles. A la page 11 017 de votre audition
24 précédente, vous avez dit que si quelqu'un s'est vu octroyer le statut de
25 réfugié, le pays qui lui donne ce statut est, je cite : "Obligé de lui
26 fournir logement, assurer la scolarisation des enfants, les soins médicaux
27 et tout le reste, à savoir tout ce qui est nécessaire de façon à ce que
28 cette personne soit prise en charge à vie."
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1 C'est de ces droits que je parle maintenant. Si quelqu'un n'est pas
2 réfugié, si quelqu'un n'a pas reçu le statut de réfugié, ça veut dire qu'il
3 n'a pas ces droits; est-ce exact ?
4 R. Quelqu'un qui ne s'est pas vu accorder le statut de réfugié peut dans
5 un autre Etat avoir le droit à la scolarité et d'autres droits de recevoir
6 de l'aide. En Croatie il y a eu des personnes qui n'avaient pas le statut
7 de réfugié mais qui ont bénéficié de différentes aides au niveau de la
8 scolarité et des soins médicaux en particulier.
9 Q. Comme un de mes confrère a coutume et aime le dire, agissons avec
10 méthode, pas à pas, il se peut qu'une brave âme en Croatie donne à manger,
11 aider quelqu'un à l'école mais, moi, je parle de la loi en vigueur en
12 République de Croatie. Il se peut bien qu'un individu ait accordé certains
13 avantages à une autre personne. Mais si vous avez quelqu'un qui n'est pas
14 du pays et qui se trouve en Croatie, et qui n'a pas le statut de réfugié
15 n'est pas en vertu de la loi croate : "N'a pas le droit au logement, à la
16 scolarité es enfants, soit médicaux et tous les autres besoins qui sont
17 nécessaires pour que cette personne soit prise en charge à vie."
18 R. Une personne, un ressortissant étranger qui a pu se trouver en Croatie,
19 s'il était réfugié en vertu de la loi et de tous les textes qui régissaient
20 cela, et il recevait l'aide que vous venez de mentionner vous-même. C'est
21 ainsi que ça été défini en Croatie. Il y a peut-être d'autres pays aussi
22 définis d'une manière différente, parfois c'est la même chose parfois c'est
23 plus, parfois c'est moins, mais on pense toujours à ce qui à couvrir les
24 besoins élémentaires pour assurer la survie du [imperceptible].
25 Q. Excusez-moi de vous interrompre mais, effectivement, chaque minute
26 compte, et si je ne suis pas suffisamment clair, je m'en excuse.
27 Maintenant, je vous parle de la république de Croatie, et vous avez déjà
28 répondu plusieurs fois pour dire qu'il vous était impossible de parler de
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1 ce papier, mais pour le moment, sauf le respect [imperceptible], peu
2 m'importe sur d'autres pays. Je parle de la République de Croatie.
3 Mais vous tournez en rond parce qu'il y a quelques instants vous m'avez dit
4 : "Si nous avons un étranger en Croatie et si ce réfugié est -- cet
5 étranger est un réfugié, alors, est-ce qu'il est possible d'avoir des
6 personnes qui sont présentes en Croatie et qu'à qui la loi n'a pas donné le
7 statut de réfugié, n'est-ce pas ?
8 R. Quels sont les étrangers que vous avez à l'esprit ? Est-ce que vous
9 pouvez me préciser cela ? Vous faites référence aux étrangers qui n'ont pas
10 reçu le statut de réfugié après l'avoir demandé en Croatie ? Ou est-ce que
11 vous pensez aux réfugiés qui sont venus passer leurs vacances d'été sur la
12 côte ?
13 Q. Depuis hier, Monsieur Zoric, donc, depuis plusieurs heures, nous
14 parlons de réfugiés et de personnes déplacées, nous ne parlons pas de
15 touristes. Si vous avez quelqu'un de Bosnie-Herzégovine en temps de guerre
16 qui est arrivé dans l'Etat de Croatie, et qui pour une raison lambda ne
17 s'est pas vu accorder le statut de réfugié, n'a pas été considéré comme
18 étant réfugié, quand je dis "réfugié," je parle de quelqu'un qui a reçu un
19 droit et un statut juridique de réfugié en vertu de la loi croate. S'il ne
20 reçoit pas ce statut, il ne bénéficie pas de ces avantages que vous avez
21 déjà énumérés ?
22 R. Les personnes qui se sont vus garantir un statut de "réfugié," qui à
23 cause de la guerre en Bosnie-Herzégovine se sont rendus en Croatie, avaient
24 tous les mêmes droits en Croatie. A l'époque, il y a eu des personnes qui
25 n'ont pas bénéficié de ce statut et, heureusement, la guerre ne s'est pas
26 emparée de la totalité du territoire de Bosnie-Herzégovine, donc, il y a eu
27 des régions d'où des personnes sont venues pour d'autres raisons et ils
28 n'ont pas eu le statut de réfugié.
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1 Q. Nous allons poursuivre et voir plus tard si nous pouvons
2 avoir une autre façon de sortir de cette impasse.
3 Aidons la Chambre si vous le voulez bien en fournissant cette information
4 générale. Puisque vous avez dit je crois comprendre qu'au début, quelque 70
5 % des réfugiés - excusez-moi, je veux ici éviter toute confusion - qu'au
6 début, 70 % des personnes venues de Bosnie-Herzégovine dans ces conditions
7 étaient des Musulmans et que, plus tard, ça a changé et que ce pourcentage
8 est descendu pour arriver à 50 % Croates et 50 % de Musulmans; est-ce exact
9 ?
10 R. Oui, c'est exact. Les premiers réfugiés arrivaient en Croatie venaient
11 de Bosnie orientale, et aussi des environs de Prijedor. L'arrivée des
12 réfugiés correspondait à l'évolution des opérations militaires, c'était
13 soit à la veille des actions et même soit pendant ceci et puis surtout il
14 y a eu des réfugiés qui sont arrivés à chaque fois qu'il y a eu signature
15 d'un cessez-le-feu, à savoir ceux qui avaient survécu à des opérations
16 militaires, les civils, et à ce moment-là, ils souhaitaient partir. Donc,
17 la plupart des gens qui sont arrivés dans cette première vague de réfugiés
18 en Croatie, donc, c'étaient des Musulmans et là, par la suite, il y a eu
19 des évolutions en fonction des événements dans ce pays.
20 Q. N'est-il pas aussi exact de dire que, sur le nombre total des personnes
21 venues de Bosnie-Herzégovine, à peu près la moitié venait de ce qu'on peut
22 qualifier de zones contrôlées par les Serbes dans le pays; l'autre moitié
23 venait de zones contrôlées à l'époque soit par ce qu'on appelle la partie
24 croate ou la partie musulmane ?
25 R. Oui, il y a des éléments d'information précis là-dessus. Mais sur le
26 plan militaire, il convient de voir qui a contrôlé quel territoire. Il est
27 arrivé que les réfugiés arrivent par exemple d'un territoire sous le
28 contrôle de l'ABiH mais ils pouvaient être des réfugiés. Je suis en train
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1 de répondre à votre question, ils pouvaient être des réfugiés même si ce
2 territoire était placé sous le contrôle de l'ABiH. Les gens, vu la
3 difficulté de la situation parce qu'ils avaient peur des obus qui tombaient
4 sous le territoire contrôlé par leur armée, avaient peur, donc, ils
5 voulaient partir. C'est la raison pour laquelle ils étaient des réfugiés et
6 on ne pouvait pas toujours savoir toute la précision, où étaient les
7 frontières.
8 Q. Merci. Donc, ce que vous avez répondu c'est qu'à peu près la moitié
9 venait de zones contrôlées par les Serbes, l'autre moitié venant de zones
10 tenues par les Croates ou les Musulmans; oui ou non ?
11 R. Il y a eu des moments dont nous avons parlé, je ne sais pas quelles
12 sont les années où c'était à peu près en grande ligne cela. Mais on a des
13 statistiques précises dans les rapports et ces rapports ont été présentés
14 ici.
15 Q. Mais je viens de citer ce que vous avez déclaré à la page 10 973 dans
16 votre déposition dans le procès de Tuta-Stela. Je crois que nous sommes
17 tous d'accord ici dans ce prétoire depuis deux jours, c'est que lorsque
18 arrive la fin du printemps de 92, la situation des personnes qui arrivent
19 en Bosnie-Herzégovine est telle que la Croatie était déjà à cours de
20 logement pour les accueillir; est-ce exact ?
21 R. Oui, c'est exact. On a toujours eu ce problème de placement pour ces
22 gens, parce que même des installations qu'on avait, perdaient de leur
23 qualité, vu le séjour prolongé des gens dedans.
24 Q. N'est-il pas exact de dire qu'en partie, en raison de ces conditions de
25 cette situation, vers le 13 juillet 1992, la Croatie a annoncé qu'elle
26 n'accueillerait plus de réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine, il
27 n'accepterait plus de leur donner ce statut que je cite de "réfugié" ?
28 R. Oui, la Croatie, à l'époque, a publié ouvertement le fait que nos
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1 ressources étaient épuisées. Le gouvernement a lancé un appel à l'intention
2 des organisations internationales pour ce qui est de leur participation
3 plus grande à la solution du problème. Une fois qu'on a reçu de l'aide et
4 qu'on a pu mettre en place des nouvelles capacités, on a pu accorder ce
5 statut à toute personne et partout là où les gens réunissaient les
6 conditions pour bénéficier de ce statut.
7 Q. Je pense que vous avez reçu une liasse de documents ou un classeur avec
8 des intercalaires, de la même façon que les documents que vous avez reçus.
9 Est-ce que vous pourriez examiner le document qui porte le numéro P 10406.
10 J'espère que les Juges auront reçu ce classeur également. Je vous cite la
11 cote du document, P 10406. Et je pense que vous devriez trouver la version
12 croate, si vous ne la trouvez pas, dites-le-moi tout de suite.
13 Revenons sur ce sujet que j'évoquais, c'est un document en date du 13
14 juillet de l'agence de presse Reuters, je parle du 13 juillet 1992, et qui
15 commence par ceci, je cite : "La Croatie a dit lundi qu'elle n'accepterait
16 plus de réfugiés venant de régions déchirées par la guerre en Bosnie-
17 Herzégovine."
18 Prenons la version en anglais, première ligne de la deuxième page, je
19 ne sais pas ce qu'il en est de l'endroit en croate. Je pense qu'on trouve
20 votre nom quelque part : "Damir Zoric, haut secrétaire du comité chargé des
21 Réfugiés, dit que la situation est dramatique, qu'il n'y a plus
22 d'approvisionnement. C'est une situation intenable. On ne sait pas où loger
23 ces personnes. Nous n'avons plus de places."
24 Et puis en fin d'article, on dit ceci : "C'est ce que dit le
25 gouvernement, les camps de réfugiés ne serviront plus que de centre de
26 transit, cette nouvelle décision sera appliquée par le ministère de
27 l'Intérieur."
28 Ce que dit cet article Reuters, reflète-t-il bien la situation qui
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1 prévalait à l'époque ?
2 R. Je pense avoir bien dit que la situation était intenable, et si je
3 comprends bien l'anglais, c'est ce qu'il dit, et qu'il ne s'agissait pas de
4 notre bon vouloir ou non bon vouloir mais que nous n'avions plus de places
5 pour installer ces gens-là. Toute intervention publique pour ce qui me
6 concerne et nous tous ensemble était une chose bienvenue pour motiver des
7 gens de par le monde à nous venir en aide. C'est une intervention de ce
8 type et j'estime que cela nous a aidés. Il n'en demeure pas moins que suite
9 à ce type de déclaration, nous avons accueilli des gens et nous leur avons
10 accordé un statut de réfugié. C'est un fait, un élément qu'il est facile de
11 vérifier.
12 M. SCOTT : [interprétation] Peut-on vous remettre les pièces de la Défense
13 Prlic.
14 Q. Veuillez prendre le document 1D 02606. Si vous ne le trouvez pas,
15 dites-le-moi. Excusez-moi, ce n'est pas le document que je cherchais. 2607
16 -- nouvelle correction c'est le 2608. Je ne sais pas ce qui s'est passé.
17 Docteur Zoric, je vous demanderais d'avoir un petit peu de patience, et de
18 nous dire si vous avez trouvé la pièce 2608. C'est une lettre qui a été
19 écrite ultérieurement, je crois que la Défense vous a peut-être montré
20 cette lettre lors elle vous a peut-être posé des questions. C'est une
21 lettre qui date du 29 octobre 1992, et c'est concernant une aide financière
22 ponctuelle.
23 Je souhaiterais attirer votre attention sur le paragraphe 1, qui dit : "De
24 se plier strictement aux stipulations du gouvernement de la République de
25 Croatie concernant l'approbation et la non approbation du statut de
26 "réfugié" aux réfugiés qui sont arrivés en Croatie avant le 13 juillet 1982
27 [comme interprété]." N'est-il pas exact, Monsieur, que cette date est une
28 date importante -- très importante car les personnes -- toutes les
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1 personnes, qui sont arrivées avant le 13 juillet 1992, pouvaient recevoir
2 le statut de réfugiés, donc, pouvaient se voir octroyer le statut de
3 réfugié, alors que les personnes arrivées après ne pouvaient pas recevoir
4 de statut de réfugié ?
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le témoin
6 ne réponde à cette question, je demanderais que le Procureur termine la
7 lecture du paragraphe ou je peux le faire pour lui, si vous le souhaitez.
8 Il se dit comme suit : "C'est parce qu'il y a eu quelques irrégularités."
9 Je crois que, dans le contexte, il faudrait lire le tout. Maintenant, le
10 témoin peut répondre à la question.
11 M. SCOTT : [interprétation]
12 Q. Ma question, Docteur Zoric, demeure la même : n'est-il pas exact,
13 Monsieur, que les personnes arrivées avant le 13 juillet 1992, bien sûr,
14 toutes les personnes qui pouvaient rencontrer les critères nécessaires, que
15 toutes les personnes arrivées à cette date pouvaient se voir octroyer le
16 statut de réfugié, alors que toutes personnes arrivées après cette date ne
17 pouvaient pas se voir octroyer le statut de réfugié ?
18 R. Les gens arrivés plus tard pouvaient aussi obtenir ce statut. Pour être
19 concret, s'agissant des irrégularités, il m'est difficile d'en parler. Je
20 sais qu'à l'époque, nous nous sommes efforcés d'empêcher les gens qui
21 n'avaient pas eu ce statut de l'obtenir de façon alors qu'elles ne
22 méritaient pas. Il y a des gens qui falsifiaient les papiers qui ne
23 venaient pas du tout de régions mises en péril par la guerre et qui ne
24 pouvaient pas bénéficier d'une aide internationale ou croate. Je crois
25 qu'ici, le Dr Rebic parle de ce type-là d'irrégularités mais après la date
26 butoir, la Croatie a continué à attribuer ce statut.
27 Q. Très bien. Donc, pour revenir à ce que vous avez dit il y a quelques
28 instants tout du moins cela correspond avec l'article de Reuters, et on dit
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1 : "A partir du 13 juillet 1992, la Croatie a annoncé qu'elle n'allait pas
2 octroyer de statut de réfugié aux personnes." On ne parle pas ici
3 d'irrégularités, on dit, simplement dans cet article que la Croatie
4 n'accepterait plus des réfugiés, n'accorderait plus de statut de réfugiés.
5 Donc, n'est-il pas exact de dire que toute personne ayant arrivée après le
6 13 juillet 1992, c'est sont vue refuser le statut de réfugié ?
7 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, question
8 posée et répondue. Le témoin a dû dire -- a répondu qu'on a octroyé le
9 statut, on peut recevoir -- accepter la réponse ou non. Je n'ai aucune
10 objection à ce que la question soit posée de nouveau mais notre témoin a
11 répondu à la question.
12 M. SCOTT : [interprétation] Le témoin a donné une réponse mais il a changé
13 sa réponse pour ce qui est des irrégularités. Il y a quelques instants, il
14 a dit qu'il était d'accord avec moi pour dire que, le 13 juillet 1992, il
15 n'y aura plus de réfugiés. Mais, maintenant il dit : "En fait, sur la base
16 d'irrégularités," et ce n'est pas ce qu'il a dit auparavant, donc, c'est la
17 raison pour laquelle je voulais revenir sur cette question.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
19 sur tout le respect que je dois à mon éminent confrère --
20 M. SCOTT : [interprétation] Je ne veux pas de leçon de
21 M. Karnavas.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Attendez. Non. On montre le document au
23 témoin. Le témoin dit : "Oui, c'est ce que le document dit, mais nous avons
24 néanmoins donné un statut de réfugié aux personnes." C'est ce que le témoin
25 a dit, et c'est au compte rendu d'audience. Ensuite, on lui a posé la
26 question de nouveau en lui montrant le document. Et j'ai demandé -- pour
27 être tout à fait juste envers le témoin, j'ai demandé que les phrases
28 citées soient placées dans le contexte -- enfin, qu'on terminer la lecture
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1 du paragraphe.
2 Je ne crois pas qu'il y a d'incohérence. Le compte rendu d'audience est
3 très clair.
4 M. SCOTT : [interprétation] Je ne croyais pas qu'il y avait quelque chose
5 de non clair.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
7 M. SCOTT : [interprétation]
8 Q. Je vais vous reposer la question, Monsieur.
9 Si je vous ai bien entendu, vous avez dit il y a quelques instants que le
10 statut de réfugié a cessé d'être octroyé en date du 13 juillet 1992, mais à
11 une étape ultérieure, on a quand même octroyé un statut de réfugié à des
12 personnes plus tard.
13 Je ne sais pas si c'est ce que vous avez répondu, mais, si oui, nous
14 allons y revenir. Si c'est bien ce que vous avez répondu, pourriez-vous
15 nous dire à quel moment le statut de réfugié était de nouveau octroyé aux
16 personnes arrivant de Bosnie-Herzégovine ?
17 R. Il m'est difficile de vous apporter en ce moment une réponse, je pense
18 qu'une documentation nombreuse et volumineuse existe à ce sujet.
19 Q. Monsieur, je vais vous demander de faire l'impossible. Vous avez
20 répondu à un très grand nombre de questions posées par les conseils de la
21 Défense et j'aimerais vous demander de nous dire à quelle date le statut de
22 réfugié a été donné de nouveau; était-ce en 1995 ? Etait-ce en 1996 ?
23 Essayez de répondre à la question, s'il vous plaît.
24 R. La même année à ce moment-là on a continué à approuver ou à accorder ce
25 statut-là. De là, à vous donner la date exacte, le jour ou le mois. J'ai du
26 mal. En ce moment-ci, j'ai du mal à le faire.
27 Q. Je voudrais demander au témoin de prendre la pièce P de l'Accusation
28 10407. C'est la pièce de l'Accusation. Je vois que vous avez le bon
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1 classeur sous les yeux. Monsieur, nous avons ici une lettre de
2 communication signée par le M. Rebic nous avons parlé de lui au cours de
3 ces deux jours. Est-ce qu'il vous est arrivé de voir des communiqués de la
4 sorte ? Vous est-il arrivé à vous de rédiger des communiqués de ce type
5 lorsque vous êtes devenu membre du parlement ?
6 R. Oui, j'ai vu des documents similaires à celui-ci. Il s'agit d'un
7 document où le bureau donne son approbation pour ce qui est de l'entrée du
8 séjour temporaire de quelqu'un en Croatie mais il ne s'agit pas là de
9 quelqu'un qui aurait demandé un statut de réfugié.
10 Q. Ce document porte la date --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : -- on me dit que ce document n'est pas dans l'e-
12 court.
13 M. SCOTT : [interprétation] Je ne le sais pas, Monsieur le Président,
14 Messieurs les Juges. Je vais devoir demander à mon assistante. Oui, le
15 document devrait exister sur e-court. Nos registres le disent. Si vous
16 souhaitez avoir une copie papier, je pourrais le faire, et nous pourrions
17 le placer sur le rétroprojecteur.
18 M. STEWART : [interprétation] Je ne l'ai pas moi non plus, je n'arrive pas
19 à le trouver.
20 M. SCOTT : [interprétation] C'est la pièce 10407. Je n'ai pas de document
21 non annoté. Mais voilà, mon collègue me fournit sur le rétroprojecteur.
22 Monsieur, vous trouverez le document et vous me corrigerez, si je m'abuse,
23 mais c'est une lettre qui porte la date du 9 avril 1993, et j'aimerais
24 attirer votre attention sur la page numéro 2. La lettre fait référence très
25 précisément à ceci alors que ces personnes auront la permission de venir au
26 pays : "Conformément à une décision du gouvernement de la République de
27 Croatie le
28 13 juillet 1992, les personnes ci haut mentionnées ne peuvent ni demander
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1 ni recevoir de statut de réfugiés de la République de Croatie."
2 Q. Donc, ces neuf ou dix mois après la décision, donc, et cette décision
3 continue d'être en vigueur et on a toujours révisé le statut de réfugié aux
4 personnes en Croatie pendant une très longue période de temps, car on parle
5 ici du mois d'avril 1993, n'est-ce
6 pas ?
7 R. Il faut garder à l'esprit que la Croatie a quelque 300 000 réfugiés --
8 ou personnes déplacées à elle et encore 300 000 réfugiés, ce qui donne un
9 total de 600 000.
10 Q. Excusez-moi, il n'est pas nécessaire de nous dire combien il y avait de
11 personnes en Croatie. Nous avons déjà compris qu'il y avait un très grand
12 nombre de personnes qui venaient de Bosnie-Herzégovine en Croatie. Je ne
13 conteste pas cela. Il n'est pas nécessaire de nous le répéter. Mais ce
14 document nous dit que ces deux personnes pouvaient venir au pays, mais la
15 lettre est très précise et stipule clairement que conformément à la loi du
16 13 juillet 1992, on ne leur octroiera pas le statut de réfugié, n'est-ce
17 pas ?
18 L'INTERPRÈTE : Nous n'avons pas non plus reçu de document.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, Monsieur le Procureur, pour autant que
20 je puisse le voir, ce papier dit que ces gens-là -- ces personnes-là sont
21 originaires de Jablanica et que, pour une raison indéterminée, elles
22 voulaient venir à Zagreb, que quelqu'un de Zagreb leur aurait envoyé une
23 lettre d'invitation. Et on donne le nom de cette personne avec son adresse.
24 Pour autant que je sache, Jablanica c'était sous contrôle de l'ABiH pendant
25 toute la durée de la guerre. Je ne vois donc pas de raison pourquoi
26 quelqu'un serait considéré réfugié, alors qu'il vient d'un territoire
27 contrôlé par sa propre armée. Donc, ce sont des Bosniens qui avaient
28 demandé cette autorisation ici si je puis faire remarquer.
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé, Monsieur Scott.
2 Monsieur le Témoin, le Procureur vous a posé des questions que l'on appelle
3 directrices. Il a le droit de poser ce genre de questions, mais ce sont des
4 questions qui vous incite à répondre par oui ou par non. J'ai suivi les
5 questions avec beaucoup d'attention qu'il a posées, et je ne crois pas que
6 vous ayez répondu avec un oui ou non, à chaque fois que vous aviez commencé
7 à répondre, vous nous fournissiez une explication très longue. Je comprends
8 tout à fait que vous vous sentiez -- que vous aimeriez nous donner une
9 explication longue, c'est la même chose avec moi, mais ces règlements sont
10 très stricts. Nous perdons beaucoup de temps. Je vous comprends -- croyez-
11 moi que je vous comprends lorsque vous répondez en donnant plus de
12 précision, mais la tâche de la Chambre devient beaucoup plus difficile car
13 il vous faut vous plier aux règlements de procédures et de preuves établis
14 par le Tribunal.
15 Donc, je vous demanderais de bien vouloir vous plier à ce règlement. Merci.
16 M. SCOTT : [interprétation]
17 Q. Monsieur, alors, pour préciser afin que nous puissions avancer plus
18 rapidement, vous avez dit aux Juges de la Chambre sous serment que vous
19 n'estimiez pas qu'en 1993, Jablanica fût une zone en guerre.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Le
21 Procureur déforme le propos du témoin. Il a dit que c'était contrôlé par
22 l'ABiH, d'abord. Deuxièmement, rien ne nous fait croire que la demande a
23 été refusée. Nous ne savons pas pourquoi ces derniers -- ces personnes
24 voulaient aller en Croatie et non pas ailleurs, mais je crois que M. Scott
25 parle de faits qui ne font pas partie des éléments de preuve. Ces personnes
26 ont demandé un statut de réfugiés, on leur a refusé ce statut. On leur a
27 donné néanmoins un permis pour passer.
28 Donc, il faut d'abord établir les bases -- un fondement. On ne peut
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1 pas conclure du deuxième paragraphe qu'une demande avait été faite et qu'un
2 refus a été donné comme réponse. Je ne vois pas cela dans le fax.
3 M. SCOTT : [interprétation]
4 Q. Monsieur, pendant que vous étiez au courant de ces questions, est-ce
5 que vous savez si quelqu'un avait demandé un permis -- un sorte de permis
6 pour passer -- pour traverser la République de Croatie ? Ou est-ce que
7 c'était quelque chose de tout à fait nouveau pour vous ?
8 R. J'ai eu à connaître de ce type de documents.
9 Q. Monsieur, est-ce que vous nous dites que, lorsqu'on lit à la première
10 page de ce document tout juste sous l'objet, et cetera : "Le bureau des
11 Réfugiés et des Personnes déplacées du gouvernement de Croatie permet de
12 permettre l'entrée et d'accorder une résidence temporaire aux personnes
13 suivantes…" On fait état des noms ici des personnes, des endroits d'où ils
14 proviennent. On voit ici Mostar, et cetera : "Les personnes ci haut
15 mentionnées obtiendront un soutien financier complet et seront hébergées."
16 Et nous voyons que une personne a offert une garantie pour ces derniers. Et
17 plus loin, la lettre de Rebic stipule très clairement qu'alors que ceci
18 sera permis, nous voulons être très clairs et précis pour dire que ces
19 personnes n'obtiendront pas de statut de réfugiés.
20 N'est-ce pas cela que dit cette lettre ?
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je regarde attentivement cette
22 lettre. D'ailleurs, M. Rebic viendra comme témoin, donc, nous avons bien ça
23 en mémoire. Mais Karnavas - et je crois qu'il a raison - dit que rien ne
24 dit dans cette lettre qu'ils ont demandé le statut de réfugiés.
25 Apparemment, il n'y a pas la preuve que ces deux personnes ont demandé le
26 statut de réfugiés, bien que la dernière phrase rappelle - on a
27 l'impression que c'est un rappel général - qu'en application de la décision
28 du 13 juillet 1992, les personnes mentionnées n'auront pas le statut.
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1 Mais je constate dans ce document qu'il doit être présenté aux check
2 points, et je me suis posé la question de la situation suivante : ces deux
3 personnes qui vivent à Mostar, puisqu'elles viennent de Mostar, vont aller
4 à Zagreb et il y a quelqu'un qui va les héberger, c'est celui dont le nom
5 apparaît venant habiter pendant quelque temps à Zagreb. On ne sait pas
6 d'ailleurs la durée. Est-ce qu'à ce moment-là, cet office avait une
7 compétence pour donner ce type d'autorisation permettant le séjour
8 temporaire en Croatie ? Parce que regardez l'objet du mémo. Il y a bien une
9 référence à une résidence temporaire. Donc, ces gens-là n'allaient pas
10 demeurer comme un réfugié, à vie, en Croatie. C'était temporaire.
11 Alors, je me pose la question de savoir si cet office n'avait pas une
12 compétence pour délivrer des autorisations temporaires à des étrangers qui
13 voulaient venir à Zagreb pendant quelque temps, qui avaient un certificat
14 d'hébergement tel que cela apparaît, mais que ces gens-là, en tout état de
15 cause, n'auraient pas le statut de réfugiés, et que pour leur permettre de
16 traverser la frontière, ils devaient exhiber ce document.
17 Alors, est-ce cette situation, ou pour vous, c'est une autre
18 situation ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense, Monsieur le Juge, que vous avez tout
20 à fait raison parce que le bureau dit ici qu'il a bien reçu une lettre de
21 garantie en provenance d'une personne originaire de Zagreb qui est d'accord
22 pour que telle personne vienne en Croatie. Mais le bureau dit aussi qu'on
23 ne lui a pas demandé la chose et, partant de là, on ne peut pas requérir un
24 statut de réfugié. Le bureau n'avait pas de compétence vis-à-vis de la
25 police frontalière. Le bureau a indiqué qu'il n'avait rien contre le fait
26 que ces personnes viennent, mais il a dit aussi que, de son avis, ces gens-
27 là n'étaient pas à être considérés comme étant des réfugiés ou à le
28 devenir, c'était de -- des compétences et des attributions du bureau.
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1 Si on avait montré une autre documentation, le bureau aurait différemment
2 répondu. Ici, j'ignore quelle est la compétence des gens en matière
3 linguistique, parce que ici on parle au passif, et non pas à l'actif. Le
4 bureau est d'accord que soit approuvé l'entrée, on ne dit pas : "Le bureau
5 approuve ou autorise ou n'autorise pas," mais, d'une certaine façon, aux
6 personnes compétentes, il est indiqué : "Bon, nous n'avons rien contre."
7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que c'est l'heure et après il y a une
8 audience. Le -- la question sera certainement re-évoquée demain. Donc, nous
9 nous retrouverons demain à -- à 9 heures du matin puisque nous sommes
10 l'audience du matin.
11 Donc, je vous souhaite un bon après-midi.
12 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 15 mai
13 2008, à 9 heures 00.
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