Page 29789
1 Le mardi 24 juin 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
6 l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour à
8 toutes les personnes présentes dans le prétoire et à l'extérieur. Il s'agit
9 de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce mardi, je salue,
11 Messieurs les accusés, Mesdames et Messieurs les avocats, Mesdames et
12 Messieurs du bureau du Procureur ainsi que toutes les personnes qui nous
13 assistent. Je crois que M. Scott a une question administrative à évoquer.
14 Vous avez la parole.
15 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
16 Messieurs les Juges. Je ne vois pas le Juge Trechsel derrière le pilier,
17 mais je le salue quand même. Je salue toutes les présentes dans le prétoire
18 et à l'extérieur de celui-ci.
19 Messieurs les Juges, je vous demande un peu de patience ce matin. Hier soir
20 j'ai passé beaucoup de temps à me pencher sur les questions concernant ce
21 témoin, j'ai examiné les nombreux documents que l'Accusation souhaitait
22 présenter à ce témoin. Je peux dire aux Juges, suite au travail que j'ai
23 effectué hier soir, que j'ai réduit la durée de mon contre-interrogatoire.
24 Il y a un certain nombre de documents que j'aurais préféré présenter à la
25 Chambre, mais j'ai décidé de ne pas me servir d'un nombre important de
26 documents.
27 Cela dit, compte tenu du nombre de questions soulevées lors de
28 l'interrogatoire de la Défense, je pense que j'aurai besoin encore d'une
Page 29790
1 heure pour terminer mon contre-interrogatoire. J'espère que vous serez
2 d'accord avec moi, mais compte tenu du nombre important de questions à
3 soulever avec ce témoin, compte tenu des fonctions occupées par ce dernier
4 durant la période qui nous intéresse, certaines questions doivent être
5 évoquées de façon détaillée. Lors de l'interrogatoire principal, je ne suis
6 pas beaucoup intervenu, je l'ai laissé répondre.
7 Il y a un exemple quand même qui est important, c'est la question du
8 règlement antérieur de la présidence, nous en avons parlé hier. J'ai
9 demandé au témoin de lire certains articles pour qu'ils soient traduits.
10 J'espère que cela a servi à la Chambre qui dispose maintenant de ces
11 éléments de preuve, mais cela a pris du temps.
12 Huit heures et 11 minutes ont été prévues pour l'examen de ce
13 document par la Défense. Je pense que l'Accusation devrait avoir à peu près
14 le même temps. J'ai noté que pendant la présentation des moyens à charge, à
15 maintes reprises les contre-interrogatoires de la Défense ont duré autant
16 de temps que les interrogatoires principaux, mais parfois même on dirait
17 plus longtemps.
18 Pour les raisons que j'ai mentionnées, je vous demande du temps
19 supplémentaire, et même avec ce temps supplémentaire, je pense que Me
20 Karnavas aura suffisamment de temps pour les questions supplémentaires et
21 nous pourrons terminer avec ce témoin aujourd'hui. Merci.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez.
23 Monsieur Scott, je crois qu'il devait vous rester une heure et 31
24 minutes ou quelque chose comme ça, sauf erreur de ma part. Vous nous avez
25 dit qu'il vous faut qu'une heure, donc vous n'avez pas besoin du temps
26 supplémentaire.
27 M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, j'avais cru être clair. J'avais
28 demandé une heure de plus, de plus que le temps qui m'avait été imparti.
Page 29791
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour,
3 Messieurs les Juges, bonjour à toutes les personnes présentes ici et autour
4 du prétoire.
5 Je comprends bien le souhait de l'Accusation qui voudrait consacrer plus de
6 temps à l'examen de ce témoin, mais j'estime tout du moins que le Procureur
7 n'a pas utilisé son temps à bon escient. Il y avait des questions qui
8 n'étaient pas très importantes qui ont été abordées, des questions déjà
9 établies sur lesquelles il est revenu à maintes reprises, des questions
10 aussi qui n'étaient pas nécessairement pertinentes dans le cadre de
11 l'audition de ce témoin. Si l'Accusation avait été plus efficace, je serais
12 sans doute un peu plus généreux. C'est une première chose.
13 Deuxième chose, ce qui ne concerne pas le fait de terminer ce témoin
14 aujourd'hui. J'ai un autre témoin qui attend, qui est très occupé et qui ne
15 peut comparaître que cette semaine. Je ne peux pas le faire revenir la
16 semaine prochaine ni plus tard. Ça fait déjà plusieurs jours, puisqu'il est
17 arrivé vendredi, qu'il est ici. Et je suis prêt à réduire le temps que je
18 vais consacrer à cet autre témoin pour veiller à ce qu'il termine son
19 audition cette semaine afin que nous retrouvions le rythme que nous avions
20 respecté.
21 Maintenant, l'Accusation demande du temps supplémentaire, si l'Accusation
22 disait exactement quels sont les domaines qu'elle voudrait aborder de façon
23 précise, ce serait utile pour vous et pour moi aussi, pour savoir si ce
24 temps supplémentaire est mérité. Mais jusqu'à présent, tout ce que
25 l'Accusation a dit c'est qu'elle a élagué, mais pourtant elle a quand même
26 besoin d'une heure de plus.
27 Et quelquefois, je vous le rappelle, j'avais un témoin et il y a
28 encore un témoin qui me tracasse tous les jours, vraiment je ne m'en
Page 29792
1 débarrasse pas de cette idée, cette frustration que nous avions eue à un
2 ambassadeur qui était avec M. Vance et M. Owen, qui recueillait les notes
3 et je n'avais que trois heures avec lui. Or, j'aurais voulu une journée de
4 plus, mais je n'ai pas reçu de temps supplémentaire lorsque je
5 l'interrogeais. Et ce témoin n'était ici que pour quatre jours. Ici, ça
6 fait cinq jours que le témoin comparaît, qu'il est présent. Nous allons
7 avoir une séance de travail supplémentaire, ça devrait suffire.
8 A un moment donné, nous devons faire la meilleure utilisation
9 possible du temps qui nous est donné. C'est ce que nous faisons du côté de
10 la Défense. Je comprends bien ce que dit l'Accusation, mais elle n'a
11 toujours pas présenté de cas méritant une rallonge.
12 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le
13 permettez, tout d'abord je voudrais saluer tout le monde ici dans ce
14 prétoire. La Défense de M. Petkovic considère qu'il est extrêmement
15 important que chaque partie au procès --
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Il n'y a pas d'interprétation.
17 L'INTERPRÈTE : Apparemment, on a la traduction sur le canal B/C/S.
18 Mme ALABURIC : [interprétation] Est-ce que vous recevez la traduction,
19 Monsieur le Président ? Bien.
20 J'ai salué tout le monde et je dis ce qui suit : la Défense du général
21 Petkovic comprend les besoins de toutes les parties en l'espèce de disposer
22 de suffisamment de temps pour entendre ce témoin de façon la plus
23 appropriée d'après leur propre évaluation. Dans ce sens, nous avons
24 toujours soutenu les demandes du Procureur quand il souhaitait disposer de
25 plus de temps pour entendre ce témoin. Nous comprendrions le Procureur
26 aussi s'il souhaitait avoir plus de temps pour entendre le témoin de la
27 Défense. Mais dans ce cas précis, la Défense du général Petkovic n'est pas
28 d'accord avec la demande du Procureur par laquelle il demande à avoir une
Page 29793
1 heure de plus pour entendre ce témoin, puisqu'il base cela sur la façon
2 dont il a compris le contre-interrogatoire des autres Défenses qu'il a
3 interprété comme l'interrogatoire principal, donc il a fait l'amalgame
4 entre mon contre-interrogatoire et l'interrogatoire principal de Me
5 Karnavas, et je ne peux absolument pas accepter cela.
6 Nous sommes absolument contre cette procédure, puisque
7 l'interrogatoire principal de ce témoin ne peut pas être mis sur le pied
8 d'égalité avec les contre-interrogatoires menés par différentes autres
9 Défenses en l'espèce. C'est pour cela que nous sommes absolument contre ce
10 procédé. Mais si jamais, si on faisait droit à la demande du Procureur, la
11 Défense de Petkovic demande à avoir suffisamment de temps supplémentaire
12 pour poser les questions par rapport aux différents points soulevés par le
13 Procureur au cours de son contre-interrogatoire. Donc si on faisait droit à
14 la demande du Procureur, nous demandons à avoir plus de temps pour
15 interroger Me Akmadzic.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Vous allez avoir la parole Maître
17 Khan.
18 Monsieur Scott, dans l'heure que vous demandez, on va passer une
19 heure, une fois de plus.
20 Mais, Monsieur Scott, quel sujet vous vouliez aborder pendant cette
21 heure et quels documents que vous vouliez évoquer?
22 M. SCOTT : [interprétation] Il y avait quelques éléments que je voulais
23 terminer, un peu nettoyer hier. Il y avait un document supplémentaire
24 concernant les événements de janvier 1993. C'était le dernier sujet abordé
25 hier matin. Il y avait eu une réunion importante à laquelle avait participé
26 le témoin, c'était à Citluk en 1993, c'est important que vous voyiez ce
27 document.
28 Le témoin a fait une déclaration brève mais importante sur la division de
Page 29794
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29795
1 l'assistance militaire ou des munitions aux Musulmans, ça été soulevé ici à
2 plusieurs reprises dans ce prétoire.
3 La Défense a passé beaucoup de temps à parler d'un certain Fikret
4 Abdic, et je serai absolument précis et concis pour aborder ce sujet, mais
5 vu le temps qu'y a consacré la Défense, je ne peux pas laisser de côté ce
6 sujet.
7 Il y a d'autres documents concernant le rôle de M. Akmadzic lorsqu'il
8 a participé à des réunions et des événements. Et enfin, il y aura cinq ou
9 six parties de transcripts présidentiels que je voudrais lui soumettre
10 parce qu'il était présent. Il a participé à ces réunions.
11 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, permettez-moi de répondre
12 en quelques mots à ce qu'a dit Me Alaburic. Elle a peut-être le sentiment
13 qu'elle doit parler de sentiments qui concernent son client, M. Petkovic,
14 mais j'estime que je ne vais pas ajouter de nouveaux sujets qui concernent
15 M. Petkovic. Si Me Alaburic a des questions à aborder, qu'elle veut vous
16 soumettre, ça n'a rien à voir avec le fait que vous m'accordiez ce temps
17 supplémentaire ou pas parce que je regarde de nouveau les chemises que j'ai
18 ici, je ne pense pas qu'il y ait des documents qui concernent M. Petkovic
19 dans les document que je vais aborder ce matin. Donc à mon avis, ça fait
20 l'objet d'une décision indépendante du sujet que j'ai abordé.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Khan.
22 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que je vais
23 m'inspirer de ce qu'a dit M. Le Juge Trechsel, je pense que vous avez
24 entendu suffisamment d'arguments sur ce point.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, la Chambre après en avoir délibéré,
27 donc rajoute 30 minutes au temps qui lui reste. Donc le Procureur aura deux
28 heures pour terminer.
Page 29796
1 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, je
2 ferai de mon mieux.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : On va introduire le témoin.
4 Oui, pour Me Alaburic on verra en fonction des réponses si on vous donne,
5 enfin si la Chambre, parce que moi, à titre personnel, j'ai déjà mon point
6 de vue si la Chambre vous donne ou pas du temps.
7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
8 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, puisqu'il est
9 évident que le temps qui a été consacré à mon contre-interrogatoire a servi
10 de base pour la demande formulée par Me Scott et au fait que vous y ayez
11 fait droit en partie, je vais demander à avoir plus de temps pour poser mes
12 questions à ce témoin suite aux questions posées par M. Scott, mais je
13 propose que l'on laisse cela pour la fin pour voir comment les choses
14 évoluent et de combien de temps j'aurai besoin exactement.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Témoin, je vous salue.
16 [[LE TÉMOIN : MILE AKMADZIC [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je m'excuse de vous avoir fait patienter. Pendant 20
20 minutes, il y avait un problème de procédure à régler. Monsieur Scott, vous
21 avez la parole.
22 Contre-interrogatoire par M. Scott: [Suite]
23 Q. [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Je souhaite une bonne
24 journée à toutes et à tous. Une fois de plus, bonjour, Monsieur le Témoin.
25 Nous n'avons que très peu de temps et tout le monde souhaite que vous
26 puissiez entrer chez vous aujourd'hui, c'est ce que nous espérons en
27 fonction, bien sûr, des plans de vol, si j'ose dire. Mais je ferai de mon
28 mieux et si vos réponses sont concises, ce serait utile.
Page 29797
1 C'est de façon répétée que vous l'avez dit et je nous remets là par rapport
2 au dernier jour, si j'ai bien compris votre déposition jusqu'aujourd'hui,
3 vous avez dit que le HVO était considéré comme faisant partie intégrante
4 des forces armées de l'Etat de Bosnie-Herzégovine et se trouvait sous le
5 commandement Suprême de la présidence de Bosnie-Herzégovine, en principe;
6 c'est ça ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Le Président de la Chambre, M. Le Juge Antonetti, l'a fort bien dit
9 hier à la page 71, dans une armée, il faut qu'il y ait un commandant
10 suprême, puis il y a une hiérarchie, une chaîne de commandement. Vous
11 seriez d'accord avec cette idée, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, en Bosnie-Herzégovine, la situation était spécifique. Si vous avez
13 le commandement Suprême de la présidence, vous avez sept membres et pendant
14 la guerre, sept plus trois.
15 Q. Vous conviendrez avec moi, j'espère que jamais au cours de la période
16 qui va d'avril 1993 [comme interprété], point de départ de la plupart des
17 questions que je vous ai posées, jusqu'à vers le mois de janvier 1994,
18 jamais au cours de cette période Mate Boban n'a fait partie de la
19 présidence de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
20 R. Jamais.
21 Q. Par conséquent, si le HVO faisait partie intégrante des forces armées
22 de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, selon le commandement Suprême de la
23 présidence de Bosnie-Herzégovine, en principe, le HVO ne se trouvait pas
24 sous le commandement de Mate Boban; est-ce exact ?
25 R. Je n'ai pas très bien compris la question. Excusez-moi.
26 Q. Vous nous l'avez dit, le HVO faisait partie intégrante des forces
27 armées de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Si c'est le cas, et si le
28 commandement Suprême de ces forces armées se situe à la présidence de la
Page 29798
1 Bosnie-Herzégovine, il ne se peut pas, n'est-ce pas, que M. Boban soit le
2 commandant suprême de ces forces ?
3 R. M. Boban ne pouvait pas être le commandant suprême des forces armées de
4 Bosnie-Herzégovine; il pouvait, en revanche, être le commandant d'un de ces
5 segments.
6 Q. De quelle façon est-ce que vous voulez dire que M. Boban, lui-même, lui
7 aussi relevait des ordres du commandement Suprême de la Bosnie-Herzégovine,
8 la présidence ?
9 R. Toutes les forces armées de Bosnie-Herzégovine sont placées sous le
10 commandement Suprême de la présidence de Bosnie-Herzégovine qui est un
11 organe civil du commandement Suprême.
12 Q. Revenons à ce que M. Le Juge Antonetti disait hier. Il faut qu'il y ait
13 un commandant suprême et le HVO ne peut pas en avoir deux, deux commandants
14 suprêmes. On ne peut pas avoir comme commandant suprême la présidence de
15 Bosnie-Herzégovine tout en ayant Mate Boban aussi ?
16 R. Hier j'ai répondu la question du Président. J'ai expliqué que d'un côté
17 vous avez la présidence en tant que commandant suprême des forces armées,
18 et que de l'autre côté, vous aviez le commandement conjoint de deux armées
19 qui composent les forces armées de Bosnie-Herzégovine. D'un côté l'ABiH, et
20 de l'autre côté, le HVO. J'ai expliqué que dans ce commandement conjoint,
21 il pouvait y avoir aussi un certain nombre de personnes ou de membres qui
22 en font partie, donc qu'il peut y avoir plusieurs membres qui font partie
23 de ce commandement conjoint.
24 Q. Veuillez examiner la pièce P 01312, ça devrait se trouver dans le
25 deuxième classeur. P 01312. Pendant qu'on essaie de trouver ce document, je
26 précise aux fins du compte rendu qu'il semble que c'est une lettre ou
27 communication envoyée par Bruno Stojic le 26 janvier 1993, qui aborde le
28 sujet évoqué par nous hier, la décision du 15 janvier 1993, portant
Page 29799
1 subordination ou réinstallation de certaines forces. 1312.
2 Veuillez regarder la dernière page du document, le dernier paragraphe qui
3 se trouve au-dessus du nom de M. Stojic. Au milieu du paragraphe, en
4 réponse à une lettre que nous avons examinée hier, une lettre de M.
5 Halilovic, M. Stojic dit ceci : "Pour notre part, nous sommes prêts sans
6 condition à exécuter les ordres de notre commandant suprême, M. Boban."
7 Je vous repose la question, ceci ne peut être exact, n'est-ce pas, parce
8 que c'est la présidence de Bosnie-Herzégovine qui était le commandant
9 suprême, le commandant collégial, commandant suprême collégial du HVO,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Oui, Monsieur. Il faut, par rapport à la lettre de M. Stojic, définir à
12 quoi correspond le nous, probablement le HVO. Le segment du HVO, je pense,
13 ici correspond à la personne de M. Boban qui est le commandant suprême du
14 HVO, mais il n'est pas le commandant suprême des forces armées de la
15 Bosnie-Herzégovine puisque c'est le rôle qui appartient à la présidence.
16 Q. Je vous soumets, une fois de plus, mon hypothèse, et ceci va dans le
17 droit fil de ce que vous avez dit jusqu'à présent. Est-ce que vous voulez
18 dire que le HVO était une partie intégrante des forces armées de Bosnie-
19 Herzégovine ? Et si vous dites que M. Boban était le commandant en chef
20 d'un segment en particulier de ces forces armées, est-ce que vous dites aux
21 Juges de cette Chambre que M. Boban était soumis, faisait rapport, était
22 comptable envers la présidence de Bosnie-Herzégovine qui était, elle, le
23 commandant suprême ?
24 R. Je ne sais pas si M. Boban a fait des rapports auprès de la présidence
25 de Bosnie-Herzégovine. Je sais en revanche que la présidence de Bosnie-
26 Herzégovine disposait des informations concernant le fonctionnement du HVO
27 qui était un segment des forces armées.
28 Q. Veuillez examiner le paragraphe précédent qui précède celui que nous
Page 29800
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29801
1 venons de voir. En anglais, c'est le bas de la page 3. M. Stojic tient
2 aussi ces propos : "Je suis chef du service de la Défense ou du ministère
3 de la Défense de la communauté croate d'Herceg-Bosna." Et vu mes dernières
4 questions, je vous demande
5 ceci : convenez-vous qu'il n'y a aucun élément permettant de laisser
6 entendre que là, au moment où nous sommes, depuis le milieu du mois de
7 l'année 1992 jusqu'en janvier 1994, M. Stojic, chef de la Défense d'Herceg-
8 Bosna, recevait ses ordres de la présidence de Bosnie-Herzégovine en tant
9 que commandant suprême ?
10 R. Je dois dire que pendant cette période, nous étions en train de
11 participer aux négociations. La présidence de Bosnie-Herzégovine, à ce
12 moment-là, se rencontrait à l'étranger. Donc il y avait très peu d'échanges
13 par écrit, nous nous mettions d'accord lors des sessions de travail de la
14 présidence. Donc je ne saurais répondre de façon précise à la question que
15 vous venez de me poser.
16 Q. Pouvez-vous dire à un Juge de cette Chambre si vous vous souvenez d'une
17 réunion de la présidence, nous avons au cours des derniers jours examiné
18 plusieurs documents. Est-ce que vous vous souvenez d'une seule réunion où
19 M. Stojic serait venu faire rapport directement à la présidence du travail
20 qu'il fait ou que son service, son département faisait, que ce soit
21 directement ou indirectement ?
22 R. Je ne sais pas, mais je peux dire que Bruno Stojic, de par sa fonction
23 à l'époque, ne dépendait pas directement de la présidence de Bosnie-
24 Herzégovine, puisque entre lui et la présidence il y avait d'autres
25 segments auprès desquels il aurait pu présenter ses rapports, notamment le
26 ministre de la Défense.
27 Q. Examinez, s'il vous plaît, dans le premier classeur, la pièce P 00042.
28 Il doit s'agir en principe du premier document du premier classeur. 42. Au
Page 29802
1 compte rendu, on lit 402, mais il s'agit de la pièce P 00042.
2 Monsieur, je souhaiterais évoquer brièvement ce sujet dont nous avons déjà
3 un peu parlé et je souhaiterais revenir sur ce que vous avez dit hier. Est-
4 il exact de dire que pendant toute cette période, à partir du milieu de
5 l'année 1991 et jusqu'à la fin de l'année 1992, il y avait des dissensions
6 importantes au sein de la direction du HDZ de Bosnie-Herzégovine, et ces
7 problèmes n'ont été résolus qu'en novembre 1992. A l'époque, la plupart des
8 modérés de ce parti, notamment M. Kljuic, M. Brkic et d'autres, avaient
9 quitté le parti, en avaient été éjectés ou avaient été marginalisés; est-ce
10 exact ?
11 R. Ce n'est pas exact.
12 Q. Pourriez-vous maintenant vous pencher sur la pièce P 00042. Il est
13 question du procès-verbal d'une réunion du HDZ de Bosnie-Herzégovine dans
14 la région de Travnik le 21 juillet 1991. J'appelle votre attention sur le
15 paragraphe 5 de ce document. Il y est dit : "Si le président Stjepan Kljuic
16 n'est pas en mesure de quitter la direction du HDZ parce qu'il est membre
17 de la présidence de Bosnie-Herzégovine," et ainsi de suite - et je vous
18 renvoie également au paragraphe 13 où il est dit, entre autres, que : "Les
19 députés du HDZ," - je suppose au sein de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine,
20 il fait référence à un passage situé plus haut, "sont devenus des
21 marionnettes de la politique du SDA." Est-ce que vous voyez cela ?
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une
23 objection. Si l'on se penche sur le paragraphe numéro 5, en fait, nous
24 voyons qu'il s'agit d'une manière assez rusée d'établir des liens pour
25 correspondre à la thèse de l'Accusation. Au paragraphe 5, il est dit : "En
26 raison de sa position de membre, il est recommandé que les séances soient
27 présidées par d'autres vice-présidents ou d'autres membres habilités de la
28 présidence." Qu'est-ce que ça veut dire ? Peut-être qu'il a des fonctions
Page 29803
1 qui l'empêchent d'assister à cette réunion, peut-être que ça n'a rien à
2 voir avec ses idées politiques contrairement à ce que laisse entendre
3 l'Accusation. Donc voilà mon premier point; deuxièmement, quel est le
4 rapport avec la question qui nous intéresse, en quoi est-ce pertinent ? Je
5 ne vois absolument pas la pertinence de cette question. Il a demandé du
6 temps supplémentaire, mais nous perdons du temps.
7 M. SCOTT : [interprétation] Premièrement, en réponse, je dirais que je n'ai
8 pas le temps de présenter tous les documents qui m'intéressent à ce témoin
9 pour démontrer ma thèse. Je peux poser la question au témoin. Et je suis
10 surpris qu'il y ait un litige, mais il y avait des différences d'opinion
11 entre M. Kljuic, M. Boban, M. Kostroman et d'autres, tout le monde le sait.
12 Deuxièmement, je pense que c'est très pertinent, car l'Accusation est
13 d'avis que dans les documents il est souvent fait référence à l'idée fausse
14 que le HDZ s'exprimait au nom de tous les Croates et au nom de tous les
15 commandants du parti alors qu'il y avait des différents courants au sein du
16 HDZ au début. Et l'affaire la plus la plus pertinente est à la fin de
17 l'année 1992, c'est-à-dire c'est la période la plus importante pour l'acte
18 d'accusation. Fin 1992, le HDZ n'était pas le même qu'au début. Si la
19 Défense dit que ce n'est pas contesté, nous allons considérer que c'est un
20 fait admis et nous allons aller de l'avant. S'il s'agit d'un point de
21 litige, l'Accusation doit être autorisée à présenter sa thèse.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Comme dans tous les partis politiques au
23 sein du HDZ, il y avait des points de vue différents. Nous voyons ce qui se
24 passer aux Etats-Unis actuellement. A l'époque, c'était pareil en Croatie
25 ou en Bosnie, personne ne le conteste. C'est pareil partout dans le monde.
26 Deuxièmement, Kljuic a démissionné, que les choses soient claires. Il a
27 démissionné. Alors, est-ce qu'il a démissionné ou est-ce qu'il a été éjecté
28 ? Non, il a démissionné, c'est un fait qui a été établi dans ce procès.
Page 29804
1 Alors, est-ce qu'il a succombé à des pressions ? Peu importe. Le fait est
2 qu'il a démissionné. Mais est-ce que l'on est en train de poursuivre le
3 HDZ, est-ce ce qui est au cœur du procès ? Donc je demande que l'on
4 s'intéresse vraiment à ce qui nous intéresse ici, sinon, tout est
5 poursuivi, on doit tout défendre.
6 M. SCOTT : [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que la Chambre estime que ça peut rentrer
8 dans l'entreprise criminelle commune dans la mesure où M. Kljuic, sur la
9 thèse de l'Accusation, aurait quitté la direction du HDZ. C'est la thèse de
10 -- du Procureur, donc autant qu'il vérifie sa thèse auprès du témoin. Bon,
11 alors posez votre question, Monsieur Scott.
12 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Monsieur Akmadzic, peut-être que le conseil en partie a raison, peut-
14 être que je n'ai pas choisi le meilleur document sur ce point, il en existe
15 beaucoup d'autres. Toujours est-il que vous savez, n'est-ce pas, qu'au
16 milieu de l'année 1991, à l'automne 1991, à l'époque où des réunions très
17 importantes se sont tenues à Zagreb, notamment le 27 décembre 1991, il y
18 avait des points de vue très divergents au sein du HDZ de Bosnie-
19 Herzégovine. Il y avait un conflit opposant M. Boban et M. Kordic d'un côté
20 et M. Kljuic de l'autre; est-ce exact ?
21 R. Messieurs les Juges, je voudrais que nous cernions ce sujet et que j'en
22 finisse de répondre à ces questions. Le HDZ a remporté les élections en
23 Bosnie-Herzégovine avec une majorité écrasante. Le HDZ détient encore le
24 pouvoir dans la Bosnie-Herzégovine, du moins pour ce qui est de la partie
25 qui se rapporte à la population croate. Le HDZ n'a pas toujours et partout
26 été unanime et nous n'avons pas estimé que cela eut été intelligent ou bon
27 que d'avoir ce type d'accord.
28 Parce que nous, pendant socialisme, l'époque socialiste, nous
Page 29805
1 parlions de pensées uniques et nous avons lutté contre au niveau des trois
2 peuples, des trois ethnies. Et en 1990-1991, lorsque nous avons procédé à
3 ces élections et changé le pouvoir en place, nous avons dit que nous avions
4 un pouvoir démocratique où tous les gens -- toutes les gens avaient le
5 droit d'exprimer leurs opinions.
6 Ce avec quoi je ne suis pas d'accord en ce moment-ci avec le
7 Procureur, c'est le fait de dire que M. Kljuic et d'autres sont des
8 modérés, donc les autres ne seraient pas modérés, voire extrémistes ou que
9 sais-je. Alors, je ne suis pas du tout d'accord avec ce type d'allégation,
10 parce que me concernant je ne pense pas que M. Kljuic ait été si modéré que
11 cela.
12 Les plus modérés parmi eux, enfin, estimaient que j'étais le plus
13 modéré. Donc j'aimerais qu'on prenne en considération mon opinion. Il y a
14 eu des opinions différentes qui se sont exprimées de façon démocratique. M.
15 Kljuic a démissionné, parce qu'il n'était pas d'accord avec la majorité,
16 c'était son droit et c'était la possibilité -- l'une des possibilités qui
17 s'offrait à lui. Je suis d'accord pour dire --
18 Q. A moins que la Chambre ne m'accorde davantage de temps, je suis obligé
19 de vous interrompre. Veuillez répondre à ma question. En fait, pourriez-
20 vous vous pencher sur le document P 00743 qui se trouve dans le deuxième
21 classeur.
22 Nous avons là le procès-verbal d'une réunion du HDZ de Bosnie-Herzégovine,
23 deuxième assemblée générale tenue à Mostar le 14 novembre 1992. De nombreux
24 points sont évoqués dans ce document, mais nous n'avons pas beaucoup de
25 temps pour les évoquer en détail.
26 Première page, j'attire votre attention sur le point 3 où il est question
27 des invités du parti de la République de Croatie, Gojko Susak, MM. Pasalic,
28 Vukjevic, Juric, Zulic. Au point 5, on voit les invités de Bosnie-
Page 29806
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29807
1 Herzégovine, Mile Akmadzic, Miro Lasic, Franjo Boras, Mariofil Ljubic,
2 Vlado Pandic, Jadranko Prlic et d'autres.
3 Au point 7, il y est dit que la convention générale a commencé par le salut
4 à la patrie et Lijepa Nasa, l'hymne a été chanté. L'hymne de la République
5 de Croatie, n'est-ce pas ?
6 R. Monsieur, c'est l'hymne du peuple croate que l'Etat croate a adopté
7 comme sien, mais c'est l'hymne chanté également par les Croates de la
8 Bosnie-Herzégovine. Et tant qu'on y est, permettez-moi de dire qu'il y a
9 deux drapeaux qui se ressemblent; le drapeau de la République de Croatie et
10 le drapeau du peuple croate en Bosnie-Herzégovine.
11 Q. Oui, vous avez raison, les drapeaux sont très semblables. Pourriez-vous
12 maintenant vous pencher sur le point 22 en anglais, cela se trouve au bas
13 de la page 5. Revenons sur quelque chose dont nous avons parlé hier. Est-il
14 exact de dire, comme il est dit au point 22, que Mate Boban a été élu
15 président du HDZ de Bosnie-Herzégovine, comme il est dit ici ?
16 R. Oui.
17 Q. Puis, au point 23, nous voyons que plusieurs vice-présidents ont été
18 élus sur proposition de Mate Boban : vous; M. Dario Kordic; M. Jadranko
19 Topic, qui était le maire de Mostar ou le président du HVO; et M. Ivo
20 Zivkovic. Tous les quatre, vous avez été en quelque sorte nommés par M.
21 Boban, n'est-ce pas ?
22 R. C'est absolument faux. Nous avons été proposés et élus par le
23 parlement.
24 Q. On peut lire "Sur proposition de Mate Boban…" Vous dites que ce n'est
25 pas vrai ?
26 R. La proposition et l'élection ce n'est pas pareil. Enfin, je suis
27 linguiste. Suite à une proposition de Mate Boban, ont été élus par le
28 parlement du HDZ, les représentants, un tel, un tel, un tel. Ce n'est pas
Page 29808
1 la même chose.
2 Q. Peut-être que vous m'avez mal compris, peut-être qu'il s'agit d'un
3 problème de traduction. Le fait est que vous avez été nommés par M. Boban,
4 n'est-ce pas ?
5 R. Ce n'est pas exact. On en a débattu dans ce prétoire. Nomination et
6 élection ce n'est pas du tout la même chose. Nomination c'est "appointment"
7 en anglais et élu c'est "elected." Et ici on dit "elected," élus.
8 Q. Au point 24, on peut lire : Sur proposition de Mate Boban, 40 personnes
9 ont été élues au sein du comité central du HDZ. Il s'agissait du comité
10 principal du parti, du comité exécutif du parti, n'est-ce pas ?
11 R. Je ne peux pas parler du parti à ce point-là, parce que je venais
12 d'être élu et nous n'avions pas le statut du parti sous les yeux pour voir
13 comment procéder aux élections en application du statut du parti. On a
14 parlé hier d'autre chose et on a vu que le règlement régissant le
15 fonctionnement de la présidence était différent de ce qu'on avait parlé au
16 départ, ou plutôt, il différait de ce que j'avais affirmé au début.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, il y a une question d'un Juge.
18 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur Scott, excusez-moi.
19 Monsieur le Témoin, je voudrais revenir un peu à la question de nominations
20 et d'élections. Si nous considérons le paragraphe 23, élection du vice-
21 président. En français, parce que moi, je suis le texte de la traduction en
22 français. J'ai entendu : Sur proposition de Mate Boban, les quatre
23 personnes ont été élues. Elues, il n'y a pas de problème. Mais la
24 proposition, c'est quoi ? C'est une -- en anglais ils disent : Vous étiez
25 des nominés de M. Boban ou vous étiez proposés sur une liste, par exemple,
26 de plus de quatre personnes ?
27 En d'autres termes, M. Mate Boban a proposé quatre personnes, a nominé
28 quatre personnes et les quatre personnes ont été élues ou bien il avait
Page 29809
1 proposé plus de personnes, par exemple, cinq, six, dix ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas m'en souvenir. Je pense que M.
3 Boban avait proposé les cinq personnes qui ont été élues. Et s'il y avait
4 eu d'autres propositions émanant d'autres membres du parti, chose que je
5 saurais ni confirmer ni infirmer à ce moment-là, mais M. Boban a proposé et
6 l'assemblée, tous les membres du parti qui étaient délégués là ont élu
7 cette direction précise.
8 M. LE JUGE MINDUA : La toute dernière question. L'assemblée avait
9 l'autorité et le pouvoir de refuser les quatre personnes ou l'une des
10 quatre personnes; c'est bien cela ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] L'assemblée pouvait refuser les quatre,
12 refuser même l'élection de Mate Boban, l'élection du vice-président.
13 L'assemblée c'est l'organe au sommet du parti à l'époque et c'est de nos
14 jours encore le cas.
15 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.
16 M. SCOTT : [interprétation]
17 Q. Peut-on maintenant passer à la pièce P 02142 qui doit se trouver dans
18 le deuxième classeur. P 02142. Il s'agit d'un rapport portant sur une
19 réunion tenue à Citluk le 29 avril 1993, réunion de la présidence à
20 laquelle ont assisté un certain nombre de personnes. La présidence, le
21 gouvernement de la HZ HB, et ainsi de suite. Vers le milieu de la première
22 page, nous voyons votre nom. Vous avez assisté à cette réunion. Nous voyons
23 le nom de Mile Akmadzic.
24 Puis juste en dessous, quelques lignes plus bas, après la liste, nous
25 voyons une déclaration qui vous est imputée. Vous dites, je cite :
26 "Officiellement contester le mandat de M. Izetbegovic en tant que président
27 (à partir du 2 novembre 1992)".
28 Alors, je vais vous donner mon interprétation et vous me direz si vous êtes
Page 29810
1 d'accord ou pas. Alors, jusqu'à ce moment-là, M. Izetbegovic, en tant que
2 président n'avait pas été "contesté officiellement" ? C'est ce que vous
3 dites ?
4 R. On en a parlé hier. La présidence de M. Izetbegovic a été contestée à
5 partir du 20 décembre 1992. C'est pour des raisons de compromis qu'on a
6 accepté qu'il reste parce qu'il était membre de la présidence. Il était à
7 la tête du peuple majoritaire de Bosnie-Herzégovine aux négociations. Nous
8 ne pouvions pas donc mettre de côté ce fait-là. Mais lui, en sa qualité de
9 président de la présidence, nous l'avons contesté.
10 Q. Avant la réunion tenue à Citluk, le 29 avril 1993, la direction du HDZ,
11 à savoir M. Boban, vous-même, M. Kordic et d'autres, et les autres membres
12 du parti avaient-ils "officiellement contesté" le mandat de M. Izetbegovic
13 en tant que président ? Donc avant le 29 avril ?
14 R. Je vous prie de mettre de côté le parti et l'Etat bien que les
15 représentants du parti fassent partie des autorités de l'Etat. Le mandat de
16 M. Izetbegovic a été contesté par les membres de la présidence du peuple
17 croate au sein de la Bosnie-Herzégovine. C'étaient donc des représentants
18 officiels de l'Etat et le parti ne pouvait avoir qu'un lien consultatif,
19 mais pas un lien déterminant.
20 Q. Pourriez-vous examiner la pièce P 10482 qui se trouve dans le troisième
21 classeur. Il s'agit d'une interview que vous avez accordée le 4 mai 1993 à
22 Vecernji List, un quotidien de Zagreb. Vous avez accordé un entretien qui a
23 été publié dans ce journal de Zagreb, le 4 mai 1993, soit quelques jours
24 après la réunion tenue à Citluk le 29 avril.
25 Au troisième paragraphe, on vous impute une déclaration, je cite :
26 "Il dit qu'il n'exclut pas les membres croates du gouvernement qui se
27 trouvent dans la ville méridionale de Mostar et qui s'autoproclament
28 gouvernement de Bosnie-Herzégovine."
Page 29811
1 Est-ce que cela reflète bien vos propos ce que l'on peut trouver dans
2 l'entretien du 4 mai 1993 ?
3 R. Je n'arrive pas à retrouver ce que vous évoquez, mais je peux vous
4 confirmer la chose suivante : cette interview, je n'ai pas vérifié et
5 approuvé. Les réunions que vous venez de mentionner, je pense que les dates
6 ne sont pas bonnes, mais je ne sais pas si cela est important. Je ne me
7 pencherai pas sur ces interviews aux journaux, ce n'est pas des journaux
8 officiels, je n'ai pas vérifié, autorisé ce qui a été dit, et je ne me
9 souviens pas de ce que j'ai dit du reste.
10 Q. Je ne sais pas ce que vous entendez par "autorisé". Est-ce que vous
11 avez accordé un entretien vers le 4 mai 1993 ou pas ? Commençons par cette
12 question et ensuite nous passerons à autre chose. Avez-vous accordé une
13 interview à cette époque ou bien est-ce que ce quotidien de Zagreb a tout
14 inventé ?
15 R. Je tiens d'abord à expliquer ce que je dis "approuvé" et "autorisé."
16 Q. Avez-vous accordé un entretien ?
17 R. Je ne m'en souviens pas. Probablement, je ne m'en souviens pas. J'en ai
18 donné beaucoup, vous savez, des interviews.
19 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, reprenons la question
20 de M. Scott, "Je ne sais pas ce que vous entendez par "autorisé ou
21 approuvé." Alors il essaie d'obtenir une explication de ce terme. Puis, M.
22 Scott pose sa question de façon assez sarcastique, puis il dit : "Je ne
23 sais pas ce que vous entendez par 'autorisé ou approuvé'." Mais il ne peut
24 pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il ne peut pas poser une
25 question et ensuite empêcher le témoin de répondre.
26 M. SCOTT : [interprétation] Comme Me Karnavas aime à le dire, essayons de
27 procéder par étape. Je souhaiterais que l'on établisse le premier point.
28 D'abord, est-ce qu'il y a eu une interview; voyons ensuite si interview il
Page 29812
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29813
1 y a eu, si cette interview a été autorisée ou pas.
2 Q. Donc, Monsieur le Témoin, vous ne vous souvenez pas avoir accordé
3 d'interview ?
4 R. J'ai dit que j'avais accordé beaucoup d'interviews. Et cette interview
5 au concret, je ne m'en souviens pas. Je n'affirme pas que je n'aie pas
6 accordé cette interview aussi.
7 Q. A l'époque, fin avril ou début mai 1993, est-ce que vous pensiez que
8 les membres croates du gouvernement qui se trouvaient dans la ville
9 méridionale de Mostar pouvaient s'autoproclamer gouvernement de Bosnie-
10 Herzégovine ? Etiez-vous de cet avis à l'époque ?
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
12 intervenir brièvement. Ma consoeur qui lit le croate, contrairement à moi,
13 m'a dit que si l'on compare le texte traduit et le texte original, ce n'est
14 pas la même chose. Le texte que nous avons ici ne correspond pas à
15 l'entretien, donc l'article paru et l'autre document ne correspondent pas.
16 C'est peut-être un montage, une question d'interprétation, mais le document
17 que nous avons ici, cet extrait du journal n'est pas ce qui correspond à ce
18 que nous avons, me dit-on. Donc il y a une agence qui interprète, ce qui a
19 été dit, c'est peut-être de là que vient la confusion.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Scott, ça ne m'a pas échappé. Le
21 premier document c'est la dépêche en anglais de l'agence France-Presse qui,
22 en règle générale, fait des dépêches en français, donc c'est déjà une
23 traduction. Deuxièmement, l'article on l'a, il y a la photo du témoin. Donc
24 il serait peut-être bon que vous puissiez montrer au témoin l'article parce
25 que moi je vois l'article. Il semble qu'il y ait des questions et des
26 réponses. La question semblait être en noire et puis la réponse en grisé.
27 Alors comme vous avez une assistance en B/C/S, elle peut peut-être vous
28 indiquer où se trouve la question reprise par la dépêche de l'agence
Page 29814
1 France-Presse.
2 M. SCOTT : [interprétation] Je n'ai pas ce type d'assistance dans la salle
3 d'audience, je verrai ce qu'il en est à l'extérieur.
4 Je vois que le témoin dispose de l'article. Il a une version
5 agrandie, plus lisible de cet article.
6 Contrairement à Me Karnavas, je ne peux pas lire le document dans sa
7 version originale, mais je comprends ce que vous dites. Il s'agit de la
8 traduction de ce document qui m'a été remise. Peut-être qu'une partie de
9 l'entretien a été revue, le témoin peut regarder l'entretien original, là
10 où il y a sa photo, vous étiez un peu plus jeune à l'époque, comme nous il
11 y a 15 ans, mais moi non plus je ne peux pas lire le document original,
12 Monsieur le Président, mais je demanderai à quelqu'un à l'extérieur du
13 prétoire de nous aider.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous reviendrez peut-être après la pause
15 sur la question.
16 Continuez.
17 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, c'est ce que je
18 ferai. Veuillez m'accorder un instant. Merci, Monsieur le Président, nous
19 allons essayer de tirer les choses au clair. Cela dit, le témoin ne nie pas
20 avoir accordé un entretien mais il ne s'en souvient pas. Alors je ne sais
21 pas dans quelle mesure cela nous aidera. Donc je lui ai demandé s'il se
22 souvenait avoir accordé cet entretien ou pas.
23 Q. Toujours est-il, je voulais savoir si à l'époque, fin avril 1993, début
24 mai 1993, j'ai voulu savoir si le témoin pensait que les membres croates du
25 gouvernement qui se trouvaient dans la ville méridionale de Mostar auraient
26 pu s'autoproclamer gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Je souhaiterais que
27 le témoin réponde à cette question de toute façon.
28 Monsieur le Témoin, était-ce là votre position à l'époque ?
Page 29815
1 R. Si vous voulez on ne va pas parler de journaux, je peux vous dire ce
2 que j'en pense. Je ne pensais pas à l'époque et je ne pense pas au jour
3 d'aujourd'hui --
4 Q. C'est exactement ce que je viens de dire. Vous ne vous souvenez pas de
5 cette interview-ci donc vous répondez à ma question. Nous avons dit tous
6 les deux la même chose. Est-ce que vous estimiez quand même à l'époque que
7 c'était là votre position ?
8 R. Non, je ne le pensais pas à l'époque et je ne pense pas au jour
9 d'aujourd'hui que nous, les Croates, nous étions capables de créer tout
10 seuls le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Si c'est cela qui est écrit
11 dans les journaux, c'est qu'on m'a cité à tort, c'est qu'on a mal
12 interprété ce que j'ai dit. Je dois ajouter --
13 Q. Quelle était votre position à l'époque, est-ce que vous pensiez, c'est
14 dit aussi dans cet article, que vous vous en souvenez pas, je vous soumets
15 cette hypothèse : est-ce que vous vous souvenez avoir affiché cette
16 position à l'époque, à savoir qu'à cette période-là la Bosnie-Herzégovine
17 n'existait plus en tant qu'entité légale puisqu'elle ne contrôlait plus
18 tout son territoire même si le pays avait été reconnu par la communauté
19 internationale ? Etait-ce là votre position à l'époque ?
20 R. Ce n'était pas ma position. Je pense qu'ici on connaît très bien ce que
21 je pensais, ce que je disais à l'époque. La présidence dans la fonction
22 telle qu'elle a été la sienne à l'époque n'avait pas toute sa légitimité,
23 le contrôle du territoire c'était autre chose. Vous pouvez avoir un pays
24 qui est complètement occupé tout en étant un pays reconnu.
25 Q. Mais votre position était-elle que la Bosnie-Herzégovine, en avril et
26 mai 1993, n'existait plus en tant qu'entité légale ?
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Question posée qui a reçu
28 réponse. On peut le faire à l'infini, mais je suis un petit peu troublé par
Page 29816
1 l'attitude de la Chambre qui a accordé ce temps supplémentaire à
2 l'Accusation sans qu'il ait d'abord épuisé le temps qu'il avait reçu au
3 départ. Parce que maintenant il abuse de votre indulgence.
4 M. SCOTT : [interprétation] Pas du tout, j'essaie d'obtenir une réponse et
5 la page est encore à l'écran. Il a parlé de la légitimité de la présidence.
6 Ma question n'était pas celle-là, ma question ne se bornait pas à la
7 question de la présidence. Je reprends ce qui est présenté dans cet article
8 comme étant une déclaration du témoin, à savoir qu'à l'époque la Bosnie-
9 Herzégovine n'existait plus en tant qu'entité légale, et je lui ai demandé
10 de confirmer ça ou pas.
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous avez dit que l'Accusation qui ne
12 comprend pas le B/C/S, le croate, devrait prendre le temps de la pause pour
13 lire ce texte. Nous estimons que c'est soit une interprétation d'un
14 entretien ou simplement un montage est monté de toutes pièces. Et tant que
15 ceci n'est pas tiré au clair, il ne convient vraiment pas que le Procureur
16 dise, "Monsieur, c'était là votre position." Il peut lui poser une
17 question, ce qu'il a fait, mais maintenant de là à dire, nous avons ce
18 texte et est-ce que c'est ce que vous avez dit à l'époque, mais on ne sait
19 même pas si ce sont là les propos du témoin. Oui, Monsieur le Juge
20 Trechsel.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Karnavas, je n'ai pas entendu
22 le Procureur parler dans ce sens, je n'ai pas dit si c'était sa position.
23 Il lui a posé une question qui était ouverte, il lui a demandé est-ce que
24 c'était là sa position ou pas, quelle que soit la teneur de l'article. Et
25 le témoin a dit, "Mettons de côté l'article et parlons du sujet." Moi, je
26 pensais que c'était ça qui se passait.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, mais alors M. Scott revient à
28 l'article. Il peut poser cette question, il peut demander au témoin quelle
Page 29817
1 était sa position à telle ou telle date quel que soit l'article, mais il a
2 dit, mais c'était bien ce qui était dans l'article. En tout cas, c'est ce
3 que moi j'ai entendu. Donc là vraiment, il gagne sur tous les tableaux, il
4 peut présenter sa thèse au témoin tant qu'il veut, je ne ferai jamais
5 d'objection.
6 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, vous avez tout à
7 fait raison. Je n'avais pas besoin du document, je pouvais l'avoir sous les
8 yeux comme base pour poser des questions au témoin, et c'est là que nous en
9 sommes.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais vous avez quand même parlé de
11 la déclaration qui était faite dans cet article.
12 M. SCOTT : [interprétation] Bien, je vais reformuler ma question.
13 Q. Je vous repose ma question, Monsieur le Témoin. En avril et en mai
14 1993, est-ce que vous estimiez que la Bosnie-Herzégovine n'existait plus en
15 tant qu'entité légale ?
16 R. Je considérais que la Bosnie-Herzégovine existait du point de vue
17 juridique en tant qu'Etat. Donc juridiquement, qu'est-ce que cela veut dire
18 juridiquement ? Je ne sais pas. Vous les Juristes, vous pouvez en discuter,
19 moi, je ne sais pas ce que cela veut dire. Mais la Bosnie-Herzégovine à
20 l'époque dont vous parlez existait en tant qu'entité, qu'Etat international
21 quels que soient ses problèmes internes.
22 Q. Si vous, Monsieur, et la majorité des membres croates du gouvernement
23 du Bosnie-Herzégovine avez quitté Sarajevo lorsque arrive la date de
24 décembre 1992 ?
25 R. Nous, Monsieur le Président, nous avons proposé que le gouvernement
26 soit déplacé de Sarajevo aussi bien que la présidence puisque Sarajevo
27 était placée sous blocus. Sarajevo était encerclée.
28 Q. Ce n'était pas ma question. Je vous demande si vous et la majorité des
Page 29818
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29819
1 membres croates, en fait, étiez partis de Sarajevo déjà lorsque arrive le
2 mois de décembre 1992. C'était ma question et je vous demande d'y répondre.
3 Oui ou non ? Est-ce que vous aviez quitté Sarajevo, est-ce que vous aviez
4 déménagé de Sarajevo en décembre 1992 ?
5 R. Certains membres sont partis à différentes époques, pas seulement au
6 mois de décembre 1992. Ensuite ils revenaient à Sarajevo. Ils sont
7 retournés à Sarajevo, où ils assistaient à nouveau aux sessions de travail
8 de la présidence. Vous avez des procès-verbaux qui indiquent que moi, j'y
9 ai assisté aussi bien à Sarajevo qu'à l'extérieur de Sarajevo.
10 Q. Est-ce qu'en décembre 1992, vous aviez déjà quitté Sarajevo et est-ce
11 que vous avez accepté de revenir une ou l'autre fois à Sarajevo pour des
12 objectifs précis, pour des situations précises, mais sinon, pour toute
13 l'année 1993, vous êtes resté à l'extérieur de Sarajevo ?
14 R. Monsieur, en 1992, entre un Noël et le Nouvel An, à peu près le 28, je
15 dirais.
16 Q. Non, c'est pas la question que je vous pose. Non, non, je vous ai
17 demandé si en décembre 1992, vous étiez parti de Sarajevo et, à part l'une
18 ou l'autre occasion, vous n'avez pas vécu, habité à Sarajevo, si ce n'est
19 que pour une éventuelle visite, mais sinon, vous étiez à l'extérieur. Oui
20 ou non ?
21 R. Je ne peux pas répondre par un oui ou par un non à la question posée.
22 Je ne peux pas répondre, parce que je suis allé assister aux négociations
23 de Genève.
24 Q. Vous ne savez pas où vous habitiez en 1993 ?
25 R. Monsieur, mon appartement à Sarajevo a été pillé, je n'avais plus rien
26 là-dedans, mais j'ai tout de même continué à assister aux sessions de
27 travail, j'ai assisté aussi aux négociations à l'étranger. Mon appartement
28 a été complètement pillé, il ne restait plus rien dedans et je ne pouvais
Page 29820
1 pas y aller du tout.
2 Q. Donc vous répondez à ma question en disant, oui, je n'étais pas à
3 Sarajevo mis à part l'une ou l'autre fois après décembre 1992.
4 R. C'est vous qui tirez vos conclusions.
5 Q. [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, je suis un petit
7 peu frustré, parce que le Procureur a le droit de vous poser des questions
8 auxquelles on peut répondre par oui ou par non. Il y a peut-être toujours
9 des explications à fournir, mais vous avez toujours essayé de louvoyer et
10 commencer par les explications plutôt que de répondre à la question. Ça
11 peut nous fait perdre beaucoup de temps. La question était simple. Il est
12 difficile de voir qu'on ne peut pas y répondre par oui ou par non et vous
13 n'avez pas réussi à nous montrer pourquoi on ne pouvait pas y répondre
14 simplement. Je vous demande de vous conformer à votre devoir de témoin qui
15 est de répondre à des questions simples quand elles le sont.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Sauf le respect je vous dois, je pense qu'il
17 y a des questions-pièges.
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je le sais bien, mais ici ce n'était
19 pas une question-piège.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Et c'est là que je suis en profond désaccord
21 avec vous, sans doute est-ce parce que vous n'avez pas écouté ou essayé
22 d'entendre ce que le témoin tentait de dire. S'il était en déplacement
23 officiel lors de négociations, la réponse est oui. Mais aux fins de
24 l'Accusation, ça veut dire qu'il a abandonné Sarajevo, et je ne peux pas
25 laisser passer cela, je ne veux pas que vous, Juges, vous concluiez qu'il a
26 quitté Sarajevo alors qu'il était en mandat, en déplacement officiel.
27 Il a essayé de fournir une explication à laquelle il a droit. Je ne
28 pense pas qu'ici il n'y est pas simplement comme un robot pour dire oui ou
Page 29821
1 non ou comme une otarie de cirque. S'il était parti pour un déplacement, ça
2 ne veut pas dire qu'il a abandonné la ville. Je pense que si on avait donné
3 une certaine marge de manœuvre, il aurait pu répondre à la question. Et là,
4 je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il n'a jamais
5 répondu aux questions ou qu'il n'y répond pas. Il essaie, peut-être qu'il
6 ne le fait à notre façon, mais il essaie d'être juste et intègre afin que
7 vous, vous puissiez tirer les conclusions qui s'imposent.
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais c'est vous qui tirez
9 cette conclusion qu'il avait abandonné Sarajevo. Ce n'est pas une
10 conclusion que j'ai tirée, ce n'est pas ce que je pense. Mais je pense que
11 c'est un cas d'école ici. Nous avons un témoin qui peut répondre par oui ou
12 par non. Au fond, au moment, des questions supplémentaires, vous pouvez
13 obtenir cette explication de sa part et vous pouvez l'éclairer comme il se
14 doit de l'avis de la Défense. C'est comme ça que je comprends les règles du
15 jeu et je pense qu'il faut tous les respecter.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est ce que j'essaie de faire, je
17 vais me rasseoir, je ne veux pas ici polémiquer avec la Chambre, mais je
18 crois que le témoin essayait de répondre à la question. Je ne veux pas que
19 vous tiriez de mauvaises conclusions, c'est peut-être pour ça que je dis
20 que s'il avait l'occasion d'expliquer pourquoi il n'était pas à Sarajevo.
21 Mais si c'est moi qui ai la charge des questions supplémentaires, bien,
22 elles vont être longues.
23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
24 avec le respect énorme que nous avons pour la Chambre, nous soutenons Me
25 Karnavas sur ce point. La question n'était pas simple. Regardez-là, page
26 30, lignes 15 à 18. Elle n'est pas formulée de façon absolument limpide, il
27 y a deux ou trois questions sous-entendues, sous-jacentes. Alors, est-ce
28 que vous habitiez quelque part mis à part les quelques visites
Page 29822
1 occasionnelles ? Mais vous savez, c'est notre vie à tous. Alors comment
2 faites-vous la différence entre une résidence permanente dans un endroit et
3 l'obligation de sortir de cet endroit de temps à autre pour des absences
4 prolongées ? On ne peut pas répondre simplement par oui ou par non, et oui
5 et non serait-ce la réponse appropriée ? Oui, ce serait possible si la
6 question était unique et simple.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, le problème est très clair et il
8 n'y a pas de question de respect des uns et des autres. Il y a un article
9 en B/C/S dont nous ne connaissons pas la teneur puisqu'il n'a pas été
10 traduit. Il y a une dépêche de l'agence France-Presse qui semble se
11 reporter intégralement à votre interview, où vos déclarations, on ne sait
12 pas, mais qui se réfèrent à l'article, et la dépêche AFP semble dire que
13 vous auriez dit que la Bosnie-Herzégovine n'existait plus en tant qu'entité
14 et le dernier paragraphe de la dépêche dit que vous avez continué à agir
15 comme premier ministre bien que la majorité des membres croates du
16 gouvernement ont quitté la Sarajevo en décembre.
17 Donc voilà ce que dit la dépêche et apparemment le Procureur s'appuie
18 sur la dépêche, puisqu'il ne sait pas exactement ce qu'il y a à l'intérieur
19 de l'article.
20 Vous êtes à l'époque en décembre premier ministre. Donc un premier
21 ministre il a des ministres, il y des réunions de travail, et cetera.
22 Alors, pouvez-vous dire si en décembre vous continuiez à vous rencontrer
23 avec les autres ministres ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Où, à Sarajevo ou ailleurs ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] A Sarajevo dans les locaux du gouvernement.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre appartement a été pillé. Bon, vous nous l'avez
28 expliqué. Quand vous reveniez à Sarajevo, où habitiez-vous à ce moment-là ?
Page 29823
1 Vous aviez changé d'appartement ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je revenais le jour même dans l'organisation
3 de la FORPRONU.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, quand vous aviez des réunions de travail au
5 niveau du gouvernement, vous reveniez avec la force PRONU à Sarajevo ? Bon,
6 donc c'est clair.
7 Continuez, Monsieur Scott.
8 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Juste une
9 question de suivi.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, j'ai éclairci le problème, alors,
11 continuons.
12 Oui, question de suivi, Monsieur Scott.
13 M. SCOTT : [interprétation] Oui, une question de suivi, Monsieur le
14 Président.
15 Q. Vous dites que vous rentriez le même jour et vous rentriez où ?
16 R. Tout d'abord, je revenais en Herzégovine là où je suis né.
17 Q. Où en Herzégovine ?
18 R. C'est Drinovci, c'est le nom du village. Mon frère a une maison là-bas,
19 je suis né là-bas, mon épouse, mes enfants ont été.
20 Q. Pourriez-vous nous aider, car il se peut que tout le monde ici ne
21 connaisse pas cet endroit, je confesse que je ne sais pas où ça se trouve.
22 Où ça se trouvait par rapport à Mostar ?
23 R. C'est 50, 60 kilomètres de Mostar.
24 Q. Vous dites que vous allez assister à des réunions à Sarajevo en tout
25 cas parfois avec l'aide de la FORPRONU. Pourriez-vous nous dire au cours de
26 l'année 1993, combien de fois vous avez fait cela ?
27 R. Je suis allé assister à des réunions importantes surtout les réunions
28 de travail de la présidence.
Page 29824
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29825
1 Q. Il y a eu combien de ces réunions importantes ?
2 R. Peut-être cinq, six fois.
3 Q. Je passe à un autre sujet. Au cours des questions que vous a posées Me
4 Karnavas et peut-être d'autres avocats de la Défense, vous avez parlé de la
5 fourniture d'assistance militaire, matériel, munitions, donc fourniture par
6 les Croates aux Musulmans. N'est-il pas exact de dire que cela s'est passé,
7 en tout cas, qu'il y a eu des moments où la partie croate, que ce soit les
8 gens à Grude ou à Zagreb, ont fourni de l'aide militaire, de l'assistance
9 aux Musulmans. Mais ça s'est passé au cours de périodes où il n'y avait pas
10 de guerre entre les Croates et les Musulmans; c'est exact, n'est-ce pas ?
11 R. Non, je ne peux pas répondre à la question posée, je ne peux pas le
12 contester, je ne peux pas le confirmer non plus. Je pense qu'il y a
13 toujours eu des conflits sauf qu'ils ils ne se sont pas tous détériorés, et
14 si vous voulez, il y a toujours eu de l'aide.
15 Q. Dans le procès Kordic, page 20 480 et suivantes, le 4 juin 2000, vous
16 avez déclaré ceci sous serment : "Pour ce qui est des munitions reçues des
17 Musulmans ou qu'ils n'auraient pas reçues des Croates, ça dépendait de la
18 situation politique. Il est donc possible, lorsque les relations politiques
19 étaient meilleures, qu'il y a eu cette fourniture. Mais lorsqu'il y a eu
20 escalade de conflits, ça été empêché. Donc c'était une situation en dents
21 de scie."
22 C'est ce que vous avez dit au cours du procès de Kordic, n'est-ce pas ?
23 R. Je pense que je viens de dire à peu près la même chose. Je ne peux pas
24 dire exactement la même chose que j'ai dite il y a huit ans. Mais je pense
25 qu'au fond j'ai dit la même chose à l'époque comme aujourd'hui.
26 Q. Nous n'avons pas le temps de parler longtemps de cet homme, il suffira
27 peut-être - pour le moment, j'insiste là-dessus "pour le moment," - de dire
28 ceci de Fikret Abdic, c'était un criminel de guerre qui avait et est
Page 29826
1 toujours condamné ?
2 R. Oui, je pense que c'est exact, je l'ai appris dans les journaux.
3 Q. Il a été condamné en juillet 2002, condamné à 20 ans de réclusion
4 criminelle pour des crimes commis dans des camps et centres de détention
5 fonctionnant sous sa direction pour traitements inhumains de prisonniers et
6 de civils, dont tortures et travaux forcés. Vous vous en souvenez ?
7 R. Non, je ne me souviens pas de ces événements. Mais j'ai lu dans les
8 journaux que M. Fikret Abdic a été condamné pour certains crimes. Cela a
9 été dit, je ne sais pas ce qui s'est passé à Kladusa et à Bihac.
10 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir lu dans la presse que le juge qui
11 l'a condamné a dit que les prisonniers qui ont été le plus torturés
12 c'étaient ses adversaires politiques ?
13 R. Je ne me souviens pas de cela.
14 M. SCOTT : [interprétation] Prenons la pièce P 10468, troisième classeur,
15 Messieurs les Juges.
16 Q. Il s'agit d'un entretien accordé au Washington Post, en tout cas c'est
17 paru dans ce journal le 16 février 1993. Je vais vous en lire quelques
18 extraits pour ensuite vous poser quelques questions.
19 Début de l'article :
20 "Parler, avoir une conversation avec Mile Akmadzic, le premier ministre de
21 Bosnie-Herzégovine c'est comme parler à trois personnes différentes.
22 Parfois, il parle en tant que fonctionnaire représentant officiel d'un
23 gouvernement souverain et présente sa position en matière de guerre civile
24 et de paix, parfois il a la voix d'un nationaliste croate et critique les
25 positions du gouvernement et contre les Serbes et les Musulmans."
26 Et là apparemment il vous cite, il dit : "Parfois je parle en mon nom
27 personnel," a-t-il dit au cours de cette interview donnée la semaine
28 dernière. "Donc ça peut créer la confusion."
Page 29827
1 Est-ce que c'est bien ici rendre la réalité des faits que vous vous
2 souveniez de cet entretien ou pas ? Est-ce qu'à votre avis c'est bien
3 rendre compte de - ce n'est pas ici vous manquer de respect - de vos trois
4 personnalités différentes du fait que vous portez trois casquettes
5 différentes ? Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus ?
6 R. Je ne dirais pas trois fonctions différentes, mais je dirais qu'elles
7 étaient peut-être différentes, mais il ne s'agissait pas de trois
8 fonctions.
9 Q. Un peu au-dessus du milieu, il y a ici une citation qui vous est
10 attribuée, qui vous est prêtée, "Apparemment Akmadzic - et c'était
11 prévisible - a trois avis différents en ce qui concerne le plan Vance-
12 Owen," je vous rappelle la date c'est février 1993, donc "Akmadzic - et
13 c'est prévisible - a trois avis différents à propos du plan Vance-Owen. 'Le
14 gouvernement,' c'est cité, 'ne l'acceptera pas tel qu'il est proposé,' dit-
15 il, "en qualité de premier ministre."
16 On revient à ce que vous avez dit hier, vous le saviez déjà dès février,
17 vous le saviez encore en janvier, mais vous saviez qu'à la date de février
18 le gouvernement n'avait pas accepté le plan Vance-Owen ?
19 R. C'était à l'époque des négociations, les négociations étaient
20 difficiles. Quand on dit le gouvernement ici, on ne parle pas du
21 "gouvernement," ici on parle de la présidence, donc ceux qui négociaient au
22 nom de la présidence. C'est ce que je pensais puisque les négociations
23 avançaient péniblement. A la fin, ces négociations ont été couronnées d'une
24 certaine façon de succès, mais d'une certaine façon.
25 M. SCOTT : [interprétation] Je vais aborder un nouveau sujet. Nous sommes à
26 quelques minutes de la pause, mais peut-être pourrait-on la faire
27 maintenant ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je voudrais que vous regardiez
Page 29828
1 toujours ce document, parce que ça me paraît important, le dernier
2 paragraphe. Parce que vous dites des choses qui peuvent avoir de
3 l'importance. Vous avez vu le dernier paragraphe, à la page 3 ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas lu. Vous me permettez de lire à
5 présent ?
6 Oui, je le vois. Je vois ce paragraphe.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous indiquez aux journalistes que vous êtes un
8 Bosnien de cœur, que vous appartenez au peuple croate, mais pas à l'Etat de
9 Croatie.
10 C'est bien ce que vous dites ? Et vous le dites à ce journal, ô combien
11 célèbre, le Washington Post.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'ai dit, oui. C'est ce que j'ai
13 dit, c'était il y a longtemps. Je ne me souviens pas de mes propos exacts,
14 mais je pense que j'ai dit que j'étais Bosniaque, ou plutôt, citoyen de
15 Bosnie-Herzégovine, pas un Bosnien au sens qui a été précisé à Washington.
16 Puisque nous avons deux termes. Vous avez quelqu'un qui est citoyen de
17 Bosnie-Herzégovine; puis l'autre, qui correspond à la nationalité
18 bosnienne, à un terme nouveau, ces Musulmans qui s'appellent comme cela. A
19 l'époque cela n'existait pas encore.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est l'heure de faire la pause. Nous allons
21 faire 20 minutes de pause.
22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
23 --- L'audience est reprise à 10 heures 52.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
25 Monsieur Scott, vous avez la parole.
26 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous avons
27 retrouvé la traduction de l'article précédemment examiné. Il s'agit de la
28 pièce P 10 000 -- excusez-moi un instant, j'ai deux cotes. Etait-ce 10482
Page 29829
1 ou 483 ? P 10482.
2 Q. Monsieur le Témoin, vous avez encore sous les yeux l'original en croate
3 dans sa version agrandie. Vous comprenez bien l'anglais, donc vous pouvez
4 vous pencher sur les deux versions, voyez ce qui est le plus utile.
5 J'appelle votre attention sur le bas de la première page en anglais.
6 Dans le document original, ce passage se trouve -- alors sous votre photo
7 on peut lire un point, un tiret, puis "Za". Et à la fin de ce paragraphe,
8 voilà ce qu'on peut lire : "J'ai quitté Sarajevo avant le Nouvel An avec
9 l'autorisation du gouvernement qui m'a permis à participer aux négociations
10 à Genève sur l'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine. Je ne suis
11 pas retourné à Sarajevo après cette date."
12 Est-ce que vous êtes d'accord ? Est-ce que cela reflète fidèlement
13 vos propos ?
14 R. Non. J'étais à Sarajevo le 20 janvier aux négociations avec Vance et
15 Owen et à la session de la présidence.
16 Q. Page 2 de la traduction en anglais, dans l'article -- si vous le
17 souhaitez, vous pouvez examiner le quatrième point dans la colonne de
18 gauche, donc au bas de cette colonne. Voilà ce qu'on peut lire au bas de la
19 page 2 dans la version en anglais. Je cite : "Malheureusement, j'ai
20 rarement des contacts avec les membres du gouvernement à Sarajevo. Le
21 téléphone de mon bureau est éteint, les connexions sont très mauvaises,
22 donc je peux dire que je ne suis pas du tout en contact avec les membres
23 musulmans du gouvernement. Nous, les membres croates du gouvernement, nous
24 nous trouvons tous à l'extérieur de Sarajevo, à l'exception d'une personne.
25 Nous avons des réunions, des consultations régulières, si bien que d'une
26 certaine manière, nous participons aux activités qui peuvent être en
27 relation avec le gouvernement de Bosnie-Herzégovine et le HVO."
28 Sont cela les renseignements que vous avez communiqués à Vecernji
Page 29830
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29831
1 List le 4 mai 1993 ?
2 R. Oui.
3 Q. Pouvez-vous maintenant examiner la pièce P 10472 qui doit se trouver
4 dans le troisième classeur. P 10472. Il s'agit d'un autre entretien qui
5 vous concerne, la date est celle du 27 août 1993. Au cinquième paragraphe,
6 voilà ce qu'on peut lire, l'article a été rédigé le 27 août 1993. Donc
7 lorsqu'il est question du mois de janvier, il s'agit du mois de janvier
8 1993. "En janvier, Akmadzic s'est rendu à Genève avec la délégation
9 bosniaque, mais à son arrivée, il a rejoint la délégation croate dirigée
10 par le Croate de Bosnie, Mate Boban. Depuis, il se trouve soit dans la
11 capitale de la Croatie, Zagreb, ou à Grude, un bastion croate qui se trouve
12 sur l'est de la Bosnie. Il n'a fait que de brefs et courts voyages à
13 Sarajevo."
14 Est-ce exact ?
15 R. Oui, c'est exact. Et comme vous pouvez le voir, je n'ai pas quitté
16 Sarajevo en janvier, j'étais allé à Genève dans le cadre d'une délégation
17 de Bosnie-Herzégovine. Il est inexact de dire que mon siège se trouvait ni
18 à Zagreb ni à Grude. La majorité de mon temps je le passais aux
19 négociations.
20 Q. Pouvez-vous maintenant examiner la pièce P 10473, même classeur. En
21 principe, c'est le document suivant, 10 473. Il s'agit là apparemment d'un
22 autre article paru dans le Washington Post, il est daté du 24 décembre
23 1993.
24 Dans la version en anglais, cela se trouve sur la deuxième page, donc
25 l'anglais ici est la langue originale puisque c'est le Washington Post.
26 "Depuis Haris Silajdzic, l'ancien ministre des Affaires étrangères âgé de
27 48 ans est devenu le 25 octobre premier ministre, succédant ainsi à son
28 prédécesseur croate Mile Akmadzic, Sarajevo est devenue une nouvelle
Page 29832
1 ville." Est-ce que vous voyez
2 cela ?
3 R. Malheureusement, je ne le vois pas, mais je peux répondre à votre
4 question quand même.
5 Q. Est-il exact de dire que vous étiez "le prédécesseur croate" de M.
6 Silajdzic ?
7 R. Absent dans la signification dont on a déjà parlé, oui. Et présent
8 aussi, oui. Donc, présent parfois.
9 Q. Vous avez déclaré dans l'affaire Kordic que vous étiez un bon ami de
10 Mate Boban, que vous le connaissiez depuis l'enfance. Est-il exact que vous
11 étiez un bon ami de M. Boban et que vous le connaissiez depuis votre
12 enfance ?
13 R. Oui, j'aimerais que vous lisiez plus loin ce que je dis encore.
14 Q. Veuillez simplement répondre à ma question. Est-ce que vous étiez un
15 bon ami de M. Boban ? Est-ce que vous connaissiez M. Boban depuis l'enfance
16 ?
17 R. Oui, je l'ai connu dans mon enfance, puis on s'était plus vu pendant 30
18 ans ou à peu près.
19 Q. Est-ce que vous êtes tous les deux nés à Grude où vous avez grandi ?
20 R. Au sens large du terme, oui. Du point de vue de la municipalité, mais
21 nous ne sommes pas originaires du même village.
22 Q. Dans l'affaire Kordic, page 20 409 du compte rendu d'audience de cette
23 affaire, le 5 juin 2000, je cite : "Sur un certain nombre de questions, je
24 n'étais pas tout à fait d'accord avec M. Boban car j'avais été intégré dans
25 Sarajevo. Mais nous avons essayé de ne pas nous disputer au sujet des
26 questions sur lesquelles nous n'étions pas d'accord."
27 Alors, est-ce que vous pourriez nous dire, d'après vos souvenirs, quels
28 étaient les points sur lesquels vous n'étiez pas en accord avec M. Boban ?
Page 29833
1 R. Nous n'étions pas d'accord du point de vue du fait que j'aimais
2 Sarajevo. J'étais devenu habitant de Sarajevo indépendamment du fait que
3 mon lieu de naissance soit près de celui de M. Boban. Et souvent, il disait
4 qu'il n'aimait pas du tout Sarajevo. En réalité, il n'a jamais vécu dans
5 Sarajevo.
6 Q. Etiez-vous en désaccord avec M. Boban sur ses idées politiques
7 concernant l'Herceg-Bosna, sa création et son fonctionnement ?
8 R. Comme vous le savez, je n'étais pas présent lors de la création de
9 l'Herceg-Bosna. J'étais plus souple et plus modéré que Boban. C'était un
10 homme quelque peu ferme, dur. Je ne vais pas dire il avait raison ou tort,
11 nous sommes des personnalités différentes.
12 Q. Pourriez-vous nous donner un exemple de questions où M. Boban se serait
13 montré plus radical que vous, question sur laquelle vous auriez été tous
14 les deux en désaccord ?
15 R. Je n'ai pas dit qu'il appartenait à la ligne dure, j'ai dit que c'était
16 un homme dur de par son caractère, et que j'étais plus modéré. Et, à cet
17 effet, nous ne partagions pas les mêmes points de vue mais nous pouvions
18 coopérer.
19 Q. Vous venez de dire, à la ligne 24 de la page 43 : "J'ai dit que c'était
20 son caractère en tant que personne, c'est-à-dire qu'il était dur, c'était
21 un dur." Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple de situation où M.
22 Boban se serait montré dur et tous les deux vous auriez été en désaccord,
23 ou alors est-ce que vous n'étiez jamais en désaccord ? Si c'est le cas,
24 dites-le-nous.
25 R. Aux négociations, il défendait des positions et il cédait difficilement
26 du terrain. Et lorsque nous avions d'un côté M. Izetbegovic, qui était tout
27 aussi dur, et Boban dur, de son côté, lui, il était difficile d'aboutir à
28 des accords. Je défendais des positions qui disaient qu'il fallait y avoir
Page 29834
1 davantage de compromis et qu'il devait y avoir une véritable concertation
2 et moins de politisation.
3 Q. Etiez-vous en désaccord avec M. Boban sur les revendications
4 territoriales, par exemple, sur les territoires que devait comprendre
5 l'Herceg-Bosna ou sur les territoires qui devaient être donnés aux Croates
6 à la suite des négociations ?
7 R. On ne s'est pas entretenus sur ce sujet. Je ne voulais pas en parler du
8 tout.
9 Q. Excusez-moi, vous dites qu'au cours de toutes ces négociations de paix
10 dont vous avez beaucoup parlé, Cutileiro, Vance-Owen, Stoltenberg, l'accord
11 de Washington, au cours de toutes ces négociations, M. Boban et vous-même
12 n'avez jamais parlé des questions territoriales, c'est ce que vous dites ?
13 R. On en a parlé en général, pas dans le détail. J'ai cru comprendre que
14 votre question sous-entendait les détails. J'étais grand adepte du plan
15 Vance-Owen, et de nos jours encore je suis favorable à ce type de plan et à
16 ce type d'organisation de la Bosnie-Herzégovine. De là à savoir s'il y
17 aurait un peu plus ou un peu moins de territoire, c'est une autre question.
18 Autre chose aussi, ces territoires n'avaient pas seulement un caractère
19 ethnique, quelque chose que nous avons déjà établi ici. Ces territoires,
20 d'après le plan Vance-Owen -- ou plutôt, les provinces en question étaient
21 censées être la résultante de plusieurs caractéristiques différentes, à
22 savoir ethnique, culturel, géographie, historique, et enfin tout un
23 diapason d'aspects devait être représenté.
24 Q. A maintes reprises, vous vous êtes entretenu avec Boban et Tudjman au
25 sujet des territoires revendiqués par l'Herceg-Bosna, des frontières qui
26 devaient être créées. Vous avez examiné ensemble des cartes, vous avez
27 parlé de questions bien précises et vous avez proposé cela aux
28 négociations, n'est-ce pas ?
Page 29835
1 R. Oui, c'est exact. C'est exact, oui.
2 Q. J'enchaîne sur ce que vous venez de dire. N'est-il pas exact de dire
3 qu'à l'automne 1992, lorsque vous êtes devenu vice-président du HDZ de
4 Bosnie-Herzégovine et premier ministre, à partir de ce moment-là et
5 jusqu'en 1993, vous étiez le bras droit de Tudjman et de Boban pour ce qui
6 est de la mise en œuvre de leurs programmes et de leurs politiques, n'est-
7 ce pas ?
8 R. Cela n'est pas exact, surtout pas pour ce qui est de Tudjman. Je n'ai
9 jamais aimé avoir au-dessus de moi une espèce d'idole, et encore moins
10 Tudjman, que j'ai toujours considéré comme étant le chef d'un Etat dont on
11 ne négociait pas à ce moment-là. Pour ce qui est de Boban, lui, était chef
12 de la délégation dont j'étais membre moi-même et seulement au cas où il
13 était discuté, débattu de l'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine.
14 Boban et moi avons visité ensemble le Canada, l'Etat du Canada. Je peux
15 vous montrer mon passeport et c'était moi qui étais chef non pas d'une
16 délégation mais, disons, d'une mission.
17 Q. Donc pendant toute l'année 1993 et pendant l'année 1994, voire plus
18 tard, vous vous entendiez très bien avec Tudjman et vous suiviez ses
19 consignes, n'est-ce pas ?
20 R. Non.
21 Q. Examinons ensemble la pièce P 07480 si vous le voulez bien, deuxième
22 classeur. Il s'agit du procès-verbal d'une réunion avec le président
23 Tudjman tenue le 5 janvier 1994. En première page, nous voyons le nom de
24 certains participants, M. Tudjman, M. Akmadzic, M. Mate Granic, et la
25 réunion s'est tenue à la résidence présidentielle le 5 janvier 1994.
26 J'appelle votre attention sur les pages 15 et 16 de ce document.
27 Au bas de la page 15, nous voyons une déclaration attribuée au président,
28 je cite : "Nous avons une réunion du Conseil de la Défense et de la
Page 29836
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29837
1 Sécurité nationale, VONS, qui va se tenir demain." Pouvez-vous rapidement
2 nous confirmer que le VONS est bien le Conseil de la Défense et de la
3 Sécurité nationale, comme il est dit ici ?
4 R. Je pense que oui. D'après ce que j'en sais, oui.
5 Q. Vous souvenez-vous du nombre de fois où vous avez assisté à des
6 réunions du VONS ?
7 R. Pour autant que je m'en souvienne, seulement une fois.
8 Q. En haut de la page 16 -- et alors on verra à la fin du compte rendu
9 pour ce qui est de la question des négociations de paix, mais pour le
10 moment, nous sommes au début du mois de janvier 1994. En haut de la page
11 16, le texte se lit comme suit, Mile Akmadzic : "Monsieur le Président,
12 est-ce qu'il ne serait pas préférable que si je reste ici jusqu'à samedi,
13 je devrais partir samedi ?"
14 Le Président : "Non, non, vous allez à Bonn. (Donc je devrais rester ici,
15 ne pas aller là-bas et ne pas parler de ces questions.)"
16 M. Granic : "Non, vous devez les informer de tout ce qui s'est passé. Je
17 pense qu'il est de la plus haute importance que vous les informiez de tout
18 ce qui s'est passé."
19 Le Président : "Informez-les, mais restez ici. (Vous devez rester ici)."
20 M. Akmadzic : "J'en informerai Boban par téléphone demain. (Oui)."
21 Comme je l'ai dit il y a un instant, Monsieur, est-ce que cela n'est pas là
22 l'une des nombreuses occasions où vous étiez de mèche avec le président
23 Tudjman, vous avez même obtenu des consignes très précises de sa part sur
24 les endroits où vous deviez aller ou ne pas aller ?
25 R. Puis-je répondre à votre question ?
26 Q. Pourriez-vous répéter votre réponse, s'il vous plaît.
27 R. Non, je n'ai pas répondu. Vous m'avez demandé une réponse, une
28 explication à ce sujet.
Page 29838
1 Q. Monsieur, je vous ai demandé si cela ne montrait pas que vous
2 travailliez en étroite collaboration avec M. Tudjman, vous étiez de mèche
3 avec lui, vous suiviez ses consignes, y compris sur les endroits ou vous
4 deviez aller ou ne pas aller; c'est bien cela ?
5 R. Dans ce cas concret, Messieurs les Juges et Monsieur le Procureur, il
6 s'agit du début des négociations de Washington, où la Croatie a été partie
7 prenante de façon directe à la demande de la communauté internationale. Il
8 y a des négociations qui commencent à Francfort, puis qui se poursuivent à
9 Bonn, puis qui se terminent à Washington, et c'est ce qu'on appelle les
10 négociations et accords de Washington. La Croatie a été intégrée à la
11 demande de la communauté internationale et M. Tudjman aussi, et les
12 négociations sont conduites par Mate Granic, comme on le dit dans le texte.
13 Q. Pourriez-vous maintenant examiner la pièce P 07516, deuxième classeur,
14 P 07516. Il s'agit du procès-verbal d'une réunion tenue au palais
15 présidentiel le 7 janvier 1994, deux jours plus tard. Parmi les
16 participants, nous avons M. Tudjman, Granic, Akmadzic, Vicevic [phon],
17 Sancevic, Makic [phon] et peut-être d'autres.
18 J'appelle votre attention sur la page 71 de ce document, pages 71 et 72.
19 Veuillez examiner ces pages et nous dire si cela ne montre pas que vous et
20 d'autres avez eu une conversation détaillée sur la manière dont certains
21 projets de documents allaient être rédigés. En fait, vous étiez en train de
22 rédiger ce document. Vous choisissiez des termes; c'est bien cela ?
23 R. Je dirais ici, comme je l'ai déjà précisé, que la Croatie a été
24 intégrée à ces négociations et les accords de Washington avaient prévu une
25 confédération entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, et de ce point de
26 vue-là on a examiné tous les aspects relatifs auxdites négociations.
27 Q. A cette occasion, vous évoquez un scénario où la République croate
28 d'Herceg-Bosna aurait le droit de rejoindre la République de Croatie. Donc
Page 29839
1 vers la fin de cette réunion au bas de la page 72, par exemple, vous dites,
2 on peut voir Mile Akmadzic, je cite : "Je n'utiliserais pas le terme,
3 'alors que,' 'whereas'" en anglais. Est-ce que vous voyez cela ?
4 R. Moi, je ne l'ai pas retrouvé, hélas. De quelle page parlez-vous ?
5 Q. Page 72, cela se trouve au bas de la page 72. Cela doit correspondre à
6 la même page en croate.
7 R. Ici il est dit, Mile Akmadzic : "Je ne dirais pas, M. Matic, le "A"."
8 Q. S'agissant des revendications territoriales dont j'ai parlé il y a un
9 instant, est-il exact qu'au début de vos conversations à ce sujet, les
10 territoires qui devaient être revendiqués par la communauté croate
11 d'Herceg-Bosna étaient appelés Hrvatska Banovina ?
12 R. Ce n'est pas exact, Monsieur. Si vous le demandez je peux vous
13 l'expliquer.
14 Q. Dans l'affaire Kordic, pages 20 494 et 20 495, le 6 juin 200 vous avez
15 dit la chose suivante, je cite : "Au début, avant la signature du plan
16 Vance-Owen et avant que la Bosnie-Herzégovine ne soit reconnue, avant que
17 des relations diplomatiques ne soient mises en place, pour ce qui est des
18 solutions politiques pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, Tudjman a
19 mentionné le fait que la République croate, ou plutôt, la communauté croate
20 d'Herceg-Bosna en Bosnie-Herzégovine devait comprendre les régions qui
21 faisaient partie de la
22 banovina serbe en Bosnie-Herzégovine." Par exemple, je poursuis la lecture
23 de votre déposition : "Je suis né en banovina serbe -- ou en banovina
24 croate," plutôt. "A l'époque où je suis né c'était la banovina croate."
25 C'est ce que vous avez dit sous serment dans l'affaire Kordic; est-ce
26 exact ?
27 R. Le mot "serbe," c'était une erreur technique, le nom dont vous venez de
28 donner lecture. Un deuxième fait est que je suis né le 1er octobre 1939,
Page 29840
1 lorsque c'était la banovina croate, et dire le contraire et, je pense, que
2 dorénavant et désormais ce n'est plus la banovina, ce ne sera plus une
3 banovina. Donc il n'est pas vrai de dire que M. Prlic est né dans la
4 République socialiste de Croatie, mais il est né dans la République de
5 Croatie.
6 Q. Vous souvenez-vous d'un homme répondant au nom d'Ivo Komsic et dans
7 l'affirmative savez-vous quelles fonctions il occupait en 1993 ? Pourriez-
8 vous nous dire quel rôle il a joué dans les événements survenus en Bosnie-
9 Herzégovine ? Ivo Komsic.
10 Q. Lorsque la présidence de la Bosnie-Herzégovine, de façon illégale, a
11 remplacé ou congédié Miro Lasic et Franjo Boras, à leur place ont été élus
12 M. Kljuic et M. Ivo Komsic. Cela signifie qu'indépendamment de sa
13 démission, M. Kljuic revient à la présidence alors que M. Komsic, lui, qui
14 ne l'a pas emportée aux élections vient à la présidence. On en a déjà parlé
15 lors de mon témoignage.
16 Q. Vous avez assisté à un certain nombre de réunions de travail dans le
17 cadre des négociations, y compris à Genève, en compagnie de M. Komsic dans
18 le courant des années 1993 et 1994, n'est-ce pas ?
19 R. M. Komsic, souvent allait aux négociations non pas comme membre de la
20 délégation, mais il faisait partie d'un groupe d'accompagnement. Il disait
21 qu'il était expert en matière d'aménagement, d'aménagement politique de
22 l'Etat de par sa profession, et il proposait des solutions constructives,
23 assez constructives pour ce qui est notamment de résoudre des questions,
24 notamment en Bosnie centrale. Parce que lui était originaire de Kiseljak,
25 me semble-t-il.
26 Q. Je vous remercie de nous avoir communiqué ces renseignements
27 supplémentaires. Mais pour résumer, vous dites qu'effectivement vous avez
28 assisté à un certain nombre de réunions de négociations en compagnie de M.
Page 29841
1 Komsic, n'est-ce pas ?
2 R. Quelques-unes de ces négociations, pas beaucoup.
3 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner la pièce P 10508 qui se trouve
4 dans le troisième classeur. P 10508.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Scott, malheureusement,
6 nous ne trouvons pas ce document.
7 M. SCOTT : [interprétation] Il s'agit d'un document qui ne fait pas partie
8 du jeu de documents, excusez-moi.
9 Le document est affiché à l'écran. Mais je rappelle qu'il s'agit de la
10 pièce 10508.
11 Q. Monsieur le Témoin, je pense que maintenant vous avez ce document.
12 Avant de vous poser quelques questions à son sujet, je vous soumets
13 l'hypothèse suivante : n'est-il pas vrai de dire qu'en 1993 à 1994, vous
14 avez continué à prôner une politique de nettoyage ethnique sous une forme
15 ou une autre, il s'agissait soit d'expulser les Musulmans des secteurs
16 croates, soit de réduire de manière drastique leur nombre ?
17 R. Non, ce n'est pas exact.
18 Q. Si l'on examine la pièce P 10508, il s'agit d'un extrait du livre de M.
19 Komsic intitulé "Pays rescapé, qui a divisé la Bosnie-Herzégovine, quand et
20 où." La Chambre a déjà entendu parler de ce livre, elle en a déjà examiné
21 certains extraits.
22 Dans le passage que je vous ai remis, que vous devez avoir en anglais et en
23 croate, s'agissant du 27 juillet 1993, M. Komsic indique, je cite : "Nous
24 sommes arrivés à Genève hier, nous sommes restés à l'hôtel du Président.
25 Boras et Akmadzic ont rejoint la délégation de Sarajevo à l'aéroport de
26 Zagreb. Lasic m'a invité hier soir dans sa chambre pour que l'on discute.
27 Akmadzic et Boras étaient présents."
28 Puis, le texte se poursuit quelques lignes plus bas, fin du premier
Page 29842
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29843
1 paragraphe : "Akmadzic et Boras ont essayé de me convaincre que cela," vu
2 le contexte, il s'agit de l'intérêt des Croates et de la Croatie en tant
3 qu'Etat, "Akmadzic et Boras ont essayé de me convaincre que cela serait
4 vrai aux motifs que l'accord conclu entre les Serbes et les Croates avaient
5 été contestés par Lasic et par moi."
6 Alors quel est cet accord conclu entre les Serbes et les Croates au moins
7 de juillet 1993 ou vers cette date ? De quoi s'agit-il, si vous vous en
8 souvenez ?
9 R. Je ne pensais à aucun accord avec les Serbes qui exclurait les
10 Musulmans au cours d'aucune guerre, à l'époque comme aujourd'hui.
11 Q. Vous souvenez-vous qu'après l'échec du plan Vance-Owen en juin 1993,
12 quelques semaines avant cet événement reporté pour la date du 27 juillet,
13 Tudjman et Izetbegovic s'étaient rencontrés de nouveau et s'étaient mis
14 d'accord sur un plan de division de la Bosnie-Herzégovine; est-ce exact ?
15 R. Tudjman et --
16 Q. Excusez-moi, je voulais parler de Tudjman et de Milosevic.
17 R. Je n'ai pas assisté à cette réunion, je ne suis pas au courant de cela.
18 Je sais que Tudjman et Izetbegovic se sont rencontrés au moins une fois par
19 mois.
20 Q. Un peu plus bas sur cette page, le texte se lit comme suit, paragraphe
21 suivant : "En défendant leurs positions respectives, Boras et Akmadzic ont
22 révélé qu'ils acceptaient toujours la politique de nettoyage ethnique et
23 qu'elle devait prendre la forme de 'déplacement pacifique et volontaires.'
24 Ils avaient besoin d'un accord à cette fin, il fallait que les choses
25 soient finalisées différemment et sans avoir recours à la force."
26 C'est ce que vous avez dit à Komsic le 27 juillet 1993 ?
27 R. Ce n'est pas exact, mais je vais expliquer quelle était la politique
28 qui existait au moment des négociations, pas seulement chez nous. Il n'y a
Page 29844
1 pas de nettoyage ethnique, il n'y a pas de transfert forcé, il n'y a pas
2 d'interdiction de transférer des individus. Donc chacun a le droit de
3 choisir son lieu de résidence, mais on n'a pas le droit de le forcer à
4 cela. Peut-être que M. Komsic a mal compris le mot qui est utilisé, le
5 terme "volontaire," qui n'a pas le droit d'interdire à qui que ce soit de
6 choisir son lieu de résidence.
7 Q. Je vais maintenant vous demander d'examiner la pièce
8 P 07260. Je pense que la plupart des personnes l'auront déjà trouvée.
9 Examinons ce procès-verbal, transcription d'une réunion avec notamment M.
10 Tudjman au palais présidentiel à Zagreb le 19 décembre 1993.
11 Pour recadrer rapidement les choses, nous allons voir rapidement la page
12 16.
13 On y voit votre nom. Et si je prends cette page, c'est parce que ceci
14 montre que vous avez participé à la réunion "1.4 autour de Jajce et 0.5 en
15 dessous de Stolac." Nous allons revenir à cela dans un instant.
16 Mais une fois de plus, nous avons une réunion à laquelle vous participez,
17 réunion avec le président Tudjman qui se tient le 19 décembre 1993. Il y a
18 plusieurs pages, notamment les quatre premières au cours desquelles le
19 président Tudjman et M. Boban, comme d'autres, parlent de la libération de
20 prisonniers musulmans qui se trouvent dans des camps du HVO en Bosnie-
21 Herzégovine. Au milieu de la page 2, Boban dit notamment : "Il ne reste
22 plus un seul camp. Tout s'est terminé exactement la soirée du 17."
23 Le président : "Faites une déclaration à ce propos.
24 Boban : "Reuters a pris toutes ces nouvelles hier soir et c'est en train
25 d'être publié."
26 Maintenant, en bas de la page 3.
27 Granic : "Monsieur le Président, c'est une excellente décision très forte
28 qui a eu beaucoup d'impact et qu'il voudrait approfondir encore, par
Page 29845
1 conséquent."
2 Page 4, Boban : "CNN en a parlé hier soir."
3 Bas de la page 4, il semblerait que M. Tudjman vous confie une nouvelle
4 mission. "Mile, écris tout ça pour que tu puisses utiliser cela."
5 Ce sont des instructions que vous donne le président Tudjman, n'est-ce pas
6 ?
7 R. Souhaitez-vous que je réponde à la question ?
8 R. Oui, c'était la question que je vous posais. Est-ce qu'il y avait
9 quelqu'un d'autre qui s'appelait Mile à la réunion ?
10 R. Non, c'était moi. J'ai été mandaté par le peuple croate bosniaque au
11 moment où on a commencé à négocier les accords de Washington, j'ai été
12 mandaté pour écrire un document sur la base duquel les côtés croate et
13 musulman pourraient arriver à un accord. Autrement dit, la conférence
14 internationale exigée à l'époque où M. Redman était encore un envoyé
15 spécial du président des Etats-Unis d'Amérique, que les Croates et les
16 Musulmans ont des conflits entre eux, qui sont moins importants que celui
17 qui les oppose aux Serbes, et que les Croates et les Musulmans doivent être
18 les premiers à trouver la paix, et ensuite il s'agira de trouver la paix,
19 de faire la paix avec les Serbes.
20 Q. Oui, à cet égard - et d'ailleurs dans ce même document, nous allons
21 avancer dans la lecture pour arriver à la page 15 - le président Tudjman
22 aborde le sujet des négociations en cours.
23 Président : "Allez, avançons, passons aux préparatifs en vue des réunions à
24 Genève et Bruxelles. Il nous faut examiner deux problématiques. Il y a
25 l'accord politique pour ainsi dire, mais il faut examiner les formulations
26 de façon détaillée. La deuxième chose c'est ce que nous pensons de la
27 démarcation territoriale. Akmadzic et Matic, est-ce que vous avez étudié
28 chacune des formulations ?"
Page 29846
1 Un peu plus bas, "Président : Mettons-nous d'accord sur ce que nous
2 devrions faire d'abord. Ça pourrait être d'abord aborder la question
3 territoriale. Les troupes dont nous avons besoin afin de ne pas tous perdre
4 notre temps. D'après tous ces rapports et d'après ce que Sarinic et
5 Akmadzic ont entendu dire pendant les négociations, Owen et Stoltenberg
6 mènent les négociations de telle façon qu'en fait ils ne remplissent pas la
7 tâche que leur a confiée la Mission européenne, à savoir que 3,3 %
8 supplémentaire du territoire devait être donné aux Musulmans aux dépens des
9 Serbes. D'après ce que Sarinic m'a dit, ils voulaient même 1,9 % ou 2,3 %
10 des Croates."
11 Un peu plus bas, Sarinic dit ceci : "Quand on regarde les cartes, et
12 apparemment on regarde les cartes, il y avait plusieurs cartes."
13 Puis Akmadzic dit : "1,4 % autour de Jajce et 0,5 % en dessous de Stolac."
14 Qu'est-ce que ça voulait dire 1,4 % et 0,5. Vous faisiez allusion à quoi ?
15 R. Monsieur, à l'époque, on discutait pour savoir comment les Croates et
16 les Musulmans peuvent aboutir à avoir 51 % du territoire. C'est le
17 territoire qu'ils détiennent au jour d'aujourd'hui. D'après cette
18 proposition qui venait de la communauté internationale, les Croates
19 devaient avoir 17,5 % alors que les Musulmans devaient détenir 33 %. On est
20 arrivé jusqu'au chiffre qui à Dayton correspondait à 49 contre 51. Mais à
21 Washington, notre accord n'était pas comme cela, nous étions d'accord que
22 tout le territoire de Bosnie-Herzégovine où la population musulmane ou
23 croate était majoritaire, devait appartenir à la fédération. Ce qui
24 correspondait à peu près à 58 % du territoire.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir ici. Nous avons
26 eu un témoin précédemment, on a parlé des pourcentages. Il y avait une
27 objection soulevée par l'Accusation. Je voulais simplement attirer
28 l'attention de la Chambre sur ce point parce que moi, quand j'essais
Page 29847
1 d'évoquer ceci, l'Accusation affirme qu'il n'y a pas eu de discussions de
2 ce genre, or qu'ici le Procureur utilise le même document que j'essaie
3 d'utiliser. Je voulais simplement vous montrer l'ironie ultime qu'il y a à
4 tout cela. Merci.
5 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas de quoi
6 parle Me Karnavas. Si nous avons le temps, peut-être que nous pourrons en
7 découdre et savoir de quel contexte il s'agit pour voir si ce qu'il dit est
8 exact ou pas.
9 Q. Quoi qu'il en soit, Monsieur le Témoin, page 16, M. Sarinic dit ceci :
10 "Il y a trois domaines où ils sont, c'est ici, 1,4 % et 0,5 %, c'est le 1,9
11 % à toutes fins utiles, ça pourrait être les 2 % qu'ils nous demandent de
12 céder. Ici on a Caplina et ici ils veulent un corridor…" Page 18, haut de
13 la page.
14 Président : "Oui, c'est plus près de Neum, mais le port en passant par
15 Celevo. Vous deux, vous devez régler tout ceci et présenter la chose de
16 façon bien argumentée. Il est exclu que la Croatie accepte une réduction
17 territoriale."
18 Est-ce que vous vous souvenez de la réduction territoriale à laquelle
19 faisait allusion M. Tudjman ici ?
20 R. Je pense qu'ici il s'agit de ces 17,6 % qu'il s'agit de trouver pour
21 satisfaire tous les éléments que nous avons évoqués, du point de vue
22 ethnique et autrement pour définir ce territoire parce qu'il s'agit de les
23 faire, qu'il s'agisse de provinces ou bien d'une entité croato-musulmane de
24 l'avenir.
25 Q. Page 20. En haut de la page, Mile Akmadzic : "Monsieur le Président,
26 les Musulmans ne recherchent ces concessions, ils demandent des concessions
27 en Bosnie occidentale et orientale. Ils mettent l'accent sur les zones où
28 vivent leurs gens, ils ne s'intéressent pas à Kresevo…"
Page 29848
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29849
1 Sarinic fait cette déclaration et on a de nouveau le président, "Nous
2 défendons ce qui est à nous." Vous voyez cette phrase ?
3 R. Je vois cela chez les Musulmans, ce que j'ai dit. Et je vois aussi ce
4 que le président a dit.
5 Q. Où obteniez-vous vos informations s'agissant des concessions que
6 voulaient les Musulmans ou qu'ils ne voulaient pas ?
7 R. Lors des négociations qui ont eu lieu partout, ici on mentionne
8 Bruxelles, Genève, différentes négociations où on est allé et où l'on
9 arrivait à des conclusions par rapport à ce terme que je n'ai jamais voulu
10 utiliser, à savoir le partage de la Bosnie-Herzégovine, parce que moi, je
11 considérais que la Bosnie-Herzégovine devait être composée de différentes
12 entités, mais pas être partagée.
13 Q. Plusieurs personnes interviennent, nous avons alors le président qui
14 s'adresse à vous : "Mile, qu'est-ce que tu penses ?"
15 Mile Akmadzic : "Monsieur le Président, je suis du même avis."
16 Ceci suit une intervention de M. Boban.
17 Excusez-moi, je m'excuse, ici revenons à la page 23 pour regarder
18 tout ceci.
19 Page 23, Boban dit ceci en haut de la page : "Je vais vous dire ce
20 que je pense, moi, et je vais d'ailleurs soutenir ceci par des arguments.
21 C'est la première fois que je le dis, il y avait 45 000 Musulmans à Mostar
22 avant la guerre…" Puis il parle, il discute de cela.
23 Paragraphe suivant, ce que je veux dire c'est que, "Je n'accepterais jamais
24 que cette partie de Mostar de l'autre côté de la Neretva soit pour les 45
25 000 Musulmans. Donc on pourrait accepter que la Neretva devienne une
26 frontière."
27 Voilà le contexte, gardons-le à l'esprit pour passer à la page 24, "Mile,
28 qu'est-ce que tu en penses ?"
Page 29850
1 Akmadzic : "Monsieur le Président, je suis du même avis. Mais pour bien
2 examiner les choses il faut deux versions, il faut avoir la Neretva et
3 Celevo, et il y a aussi la solution là-bas. Si nous avons la solution qui
4 est là-bas, alors elle est acceptable aussi en autant que la frontière
5 continue vers les Musulmans et vers Stolac, part de Buna et de Blagaj et
6 remonte afin qu'on puisse les éliminer totalement, en tout cas de Caplina."
7 Donc ce que vous proposez dans cette discussion avec le président Tudjman
8 c'est en tout cas, je cite le texte, "d'éliminer les Musulmans de Caplina."
9 M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Je vais laisser le soin au témoin
10 de répondre, parce que ce n'est pas de cette façon que j'ai lu le texte.
11 M. SCOTT : [interprétation]
12 Q. Est-ce qu'il est dit ici " …à partir de Buna et de Blagaj en remontant
13 de façon à ce que nous puissions les éliminer complètement, en tout cas de
14 Caplina."
15 R. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. D'ailleurs à la lecture de ce texte
16 on peut dire que c'est moche ce qu'il est dit mais je ne suis pas ce type
17 d'homme, d'ailleurs cela était démontré à travers tous les documents qu'on
18 a pu lire jusqu'à maintenant, même le mot élimination, on peut
19 l'interpréter de différentes façons. Moi, je n'ai pas utilisé ce mot. Et je
20 vais revenir vers vous, Monsieur le Procureur, vous m'avez cité par rapport
21 à ce que j'aurais dit lors de ma déposition dans l'affaire Kordic, et après
22 avoir examiné cela, vous avez pu vous rendre compte de nombreuses erreurs
23 que vous avez faites.
24 Q. Poursuivons au haut de la page 25, ici le président vous pose une
25 question à propos de Mostar : "Un instant. C'était une question," et
26 cetera. Et il revient à vous.
27 Mile Akmadzic : "Il est préférable que nous divisions la ville,
28 préférable que d'avoir 25 000 ou 30 000 Musulmans, mais il faudrait
Page 29851
1 chercher une compensation ailleurs."
2 C'est bien ce que vous avez dit, non ?
3 R. Je ne me souviens pas de cela, mais la division de Mostar d'après
4 le plan Owen-Stoltenberg était toujours à l'ordre du jour. C'était toujours
5 à l'ordre du jour, et à la fin on l'a eu telle qu'elle a été faite au
6 moment des accords de Washington.
7 Q. Bas de la page 25, Susak intervient de nouveau : "Monsieur le
8 Président, le problème c'est qu'ils ne nous donnent pas l'autorisation,
9 alors qu'ici nous avons Mostar, ils vont prendre l'aéroport. Si on autorise
10 la division, elle se fera le long de la Neretva, donc tout ce qui est de
11 l'autre côté de la Neretva sera entre leurs mains."
12 Page 48. Fin de la réunion, le président Tudjman vous confie une
13 nouvelle mission, page 48. Président : "Très bien. Trouve une formulation.
14 Rien d'autre ? Non. Fort bien, Messieurs, je pense que ce sont là les
15 questions essentielles, mais maintenant vous deux, Matic et Akmadzic, devez
16 chacun relire et retravailler les formulations. Il faut que chacune des
17 virgules soit en respect avec le sens alors que le reste va continuer la
18 réunion."
19 Est-ce que vous avez continué à travailler sur le texte, sur la
20 formulation en faisant attention comme vous disait le président Tudjman, à
21 chaque virgule ?
22 R. Non, absolument pas. C'est l'époque à laquelle j'étais en train de
23 rédiger les documents pour aboutir à cet accord définitif avec le côté
24 musulman que l'on appelait entre nous l'accord entre les Croates et les
25 Musulmans.
26 Q. Pièce P 07856, deuxième classeur, Messieurs les Juges.
27 P 07856. Réunion avec le président Tudjman, une fois de plus et avec
28 d'autres, 13 février 1994. Dressons le décor, il y a une première
Page 29852
1 intervention à la première page du président.
2 "Messieurs, j'ai dit au ministre Susak d'inviter Mate et vous autres -- un
3 sommet et des dirigeants de l'Herceg-Bosna, pour que nous nous mettions
4 d'accord sur ce qu'il faut présenter et comment le présenter après tout ce
5 qui vient de se passer. Notre réunion générale à Livno, la réunion à
6 Sarajevo, les pourparlers actuels à Genève, mais surtout la nouvelle
7 situation qui découle de l'initiative entreprise par les Etats-Unis avec un
8 groupe de pays européens afin de trouver une solution à la crise en Bosnie-
9 Herzégovine."
10 On fait ici référence à une nouvelle situation, il s'agit des accords des
11 Washington, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Je vous ai dit qu'on avançait pas par pas. Donc le procès-verbal
13 précédent nous montrait aussi bien que celui-ci, qu'on avance vers les
14 accords de Washington.
15 Q. N'est-il pas exact de dire que fin 1993, début 1994, Owen et
16 Stoltenberg, où ce plan n'était plus sur la table des négociations, il
17 avait été supplanté par une nouvelle proposition comme il est dit ici,
18 proposée par les Etats-Unis et un groupe de pays européens, proposition qui
19 est connue sous le nom de "Washington" ?
20 R. C'est exact, mais il n'y a pas eu de délimitation stricte entre les
21 plans, parce que quand on a vu qu'un plan échouait on allait de l'avant, on
22 allait au pas à pas, et là nous sommes sur la bonne voie des futurs accords
23 de Washington.
24 Q. Page 42, milieu de la page, Président Tudjman, "Si on ne les a pas
25 tous, pour cinq, on peut dire 5 500 et ça ira." Je fais une interruption,
26 on voit le contexte à la page précédente et au haut de cette page-ci, le
27 sujet c'est le nombre de Croates tués suite au conflit opposant les
28 Musulmans et les Serbes, et on suggère qu'il y a quelques 2 500 personnes
Page 29853
1 qui ont trouvé la mort dans le conflit avec les Serbes et qu'il y en a à
2 peu près 5 500 avec les Musulmans.
3 Président Tudjman, il poursuit, "Donc plus de deux fois le nombre de
4 personnes dans le conflit avec les Serbes et il est probable que les
5 Croates ne vont pas vouloir se mettre en situation d'union avec les
6 Musulmans, qu'est-ce que vous pensez, vous seriez d'accord avec le peuple
7 d'Herceg-Bosna ?"
8 Akmadzic : "Je vais être le premier à donner mon avis et cependant, il
9 semble que la direction que prennent les événements dans le monde est telle
10 qu …"
11 Le président vous interrompt et dit : "Oublie ça, les événements du monde…"
12 Page 43, "Notre rôle fondamental c'est l'Herceg-Bosna, notre objectif
13 principal c'est l'Herceg-Bosna avec des frontières, maintenant que la
14 guerre est finie, mais je pense qu'il ne va pas y avoir de problèmes
15 particuliers si nous ne vivons pas dans cette union et puis on revient à
16 cette idée d'une union à trois. Donc on pourrait vivre avec les Musulmans,
17 de la façon dont j'ai parlé dans notre propre république avec nos intérêts
18 protégés, protégés contre deux indépendants, mais dans un certain rapport,
19 ils ont plus de monde, nous en avons parlé. Nous y avons pensé à Genève.
20 Nous avons la Croatie derrière nous, et eux ils ont la masse derrière eux,
21 mais notre connection étroite avec la Croatie doit être présente dans
22 toutes ces variations, et notre séparation aussi, séparation d'avec les
23 Musulmans doit se retrouver par toutes les moutures."
24 C'est bien votre objectif principal ?
25 R. Pas tout à fait, mais l'objectif a été réalisé tout de même. Alors
26 chaque homme doit avoir des droits ethniques, ne pas opter en faveur d'un
27 Etat unitariste, mais en faveur d'une Bosnie-Herzégovine décentralisée aux
28 côtés des Musulmans et des Serbes, si possible, et c'était mon point de
Page 29854
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29855
1 vue, et c'était notre point de vue qui n'a jamais évolué tout au fil de la
2 guerre.
3 Q. Page 46. Pages 46 et 47, nous avons une intervention de Jadranko Prlic,
4 je cite : "Monsieur le Président, les informations présentées aujourd'hui
5 sont d'une importance exceptionnelle et d'une grande importance
6 stratégique."
7 Je saute pour arriver à la fin du paragraphe, à un sujet que nous avons
8 abordé vous et moi. M. Prlic dit : "C'est un fait, les Croates de Bosnie-
9 Herzégovine ont une politique différente, des intérêts différents, en
10 fonction de l'endroit où ils vivent, en fait."
11 Page 47 : "En dépit de toutes ces informations, nous avons créé un Etat en
12 Herceg-Bosna complet dans ce système avec des douanes et finances finances.
13 Les gens naissent et meurent avec des documents d'Herceg-Bosna. Je pense
14 qu'il n'y a aucune solution qui est acceptable si on n'a pas une République
15 croate d'Herceg-Bosna, donc une République croate, et les frontières
16 devraient englober le plus grand nombre possible de zones de la Bosnie
17 centrale. Je pense qu'on peut y arriver par des moyens militaires si c'est
18 nécessaire afin de veiller que les choses évoluent et continuent d'évoluer
19 comme elles le font, mais l'évolution est favorable. Après tout, ils ont
20 été écrasés sur le plan militaire."
21 M. Prlic dit ceci : "Ils ont été écrasés sur le plan militaire après tout,"
22 est-ce que vous vous souvenez ou est-ce que vous pourriez nous aider pour
23 élucider ce point ?
24 R. Si M. Prlic parle ici de Musulmans, c'est probablement le cas, mais je
25 ne pense pas, je ne sais pas qu'ils aient véritablement été brisés,
26 anéantis sur le plan militaire.
27 R. Paragraphe suivant, M. Prlic dit ceci, il y a M. Boban qui avait été
28 éloigné, on n'en a pas encore parlé même s'il y a une partie du compte
Page 29856
1 rendu présidentiel qui évoque cela, on n'a pas le temps de tout évoquer.
2 Voici ce que dit M. Prlic : "Nous exigeons que leurs symboles, Alija," je
3 suppose que c'est Izetbegovic, "et Silajdzic soient démis de leurs
4 fonctions. C'est seulement à ce moment-là qu'il pourrait y avoir des
5 courants qui fassent surface chez eux. J'ai préparé quelques autres
6 propositions. Le moment est tout à fait crucial. C'est de cette façon-là
7 que je vois les choses là-bas parce que tout ce qui se fait sur le plan
8 international, ça va passer. Je crois que nous aurons et qu'ils n'ont pas
9 l'autorité ni ne sont capables de contrôler tout cela. C'est ce que je
10 pense."
11 Est-ce que vous pensez qu'on avait proposé qu'Alija Izetbegovic et
12 Silajdzic soient éloignés, démis de leurs fonctions ?
13 R. Je ne m'en souviens pas, mais Izetbegovic et Silajdzic, au sein de la
14 population musulmane, étaient des membres de la ligne dure. Il était
15 difficile de négocier avec, et j'imagine que c'est de cela qu'il s'agit. Je
16 pense que je n'ai pas été présent à cette partie-là de la réunion puisque
17 j'ai dû prendre l'avion pour aller aux négociations.
18 Q. Page 68. Tudjman intervient et commence, je pense, à la page 66. Ici,
19 nous avons la page 68. "…et vous, vous aussi en Herceg-Bosna, vous devez
20 garder ceci à l'esprit, mais ça veut dire aussi que nous ne devons pas
21 abandonner nos objectifs les plus importants. Ça veut dire que nous ne
22 pouvons pas abandonner cet objectif d'établir la République d'Herceg-Bosna
23 et nous verrons comment elle va être établie. Militairement, c'est clair
24 pour nous, il est de notre intérêt de maintenir le contrôle sur le
25 territoire que nous avons pour le moment…" Puis il dit : "Mais c'est
26 quelque chose qu'il faudra discuter davantage plus tard."
27 Puis, la réunion porte sur la sélection des nouveaux dirigeants d'Herceg-
28 Bosna. Page 69, Boban dit : "On parle d'un président et de deux vice-
Page 29857
1 présidents."
2 Page 86, le même sujet est évoqué, la discussion se poursuit et on dit :
3 Mais il faut quand même quelques Musulmans. Fin de l'intervention de M.
4 Sancevic : "Il faut quelques Musulmans pour montrer que c'est quelque chose
5 de démocratique."
6 Page 87, M. Pasalic soulève ce qu'il voit être un problème parce que :
7 "Monsieur le Président, la constitution, la décision fondamentale comme
8 elle s'appelle, ne permet pas d'avoir un conseil présidentiel."
9 Est-ce que vous vous souvenez de ces discussions au cours desquelles
10 Pasalic et d'autres procédaient à la sélection des dirigeants et des
11 nouvelles structures du gouvernement
12 d'Herceg-Bosna ?
13 R. Je ne m'en souviens pas et, comme je vous l'ai dit, je ne pense pas
14 avoir été présent à cette partie-là de la réunion, mais je connais les
15 personnalités en présence.
16 Q. J'appelle votre attention très rapidement sur la page 90, j'en aurai
17 fini dans quelques minutes. Tudjman en termine avec cette partie de la
18 conversation. Page 92 il dit, je cite : "N'essayez pas de vous servir
19 d'officiers de juridique. Nous sommes en guerre," et il dit tout simplement
20 que la fonction du président sera assumée par le conseil présidentiel.
21 Est-ce que vous voyez cela ?
22 R. On a déjà expliqué que ce conseil présidentiel avait repris à l'époque
23 les fonctions qui étaient celles de M. Boban auparavant.
24 Q. Telle était ma question. Donc, suite à cette réunion, le conseil
25 présidentiel a été mis en place, plusieurs personnes sont devenues membres
26 de cet organe présidentiel et ont remplacé ainsi M. Boban, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Pourriez-vous maintenant vous pencher sur la pièce P 08012. Deuxième
Page 29858
1 classeur, P 08012. Il s'agit d'une autre réunion tenue au palais
2 présidentiel le 4 mars 1994. Nous voyons la liste de certaines des
3 personnes qui ont assisté à cette réunion, nous voyons votre nom. En haut
4 de la page, nous voyons qu'il est dit "37e réunion de travail du VONS." Et
5 vous avez dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'un organe chargé de la
6 sécurité et que vous avez assisté au moins une fois à une réunion du VONS.
7 Etait-ce le 4 mars 1994 ?
8 R. Je pense avoir été à deux réunions. Je viens de voir celle-ci, donc je
9 pense avoir été à celle-ci et à une autre encore.
10 Q. Au bas de la deuxième page, on vous mentionne vous, on parle également
11 de M. Zubak. Il est dit que vous revenez des pourparlers de Washington. Et
12 en haut de la page 3, nous voyons les autres participants, Tudjman déclare
13 : "J'ai parlé de ces deux personnes, M. Prlic est également là."
14 Est-ce que vous voyez cela ?
15 R. Je le vois, oui, Monsieur.
16 Q. A la page 4, Tudjman poursuit, et vers le milieu de la page il dit, je
17 cite: "C'est de cela que j'ai parlé dans un message hier et si quelqu'un ne
18 comprend pas, j'affirme pourquoi avons-nous créé la République croate
19 d'Herceg-Bosna, je répète, c'était pour obtenir les résultats de cette
20 politique. Si nous ne l'avions pas fait, si nous n'avions pas aujourd'hui
21 la République croate d'Herceg-Bosna, il n'y aurait pas de fédération
22 croato-musulmane en Bosnie. Nous n'aurons pas la confédération en Bosnie,
23 confédération croato-musulmane associant la Bosnie et la Croatie."
24 Vous le voyez ?
25 R. Je le vois.
26 Q. Ce qui se passait à l'époque lors de cette réunion et d'autres
27 réunions, c'est que Tudjman essayait de faire accepter une modification
28 importante, il ne s'agissait plus d'Owen-Stoltenberg, il ne s'agissait plus
Page 29859
1 d'une République croate distincte, il s'agissait des accords de Washington
2 et Tudjman essaie de convaincre ses collaborateurs qu'il s'agit en fait
3 d'un bon marché. N'est-ce pas ce qui est en train de se passer ?
4 R. C'est une libre interprétation. On peut comprendre ainsi, en effet.
5 Cependant, la confédération entre la Croatie et la fédération de Bosnie-
6 Herzégovine a été une chose proposée par la communauté internationale, et
7 dans les accords de Washington et dans ceux de Dayton. Et dans les accords
8 de Dayton, il y a les liens spéciaux. Mais maintenant, plus question de
9 confédération et plus question de relations spéciales non plus.
10 Q. Je n'ai presque plus de temps à ma disposition. Veuillez examiner la
11 page 23, s'il vous plaît. Au milieu de la page, le président intervient, et
12 il remercie l'orateur précédent, puis nous voyons votre nom, Akmadzic.
13 Voilà vos propos, je cite : "Je pense que nous pouvons être heureux
14 et satisfaits de la manière dont le président de la République de Croatie,
15 le président des Croates, M. Franjo Tudjman, a résolu ce problème dont nous
16 parlons maintenant. Je souhaite ajouter qu'il a été excellent hier soir.
17 L'allocution du président à la nation a été acceptée par tous en toute
18 confiance et toute compréhension."
19 Vers le milieu de la page 24, je cite : "Je pense que ce qui est le
20 plus important maintenant c'est que nous tous qui avons directement
21 participé aux négociations, compris et dirigé par le président Tudjman, que
22 nous comprenions ce que le monde nous demande."
23 Page 29. C'est vous qui parlez, votre intervention commence à la page
24 23, milieu de la page. "Cependant, nous devons savoir à ce stade qu'il
25 s'agit de la seule solution; d'après moi, la meilleure jusqu'à présent. Je
26 dis à cette occasion que M. Zubak et moi-même avons rencontré certains de
27 nos Américains à Francfort."
28 Je saute quelques phrases, puis vous dites : "Nous, les Croates de
Page 29860
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29861
1 Bosnie-Herzégovine, souhaitions et souhaitons encore aujourd'hui soutenir
2 totalement la Croatie, avec la Croatie, être dans le même Etat. Cependant,
3 je pense que l'autre partie de la solution, la confédération règle ce
4 problème maintenant de la meilleure manière possible. Il y aura des Croates
5 en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, et ceci pour le bien-être de tous les
6 Croates."
7 Vous dites que c'était la meilleure solution que de régler ce
8 problème à ce moment-là, à ce stade, "pour le moment", meilleure solution
9 pour le moment. Alors qu'est-ce que vous prévoyez ensuite ?
10 R. J'avais à l'esprit l'accord entre les Croates et les Musulmans,
11 qui consistait donc à être ensemble dans un même Etat et avoir des
12 relations très étroites avec la Croatie, à peu près ce qu'on a de nous
13 jours.
14 Q. Page 49, s'il vous plaît. M. Prlic prend la parole et il dit, je cite :
15 "Tout d'abord, je pense que l'accord est une solution raisonnable, mais
16 bien entendu, il ne s'agit pas d'une solution définitive." Le texte se
17 poursuit : "Les personnes d'Herceg-Bosna, vous, M. Prlic et d'autres
18 estimiez qu'il s'agissait d'une étape, mais que ce n'était pas la solution
19 définitive."
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Prlic.
21 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Je pense que c'est inadmissible
22 d'interpréter les choses de la sorte. Tout d'abord, le Procureur ne lit pas
23 la deuxième phrase qui dit clairement ce que j'ai à l'esprit dans la
24 première phrase. Donc ça fait une manipulation totale partant de quelque
25 chose qui est tout à fait clair. On peut parler dans notre langue ou dans
26 l'anglais. "D'abord, j'estime que l'accord est une solution raisonnable,
27 mais bien entendu pas définitive." Puis vient une deuxième phrase. "C'est
28 seulement un point de départ pour une solution générale, parce qu'en ce
Page 29862
1 moment-ci nous n'avons pratiquement près de la totalité de ce territoire de
2 la Bosnie-Herzégovine qui est occupé si on considère la partie serbe et
3 ainsi de suite."
4 Donc, un an et demi après, il y a eu les accords de Dayton, les
5 choses sont claires ici. Et ça fait dix fois aujourd'hui que le Procureur
6 déforme les propos clairement tenus dans ce compte rendu.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est au transcript.
8 Monsieur Scott.
9 M. SCOTT : [interprétation]
10 Q. Comme le dit M. Prlic, la deuxième phrase de ce paragraphe dit : "Ce
11 n'est qu'une base en vue d'une solution complète, car maintenant nous
12 contrôlons presque tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine occupé."
13 Page 55, s'il vous plaît, et j'en ai encore pour une ou deux minutes,
14 Messieurs les Juges. Page 55, Tudjman poursuit. Il est bien connu, n'est-ce
15 pas, que M. Misic et M. Manolic avaient des positions très différentes de
16 celles du président pour ce qui est de la Bosnie. Tudjman porte une
17 attention vers eux.
18 Peut-on maintenant voir le bas de la page 55, le président Tudjman dit :
19 "C'est moi qui suis essentiellement à l'origine de la situation Cutileiro,
20 et j'ai emmené Vance et Owen sur l'île de Brijuni pour obtenir des
21 suggestions en vue d'obtenir une solution et ainsi de suite afin d'obtenir
22 une solution dans le cadre d'une confédération avec l'union, et cetera."
23 D'après vos connaissances, et vu votre implication dans ces événements,
24 êtes-vous d'accord, est-ce que c'est M. Tudjman qui a joué ce rôle
25 essentiel dans le cadre des négociations Cutileiro et pour ce qui est de
26 Vance-Owen ?
27 R. Je n'ai pas pris part à l'établissement du plan Cutileiro, j'ai déjà
28 expliqué. Pour ce qui est maintenant du plan Vance-Owen, c'était un plan
Page 29863
1 qui englobait les négociations de paix sur le territoire de toute l'ex-
2 Yougoslavie. Aux séances plénières les plus importantes, il y avait la
3 présence de Milosevic, Tudjman, Cosic, non pas Cosic, c'était des
4 négociations de paix pour le territoire entier de l'ex-Yougoslavie.
5 Q. Dernière page que nous allons examiner, il s'agit de la page 57. Le
6 président Tudjman poursuit, et vers le milieu de la page, il dit : "Par
7 conséquent, voilà la différence et, s'il vous plaît, Susak a raison. Nous
8 ne pouvons pas faire face à notre public maintenant pour des raisons
9 politiques, afin d'empêcher la dégradation du moral du peuple qui s'est
10 sacrifié."
11 Or, le problème mentionné ici par Tudjman et Susak, c'est qu'il s'agit
12 d'une modification importante par rapport à la politique poursuivie, et
13 cela va poser des problèmes, il va falloir faire accepter cela aux gens,
14 n'est-ce pas ?
15 R. C'est votre commentaire à vous, je ne suis pas en mesure de commenter
16 la chose moi-même à présent.
17 Q. Vous souvenez-vous l'avoir entendu dire cela : "Nous ne pouvons pas
18 faire face à -- nous ne pouvons pas regarder notre public maintenant pour
19 des raisons politiques…" Que voulait dire Tudjman à ce moment-là ?
20 R. Partant de ce qui est écrit ici, peut-être pourrais-je apporter une
21 interprétation, à savoir que le public s'attendait peut-être à avoir cette
22 République croate d'Herceg-Bosna qui en vient de prendre fin avec ces
23 accords et il y a création d'une nouvelle fédération croate ou musulmane.
24 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur, je vous remercie de votre déposition.
25 Merci d'être venu témoigner et d'être resté si longtemps. Je remercie
26 également les Juges de la Chambre de m'avoir accordé du temps
27 supplémentaire. Merci.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est midi et quart. Nous allons faire la
Page 29864
1 pause, 20 minutes, et nous reprendrons dans 20 minutes.
2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 15.
3 --- L'audience est reprise à 12 heures 37.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, tout d'abord, la Chambre rend une
5 décision orale sur la demande formulée par Me Alaburic.
6 La Chambre après avoir écouté attentivement les réponses données par le
7 témoin aux questions du Procureur estime qu'il y a lieu à circonstances
8 telles que le contre-interrogatoire supplémentaire pourrait se dérouler.
9 Donc la Chambre dit qu'il n'y aura pas de contre-interrogatoire
10 supplémentaire par la Défense de M. Petkovic.
11 Concernant maintenant les questions supplémentaires pour M. Prlic, bien
12 entendu, la Défense Prlic peut poser donc toutes questions, mais la Chambre
13 rappelle que ça viendra en déduction de son temps global accordé.
14 Maître Karnavas.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,
16 Messieurs les Juges.
17 Nouvel interrogatoire par M. Karnavas :
18 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Akmadzic.
19 R. Bonjour.
20 Q. Vous étiez le premier ministre de la Bosnie-Herzégovine, avez-vous
21 jamais été interrogé en tant que suspect par le bureau du Procureur pour
22 avoir été impliqué dans des affaires de nettoyage ethnique ou pour avoir
23 été membre d'une entreprise criminelle
24 commune ? Je vous pose la question aujourd'hui, car nous avons un accusé
25 ici qui est accusé en tant que membre d'une entreprise criminelle commune
26 qui aurait participé à un nettoyage ethnique. Avez-vous jamais été
27 interrogé en tant que suspect ?
28 R. Non, à aucun point de vue. Ni à l'occasion des entretiens qu'on a eus à
Page 29865
1 l'extérieur du Tribunal ni dans le prétoire ni à l'occasion de mon
2 témoignage préalable, quand je dis "préalable," c'est en l'an 2000.
3 Q. Merci.
4 M. KARNAVAS : [interprétation] A ce stade, je souhaiterais que le compte
5 rendu soit nettoyé pour reprendre l'expression du Procureur, qu'il n'y ait
6 plus d'insinuations selon lesquelles ce témoin aurait participé à un
7 nettoyage ethnique. On lui a présenté cette thèse, il a été accusé, et
8 l'Accusation devait savoir que le témoin avait certaines responsabilités en
9 tant que premier ministre, il avait des fonctions assez élevées. Si le
10 Procureur doit poursuivre les crimes les plus graves, et nous parlons ici
11 de nettoyage ethnique, soit l'Accusation aurait dû enquêter, mettre en
12 accusation et poursuivre le témoin ou bien ne pas proférer d'accusations
13 aussi graves devant ce Tribunal et devant la Chambre.
14 Vous pourrez délibérer sur la question un peu plus tard.
15 Q. S'agissant de Sarajevo, Monsieur Akmadzic, on vous a demandé quand vous
16 étiez parti. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, pour qu'ils
17 comprennent bien, quelles étaient les circonstances à Sarajevo, quelle
18 était la situation en novembre ou en décembre 1992, alors à quel point
19 était-il difficile d'essayer de tenir des séances du gouvernement,
20 d'essayer de faire fonctionner un pays, un ville à cette époque ?
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Le témoin a déjà répondu à cette
22 question de façon très émotive. Ça nous a beaucoup impressionné lors de
23 l'interrogatoire principal. Je me souviens que le témoin a même porté un
24 mouchoir à son visage et moi, j'ai été très touché.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Je me suis demandé pourquoi la Chambre
26 n'avait pas réagi en disant que la question avait déjà été posée, que le
27 témoin y avait déjà répondu.
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être que les Juges sont moins
Page 29866
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29867
1 émotifs.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien. Si la Chambre est satisfaite, je
3 vais poursuivre.
4 Q. On a laissé entendre que vous aviez abandonné Sarajevo. Puis on vous a
5 montré un document, je pense que c'était le document
6 P 10473, il s'agissait d'un article de presse où il était dit qu'Haris
7 Silajdzic avait repris, assumé vos positions, vous qui étiez son
8 prédécesseur croate et vous qui étiez absent. Pourriez-vous dire aux Juges
9 de la Chambre où était Silajdzic en 1992 ? A quelle fréquence se trouvait-
10 il à Sarajevo ? Que faisait-il, à quelle fréquence vous faisait-il rapport,
11 à vous ou à votre prédécesseur, à l'époque où il était ministre des
12 Affaires étrangères ?
13 R. M. Silajdzic en termes pratiques se trouvait constamment à l'étranger.
14 Il ne venait pas aux sessions du gouvernement. Il ne présentait pas de
15 rapports. Il s'est entretenu une fois avec moi. Je lui ai dit qu'il ne
16 pouvait pas aller à l'étranger sans l'approbation du gouvernement et sans
17 m'avoir concerté. Il a accepté la chose, mais dès le lendemain il est parti
18 à la conférence des pays islamiques à Jeda [phon]. En d'autres termes, et
19 de façon pratique, pendant toute cette année 1992 et pendant une bonne
20 partie de 1993, il était à l'étranger, mais il a participé aux négociations
21 aussi.
22 Q. On vous a présenté un certain nombre de documents et posé un certain
23 nombre de questions concernant des discussions en rapport avec les
24 pourcentages, comment arriver au pourcentage de 33 %. Vous souvenez-vous de
25 cet échange ?
26 R. Oui, je m'en souviens.
27 Q. Vous y avez fait allusion, mais je souhaite m'assurer que les faits
28 soient bien établis, alors est-ce que ces échanges n'ont pas eu lieu
Page 29868
1 également à Dayton ?
2 R. C'est à Dayton qu'on s'est mis d'accord sur le pourcentage, 49 versus
3 51. Il y a eu de nombreuses négociations, on discutait des chiffres et
4 ensuite on vérifiait qu'elle était la situation sur le terrain.
5 Q. Et vous ne vous êtes pas appuyé sur la population, mais sur l'endroit
6 où on devait établir ces lignes sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine
7 ?
8 R. Oui. Je l'ai dit. Mais on tenait compte aussi de la population à
9 l'intérieur de Bosnie-Herzégovine, quel était le pourcentage des Croates,
10 et cetera. Par exemple, les Croates disposaient de 17,6 %, c'était un des
11 critères à prendre en compte.
12 Q. Est-ce que la communauté internationale était au courant de cela ?
13 R. Oui, cette initiative venait de la communauté internationale. C'est eux
14 qui faisaient les propositions, c'est eux qui organisaient ces négociations
15 auxquelles on a pris part.
16 Q. Les Musulmans, ont-ils aussi examiné des cartes pour essayer de décider
17 quels seraient les 3 % du territoire de Bosnie-Herzégovine qu'ils
18 souhaiteraient pour y installer leur population ?
19 R. Oui, bien sûr qu'ils ont participé à cela. Mais je dois ajouter quelque
20 chose que je n'avais pas dit jusqu'à présent. M. Izetbegovic a dit une fois
21 qu'il serait d'accord qu'une partie de Bosnie-Herzégovine soit rattachée à
22 la Croatie. Il s'agissait juste de savoir quel serait ce pourcentage. Nous,
23 on ne l'a jamais demandé, on ne l'a jamais exigé. C'est lui qui en a parlé.
24 Q. Voyons ce qu'Izetbegovic a dit lors de l'une de ces réunions. Il s'agit
25 d'un enregistrement audio d'une réunion de la présidence tenue le 14
26 janvier 1994. Je demande l'aide de M. l'Huissier. Nous avons vu ce document
27 le 15 janvier 2007. Cela fait très longtemps que ce procès se déroule.
28 C'était peut-être en 2008, en fait.
Page 29869
1 Si l'on examine le compte rendu d'audience, cela se trouve à la page
2 26 294. Mais j'ai le document sous les yeux. Je vais vous en donner lecture
3 et je vous demanderais ensuite vos commentaires. Il est question justement
4 des pourcentages. Cela se trouve à la page 19, Messieurs les Juges. Voilà
5 ce que dit M. Izetbegovic. Page 19. Il y a un petit papier rouge pour que
6 vous vous y retrouviez.
7 Voilà ce que dit Izetbegovic : "Que nous comprenions bien toutes ces
8 négociations que nous avons eues, y compris au sujet des républiques et des
9 33 %, rien n'a été décidé car Klaus m'a prévenu lorsque j'ai parlé de
10 quelque chose qu'il avait dit. Il a dit : 'Vous savez, Monsieur
11 Izetbegovic, la règle en politique, c'est que jusqu'à ce qu'on se mette
12 d'accord sur tout, on ne se met d'accord sur rien.' Jusqu'à présent, nous
13 ne nous sommes mis d'accord sur rien. Il s'agit simplement de conditions
14 préalables en vue d'un accord éventuel. Bien entendu, si cela nous
15 convient, nous pouvons reprendre les choses au début. Nous devons
16 simplement nous demander si nous avons de meilleures solutions. Mais dès
17 que nous nous rendrons compte que c'est préférable pour nous, nous revenons
18 au départ."
19 Monsieur Akmadzic, est-ce qu'on n'a pas l'impression que c'est là la
20 tactique utilisée par Izetbegovic dans le cadre des négociations pendant
21 toute cette période ? Je vous pose la question en raison des questions qui
22 vous ont été posées hier sur une cantatrice qui finissait le spectacle, la
23 grosse dame, enfin, une personne d'un poids conséquent.
24 R. Bien, votre constatation est exacte, c'est ce que je pense. C'est comme
25 cela que M. Izetbegovic s'est comporté lors des négociations.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas d'autres
27 questions supplémentaires.
28 Monsieur, je vous remercie et je suis désolé que vous ayez dû rester plus
Page 29870
1 longtemps que prévu, notamment pendant le championnat d'Europe, car je sais
2 que vous êtes un fan de football. Merci.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite m'exprimer si vous me le
4 permettez, Messieurs les Juges.
5 Je suis convaincu, Monsieur le Président, Monsieur les Juges, et en tant
6 que député de Bosnie-Herzégovine, fonctionnaire qui a eu plusieurs
7 fonctions importantes, je souhaite dire ce qui suit : les Croates et les
8 Musulmans en Bosnie-Herzégovine ont fait la guerre mais il ne s'agissait
9 pas là d'une guerre, il s'agissait plutôt d'un conflit. Les Croates et les
10 Musulmans sont étroitement liés et ils ont constaté ensemble la guerre en
11 Bosnie-Herzégovine en y fournissant une définition commune. La communauté
12 démocratique croate n'est pas juste une branche de la HDZ croate, c'est
13 aussi un parti autonome en Bosnie-Herzégovine. Mais ce parti a des bons
14 rapports collégiaux avec sa contrepartie, comme c'est le cas dans nombreux
15 autres pays européens. Le SDA, par exemple a aussi un parti en Croatie et
16 ils ont même leur député dans le parlement.
17 Pendant toute la guerre, pendant tout le conflit entre les Croates et les
18 Musulmans, l'ambassade croate n'a cessé de fonctionner en Bosnie-
19 Herzégovine. Pendant toute la guerre, la mosquée en Croatie, le centre
20 islamique en Croatie, qui est considéré comme le plus grand centre
21 islamique de l'Europe, a fonctionné sans aucun problème.
22 Il y a un an, je pense, dans ce même centre islamique, une grande assemblée
23 a eu lieu, et le "raise" de Bosnie-Herzégovine, qui est celui qui est à la
24 tête de la communauté islamique de Bosnie-Herzégovine, M. Ceric, a parlé
25 d'une façon très positive des rapports entre les Croates et les Musulmans.
26 Je pense que la Croatie est le premier pays de l'Europe qui a reconnu
27 l'Islam comme une religion officielle.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, nous vous avons donné la parole
Page 29871
1 juste pour nous dire quelques mots, mais là vous êtes parti sur une
2 plaidoirie. Bien. Et je dois vous interrompre. Bien. Alors --
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
4 Monsieur les Juges. Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de
5 dire ce que j'ai dit.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur, au nom de mes collègues, je
7 vous remercie en m'associant à ce que vient de dire Me Karnavas, vous
8 remercie d'être venu donc et pour avoir témoigné. Je formule mes meilleurs
9 vœux pour votre retour dans votre pays, et je vais demander à M. l'Huissier
10 de bien vouloir vous raccompagner.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Karnavas, on peut peut-être commencer
13 avec le prochain témoin pour gagner du temps ?
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas, il n'y a qu'un seul
17 classeur ? Je suis déçu.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] Attendez le prochain, Monsieur le
19 Président.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous me donner votre nom,
21 prénom et date de naissance, s'il vous plaît.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Zarko Primorac, je suis né le 15
23 septembre 1937.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre activité actuelle ou vous n'avez
25 aucune activité ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis diplômé d'économie, et à présent je
27 travaille dans l'entreprise Energoinvest à Zagreb.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre date de naissance est 15 septembre 1937 ?
Page 29872
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 29873
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous déjà témoigné devant un tribunal sur
3 les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie ou bien c'est la
4 première fois ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
9 LE TÉMOIN : ZARKO PRIMORAC [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.
12 Alors quelques brèves informations de ma part. Vous allez répondre à
13 des questions qui vont vous être posées en premier par Me Karnavas. A la
14 suite des questions posées par Me Karnavas, peut-être que les autres
15 avocats des autres accusés dans le cas du contre-interrogatoire vous
16 poseront des questions. Après quoi le Procureur qui se trouve à votre
17 droite pourra également poser des questions dans le cadre du contre-
18 interrogatoire. Les Juges qui sont devant vous pourront également vous
19 poser des questions, mais nous le faisons quand il y a un document qui doit
20 appeler des questions de suivi principalement.
21 Essayez d'être précis et synthétique dans vos réponses.
22 Nous faisons des pauses toutes les heures et demie, pause de 20 minutes.
23 Aujourd'hui, il va nous rester juste trois quarts d'heure parce que nous
24 nous arrêtons à 13 heures 45. Vous venez de prêter serment, vous êtes
25 maintenant donc témoin de la justice, ce qui veut dire que vous n'avez plus
26 aucun contact avec la Défense de M. Prlic.
27 Sur ce, pour les 45 minutes qui viennent, je donne la parole à Me Karnavas.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,
Page 29874
1 Monsieur les Juges.
2 Interrogatoire principal par M. Karnavas:
3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur, excusez-moi de vous avoir fait
4 attendre. J'ai quelques premières questions de contexte, si la Chambre m'y
5 autorise je voudrais poser quelques directrices et vous vous contenterez de
6 dire si j'ai bien énoncé les faits, puis nous allons examiner les
7 documents.
8 Vous dites être né le 15 septembre 1937, si j'ai bien compris vous avez un
9 doctorat en économie que vous avez reçu en 1976 à Sarajevo ?
10 R. C'est exact.
11 Q. Depuis vous avez participé et assisté à plusieurs séminaires
12 internationaux, notamment en 1995 vous avez réussi un examen vous
13 permettant d'être réviseur des comptes agréés.
14 R. C'est exact.
15 Q. Vous avez travaillé 35 ans en tant qu'économiste, mais pendant cette
16 période vous avez été aussi président de l'assemblée de la municipalité de
17 Citluk, ceci de 1965 à 1969 ?
18 R. Oui, c'est exact.
19 Q. Je vais sauter quelques-uns de vos grands moments de carrière, mais de
20 1969 à 1972, vous avez été premier conseiller du directeur général
21 d'Energoinvest à Sarajevo plus exactement ?
22 R. Oui, c'est exact.
23 Q. Puis vous êtes devenu directeur général des finances dans cette même
24 entreprise de 1972 à 1974, puis vous avez été directeur général pour les
25 métaux non ferreux de cette même entreprise de 1975 à 1981 ?
26 R. Tout est exact. Mais on n'appelait pas cela le directeur général,
27 c'était directeur principal, c'était le nom exact de la fonction, et donc
28 cette fonction entre 1974 et 1981 c'était la fonction qui portait sur les
Page 29875
1 métaux colorés comme on les appelait.
2 Q. Vous avez aussi à un moment donné été actif dans la chambre de commerce
3 de Yougoslavie ou de Bosnie-Herzégovine ?
4 R. J'ai été président de la chambre de commerce de Sarajevo et c'était
5 entre 1981 et 1984, mais j'étais aussi membre de la présidence de la
6 chambre de commerce yougoslave, et par la suite j'ai été membre de la
7 chambre de commerce de Bosnie-Herzégovine, mais ce n'était pas vraiment sur
8 une base professionnelle, j'ai été là en tant que volontaire et sur la base
9 de volontariat.
10 Q. Et de 1984 à 1998, vous avez été vice-président du comité de pilotage
11 ou du conseil d'administration d'Energoinvest, puis vous êtes devenu vice-
12 président de 1989 à 1992 avant de devenir ministre des Finances de la
13 République de Bosnie-Herzégovine, poste que vous avez occupé de juin à
14 décembre 1992; c'est exact ?
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi --
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des dates que je dois corriger. Entre
17 1984 et 1989, et pas 1988. J'étais le président du conseil, vous pouvez
18 l'appeler comme cela, même si c'était à l'époque le comité exécutif.
19 Ensuite, entre 1989 et 1992, j'étais l'adjoint du président du comité
20 exécutif, Energoinvest. Donc il ne s'agit pas de l'année 1998, mais 1999.
21 M. KARNAVAS : [aucune interprétation]
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Page 83, lignes 2 et suivantes,
23 c'est comme ça que je l'ai entendu aussi, mais c'est répercuté au compte
24 rendu comme suit : "De 1984 à 1998, vous étiez vice-président du conseil
25 d'administration et puis vous êtes devenu le vice-président de ce même
26 comité."
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Ça aurait dû être 1984 à 1988.
28 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il a été deux fois vice-président ?
Page 29876
1 M. KARNAVAS : [interprétation] Je peux poser une question dans ce sens.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, faites-le.
3 M. KHAN : [interprétation] Puisque nous sommes en train d'apporter des
4 précisions, page 81, ligne 21, le témoin a dit qu'il était né en 1937; est-
5 ce exact ?
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Oui, il a plus de cheveux que moi et
7 ils sont aussi plus foncés.
8 M. KHAN : [aucune interprétation]
9 M. KARNAVAS : [interprétation]
10 Q. Une précision quant à ce poste que vous avez occupé à Energoinvest de
11 1984 à, disons, 1992, pourriez-vous préciser cela ?
12 R. Il s'agissait là de grandes entreprises en Yougoslavie. Et à l'époque,
13 les dirigeants étaient organisés dans le cadre de comités exécutifs. J'ai
14 été membre de ce comité entre 1984 et 1989, ensuite j'ai été l'adjoint au
15 président de ce comité exécutif et c'était entre 1989 et 1992.
16 Q. Lorsque vous avez cessé d'être ministre des Finances en Bosnie-
17 Herzégovine en décembre 1992, si j'ai bien compris, vous avez commencé un
18 travail d'indépendant, vous avez démarré votre compagnie d'audit à Zagreb.
19 Puis, par la suite, ça été racheté par Price Waterhouse. Après quoi, vous
20 êtes devenu conseiller de Price Waterhouse Coopers à Zagreb, c'était de
21 1998 à 2001, puis vous êtes devenu membre du conseil d'administration de
22 Price Waterhouse ?
23 R. Vous posez beaucoup trop de questions à la fois. Je vais essayer de
24 vous répondre à ma façon. J'ai créé avec d'autres collègues une entreprise
25 de consultants. Cette entreprise a été achetée par Price Waterhouse en
26 1997. Je suis devenu un conseiller particulier au niveau de Price
27 Waterhouse. Price Waterhouse a fusionné avec Coopers en 1998 et c'est
28 devenu Price Waterhouse Coopers. J'ai été directeur dans cette nouvelle
Page 29877
1 entreprise jusqu'en 2001.
2 Q. Pourtant vous avez poursuivi vos activités professionnelles jusqu'à
3 aujourd'hui. Aujourd'hui, vous êtes directeur régional de Deloitte à Zagreb
4 ?
5 R. Oui, c'est exact, c'est un poste qui n'est pas un poste d'exécutif, de
6 dirigeant. Il n'y a pas de fonction de dirigeant et je suis chargé de la
7 communication avec les marchés.
8 Q. Fort bien. Mis à part tout cela, dans l'intervalle, vous êtes aussi
9 professeur en économie. Vous avez enseigné quelque 15 ans, si je ne
10 m'abuse, à Sarajevo. Vous avez enseigné la finance, le système économique
11 et la politique en Yougoslavie, la gestion financière; est-ce exact ?
12 R. Oui, c'est exact, oui.
13 Q. Fort bien. Je ne veux pas énumérer tous vos exploits, car ils sont
14 nombreux, mais vous avez, entre autres, été membre du comité organisation
15 du congrès de la banque mondiale à Dubrovnik en 1989 ?
16 R. C'est exact.
17 Q. Et je pense qu'à un moment donné vous avez participé ou, en tout cas,
18 contribué aux jeux olympiques d'hiver de Sarajevo en 1984 ?
19 R. Oui, à l'époque j'étais le président de la chambre de commerce de
20 Sarajevo et j'étais aussi membre du comité d'organisation des --
21 Q. -- publié quelque 100 articles dans votre domaine et, si j'ai bien
22 compris, vous êtes l'auteur de quelques ouvrages et vous avez été le
23 rédacteur chargé du guide financier croate de 1995, 1998 et 2002 ?
24 R. Oui, c'est exact. Il s'agissait de différents articles que j'ai écrits,
25 effectivement, dans la presse professionnelle. Pour le reste, c'est exact
26 ce que vous avez dit.
27 Q. Une correction, oui ?
28 R. On a parlé des articles au sens juridique du terme alors qu'il
Page 29878
1 s'agissait des articles de presse. Donc c'est l'interprète B/C/S qui a mal
2 traduit.
3 Q. -- quelques questions de contexte supplémentaires. Si j'ai bien
4 compris, vous n'avez jamais été membre du HDZ ?
5 R. Non, je n'ai jamais été membre du HDZ.
6 Q. Cependant, avant la désintégration de la Yougoslavie, si j'ose dire,
7 vous avez été membre de la Ligue des Communistes ?
8 R. Oui, effectivement, j'étais membre de la Ligue des Communistes
9 yougoslave.
10 Q. Serait-il exact de dire que vu votre expérience d'économiste, de
11 professeur, de membre de plusieurs organisations, vous comprenez assez bien
12 la façon dont fonctionnent l'économie et les institutions financières d'un
13 pays ?
14 R. Oui, je pense que je connais assez bien le système économique
15 yougoslave d'avant la guerre et je pense que je le comprends aujourd'hui
16 encore surtout quand il s'agit du système économique croate.
17 Q. Une dernière chose, pour avoir conversé avec vous, je sais que vous
18 m'avez dit qu'à divers moments vous avez fait des offres d'emploi, que ce
19 soit au niveau de l'Etat en Yougoslavie ou au niveau de la république. Est-
20 ce que vous pourriez énumérer certains des postes qu'on vous a offerts et
21 que vous avez repoussés parce que vous vouliez rester dans le secteur privé
22 ?
23 R. Entre 1989, 1990, 1991, j'ai reçu plusieurs offres pour participer au
24 travail des organisations politiques. Entre autres, Ante Markovic m'a
25 invité à faire acte de candidature au niveau du comité exécutif fédéral.
26 J'ai été d'ailleurs le candidat de Bosnie-Herzégovine mais je n'ai pas pu
27 accepter cela pour des raisons personnelles.
28 En Bosnie-Herzégovine, on m'a invité à devenir membre de la présidence de
Page 29879
1 Bosnie-Herzégovine. Je n'ai pas accepté, parce qu'à l'époque je souhaitais
2 garder ma profession, travailler dans l'économie et je trouvais cela bien
3 plus intéressant que de me lancer dans la vie politique.
4 Q. Ceci dit, les deux premiers documents - excusez-moi, Messieurs les
5 Juges, ils ne sont pas dans l'ordre, mais au moins c'est dans un seul
6 classeur. Donc je pense que c'est gérable - les deux premiers documents -
7 là ce sont des questions d'intendance - donc ce sera très rapide, 1D 02645.
8 Je ne sais pas si vous avez ça. C'est le 15 juin 1992. 1D 02645. Je voulais
9 attirer l'attention de tous sur ceci, notamment sur la page 4 en anglais où
10 il est dit : "Membres et ministres du gouvernement de la République de
11 Bosnie-Herzégovine qui ont été nommés comme suit…" et on voit votre nom au
12 regard du chiffre 5. Donc je suppose que c'est la page 4 en anglais ainsi
13 page 4 en B/C/S. C'est comme ça qu'on appelle les trois langues qui sont
14 utilisées ici, c'est plus commode.
15 Le 15 juin ou vers cette date, est-ce à ce moment-là que vous avez pris vos
16 fonctions en tant que ministre des Affaires étrangères -- pardon, des
17 Finances pour la Bosnie-Herzégovine ?
18 R. C'est exact. Je précise, à titre de correctif pour ce qui est des
19 termes et des dates, ceci est un PV du 15 juin 1992. C'est un PV d'une
20 session de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine. Pour
21 autant que je m'en souvienne, nous avons été nommés et nous avons prêté
22 serment le 18 juin 1992. Trois jours après, avons-nous donc prêté serment
23 suite à la date de nomination.
24 Q. Merci beaucoup, Monsieur.
25 Document suivant, 1D 01632. Ici, c'est uniquement des questions
26 d'intendance, 1632.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] C'est peut-être vers la fin du classeur,
28 Messieurs les Juges, car ce document porte la date -- 1D 01632, 23 décembre
Page 29880
1 1992. Il s'agit d'une décision par laquelle vous êtes démis de vos
2 fonctions de ministre des Finances de Bosnie-Herzégovine.
3 R. C'est bien cette décision-là. Je préfère dire "démis de ses fonctions
4 au sein de la présidence," c'est ce qu'on dit ici, "démis de fonctions."
5 Q. Vous voulez dire que vous avez été congédié plutôt que relevé de vos
6 fonctions ?
7 R. Non, je dis tout à fait le contraire.
8 Q. Nous allons parler de votre mandat et de vos activités de ministre des
9 Finances, mais auparavant, permettez-moi d'aborder trois documents dont mon
10 client est l'auteur. Ils interviennent avant le conflit.
11 1D 02356, je vais en lire quelques passages et je vous demanderais de
12 commenter la situation. Vous me direz si l'interprétation des événements
13 que fait M. Prlic est assez fidèle à ce qui se passait à l'époque. 1D
14 02356.
15 En haut du document nous voyons qu'il s'agit du vice-président du
16 conseil exécutif de la République de Bosnie-Herzégovine au conseil exécutif
17 républicain en réforme économique. Qu'est-ce que c'était exactement ce
18 conseil ?
19 R. Dans le parler d'aujourd'hui, c'était le gouvernement de la
20 Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Deuxième paragraphe, il parle d'un problème en matière de liquidité. Il
22 dit que : "Cette année, 1 500 entreprises comptant
23 37 000 employés ont été incapables d'être à la hauteur des obligations qui
24 leur étaient imposées."
25 Il parle de l'économie, il parle donc des entreprises telles qu'elles
26 étaient à l'époque. Est-ce que ceci traduit bien la situation de l'époque ?
27 Pourriez-vous nous en parler ?
28 R. Oui. La situation était assez grave. Suite à l'élection de Markovic aux
Page 29881
1 fonctions de premier ministre fédéral, premier ministre yougoslave, il
2 avait entamé une réforme qui était censée résoudre bon nombre de problèmes
3 qui existaient dans l'économie yougoslave jusque-là. Et en plus, dans les
4 premiers mois, cette réforme commençait à donner les bons résultats,
5 notamment du point de vue du ralentissement et je dirais même de
6 l'anéantissement de l'inflation. Mais au bout de quelques mois, je ne sais
7 pas vous dire maintenant combien de mois au juste mais, disons, entre six
8 et neuf mois après son entrée en fonction du premier ministre, les choses
9 ont commencé à se compliquer. Il y a eu les vieux problèmes de l'économie
10 yougoslave qui ont réémergé. L'insolvabilité et l'impossibilité des
11 entreprises à payer leurs factures étaient plutôt élevées, très élevées.
12 D'un point de vue général, c'est cette partie-là de la déclaration qui se
13 trouve à être correcte.
14 Q. Nous sommes toujours en train d'examiner ce document. Voyons la toute
15 dernière page, il dit que : "Il serait nécessaire de renforcer les pouvoirs
16 publics grâce à des mesures radicales. Nous avons pris en main le
17 financement de l'appareil judiciaire de façon à ce que le secrétariat de
18 l'Intérieur puisse bientôt recevoir des fonds venant du budget."
19 Il dit ensuite que les municipalités devront se voir privées de certaines
20 fonctions exécutives. Et il parle de l'établissement d'un fond en faveur du
21 développement.
22 En raison des circonstances qui régnaient à l'époque, est-ce qu'il
23 s'agissait ici de mesures qu'un économiste progressiste essayerait de
24 mettre en place pour parer à la situation qu'il y avait avant le
25 démantèlement, le conflit en Yougoslavie ?
26 R. Permettez-moi de lire un instant. Oui, l'économie bosniaque, celle de
27 Bosnie-Herzégovine, avait connu des problèmes plus graves que cela n'est le
28 cas de l'économie croate ou slovène qui faisaient également partie de ce
Page 29882
1 système unifié de la Yougoslavie parce que l'économie de la Bosnie était
2 pour l'essentiel basée sur la production de l'énergie, des métaux, ensuite
3 tout ce qui est industrie forestière, donc c'est ce qu'on appelle au
4 secteur primaire.
5 Ce secteur primaire, d'après les règles du jeu qui prévalaient dans le
6 système, ces matières premières et ressources énergétiques étaient
7 convoyées vers les républiques plus développées et les prix des matières
8 premières et des ressources énergétiques étaient fixés par l'Etat, voire
9 bloqués, ce qui fait que l'économie de la Bosnie-Herzégovine sombrait dans
10 des difficultés.
11 Alors ceci, ces tentatives évoquées par M. Prlic, visent à faire
12 démarrer les choses. Il y avait un fond de développement qui, à l'époque,
13 se trouvait être une bonne idée. Je ne sais pas trop, mais j'imagine que
14 l'idée relative à la création d'entreprises publiques était motivée par la
15 volonté de se libérer de ces entraves qui étaient celles des blocages de
16 prix au niveau des matières premières et des produits énergétiques.
17 Q. Examinons très rapidement le document, les deux documents suivants qui
18 concernent la même période plus ou moins. D'abord, un document du 11
19 janvier 1991. En 1991. Le document de l'autre ne l'était pas.
20 Ici, M. Prlic --
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ce serait plus facile de suivre si
22 vous donniez la cote.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, excusez-moi, j'avais oublié, vous avez
24 tout à fait raison, 1D 02232. 2232. On pose une question à M. Prlic et la
25 voici, "A propos de la qualité donnée de la Serbie pour ce qui est du
26 système de paiement yougoslave," et M. Panic dit : "Nous pouvons conclure
27 que c'est quelque chose qui est inédit dans l'histoire monétaire, que c'est
28 en fait un crime d'Etat qui est dirigé contre les autres parties de la
Page 29883
1 Yougoslavie.
2 "Je recommande d'envoyer un télex au conseil fédéral pour demander
3 des mesures vigoureuses, à savoir que --
4 Est-ce que vous savez de quoi parlait M. Prlic ici ?
5 R. Je pense que je le sais. Il s'agissait d'une irruption dans le système
6 monétaire de Yougoslavie. C'est ainsi qu'on l'avait qualifié. De quoi
7 s'agissait-il ? A un moment donné, la Serbie avec Milosevic à la tête de
8 l'Etat, s'était trouvée en situation de ne pas pouvoir payer les retraites
9 à l'intention de ses retraités, elle n'avait pas les moyens de le faire.
10 Par le biais de ce service de comptabilité public qui se trouvait être une
11 institution de l'Etat pour le système des paiements, a procédé à une
12 irruption. Je ne sais pas vous donner de chiffres, je pense qu'il
13 s'agissait d'un milliard 400 millions ou un peu plus. Je ne garantie pas
14 l'exactitude des chiffres, mais c'était une somme assez grosse, donc
15 quelques centaines de millions de dollars qui a été prélevée sur le système
16 monétaire et qu'elle a payé ses obligations aux dépens des autres
17 intervenants dans le système monétaire yougoslave à l'époque. En ma qualité
18 d'économiste, ce que je pourrais dire à présent c'est que cette irruption
19 dans le système monétaire a constitué le début du démantèlement du système
20 monétaire en Yougoslavie.
21 Q. Alors je sais que cela sera corrigé plus tard, mais au compte rendu on
22 peut lire, "monastery", "monastère", et non pas "monetry", "monétaire."
23 Est-ce que vous pourriez examiner le document 1D 02226. Il est daté du 25
24 janvier 1991. 1D 02226. Il s'agit d'un extrait de Oslobodjenje qui, comme
25 vous le savez, est une publication de Sarajevo. Il semblerait d'après cet
26 article que le gouvernement et le conseil exécutif de l'assemblée de la
27 République socialiste de Bosnie-Herzégovine adoptent une loi qui
28 autoriserait le gouvernement à annuler les dettes avec la fédération sans
Page 29884
1 son accord.
2 Au paragraphe suivant on peut lire, "On empêche provisoirement
3 l'application de l'ordre donné par le secrétaire des finances fédérales en
4 vue du transfert de fonds du budget de la république pour repayer les
5 crédits internationaux pour lesquels la fédération a fourni des garanties,
6 des super garanties," comme il est dit.
7 Dernier paragraphe sur cette page et à la page suivante on peut lire,
8 "L'année dernière, le problème était que la fédération était en retard pour
9 s'acquitter de toutes ses obligations à l'égard de la Bosnie-Herzégovine,
10 notamment ses obligations découlant des crédits étrangers, du paiement des
11 différences des taux d'échange, des retraites, des pensions d'invalidité,
12 des obligations, pour ce qui est des programmes sociaux," et on peut le
13 chiffre de 11 milliards 400 millions de dinars dont la fédération n'a payé
14 que 4 milliards 800 millions.
15 Alors que peut-on tirer comme conclusion au sujet de la situation
16 économique en Bosnie à l'époque ?
17 R. L'interprétation n'a pas été bonne. Je n'ai pas pu suivre votre
18 intervention de façon adéquate. Mais si nous n'allons pas reprendre le
19 tout, je crois pouvoir dire ayant compris la question que je puis commenter
20 le texte si les Juges de la Chambre veulent bien m'y autoriser.
21 Q. Oui. Soyez bref si vous le pouvez, s'il vous plaît.
22 R. Ici, il s'agit d'un projet de décision de la part du conseil exécutif,
23 à savoir du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Et si j'ai bien compris le
24 texte, cela devait être entériné par le Parlement de Bosnie-Herzégovine.
25 C'est ce qui y est dit dans la première partie du texte.
26 Je ne sais pas si le parlement a bel et bien entériné cette
27 proposition émanant du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, mais je tiens
28 à vous rappeler ce que j'ai dit tout à l'heure. Cette irruption dans le
Page 29885
1 système monétaire de la Yougoslavie a signifié le début de la
2 désintégration de ce système, et je suppose que tous les gouvernements en
3 Bosnie-Herzégovine et autres républiques ont tenté de s'autoprotéger.
4 J'imagine, je suppose que cela faisait partie de la politique que le
5 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine a essayé d'adopter pour protéger son
6 système financier lorsque le système monétaire du pays entier est en train
7 de se désintégrer.
8 Q. Merci. J'en ai terminé avec cette question. Je voulais simplement
9 que la Chambre ait une idée de l'ambiance à l'époque, c'est-à-dire juste
10 avant la période qui nous intéresse.
11 Document suivant, 1D 02687. Je sais que la Chambre va sûrement
12 demander quelle est la date, bien qu'après ce document j'évoquerai le
13 document 1D 02688 qui est daté du 6 mars 1992. Je le précise pour rassurer
14 toutes les personnes dans le prétoire et à l'extérieur.
15 Au vu du premier document, nous savons que vous n'étiez pas encore le
16 ministre des Finances à l'époque, mais serait-il juste de dire, compte tenu
17 de votre implication en tant que ministre et de vos qualités d'économiste,
18 vous pouvez nous donner un petit peu quelques informations à propos de ce
19 document ?
20 R. Deux phrases à titre introductif si vous le permettez. Toutes les
21 économies des républiques, qu'il s'agisse de la Slovénie, Croatie, Bosnie-
22 Herzégovine, Serbie, jusqu'en 1990, faisaient partie intégrante d'un
23 système économique unifié. Depuis 1990, les Etats ont commencé à devenir
24 plus autonomes et chacun a créé son organigramme financier à elle.
25 Au moment de la séparation de cette Yougoslavie, il y a eu bien des
26 créances financières qui allaient dans tous les sens, et aucun Etat n'avait
27 suffisamment de devises pour régler les soldes. Il fallait continuer
28 pourtant à vivre, il fallait permettre au système économique de continuer à
Page 29886
1 fonctionner.
2 Les Etats en question ont cherché une solution dans ce que l'on a
3 qualifié de comptes non-résidents. Alors c'est, si j'ai bien compris, le
4 document suivant qui dans le paragraphe 3 dit que les comptes non-
5 résidents, ou plutôt que les relations entre républiques sur le plan
6 financier seront réglementées par paiements des marchandises et services en
7 monnaie locale ou en devise. En termes pratiques, ceci signifiait qu'une
8 entreprise de Bosnie-Herzégovine qui avait des créances en Croatie et ne
9 pouvait pas être payée, parce que la Croatie n'avait pas de moyens en
10 devise pour payer ses factures, ouvrait dans une des banques croates un
11 compte non-résident où l'entreprise croate payait la facture en question.
12 L'entreprise de Bosnie-Herzégovine avait des fonds financiers, des dinars
13 croates sur son propre compte en Croatie.
14 Ces entreprises pouvaient se servir de ces dinars pour acheter des
15 marchandises en Croatie et payer à partir de ce compte. Par conséquent, ces
16 comptes non-résidents étaient des comptes qui permettaient de surmonter
17 cette espèce de faille qui s'est créée au moment du démantèlement de l'ex-
18 Yougoslavie et par ce biais les relations financières pouvaient être
19 résolues.
20 Q. Deux choses. Lorsque vous avez parlé de l'article 3, il s'agissait du
21 document ID 02688, n'est-ce pas ?
22 R. Exact.
23 Q. Puis il ressort de ce document, car cet accord de paiement, comme il
24 est dit dans le préambule, on voit que les deux gouvernements sont
25 impliqués, le gouvernement de la République de Croatie et le gouvernement
26 de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?
27 R. Au vu de l'accord, c'est exact. D'après le document, je veux dire,
28 c'est exact.
Page 29887
1 Q. Il me faut vous demander de parler un peu moins vite, car vos réponses
2 doivent être interprétées et les interprètes travaillent dur. Et si je ne
3 vous demande pas de ralentir, on va me faire des reproches.
4 Document suivant, 1D 02686. 2686, deuxième page. Au bas, nous voyons votre
5 nom, Dr Zarko Primorac. Il est fait référence au 6 mars, nous en avons déjà
6 parlé. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit dans cet accord
7 de paiement ?
8 R. Le gouvernement dont je ne faisais pas partie et qui était en exercice
9 avant le gouvernement où j'ai été nommé ministre, a signé un accord de
10 paiement avec la République de Croatie. C'est le document précédent. C'est
11 la date du 6 mars 1992 qui est dessus. Lorsque je suis devenu membre du
12 gouvernement, donc je suis devenu ministre, nous avons constaté que
13 certains éléments dans cet accord devaient forcément être modifiés. Un
14 petit détail pour attirer ou pour vous expliquer, pour attirer votre
15 attention sur la chose. Dans l'avant-propos du premier document, document
16 daté du 6 mars 1992, il est dit : Le gouvernement de la République de
17 Croatie, à sa session du 17 février 1992, et le gouvernement de la
18 République socialiste de la Bosnie-Herzégovine ont signé, et ainsi de
19 suite, et ainsi de suite.
20 Dans le nouvel accord, nous avons exclu le mot République socialiste de
21 Bosnie-Herzégovine puisqu'elle ne l'était plus. Elle s'appelait République
22 de Bosnie-Herzégovine tout court.
23 Pour ce qui est de la teneur de l'accord, on a repris les dispositions qui
24 existaient dans l'accord précédent en y insérant des dispositions nouvelles
25 qui étaient d'actualité à ce moment-là. Le texte de l'accord a été négocié
26 par moi-même avec la République de Croatie, et du côté croate, il y avait
27 le ministre Jasic, qui était la personne autorisée pour ce qui est de la
28 négociation de la teneur de ce texte, et on a négocié et on a conduit les
Page 29888
1 choses jusqu'à leur signature. La République de Croatie l'a signé, on le
2 voit sur le document. Je ne l'ai pas signé moi-même car je n'ai pas obtenu
3 l'approbation de Sarajevo pour ce faire. Le gouvernement n'avait pas
4 débattu de la chose et ne m'a pas donné l'aval pour la signature, ce qui
5 fait qu'il est resté non signé de ma part.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Merci.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Karnavas, vous aviez prévu
8 que nous nous intéresserions à la date d'un autre document. Ce document lui
9 non plus ne porte pas de date.
10 Docteur Primorac, peut-être que vous pourriez nous indiquer la date de ce
11 document qui n'a pas été signé ni finalisé.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet accord de paiement avec la Croatie, qui a
13 été négocié par mes soins, a été négocié dans la deuxième quinzaine du mois
14 de septembre 1992. Probablement a-t-on terminé mi-octobre 1992.
15 La règle ou la pratique était celle-ci : mettre la date à laquelle le
16 gouvernement a adopté ledit accord. Je ne sais pas pourquoi il n'y a pas de
17 date au côté de la signature du ministre Jasic, qui était le ministre des
18 Finances du gouvernement de la République de Croatie. Et moi, je ne pouvais
19 pas avoir de date puisque mon gouvernement n'avait pas entériné l'accord à
20 ce moment-là.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.
22 M. KARNAVAS : [interprétation]
23 Q. Document suivant, 1D 0 -- oui.
24 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,
25 Maître Karnavas, mais il s'agit d'une question technique. Le témoin a dit
26 que d'après la pratique les accords sont mentionnés en fonction de la date
27 de leur approbation par le gouvernement.
28 D'après mon expérience, ce n'est pas exact. Les accords conclus sont datés
Page 29889
1 par les négociateurs au moment de la signature. La question de
2 l'approbation ou de la certification est une question distincte. On la
3 mentionne plus tard, certes, mais la date d'un accord ou d'un traité
4 correspond à la date de l'acceptation par les parties concernées. Merci.
5 M. KARNAVAS : [interprétation]
6 Q. Est-ce que vous souhaitez faire des commentaires sur les remarques
7 formulées par le Juge de la Chambre ?
8 R. J'en prends note.
9 Q. 1D 02689. 2689. Il s'agit d'un document daté du 31 décembre 1991. C'est
10 un accord, dans le préambule, nous voyons que c'est le ministère des
11 Finances de la République de Croatie et le ministère des Finances de la
12 République socialiste de Bosnie-Herzégovine qui ont conclu cet accord, et
13 la date est celle du 31 décembre 1991. Nous aurions dû en parler un peu tôt
14 en réalité.
15 Nous voyons qu'à l'article 2 il est dit, "Afin d'effectuer des transactions
16 telle que celle visé à l'article premier de cet accord, les participants
17 aux transactions se trouvant en République de Croatie peuvent ouvrir des
18 comptes séparés auprès du service des comptes publics de la Bosnie-
19 Herzégovine dans la monnaie locale actuellement utilisée sur le territoire
20 de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine."
21 Alors qu'est-ce que ça veut dire et pourquoi cet accord devait-il être
22 conclu ?
23 R. Juste une minute pour lire.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En attendant, Maître Karnavas, êtes-
25 vous sûr que cet accord a été conclu le 31 décembre ? J'ai l'impression
26 qu'il y a des signatures avec des dates en mars, et le 31 décembre c'est la
27 date à laquelle certains effets entrent en vigueur.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, excusez-moi, je suis un peu fatigué,
Page 29890
1 puis les dates m'échappent un peu. Je vois simplement que l'accord porte la
2 date du 31 décembre. Mais peut-être que j'ai commis une erreur. En fait, je
3 vois que c'est le 19 mars 1992. C'est signé d'un côté. Puis de l'autre
4 côté, on a l'impression qu'il s'agit de la date du mois de février 1992.
5 Q. Nous allons passer au document suivant.
6 R. [aucune interprétation]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- oui, mais vous, vous pouvez, mais ceux qui vont
8 nous suivre ne peuvent pas, eux. Donc on va arrêter là. Vous continuerez
9 demain. Monsieur, l'audience commencera donc demain matin à 9 heures. Donc
10 je vous invite à revenir pour la suite de l'audience, 9 heures du matin. Je
11 vous remercie.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mercredi 25 juin
14 2008, à 9 heures 00.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28