Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 26 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  7   s'il vous plaît.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  9   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes et à tous. Il s'agit de l'affaire IT-

 10   04-74-T, le Procureur contre Jadranko Prlic et consorts.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame. En ce jeudi, je salue

 12   MM. les accusés, Mmes et MM. les avocats, Mmes et MM. du bureau du

 13   Procureur ainsi que toutes les personnes qui nous assistent. Et je salue M.

 14   le Témoin, M. Primorac, dont j'espère que ce sera le dernier jour

 15   d'audience.

 16   Alors, tout d'abord, très vite, je m'adresse à l'Accusation concernant la

 17   demande de rajout sur la liste 65 ter des documents que Me Karnavas nous a

 18   exposés hier, le 1D 2941, 2942, 2943, 2944, 2945, 2946, 2947, 2948 et 2949.

 19   Y a-t-il opposition de l'Accusation ?

 20   M. SCOTT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 21   Juges. Bonjour à toutes et à tous. Nous ne nous opposons pas à cette

 22   requête. Comme je l'ai déjà dit, nous réservons notre position au cas par

 23   cas mais il y a une préoccupation d'ordre général. Je comprends bien les

 24   réalités de la situation, l'Accusation s'inquiète un peu de l'arrivée

 25   continue de nouveaux documents avec chaque témoin, documents qui ne

 26   figuraient pas auparavant sur la liste. Alors, nous n'avons pas d'objection

 27   à soulever à cette occasion, mais il faudra se pencher sur la question.

 28   Merci.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Je présume que les autres Défenses

  2   n'avaient pas d'objections, non, concernant l'inscription de ces documents

  3   sur la liste 65 ter.

  4   Ceci étant dit, maintenant, concernant le temps d'après les calculs,

  5   il doit rester deux heures 30 au Procureur. Les Juges vont s'efforcer de ne

  6   pas poser de questions afin de permettre que l'Accusation termine le

  7   contre-interrogatoire. Et j'ose espérer qu'il y aura quand même quelques

  8   questions supplémentaires dans le reste du temps afin de permettre au

  9   témoin d'être libéré à la fin de cette audience et de ne pas avoir à rester

 10   jusqu'à la semaine prochaine.

 11   Bien. Alors, j'ai été trop long et je donne la parole tout de suite à

 12   Me Kruger.

 13   M. KRUGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 14   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes dans le

 15   prétoire et à l'extérieur de celui-ci.

 16   LE TÉMOIN : TÉMOIN ZARKO PRIMORAC [Reprise]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   Contre-interrogatoire par M. Kruger : [Suite]

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Primorac. Hier, à la fin de

 20   l'audience nous avons évoqué le fonctionnement du ministère des Finances et

 21   nous nous en étions arrêtés au moment où nous évoquions le fait qu'en

 22   dessous de vous, il y avait toute une structure composée d'assistants, de

 23   directeurs ayant chacun leurs propres subordonnés. Nous allons poursuivre

 24   sur ce sujet un petit peu. Est-il exact de dire qu'en votre qualité de

 25   ministre des Finances, vous étiez chargé d'appliquer les décisions du

 26   gouvernement prises à votre niveau par le biais de ce réseau et jusqu'aux

 27   échelons inférieurs ?

 28   R.  Le ministère des Finances a mis en œuvre les décisions de son

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  1   gouvernement, qui constitue un processus normal de fonctionnement. Sur le

  2   plan opérationnel, la façon de fonctionner dépendait du cas au cas. Pour

  3   l'essentiel, la majeure partie ou la plupart des effectifs du ministère

  4   étaient installés au siège du gouvernement à Sarajevo et c'est ainsi que ça

  5   fonctionnait.

  6   Q.  Je pense qu'il va également sans dire que vos subordonnés vous

  7   faisaient rapport au sujet de leurs activités de façon à ce que vous ayez

  8   un aperçu d'ensemble de ce qui se passait au sein de votre ministère.

  9   R.  C'est sous entendu.

 10   Q.  Au niveau du cabinet, ai-je également raison de dire que vous-même

 11   preniez vos consignes auprès du premier ministre en tant que chef de

 12   cabinet ?

 13   R.  Ce n'est pas ce qu'on pourrait dire. J'ai dû me comporter conformément

 14   à la législation de la Bosnie-Herzégovine. Bien entendu, lorsque l'on met

 15   en œuvre ces lois, il convient de procéder à des consultations soit au

 16   niveau gouvernemental, soit avec le premier ministre soit avec l'un des

 17   vices premiers ministres chargés de la coordination entre ministère dont je

 18   faisais partie. Mais ma responsabilité à moi était plus une responsabilité

 19   vis-à-vis de la loi. Il n'y avait pas de hiérarchie de relation du point de

 20   vue où le premier ministre pourrait me donner des ordres qui iraient à

 21   l'encontre de la façon dont je conçois la loi.

 22   Q.  Dans certains documents, j'ai constaté que les différents ministères

 23   devaient coordonner leurs activités afin que le gouvernement puisse

 24   fonctionner comme il se doit; est-ce exact ?

 25   R.  Je vais être tout à fait précis. Il y avait une coordination entre

 26   ministères chargés de l'Economie, Finances et autres, et à la tête de cet

 27   organe de Coordination, c'était

 28   M. Turajlic qui dirigeait ces activités. Il était premier ministre chargé

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  1   de ces -- premier ministre adjoint chargé de ce secteur. Ce n'était pas

  2   obligatoirement accepté par tous les ministères ces suggestions parce que,

  3   s'il y avait eu des malentendus de survenus, les malentendus étaient

  4   surmontés par les soins du gouvernement.  

  5   L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, il y

  6   a une erreur au compte rendu. Le témoin a parlé de

  7   M. Turajlic, et en page 3, on dit "Prlic." C'est une erreur de frappe.

  8   J'étais là-bas en -- j'ai occupé ses fonctions en 1989, 1990, mais pas à

  9   l'époque dont on est en train de parler.

 10   M. KRUGER : [interprétation] Je remercie, M. Prlic.

 11   Q.  Monsieur Primorac, est-il effectivement exact de dire que vous n'avez

 12   pas mentionné M. Prlic mais M. Turajlic comme il vient d'être dit ?

 13   R.  C'est bien exact, oui.

 14   Q.  Merci. Hier, vous avez dit qu'à un moment donné, vous aviez décidé de

 15   cesser d'exercer vos fonctions de ministre; quand avez-vous pris cette

 16   décision ?

 17   R.  J'ai pris la décision de ne pas prendre part à ce nouveau gouvernement

 18   remodelé. Je vous rappelle que le nouveau mandataire de ce gouvernement a

 19   été nommé en novembre 1992, le 10 novembre 1992, et depuis ce jour-là

 20   jusqu'au 23 décembre 1992, il a dû œuvrer sur en faveur de ce remodelage de

 21   ce gouvernement. Et, moi, j'ai décidé de ne pas le faire et je crois que

 22   c'est mi-décembre 1992 que j'ai fait en sorte que ces décisions soient

 23   définitivement adoptées.

 24   Q.  Ce nouveau premier ministre, c'était M. Akmadzic, n'est-ce pas ?

 25   R.  Le nouveau premier ministre de ce gouvernement était

 26   M. Akmadzic, en effet.

 27   Q.  Alors que vous étiez à Zagreb, à partir du mois de septembre environ.

 28   Tout d'abord, est-il exact qu'après votre voyage à Washington, vous êtes

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  1   revenu à Zagreb et vous n'êtes pas retourné à Sarajevo jusqu'à la fin de

  2   l'année; est-ce exact ?

  3   R.  Oui, c'est exact. Après avoir quitté Sarajevo et je suis parti le 18

  4   septembre 1992, à la tête de cette délégation de la république, pour une

  5   session de la Banque mondiale, et jusqu'à la fin de mon mandat, le 23

  6   décembre 1992, je ne suis plus retourné à Sarajevo.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois intervenir; il y a une erreur

  8   d'interprétation, si vous permettez.

  9   M. KRUGER : [interprétation]

 10   Q.  Oui, dites-nous : de quoi il s'agit ?

 11   R.  Je pense qu'on s'est trompé dans la traduction. On a dit que j'ai

 12   quitté le 18 septembre 1992, ce qui est tout à fait exact, et je ne suis

 13   pas revenu avant le 23 juillet 1997, or, moi, j'ai dit "23 décembre 1992."

 14   Q.  Je vous remercie. Au cours de la période où vous n'étiez plus à

 15   Sarajevo, c'est-à-dire entre le mois de septembre et le

 16   10 novembre, alors que M. Pelivan était encore premier ministre, avez-vous

 17   reçu des consignes --

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un problème. Le compte rendu, le témoin a

 19   rectifié en disant "23 décembre 1992," et on a toujours

 20   23 juillet 1997. Il y a erreur même par rapport à ce que je dis, alors, je

 21   demande aux interprètes et à la sténotypiste d'être vigilants. Le témoin a

 22   dit : "23 décembre 1992."

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] c'est exactement ce que j'ai dit.

 24   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Pour que les choses soient bien claires, à partir du

 26   18 septembre, donc, ensuite il y a eu les mois d'octobre, novembre et

 27   décision, et trois mois se sont écoulés avant que vous retourniez à

 28   Sarajevo; en fait, vous n'êtes pas rentré à Sarajevo.

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  1   R.  Dans le courant de mon mandat, pendant les trois mois restant de ce

  2   mandat, je n'étais pas à Sarajevo en effet.

  3   Q.  Je pense que les choses sont claires à présent.

  4   Monsieur, au cours de cette première période que nous venons d'évoquer à

  5   l'époque où M. Pelivan était encore premier ministre, à partir où vous

  6   n'étiez pas à Sarajevo, avez-vous reçu des consignes de la part de M.

  7   Pelivan concernant vos devoirs ou vos responsabilités ?

  8   R.  J'ai rencontré physiquement M. Pelivan pendant cette période à Zagreb,

  9   et ce, sûrement deux fois - peut-être trois, mais deux pour sûr - lorsqu'il

 10   sortait de Sarajevo pour affaire. Et, bien entendu, à ces réunions je me

 11   suis entretenu avec lui de mon travail et de mon travail d'activité. Mais

 12   sur le plan opérationnel, les communications étaient entretenues en passant

 13   par le biais de

 14   M. Turajlic avec le gouvernement, selon les modalités qui étaient possibles

 15   puisque, si, à l'époque, il était possible de contacter par téléphone, on

 16   le faisait par téléphone, chose qui était déjà assez difficile arrivait que

 17   cela puisse se faire. Ou alors, on fonctionnait par le biais d'informations

 18   écrites. Je rédigeais des informations par écrit que j'ai gardées dans ma

 19   documentation, et je l'ai fait à l'intention de M. Pelivan, et de M.

 20   Akmadzic lorsque lui a pris les rênes du gouvernement.

 21   Q.  M. Pelivan, s'est-il inquiété du fait que vous n'étiez pas à Sarajevo ?

 22   R.  M. Pelivan savait fort bien ce que je faisais à Zagreb, jusqu'au

 23   moindre détail. Il est vrai qu'il m'a demandé d'en finir au plus vite avec

 24   ce qu'on pouvait faire à Zagreb pour revenir. Et comme je l'ai déjà dit

 25   dans mon témoignage hier en répondant à

 26   M. Karnavas, j'ai décidé de revenir à Sarajevo fin octobre. Mais ne me

 27   demandez pas la date exacte, je n'arrive pas à me souvenir des dates

 28   exactes. Il s'est passé quand même 15 ou 16 ans, je pense que c'était fin

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  1   octobre, lorsque à la demande de M. Turajlic, j'ai reporté mon voyage pour

  2   ce qui est d'aller à l'Union européenne pour présenter ce programme de

  3   survie.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, on me signale qu'a la

  5   page 6, ligne 25 et à la page 7, ligne 1, le témoin a dit qu'il envoyait

  6   des informations par écrit à M. Pelivan et non pas des notes. Ce n'est pas

  7   la même chose que de coucher sur papier des informations et peut-être que

  8   nous pourrions tirer cela au clair afin que le compte rendu d'audience soit

  9   bien précis.

 10   M. KRUGER : [interprétation] Je remercie, Me Karnavas.

 11   Q.  Monsieur Primorac, vous avez entendu ce que vient de dire M. Karnavas;

 12   est-ce que vous pourriez commenter ce qu'il a dit ? Est-ce qu'il s'agissait

 13   de notes ou d'informations ?

 14   R.  Je peux illustrer cela en vous montrant des documents. Il s'agissait

 15   d'informations où de façon précise je décrivais ce que je faisais et où je

 16   le faisais. Donc, jusqu'au détail qui risquait d'être intéressant pour le

 17   premier ministre, qui voudrait connaître les détails. Donc, je le tenais au

 18   courant de ce que j'avais convenu avec les uns et les autres, et je

 19   demandais au gouvernement de prendre des décisions pour que je puisse

 20   continuer. Et j'ai surtout œuvré en faveur de l'affiliation de la Bosnie-

 21   Herzégovine à la Banque mondiale, au Fond monétaire et autres institutions

 22   internationales, au Fond européen. Et tout ceci nécessitait de grands

 23   préparatifs, le nécessitait aussi de disposer d'informations de détail et

 24   beaucoup de préparatifs épuisants, ce qui fait que je n'ai pas pu

 25   communiquer tout le temps. Donc, les informations étaient détaillées, elles

 26   disaient ce que je faisais et elles disaient également ce que le

 27   gouvernement était censé faire pour que je puisse faire ma partie du

 28   travail là-bas.

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  1   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

  2   M. KRUGER : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur, les interprètes ont un peu de mal à vous suivre. Ils vous

  4   demandent de bien vouloir répéter la dernière partie de votre réponse.

  5   R.  J'ai dit que les tâches que j'effectuais nécessitaient beaucoup de

  6   préparatifs, beaucoup de documentations, bien des données. Et à Zagreb,

  7   bien entendu, dans les circonstances où j'étais appelé à intervenir, je ne

  8   pouvais pas avoir tout cela, ce qui fait que j'ai dû investir beaucoup

  9   d'efforts pour me procurer ces données afin que mes informations à

 10   l'intention du premier ministre soient complètes. Donc, il s'agissait de

 11   l'informer de ce que je faisais et de le prier de ce à quoi je m'attendais

 12   de la part du gouvernement pour que je puisse faire ma partie du travail.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Je dois corriger le compte rendu une fois

 14   encore. Je ne sais pas si c'est un problème de traduction ou un problème de

 15   transcription, mais à la page 8, ligne 3, il est question du Fond européen

 16   et de la succession de l'Accusation. Je sais que ce n'est pas ce qu'a dit

 17   le témoin. Je ne sais pas comment ça pu se retrouver dans le compte rendu

 18   d'audience, mais je veux que le compte rendu d'audience soit bien précis.

 19   Peut-être que le témoin pourrait parler plus lentement également. Et nous

 20   essayons de notre côté d'être aussi précis que possible. Alors, je ne

 21   cherche pas à rejeter la faute sur qui que ce soit.

 22   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Maître Karnavas.

 23   Q.  Alors, en haut de l'écran, on peut lire : "Le Fond européen et la

 24   succession de l'Accusation." De quoi parliez-vous ?

 25   R.  Je vais répéter ce que j'ai dit. J'ai œuvré en faveur de l'affiliation

 26   de la Bosnie-Herzégovine en sa qualité d'Etat nouveau à la Banque mondiale

 27   pour le renouveau et le développement, au Fond monétaire international, à

 28   la Banque européenne de reconstruction et développement et j'ai œuvré

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  1   également sur les tâches relatives à la succession de -- de tâches de

  2   succession portant sur l'ex-Yougoslavie.

  3   Q.  Les échanges écrits que vous avez eus avec le premier ministre, ces

  4   documents que vous lui envoyiez par écrit. Comment étaient-ils transmis ?

  5   R.  Si je puis prendre la liberté de m'exprimer de façon inhabituelle, je

  6   dirais très certainement, ce qui signifie que cela était parfois envoyé par

  7   estafette; il n'y avait pas d'estafette officielle. Il y avait des gens qui

  8   voyageaient vers Sarajevo par des avions -- à bord d'avions de la FORPRONU

  9   ou arrivaient à bord depuis là-bas, et habituellement, ces gens passaient

 10   par le bureau de Zagreb, et je profitais de l'occasion pour envoyer ces

 11   informations. Il y avait parfois des possibilités, une fois qu'on a mis en

 12   place des téléphones cellulaires, de s'entretenir au téléphone. Ce type de

 13   communication, je l'ai surtout utilisé pour m'entretenir avec

 14   M. Turajlic parce que c'était plus adapté à nos tâches et on se comprenait

 15   mieux, c'était plus simple. Il y a eu des cas aussi où je pouvais envoyer

 16   des fax et je le faisais également. Donc, toutes formes possibles de

 17   communication ont été utilisées pour procéder à ces échanges

 18   d'informations.

 19   Q.  Lorsque M. Akmadzic a succédé à M. Pelivan, avez-vous continué à avoir

 20   ce genre d'échanges avec lui ?

 21   R.  J'ai poursuivi ma communication et j'ai des exemples de ces échanges

 22   dans ma documentation. Je vais ici faire une petite digression pour ce qui

 23   est de ces moyens de communication. Jovan [phon] Pelivan c'était un

 24   économiste, Mile Akmadzic ne l'était pas lui, ce qui fait qu'Akmadzic me --

 25   m'orientait pour l'essentiel vers M. Turajlic pour mes concertations avec

 26   le gouvernement qui était chargé de la Coordination avec ce ministère, mais

 27   j'ai des exemplaires d'informations par écrit que j'envoyais également à

 28   Akmadzic.

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  1   Q.  Je souhaiterais aborder un sujet un petit peu délicat pour vous, je le

  2   sais et je ne cherche pas à vous gêner, ce faisant. Mais je souhaiterais

  3   vous renvoyer au document de l'Accusation P 10467.

  4   P 10467.

  5   Il s'agit de la transcription d'un enregistrement audio de la 178e Séance

  6   de travail de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Cette séance a été tenue

  7   le 21 décembre 1992. Avez-vous ce document sous les yeux ?

  8   R.  J'ai le document sous les yeux.

  9   Q.  Lors de cette réunion, on a surtout parlé -- alors c'est ce que l'on

 10   voit tout au début dans l'intervention du président, juste en dessous de la

 11   rubrique consacrée à Mile Akmadzic, voilà ce que dit le président : "Donc,

 12   faisons un changement pour ce qui est du ministre de la Défense nationale,

 13   des Finances, des Transports…" Est-ce que vous voyez cela ?

 14   R.  -- je voudrais me servir de mon stylo. Est-ce que je -- j'ai le droit

 15   de prendre quelques petites notes ou d'apposer quelques petites notes sur

 16   votre document ? Parce que j'ai du mal à retenir certains éléments.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 18   Et, dites-moi : de quel paragraphe étiez-vous en train de parler, s'il vous

 19   plaît ?

 20   M. KRUGER : [interprétation]

 21   Q.  Sur la première page pour vous, première intervention du président. Et

 22   voilà ce qu'il dit : "Donc, faisons un changement ici, à savoir pour ce qui

 23   est du ministre de la Défense nationale, des Finances…" Est-ce que vous

 24   voyez ce passage ?

 25   R.  Dans mon texte, la première intervention du président s'énonce comme

 26   suit : "Il s'agit des ministères qui étaient -- qui existaient auparavant."

 27   Et il n'y a plus rien d'autre. Je ne sais pas si c'est bien le document que

 28   j'étais censé consulter.

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  1   Q.  Première page.

  2   R.  Désolé.

  3   Q.  [aucune interprétation]

  4   R.  Je m'excuse, ce n'est que maintenant que je viens de m'en apercevoir.

  5   Donc, comme vous pouvez le voir, on parle également de vous -- ou plutôt,

  6   de votre poste. Il est question d'apporter un changement. Au cours de cette

  7   période, vous n'étiez pas à Sarajevo, vous étiez à Zagreb.

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Au bas de la page 3 en anglais, page 3 également en B/C/S

 10   -- en fait, je me demande si c'est bien la page 3. C'est là que

 11   M. Mile Akmadzic prend la parole -- excusez-moi. M. Ejup Ganic prend la

 12   parole et il dit, je cite : "Disons qu'un ministre a été absent pendant

 13   trois ou quatre mois et que personne au ministère ne peut faire quoi que ce

 14   soit en raison de l'absence du ministre en question." Est-ce que vous voyez

 15   cela ?

 16   R.  [aucune interprétation]

 17   Q.  Alors, cela s'appliquait à vous en ce sens que vous étiez l'un des

 18   ministres absents pendant trois mois, à ce moment-là. Alors, comment le

 19   ministère fonctionnait en votre absence ?

 20   R.  J'avais un adjoint du ministre qui se trouvait lui à Sarajevo et qui

 21   dirigeait les activités du ministère en mon absence pour ce qui est de la

 22   partie des tâches qui concernaient Sarajevo. Pour ce qui est des tâches que

 23   j'essayais de vous expliquer -- de vous illustrer pour dire que cela ne

 24   pouvait être que -- fait qu'à l'extérieur de Sarajevo, c'est moi qui m'en

 25   suis chargé. Donc, je ne peux pas être inéquitable et dire que le ministère

 26   n'a pas souffert du fait de l'absence du ministre. Il est certain que ce

 27   sont là des tâches d'une nature assez sensible, mais je ne pense pas

 28   qu'Ejup Granic -- Ganic et sa déclaration aient quoi que ce soit à avoir

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  1   comme effet si ce n'est qu'un effet de propagande parce que M. Ganic, s'il

  2   avait voyagé -- et il a envoyé dans l'Europe pour présenter les programmes

  3   du gouvernement aux fins de collecter des moyens, et ce, les moyens

  4   destinés à la survie de la population, donc, il l'a fait aussi.

  5   Q.  Nous allons bientôt passer à un autre sujet, mais je vois ici que c'est

  6   alors le président qui intervient, ensuite M. Akmadzic. Et il dit ceci, là,

  7   il parle des ministres ou des nouveaux candidats, il dit : "Je propose des

  8   candidats de souche ethnique croate proposés par le HDZ. J'ai reçu cette

  9   obligation et ils étaient au HDZ. En fait, il n'y a que Primorac qui n'en

 10   faisait pas partie."

 11   Le fait que vous n'étiez pas un membre du HDZ, est-ce que ceci a -- vous

 12   avait entravé dans votre travail de ministre ?

 13   R.  Ce document formel, non, puisque le gouvernement fonctionnait en tant

 14   qu'organe exécutif de la présidence. Et lors des séances du gouvernement,

 15   les décisions n'étaient pas prises suivant la question de savoir qui était

 16   membre de quel parti; cependant, je ne disposais pas de certaines

 17   informations de nature politique qui auraient pu m'orienter puisque je

 18   n'avais pas de contact avec le HDZ qui, ici, représentait le peuple croate

 19   en Bosnie-Herzégovine.

 20   Q.  Page suivante, en anglais tout du moins. Au haut de cette page -- je me

 21   suis trompé. Page 5. Le Président parle juste après l'intervention de M.

 22   Pejanovic, il dit ceci : "Est-ce que le ministre des Finances est présent

 23   vraiment ? Oui, nous avons trois cas, je ne sais même pas. Il a le droit

 24   d'être absent, Primorac, je ne sais pas."

 25   Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez le passage ? Les interprètes ne

 26   l'ont pas.

 27   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Kruger, excusez-moi, mais

 28   vous avez dit page 5, et moi, je ne trouve pas cette partie-là du compte

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  1   rendu.

  2   M. KRUGER : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Haut de page. Ah oui. Ah, je l'ai

  4   trouvé, merci beaucoup.

  5   M. KRUGER : [interprétation] Moi aussi, je ne l'avais pas retrouvé. 

  6   Q.  Et juste après ça nous avons M. Ganic qui dit : "Non, non, non. Il

  7   n'est toujours pas rentré, on lui a donné l'ordre de revenir."

  8   Suit M. Akmadzic : "J'ai donné l'ordre, je lui ai dit s'il veut rester dans

  9   le gouvernement."

 10   Est-ce que M. Akmadzic vous a contacté à cette époque-là ?

 11   R.  M. Akmadzic m'a parlé plusieurs fois. Physiquement pendant que l'on

 12   était en contact et puis par téléphone lorsqu'il était en dehors --

 13   physiquement lorsqu'il était en dehors de Sarajevo, et je pense qu'il m'a

 14   appelé une fois depuis Sarajevo, mais je ne peux pas le confirmer. Donc, il

 15   m'a appelé une autre fois, il m'a proposé de devenir membre du

 16   gouvernement. Comme je l'ai déjà dit, j'ai décidé de ne pas le faire.

 17   Q.  M. Ganic dit qu'on vous a donné l'ordre de revenir; pouvez-vous

 18   commenter cela ?

 19   R.  Je ne sais pas comment M. Ganic peut le savoir, il n'était pas mon

 20   supérieur hiérarchique, et si mes souvenirs sont bons, il n'en a jamais

 21   parlé avec moi-même s'il a voyagé avec moi tous les jours. Moi, j'ai

 22   expliqué tout à l'heure, et je peux répéter, lorsque j'ai décidé de revenir

 23   suite à la suggestion du premier, et puis j'ai expliqué aussi pourquoi je

 24   ne l'ai pas fait, pourquoi je ne suis pas retourné, je l'ai déjà expliqué,

 25   mais je peux ré expliquer au besoin.

 26   Q.  Nous allons bientôt laisser ce document de côté, mais je vous demande

 27   ceci : hier, est-ce que vous vous souvenez du moment où la Chambre

 28   examinait le document de la Défense 1D02696. C'était le programme de

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  1   travail de l'état-major pour recueillir des fonds, pour répondre aux

  2   besoins de la population, c'était le 30 septembre 1992. Est-ce que vous

  3   vous souvenez de ce programme de travail ? Moi, j'y ai vu au moins deux

  4   points où vous étiez censé travailler avec M. Ganic. Point 5, on te dit :

  5   "Présenter un projet à la Communauté européenne avec Ganic." Et point 12,

  6   avoir des pourparlers avec les Etats-Unis et le Canada.

  7   Est-ce que vous vous souvenez que c'était prévu ?

  8   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à l'ordre du jour et je m'en souviens.

 10   M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vais rapidement

 11   déplacer mes documents pour que les interprètes m'entendent mieux.

 12   Q.  Gardons ceci à l'esprit pour maintenant aborder la dernière page de la

 13   pièce 10467, à savoir le procès-verbal du 21 décembre. C'est qu'intervient

 14   une fois de plus M. Ganic. Dans la toute première partie, il dit ceci : "Il

 15   y a quelques postes vides, quelques sièges vides au gouvernement. Zarko

 16   Primorac et moi étions censés aller en Amérique le 20 septembre, donc, je

 17   n'ai pas pu y aller mais, lui, il est parti le 14 septembre pour ne jamais

 18   revenir. Nous sommes allés à Bruxelles ensemble une seule journée, et moi

 19   je suis revenu."

 20   Ce déplacement aux Etats-Unis ou en Amérique, est-ce celui qui était

 21   mentionné dans le programme de travail ?

 22   R.  Permettez-moi, s'il vous plaît, de lire le texte pour comprendre le

 23   contexte. Tout d'abord, il n'est pas exact de dire que moi et Ganic, qu'on

 24   avait planifié d'aller aux Etats-Unis le

 25   20 septembre. Suivant le programme du gouvernement de recueil des fonds, il

 26   est exact que nous étions tous les deux désignés à aller avoir des

 27   entretiens aux Etats-Unis et au Canada, avant le

 28   30 septembre 1992, mais une date précise n'avait pas été fixée, ni les

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  1   réunions n'avaient pas été prises. Ça c'est la première chose.

  2   Et puis, je ne suis pas allé aux Etats-Unis le 14 septembre, mais après le

  3   20. J'ai quitté Sarajevo le 18 septembre. Deux, trois jours plus tard, je

  4   suis allé aux Etats-Unis. Je pense que l'assemblée de la Banque mondiale et

  5   du Fond monétaire international à laquelle je dirigeais la délégation de la

  6   Bosnie-Herzégovine ait lieu les 25 et 26 septembre 1992. Donc, je ne suis

  7   pas allé aux Etats-Unis conformément au programme du gouvernement afin

  8   d'avoir des relations liées au recueil des fonds, mais j'y suis allé suite

  9   aux instructions du gouvernement en tant que chef de la délégation pour

 10   assister à l'assemblée annuelle de la Banque mondiale et du Fond monétaire

 11   international. Et M. Ganic n'y a pas participé, et je pense qu'il confond

 12   les choses ici, mais c'est son problème.

 13   Q.  Juste après cela vers la quatrième ligne, on dit ceci : "Par

 14   conséquent, ceux qui y sont allés, ils ont bravé toutes les règles, et

 15   croyez-moi, on sera content d'apprendre -- on serait content d'apprendre

 16   que nous disions qu'il y a six ministres qui ne se sont pas présentés à

 17   leur travail, qui ont été remplacés."

 18   J'ai l'impression que les membres du cabinet ou certains membres du cabinet

 19   n'étaient pas conscients du travail que vous faisiez en tant que ministre

 20   des Finances. Est-ce que vous auriez un commentaire ?

 21   R.  Je ne peux pas faire de commentaire là-dessus tout simplement en raison

 22   du fait que je rendais compte de mon travail aux fonctionnaires qui étaient

 23   liés avec moi. Mais je ne sais pas ce qu'ils en faisaient après.

 24   Q.  Revenons un instant à ce programme de travail. Il y avait trois autres

 25   points qui étaient prévus, évoqués par le document

 26   1D 062680 [comme interprété]. Et là, vous aviez reçu pour mission certains

 27   éléments. Vous deviez avoir des pourparlers avec l'Autriche. Est-ce que ça

 28   s'est fait ?

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  1   R.  J'ai été à Vienne et j'ai eu un entretien avec un bureau, un cabinet

  2   d'avocats car, entre autres choses, le gouvernement m'avait confié la tâche

  3   d'ouvrir une banque à Vienne par le biais de laquelle on commencerait à

  4   établir -- à avoir des transactions financières internationales, et j'ai

  5   commencé à avoir des discussions avec un cabinet d'avocats à Vienne afin de

  6   préparer les documents. Mais je n'avais pas de contact avec les organes

  7   gouvernementaux d'Autriche.

  8   Q.  Parlons de la réunion de la présidence qui s'est tenue le lendemain, à

  9   savoir le 22 décembre. Il s'agit de la pièce à charge

 10   P 10496. Veuillez prendre la version en B/C/S.

 11   Page 6, le document en compte 8, version anglaise, c'est à l'endroit où M.

 12   Akmadzic intervient une fois de plus : "Zarko Primorac n'est pas -- ça fait

 13   trois mois que Zarko Primorac n'est pas à Sarajevo."

 14   Vous avez cet endroit ?

 15   R.  A la page 6, j'ai le discours ou l'intervention d'Akmadzic mais

 16   apparemment ce n'est pas ça. Dites-moi quelle est la première phrase en

 17   anglais, et je retrouverais la phrase correspondante.

 18   Q.  "Cela fait trois mois que Zarko Primorac n'est pas à Sarajevo."

 19   Vous avez trouvé ?

 20   R.  Non, toujours pas. A la page 6, j'ai Akmadzic.

 21   Q.  Excusez-moi, Monsieur le Témoin. Grand Dieu. Malheureusement, je n'ai

 22   pas vérifié pour trouver le passage correspondant en B/C/S. Est-ce que je

 23   peux vous lire ce qui est écrit ici ? C'est tout à fait court, et je

 24   voudrais vous commentiez ceci.

 25   M. Akmadzic dit : "Cela fait trois mois maintenant que Zarko Primorac n'est

 26   pas à Sarajevo." C'est exact, n'est-ce pas ?

 27   Puis M. Filipovic intervient, et à la fin de son intervention, il dit ceci

 28   : "Excusez-moi, nous avons des situations où il y a certains ministres qui

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  1   n'ont jamais soumis un seul rapport au parlement."

  2   Est-ce que ceci s'applique à vous pendant que vous étiez absent en tant que

  3   ministre des Finances pendant trois mois ?

  4   R.  Je dois corriger quelque chose. Je m'appuie sur ce que vous avez lu et

  5   tout d'abord à l'époque le parlement n'existait pas, mais la présidence. Le

  6   parlement ne fonctionnait pas tout simplement en raison du fait qu'il ne

  7   pouvait pas se réunir.

  8   Deuxièmement, les ministres en règle générale ne rendent pas compte au

  9   parlement mais informent le gouvernement de leur travail et c'est le

 10   gouvernement qui en communication avec le parlement si celui-ci fonctionne.

 11   Et puis, troisièmement, je dispose des dizaines de papiers et de documents,

 12   et d'autres informations que j'ai envoyé au gouvernement de la Bosnie-

 13   Herzégovine. Donc, cette reproche de

 14   M. Filipovic n'est pas tenable.

 15   Q.  J'ai repéré le bon endroit en B/C/S. En haut à droite, vous allez voir

 16   un nombre, 0180 essayez de trouver les derniers chiffres 6590 ?

 17   R.  Est-ce que quelqu'un pourrait m'aider je n'arrive pas à me retrouver ?

 18   M. KRUGER : [interprétation] J'ai une copie séparée ici qui n'est pas dans

 19   le classeur, M. l'Huissier; ça vous aidera peut-être.

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Dans l'intervalle, je suis sûr que M. Kruger

 21   va aborder la page 7 où M. Akmadzic entérine ce que

 22   M. Primorac a dit sous serment.

 23   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur l'Huissier.

 24   Q.  Si je vous montre ceci c'est uniquement parce que vous voyez ici que M.

 25   Akmadzic intervient : "Il n'y a qu'une chose, tous ceux qui me connaissent

 26   savent aussi que Zarko Primorac c'est mon ami personnel et c'est un ami de

 27   la famille, et je tiens à vous dire que Zarko Primorac m'a dit qu'il ne

 28   veut pas être à Sarajevo, qu'il ne veut pas être au gouvernement et s'il y

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  1   a des gens qui ont entendu quelque chose, et ils ont mal entendu."

  2   Est-ce que ceci confirme ce que vous avez déjà dit, à savoir que vous aviez

  3   décidé que vous ne vouliez plus poursuivre vos activités de ministre au

  4   sein du gouvernement ?

  5   R.  Je suis content que M. Akmadzic ait dit cela mais je n'ai toujours pas

  6   le texte devant moi.

  7   Q.  Est-ce que vous avez entendu l'interprétation et vous avez compris ?

  8   Tournez la page --

  9   R.  Je vais ça --

 10   Q.  Etes-vous en mesure de confirmer ce que je viens dire est exact ?

 11   R.  Et l'amabilité, vous savez, j'ai essayé de me concentrer sur la

 12   recherche de cette partie du texte, donc, veuillez relire cela encore une

 13   fois.

 14   Q.  Akmadzic : "Il n'y a qu'une chose. Tous ceux qui me connaissent savent

 15   aussi que Zarko Primorac est mon ami personnel et un ami de la famille."

 16   Vous avez trouvé le passage ?

 17   R.  Je l'ai trouvé.

 18   Q.  "Je tiens à vous dire que Zarko Primorac m'a dit qu'il ne veut pas être

 19   à Sarajevo, qu'il ne veut plus être au gouvernement." Est-ce exact ?

 20   R.  Il est exact que je lui ai dit que je ne souhaitais pas faire partie du

 21   gouvernement. C'est ce que j'ai déjà répété plusieurs fois. A ce moment-là

 22   objectivement parlant je ne pouvais plus être à Sarajevo et je veux

 23   expliquer pourquoi. Tout d'abord, mon appartement avait été dévasté et puis

 24   peu de temps après, j'ai été licencié de mon entreprise Energoinvest, et

 25   donc, afin de trouver des moyens de subsistance je devais me tourner

 26   ailleurs.

 27   Q.  Examinons brièvement une pièce de la Défense 1D 01632, est-ce que M.

 28   l'huissier pourrait nous aider à remettre le classeur au témoin ? Est-ce

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  1   que vous avez le document ?

  2   R.  Oui, je l'ai.

  3   Q.  Au fond, c'est le document, si je me souviens bien, qui règle les

  4   obligations financières qu'il y avait envers vous, de façon définitive;

  5   est-ce exact ?

  6   R.  Peut-être il y a un malentendu parce que le monsieur m'a apporté un

  7   autre document, c'est un document sur la décision portent sur la sélection

  8   des ministres du gouvernement de Bosnie-Herzégovine. C'est le document que

  9   j'ai sous les yeux.

 10   Q.  Puisque nous avons ce document sous les yeux, je vous demande ceci :

 11   hier, vous avez dit que vous n'aviez pas beaucoup aimé le mot utilisé dans

 12   cette décision. Pourquoi ce mot que vous n'aimiez pas a-t-il été utilisé,

 13   celui de "mise à pied" ou de "relevé de ses fonctions" ?

 14   R.  A mon avis, il ne s'agit ni d'un licenciement ni de -- du fait d'être

 15   relevé de ses fonctions, car en croate, le plus littéralement, il est dit

 16   que les ministres cessent d'exercer leurs fonctions. C'est un processus

 17   normal lorsqu'un gouvernement est en restructuration et un certain nombre

 18   de ministres cessent d'être ministres. Et, en général, il est dit que

 19   certaines personnes cessent d'exercer leurs fonctions plutôt que de dire

 20   qu'elles ont été relevées de leurs fonctions ou licenciées.

 21   Q.  Veuillez examiner un document qui se trouve maintenant dans le classeur

 22   de l'Accusation. Il s'agit de la pièce P 10503 -- 10503. 10503.

 23   R.  Dites-moi, s'il vous plaît, de nouveau, de quel document il s'agit car

 24   il y a une confusion de numéros encore une fois. Moi -- devant moi, j'ai le

 25   document P 10503. C'est le document ?

 26   Q.  Oui, c'est un article de Politika de Belgrade paru le 12 octobre 1992;

 27   vous l'avez ?

 28   R.  Je l'ai trouvé.

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  1   Q.  Je ne veux pas passer trop de temps à l'examen de ce document, ce n'est

  2   pas très important, mais nous avons ici aussi un article qui dit qu'il y a

  3   des membres du gouvernement de Bosnie-Herzégovine qui ne se trouvent pas à

  4   Sarajevo. Prenez le milieu de l'article, s'il vous plaît : "De cette façon,

  5   Sarajevo cesse d'être un centre et devient une ville déserte -- ou

  6   désertée."

  7   Vous avez ce paragraphe ?

  8   R.  Je l'ai trouvé. La phrase commence par les mots "Ainsi, Sarajevo cesse

  9   d'être le centre;" je l'ai trouvée.

 10   Q.  "Bon nombre des membres des membres du gouvernement ont déjà quitté la

 11   ville, mais en raison du fait qu'on leur a donné une date butoir pour leur

 12   retour, la ville qui se trouve sur la Miljacka est le lieu des désaccords

 13   politiques mis à part le conflit militaire."

 14   Paragraphe suivant : "En ces temps difficiles de guerre, il est presque

 15   ironique de noter que personne ne dissimule le fait qu'il n'y a pas un seul

 16   gouvernement au monde, mis à part celui de Bosnie-Herzégovine, qui a le

 17   siège de ses ministères dans des Etats étrangers." Est-ce que vous pourriez

 18   commenter ceci brièvement ?

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Permettez-moi de faire une objection. Je ne

 20   vois pas la pertinence, c'est une première chose.

 21   Deuxième chose, nous avons entendu des témoins qui nous ont dit qu'il y a

 22   des dispositions de constitution, par exemple, partant de la Défense

 23   populaire générale, qui permettent qu'il y ait une réinstallation des

 24   sièges de ministères ou d'institutions pendant la guerre. Je ne veux pas

 25   insister, mais le témoin a déjà expliqué ceci. Il a parlé hier des besoins

 26   aux communications avec les institutions financières, et il a dit aussi

 27   qu'il y avait eu destruction. Alors, maintenant, on -- on a un article de

 28   Belgrade, s'il y a bien un endroit difficile c'est celui-là, alors que le

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  1   Politika c'était vraiment l'organe exprimant la vie du gouvernement de

  2   Belgrade.

  3   Bon, on peut avoir un discours politique, mais nous sommes ici pour régler

  4   des points de droits précis. Et maintenant, nous avons une discussion sur

  5   ce que cet organe, qui exprime la voie du gouvernement, sur ce qu'il dit à

  6   l'époque. Merci.

  7   M. KRUGER : [interprétation] Je ne vais insister. Je pense que le témoin

  8   l'a déjà dit lui-même. Mais il y a quand même une chose que je voudrais

  9   présenter au témoin dans cet article, ça se trouve vers la fin de

 10   l'article.

 11   Q.  Il dit ceci : "Le premier ministre Pelivan, aussi membre du HDZ," vous

 12   avez trouvé le paragraphe ? Si vous partez du bas, ça doit être le

 13   quatrième paragraphe.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  "Le premier ministre Jure Pelivan, du HDZ lui aussi, est à Sarajevo

 16   avec les vice-présidents Miodrag Simovic, Zarko Primorac et Mahmutcehajic."

 17   Est-ce que c'est une erreur ici parce que cet article date du mois

 18   d'octobre 1992 ? Or, vous n'étiez pas à Sarajevo, n'est-ce pas, à ce

 19   moment-là ?

 20   R.  C'est absolument une erreur.

 21   Q.  Phrase suivante : "Est-ce qu'il y a quelqu'un qui se souvient de Franjo

 22   Boras et se souvient qu'il est toujours membre officiel de la présidence de

 23   Bosnie-Herzégovine -- ou qu'il est officiellement membre de la président."

 24   Est-ce que M. Boras était encore actif au gouvernement à ce stade ?

 25   R.  M. Boras n'a jamais fait partie du gouvernement. M. Boras était membre

 26   de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

 27   Q.  Est-ce qu'il était toujours actif au sein de la présidence de Bosnie-

 28   Herzégovine ?

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  1   R.  Je ne peux pas témoigner à ce sujet, je ne le sais pas.

  2   Q.  Avant d'aborder un nouveau sujet, j'aurais un dernier point à évoquer

  3   avec vous. Il ressort de votre déposition qu'au cours de la période où vous

  4   n'étiez pas à Sarajevo au cours des trois derniers mois de votre mandat,

  5   vous n'aviez aucun -- vous aviez plus de contacts avec M. Turajlic qu'avec

  6   M. Pelivan.

  7   R.  Physiquement, je ne peux pas le mesurer parce que c'est impossible.

  8   J'ai essayé de vous expliquer la nature de mon travail. De façon objective,

  9   il fallait -- il y avait un ministère des Finances qui avait plus la tâche

 10   de coordonner le secteur économique. Et je répète que, au moins deux fois

 11   du point de vue physique si ce n'est plus, j'ai rencontré M. Jure Pelivan à

 12   Zagreb pour parler avec lui de la tâche que j'ai été appelé à effectuer.

 13   Q.  Passons à un autre sujet. Je souhaiterais que nous parlions maintenant

 14   de la question de la monnaie des devises utilisées en Bosnie-Herzégovine.

 15   Tout d'abord, je souhaiterais vous poser une petite question et je ne suis

 16   pas économiste, donc, je ne sais pas comment cela fonctionne. Mais en tant

 17   que ministre des Finances, est-ce que, dans le cadre de vos attributions,

 18   vous n'étiez pas censé protéger la valeur de la devise officielle ?

 19   R.  Non, la monnaie est protégée -- défendue --

 20   -- ce n'est pas -- elle n'est pas défendue par un décret de l'Etat, mais

 21   c'est par sa valeur objective, et la valeur objective d'une monnaie, quelle

 22   qu'elle soit, c'est la force de l'économie ou la puissance de l'économie

 23   qu'elle représente. Il est vrai de le dire que, dans tout Etat, il est des

 24   mesures qui visent à préserver le pouvoir d'achat d'une monnaie. Cette

 25   mesure de -- cet ensemble de mesures se trouve dans la -- la politique

 26   monétaire, et la politique monétaire relève de -- des compétences de la

 27   banque centrale de ce pays.

 28   Alors, le gouvernement ou le ministère des -- le ministre des Finances

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  1   interviennent pour essayer de maintenir l'équilibre au niveau de l'économie

  2   entre la -- la production et la consommation, donc, le secteur public et le

  3   secteur privé, et cetera. Donc, le secteur -- le ministère des Finances

  4   n'est pas responsable pour la stabilité, il intervient en sa qualité de

  5   membre de gouvernement pour maintenir l'équilibre dans un pays et, par voie

  6   de conséquence, la stabilité d'une monnaie.

  7   Q.  En tant que ministre des Finances, vous travaillez également en étroite

  8   collaboration avec la banque centrale de façon à assurer une certaine

  9   stabilité à cet égard ?

 10   R.  Je tiens à vous rappeler une chose. De par la nature de ces éléments-

 11   là, la Banque centrale est indépendante comme institution, elle n'est pas

 12   dépendante vis-à-vis du gouvernement parce que, s'il n'en était pas ainsi,

 13   le gouvernement pourrait dépenser beaucoup plus que cela n'est

 14   habituellement le cas parce que tout gouvernement a tendance à dépenser.

 15   Or, en dépit du fait que la Banque centrale soit indépendante et répond de

 16   ses activités devant le parlement et non pas devant le gouvernement, il est

 17   certain qu'il y a un certain degré de coordination entre le ministre des

 18   Finances et cette banque.

 19   Et très souvent, il n'y a pas de la compréhension. Nous sommes sur des

 20   positions souvent opposées. Le ministère des Finances veut obtenir le plus

 21   possible d'argent et en dépenser le plus possible. La banque, elle,

 22   s'efforce à ce qu'on dépense le moins pour maintenir la stabilité de la

 23   monnaie.

 24   Q.  Au cours de votre mandat de ministre des Finances, le -- le gouverneur

 25   de la banque était Stiepo Andrijic, n'est-ce pas ?

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Monsieur, est-ce que la valeur des -- de la monnaie relevait de la

 28   responsabilité de la banque centrale ou bien est-ce que vous aviez

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  1   également intérêt à veiller à ce qu'il y ait suffisamment de monnaie,

  2   suffisamment de liquidité en circulation dans le pays, mais pas trop non

  3   plus ?

  4   R.  En premier lieu, le travail de la Banque centrale.

  5   Q.  Alors, pour mieux comprendre cette tâche, est-ce que celle-ci suppose

  6   que s'il y a trop de monnaie en circulation, il y a trop de pouvoir

  7   d'achat, il n'y a pas assez de marchandise ? Comment est-ce que cela

  8   fonctionne ?

  9   R.  Ce qui importe aux fins de stabilité des prix dans un pays, et cela

 10   signifie la stabilité du système aussi, eh bien, il s'agit de savoir s'il y

 11   a les conditions -- les préalables de l'évolution de l'inflation ou pas.

 12   L'inflation, c'est la croissance des prix, et de règle, cela porte du tort

 13   à tout un chacun. La Banque centrale, elle, dans la -- sa politique et sa

 14   projection de la politique monétaire, détermine les ratios et en disant --

 15   et ce, en disant : "L'année prochaine, par cette filière -- ou cette

 16   filière-là, je vais mettre en circulation tant d'argent tout en veillant à

 17   maintenir l'équilibre." Cette politique de la Banque centrale, de règle,

 18   est approuvée par un conseil des gouverneurs ou un conseil d'administration

 19   de la Banque centrale et, à cet effet, c'était une institution

 20   indépendante. Il est vrai qu'ils présentent chaque année un rapport de

 21   l'activité au parlement du pays et le parlement est habilité à dire c'est

 22   bien fait ou ce n'est pas bien fait. Et ils ne répondent de leur travail

 23   qu'auprès du parlement. Je rappelle qu'au niveau opérationnel, il faut

 24   qu'il y ait une coordination entre le gouvernement et la banque, mais la

 25   banque, elle, est indépendante.

 26   Q.  Est-il également important de maintenir un certain contrôle sur le

 27   niveau des devises étrangères dans un pays ?

 28   R.  Cela révèle une importance absolue. Toute Banque centrale est

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  1   responsable de la stabilité et du maintient de la stabilité à travers du

  2   pays. Il n'y a pas que la monnaie dans le pays. Elle est responsable

  3   également de -- du maintient de la solvabilité du pays vis-à-vis de

  4   l'étranger, donc, il faut que l'Etat et tous ses intervenants puissent être

  5   à même de payer leurs obligations vis-à-vis de l'étranger. Cela signifie

  6   que la Banque centrale est tenue de faire des projections pour ce qui est

  7   de la politique de -- des devises en monnaies étrangères disponibles dans

  8   le pays.

  9   Q.  J'ai noté que vous aviez utilisé une comparaison intéressante. Vous

 10   avez dit qu'il faut avoir confiance dans une monnaie, c'est un peu comme

 11   une religion. Il faut avoir confiance dans la religion, il faut y croire,

 12   en fait. Alors, la confiance dans une monnaie c'est un facteur important,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Je pourrais même dire que c'est l'élément le plus important, notamment

 15   dans les circonstances présentes ou toutes les monnaies en ce monde ont --

 16   sont du papier. Il n'y a pas de valeur intrinsèque. Le papier n'a pas

 17   d'autre valeur si ce n'est celle pour laquelle il est utilisé. Il est

 18   utilisé comme monnaie parce que l'Etat a mis son cachet dessus et a dit

 19   "C'est de la monnaie, c'est avec ça qu'on paye ses obligations dans ce

 20   pays." Les facteurs psychologiques dans le monde monétaire sont des

 21   éléments d'une importance extraordinaires parce que les -- la confiance,

 22   les attentions, l'expectative, enfin, je peux ne -- je ne puis que

 23   confirmer le fait que la confiance dans une monnaie est un élément-clé pour

 24   ce qui est de la détermination de sa valeur.

 25   Q.  Alors, partant de cette prémisse, en temps de guerre, vu la situation à

 26   laquelle vous étiez confronté en tant que ministre des Finances, est-il

 27   exact de dire qu'il y avait pénurie de liquidité en Bosnie-Herzégovine,

 28   qu'il n'y avait pas assez de monnaie ?

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  1   R.  Au contraire, nous n'avions peut-être -- nous avions peut-être trop de

  2   -- de cash -- de billets. Je vais essayer de vous expliquer. Pendant qu'on

  3   avait le dinar yougoslave qui circulait en guise de monnaie officielle de

  4   la Bosnie-Herzégovine, la Bosnie-Herzégovine, en sa qualité d'Etat, était

  5   appuyée sur cette filière d'approvisionnement en billets de banque. On

  6   recevait cet argent de la part de la Banque nationale -- la Banque centrale

  7   de Yougoslavie.

  8   Et étant donné que le dinar était sous l'emprise d'une haute inflation, là,

  9   on parle un peu [imperceptible], on dit la planche à billets a fonctionné à

 10   pleine vapeur en trois équipes et on ne -- n'arrêtait pas de fabriquer de

 11   plus en plus d'argent en coupures de plus en plus grosses. Et on a essayé

 12   de nous défendre, je peux vous montrer un exemple que j'ai sur moi. On a

 13   essayé de se protéger vis-à-vis de ce raz-de-marée d'argent venant de

 14   l'extérieur de la Bosnie-Herzégovine. Et nous avons donné l'ordre pour dire

 15   que tous ces billets en dinar de l'ex-Yougoslavie reçoivent un cachet sur

 16   impression.

 17   Et excusez-moi, est-ce que je peux continuer ?

 18   Alors, ces billets à chaque fois que c'était possible nous mettions

 19   sur impression des cachets mais ça ne nous a pas aidé pour ce qui est de

 20   prévenir l'arrivée d'argent nouvellement imprimé -- franchement, imprimé

 21   venu d'ailleurs parce que j'imagine qu'ailleurs, on a même fabriqué le

 22   cachet de la surimpression, et donc, on a vu que la mesure ne pouvait pas

 23   marcher. Et au final, nous avons décidé de mettre en place un argent, une

 24   monnaie de la Bosnie-Herzégovine. Et je dois dire que, la décision

 25   politique de mettre en place une monnaie de Bosnie-Herzégovine a été prise

 26   avant que je n'arrive dans le gouvernement et j'étais chargé de sa mise en

 27   œuvre sur le plan opérationnel.

 28   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur Kruger, excusez-moi.

Page 30015

  1   Monsieur le Témoin, je ne voulais pas intervenir évidemment mais bon

  2   là je ne vous comprends pas bien. Parce qu'hier, vous aviez dit qu'il n'y

  3   avait plus d'argent au point que vous avez dû en apporter mais que les

  4   forces des Nations Unies n'ont pas garanti la livraison de sorte que vous

  5   avez dû faire appel aux coupons, et alors, aujourd'hui, vous dites qu'il y

  6   avait plutôt trop d'argent en circulation. Alors, je ne sais pas si c'est

  7   moi qui ai -- je ne vous ai pas bien compris. Comment vous pouvez m'aider ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de parler à l'instant d'une période

  9   où la Bosnie-Herzégovine et son système monétaire étaient rattachés au

 10   système du dinar yougoslave et au système assuré par la Banque centrale de

 11   Yougoslavie, à Belgrade, avant que l'on ne mette en place cette monnaie de

 12   la Bosnie-Herzégovine. J'étais en train de parler d'une période de temps où

 13   c'est la source qui assurait l'afflux de grande quantité de monnaie en

 14   billets, d'argent en billets qui constituait un raz de marée.

 15   Alors, ce à quoi vous vous référez à l'instant, c'est le parler -- où nous

 16   avons déjà décidé d'imprimer notre argent en Bosnie-Herzégovine que nous

 17   n'avons pas pu faire acheminer vers la Bosnie-Herzégovine puisque le

 18   transport n'avait pas été possible.

 19   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

 20   M. KRUGER : [interprétation]

 21   Q.  Lorsque le dinar de Bosnie-Herzégovine a été introduit, le dinar

 22   yougoslave causait-il un problème, est-ce que c'était un flux de dinar

 23   yougoslave causait des problèmes ?

 24   R.  Excusez-moi, je n'ai pas bien compris votre question.

 25   Q.  Lorsque le dinar de Bosnie-Herzégovine a été introduit le 17 août 1992,

 26   il a été introduit autour de 1 pour 10 par rapport au dinar yougoslave.

 27   Est-ce que cela a jugulé le problème causé par ces dinars yougoslaves ?

 28   R.  Peut-être en partie et peut-être au début. Je me dois de -- que --

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  1   d'abord décrivons encore un peu la situation dans ces réalités. Le dinar de

  2   Bosnie-Herzégovine a été mis en place en tant que monnaie de Bosnie-

  3   Herzégovine, avec pour objectif d'être distribué sur tout le territoire de

  4   la Bosnie-Herzégovine. Etant donné que nous n'avons pas pu faire arriver

  5   cette monnaie à Sarajevo, on a remplacé cette monnaie par des coupons,

  6   c'est la banque centrale qui l'a remplacée par les coupons. Et si vous vous

  7   en souvenez hier on a donné lecture de la décision de cette banque

  8   centrale, qui était là pour dire que les coupons n'ont été valides que sur

  9   le territoire de la ville de Sarajevo.

 10   Dans les autres régions de la République étant donné que le dinar

 11   yougoslave avait été mis par la loi, les autres régions sont restées de

 12   fait sans l'utilité, il n'y avait aucun cadre monétaire. Et les régions

 13   donc se débrouillaient comme elles le pouvaient; certains imprimaient leurs

 14   propres coupons, d'autres ont eu recours au mark allemand, et d'autres

 15   encore ont eu des solutions tierces. Alors, il s'agissait d'une situation

 16   qui était des plus complexes.

 17   Et pour répondre à votre question de façon directe, pour savoir donc si ce

 18   nouveau dinar de Bosnie a résolu les problèmes de cet afflux d'argent

 19   liquide de Belgrade, cela n'a pas résolvé [comme interprété] la question,

 20   de façon brève et psychologique, parce que ce nouveau dinar, lui aussi, a

 21   été placé très rapidement sous l'inflation, sous le coût de l'inflation, et

 22   physiquement parlant, cet argent n'a eu de la valeur que pendant quelques

 23   mois.

 24   Q.  Alors, comment se fait-il qu'outre la monnaie officielle, d'autres

 25   monnaies, comme par exemple le mark allemand, ont été utilisées dans un

 26   secteur donné ?

 27   R.  Le mark allemand était une monnaie très prisée sur le territoire de la

 28   Bosnie-Herzégovine et de l'ex-Yougoslavie en général avant qu'il n'y ait

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  1   désintégration de cette dernière grâce au fait que c'était une monnaie

  2   stable et grâce au fait qu'un grand nombre de travailleurs émigrés de

  3   Bosnie et de Croatie et d'ailleurs travaillaient en Allemagne et

  4   acheminaient vers notre marché des marks allemands. Il était entendu que

  5   dans les conditions où il n'y a pas de moyen de paiement autre les gens

  6   essaient de payer avec ce qu'ils ont. Et en termes pratiques, je dis bien,

  7   en termes pratiques, fin 1992 ou première partie de 1993, en Bosnie-

  8   Herzégovine pour l'essentiel dans la partie dont je parle, on était passé

  9   au paiement liquide, et le plus souvent c'était fait en mark allemand.

 10   Q.  Donc, l'utilisation du mark allemand est dû à des raisons pragmatiques

 11   en fait c'est la situation qui l'a voulu ?

 12   R.  Oui, c'est une chose qui a été la résultant des circonstances, je suis

 13   d'accord avec vous.

 14   Q.  Pour que le dinar soit une monnaie acceptable que l'on puisse utiliser,

 15   est-ce qu'il aurait fallu intervention ou accord de la banque centrale en

 16   coopération avec le ministère des Finances ?

 17   R.  J'ai expliqué hier le processus de la mise en place de ce dinar de

 18   Bosnie-Herzégovine. A un niveau, j'imagine que c'était la présidence, il a

 19   été pris la décision politique de remplacer la monnaie yougoslave par un

 20   nouveau dinar de la Bosnie-Herzégovine. Ensuite, au niveau du gouvernement

 21   lorsque j'étais son ministre, il a été promulgué une loi portant sur une

 22   monnaie nouvelle et cette loi disait est mis hors la loi l'argent de l'ex-

 23   Yougoslavie la nouvelle monnaie et celle de la Bosnie-Herzégovine frappée

 24   par la Banque centrale de la Bosnie-Herzégovine en réglementant les autres

 25   éléments.

 26   Et la Banque centrale, parce que c'est sa fonction, a mis cela en

 27   application en faisant imprimer cet argent et en le faisant circuler là où

 28   faire ce pouvait.

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  1   Q.  Mais pour que le mark allemand ait cours légal sur le territoire de la

  2   Bosnie-Herzégovine pour ce qui est des transaction financières, est-ce que

  3   le gouvernement central devait être au courant participait à cela pour que

  4   cela soit considéré comme légal et acceptable ?

  5   R.  Le mark allemand n'a jamais été proclamé monnaie de la Bosnie-

  6   Herzégovine, à titre officiel. Ça marchait avant la guerre sur ce qu'on

  7   pouvait qualifier de marché noir ou de zone grise. Je vais expliquer : en

  8   application des dispositions légales en matière de monnaie étrangère, toute

  9   personne recevant des monnaies étrangères, marks allemands ou autres, ou de

 10   part la loi ou en application des règles du jeu, était censé remplacer ou

 11   changer cet argent pour des dinars yougoslaves parce que les moyens de

 12   paiement en ex-Yougoslavie c'était le dinar, le dinar yougoslave.

 13   Mais pour ce qui est du marché des monnaies, le marché lui suit sa

 14   propre logique. Les gens gardaient le mark allemand parce que c'était une

 15   monnaie fiable, ils mettaient cela sur des comptes en devises, des comptes

 16   d'épargne en devises et dans les banques. Malheureusement, ces épargnes ont

 17   été dévorés par la suite, mais il n'était pas autorisé de payer à titre

 18   particulier, à titre privé en cash avec des marks. Pendant la guerre, ça

 19   pris de l'ampleur parce qu'il n'y avait pas d'autre monnaie, et bien que

 20   jamais officiellement, mis à part quelques petites régions, jamais donc le

 21   mark allemand n'a été proclamé comme étant la monnaie officielle de la

 22   Bosnie-Herzégovine.

 23   Q.  Est-ce qu'à quelque moment que ce soit, le mark allemand a été

 24   officiellement reconnu comme étant en quelque sorte une monnaie parallèle

 25   en plus du dinar de Bosnie-Herzégovine, une monnaie qui aurait été utilisée

 26   pour des raisons pragmatiques ?

 27   R.  Si vous me posez la question au niveau de la Bosnie-Herzégovine et du

 28   gouvernement, et s'agissant de la période où j'étais ministre, je dis non.

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  1   Ça n'a jamais été proclamé comme étant la monnaie parallèle. Alors, j'ai

  2   ouï dire qu'il y a eu des cas de ce genre à l'extérieur de Sarajevo, dans

  3   certaines régions. Et j'ai ouï dire que, dans certaines localités, on

  4   proclamait le mark allemand en tant que monnaie officielle, mais, dans

  5   cette région, c'est tout.

  6   Q.  Pour reconnaître le mark allemand comme une monnaie parallèle en

  7   Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'il aurait fallu coordonner tout cela avec les

  8   autorités allemandes ?

  9   R.  Je ne peux vous apporter une réponse de nature générale. Dans tous les

 10   cas de figure, lorsque l'argent d'un autre pays est mis en circulation dans

 11   votre propre pays, vous ne pouvez le faire qu'avec l'approbation du pays ou

 12   de l'autorité émettrice pour des raisons légales, pour des raisons morales

 13   et pour des raisons pratiques. Si vous prenez l'argent d'autrui et vous

 14   dites que c'est le vôtre, il faut que vous ayez des sources d'assurer pour

 15   ce qui est de cet argent. Et la source c'est la Banque centrale du pays qui

 16   l'imprime.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, très vite parce que je ne

 18   voulais pas intervenir, mais comme on est sur un sujet ultra technique, il

 19   me semble que le rôle, de la Banque mondiale, le FMI, la Banque mondiale,

 20   le Fond monétaire international, plutôt, devait avoir des conséquences sur

 21   la monnaie en Bosnie-Herzégovine. Vous avez même dit que vous aviez été aux

 22   réunions du Fond monétaire international. Alors, dans ce cadre, quelle est

 23   la position du Fond monétaire international vis-à-vis de votre propre

 24   monnaie ? Vous avait-il donné des recommandations, des suggestions sur la

 25   façon de régler ce problème ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr que nous nous sommes entretenus sur

 27   ces questions-là aussi, notamment au Fond monétaire international, parce

 28   que c'est l'institution qui constitue avec bien des réserves, ce qu'on

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  1   pourrait appeler institution monétaire centrale; c'est cette instance qui

  2   établit la corrélation des valeurs entre les différentes monnaies. La

  3   Banque mondiale elle n'est liée à tout cela que de façon indirecte, en

  4   aidant à relever l'économie de certains pays, à faire reconstruire, et cela

  5   reconstruit la crédibilité du pays, et par voie de conséquence de la

  6   monnaie.

  7   Mais je reviens au Fond monétaire international. A ce moment-là,

  8   l'ex-Yougoslavie s'est démantelée, s'est désintégrée. Les nouveaux pays

  9   émergeants de cette ex-Yougoslavie, c'était à l'époque la Slovénie, la

 10   Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, avec la Serbie et le

 11   Monténégro étant restés ensemble, et ils n'étaient encore devenu membre du

 12   Fond monétaire international. Donc, on avait négocié notre affiliation

 13   puisqu'on était devenu un pays indépendant, et le Fond sur un plan

 14   politique l'acceptait, mais il demandait à ce que nous réglementions les

 15   obligations qui existaient vis-à-vis du Fond.

 16   Parce que l'ex-Yougoslavie devait au Fond -- au FMI des moyens

 17   financiers. Donc, pour que nous devenions membres, il fallait que nous

 18   acceptions une partie des obligations découlant de l'ex-Yougoslavie. Et ces

 19   obligations devaient être réglementées avec le Fond, soit en les pays soit

 20   en réglant la chose de façon autre. C'était un processus assez pénible de

 21   répartition des dettes entre les ex-Républiques, ça duré assez longtemps,

 22   et pendant cette période, nous ne pouvions pas nous attendre à des conseils

 23   officiels de la part du Fond. Cela pouvait venir en guise de suggestion

 24   amicale, cela pouvait venir donc en guise de suggestion amicale et non pas

 25   en guise de position officiellement communiquée.

 26   Alors, ces communication avec le -- ces échanges avec le Fond avaient des

 27   aspects amicaux dans une certaine mesure jusqu'au moment où nous sommes

 28   devenus officiellement affiliés au Fond.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Au niveau des suggestions amicales, c'est pour ça

  2   que je vous ai posé la question, que vous disait-il ? Que vous suggérait-il

  3   ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, le Fond monétaire international

  5   était surtout intéressé par la stabilité de la monnaie d'un pays, tel qu'il

  6   soit. Et ses règles définissent les conditions dans lesquelles le Fond

  7   intervient (au niveau d'un pays) pour que la monnaie de ce pays ne se

  8   déprécie pas, ne dévalue pas, plus que cela n'est indispensable. Parce que

  9   toutes ces dévaluations de la monnaie d'un pays, qui dépasserait 10 % par

 10   an, doivent d'une certaine façon être approuvées par le FMI. Leur conseil

 11   de ce point de vue-là, en notre intention, était de nature générale, si je

 12   puis me souvenir de la teneur parce que j'ai mes notes aussi. On disait,

 13   que si nous instaurions une monnaie, il fallait s'efforcer de maintenir sa

 14   valeur, s'efforcer de la rendre au plus vite convertible, de la rendre au

 15   plus vite utilisable pour les paiements internationaux.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, merci.

 17   Nous allons faire, Monsieur Kruger, la pause.

 18   On fait une pause de 20 minutes.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 20   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Kruger, d'après les calculs, il doit

 22   vous rester une heure et six minutes sans inflation.

 23   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci, Messieurs

 24   les Juges.

 25   Q.  Monsieur, parlons toujours du choix d'une monnaie parallèle ou de la

 26   mise en œuvre d'une monnaie parallèle à la vôtre. Si cela était fait, est-

 27   ce que la stabilité de cette monnaie parallèle serait une question

 28   importante ?

Page 30023

  1   R.  Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir bien compris votre question,

  2   mais je vais essayer de répondre ainsi. Il est possible qu'une -- qu'un

  3   pays introduise une devise en parallèle mais, bien sûr, il faut que le pays

  4   dont c'est la devise officielle soit d'accord. Et aujourd'hui, c'est un cas

  5   très, très rare. Par le passé, lorsque l'argent était en métal, il y avait

  6   à la fois de l'argent en or et en argent. Aujourd'hui, c'est rare, mais je

  7   n'exclus pas une telle possibilité.

  8   Et, visiblement, ça veut dire que le pays qui a introduit cette

  9   devise parallèle essaie de faire le maximum pour sauvegarder la stabilité

 10   de sa devise tout comme c'est le cas du pays dont provient l'autre devise;

 11   et en principe, c'est toujours l'intention de chaque pays.

 12   Q.  Ce qui veut dire que si un gouvernement décide de prendre de telles

 13   mesures, on peut estimer qu'il va choisir une devise stable pour ne pas

 14   importer toutes sortes d'inflations de l'étranger à cause d'une inflation

 15   que subirait cette nouvelle devise ?

 16   R.  Oui, je suppose que vous avez raison. Si quelqu'un souhaitait

 17   introduire une devise parallèle, il serait raisonnable de s'attendre à ce

 18   qu'on introduise une devise plus stable que la devise nationale.

 19   Q.  Permettez-moi de vous rapporter à une pièce à charge, la pièce P 10501,

 20   10501. Vous pourrez prendre la version B/C/S. Il s'agit d'un rapport du

 21   commandement Suprêmes des forces armées de la République de Bosnie-

 22   Herzégovine. Ce document porte la date du

 23   6 septembre. La page de garde dit ceci : "Veuillez trouver ci-joint le

 24   rapport de l'état-major du commandement Suprême des forces armées de

 25   Bosnie-Herzégovine sur les conditions et le système de financement des

 26   forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine."

 27   Nous allons prendre la page suivante qui est le rapport en tant que tel,

 28   "Objet," vous voyez, et est-ce que vous voyez le premier paragraphe après

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  1   la mention "Objet" ? "Nous vous informons par la présente…" C'est ici Sefer

  2   Halilovic qui a rédigé ce texte : "Nous vous informons par la présente que

  3   la République de Bosnie-Herzégovine que sa Banque nationale n'est -- n'a

  4   toujours pas autorisé l'accès aux fonds venant du budget approuvé pour les

  5   forces armées -- ou pour le financement des forces armées de la République

  6   de Bosnie-Herzégovine." Est-ce que vous étiez au courant de cela ? Est-ce

  7   que vous aviez connaissance de ce problème ?

  8   R.  Je savais absolument qu'il y avait de gros problèmes en matière du

  9   financement de l'ABiH. Je ne me souviens pas de ce document, mais puisqu'on

 10   voit mon nom sur le document et qu'il s'agissait de la date du 4 septembre

 11   1992, je suppose qu'à l'époque, j'ai dû le voir.

 12   Q.  Oui. Je précise que ceci vous est adressé aussi, nous voyons la

 13   dernière page : "M. Zarko Primorac, ministre des Finances," c'est aussi

 14   adressé à M. Jure Pelivan et à la Banque nationale de M. -- à savoir M.

 15   Stiepo Andrijic.

 16   R.  Je ne sais pas si le document a été envoyé aux autres mais, d'après ce

 17   qui est écrit, d'après ces quatre adresses, je dirais qu'il a dû m'en --

 18   m'être envoyé à moi aussi, car c'était la façon dont les documents

 19   circulaient normalement.

 20   Q.  La traduction en anglais à la page 4. Pour vous, ce sera le paragraphe

 21   qui précède toute une série de chiffres en dinars de Bosnie-Herzégovine.

 22   Regardez ceci : "Etant donné que le système de financement ne peut pas

 23   continuer à fonctionner de la sorte…" Est-ce que vous avez trouvé le

 24   passage ?

 25   R.  Oui, je l'ai trouvé.

 26   Q.  "Et étant donné que la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine n'a

 27   toujours pas signé l'accord portant utilisation des fonds du budget avec le

 28   gouvernement de Bosnie-Herzégovine, nous estimons qu'il faut trouver une

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  1   solution immédiate à ce problème."

  2   Je vous demande ceci : nous sommes à ce moment-là en guerre, les forces de

  3   défense doivent être financées, c'est sans doute une question essentielle

  4   pour la sécurité nationale. Comment expliquer ce retard dans la signature

  5   permettant de -- d'affecter ces fonds ?

  6   R.  Je regrette, si vous me permettez quelques minutes pour expliquer cette

  7   situation - tout simplement, je ne peux pas répondre à cette question sans

  8   cette explication - si vous me permettez d'expliquer, là, je peux répondre.

  9   Lorsque je suis devenu ministre, il n'y avait pas de budget de ce pays car

 10   le pays est entré en guerre. Et si vous vous souvenez, hier, nous avons

 11   parlé de ce point, c'est-à-dire nous avons adopté une décision concernant

 12   la manière de financer l'Etat en temps de guerre. Et sur la base de cette

 13   décision prise par le gouvernement et la présidence, nous, au sein du

 14   ministère de la Finance -- ministère des Finances, nous avons créé un

 15   budget. Et comme tous les budgets, il y avait des revenus et des dépenses,

 16   et sur la base des meilleures informations que nous avons pu recueillir,

 17   nous avons pu faire une évaluation de nos dépenses. Lorsque nous nous

 18   sommes penchés sur la question de savoir comment nous allions payer ces

 19   dépenses, nous avions réalisé que c'était très peu de fonds puisqu'il n'y

 20   avait pas d'impôts, il n'y avait pas de droits de douane ni d'autres

 21   sources de revenus d'Etat. Donc, la seule solution aurait été l'impression

 22   de la monnaie auprès de la Banque nationale de la Bosnie-Herzégovine.

 23   Mais si l'on imprime l'argent avec lequel on ne peut rien acheter, ça

 24   devient absurde car vous allez certes distribuer de l'argent dont les gens

 25   ne pourront absolument pas se servir. Et nous avons essayé d'expliquer cela

 26   à l'ABiH, nous avons dit que nous pouvions leur émettre autant de papier

 27   qu'ils le souhaitaient avec autant de valeur inscrite qu'ils voulaient, 1

 28   000, 2 000, 5 000, mais que ça allait être sans l'utiliser.

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  1   Pendant un certain moment, ils acceptaient les coupons pour payer leurs

  2   soldats, tant qu'il était possible d'acheter quelque chose. A partir du

  3   moment où on ne peut plus rien acheter, les gens se sont retrouvés dans un

  4   cul de sac et personne n'acceptait plus ces coupons, donc, ils ne pouvaient

  5   plus être payés. Donc, l'armée avait raison de protester et, nous, on

  6   aurait pu imprimer autant de coupons que nécessaire, mais le résultat

  7   aurait été une perte de valeur.

  8   Donc, en ce qui concerne les biens, le budget était établi pour la

  9   période de trois mois, disons jusqu'à la fin septembre. C'est ainsi que les

 10   choses se déroulaient.

 11   Q.  Nous sommes toujours en train d'examiner ce même document, mais prenons

 12   le troisième paragraphe, celui qui précède juste celui que vous venez de

 13   lire maintenant, ce sera la page précédente, troisième paragraphe vers le

 14   milieu. On fait référence à l'introduction du dinar de Bosnie-Herzégovine,

 15   mais on dit que les devises qui ne sont pas des instruments légaux seront

 16   renforcées sur le territoire, le mark allemand et le dinar croate, mais

 17   l'introduction d'une seule devise est empêchée également.

 18   On dit aussi que le fonctionnement des forces armées pour

 19   l'équipement de matériel est retardé, ce qui crée la frustration au sein

 20   des forces armées et qu'on perd confiance en la devise de Bosnie-

 21   Herzégovine, ce qui fait qu'il y a création d'un marché noir et d'une

 22   inflation de la valeur, on en est à 700 dinars pour -- pour un mark

 23   allemand, on a plus 700 mais 1200 dinars --

 24   L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'avaient pas le texte sous les yeux, elles

 25   précisent.

 26   M. KRUGER : [interprétation] -- maintenant, nous avons une première

 27   question à vous poser à propos des transactions en devises qui ne sont pas

 28   des instruments légaux sur le territoire. Qu'en est-il ?

Page 30027

  1   R.  Je ne sais pas si je peux ajouter quelque chose de particulier par

  2   rapport à ce que j'ai déjà dit. Mais afin d'expliquer les choses

  3   simplement, je vais vous dire la chose suivante : dans une situation aussi

  4   instable et catastrophique, psychologiquement, les gens s'abritent derrière

  5   les choses de valeur, ils essayent d'avoir entre les mains quelque chose

  6   qui a plus de valeur. Bien sûr, si on mentionne ici le mark allemand et le

  7   dinar croate, et surtout le mark allemand, ça avait plus de valeur que la

  8   devise de la Bosnie-Herzégovine. Et dans ce sens, les gens optaient pour ce

  9   type de devise, mais ça n'a aucune connotation nationale, mais tout

 10   simplement c'est liée à l'intérêt de gens pour de la valeur.

 11   Q.  Nous allons examiner quelques autres documents, et tout d'abord, la

 12   pièce à charge P 00258. Je pense que ce sera le premier document de votre

 13   classeur. 15 juin 1992, le président de la cellule de Crise municipale,

 14   Josip Boro écrit ceci, il est à Kiseljak. Voici ce que dit la décision :

 15   "Le dinar croate est par la présente introduit sur le territoire de la

 16   municipalité de Kiseljak en tant que devise pour les comptes; il est aussi

 17   possible d'utiliser d'autres devises comme moyen de paiement."

 18   Voici ma première question, il y a peut-être un problème de traduction ici

 19   au niveau du texte, mais est-il important de voir qu'il est dit ici que le

 20   dinar croate sera introduit comme étant la devise pour échange ?

 21   R.  Excusez-moi, quelle est votre question ?

 22   Q.  Je vous demande -- car en anglais, il est dit que le dinar croate est

 23   introduit comme étant la devise pour les échanges et qu'il est possible

 24   aussi d'utiliser d'autres devises, et moi, j'ai été frappé par ça parce

 25   qu'on ne dit pas que le dinar est introduit comme étant une devise, mais

 26   qu'on dit que c'est la devise.

 27   R.  Si l'on essayait de l'interpréter, de manière littérale, cette

 28   décision, tout d'abord, du point de vue de la pratique théorie monétaire,

Page 30028

  1   elle est absurde. Mais je vais essayer de vous dire de quelle manière je la

  2   comprends. Ils ont dit que le dinar croate était introduit comme devise

  3   pour les échanges et non pas comme devise pour paiement, mais la fonction

  4   principale de toute devise est le paiement pour permettre de régler tous

  5   les comptes avec cette devise-là. Et puis il existe des devises pour les

  6   échanges, je vais vous donner un exemple.

  7   Par exemple, avant la guerre, la Yougoslavie avait le compte de

  8   clearing, par exemple avec le USSR, conformément à un accord entre les deux

  9   pays, c'était le dollar américain. Donc, le dollar américain n'était pas la

 10   devise pour le paiement des transactions entre les deux pays, mais c'était

 11   une espèce de repère.

 12   Donc, c'était cette décision-là qui a été prise par rapport au dinar

 13   croate, donc, c'était une devise de clearing.

 14   Q.  Nous continuons sur le même sujet. Voyons le document suivant, c'est

 15   celui qui suit celui que nous venons de voir, P 00281. Décision de M.

 16   Jadran Topic, en tout cas, il signe ce document, il est président du HVO de

 17   Mostar, la date est celle du 24 juillet 1992. Voici ce qui est dit : "Cette

 18   décision adapte le dinar croate comme étant un moyen de paiement en

 19   espèce."

 20   M. KARNAVAS : [interprétation] Juste avant, question technique.

 21   Apparemment, le témoin a dit que ce serait, et ceci se trouve à la ligne

 22   22, page 40. C'est ce que dit cette décision à propos du dinar croate comme

 23   étant une devise provisoire alors que des devises, d'autres devises peuvent

 24   être utilisées comme moyen de paiement. Alors, et je voudrais ici faire

 25   toute la lumière sur la traduction de ces termes. Est-ce qu'on peut avoir

 26   une précision sur ce point ? Est-ce que ça veut dire la même chose ? Une

 27   devise de compensation éventuellement ?

 28   M. KRUGER : [interprétation]

Page 30029

  1   Q.  Vous venez d'entendre l'intervention de M. Karnavas, pourriez-vous

  2   faire la lumière sur ce point ?

  3   R.  Je dois revenir à la décision précédente de la municipalité de Kiseljak

  4   qui, comme vous le voyez, est constituée en deux parties. Dans la première

  5   partie de la phrase, il est dit que, sur le territoire de la municipalité

  6   de Kiseljak, on introduisait le dinar croate comme devise de décompte, et

  7   que l'on pouvait utiliser d'autres devises comme moyen de paiement. Donc,

  8   cette décision incomplète est claire. C'est la devise croate qui est la

  9   devise de référence, et les autres peuvent être utilisées comme moyen de

 10   paiement. Donc, cette devise de référence n'est pas une devise effective,

 11   mais est utilisée seulement pour les comptes et calculs entre les

 12   entreprises, mais n'est pas utilisées comme moyen de paiement, et les

 13   moyens de paiement étaient d'autres devises d'après la manière dont je

 14   comprends la deuxième partie de la phrase. Et ça c'est ma position.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kruger, il se trouve que, par miracle, il y

 16   a une traduction française du document, alors, je ne sais pas, c'est peut-

 17   être le service de Traduction qui a traduit mais la traduction française

 18   n'indique pas la même chose. Je vais lire lentement ce qui est écrit : "Le

 19   dinar croate est introduit comme unité de compte sur le territoire de la

 20   municipalité de Kiseljak. D'autres monnaies peuvent également être

 21   utilisées comme unités de paiement."

 22   Donc, la version française dit que le dinar croate peut être utilisé comme

 23   unités de compte mais que d'autres monnaies peuvent être utilisées comme

 24   unités de paiement. Voilà. Et ce n'est pas tout à fait la même chose que la

 25   version anglaise ou avec le terme "the" devant "currency," semble dire

 26   autre chose.

 27   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il semble que la

 28   traduction en français que vous avez lu concorde avec ce qu'a dit le

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  1   témoin, une espèce d'unité, devise de référence ou l'unité de référence ou

  2   de compte.

  3   Q.  Avant de passer au document suivant, restons sur ceci, si on introduit

  4   une unité de référence comme ceci se fait à Kiseljak, est-ce qu'il serait

  5   logique de choisir comme devise de référence une devise stable ?

  6   R.  Je ne peux que supposer les choses. Je ne pourrais vous répondre.

  7   Q.  Mais votre supposition serait-elle que si vous avez le choix entre le

  8   mark allemand et le dollar de Zimbabwe, lequel vous choisiriez, pour

  9   prendre un exemple tout à fait spectaculaire ?

 10   R.  Je choisirais la meilleure.

 11   Q.  Merci de cette réponse.

 12   Je passe au document suivant, P 00281. Président du HVO de Mostar, M.

 13   Jadran Topic, décision du 24 juillet, dans laquelle il dit : "Par cette

 14   décision le dinar croate est adopté comme moyen de paiement liquide dans la

 15   municipalité de Mostar."

 16   On franchit un pas de plus que ce qu'on trouvait dans le document

 17   précédent. Non seulement on prend le dinar croate comme devise de référence

 18   mais ça devient un moyen de paiement direct en espèce.

 19   R.  Excusez-moi, quelle est la question pour moi ?

 20   Q.  Je vous demande ceci : cette décision elle est différente de celle de

 21   Kiseljak parce qu'à Kiseljak le dinar croate ne devenait qu'une unité de

 22   compte, de référence, alors qu'ici le dinar croate devient un moyen de

 23   paiement en liquide, en espèce ?

 24   R.  Ici encore une fois, je dois prendre de façon explicite. Car les deux

 25   documents ce sont des documents juridiques et je suppose que

 26   l'interprétation de leur contenu sur le plan juridique devait être fournir

 27   par un juriste. C'est ça la première chose. Deuxièmement, veuillez tenir

 28   compte du fait suivant - et moi, je parlais des choses de mon point de vue

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  1   donc du point de vue monétaire - s'agissant des deux décisions.

  2   Tout d'abord, en ce qui concerne le droit, à mon avis, aucune de ces

  3   communautés sociopolitiques, municipalités, comme on les appelait à

  4   l'époque, n'avaient pas de fondement dans la loi pour introduire une autre

  5   monnaie sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Mais, si tel a été le

  6   cas, si ceci est permis par la loi, contrairement à ce que je pense, si

  7   cette décision n'a pas de fondement dans la loi, elle est nulle et non

  8   advenue. Mais, si la décision a été prise du point de vue monétaire afin

  9   que quelque chose puisse servir de monnaie quel que soit son nom dans un

 10   autre pays, bien, dans ce cas-là, cette décision doit comporter au moins

 11   cinq éléments : tout d'abord, dire qu'une autre monnaie -- une autre devise

 12   n'est plus en vigueur, celle qui était en vigueur avant, qu'une autre

 13   devise qui s'appelle comme ci et comme ça et qui a l'aspect comme ci et

 14   comme ça est introduite, il faut dire que toutes les valeurs monétaires

 15   dans cet Etat ou ce territoire doivent être recalculées en cette nouvelle

 16   devise. Il faut dire selon quel cours ceci va être recalculé, et spécifier

 17   la source de cette nouvelle devise.

 18   Cette décision ne contient rien de tout cela, et si vous voulez que je

 19   fasse une comparaison par rapport à la décision précédente, elle est allée

 20   un peu plus loin mais, en même temps, elle a perdu quelque chose car il y

 21   est dit que le dinar croate est utilisé comme moyen de paiement en espèce.

 22   Or, l'argent sert le moins pour les paiements en espèce, mais beaucoup plus

 23   pour d'autres transactions.

 24   Q.  Vu ce que vous venez de dire, je vous demande d'examiner le document

 25   suivant, P 00447. Il s'agit d'un décret signé par le président du HVO,

 26   Jadranko Prlic, le 22 septembre 1992. Décret portant réglementation des

 27   transactions de paiement en dinars croate sur le territoire de la

 28   Communauté d'Herceg-Bosna lorsqu'il y a menace imminente de guerre ou état

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  1   de guerre.

  2   Premier article : "Ce décret va réguler les transactions des paiements en

  3   dinars croate," et cetera. Vu ce que vous avez dit s'agissant des deux

  4   documents précédents, je voudrais un commentaire sur celui-ci de votre part

  5   ?

  6   R.  J'ai déjà commenté hier lorsque le conseil de la Défense m'interrogeait

  7   au sujet de ce document. Et je comprends qu'ici mon rôle comme un rôle de

  8   commentateur au sujet des documents. Je répète ce que j'ai déjà dit ce

  9   document d'après sa teneur du point de vue de l'aspect -- du point de vue

 10   de l'aspect monétaire, n'est pas un document partant duquel dans un pays,

 11   ou sur un territoire, il serait possible d'accepter une autre monnaie comme

 12   en guise de moyen de paiements. Autre observation : étant au courant de ce

 13   que sont les finances et la théorie monétaire, l'Herceg-Bosna, ou le

 14   département de Zenica, ou celui de Tuzla, ou celui de Bihac n'a rédigé

 15   aucun mot sur l'argent, n'adopté aucun document sur l'argent. La vie

 16   suivrait son cours et probablement ce serait-il produit ce qui s'est

 17   produit.

 18   Et cela fait que toutes les décisions de ce type sont quelques peu

 19   formalistes.

 20   Q.  Ces trois documents que nous venons d'examiner, est-ce qu'il y a un de

 21   ces documents ou plusieurs qui auraient été présentés à votre ministère et

 22   approuvés par celui-ci ?

 23   R.  Pour ce qui est des deux premiers documents, je ne les avais pas vus.

 24   Le document qui est le décret de cette HZ HB, je l'ai vu après avoir quitté

 25   Sarajevo, ça peut se situer vers le mois d'octobre 1992.

 26   Q.  Hier, nous avons examiné la loi portant sur les communautés

 27   sociopolitiques; est-il exact de dire que les décisions prises -- les

 28   mesures prises par ces communautés sociopolitiques devaient, malgré tout,

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  1   être adoptées en coordination avec le gouvernement central ?

  2   R.  Il est normal de supposer que toutes les lois de l'Etat de Bosnie-

  3   Herzégovine, qui étaient en vigueur, devaient en quelque sorte être

  4   consignées. Il faut tenir compte des circonstances où on intervenait parce

  5   qu'il y a eu des périodes où, pendant des mois, nous n'avons eu aucune

  6   espèce de communication.

  7   Q.  Examinons le document P 02663. C'est un procès-verbal de la 182e séance

  8   de travail de la présidence de Bosnie-Herzégovine qui s'est tenue le 26

  9   décembre 1992. Est-ce que vous avez le texte sous les yeux ? Est-ce qu'on

 10   peut voir la dernière page de cette

 11   décision ? Ce sera aussi la dernière page dans la traduction -- oh, non, ce

 12   n'est pas une décision, c'est un procès-verbal; je me suis mal exprimé.

 13   Voyez-vous l'endroit où Mile Akmadzic intervient ? Voici ce qu'il dit - il

 14   n'y a aucun texte à l'écran : "La présidence, et en même temps, bien sûr,

 15   le gouvernement l'a proposé, mais pour ce qui est de l'aide financière,

 16   nous sommes vraiment dans le pétrin. Nous frappons de l'argent dans le

 17   fond, nous faisons marcher la planche à billets. La situation est grave et

 18   je pense qu'il faudrait un jour mettre ce point à l'ordre du jour. D'abord,

 19   à l'ordre du jour du gouvernement, la présidence, mais bien entendu,

 20   l'économie ne fonctionne pas. Chaque fois qu'on fait ce genre de demande,

 21   c'est une dévaluation de plus."

 22   Ejup Ganic dit ceci : "La dernière fois quand j'y étais, je l'ai vue

 23   (Croatie) le -- il y a eu une augmentation de 50 % du taux de change."

 24   Mile - je suppose que c'est Mile Akmadzic qui dit ceci : "Nous avons

 25   dévalué -- nous dévaluons la devise croate, la devise -- le dinar croate.

 26   Donc, l'Herzégovina, c'est de là que vient le dinar croate --

 27   l'Herzégovine."

 28   M. STEWART : [interprétation] Je ne sais pas si c'est le bon numéro de

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  1   document parce que nous avons quelque chose de tout à fait différent à

  2   l'écran.

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [aucune interprétation]

  4   M. STEWART : [interprétation] Vous avez donné comme cote le 2663, mais ça

  5   ne semble pas être le bon document. Ah, c'est D -- ah, excusez-moi, parce

  6   qu'il semblait que ce soit P.

  7   M. KRUGER : [interprétation] Mais c'est moi qui me suis trompé. J'ai été

  8   emporté, effectivement. C'est une pièce de la Défense, donc, c'est 1D.

  9   Merci, Maître Stewart. Excusez-moi, Messieurs les Juges, et je m'excuse

 10   auprès de tous pour la confusion que j'ai semée. Est-ce que tout le monde a

 11   le texte maintenant ? La référence se trouve à la dernière page de la

 12   traduction, septième sur sept pages.

 13   Intervient M. Akmadzic pour dire ceci : "En matière d'aide

 14   financière, nous sommes vraiment dans le pétrin. Nous faisons pratiquement

 15   marcher la planche à billets. La situation est grave et je pense qu'il

 16   faudra en mettre ce point à l'ordre du jour."

 17   Ejup Ganic dit ceci : "La dernière fois quand j'y étais là-bas, j'ai vu la

 18   Croatie. Le -- il y a eu une augmentation de 50 % du taux de change."

 19   Mile Akmadzic dit : "Nous dévaluons la devise croate -- les dinars croates,

 20   donc, ça veut dire l'Herzégovine, la zone d'où vient le dinar croate."

 21   Je vous demande ceci : ceci se passe juste après que vous ayez quitté vos

 22   fonctions mais il me semble que la présence du dinar croate en Bosnie-

 23   Herzégovine créait des difficultés pour le gouvernement. Est-ce que vous

 24   avez la même lecture que moi ? Est-ce que vous pourriez commenter ce texte

 25   ?

 26   R.  J'ai du mal à commenter la déclaration d'autrui et notamment de la part

 27   de gens qui ne connaissent pas suffisamment bien cette -- ce domaine. Mais

 28   je vais quand même vous faire remarquer ce qui suit.

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  1   Le dinar croate, à l'époque, était également une monnaie temporaire. La

  2   Croatie, après son indépendance, a émis des dinars croates sous forme de

  3   coupons monétaires du type analogue à celui qui a été imprimé par le

  4   gouvernement de Bosnie-Herzégovine, un peu mieux fabriqué avec un papier de

  5   meilleure qualité. Je peux vous montrer tout de suite ce billet pour dire

  6   qu'il en était ainsi avec la signature du ministre des Finances et non pas

  7   le gouverneur de la Banque centrale. Donc, c'est le ministère de la Finance

  8   de Croatie qui a imprimé des billets temporaires. Et il ne pouvait pas le

  9   faire pour -- à titre durable pour plusieurs raisons. D'abord, il n'y avait

 10   de réserve en devise pour avoir quelque couverture que ce soit, il n'y

 11   avait pas de couverture pour le fonctionnement du système de façon légale,

 12   et l'argent arrivant sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine était, en

 13   réalité, de l'argent qui n'avait pas une valeur déterminée. Ça avait plus

 14   de valeur que le dinar de Bosnie parce qu'autrement, il ne serait pas

 15   accepté, mais ce -- mais ce n'était que de l'argent temporaire, on peut le

 16   voir sur les billets eux-mêmes.

 17   Et cet argent perdait de sa valeur tout comme l'argent de la Bosnie.

 18   Et l'argent croate perdait sa valeur, peut-être pas aussi vite que le dinar

 19   de Bosnie, mais quand même. Et en 1994, ce -- la Croatie a remplacé cet

 20   argent temporaire par de l'argent imprimé par la banque centrale de

 21   Croatie, et c'est devenu une monnaie durable. Alors parler maintenant d'une

 22   dévaluation ou -- ou pas, je ne peux pas commenter parce qu'enfin, il est

 23   certain que ça a dévalué parce qu'en Croatie aussi, il perdait de sa

 24   valeur, donc -- et j'ai essayé de vous expliquer les raisons.

 25   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, j'interviens de

 26   nouveau. Peut-être que je suis un peu lent ou maladroit, mais je n'ai pas

 27   retrouvé dans le classeur de la Défense ce document. Mais le Président me

 28   montre un document de l'Accusation mais, au départ, nous ne l'avons pas

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  1   trouvé, et on nous a informés qu'il s'agissait d'un document D, c'est-à-

  2   dire d'un document de la Défense.

  3   M. KHAN : [interprétation] Il s'agit effectivement d'un document de la

  4   Défense, mais l'Accusation l'a inclus en tant que dernier document dans son

  5   jeu de documents.

  6   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : -- le temps que mon collègue retrouve le document,

  8   vous venez de dire quelque chose qui fait surface à l'instant parce que,

  9   jusqu'à présent, nous n'avons jamais entendu cela. Vous nous dites que le

 10   dinar croate qui circulait en Herzégovine à l'époque est, en réalité, des

 11   coupons de dinar croate émis non pas par la banque centrale de Croatie,

 12   mais par signature du ministre des Finances, et que les dinars croates qui

 13   circulaient à l'époque, ce qui entraînaient évidemment un taux d'inflation

 14   important, n'étaient pas, si je comprends bien, le dinar croate au sens où

 15   celui-ci aurait été émis par la Banque centrale; c'était des coupons, comme

 16   vous-même à Sarajevo avez diffusé, des coupons. Est-ce bien ce que vous

 17   nous avez dit ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez bien compris, Monsieur le Juge. Si

 19   besoin est et avec votre permission, je peux vous illustrer cela en vous

 20   montrant un billet que j'ai sur moi.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce serait peut-être intéressant que tout le monde

 22   voie ce billet; oui, sortez-le. On va le mettre sur le rétro -- sur l'ELMO

 23   -- j'allais dire le rétroprojecteur.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Il serait peut-être bon également de voir

 25   les coupons, je peux les distribuer. J'avais fait des photographies hier,

 26   j'ai manqué de temps pour le faire, mais nous l'avons. Alors, ce sera

 27   décompté de mes questions supplémentaires.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, j'ai l'original.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- faire des photographies en couleur.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] La prochaine fois.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bien, alors, commentez, Monsieur le Témoin.

  4   Qu'est-ce que nous avons là sous les yeux ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous voyons le dinar croate qui a été publié -

  6   - ou diffusé par la République de Croatie avec la signature du ministre des

  7   Finances, le Dr Zoran Jasic, ministre de la République de la Croatie. Nulle

  8   part le billet ne mentionne le fait que cela émane de la Banque centrale,

  9   ce sont des cas qui ne sont pas habituels. C'est lorsque l'Etat n'est pas

 10   en état de mettre en place une monnaie permanente, qu'elle n'est pas --

 11   quand lorsque l'Etat n'est pas en mesure de maintenir sa valeur

 12   durablement. Trois phrases pour expliquer.

 13   Quand on met en place une monnaie, on s'efforce -- l'Etat s'efforce de

 14   maintenir sa valeur. Il peut s'efforcer de le faire par voie

 15   administrative, à savoir en fixant son taux de change et en maintenant ce

 16   taux de change. Mais, dans ce système-là, il faut que tout soit bien

 17   organisé, les frontières soient contrôlées, les douanes bien organisées

 18   avec une circulation et un contrôle intérieur bien organisé.

 19   L'Etat peut faire autre chose, il peut essayer de maintenir la valeur

 20   de cet argent en se servant de ses réserves en devises, en intervenant sur

 21   le marché en achetant ou en vendant de la monnaie pour maintenir la valeur

 22   de son propre monnaie. Etant donné que la Croatie à l'époque n'avait pas

 23   tous ces préalables en sa possession ou sous sa maîtrise, elle a essayé

 24   d'avoir cet argent temporairement, et ça été utilisé jusqu'en 1984, et puis

 25   ça a été remplacé par un dinar croate à caractère durable parce que la

 26   Croatie estimait qu'elle pouvait maintenant avoir de l'argent dont la

 27   valeur serait maintenue.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, ce que l'on voit ici, c'est ce que vous dites,

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  1   c'est un coupon ? Oui, je vérifie que ma traduction marche. Les 50 000

  2   dinars croates que nous voyons, si je comprends bien, ceci est en coupons

  3   puisque c'est le ministre des Finances qui met en circulation ce billet,

  4   pas la Banque centrale ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Oui, Monsieur le Juge,

  6   vous avez raison, c'est un coupon monétaire qui a été mis en circulation

  7   par le ministre des Finances et non pas la Banque centrale de la République

  8   de Croatie.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous aviez un deuxième billet, je crois.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous le permettez, moi, j'ai aussi des

 11   billets de Bosnie sur moi, et l'argent qu'on avait commandé pour qu'il soit

 12   imprimé. Et je peux vous montrer les coupons bosniaques, si vous le voulez,

 13   je peux vous les montrer.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, si vous en avez un, on va le mettre.

 15   Vous l'avez là avec vous ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur moi.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, bien, mettez-le sur -- sur l'ELMO.

 18   M. KARNAVAS : [interprétation] Ceci pourra peut-être également illustrer

 19   l'une des questions posées pour les Juges à propos des cachets car une

 20   certaine confusion régnait à cet égard.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est un billet qui avait été imprimé par

 22   la Banque nationale de Yougoslavie, c'est l'argent yougoslave qui était

 23   utilisé en Bosnie-Herzégovine également jusqu'au 15 ou 17 août 1992. Et,

 24   quand j'ai témoigné auparavant, j'ai expliqué que nous avons essayé de

 25   limiter l'afflux de cet argent sans valeur qui arrivait en Bosnie-

 26   Herzégovine en ayant recours à une mesure technique qui n'a pas donnée

 27   beaucoup de résultats. Vous avez cet exemplaire sous les yeux. Nous avons

 28   donné ordre à ce que tous ces billets en dinars yougoslave, à un moment

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  1   donné, qui se seraient trouvés sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine,

  2   se voient apposés un cachet du service de Comptabilité publique ou de la

  3   Banque centrale de Bosnie-Herzégovine. Et vous avez là un exemplaire de

  4   billet de ce type.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez un autre billet à nous montrer ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est un spécimen pour montrer de quoi

  7   avait l'air l'argent de la Bosnie-Herzégovine que nous avions commandé et

  8   qui a été imprimé. Mais nous n'avons pas pu l'acheminer sur le territoire

  9   de la Bosnie-Herzégovine, et donc, nous n'avons pas pu le mettre en

 10   circulation pour les raisons que je vous ai déjà expliquées.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors, ce qu'on va faire, on va donner

 12   des numéros parce que le Greffe a pu prendre des photos. On va donner un

 13   numéro de la Chambre, ce sera mieux. Le premier billet, il y a 50 000.

 14   Madame la Greffière, donnez-nous un numéro pour la première photo qui

 15   correspond au premier billet.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document

 17   IC 813.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour le deuxième billet où il y a le chiffre

 19   1 000 -- oui, attendez, il nous donne un autre numéro.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] IC 814, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Troisième billet qui est un spécimen où il y a le

 22   chiffre 25.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] IC 815, Monsieur le Président.

 24   M. KHAN : [interprétation] Peut-être que ces numéros IC pourraient être

 25   répétés car ils n'apparaissent pas au compte rendu d'audience.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors, Madame la Greffière, répétez parce

 27   qu'ils n'apparaissent pas.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le premier

Page 30041

  1   document sera IC 813; le deuxième, IC 814; et le troisième, IC 815.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai encore un billet, Monsieur le Juge. C'est

  3   le bon, à savoir le coupon publié par la République de Bosnie-Herzégovine

  4   au mois d'août 1992. Donc, lorsque nous n'avons pas pu transporter --

  5   acheminer vers Sarajevo l'argent qui avait déjà été imprimé et qui avait la

  6   forme d'une monnaie durable, nous avons publié des coupons qui étaient

  7   utilisés sur le territoire de la ville de Sarajevo.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, on va donner un numéro également.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document

 10   IC 817, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kruger.

 12   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Quand on parle de l'utilisation du dinar croate dans certaines zones de

 14   territoire de Bosnie-Herzégovine, c'était bien la première pièce que vous

 15   nous avez montrée, on a vu ce coupon, ou plutôt, que cette coupure de 50

 16   000 ?

 17   R.  En substance, c'était un coupon; en théorie et en pratique, c'était un

 18   coupon, c'était donc un billet publié par le ministère des Finances de

 19   Croatie donc un argent, une monnaie qui n'avait aucune couverture en

 20   monnaie étrangère.

 21   Q.  L'utilisation de ces coupons à l'extérieur de la Croatie, à l'extérieur

 22   de la République de Croatie, aurait été possible uniquement avec la

 23   coopération de la République de Croatie, n'est-ce pas ?

 24   R.  Je ne pense pas. Les personnes privées prennent ce qu'elles estiment

 25   avoir de la valeur. Et, moi ou quelqu'un d'autre à l'époque, je pouvais, si

 26   cela était plus intéressant pour moi, que d'avoir des dinars croates que

 27   d'une autre monnaie, je pouvais le faire.

 28   Q.  Nous avons vu dans le dernier document de l'Accusation -- ou plutôt,

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  1   dans le dernier document 1D, document de la Défense 1D 02663, dans le

  2   passage que nous avons examiné, il était dit -- Ejup Ganic disait : "J'ai

  3   vu qu'en Croatie, le taux d'échange avait augmenté de 50 %."

  4   Est-il exact que le dinar croate en 1992 perdait de sa valeur ?

  5   R.  Le dinar croate a également été sous l'emprise de l'inflation. Je ne

  6   sais pas vous donner maintenant le pourcentage mais l'inflation était là.

  7   Peut-être pourrais-je spéculer mais je dirais que l'inflation était assez

  8   importante.

  9   Et à titre d'illustration, si vous le permettez, je pourrais dire ce qui

 10   suit : même en 1993, les entreprises présentaient leurs bilans annuels en

 11   fin d'année avec obligation de recalculer le tout pour exprimé une valeur

 12   réelle, réaliste. Il fallait donc faire un décompte parce que monétairement

 13   la valeur était dévaluée -- avait dévaluée. 

 14   Q.  S'agissant de la valeur, examinons la pièce de l'Accusation P 09255.

 15   C'est un document P, donc un document de l'Accusation,

 16   P 09255.

 17   L'INTERPRÈTE : L'interprète signifie que le témoin dit en anglais --

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je ne l'ai pas trouvé, encore.

 19   Voilà.

 20   M. KRUGER : [interprétation]

 21   Q.  La première pge est en anglais, quelques pages plus loin --ou plutôt,

 22   page suivante, vous voyez les taux d'échange à compter du 3 février 1992,

 23   puis ensuite, nous voyons la situation mois par mois. Veuillez examiner ce

 24   document, et nous dire s'il s'agit du taux d'échange correspondant au dinar

 25   croate ? Je sais que les caractères ont très petits.

 26   R.  C'est le taux de change pour le dinar croate, oui, avec une petit

 27   rectificatif. C'est un taux de change publié chaque fois que l'on changeait

 28   le taux de change. Ce n'était pas publié mensuellement. Il arrivait qu'on

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  1   publie cela au jour le jour parce que -- et cela a été fait lorsque le taux

  2   de change évoluait.

  3   Q.  Pour bien comprendre, regardez la liste correspondant au

  4   3 février 1992. Est-ce que vous pouvez retrouver la valeur du mark allemand

  5   dont le sigle est DEM ?

  6   R.  Oui, je vois.

  7   Q.  Alors, les colonnes correspondent à l'achat, la vente, et la valeur

  8   moyenne, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Est-il exact que la valeur du mark allemand par rapport au dinar, en

 11   fait je n'arrive même pas à lire ce qui est écrit ici,

 12   50 000 dinars pour un mark allemand; c'est bien cela ?

 13   R.  A peu près. Même si les cours d'achat et de vente de devise sont

 14   différents mais on peut prendre ce cours de 55 dinars comme référence.

 15   Q.  Première page, en anglais, nous voyons le mois de février 1992, et nous

 16   voyons le nombre de dinars correspondant en mark allemand, et on voit 55.

 17   Cela correspond au tableau ?

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   Q.  Pourriez-vous retrouver la colonne qui correspond au mois de décembre

 20   1992 ? Il s'agit du numéro 04666784 dans le coin supérieur droit, 04666784.

 21   Est-ce que vous l'avez trouvé, Monsieur ?

 22   R.  Si j'ai bien compris, c'est la liste des cours numéro 1 du 5 janvier

 23   1993.

 24   Q.  Pourriez-vous regarder la page précédente, oui, celle-ci. Il s'agit de

 25   la liste de la Narodna Banka Hrvastke, Zagreb,

 26   1er décembre 1992. Est-ce que vous l'avez ?

 27   R.  Je l'ai trouvé.

 28   Q.  Quelle était la valeur du mark allemand ce jour-là ?

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  1   R.  Environ 384 dinars. 384 à 385.

  2   Q.  Première page du document en anglais, nous voyons, pour le mois de

  3   décembre 1992, 386. Est-il exact que le dinar croate perdait de sa valeur

  4   très rapidement ?

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne veux pas

  6   manquer de respect à l'égard de mon confrère, mais quelle est la pertinence

  7   de toutes ces questions ? Alors, j'aime beaucoup le sujet, je ne m'ennuie

  8   pas, ça me rappelle mes -- les bancs d'université, mais je ne vois pas

  9   quelle est la pertinence de cette partie du contre-interrogatoire. Peut-

 10   être qu'on pourrait nous le dire ?

 11   M. KHAN : [interprétation] Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit.

 12   Il s'agit, bien entendu, d'un contre-interrogatoire et certes nous avons du

 13   temps. Mon confrère peut poser des questions directrices afin de gagner du

 14   temps sur ses questions car, apparemment, il n'y a pas de controverse même

 15   si c'est pertinent.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Kruger, on voit bien avec ce tableau

 17   que'au fil des mois, le dinar perd de la valeur par rapport au deutsche

 18   mark puisqu'on passe, de janvier 1992, de 55 à

 19   3 716, le 27 mai 1994. Bien, tout le monde a compris qu'il y a, au fil des

 20   mois, une dépréciation de la valeur du -- du dinar croate.

 21   Alors, peut-être que, pour gagner du temps, posez votre question

 22   parce que ça tout le monde peut le constater, mais c'est dans quel but que

 23   vous faites cela ?

 24   M. KRUGER : [interprétation] En fait, ce sujet est pertinent mais je

 25   ne vais pas m'appesantir sur la question.

 26   Q.  Je souhaiterais passer à un autre document, il s'agit de la pièce

 27   de l'Accusation P 00476.

 28   R.  Excusez-moi, vous avez dit 476 et, moi, j'ai le document 467. C'est le

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  1   même ?

  2   M. KRUGER : [interprétation] En fait, il s'agit d'un document qui ne se

  3   trouvait pas dans le classeur. Il a été distribué ce matin.

  4   Q.  Vous l'avez trouvé ? Il s'agit d'un extrait du journal officiel de la

  5   République de Bosnie-Herzégovine daté du 18 septembre -- 18 décembre 1992 -

  6   - ou plutôt, 18 septembre 1992. Il s'agit d'une décision de la cour

  7   constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, décision du 14 septembre 1992.

  8   Voilà la décision qui est prise : "Les éléments suivants seront annulés.

  9   Premièrement, la décision portant création de la Communauté croate

 10   d'Herceg-Bosna adoptée le 18 novembre 1991 par les représentants

 11   démocratiquement élus du peuple croate de Bosnie-Herzégovine."

 12   Puis nous voyons un certain nombre de décisions et de décrets qui

 13   sont eux aussi annulés par la cour constitutionnelle. A l'époque, c'est-à-

 14   dire le 14 septembre, vous étiez toujours à Sarajevo, n'est-ce pas ?

 15   R.  Le 14 septembre 1992, j'étais à Sarajevo.

 16   Q.  C'était la veille de vos 55 ans, n'est-ce pas ?

 17   R.  Vous connaissez bien ma biographie, on dirait.

 18   Q.  Est-ce que vous, les membres du gouvernement, étiez au courant de cette

 19   décision de la cour constitutionnelle ?

 20   R.  Non, pas moi personnellement, mais je n'exclus pas la possibilité selon

 21   laquelle quelqu'un devait le savoir puisque je vois ce document pour la

 22   première fois et il n'en a pas été question au sein du gouvernement pendant

 23   que, moi, j'étais à Sarajevo. Moi, je suis parti le 18, et si la décision a

 24   été prise le 14, il est certain que, jusqu'à la fin de la journée du 17,

 25   elle n'est pas arrivée au gouvernement.

 26   Q.  La cour constitutionnelle fonctionnait encore et était encore une

 27   instance légale à ce moment-là, n'est-ce pas ?

 28   R.  Si vous me le demandez à moi en tant que citoyen, je ne suis pas

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  1   juriste, moi je pense que c'était un organe légitime qui fonctionnait

  2   pendant toute la période.

  3   Q.  Je vous remercie. Très rapidement, je souhaiterais que l'on passe à un

  4   autre document, P 10506. P 10506, nous avons déjà vu ce document. Excusez-

  5   moi, compte tenu des contraintes de temps qui sont les nôtres, nous avons

  6   déjà évoqué la plupart des questions mentionnées dans ce document.

  7   R.  Excusez-moi. Encore une fois, j'ai un problème avec les documents, car

  8   je ne vois pas ce document chez moi.

  9   Q.  Ne vous en faites pas, je ne vais pas, de toute façon, aborder ce

 10   document. Alors, en fait, il y a quand même un sujet qui m'intéresse, il

 11   faut donc le trouver. Je rappelle la cote : 10506.

 12   Il s'agit ici d'une interview que vous accordez à Zdravko Latal, ceci a été

 13   publié le 20 août 1992. Vous vous souvenez de cet entretien ?

 14   R.  A cette époque-là, il y a beaucoup de discussions avec les

 15   journalistes. Je ne me souviens pas concrètement parlant de cet entretien,

 16   mais je n'en exclue pas la possibilité.

 17   Q.  Voyons la fin du premier paragraphe, il est dit ceci : "Le ministre des

 18   Finances, le Dr Zarko Primorac, a dit quelle était l'attitude de son Etat -

 19   - de son pays à propos de la présence de devises étrangères sur son

 20   territoire…" Etait-ce bien -- je vous rappelle que c'était le sujet de

 21   l'entretien, au fond, pour que vous vous repériez un peu.

 22   Prenons, maintenant, le quatrième paragraphe. Vous intervenez, je cite :

 23   "Nous avons finalement mis le -- l'argent en circulation."

 24   Vous avez trouvé ce paragraphe ?

 25   R.  J'ai cela devant moi, mais je n'ai pas de traduction en croate, mais

 26   c'est en langue slovène, c'est une langue que je ne comprends que

 27   partiellement. Donc, je ne peux pas vraiment suivre le sens de cette

 28   interview.

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  1   Q.  D'accord. Il y a, dans ce paragraphe, un sujet qui m'intéresse. Je vous

  2   lis la traduction en anglais, vous pourrez peut-être commenter ce passage.

  3   En ce qui concerne la création du dinar de Bosnie-Herzégovine, vous dites :

  4   "Bien sûr, on avait du mal à transporter les devises dans les territoires

  5   libérés, mais nous avons surmonté ces difficultés."

  6   Qu'est-ce que ça peut vouloir dire, à votre avis ?

  7   R.  J'ai expliqué hier que l'intention du gouvernement, il ne s'agissait

  8   pas vraiment d'une décision, mais c'était un accord de travail au sein du

  9   gouvernement pour faire en sorte que le dinar imprimé en Slovénie soit

 10   transféré et entreposé dans le trésor de la Banque nationale de la Croatie

 11   et c'est ce qui a été fait. Ensuite, l'idée était de faire circuler cette

 12   monnaie en [imperceptible] pratiquement à Sarajevo comme capital de la

 13   Bosnie-Herzégovine. Et en même temps, nous avons planifié de faire en sorte

 14   qu'une fois la monnaie introduite à Sarajevo, qu'un grand montant d'argent

 15   soit transféré à Livno afin de couvrir la zone de la Bosnie centrale et

 16   dans un autre stock à Tuzla et à Zenica.

 17   Cependant, nous n'avons pas du tout déplacé l'argent, et donc, je suppose

 18   que cet argent n'est pas arrivé à ces endroits. Je ne sais pas ce qui est

 19   écrit dans cet entretien. Je ne l'ai pas autorisé à l'époque, cela se

 20   faisait ainsi. Ça a été traduit de croate vers l'anglais, ensuite -- vers

 21   le slovène, ensuite, du slovène vers l'anglais, et maintenant, de l'anglais

 22   de nouveau vers moi, en croate. Donc, il m'est difficile maintenant de le

 23   suivre. Pour pouvoir ce faire, je devrais me pencher sur la version

 24   originale et voir ce que j'ai exprimé en langue croate pour savoir

 25   exactement ce que j'avais dit.

 26   Q.  Je ne veux pas m'attarder sur ce document, et puis vous seriez lésé

 27   parce que vous n'avez pas de version dans votre langue. Je pense que nous

 28   avons déjà abordé la plupart de ces aspects. Oui, j'aimerais terminer le

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  1   sujet du dinar croate et mon contre-interrogatoire. La présence du dinar

  2   croate sur le territoire de Bosnie-Herzégovine mais, surtout, pour être

  3   plus précis, sur le territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, ce

  4   n'est pas quelque chose qui s'est fait sous le -- par nécessité

  5   pragmatique, mais plutôt c'était poussé par l'idéologie et la politique,

  6   n'est-ce pas ?

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que c'est une déclaration qui est

  8   faite ici ? Parce que c'est énoncé comme si c'était un fait. Peut-être

  9   qu'il faudrait moduler la voie de façon à comprendre que c'est une question

 10   -- une question directrice, et non pas une déclaration.

 11   M. KRUGER : [interprétation] Oui, ce que je dis au témoin, c'est que c'est

 12   bien ce qui s'est passé et j'aimerais qu'il commente cette idée.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant des questions monétaires, Monsieur

 14   le Procureur, et s'agissant de toutes les questions financières de chaque

 15   personne, il n'y a pas beaucoup de -- d'importance pour ce qui est de

 16   l'idéologie et du sentiment national car les gens veulent gagner de

 17   l'argent et être financièrement stables. Si quelqu'un en Bosnie-Herzégovine

 18   a décidé d'adopter le dinar croate au lieu d'une autre devise, je suppose

 19   qu'ils avaient de bonnes raisons pour faire cela. Et je vais souligner ce

 20   que j'ai déjà dit : à l'époque, il n'y avait pas de moyens de paiement --

 21   ou pas de monnaie de Bosnie-Herzégovine au sein de Bosnie-Herzégovine.

 22   Effectivement, nous avions introduit le dinar bosniaque, nous avons pris

 23   les décisions, nous l'avons imprimé mais, tout simplement, ça n'existait

 24   pas là-bas et ça ne circulait pas là-bas. Et c'est la raison pour laquelle

 25   je peux comprendre tout à fait les -- les raisons de ceux qui ont introduit

 26   cette devise.

 27   M. KRUGER : [interprétation]

 28   Q.  [aucune interprétation]

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur Praljak.

  2   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Depuis deux

  3   heures déjà, nous écoutons --

  4   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak. Hier,

  5   je vous ai écouté et, à mon avis, votre intervention

  6   -- les questions que vous avez posées plus tôt n'étaient pas pertinentes.

  7   J'aimerais maintenant savoir ce que vous tenez à dire. Est-ce que vous êtes

  8   aussi expert financier ? Vous connaissez tout ou vous êtes omniscient ?

  9   Mais j'aimerais quand même que vous nous disiez ici quel était votre

 10   domaine de connaissances d'expert en finances.

 11   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, vous n'êtes

 12   pas d'accord avec la pertinence de mes questions d'hier. Comme je l'ai déjà

 13   dit, je vais les expliquer par la suite car il est question ici d'un

 14   ensemble de questions financières dans ce domaine-là. Mais s'agissant de ce

 15   témoin qui est au courant de tout cela, quelqu'un aurait dû lui demander ce

 16   que ça veut dire que l'irruption dans le système monétaire de la

 17   Yougoslavie, et c'est ce qui a été fait par Milosevic. Il a accepté que

 18   200, 300 dollars à 1 000 dollars soient imprimés en -- dans l'imprimerie de

 19   Topcider à Belgrade dans la contre-valeur de dinars yougoslaves, et tout le

 20   monde aurait compris.

 21   Vous considérez que j'interviens trop souvent et que je suis trop

 22   intelligent, mais effectivement, je suis un homme instruit et je peux

 23   déclarer que c'est l'argent de Praljak et que personne ne peut l'utiliser

 24   pour acheter quoi que ce soit. Tout le monde sait qu'aucune valeur ne peut

 25   être déclarée par le biais d'une action politique. L'argent est

 26   l'expression d'une certaine valeur.

 27   Et depuis trois heures maintenant on écoute A, B, C, D, alors que chacun

 28   peut apprendre à l'école secondaire que quelqu'un au sein du gouvernement

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  1   de Bosnie-Herzégovine peut déclarer qu'un papier a de l'argent, mais ce

  2   n'est pas pour cela qu'on puisse acheter de la farine ou autre chose avec

  3   cela.

  4   Donc, il faut demander au Dr Primorac d'expliquer pourquoi ils ont imprimé

  5   les billets et si Milosevic a donné l'ordre d'imprimer de l'argent sans

  6   cesse afin de payer les factures de la Serbie et de ses citoyens et afin de

  7   piller la Bosnie-Herzégovine et la Croatie comme un bandit de la rue, alors

  8   que ces deux républiques, afin d'empêcher ce pillage, ont dû imprimer leur

  9   propre argent. Et c'est comme ça que l'ensemble du cycle a commencé.

 10   Et moi, en tant que sociologue, je me suis penché là-dessus et j'ai fait

 11   les études d'économie et je suis au courant des questions liées aux devises

 12   étrangères. Et, s'il vous plaît, ne -- ne rejetez pas d'avance. Ecoutez

 13   d'abord mon intervention, mon discours, les faits et la façon dont je vais

 14   les lier, et ensuite, veuillez tirer vos conclusions.

 15   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Merci, Monsieur Praljak. Vous

 16   recevrez aujourd'hui la décision rendue par la Chambre quant au rôle que

 17   vous devez jouer dans les contre-interrogatoires. Je vais donc m'abstenir

 18   de commenter votre déclaration parce que c'est peut-être une déclaration

 19   que vous avez le droit de faire. Mais je le répète, en l'occurrence, je ne

 20   pense pas que vous soyez expert dans les domaines que nous avons examinés.

 21   Merci.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Kruger.

 23   M. KRUGER : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Un dernier

 24   document et ce sera tout.

 25   Q.  Regardons la pièce à charge P 10407, 10407 -- 507. Je vous le dis

 26   d'emblée, vous n'avez sans doute jamais vu ces -- ce procès-verbal

 27   manuscrit, vous n'avez pas assisté à cette réunion puisque vous aviez déjà

 28   quitté le gouvernement, mais j'aimerais quand même poser quelques

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  1   questions. Il s'agit de la 217e Séance de travail de la présidence de

  2   Bosnie-Herzégovine, procès-verbal du 4 octobre 1993.

  3   Première page 33 [comme interprété], deuxième paragraphe du point 3, on

  4   parle du gouverneur de la Banque nationale; vous l'avez ?

  5   R.  Oui, je l'ai trouvé.

  6   Q.  Deuxième page, où il y a -- voilà c'est juste à la fin de cette page et

  7   en B/C/S, première page et voyez au point 3, puis il y a un crochet puis je

  8   crois qu'on voit : "Gouverneur de la Banque nationale."

  9   Il dit ceci : "Stiepo Andrijic absent. Absent depuis" - et là, c'est biffé

 10   - "plus d'un an. Et depuis plus longtemps de la république. Le gouvernement

 11   ne peut pas obtenir d'information valable de la banque à propos du retrait

 12   de Fond du compte de la banque pour les ordres" - où qu'on montre, Celje -

 13   "et Zagreb. On ne sait pas pourquoi les devises étrangères ont été

 14   retirées, elles. Il est envoyé parce qu'il n'a pas bien fait son travail."

 15   Avez-vous un commentaire ? Puisque vous avez travaillé avec Stiepo

 16   Andrijic, est-ce que vous avez rencontré des problèmes vu la façon dont il

 17   s'acquittait de ses fonctions de gouverneur de la Banque nationale ?

 18   R.  Avant de répondre directement à votre question, permettez-moi un petit

 19   commentaire. Il est écrit en haut qu'ont assisté à la réunion Izetbegovic,

 20   le Dr Ljujic, le Dr Pejanovic, Hasan Efendic, Lazovic, Delic [phon],

 21   Djuricic, Djapara [phon] et Pusina. Ici, je ne vois pas le premier ministre

 22   et je ne vois pas une personne qui aurait pu dire [imperceptible] dans le

 23   texte que le gouvernement ne peut pas recevoir une information valide de la

 24   part de la banque concernant ceci et cela.

 25   Je ne sais pas qu'il le dit mais visiblement ici quelqu'un parle au nom du

 26   gouvernement alors que je ne vois pas le premier ministre. Ça c'est la

 27   première chose. La deuxième chose, moi, j'ai travaillé avec Stiepo

 28   Andrijic, il était un de mes collègues de la faculté d'économies à

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  1   Sarajevo. Je n'étais pas son supérieur et je dois dire que la Banque

  2   centrale est une institution monétaire indépendante dans tous les pays du

  3   monde, y compris la Bosnie-Herzégovine, mais parfois nous avons dû

  4   coopérer. Dans ma vie, ni avant ni pendant cette période, je n'ai rencontré

  5   aucun problème pour ce qui est de la coopération avec M. Stiepo Andrijic.

  6   Q.  Donc, c'est en fait le gouvernement qui devait s'occuper de ce genre de

  7   question, le gouvernement étant les membres du cabinet ?

  8   R.  Je ne sais pas si je vous ai bien compris. Vous avez dit qu'ils ne

  9   devaient pas l'être, ou si --

 10   Q.  Est-ce que vous estimiez que c'était quelque chose qui relevait de la

 11   compétence du gouvernement ?

 12   R.  Ici, je vois un nombre de détails que peut-être je pourrais expliquer à

 13   la Chambre qui risque de vous échapper car il s'agit là quand même de mon

 14   domaine de compétence à l'époque. Ici, il est question du retrait de

 15   l'argent du compte de la banque pour les ordres à Celje. Je suppose la

 16   chose suivante : probablement il s'agissait du paiement pour couvrir

 17   l'impression de l'argent en Bosnie-Herzégovine il en était question

 18   beaucoup aujourd'hui argent qui a été imprimé à Celje car il n'y avait pas

 19   d'autre lien avec Celje à l'époque concernant d'autres transactions.

 20   Et puis il est dit que l'on ne sait pas pour quelle raison il y a eu ce

 21   retrait des devises - je répète - s'il s'agit de Celje, je pense que c'est

 22   cette transaction-là. Et s'agissant du remplacement d'Andrijic car il ne

 23   s'était pas bien acquitté de ses tâches, ça ne revenait pas de ma

 24   compétence mais ça certainement si l'on remplace le gouverneur de la Banque

 25   national il faut suivre une certaine procédure car il ne s'agit pas

 26   seulement de cette personne-là mais de l'institution et de la confiance en

 27   l'institution et en argent derrière lequel se trouve l'institution. Donc,

 28   je trouve ceci très peu habituel et je n'ai jamais vu ce papier avant.

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  1   Q.  Dernière chose, à la page suivante, Lazovic intervient, et il dit ceci

  2   à la quatrième ligne : "Les propositions en vue de décisions qui

  3   permettraient de pourvoir ces trois postes puisque avec  démissions

  4   préalables de Boras et Lasic. Leur résignation -- ces démissions viennent

  5   de leur penchant pour l'Herceg-Bosna et du fait qu'ils ont accepté des

  6   postes dans l'Herceg-Bosna et ils ont participé activement à

  7   l'établissement de l'Herceg-Bosna…" Pour ainsi citer : "Un souhait

  8   'centenaire' du peuple croate qui est d'avoir son propre Etat, ce souhait

  9   va se réaliser ou se réalise."

 10   Est-ce que vous savez qu'il y avait dans le gouvernement des personnes qui

 11   entraînaient -- nourrissaient de telles ambitions ou avaient un certain

 12   penchant pour l'Herceg-Bosna ?

 13   R.  Je n'ai vraiment aucune nécessité, je ne sens aucunement le besoin de

 14   commenter les déclarations de M. Lazovic.

 15   Q.  Il vous est impossible de commenter ceci, ou est-ce que c'est fondé --

 16   R.  Voyez-vous, vous me placez dans une situation où je suis amené à

 17   commenter des dires de quelqu'un il y a 15 ans à un endroit où je n'étais

 18   pas et aux activités de qui je n'ai pas participé. Alors je ne peux pas

 19   accepter parce que ce serait des spéculations. Je suis un témoin sérieux.

 20   Je ne parle que de chose dont j'ai connaissance.

 21   M. KRUGER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur. Je suis d'accord

 22   avec vous pour dire que vous êtes un témoin sérieux et je vous remercie de

 23   votre bonne collaboration.

 24   Pas d'autres questions, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause, j'ai juste une très brève question,

 26   qui résulte de l'intervention de M. Praljak, hier ou avant-hier, je ne me

 27   rappelle peu; je vous avais posé une question sur la transformation du

 28   dinar yougoslave qui était réduit de 10 à 1 par une décision qui avait été

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  1   prise par la République de Bosnie-Herzégovine. Et je vous avais posé la

  2   question parce que j'essayais de comprendre qu'est-ce que cela voulait

  3   dire. Voilà que M. Praljak - qui intervient, alors qu'il n'aurait pas dû

  4   intervenir, mais passons - il intervient pour dire que M. Milosevic avait

  5   fait tourner la planche à billets et avait inondé la Bosnie-Herzégovine et

  6   la Croatie de dinars yougoslave et, du point de vue de M. Praljak, tout

  7   ceci avait eu des conséquences.

  8   Alors, au nombre des conséquences, je me demande si, vu l'inflation de ces

  9   dinars yougoslaves qui sont apparus, est-ce que le gouvernement de la

 10   République de Bosnie-Herzégovine, pour tenter de jubiler cette arrivée

 11   massive de dinars yougoslaves par différentes voies, a trouvé comme moyen

 12   la réduction drastique de la valeur en la diminuant quasiment de dix fois

 13   sa valeur ? Est-ce une raison qui vous a conduit - enfin, vous ou le

 14   gouvernement - à prendre cette mesure ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est également une mesure technique --

 16   c'était une mesure technique qui avait une signification pratique et une

 17   signification psychologique. D'abord, pratique parce qu'on n'avait pas eu à

 18   imprimer autant d'argent qu'on en avait eu auparavant et on était limités

 19   par nos -- dans nos moyens à tout point de vue. Et sur le plan

 20   psychologique, et j'ai dit que les facteurs psychologiques, s'agissant de

 21   la valeur de la monnaie, étaient très importants. Donc la valeur

 22   psychologique c'était de montrer au public que le nouvel argent de la

 23   Bosnie-Herzégovine avait plus de valeur que l'argent précédent.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause de 20 minutes et puis

 25   nous reprendrons pour les questions supplémentaires.

 26   --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.

 27   --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avant de donner la parole à

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  1   Me Karnavas, je vais donner la parole à Mme la Greffier qui a un numéro IC

  2   à nous donner.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le Procureur a

  4   soulevé des objections concernant des documents présentés par l'équipe 2D à

  5   propos du Témoin Akmadzic. Ce témoin -- ce document recevra la cote IC 813.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame.

  7   Maître Karnavas, pour les questions supplémentaires.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci,

  9   Messieurs les Juges.

 10   Nouvel interrogatoire par M. Karnavas :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je n'ai qu'une seule question à

 12   vous poser. Aujourd'hui, on vous a dit que vous étiez surtout en contact

 13   avec M. Turajlic qui était vice-président du gouvernement. Vous souvenez-

 14   vous que le Procureur vous a posé cette question ?

 15   R.  Je m'en souviens.

 16   Q.  Pour m'assurer que je vous ai bien compris et que tout le monde vous a

 17   bien compris, M. Turajlic était l'un des trois vice-présidents en exercice,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Exact.

 20   Q.  Chaque vice-président agissait en coordination avec différents

 21   ministères en fonction de leurs attributions, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  C'est exact.

 24   Q.  Et s'agissant du ministère des Finances, cela relevait de la compétence

 25   de M. Turajlic, c'est lui qui s'occupait de ces questions-ci, n'est-ce pas

 26   ?

 27   R.  Il était chargé de la coordination avec le ministère du -- du Scteur

 28   économique, à savoir l'industrie, le commerce, le -- les transports, les

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  1   finances, et peut-être un ministère encore qui intervenait en matière

  2   économique aussi.

  3   Q.  Vu les contacts que vous aviez avec M. Turajlic, je suppose que ce

  4   dernier agissait également en coordination avec les autres vice-présidents

  5   et avec l'ensemble du gouvernement, donc, il avait une coordination

  6   d'ensemble, n'est-ce pas ?

  7   R.  Si le besoin était. De règle, cependant, on envoyait au gouvernement

  8   des propositions ou des dossiers qui étaient déjà passés par la

  9   coordination économique, sociale et ainsi de suite, et qui avait déjà été

 10   débattus. Alors, je ne sais pas si les présidents des coordinations avaient

 11   encore une coordination au deuxième niveau gouvernemental, je ne sais pas.

 12   Je ne pense pas que ce soit le cas.

 13   Q.  Mais serais-je en droit de dire que, vu les contacts que vous aviez

 14   avec M. Turajlic et avec les autres personnes responsables au sein du

 15   gouvernement, notamment le président, les autres ministres étaient au

 16   courant de vos activités et du fait que vous faisiez rapport à M. Turajlic

 17   ?

 18   R.  -- tout à fait normal parce qu'il ne s'agissait pas là de sujets

 19   intéressant le ministère des Finances seulement, mais cela se rapportait

 20   aux activités du gouvernement dans son ensemble.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur, encore une fois, je souhaite vous

 22   remercier du fond du cœur d'être venu témoigner ici.

 23   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'en ai terminé avec mes

 24   questions supplémentaires.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Karnavas. Monsieur le Témoin, donc, au

 26   nom de mes collègues, je vais vous remercier d'être venu, à la demande de

 27   la Défense de M. Prlic, témoigner sur certains points qui relevaient de

 28   votre domaine de compétence à l'époque, et donc, je vous souhaite un bon

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  1   voyage de retour et formule mes meilleurs vœux dans votre activité

  2   nouvelle. Je vais donc demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous

  3   raccompagner à la porte de la salle d'audience en vous invitant à ne pas

  4   oublier votre cartable dans lequel il y a quelques billets de banque.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi --

  6   Monsieur le Président, ça a une grande valeur, vous savez. Ce sont des

  7   exemplaires de ce dont cela avait l'air. Mais je tiens à vous remercier

  8   vous-même et les membres de la Chambre, les conseils de la Défense et les

  9   membres du bureau du Procureur. Je me féliciterais d'apprendre que mon

 10   témoignage aura contribué à connaître la vérité en cette affaire. Merci.

 11   [Le témoin se retire]

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais donner la parole à Mme le Greffier,

 13   qui a une petite correction technique à faire sur un chiffre.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, je souhaiterais corriger un

 15   nombre. Les objections soulevées par le bureau du Procureur se verront

 16   octroyer la cote IC 817.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame le Greffier.

 18   Alors, c'est très rare qu'on termine légèrement en avance. J'en profite à

 19   ce moment-là pour annoncer la semaine prochaine le témoin qui va venir. Si

 20   j'ai bien compris, c'est l'expert de la Défense de M. Praljak ; c'est bien

 21   ça, Maître Kovacic ?

 22   M. KOVACIC : [interprétation] -- Monsieur le Président. Tout se passe selon

 23   les plannings; le témoin sera là lundi, il est arrivé aujourd'hui.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors, la Chambre avait donc décidé, pour ce

 25   témoin, que la Défense de M. Praljak aura donc une heure pour lui poser ses

 26   questions dans le cadre de l'interrogatoire principal. Les autres accusés

 27   auront donc 30 minutes pour également poser des questions dans le cadre dit

 28   du contre-interrogatoire des autres accusés et la Chambre a fixé pour le

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  1   Procureur s'agissant donc d'un témoin expert une durée de deux heures tout

  2   compris pour contre-interroger le dit témoin.

  3   Alors, par ailleurs, vous l'avez entendu tout à l'heure le Juge Prandler

  4   nous a dit que la Chambre allait rendre, donc, une décision qui va être

  5   enregistrée aujourd'hui sur le contre-interrogatoire. Donc, j'invite tout

  6   le monde à prendre connaissance de cette décision qui a été rendue à la

  7   majorité. Moi-même étant dissident sur la teneur de la décision.

  8   Donc, je vous invite à lire cette décision. Puisque mardi, l'interrogatoire

  9   principal commencera. Oui, Maître Karnavas.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, avant de lever

 11   l'audience, je voulais m'assurer que la Chambre comprend bien que nous

 12   n'aurons pas de témoin après l'expert en question. Nous n'avons pas été en

 13   mesure de faire venir un témoin et je profite de l'occasion également pour

 14   informer la Chambre que le témoin qui suivra le témoin expert, s'agissant

 15   de ce témoin, nous avons demandé six heures et nous avons cru comprendre

 16   que d'autres interrogeront également ce témoin, par conséquent, nous

 17   prévoyons que cette déposition durera plus d'une semaine. Alors, nous

 18   faisons le nécessaire pour ne pas prendre de retard pour que tout soit bien

 19   organisé mais nous avons demandé six heures, je souhaitais le rappeler,

 20   nous allons déployer des efforts herculéens pour faire notre travail en six

 21   heures, mais nous voulions vous en informer.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc, il vous appartient, Maître

 23   Karnavas, d'indiquer à votre témoin que, malheureusement, lui, il faudra

 24   qu'il reste au moins le lundi ou le mardi, je ne sais pas, si vous avez

 25   dans vos six heures, plus également. Bon. Donc, c'est à vous de régler cela

 26   avec lui.

 27   Etant précisé que, bien entendu, si son planning ou ses contraintes sont

 28   tels qu'à ce moment-là, bon, il y aurait peut-être une possibilité de le

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  1   faire revenir pour terminer mais essayez de régler cela avec lui parce que

  2   parfois il ne faut pas que le témoin soit mis devant le fait accompli où on

  3   lui dit au dernier moment : "Bien, vous allez rester le week-end," et ça

  4   peut être désagréable pour lui. Donc, je vous incite à lui faire comprendre

  5   que malheureusement vous pouvez, vous, très bien calculer mais quand il y a

  6   des objections, des questions des Juges, tout ça c'est très difficile à

  7   programmer. Donc, là-dessus la Chambre vous fait confiance pour régler

  8   cela.

  9   Alors, pour le témoin expert, j'ai dit que le Procureur avait deux heures,

 10   mais je dis ça de mémoire, je n'ai pas le document sous les yeux. La

 11   juriste de la Chambre me dit c'est peut-être une heure 30 mais on vous le

 12   fera savoir à temps utile.

 13   De toute façon, comme nous aurons du temps, et comme les Juges pour une

 14   fois ne seront pas non plus trop pressés par le temps, nous aurons donc

 15   tranquillement la semaine pour poser des questions à cet expert. Voilà.

 16   Y a-t-il un autre sujet ? Maître Kovacic.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais juste vous

 18   rappeler au sujet du témoin suivant dont il a été question avec M.

 19   Karnavas, nous avons demandé à ce que ce soit un témoin en application du

 20   92 ter pour nous. Et nous avions demandé 15 minutes me semble-t-il. Peut-

 21   être allons-nous avoir besoin de cinq minutes ou six minutes de plus parce

 22   que nous sommes tombés sur un élément qui nous permettrait de gagner du

 23   temps. Parce que cela permettrait de faire passer des éléments de preuve

 24   par le biais de ce témoin mais je ne parle pas d'une longue durée, donc,

 25   disons au plus 20 minutes pour l'interrogatoire principal.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour la procédure 92 ter le mieux c'est de

 27   faire comme on a fait jusqu'à présent. On termine le cadre de

 28   l'interrogatoire principal, contre-interrogatoire, et puis le témoin qui

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  1   est là pour vous revient en 92 ter. Et comme ça, ça permet donc de régler

  2   tous les problèmes.

  3   Y a-t-il d'autres questions ? Personne n'a de questions à

  4   poser ?

  5   Bien. Mr Scott, il est bien silencieux. Pas de questions ?

  6   M. SCOTT : [interprétation] Je suis sûr que tout le monde apprécie mon

  7   silence, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ecoutez, je vous souhaite donc à tous une

  9   bonne fin d'après-midi. Et nous nous retrouverons lundi.

 10   Je vous remercie.

 11   --- L'audience est levée à 13 heures 00 et reprendra le lundi 30 juin 2008,

 12   à 14 heures 15.

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