Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 27 octobre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges et toutes

  8   les personnes présentes dans le prétoire.

  9   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 10   consorts.

 11   Merci.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce lundi 27 octobre 2008, je salue MM. les accusés, Mmes et MM.

 14   les avocats. Je salue les représentants du bureau du Procureur ainsi que

 15   toutes les personnes qui nous assistent.

 16   Comme vous le savez, aujourd'hui nous commençons à 9 heures. Nous irons

 17   jusqu'à midi, on fera une pause d'une durée de 20 minutes aux environs de

 18   10 heures 15, on reprendra après à 13 heures, et on ira jusqu'à 16 heures,

 19   et on fera une pause aux environs de 14 heures 15. Voilà donc le programme

 20   de la journée.

 21   Je crois que M. le Greffier a quelques numéros IC à nous donner.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Certaines parties ont présenté des listes

 23   de documents par le truchement du témoin Simunovic, Marinko. La liste

 24   soumise par la 3D aura la pièce IC 00871. Celle soumise par l'Accusation

 25   aura le numéro IC 00872. L'équipe de Défense de Petkovic a présenté une

 26   correction de sa liste de pièces présentée par le truchement du témoin

 27   Zelenika, Mirko, IC 00866. Cette correction aura le numéro IC 00873.

 28   Merci, Messieurs les Juges.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

  2   A la ligne 24, page 1, les numéros n'ont pas été enregistrés. Monsieur le

  3   Greffier, regardez sur le transcript. Il semble qu'il manque quelques

  4   numéros IC.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, je peux répéter les

  6   numéros des pièces. La liste présentée par la première équipe ID aura le

  7   numéro IC 00870.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 11   On va introduire le témoin.

 12   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de

 16   naissance, s'il vous plaît.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Neven Tomic, 21 avril 1958.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession ou qualité actuelle ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis diplômé en économie.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Pouvez-vous me redonner votre date de

 21   naissance -- enfin, votre nom, prénom et date de naissance, parce que ça

 22   n'a pas été enregistré. Parlez plus fort.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Neven Tomic, né le 21 avril 1958.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous m'avez dit que vous étiez diplômé. Alors

 25   quelle est votre profession actuelle ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] En ce moment, je travaille au sein de ma

 27   propre entreprise.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Et une entreprise qui s'occupe de quoi, dans quel

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  1   secteur d'activité ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'industrie de l'informatique

  3   électronique.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Monsieur, déjà témoigné dans un procès

  5   pour les événements liés à l'ex-Yougoslavie ou bien c'est la première fois

  6   que vous témoignez ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne

  8   aujourd'hui.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : NEVEN TOMIC [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

 15   Bien. Alors quelques éléments d'information de ma part sur la façon dont va

 16   se dérouler les audiences qui sont prévues.

 17   Me Karnavas, que vous avez dû rencontrer ce week-end, a dû déjà vous

 18   relater cela.

 19   Vous aurez donc à répondre à des questions qui vont vous être posées

 20   par l'avocat de M. Prlic, Me Karnavas; et Me Karnavas vous présentera

 21   également des documents qui sont dans un dossier que vous avez dû -- tous

 22   ces documents, vous avez dû les voir avec lui document par document. A

 23   l'issue de cette phase, qui prendra certainement deux jours au moins, les

 24   avocats des autres accusés, qui sont situés à votre gauche, vous poseront

 25   des questions dans le cadre de leur contre-interrogatoire, voire de leur

 26   interrogatoire principal s'ils abordent des sujets non prévus lors de

 27   l'interrogatoire de Me Karnavas. Une fois que ceci sera fait, le Procureur,

 28   qui se trouve à votre droite, procédera à votre contre-interrogatoire

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  1   pendant le même temps que Me Karnavas aura utilisé. Les trois Juges qui

  2   sont devant vous pourront également vous poser des questions, notamment

  3   lorsqu'on aura des documents sous les yeux, mais peut-être pas. Enfin, ça

  4   dépend au cas par cas.

  5   Alors, comme l'avocat de M. Prlic a prévu une durée importante, il y a de

  6   fortes chances pour que vous soyez encore là la semaine prochaine, tout au

  7   mois le lundi et le mardi, d'après le calendrier qui nous a été communiqué.

  8   Vous avez prêté serment tout à l'heure, ce qui veut dire qu'à partir de

  9   maintenant vous êtes le témoin de la justice et vous n'aurez plus aucun

 10   contact avec Me Karnavas.

 11   Essayez d'être précis dans les réponses que vous allez faire à la suite des

 12   questions posées. Si vous ne comprenez pas une question, n'hésitez pas à

 13   demander à celui qui la pose de la reformuler.

 14   Nous faisons des pauses, en théorie, toutes les heures et demie, mais

 15   aujourd'hui on fera une pause plus courte, dans la mesure où on terminera

 16   aujourd'hui à midi, on reprendra après à 13 heures, et nous irons jusqu'à 4

 17   heures. En revanche, demain, nous commencerons donc l'audience le matin,

 18   car nous serons, demain, après-demain et jusqu'à jeudi du matin.

 19   Si à un moment donné, vous ne vous sentez pas bien, n'hésitez pas à nous le

 20   dire pour qu'on puisse arrêter l'audience, parce que c'est assez éprouvant

 21   et vous verrez, c'est très fatiguant, parce que répondre sans arrêt à des

 22   questions, c'est une épreuve également pour les témoins, et surtout quand

 23   ça dure très longtemps. Si vous ne vous sentez pas bien à un moment donné,

 24   n'hésitez pas à nous le dire.

 25   Et bien entendu, la Chambre est à votre entière disposition si vous avez

 26   une question quelconque à nous poser.

 27   Voilà ce que je voulais vous dire, Monsieur, afin que l'audience puisse se

 28   dérouler le mieux possible dans l'intérêt même du procès et de la justice.

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  1   Maître Karnavas, c'est avec plaisir que je vous donne la parole.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

  3   Madame, Monsieur les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes dans

  4   le prétoire et aux alentours du prétoire, et bonjour en particulier à M.

  5   Tomic.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Parlez un peu plus fort, de façon à ce que

  8   nous puissions entendre tout ce que vous dites.

  9   Avant de commencer, Messieurs les Juges, je souhaite faire remarquer

 10   que j'ai déposé une liste de documents complémentaires qui on été présentés

 11   par M. Tomic, quelque 54 documents. Sur ces 54, je n'en utiliserai que

 12   trois, et on m'a dit que je devrais le signaler par avance, en tout cas,

 13   que ceci soit téléchargé dans le système électronique du prétoire.

 14   Le 1D 03046, le 1D 03050 et le 1D 03051. Chacun de ces documents est un

 15   document qui comporte deux à trois pages. Voilà, je souhaite le signaler,

 16   de façon à ce que ceci puisse être téléchargé dans le système électronique

 17   du prétoire. Sinon, je vais déposer une requête aux fins de pouvoir ajouter

 18   les autres documents à la liste 65 ter. Ces documents n'ont pas été

 19   traduits. Seuls quatre de ces 54 documents ont été traduits pendant le

 20   weekend. Il n'y en a que quatre qui ont été traduits.

 21   J'ai besoin d'une décision à cet égard, s'il vous plaît. Peut-être,

 22   Messieurs les Juges, que vous pourriez vous consulter.

 23   [La Chambre de première instance se concerte] 

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre, qui a délibéré, accepte donc le rajout

 25   de ces documents à la liste 65 ter.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 27   Interrogatoire principal par M. Karnavas :

 28   Q.  [interprétation] Monsieur Tomic, je vais commencer par vous

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  1   demander brièvement de parler un petit peu de vous. D'après ce que j'ai

  2   compris, vous venez de la région de Mostar et vous avez étudié à Mostar,

  3   vous avez obtenu un diplôme d'économie à l'Université de Mostar; est-ce

  4   exact ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  C'était en quelle année cela, Monsieur ?

  7   R.  1980.

  8   Q.  Si nous reprenons à partir de là, pourriez-vous nous parler de votre

  9   parcours professionnel à partir de 1980 jusqu'en 1990, date des premières

 10   élections ?

 11   R.  A la fin de mes études universitaires, j'ai commencé à travailler chez

 12   Unis Electronik à Mostar en qualité d'économiste de commercial et

 13   d'analyste chargé des analyses économiques. En 1985, j'ai entamé une

 14   carrière politique professionnelle en devenant président de l'organisation

 15   de jeunesse de Mostar, qui était l'une des organisations politiques

 16   existant sous l'ancien régime.

 17   Après quoi, en 1987, je suis devenu le directeur de la direction des

 18   recettes, et donc ex officio membre de l'assemblée municipale de Mostar où

 19   j'ai occupé d'office le poste de responsable des finances, car personne

 20   d'autre n'était là pour s'acquitter de ce travail, donc j'étais chargé du

 21   budget municipal dans la pratique. Alors que j'étais chef de ce département

 22   des recettes ou du revenu, ou de ce département du fisc, les élections ont

 23   eu lieu en 1990, et lorsque le SDA, le HDZ et le SDS l'ont emporté; alors

 24   que c'était le SDS qui était censé occuper le poste de chef du département

 25   du fisc, j'ai quitté mes fonctions.

 26   Q.  -- organisation de la jeunesse de la municipalité de Mostar, pourriez-

 27   vous nous dire brièvement ce que ceci impliquait ? D'après ce que j'ai

 28   compris, il s'agissait d'un poste professionnel pour un an.

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  1   R.  Oui, c'était mon travail, mon métier. L'organisation de jeunesse

  2   regroupait tous les jeunes qui n'avaient pas encore atteint l'âge de 27

  3   ans, et elle constituait l'un des aspects de l'organisation politique de

  4   l'ex-Yougoslavie dirigée par la Ligue des Communistes, la Ligue des

  5   Combattants, la Ligue Socialiste, l'organisation des syndicats. Donc

  6   l'organisation de jeunesse était l'une de ces organisations politiques du

  7   système.

  8   Q.  -- sinon nos interprètes ne vont pas pouvoir terminer la matinée.

  9   Pour ce qui est de l'année 1987, on veut parler en fait des recettes

 10   publiques. Vous étiez à la tête du trésor public; c'est exact ?

 11   R.  Oui, je dirigeais le département du fisc.

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire exactement ce dont s'occupaient ces services,

 13   que faisiez-vous exactement ?

 14   R.  Dans l'ancien système, il existait deux institutions qui s'occupaient

 15   du revenu public. L'une d'entre elle était le SDK, service de comptabilité

 16   publique, qui s'occupait des revenus des entreprises en vérifiant leurs

 17   comptes. Et la deuxième organisation qui existait au niveau municipal était

 18   chargée de s'occuper du revenu provenant du secteur public et intégré au

 19   budget de la municipalité, donc les revenus des bouchers, des restaurants,

 20   des hôtels, des petites entreprises qui n'avaient pas le statut de

 21   véritable société à l'époque.

 22   Q.  J'ai bien compris. Avant les élections de 1990, il y avait déjà des

 23   entreprises privées, en tout cas, pour les petites entreprises en ex-

 24   Yougoslavie; c'est exact ?

 25   R.  Oui, exact.

 26   Q.  Et dans ce service-là en particulier, combien de salariés y avait-il

 27   hormis vous-même qui en étiez le directeur ?

 28   R.  Une soixantaine de personnes.

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  1   Q.  Très bien. Et comme vous l'avez précisé, après les élections de 1990,

  2   ce poste a été donné à quelqu'un qui était le directeur du SDS, ce poste de

  3   directeur des services fiscaux. Et donc vous vous n'aviez plus d'emploi à

  4   partir de ce moment-là; c'est exact ?

  5   R.  Oui, en effet c'était quelqu'un du SDS, et ce que vous dites est exact.

  6   Q.  Très bien. Alors, reprenons à partir de là. Qu'avez-vous fait à ce

  7   moment-là ? Vous n'aviez plus d'emploi. Nous parlons en fait de l'année

  8   1990. Que se passe-t-il après cela ?

  9   R.  A cette époque-là, bien que j'ai reçu des offres de plusieurs des

 10   partis en présence, j'ai refusé de me présenter aux élections. Le Parti

 11   libéral créé par l'ancienne organisation de jeunesse m'avait fait des

 12   offres, ainsi que le SDP, ancien Parti communiste, enfin, l'héritier de la

 13   Ligue des Communistes, et le Parti des verts de Mostar que j'avais créé

 14   avec un certain nombre de mes amis. J'avais à l'époque aussi des contacts

 15   avec des représentants du HDZ, en particulier avec ceux qui travaillaient

 16   dans les instances municipales. J'avais avec eux de bons rapports.

 17   Q.  Je vais essayer d'accélérer les choses un petit peu. Qu'avez-vous fait,

 18   quel genre de travail avez-vous fait après cela ?

 19   R.  Je dois dire qu'après l'élection du nouveau conseil exécutif, un grand

 20   pas en arrière a été franchi s'agissant de la compétence des élus eu égard

 21   à ce travail.

 22   Q.  Et pourquoi cela ?

 23   R.  C'était la première fois que l'on distribuait les postes après

 24   l'élection du nouveau pouvoir.

 25   Q.  Cette répartition des postes politiques se faisait par les partis

 26   politiques -- des postes ?

 27   R.  Oui. Et les partis politiques ont donné ces postes à leurs

 28   représentants, qui, toutefois, n'avaient aucune expérience dans la gestion

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  1   d'une municipalité.

  2   Q.  Et ceci a occasionné des problèmes ?

  3   R.  Bien sûr, car dès le premier mois de leur entrée en fonction, ils se

  4   sont heurtés à de gros problèmes, comme par exemple, le problème des

  5   ordures ménagères, le problème des réformes fiscales, le problème de la

  6   construction sauvage, sans permis.

  7   Q.  Pourriez-vous nous dire ceci, s'il vous plaît. Quel poste avez-vous

  8   occupé après cela ?

  9   R.  Six mois plus tard, je me suis vu offrir le poste de directeur du fonds

 10   d'aménagement de la ville, donc de construction.

 11   Q.  Ceci signifie quoi exactement ?

 12   R.  Ce fonds était l'héritier de l'ancienne coopérative existant du temps

 13   de l'autogestion qui s'occupait d'aménagement du territoire dans la ville

 14   et dirigeait les projets de réalisation dans le domaine de l'urbanisme,

 15   c'est-à-dire qu'elle s'occupait de financer ces projets. C'était également

 16   l'organe qui recueillait les financements du budget public, c'est-à-dire

 17   des investissements déjà réalisés dans les infrastructures. Puis nous

 18   financions également la construction de ces infrastructures, c'est-à-dire

 19   des routes, des rues, des adductions d'eau, des canalisations.

 20   Q.  Bien. Avez-vous dû adhérer à un parti politique pour obtenir ce poste ?

 21   R.  Des pressions ont été exercées sur moi pour me pousser à accepter une

 22   adhésion au sein du HDZ, mais je n'ai pas adhéré au HDZ à cette époque-là.

 23   Q.  Bien. Pendant combien de temps avez-vous occupé ce poste ?

 24   R.  Je suis resté à ce poste jusqu'au mois d'avril 1992.

 25   Q.  Bien. Ensuite, qu'avez-vous fait en avril 1992 ?

 26   R.  En 1992, nous avons quitté les bureaux qui se trouvaient dans la partie

 27   orientale de la ville en raison de l'impossibilité dans laquelle nous

 28   étions d'y travailler.

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  1   Q.  Bien. Monsieur Tomic, au début vous parliez très vite, maintenant vous

  2   parlez très lentement. C'est un petit peu difficile pour les interprètes de

  3   traduire les gens qui parlent aussi lentement, les interprètes qui sont

  4   extrêmement compétents. Donc essayez de trouver la voix médiane ici.

  5   Croyez-moi, les interprètes que nous avons ici sont extraordinaires.

  6   Donc vous avez dit que vous avez quitté l'est. Mais pourquoi ?

  7   Pouvez-vous nous dire ce qu'on trouvait à l'est de Mostar ?

  8   R.  Dans la partie est de la ville se trouvait toutes les

  9   administrations : l'administration municipale, le fonds que je dirigeais,

 10   le bureau du maire, les départements de la Défense. En fait, seul le

 11   secrétariat à l'intérieur était sis dans la partie occidentale de la ville.

 12   A cette époque-là, les réservistes de la JNA étaient à Mostar. On prévoyait

 13   déjà des affrontements. La population avait déjà des craintes lorsqu'elle

 14   allait au travail ou des craintes vis-à-vis du fait d'habiter à Mostar, et

 15   cela a été ressenti en particulier au mois d'avril au moment où le camion-

 16   citerne a explosé. En effet, une grande partie de la population a quitté la

 17   ville à ce moment-là, et les institutions ont été placées dans

 18   l'impossibilité de travailler.

 19   Q.  Je vais vous interrompre. Vous souvenez-vous du moment de cette

 20   explosion ? A quel moment a-t-elle eu lieu et où, c'était pendant quel mois

 21   ?

 22   R.  Cette explosion a eu lieu au début du mois d'avril, juste à côté de la

 23   caserne du camp nord. Ce que je sais, c'est que cette explosion m'a poussé

 24   à emmener mes enfants ainsi que mes neveux et nièces et mes parents à

 25   Makarska. Nombre de citoyens ont agi de même. C'est-à-dire la majeure

 26   partie des femmes et des enfants se sont trouvés réfugiés ailleurs.

 27   Q.  Fort bien. Vous nous aviez expliqué que de nombreux bureaux de

 28   l'administration se trouvaient à l'est. Qu'en était-il du SDK --

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, je reste sur l'explosion du camion.

  2   Vous venez de dire que vous, vous avez emmené votre famille à Makarska,

  3   mais vous n'étiez pas le seul et beaucoup ont fait cela. Je suis un peu

  4   étonné. Cette explosion, si c'est une explosion accidentelle, il n'y a pas

  5   de raison de s'alarmer, en revanche, si c'est une explosion criminelle.

  6   Quelle était la cause, d'après vous, de cette explosion, accidentelle ou

  7   criminelle ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment des événements, personne ne le

  9   savait. Il y avait diverses déclarations qui couraient à l'époque, et parmi

 10   les collaborateurs qui étaient les miens, on parlait du fait que cela avait

 11   pu être commis ou s'il s'agissait d'un acte inspiré par la JNA en vue de

 12   créer le chaos, on entendait dire également qu'il s'agissait d'agissement

 13   criminel, et d'autres déclarations semblables. Mais à l'époque il y avait

 14   des tensions dans la ville, et l'on assistait déjà à un certain nombre de

 15   départs, il s'agissait principalement de femmes et d'enfants qui quittaient

 16   la ville. Cet événement, cette explosion n'a fait qu'accélérer ce processus

 17   et à causer le départ précipité chaotique de ces personnes qui quittaient

 18   la ville.   

 19   M. KARNAVAS : [interprétation]

 20   Q.  Puisque nous sommes en train de parler de ce thème, je vais vous poser

 21   une question supplémentaire à ce sujet. Maintenant vous dites que beaucoup

 22   de femmes et d'enfants sont partis. Est-ce que ces femmes c'étaient des

 23   mères au foyer ou est-ce que c'étaient des femmes qui occupaient des postes

 24   ? Et si c'est le cas, où travaillaient-elles, ces femmes ?

 25   R.  Il s'agissait avant tout de mères avec leurs enfants, qu'il s'agisse ou

 26   non de femmes au foyer ou de femmes qui avaient une activité

 27   professionnelle. Des six femmes qui travaillaient au sein du fonds que je

 28   dirigeais, quatre sont ainsi parties, si bien que le fonds ne pouvait pas

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  1   fonctionner normalement. Il s'agissait d'un cas qui se présentait également

  2   dans un très grand nombre d'autres administrations.

  3   Q.  Bien. Est-ce que le SDK se trouvait à l'est ou à l'ouest ?

  4   R.  Du côté est.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi, Maître Karnavas, de vous interrompre.

  6   Mais je suis très troublé par le fait que vous me dites que sur six femmes

  7   qui travaillaient dans votre service, quatre sont parties. Et vous avez

  8   rajouté d'ailleurs dans d'autres secteurs d'activités ou d'autres domaines

  9   des femmes sont parties. Alors ces départs, était-ce des départs spontanés

 10   de chaque individu qui a peur d'une situation ou bien ça obéit à un mot

 11   d'ordre en disant il faut s'en aller ? Est-ce que ce sont des conduites

 12   individuelles ou ça répond à des mots d'ordre qui auraient été donnés par

 13   X, Y ou Z ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens étaient motivés uniquement par la

 15   peur, car à Mostar des meurtres, des explosions avaient déjà eu lieu, des

 16   tirs, et cetera, le résultat en était que les gens avaient peur pour leurs

 17   enfants. Et ceux d'entre eux qui avaient de la famille ou qui étaient

 18   originaires d'Herzégovine occidentale se sont dirigés vers ces régions,

 19   alors que d'autres sont partis sur la côte adriatique.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Si nous regardons l'histoire de votre ville, Mostar,

 21   est-ce qu'il y avait eu des événements similaires où la population ayant

 22   peur aurait quitté Mostar ou bien c'était un événement unique car ça ne

 23   s'était jamais produit comme cela, car c'est assez rare de voir des

 24   populations partir brusquement en raison de la peur. Et quand ça arrive,

 25   c'est pour des motifs très importants. Mais dans l'histoire de Mostar, il y

 26   avait eu des précédents ou bien, comme vous venez de le dire, il y avait eu

 27   des crimes, il y a eu des tirs et les gens ont eu peur. Est-ce un réflexe

 28   conditionné ou un réflexe tout à fait nouveau des personnes qui s'en vont

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  1   en raison de l'existence d'une peur ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait des départs motivés

  3   exclusivement par la peur, sans quelque forme d'organisation que ce soit.

  4   Je n'ai pas connaissance que de tels événements aient déjà eu lieu dans

  5   l'histoire.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Passons assez vite maintenant aux

  8   activités au sein de la cellule de Crise.

  9   Q.  Si j'ai bien compris, à un moment donné vous avez travaillé au sein de

 10   la cellule de Crise. Est-ce que vous pourriez nous en parler un petit peu.

 11   Qu'est-ce que c'était que cette cellule de Crise et comment êtes-vous entré

 12   en contact avec cette cellule ?

 13   R.  A cette époque au mois d'avril, les différentes institutions cessaient

 14   de fonctionner, et parmi elle, le fonds que je dirigeais également. A

 15   l'époque, je coopérais avec M. Gagro, le maire; et le 20 avril, mon

 16   collègue, M. Kazazic, qui travaillait au sein du fonds pour l'entretien des

 17   logements municipaux, qui travaillait donc au sein d'une institution

 18   semblable à la mienne, s'est rendu avec moi à la cellule de Crise.

 19   Q.  Essayez de parler un peu plus vite, s'il vous plaît.

 20   Merci beaucoup. Parce que si on garde ce rythme-là, j'aurais besoin de 20

 21   heures, donc il faut aller un peu plus vite, s'il vous plaît.

 22   R.  Entendu. Merci. Nous nous sommes rendus à la cellule de Crise, nous

 23   nous sommes mis à leur disposition avec l'intention de contribuer à

 24   l'élaboration du système financier à l'époque et à son organisation.

 25   La cellule de Crise travaillait dans les sous-sols du rectorat. Et du point

 26   de vue de l'organisation des affaires municipales, cette cellule de Crise

 27   était incompétente. Les personnes qui étaient en charge des finances

 28   municipales étaient des personnes sans aucune expérience. Et c'est à cette

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  1   époque-là que M. Kazazic et moi-même avons été nommés pour ce qui est du

  2   domaine des finances et de la comptabilité publique.

  3   Nous avons immédiatement rédigé deux décrets, que la cellule de Crise

  4   a signés. Nous avons également fourni les décrets d'application

  5   nécessaires, mais tout cela intervenait déjà tard.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir au sujet

  7   du compte rendu d'audience. Page 15, ligne 6, nous lisons : "bureau du

  8   directeur," mais en fait je crois que c'était le bureau du recteur ou du

  9   président de l'université qui a été mentionné, et je crois que si on laisse

 10   le compte rendu d'audience en l'état, ça risque de nous induire en erreur.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 12   Q.  Ce monsieur avec qui vous travailliez, qu'est-ce que vous faisiez

 13   exactement avec lui, concrètement, pendant cette période ? Et puis d'abord,

 14   de quelle période exactement s'agit-il ? Fin avril jusqu'à quand ?

 15   R.  Il s'agit de la période qui s'étend du 21 avril au-delà, et nous étions

 16   chargés de nous efforcer de trouver des moyens financiers, de nous assurer

 17   que nous aurions des moyens financiers pour les besoins des habitants de la

 18   ville. Car à l'époque, nous manquions de liquidités, le dinar yougoslave

 19   n'était plus disponible. C'est pourquoi nous avons préparé ce décret, qui a

 20   été publié par la cellule de Crise, et qui portait sur l'utilisation des

 21   espèces, des comptes en banque, des chéquiers. Il s'agissait de décrets qui

 22   sont habituellement pris au début d'une situation de crise et de décrets

 23   qui n'avaient pas été pris à temps par la cellule de Crise.

 24   Cependant, quelques jours après que ces décrets ont été pris, il est

 25   devenu impossible de se rendre au SDK, et les dernières personnes qui se

 26   trouvaient dans les locaux du SDK ont affirmé que les réservistes de la JNA

 27   avaient fait irruption dans le trésor du SDK et que l'argent avait été

 28   dispersé dans les rues.

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  1   Q.  Bien. Avant que je n'aborde le sujet suivant, qui est celui du conseil

  2   des affaires spéciales au sein duquel vous avez travaillé, nous le savons

  3   tous, j'aimerais que vous nous donniez une brève explication du

  4   fonctionnement du SDK.

  5   R.  Il s'agissait d'une institution de l'Etat. Le SDK existait déjà avant

  6   la guerre et était sous la responsabilité de Belgrade au niveau fédéral. De

  7   plus, chaque république fédérée disposait de son propre service de

  8   comptabilité publique, son propre SDK. En Bosnie-Herzégovine, le bureau

  9   central se trouvait à Sarajevo, et l'on y travaillait sur tous les comptes

 10   et les livres de paie. Il y avait également des bureaux régionaux. Par

 11   exemple, Mostar avait un bureau pour la Herzégovine, pour la partie qui

 12   allait de Trebinje à Livno; puis l'on trouvait également dans chacune des

 13   municipalités, des sous-unités d'un niveau encore inférieur. Toutes ces

 14   institutions devaient pouvoir avoir accès à la comptabilité des entreprises

 15   et des sociétés, qui devaient avoir un compte ouvert auprès du SDK et y

 16   déposer des espèces, tout comme elles avaient l'obligation de régler les

 17   salaires de leurs employés exclusivement par l'intermédiaire du SDK. Le SDK

 18   collectait les prélèvements et les taxes aux fins du financement des

 19   dépenses publiques. Il contrôlait également ces différents processus. Je

 20   dois dire ici qu'à l'échelon municipal, le SDK était une institution

 21   indépendante des autorités municipales. L'assemblée municipale n'avait pas

 22   le pouvoir d'émettre quelque ordre que ce soit à l'attention du SDK afin

 23   que ce dernier, par exemple, collecte des taxes supplémentaires ou autres.

 24   Q.  Vous nous avez dit que les bureaux du SDK se trouvaient à l'est. Vous

 25   nous avez expliqué que la situation était très préoccupante à Mostar au

 26   cours du mois d'avril 1992. Pouvez-vous nous expliquer si à ce moment-là,

 27   c'est-à-dire à la fin du mois d'avril et au début du mois de mai, si la

 28   branche régionale du SDK de Mostar fonctionnait effectivement et jusqu'à

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  1   quel point, si elle fonctionnait ?

  2   R.  Un très petit nombre de personnes sont restées à leur poste. Il

  3   s'agissait de personnes qui assuraient principalement la sécurité du

  4   bâtiment. Le travail du SDK a cessé fin avril déjà. La raison en était que

  5   les communications étaient interrompues. Le SDK en effet ne peut pas

  6   fonctionner normalement sans des moyens de télécommunication pleinement

  7   opérants. Il n'y avait pas de liaison avec le bureau central de Sarajevo,

  8   si bien que les activités du SDK étaient réduites aux paiements qui

  9   devaient être effectués à Mostar même et aux transactions en espèces.

 10   Q.  Qu'en était-il des services du fisc pour lesquels vous aviez travaillé

 11   ? J'imagine qu'ils percevaient toujours les impôts auprès des petites

 12   entreprises. Est-ce qu'ils avaient, eux, de l'argent, et comment

 13   fonctionnait cette administration ? 

 14   R.  Cette administration a cessé complètement de fonctionner, car son

 15   directeur a quitté Mostar et est parti en Herzégovine orientale, et la

 16   cellule de Crise de l'époque n'a pas nommé un remplaçant à ce poste. Le

 17   secrétaire aux finances, qui était membre de la cellule de Crise était une

 18   personne incompétente, car il s'agissait de quelqu'un qui ne travaillait

 19   pas du tout dans ce domaine, si bien que ce service ne fonctionnait plus du

 20   tout. Il s'était complètement décomposé.

 21   Q.  Savez-vous dans quel domaine il travaillait avant qu'il ne soit nommé à

 22   ce poste du simple fait de son appartenance au SDS?

 23   R.  Pour autant que je me souvienne, il travaillait dans une entreprise.

 24   Q.  Nous savons, parce que nous avons vu des documents dans ce sens et des

 25   témoins nous en ont parlé, nous savons qu'à un moment donné vous avez

 26   travaillé au sein de ce qu'on appelait le conseil des affaires spéciales.

 27   Avant de parler de vos activités précises au sein de ce conseil, pourriez-

 28   vous en quelques mots nous dire, pour que le contexte soit ainsi établi,

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  1   nous dire quelle était la situation à Mostar à ce moment-là ? Et là, nous

  2   sommes en train de parler du mois de mai. Quelle était la situation à

  3   Mostar, et je pense en particulier aux différents services administratifs

  4   de Mostar. Est-ce qu'ils fonctionnaient, et si oui, dans quelle mesure ?

  5   Nous savons qu'il existait une cellule de Crise déjà, mais nous avons

  6   besoin de savoir dans quelle mesure la ville continuait à fonctionner.

  7   R.  Avant toutes choses, ce que je puis dire, c'est que la ville de Mostar

  8   et ses institutions ne fonctionnaient pas. La cellule de Crise avait pour

  9   mission d'établir des organes qui fonctionneraient dans l'état de guerre,

 10   mais ces organes n'ont pas été mis en place, si bien que tout s'est réduit

 11   à une démarche exclusivement individuelle. Il y avait là des personnes qui

 12   auparavant étaient à la tête d'entreprises ou d'institutions et qui se

 13   rendaient dans les locaux de la cellule de Crise et se mettaient à la

 14   disposition de cette dernière. Leur intention était de contribuer, d'aider

 15   au travail de la cellule de Crise au moyen de leurs relations, notamment

 16   dans les milieux d'affaire, et de contribuer à l'organisation d'une aide

 17   efficace pour les habitants de Mostar. Ces activités remontent à l'époque

 18   des bombardements qui ont touché Dubrovnik. A l'époque, l'on récoltait de

 19   l'aide pour venir en aide à la ville de Dubrovnik, et ces personnes se

 20   réunissaient de temps en temps en compagnie du maire, M. Gagro. Il

 21   s'agissait de réunions informelles.

 22   Q.  Je vais vous interrompre quelques instants. Quand vous parlez de cette

 23   aide à Dubrovnik, de quelle période parlez-vous ?

 24   R.  C'est la période qui commence au début de l'année 1992.

 25   Q.  Et quelle était l'étendue de l'aide fournie par toutes ces personnes à

 26   Dubrovnik, quelle a été la participation de M. Gagro à toutes ces activités

 27   ?

 28   R.  Il s'agissait d'établir des contacts, de convenir de l'endroit où des

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  1   camions déchargeraient l'aide qu'ils transportaient, et cetera.

  2   Q.  Est-ce que vous avez participé à ces activités-là ?

  3   R.  Oui.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Ici il est dit, je cite

  5   : "Il devait fournir des contacts là où les Turcs allaient aller," et

  6   cetera. Ce n'est pas très clair, ça.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien --

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait nous

  9   l'expliquer ? A moins qu'il n'y ait erreur au compte rendu d'audience.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur. Ce n'est pas

 11   "Turcs," mais "trucks," qui veut dire camions en anglais.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] J'allais justement corriger la chose.

 14   Q.  Vous avez dit "trucks," c'est-à-dire camions, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Revenons à ce que vous nous avez dit précédemment. Vous avez dit que la

 17   cellule de Crise ne fonctionnait pas, qu'elle était censée établir un

 18   certain nombre de services, des services qui en fait n'ont pas été établis

 19   par la cellule de Crise, n'ont pas été mis en place. De quels services

 20   parlez-vous ?

 21   R.  La ville de Mostar, comme toutes les autres municipalités, disposait

 22   d'un plan de défense municipal, et ce plan prévoyait de façon tout à fait

 23   claire quels étaient les organes et des services qui, en cas de guerre ou

 24   de menace imminente de guerre, devaient continuer de fonctionner. Ce que

 25   toutefois ce plan n'avait pas prévu à l'époque était que ce serait la JNA

 26   qui se livrerait à une attaque. Dans ces différents plans, il était

 27   toujours prévu et l'on s'attendait à ce qu'une éventuelle attaque vienne

 28   plutôt du côté italien ou du côté hongrois.

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  1   Q.  Bien. Alors, c'est la raison pour laquelle il y avait les casques bleus

  2   et les casques rouges ?

  3   R.  [aucune interprétation]

  4   Q.  Donc le bleu, c'était les puissances occidentales, et le rouge, c'était

  5   les soviétiques et les satellites, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui. Si bien que ces différents plans n'étaient pas vraiment

  7   applicables dans leur intégralité. Cependant, ce que j'affirme, c'est que

  8   ces plans étaient également inadaptés à la situation qui prévalait à

  9   l'époque à cause de l'incompétence des personnes qui siégeaient au sein de

 10   la cellule de Crise. L'ancien quartier général de la Défense territoriale

 11   ne fonctionnait pas, le secrétariat à l'urbanisme ne fonctionnait pas,

 12   l'administration fiscale non plus, et il ne faut oublier que le secrétariat

 13   à l'urbanisme avait un rôle très important pour un grand nombre de services

 14   municipaux, qu'il s'agisse de l'enlèvement des ordures, de

 15   l'approvisionnement en eau, et cetera. Dans tous ces domaines, il n'y avait

 16   pas de services qui fonctionnaient.

 17   Q.  Très bien. Vous avez dit que vous avez aidé la cellule de Crise avec M.

 18   Kazazic, mais vous n'étiez pas membre de la cellule de Crise, n'est-ce pas

 19   ? Vous n'étiez là que pour l'aider; c'est bien ça ?

 20   R.  En effet. Notre rôle était limité à ce domaine-là, car de façon

 21   officielle, c'était la personne qui était à la tête du département des

 22   finances qui était membre de la cellule de Crise.

 23   Q.  Alors, avez-vous jamais vu ces plans de défense municipaux ? M. Gagro,

 24   en tant que président de la cellule de Crise, a-t-il jamais présenté les

 25   plans de défense municipaux pour voir s'ils pouvaient être adaptés à la

 26   situation et à son évolution dans une certaine mesure ?

 27   R.  Oui, j'ai eu l'occasion de voir ces plans lorsque j'étais membre du

 28   comité exécutif, avant les élections. En tant que directeur de

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  1   l'administration fiscale, j'avais un certain rôle, des devoirs quant à

  2   l'élaboration de ces différents plans, à leur rédaction. Cependant, M.

  3   Gagro ne m'a jamais rien demandé concernant ces différents plans, et cela

  4   n'a jamais non plus été un sujet de conversation.

  5   Q.  Très bien. Et pour être sûr de bien comprendre, tout ceci c'est au

  6   cours de la période yougoslave, c'est-à-dire entre 1987 et 1990, lorsque

  7   vous travailliez pour l'administration fiscale ?

  8   R.  Oui, c'est exact. A l'époque, j'étais également responsable du plan de

  9   la Défense territoriale pour la partie qui concernait la fiscalité.

 10   Q.  Bien. Votre situation n'était pas unique en son genre, n'est-ce pas --

 11   ou aussi peut-être ? Les autres responsables de services, du SDK ou

 12   d'autres administrations municipales, étaient-ils également responsables de

 13   la partie qui les concernait du plan de défense ?

 14   R.  Oui, bien sûr, ils avaient tous un rôle à jouer dans ce plan de

 15   défense. Dans certains domaines, le plan prévoyait que l'on arrête les

 16   activités, donc dans certains secteurs. Dans d'autres, il fallait, au

 17   contraire, leur donner plus d'importance, et certaines fonctions étaient

 18   abolies.

 19   Q.  Très bien. Alors si c'était le cas, pouvez-vous nous dire pourquoi M.

 20   Gagro n'a-t-il pas lancé le plan de défense ? Doit-on donc partir de

 21   l'hypothèse finalement qu'il n'avait pas connaissance de l'existence de ces

 22   plans ?

 23   R.  Je ne sais pas quelle est la raison.

 24   Q.  Très bien. Venons-en à votre rôle au sein du conseil des affaires

 25   spéciales. Nous avons vu un certain nombre de documents indiquant que vous

 26   faisiez partie de ce conseil. Alors, pourriez-vous nous dire la chose

 27   suivante pour commencer : comment se fait-il que vous soyez devenu membre

 28   de ce conseil, et d'après vous, quelle était la fonction du conseil des

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  1   affaires spéciales ?

  2   R.  C'est pourquoi j'ai parlé de la période à partir du moment où Dubrovnik

  3   a été bombardée. Parlant de l'époque où existait la cellule de Crise, une

  4   partie des gens qui étaient compétents, directeurs des entreprises et des

  5   institutions, ont cherché à savoir comment aider; et nous avons commencé à

  6   nous réunir. Le directeur de la Banque commerciale de Mostar, M. Vegar,

  7   nous a même cédé ses locaux dans un bâtiment qui appartenait à la banque où

  8   nous nous rendions; nous nous entretenions et nous cherchions de voir

  9   comment aider. En partie, ces gens se rendaient également à la cellule de

 10   Crise et offraient, à partir des virements dont ils disposaient en stock

 11   dans leurs entreprises, puis cherchaient à voir quelles étaient les

 12   demandes des entreprises.

 13   Q.  Cette administration, avait-elle des pouvoirs exécutifs - je parle de

 14   ce conseil des affaires spéciales - en tout cas, au cours de la période

 15   pendant laquelle vous en avez été un membre ?

 16   R.  Ce que je veux dire, le conseil a été nommé de la part de l'état-major

 17   municipal du HVO, et à ce moment-là, il a été composé en tant que conseil.

 18   Et c'était surtout parce que les membres du conseil devaient se déplacer

 19   afin de réaliser leurs travaux. Nous n'avions aucun pouvoir exécutif et

 20   nous ne prenions aucune décision relevant de l'administration municipale.

 21   Il fallait tout simplement créer les conditions nécessaires pour aider les

 22   citoyens de Mostar et préserver les biens appartenant aux entreprises de

 23   Mostar qui se trouvaient à l'étranger.

 24   Q.  Nous allons examiner un document dans peu de temps, mais si je

 25   comprends bien, vous, parmi deux autres personnes, avez été désigné au

 26   poste de coordonnateur. Alors pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre

 27   et à nous tous également en quoi consistait ce rôle de coordonnateur ?

 28   R.  Vous savez, comme lorsqu'il s'agit de tout autre coordonnateur, vous

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  1   savez, étant donné que les membres devaient se déplacer, l'un des

  2   coordinateurs devait toujours être présent sur les lieux, parce que les

  3   membres du conseil étaient censés obtenir un laissez-passer de circulation,

  4   puis le carburant pour les véhicules, et cetera, donc il fallait coordonner

  5   les activités afin de pouvoir mener à bien les missions dont j'ai parlé

  6   tout à l'heure.

  7   Q.  Très bien. Pouvez-vous --

  8   M. LE JUGE MINDUA : Excusez-moi.

  9   Monsieur le Témoin, vous avez dit que le conseil n'avait pas de

 10   pouvoirs effectifs, exécutifs, comme les organes de la municipalité. Mais

 11   en même temps, ce conseil était chargé de protéger les compagnies, les

 12   propriétés des sociétés, mais de quelle façon, parce que vous n'aviez pas

 13   de pouvoir ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux citer l'exemple de l'entreprise Soko

 15   de Mostar. C'est une entreprise qui produisait les pièces détachées pour

 16   l'industrie aéronautique en Europe. Par exemple, ils avaient de l'argent

 17   sur les comptes à Francfort pour les pièces détachées livrées en Allemagne.

 18   Les dirigeants de Soko, y compris le PDG de cette entreprise, s'étaient

 19   rendus à Belgrade et ils ont donné l'ordonnance depuis Belgrade aux termes

 20   de laquelle il fallait dépenser cet argent, parce que jusqu'alors c'étaient

 21   eux qui pouvaient en disposer.

 22   Et nous, en tant que conseil, s'agissant du directeur adjoint de Soko, nous

 23   l'avons envoyé en Allemagne pour expliquer quelle était la situation au

 24   sein de l'entreprise Soko, pour arrêter la dépense de cet argent de

 25   l'entreprise. Et le partenaire allemand, de son côté, a arrêté de verser

 26   l'argent sur ce compte et il a même permis que 18 employés de Soko viennent

 27   travailler en Allemagne. Et ainsi -- ils ont même fourni une voiture-

 28   ambulance en tant que donation. Ainsi, nous avons empêché les dépenses de

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  1   l'argent de Soko à l'étranger et nous avons même obtenu une donation. Donc

  2   cela n'avait rien à voir avec l'administration ou tout autre travail

  3   administratif.

  4   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. 

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] Il n'y a plus de questions ? Bien.

  6   Q.  Alors, pouvez-vous nous dire pendant combien de temps vous êtes resté

  7   membre du conseil des affaires spéciales, jusqu'à quelle période ?

  8   R.  J'ai travaillé au sein du conseil jusqu'à ce que j'ai été nommé chef

  9   des finances, à savoir jusqu'au 15 août 1992.

 10   Q. Bien. Alors, avant d'en arriver là, peut-être que nous pourrions

 11   examiner quelques documents justement portant sur le conseil des affaires

 12   spéciales. Voyez dans votre classeur, je vais parler de trois documents. Le

 13   premier, c'est le document 1D 03050. Donc 1D 03050, qui porte la date du 21

 14   avril 1992.

 15   Alors, connaissez-vous ce document, Monsieur, et si oui, pouvez-vous nous

 16   dire comment cela se fait-il ?

 17   R.  Je connais ce document parce que j'ai travaillé là-dessus avec mon

 18   collègue Kazazic. Il s'agit d'une instruction portant sur la réalisation de

 19   l'ordonnance relative à l'utilisation des liquidités, parce qu'il n'y avait

 20   plus de liquidités, et c'était une tentative de notre part pour utiliser,

 21   tant bien que mal, les comptes et les chèques et d'autres types de paiement

 22   parce qu'il n'y avait plus de liquidités.

 23   Q.  Bien. Ce document fait référence au SDK, n'est-ce pas ? Au cours de

 24   cette période, pourriez-vous confirmer si, à ce moment-là, le SDK

 25   fonctionnait comme il l'avait été par le passé, c'est-à-dire avec un lien

 26   avec Sarajevo et le reste du pays, ou à ce moment-là, le SDK est-il devenu

 27   inopérant ?

 28   R.  A cette époque-là, il n'y avait plus de communications avec Sarajevo.

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  1   Je pense même qu'au début du mois d'avril, un camion avec l'argent liquide

  2   a été arrêté à Konjic parce qu'il y avait les barrages, et suite à

  3   l'interruption de communications, le SDK ne pouvait que fonctionner

  4   partiellement, et ceci sur le territoire de Mostar et s'agissant des

  5   paiements entre les entreprises à Mostar même.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous

  7   étions censés faire une pause à 10 heures 15. Il est maintenant 10 heures

  8   15 passé. J'aurais encore quelques minutes éventuellement pour clore ce

  9   chapitre, alors si je peux continuer. Il reste encore deux brefs documents

 10   à examiner.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation]

 13   Q.  Le document suivant est le document 1D 02389. 1D 02389, qui porte la

 14   date de mai 1992. C'est une décision qui vous nomme, ainsi que quelqu'un

 15   d'autre, en tant que membres du conseil des affaires spéciales. Vous voyez

 16   cela ?

 17   Avez-vous le document ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Très bien. Alors, on voit votre nom tout en haut, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Bien. Regardons le dernier paragraphe, le paragraphe 4. On constate que

 22   vous serez l'un des coordinateurs, avec M. Prlic et M. Puljic, n'est-ce pas

 23   ?

 24   R.  Oui.

 25   R.  Bien. Si je comprends bien -- enfin, attendez. Une question d'abord :

 26   puisque vous étiez coordinateur, ainsi que MM. Prlic et Puljic, avez-vous

 27   exercé un quelconque pouvoir sur les autres membres du conseil des affaires

 28   spéciales ?

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  1   R.  Je n'avais aucun pouvoir en termes de subordination. Il s'agissait tout

  2   simplement de coordination d'activités, pour qu'il n'y ait pas trois

  3   personnes qui se rendent au même endroit en même temps, parce que nous

  4   n'avions pas suffisamment de véhicules et de carburant à notre disposition.

  5   Q.  Très bien. Alors examinons le document suivant. C'est le document

  6   1D 03051, 1D 03051. Nous voyons qu'il porte la date du 6 juin 1992. Il y a

  7   deux signatures, semble-t-il, de coordinateurs du conseil des affaires

  8   spéciales. Avez-vous eu l'occasion de voir ce document auparavant, Monsieur

  9   ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Très bien. Dès le premier paragraphe, on constate que ce rapport couvre

 12   les activités de certains membres, et ensuite on nous donne des noms,

 13   Slezak, Salahovic, Primorac et Orucevic. Connaissiez-vous ces hommes et

 14   pouvez-vous nous confirmer qu'ils faisaient également partie du conseil des

 15   affaires spéciales ?

 16    R.  Oui.

 17   Q.  Très bien. On voit une description très brève de certaines des

 18   activités menées à bien. Ce rapport, correspond-t-il avec vos propres

 19   constatations faites à l'époque ? On nous parle de questions de paiement,

 20   de télécommunications, ou de communication en tout cas. On trouve une liste

 21   d'autres activités, telles qu'aide humanitaire. On voit également qu'il y a

 22   une description des activités en cours.

 23   R.  Oui, cela correspond aux activités auxquelles nous nous livrions à

 24   l'époque.

 25   Q.  Voyons la toute dernière page de ce document. J'attire votre attention

 26   sur les deux derniers paragraphes surtout, en commençant par l'avant-

 27   dernier. Il y est dit :

 28   "Outre les activités concrètes mentionnées, certains membres du

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  1   conseil ont participé activement à la formation du gouvernement de guerre

  2   du HVO de Mostar, plus particulièrement à la préparation des actes

  3   nécessaires à l'établissement et à la définition des activités des

  4   autorités civiles de la ville," et cetera.

  5   Savez-vous ce dont il est question ici ?

  6   R.  Bien sûr. Nous avons préparé deux documents dans le cadre de nos

  7   activités. En fait, ceux qui avaient de l'expérience dans l'administration,

  8   tels que MM. Prlic, Puljic, Kozul, Jahic, Kazazic; donc nous, nous avons

  9   préparé un document expliquant comment devrait être le gouvernement de

 10   guerre et nous avons expliqué quelles en seraient les compétences, et tout

 11   ceci basé sur nos connaissances du fonctionnement du gouvernement et des

 12   précédents plans de défense, et nous l'avons envoyé en tant que proposition

 13   à M. Topic. Egalement, nous avons envoyé une proposition de quels seraient

 14   les règlements qui étaient nécessaires pour organiser la vie dans la ville.

 15   Tout cela était principalement les activités qui étaient envisagées en

 16   termes des plans de défense précédents.

 17   Q.  Très bien. Et si l'on examine le dernier paragraphe, on suggère la

 18   tenue d'une réunion entre les membres du conseil et le président du Conseil

 19   croate de défense pour définir le statut de ce conseil des affaires

 20   spéciales ainsi que son mandat, pour évoquer sa composition et sa forme

 21   pour la période à venir. Alors, savez-vous si cette réunion s'est tenue, et

 22   si oui, quelle en a été l'issue ?

 23   R.  A l'époque, le HVO municipal a été déjà nommé et les premières

 24   décisions étaient déjà prises. Entre autres, par exemple, un bureau chargé

 25   de l'approvisionnement de la ville était formé, puis bureau chargé des

 26   finances, et nous pensions qu'une partie des activités du conseil pouvait

 27   être reléguée maintenant à ces institutions et que les membres du conseil

 28   pouvaient revenir au sein de leurs entreprises pour faire tant bien que mal

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  1   ce qu'ils pouvaient.

  2   Q.  Très bien.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous pourrions faire la pause sans plus

  4   attendre.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous prenons une pause de 20 minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

  7   --- L'audience est reprise à 10 heures 47.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  9   Maître Karnavas.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 11   A moins qu'il n'y ait des questions concernant le conseil spécial, je

 12   vais passer à autre chose. Etant donné qu'il n'y a pas de questions de la

 13   part des Juges de la Chambre, je vais tenter d'accélérer.

 14   Q.  Je souhaite parler de votre participation au HVO HZ-HB, à savoir

 15   l'exécutif de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Nous avons vu des

 16   documents qui portaient là-dessus. Nous avons constaté qu'à un moment vous

 17   avez été nommé, comme vous nous l'avez précisé plus tôt, vous avez été

 18   nommé à la tête du service des finances; est-ce exact ?

 19   R.  Oui, c'est exact, en août 1992.

 20   Q.  Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, pourriez-vous nous parler de

 21   ceci ? D'après vous, quel était le rôle du HVO HZ-HB au sein de cet

 22   exécutif ?

 23   R.  Notre fonction consistait à organiser la vie courante sur le territoire

 24   où le HVO en tant que structure militaire procédait à la défense, menait la

 25   défense, et l'organisation de la vie civile et l'aide à la défense.

 26   Q.  Très bien. Nous avons également entendu des dépositions portant sur les

 27   différents postes à l'intérieur de tout ceci et comment ceci fonctionnait,

 28   qu'il s'agissait d'un organe collectif. Pourriez-vous nous confirmer cela,

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  1   que le HVO HZ-HB était un organe collectif ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et en tant que tel, pourriez-vous nous dire si le président du HVO HZ-

  4   HB, à savoir le Pr Jadranko Prlic, s'il avait le pouvoir de prendre des

  5   décisions ou de nommer à des postes certaines personnes en ne tenant pas

  6   compte des décisions prises par cet organe collectif ? En d'autres termes,

  7   si une décision était adoptée à la majorité, est-ce qu'il pouvait

  8   outrepasser cela, compte tenu de sa position ?

  9    M. SCOTT : [interprétation] En fait, je m'oppose à ceci parce que c'est

 10   une question directrice. On en vient au fait et on parle de la position

 11   qu'occupait M. Prlic. Pourriez-vous, je crois en guide de préambule, il

 12   faudrait dire : "Pourriez-vous nous parler du poste qu'occupait M. Prlic ?"

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Ecoutez, si vous souhaitez l'aborder dans le

 14   détail de cette façon-là, bien, je vais m'y prendre autrement.

 15   Q.  Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, quel était le poste ou le rôle

 16   joué par le président du HVO HZ-HB ?

 17   R.  D'après notre organisation, le chef de département était responsable de

 18   différentes activités pendant que j'étais chargé des finances. Je préparais

 19   les règlements et les propositions de nominations. Je les envoyais au

 20   bureau du président du HVO. Le président du HVO à son tour établissait un

 21   ordre du jour. On parlait des décisions, et après le vote les décisions

 22   étaient signées par le président et publiées dans la Gazette officielle.

 23   Q.  Très bien. Qu'en est-il de la nomination à certains postes ?

 24   R.  S'agissant de mes adjoints, de mes assistants, je proposais différents

 25   candidats. Comme il était le cas lorsqu'il s'agissait d'autres décisions,

 26   c'était le conseil qui en prenait décision en dernier lieu, et la décision

 27   était prise et signée par le président et ensuite publiée dans le journal

 28   officiel. Si jamais les membres du conseil n'étaient pas d'accord avec ma

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  1   proposition, je proposais un autre candidat. Et j'étais indépendant en

  2   exerçant ce travail.

  3   Q.  Je souhaite de façon concrète -- nous comprenons, nous avons vu des

  4   documents qui ont été signés par le Pr Prlic portant sur différentes

  5   décisions et/ou nominations. S'agissait-il en fait de nominations faites

  6   par lui ou par cet organe collectif, le HVO HZ-HB ?

  7   R.  J'ai déjà dit les propositions s'agissant de mes assistants, c'était

  8   moi qui envoyais une proposition, ensuite, l'on votait au sein du HVO pour

  9   confirmer cette proposition. Et Prlic signait la décision et son bureau se

 10   chargeait d'envoyer la décision au journal officiel.

 11   Q.  Bien. Je souhaite m'assurer que tout ceci soit très clair en fait.

 12   C'est Prlic qui a nommé cette personne à ce poste compte tenu du fait que

 13   sa signature figure en bas de ce document, ou est-ce le HVO HZ-HB qui a

 14   nommé cette personne ?

 15   R.  Suite à la décision prise au sein du HVO.

 16   Q.  Bien. Nous avons entendu des dépositions par le passé qui ont évoqué la

 17   question de la présidence de la communauté croate d'Herceg-Bosna. Pourriez-

 18   vous nous décrire des liens entre la présidence, l'organe en tant que tel,

 19   et le HVO HZ-HB, qui constitue le pouvoir exécutif ?

 20   R.  Depuis le début, la relation entre la présidence et le HVO HZ-HB,

 21   c'était une relation qui était difficile, conflictuelle, parce qu'au sein

 22   de la présidence du HVO HZ-HB se trouvaient les présidents du HVO, des

 23   différents HVO municipaux, qui étaient censés mettre en œuvre les décisions

 24   prises par le HVO. D'autre part, eux, à leur tour, adoptaient ces décisions

 25   et évaluaient le travail du HVO. Au moment où l'on mettait en œuvre les

 26   décisions prises par le HVO, la plus grande résistance était du côté des

 27   municipalités.

 28   M. SCOTT : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Je

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  1   souhaite corriger le compte rendu. Peut-être que c'est une erreur de

  2   traduction ou peut-être que M. Tomic s'est mal exprimé. A la page 32, ligne

  3   5, on parle de la présidence du HVO HZ-HB. Je crois qu'un tel organe

  4   n'existait pas. Il parle de la présidence du HZ-HB. C'est ça qu'il voulait

  5   dire.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Tomic, ne vous préoccupez pas de ce qui figure au compte rendu

  8   à ce stade. Y avait-il une présidence du HVO HZ-HB ou y avait-il une

  9   présidence du HZ-HB ? Laquelle des deux ?

 10   R.  La présidence de la HZ-HB.

 11   Q.  Très bien. Il y a quelques fois des erreurs qui se glissent dans le

 12   compte rendu. Ne soyez pas surpris si nous intervenons de cette manière. Et

 13   nous remercions M. Scott pour son intervention.

 14   Nous avons également entendu dire que M. Mate Boban était le président de

 15   la présidence ainsi que le président du HZ-HB. Pourriez-vous nous préciser

 16   ceci, quel était son poste et quel rapport avait-il avec la présidence et

 17   le HVO HZ-HB, à savoir le pouvoir exécutif ?

 18   R.  Comme la défense de la région avait commencé avant la création du HVO,

 19   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, M. Boban était en réalité le

 20   président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et le commandant du HVO en

 21   même temps.

 22   Q.  Je vais vous interrompre. On peut lire ici : "Avant la création du HZ-

 23   HB, Boban était quasiment le président du HZ-HB." Pourriez-vous nous

 24   préciser ceci, s'il vous plaît ?

 25   R.  C'était avant la création du HVO de la Communauté croate d'Herceg-

 26   Bosna.

 27   Q.  Il s'agit du pouvoir exécutif ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Poursuivez.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La réponse du témoin n'a pas été

  3   enregistrée.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Effectivement. Ceci interrompt un petit peu

  5   le "flow" de sa déposition, mais il nous faut agir ainsi, je suis désolé.

  6   C'est un lundi matin.

  7   Q.  Il y a une différence entre le HVO HZ-HB et la présidence du HZ-HB,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  Bien entendu. La présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

 10   était l'organe législatif, et le HVO était l'organe exécutif.

 11   Q.  Bien. Poursuivons et reprenons là où nous nous sommes arrêtés, nous

 12   parlions de M. Boban.

 13   Une seule précision, s'il vous plaît. Je veux m'assurer que tout le monde

 14   comprenne, parce qu'on peut lire au compte rendu que le HZ-HB était le

 15   pouvoir exécutif, et d'après ce que j'ai compris, ce monsieur n'enregistre

 16   peut-être pas tout au compte rendu d'audience, mais à un moment donné, ce

 17   compte rendu sera précisé. Il y a le HVO HZ-HB, le pouvoir exécutif,

 18   ensuite il y a la présidence du HZ-HB, n'est-ce pas ?

 19   R.  Exact, exact. C'est ce que j'ai dit, oui.

 20   Q.  Je comprends bien. La présidence représente le pouvoir législatif et le

 21   HVO HZ-HB représente le pouvoir exécutif; c'est cela ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Ceci a été précisé. Maintenant, pouvez-vous nous parler des fonctions

 24   qu'occupait M. Boban avant que vous-même n'ayez quelque chose à voir avec

 25   le HVO HZ-HB, le pouvoir exécutif j'entends ?

 26   R.  Mate Boban était le président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

 27   ainsi que le président de la présidence de la Communauté croate d'Herceg-

 28   Bosna, donc il était le président du pouvoir législatif, et en même temps,

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  1   il était le commandant numéro un du HVO en tant que structure militaire.

  2   Q.  Lorsque vous avez été nommé, je souhaite vous demander par qui avez-

  3   vous été nommé ? Je crois que c'était à la date du 15 avril 1992. Qui vous

  4   a nommé à ce poste ? Pardonnez-moi, je me suis trompé, c'était au mois

  5   d'août, août 1992.

  6   R.  La décision portant ma nomination a été prise par M. Boban, président

  7   de la présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

  8   Q.  Bien. Alors, comment se fait-il que vous ayez été nommé à ce poste ?

  9   R.  Etant donné que la guerre durait, dans la région dirigée par le HVO les

 10   municipalités ont pris le pouvoir en créant des postes de contrôle, et les

 11   institutions qui fonctionnaient auparavant dans cette région et qui avaient

 12   un caractère régional ou au niveau de la république ont cessé leur travail.

 13   Et à ce moment-là, la présidence de la Communauté croate d'Herceg-Bosna a

 14   pris une décision portant nomination de M. Prlic au poste de président du

 15   HVO, le HVO donc pouvoir exécutif, et nomination également de votre

 16   serviteur en tant que représentant du département des finances. Notre

 17   mission consistait à tenter d'organiser la vie civile, car il fallait faire

 18   démarrer assez rapidement les écoles, les universités. Les institutions

 19   chargées du financement des écoles et des universités, par exemple,

 20   n'existaient pas, car le financement se faisait au niveau régional ou à

 21   partir du budget de la république dans le passé.

 22   Q.  Bien. Nous allons aborder ceci petit à petit dans le détail. Tout

 23   d'abord, nous avons vu des documents qui précisent qu'avant votre

 24   nomination à la tête du service de finance, ce poste était détenu par le Pr

 25   Jadranko Prlic. Le saviez-vous ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Je vous demande de bien vouloir nous expliquer ceci : lorsque vous avez

 28   repris ce poste, est-ce que vous avez constaté que certains instruments

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  1   juridiques avaient été mis en place ou que différentes actions avaient été

  2   menées avant votre prise de fonction ?

  3   R.  Au moment où j'ai été nommé à ce poste, je n'ai trouvé aucun document,

  4   je n'ai trouvé aucun être humain, je n'ai trouvé aucun locaux qui était lié

  5   au département des finances.

  6   Q.  Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous parler des instruments juridiques

  7   qui existaient à l'époque où vous avez été nommé ? Nous avons vu qu'il y

  8   avait des décisions statutaires. Hormis cela, pourriez-vous nous parler

  9   d'autres instruments juridiques qui existaient au moment où vous avez pris

 10   ces fonctions, et peut-être ceci vous permettra --

 11   R.  A ce moment-là, nous avions la possibilité d'examiner la décision

 12   statutaire qui définissait les responsabilités du département. Cette

 13   décision avait été prise par la présidence de la Communauté croate

 14   d'Herceg-Bosna. La réglementation légale en vigueur à ce moment-là était

 15   constituée pour l'essentiel des lois de la République de Bosnie-Herzégovine

 16   passées au mois de mars 1992, qui consistaient de façon générale à assurer

 17   la succession des lois existant dans l'ex-Yougoslavie et régissant les

 18   finances.

 19   Q.  Alors, nous allons procéder comme suit, Monsieur Tomic, et vous,

 20   Messieurs les Juges : dans ma prochaine série de questions, je vais vous

 21   demander comment vous vous êtes pris pour fixer les priorités de votre

 22   service. Ensuite, nous allons aborder ce qui se passait au niveau de la

 23   municipalité et de différentes municipalités. Ensuite, nous allons évoquer

 24   les documents qui portent plus précisément sur votre domaine concernant le

 25   HVO HZ-HB. Voilà, c'est pour donner à tout un chacun une idée de la façon

 26   dont j'ai l'intention de procéder.

 27   Donc, est-ce que vous pourriez nous dire ceci : êtes-vous --

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste un petit point de détail.

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  1   Vous nous avez dit que vous avez succédé à M. Prlic au sein donc de

  2   ce service des finances. Mais vous avez rajouté ceci : "Je n'ai trouvé

  3   aucun document, aucun fonctionnaire, aucun local," alors je me suis dit,

  4   mais qu'est-ce qu'il faisait, M. Prlic ? Vous pouvez préciser ? Puisque

  5   vous succédez à quelqu'un, est-ce que ce quelqu'un n'avait rien fait du

  6   tout ou bien il avait fait quelque chose et vous n'avez pas trouvé ni des

  7   documents, ni les gens qui travaillaient avec lui, ni ses bureaux ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Prlic a été nommé à son poste le 15, le 15

  9   mai, donc au poste de directeur du département des finances. Or, à ce

 10   moment-là, il se trouvait à Mostar et travaillait en tant que coordinateur

 11   du conseil chargé des affaires spéciales.

 12   Si je ne me trompe, il participait, en tant que dirigeant du département

 13   des finances, aux séances qui préparaient la réunion de la présidence de la

 14   Communauté croate d'Herceg-Bosna à peu près au moment où j'ai été nommé à

 15   mon poste. Donc son travail, les écritures dont il était l'auteur, il s'en

 16   chargeait depuis son domicile. Il n'y avait pas de bureaux disponibles à ce

 17   moment-là.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, si je comprends bien, vous prenez la

 19   direction de ce service, c'est au mois d'août, mais ce service n'avait pas

 20   de structure, n'avait pas de personnel, et en fait, vous devez tout faire.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 23   Q.  Bien. Parlons des priorités que vous avez fixées, comment vous vous y

 24   êtes pris pour mettre sur pied ce service des finances. Pourriez-vous nous

 25   dire, s'il vous plaît, quel genre de choses vous avez faites, et pour

 26   commencer, comment vous avez mis sur pied tout ceci et comment vous vous

 27   êtes pris pour remplir vos fonctions ?

 28   R.  En tant que membre du conseil des affaires spéciales, je me déplaçais

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  1   beaucoup dans la région et j'ai pu constater que toutes les municipalités

  2   s'étaient organisées en créant des circonscriptions fiscales, des

  3   circonscriptions financières. Des postes de contrôle ont été créés où l'on

  4   vérifiait les résultats douaniers et fiscaux. Après le démantèlement des

  5   douanes de l'ex-Yougoslavie, il n'a pas été créé de services des douanes au

  6   niveau de la république. Le service de vérification des comptes publics, le

  7   SDK, était également totalement désorganisé. Il n'y avait pas de

  8   possibilité de communiquer. Le Trésor, qui était par le passé organisé au

  9   niveau de la république, était coupé de Sarajevo et se réduisait finalement

 10   à quelques représentations municipales. Autrement dit, de façon générale,

 11   c'est le chaos le plus complet qui régnait, et les choses se faisaient

 12   uniquement au niveau des municipalités, les municipalités qui finançaient

 13   la défense. Et pour celles qui ne subissaient pas de combats sur leur

 14   territoire, elles étaient un peu plus riches et pouvaient donc verser des

 15   salaires plus importants. Quant aux soldats qui relevaient des

 16   municipalités où se déroulaient des combats, leurs soldes étaient très

 17   réduites car l'activité économique était paralysée. Donc j'ai pu voir

 18   quelle était la situation sur le terrain.

 19   Je me suis mis alors à préparer une série de directives dont je

 20   souhaitais qu'elles mettent en place un minimum de règles régissant les

 21   finances, de façon à mettre à disposition les fonds nécessaires pour

 22   assurer la défense dans le cadre d'une répartition à peu près équitable, et

 23   mon but était également de faire en sorte que les institutions civiles

 24   financées avant la guerre au niveau des régions et des républiques puissent

 25   être correctement financées.

 26   Q.  Je vais vous interrompre pendant quelques instants. Tout d'abord,

 27   pourriez-vous nous énumérer, s'il vous plaît, les priorités ou ces

 28   différents règlements ? Tout d'abord, pourriez-vous nous dire quelles

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  1   étaient vos priorités, puisque vous étiez un technocrate, vous étiez tout à

  2   fait au courant du recouvrement des recettes et de la répartition des

  3   recettes ?

  4   R.  La priorité consistait à mettre en place un service douanier,

  5   l'administration des douanes, car l'administration des douanes est une

  6   source de financement pour tous les organes qui en dépendent, étant donné

  7   que les douanes concernent et agissent sur les marchandises importées. Il

  8   fallait aussi créer le service de vérification des comptes publics, donc

  9   mettre en place un système réglementé pour éviter toute fraude fiscale.

 10   Puis il fallait adopter le budget de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

 11   afin que soient disponibles tous les financement nécessaires à cette

 12   époque-là.

 13   Ces trois institutions, si je puis les appeler ainsi, ont donc

 14   commencé à fonctionner. Mais pour qu'elles puissent fonctionner, il fallait

 15   que toutes sortes d'autres organes fonctionnent également. Cela dit, créer

 16   une administration fiscale à Mostar était difficile car avant la guerre, le

 17   Trésor relevait du niveau de l'Etat yougoslave. Il ne restait que cinq

 18   personnes, cinq salariés, trois Croates et deux Musulmans, et nous étions

 19   censés nous appuyer sur ces cinq salariés pour créer l'administration en

 20   question. Il fallait donc habiliter ces personnes, trouver le personnel

 21   nécessaire, former ce personnel et commencer à travailler.

 22   Q.  Nous allons procéder dans l'ordre, point par point. Vous avez dit que

 23   les priorités c'était les douanes, droits de douane, SDK, le budget.

 24   Commençons par les droits de douane ou les douanes.

 25   Pourquoi était-il nécessaire de commencer par mettre en place une

 26   administration chargée des douanes ?

 27   R.  J'ai déjà dit, n'est-ce pas, que les chiffres utilisés par les douanes

 28   sont les éléments de base qui permettent de suivre dans les étapes

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  1   ultérieures la situation de l'impôt sur les propriétés au niveau de la

  2   Communauté croate d'Herceg-Bosna car il n'y avait pratiquement pas de

  3   production au niveau de l'Etat. A ce moment-là, à la frontière entre la

  4   Bosnie-Herzégovine et la Croatie, il n'existait pas de douanes. La

  5   République de Bosnie-Herzégovine en effet n'avait pas mis en place ce

  6   service des douanes. Une tentative avait été faite par l'ex-Yougoslavie au

  7   moment où les douanes s'étaient trouvées démantelées à la frontière entre

  8   la Slovénie et la Croatie, au moment de l'indépendance de la Slovénie. Donc

  9   une tentative a été faite par l'Etat yougoslave pour créer une frontière

 10   qui se situait entre Siroki Brijeg et Mostar, afin de prélever les droits

 11   de douane à cet endroit-là. La JNA a appuyé cet effort tant qu'elle était à

 12   Mostar. Donc il n'y avait pas d'administration des douanes, mais nous

 13   avions nécessité de créer les conditions préalables au fonctionnement d'une

 14   telle administration afin de pouvoir toucher les impôts et les droits.

 15   Q.  Est-ce que la mise en place d'un service des douanes à la frontière et

 16   la perception des droits de douane avec l'imposition de différents niveaux

 17   de douane, est-ce que ça fait partie des fonctions d'un Etat ? N'est-ce pas

 18   plutôt des fonctions d'une région, d'une municipalité ?

 19   R.  La douane évidemment relève de la responsabilité d'un Etat. La

 20   République de Bosnie-Herzégovine avait repris à son compte les lois en

 21   vigueur dans l'Etat, mais elle n'a pas créé l'administration des douanes

 22   nécessaire au niveau de l'Etat. Elle n'a pas non plus créé les passages

 23   frontières, les postes frontaliers. Donc c'est à l'initiative des

 24   municipalités que la perception des impôts et des droits de douane qui

 25   relève normalement de la responsabilité de l'Etat s'est faite car il n'y

 26   avait personne d'autre pour le faire.

 27   Q.  Vous dites que les municipalités ont commencé à percevoir les taxes,

 28   les impôts. Est-ce que vous êtes en train de parler des municipalités de la

Page 33736

  1   Communauté croate d'Herceg-Bosna uniquement ou des autres municipalités à

  2   l'extérieur de cette entité, comme par exemple, la municipalité de Tuzla ?

  3   R.  Il se trouve que cela s'est passé sur le territoire de toute la Bosnie-

  4   Herzégovine. Chaque municipalité a fait ce qu'il fallait pour s'assurer un

  5   revenu, à commencer par les efforts nécessaires dans le domaine de la

  6   douane, puis dans le domaine du trésor, ces deux domaines étant normalement

  7   une responsabilité de l'Etat. Autrement dit, les impôts et les droits de

  8   douane auraient dû être payés à Sarajevo, mais compte tenu du fait que les

  9   voies de communications étaient coupées, c'est devenu impossible. Les

 10   municipalités conservaient donc ces sommes et ont passé les textes

 11   législatifs nécessaires pour transformer ces recettes en recettes

 12   municipales.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, on est sur un sujet extrêmement

 14   compliqué et très technique. Je voudrais faire, comme vous semblez être un

 15   spécialiste, ma question va être d'autant plus précise.

 16   Sous l'ancien système yougoslave, le budget des municipalités relevait de

 17   l'Etat fédéral ou de la République de Bosnie-Herzégovine ? Prenons le cas

 18   de Mostar, en 1988, 1989, son budget municipal, il relevait au niveau des

 19   recettes de qui ? Du pouvoir fédéral ou de la République ou de la

 20   municipalité ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Les comptes étaient faits par la municipalité,

 22   mais les recettes découlant de ces comptes étaient réglementées par des

 23   dispositions qui relevaient du niveau de la république et du niveau de

 24   l'Etat, du niveau des républiques, et du niveau de la municipalité. Au

 25   niveau de l'Etat, il y avait un accord qui réglementait la répartition, et

 26   il existait un impôt fédéral. Au niveau fédéral, il existait une loi qui

 27   définissait le montant des impôts, et sur la totalité, ce qui revenait aux

 28   municipalités.

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  1   Par exemple, il y avait l'impôt sur les ventes qui se répartissait

  2   entre les municipalités et la république. C'était un impôt assez limité

  3   dans son montant. Donc les municipalités avaient leur propre compétence

  4   pour percevoir les impôts et passer des textes réglementaires, mais ces

  5   compétences concernaient la taxe foncière, la taxe sur les recettes

  6   automobiles, la taxe sur les ventes. C'était donc des taxes assez limitées

  7   dans leurs montants. Elles avaient une influence moins importante sur la

  8   totalité des transactions.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quand l'Etat fédéral n'existe plus en raison

 10   de l'indépendance de la Croatie, la Slovénie, la Bosnie-Herzégovine, ces

 11   taxes fédérales ne sont plus recouvrées, et de ce fait il n'y a plus un

 12   transfert du budget fédéral vers le budget de la municipalité.

 13   Alors dites oui, parce que vous dites oui de la tête, mais il faut que ça

 14   soit au transcript.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui. Alors, de ce fait, les

 17   municipalités vont se trouver en difficulté puisqu'il y a des recettes qui

 18   ne vont plus aller au niveau du budget. Au niveau maintenant de la

 19   République de Bosnie-Herzégovine, est-ce qu'il y avait au moment où vous

 20   avez pris vos fonctions des transferts de sommes émanant du budget de la

 21   république vers les municipalités ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Le principal moyen de recouvrement de l'impôt

 23   et de circulation de l'argent se situait au sein du SDK, c'est-à-dire du

 24   Service de vérification des comptes publics. Etant donné que ce service

 25   s'est totalement démantelé, il est devenu impossible de mettre en œuvre les

 26   réglementations légales en vigueur, car il était désormais impossible de

 27   transférer de l'argent.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc compte tenu de cet état de fait, vous avez été

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  1   obligé, vous, à inventer tout un système afin que la municipalité puisse

  2   survivre au point de vue financier, d'où ce que vous nous avez dit, la

  3   création d'un service douanier, le reformatage du SDK qui ne fonctionnait

  4   plus et la préparation du budget municipal. En quelque sorte, il a fallu

  5   que vous, je crois comprendre, créiez tout un système.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Une correction, simplement. Les municipalités

  7   à cette époque-là, étant donné que le système était en cours de

  8   démantèlement, donc les municipalités qui avaient un territoire permettant

  9   de travailler étaient plus riches qu'avant la guerre, car elles ne

 10   versaient plus rien aux instances de la République, le SDK ne fonctionnant

 11   plus. Mais les institutions telles que les fonds de pension, le fonds

 12   chargé du financement de l'éducation supérieure et de la recherche, le

 13   fonds chargé de financer les adductions d'eau qui étaient des fonds

 14   existant au niveau de la République et qui finançaient également la santé

 15   publique sont restés sans un sou. Quant aux municipalités, elles ont

 16   recouvré les sommes qui leur revenaient mais les ont utilisé exclusivement

 17   à des fins de financement de la Défense, de sorte que les professeurs sont

 18   restés sans salaire, les enseignants des lycées qui étaient financés au

 19   niveau régional se sont retrouvés sans salaire, les médecins des hôpitaux

 20   qui étaient financés également par un fonds régional, et pour partir au

 21   niveau de la République, se sont retrouvés sans salaire.

 22   Autrement dit, un nombre énorme de personnes s'est retrouvé sans

 23   salaire et sans possibilité de continuer à travailler. Donc notre rôle a

 24   consisté, avant tout, à aider les habitants car il y avait aussi ces

 25   municipalités sur lesquelles se déroulaient des combats et qui ne pouvaient

 26   même pas assurer le minimum relevant des municipalités. Il fallait donc les

 27   aider.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, si vous, vous n'étiez pas

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  1   intervenu, si vous n'aviez pas créé ce service douanier, la perception des

  2   taxes, ça aurait été l'anarchie, le chaos total. Est-ce qu'on peut dire ça

  3   ou pas ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Le chaos régnait déjà sur le terrain. Ce que

  5   nous nous sommes efforcés de faire, c'est de maîtriser ce chaos.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Karnavas.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Quelques

  8   précisions seulement.

  9   Q.  Avant l'effondrement de la Yougoslavie, est-ce qu'il existait un

 10   système de contrôle des frontières et un service des douanes sur les

 11   frontières séparant la République socialiste de Bosnie-Herzégovine et la

 12   République socialiste de Croatie; je pense qu'on peut les appeler ainsi ?

 13   R.  Il n'y avait pas de frontières. Les frontières étaient de nature

 14   surtout administrative. Elles n'étaient visibles que sur les cartes

 15   administratives et ne se traduisaient pas concrètement sur le terrain.

 16   Q.  En réponse à une de mes questions précédentes, vous avez dit qu'il

 17   s'agissait là d'une fonction qui relevait de l'Etat, la mise en place d'une

 18   administration chargée des douanes et de la perception des droits de

 19   douane. J'en déduis, je déduis de votre réponse que cet argent, ces fonds,

 20   ils auraient dû être transférés à Sarajevo, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, c'est exact.

 22   Q.  Et à supposer qu'il aurait été possible de transférer cet argent à

 23   Sarajevo, et vous nous avez expliqué que c'était complètement impossible,

 24   quelle était l'obligation de Sarajevo s'agissant de l'utilisation de ces

 25   fonds ou d'une partie de ces fonds en tout cas ?

 26   R.  Les autorités de Sarajevo devaient arrêter le budget de la République

 27   de Bosnie-Herzégovine et une partie de ces ressources financières serait

 28   revenue sur les territoires en Bosnie-Herzégovine d'où elles provenaient,

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  1   et ce, aux fins de financement des institutions que j'ai précédemment

  2   citées.

  3   Q.  Bien. Vous avez parlé de "fonds" au singulier et au pluriel, et puisque

  4   nous sommes en train de parler du budget, je voudrais vous poser la

  5   question suivante : est-ce que le budget était un budget avec des postes

  6   bien précis qui expliquaient, qui précisaient exactement à quoi devait être

  7   consacrée telle somme d'argent après l'adoption du budget ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Et quand vous parlez de fonds, pourriez-vous en quelques mots nous dire

 10   ce que c'est qu'un fonds, comment ça fonctionne ?

 11   R.  Dans la période de transition en Yougoslavie, nous avions des

 12   communautés auto-gestionnaires qui, de par les réformes entreprises,

 13   devaient se transformer en fonds. Ces communautés auto-gestionnaires

 14   étaient des institutions qui fonctionnaient en marge du budget. Elles

 15   disposaient de leurs propres ressources, et nous appelions en pratique ces

 16   ressources des "contributions."

 17   C'est ainsi que nous avions une contribution au système de retraite et nous

 18   avions une communauté auto-gestionnaire chargée de l'assurance-retraite.

 19   Cette dernière disposait de ses propres services et mettait en œuvre,

 20   organisait le paiement des retraites. Il s'agissait d'une institution qui

 21   disposait de son propre budget et d'une assemblée également. Cette

 22   assemblée était composée de représentants des retraités d'une part, en tant

 23   que bénéficiaires-utilisateurs, et de représentants des entreprises,

 24   d'autre part, en tant que contributeurs. Par conséquent, toutes ces

 25   assemblées SIZ à l'échelon républicain, qu'il s'agisse de l'enseignement

 26   supérieur, de l'approvisionnement en eau ou autres, certains se situaient à

 27   l'échelon régional, comme l'enseignement secondaire par exemple, alors que

 28   d'autres se situaient à l'échelon municipal, notamment l'enseignement

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  1   primaire, et cetera.

  2   Q.  Mais pendant cette période, est-ce que les municipalités pouvaient

  3   aller puiser dans ces fonds divers pour y trouver directement les

  4   liquidités, l'argent qui leur revenait, vu la contribution qu'elles avaient

  5   faite précédemment et que le système était censé redistribuer ensuite ?

  6   Est-ce que c'était possible ?

  7   R.  A cause de l'effondrement du système, on a assisté également à la

  8   disparition des services qui administraient ces fonds. Les municipalités

  9   ont par conséquent pris des décisions qui ont eu l'effet suivant : les

 10   ressources de ces différents fonds, les impôts collectés, les

 11   contributions, étaient considérées comme des ressources municipales au lieu

 12   d'être attribuées à ces fonds, car les communications étaient rompues. Le

 13   système éducatif, qu'il s'agisse d'enseignement supérieur, secondaire ou

 14   primaire, ne fonctionnait pas, l'approvisionnement en eau également, et une

 15   contribution globale d'un taux de 80 % du salaire net était appliquée à

 16   l'échelon municipal pour couvrir l'ensemble des besoins.

 17   Q.  Il faudra peut-être nous expliquer un petit peu mieux de quoi il s'agit

 18   quand vous parlez de ce taux de 80 % ou même 100 %. De quoi parlez-vous

 19   exactement ? Il s'agit d'une contribution ?

 20   R.  Le salaire net se voyait appliqué un taux pour différentes

 21   contributions et différents impôts. Les contributions revenaient aux

 22   communautés autogestionnaires dont j'ai parlé, alors que les impôts étaient

 23   des ressources municipales et de la république. Les contributions pouvaient

 24   représenter, par exemple, autour de 20 % pour l'assurance retraite, 15 %

 25   pour le système de santé, 5 % pour le système éducatif. Et si l'on fait le

 26   total de toutes ces contributions, on arrive effectivement à environ 80 %

 27   du salaire net. Les entreprises payaient des contributions supplémentaires

 28   qui étaient liées à leur revenu ou aux bénéfices qu'elles réalisaient, mais

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  1   en ce qui concerne les salaires, nous avions un taux total d'environ 80 %

  2   qui était prélevé. Les municipalités ont passé des règlements qui ont

  3   permis que tous ces prélèvements soient maintenus, mais soient versés au

  4   budget municipaux.

  5   Q.  Bien.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Sous l'ancien régime socialiste, quand quelqu'un

  7   avait un salaire, est-ce qu'il y avait sur son salaire une imposition ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Les employés recevait un salaire net. C'était

  9   l'entreprise, l'institution qui l'employait, qui payait les contributions

 10   et les impôts, alors que l'employé, en tant que personne, ne voyait même

 11   pas quels étaient les montants qui avaient été prélevés sur son salaire.

 12   Dans le cas où il aurait eu des revenus importants, il existait une

 13   catégorie particulière à laquelle il aurait appartenu et en vertu de

 14   laquelle il aurait payé un impôt supplémentaire en fin d'année.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, si je comprends bien, dans l'ex- système

 16   fédéral yougoslave, les travailleurs -- enfin, les salariés recevaient un

 17   salaire net, sauf exception pour ceux qui avaient des salaires très

 18   importants, un salaire net. Mais quand vous, vous avez mis en place le

 19   système, à ce moment-là, les employés vont avoir un salaire brut, et sur ce

 20   salaire brut, il va y avoir donc des perceptions qui va faire, d'après ce

 21   que je comprends, qu'un salarié pouvait se voir imposé jusqu'à 80 % de son

 22   salaire ? Ou bien, ce n'est pas ça que vous avez voulu dire ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je pense qu'il y a peut-être un

 24   malentendu. 

 25   Les employés percevaient toujours un salaire net. L'employé se voyait

 26   versé sur son compte un salaire net. Quant au prélèvement qui était

 27   effectué sur son salaire, c'est l'entreprise, l'institution, l'organisation

 28   dans laquelle il était employé qui se chargeait de les régler. Le montant

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  1   de ces contributions et impôts qui étaient payés sur chaque salaire

  2   d'employé par une entreprise se montaient en totalité à environ 80 %.

  3   C'était le taux de ses contributions et prélèvements.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Prenons un salarié de la municipalité de Mostar

  5   qui ramassait les poubelles, imaginons. Que ce soit dans l'ex-Etat fédéral

  6   ou dans le nouveau système, il n'était pas, lui, imposé sur son salaire.

  7   C'est son employeur qui versait les différentes taxes à sa place. Lui, il

  8   touchait toujours le même salaire ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est le principe même du salaire net.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, bon.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien.

 12   Q.  Si j'ai bien compris, la différence entre la situation avant la guerre

 13   et le moment où nous en parlons, c'est qu'avant la guerre, l'argent était

 14   envoyé à Sarajevo, puis distribué à partir de Sarajevo aux différentes

 15   municipalités, alors qu'à ce moment-là, si j'ai bien compris, les

 16   municipalités conservaient ces fonds et ne les envoyaient pas à Sarajevo et

 17   faisaient face aux dépenses variées à partir de ces fonds. Ai-je bien

 18   compris ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Passons à la priorité suivante. Vous avez expliqué que le SDK, le

 21   système que nous avons détaillé précédemment, était une de ces priorités.

 22   Pouvez-vous nous expliquer dans les détails ce que vous avez entrepris

 23   vous-même et votre service pour garantir le fonctionnement de cette

 24   institution ?

 25   R.  Nous avons commencé par prendre un certain nombre de décisions

 26   concernant le fonctionnement de cette institution, puis nous avons commencé

 27   à rétablir le réseau de communication qui existait entre les différentes

 28   unités du SDK.

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  1   Q.  Et avez-vous pu véritablement mettre en place ce bureau ? Est-ce que

  2   vous avez pu établir un lien avec Sarajevo ? Et sinon, pourquoi ?

  3   R.  Les différentes unités du SDK dans la plupart des municipalités

  4   n'avaient pas été endommagées physiquement.

  5   Alors qu'à Mostar, nous avions des problèmes puisque l'ensemble des

  6   bâtiments et de l'infrastructure était resté dans la partie orientale de la

  7   ville et avait été détruit. Nous avons alors trouvé de nouveaux locaux à

  8   Mostar, car cette unité devait également être l'entité principale au sein

  9   de laquelle étaient effectués les travaux d'analyse des flux financiers et

 10   les calculs nécessaires. Nous avons réussi à nous procurer le même

 11   équipement que celui qui était utilisé avant la guerre par le SDK de la

 12   République de Bosnie-Herzégovine. Nous nous sommes également procuré un

 13   logiciel, le même logiciel que celui du bureau central de Sarajevo.

 14   C'est ainsi que nous avons permis le fonctionnement du SDK de Mostar.

 15   Le problème le plus important auquel nous avons été confrontés était celui

 16   des communications téléphoniques, mais cette question également a pu

 17   trouver une solution avant la fin de l'année. Cependant, nous ne pouvions

 18   pas communiquer avec la Bosnie centrale.

 19   Q.  Deux questions. Avez-vous jamais été en mesure de résoudre le problème

 20   de communication avec Sarajevo, de façon à pouvoir être en contact avec le

 21   SDK de Sarajevo, le gouvernement central ?

 22   R.  Du point de vue technique, non.

 23   Q.  Très bien. Deuxième question. Vous avez dit que vous avez été en mesure

 24   d'obtenir ce logiciel de Sarajevo, alors deux questions. Pourquoi ce

 25   logiciel était-il nécessaire ? Le SDK fonctionnait, j'imagine, avant le

 26   conflit, lorsque tout le pays était lié au même système, alors pourquoi

 27   était-il nécessaire d'obtenir ce logiciel ? Puis deuxième question, et

 28   c'est sans doute encore plus important, comment se fait-il que ce logiciel

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  1   soit arrivé à Mostar de Sarajevo ?

  2   R.  Ce logiciel nous était nécessaire en tant que logiciel accomplissant

  3   les différents calculs du bureau principal qui devait maintenant être

  4   installé à Mostar. Nous avons pris la décision de nous procurer ce logiciel

  5   auprès des autorités de Sarajevo, car nous estimions qu'il s'agissait là

  6   d'une solution temporaire. Nous espérions que les communications avec

  7   Sarajevo seraient bientôt rétablies et que nous pourrions continuer nos

  8   activités. Le représentant des autorités de Sarajevo, du gouvernement, qui

  9   est parti de Sarajevo et qui était en fait à la tête du bureau central du

 10   SDK à Sarajevo, était la personne avec qui nous étions en contact afin de

 11   pouvoir nous procurer cette disquette contenant le logiciel nécessaire, un

 12   logiciel de comptabilité qui nous permettait de nous acquitter de nos

 13   tâches.

 14   Q.  Très bien, merci. Vous avez indiqué que le matériel était situé dans la

 15   partie orientale et que ce matériel physique avait été détruit, je suppose

 16   en avril ou mai 1992, ou à peu près à ce moment-là. Alors, comment avez-

 17   vous fait face à ce problème, à la destruction du matériel ?

 18   R.  Il s'agissait d'un équipement matériel spécifique. La Bosnie-

 19   Herzégovine utilisait des machines de la marque NCR qui étaient déjà en

 20   voie d'obsolescence. Ni la Croatie ni la Slovénie n'utilisaient plus ces

 21   équipements dans leurs systèmes de comptabilité publique. C'est pourquoi

 22   nous avons pu trouver en Slovénie exactement les mêmes machines, et c'est

 23   ce qui nous a permis d'assurer la continuité de nos opérations avec le même

 24   équipement que celui qui était utilisé précédemment.

 25   Q.  Merci. Et enfin, il nous reste dix minutes avant la pause- déjeuner, me

 26   dit-on.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Je veux revenir à un petit point de détail, mais qui

 28   pour moi a une importance capitale.

Page 33747

  1   Le fameux logiciel, vous avez dit que vous avez donc demandé au

  2   représentant de Sarajevo, qui était donc le directeur de l'unité qui avait

  3   en charge le logiciel, de vous le communiquer, de vous le donner. Mais est-

  4   ce à dire, en disant cela, que les autorités de Sarajevo avaient donné leur

  5   feu vert ou vous l'avez obtenu de manière sous -- enfin, je ne sais pas

  6   comment vous traduire ça. Mais vous l'avez obtenu par une relation

  7   personnelle ou bien vous l'avez obtenu de la manière la plus officielle

  8   possible ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce représentant était un représentant tout à

 10   fait officiel, et notre demande était qu'il nous permette de nous acquitter

 11   des tâches qui étaient les nôtres, car nous n'avions pas la possibilité de

 12   communiquer avec Sarajevo, et ce représentant a fait en sorte qu'un des

 13   employés du SDK de Sarajevo puisse sortir de Sarajevo à cette fin.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui veut dire que les autorités de la République

 15   de Bosnie-Herzégovine étaient au courant que cette disquette vous était

 16   communiquée à vous ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Vous aviez une question, Monsieur Trechsel ?

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Cette disquette a été remise à la

 21   municipalité de Mostar ou à la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] La disquette en question a été fournie au SDK

 23   de la HZ-HB. En effet, il s'agissait d'un logiciel qui n'était utilisé que

 24   dans les bureaux centraux du SDK, et non pas dans les bureaux municipaux.

 25   Il s'agissait d'un logiciel qui permettait d'intégrer et de synthétiser les

 26   analyses effectuées à l'échelon des différentes municipalités et d'échanger

 27   les données qui étaient collectées à l'échelon municipal.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

  2   Q.  Il nous reste quelques minutes, alors brièvement, j'aimerais que nous

  3   évoquions le troisième aspect de vos priorités, à savoir le budget. C'était

  4   la troisième chose dont vous avez parlé. Pourriez-vous nous décrire

  5   brièvement pourquoi tout ceci était nécessaire ? Et plus important encore

  6   que le reste est ce que vous envisagiez à ce moment-là s'agissant de la

  7   préparation du budget de la Communauté croate d'Herceg-Bosna ?

  8   R.  L'une des raisons principales qu'il y avait à arrêter un budget était

  9   de s'assurer que l'utilisation des ressources publiques serait

 10   transparente. Par conséquent, nous avons dû définir quelles étaient les

 11   ressources qui allaient être allouées au budget, quelles dépenses seraient

 12   financées à partir du budget, et cela était particulièrement important pour

 13   ce qui concernait la prise en charge des compétences qui jusqu'alors

 14   étaient des compétences municipales, des services qui étaient jusqu'alors

 15   assure par les municipalités. Et nous souhaitions montrer que nous

 16   apporterions un financement dans un certain nombre de domaines qui étaient

 17   communs et qu'il s'agissait pas là uniquement d'une façon de prélever sur

 18   les ressources financières des différentes municipalités, mais que nous

 19   proposions d'assurer de la sorte un certain nombre de services qui étaient

 20   auparavant financés par les régions et les républiques.

 21   Q.  Bien. Alors on dirait un peu les accusations que l'on adresse à M.

 22   Barak Obama, qui a tendance à jeter l'argent par les fenêtres, à distribuer

 23   aux municipalités, en l'occurrence c'est l'exemple que vous donnez, puis

 24   d'autres endroits également en fonction des besoins.

 25   R.  Ça ressemble un petit peu à cela, si vous voulez. Les municipalités de

 26   Livno, Duvno, Posusje, Siroki Brijeg, Citluk, étaient en mesure de

 27   collecter un certain nombre de revenus alors que Mostar, Stolac, Capljina

 28   en partie, sans parler d'autres municipalités, telle que Kupres, n'étaient

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  1   pas en mesure d'organiser sur leur territoire quelque activité économique

  2   que ce soit et d'en tirer la moindre ressource.

  3   Q.  Très bien. Alors, corrigez-moi si je m'abuse, mais vous essayez

  4   d'établir finalement un espace économique unique par le biais de ce budget

  5   au sein du territoire de la communauté croate d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas

  6   ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Alors, très brièvement, j'aurais encore deux ou trois questions avant

  9   la pause.

 10   A l'examen de ces trois priorités, les douanes pour commencer, enfin,

 11   je suppose qu'il y a eu également mis en place d'un système de tarif

 12   douanier, ou était-ce autre chose ?

 13   R.  Cela supposait une décision relative à l'administration des douanes,

 14   aux services douaniers, et également une loi sur la douane et

 15   l'établissement des droits de douane également.

 16   Q.  Vous avez parlé du SDK et de l'adoption d'un budget, alors des mesures

 17   ont-elle été prises pour mettre en place un nouveau système d'imposition ou

 18   avez-vous simplement adopté l'ancien système qui existait déjà, avez-vous

 19   continué à l'utiliser ?

 20   R.  Dans la phase dont nous parlons, le système qui a été mis en place

 21   était conforme aux réglementations héritées de la République de Bosnie-

 22   Herzégovine, donc il s'agit d'une reconstruction de l'ancien système.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait faire la pause

 24   maintenant et lorsque nous nous retrouverons, Monsieur, je vous poserai des

 25   questions sur les établissements bancaires et d'assurance.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Merci. Je n'ai pas eu l'occasion de vous dire

 28   bonjour, je vous le dis maintenant. Bonjour à tous et à toutes. Enfin, très

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  1   brièvement, mais pas suffisamment longuement pour le faire, je salue tout

  2   le monde donc, les accusés et les conseils de la Défense également.

  3   Je ne crois pas que je dois dire quoi que ce soit, enfin peut-être un

  4   petit mot d'avertissement. Alors, peut-être pourrait-on passer en audience

  5   à huis clos partiel.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, audience à huis clos.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos

  8   partiel.

  9   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, en audience publique.

 26   Nous allons faire notre pause jusqu'à 13 heures, nous reprendrons

 27   donc à 13 heures.

 28   [Le témoin quitte la barre]

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  1   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 00.

  2   --- L'audience est reprise à 13 heures 01.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va passer en audience à huis clos.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous y sommes, Monsieur le Président.

  5   [Audience à huis clos partiel] ¸

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  4   [Audience publique]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Greffier -- Me Karnavas m'a

  7   indiqué -- enfin, le greffier m'a indiqué que vous aviez utilisé une heure

  8   et 53 minutes.

  9   Oui. Monsieur le Greffier, vous avez des numéros IC à donner.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président. La

 11   Défense Stojic a présenté une liste de documents par le biais de Simunovic,

 12   Marinko. La liste recevra le numéro IC 00874. Merci.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges. Je salue également tous ceux qui nous aident ici dans ce prétoire.

 16   J'espère que tout le monde a bien mangé.

 17   Q.  Monsieur Tomic, reprenons là où nous nous sommes arrêtés avant le

 18   déjeuner, je vous avais dit que je vous poserais quelques questions sur les

 19   thèmes de la banque de l'assurance, si des démarches avaient été

 20   entreprises dans ces deux domaines au cours de la période que vous avez

 21   passée à la tête de l'administration financière. Alors, pourriez-vous nous

 22   dire si des mesures ont été prises dans ces domaines-là ?

 23   R.  Ce sont deux domaines très importants au moment où la Bosnie-

 24   Herzégovine est devenue indépendante, à savoir dans la communication avec

 25   le monde et dans le domaine de l'économie. Le système bancaire de la HZ-HB

 26   était en situation d'effondrement parce qu'aucune banque ne pouvait pas

 27   être en contact avec son siège social. Ce qui veut dire que les banques

 28   avaient pour siège Sarajevo, Split, Belgrade mais aucune banque n'avait

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  1   comme siège la HZ-HB; ce qui dans de telles conditions représentait un

  2   grand problème lorsqu'il s'agissait des paiements et de recevoir les fonds

  3   provenant de l'étranger, qu'il s'agisse des entreprises ou des

  4   particuliers, surtout s'agissant des personnes retraitées qui avaient gagné

  5   leur retraite en travaillant à l'étranger, en Allemagne et ailleurs.

  6   S'agissant de l'assurance, la situation était la même. Les assurances

  7   avaient comme siège Sarajevo, Belgrade, Zagreb, et à Mostar et dans la

  8   région de la HZ-HB, il n'y avait que les branches, les filiales et

  9   c'étaient les unités qui n'avaient pas d'entité juridique. Une autre

 10   difficulté était la suivante : la Bosnie-Herzégovine, en tant qu'Etat,

 11   n'était pas devenue membre du bureau de la carte verte, à savoir le bureau

 12   qui existe au niveau de l'Europe, et les pays membres de cette organisation

 13   ont droit de délivrer une carte verte d'assurance qui est valable dans tous

 14   les pays membres et qui permet à ces pays, qui rend possible aux camions et

 15   aux véhicules donc automobiles, de circuler librement dans ce pays.C'est

 16   pourquoi les entreprises sur le territoire de la HZ-HB ouvraient leurs

 17   comptes dans les banques en Croatie, en Slovénie, sur la base d'un accord

 18   international. S'agissant des comptes appartenant aux non-résidents, tous

 19   les paiements se faisaient à partir de ces comptes-là. Et dans ce contexte,

 20   nous avons adopté un certain nombre de mesures, à savoir que sur le

 21   territoire de la HZ-HB, uniquement les banques enregistrées en Bosnie-

 22   Herzégovine pouvaient effectuer des paiements avec le territoire de la HZ-

 23   HB. Ainsi, nous avons pratiquement fermé toutes les filiales de la Banque

 24   de Zagreb, de la Banque commerciale de Zagreb, de la banque de Split, et

 25   nous les avons forcés, nous les avons contraints à créer des banques en

 26   Bosnie-Herzégovine conformément à la législation bosniaque.

 27   Ces banques pouvaient exercer tous les paiements vers l'étranger

 28   parce que cela se faisait conformément à un accord donné par la Banque

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  1   nationale de Bosnie-Herzégovine. S'agissant de l'assurance, nous avons

  2   adopté des règlements et les anciennes filiales qui fonctionnaient sur le

  3   territoire de la HZ-HB pouvaient se consolider pour créer une société

  4   d'assurances, ou bien les sociétés d'assurances formaient, s'unissaient

  5   avec d'autres sociétés d'assurances, par exemple, dans ce cas-là, c'était

  6   avec celle de Croatie. C'était important pour la libre circulation de gens

  7   et des biens, parce qu'une fois que les immatriculations des véhicules

  8   n'étaient plus valables, plus personne ne pouvait se rendre à l'étranger et

  9   uniquement les camions slovènes et croates pouvaient entrer sur le

 10   territoire de Bosnie-Herzégovine et les nôtres ne pouvaient pas sortir

 11   parce qu'ils ne disposaient pas de carte verte.

 12   Grâce à la compréhension du bureau de la carte verte croate et grâce

 13   aux efforts du gouvernement de Bosnie-Herzégovine et grâce aux efforts de

 14   nos propres représentants, nous avons trouvé une solution intermédiaire

 15   pour la carte verte, à savoir que les assurances de Bosnie-Herzégovine

 16   pouvaient utiliser la carte verte de l'une des sociétés d'assurances

 17   croates, qu'il s'agisse des sociétés sœurs ou autres. Donc c'était une

 18   solution provisoire qui permettait aux sociétés d'assurances de mener à

 19   bien certaines de ces activités et qui était dans l'intérêt de la vie

 20   globale, économique et civile de la HZ-HB.

 21   Q.  Très bien. Alors, pour présenter les choses de manière plus concrète et

 22   pour que chacun comprenne bien, je crois avoir compris le cœur de votre

 23   exposé, mais peut-être pourriez-vous nous dire si Sarajevo a fait en sorte

 24   que des cartes vertes puissent être délivrées, et si oui, comment ?

 25   R.  Le système de délivrance de cartes vertes a été fait, a été réalisé non

 26   pas par Sarajevo mais grâce aux négociations menées entre les représentants

 27   de Bosnie-Herzégovine à Zagreb et nous, qui avons tenté auprès du bureau de

 28   la carte verte de Croatie de trouver une solution qui serait conforme à la

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  1   réglementation du bureau international de la carte verte. Les sociétés

  2   d'assurances de Sarajevo, par exemple, le Zojl de Sarajevo, utilisaient le

  3   même modèle que les sociétés d'assurance qui étaient sur le territoire de

  4   la HZ-HB. Zojl Sarajevo utilisait la carte verte de la Société d'assurance

  5   méditérane de Ploce. Puis l'assurance Croatia utilisait les cartes vertes

  6   de Croatia, Zagreb; et Euroherc. C'est une société d'assurance qui a

  7   utilisée la carte verte Euroherc de Makarska en Croatie.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Alors, à moins qu'il y ait des

  9   questions de la part des Juges de la Chambre, je vais passer à autre chose.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, merci, Monsieur Karnavas, vous

 11   nous invitez à poser des questions.

 12   Je saisis donc cette occasion pour le faire. 

 13   Monsieur, j'aimerais que vous nous expliquiez quel était le lien avec la

 14   Banque nationale de Bosnie-Herzégovine dans ce contexte. Vous nous avez dit

 15   que vous aviez des contacts avec les banques croates, si toutefois il

 16   existait un accord avec la Banque nationale de Sarajevo. Alors, pourriez-

 17   vous nous dire pourquoi il était nécessaire qu'un tel accord existe et quel

 18   a été le rôle joué par la Banque nationale à ce moment-là, si toutefois la

 19   Banque nationale jouait un quelconque rôle ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après la législation portant sur le travail

 21   de la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine et portant sur le système

 22   bancaire de Bosnie-Herzégovine, afin de créer une banque, il fallait avoir

 23   l'accord de la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine, après avoir rempli

 24   un certain nombre de critères conformément à la législation en vigueur. Il

 25   était nécessaire d'avoir l'accord de la Banque nationale pour que cette

 26   banque soit reconnue sur le plan international et pour avoir les codes

 27   Swift et tous les autres codes nécessaires pour les paiements avec

 28   l'étranger. La Banque nationale de Bosnie-Herzégovine, compte tenu des

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  1   circonstances, des conditions de guerre, et parce qu'il n'y avait pas de

  2   moyen de communication, exerçait en partie ces fonctions. A l'époque, il

  3   n'y avait pas encore de devise locale, de monnaie locale parce que le SDK a

  4   cessé de fonctionner, la banque nationale avait perdu toutes les données

  5   nécessaires pour effectuer son travail. C'est pourquoi le travail de la

  6   banque nationale était réduit au minimum et se concentrait exclusivement à

  7   Sarajevo.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Mais il y avait des contacts,

  9   n'est-ce pas, vous aviez des contacts avec la banque nationale pour

 10   autoriser la création, l'ouverture de nouvelles branches de banques croates

 11   en Herceg-Bosna, si j'ai bien compris.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Les filiales de banques croates ont cessé

 13   d'exercer leurs activités. Les banques croates qui avaient fonctionné sur

 14   le territoire de Bosnie-Herzégovine, à savoir la banque commerciale de

 15   Zagreb, la banque de Split, la banque Croatia, entre autres, ont créé une

 16   nouvelle banque, une banque bosniaque de Bosnie-Herzégovine, et reçu une

 17   approbation pour ce faire. Les anciennes filiales, en fait, offraient leurs

 18   propres locaux pour que cette nouvelle banque puisse y travailler; et le

 19   gouverneur de la Banque nationale de Bosnie-Herzégovine, nous étions en

 20   contact avec lui, parce qu'il se rendait sur place et quittait Sarajevo

 21   occasionnellement. Il a délivré une autorisation après s'être assuré que

 22   cette banque s'était conformée à la législation portant sur le système

 23   bancaire.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, je reviens à la carte verte. Ma question

 26   n'a de sens que si vous aviez un véhicule. Est-ce qu'à l'époque, vous aviez

 27   une voiture, vous ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'avais un véhicule qui était mis à ma

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  1   disposition.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais vous n'aviez pas de voiture privée avec une

  3   carte verte ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais également un véhicule privé, mais la

  5   carte verte n'était plus valable pour ce véhicule.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors quand vous circuliez avec votre voiture

  7   privée, comment faisiez-vous si vous n'aviez plus de carte verte ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas me rendre en Croatie ou en

  9   d'autres pays sans la carte verte. Les sociétés d'assurance qui

 10   fonctionnaient sur la base de notre réglementation ont commencé à délivrer

 11   la carte verte, et avec cette carte verte, l'on pouvait se rendre en

 12   Croatie, en Slovénie et ailleurs.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, mais votre voiture, elle était assurée, et si

 14   oui, par qui ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'au début des activités de combat et

 16   jusqu'à l'éclatement du système, la voiture était assurée par la société

 17   d'assurance et sa filiale qui fonctionnait à Mostar. C'est une assurance

 18   qui était valable pendant un an. Dès la fin de l'année 1992, l'on

 19   rencontrait un certain nombre de problèmes parce que ces assurances

 20   arrivaient à terme et il fallait les renouveler. C'est pourquoi nous avons

 21   adopté des réglementations pour pouvoir enregistrer les entreprises, et

 22   nous avons trouvé une solution selon laquelle ces entreprises pouvaient

 23   délivrer la carte verte. Et ainsi, dès l'année d'après, tous ceux dont

 24   l'immatriculation n'était plus valable pouvaient obtenir une

 25   immatriculation et aller à l'étranger.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, si je comprends bien, vous avez pu obtenir une

 27   nouvelle carte verte avec une nouvelle immatriculation de votre véhicule.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons reçu une nouvelle police

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  1   d'assurance délivrée par les nouvelles sociétés d'assurance qui étaient

  2   enregistrées sur le territoire de la HZ-HB. En même temps, en suivant la

  3   même méthode, les voitures qui étaient à Tuzla pouvaient être enregistrées

  4   et recevoir la carte verte de Zojl en suivant la même méthode.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Et Zojl pouvait fonctionner parce que ceci avait un partenariat avec la

  8   banque à Polce, qui se trouve en Croatie, c'est cela ?

  9   R.  Zojl Sarajevo est un des fondateurs de la maison d'assurance qui

 10   fonctionnait à Ploce. Cette maison d'assurance se portait garant pour les

 11   cartes vertes de Zojl Sarajevo.

 12   Q.  Bien. Une question a été posée à propos de la Banque nationale, et à un

 13   moment donné vous avez dit, en tout cas, qu'à ce moment-là il n'y a pas eu

 14   de nouvelle devise. Est-ce qu'à aucun moment, la banque centrale de

 15   Sarajevo a mis sur le marché le dinar de Bosnie-Herzégovine ?

 16   R.  Au mois de septembre, nous avons reçu les informations selon lesquelles

 17   Sarajevo émettait la monnaie de Bosnie-Herzégovine, le dinar de Bosnie-

 18   Herzégovine; et à cette occasion, le commissaire du gouvernement à Sarajevo

 19   s'est rendu sur le territoire de la HZ-HB. Il avait comme mission d'assurer

 20   le transport de cet argent liquide qui était imprimé à Celj pour la Bosnie-

 21   Herzégovine. Lors des entretiens que nous avons eus avec le commissaire,

 22   nous avons insisté pour qu'un tiers de cet argent reste sur le territoire

 23   de la HZ-HB, et cela a été fait. Ainsi, le dinar BiH a été physiquement

 24   introduit sur le territoire de la HZ-HB.

 25   Q.  Au début de la traduction, on entend les termes de "territoire", je

 26   crois que vous utilisez le terme de territoire et/ou "zone". Quel est le

 27   terme que vous utilisez ?

 28   R.  La "zone".

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  1   Q.  Nous avons tous entendu cela. Maintenant, nous n'avons pas besoin de

  2   nous attarder là-dessus. Mais je souhaite revenir sur ce point. Comment se

  3   fait-il qu'il y avait ou qu'on insistait beaucoup pour qu'un tiers de cette

  4   monnaie qui venait d'être nouvellement frappée, le nouveau dinar, a été

  5   limité pour la Communauté croate d'Herceg-Bosna ? Pourquoi est-ce qu'un

  6   tiers devait rester dans cette communauté ?

  7   R.  La présidence de la HZ-HB, déjà avant, avait pris la décision de ne pas

  8   accepter les dettes de la Bosnie-Herzégovine si un tiers de ces dettes

  9   n'avait pas trait, ne concernait pas la zone de la HZ-HB. Donc, un tiers

 10   était déjà établi en tant que modèle, pour ainsi dire, s'agissant de la

 11   distribution. Et selon ce principe, on a demandé une partie du pétrole, par

 12   exemple, et d'autres types d'aide qui arrivaient à ce moment-là.

 13   Q.  Je souhaite m'assurer que nous comprenions tous. Je crois que je

 14   comprends, mais peut-être qu'il y a quelque chose d'un petit peu subtil. On

 15   parle de la dette de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce qu'on parle de dette sur

 16   l'ensemble de cette période ? Autrement dit, que le gouvernement de

 17   Sarajevo a des dettes et tente de répartir sa dette et de la répartir sur

 18   les zones qui ne bénéficient pas de rentrées d'argent ?

 19   R.  Lorsque l'Etat s'endette, l'Etat s'endette ayant à l'esprit son budget,

 20   et le budget est financé grâce aux ressources et revenus obtenus sur tout

 21   le territoire de l'Etat.

 22   Q.  Pourriez-vous nous dire, certaines ressources, ou en tout cas ces

 23   nouvelles monnaies qui venaient d'être frappées, restaient dans la

 24   Communauté du HZ-HB, et si oui, quelle quantité pour son propre usage ?

 25   R.  L'argent était transporté en trois fourgons, et l'un de ces fourgons

 26   était resté sur la zone de la HZ-HB, et le SDK a pris cet argent et l'a mis

 27   dans les coffres-forts des filiales à Posusje et Siroki Brijeg.

 28   Suite à la création du SDK et suite à l'ouverture des comptes pour

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  1   les entreprises et institutions, les comptes au sein du SDK étaient ouverts

  2   en dinars BiH, mais étant donné qu'il y avait d'autre monnaie, notamment le

  3   dinar croate et la marque allemande, le deutschemark, il y avait des sous-

  4   comptes qui étaient ouverts dans ces devises. Sur la zone de la HZ-HB, il

  5   n'y avait pas de demande pour le dinar BiH parce que tout le commerce se

  6   réalisait avec la Croatie, la Slovénie et l'Europe, à savoir les

  7   importations, et avec le dinar bosniaque, on ne pouvait rien faire. Il ne

  8   valait pas beaucoup, parce que vous savez tous les jours, l'inflation

  9   grandissait et la monnaie se dépréciait et personne ne voulait vendre ses

 10   biens en échange des dinars BiH, bosniaques donc, qui ne pouvaient pas être

 11   convertis en dinars croates ou en deutschemarks.

 12   Mais en Bosnie centrale, il était possible d'utiliser la monnaie bosniaque,

 13   le dinar BiH, parce qu'étant donné que ce territoire était isolé, il était

 14   beaucoup plus facile de contrôler le dinar BiH et sa valeur. Ainsi, les

 15   dinars BiH qui étaient arrivés sur la zone de la HZ-HB, suite aux décisions

 16   prises par le HVO, ont été envoyés vers les municipalités en Bosnie

 17   centrale, à savoir Vitez, Kotor Varos, Zenica, Travnik, Novi Travnik, ainsi

 18   de suite, et ces municipalités, avec cet argent, achetaient le charbon et

 19   réglaient l'achat des ravitaillements, ainsi de suite, parce que le dinar

 20   BiH était en circulation dans cette région-là. Mais je dois également dire

 21   que, déjà à Tuzla, et la situation était différente là-bas, ce dinar avait

 22   une autre valeur. C'est pourquoi, en grande partie, la circulation sur la

 23   zone de la HZ-HB se réalisait notamment en deutschemarks et en dinars

 24   croates.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Y a-t-il des questions des Juges de la

 26   Chambre sur ce sujet ? Si tel n'est pas le cas, je vais poursuivre.

 27   Q.  Bien. Avant d'aborder de façon concrète certains des documents qui

 28   portent sur la HZ-HB, je souhaite que nous évoquions certaines des

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  1   activités des différentes municipalités, de façon à faire comprendre aux

  2   Juges de la Chambre et toutes les autres personnes présentes ce qui s'est

  3   passé un petit peu à ce moment-là. Nous allons aborder le premier document

  4   qui porte sur la municipalité de Mostar. Nous les avons divisés par

  5   municipalités par opposition à un ordre chronologique.

  6   Le premier document que je souhaite afficher est le 1D 0055, c'est une

  7   décision au vu de transférer des fonds issus des impôts et autres

  8   contributions. On voit le nom de M. Topic. Ceci date du mois de juin 1992. 

  9   Pouvez-vous nous commenter ceci ?

 10   R.  Bien, avec l'interruption des transactions suivies par le SDK,

 11   s'agissant des impôts et des cotisations pour les retraites, de

 12   l'assurance-maladie, des financements pour la culture, des fonds ont été

 13   récoltés, et normalement ces fonds devaient être récoltés au niveau de la

 14   république et des régions, mais cela se faisait maintenant au niveau des

 15   municipalités, qui avaient repris le rôle de république pour transférer ces

 16   fonds sur les comptes dans le budget.

 17   Q.  Sur le taux d'imposition et des contributions, encore une fois de la

 18   part de M. Topic, daté du 5 juin 1992. Brièvement, pourriez-vous nous

 19   commenter ceci, puisque ceci est daté d'avant le conflit. Il s'agit ici

 20   d'une fonction de la municipalité ou au niveau de l'Etat ?

 21   R.  On voit ici que la municipalité reprend à son compte les

 22   responsabilités des anciennes associations de l'autogestion, des anciens

 23   fonds de l'autogestion et des républiques, et confirme l'unicité des impôts

 24   et des cotisations prélevés sur les salaires. Le taux arbitraire est fixé

 25   ici à 100 %.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur Karnavas. Je

 27   voulais être sûr de bien comprendre. Un taux de 100 %, est-ce que cela

 28   signifie qu'il y a -- par exemple, à titre hypothétique, prenons un salaire

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  1   imaginaire pour un salarié de la société. Donnons le chiffre mille, par

  2   exemple. Sur ce mille, 500 sont imposés et le reste est versé sous forme de

  3   salaire, c'est le salaire net. C'est ainsi qu'il faut comprendre ce chiffre

  4   de 100 % ou est-ce qu'il faut comprendre autre chose ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Sur le salaire des employés, 100 % du

  6   montant du salaire constituait le montant réservé aux retraites et aux

  7   cotisations obligatoires.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation]

 10   Q.  Si je reprends cette question, je veux m'assurer de bien avoir compris

 11   votre précédente déposition, donc si c'est à 100 % de la contribution, si

 12   on parle de l'ancien système, à ce moment-là, ce serait divisé en termes de

 13   pourcentage. Une partie irait pour l'assurance, l'hospitalisation, et

 14   cetera, versée à différents fonds, à ce titre-là ?

 15   R.  Oui, c'était ce qui se passait avant.

 16   Q.  Bien, merci. Si nous passons au document suivant, 1D 00561, on parle de

 17   la même époque toujours. C'est une décision sur l'affectation de taxes sur

 18   les biens et services, taxes spéciales sur la vente de biens et de

 19   services. Il s'agit d'un taux de base. Encore une fois, on parle ici du

 20   budget de guerre. Pourriez-vous commenter cela rapidement, s'il vous plaît

 21   ?

 22   R.  Bien, par cette décision, on prend l'engagement de verser, à

 23   l'intention de la municipalité de Mostar, les impôts particuliers. La

 24   situation était la suivante : par le passé, c'est Sarajevo qui prélevait

 25   ces fonds et restituait 25 % à la municipalité. Désormais, c'est la

 26   municipalité qui touche la totalité.

 27   Q.  Bien. Alors le 1D 00573, le 26 juin 1992, décision sur les conditions

 28   de vente des marchandises. Pourriez-vous nous commenter ceci brièvement,

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  1   s'il vous plaît. L'article 4, par exemple, la taxe sur les marchandises

  2   sera versée dans la devise dans laquelle les marchandises ont été achetées

  3   ou vendues. Est-ce habituel ?

  4   R.  Là encore, nous sommes en présence d'une improvisation visant à

  5   réglementer les transactions commerciales, à Mostar dans ce cas précis.

  6   Bien entendu, les versements se font dans la devise de l'Etat. Donc en

  7   vertu de cette décision, il devient possible d'effectuer ces versements en

  8   dinars de Bosnie-Herzégovine, en dinars croates, en marks allemands.

  9   Autrement dit, ce texte est improprement rédigé.

 10   Q.  Très bien. Le 1D 00581, il s'agit d'une décision qui évoque

 11   l'introduction du dinar croate comme moyen de paiement dans la municipalité

 12   de Mostar. Pour gagner du temps, est-ce que nous pouvons regarder l'article

 13   2. Veuillez nous commenter ceci.

 14   R.  Une conséquence de l'ouverture du marché en République de Croatie et

 15   des sommes importantes qui sortaient du pays par le biais des familles et

 16   des réfugiés vivant en Croatie, le dinar croate devient de plus en plus

 17   présent. Ici, il est question de paiement en espèces, pas de paiement par

 18   le biais d'un compte, mais de paiement en espèces, et il est écrit qu'il

 19   est possible d'effectuer ces versements aussi en dinars croates. Donc le

 20   dinar croate devient une monnaie utilisable à ce moment-là.

 21   Q.  Bien. La pièce 1D 00597, le 25 juillet 1992. Il s'agit d'une décision

 22   qui porte sur l'interdiction provisoire de versement de salaires et autres

 23   revenus versés aux salariés par des personnes morales. Je sais que vous

 24   connaissez ce document. Je vous demande de bien vouloir regarder de plus

 25   près les articles 4 et 5, s'il vous plaît, et je souhaite recueillir votre

 26   avis.

 27   R.  Cette décision n'est pas valable, car elle concerne les entités, les

 28   personnes qui y travaillaient, y compris dans d'autres Etats, donc elle

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  1   n'était pas applicable dans ce cas-là. L'article 5 de la présente décision

  2   pose problème, surtout parce qu'on voit que cette interdiction va durer

  3   jusqu'à ce que les salaires des membres des unités du HVO soient versés.

  4   C'est d'ailleurs sans doute le motif qui a poussé à adopter cette décision,

  5   car les soldats ne touchaient pas de solde et, par conséquent, toute autre

  6   personne se voyait interdire le versement d'un salaire.

  7   Or, sur la base des décisions antérieures, nous avons vu que les

  8   taxes sur les salaires étaient la source des budgets municipaux qui

  9   pouvaient servir à payer les soldes des soldats, donc cette décision

 10   comporte une contradiction interne et elle est tout à fait invraisemblable

 11   et incroyable en fait.

 12   Q.  Bien. En d'autres termes, avant le paiement des soldes des soldats, ces

 13   salariés ne seront pas rémunérés; est-ce exact ?

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Ils doivent toujours continuer à travailler, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Bien. Pouvons-nous avoir la pièce 1D 02002. Veuillez regarder ce

 18   document, Monsieur, s'il vous plaît. Pardonnez-moi, j'ai omis un document,

 19   le 1D 00605. C'est une décision portant sur le changement de décision de

 20   l'introduction du dinar croate -- un amendement de la décision. A l'article

 21   1, on indique que les prix doivent être libellés en dinars croates ou en

 22   dinars yougoslaves.

 23   A ce moment-là, est-ce que le dinar yougoslave était encore en

 24   circulation et quelle était sa valeur ?

 25   R.  Vingt-cinq jours après la décision portant possibilité d'exprimer les

 26   prix en dinars croates également. Dans le texte que nous avons sous les

 27   yeux, on ajoute en dinars croates "ou" en dinars yougoslave. Le dinar

 28   yougoslave existait encore et avait encore une certaine valeur en dépit de

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  1   l'inflation, donc il devient imposé d'exprimer tous les prix en dinars

  2   croates et en dinars yougoslave. Mais en raison de l'inflation, les prix

  3   devaient être changés tous les jours, et donc cette décision avait pour

  4   rôle principal l'autorisation donnée aux commerçants de choisir de se faire

  5   payer en dinars croates ou en dinars yougoslaves.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : On vient de voir toute une série de décisions prises

  7   par M. Topic, qui est le président de la municipalité de Mostar, et moi, je

  8   me pose la question suivante, peut-être pouvez-vous répondre. Par exemple,

  9   ce dernier document où on voit qu'à l'avenir les transactions doivent se

 10   faire en dinars croates, pourquoi ce type de décision n'a pas été prise par

 11   la présidence de la HZ-HB, voire le cas échéant, par l'exécutif, par le HVO

 12   ? Pourquoi c'est la municipalité qui intervient dans un domaine qui relève

 13   du pouvoir régalien ? Pourquoi c'est la municipalité ? Là, je n'arrive pas

 14   à comprendre pourquoi la municipalité prend toute une série de textes qui

 15   pourraient relever de la présidence ou du HVO ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Le HVO de la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

 17   dans la période dont nous parlons, n'avait pas encore été créé. Les

 18   municipalités, par conséquent, avaient repris à leur compte toutes les

 19   responsabilités, et en fonction de la situation, elles rendaient y compris

 20   des décisions au sujet de la monnaie. Quant à savoir pourquoi la présidence

 21   n'est pas intervenue, je n'ai pas de réponse à cette question.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous n'avez pas de réponse au fait que la

 23   présidence n'a pas légiféré, parce que la présidence, c'était l'organe

 24   législatif qui aurait pu prendre ce type de texte, et vous ne savez pas

 25   pourquoi c'est M. Topic qui a géré ça au niveau municipal ? J'ai dit

 26   "Topic,"pas "Tomic."

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, à ce moment-là, le HVO n'existait pas

 28   encore et le département des finances n'était pas créé et ne fonctionnait

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  1   pas, bien sûr. Les municipalités étaient donc seules face à elles-mêmes et

  2   elles prenaient les décisions. Par la suite, quand le HVO a été créé, c'est

  3   lui qui est devenu responsable de la réglementation sur tous ces sujets

  4   dans ce domaine.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc si je comprends bien, pendant la période où le

  6   HVO ne fonctionnait pas ou n'était pas créé, ce sont les municipalités qui

  7   étaient en même temps organes législatifs et organes exécutifs ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

  9   M. KARNAVAS : [interprétation]

 10   Q.  Simplement pour qu'il n'y ait pas de confusion, nous parlons du HVO,

 11   nous parlons du HVO HZ-HB ?

 12   R.  C'est exact.

 13   Q.  Et la présidence dont nous avons parlé, vous l'avez déjà dit

 14   auparavant, mais les membres de cette présidence, ce sont les présidents de

 15   ces municipalités, n'est-ce pas ?

 16   R.  Les présidents des HVO municipaux étaient membres de la présidence,

 17   oui.

 18   Q.  Replaçons ceci dans un contexte, c'est-à-dire que nous parlons ici du

 19   mois de juillet 1992. Qu'est-ce qu'il y a comme choix qui sont donnés à des

 20   municipalités comme celles de Mostar dans ce genre de problématique en

 21   matière de devise, par exemple ?

 22   R.  A ce moment-là, il n'y avait pas le choix, la seule possibilité

 23   consistait à accepter et à travailler en dinars croates ou en marks

 24   allemands, qui étaient les devises présentes. Le mark allemand parce que le

 25   nombre de travailleurs originaires de la Bosnie occidentale travaillait en

 26   Allemagne et était très important, et en Autriche également ou en France,

 27   d'Herzégovine occidentale. Certains d'entre eux travaillaient encore,

 28   n'étaient pas encore retraités et envoyaient leurs revenus à leurs familles

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  1   en marks allemands. Quant aux retraités, ils touchaient leur retraite en

  2   marks allemands.

  3   Quant aux dinars croates, ils étaient présents en raison des réfugiés

  4   qui avaient des familles en Croatie et de l'importance des transactions

  5   commerciales. Donc cette solution de fortune était pratiquée dans les

  6   diverses municipalités depuis Capljina jusqu'à Jablanica simplement parce

  7   que c'était le résultat d'un effort dû à la situation, pour régler la

  8   situation.

  9   Q.  Prenons un dernier document concernant Mostar. Ce sera le document 1D

 10   02002. Ce n'est pas un document municipal mais c'est un document établi par

 11   le comité de gestion d'une société anonyme qui rend une décision le 3 août

 12   1992.

 13   Prenons la dernière page en anglais -- la deuxième. On voit que sur huit

 14   membres, il y en a trois qui ont signé et il y en a un qui était présent

 15   aussi. Mais à la lecture de cette décision, êtes-vous en mesure de nous la

 16   commenter en quelques mots de façon à ce qu'ensemble nous comprenions ce

 17   qui se passe au niveau des entreprises, ce quelles font pendant cette

 18   période-là ?

 19   R.  Ce texte est un des exemples qui montre comment les entreprises elles

 20   aussi ont réussi à s'y retrouver dans cette période, à savoir que juste

 21   avant la guerre, la transformation du système de propriété a commencé à

 22   s'effectuer; autrement dit, le passage de la propriété publique à la

 23   propriété privée ou à d'autres formes de propriété. Et un certain nombre

 24   d'entreprises, dans le cas qui nous intéresse ici, il s'agit d'une holding,

 25   sont concernés. Bien entendu, ce processus de mutation a été ce qu'on

 26   pourrait appeler un processus socialiste, c'est-à-dire que les salariés

 27   achetaient la propriété grâce à leurs salaires. Mais bien sûr, c'était

 28   encore une fois un jeu, parce que les salaires étaient augmentés de la

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  1   somme nécessaire à ce type de rachat.

  2   Toutefois, lorsque la guerre a commencé, il n'y avait aucun texte

  3   législatif qui aurait dû être adopté par le gouvernement de la République

  4   qui ait indiqué que cette transformation devait s'arrêter ou pour indiquer

  5   comment elle devait se poursuivre. Ici on voit que les dirigeants de la

  6   holding ont décidé eux-mêmes "d'interrompre ce processus de transformation"

  7   car il était devenu impossible de maîtriser l'inflation, les salaires

  8   n'étaient plus versés. Et puisqu'il s'agissait d'une holding, elle agissait

  9   dans plusieurs municipalités. Chaque municipalité avait pris ses propres

 10   décisions sur une base autogestionnaire, ce qui consistait finalement à

 11   reprendre le pouvoir en question. Donc ce holding n'avait plus de raison

 12   d'être en tant que holding. Donc les membres du conseil d'administration

 13   qui avaient la possibilité de se réunir à ce moment-là, je suppose que

 14   c'est ce qui s'est passé, ont adopté la décision que nous voyons ici;

 15   d'autant plus qu'il y avait un certain nombre de documents de la holding

 16   qui s'étaient égarés ou auxquels on n'avait plus accès. Donc c'est une

 17   forme d'improvisation qui correspond à l'époque mais on y voit la volonté

 18   de protéger la propriété dans la période en question. 

 19   Q.  Très bien. Si je vous ai bien compris, les intentions étaient bonnes de

 20   leur part.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Mais est-ce que c'était bien la bonne façon de s'y prendre pour le

 23   faire ? Est-ce qu'ils étaient habilités à agir de la sorte, je veux dire

 24   sur le plan du droit ?

 25   R.  Bien. J'ai dit que la république qui était l'instance compétente n'a

 26   pas adopté les textes nécessaires pour réglementer cette forme de

 27   transformation en temps de guerre ou dans une période où la guerre

 28   menaçait. Donc cette responsabilité s'appuyait, je le répète, sur

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  1   l'intention de protéger l'entreprise et la propriété.

  2   Q.  Vous n'avez pas répondu à ma question qui est très directe. Je

  3   comprends que leurs intentions étaient bonnes, que la république n'a pas

  4   réussi à faire certaines choses. Mais ma question était pourtant fort

  5   simple : est-ce qui ces personnes étaient habilitées, autorisées à exécuter

  6   une telle décision ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Merci. Dites-nous en ce qui concerne cette holding, elle a eu combien

  9   d'employés à un moment donné, si vous le savez ?

 10   R.  Avant la guerre, Mostar comptait environ 50 000 salariés. Par rapport à

 11   cette période-là pendant la guerre, il n'y avait que 5 000 personnes qui

 12   travaillaient.

 13   Q.  Et M. Prlic a participé d'une quelconque façon aux activités d'Apro, et

 14   dans l'affirmative, quelle serait la forme de sa participation ?

 15   R.  M. Prlic était le président de la holding avant la guerre.

 16   Q.  Très bien. Passons à une autre municipalité pour voir ce qui se passe à

 17   Livno.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : On va rester sur la holding Apro parce que ce que

 19   vous avez dit m'intéresse au plus haut point.

 20   J'ai cru comprendre d'après ce que vous dites qu'il y a eu un passage

 21   de la propriété publique vers la propriété privée et que les salariés de

 22   ces entreprises se retrouvaient propriétaires. A ce moment-là, comment

 23   pouvaient-ils être propriétaires ? On les a transformés en propriétaires

 24   par l'augmentation de leur salaire ? Alors ce principe, est-ce que c'était

 25   un principe général qui s'est appliqué à toutes les entreprises publiques

 26   qu'on a dénationalisées en quelque sorte en les transformant en entreprises

 27   privées ? Est-ce que toutes les entreprises ont été assujetties à ce

 28   mécanisme de passage de la propriété publique à la propriété privée ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le cadre de ce processus de

  2   transformation, c'était les salariés qui étaient propriétaires pour l'achat

  3   des parts de société, et ce sont les salariés qui décidaient combien de

  4   parts ils achèteraient, car ils avaient une intervention active dans leur

  5   société et en raison de cela, ils bénéficiaient de prix préférentiel par

  6   rapport à toute autre personne. Donc c'était avant tout les salariés qui se

  7   sont inscrits à cette fin. Quant aux dirigeants de l'entreprise, ils

  8   s'inscrivaient pour des sommes plus importantes.

  9   Mais dans cette période, une recommandation est arrivée qui venait

 10   des milieux politiques, recommandation indiquant qu'il convenait

 11   d'augmenter le salaire des employés de façon à leur permettre de racheter

 12   ces actions. Donc c'était un cercle vicieux. Bien entendu, tous les

 13   salaires n'étaient pas augmentés des montants réservés aux achats d'action,

 14   mais afin d'accélérer le processus de transformation et afin de faire en

 15   sorte que le plus grand nombre des salariés puisse participer à la

 16   transformation de leurs entreprises, cette décision était prise.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors si je comprends bien, le démantèlement

 18   de l'ex-Yougoslavie a fait une multitude de petits propriétaires. Alors que

 19   les salariés, ils étaient salariés d'une entreprise publique, ils se sont

 20   retrouvés du jour au lendemain, en théorie, propriétaires de leurs propres

 21   entreprises, s'ils pouvaient acheter comme vous l'avez dit les actions.

 22   Mais comme ils ne le pouvaient pas, on a trouvé le mécanisme d'augmenter

 23   leur salaire.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était l'un des moyens destinés à

 25   accélérer le rachat des entreprises. C'est une des réformes qui a été

 26   adoptée sous le gouvernement d'Ante Markovic, cette privation.

 27   Mais la propriété n'était transférée qu'à partir du moment où les

 28   salariés effectuaient le paiement total des actions qu'ils achetaient. Or,

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  1   ils versaient des sommes mensuelles à cette fin. Leur achat n'était donc

  2   pas terminé au moment où la guerre a éclaté. Ici, de façon plus

  3   particulière, nous parlons d'une holding qui est une forme d'organisation

  4   n'existant pas par le passé et donc les membres de la holding, autrement

  5   dit les entreprises, étaient censés transférer leur droit de propriété à la

  6   direction de la holding. Ce processus de transfert n'était pas totalement

  7   achevé lorsque la guerre a éclaté. Donc par cette décision, la direction de

  8   la holding décide d'interrompre le processus en question.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

 10   M. LE JUGE MINDUA : Maître Karnavas, juste une question avant de passer à

 11   une autre municipalité. Parce que je voudrais revenir, Monsieur le Témoin,

 12   sur la question des taxes et contributions sur les revenus personnels dans

 13   la municipalité de Mostar. C'est le document 1D 00560.

 14   Dans ce document, nous avons vu que les résidents de la municipalité

 15   avaient décidé que les employés paieraient des taxes et des contributions

 16   sur leurs revenus, et que cette somme était destinée à l'effort de guerre.

 17   Alors ma question : était-ce un prélèvement spécial à côté de la

 18   contribution que les citoyens payent d'ordinaire à l'Etat ou c'était la

 19   seule contribution qui était prélevée sur les citoyens ? Si c'est le cas,

 20   est-ce que dans la municipalité de Mostar les employés payaient une autre

 21   contribution au gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ou bien tout lien

 22   était complètement coupé, et donc quand un employé payait sa contribution à

 23   la municipalité de Mostar, il n'y avait plus d'autre impôt, d'autre

 24   contribution pour la Bosnie-Herzégovine ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] L'impôt et les contributions qui étaient

 26   prélevés sur les salaires étaient la seule forme de prélèvement

 27   d'imposition portant sur les salaires à ce moment-là. Ultérieurement,

 28   Mostar a introduit un impôt de guerre de 10 % supplémentaire; ce taux de

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  1   100 % du salaire était un prélèvement qui alimentait le budget municipal.

  2   Il n'y avait pas d'autre prélèvements destinés à la République de Bosnie-

  3   Herzégovine, car il n'y avait pas non plus de moyens de faire parvenir

  4   l'argent qui aurait correspondu à ces prélèvements au gouvernement.

  5   Dans les 100 % cités, se trouvent également des prélèvements qui auraient

  6   dû être acheminés vers Sarajevo, mais en raison de la rupture des moyens de

  7   communication et en raison du non accomplissement des services qui auraient

  8   dû être financés par la République de Bosnie-Herzégovine, l'ensemble des

  9   ressources prélevées sont restées dans le cadre de la municipalité.

 10   M. LE JUGE MINDUA : Très bien. J'ai compris la réponse. Donc la quote-part

 11   du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine n'était pas versée en raison des

 12   difficultés des communications. Merci beaucoup.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation]

 14   Q.  Mais dites-nous, quelle était la procédure complète ? L'argent ne

 15   pouvait pas être envoyé à Sarajevo, mais à supposer que l'argent parvienne

 16   à Sarajevo, est-ce que c'est Sarajevo qui avait la responsabilité de la

 17   restitution d'une partie de ces recettes aux différentes municipalités, et

 18   dans l'affirmative, est-ce que Sarajevo était en mesure de le faire ?

 19   R.  Une fois que les impôts ont été appliqués ainsi que les prélèvements

 20   sur les salaires, tous ces prélèvements sont versés sur des comptes

 21   temporaires et c'est le SDK qui ensuite envoie de façon tout à fait

 22   automatique les fonds correspondant à l'institution ou l'organisme

 23   approprié, qu'il s'agisse du fonds de retraite, du fonds de sécurité

 24   sociale, du fonds pour l'enseignement supérieur ou d'autres. Ces fonds

 25   récipiendaires en fonction de leur propre budget assurent le financement

 26   d'un certain nombre de services sur le territoire de l'ensemble de la

 27   Bosnie-Herzégovine.

 28   Donc le fonds de retraite par exemple, on voit des retraites à

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  1   Mostar, à Siroki Brijeg, et cetera. Le fonds pour l'enseignement supérieur

  2   paie les salaires des médecins, des infirmières, et cetera. Le fonds pour

  3   l'enseignement supérieur règle les dépenses des universités et autres

  4   établissements.

  5   Q.  Et si je vous ai bien compris, et je veux m'en assurer avant de passer

  6   autre chose, dans le fonds, ces fonds sont gardés dans la municipalité

  7   plutôt que d'être envoyés ailleurs, mais pendant qu'elle les a, la

  8   municipalité paie les activités qui sont normalement rémunérées par l'Etat

  9   ?

 10   M. SCOTT : [interprétation] Objection à plusieurs titres, Monsieur le

 11   Président. D'abord, je n'ai pas soulevé d'objection ces dernières minutes,

 12   mais il y a toute une série de questions directrices sur des questions qui

 13   sont en puissance importantes.

 14   Autre raison, je ne sais pas si le témoin est en mesure de confirmer que

 15   dans chaque situation, dans chaque municipalité, il n'y avait pas eu de

 16   retour de recettes. Relisez la question et vous verrez si le témoin a des

 17   connaissances personnelles lui permettant de donner une réponse affirmative

 18   pour chaque situation.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vais reformuler, je vais reformuler.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI [interprétation] : Une chose à la fois.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation]

 22   Q.  Vous nous avez dit auparavant que ce SDK ne fonctionnait pas bien parce

 23   qu'il y avait des problèmes de communication. C'est bien ce que vous nous

 24   avez dit ce matin ?

 25   R.  C'est exact.

 26   Q.  Parfait. Pour ce qui est tout du moins de certaines -- de la région

 27   d'Herceg-Bosna, savez-vous s'il était possible d'établir un lien, une

 28   passerelle avec Sarajevo pendant que Sarajevo était assiégée, est-ce qu'il

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  1   était possible d'établir un lieu avec le SDK ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Prenons un autre exemple. Qu'en est-il de Tuzla ? Est-ce qu'il était

  4   possible à l'époque d'établir un lien avec Tuzla, vous étiez sur place,

  5   vous devez le savoir ? Est-ce qu'il était possible que Tuzla établisse un

  6   lien avec le système central du SDK de Sarajevo ?

  7   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi. J'ai peut-être mal compris, mais

  8   en tout cas, je n'ai pas entendu. Me Karnavas vient de dire que M. Tomic se

  9   trouvait à Tuzla.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Jamais de la vie, jamais.

 11   M. SCOTT : [interprétation] Bien, ce sera la cause de mon objection.

 12   Qu'est-ce que le témoin sait de ce qui s'est passé à Tuzla ? Est-ce qu'il

 13   était là pendant la guerre ?

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est pour ça -- je comprends bien la

 15   technique d'obstruction ici mise en place. Je fais marche arrière.

 16   Q.  Puisque vous étiez dans le pays - parce que nous, personne n'y était

 17   pas, en tout cas, les Juges n'y étaient pas, pas plus que l'Accusation et

 18   ni non plus les étrangers, mais il se fait que certains de mes confrères et

 19   consoeurs travaillaient dans le pays - mais vous qui étiez à l'époque en

 20   Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous savez si Tuzla était reliée au système

 21   du SDK à Sarajevo à cette date-là ?

 22   R.  Non, il n'y avait pas de lien, et en me fondant sur les informations

 23   fournies par les habitants de Tuzla qui se rendaient à Mostar, je peux le

 24   confirmer, ainsi que sur la base des décisions qu'ils prenaient, qui

 25   montraient clairement qu'il n'y avait pas de communication avec Sarajevo.

 26   Q.  Oui, nous allons examiner ces décisions plus tard.

 27   A supposer qu'effectivement des contributions étaient envoyées à Sarajevo,

 28   est-ce que Sarajevo à l'époque pouvait les restituer si le SDK ne

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  1   fonctionnait pas ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Très bien. Vous avez dit que s'agissant de l'enseignement supérieur des

  4   universités, ça devait être payé par Sarajevo. Est-ce que vous savez si

  5   Sarajevo apportait ces contributions permettant de payer des salaires, mais

  6   aussi d'assurer l'infrastructure et la maintenance dans les universités,

  7   notamment à Mostar ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Très bien. Passons à Livno.

 10   1D 00798. Nous allons voir ce que fait Livno. Nous arriverons à Tuzla tôt

 11   ou tard, mais passons d'abord par Livno. Ordonnance portant décision

 12   d'introduire uniformisation des paiements de contribution dans des

 13   entreprises de propriété privée. Nous voyons au point 1, on parle de dinar

 14   croate et de dinar yougoslave. On a les deux. Vous en avez parlé en

 15   quelques mots, mais est-ce qu'il n'y avait pas une entreprise privée en

 16   Bosnie-Herzégovine, par exemple, est-ce que pour la restauration, les

 17   établissements comme hôteliers et restauration, ce n'était pas une forme

 18   d'entreprise privée ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que Livno s'en sortait mieux que Mostar, disons, pour ce qui est

 21   de la capacité de maîtrise des fluctuations inflationnistes du dinar

 22   yougoslave ?

 23   R.  Non, la ville de Livno n'avait aucun moyen d'influencer cela.

 24   Q.  Si nous prenons le 1D 00801, nous sommes alors au mois de mai,

 25   plus exactement le 29 mai 1992, mais toujours à Livno, décret portant sur

 26   l'introduction de taxe sur le chiffre d'affaires en temps de guerre, pour

 27   ce qui est des biens et des services. Veuillez commenter ce document.

 28   R.  Selon l'ancien système, l'assemblée municipale n'avait pas compétence

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  1   pour obtenir un impôt de guerre et un impôt qui aurait porté sur les ventes

  2   de biens et de services. L'impôt dont il est ici question introduit une

  3   augmentation des prélèvements sur la circulation de biens et sur les

  4   services également, et la part qui est prélevée au bénéfice de la

  5   municipalité.

  6   Q.  Très bien. Regardons la fin de ce document. Nous allons voir qu'il est

  7   envoyé aux bureaux locaux du SDA à Livno. Le SDA, c'est bien le parti

  8   musulman, et c'est bien ici un bureau ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  1D 00803 --

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous pouvez regarder l'article 4

 12   de ce document où il semble, d'après ce document, que le produit de ces

 13   taxes va être affecté au compte numéro 11700-840-055, et cetera, qui est

 14   tenu au SDK de Livno. Est-ce à dire que le produit des taxes va être géré

 15   par le SDK de Livno selon l'article 4 ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] L'argent collecté l'est de cette

 17   manière. Il est placé sur un compte de virement du SDK de Livno. Il s'agit

 18   d'un compte temporaire afin que les fonds en question soient versés au

 19   profit de la municipalité de Livno. Il n'y a en fait pas de transaction

 20   financière en direction d'autres municipalités, de Sarajevo ou d'autres,

 21   mais la comptabilité municipale fonctionnait exclusivement dans le cadre de

 22   la municipalité.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, merci.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Un dernier document avant la pause.

 25   1D 00803. Je répète le numéro du document, 1D 00803. Nous avons la

 26   date du 29 mai 1992. Article premier, il dit que tous les commerces dont la

 27   maison mère a son siège en dehors de Livno reçoivent l'ordre d'ouvrir un

 28   compte courant au SDK de Livno. Article 4 :

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  1   "Tous les fonds résiduels après le paiement des taxes se verront

  2   transférés sur le compte de la maison mère dès que ceci sera fait."

  3   Q.  Alors que fait Livno en rendant cette ordonnance-ci ?

  4   R.  Toutes les sociétés, qu'elles soient de Sarajevo, Mostar ou Tuzla, qui

  5   avaient des magasins à Livno ne possédaient pas pour autant un compte à

  6   Livno. Le compte ne se trouvait que là où se trouvait le siège de la

  7   compagnie. Les espèces qui étaient récoltées localement à Livno, à la fin

  8   de la journée par exemple, devaient être déposées sur le compte de la

  9   maison mère qui en était le bénéficiaire final.

 10   Ici, nous avons une disposition qui oblige les sociétés en question à

 11   ouvrir leur propre compte de virement à Livno. Nous avons ici affaire à des

 12   magasins dans lesquels travaillaient des personnes qui n'avaient souvent

 13   même pas la formation nécessaire pour gérer les comptes, mais il est ici

 14   ordonné que ces responsables de ces différents magasins ouvrent des comptes

 15   de virement afin de pouvoir y déposer leur recette journalière.

 16   Et c'est alors que l'on voit au numéro 4 que la taxe sur la vente de

 17   biens et services également sera versée sur ces comptes. On voit ici que le

 18   montant de la taxe sur les ventes de biens et services aussi sera versé sur

 19   ce compte et que le montant présent sur ce compte sera transféré au profit

 20   du compte de la maison mère dès que cela sera possible; et cela montre bien

 21   que le SDK de Livno n'avait pas de moyen de communiquer avec les autres

 22   SDK, ceux des localités où se trouvaient les maisons mères, que ce soit à

 23   Banja Luka, à Tuzla ou ailleurs.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Je crois que vous souhaitiez faire la pause.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Nous aurons la dernière pause de la journée,

 26   donc on fait une pause de 20 minutes.

 27   --- L'audience est suspendue à 14 heures 18.

 28   --- L'audience est reprise à 14 heures 41.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez la parole.

  2   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Nous étions toujours à Livno. Document 1D 00804.

  4   Q.  Veuillez l'examiner très rapidement pour nous le commenter. Que faisait

  5   Livno le 19 juin 1992 ?

  6   R.  Il s'agissait d'un ordre enjoignant de confisquer les fonds déposés sur

  7   des comptes libellés en dinars yougoslaves, et que ces fonds soient

  8   transférés au profit des municipalités.

  9   Q.  Très bien. Prenons le document 1D 00806. Nous sommes toujours à Livno;

 10   ordre portant sur les transactions effectuées par un groupe qui a un compte

 11   de virement, le Groupe 685. Je crois que ceci porte vraiment un peu sur les

 12   articles 1 et 2.

 13   R.  Il s'agit d'entreprises et de magasins du secteur de l'hôtellerie et

 14   restauration qui n'avaient pas l'obligation d'avoir un compte de virement.

 15   Par le présent ordre, on leur enjoint d'ouvrir un compte de virement et de

 16   passer exclusivement par ce compte de virement pour leurs transactions. La

 17   municipalité n'a absolument pas compétence pour émettre des ordres de ce

 18   type selon les dispositions légales de l'ancien système mené par

 19   l'intermédiaire du SDK.

 20   Q.  Terminons rapidement une autre municipalité, celle de Siroki Brijeg.

 21   Commençons par l'examen du document 1D 02331, décision portant sur les

 22   moyens de paiement dans la région de Siroki Brijeg, article premier. Nous

 23   allons examiner rapidement l'article 2 que je vais vous demander de

 24   commenter.

 25   R.  Par la présente décision, on établit que les paiements sur le

 26   territoire de la municipalité de Siroki Brijeg seront effectués en dinars

 27   croates. C'est l'une de ces décisions qui a été prise pratiquement par

 28   toutes les municipalités.

Page 33781

  1   Q.  Le document suivant 1D 02332, 2332, décision sur les activités du SDK

  2   de Siroki Brijeg. Un commentaire, s'il vous plaît, très rapide.

  3   R.  Nous voyons ici que par cette décision, la municipalité créé

  4   pratiquement son propre SDK à Siroki Brijeg, évidemment, en partant du

  5   bureau de la comptabilité publique qui existait déjà, il y est dit qu'il

  6   n'y avait pas de transactions financières ni de communications entre Siroki

  7   Brijeg et les autres bureaux du SDK.

  8   Q.  Très bien. Examinons le document 1D 02333, 1D 023333. Il s'agit d'une

  9   décision portant sur les sources du budget de la municipalité de Siroki

 10   Brijeg. Là aussi, je vais vous demander un commentaire et une mise en

 11   perspective, comme vous l'avez fait jusqu'à présent.

 12   R.  Alors par cette décision, la municipalité de Siroki Brijeg reprend à

 13   son compte les ressources financières qui, d'après la loi reviennent à la

 14   république, il s'agit des ressources mentionnées aux points 1, 2 et 3. Au

 15   point 1, donc les ressources liées au carburant allaient toujours dans un

 16   fonds spécifique. Les impôts prélevés sur les salaires, là encore, sont

 17   prélevés à partir de ce moment-là au bénéfice exclusif de la municipalité,

 18   aux points 2 et 3 donc.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, Monsieur le Témoin. On reste sur ce

 20   document.

 21   Une petite curiosité. Malheureusement, je n'ai pas la loi sous les

 22   yeux parce que cette décision est prise d'après le préambule, en

 23   application de l'article 66, paragraphe 3, de la loi sur la Défense, qui

 24   est parue au journal officiel de la République de Bosnie-Herzégovine. C'est

 25   quoi cet article 66 ? Vous le savez, vous ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que cet article a trait à la

 27   compétence des municipalités en matière de prise de décisions en général.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, parce qu'on voit que cette municipalité se

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  1   fonde sur la loi de la République de Bosnie-Herzégovine, apparemment. Mais,

  2   enfin, peut-être que l'avocat aura le temps de nous trouver l'article 66.

  3   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ceci se trouve

  4   dans le prétoire électronique. Il s'agit du document 1D 00897. J'avais

  5   l'intention de vous le soumettre, mais j'ai omis de l'apporter. Je m'en

  6   excuse. Je l'ai laissé au bureau, mais nous pourrions remédier facilement à

  7   ce problème demain.

  8   Q.  1D 02334, il s'agit d'une décision portant sur les taxes, sur le

  9   chiffre d'affaires pour biens et services à Siroki-Brijeg. Nous ne

 10   connaissons pas nécessairement tous parfaitement le système de fiscalité.

 11   Alors, qu'est-ce que c'est qu'une taxe sur le chiffre d'affaires ?

 12   R.  La taxe sur le chiffre d'affaires est une taxe payée lors de la vente

 13   de produits et l'on distingue selon qu'il s'agisse d'une vente de détail,

 14   qu'il s'agisse de biens ou de services, ou une vente en gros lorsque par

 15   exemple, une entreprise vend des biens et des services à une autre

 16   entreprise qui n'en est pas le destinataire ou l'utilisateur final. Cet

 17   impôt sur le chiffre d'affaires se rapporte au cas où nous avons affaire au

 18   consommateur final, qui concerne donc le bien ou le service acheté. Et dans

 19   ce cas-là, cet impôt doit être inclus dans le prix.

 20   De toute façon, nous avons ici une décision qui a été prise par la

 21   municipalité de Siroki Brijeg. Normalement, c'est la République de Bosnie-

 22   Herzégovine qui aurait dû prendre une décision de ce type-là. En pratique,

 23   nous avons ici la loi dans son intégralité, dans sa forme abrégée, et les

 24   droits de douane y sont précisés également. Il s'agit d'un aspect très

 25   important car ces droits de douane devaient être calculés de façon très

 26   précise.

 27   Nous voyons ici que l'élaboration de ces droits de douane montrait la

 28   façon dont les municipalités s'efforçaient de mettre en place des

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  1   conditions qui pouvaient être plus favorables, d'une municipalité à

  2   l'autre. Nous voyons, par exemple, que les taxes prélevées sur les

  3   carburants, les cigarettes sont inférieurs à ce qu'elles étaient

  4   auparavant; alors qu'en général, les municipalités ont repris les droits de

  5   douane et les taux de prélèvement qui étaient ceux de la République de

  6   Bosnie-Herzégovine. Et nous voyons ici que la municipalité de Siroki Brijeg

  7   a pris ici la décision de réduire ces prélèvements dans le but d'augmenter

  8   les ressources de la municipalité.

  9   Q.  Nous allons regarder le dernier document de ce chapitre, 1D 002337, il

 10   s'agit d'une décision portant sur le contrôle de biens meubles sur le

 11   territoire de la municipalité de Siroki Brijeg. Intéressons-nous au premier

 12   article qui dit ceci :

 13   "Le contrôle de l'entrée et de la sortie de toute marchandise dans cette

 14   zone de la municipalité de Siroki Brijeg sera effectuée par les services

 15   compétents bénéficiant de l'assistance obligatoire des polices civiles et

 16   militaires."

 17   Article 2, on parle des points d'entrée et de sortie à Siroki Brijeg. Il

 18   est dit que toute facture doit être consignée et que toutes les

 19   marchandises transitant par la zone de Siroki Brijeg doivent être

 20   consignées. Il y a aussi l'article 4. Mais dites-nous ce que vous en

 21   pensez.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, la question aurait été

 23   assez longue et compliquée. J'ai une question qui porte sur le chapitre

 24   précédent.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, très bien.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris,

 27   Monsieur Tomic, j'ai cru entendre que la municipalité de Siroki Brijeg,

 28   grâce à ces taxes sur le chiffre d'affaires, essaie d'intervenir dans la

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  1   concurrence et essaie de donner une longueur d'avance à ses propres

  2   entreprises; est-ce exact ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation]

  6   Q.  Je voudrais rebondir sur cette question. Est-ce que vous savez si

  7   d'autres municipalités ont fait de même ou est-ce que ceci ne s'est fait à

  8   l'époque qu'à Siroki Brijeg? J'ai dit à l'époque, je pourrais dire après

  9   aussi.

 10   R.  C'était typique pour les municipalités, selon quelles entreprises

 11   fonctionnaient sur leur territoire. Les municipalités cherchaient à les

 12   favoriser pour que ces entreprises puissent vendre le plus possible, et

 13   ainsi, payer plus d'impôts versés dans le budget de la municipalité en

 14   question.

 15   Q.  Fort bien. Maintenant, si vous le voulez bien, nous allons passer au

 16   document 1D 02337, je vais vous demander de le commenter brièvement. Il

 17   porte aussi sur Siroki Brijeg.

 18   R.  Afin de prélever les impôts dans le commerce, il était important

 19   d'avoir les documents pour entrer. Etant donné qu'il n'y avait pas de

 20   douane, il n'y avait pas d'administration de douane, il n'y avait pas de

 21   document d'entrée en Bosnie-Herzégovine et pour la municipalité de Siroki

 22   Brijeg. C'est pourquoi la municipalité de Siroki Brijeg a établi son point

 23   de contrôle qui était pour la douane et pour les impôts. Là, le poste

 24   délivrait ce document d'entrée pour les biens que l'on faisait entrer à

 25   Siroki Brijeg. Et s'il s'agissait de biens qui étaient en transit, pour

 26   qu'on sache qu'il s'agit de biens qui n'étaient qu'en transit, et ainsi de

 27   suite, c'était fait par toutes les municipalités; quasiment par toutes les

 28   municipalités pour ainsi protéger son territoire.

Page 33785

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je suis un peu étonné à

  2   l'artiche premier, qu'on fasse jouer ce rôle à la police militaire. Vous

  3   attribuez cela à quelle raison ? Parce que le pays était en état de guerre

  4   ? Pourquoi la police militaire aurait joué un rôle ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était l'état de guerre et un grand nombre de

  6   personnes se promenaient portant des armes, et pour aider les inspections

  7   et d'autres personnes, il était nécessaire que quelqu'un puisse protéger

  8   les inspecteurs, soit sur les lieux; d'autre part, les municipalités

  9   utilisaient ces ressources pour financer le fonctionnement de ses unités,

 10   et ainsi, étant donné que la police militaire était présente sur les lieux,

 11   la police militaire aidait à ce que l'on prélève les ressources qui étaient

 12   nécessaires pour la défense.

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 14   Q.  Pour ne pas perdre de temps, nous allons faire l'impasse sur le

 15   document qui parle de la municipalité d'Orasje. Ce sont les documents

 16   1D 0836 et 837 [comme interprété]. Nous n'allons pas non plus parler de

 17   Capljina. Ce seront les documents 1D 0119 [comme interprété]. Nous allons

 18   parler de Tuzla, avec le document d'abord 1D 01374. On avait fait une

 19   objection cependant : "Comment est-ce que vous, vous pouviez savoir ce qui

 20   se passait à Tuzla ?" Est-ce que vous pourriez nous donner des informations

 21   dès maintenant ? Après la signature de l'accord de Washington -- là, je

 22   prends un peu les devants, mais après la signature de l'accord de

 23   Washington, quelles furent vos fonctions ?

 24   R.  J'ai été nommé au poste de ministre des Finances de la Fédération et de

 25   la République de Bosnie-Herzégovine.

 26   Q.  Ce qui veut dire que vous avez travaillé pour la fédération établie par

 27   l'accord de Washington, mais aussi pour la totalité de la Bosnie-

 28   Herzégovine.

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  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Tuzla, se trouve-t-elle dans la Fédération ou en Republika Srpska ?

  3   R.  Dans la Fédération.

  4   Q.  Lorsque vous occupiez ce poste de ministre des Finances de la

  5   Fédération, est-ce que vous avez eu l'occasion d'apprendre ce qui se

  6   passait à Tuzla pour ce qui est des instruments financiers utilisés pendant

  7   la période du conflit ?

  8   R.  Tout d'abord, personnellement, je me suis rendu à Tuzla à cette époque-

  9   là, ensuite, mon adjoint était originaire de Tuzla, et à l'époque de

 10   guerre, il était chargé des finances à Tuzla.

 11   Q.  Intéressons-nous de plus près à Tuzla. 1D 01374. Nous voyons dans le

 12   préambule que c'est en vertu de l'article 66 de la Loi sur la Défense

 13   populaire généralisée.

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Si vous voulez examiner cet article,

 15   Monsieur le Président, qui se trouve dans la pièce 1D 00897, ça se trouve à

 16   la page 8 [comme interprété] en traduction anglaise. J'ai aussi le numéro

 17   de page en B/C/S, 1D 28-0440. Messieurs les Juges, si vous avez des

 18   questions à propos, ce serait peut-être le moment de les poser, sinon, je

 19   vais passer à autre chose.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. J'ai une question à poser au témoin.

 21   Vous venez de nous dire que vous aviez été ministre des Finances de la

 22   Fédération, ce qui est un poste très élevé dans un gouvernement que celui

 23   de ministre des Finances. Vous êtes resté le ministre des Finances pendant

 24   combien de temps ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été le premier ministre des Finances

 26   après les accords de Washington, et j'ai occupé ce poste jusqu'à l'accord

 27   portant sur le renouvellement de la Fédération, qui a eu lieu peu de temps

 28   avant l'accord de Dayton. A ce moment-là, le gouvernement de la Fédération

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  1   était séparé du gouvernement de Bosnie, ensuite, je suis devenu ministre du

  2   Commerce et des Communications de la République de Bosnie-Herzégovine.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je présume que quand vous avez été nommé ministre

  4   des Finances, c'est en raison de vos compétences en la matière que vous

  5   aviez été nommé ministre des finances.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Etant donné que j'effectuais ce travail,

  7   je remplissais toutes les conditions nécessaires pour occuper un tel poste.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à l'heure, on avait parlé des taxes. Je me suis

  9   demandé si les fameuses taxes sur les marchandises ou les services ne

 10   correspondent pas à ce qu'on appelle, dans la Communauté européenne, la

 11   taxe à la valeur ajoutée. Etait-ce le même système de taxe ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Il existe deux systèmes de payer l'impôt. Dans

 13   les anciens pays socialistes, il y avait cet impôt sur le chiffre

 14   d'affaires, et dans les pays occidentaux, c'est la TVA. Et maintenant en

 15   Bosnie-Herzégovine, on applique la TVA.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et quand les municipalités prenaient ce type

 17   de texte sur les taxes, ils avaient dans l'esprit que c'était une taxe sur

 18   la valeur ajoutée.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans les pays occidentaux, c'est la TVA. En

 20   Bosnie-Herzégovine et dans l'ancienne Yougoslavie, c'était l'impôt sur le

 21   chiffre d'affaires. La différence fondamentale est que l'impôt sur le

 22   chiffre d'affaires était payé en dernier lieu, tandis que s'agissant de la

 23   TVA, vous payez la TVA chaque fois qu'il y a une transaction.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, merci.

 25   Maître Karnavas.

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci.

 27   Q.  Bien. 1D 01374, c'est une décision, une décision relative au calcul et

 28   au paiement de cette taxe sur le chiffre d'affaires lié à la vente de

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  1   biens. Alors, pourriez-vous vous prononcer sur ce document.

  2   R.  Cette décision est en fait la modification de la loi républicaine

  3   portant sur l'impôt sur le chiffre d'affaires, et il est dit que personne

  4   ne sera exonéré de payer cet impôt, mais que tout un chacun doit payer

  5   l'impôt au compte qui est à Tuzla.

  6   Q.  Bien. Alors, avant le début du conflit et avant le siège de Sarajevo,

  7   une municipalité telle que Tuzla était-elle autorisée à adopter ce genre de

  8   décision ?

  9   R.  La municipalité n'était pas habilitée à changer et ne pouvait pas

 10   modifier les lois républicaines, comme c'est le cas ici.

 11   Q.  D'accord. 1D 01375, c'est une décision qui vise à réorienter les

 12   recettes issues de cette taxe sur les biens au numéro tarif 8 sur le barème

 13   général de la taxe de base sur le chiffre d'affaires. Pouvez-vous nous dire

 14   quelques mots sur ce document.

 15   R.  Il s'agit d'une décision de réaffectation. Donc plutôt que d'être

 16   envoyé au budget républicain, c'est envoyé au compte de virement de Tuzla.

 17   Q.  Bon. Alors, pour revenir à la question que je vous avais posée plus tôt

 18   et qui a suscité une objection : sur la base de ce que l'on voit ici, êtes-

 19   vous en mesure de tirer quelques conclusions que ce soit s'agissant du SDK,

 20   du fonctionnement du SDK et de son lien avec Sarajevo ?

 21   R.  Manifestement, ces relations ne fonctionnaient pas.

 22   Q.  Bien. 1D 0 -- en fait, Selim Beslagic, ce monsieur dont on voit le nom

 23   ici, le connaissez-vous ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et alors, d'après ce nom, est-il Serbe, Croate ou Musulman, d'après son

 26   nom ?

 27   R.  C'est un Musulman.

 28   Q.  Bien. Et lorsque vous étiez en Bosnie-Herzégovine, même si vous étiez

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  1   dans un secteur particulier, vous n'avez pas entendu parler d'une

  2   quelconque mutinerie de la municipalité de Tuzla contre le gouvernement

  3   central à Sarajevo où ils auraient décidé à un moment donné de ne plus

  4   verser les recettes des impôts au gouvernement ?

  5   R.  Je n'en ai pas entendu parler.

  6   Q.  Très bien. Regardons 1D 01396. C'est un ordre là encore qui porte sur

  7   le calcul des taxes sur le commerce de cigarettes. Pouvez-vous nous dire

  8   quelques mots sur ce document ? J'aimerais surtout savoir pourquoi on juge

  9   important ce commerce de cigarettes ?

 10   R.  Une fois encore, il s'agit de transférer les fonds suite aux impôts

 11   prélevés sur les cigarettes, et il s'agit du transfert à la municipalité de

 12   Tuzla. En deuxième lieu, le délai prescrit pour verser les impôts sur le

 13   chiffre d'affaires est réduit de sept ou 15 jours à cinq jours. Les

 14   cigarettes sont importantes parce que les taux d'imposition étaient élevés,

 15   et c'était une des ressources importantes du budget.

 16   M. KARNAVAS : [interprétation] Bien. Pour le compte rendu et pour tout le

 17   monde, si l'on examine le préambule, on voit qu'il y est invoqué l'article

 18   39 du décret de loi sur la Défense. Si vous souhaitez regarder ceci, c'est

 19   dans la pièce 1D 00828, article invoqué ici dans le préambule du présent

 20   ordre.

 21   Q.  Je passe au document suivant, 1D 01399, c'est un ordre établissant des

 22   postes de contrôle destinés à l'inspection de marchandises d'exportation et

 23   d'importation. Si l'on examine ce document, et notamment son paragraphe 2 -

 24   - ou son article II, on voit que les points de contrôle sont établis pour

 25   l'inspection des marchandises d'exportation et d'importation à la sortie et

 26   à l'entrée de Tuzla, et ces postes de contrôle sont établis et sont censés

 27   fonctionner 24 heures sur 24. Au point IV, on nous parle d'un service

 28   d'inspection municipal de Tuzla qui est chargé de contrôler un certain

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  1   nombre de choses.

  2   Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires ici ?

  3   R.  De par sa teneur, c'est quasiment identique à la décision rendue par la

  4   municipalité de Siroki Brijeg. C'était fait afin de contrôler la

  5   circulation des biens, puis portant sur les documents relatifs à ces biens

  6   pour que la municipalité de Tuzla puisse imposer ces biens et assurer les

  7   ressources nécessaires pour la municipalité.

  8   Q.  Très bien. Pour que tout soit parfaitement clair, nous avons commencé

  9   par une question que je vous ai adressée, question relative à vos

 10   priorités, à l'ordre de priorités que vous aviez établi pour vos fonctions

 11   et les tâches qui vous ont été confiées lorsque vous êtes devenu directeur

 12   du service des finances. Vous avez dit que les douanes faisaient partie de

 13   ces priorités, les services douaniers. Or, je regarde cet ordre ainsi que

 14   l'ordre sur Siroki Brijeg, et je vous demande la chose suivante : semble-t-

 15   il qu'un système douanier ait été mis en place à Tuzla et dans la

 16   municipalité de Siroki Brijeg, par le biais d'un ordre tel que celui-ci ?

 17   R.  Il est évident que ce système n'existait pas. Les deux municipalités

 18   ont mis sur pied des points de contrôle. Tuzla et Siroki Brijeg n'étaient

 19   pas dans la zone frontalière de Bosnie-Herzégovine, entre la Bosnie-

 20   Herzégovine et la Croatie, donc il fallait créer des conditions pour

 21   pouvoir prélever ces ressources.

 22   Q.  Alors ma question est la suivante : en réalité y a-t-il des similitudes

 23   entre la mise en place d'une frontière à des fins douanières et ce qui est

 24   fait ici, la mise en place d'un système permettant de contrôler tout ce qui

 25   entre et tout ce qui sort et le prélèvement d'une taxe ?

 26   R.  Grâce à l'établissement du système de douane, on a créé des conditions

 27   dans lesquelles on créait des documents sur la base desquels on pouvait

 28   calculer et prélever les impôts. Ces points de contrôle étaient en quelque

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  1   sorte un système de para-douane qui fonctionnait pour les besoins de la

  2   municipalité.

  3   Q.  Très bien. Merci. Passons au document suivant 1D 01400, c'est un ordre

  4   imposant une taxe de guerre ou un impôt de guerre. Brièvement, pourriez-

  5   vous nous dire de quoi il s'agit, qu'est-ce que cet impôt de guerre ?

  6   R.  L'impôt de guerre est introduit sur le chiffre d'affaires à  hauteur de

  7   10 %, et 30 % pour les cigarettes. Mais le pain, les matières grasses et la

  8   farine ont été exemptés à l'article 5, et il est dit que ces ressources

  9   sont versées à la municipalité de Tuzla.

 10   Q.  Bien. Alors un dernier point très rapidement. 

 11   Voyons les paragraphes VII et VIII, en chiffre romain, on dit que le

 12   non-respect de cet ordre sera considéré comme étant une violation

 13   entraînant de graves conséquences. Et si l'on regarde le paragraphe VIII,

 14   on dit que l'ordre entre en vigueur immédiatement et que des organes

 15   spéciaux d'inspection de l'assemblée municipale de Tuzla vont veiller à sa

 16   mise en œuvre.

 17   Alors, on parle ici de "conséquences graves." De quoi parle-t-on exactement

 18   et quel est cet organe d'inspection spéciale ou ces organes au pluriel, si

 19   vous le savez ?

 20   R.  Je ne sais pas exactement.

 21   Q.  Très bien. 1D 0 --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : On va rester sur le terrain économique et financier. 

 23   Vous venez de nous dire qu'il y avait une taxe sur le chiffre d'affaires de

 24   10 %, donc je présume que cette taxe frappait ceux qui vendaient les

 25   produits, mais n'y avait-il pas à ce moment-là par cette taxe un effet

 26   inflationniste parce que ça n'obligeait pas finalement les entreprises à

 27   augmenter leur prix de 10 % pour faire face à cette taxe. Est-ce qu'il n'y

 28   avait pas des effets pervers en mettant 10 % et est-ce que ça ne créait pas

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  1   des distorsions de concurrence ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Le résultat de toutes ces décisions

  3   au sein des municipalités était qu'il y avait de moins en moins d'argent

  4   parce que les municipalités retiraient de plus en plus d'argent aux termes

  5   d'impôt, et il était difficile de faire revivre l'économie et de trouver

  6   des biens, et cetera.

  7   S'agissant de l'inflation, bien sûr l'inflation ne peut pas être réglée au

  8   niveau d'une municipalité. Ici, les municipalités se battaient pour

  9   survire, pour pouvoir se défendre. Elles utilisaient toutes les méthodes

 10   possibles. Vous savez, en lisant tous ces actes pour les municipalités,

 11   vous pouvez voir qu'il y avait des personnes qui étaient plus ou moins

 12   compétentes pour rendre de telles décisions mais en grande partie, vous

 13   pouvez voir que les gens étaient ignorants, et qu'ils ne savaient pas

 14   quelles allaient être les conséquences, à savoir l'inflation et que les

 15   ressources économiques, les entreprises allaient en être épuisées.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 17   M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.

 18   Q.  Regardons le document 1D 01401. C'est un ordre ajustant le

 19   fonctionnement du fonds de pension et d'assurance invalidité aux conditions

 20   de guerre. Pourriez-vous nous faire part de quelques remarques sur ce

 21   document ? Bien sûr, il porte la date du 8 juillet 1992. Etait-ce là

 22   quelque chose que la municipalité pouvait faire de son propre chef ?

 23   R.  Il s'agit d'un ordre dont la municipalité ne relevait pas. Elle n'en

 24   était pas habilitée parce que le fonds chargé de l'assurance de retraite de

 25   Bosnie-Herzégovine devait adopter son propre document portant sur le

 26   travail en temps de guerre, et par ce biais régler la situation sur tout le

 27   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Ici, nous pouvons voir que Tuzla prend

 28   la décision d'adapter le travail de ce fonds pour ses propres besoins, pour

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  1   que les habitants de Tuzla puissent bénéficier de l'assurance et du fonds

  2   de retraite.

  3   Q.  Bien. Passons au dernier document sur Tuzla, 1D 00836. 1D 00836, c'est

  4   un ordre visant à imposer un impôt de guerre sur les salaires nets. Alors

  5   quelques observations de votre part si vous le voulez bien sur ce document,

  6   brièvement. Examinez notamment les paragraphes I et VI, indiqués en chiffre

  7   romain, et bien sûr d'autres parties du document si vous le souhaitez.

  8   R.  Ce texte est un exemple de décision relative à l'impôt de guerre qui

  9   est différencié en fonction de l'importance des versements, des sommes

 10   concernées. Mais, on voit toutefois à l'article 6 qu'il y a confiscation en

 11   réalité des revenus du travail, car il est écrit ici que lorsque les

 12   salaires et cotisations liées aux salaires sont payés, tous les fonds

 13   restants sont transférés au bénéfice de la municipalité de Tuzla. Donc il

 14   devient impossible pour une entreprise d'utiliser ces sommes pour

 15   réinvestir afin d'augmenter sa production ou de s'étendre et de se

 16   développer. Mais toute somme restante doit être versée sur un compte de

 17   Tuzla, parce que la municipalité prend sur elle la responsabilité

 18   d'approvisionner, d'assurer l'approvisionnement en divers articles et

 19   équipements aux fins de la guerre, comme on peut le voir à l'article 3.

 20   Q.  Bien. Une question très concrète maintenant. Avant l'éclatement de la

 21   guerre en Bosnie-Herzégovine, une municipalité telle que Tuzla ou une

 22   autre, était-elle autorisée à adopter ce genre de décision ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Très bien. Je ne vais pas vous poser la question suivante, parce qu'on

 25   pourrait m'accuser de vous pousser vers les conjectures.

 26   Je vais passer maintenant à un autre chapitre, une période correspondante

 27   au moment où la Communauté croate d'Herceg-Bosna fonctionnait, donc le HVO

 28   de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Vous nous avez dit que vous aviez

Page 33795

  1   été nommé à peu près à la mi-août. Alors j'aimerais que l'on examine

  2   ensemble cette période de l'histoire, et je vais commencer par le document

  3   1D 00003. Si vous l'avez sous les yeux, Monsieur, c'est un document qui

  4   porte la date du 14 août 1992, la veille de votre nomination, je crois.

  5   C'est un décret portant création du service de vérification des comptes

  6   publics. Nous voyons qu'il est signé par Mate Boban, président de la HZ-HB.

  7   Quelques mots de votre part.

  8   R.  Il s'agit ici du texte de base qui sert à la mise en place de ce

  9   service de vérification des comptes. Par la suite, d'autres textes

 10   réglementaires seront votés qui régiront l'activité de ce service.

 11   Q.  Très bien. Etait-ce nécessaire à l'époque, à votre avis ?

 12   R.  Cette décision indique qu'il était indispensable de prendre en compte

 13   le rôle tout à fait central que jouait le service de vérification des

 14   comptes publics dans la vie sociale en général. C'est sans doute la raison

 15   pour laquelle cette décision est l'une des premières qui a été adoptée même

 16   si selon l'article 3 on voit qu'il y a encore des dispositions à prendre

 17   qui sont énumérées à cet article 3 et qui doivent être prises par le HVO.

 18   Q.  Bien. Passons au document suivant, 1D 00012. Toujours en date du 14

 19   août 1992, c'est une conclusion relative au refus d'accepter des

 20   obligations de crédit qui avaient été acceptées par la République de

 21   Bosnie-Herzégovine. Je crois que vous avez déjà fait référence à la teneur

 22   de cette conclusion. Pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner ce document

 23   et nous faire part de vos commentaires ?

 24   R.  C'est à cette époque-là que des informations ont commencé à arriver qui

 25   indiquaient que le gouvernement de Sarajevo était en train de s'endetter,

 26   de souscrire des crédits. Donc puisque pas un sou de ces endettements

 27   n'arrivait sur le territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, nous

 28   voyons ici la réaction sans doute prévisible à cela.

Page 33796

  1   Q.  A l'article premier, on nous parle d'un tiers, un tiers des ressources

  2   acquises. Voyez-vous cette partie du texte ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Bien. Pourquoi je me concentre sur ce tiers, parce que tout à l'heure

  5   vous avez dit qu'il y avait trois camions de cette nouvelle devise en

  6   Bosnie-Herzégovine. Alors pouvez-vous établir un lien entre cette partie de

  7   votre témoignage où vous avez fait référence à ces camions et cette

  8   conclusion-ci, en tout cas, cette partie de la conclusion ?

  9   R.  Oui. C'est sur la base de cette disposition de la conclusion que l'on

 10   cherchait toujours, dans le cadre de quelque transaction que ce soit, qu'un

 11   tiers des sommes arrive dans la région de la Communauté croate d'Herceg-

 12   Bosna. Ici, il est question de dinars de Bosnie-Herzégovine, mais je sais

 13   aussi que du carburant, de l'essence, du mazout, du blé également faisaient

 14   l'objet de telles transactions, et qu'il était également demandé qu'un

 15   tiers arrive dans l'Herceg-Bosna.

 16   Q.  Voyons le document suivant --

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je regarde ce document et je me

 18   demande si ce document n'est pas en quelque sorte la manifestation par M.

 19   Boban de son hostilité à la République de Bosnie-Herzégovine, puisque ce

 20   document semble dire qu'il n'accepte pas, lui, les obligations qui vont

 21   être engagées par la République de Bosnie-Herzégovine au titre de recherche

 22   de crédits, et qu'il ne veut pas avoir une quelconque responsabilité.

 23   Alors, en termes financiers ou économiques, quelles sont les conclusions

 24   d'un tel document ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] La conclusion est la suivante : les

 26   municipalités présentes dans la région de la Communauté croate d'Herceg-

 27   Bosna ne participeront pas au paiement de ces prêts tant qu'un tiers des

 28   montants n'arrive pas dans son territoire. Car si un Etat souscrit un prêt,

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  1   il doit le rendre dans sa comptabilité, le restituer. Les municipalités

  2   étaient chacune responsable de son budget. D'ailleurs, c'est un problème

  3   qui est hérité de l'ex-Yougoslavie, dès qu'il a été question de se répartir

  4   les restes de l'ancien Etat.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : A l'époque, en 1992, aux mois d'août, juillet, juin,

  6   qui prêtait à la République de Bosnie-Herzégovine ? Etait-ce des

  7   institutions internationales, des pays, des institutions privées ? Qui

  8   c'est qui prêtait des sommes importantes ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là -- enfin, personnellement, j'ai

 10   vu une garantie qui était émise par une banque commerciale de Sarajevo et

 11   destinée au ministère de l'Intérieur. Cette garantie portait sur une somme

 12   très importante, disons, par exemple, 10 millions de dollars. Par

 13   conséquent, au cas où cette garantie ne remplirait pas son office, c'est

 14   l'Etat de Bosnie-Herzégovine qui devait être redevable des sommes à payer.

 15   Quant aux autres rubriques du budget, je ne suis pas au courant -- du

 16   budget de Bosnie-Herzégovine.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Le prêteur, là en l'espèce, la banque de Sarajevo,

 18   la banque commerciale de Sarajevo, est-ce qu'elle ne prenait pas de

 19   garanties sur la destination des fonds prêtés, ou bien il le prêtait en

 20   aveugle, en avançant 10 millions de dollars sans se poser la question de

 21   savoir où ça allait partir, ou bien il y avait des garanties ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la pratique, s'agissant du cas dont je

 23   viens de parler, il s'agissait d'une banque dont l'un des créateurs était

 24   le ministre de l'Intérieur. C'est ce qui figurait dans le document que j'ai

 25   eu sous les yeux. Mais quoi qu'il en soit, selon la garantie en question,

 26   cette garantie portait sur le budget de Bosnie-Herzégovine. Donc, si le

 27   ministère de l'Intérieur se voyait incapable de rembourser, c'est l'Etat

 28   tout entier qui en faisait les frais. Et en deuxième instance, par

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  1   conséquent, si la situation se normalise à l'avenir et que nous payons tous

  2   ces impôts à Sarajevo, dans nos municipalités, on n'obtiendra pas de

  3   remboursement suffisant car nous devrons prendre à notre compte les

  4   obligations en question.

  5   M. KARNAVAS : [interprétation]

  6   Q.  Bien. Peut-être que si nous faisons une supposition, ceci pourrait nous

  7   aider. A supposer que le gouvernement de Sarajevo, le président de la

  8   présidence, devait commander un certain nombre de téléphones satellitaires,

  9   et que le coût devrait être supporté par la Bosnie-Herzégovine. Ce que Mate

 10   Boban dit ici, ces coûts-là ne doivent pas être à la charge ou ne doivent

 11   pas être supportés par l'Herceg-Bosna à moins que trois de ces téléphones

 12   satellitaires ne soient remis à des personnes d'Herceg-Bosna ?

 13   R.  Exactement ça, oui.

 14   Q.  Alors si nous passons au document suivant, le 1D 0013. Nous constatons

 15   qu'il s'agit là d'une décision d'une mise en place d'une administration

 16   douanière sur le territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna parce

 17   qu'il y a un état imminent de guerre ou un état de guerre. C'est le titre

 18   de ce document daté du 28 août 1990. Il est signé de la main Jadranko

 19   Prlic.

 20   Connaissez-vous ce document ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Comment le connaissez-vous, ce document ?

 23   R.  Parce que c'est moi qui l'ai rédigé.

 24   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer ceci brièvement, s'il vous

 25   plaît.

 26   R.  Donc, c'est un des premiers textes qui réglementent la création de

 27   l'administration des douanes, dans lequel nous disons tout simplement que

 28   toutes les dispositions déjà adoptées en vigueur au niveau de la République

Page 33799

  1   de Bosnie-Herzégovine s'appliqueront, confère le journal officiel numéro

  2   2/92, et que le département des finances créera toutes les autres

  3   conditions nécessaires au bon fonctionnement de l'administration des

  4   douanes.

  5   Q.  Donc, nous n'allons pas consacrer trop de temps au préambule, mais

  6   peut-être que vous pourriez le regarder rapidement, à commencer par le fait

  7   que : "La République de Bosnie-Herzégovine a dérogé par rapport aux

  8   institutions fédérales lorsqu'elle a déclaré son indépendance et le fait

  9   qu'elle ait déclaré un état de guerre -- enfin, service des douanes sur le

 10   territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna a donc été créé avec pour

 11   but de protéger les personnes morales et les personnes physiques lorsqu'il

 12   y a des transactions avec l'étranger; la Communauté croate d'Herceg-Bosna,

 13   conformément à l'article 18 de sa décision officielle statutaire…"

 14   Le texte se poursuit.

 15   Ce préambule tente de dire qu'au début, la République de Bosnie-

 16   Herzégovine, sa déclaration d'indépendance avait un lien.

 17   R.  Il ressort clairement de la lecture de ce texte que la République de

 18   Bosnie-Herzégovine est responsable de la création d'une administration des

 19   douanes, puisque par la proclamation d'indépendance de la Bosnie-

 20   Herzégovine, les attributions qui étaient celles de l'administration des

 21   douanes yougoslaves ont cessé de fonctionner sur le territoire de la

 22   Bosnie-Herzégovine.

 23   Q.  De façon concrète, savez-vous si les autorités de l'Etat de Bosnie-

 24   Herzégovine ont jamais été empêchées par quiconque, en particulier par ceux

 25   qui habitaient ou résidaient dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna, les

 26   a-t-on empêchées de mettre en place une administration des douanes à la

 27   frontière entre ces deux pays ?

 28   R.  A aucun moment aucun de ces organes ne s'est présenté en défendant ce

Page 33800

  1   que j'appellerais cette idée, à savoir la création d'un service des

  2   douanes, et il n'y a pas eu non plus d'opposition eu égard à la

  3   détermination des frontières.

  4   Q.  Bien. Alors si nous passons au document suivant, le P 00412, P 00412,

  5   qui est daté du 28 octobre 1992. Il s'agit là d'un décret sur l'ouverture

  6   de comptes destinés au budget de la Communauté croate d'Herceg-Bosna

  7   pendant l'état imminent de guerre. Je vais vous demander de parcourir ceci

  8   rapidement, et si tel est le cas, comment connaissez-vous ou avez-vous eu

  9   connaissance de ce décret ?

 10   R.  Oui, je connais ce décret, car j'ai participé à sa rédaction. Par ce

 11   décret, on définit les comptes sur lesquels seront versés les sommes

 12   destinées à la Communauté croate d'Herceg-Bosna, au budget de celle-ci. Ces

 13   comptes, est-il indiqué dans le texte, doivent être ouverts auprès du SDK

 14   de Mostar et d'une banque commerciale. Donc ce qui est sous-entendu, c'est

 15   qu'un compte non-résident doit être ouvert auprès d'une banque commerciale.

 16   Q.  Bien. Si nous passons au document suivant qui est le 1D 00047. Ici, il

 17   s'agit d'instructions données pour l'ouverture de comptes, possession des

 18   actifs, mise en œuvre de décrets, ouverture de comptes de dépôt destinés au

 19   budget de la HZ-HB pendant l'état imminent de guerre ou état de guerre. Si

 20   vous reconnaissez ce document, pourriez-vous nous le commenter rapidement ?

 21   Quel est le but de ces instructions ? 

 22   R.  Par ces instructions, on définit exactement les numéros de comptes sur

 23   lesquels doivent être versées les sommes destinées au budget public, et on

 24   constate clairement à la lecture du texte que s'agissant des sommes

 25   correspondant aux points 1, 3 et 5, les comptes concernés sont ouverts dans

 26   toutes les agences, parce que ces sommes doivent être partagées avec les

 27   municipalités. Quant aux autres comptes, ils ne peuvent être ouverts qu'au

 28   siège, qui se trouve à Mostar, le siège où le département des finances a

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  1   ses locaux. Donc ce sont des problèmes techniques qui concernent

  2   l'organisation du SDK, quels comptes doivent aller où et les codes de

  3   diverses municipalités qu'on trouve également dans ce texte.

  4   Q.  Très bien. Ceci porte votre nom, n'est-ce pas, Monsieur Tomic ?

  5   R.  Oui. C'est un texte d'application, donc c'est un texte qui comporte les

  6   dispositions nécessaires à la mise en œuvre, et j'étais responsable de ce

  7   genre de texte.

  8   Q.  Donc c'est un instrument en quelque sorte qui a pour but de mettre en

  9   œuvre le décret que nous avons vu précédemment ?

 10   R.  Exact.

 11   Q.  Pièce suivante, 1D 00019. Il s'agit là d'une décision qui porte sur

 12   l'application des articles 20 à 25 [comme interprété] de la Loi sur les

 13   tarifs douaniers, et bien sûr, si nous regardons le journal officiel de

 14   l'ex-Yougoslavie sur le territoire de la Communauté d'Herceg-Bosna.

 15   Pourriez-vous nous dire sur quoi porte cette décision ? Encore une fois, je

 16   vais vous demander de vous concentrer sur les articles qui se lisent comme

 17   suit. Nous voyons qu'on invoque la Bosnie-Herzégovine, les citoyens de la

 18   Bosnie-Herzégovine à l'article 3, et cetera. Pourriez-vous nous commenter

 19   ceci rapidement, s'il vous plaît.

 20   R. En vertu de la Loi sur les douanes de l'ex-Yougoslavie, loi qui a

 21   ensuite été reprise à son compte par la République de Bosnie-Herzégovine,

 22   il fallait des décisions particulières pour déterminer un certain nombre de

 23   privilèges et d'exemptions fiscales. Etant donné le nombre de changements

 24   assez fréquents dans ce domaine, ceci était stipulé afin de n'avoir pas à

 25   se référer au parlement à chaque modification. Dans les articles 25 à 35 de

 26   cette loi, sont déterminées les dispositions relatives aux institutions

 27   publiques, aux entreprises, et cetera. Ici, on voit dans ce texte, à

 28   l'article 4 par exemple, qu'il est prévu des exonérations pour les forces

Page 33802

  1   armées de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et pour les forces armées de

  2   la République de Bosnie-Herzégovine, ainsi que pour les responsables du

  3   ministère de l'Intérieur de la Communauté croate d'Herceg-Bosna et de la

  4   Bosnie-Herzégovine, donc on constate que ce texte ne prévoit aucune

  5   discrimination et qu'il s'applique à tous les citoyens de la République de

  6   Bosnie-Herzégovine qui ont droit à de telles exonérations.

  7   Q.  Je vais vous demander de ralentir un tout petit peu, s'il vous plaît.

  8   Et si vous précisez quelque chose au niveau du document, il serait peut-

  9   être utile pour certains d'entre nous si vous voulez parler d'un article

 10   précis. Vous avez parlé des forces armées. Je suppose que vous vouliez

 11   parler de l'article 4 où on peut lire que les forces armées de l'ABiH du

 12   HZ-HB et dans le RBH.

 13   R.  Oui, l'article 4.

 14   Q.  Si vous regardez le document suivant, 1D 00066. Il s'agit là des règles

 15   qui régissent la procédure qui permet de prétendre à une exonération des

 16   droits de douanes. Encore une fois, est-ce que vous connaissez ce document

 17   ? Je pense que vous devez le connaître puisque ce document porte votre

 18   signature. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit, quelles sont ces

 19   règles ?

 20   R.  Il s'agit d'un règlement portant sur la façon dont cette décision

 21   numéro 25/35 doit être appliquée concernant les régimes de droits de

 22   douanes privilégiés. Il est ici question des documents qui sont nécessaires

 23   afin de bénéficier de ces avantages et de ces procédures spéciales auprès

 24   des services de douanes. Nous trouvons ici, pour l'essentiel, les mêmes

 25   éléments que ceux du règlement qui s'appliquait en la matière précédemment.

 26   Q.  Regardons maintenant la pièce 1D 00020. Il s'agit d'une décision sur

 27   l'impôt forfaitaire appliqué aux droits de douanes sur la valeur des

 28   marchandises. Veuillez regarder ceci et nous commenter cela brièvement.

Page 33803

  1   Ceci se trouve à l'article 7. On constate qu'à l'article 3 on parle ici de

  2   dollars US.

  3   R.  Cette décision découlait simplement du système existant à l'époque. Il

  4   découlait de ce système qu'un taux de 7 % soit appliqué, et l'on parle de

  5   dollars américains parce que le dollar américain était utilisé dans la loi

  6   correspondante. Dans la loi sur les douanes, ce n'était pas le

  7   deutschemark, mais le dollar américain qui était utilisé pour faire

  8   référence à la valeur des marchandises qui pouvaient passer les frontières.

  9   Q.  Bien. La pièce 1D 00023, une décision qui permet de fixer les

 10   marchandises qui sont assujetties à une taxe spéciale. Encore une fois, on

 11   y voit votre nom. Pourriez-vous nous dire ce que c'est ?

 12   R.  Nous trouvons là encore une disposition d'ordre fiscal dans le cadre

 13   d'un système parallèle, mais qui découle néanmoins du système précédent et

 14   des lois de la Yougoslavie qui ont été reprises ensuite par la Bosnie-

 15   Herzégovine.

 16   Il y a ici un certain niveau de répétition, ne serait-ce que parce

 17   que ces dispositions font l'objet de publication au journal officiel, un

 18   journal officiel qui sera distribué. Le journal officiel en effet de la

 19   République socialiste fédérative de Yougoslavie, dans son édition de 1991

 20   et 1992 qui s'appliquait en la matière, n'était pas disponible aux

 21   entrepreneurs et aux particuliers.

 22   En plus donc, des droits de douanes étaient acquittés des droits

 23   correspondant deux fois 7 %, plus 1 %, c'est-à-dire en totalité 16 %. Il

 24   s'agit là d'une disposition qui correspond à ce qui existait à l'échelle de

 25   la Yougoslavie dans le passé. L'esprit en était de prélever les fonds

 26   nécessaires, ce qui aurait permis de financer une forme de subvention qui

 27   avait pour but d'éviter des importations.

 28   Q.  Très bien. 1D 00026, il s'agit d'un décret qui régit l'application du

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  1   décret RBiH sur la réglementation provisoire appliquée à l'impôt sur le

  2   chiffre d'affaires des biens et des services. Ensuite, le texte --

  3   pourriez-vous nous décrire de quoi il s'agit ?

  4   R.  Il s'agit du décret d'application de cette décision prise au début de

  5   l'année 1992, après la déclaration d'indépendance. En pratique, il s'agit

  6   de la loi qui avait cours à l'époque en Bosnie-Herzégovine. A ceci près,

  7   que les journaux officiels étaient inexistants alors même que leur rôle est

  8   tout à fait essentiel pour le bon fonctionnement des douanes, des services

  9   fiscaux et de l'économie en général, aussi bien que ce décret était tout à

 10   fait nécessaire et adapté à l'état de guerre. Il avait un caractère

 11   temporaire, sous cette forme qui est la sienne, et ne se différenciait

 12   guère de celle qui avait été prise de façon indépendante concernant les

 13   droits de douane par exemple. Donc y sont précisées les façons de calculer

 14   les impôts, les droits de douane, et cetera.

 15   Q.  Bien. 1D 00027. Ici, on voit le taux d'imposition appliqué à l'impôt

 16   sur le chiffre d'affaires des biens et des services, daté du 31 août 1991.

 17   Si vous regardez ceci, nous voyons une déclaration portant sur les raisons.

 18   Je suis sûr que vous pouvez nous expliquer ceci, en annexe, cette

 19   déclaration portant sur les raisons de ceci.

 20   R.  Nous avons ici les droits de douane et les taux qu'ils régissent. J'ai

 21   déjà pu dire que ces droits de douane ont été repris à partir de ceux qui

 22   avaient été déterminés par la Bosnie-Herzégovine. Nous voyons ici par

 23   exemple que pour les carburants, le taux est de 65 %. Si nous revenons à

 24   Siroki Brijeg, cette municipalité avait pris un taux de 40 %. Sur les

 25   cigarettes, le taux est de 90 %, ce qui était déjà le cas avant les

 26   affrontements. Et à Siroki Brijeg, il me semble que ce taux était de 40 %.

 27   Nous avons ici à faire à un document sur la base duquel sera calculé le

 28   taux de l'impôt sur le chiffre d'affaires pour la vente de biens et des

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  1   services en temps de guerre ou de menace imminente de guerre.

  2   Q.  Document 1D 00025. Un décret portant sur l'affectation des ressources

  3   générées par l'impôt sur le chiffre d'affaires. Veuillez regarder ceci

  4   rapidement et nous dire de quoi il s'agit.

  5   R.  Nous avions déjà des comptes sur lesquels cet impôt sur les ventes des

  6   biens et des services allait être versé, et ce, dans chaque municipalité.

  7   Le SDK devait reverser automatiquement 75 % des montants correspondants sur

  8   le compte de la HZ-HB alors que 20 % était reversé à la municipalité où les

  9   ressources en question avaient été prélevées. Ce décret était tout à fait

 10   essentiel dans le cadre de la préparation des municipalités afin qu'elles

 11   soient en mesure de s'adapter à ce système et afin de définir quelle était

 12   la part de leurs ressources qui allait revenir aux budgets des

 13   municipalités. Egalement, il était important de déterminer quelle était la

 14   part du budget de la HZ-HB qui reviendrait sous la forme de services rendus

 15   à telle ou telle municipalité particulière, remplaçant par là même les

 16   services qui n'étaient plus rendus par la république.

 17   Q.  Très bien. 1D 00028. Il s'agit du décret portant sur le taux

 18   d'imposition et contribution ou cotisation. Si nous regardons l'article 2,

 19   on parle de la façon dont ce pourcentage de 80 % est calculé. Peut-être que

 20   vous pourriez nous dire de quoi il s'agit. Et ce "taux synthétique," de

 21   quoi s'agit-il ?

 22   R.  Des impôts et des contributions étaient prélevés sur les salaires nets.

 23   Mais de par l'état de guerre et suite à la disparition des différents fonds

 24   des institutions dont ces contributions constituaient les ressources, la

 25   disposition présente établit un taux unique de prélèvement et d'imposition

 26   de 80 %.

 27   Avant la guerre, ce taux se montait à peu près à 80 % déjà, mais ce qui est

 28   décidé ici, c'est que ce taux soit un taux unique de 80 % sans ventilation

Page 33806

  1   particulière selon que cela est destiné à l'enseignement supérieur, à la

  2   sécurité sociale ou autre, et tout cela passe par le budget de la HZ-HB, à

  3   ceci près que 10 % des ressources qui sont versées par les municipalités

  4   doivent être rendues aux municipalités en question au bénéfice des budgets

  5   de ces municipalités.

  6   Q.  Pièce 1D 00030, un décret qui porte sur l'introduction d'une taxe de

  7   guerre sur le territoire de la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Pourriez-

  8   vous rapidement nous commenter ceci ?

  9   R.  Il s'agit ici de l'une des décisions qui devaient contribuer à la mise

 10   en place d'un espace économique unique. Les différentes décisions à

 11   l'échelon municipal ou qui donnaient lieu à des taux différents de 8 %, de

 12   10 %, avaient pour conséquence que les entreprises se déplaçaient,

 13   s'installaient, quittaient une municipalité pour s'installer dans une

 14   autre, et cela ne faisait qu'augmenter le chaos économique. Ici, l'on

 15   s'efforce de créer des conditions qui auraient été valables sur l'ensemble

 16   de la zone de la HZ-HB. C'est pourquoi un impôt de guerre a été mis en

 17   place, impôt qui devait être prélevé sur l'ensemble de la HZ-HB.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Il vaut mieux arrêter parce qu'il nous reste deux

 19   minutes. Et comme vous le savez, il y a une audience importante à 4 heures

 20   30, donc il faut pas prendre de retard.

 21   Le Greffier m'indique que vous avez déjà utilité trois heures et 46

 22   minutes.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Trois heures et combien, s'il vous plaît ?

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Quarante six.

 25   M. KARNAVAS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

 26   Malheureusement, nous allons devoir reprendre ces documents sur les

 27   impôts. Joe, le plombier, ne serait pas très content, chose qui a été

 28   évoquée pendant la campagne électorale américaine. Merci.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, comme je vous l'ai dit, vous

  2   n'avez plus aucun contact avec la Défense, comme nous sommes de matin donc,

  3   nous nous retrouverons pour l'audience qui débutera à 9 heures demain

  4   matin.

  5   Voilà. Donc je souhaite à tout le monde une bonne fin de soirée, et je vous

  6   dis à demain matin.

  7   --- L'audience est levée à 15 heures 58 et reprendra le mardi 28 octobre

  8   2008, à 9 heures 00.

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