Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 28 mai 2008

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

8 toutes les personnes dans ce prétoire et autour de ce prétoire. Affaire IT-

9 04-74-IT, le Procureur contre Prlic et consorts.

10 Merci.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

12 En ce mercredi 28 mai 2008, je salue MM. les accusés, Mmes et MM. les

13 avocats, M. le Procureur et ses assistants, Mmes et MM. qui nous aident

14 dans notre tâche.

15 Nous devons donc poursuivre aujourd'hui le contre-interrogatoire du témoin

16 et je vais donner la parole à M. le Procureur.

17 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, bonjour.

18 Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour au conseil de la Défense et à toutes

19 les personnes qui se trouvent dans ce prétoire et autour de ce prétoire.

20 Avant de poursuivre, j'aimerais attirer votre attention sur une écriture

21 déposée ce matin même; je vous présente mes excuses, en effet, ces

22 conclusions seront brèves et concernent les questions supplémentaires.

23 Elles devaient être déposées hier déjà, enregistrées hier, et ce fut une

24 véritable omission de ma part. J'ai oublié de vérifier si ça avait été

25 enregistré ou pas, et ça n'avait pas été déposé et j'ai fourni une copie

26 sur support papier au conseil de la Défense également.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous pouvez donc poursuivre. Nous avons bien

28 les écritures.

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1 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 LE TÉMOIN : ZDRAVKO SANCEVIC [Reprise]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 Contre-interrogatoire par M. Stringer : [Suite]

5 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

6 R. [aucune interprétation]

7 Q. Hier, nous parlions de la législation portant sur la nationalité croate

8 et aussi de la constitution. Passons à un sujet qui concerne de façon plus

9 générale la politique de la Croatie à l'égard de la Bosnie-Herzégovine,

10 cela a constitué une grande partie de votre déposition de votre témoignage

11 ici même. Remontons un peu plus loin dans le temps, si vous me le

12 permettez, car je voudrais vous poser quelques questions à propos de ce

13 qu'écrivait en 1981 le président Tudjman dans un livre qui s'appelle : "Le

14 nationalisme dans l'Europe contemporaine;" est-ce que vous connaissez ce

15 texte ?

16 Il s'agit de la pièce 1D 00401, c'est un extrait de ce livre sur

17 lequel je voudrais vous poser quelques questions. Je vous rappelle la cote

18 1D 00401. Je pense que l'huissier -- je vais demander à l'huissier d'aider

19 le témoin.

20 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Stringer, il me semblerait

21 très utile que vous nous disiez chaque fois dans quel classeur le document

22 se trouve.

23 M. STRINGER : [interprétation] Volontiers. Je vais faire de mon mieux,

24 Monsieur le Juge. Je ne sais pas toujours dans quel classeur se trouve les

25 pièces présentées par la Défense, mais nous allons faire l'impossible.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Premier classeur.

27 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.

28 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est le premier classeur pour la Défense,

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1 mais normalement, ce sont des classeurs bleus. On a essayé de faire la

2 différence pour faciliter la tâche de tout un chacun.

3 M. STRINGER : [interprétation] On me dit - je ne sais pas si c'est exact -

4 on me dit que les pièces de la Défense, qui se trouvaient dans les

5 classeurs noirs, ont été placées dans l'ordre numérique -- enfin, en tout

6 cas, donc, ça rendra peut-être la tâche de l'huissier plus facile.

7 Q. Nous parlons de la pièce 1D 00401; vous l'avez sous les yeux, n'est-ce

8 pas ? Il s'agit du livre de M. Tudjman.

9 R. Je souhaite répondre au Président parce qu'hier, je n'ai pas terminé ma

10 réponse par rapport au premier document qui m'a été présenté, et je

11 souhaite compléter ma réponse.

12 C'est le Juge Prandler qui me l'avait posé la question.

13 Q. Permettez-moi d'intervenir. Je ne veux pas manquer de courtoisie, mais

14 j'ai l'intention de vous demander de vous reporter au transcript qui

15 faisait l'objet de la question de M. Prandler, et M. le Juge Prandler,

16 c'est d'ailleurs son accoutumé à devancer mon propos. Si vous en êtes

17 d'accord, je voudrais d'abord examiner deux documents pour ensuite revenir

18 à ce transcript présidentiel de décembre 1991; est-ce que vous en êtes

19 d'accord ?

20 R. Oui, oui. Non, je souhaite terminer ma réponse d'hier, je pense que

21 c'est un thème important, mais cela étant dit, l'ordre que l'on a va

22 respecter m'importe peu. Donc, on peut le faire tout de suite, ou on peut

23 le faire au moment où vous me reposez la question.

24 Q. Attendons d'arriver à ce moment-là du contre-interrogatoire pour en

25 parler.

26 Prenons cet extrait du livre de M. Tudjman. Je vais vous lire quelques

27 brèves extraits qui m'intéressent que je vous demanderai de commenter. Vous

28 connaissez ce livre de M. Tudjman ?

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1 R. Oui.

2 Q. Je suis en train de regarder un extrait qui se trouve à la page 113 en

3 anglais. Voici ce qu'écrit M. Tudjman; il parle de la façon dont la

4 Vojvodine, qui était devenue une partie de la Serbie, pourrait ou aurait dû

5 servir de modèle pour la Bosnie-Herzégovine, en tout cas, certaines parties

6 de la Bosnie-Herzégovine qui redevienne une partie de la Croatie comme

7 avant.

8 Il dit ceci : "Il y avait un lien historique que -- de la Bosnie-

9 Herzégovine avec la Croatie, ensemble, représentaient une entité

10 géographique et économique indivisible. La Bosnie-Herzégovine a occupé la

11 partie centrale de cette entité en séparant le sud de la Dalmatie du nord à

12 Pannonie pour ce qui est de la Croatie. La création d'une Bosnie-

13 Herzégovine séparée rend la position territoriale et géographique de la

14 Croatie tout à fait artificiel au sens économique et, par conséquent, au

15 sens national et politique,

16 la politique nationale, ceci est tout à fait délétère pour la vie et

17 développement et très désavantageux et peu adéquat au sens administratif

18 plus restreint.

19 Alors, déjà ou -- 15 ou 20 ans avant ce conflit, M. Tudjman estimait, en

20 tant qu'entité étatique, la Bosnie-Herzégovine ne convenait pas -- ou était

21 quelque chose qui n'était pas naturelle qui était donc artificiel, quand on

22 voit la position qu'occupait ce pays à l'égard de la Croatie.

23 R. Ce n'est pas ce que le Dr Tudjman voulait dire ici. Il a mis l'accent

24 sur les liens qui existent entre la Bosnie-Herzégovine et les territoires

25 de la République de Croatie, et on peut le voir sur une carte géographique,

26 et en aucun cas il ne s'agit d'une absorption étatique d'unification, ou

27 quelque chose de semblable. Ici, il présente quelques faits de vérités et

28 il dit, entre autres, qu'une partie de Bosnie-Herzégovine, dans le passé --

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1 Q. La vérité c'était que, d'après lui, partant de ces liens notamment

2 historique, il n'était pas naturel qu'il y ait cette séparation et que

3 cette séparation n'était pas utile à la Croatie; est-ce que vous seriez

4 d'accord avec moi ? Mis à part la question de savoir s'il avait l'intention

5 de modifier les frontières; est-ce que vous ne pensez pas qu'il estimait

6 que cette séparation -- cette distinction n'était pas naturelle si l'on se

7 fondait sur les liens historiques et géographiques existant entre les deux

8 pays ?

9 R. Oui, jusqu'au moment où intervient la Communauté européenne parce que

10 de nombreux problèmes qui sont mentionnés ici par le

11 Dr Tudjman ont été résolus ou sont en train d'être résolus avec l'Union

12 européenne, donc, les frontières ne posent plus de problème. Les situations

13 à long terme ne pose plus de problème. La question de Bosnie au milieu de

14 la Croatie ce n'est plus un problème parce que tout cela va être absorbé --

15 résolu par la Communauté européenne. Donc, je pense que les positions du Dr

16 Tudjman avait un sens avant que n'intervienne la possibilité de la

17 Communauté européenne parce que la Communauté européenne un jour va

18 résoudre tout ce problème.

19 Q. Oui. En tout cas, à partir de cette période-ci 1981 jusqu'au moment de

20 l'Union européenne, vous conviendriez avec moi du fait que M. Tudjman

21 estimait que la séparation qui existait entre la Bosnie-Herzégovine et la

22 Croatie n'était pas naturelle et ne servait les meilleurs intérêts de la

23 Croatie ?

24 R. Au lieu de parler de la séparation, moi, je dirais plutôt que ce sont

25 les "liens" qui sont importants parce que ces deux pays sont interliés

26 [comme interprété] et ne peuvent pas exister l'une sans l'autre.

27 Q. Comme il l'a dit : "Une entité géographique et économique

28 individuelle;" est-ce que vous êtes d'accord lorsqu'il désigne ainsi : "Les

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1 liens historiques existants entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie qui

2 englobent une entité géographique et économique individuelle" ? Est-ce que

3 vous êtes d'accord avec ce qu'il dit ici ?

4 R. Quand on regarde la carte géographique, c'est une évidence.

5 Q. Bon. Examinons un autre document; là aussi, c'est plutôt pour dresser

6 le décor, le contexte avant d'aborder la question de la politique dans le

7 détail. P 10402, 10402, c'est une pièce de l'Accusation déjà versée. C'est

8 la pièce P 10402. On essaie de la retrouver; dans l'intervalle, Monsieur

9 l'Ambassadeur, je vais vous dire ce que représente cette pièce à conviction

10 pour ne pas perdre le temps. Nous allons examiner ou nous avons examiné

11 déjà beaucoup d'ouvrages. Est-ce que vous connaissez l'ouvrage écrit après

12 le conflit par celui qui était votre chef, qui était à un moment donné

13 ministre des Affaires étrangères, Mate Granic ? Est-ce que vous connaissez

14 le livre qu'il a écrit ?

15 R. Oui.

16 Q. J'aimerais attirer votre attention sur certaines des choses qu'il dit

17 dans ce livre pour vous demander un commentaire. Première chose, nous avons

18 un extrait en anglais de ce livre et c'est pour essayer de circonscrire ce

19 que je vais dire. Vous devriez avoir ce texte dans sa version originale

20 sous la rubrique : "Gojko Susak;" vous voyez ?

21 R. Oui, je le vois.

22 Q. Vous l'avez dit hier, M. Susak, tout comme vous, c'était un émigré,

23 quelqu'un qui avait pendant tout un temps vécu à l'extérieur de la Croatie

24 et qui était revenu dans les premières années de la guerre en Croatie.

25 R. Vous savez, moi, alors que j'étais dans l'émigration, je ne savais rien

26 de Gojko Susak. Je pense que je l'ai rencontré la première fois quand il

27 est venu visiter Venezuela, c'était en 1990.

28 Q. Oui. Je suis tout à fait d'accord. Je ne veux pas dire le contraire.

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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pourriez-vous nous donner l'année de

2 la publication ? Je ne la vois pas.

3 M. STRINGER : [interprétation] Je vais essayer d'obtenir une réponse.

4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] On va faire ça plus tard aussi,

5 alors ?

6 M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense qu'il a été publié vers 2006 M.

7 Granic est très concerné, partie prenante très active dans la politique

8 croate.

9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais je suppose que j'aurais une

10 réponse plus précise de la part de M. Stringer.

11 M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Nous allons vous

12 présenter la page de garde; excusez-moi de ne pas l'avoir fait tout de

13 suite.

14 Q. On fait référence à l'époque où M. Susak occupait le poste auquel vous

15 lui avez succédé poste de ministre chargé de l'Emigration de la diaspora,

16 premier paragraphe concernant M. Susak, voici ce qui écrit M. Granic, il

17 écrit que : "M. Susak avait été ministre de l'Emigration qu'officiellement,

18 mais qu'en réalité, il avait surtout pour mission de recueillir des fonds

19 pour la défense et pour faciliter le retour des émigrants surtout de ceux

20 qui avaient été des personnes qui étaient parties comme émigrants

21 politiques."

22 R. Oui, je le vois.

23 Q. Vous venez d'indiquer que vous avez rencontré M. Granic, la première

24 fois; avez-vous dit lorsqu'il est allé au Venezuela en

25 1990 ?

26 R. Excusez-moi, j'ai dit cela pour Susak mais pas pour Granic. Moi j'ai

27 rencontré M. Susak la première fois en 1990 quand il est venu au Venezuela

28 en tant dans sa qualité de ministre de l'Emigration.

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1 Q. Merci de cette précision. J'avais effectivement commis une erreur.

2 Lorsqu'il est allé au Venezuela, est-ce qu'il était allé pour vous voir et

3 pour essayer de vous convaincre de rentrer en Croatie et de contribuer à la

4 défense de la Croatie ?

5 R. Je peux répondre de façon catégorique que ce n'était pas le cas. A

6 l'époque, je n'avais aucune intention de retourner en Croatie. J'ai décidé

7 de le faire à partir du moment où j'ai vu que la Croatie avait été

8 attaquée, qu'il y a eu cette agression sur la Croatie. C'est à ce moment-là

9 que j'ai décidé d'y retourner, donc, cela n'a rien à voir, cela n'a rien à

10 voir avec la visite de M. Susak.

11 Q. Bien. Nous allons passer directement à la page 4 en anglais, qu'on ait

12 trouvé un autre extrait. Cet extrait concerne l'époque où il y a eu

13 dissolution du gouvernement Greguric. Je ne sais pas si vous allez trouver

14 le passage correspondant dans la version originale. Granic écrit que : "Le

15 ministre de la Défense" - c'était Susak à l'époque - "qu'il est devenu le

16 bras droit de Tudjman pour toutes les opérations en Bosnie-Herzégovine et

17 qu'il n'aimait pas sans doute l'idée de devoir s'expliquer devant les

18 autres ministres dont Budisa et Tomac qui étaient membres de l'opposition.

19 Son opposition à la politique de la Croatie en Bosnie-Herzégovine a coûté

20 le poste qu'avait Tomac en tant qu'ambassadeur en Bosnie-Herzégovine, poste

21 qu'on lui avait promis."

22 Je vous demande maintenant ceci, Monsieur l'Ambassadeur : Susak est devenu

23 ministre de la Défense, le gouvernement Greguric a été dissout; êtes-vous

24 d'accord pour dire qu'en fait, Susak est resté le bras droit de M. Tudjman

25 en qualité de ministre de la Défense par rapport à la Bosnie-Herzégovine ?

26 R. Tout d'abord, je dois vous corriger. Le gouvernement de

27 M. Greguric n'a pas été démantelé; il s'agissait là d'un gouvernement de

28 coalition démocratique qui a duré jusqu'en août et je faisais partie de ce

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1 gouvernement. Ensuite, un autre gouvernement l'a remplacé, ce gouvernement-

2 ci qui, après avoir terminé sa mission principale qui consistait à réunir

3 toutes les forces vous vous en souvenez de Croatie pendant la durée de la

4 guerre, puisque la guerre a été finie et puisque la FORPRONU est arrivée en

5 Croatie, la décision a été prise et d'ailleurs le Dr Tudjman l'a prise

6 cette décision ainsi que M. Greguric qui a été le premier ministre, et ils

7 ont décidé qu'ils pouvaient -- que ce gouvernement allait cesser de

8 fonctionner, mais il ne s'agissait pas d'un démantèlement, contrairement à

9 ce que vous semblez dire.

10 Q. D'accord. Quoi qu'il en soit, lorsque M. Susak était ministre de la

11 Défense, est-ce que vous êtes d'accord avec ce que dit M. Granic, à savoir

12 que c'était Susak, en tant que ministre de la Défense, qui était le bras

13 droit de M. Tudjman pour toutes les opérations se déroulant en Bosnie-

14 Herzégovine ? Je vous demande simplement si vous êtes d'accord avec cette

15 idée ou pas.

16 R. Non, je ne suis pas d'accord avec cela.

17 Q. [aucune interprétation]

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question de suivi.

19 Monsieur l'Ambassadeur, le Procureur vous a posé des questions sur le

20 gouvernement, sur le ministère de l'Emigration dont vous assuriez la

21 charge. J'ai une question d'ordre purement technique. Vous avez été

22 ministre pendant un moment avant de devenir ambassadeur de la Croatie en

23 Bosnie-Herzégovine. Quand vous étiez ministre, est-ce que le président

24 Tudjman réunissait ses ministres dans des réunions officielles avec un

25 ordre du jour et chacun des ministres s'exprimait et il y avait un compte

26 rendu de la réunion de

27 ministres ? Est-ce que ça fonctionnait comme cela ou ça fonctionnait

28 différemment ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, nous avions trois sortes de réunions

2 : la réunion du gouvernement, proprement dit, présidé par le Dr Greguric,

3 donc, là, vous aviez le gouvernement complet.

4 Ensuite, il y a eu les réunions du gouvernement mais le cercle très étroit

5 des ministères les plus importants c'était aussi présidé par le Dr

6 Greguric, je ne sais pas quels étaient ces ministères au fait, je ne m'en

7 souviens pas à présent. Et moi, j'ai été présent quand le gouvernement au

8 complet était réuni dans le cadre d'une réunion.

9 Et puis il y avait aussi une troisième sorte de réunion présidée par le

10 président Tudjman, donc nous avions trois sortes de réunions au sein du

11 gouvernement.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les réunions du gouvernement présidées par le

13 premier ministre Greguric, y avait-il un ordre du jour et un compte rendu

14 de la réunion du gouvernement ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je ne l'ai pas vu moi-même mais je

16 suppose que oui. Parce que le Dr Greguric a publié un livre portant sur son

17 activité de premier ministre de l'Union démocratique, donc c'était le

18 gouvernement auquel ont participé toutes les parties croates.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question : quand le gouvernement se

20 réunissait, le ministre de la Défense était-il présent, et s'il était

21 présent, est-ce que les questions de nature militaire étaient évoquées au

22 niveau du gouvernement ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Lors de réunions du gouvernement, M. Gojko

24 Susak souvent n'était pas présent parce qu'il avait des choses urgentes

25 auxquelles -- dont il devait s'occuper concernant la défense de la Croatie

26 et souvent c'était son adjoint qui le représentait lors de ces réunions.

27 Bon, je ne sais pas quel était son nom à l'époque. Mais il est arrivé qu'il

28 soit présent à ces réunions et il est bien connu que M. Gojko Susak ne

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1 parle pas beaucoup, donc, vous n'allez pas trouver beaucoup d'interventions

2 dans les transcriptions.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Et le premier ministre, lui-même, n'abordait pas les

4 problèmes militaires, ou bien, il considérait que c'était de la compétence

5 du ministre de la Défense, M. Susak, en liaison avec le président Tudjman ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, M. Greguric était le président du

7 gouvernement de guerre ou de l'Union démocratique et

8 M. Susak était membre de son gouvernement, et donc, quand il y avait ces

9 réunions -- quand ces réunions ont eu lieu et -- il a aussi soulevé les

10 thèmes liés à la défense. Par exemple, le Dr Greguric a dit qu'il faudrait

11 que l'on sorte de Zagreb pour voir ce qui se passe sur le terrain pour

12 avoir une meilleure sensibilité quant aux événements liés à la guerre.

13 Donc, ce que j'ai voulu dire est que

14 M. Susak dépendait de M. Greguric, que M. Greguric était son supérieur

15 hiérarchique ainsi que M. Tudjman, tout comme moi, parce que, dans ce

16 système, vous avez un système semi-présidentiel; le premier ministre et le

17 président ont tous les deux beaucoup de pouvoir.

18 M. KARNAVAS : [interprétation] Il convient de porter une correction au

19 compte rendu d'audience. Greguric est subordonné à Tudjman -- non, plutôt,

20 Susak est subordonné à Greguric et Tudjman - on me dit que c'est ce qu'a

21 dit le témoin - peut-être conviendrait-il de préciser la chose ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI -- préciser -- on avait l'impression que la

23 subordination était par niveau, mais là, la phrase ne semble pas claire.

24 Pouvez-vous repréciser ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après la constitution, le président de la

26 république jouissait d'un certain nombre de fonctions. Le premier ministre

27 aussi. Nous, les ministres de ce gouvernement de l'Union démocratique dont

28 faisaient parties tous les partis politiques croates, nous étions

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1 subordonnés tout d'abord au premier ministre et ensuite au président de la

2 république qui était au-dessus du premier ministre.

3 Donc, quand M. Greguric convoquait une réunion, on participait, on allait à

4 cette réunion. Mais quand le président Tudjman nous convoquait pour

5 assister à une réunion, on y allait aussi puisqu'il avait le pouvoir, il

6 avait des fonctions qui étaient liées -- qui étaient liées aux fonctions du

7 gouvernement.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : A un moment donné, que c'était un régime semi-

9 présidentiel; vous jetez une petite confusion en disant cela. Est-ce qu'on

10 doit comprendre que le gouvernement avait une certaine autonomie par

11 rapport au président, ou bien, il en avait aucune car le régime était de

12 titre présidentiel avec un président qui avait autorité sur le premier

13 ministre et les ministres ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ce que j'ai dit au début, c'était qu'il

15 s'agissait d'un gouvernement de coalition tous les partis politiques

16 étaient représentés. Cela signifie que le président du gouvernement, c'est-

17 à-dire le premier ministre sa manière de fonctionner était quelque chose

18 qui était décidé sur la base d'une coordination avec tous les partis

19 croates parce que tous les partis croates se sont réunis afin de se

20 défendre de l'agression des Grands-Serbes. J'espère que maintenant je suis

21 suffisamment clair. Parce que mon supérieur direct à moi était le Dr

22 Greguric mais conformément à la constitution, le Dr Tudjman également avait

23 des compétences dans ce domaine.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous nous dites que ce gouvernement était un

25 gouvernement de coalition, avec plusieurs composantes politiques, et ce

26 gouvernement de coalition agissait sous l'autorité du président Tudjman en

27 plein accord. C'est ça que vous voulez nous dire ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non. J'ai dit que mon supérieur direct

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1 était le Dr Greguric, le premier ministre et compte tenu du fait que le

2 gouvernement était composé de tous les partis politiques de Croatie à

3 l'exception de ceux qui n'avaient pas atteint le seuil [imperceptible] pour

4 avoir des représentants au parlement, donc, tous les partis qui avaient

5 dépassé ce seuil ont participé dans la création de ce gouvernement de

6 l'Union démocratique, présidée ou avec le Dr Greguric à sa tête, donc, la

7 participation du Dr Tudjman n'était que partielle.

8 M. KARNAVAS : [interprétation] Une précision. Si on écoute la version

9 croate, on entend le témoin dire "président du gouvernement" qui est

10 traduit par "premier ministre," donc, il faut comprendre que le premier

11 ministre est le président du gouvernement; le président du gouvernement ça

12 désigne le premier ministre et non pas le président du pays; enfin, pour

13 moi, ça ne change pas grand-chose du moment qu'on sait exactement de quoi

14 on parle.

15 M. STRINGER : [interprétation] S'il s'agit d'une question de traduction, il

16 faudrait que les interprètes nous disent ce qu'il en ait parce que c'est

17 une question d'importance; je pense qu'il faut être sûr que l'on est bien

18 en train de parler de cela.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Le témoin -- Monsieur l'Ambassadeur,

20 M. Greguric était, d'après vous, premier ministre ou président du

21 gouvernement ? Dans votre langue --

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma langue c'est "Presinik Vladic," c'est-

23 à-dire président du gouvernement.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc, M. Tudjman est président de la

25 république; M. Greguric est président du gouvernement, c'est-à-dire dans

26 des fonctions de premier ministre ou pas ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Chez nous en Croatie, on n'utilise pas le

28 terme "premier ministre," on utilise le terme "le président du

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1 gouvernement."

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question et je redonne la parole à M.

3 Stringer. Mais vous voyez bien que mes questions sont très importantes, et

4 donc, c'est pour ça que j'enchaîne d'une question sur l'autre. Dans votre

5 système politique, est-ce que la politique est déterminée par le

6 gouvernement et son président, ou bien la politique du pays est déterminée

7 par le président de la république ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela dépend du type de gouvernement, s'il

9 s'agissait d'un gouvernement composé par le parti majoritaire,

10 exclusivement, ou s'il s'agissait d'un gouvernement de coalition, et

11 c'était bien le cas à mon époque. Le Dr Greguric a dû composer avec tous

12 les aspects et tous les désirs de tous les partis politiques qui entraient

13 dans cette coalition et qui avaient leur importance.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui veut dire, si on comprend bien, il y a une

15 distinction à faire lorsque le gouvernement est constitué de manière

16 monolithique avec un seul parti ou quand il y a une coalition. Quand il y a

17 un seul parti, si je comprends bien ce que vous dites, à ce moment-là, le

18 président de la république est issu de ce parti c'est donc la même

19 politique, mais que quand il y a un gouvernement de coalition, il y a une

20 définition politique de ce gouvernement de coalition qui s'impose au

21 président de la république; est-ce bien ça que vous faites ressortir ?

22 Parce que jusqu'à présent ces sujets n'ont jamais été abordés et grâce à

23 vous qui avez été membre du gouvernement, on peut y voir peut-être un peu

24 plus clair.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais aussi -- je devrais être aussi clair que

26 possible, bien évidemment. J'ai été membre d'un gouvernement -- d'un

27 gouvernement de coalition de tous les partis croates pendant la guerre, et

28 c'est de cette manière-là que j'en ai fait partie parce qu'à cette époque-

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1 là, je n'étais pas du tout une personne politique éminente. Non, il

2 s'agissait là d'inclure toutes les personnes d'importance de les réunir

3 afin que la Croatie puisse repousser l'agression.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne répondez pas au cœur même de la question que

5 je pose. Quand ce gouvernement de coalition se réunissait ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi -- excusez-moi, pourriez-vous,

7 s'il vous plaît, répéter en fait la question précédente ? J'ai tout

8 simplement oublié.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voulais savoir si le gouvernement de coalition

10 définissait une politique dont le président Tudjman ne pouvait aller à

11 l'encontre, cette politique étant défini par ce gouvernement de coalition.

12 C'est ça que je voulais savoir si votre gouvernement présidé par M.

13 Greguric, quand vous délibériez sur certains sujets, est-ce que vos

14 délibérations s'imposaient à

15 M. Tudjman, ou bien, M. Tudjman pouvait dire : "C'est votre point de vue;

16 moi, j'en ai un autre et c'est le mien qui prévaut" ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Concrètement parlant, je vais essayer de

18 répondre de la manière la plus concrète à votre question. A l'époque du

19 gouvernement de coalition, la décision -- la prise de décision d'une

20 manière générale, pour ainsi dire en ce qui concerne tout était entre les

21 mains du président Greguric qui essayait de composer, de tenir compte des

22 sensibilités de toutes les parties; est-ce que je suis suffisamment

23 explicite maintenant ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait -- tout à fait explicite.

25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je souhaiterais vous poser la

26 question mais d'une manière un peu différente. Pourriez-vous nous donner un

27 ou plusieurs exemples de la chose suivante. Imaginons que M. Tudjman ait eu

28 un projet politique -- une attention politique qui n'ait pas été suivi par

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1 le gouvernement, un cas de figure où la volonté du président ne se soit pas

2 traduit dans les faits dans la politique croate.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu des différences entre eux. Et

4 vous aimeriez que, maintenant, j'illustre ça avec des exemples concrets. Il

5 faudrait que j'y réfléchisse un peu, que j'essaie de trouver des situations

6 où il n'y a pas eu un accord entier entre le président du gouvernement et

7 le président de la république. Je sais bien qu'il y a eu des divergences

8 entre eux de temps en temps. Mais de quelle manière ces divergences se sont

9 traduites dans les faits, de quelle manière on a essayé de les réconcilier,

10 je ne saurais pas vous le dire parce que j'étais membre du gouvernement et

11 pour moi Greguric c'était lui le premier homme, c'était lui à la tête pour

12 moi, je n'ai jamais essayé de contourner Greguric pour m'adresser à

13 Tudjman. Je suivais la procédure --

14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Excusez-moi, Monsieur

15 Stringer, vous pouvez continuer.

16 M. STRINGER : [interprétation] Merci.

17 Q. Je voudrais revenir sur certaines des questions qui viennent de vous

18 être posées. Pouvez-vous me dire, combien de temps ou pendant quelle

19 période existait ce gouvernement d'unité démocratique de Greguric.

20 R. Pendant la guerre, pendant l'agression, pendant l'attaque, c'est-à-dire

21 depuis août 1991 jusqu'en août 1992.

22 Q. En août 1992, vers cette période, est-ce qu'à ce moment-là ont eu lieu

23 les élections dont vous avez parlées il y a quelques instants ?

24 R. Je ne me souviens pas d'avoir fait référence à des élections. Je ne

25 crois pas avoir dit quoi que ce soit au sujet des élections.

26 Q. J'avais dit que le gouvernement Greguric avait été dissout, mais il me

27 semble que vous avez dit que ce n'était pas le cas qu'en fait il y a eu un

28 changement au gouvernement mais c'était suite à des élections.

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1 R. Je ne parlais pas "d'élections" mais, bien évidemment, un nouveau

2 gouvernement a été nommé et ce nouveau gouvernement était en majorité

3 composé des membres du HDZ conformément au résultat des élections puisque

4 le HDZ avait remporté le votre majoritaire.

5 Q. Donc, à partir d'août 1992, ce n'était pas plutôt un gouvernement de

6 coalition qui était au pouvoir mais plutôt un gouvernement qui représentait

7 un seul parti.

8 R. Oui, mais d'après mes souvenirs, il y a toujours au sein du

9 gouvernement quelques ministres qui n'étaient pas membres de ce parti.

10 Q. Et comme dans tout systèmes où le gouvernement est un gouvernement

11 représenté à un seul parti, et où le président vient lui aussi de ce parti,

12 le président de la république a des pouvoirs qui sont renforcés -- enfin,

13 dans ce cas-là, ses pouvoirs ont été renforcés après le changement de

14 gouvernement en août 1992; est-ce que vous en conviendrez ?

15 R. Oui, je conviendrai avec vous mais avec un commentaire, la politique du

16 gouvernement n'était jamais seulement si elle souhaitait par le président

17 Tudjman. Il y a eu beaucoup d'influences venant de plusieurs côtés,

18 notamment de la communauté internationale. La politique d'Etat était

19 élaborée -- vous parlez tout le temps là de Tudjman, mais ce n'était pas

20 Dieu Tudjman. Il était ce qu'il était conformément à la constitution. C'est

21 tout.

22 Q. La question de savoir qui avait une influence sur le président a une

23 importance et j'aimerais qu'on en parle un petit peu plus. Si on se reporte

24 à nouveau à un ouvrage de M. Granic, on voit qu'il fait référence à une

25 conversation avec le président Tudjman, qu'il a eu avec le président

26 Tudjman. Tudjman lui propose le poste de -- ministre des Affaires

27 étrangères.

28 Et Granic dit : "Vous aurez toute liberté de choisir vos assistants mais il

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1 faudra qu'on parle des ambassadeurs. N'oubliez pas qu'au terme de la

2 constitution, c'est moi le patron et que c'est moi qu'il faut venir voir en

3 cas de problèmes car les affaires étrangères ne relèvent pas du

4 gouvernement," m'a-t-il dit très fermement.

5 Et ensuite, il m'a dit : "Qu'on parlerait de la Bosnie-Herzégovine en

6 particulier et ensuite il a ajouté et là nous avons une citation des propos

7 de M. Tudjman : 'Mate, seul Gojko Susak est responsable ou en charge des

8 Croates en Bosnie-Herzégovine'." --

9 Q. Et l'on parle de la question de l'influence; n'est-il pas exact que

10 Gojko Susak c'était celui qui était le mieux placé pour exercer une

11 pression sur le président Tudjman s'agissant de sa politique en Bosnie-

12 Herzégovine et surtout vis-à-vis des Croates sur place ?

13 R. Je fais mon possible pour vous donner des réponses aussi précises mais

14 si jamais vous vous rendez compte que je ne suis pas suffisamment, répétez

15 les éléments manquants de votre question, s'il vous plaît.

16 Alors, Gojko Susak il était ministre de la Défense pendant plusieurs

17 années. Pourquoi occupait-il ce poste ? Probablement qu'il s'acquittait

18 bien de cette fonction, il y a une chose qu'il ne faut pas oublier non plus

19 M. Mate Granic était d'une certaine manière son patron. Donc, ce que M.

20 Mate Granic dit ici --

21 Q. Toutes mes excuses mais je dois vous interrompre. Nous souhaitons, bien

22 entendu, vous entendre -- écouter la totalité de votre réponse mais

23 j'aimerais qu'on essaie d'être un petit plus succinct. En tant que ministre

24 de la Défense, est-ce que ce n'était pas Gojko Susak qui avait le plus

25 d'influence sur la politique du président Tudjman pour ce qui concernait

26 les Croates de Bosnie-Herzégovine ? Et si je dis cela, c'est parce que nous

27 savons tous et parce que nous reconnaissons tous que la situation en

28 Bosnie-Herzégovine était une situation qui avait un impact sur la défense -

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1 - sur toutes les questions de défense en Croatie. Je ne suis nullement en

2 train ici de porter un jugement de valeur négatif, je vous pose simplement

3 une question : est-ce que ce n'était pas Gojko Susak en tant que ministre

4 de la Défense qui avait le plus d'influence sur le président Tudjman

5 s'agissant de sa politique en Bosnie-Herzégovine ?

6 R. Vous souhaitez une réponse concrète. Alors, la voilà. Il y en avait qui

7 avait une certaine influence sur le Dr Tudjman en dehors de M. Susak,

8 quelques-uns d'entre nous. Moi-même, en tant que ministre et plus tard en

9 tant qu'ambassadeur et doyen du corps diplomatique en Bosnie-Herzégovine,

10 ma parole avait un poids. Donc, il n'y avait pas que M. Susak là.

11 Q. Ce n'est pas ce que je suis en train de dire. Mais, moi, ce que je suis

12 en train de dire c'est que Susak était celui qui avait le plus d'influence.

13 Il semble que c'est ce qu'est en train de dire

14 M. Granic ici. Peut-être l'ignorez-vous. Si vous ignorez à quel point M.

15 Susak avait de l'influence, dites-le, simplement.

16 R. Non, ce que je vais vous dire c'est la chose suivante : dans le

17 contexte des événements en question donc des scénarios, dans un scénario

18 donné, il se peut qu'à un moment donné, quelqu'un avait plus de poids ou

19 plus d'influence que quelqu'un d'autre mais ça changeait il n'y avait

20 personne qui avait une influence exclusive.

21 Q. Je ne vous pose pas de question au sujet d'une influence exclusive, je

22 vous demande simplement si vous êtes d'accord quand on dit que c'est Susak

23 qui avait le plus d'influence ou qui semblait du moins avoir le plus de

24 responsabilités pour ce qui était des Croates de Bosnie-Herzégovine. Est-ce

25 que ce n'était pas l'homme qui avait le plus d'influence ?

26 M. KHAN : [interprétation] Le témoin a répondu. Il a dit que ce n'est pas

27 toujours forcément la même personne qui a de l'influence. Le témoin a déjà

28 répondu à la question.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, le témoin, à plusieurs reprises,

2 pas qu'une seule fois, a dit que l'influence qui est quelque chose de très

3 suggestif. D'après le témoin, sur

4 M. Tudjman, plusieurs personnes pouvaient exercer de l'influence et pas

5 exclusivement M. Susak. C'est ce que j'ai cru comprendre dans ses réponses.

6 Alors, il peut peut-être re-confirmer ou pas.

7 Monsieur le Témoin, pouvez-vous, pour qu'on ne perde pas de temps, nous

8 dire si, d'après vous, M. Susak avait de l'influence sur M. Tudjman, ou

9 bien, l'influence pouvait s'exercer par d'autres ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Le président Tudjman a prêté l'oreille à ce

11 qu'on dit de nombreuses personnes lors des réunions vous pouvez trouver la

12 preuve de cela dans les transcripts présidentiels. Et parmi nous, il y

13 avait des personnes qui essayaient d'influer sur la création, l'élaboration

14 de la politique d'Etat croate à l'égard de la République de Bosnie-

15 Herzégovine.

16 Est-ce que cela est clair donc il y avait parmi plusieurs personnes qui

17 travaillaient là-dessus ?

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur l'Ambassadeur,

19 mais vous voyez -- vous ne répondez pas directement aux questions posées

20 par l'Accusation et ce qu'on vous dit c'est la chose suivante : dans cet

21 extrait M. Granic déclare que Susak c'était celui qui avait le plus

22 d'influence. Et la question simple qu'on vous pose c'est : est-ce que vous

23 êtes d'accord ? Oui, non ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Je vais tenter de répondre de la manière

25 suivante. A des époques différentes --

26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur l'Ambassadeur.

27 Excusez-moi. Je sais qu'ici, on ne fait pas preuve d'une énorme courtoisie

28 mais c'est comme ça que les choses se parlent au Tribunal, et au cours du

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1 contre-interrogatoire, un avocat peut vous poser des questions auxquelles

2 il y a trois ou quatre réponses possible, oui, non, je ne sais pas, je ne

3 me souviens pas -

4 Me Karnavas nous le rappelle souvent. Est-ce que vous pouvez utiliser une

5 de ces réponses ?

6 Mme ALABURIC : [interprétation] Vous me permettez une petite intervention

7 ici. Au sujet de plusieurs questions, nous avons essayé de suggérer à la

8 personne posant la question de préciser la période sur laquelle porte une

9 question donnée. Ce que je crois que le témoin a essayé de dire c'est la

10 chose suivante : à des époques différentes, des personnes différentes

11 exerçaient l'influence sur le président, et si vous souhaitez insister sur

12 l'influence alléguée de Susak, alors, il faudrait peut-être préciser

13 l'année. Merci.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, votre question doit appeler

15 une réponse. Mais peut-être est-il important de distinguer dans le temps

16 parce que la réponse peut être "oui" pour une période, "non" pour l'autre.

17 Alors, est-ce que vous pouvez préciser votre question à partir des années ?

18 M. STRINGER : [interprétation]

19 Q. Je parle de la période qui suit ou qui commence au mois d'août 1992 où

20 se fut surtout le Parti du HDZ qui a formé le gouvernement et cette période

21 se poursuit pendant l'année 1993. Donc, ça fait une période d'environ un an

22 et demi, à partir du mois d'août 1992 et pour toute l'année 1993. N'est-il

23 pas vrai de dire que Susak était le bras droit disons de M. Tudjman pour la

24 Bosnie-Herzégovine pour la politique en Bosnie-Herzégovine surtout pour les

25 Croates de Bosnie-Herzégovine ?

26 R. Si on doit répondre par oui ou non. Alors, non.

27 Q. Bien. Donc, vous n'êtes pas d'accord avec l'idée formulée ici par M.

28 Granic, à savoir que Susak était le bas droit ou qu'il était celui qui

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1 avait le plus d'influence sur Tudjman ? Je vais vous demander pourquoi

2 parce que vous êtes ambassadeur -- fin 1992, vous étiez ambassadeur et puis

3 vous êtes allé en Bosnie-Herzégovine. Et j'ai l'impression que M. Granic

4 était mieux placé pour le savoir quels étaient les rôles joués

5 respectivement par les membres du cabinet, par M. Susak, par M. Granic en

6 personne, et par les autres membres du cabinet.

7 M. KHAN : [interprétation] Est-ce que c'était une question ?

8 M. STRINGER : [interprétation]

9 Q. Est-ce qu'il n'est pas vrai que M. Granic était mieux

10 placé ?

11 Mme ALABURIC : [interprétation] Toutes mes excuses, mais j'ai une

12 observation à faire. Pour répondre à cette question, il faudra connaître

13 les relations qui existaient en Croatie entre certaines personnes et entre

14 notamment Granic et Susak. Et à l'époque, dans le gouvernement composé par

15 les membres de la HDZ, ces deux personnes étaient celles qui étaient

16 confrontées sans cesse. Il y avait l'opposition forte entre ces deux

17 personnes. Peut-être que ce comment est utile pour la compréhension de la

18 situation.

19 M. STRINGER : [interprétation] Le témoin a répondu. Il a dit : non, il

20 n'était pas d'accord avec l'affirmation que j'ai formulée. Et je pense que

21 je vais m'en contenter et passer au sujet suivant.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Sujet suivant. Bien.

23 Monsieur Praljak, vous vous êtes levé pour quelle raison ? Le Procureur

24 passe à un sujet autre.

25 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur le

26 Président, je n'arrive pas à comprendre ce que l'on entend par le mot

27 "influence" ici. C'est quoi l'influence ? Est-ce que quelqu'un ici pourrait

28 m'expliquer la signification de ce terme ?

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Monsieur Praljak, c'est le Procureur qui

2 utilise le mot "influence." Vous pourrez, quand vous aurez vos propres

3 témoins, venir préciser ce que vous vous entendez par "influence." Donc,

4 votre intervention pour le moment, elle est au transcript, mais elle

5 n'appelle pas de commentaires plus en avant.

6 Bien, continuez, Monsieur Stringer.

7 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur l'Ambassadeur, après on a d'autres rubriques : "Gouvernement

9 de l'Union démocratique et Bosnie-Herzégovine," il n'y a qu'un passage que

10 je vais vous demander de consulter. Dans celui-ci, M. Granic mentionne M.

11 Mate Boban. Je suppose que vous savez qui est M. Mate Boban. Je ne sais pas

12 si on en a parlé.

13 R. Oui, je sais.

14 Q. Il dit ceci: "Boban était un homme à l'esprit très étroit remplis de

15 haine à l'égard des musulmans de Bosnie et il soutenait les Serbes de

16 Bosnie. Il pensait qu'il pouvait conclure un accord avec ces Serbes de

17 Bosnie, quelle que soit la politique criminelle menée par Karadzic, Mladic

18 et leurs assistants. Et il m'était clair que c'est lui qui constituait le

19 plus gros obstacle à la paix en Bosnie-Herzégovine. A l'occasion des

20 réunions, il n'a jamais parlé des Bosniens ou des Musulmans, il s'est

21 uniquement servi des mots qui sont des de Turcs ou de 'balija'."

22 Des mots très péjoratifs pour qualifier -- pour parler des Musulmans aux

23 Bosniens. Ce sont des termes très péjoratifs, Monsieur le Témoin. Une

24 question liminaire : quelle fut la fréquence de vos entretiens -- de vos

25 contacts avec M. Mate Boban ?

26 R. Une seule fois.

27 Vous me permettez d'élaborer ? Donc, je vous ai dit que mon niveau était --

28 enfin, j'agissais au niveau de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Donc, c'était

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1 la politique de l'Etat croate à l'égard de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. La

2 question de Mate Boban était une question interne à la Bosnie-Herzégovine.

3 Moi, évidemment, je n'ai pas eu de contact avec Mate Boban. Oui, je le

4 voyais, il a participé à des réunions, et une fois, à la demande du

5 président Tudjman, je suis allé le voir -- une fois, je peux vous dire

6 quand, je peux vous dire pourquoi.

7 Q. Dites-nous.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, vous savez, j'ai le plus grand

9 respect pour vous, mais là, je dois vous dire : j'ai moi-même posé la

10 question au témoin, je lui ai demandé combien de fois avez-vous rencontré

11 M. Boban. Il m'a répondu : "Une fois."

12 Bon, vous lui reposez la même question. Alors [imperceptible], ou que

13 [imperceptible], et à ce moment-là, vous avez des preuves qu'il a menti, ou

14 bien, vous embrouillez sur la réponse qu'il m'a donnée en disant : vous

15 avez dit en répondant au Juge que vous l'avez vu une fois, pouvez-vous me

16 dire dans quelle circonstance ? Parce que, si à chaque fois, les uns et les

17 autres, vous répétez les mêmes questions au témoin qui a déjà répondu, on

18 perd du temps, et ça ne sert à rien.

19 M. STRINGER : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais

20 j'ai oublié deux choses. La question du dépôt et de l'enregistrement et

21 puis cette question que vous avez déjà posée au témoin. Si vous me le

22 permettez, nous pourrions rappeler effectivement qu'il y avait une seule

23 réunion, parce que ceci aura son influence sur l'opinion, le commentaire

24 éventuel qu'a le témoin, suite à la remarque faite ici par M. Granic, si

25 vous me le permettez, Monsieur le Président.

26 Q. Monsieur l'Ambassadeur, pourriez-vous nous dire, Ambassadeur, ce que

27 vous vous rappelez de la réunion que vous avez eue avec M. Boban ? Quand a-

28 t-elle eu lieu ? Quelles furent vos impressions et vu la façon dont ceci

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1 est qualifié par M. Granic ?

2 R. Excusez-moi. Permettez-moi de lire ce que le Dr Granic a dit à ce

3 sujet. Pourriez-vous m'indiquer l'endroit exact, à quelle page cela se

4 trouve ?

5 Q. Vous avez une rubrique intitulée : "Gouvernement dans l'union

6 démocratique et la Bosnie-Herzégovine" ?

7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Page 70 en traduction.

8 M. STRINGER : [interprétation]

9 Q. Vous avez trouvé cette page ?

10 R. Je n'ai que la version croate ici. Ah si, si, maintenant, j'ai la

11 traduction. Quelle page ?

12 Q. Mais je pensais que vous pourriez regarder la version croate ?

13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est la dernière phrase de la page

14 70 en croate : "Izmedzu nas nikada nije…"

15 M. STRINGER : [interprétation] Dernier paragraphe. Oui, on dit : "Nous

16 n'avons jamais été proche…"

17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Effectivement.

18 M. STRINGER : [interprétation]

19 Q. Puis ont dit, "Boban, c'était un homme à l'esprit très étriqué."

20 R. Oui, je peux répondre. Par rapport à la première partie de ce qui est

21 dit ici, afin de cette affirmation du Dr Granic, qu'ils n'ont jamais été

22 proches et qu'ils avaient des points de vue complètement opposés. C'est

23 tout à fait exact, j'ai été le témoin de cela; cependant, quand M. Granic

24 donne ces instructions de M. Boban, écoutez, moi, je ne réfléchissais pas à

25 cela. Est-ce que mon chef était Mate Granic ? Je n'avais rien à voir avec

26 la Défense. Je sais qu'il y a eu des conflits entre M. Granic et M. Susak,

27 ça je le sais. Je ne trouve pas les détails.

28 Q. Une simple précision. Je pense que vous venez d'indiquer qu'il y avait

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1 des conflits entre M. Granic et M. Susak. Ma question pourtant concernait

2 M. Granic et M. Boban, alors, je ne sais pas si vous vouliez parler de

3 cela.

4 R. Granic et Boban, je ne sais pas s'ils avaient des contacts du tout.

5 Granic, en tant que ministre des Affaires étrangères, c'était moi la main

6 prolongée du gouvernement croate en Bosnie-Herzégovine au niveau de l'Etat,

7 donc, il passait par moi.

8 Q. D'accord. Serait-on en droit de dire que, de façon générale, pendant la

9 période durant laquelle vous avez été ambassadeur en Bosnie-Herzégovine,

10 vous ne vous êtes pas beaucoup occupé de M. Boban ou des dirigeants du HDZ

11 en Bosnie-Herzégovine ?

12 R. Je dirais que c'est exact.

13 Q. Vous avez indiqué hier, me semble-t-il, que vous avez eu des

14 discussions officieuses avec M. Prlic à propos de l'économie, mais j'ai

15 l'impression que vous n'avez pas eu beaucoup de discussions de fond avec M.

16 Prlic non plus.

17 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, quand on dit deux fois est-ce

18 qu'on peut -- l'économie c'est quand même quelque chose de fondamental

19 pendant la guerre, pendant que M. Prlic essayait de jeter les bases de la

20 structure économique du pays, mais pour moi, c'était du fond ça.

21 M. STRINGER : [interprétation] Le témoin pourra nous le dire mais il avait

22 dit qu'il avait eu des discussions officieuses -- informelles en matière

23 d'économie avec M. Prlic parce que c'était un sujet intéressant mais que ce

24 n'était pas des discussions officielles. C'est comme ça que j'avais compris

25 les choses.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela dépend de la fonction du

27 Dr Prlic. A un moment donné, il était le premier ministre de Bosnie-

28 Herzégovine. Quand il a été le premier ministre, j'ai pu avoir des contacts

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1 officiels avec lui surtout après les accords de Washington quand le Dr

2 Prlic était le vice-président du gouvernement et le ministère de la Défense

3 de la République de Bosnie-Herzégovine et de la Fédération. A ces moments-

4 là, j'ai pu m'entretenir officiellement aussi avec le Dr Prlic quand les

5 besoins se présentaient. Il s'agissait surtout de questions économiques

6 dont nous traitions puisque c'était la personne qui en savait le plus sur

7 ce sujet.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- d'intervenir pour un problème sémantique. Vous

9 parlez de M. Prlic comme premier ministre, alors, là aussi, soyons précis.

10 Premier ministre ou président du gouvernement ? Pour vous, qui était-il ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu deux périodes. Il y a une période au

12 cours de laquelle il faisait partie du gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

13 ça a été une période très courte après les accords de Medjugorje le 18

14 août, je pense, dans la Mission de paix de M. Tudjman et pendant cette

15 période très brève, il a été le vice-président, excusez-moi. Ecoutez,

16 enfin, je ne me souviens pas exactement de son titre exact. Il était soit

17 le président, soit le vice-président du gouvernement de Bosnie-Herzégovine;

18 ensuite, après les accords de Washington, pendant une période assez longue,

19 il a été le vice-président du gouvernement et le ministre de la Défense de

20 la République de Bosnie-Herzégovine.

21 Et à ce moment-là, pendant cette époque-là, je l'avais comme interlocuteur

22 officiel puisque moi j'étais ambassadeur devant le gouvernement de Bosnie-

23 Herzégovine.

24 M. KHAN : [interprétation] Une question supplémentaire. Page 26, mon estimé

25 confrère a demandé au témoin de décrire la réunion qu'il a eue avec M.

26 Boban mais le témoin n'a pas eu l'occasion de répondre à cette question. Je

27 vous le dis parce que la question a été posée et elle n'a pas reçu réponse.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Apparemment, ça m'a échappé mais Me Khan a

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1 certainement raison. Il n'y a pas eu de réponse à la question.

2 M. STRINGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. J'avais

3 d'ailleurs l'intention de demander au témoin d'y répondre.

4 Q. Auparavant, puisque nous parlons de titre, est-il exact -- est-ce que

5 vous savez si M. Prlic était président du HVO du Conseil croate de la

6 Défense en 1993 ?

7 R. Oui, je sais.

8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, s'agissant de votre

9 dernière réponse, Monsieur le Témoin, vous avez dit que

10 M. Prlic était vice-président ou ministre de la Défense dans le

11 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine; vous parlez de quelle période là ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Après les accords de Washington, immédiatement

13 après, parce que j'ai été impliqué de façon très intense à la mise en œuvre

14 des accords de Washington à Sarajevo. Et la première réunion avec M. Prlic

15 concernait --

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez répondu à ma question.

17 Merci beaucoup.

18 M. STRINGER : [interprétation]

19 Q. M. Boban, lui, il était président de la Communauté croate d'Herceg-

20 Bosna en 1993 et en 1992, n'est-ce pas ?

21 R. C'est exact.

22 Q. M. Boban était aussi chef du HDZ en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

23 R. C'est exact.

24 Q. Et chef du Parti HDZ en Bosnie-Herzégovine parce que

25 M. Tudjman, en tant que chef du parti, avait approuvé sa désignation à ce

26 poste, n'est-ce pas ?

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, objection. Aucune question de

28 base n'a été posée, alors, est-ce que c'est une hypothèse que présente M.

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1 Stringer au témoin ?

2 M. STRINGER : [interprétation] Oui.

3 Q. N'est-il pas vrai de dire que M. Boban était chef du Parti HDZ en

4 Bosnie-Herzégovine parce qu'il avait été autorisé à occuper ce poste par --

5 il avait été approuvé à ce poste par M. Tudjman ?

6 R. Le président Tudjman était le président du HDZ en Croatie. Le HDZ de

7 Bosnie-Herzégovine lui fonctionnait différemment. Le président Tudjman

8 pouvait faire des suggestions mais il ne pouvait pas demander -- exiger

9 quoi que ce soit parce que c'était une institution démocratique et dans le

10 cadre de cette institution les gens en Bosnie-Herzégovine choisissaient

11 leurs dirigeants. Et plusieurs dirigeants, il y a eu plusieurs dirigeants

12 avant et après Boban, d'ailleurs.

13 M. STRINGER : [interprétation] Document suivant, c'est le document qui

14 faisait l'objet des questions de M. le Juge Prandler. Un des transcripts

15 présidentiels qui porte la cote P 0089. Peut-être que M. l'Huissier

16 pourrait nous aider.

17 Q. On va vous remettre ce document dans un instant, Monsieur

18 l'Ambassadeur, mais auparavant à titre de rappel, je dirais que c'est la

19 transcription d'une réunion qui s'est tenue à Zagreb le 27 décembre 1991.

20 Vous l'avez indiqué, vous-même, hier, vous n'avez pas assisté à cette

21 réunion, mais je pense qu'en décembre 1991, vous veniez tout juste d'être

22 nommé ministre de la diaspora; est-ce

23 exact ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Fort bien. Quelques simples questions de suivi concernant des passages

26 tout en sachant, bien sûr, que vous n'étiez pas présent à la réunion.

27 Nous parlons de la pièce P 0089 à titre : "D'information pendant

28 qu'on recherche ce document." C'est une réunion où M. Tudjman avait accepté

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1 des invités qui étaient membres d'une délégation du Parti du HDZ de Bosnie-

2 Herzégovine ? Ce sont les personnes assistants à cette réunion on parle

3 notamment d'un certain Ignac Kostroman qui était présent à la réunion. Mais

4 il y avait à cette réunion d'autres membres de la direction du HDZ en

5 Bosnie-Herzégovine, il y avait

6 M. Boban --

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je pourrais soulever dans

8 l'intervalle une objection ? Si on demande l'avis du témoin alors qu'il

9 n'était pas à la réunion, je fonde mon objection sur le fait que, dans une

10 situation tout à fait analogue, où M. Zuzul était à la barre des témoins et

11 où je posais des questions, M. le Juge Trechsel s'y est opposé parce que

12 soi-disant je lui demandais d'être un expert. Bon, je n'ai pas beaucoup

13 aimé cette observation mais si elle n'empêche qu'ici ce même genre

14 d'observation s'impose, je ne veux pas ici relancer le débat sur la

15 question. Je pense que quelquefois on peut être d'accord pour ne pas être

16 d'accord, ou d'accord de ne pas être d'accord, mais je pense qu'ici on

17 retrouve le même cas de figure.

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Touché, mais nous n'avons pas encore

19 entendu la question autant attendre qu'elle soit posée.

20 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais ajouter

21 quelque chose. Je pense que c'est important cela dépend de la façon dont

22 vous allez résoudre l'opinion soulevé par

23 M. Karnavas. Si le Procureur a le droit de poser des questions qu'il

24 souhaite apparemment poser ici, je vais demander et je propose que, tout

25 d'abord, il nous donne les fondations, c'est-à-dire pour établir si le

26 témoin est en mesure de décrire la situation ou non.

27 Donc, de savoir ce qui s'est passé vraiment en Croatie en 1991 et quelle

28 était la situation aussi en Bosnie-Herzégovine en 1991 parce que si on ne

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1 comprend pas le contexte, si on se sait pas ce qui se passait vraiment dans

2 la vie de tous les jours en Croatie et en Bosnie à l'époque, on ne peut pas

3 interpréter de façon objective cette conversation parce que cette

4 conversations tout particulièrement est complètement compréhensible si elle

5 n'est pas placé dans le contexte, quelles étaient les motivations, pourquoi

6 ces gens viennent, quelle est l'opinion -- l'initiative internationale à

7 l'époque ?

8 Je pense qu'il est complètement inutile de poursuivre cette discussion

9 d'autant que le témoin n'était pas présent si on n'établit pas les repères

10 pour décrire la situation. Personne ne peut comprendre cela sans comprendre

11 le contexte.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Me Karnavas a rappelé que mon collègue c'était

13 opposé pour ce type de question à l'égard d'un témoin qui n'avait aucune

14 connaissance parce qu'il n'avait pas participé à la réunion, et cetera.

15 Bon. Et Me Karnavas dit ce qui vaut pour moi doit valoir également pour

16 l'autre partie, et évidemment, il a totalement raison sur ce plan.

17 Deuxièmement, Me Kovacic soulève d'autres arguments, en disant, bon, il y a

18 une réunion entre M. Tudjman et des représentants de la Bosnie-Herzégovine,

19 et qu'à ce moment-là, le témoin n'étant pas présent, a-t-il une bonne

20 connaissance de la situation -- du

21 contexte ? Et que si on lui demande un avis sur une situation qui ne

22 maîtrise pas, l'avis évidemment peut être erroné.

23 Deuxièmement, à partir de ce transcript présidentiel dont mon collègue le

24 Juge Prandler a utilisé dans sa question une partie d'un paragraphe, je ne

25 sais pas sur quel sujet vous voulez aborder. Pour éviter ce type de

26 problème, il aurait mieux valu que vous indiquiez que, lors de

27 l'interrogatoire principal, tel sujet a été abordé.

28 Que deuxièmement, ce sujet apparaît dans ce transcript présidentiel à tel

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1 paragraphe, et à ce moment-là, vous pouvez demander au témoin, par rapport

2 à sa réponse précédente : est-ce qu'il maintient son point de vue, il le

3 change ou, bien sûr, un autre sujet ?

4 Mais il faut poser également les bases et là, pour le moment, on est un peu

5 perdu, on ne sait pas ce que vous voulez établir dans le cadre de votre

6 contre-interrogatoire, et quels sujets vous voulez aborder.

7 Alors, reprenez la parole, et puis on verra.

8 M. STRINGER : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Je n'ai

9 toujours pas posé de question à propos du transcript, je voulais simplement

10 [imperceptible] mais je vous remercie de toutes ces consignes que je viens

11 de recevoir.

12 Peut-être que le moment se prête bien à faire une pause, Monsieur le

13 Président.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, on va faire la pause, comme ça, 20

15 minutes pour réfléchir à la question.

16 Et nous reprendrons dans 20 minutes.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

18 --- L'audience est reprise à 10 heures 54.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, vous avez la parole.

20 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je précise à

21 l'intention de tout le monde ici, que nous avons saisi ce compte rendu

22 d'audience dans le système ou dans le logiciel Sanction, si bien que mon

23 assistante, Mme Winner, va afficher les pages correspondantes au fur et à

24 mesure pour que tout le monde puisse suivre mes questions.

25 Q. Monsieur l'Ambassadeur, voici le compte rendu, le transcript qui vous a

26 été présenté hier par M. le Juge Prandler. Et je voudrais vous demander si

27 vous souhaiter en terminer de la réponse que vous souhaitiez pouvoir donner

28 à la question que vous avait posée M. le Juge Prandler hier.

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1 Page 21 de ce compte rendu.

2 R. En croate.

3 Q. Quand je dis "page 21," ça doit correspondre également à la version

4 dans votre langue. Normalement, c'est exactement la même chose dans l'une

5 et l'autre langue, 21 -- question 21.

6 Etant donné ce que vous nous avez déjà expliqué, et puisqu'il est ici

7 question de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, et la prise d'une décision

8 historique avec la mise en place de la Communauté croate d'Herceg-Bosna qui

9 donne une base ou un fondement juridique pour permettre à ce territoire

10 d'entrer dans la République de Croatie, bien, si c'était véritablement un

11 objectif de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, je parle du principe,

12 j'imagine que vous ne le saviez pas -- que vous n'en saviez rien; est-ce

13 exact ?

14 R. A cette époque-là, je ne le savais pas parce que je ne m'occupais pas

15 de cette question, mais je connais, bien sûr, la teneur de ce document.

16 Q. Bien. Question semblable pour le point 3, la Communauté croate

17 d'Herceg-Bosna reconnaît la légitimité de Franjo Tudjman en tant que

18 président de la République de Croatie et président du HDZ, elle reconnaît

19 qu'il a la légitimité lui permettant de défendre et de promouvoir les

20 intérêts de la Communauté croate d'Herceg-Bosna sur la scène

21 internationale, et cetera, et cetera. Vous pourriez lire la suite. Si la

22 Communauté croate d'Herceg-Bosna reconnaît que Franjo Tudjman avait la

23 légitimité nécessaire pour faire tout cela en son nom, j'imagine que vous

24 ne le saviez pas, vous n'étiez pas au courant.

25 R. Je savais qu'il existait un groupe de personnes de cette région et là

26 on voit une liste de personnes qui ont fait cette proposition, telle que

27 vous la voyez. Mais ce n'est pas du tout la même chose que de savoir si le

28 président a accepté cette position ou pas. Parce qu'il ne l'a pas fait. Et

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1 je peux vous dire pour quelles raisons le président Tudjman n'a pas accepté

2 leurs propositions. Ce sont deux choses distinctes.

3 Q. Excusez-moi, je souhaiterais avancer sans pour autant vous interrompre

4 comme je vous l'ai expliqué, vous pouvez revenir sur la question qui vous

5 avait été posée par le Juge Prandler, ajouter ce que vous souhaitiez

6 ajouter, mais j'aimerais qu'on avance dans l'examen de ce document.

7 Et qu'on passe au point 15, page 25. Il s'agit ici des procès verbal

8 d'une réunion de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Au point 15 : "Nos

9 députés de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine du territoire d'Herceg-Bosna

10 doivent suivre les instructions venant d'Herceg-Bosna."

11 Monsieur, saviez-vous que les dirigeants de l'Herceg-Bosna affirmaient leur

12 autorité -- autorité leur permettant de donner des instructions aux députés

13 membres de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine à l'époque ?

14 R. Je n'étais pas au courant de cela avant maintenant.

15 Q. Bien, page 33.

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Je n'ai pas objecté précédemment,

17 mais quand on dit "affirme leur autorité," et cetera, il s'agit d'un

18 document où se manifeste un certain nombre de délire d'aspiration. Donc,

19 imposer son autorité c'est quelque chose d'un peu différent. Je voulais

20 simplement mentionner la chose.

21 M. STRINGER : [interprétation]

22 Q. Page 33, il est question d'une déclaration de propos tenus par le

23 président Tudjman. Je vais donner lecture de certains extraits de cette

24 page, je cite : "Afin de créer un petit Etat à partir de ce qui reste des

25 alentours de Sarajevo où resterait la plupart des Musulmans et certains

26 catholiques Croates et qui ressemblerait à une sorte de petite Bosnie

27 historique, ça constituerait une zone tampon entre la Serbie et la Croatie

28 et cette entité serait largement tributaire de la Croatie."

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1 Un peu plus loin, je poursuis ma lecture : "Et de ce point de vue, la

2 solution ne résiderait même pas dans une sorte de cantonisation avec une

3 Bosnie-Herzégovine qui continuerait à exister, ceci constitue la solution

4 de démarcation."

5 R. Et la suivante.

6 Q. "Il me semble" - et Monsieur le Témoin, vous pouvez suivre soit à

7 l'écran soit sur votre copie papier - je cite : "Il me semble que tout

8 comme nous avons profité de ce moment historique pour mettre en place une

9 Croatie indépendante et reconnue sur le plan internationale, je pense que

10 le moment est également venu de rassembler le peuple croate dans les

11 frontières les plus vastes qui soient."

12 Pour en terminer, j'aimerais vous demander de vous reporter à la page 106,

13 on traite toujours du même sujet.

14 R. 106, je l'ai.

15 Q. La version va s'afficher à l'écran. Ceci intervient au moment d'une

16 discussion entre le président Tudjman et Stjepan Kljuic qui, à l'époque,

17 était le chef du HDZ en Bosnie-Herzégovine. Voici ce que dit le président :

18 "Kljuic ne perdons pas le temps. Nous pensons

19 -- seulement moi et les dirigeants croates, en général, pensent que, depuis

20 que tu es devenu chef du HDZ, en général, tu as fait du bon travail, mais

21 je dois te le dire - et je vais répéter ce que j'ai déjà dit récemment - tu

22 t'es rapproché de la politique d'Izetbegovic par rapport à ces négociations

23 que nous voulions. J'ai écrit quelque part la date à laquelle nous devrions

24 avoir ces négociations, et notre objectif -- notre objectif, dès le début

25 de la proclamation que nous avons faite, n'était pas de conserver la

26 Bosnie-Herzégovine telle qu'elle est aujourd'hui. Ceci n'est au fond pas

27 dans l'intérêt de la politique de la Croatie, car la politique de la

28 Croatie si elle restait celle-ci serait à tout jamais frustrée par la perte

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1 de territoire et la perte démographique en Bosnie-Herzégovine.

2 "Par conséquent, ce que nous voulions finalement et ce n'est pas par hasard

3 qu'on trouve mention de la banovina de Croatie dans le préambule de la

4 constitution croate."

5 Monsieur l'Ambassadeur, je viens de vous lire ces passages. Je sais que

6 vous n'étiez pas présent à cette réunion; serait-il possible que, partant

7 de cette discussion, la politique de M. Tudjman, tout du moins, à ce

8 moment-là, cherche à rétablir les régions de la banovina de la Croatie pour

9 en faire des régions croates ?

10 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection, on invite le témoin à se lancer

11 des conjectures. Est-ce que c'est possible ? Tout est possible. En plus, il

12 faut replacer les choses dans leur contexte, dans le contexte des

13 événements.

14 M. STRINGER : [interprétation] Objection, Me Karnavas est en train de

15 donner sa réponse au témoin.

16 M. KARNAVAS : [interprétation] Non, il faut donner le contexte dans lequel

17 tout ceci se déroule.

18 M. STRINGER : [interprétation] Le témoin connaît le contexte.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Non.

20 M. STRINGER : [interprétation] Mais il le connaît parfaitement.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Pas du tout.

22 M. STRINGER : [interprétation] Le président était ministre de la diaspora

23 croate à l'époque. Et je pense que par ces objections on vient de lui

24 indiquer la réponse qu'il doit donner. Je pense que la question est tout à

25 fait justifiée. Est-ce que le témoin savait ? Est-ce que le témoin était au

26 courant de cette politique ?

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Ah, ça recommence. C'est la politique. Voilà

28 mon objection elle est la suivante : on lui dit : est-ce que c'est possible

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1 ? Mais tout est possible. Il était possible à l'époque que la Bosnie-

2 Herzégovine se divise. Il y avait des négociations en cours. Alors, si on

3 veut être juste envers notre témoin, il faut parler de toutes les

4 négociations, du plan d'Izetbegovic, ce que faisait Izetbegovic, de sa

5 collaboration avec militaire parce que c'est seulement dans ce contexte que

6 le témoin peut répondre. L'Accusation veut introduire le mot de

7 "politique," de "stratégie" parce que ça correspond à sa thèse. Mais il

8 faut préciser le contexte, la période concernée. A l'époque, il faut savoir

9 que la Bosnie-Herzégovine n'avait pas déclaré son indépendance et il faut

10 prendre en compte la totalité du compte rendu -- du compte rendu et

11 permettre au témoin d'en prendre connaissance et c'est seulement à ce

12 moment-là qu'il pourra répondre à cette question. Je pense que là, on lui

13 pose des questions hors contexte, ce n'est pas juste.

14 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président --

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- plaint de ne pas avoir du temps pour poser vos

16 questions supplémentaires. La meilleure démonstration vous venez de la

17 faire, l'objection que vous faites, il fallait faire cela dans le cadre des

18 questions supplémentaires.

19 Le Procureur pose une question au témoin. Le témoin répond. Si ça ne vous

20 plaît pas la réponse, à ce moment-là, vous reprenez dans les questions

21 supplémentaires le problème. Le temps que vous passez dans les objections

22 c'est du temps qui normalement est imparti dans les questions

23 supplémentaires. Bien sûr, ça ne vous plaît pas que la question soit posée

24 la réponse on ne sait pas trop. Mais -- et vous témoignez à la place du

25 témoin. Vous témoignez. C'est vous qui témoignez.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Bon. Soyons clair ici parce que vous avez

27 une logique tout à fait erronée, en disant que les questions

28 supplémentaires, elles, dépendent du fait de savoir si l'avocat a encore

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1 suffisamment de temps. Non, ça ne s'est jamais fait -- tout au long des

2 années, ça ne s'est jamais fait, et je suis complètement choqué de voir que

3 ce soit la position adoptée par la Chambre en ce qui concerne la

4 présentation de mes moyens. Pas en ce qui concernait la présentation des

5 moyens à charge, pas du tout.

6 Et quand vous limitez mon temps, puisque je vous avez demandé 150 ou

7 160 heures, quand je n'ai qu'un temps limité pour avoir -- pour mener mon

8 interrogatoire principal, et comme vous me faites cette réponse, moi, je

9 vous dis : il faut me donner suffisamment de temps. En fait, cette façon de

10 procéder est fausse, c'est erroné. Moi, je n'ai pas d'objection en ce qui

11 concerne cette question. Mais cette question il faut la placer dans son

12 contexte. A partir de l'intervention de Me Kovacic, vous nous avez dit

13 qu'il fallait planter le décor, qu'il fallait donner le contexte. Alors, on

14 lui présente des brides indiquant vaguement le contexte et on lui dit :

15 est-ce que c'est une possibilité ? Et soudain, le Procureur fait intervenir

16 le thème de politique. Et bien, non, il faut regarder ces événements dans

17 tous leurs contextes, il faut voir quelles sont les conclusions de ce

18 document, de ce compte rendu, il faut arriver à faire se dégager la vérité.

19 Mais on ne peut pas choisir uniquement ce qui nous convient, et comme

20 l'a dit Me Kovacic, on veut que cette question soit placée dans son

21 contexte -- dans son contexte historique et dans le contexte dans lequel se

22 déroulaient les discussions qui figurent dans son compte rendu. Ce n'est

23 pas -- c'est à vous d'en décider et pas à l'Accusation qui ne cesse

24 d'affirmer qu'il existait une politique.

25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous regardez ce texte,

26 vous constaterez que le terme de "politique croate," est mentionné à deux

27 reprises à la fin du premier paragraphe de la page 106. Et tout ce que

28 faisait M. Stringer c'était de demander au témoin s'il était au courant --

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1 s'il était au courant de cette prise de position de M. Tudjman. Mais la

2 Chambre sait pertinemment qu'il s'agit là d'un volet et d'un aspect

3 uniquement du problème qu'il s'agit d'extrait de ces comptes rendus. La

4 Chambre -- les Juges de la Chambre prendront le temps de soupeser la valeur

5 de cette pièce, il ne s'agit ici uniquement de limiter le temps dont vous

6 disposez pour les questions supplémentaires. Donc, je pense qu'il vaudrait

7 mieux que M. Stringer continue.

8 M. KOVACIC : [interprétation] Je crois qu'ici, on va avoir vraiment un

9 problème s'il permettait de continuer en croate. Jusqu'à maintenant, dans

10 le cadre des lignes directrices pour la présentation des moyens de preuve,

11 quelques éléments de preuve ont été versés le document composé de quelques

12 pages de ce qui est convenu d'appeler les transcripts présidentiels.

13 Maintenant, s'agissant de ce transcript ici de nouveau, deux ou trois pages

14 de ce transcript sont versées au dossier, du 27/12/1992. Ce transcript pour

15 être compris il doit être lu de sa première à la dernière page, et je vous

16 dis il est hors de question d'utiliser une phrase, un fait, une question

17 une page de ce transcript sans prendre en compte son intégralité, ça vaut

18 également pour la Chambre de première instance, vous-même vous devez le

19 lire ce transcript jusqu'à sa dernière page. Parce que c'est seulement

20 ainsi que vous allez pouvoir comprendre pourquoi cette réunion a été tenue

21 et pourquoi les conclusions qui ont été tirées, ont été tirées, cette

22 réunion est pour utiliser le terme occidental "brainstorming meeting,"

23 c'est-à-dire "brain," d'information simplement.

24 On étudie les options différentes. Si on étudie de la manière dont on l'a

25 fait maintenant, c'est-à-dire on sélectionne une phrase par ci, une phrase

26 par là, on ne peut pas avoir une idée complète de la situation. Ce n'est

27 vraiment pas la manière de procéder surtout s'agissant des questions d'une

28 importance aussi cruciale pour cette affaire. Nous tous qui travaillions

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1 dans cette affaire nous connaissons la teneur ce transcript présidentiel et

2 nous le connaissons par cœur et nous avons que leur teneur n'est pas celle

3 qu'essaie de présenter M. le Procureur. Et on peut avoir une idée juste sur

4 la teneur de cet transcript seulement si on le lit dans leur intégralité.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je suis en plein accord avec vous. Il n'y a aucune

6 divergence entre ce que vous venez de dire, mais simplement ce que je

7 voulais dire : le Procureur présente ses arguments, son point de vue. Il

8 pose une question, le témoin répond.

9 Ensuite, vous, dans le cadre soit des questions supplémentaires, soit

10 lorsque vous aurez vos propres témoins, vous avez la possibilité technique

11 de revenir sur le point, en disant à ce témoin ou à un autre témoin : le

12 Procureur posant la question a eu telle réponse, vous, Monsieur le nouveau

13 témoin ou le témoin actuel : est-ce qu'il n'y a pas eu un oubli du contexte

14 ? Est-ce que ce paragraphe n'est qu'une version tronquée de la réalité de

15 la réunion, et cetera ?

16 Et à ce moment-là, vous récupérez le problème plutôt que de soulever

17 en hurlant en faisant des objections qui ne sert à rien, parce que ce que

18 vous ne comprenez pas, je dis pas tous, mais certains c'est que vous avez à

19 faire face à des Juges professionnels qui, depuis deux ans, sont plongés

20 dans les pièces de ce dossier. Nous vivons 24 heures sur 24 avec ce dossier

21 et quand une question est posée, elle est intégrée dans l'ensemble des

22 éléments déjà admis. Et dans les questions légitimes qu'un juge peu se

23 poser. Donc, le Procureur fait son travail comme il l'entend, la réponse,

24 elle, intervient; tant mieux pour lui, tant mieux pour vous, on ne sait pas

25 ce que le témoin répond. Et si vous estimez à votre niveau qu'il manque des

26 éléments que peut-être les Juges n'ont pas vu, et cetera, vous les

27 réintroduisez sans faire des objections, calmement, par la technique.

28 Parce que l'audience est un débat contradictoire, il y a une thèse,

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1 une contre thèse et les Juges en tirent les conclusions. Voilà, là, le

2 Procureur parle de politique, comme l'a dit mon collègue. C'est dans le

3 document, il y a une mention de "banovina" qui figure, vous le savez, dans

4 la constitution, donc, il peut poser une question au témoin. Puis, on verra

5 bien ce que le témoin dira. Moi, j'en sais strictement rien.

6 Je ne sais même pas ce que le témoin allait dire à la question, que

7 déjà vous partez dans des objections. Attendons de voir ce que dira le

8 témoin. Peut-être que ce qu'il dira vous sera favorable. Pourquoi anticiper

9 sur la forme d'une question. La façon que les Juges étant idiots vont rien

10 comprendre.

11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il y a un certain nombre de pages

12 dans ce document -- que la totalité des pages de ce document, 125 pages,

13 qui se trouvent dans le système de prétoire électronique.

14 Madame Alaburic, vous voulez ajouter quelque chose. L'intégralité

15 donc est disponible.

16 Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, merci. Je n'ai aucune

17 objection s'agissant de la question posée par

18 M. Stringer, mais j'aimerais seulement attirer votre attention sur une

19 question. Cette question, la part d'hypothèse qu'il faudra tirer au clair,

20 cette question porte sur un passage du quart de ce transcript, je cite, "La

21 Bosnie-Herzégovine telle qu'elle est aujourd'hui."

22 Donc, avant de permettre au témoin de répondre à la question, il

23 faudra peut-être d'abord lui demander de décrire à quoi ressemblait la

24 Bosnie-Herzégovine, à ce moment-là. C'est décembre 1991, déjà la Croatie et

25 la Slovénie avaient quitté la Fédération yougoslave. La Bosnie n'avait pas

26 encore déclaré son indépendance et il serait bien de préciser cela avant de

27 --

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, vous avez parfaitement raison. Ce

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1 que vous venez de dire, et je vous en remercie. Mais vous imaginez bien

2 qu'un Juge professionnel, ça ne lui a pas échappé. En décembre 1991,

3 officiellement, la Bosnie-Herzégovine n'avait pas le statut d'Etat membre

4 de l'ONU, n'était pas encore reconnu. Bien sûr que j'ai vu ça. Vous avez

5 des Juges qui comprennent tout cela. Bon, peut-être que le Procureur aurait

6 peut-être insisté, mais il est peut-être parti du principe que nous étions

7 censé savoir qu'en décembre 1991, il y avait une situation spécifique que

8 nous connaissons parfaitement.

9 Bien, alors, ayant intégré tout cela, ce qu'a dit Me Karnavas, ce qu'a dit

10 Me Kovacic, ce qu'a dit Me Alaburic, ce qu'ont dit les Juges.

11 Monsieur Stringer, reprenez la parole.

12 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Comme l'a dit

13 le Juge Trechsel, l'intégralité du compte rendu, de cette transcription a

14 été versée au dossier. Moi, je présente au témoin la thèse qui est celle de

15 l'Accusation. Ce terme de "politique" constitue un aspect important de

16 l'interrogatoire principal de ce témoin. Et c'est quelque chose qui revient

17 aussi dans les débats consignés dans ce compte rendu. Le témoin n'était pas

18 présent, mais si au cours de ces débats ont été abordés des points ou des

19 éléments dont le témoin avait connaissance, à ce moment-là, je pense que ça

20 a une certaine pertinence. Voilà où je veux en venir, j'espère que c'est

21 clair.

22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je vous présente des éléments; est-ce que je

23 vous présente des éléments de la politique croate dont vous n'aviez pas

24 connaissance -- ou plutôt, c'est ce que j'affirme ?

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Stringer, excusez-moi de vous couper,

26 mais simplement, dans la matinée, j'avais posé des questions au témoin pour

27 lui demander quand il y avait des réunions, est-ce qu'il y avait des compte

28 rendus, comment ça ce passait. Donc, vous voyez, j'avais déjà anticipé sur

Page 28743

1 les problèmes, et le témoin nous a répondu. J'aurais pu lui poser une

2 question également quand le président de la République recevait des

3 autorités étrangères, des visiteurs : est-ce comme ça se passe dans tous

4 les pays du monde ? Il y a un communiqué, mon collègue ne comprend pas ce

5 que je dis, alors, je vais préciser.

6 Est-ce qu'il y a, comme dans tous les pays du monde, un communiqué faisant

7 état du fait que M. Tudjman a rencontré X, Y et Zagreb, et que suite à

8 cette rencontre, la presse relate ce qui s'est passé ? Et peut-être à

9 l'époque, Monsieur, avez-vous eu connaissance de cette rencontre ? Peut-

10 être pas, peut-être que oui. Ça se passe dans toutes les républiques. Comme

11 M. Chavez aujourd'hui rencontre X, Y ou Z, je présume qu'à [imperceptible],

12 la presse dit : M. Chavez a rencontré M. X, Y.

13 Et il y a un article, à l'époque, quand il y a eu cette réunion en décembre

14 1991, est-ce qu'il y a eu des articles de presse permettant de laisser

15 penser qu'un lecteur, voir quelqu'un comme vous, a eu connaissance de ce

16 qui a été dit ?

17 Bien, mon collègue veut intervenir.

18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne pense pas qu'il faut continuer

19 ces interruptions. Nous en sommes au stade du contre-interrogatoire par

20 l'Accusation et je pense qu'il faut lui laisser faire son travail.

21 Maître Stringer, poursuivez.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma question, qui est une question d'ordre technique,

23 qui n'a rien à voir avec le contre-interrogatoire. C'est simplement de

24 savoir, Monsieur, si quand le président Tudjman rencontrait quelqu'un, il y

25 avait un compte rendu ? C'est ultra simple, ça peut se reporter aux

26 documents, mais ça peut être tout autre document.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Lors des réunions du gouvernement, il y a bien

28 évidemment eu des procès verbaux. Alors, quant à savoir lors de quelles

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1 réunions avec le président Tudjman, y a-t-il eu des procès verbaux ? Ça, je

2 ne le sais pas le dire. Si je comprends bien, ces transcripts-là,

3 maintenant, étaient fait sur la base des enregistrements audio. Et il y a

4 eu des enregistrements de tout ce qui a été dit dans ces pièces. Donc, je

5 ne le sais pas, mais ce que je peux vous dire avec certitude, c'est que

6 lors des réunions du gouvernement, il y avait procès verbaux officiels qui

7 étaient tenus.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne répondez pas à ma question. Gouvernement,

9 d'accord. Mais ça c'est une rencontre entre le président et des visiteurs

10 autres. C'est ça que je veux savoir.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je crois, mais je ne peux pas être

12 sûr de cela parce que je pense que le président lui-même décidait si on

13 allait garder une trace de ces réunions ou pas; simplement je ne savais pas

14 moi à quel moment il y avait une trace de ce qui se disait ou à quel moment

15 il y en avait pas, autrement dit, à quel moment on faisait des comptes

16 rendus ou on enregistrait les réunions d'une manière quelconque ou pas.

17 Vous savez, on en a parlé, on en a discuté, mais je n'ai jamais vu une

18 personne assise en train de monter des choses; ça je ne l'ai jamais vu

19 quand j'étais avec le président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, ceci étant élucidé, continuez.

21 M. STRINGER : [interprétation]

22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, ça fait un petit bout de temps qu'on ne s'est

23 plus parlé directement, donc, je vais revenir à l'extrait que je vous

24 lisais, je ne vais pas en donner lecture une deuxième fois. Je vous

25 rappelle qu'il s'agit de l'intervention du président Tudjman à l'époque en

26 décembre 1991 "…même une cantonisation de la Bosnie-Herzégovine ne

27 constituerait pas une solution pour nous, c'est la solution de

28 démarcation." Ensuite, il parle de la banovina de 1939 : "Ce n'est pas dans

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1 l'intérêt de la politique croate car la politique croate serait frustrée

2 par les pertes démographiques et territoriales en Bosnie-Herzégovine." Il

3 faut référence ensuite au préambule de la constitution croate. Il parle de

4 la banovina de 1939. Alors, voilà, l'explication que j'ai moi et vous avez

5 le droit de ne pas être d'accord avec ce que je vais vous dire mais

6 j'aimerais avoir votre opinion.

7 Est-il exact qu'à l'époque le président Tudjman envisageait la possibilité

8 de rétablir la banovina de 1939 qui avait été perdue au cours de la

9 Deuxième Guerre mondiale, et ce faisant pour arriver à une démarcation du

10 territoire de Bosnie-Herzégovine pour que ce territoire fasse partie d'une

11 grande Croatie ou d'une banovina, comme c'était le cas en 1939 ?

12 R. Tout ce que vous venez de dire est faux.

13 Q. Bien. On va examiner ceci point par point; nous avons parlé de

14 l'ouvrage de 1991 du président Tudjman. Il disait -- il parlait du

15 caractère artificiel de la Bosnie-Herzégovine par rapport à la Croatie. Il

16 parle dans ce livre également de la banovina. N'est-il pas exact que pour

17 quelques raisons que ce soit les événements qui ont eu lieu en Bosnie-

18 Herzégovine vont dans le sens du rétablissement de la banovina et que c'est

19 dans l'intérêt de l'Etat croate. Ou est-ce que vous n'êtes pas d'accord

20 avec moi, vous pensez que le rétablissement de la banovina n'aurait pas été

21 dans l'intérêt de l'Etat croate ?

22 R. De façon catégorique, je ne suis pas d'accord. La banovina croate c'est

23 un fait de l'histoire. Mais moi je ne parle pas de cela, c'est vous qui

24 parlez de cela tout le temps. Tudjman n'a jamais évoqué avec moi la

25 banovina croate.

26 Q. Hier, au cours de votre déposition, il me semble que vous nous avez dit

27 que le territoire de la Communauté croate en Herceg-Bosna n'avait pas de

28 frontières; est-ce bien ce que vous avez dit ?

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1 R. C'est exact.

2 Q. Saviez-vous que dans le décret portant proclamation de la Communauté

3 d'Herceg-Bosna, Communauté croate d'Herceg-Bosna, on a identifié un certain

4 nombre de municipalités de Bosnie-Herzégovine qui devaient constituer le

5 territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

6 R. Non. Le document qui a servi de document fondateur pour la Communauté

7 croate de l'Herceg-Bosna, on parle de zones habitées par les Croates mais

8 on ne parle pas des frontières, on ne parle pas des municipalités. Vous

9 aviez des municipalités où les Croates étaient minoritaires, ou bien,

10 majoritaires, ou bien, vous en aviez où ils étaient -- ils représentaient

11 la moitié de la population. Donc, la situation n'était pas très claire

12 surtout en Bosnie où la population était très mixte à la différence de

13 l'Herzégovine à vrai dire.

14 Q. Donc, selon vous, la Communauté croate d'Herceg-Bosna ne recouvrait pas

15 en tant que tel des municipalités, n'avait pas de limites ?

16 R. Non. Au contraire, on essayait de changer les frontières de certaines

17 municipalités pour faciliter la vie de ces gens, pour que les uns ne soient

18 pas soumis aux autres.

19 Q. Bien. Nous allons bientôt passer à autre chose mais je vous avais

20 promis de vous donner le temps de répondre à la question de

21 M. le Juge Prandler. Voulez-vous le faire maintenant ?

22 M. STRINGER : [interprétation] Tout ce que je demanderais, Monsieur le

23 Président, c'est que ce temps soit décompté pour être comptabilisé au temps

24 de la Chambre pas de l'Accusation.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous avez parfaitement raison, Monsieur

26 Stringer.

27 Quand le Juge pose une question, la réponse n'est pas comptée pour les

28 parties, ce qui peut expliquer parfois que les Juges ne posent pas de

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1 questions.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite compléter la réponse aux Juges,

3 celle de M. le Juge, un des Juges qui m'a posé la question. Au sujet de ce

4 document justement, tout d'abord, j'ai voulu -- je voudrais corriger ce que

5 j'ai dit hier parce qu'on a l'impression que j'ai quelque chose contre M.

6 Kostroman. Moi, je le connaissais et cette nuit je réfléchissais à cela et

7 je me suis rappelé l'avoir rencontré quelque part mais je n'ai jamais

8 vraiment eu d'entretien avec lui proprement dit; cependant, Monsieur le

9 Juge, m'a dit qu'il ne s'agissait pas seulement de M. Kostroman là que là

10 vous aviez tout un groupe de personnes qui souhaitent, qu'il y a l'unisson

11 d'une partie de Bosnie-Herzégovine avec la Croatie.

12 Hier, j'ai dit que de tels désirs se sont manifestés partout dans toute la

13 région. Vous avez les Hongrois de la Slovaquie qui souhaitent, enfin une

14 partie, une partie de cette population qui souhaite s'unifier avec la

15 Hongrie. Ensuite, vous avez les désirs des Hongrois de Subotica de

16 rejoindre la Hongrie.

17 Ensuite, les désirs des Serbes de rejoindre la Republika Srpska. Je

18 ne vais pas poursuivre mais ces aspirations -- ces désirs existent et une

19 telle aspiration se trouve dans ce document au moment où ces messieurs ont

20 exprimé leurs désirs au bout de nombreux siècles puisqu'au Moyen Âge, cela

21 faisait partie de la Croatie, donc, ils ont exprimé leurs souhaits, en

22 disant qu'il serait bien que cette partie-là de la Bosnie-Herzégovine

23 s'unifie avec la Croatie, mais ils ne pouvaient pas être très précis dans

24 leurs aspirations, justement parce que la Communauté croate de l'Herceg-

25 Bosna n'avait pas de frontières, des frontières qui étaient définies. Et

26 d'ailleurs, on peut le voir dans le document, le statut de la Communauté

27 croate de l'Herceg-Bosna.

28 Moi, j'ai discuté de cela avec le président Tudjman. M. le conseil a

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1 mentionné, et j'ai confirmé que j'ai eu, en réalité, plusieurs réunions

2 avec le président Tudjman à l'époque mentionnée par le Procureur : pourquoi

3 Tudjman a-t-il rejeté -- pourquoi a-t-il rejeté ses aspirations, pourquoi

4 il était contre cela ? Je vais vous dire exactement de quoi je parlais avec

5 le président Tudjman, à ce sujet --- au sujet de ces aspirations.

6 Tout d'abord, la Commission de M. Badinter, il ne faut pas oublier

7 que cette commission faisait partie d'un organe de Médiation, qui agissait

8 au nom de la Communauté européenne à l'époque, et ne souhaitait pas que les

9 frontières soient modifiées.

10 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. Si la

11 Chambre souhaite que vous poursuiviez, manifestement, elle vous le

12 demandera, mais je rappelle que j'avais l'intention d'examiner certains des

13 accords internationaux puisque vous avez commencé a faire référence à des

14 accords internationaux ou à des négociations qui ont donné, par exemple,

15 lieu au rapport Badinter -- ou à la Commission Badinter, plus exactement.

16 Passons à cette déclaration conjointe d'avril 1993 parce que je pense que

17 ça devient un peu compliqué maintenant.

18 M. KARNAVAS : [interprétation] Ça fait la deuxième fois que

19 M. Stringer interrompt le témoin. Inutile de faire objection, mais je pense

20 que le témoin était en train de répondre à une question posée par un Juge.

21 Si M. le Juge veut interrompre le témoin, s'il est satisfait des réponses

22 fournies jusqu'à présent, mais je pense que le témoin a le droit de

23 terminer sa réponse. Il essaie de le faire, il essaie de répondre à une

24 question en fournissant une réponse complète, et à mon avis, il faut lui

25 laisser le loisir de le faire.

26 Nous avons, bien sûr, des contraintes en matière de temps, mais je pense

27 que ne serait-ce que par respect, il faut lui laisser le temps de répondre.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Me Karnavas vient de dire que, lorsqu'un Juge pose

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1 une question, le témoin répond, et de mon point de vue, c'est que le témoin

2 répond sous le contrôle du Juge qui a posé la question. Moi, je ne permets

3 pas d'intervenir.

4 D'abord, quand le Juge pose une question, je n'ai pas apprécié

5 l'opportunité de la question, donc, je ne dis rien, même si je peux ne pas

6 comprendre la question, mais, donc, le témoin répond en fonction de la

7 question du Juge.

8 Donc, si vous vous intervenez, en disant cela, vous pouvez porter atteinte

9 à l'intégralité de la réponse.

10 D'après ce que j'ai compris - mais je me trompe peut-être - il

11 voulait préciser la réponse d'hier au sujet de M. Kostroman. C'est ça que

12 j'ai compris. Je n'ai rien compris d'autre que cela. Alors, donc, le mieux

13 c'est qu'il termine, et puis après vous reviendrez sur les documents

14 internationaux puisque vous voulez les passer en revu.

15 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est le Juge Prandler qui est maître d'œuvre, je le

17 laisse faire.

18 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci. Je suis conscient des

19 impératifs de temps, ce que vient de dire Me Karnavas, première chose.

20 Deuxième chose, hier, lorsque j'ai posé cette question, je l'ai préfacée en

21 reconnaissant le fait que le témoin n'était pas à la réunion et réunion au

22 cours de laquelle, d'après ce transcript, plusieurs questions étaient

23 évoquées. Ma question était suivante : puisqu'on avait parlé de la question

24 de la nationalité des dispositions pertinentes de la constitution de

25 Croatie y afférant, puisqu'on parlait de la situation qui se posait en

26 matière de naturalisation qui donnait beaucoup de marge de manœuvre, en

27 matière de législation qui permettait de déclarer Croates tous ceux qui

28 faisaient partie de la diaspora ou qui étaient ailleurs ? C'est la raison

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1 pour laquelle j'ai demandé si, dans ce transcript,

2 M. Kostroman, qui était à l'époque secrétaire du HDZ, lorsqu'il a fait

3 rapport des décisions prises par, disons, le comité directeur du HDZ, ou le

4 comité exécutif du HDZ, toutes ces questions se trouvant à la page 21 du

5 transcript présidentiel, en un premier point, puis position numéro 2, point

6 3, je demandais ceci : si l'ambassadeur Sancevic voit un lien quel qu'il

7 soit entre ces questions qui ont été abordées ce jour-là et les questions

8 afférant à la nationalité. Pour le dire autrement, je pense qu'il y avait

9 parmi les Croates, une certaine euphorie à l'époque et ils pensaient qu'ils

10 appartenaient tous à la même nation, enfin, c'est comme ça que je vois les

11 choses. En tout cas, c'est l'impression que j'aie aussi qu'en Herceg-Bosna,

12 c'était un moment historique qui se vivait, qui permettrait de réaliser les

13 aspirations en matière de nationalité, de citoyenneté, mais aussi pour ce

14 qui est des dispositifs territoriaux.

15 J'ai eu l'impression -- j'ai eu cette impression, c'est pour ça que

16 je vous ai demandé s'il y avait un lien ou disons un certain consensus qui

17 se serait dégagé à une même opinion qui se dégageait, qui était exprimée

18 par les fonctionnaires -- les représentants officiels du gouvernement, M.

19 Tudjman notamment, et par les dirigeants du HDZ en Herceg-Bosna.

20 Je vous demandais, Monsieur le Témoin, si mon impression était juste,

21 à savoir qu'il y avait un certain lien -- une certaine coopération entre

22 ces deux parties, comment dirais-je, de la nation croate.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de répondre précisément à la

24 question que vous venez de poser. Avant ce compte rendu, avant cela déjà,

25 la Commission de Badinter avait demandé qu'il n'y ait pas de changement des

26 frontières dans l'Europe, qu'il s'agissait de l'Europe centrale, du sud ou

27 du sud-est, point à la ligne. Ceci a été accepté par le président Tudjman

28 et nous en avons discuté. Donc, il faut accepter les décisions de M.

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1 Badinter. Il ne faut pas qu'il y ait des changements de frontières. Donc,

2 ces aspirations, malheureusement, il est hors de question de les accepter.

3 Ensuite, la deuxième raison, vous savez qu'il existait la Republika Srpska

4 en Croatie entre guillemets. Si les Bosniaques de Bosnie-Herzégovine

5 avaient rejoint la Croatie. On aurait pu aussi accepter que les Serbes de

6 la République de Serbe de la Krajina rejoignent celle-ci en Bosnie. C'est

7 pour cela que le président Tudjman ne pouvait même pas imaginer, il n'a

8 même pas osé penser à un rapprochement de l'Herceg-Bosna à la Croatie --

9 avec la Croatie.

10 Et il y a une autre raison. Dès le début, puisqu'il n'y a pas de

11 changements de frontières et puisqu'il n'y aurait pas de rapprochements

12 d'unification quelconque puisque l'argument principal de la République de

13 Croatie était que la Republika Srpska Krajina ne pouvait pas faire

14 cessation par rapport à la République de Croatie et, de la même façon, il

15 ne pouvait pas y avoir d'unification entre la Communauté croate de

16 l'Herceg-Bosna et la Croatie.

17 Et à partir du moment où la Commission de Badinter a fait connaître ses

18 décisions mais même avant cela la politique du président Tudjman et la

19 politique de l'Etat croate à l'égard de la Bosnie-Herzégovine était de

20 préserver la Bosnie-Herzégovine et c'était très catégorique, il s'agissait

21 là d'un voisin d'un pays ami. Et puis il y a un autre argument : si les

22 Serbes réussissaient à démanteler la Bosnie-Herzégovine, nous avons la

23 Serbie qui est à une centaine de kilomètres de Zagreb. C'était le troisième

24 argument aussi bien du président et quelque chose que j'ai pu entendre

25 quand j'ai parlé avec le président, le président Tudjman. C'était donc

26 entre un argument pour ne pas accepter cette proposition, l'aspiration de

27 ces gens, les partisans de l'unification.

28 Et à partir de ce moment-là, le président Tudjman et son gouvernement et

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1 moi, en tant qu'ambassadeur, la main prolongée du gouvernement croate qui

2 mettait en œuvre la politique croate de l'Etat croate à l'égard de la

3 Bosnie-Herzégovine, nous étions tous pour la préservation de la Bosnie-

4 Herzégovine. C'était la seule solution possible et nous avons réussi --

5 nous avons réussi à convaincre ceux qui prônaient l'unification avec la

6 Croatie que ce n'était dans l'intérêt de personne et que notre politique

7 officielle, la politique du gouvernement croate de l'Etat croate était la

8 préservation de la Bosnie-Herzégovine et la protection de l'élément croate

9 à l'intérieur de la République de Bosnie-Herzégovine conformément à la

10 constitution.

11 Et c'est pour cela que vous avez cette constante, Tudjman parlait avec ces

12 gens et il leur disait : vos aspirations, c'est bien gentil, c'est vrai que

13 vous parlez de droits historiques, de faits historiques mais là, nous avons

14 les faits. Nous avons les faits auxquels il faut faire face, il faut les

15 respecter. Il faut respecter la réalité et les faits, donc, il n'y aura pas

16 de possibilité d'unification, de réaliser cela. Et le président Tudjman a

17 réussi à convaincre les gens de son entourage et moi j'ai œuvré dans ce

18 sens là où j'avais ma fonction en Bosnie-Herzégovine, il s'agissait de

19 respecter la politique telle que prévue et déterminée par la Commission de

20 Badinter et qui était dans l'intérêt de la Croatie.

21 Je ne sais pas si j'ai été, si vous m'avez compris, si vous avez tout

22 compris, vous pouvez me poser une autre question, si je n'ai pas été

23 suffisamment clair.

24 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur

25 l'Ambassadeur. Permettez-moi d'ajouter que ces questions m'intéressent. Je

26 vous remercie des réponses que vous avez fournies car personnellement en

27 tant qu'Hongrois, vous le savez peut-être, vous avez notamment fait état de

28 Hongrois qui vivent en dehors de la Hongrie d'aujourd'hui, donc ça

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1 m'intéresse beaucoup et c'est la raison pour laquelle j'ai posé la question

2 hier, question qui portait sur la nationalité et la citoyenneté.

3 Merci de ces réponses.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer.

5 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Q. Monsieur l'Ambassadeur, prenons le document suivant

7 P 02088, P 02088, je pense qu'il vous a été présenté au cours de

8 l'interrogatoire principal. Il doit se trouver dans le jeu de documents de

9 l'Accusation -- ah, non, je me trompe, dans le classeur des pièces de la

10 Défense. C'est la déclaration conjointe du 24 avril 1993. Elle fait

11 référence au plan de paix Vance-Owen. On y trouve la signature de Mate

12 Boban et celle de M. Izetbegovic ainsi que celle du président Tudjman, qui

13 ont assisté à la signature du document. Il s'agit du document P 02088.

14 Permettez-moi de dresser le décor ?

15 R. 5088, c'est bien cela, P ?

16 Q. 2088.

17 R. D 05088.

18 Q. Excusez-moi pour Accusation, "Prosecution," 02088. Peut-être qu'il se

19 trouve déjà sur le rétroprojecteur ou à l'écran, non. Vous l'avez aussi à

20 l'écran, Monsieur le Témoin.

21 R. Oui.

22 Q. Rappelons le contexte. Nous sommes en avril 1993, vous êtes à ce

23 moment-là ambassadeur de Croatie en Bosnie-Herzégovine ?

24 R. C'est exact.

25 Q. On trouve d'ailleurs votre nom au début de cette déclaration conjointe,

26 on vous indique comme étant membre de la délégation croate ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Toujours pour ce qui est du contexte en avril 1993, à peine neuf ou dix

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1 jours auparavant, il y avait eu de gros affrontements en Bosnie centrale

2 opposant les Croates et les Musulmans; vous en souvenez, non ?

3 R. Entre certains Croates et certains Musulmans.

4 Q. Mais conviendrez-vous avec moi qu'il y avait des affrontements et

5 conflits militaires entre le HVO et des forces armées musulmanes en Bosnie

6 centrale à l'époque ?

7 R. Monsieur le Procureur, puisque je connaissais la situation, je dois

8 vous répondre ainsi : il s'agissait de différents rôles -- vous aviez des

9 gens qui faisaient des choses parce que dans le cadre des forces armées il

10 y avait des éléments venus de l'ex-Yougoslavie, il y avait aussi des

11 éléments qui étaient venus de l'étranger, des éléments qui, à ce moment-là,

12 se sont dispensés comme des experts militaires ou des commandants.

13 Je vais vous donner un exemple. Moi je suis arrivé en Croatie en 1991

14 comme un soldat, simple soldat avec mon livret militaire du Venezuela mais

15 je suis devenu colonel. Autrement dit, la situation changeait selon les

16 personnes qui étaient les commandants au niveau local. C'est pour cela que

17 je n'aime pas que l'on fasse des généralisations, c'est-à-dire que c'est

18 l'ABiH qui étaient en conflit avec le HVO, pas partout, là où il y avait

19 des conflits c'est là où vous aviez des extrémistes.

20 Q. Je vais essayer d'être plus précis. Car le contexte n'est pas sans

21 intérêt, il y a une raison à cette déclaration. C'est à mon avis parce que

22 des Unités du HVO, qui faisaient partie de la zone opérationnelle de Bosnie

23 centrale basée à Vitez, est entrée en conflit armé avec des unités qui

24 étaient rattachées au 3e Corps de l'ABiH; est-ce que vous êtes d'accord

25 avec moi là-dessus ?

26 R. Oui, je suis d'accord, mais ce n'était pas le cas pour tout le monde

27 parce que, même en Bosnie centrale, vous aviez des unités qui n'étaient pas

28 en conflit. C'était les unités principalement qui étaient commandées par

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1 des extrémistes.

2 Q. J'ai parlé de Vitez dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale;

3 est-ce que vous savez si cette zone opérationnelle était commandée par un

4 certain colonel Tihomir Blaskic ?

5 R. Ça, Monsieur le Procureur, maintenant, vous me posez des questions au

6 sujet de quelque chose dont je n'ai pas de connaissance parce que, moi, je

7 ne travaillais pas dans la Défense. Je n'avais rien à voir là-dedans. Moi,

8 j'étais un représentant politique, et j'étais ambassadeur. Donc, là, vous

9 me posez une question, je ne sais pas qui a été commandant à quel moment.

10 De façon générale, oui, je peux vous répondre, je connaissais la situation

11 d'un point de vue général, mais vous ne pouvez pas me poser de question au

12 sujet de détails.

13 C'est vrai que, moi -- que j'ai écrit les cartes, les cartes que M. Praljak

14 a mentionnées, mais là, on ne voit pas qui était le commandant, quand et

15 où, parce que cela ne relevait pas de mon travail tout simplement.

16 Q. Vous avez dit que vous étiez celui qui était le connaisseur de la

17 situation, c'est ce qu'on m'a dit en anglais.

18 R. Est-ce que vous pourriez répéter ?

19 Q. Vous avez dit être le connaisseur de la situation --

20 R. Oui, mais, de façon générale, je savais -- je connaissais la situation

21 telle qu'elle était, en général, sans entrer dans des détails; de la chose

22 militaire, je ne voulais pas mêler à ces choses-là.

23 Je pense que j'ai bien fait d'ailleurs.

24 M. STRINGER : [interprétation] Est-ce qu'on peut m'interpréter la dernière

25 partie ?

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, une question de suivi. Monsieur le Témoin,

27 vous avez répondu à la question mais il me semble qu'il manque quelque

28 chose. Vous étiez ambassadeur, donc, normalement, vous aviez une masse

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1 d'information qui doit vous arriver, à priori. Je ne sais pas. Quand, en

2 Bosnie-Herzégovine, il y a un événement dont la presse internationale

3 parlait, est-ce que

4 M. Granic ou le département du ministère des Affaires étrangères vous

5 appelait pour vous demander de leur faire un télégramme -- un rapport sur

6 ledit événement ? Est-ce que c'est arrivé ou pas ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il est arrivé que j'envoie des rapports

8 de façon assez régulière. Il s'agissait de rapport très sommaire parce que

9 j'ai vu -- j'ai réalisé qu'il contrôlait la mail diplomatique -- la

10 correspondance diplomatique de sorte que je faisais des rapports qui

11 n'avaient pas plus que cinq phrases; tout ce qu'on pouvait lire c'était le

12 président Tudjman et le ministre des Affaires extérieures, Mate Granic, et

13 ensuite, trois, cinq lignes. Il était important de synthétiser la situation

14 en Bosnie-Herzégovine.

15 Dans mes rapports, je ne rentrais pas dans le détail.

16 M. STRINGER : [interprétation]

17 Q. Ça c'était en matière de contexte. Cette déclaration conjointe se

18 présente dans la foulée d'affrontement militaire assez grave en Bosnie

19 centrale, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Et Lord Owen est directement concerné par cette déclaration conjointe.

22 Je suppose qu'il y aura eu une pression internationale très importante qui

23 aura pesé sur le HVO ou les Croates de Bosnie, et les Musulmans de Bosnie

24 afin qu'ils parviennent à un accord permettant de résoudre la situation ou

25 de la --

26 R. Oui, je conviendrais avec vous pour dire que c'était l'objectif d'une

27 partie de la communauté internationale parce qu'il n'existait de consensus

28 au niveau de la communauté internationale, et je peux vous dire qu'il y en

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1 a eu qui ont soutenu la cause de la Grande-Serbie.

2 Q. Vous faites peut-être référence à un extrait de votre livre, à ce que

3 vous avez écrit dans votre livre. Je sais que, dans votre livre, vous avez

4 émis certaines critiques envers la communauté internationale et qui

5 correspond à ce que vous venez de nous dire, à savoir que selon vous

6 certaines puissances, certains pays étaient favorables ou voyaient d'un bon

7 œil un conflit entre les Croates et les Musulmans parce que ça permettrait

8 -- ça faciliterait la venue d'une Grande-Serbie. Est-ce que c'est votre

9 opinion ?

10 R. Ce que j'ai écrit dans mon livre, et là je suis devant un Tribunal où

11 je dois dire la vérité, toute la vérité. Donc, ce que j'ai écrit c'est

12 écrit et je maintiens cela, et il y a des preuves que j'ai avancées pour

13 corroborer cela dans le livre en question.

14 Q. Bien. J'aimerais qu'ensemble nous approfondissions un petit peu

15 l'examen de cette question-là. Et là, je vais anticiper sur certaines des

16 questions que j'allais vous poser quelques secondes de patience pour que je

17 retrouve le document en question.

18 J'y reviendrai -- j'y reviendrai plus tard parce que je ne veux pas que

19 nous perdions de temps. Hier, le Juge Trechsel -- à ce sujet et au sujet

20 également de l'accord de Medjugorje qui a suivi le 18 mai, le Juge Trechsel

21 donc vous a demandé si, selon vous, les partis avaient la même attitude

22 s'agissant de ces accords, une attitude égale. Il me semble que ce sont là

23 les termes qu'il a lui-même utilisés.

24 Et j'aimerais que nous examinions la chose. Vous avez participé à ces

25 négociations, en effet, et j'aimerais savoir s'il y avait désaccord du côté

26 croate et du côté musulman sur la signification de ces différents accords

27 et sur la manière dont ils allaient être mis en œuvre.

28 Je vous demanderais donc de laisser de côté ce document -- cette

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1 déclaration conjointe, et j'aimerais vous demander de consulter la pièce P

2 02059. C'est un autre transcript présidentiel qui est disponible avec le

3 logiciel Sanction. Je vais demander à l'huissier de bien vouloir vous aider

4 à trouver ce document, mais il va également s'afficher à l'écran. Pièce P

5 02059 et c'est un document que l'on trouve dans les classeurs de

6 l'Accusation.

7 C'est un document intéressant, Monsieur l'Ambassadeur. Je reconnais que

8 c'est une réunion à laquelle vous ne semblez pas avoir participé - même si

9 je me trompe peut-être - mais en tout cas, il s'agit de la transcription

10 d'une réunion qui a eu lieu ce même soir, le soir du 24 avril 1993 juste

11 avant la proclamation de sa déclaration conjointe parce que, si vous vous

12 reportez à la déclaration conjointe, il est inutile de le faire,

13 véritablement, mais à la dernière page, vous constaterez que cette

14 déclaration, elle, a été promulguée -- proclamée le 25 avril 1993, à 1

15 heure moins le quart du matin.

16 Ce transcript ici, c'est la transcription de la réunion où il y avait M.

17 Izetbegovic, M. Tudjman, également Lord Owen. Il s'agit de la transcription

18 des discussions qui précèdent la proclamation de la déclaration conjointe.

19 Si on revient à cette question de l'interprétation des parties pour se

20 demander si les parties sont animées du même esprit, si elles partagent les

21 mêmes opinions, j'aimerais revenir sur certaines choses qui apparaissent

22 dans ce procès-verbal -- dans ce compte rendu.

23 D'abord, examinons la page 11, 11 aussi bien en B/C/S qu'en anglais.

24 C'est le début de la réunion, et chacune des parties en présence intervient

25 à titre introductif et voici ce que dit le président Izetbegovic. En fait,

26 j'aimerais qu'on affiche la page 12, c'est la page suivante. Et voici ce

27 qu'il dit, il est en train de parler du plan Vance-Owen. Je cite : "Notre

28 impression c'est que le HVO et la République de Croatie ne veulent pas du

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1 plan Vance-Owen tel qu'il est actuellement."

2 C'est ce que dit Izetbegovic, il dit : "Tout d'abord, nous avons

3 accepté ce plan parce que nous pensions que la Bosnie-Herzégovine ne

4 pouvait pas contenir des territoires homogènes totalement du point de vue

5 ethnique et national parce que c'est un pays mixte."

6 Et un peu plus loin, il dit : "Si l'on en juge par les actions du

7 HVO, leur compréhension de ce plan est totalement différente. En dépit de

8 ce fait, avec la médiation de M. Vance et de M. Owen, nous avons signé un

9 document -- un accord, dans lequel il est indiqué au premier point, de

10 manière explicite, que les provinces ne sont pas des territoires nationaux

11 -- les territoires nationaux d'aucun des peuples concernés qui ne sauraient

12 les revendiquer pour eux-mêmes. Si nous avons signé ceci…"

13 Et un peu plus loin, il dit, en bas de la page : "En d'autres termes,

14 l'Herceg-Bosna, en tant que quantité étatique ne saurait exister après la

15 signature du plan Vance-Owen."

16 Et ensuite, il ajoute, je cite : "Au cours de discussions avec M. Owen, je

17 me suis fait dire à plusieurs qu'il s'agissait uniquement d'une solution

18 temporaire, jusqu'à la résolution du problème en Bosnie-Herzégovine. On m'a

19 dit que l'Herceg-Bosna était une solution provisoire jusqu'à ce qu'une

20 autre solution soit trouvée."

21 Il y a d'autres passages, également, mais à partir de ce que nous venons de

22 lire, j'aimerais vous poser la question suivante. Hier, au cours de votre

23 déposition, vous avez déclaré que

24 M. Izetbegovic avait signé sans aucune réserve le plan Vance-Owen. Et la

25 question que je vous pose est la suivante : est-ce qu'en fait, il n'avait

26 pas une grande réserve et que c'est ce qui se manifeste ici dans ce

27 document, réserve sur la manière dont est interprété le plan Vance-Owen par

28 le HVO ?

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1 R. Ecoutez, s'agissant du plan Vance-Owen, la République de Croatie a

2 fourni son soutient entier au texte de départ de ce plan qu'il s'agisse de

3 l'organisation de l'Etat, donc, de la constitution de l'Etat ou qu'il

4 s'agisse de l'organisation territoriale ou division territoriale. Et donc,

5 si l'on avait accepté immédiatement tel qu'il était au début, la division

6 aurait été -- ou la meilleure façon aurait été exactement celle proposée

7 par les messieurs Vance et Owen.

8 Mais M. Izetbegovic et ses collaborateurs, ils acceptaient assez volontiers

9 les éléments portant sur l'organisation constitutionnelle de l'Etat, mais

10 n'acceptaient pas l'organisation en province. Mais à un moment -- à un

11 moment, M. Izetbegovic a tout signé, tout. Puis, il s'est mis à réfléchir

12 et en particulier au sujet de l'organisation territoriale, du point de vue

13 géographique. Il a commencé la méthode de réserve et a rejeté des éléments

14 de ce plan. Et d'autres portées, il y a une Serbe qui rejetait cela en

15 intégralité. Donc, il y avait des Serbes qui rejetaient le point de vue

16 d'intégralité, Izetbegovic qui en rejetait certaines parties.

17 Alors que la Croatie l'a soutenue et dans son intégralité et

18 immédiatement.

19 Q. Oublions un instant la Croatie -- la République de Croatie pour parler

20 du HVO et de l'Herceg-Bosna, et de l'interprétation qui était les leurs du

21 plan Vance-Owen, parce que c'est ce dont parle

22 M. Izetbegovic ici au président Tudjman. Vous-même, vous avez participé à

23 de nombreuses discussions et de nombreuses négociations. Conviendrez-vous

24 avez moi que c'était véritablement là des difficultés, des problèmes qui

25 étaient identifiés par M. Izetbegovic. En fait, il y avait des difficultés

26 à cause de la manière dont le HVO mettait en œuvre le plan Vance-Owen. Il

27 existait un désaccord sur la signification de cet accord et sa mise en

28 œuvre. Et voilà ce qui était à l'origine des difficultés rencontrées à

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1 l'époque, n'est-ce pas ?

2 R. Ecoutez, il y a eu quelques situations où, concernant justement la mise

3 en œuvre du plan Vance-Owen, il y a eu des accords, par moment. Mais quand

4 M. Izetbegovic a apposé sa signature sur le plan Vance-Owen, il a de même

5 accepté ce plan. C'est en ensuite qu'il y a renoncé et cela a conduit à

6 l'élaboration du plan Owen-Stoltenberg, qui n'est qu'une modification, une

7 nouvelle version de ce plan Vance-Owen. Et le plan d'Owen-Stoltenberg c'est

8 le plan intitulé ou qu'on appelle l'union des républiques.

9 Q. Très bien.

10 R. Ecoutez, autre chose. M. Izetbegovic, et je le connaissais très bien,

11 et je me suis très souvent entretenu avec lui et je pouvais même affirmer

12 qu'on était des amis. Donc, on pouvait se lier -- toujours voir l'idée de

13 Bosnie unifiée et unitaire et que tous les plans de la communauté

14 internationale.

15 Q. Je vous poserai des questions plus tard au sujet de la Bosnie-

16 Herzégovine unitaire. Mais si j'ai bien compris, quand on examine ce compte

17 rendu, en ce qui concerne la mise en œuvre du plan Vance-Owen, ce que vous

18 dites, me semble-t-il, c'est qu'il y avait des désaccords entre les parties

19 sur la manière dont ce plan Vance-Owen devait être appliqué; est-ce bien ce

20 que vous dites ?

21 R. Oui, concrètement parlant, les problèmes existaient sur, par exemple,

22 le commandement en Bosnie centrale. Par exemple, quelle est la zone où le

23 commandant du HVO devait commander les forces et où les forces devaient

24 être commandées par le commandant de l'ABiH. Donc, c'est là qu'il y a eu

25 toujours des conflits en parlant des chefs militaires, du commandement

26 militaire.

27 Q. Bien. Nous allons aborder un autre passage de ce document, page 15.

28 Izetbegovic intervient et dit: "Il n'y aurait pas eu de conflit si M.

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1 Boban, au lieu d'envoyer des soldats à Travnik ou à Vitez, on avait appelé

2 aux résidents de Mostar et on leur avait demandé de s'organiser et de

3 participer avec lui au gouvernement conformément au plan Vance-Owen. Il n'y

4 aurait pas eu de conflit s'ils avaient appelé les Musulmans à participer au

5 gouvernement comme c'était envisagé par le plan Vance-Owen. Ceci aurait

6 constitué une première étape. Ils auraient été plus que ravis d'accepter de

7 le faire parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne participent pas au

8 gouvernement. Il y a des professeurs qui ne veulent pas aller faire leur

9 classe. Les juges ne veulent pas aller dans les tribunaux, les policiers ne

10 veulent pas aller travailler, parce que partout on leur dit qu'ils doivent

11 accepter officiellement la Bosnie-Herzégovine et écrire un document dans ce

12 sens. Et ils veulent mettre en place la province de Mostar.

13 "Nous avons accepté la province de Mostar, mais nous n'acceptons pas la

14 Communauté croate d'Herceg-Bosna. Nous avons accepté le plan Vance-Owen,

15 parce que, dans ce plan, on prévoit la mise en place de provinces, mais on

16 ne prévoit nullement l'Herceg-Bosna croate parce que Mostar n'est pas et ne

17 sera jamais exclusivement et uniquement croate. Vous ne pouvez pas faire

18 régner la terreur à Mostar pendant des années -- vous pouvez terroriser ou

19 faire régner la terreur à Mostar pendant des années, mais vous ne pourrez

20 jamais contrôler ou diriger Mostar.

21 "Donc, nous pouvons gouverner ensemble. Mostar ne peut pas être gouverné

22 que par les seuls Croates."

23 Voilà ce que dit Izetbegovic au soir du 24 avril. Ici, donc, il s'agit de

24 l'interprétation du plan Vance-Owen. On voit que du côté croate, le HVO --

25 bon, le HVO ou l'Herceg-Bosna avaient leur propre interprétation de la mise

26 en place des provinces en terme du plan Vance-Owen. Pour eux, les Croates

27 allaient gouverner seuls. Et ce que dit Izetbegovic, c'est qu'il ne peut

28 pas l'accepter, qu'il veut qu'il y ait direction gouvernement conjoint à

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1 Mostar. Est-ce que c'est là que réside l'origine du problème -- du conflit

2 ? Les Croates avaient une vue plus exclusive de la division territoriale

3 alors que les Musulmans, eux, envisageaient que ces territoires soient

4 contrôlés conjointement au terme du plan Vance-Owen ?

5 R. Ecoutez, le 18 août 1993, nous avons pu voir les conséquences de ce

6 plan Vance-Owen au moment où des personnes étaient élues aux postes

7 différents au sein des provinces. Et tout le monde s'est mis d'accord.

8 Q. Alors, à cette époque, je parle d'avril 1993, il y avait des désaccords

9 des deux côtés. Je ne vous demande pas de prendre partie, je vous pose la

10 question parce que vous avez participé à tout cela. N'est-il pas exact que

11 les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie avaient des divergences

12 marquées sur la manière dont le plan Vance-Owen devait être mis en œuvre

13 sur le terrain ?

14 R. Non, Monsieur, je ne suis pas d'accord avec vous. Est-ce que vous êtes

15 en train de généraliser. Vous parlez toujours des Croates de Bosnie-

16 Herzégovine et des Musulmans de Bosnie-Herzégovine comme d'un tout alors

17 qu'il s'agit là de certains Croates de Bosnie-Herzégovine et de certains

18 Musulmans de Bosnie-Herzégovine qui n'ont pas pu se mettre d'accord. Mais

19 il y a eu parmi eux quelques uns, tels que M. Prlic qui était toujours

20 pour qu'on trouve un accord.

21 Q. Parlons maintenant des personnes qui ont signé la déclaration

22 conjointe, c'est-à-dire M. Izetbegovic du côté musulman et M. Boban du côté

23 croate.

24 R. La page, s'il vous plaît --

25 Q. Ici, il s'agit de la déclaration conjointe -- si vous êtes prêt à

26 l'accepter, je peux vous dire que ça a été signé par M. Ilija Izetbegovic

27 et M. Mate Boban. Ma question est la suivante, il y avait des accords entre

28 la faction Izetbegovic et la faction Boban sur la manière dont devait

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1 s'appliquer le plan Vance-Owen en avril 1993, n'est-ce pas ?

2 R. Je dirais cela : il y a eu une période pendant laquelle ils étaient

3 d'accord au sujet de la mise en œuvre de l'application du plan Vance-Owen.

4 A chaque fois où M. Izetbegovic a signé quelque chose, un accord a été

5 passé du moment où il avait signé, mais la situation change sans cesse. On

6 annonçait la même journée à

7 M. Izetbegovic à revenir sur ce qu'il venait d'accepter et reprenait son

8 idée de Bosnie-Herzégovine unifiée et unitaire et rejetait l'idée d'un Etat

9 fédéré. Et c'est ainsi qu'avec le temps, le plan de Vance-Owen a commencé

10 tout simplement à se déchirer, à tomber en désuétude, et comme ça,

11 également, quand le plan Owen-Stoltenberg a été élaboré comme une -- de

12 tentative de vaincre les partisans de la Grande-Serbie et de satisfaire

13 également le parti musulman. Mais aucun de ces deux plans n'osent renoncer

14 à l'organisation fédérale de Bosnie-Herzégovine.

15 Q. Je peux vous assurer qu'on va parler de la Bosnie-Herzégovine unitaire.

16 Je n'en suis pas encore arrivé tout à fait à ce stade de mon contre-

17 interrogatoire, mais rassurez-vous, je vais à un moment donné, vous

18 demander votre opinion sur ce point.

19 M. STRINGER : [interprétation] On me dit que j'ai encore dix minutes, ou

20 est-ce que le moment est déjà venu de faire la pause, Monsieur le Président

21 ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, continuez dix minutes, si vous voulez.

23 M. STRINGER : [interprétation]

24 Q. Bien, on va encore continuer pendant dix minutes avant la pause; est-ce

25 que ça vous convient ?

26 R. Monsieur Stringer, vous dites vos positions. Moi, j'ai été l'outil de

27 la politique de l'Etat croate à l'égard de la Bosnie-Herzégovine. Il ne

28 s'agissait pas de mes positions. Ne vous exprimez pas comme cela, s'il vous

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1 plaît. Vous venez de dire quelles étaient vos positions, qu'est-ce que cela

2 veut dire ? Moi, je représentais l'Etat de Croatie et j'ai suivi une

3 politique officielle qui était celle de la République de Croatie à l'égard

4 de la Bosnie-Herzégovine.

5 Q. Excusez-moi, je voulais simplement vous dire que j'allais vous demander

6 de déposer à ce sujet, ce que vous pouvez dire à ce sujet. Je vois bien que

7 vous faites la différence entre votre opinion personnelle et les opinions

8 officielles -- la politique officielle. Moi, je parle de manière générale

9 de ce que vous pouvez me dire dans le cadre de votre déposition.

10 Nous avons ici la déclaration conjointe qui est proclamée quelques minutes

11 seulement après la discussion que nous avons examinée tout à l'heure.

12 Evénement suivant d'importance, parce qu'il y a beaucoup de chose qui se

13 passe en mai 1993, mais l'événement sur lequel je souhaiterais me

14 concentrer maintenant, c'est ce qui se passe à Mostar. Le 9 mai 1993,

15 conflit très violent entre d'un côté, le HVO, et de l'autre côté, des

16 forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

17 R. C'est exact.

18 Q. Cela se passe le 9 et le 10 mai, ensuite on passe au 18 mai et on

19 arrive à l'accord de Medjurgorje et je souhaite vous poser des questions au

20 sujet de cet accord. Mais dans l'intervalle, il y a un document que je

21 souhaiterais vous présenter. Et j'aimerais que vous nous fassiez part de

22 vos commentaires à ce sujet. Pièce P09602. C'est un document qu'on trouvera

23 dans le classeur de l'Accusation. Il est possible également que ce document

24 s'affiche à l'écran, Monsieur l'Ambassadeur. Je pense que c'est un document

25 que vous n'avez pas encore vu, mais vous étiez diplomate, vous étiez

26 ambassadeur, c'est donc à ce titre que je souhaiterais de vous demander ce

27 que vous ayez à dire sur ce document. N'hésitez pas à prendre le temps de

28 le lire.

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1 C'est une note verbale en date du 6 mai 1993.

2 R. Laissez-moi l'examiner un peu parce que je ne l'ai pas lue.

3 Q. C'est une "note verbale" qui émane du bureau de M. Mate Boban, et en

4 bas de la deuxième page, on voit que ce document est adressé au secrétaire

5 général des Nations Unies au Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi

6 qu'à un certain nombre de pays. Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre

7 le temps de lire cette lettre, sinon on peut la passer en revue ensemble et

8 en accord.

9 Dans cette lettre, M. Boban évoque une réunion conjointe des plus hautes

10 instances politiques du peuple croate en Bosnie-Herzégovine à Citluk, le 29

11 avril 1993. Cette réunion a été présidée par M. Mate Boban; M. Franjo Boras

12 était présent ainsi que M. Mile Akmadzic; connaissez-vous M. Boras, M.

13 Akmadzic ?

14 R. Si. Je connais M. Franjo Boras, je connais M. Miho Lasic puisque

15 c'était le ministre dans l'ambassade de la République de Croatie, et je

16 connais M. Akmadzic parce qu'à l'époque, où on [imperceptible] d'utiliser

17 le président du gouvernement, je lui ai demandé l'autorisation que les

18 troupes croates entrent en Bosnie-Herzégovine, et il m'a accordé la

19 permission.

20 Q. A quel moment ?

21 R. Ça été avant que Dubrovnik ne soit libéré à nouveau, le président

22 Tudjman m'a informé qu'il allait avoir le retour de la riviera de Dubrovnik

23 puisque Dubrovnik était encerclé et les forces croates étaient parties pour

24 libérer Dubrovnik. Moi, j'ai écrit une lettre à M. Akmadzic, qui, à

25 l'époque, était le président du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, et j'ai

26 demandé l'autorisation que les troupes croates se rendent sur le territoire

27 de l'Herzégovine parce que c'était un territoire très étroit et il était

28 pratiquement impossible de retourner à Dubrovnik, donc, c'était

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1 pratiquement impossible de mener à bien des opérations militaires, et M.

2 Akmadzic, avec l'accord de M. Izetbegovic, nous avons eu la permission que

3 les troupes croates entrent dans le territoire de l'Herzégovine.

4 Q. Quant à M. Lasic, à quel moment était-il ministre au sein de

5 l'ambassade croate ? A quelle période vous dites que c'était votre

6 ministre, si je ne m'abuse ?

7 R. Oui, je l'ai dit.

8 Q. A quelle période ?

9 R. Au moment où je me suis rendu à Sarajevo après les accords de

10 Washington, j'ai ouvert une ambassade bien plus grosse que celle qu'on

11 avait à Medjugorje, bien sûr, parce que là, on avait une véritable

12 ambassade qui avait beaucoup d'importance et qu'il s'agissait pour cette

13 ambassade de travailler à la mise en œuvre des accords de Washington.

14 J'avais besoin de l'aide, j'avais besoin de quelqu'un qui connaissait très

15 bien la situation de Sarajevo, et donc, j'ai demandé à voir M. Miho Lasic.

16 Q. Bien. Revenons à l'examen de cette "note verbale" adressée par M. Boban

17 le secrétaire général des Nations Unies ainsi qu'à d'autres instances; est-

18 ce qu'il s'agit d'une sorte de proclamation de l'annonce, d'un certain

19 nombre de conclusions ? Ici, on indique que les représentants légaux et

20 légitimes du peuple croate de République de Bosnie-Herzégovine,

21 premièrement, est-ce que vous voyez le premier paragraphe ?

22 R. Oui, je le vois.

23 Q. Les représentants légaux et légitimes du peuple croate en Bosnie-

24 Herzégovine : "Nie tout -- déclare que toutes les décisions de la

25 présidence et du gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine rendu

26 sans la participation des représentants élus du peuple croate n'ont aucune

27 validité ou juridique."

28 Deuxièmement : "Déclare -- refuser de reconnaître la légitimité de toutes

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1 les représentations diplomatiques et consulaires de la République de

2 Bosnie-Herzégovine dans le monde.

3 "Refuse de reconnaître ou nie toute légitimité ou légalité aux nouveaux

4 élus issus des rangs du peuple croate dans les instances de gouvernement de

5 la république sans confirmation du président du HDZ.

6 "Ni ou refuse de reconnaître la légalité de la représentation de M. Alija

7 Izetbegovic au titre de président de la présidence de la République de

8 Bosnie-Herzégovine."

9 M. Izetbegovic est considéré par le peuple croate comme étant

10 seulement le représentant des Musulmans en Bosnie-Herzégovine.

11 Je sais que vous n'avez jamais vu ce document précédemment, mais vous étiez

12 ambassadeur à l'époque vous étiez un homme -- politique. Nous avons une

13 note verbale qui est publiée ou envoyée 12 jours après la déclaration

14 conjointe dans laquelle les deux parties essaient de se mettre d'accord sur

15 la mise en place du plan Vance-Owen, essaient de trouver une manière de

16 vivre de manière pacifique surtout après les conflits de Bosnie centrale.

17 Il me semble qu'en envoyant cette lettre au secrétaire général des Nations

18 Unies ainsi qu'à toutes les ambassades des pays où la Bosnie-Herzégovine

19 avait une ambassade, il me semble que c'est une lettre qui est assez peu

20 constructive et qui, en réalité, constitue un obstacle aux efforts

21 entrepris par les parties pour travailler de concert. Je voudrais vous

22 demander si vous pouvez faire des observations au sujet de l'incidence que

23 cette lettre a pu avoir sur l'atmosphère générale qui régnait -- plutôt,

24 sur l'atmosphère qui régnait à l'époque où cette déclaration conjointe a

25 été publiée.

26 M. KARNAVAS : [interprétation] Avant d'entre le témoin, je pense qu'il faut

27 placer ce document dans son contexte. Regardez ce qui est dit au point 1,

28 premièrement : est-ce qu'il y a des représentants croates ?

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1 M. STRINGER : [interprétation] Objection, objection, parce qu'on est en

2 train de dicter sa réponse au témoin.

3 M. KARNAVAS : [interprétation] Non, c'est une question truquée, une

4 question pièce --

5 L'INTERPRÈTE : Hors micro, hors micro.

6 M. KARNAVAS : [interprétation] Une question piège [hors micro]

7 A supposer que la présidence fonctionnait correctement parce qu'il faut

8 savoir ce qui s'est passé exactement. S'il ne s'agit pas du même

9 gouvernement, c'est ce qui remet en compte la légitimité du gouvernement,

10 donc, la question du Procureur n'a pas lieu d'être, elle est inacceptable.

11 Voilà ce quoi il retourne.

12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais est-ce que le témoin ne le sait

13 pas ce genre de chose est compris dans sa réponse ? Parce que je pense que

14 vous pensez, vous, aux raisons qui sous-tendent ceci qui justifient une

15 telle attitude, mais est-ce que le témoin n'aurait pas pu parfaitement même

16 de faire un commentaire ?

17 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci de fermer votre micro. Pour autant que

18 les bases aient été posées, on suppose que ce monsieur sait ce qui se

19 passait à l'époque à Sarajevo. N'oublions pas que nous sommes, à ce moment-

20 là, au mois de mai, et c'était un ambassadeur itinérant à l'époque. Donc,

21 il y a certains facteurs qui nécessitent certaines choses; j'essaie ici

22 d'être tout à fait équitable, je ne fais pas d'obstruction.

23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maintenant, fermez votre micro,

24 Maître Karnavas.

25 Oui, c'est bien comme ça que j'avais compris votre intervention, et je suis

26 sûr que M. Stringer va faire la lumière.

27 M. STRINGER : [interprétation] Vous savez, il y a certains témoins qui -

28 comment dire - ne répondent pas à des questions pièges, et je pense que ce

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1 monsieur, qui était ambassadeur de Croatie en Bosnie-Herzégovine, fait

2 partie de cette catégorie. Il a lu cette lettre. Il connaît la situation

3 telle qu'elle prévalait à Sarajevo à l'époque.

4 Je lui ai demandé - et j'adressais à lui en sa qualité de diplomate - je

5 lui ai demandé si ce genre de terminologie a éventuellement eu une

6 influence sur les tentatives déployées par les parties pour qu'elles se

7 réconcilient, et je pense qu'il va tenir compte du contexte dans lequel

8 cette lettre a été écrite.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] A nouveau, je dois souligner que, moi, j'ai

10 surtout eu affaire avec le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Je n'avais

11 rien à faire des affaires intérieures de la Bosnie-Herzégovine, je ne me

12 mêlais pas à cela. Cela étant dit, c'est que M. Boban écrit ici, ce sont

13 ses idées à lui. Et je ne veux pas en discuter, en débattre, je ne le

14 défends pas, je ne le contredis pas non plus, je ne les attaque pas non

15 plus. M. Boban, dans cette affaire, a écrit ce qu'il a écrit. Moi, je ne

16 souhaite pas m'exprimer au sujet de quelque chose où je n'ai rien -- enfin,

17 j'avais rien à faire là-dedans, je n'ai pas participé à cela.

18 J'ai dit d'ailleurs que je n'ai rendu visite à M. Boban qu'une seule fois.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause de 20 minutes.

20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

21 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, je crois que vous voulez faire

23 une clarification pour les écritures et Me Kovacic également. Oui, Monsieur

24 Stringer. Oui.

25 M. KOVACIC : [interprétation] Oui, je demande qu'on m'accorde deux minutes.

26 La Défense de l'accusé Praljak, hier, en fin d'après-midi, a déposé des

27 écritures intitulées : "La notice de Slobodan Praljak portant sur son

28 intention de demander le versement de la déclaration 1D AA en vertu de

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1 l'article 92 ter." Cela a été distribué il y a une heure et nous nous

2 sommes rendus compte qu'une erreur s'est glissée dans ce document. Les

3 pages à partir de 42 304 ont été rajoutées à ces écritures, donc, les pages

4 42 304 jusqu'à 42 292. Ces pages-là ne sont pas nécessaires nous n'avions

5 pas besoin de les inclure dans ces écritures. Nous allons donc rédiger un

6 corrigendum cet après-midi, mais je voulais attirer votre attention sur ce

7 fait.

8 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Monsieur l'Ambassadeur, ma dernière série de questions concernait la

10 période du mois d'avril 1993 et la sortie le 24 avril de cette déclaration

11 conjointe. Autre sujet, maintenant, autre période. C'est celle de l'accord

12 de Medjugorje, la date précise étant le 18 mai 1993. Là aussi, établissons

13 le contexte. Avant cet accord de Medjugorje, je pense que juste avant la

14 pause, vous aviez dit savoir qu'il y avait un conflit violent qui avait

15 éclaté le 9 mai à Mostar et qui opposait la HVO à l'armée de Bosnie-

16 Herzégovine ?

17 R. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il y avait eu un conflit

18 entre certaines unités de l'ABiH, de l'armée de Bosnie-Herzégovine, et

19 certaines unités du HVO. Il ne s'agissait pas d'un conflit total entre ces

20 deux forces.

21 Q. Ligne 13, page 76, j'ai dit HVO, et pas HV.

22 Où est-ce que vous étiez lorsque ce conflit a éclaté le 9 mai à Mostar ?

23 R. A cette époque-là, j'étais ambassadeur itinérant avec une base à Neum.

24 Q. Etait-il donc probable que vous ayez été à Neum -- est-ce que vous vous

25 souvenez où vous étiez ? Sinon, ce n'est pas grave.

26 R. Je dirais que je devais être soit à Neum, où se trouvait l'université

27 de Mostar, dans l'hôtel où se trouvait l'université de Mostar, soit j'étais

28 en train de voyager à travers la Bosnie-Herzégovine, autrement dit, je ne

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1 me suis jamais rendu sur le territoire de l'agresseur serbe, ou grand

2 serbe.

3 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez obtenu des détails sur les

4 événements survenus à l'époque à Mostar, par exemple, l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine avait un QG à Mostar Ouest qui a été capturé par le HVO ? Je

6 voudrais savoir à peu près quel est le degré de connaissance que vous avez

7 concernant les incidents mêmes.

8 R. Je me souviens d'avoir lu quelques articles sur ces événements et je me

9 souviens également d'un voyage à peu près à cette époque-là, lors duquel

10 j'ai rencontré M. Prlic. Et si je me souviens bien, M. Prlic m'a montré les

11 ponts qui étaient en train d'être réparés à Mostar, et n'oubliez pas, les

12 grands Serbes avaient détruit les ponts à Mostar.

13 Il y avait là une unité de volontaires américains qui réparaient les ponts,

14 à cette époque-là, donc, à Mostar, j'ai discuté avec lui. Je ne me souviens

15 pas de lui avoir parlé du conflit même, je crois que nous avons parlé que

16 des choses positives, de ce qu'on pouvait faire que Mostar commence à

17 fonctionner, pour que les ponts soient réparés, pour que la vie s'améliore.

18 Q. Est-ce que vous êtes à Mostar au cours de ces journées-là

19 --

20 R. Oui.

21 Q. -- le 9, 10, 11 mai ?

22 R. J'empruntais, en général, trois axes. Premièrement, à travers la

23 Herzégovine occidentale en direction de la ville de Livno. Donc, c'était un

24 axe puis --

25 Q. Je suis désolé de vous interrompre. Je vous pose une question qui

26 concerne exactement les journées du 9, du 10 et du 11 mai; est-ce que vous

27 vous êtes rendu dans la ville même de Mostar au cours de ces trois

28 journées-là ?

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1 R. Pendant ces trois jours-là, je ne crois pas avoir été, mais j'essaie

2 décrire ce dont je me souviens, et je me souviens du fait qu'à peu près à

3 cette époque-là, j'ai dû me rendre en direction de Livno, ensuite, en

4 direction de la Bosnie centrale, et troisième, en direction de Mostar.

5 Q. Merci. Vous avez eu une conversation avec M. Prlic vous venez d'en

6 parler à propos des ponts; est-ce que ça s'est passé dans la première

7 quinzaine de mai ou après à un autre moment ?

8 R. Je ne peux pas être précis, je ne m'en souviens pas, mais je crois que

9 cela s'est passé immédiatement au début de mon mandat d'ambassadeur

10 itinérant.

11 Q. Je pense que c'était par conséquent en 1992 c'est possible, au début

12 1993 ?

13 R. Première moitié de 1993.

14 Q. Je reviens à Mostar le 9, 10 mai; est-ce qu'à un moment donné, vous

15 avez compris que, dans le cadre des événements qui se sont déroulés à

16 Mostar, il y avait beaucoup de Musulmans de la zone de Mostar qu'on avait

17 emmenés dans un endroit qu'on a appelé l'Heliodrom des installations qui se

18 trouvaient dans le sud de la ville ?

19 R. Je crois que nous avons tous appris cela grâce à New York Times. Après

20 avoir appris cela par New York Times, je me référai à mon supérieur, M.

21 Granic, qui ensuite a transmis cette information à Tudjman, et voilà.

22 Q. Pendant l'interrogatoire principal, Me Karnavas a parcouru avec vous

23 l'accord de Medjugorje et je n'ai pas de question à propos de l'accord,

24 proprement dit, mais comme je l'ai fait avec la déclaration conjointe

25 d'avril, je voudrais vous demander en l'espace de quelques questions, si

26 vous pouvez nous parler davantage des positions qui se trouvent un peu dans

27 les coulisses qui étaient affichés pendant ces négociations.

28 A cet égard, veuillez examiner un autre document, la pièce

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1 P 02441, qui se trouve dans le classeur des pièces à charge. Je répète la

2 cote P 02441. On peut l'afficher à l'écran, si vous voulez.

3 R. Oui, allez-y.

4 Q. Vous n'avez jamais vu ce document, c'est un rapport des Nations Unies

5 relatif à la réunion du 18 mai qui a débouché sur l'accord de Medjugorje.

6 Vous n'êtes pas mentionné en tant que participant à cette réunion-ci, même

7 si je me souviens de vos dires d'hier que vous avez participé à certaines

8 des négociations qui concernaient l'accord de Medjugorje.

9 R. Oui, j'ai été à Medjugorje. A Split avant. Medjugorje, parce que tout

10 cela s'est passé dans le cadre de l'initiative pour la paix lancée par le

11 président Tudjman. Le 18 mai, on se trouvait à Split au début de la

12 journée, et plusieurs acteurs -- plusieurs représentants de la communauté

13 internationale s'y trouvaient, le ministre des Affaires étrangères russe,

14 je ne sais plus quel est son nom, y était. Il avait M. Petersen en tant que

15 président de le --

16 Q. Inutile de connaître tous les participants de la réunion de Split à ce

17 stade. Si vous n'étiez pas présent vous-même, je voulais simplement

18 m'assurer que --

19 R. Oui, j'y ai été.

20 Q. Mais vous n'étiez pas à la réunion de Medjugorje dont il est fait état

21 dans ce document-ci.

22 R. Mais si j'ai été présent à l'un et à l'autre.

23 Q. Fort bien. Je me suis trompé. Parlons de cette pièce 2441, deuxième

24 page. Il y est fait référence à M. Petersen, un intervenant, il dit ceci,

25 notamment au nom de la communauté internationale, il rappelle le soutien

26 très solide apporté par le conseil des ministres au plan Vance-Owen et il

27 fait allusion à l'inquiétude et l'aurore qui a vu le jour en Europe face

28 aux événements récents qui non seulement menacent les espoirs de Bosnie

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1 mais aussi les relations de la Croatie avec l'Europe.

2 N'est-il pas exact de dire qu'à cette époque-ci, le monde estimait que la

3 Croatie devait endosser une certaine responsabilité pour les événements

4 survenus le 9 et 10 mai à Mostar en raison de l'association qu'elle avait

5 avec le HVO ?

6 R. La Croatie, donc, avant de ces relations avec la Bosnie-Herzégovine --

7 ou je vais essayer de vous dire un peu mieux que ça. Les positions au sein

8 de la communauté internationale étaient divergentes. Il n'y avait pas de

9 consensus au sujet de ce que dit

10 M. Petersen, et c'est justement pour cette raison-là que M. Tudjman

11 essayait de faire venir M. Petersen et tous les autres facteurs à Split et

12 quelques autres également à Medjugorje. Il s'agissait là de sauver le plan

13 de Vance-Owen, leur proposition.

14 Q. Quelle qu'en soit la raison, il y avait beaucoup de pression qui

15 s'exerçait sur la Croatie pour que cela se passe après les événements à

16 Mostar le 9 et 10 mai, n'est-ce pas ?

17 R. Il y en a eu dans la communauté internationale qui ont compris plus ou

18 moins bien ce qui se passait, en réalité, et notamment ceux qui ne

19 souhaitaient pas la création d'un Etat islamique en Bosnie-Herzégovine mais

20 il y en a eu également de ceux qui --

21 Q. Excusez-moi, désolé de vous interrompre mais je vais vous demander tout

22 simplement ceci : vous souvenez-vous si beaucoup de pression était exercée

23 sur la Croatie pour que le plan Vance-Owen soit appliqué et fonctionne ?

24 Vous souvenez-vous de l'existence de pression exercée sur la Croatie dans

25 ce sens ?

26 R. Oui, il y a eu des pressions sur la Croatie mais non pas concernant le

27 plan de Vance-Owen; il n'y avait pas besoin du moment où la Croatie

28 soutenait d'une manière continue ce plan.

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1 Q. D'accord, page suivante. Autre passage qui m'intéresse. Que se passe-t-

2 il ici ? Vous voyez ce paragraphe qui commence par les mots : "Président

3 Izetbegovic," et il dit : "Le président Izetbegovic était d'accord pour

4 dire qu'il y avait un lien très étroit entre la situation politique et la

5 situation militaire, et il voulait aussi -- il y avait un accord pour dire

6 qu'il fallait appliquer le plan de paix Vance-Owen."

7 "Il a proposé que les parties commencent là où ils ont formulé cet accord

8 et qu'on accorde une intérence [comme interprété] prioritaire à la

9 formation des provinces et à l'établissement des autorités pour cette

10 province. Le problème à Mostar étant dû au fait qu'on ne permettait pas --

11 ou que les autorités locales ne permettent pas la participation des

12 Musulmans."

13 Ensuite, il est dit ceci : "Et il serait nécessaire que

14 M. Boban accepte et dise clairement, publiquement que la République

15 d'Herceg-Bosna n'existe plus et qu'on ne peut plus considérer que les

16 provinces formées sont l'apanage exclusif d'un peuple en particulier."

17 J'essaie de voir ce que pensaient les parties concernées et ce que vous

18 vous pensiez vu votre participation personnelle. Nous avons déjà examiné le

19 transcript du 24 avril où M. Izetbegovic disait que s'il y a le plan Vance-

20 Owen, il ne peut plus y avoir d'Herceg-Bosna, et que ces provinces du plan

21 Vance-Owen ne peuvent pas être le droit exclusif ou le territoire exclusif

22 d'une seule partie.

23 Est-ce qu'il exprimait ici les mêmes vues que dans le cadre des

24 négociations en vue de Medjugorje ? Car, moi, j'ai l'impression qu'il

25 disait en mai, la même chose que ce qu'il disait en avril d'après ce

26 rapport.

27 R. Je vais essayer de vous expliquer la situation de la manière suivante.

28 En mai, à Medjugorje, il existait un consensus entre la Croatie et la

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1 République de Bosnie-Herzégovine de suivre, d'accepter le plan Vance-Owen.

2 Bien sûr, il y a toujours eu quelques petits désaccords sur la nouvelle

3 loi, donc, sur l'application du plan Vance-Owen, parce qu'évidemment,

4 chacun essayait toujours de tourner les choses en sa faveur. Et je pense

5 qu'en ce qui concerne cet aspect des choses, la position de M. Tudjman

6 était celle qui était la plus claire. Et M. Izetbegovic a accepté à ce

7 moment-là qu'il fallait mettre en œuvre le plan Vance-Owen et cela s'est

8 fait en accord avec le président Tudjman.

9 Q. Nous acceptons tous l'idée que tout le monde signait l'accord et tout

10 le monde disait qu'il fallait appliquer le plan Vance-Owen. Là, nous sommes

11 sur la même longueur d'ondes, Monsieur l'Ambassadeur.

12 Mais j'essaie d'aller un peu plus loin derrière le miroir. Lorsque

13 Izetbegovic dit qu'en vertu du plan Vance-Owen, l'Herceg-Bosna ne saurait

14 exister. Est-ce qu'il y avait un accord sur ce

15 point ?

16 R. Le plan de Vance-Owen prévoyait la création des provinces, ce qui

17 signifie qu'automatiquement, lors de la mise en œuvre de plan, on devait

18 mettre en œuvre cette idée d'organisation territoriale et l'Herceg-Bosna,

19 telle qu'elle était de fait, à l'époque, elle n'avait qu'à s'adapter à la

20 nouvelle situation, c'est tout.

21 Q. Mais en vertu du plan Vance-Owen, Monsieur l'Ambassadeur, est-ce qu'il

22 n'y aurait pas des cantons tous numérotés, et que les cartes du plan Vance-

23 Owen, signées par MM. Izetbegovic et Boban, ne faisaient aucune référence à

24 l'Herceg-Bosna. Est-ce que nous sommes d'accord là-dessus ? Il y avait des

25 numéros, il y avait des cantons

26 --

27 R. Oui, il y avait des cantons et ils étaient numérotés.

28 Q. D'accord. Par conséquent, M. Izetbegovic estimait que la faction,

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1 disons, de M. Boban devait répudier l'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

2 R. Mais je crois que c'est clair -- c'est clairement dit dans le plan de

3 Vance-Owen, le plan soutenu par la Croatie.

4 Q. Bien. Savez-vous si M. Boban et la faction de M. Boban n'ont jamais

5 répudié l'Herceg-Bosna -- rejeté l'Herceg-Bosna.

6 R. Il s'agissait de tout autre chose. Le plan de Vance-Owen n'a pas

7 réussi. Il a échoué parce que -- je veux dire quelque chose.

8 Q. Désolé, je vais vous demander de bien vouloir d'abord répondre à ma

9 question avant de faire votre commentaire. Savez-vous

10 - c'est ma question - si M. Boban et la faction de M. Boban ont jamais

11 répudié l'Herceg-Bosna ? Est-ce que vous le savez ?

12 R. Ecoutez, il est inévitable d'accepter -- cela était inévitable par

13 l'acceptation même du plan Vance-Owen. Et je vous ai dit tout à l'heure, il

14 fallait que l'Herceg-Bosna s'adapte au plan de Vance-Owen et son

15 acceptation. Il a échoué, mais il a échoué non pas à cause des Croates ou

16 des Musulmans, mais à cause des Serbes qui ne voulaient pas accepter ce

17 plan.

18 Q. Bien, mais sur le point suivant, si on oublie un instant le nom

19 d'Herceg-Bosna, est-ce que la faction de M. Boban ne déformait pas une

20 interprétation du plan Vance-Owen basé sur des territoires qui relèveraient

21 d'un seul et unique peuple, alors que l'on voit que Izetbegovic est en

22 train de protester, parce qu'il estime qu'on ne peut pas considérer les

23 provinces comme des territoires nationaux qui seraient l'apanage d'une

24 seule nation -- d'un seul peuple ? Est-ce que du côté de Boban on ne

25 considérait pas les territoires croates ou les provinces croates comme des

26 territoires qui devaient revenir uniquement aux Croates ?

27 R. Non. Je dirais que non, catégoriquement non, parce que les provinces

28 prévues par le plan Vance-Owen étaient les provinces où un groupe ethnique

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1 était dominant, majoritaire. Donc, on n'a pas cherché à créer les provinces

2 exclusives, et je répète que la Communauté croate de l'Herceg-Bosna n'avait

3 pas de frontières. Ces frontières avaient été établies par le plan Vance-

4 Owen et ceci correspondait à des provinces.

5 Q. Une dernière question au sujet de ce document. Dans la phrase suivante,

6 il est question d'un accord de Medjugorje et Izetbegovic déclare que : "La

7 réunion ne peut se terminer avant qu'on ait trouvé une solution à la

8 question des civils qui sont toujours détenus à Mostar." C'est la dernière

9 phrase de ce paragraphe. Vous souvenez-vous si neuf jours après le 9 mai,

10 le 18, s'il y avait toujours des civils détenus à l'Heliodrom, par exemple,

11 au sud de Mostar ? Est-ce que vous vous êtes rendu à l'Heliodrom ?

12 R. Non, je ne suis pas allé à l'Heliodrom. Je suis allé à Dretelj

13 accompagné du ministre Mate Granic.

14 Q. C'était en septembre 1993, c'était plus tard.

15 R. Je ne me souviens pas de la date quel qu'elle soit la date, c'est

16 certain que j'y suis allé avec M. Granic et les représentants de la Croix-

17 Rouge internationale.

18 Q. Bien. J'aurai un peu plus tard des questions à vous poser sur cette

19 question. Pièce suivante, Monsieur l'Ambassadeur, P 10 --

20 M. STRINGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Ambassadeur, une question de nature

22 technique, ce compte rendu de cette rencontre du 18 mai 1993 entre le

23 président Tudjman, le président Izetbegovic et M. Mate Boban. J'ai regardé

24 attentivement la liste des participants et je n'ai pas vu votre nom. Grande

25 est ma surprise de constater que l'ambassadeur de la République de Croatie

26 n'est pas présent alors que le président de la République est là et qu'il

27 n'y a pas d'ailleurs le ministre des Affaires étrangères.

28 Il y a une raison, vous savez, pourquoi vous n'avez pas été sur la liste ou

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1 bien étiez-vous présent mais pas sur la liste ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas assisté à cette réunion. Pourquoi

3 ? Je ne me souviens pas. Sans doute il y avait une réunion pour cela, une

4 raison importante.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

6 M. STRINGER : [interprétation]

7 Enfin pièce suivante, P 10398. C'est une pièce que vous trouverez dans le

8 classeur de l'Accusation.

9 Pendant qu'on cherche cette pièce, je vous rappelle que cette semaine au

10 cours de l'interrogatoire principal, vous avez évoqué un certain nombre de

11 discours prononcés par le président Tudjman et vous avez également parlé de

12 la politique poursuivie par la République de Croatie qui transparaît dans

13 ce discours.

14 Vous avez ici un rapport au sujet du discours prononcé à Siroki

15 Brijeg par le président Tudjman le 20 mai 1993, c'est-à-dire deux jours

16 après l'accord de Medjugorje, et si j'ai bien compris, vous avez accompagné

17 ce jour-là le président Tudjman à Siroki Brijeg ?

18 R. C'est exact. J'ai été avec le président Tudjman.

19 Q. M. Boban était là aussi, si je ne m'abuse ?

20 R. C'est exact.

21 Q. D'après ce que j'ai pu lire, il y a M. Tudjman qui a parlé à M. Boban,

22 pas tout à fait dans cet ordre mais, en tout cas, ils sont intervenus. Il y

23 a aussi M. Susak qui a pris la parole et je crois que vous-même vous avez

24 pris la parole. Vous êtes intervenu, vous avez pris la parole devant cette

25 foule rassemblée ?

26 R. Souvent après le président de la République personne ne prend la

27 parole; cependant, j'ai demandé à pouvoir m'exprimer et j'ai fait un

28 discours pacifiste. Je n'ai pas de texte sous mes yeux mais j'ai essayé de

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1 souligner le fait que la guerre devait s'arrêter, c'était dans l'intérêt de

2 tout le monde, et surtout de la République de Croatie puisque le sud de la

3 Croatie pratiquement tout entier dépendait de la fin de la guerre, et

4 tourisme un peu.

5 Q. Je peux vous assurer --

6 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez une petite intervention. Si nous -

7 - utilisons ce document, je vous signale que la Défense avait fourni une

8 traduction plus complète. On me dit qu'il y a quelque chose qui manque dans

9 la première page, pièce 1D 02932 de la Défense; ça c'était la traduction de

10 la Défense. Je ne sais pas si M. Stringer est au courant, mais nous du côté

11 de la Défense nous avons fourni une traduction plus complète. C'est

12 seulement bien entendu si M. Stringer aborde la totalité du document.

13 M. STRINGER : [interprétation] Oui, j'ai parlé de ce document. J'ai abordé

14 ce document mais j'ai sous les yeux une traduction. Alors je vous propose

15 la chose suivante : Monsieur le Président, c'est que l'on présente ces deux

16 traductions en même temps. Moi, j'ai sous les yeux la traduction du CLSS.

17 Je ne sais pas ce que M. Karnavas entend par traduction plus complète. Je

18 n'ai pas ce document sous les yeux.

19 M. KARNAVAS : [interprétation] Je peux vous présenter la première page, on

20 peut la placer sur le rétroprojecteur, vous pourrez constater qu'il y a un

21 paragraphe manquant.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

23 M. KARNAVAS : [interprétation] On peut également comparer cela avec la

24 version originale.

25 M. STRINGER : [interprétation] Nous avons une copie de l'article en croate

26 qui a été agrandi pour permettre au témoin de le lire plus facilement.

27 M. KARNAVAS : [interprétation] Je peux vous fournir ce qui manque enfin la

28 partie qui manque dans l'original. Moi, ça ne me gêne pas du tout qu'on se

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1 serve de ce document. Mais peut-être que pour gagner du temps on pourrait

2 demander au témoin de consulter l'original.

3 M. STRINGER : [interprétation] Oui, justement, il a l'original. C'est ce

4 que j'essaie de lui présenter. Peut-être que ce soir on pourra procéder à

5 une comparaison des deux traductions, ou -- mais je vous -- oui, joindre au

6 document.

7 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, tout à fait.

8 M. STRINGER : [interprétation]

9 Q. Vous souhaitiez, Monsieur le Témoin, parler d'un Etat unitaire, c'est

10 la raison pour laquelle je souhaiterais maintenant vous poser un certain

11 nombre de questions à ce sujet. Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais vous

12 demander de vous reporter à une partie du discours du président Tudjman où

13 il dit la chose suivante, au tout début du paragraphe, je cite : "Dans son

14 discours le président Tudjman a également abordé," et cetera.

15 Si vous arrivez à trouver ceci dans l'original, vous auriez identifié

16 le paragraphe que je vais lire. Là ensuite, on a les propos de M. Tudjman

17 qui sont cités : "En Bosnie-Herzégovine, la politique qui est pratiquée ne

18 va pas tout à fait dans le sens des intérêts de la Croatie -- des intérêts

19 croates. Un certain nombre des Musulmans pensent que la Bosnie-Herzégovine

20 peut devenir un Etat unitaire où ils promettent le respect des droits

21 civiques et des droits humains. Mais le peuple croate a suffisamment

22 l'expérience de ce qui s'est passé dans l'ex-Yougoslavie dans laquelle on

23 avait promis au peuple croate le respect de ces droits civiques et de ces

24 libertés. Or, ceci a servi d'écran permettant l'oppression du peuple

25 croate."

26 Il poursuit en disant, je cite : "C'est la raison pour laquelle la Croatie

27 est intéressée par la mise en place d'un tel Etat en Bosnie-Herzégovine, un

28 Etat qui serait organisé de telle manière que le peuple croate y soit

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1 souverain et de façon que dans les zones où il est en majorité il n'y ait

2 pas d'autres gouvernements que le gouvernement croate -- direction que la

3 direction croate."

4 Et ensuite, il parle des Croates qui vivent à cet endroit : "A Siroki

5 Brijeg, et qui ont droit à la double nationalité parce qu'ils forment

6 partie intégrante de l'Etat de la nation croate, du peuple croate et parce

7 que l'existence de l'Etat croate dépend de votre existence ici."

8 Donc, il me semble, Monsieur l'Ambassadeur, que dans ce passage, on voit

9 apparaître clairement la divergence de vue -- du point de vue du côté de la

10 Bosnie-Herzégovine, mais on plaide pour un Etat unitaire alors que du côté

11 croate, la stratégie -- la politique poursuivie c'est celle d'un système --

12 d'une structure où les Croates en Bosnie seraient souverains et où ils

13 refuseraient d'être gouvernés par qui que ce soit là où ils sont en

14 majorité.

15 Ma question est donc la suivante : n'est-il pas exact que le président

16 Tudjman a véritablement exprimé telle était la stratégie, la politique

17 croate le 20 mai 1993 lorsqu'il a dit que la -- chaque fois que le peuple

18 croate représentait la majorité de la population dans les zones concernées,

19 à ce moment-là c'était les Croates qui devaient diriger, qui devaient avoir

20 l'autorité ?

21 R. Que vous vous que je vous réponde ? Qu'est-ce que vous souhaitez que je

22 fasse ?

23 Q. [aucune interprétation]

24 R. La politique de l'Etat croate, je vous l'ai décrite à plusieurs

25 reprises déjà. Elle était conforme à la constitution de la République de

26 Croatie, elle était conforme à cet accord sur l'amitié et l'aide mutuelle

27 entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. La Croatie appuyait, dans le

28 cadre de sa politique, la communauté internationale qui cherchait la

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1 fédéralisation de la Bosnie-Herzégovine.

2 Donc, là, vous venez de dire qu'il y avait des Croates qui

3 recherchaient un Etat unitaire. C'est vrai qu'il y en a eu et c'étaient les

4 gens qui se trouvaient plutôt à Sarajevo ou en Bosnie. La plupart d'entre

5 eux appuyaient les positions de la communauté internationale, Ahtisaari,

6 par exemple, Vance-Owen, Owen-Stoltenberg, le plan de Cutileiro, du groupe

7 -- le plan de Groupe de contact. Tous ces plans prenaient la solution

8 fédérale de la Bosnie-Herzégovine et se reflétaient dans ce que le

9 président Tudjman a dit ici. Il n'a dit rien de différent par rapport à ce

10 qui correspondait à des positions permanentes -- constantes de l'Etat de

11 Croatie à l'égard de la Bosnie-Herzégovine.

12 Q. Bien. Donc, pour que les choses soient parfaitement limpides, la

13 politique de l'Etat croate c'était que, dans les zones de l'Herzégovine --

14 de la Bosnie-Herzégovine où les Croates représentaient la majorité de la

15 population, il ne -- c'était uniquement les Croates qui devaient détenir

16 l'autorité, n'est-ce

17 pas ?

18 R. -- vous avez différents types de fédérations. Vous avez des fédérations

19 symétriques et puis des fédérations qui ne sont pas symétriques. La

20 Yougoslavie était une fédération asymétrique. On -- il y avait un peuple

21 qui décidait de tout à l'intérieur de cette Yougoslavie; la même chose

22 aurait pu se passer en Bosnie-Herzégovine. C'est pour cela que la politique

23 de l'Etat croate était en faveur de la fédération, et la Croatie appuyait

24 toutes les propositions qui allaient dans cette direction.

25 Cette fédération devait se faire de façon symétrique, comme la

26 Suisse, que chaque peuple constitutif a les mêmes droits. On ne voulait pas

27 la fédération dans le cadre de laquelle une communauté, une nation dominait

28 les autres parce que là vous avez un type de fédération asymétrique.

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1 M. Tudjman était en faveur d'une fédération symétrique en Bosnie-

2 Herzégovine où les trois peuples constitutifs de Bosnie-Herzégovine avaient

3 les mêmes droits -- jouissaient des mêmes droits dans le cadre de la -- la

4 fédération.

5 Q. Et dans la partie croate de la fédération, c'est le peuple croate --

6 c'est les Croates et personne d'autre qui devaient détenir l'autorité;

7 c'est ça la politique en question ?

8 R. C'est complètement faux, vous n'avez absolument pas compris ce que je

9 disais. Quand on parle d'une fédération, les minorités sont présentes,

10 elles sont là, et il faut qu'elles soient protégées, et il n'était jamais

11 question d'avoir un peuple seul exclusif. Evidemment que là, où vous avez

12 90 % de Croates, ils vont avoir beaucoup de pouvoir. Mais en fonction du

13 pourcentage dans différentes municipalités, tout le peuple -- tous les

14 citoyens jouissent des mêmes droits, les Croates, les Serbes, les

15 Musulmans, les Bosniens, si vous voulez.

16 M. KHAN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Stringer. Bien entendu,

17 c'est à M. Stringer de décider de la manière dont il mène son contre-

18 interrogatoire, mais ce témoin nous a très longuement parlé de la politique

19 du gouvernement croate. Si M. Stringer affirme que le discours prononcé le

20 29 [comme interprété] mai ne cadre pas avec cette politique, enfin -- ou

21 plutôt, avec les dires du témoin, il faut le dire clairement au témoin.

22 Mais M. Stringer passe beaucoup de temps à définir cette politique. Et moi,

23 ce que je dis à

24 M. Stringer c'est ce qu'il -- s'il affirme que le discours du président

25 Tudjman ne cadre pas avec ce que dit le témoin, bien, il faut le dire

26 clairement au témoin.

27 M. STRINGER : [interprétation] Nous -- selon nous, le discours de M.

28 Tudjman cadre tout à fait avec la politique de la Croatie s'agissant de la

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1 souveraineté du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, et l'idée que là où

2 les Croates occupent -- représentent la majorité de la population, ce sont

3 eux qui doivent détenir l'autorité exclusivement. Voilà ce que je suis en

4 train de demander au témoin, je suis en train de lui demander son opinion à

5 ce sujet.

6 M. KHAN : [interprétation] Alors, le problème ici - et là, je ne veux pas

7 vous faire perdre du temps, bien sûr - mais c'est que

8 M. Stringer essaie de nous faire -- de nous présenter ce discours, ce

9 discours de deux, trois pages, comme étant la quintessence même de la

10 politique de la République de Croatie. Nous avons passé en revue un grand

11 nombre de comptes rendus -- de documents et le témoin nous a expliqué très

12 clairement pourquoi il estimait que la politique de son gouvernement,

13 c'était ce qu'il a décrit. Si M. Stringer dit qu'ici, nous avons quelque

14 chose qui est contradictoire, à ce moment-là, il faut le dire clairement au

15 témoin.

16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être pourrait-on essayer ici

17 d'arrondir les angles et de -- d'aborder la choses plus calmement. Le

18 président Tudjman, ici, fait l'objet de cet article et il dit, selon cet

19 article, et selon les propos qui lui sont attribués que : "Les régions

20 croates doivent être soumises uniquement à l'autorité croate," c'est-à-dire

21 que les ressortissants croates, dans cette zone, constitueraient un

22 gouvernement, et cetera. Ça ne signifie pas pour autant que les non-Croates

23 vivant dans ces provinces n'auraient aucun droit. Donc, on ne peut pas dire

24 que ça revient à conclure qu'on aurait un régime dictatorial dans lequel

25 les droits fondamentaux des non-Croates seraient foulés au pied.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous pouvez

27 répondre ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne les accords de Medjurgorje,

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1 ce qui en découlait immédiatement après, à savoir la nomination de M. Prlic

2 au poste du président du gouvernement et aussi qu'une évaluation du nombre

3 de Croates et de Musulmans dans chaque canton parce qu'il fallait, dans

4 trois cantons, qu'on décide de la présence en terme de quantité ou

5 pourcentage des Croates, des Musulmans et des Serbes. Je pense que ceci

6 était transparent, qu'à la fin, les fonctions sont distribuées --

7 partagées, de façon proportionnelle, dans le cadre des différentes

8 provinces.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, c'est l'heure de terminer parce

10 qu'il y a un autre procès qui commence à 14 heures 15 dans lequel je suis.

11 Donc, demain, vous continuerez le sujet, si vous voulez, parce qu'il

12 vous reste du temps. Peut-être M. le Greffier peut me donner le temps qui

13 vous reste. Ça va autour d'une heure, sauf erreur de ma part, mais je vais

14 vous dire ça tout de suite. Vous avez utilisé trois heures et six minutes,

15 donc, il vous reste 54 minutes; à six minutes près, je vous avais indiqué

16 le temps qui vous reste. Voilà, donc, nous nous retrouverons demain à 9

17 heures et je vous remercie.

18 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 29 mai 2008,

19 à 9 heures 00.

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