Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 26 novembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 24.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour

  9   tout le monde. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic

 10   et consorts. Merci, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je salue en premier,

 12   MM. les Accusés, je salue Mmes et MM. les Avocats, je salue Mme West, M.

 13   Stringer et leurs collaboratrices et toutes les personnes qui nous

 14   assistent. Nous avons pris cette audience avec 25 minutes de retard suite à

 15   un problème de nature technique qui a été résolu.

 16   Je vais maintenant donner la parole à M. le Greffier qui a deux numéros IC.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Le

 18   Procureur a donné sa réponse à des documents qui ont été donnés par 1D et

 19   3D, par le truchement du témoin Neven Tomic, qui auront les numéros IC

 20   00895 et IC 00896, respectivement. Merci, Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci Monsieur le Greffier. Madame West, je vous

 22   donne la parole. Il vous reste une heure et 45 minutes.

 23   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

 24   Juges, et bonjour à tous au sein du prétoire.

 25   LE TÉMOIN : SVETLANA RADOVANOVIC [Reprise]

 26   [Le témoin répond par l'interprète]

 27   Contre-interrogatoire par Mme West : [Suite]

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame le Professeur.

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  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Avez-vous une copie de votre rapport, s'il vous plaît ? Voilà, vous

  3   pouvez la sortir. Merci.

  4   Vous avez, dans votre témoignage, parlé du recensement de 1991 auquel vous

  5   avez participé; est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et vous êtes d'accord avec moi pour dire que lorsque les personnes sont

  8   allées poser les questions en allant visiter les maisons, il s'agissait

  9   d'entretiens en face à face, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, c'est la méthode de l'entretien.

 11   Q.  Je vous remercie. Vous avez décrit des situations dans votre témoignage

 12   où l'on voit que des gens parfois avaient tendance à hésiter à donner leurs

 13   JMBG. Quelle est la source de votre information ? Qu'est-ce qui vous pousse

 14   à dire ça ?

 15   R.  Je n'ai pas dit que les gens hésitaient. Mais j'ai dit que certaines

 16   personnes le donnaient, certaines personnes ne le donnaient pas. Certaines

 17   personnes partaient au travail sans laisser leur JMBG alors que vous prenez

 18   les informations de la famille qui sont au domicile. Donc une personne peut

 19   donner des données concernant tous les membres du domicile. Souvent, même

 20   lors du recensement de 1991, les compagnies donnaient des certificats à

 21   toutes les personnes avec des données concernant leur endroit de travail,

 22   leur numéro d'identité et le métier, mais ça ne veut pas dire que tout le

 23   monde avait cela.

 24   Il y avait une telle recommandation de laisser ce type de documents à

 25   la maison pour que d'autres membres du foyer puissent donner de bonnes

 26   données, mais peut-être tout le monde ne respectait pas cela.

 27   S'agissant des certificats des employeurs, la question-clé était

 28   l'identification de la compagnie dans laquelle la personne travaillait et

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  1   la profession, le métier lié à cette compagnie, car souvent c'était des

  2   questions auxquelles les gens ne connaissaient pas la réponse alors que sur

  3   le plan statistique, il était important de les avoir pour pouvoir analyser

  4   les structures économiques.

  5   Q.  Je pense que vous avez anticipé ma question à venir, à savoir les gens

  6   qui avaient un emploi, donc dans votre témoignage si quelqu'un avait un

  7   emploi, leurs entreprises leur donnaient un certificat avec le JMBG qu'ils

  8   étaient censés remettre à la personne qui conduisait ce recensement ?

  9   R.  Non, ce n'était pas comme ça. La compagnie était censée délivrer à

 10   chacun de ses employés -- si vous voulez, ils ne l'envoyaient pas à leur

 11   adresse personnelle. Mais là il y avait le numéro d'identification de

 12   l'établissement dans lequel la personne travaillait, le métier en question

 13   et je ne suis pas sûr si le JMBG en faisait partie aussi. Mais ces données

 14   existent et je peux, si vous voulez, les rechercher pour voir si le JMBG y

 15   existait aussi. Mais le but ne concernait pas les JMBG, mais les numéros

 16   d'identification concernant le métier et l'activité de l'entreprise en

 17   question.

 18   Les entreprise délivraient de tels formulaires à d'autres fins que le

 19   JMBG -- ceci aurait été absurde, car tout citoyen en ex-Yougoslavie en 1991

 20   avait son JMBG que ce soit dans sa carte d'identité ou son permis de

 21   conduire ou d'autres documents officiels. Donc le but ne concernait pas le

 22   JMBG. Mais je ne conteste pas le fait que peut-être sur ce formulaire --

 23   Q.  Je vous remercie. Lorsque vous êtes venue en avril au bureau du

 24   Procureur cette année, vous aviez accès à la base de données de l'OSCE

 25   concernant les listes électorales, n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous passer à

 28   huis clos partiel ?

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  3   partiel.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   Mme WEST : [interprétation] Si cette pièce pouvait être enlevée du prétoire

 20   électronique. Merci.

 21   Q.  Professeur, vous nous avez longuement parlé des registres de vote de

 22   l'OSCE. Est-ce que vous connaissez les critères d'admissibilité ?

 23   R.  Vous voulez dire les demandes de l'OSCE ?

 24   Q.  Oui.

 25   R.  Oui.

 26   Mme WEST : [interprétation] Pouvons-nous, s'il vous plaît, avoir le

 27   P 10735, qui figure dans le deuxième classeur. C'est à la page 2 de la

 28   version anglaise, et la page 69 de la version serbe.

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  1   Q.  Si vous regardez devant vous, vous l'aurez sous les yeux. Bien. Il

  2   s'agit du cadre général de l'accord de Dayton concernant les élections et

  3   leurs modalités.

  4   Si vous vous reportez à la page 2, l'article 1V parle de l'éligibilité, qui

  5   dit :

  6   "Tout citoyen de Bosnie-Herzégovine de plus de 18 ans dont le nom figure

  7   sur le recensement de 1991 pour la Bosnie-Herzégovine pourra être éligible

  8   conformément aux règlements en matière d'élection. Un citoyen qui ne vit

  9   plus dans la municipalité où il résidait en 1991 devra, généralement, voter

 10   en personne en se présentant dans cette municipalité à partir du moment où

 11   cette personne est bien inscrite dans cette municipalité, ce qui aura été

 12   confirmé par la commission électorale locale et la commission électorale

 13   provisoire. Ce citoyen pourra néanmoins faire une demande auprès de la

 14   commission pour voter ailleurs. L'exercice d'un droit de vote d'un réfugié

 15   sera interprété comme étant la confirmation de son intention de revenir en

 16   Bosnie-Herzégovine.

 17   "Le jour du scrutin, le retour des réfugiés devra déjà être commencé,

 18   permettant ainsi à un grand nombre de personnes à participer en personne au

 19   scrutin en Bosnie-Herzégovine. La commission pourra fournir les règles en

 20   matière électorale aux citoyens qui n'avaient pas été enregistrés en 1991

 21   lors du recensement."

 22   Donc vous êtes d'accord, Madame le Professeur, pour dire qu'en vertu de cet

 23   article 1V, pour pouvoir avoir le droit de voter, il suffisait d'être

 24   répertorié au recensement de 1991 ?

 25   R.  Il est nécessaire que cette personne soit citoyenne de la Bosnie-

 26   Herzégovine, qu'elle soit âgée d'au minimum 18 ans, et elle ne doit pas

 27   être englobée par le recensement de la population, mais ce n'est pas

 28   nécessaire. Car s'il ne fait pas partie du recensement, avec deux témoins

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  1   ce citoyen peut prouver le fait qu'il est citoyen de la Bosnie-Herzégovine.

  2   Il ne s'agit pas seulement de deux témoins. Il peut aussi se rendre auprès

  3   d'un dirigeant religieux.

  4   Si vous le souhaitez, je peux vous montrer les instructions de l'OSCE

  5   pour que vous voyiez quels sont les précédents en question. Donc il est

  6   souhaitable que la personne fasse partie du recensement de 1991, mais il

  7   peut prouver - est-ce que vous souhaitez que je vous montre les

  8   instructions ?

  9   Q.  Non, Professeur. Je ne suis pas en désaccord avec vous, mais je

 10   voudrais revenir sur la terminologie utilisée dans l'article 1V, qui parle

 11   aussi de quelque chose dont nous parlions auparavant, à savoir où le vote

 12   devait compter, c'est-à-dire le choix où ils souhaitaient faire enregistrer

 13   leur scrutin. Est-ce que vous voyez cette partie-là ?

 14   R.  Je suis d'accord avec vous. Un citoyen peut voter là où il le souhaite

 15   si la commission l'approuve, si ceci est contesté. Si en 1991, il était là-

 16   bas et s'il y avait déjà voté en 1991, dans ce cas-là, il n'a pas besoin de

 17   l'approbation de la commission.

 18   Q.  Bien. Professeur, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que

 19   l'endroit où la personne souhaitait faire comptabiliser son scrutin était

 20   tout à fait différent par rapport au bureau de vote où il entrait pour se

 21   faire inscrire sur la liste ?

 22   R.  Je ne serais pas d'accord avec vous. Tout d'abord, je dois me rendre au

 23   bureau pour dire où je souhaite voter. Disons, que je suis de Mostar et en

 24   ce moment je suis à Sarajevo pour quelque raison que ce soit, que ce soit

 25   un déplacement volontaire ou que j'aie été forcée à aller à Sarajevo, et au

 26   moment des élections, logiquement, je vais à Sarajevo, et je dis : "Si

 27   possible, je souhaite voter à Mostar. Mais peut-être que je ne reviendrai

 28   plus jamais à Mostar, est-ce que je peux voter à Sarajevo." Et ils disent :

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  1   "Bien. Montrez-nous à quel moment vous êtes venue à Sarajevo. Si c'était en

  2   1996 ou si c'était après 1996 ?"

  3   Je dois disposer d'un certificat indiquant soit que je suis résidente

  4   permanente de Sarajevo ou une carte de réfugié qui indiquerait que je suis

  5   une réfugiée et que je n'ai pas la possibilité de me rendre à Mostar.

  6   Q.  Merci, Professeur. Je pense que nous sommes d'accord sur ce point. Vous

  7   venez de nous expliquer que cette personne veuille comptabiliser son vote à

  8   Mostar, mais qu'en fait elle allait s'inscrire à Sarajevo ?

  9   R.  Ce n'est pas toujours le cas, comme je l'ai dit. J'ai la possibilité

 10   selon laquelle ils pourraient m'approuver que je vote pour Mostar, mais je

 11   dois fournir une explication de mes raisons. Si j'ai quitté Mostar

 12   volontairement, je suis maintenant citoyenne de Sarajevo, et peut-être que

 13   je ne reviendrai plus jamais. Si je suis partie de façon forcée, dans ce

 14   cas-là, peut-être je peux demander que mon vote compte à l'endroit où je

 15   résidais en 1991. Mais peut-être entre-temps j'ai changé d'avis. Je suis

 16   maintenant réfugiée à Sarajevo et je souhaite y rester.

 17   Il y a toutes sortes de possibilités que je peux expliquer devant la

 18   commission, et elle peut les approuver ou non.

 19   Q.  Merci, Professeur, je pense que c'est très clair.

 20   Mme WEST : [interprétation] Passons à la pièce P 10738, 10738. La page 7 de

 21   la version anglaise, page 4 en B/C/S.

 22   Q.  Il s'agit d'un document de l'OSCE, manuel d'adjudication, c'est-à-dire

 23   le manuel par lequel l'OSCE donne des instructions aux personnes qui

 24   travaillaient pour elle pour essayer de faire comprendre à ses employés ce

 25   qu'ils étaient censés faire. En particulier à la page 4 -- pardon, à la

 26   page 7 de la version anglaise et page 4 du B/C/S, on parle de l'inscription

 27   en personne, inscription en personne en dehors de la BiH. Je voudrais vous

 28   en lire une partie qui dit :

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  1   "Le processus d'inscription des électeurs dans la fédération se fera en

  2   parallèle avec un processus d'enregistrement mené au sein des frontières de

  3   la BiH. La commission d'enregistrement des électeurs vérifiera par ses

  4   employés l'éligibilité, et les candidats devront remplir des documents qui

  5   devraient pouvoir être scannés, et les remplir en personne dans les centres

  6   à l'extérieur du pays."

  7   Professeur, est-ce que vous êtes d'accord pour dire avec moi que cette

  8   terminologie nous dit que dans la BiH les gens venaient dans les bureaux

  9   pour s'inscrire aux élections et l'employé de l'OSCE était là pour vérifier

 10   qu'ils étaient éligibles ? Autrement dit, les gens venaient bien en

 11   personne pour s'inscrire sur les listes ?

 12   R.  Il s'agit ici de gens qui votent en République fédérale de Yougoslavie

 13   et en Croatie. Ça n'a rien à voir avec les électeurs ou la procédure qui

 14   est en vigueur au sein de la Bosnie-Herzégovine. Les électeurs de la

 15   République fédérale de Yougoslavie et de Croatie viennent en personne. Ils

 16   ne peuvent pas envoyer quelqu'un d'autre à leur place. D'abord, il faut

 17   qu'ils prouvent qu'ils sont originaires de Bosnie-Herzégovine. Ça ne change

 18   rien à la chose.

 19   Les électeurs de la République fédérale de Yougoslavie, je le sais pour

 20   sûr, et je crois que c'est le cas de la Croatie, s'ils ont la citoyenneté

 21   de la Serbie, ils prennent leur passeport de Bosnie-Herzégovine, puisqu'ils

 22   l'ont également, étant donné qu'ils sont aussi citoyens de la Bosnie-

 23   Herzégovine, et ils se déclarent voulant voter.

 24   Q.  Bien. Si nous revenons à ce qui est dit ici, il est dit que

 25   l'inscription hors du pays qui est décrite ici, et vous avez raison, se

 26   fait en parallèle du processus d'inscription mené au sein du pays --

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Attention, il n'est pas dit se produit "en

 28   parallèle", mais se produit "essentiellement en parallèle." Et je crois que

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  1   l'on utilise ce mot ici à dessein.

  2   Mme WEST : [interprétation]

  3   Q.  Je vais reposer la question au Pr. Serez-vous d'accord avec moi pour

  4   reconnaître que ce qui est dit ici semble suggérer que les personnes

  5   devaient se présenter d'elles-mêmes pour s'inscrire ? C'est bien ce que je

  6   dois entende par ce terme "in country" ?

  7   R.  En Bosnie-Herzégovine, ils n'avaient pas à venir eux-mêmes. La plupart

  8   venaient en personne probablement; mais je comprends qu'ils n'aient pas eu

  9   à venir en personne. La recommandation était de venir en personne, mais de

 10   là à dire qu'ils sont effectivement venus tous en personne ou pas, c'est

 11   autre chose. Alors, pour parler d'un processus parallèle, ça ne veux pas

 12   dire que la méthodologie est la même.

 13   Un processus dure entre octobre et décembre. Je le dis de tête, mais

 14   il y a à peu près deux mois et demi pour s'enregistrer, c'est-à-dire

 15   s'inscrire. Donc la méthode d'inscription pouvait -- mais n'était pas

 16   forcément la même.

 17   Mme WEST : [interprétation] Très bien. J'aimerais que l'on examine

 18   maintenant la pièce P 10737, P10737.

 19   Q.  C'est dans le deuxième classeur.

 20   R.  P 1 --

 21   Q.  Oui, regardez à l'écran, Professeur. Vous verrez le document.

 22   R.  O.K.

 23   Q.  Il s'agit de la sous-commission chargée de la vérification de la

 24   citoyenneté de l'OSCE. Je vous demanderais d'examiner l'article 17.3. Il

 25   est dit : "Si le nom d'un individu n'est pas retrouvé dans le recensement

 26   de 1991, ajusté pour tenir compte des élections du 14 septembre 1996 au

 27   cours de la période d'inscription des électeurs, une preuve de citoyenneté

 28   de 1991 devra être présentée au cours de la période d'inscription des

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  1   électeurs, sous la forme soit d'un certificat de citoyenneté délivré avant

  2   1991, ou sous la forme d'un récépissé délivré par l'autorité municipale

  3   compétente afin d'établir qu'il ou elle a été enregistré en tant que

  4   citoyen dans l'un des registres municipaux officiels avant le recensement

  5   de 1991. Tous ces récépissés feront l'objet de vérification conformément

  6   aux pratiques et aux procédures établies par la commission provisoire

  7   électorale."

  8   C'est bien ce dont vous parliez il y a quelques instants, Professeur,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est exact, mais ici vous n'avez qu'une partie de consignée.

 11   L'instruction, je vais vous la sortir et je vais vous la montrer.

 12   Je vais demander à quelqu'un de m'aider. "Comment vérifie-t-on l'identité

 13   de l'électeur ?" Et on dit : "Tout ce qu'on peut prendre en considération."

 14   M. KARNAVAS : [interprétation] Peut-être qu'à toutes fins utiles il serait

 15   bon de présenter ce document sur le rétroprojecteur pour en vérifier la

 16   nature et le titre.

 17   Professeur --

 18   Mme WEST : [interprétation]

 19   Q.  Professeur, pouvez-vous nous dire quel est ce document ?

 20   R.  Oui. C'est le document que j'ai envoyé au bureau du Procureur. Il

 21   s'agit d'un manuel pour l'inscription des électeurs. C'est daté de 1997.

 22   C'est publié par l'OSS. Je vais vous donner lecture ou quelqu'un d'autre

 23   peut-il donner lecture ? Je ne sais pas.

 24   Q.  Non, allez-y. Vous pouvez effectivement donner lecture de la partie

 25   dont vous parlez.

 26   R.  "Chaque personne enregistrée doit présenter ses pièces d'identité pour

 27   être identifiée." Je ne vais pas tout lire. Et on énumère les documents en

 28   question : carte d'identité ou certificat de citoyenneté, voire passeport,

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  1   voire extrait de naissance, voire attestation, et cetera. Puis on dit :

  2   "Une personne ne possédant aucun des documents énumérés ci-dessus à

  3   des fins d'identification peut prouver sa nationalité en faisant une

  4   déclaration. Celle-ci doit englober son nom et prénom, l'adresse au moment

  5   du recensement, le numéro unique d'immatriculation et l'adresse actuelle.

  6   Cette déclaration doit être faite en présence de l'une des personnes comme

  7   suit : un juge permanent, une personnalité religieuse, un employé de la

  8   municipalité, ou encore deux personnes dont les noms figurent au

  9   recensement de 1991."

 10   Donc l'une de ces personnes.

 11   Q.  Je vous remercie. Je vais revenir sur quelque chose que vous avez dit

 12   tout à l'heure. Vous avez dit que les documents susceptibles d'être

 13   utilisés sont énumérés ici : carte d'identité, certificat de citoyenneté,

 14   passeport, certificat de naissance, autre certificat, et cetera.

 15   Seriez-vous d'accord avec moi pour reconnaître que l'idée d'une

 16   présentation d'un document d'identité, d'après ce que dit la commission de

 17   l'OSCE, c'est -- non, elle ne le dit pas, mais en réalité, l'objectif,

 18   c'est de procéder à une comparaison avec le recensement de 1991 de façon à

 19   ce que l'employé de l'OSCE puisse comparer ce document d'identité avec les

 20   informations émanant du recensement de 1991 ?

 21   R.  Madame, toutes les listes électorales, indépendamment du fait de savoir

 22   si c'est un temps de paix ou un temps de guerre, c'est fait partant d'une

 23   base de données fournie par le recensement de la population. C'est toujours

 24   le cas. Si en plus il y a eu une guerre quelque part et si la population a

 25   été déplacée, et ainsi de suite, il faut que le fondement soit ce

 26   recensement de la population, soit

 27   en vigueur pour ce qui est des territoires de l'ex-Yougoslavie, je ne sais

 28   pas comment ça se passait ailleurs.

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  1   Mais si on procédait maintenant à un recensement pour des élections en

  2   Croatie ou ailleurs, on prend pour base le recensement de la population

  3   parce que, écoutez, comment voulez-vous qu'on consigne tout électeur ?

  4   D'abord il faut que vous ayez une idée de votre corps électoral. Et l'idée

  5   du corps électoral c'est fourni par le recensement de la population.

  6   Comment pouvons-nous dire qu'il y a eu, par exemple, 60 % ou

  7   30 % ou que sais-je encore, quel pourcent d'électeurs à être sortis aux

  8   urnes, si on ne sait pas combien ils sont. Donc c'est partant des listes

  9   électorales établies avant les élections. Et c'est fait à partir du

 10   recensement de la population. Vous avez aussi des mises à jour de ces

 11   listes pour, par exemple ceux qui sont décédés, et cetera.

 12   Q.  Oui, c'est très utile. Merci. Et dans ce cas-ci, en ce qui concerne les

 13   élections de 1997, 80 % du corps électoral a voté ?

 14   R.  Ce n'est pas exact. C'est votre expert qui le dit, mais ce n'est pas

 15   exact. Si vous vous penchez sur ces tableaux à elle, où il est dit qu'il y

 16   a eu correspondance d'établie pour 52 000 alors que le nombre des habitants

 17   en 1991 était 60% d'à peu près, 60 % --

 18   Q.  Non, je crois que vous avez mal compris ma question. Ma question était

 19   la suivante : Combien de personnes se sont inscrites pour voter en 1997 ?

 20   N'est-il pas vrai que 80 % de l'électorat s'est inscrit sur les listes ?

 21   Excusez-moi, je ne parlais pas de recoupement entre les inscrits et les

 22   votants.

 23   R.  Non, ce n'est pas un fait. C'est votre expert qui dit que les listes

 24   électorales, ou plutôt au sein des listes électorales il manquait entre 20

 25   et 40 % des électeurs. Dans la réplique Blagojevic que j'ai ici sur moi,

 26   c'est ce que dit votre expert à vous.

 27   Q.  Très bien. Merci. Merci, Madame. Mais revenons à ce que vous avez dit

 28   tout à l'heure, lorsque vous parliez des listes qui étaient fondées

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  1   finalement sur les résultats du recensement. Conviendriez-vous avec moi que

  2   dans tous les bureaux d'inscription de l'OSCE, les employés de l'OSCE

  3   avaient des copies papier, en fait, des résultats du recensement en 1991

  4   ainsi qu'une version électronique de ces résultats, de façon à veiller à ce

  5   que la personne qui entrait dans leurs bureaux avait été prise en compte --

  6   pardon, par le recensement ?

  7   R.  Je ne suis pas d'accord avec la terminologie utilisée, mais il se peut

  8   que ce soit une question d'interprétation, de traduction.

  9   L'enregistrement des électeurs ne se base pas sur le résultat du

 10   recensement, ça se base sur un listing individuel. Parce qu'en Bosnie-

 11   Herzégovine, il y avait un recensement d'effectué et les premières

 12   instructions pour ce qui est des recenseurs disaient qu'il fallait

 13   rechercher ladite personne dans le recensement de la population. Mais il y

 14   a eu toute une série de problèmes pour retrouver l'individu en question.

 15   Par exemple, il y a un alinéa à part qui dit : "Attention : Etant donné la

 16   qualité de l'inscription des noms et prénoms, il y a des difficultés à

 17   trouver tout un chacun. Donc si vous rencontrez ce problème, vous devez

 18   revenir."

 19   Q.  Oui effectivement, je crois qu'il doit y avoir un problème de

 20   traduction parce que ce n'était pas ma question. Ma question était la

 21   suivante : Lorsque quelqu'un s'inscrivait en 1997, qu'elle passait la

 22   porte, n'est-il pas exact que l'OSCE disposait d'un exemplaire des

 23   résultats, un exemplaire pas qui est électronique des résultats du

 24   recensement de 1991 ? C'était cela ma question.

 25   R.  Ils avaient les exemplaires mis en ordinateur en fonction des noms et

 26   prénoms. Peut-être pas le recensement entier. Donc le nom et prénom et

 27   peut-être encore une ou deux informations. Ils avaient cela et partant du

 28   recensement de 1991, ils essayaient de retrouver le nom de la personne

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  1   venue pour s'inscrire. Des fois ça marchait, mais des fois ça ne marchait

  2   pas.

  3   Q.  Merci. Alors, de façon plus générale, revenons sur le processus à

  4   suivre par quelqu'un qui souhaitait s'inscrire sur les listes. Vous allez

  5   me dire si vous êtes d'accord avec ma description.

  6   D'abord, cette personne arrive au bureau, ensuite elle donne son nom

  7   ainsi qu'un document d'identité tel que celui que vous avez ou ceux que

  8   vous avez évoqués. Troisième étape, l'employé de l'OSCE consulte les

  9   résultats du recensement sur papier ou sur son ordinateur pour voir si la

 10   personne qui se trouve en face de lui correspond aux listes du recensement.

 11   Quatrième étape, si cette personne effectivement figure dans les résultats,

 12   on l'inscrit. Mais si cette personne -, et c'est la cinquième étape - ne

 13   figure pas au recensement, il faudra trouver d'autres moyens de s'assurer

 14   que cette personne était citoyen 1991.

 15   Seriez-vous d'accord globalement avec la description que je viens de

 16   faire de cette procédure ?

 17   R.  D'une façon générale, oui. Mais quand vous dites "choses pareilles,"

 18   vous sous entendez, à ce que je vois, que l'employé de l'OSCE a trouvé

 19   Svetlana Radovanovic après avec son nom et prénom exacts. L'employé de

 20   l'OSCE n'a peut-être pas pu le trouver parce qu'on n'a pas pu voir

 21   "Svetlana," mais "Sjelana" une erreur de frappe ou Suzana. Alors il voit

 22   que la date, le lieu coïncident ou d'autres indications coïncident, mais il

 23   peut considérer qu'il m'a retrouvé dans le recensement de la population.

 24   Donc le devoir de cet employé --

 25   Q.  Merci. Merci, Professeur.

 26   R.  [aucune interprétation]

 27   Alors, si tel est le cas, peut-on conclure qu'en 1997 ou en 1998, l'OSCE

 28   était la première organisation à procéder à un recoupement entre les listes

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  1   électorales et le recensement de 1991,  à les faire coïncider ?

  2   R.  En 1997, 1998 en Bosnie, oui. Mais s'il n'y avait pas eu l'OSCE et si

  3   c'était en temps de paix, les commissions électorales de la Bosnie-

  4   Herzégovine auraient fait le même travail. Par un concours de

  5   circonstances, ça été fait par l'OSCE.

  6   Q.  Merci. Seriez-vous d'accord avec moi pour reconnaître que l'OSCE, de ce

  7   fait a fait office de filtre en quelque sorte en matière de coïncidence de

  8   recoupement, recoupement auquel a procédé le bureau du Procureur par la

  9   suite ?

 10   R.  En aucun cas.

 11   Q.  Bien. Voyons quelques exemples. Vous êtes venu ici en avril au bureau

 12   du Procureur, vous avez eu accès à toutes les données sur la base

 13   desquelles le bureau du Procureur a fait reposer ses résultats, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  J'avais les listes électorales.

 16   Q.  Bien. S'agissant de ma question d'hier, quant à savoir si une mise en

 17   coïncidence avec le JMBG serait idéale, vous avez dit que ce serait la

 18   méthode la plus fiable, mais ce ne serait pas la méthode idéale car il

 19   aurait fallu veiller à ce que le numéro d'identification soit unique et

 20   correct. Il est unique, le nom le dit, mais il faut également qu'il soit

 21   correct. C'est sans doute néanmoins l'outil le plus fiable de recoupement.

 22   Je vous ai posé la question de savoir si le bureau du Procureur avait

 23   utilisé ce numéro seulement et que c'était là la seule méthode utilisée.

 24   Vous avez été en désaccord et vous avez dit, en réponse à cette question,

 25   Professeur : "La méthode de mise en correspondance pose un problème avec ce

 26   numéro. Si le numéro d'identification personnel avait été utilisé comme

 27   critère, et s'il avait été fiable, s'il avait été exact, correct, les

 28   données auraient sans doute été beaucoup plus fiables."

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  1   Alors, ma question est la suivante et je vous demanderais de garder ce que

  2   vous avez dit hier à l'esprit : vous souvenez-vous de la chose suivante, la

  3   technique de mise en correspondance du bureau du Procureur a permis

  4   d'aboutir au résultat de 142 204. Vous vous souvenez de cette

  5   correspondance et de ce chiffre de 142 204 ?

  6   R.  Je m'en souviens, mais ce n'est pas fait en fonction du JMBG, du numéro

  7   de matricule, mais en procédant par nom et prénom, et ainsi de suite. Si

  8   l'on procédait à cette corrélation aussi en se servant du JMBG, on ne dit

  9   pas combien de cas il y a eu de corrélés en utilisant le JMBG. Donc je sais

 10   ce que votre expert a dit. Il a dit qu'il y a eu établissement de

 11   correspondance en se référant au nom ou prénom, au numéro de la carte

 12   d'identité, et cetera. Donc si cela est le cas, combien y en a-t-il eu de

 13   mis en corrélation avec le JMBG ?

 14   Q.  Professeur --

 15   R.  Et c'est là une chose qui me permettrait de savoir pour sûr.

 16   Q.  Professeur, vous étiez en mesure de procéder à cet examen vous aussi.

 17   Alors, sur ce chiffre 142 000 et quelques, quelles ont été les corrélations

 18   établies sur la base exclusivement du JMBG ?

 19   R.  Madame, ça n'a pas du tout été ma mission. Je ne m'efforce pas de

 20   prouver ici quelque chiffre que ce soit.

 21   Q.  Professeur, votre avis sur le rapport du bureau du Procureur pourrait-

 22   il changer si vous saviez que 80 % de ces 142 000 et quelques corrélations

 23   ont été réalisées grâce à l'usage exclusif du JMBG ?

 24   R.  Tout d'abord, je doute qu'il y ait eu autant de bons JMBG, numéros

 25   d'immatriculation de citoyen, en Bosnie-Herzégovine, parce que ça aurait

 26   été un précédent véritablement. D'après ce que j'en sais, il y a énormément

 27   d'erreurs au niveau de ces numéros de matricule individuels par

 28   municipalité ou au sein de toutes les municipalités. Si 85 % des chiffres

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  1   de -- ou des numéros de matricule individuels se trouveraient avoir été

  2   bons - et cela ne signifie pas qu'il y a 13 chiffres alignés, attention -

  3   donc si 85 % de ces JMBG au niveau des listes électorales se trouveraient

  4   être également bons, j'aurais considéré que le taux de correspondance était

  5   fort important.

  6   Q.  Merci.

  7   Mme WEST : [interprétation] Nous allons examiner la

  8   pièce 10761, et nous allons passer, si vous le voulez bien, à huis clos

  9   partiel pour ce faire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Poursuivez.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience à huis

 12   clos partiel.

 13   [Audience à huis clos partiel]

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 12   [Audience publique]

 13   M. KARNAVAS : [interprétation] Puis-je être entendu pendant deux minutes ?

 14   A la page 36, ligne 24, le Juge Trechsel a indiqué que j'avais prétendu ou

 15   fais semblant, et peut-être que c'est là une question de langue. Je sais

 16   que l'anglais est pour lui l'une des nombreuses langues qu'il parle et non

 17   pas sa langue maternelle, alors je voudrais que le compte rendu soit tout à

 18   fait clair. Lorsque j'ai fait objection et que je me suis levé, je

 19   n'essayais pas de prétendre ou de faire semblant de quoi que ce soit. Je

 20   présente des arguments. Je n'essaie pas de mentir, de duper la Chambre ou

 21   de faire quoi que ce soit qui ne serait pas convenable. Je voulais

 22   simplement que le compte rendu soit clair à cet égard.

 23   Et je m'excuse d'avoir élevé la voix, mais la suggestion qui m'a été faite

 24   que je faisais semblant de quelque chose m'a peut-être amené à élever la

 25   voix. Je ne prétends rien. Je ne fais semblant de rien. Je présente des

 26   arguments. Je suis membre du barreau. Je suis ici au service de la Cour. Et

 27   j'ai un certain nombre d'obligations déontologiques, et l'une de ces

 28   obligations est d'être tout à fait honnête et droit à l'égard de la Chambre

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  1   de première instance à tout instant.

  2   Je voulais que le compte rendu reflète ceci de manière tout à fait claire.

  3   Je pense qu'il y a eu simplement peut-être un abus de langage et une erreur

  4   peut-être terminologique ici, et je voulais m'assurer que ceci soit clair.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Maître

  6   Karnavas. C'est effectivement un problème de langue, c'est une difficulté

  7   interculturelle, linguistique.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : -- il vous reste 42 minutes, c'est ce que le

  9   greffier m'a précisé.

 10   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Professeur, avez-vous votre rapport sous les yeux ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  A la page 26 de l'anglais de votre rapport, c'est-à-dire la page 24 du

 14   B/C/S, vous dites que l'échantillon utilisé par le bureau du Procureur, que

 15   la part et le changement de proportion de la population musulmane et croate

 16   par rapport à l'ensemble de la population en 1991 et en 1997 et même en

 17   1998 n'ont pas été affectés de manière significative.

 18   Voici quelle est ma question. Globalement, dans la zone dont nous parlons,

 19   les proportions des différents groupes ethniques n'ont pas changé, n'est-ce

 20   pas, elles sont restées à peu près les mêmes ?

 21   R.  Ce n'est pas moi qui le dis. C'est votre expert qui le dit. Votre

 22   expert, dans une partie de son analyse que je pense avoir déjà citée, nous

 23   dit que c'est une chose intéressante, car l'on ne relève pas de

 24   modifications dans la structure ethnique. Je peux exactement vous trouver

 25   la section où votre expert le dit. Je l'ai citée avec des guillemets dans

 26   mon rapport.

 27   En fonction des résultats avancés par votre expert et partant du tableau

 28   que j'ai présenté pour l'Herceg-Bosna en tant que territoire tout entier,

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  1   ces modifications ne sont pas visibles.

  2   Nous en avons débattu hier ou avant-hier, je ne me souviens pas, pour ce

  3   qui est du 44,4 et du 54,4. Si vous vous en souvenez, pour ne pas revenir

  4   sur le tableau. Là, il n'y a pas de changement radical du ratio de certains

  5   groupes ethniques dans la population totale de l'Herceg-Bosna.

  6   Q.  Professeur, c'était bien cela que vous essayiez d'affirmer dans cette

  7   discussion où ont été évoqués un certain nombre de pourcentages, 22 %, 10

  8   %, à savoir qu'il n'y a pas eu de changement significatif globalement ?

  9   R.  Non. Ce que j'ai voulu dire, c'est que votre expert se sert d'indices

 10   non démographiques pour démontrer qu'il y a modification de la structure

 11   ethnique bien plus grande que cela n'est le cas. Il affirme que les Croates

 12   ont connu une croissance de leur part de

 13   22 %. Ce n'est pas exact. Il y a eu augmentation, si vous prenez en

 14   considération les indices démographiques, de moins de 10 %. Il me semble

 15   que c'était 9,8, pour être précise.

 16   Donc votre expert se sert d'indices qui se rapportent à des modifications

 17   du pourcentage en pourcentage, donc un chiffre a augmenté vis-à-vis d'un

 18   autre chiffre de 22 %, or, ce n'est pas un indice démographique, cela.

 19   Q.  Mais s'agissant de la composition ethnique globale du secteur, ce n'est

 20   pas une considération qui établit une distinction entre différentes

 21   municipalités s'agissant des groupes ethniques qui s'y trouvent ?

 22   R.  On peut le voir, votre expert a fait pour chacune des municipalités une

 23   présentation de ce genre. Il y a une quantité innombrable de tableaux où

 24   l'on répète un nombre innombrable de choses; mais on n'a pas présenté un

 25   tableau analytique. Il est certain que d'une municipalité à l'autre, il y a

 26   eu des modifications différentes dans le cadre de ces structures ethniques.

 27   Et ce qu'on doit dire, c'est que ce sont des modifications découlant de ce

 28   que votre expert a considéré comme étant des chiffres bien corrélés. Mais

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  1   quand la corrélation est bonne, on ne compare pas avec le recensement de la

  2   population en 1991, parce que dans l'évaluation de ces chiffres-là votre

  3   expert confond les serviettes et les torchons.

  4   Q.  Merci. Aux lignes 9 et 10, vous disiez : "Il est certain que les choses

  5   étaient différentes d'une municipalité à l'autre s'agissant de la structure

  6   ethnique de leur population."

  7   Mme WEST : [interprétation] Pour parler de cela justement, j'aimerais que

  8   l'on examine la pièce P 10752, que nous allons faire apparaître à l'écran.

  9   Q.  Professeur, c'est l'un des tableaux du bureau du Procureur qui

 10   reprend très exactement ce dont vous parlez, à savoir certaines

 11   modifications au sein de certaines municipalités, de la composition

 12   ethnique.

 13   N'est-il pas exact qu'en 1991, dans le secteur dont nous parlons,

 14   huit municipalités présentaient une majorité relative d'un groupe ethnique

 15   tandis que six autres présentaient une majorité absolue; toutefois, en

 16   1997, on constate que ces 14 municipalités comptent une majorité absolue

 17   d'un groupe ethnique particulier, n'est-ce pas ?

 18   R.  D'après ces renseignements, oui.

 19   Q.  Bien. Alors, lorsque vous avez dit, au cours de votre interrogatoire

 20   principal, qu'il n'y avait pas eu de différence ou de changement

 21   significatif dans le classement en quelque sorte des groupes ethniques,

 22   vous ne vous exprimiez pas sur les municipalités proprement dites ?

 23   R.  Non, ce n'est pas cela. Je me suis penchée sur chacune des

 24   municipalités au cas le cas, le problème est le suivant : en 1997, 1998,

 25   les données que votre expert -- sont combinées par cet expert comme il

 26   l'entend et non pas suivant une solution méthodologique qui est la bonne.

 27   Je lui ai donné ce tableau analytique sans avoir les autres données, si ce

 28   n'est la combinaison utilisée par votre expert pour montrer qu'en termes

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  1   pratiques, ces changements ne sont pas intervenus.

  2   Q.  Merci, Professeur.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Madame West.

  4   Pourriez-vous nous donner la source de ce tableau ?

  5   Mme WEST : [interprétation] Oui, c'est l'exposé "PowerPoint" du bureau du

  6   Procureur, en tout cas celui qui a été utilisé dans le cadre du témoignage

  7   d'expert d'Ewa Tabeau et c'est l'annexe A1 du rapport de l'Accusation.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est donc de Tabeau ?

  9   Mme WEST : [interprétation] En effet.

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Bien.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Toutefois, je me demande s'il a été versé au

 12   dossier. J'ai cru comprendre que ce document avait été rejeté par la

 13   Chambre de première instance. Alors peut-être que c'est une erreur de ma

 14   part, mais on me dit que la Chambre de première instance a exclu le

 15   versement de ce document. Si tel est le cas, bien sûr, j'objecte à ce qu'on

 16   utilise ce tableau au cours de la suite de ce témoignage-ci.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'ai pas ça en souvenir.

 18   Madame, j'ai juste une interrogation parce que je suis un peu perdu.

 19   Regardez Mostar, Srpski Mostar. En 1991, 55,6 % de Musulmans. En 1997, il y

 20   a 98,3 % de Serbes. C'est possible ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a un problème méthodologique crucial ici.

 22   Calculé de cette façon, ça peut sembler être le cas, mais il y a un

 23   problème qui s'appelle prendre en considération ces renseignements en

 24   application du découpage administratif nouveau. Ce découpage administratif

 25   nouveau, mis en place en 1996, 1997, je ne sais plus exactement, partage un

 26   tout qui est la municipalité de Mostar pour en faire huit municipalités

 27   distinctes. Chacune des frontières de ces municipalités, à part, dans le

 28   cas concret pour le Dr Tabeau, ça constitue un déménagement ou un

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  1   changement de la structure ethnique.

  2   Les gens auraient parfaitement bien pu rester au même endroit, mais

  3   maintenant la frontière les a délimités. Si vous avez, par exemple, des

  4   cités mixtes ou une structure ethnique hétérogène, ça se concentre très

  5   souvent, il n'y a pas un mélange à un tel point, il y a des concentrations

  6   ça et là. Une ligne tirée ici peut changer la concentration. Vous avez une

  7   nouvelle municipalité qui a une nouvelle structure de population carrément.

  8   Ce que vous voyez comme Srpski Mostar, Mostar serbe, par rapport à Mostar

  9   au total, constitue moins de 1 % de la population totale.

 10   Si vous calculez avec des chiffres si petits et que vous tirez de là

 11   des pourcentages sans pour autant montrer les chiffres absolus, ça vous

 12   donne une idée qui mathématiquement est exacte, mais ça n'englobe pas en

 13   soi toute une série d'autres éléments qui vous avertiraient des raisons

 14   pour lesquelles c'est comme ça.

 15   A cet effet, il y a beaucoup plus d'informations fiables à obtenir au

 16   cas où l'expert aurait utilisé le découpage administratif et territorial de

 17   1991.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Professeur, peut-être que ce tableau a été

 19   rejeté par la Chambre, on va vérifier. Mais je prends par exemple Mostar-

 20   Jug. En 1991, 49 %, semble-t-il, de Croates. En 1997, un bond

 21   spectaculaire, 96 %. Mais quand je vois ce tableau, je -- enfin, quelqu'un

 22   de l'extérieur peut se poser la question, est-ce que le bond spectaculaire,

 23   à quelle date est-il intervenu ? 1993 ou après ?

 24   Et là, un tableau peut-il, pour un démographe, être parlant ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, aucun tableau de ce type-là et dans le

 26   rapport, il n'y a pas du tout, il n'existe pas de modalité pour laquelle on

 27   pourrait dire, ça, ça a eu lieu en 1993, en 1994, ça en 1995, 1996, 1997,

 28   et cetera.

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  1   Le Dr Tabeau a tout fait en prenant la période 1991 - 1998, mais il

  2   n'y a pas une seule phrase ou une seule façon de déterminer ou une source

  3   d'informations pour dire quelles sont les phases intermédiaires entre 1991

  4   et 1997. On ne peut pas dire ceci s'est passé entre 1991 et 1992, ceci

  5   s'est passé entre 1992 et 1993 et ainsi de suite. Donc il n'y a pas de

  6   façon de le faire, car il n'y a pas de source de données à cet effet.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, ce tableau avait été rejeté par la

  8   Chambre mais, bien entendu, il peut être utilisé quand il s'agit de tester

  9   la crédibilité d'un témoin, mais autrement ce tableau n'avait pas été

 10   admis.

 11   Bien, continuez, Madame West.

 12   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Je voulais simplement poursuivre. Vous avez dit que le bureau du

 14   Procureur avait utilisé finalement le découpage municipal post-Dayton

 15   plutôt que les municipalités de 1991.

 16   C'est bien ce qui a été utilisé, n'est-ce pas, ces données post-Dayton ?

 17   R.  La question est celle de savoir qui fait quoi. Il est certain que bon

 18   nombre d'entre eux se servent du nouveau découpage territorial, mais il n'y

 19   a pas de comparaison avec 1991 en vue de prouver ce qui s'est passé entre

 20   1992 et 1993, 1993 et 1994, 1995, 1996. Ces nouveaux découpages

 21   administratifs territoriaux sont des découpages qui sont utilisés à présent

 22   par la Bosnie-Herzégovine toute entière. Mais lorsque vous êtes démographe

 23   et que vous tirez des données à titre comparatif et que vous voulez que ces

 24   données soient mises en parallèle, alors, vous utilisez ceux où vous êtes

 25   tout à fait certain, certain de façon fiable, d'aboutir au bon résultat.

 26   Votre expert a pris 1991 et l'a ramené au nouveau découpage

 27   administratif territorial, ce qui est très difficile, parce qu'il faut

 28   maintenant discerner les cercles de recensement. Ce qui est une tâche fort

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  1   emmêlée; il faut distinguer ces districts de recensement.

  2   Ce qui n'existait pas comme Mostar-Jug, Mostar Sever [phon], qui

  3   n'existait pas, il faut aller d'abord dans la documentation originale qui,

  4   suivant la règle, c'est les documents gardés par les recensements et qui

  5   n'existent plus probablement, parce qu'on les détruits au bout de trois

  6   ans. Donc vous devez aller chercher dans la documentation qui est

  7   enregistrée sur des disques magnétiques pour constater la chose.

  8   Q.  Très bien. Poursuivons.

  9   Hier, vous avez parlé des registres de l'hôpital de guerre.

 10   J'aimerais que nous examinions le document P 10752. Il apparaîtra également

 11   à l'écran. Je répète le numéro de la pièce, P 10752.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est celui que nous venons

 13   d'examiner, me semble-t-il.

 14   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Juge, le document que vous avez

 15   sous les yeux à l'écran, c'est bien le document auquel je fais référence.

 16   C'est bien le document que vous avez à l'écran. Effectivement, c'est celui-

 17   là qui m'intéresse.

 18   Q.  Professeur, vous avez personnellement examiné ces registres, n'est-ce

 19   pas, de l'hôpital de guerre ?

 20   R.  Je ne peux pas dire que je l'ai étudié en personne. J'ai pris

 21   connaissance de la façon -- de l'apparence qu'a ce registre.

 22   Q.  Examinez la page iii de votre rapport. C'est la même numérotation en

 23   B/C/S.

 24   Vous parlez des "Tâches accomplies," vous parlez de vos collègues, ensuite

 25   vous dites que vous aviez personnellement examiné les registres faisant

 26   état des décès, 5 pages [comme interprété], et cetera…

 27   Vous dites ensuite, je répète : "J'ai personnellement examiné les registres

 28   de décès, 500 pages environ, ainsi que les pages de l'hôpital de Mostar de

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  1   guerre," et cetera.

  2   Vous souvenez-vous avoir examiné ceci personnellement ?

  3   R.  Oui. Je me souviens avoir examiné tout cela, mais je n'ai pas tiré de

  4   résultats de tous ces registres.

  5   Qu'est-ce que ça signifie "j'ai examiné en personne." Pour que je prenne

  6   connaissance "en personne" d'une source de renseignements utilisée par le

  7   Dr Tabeau, j'ai eu à voir la totalité du document. Mais je n'ai tiré aucun

  8   résultat partant de ces documents-là. Si vous le permettez, je vais vous

  9   montrer à quoi s'est ramené ma façon d'examiner tout ceci, si tant est que

 10   vous me permettez de placer un document sur cet appareil, je ne sais pas

 11   comment il s'appelle.

 12   Q.  Professeur, j'aimerais que nous poursuivions. Je vous demandais si vous

 13   les aviez examinés personnellement. Vous avez dit oui. Vous nous dites ceci

 14   maintenant. Je crois qu'à moins que la Cour souhaite vous entendre

 15   davantage sur ce point, nous devrions poursuivre.

 16   Voici quelle est ma question : s'agissant de ces registres, le bureau du

 17   Procureur a constaté que 49 personnes avaient été tuées par balle, 214 par

 18   éclats d'obus, 209 personnes de causes inconnues, pour un total de 472.

 19   Serez-vous d'accord avec moi pour reconnaître qu'ici il n'y a pas eu mise

 20   en correspondance de la part du bureau du Procureur, ils ont simplement

 21   examiné tous les registres pour voir qui a été tué par balle, qui a été tué

 22   par éclats d'obus. Ils se sont contentés de comptabiliser les personnes

 23   tuées, n'est-ce pas ?

 24   R.  Je suis d'accord, mais dans le cadre de ces personnes, il y a aussi

 25   ceux qui morts dans des accidents de circulation et dans des suicides.

 26   Q.  Merci.

 27   R.  Ces chiffres ne sont pas importants, mais ils existent.

 28   Q.  Oui, merci, Professeur. Ce n'était pas ma question.

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  1   Professeur, j'aimerais passer maintenant à quelque chose que nous avons

  2   effleuré, disons. Il s'agit de la méthode des proportions. C'est quelque

  3   chose dont vous avez parlé dans votre rapport. J'aimerais que vous

  4   examiniez, pour ce faire, la page 11 de ce rapport.

  5   Mme WEST : [interprétation] 12 en anglais. Page 11 en B/C/S, 12 en anglais.

  6   Q.  Vous dites : "Nous remarquons que la méthode des proportions n'a pas

  7   été utilisée et n'a jamais été utilisée."

  8   R.  Je ne peux pas vous suivre. Je ne sais pas d'où est-ce que vous lisez

  9   cela. Si c'est cette page-là, je ne trouve aucune phrase qui commencerait

 10   par "Je relève…" Mais peut-être est-ce une question de traduction encore

 11   une fois.

 12   Parce que j'ai ici : "La première procédure se réduit à une simple

 13   opération de mathématique…" C'est bien de cela que vous

 14   parlez ? Est-ce le début de la page 11 en B/C/S.

 15   Q.  Professeur, voyez le paragraphe qui commence ainsi : "La deuxième

 16   procédure…"

 17   C'est le deuxième paragraphe.

 18   R.  Je vois.

 19   Q.  La dernière phrase : "Nous relevons que la méthode des proportions

 20   n'est pas utilisée et n'a jamais été utilisée dans le cadre de recherches

 21   scientifiques d'expert sur les mouvements de population. Elle a été

 22   utilisée occasionnellement dans le domaine de la statistique jusqu'aux

 23   années 1990 et seulement aux fins d'évaluation et de tri des données

 24   relatives à une structure d'âge inconnue. Mais sur recommandation des

 25   Nations Unies, elle a été exclue des recherches d'experts du fait du manque

 26   de fiabilité des résultats obtenus en application d'une telle méthode."

 27   Professeur, quelle est la source de cette recommandation des Nations Unies

 28   ? Pouvez-vous nous renvoyer à un manuel ou à un ouvrage quelconque ?

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  1   R.  Oui, je peux vous le fournir. Avant chaque recensement de la

  2   population, les organisations internationales et les Nations Unies qui ont

  3   un département chargé des populations envoient à tous les pays des

  4   recommandations partant desquelles il convient de procéder au recensement

  5   de la population ou sur quoi il convient de prêter attention notamment --

  6   Q.  Professeur, merci.

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   Q.  Merci, Professeur, mais ceci ne répond pas à ma question.

  9   Ma question est la suivante : Pouvez-vous me renvoyer à un manuel ou à un

 10   ouvrage. Vous avez répondu par l'affirmative. Pouvez-vous nous en donner le

 11   titre ?

 12   R.  "Recommandations en vue du recensement de la population" et c'est

 13   publié vers l'an 2000.

 14   Q.  Bien. Mais vous n'avez pas fait figurer cette référence en note de bas

 15   de page dans votre rapport, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je ne l'ai pas fait parce que je ne cite rien du tout. Je dis qu'en

 17   application des recommandations datant des années 1990, il est procédé à

 18   cette méthode de répartition, du point de vue de la structure d'âge dans le

 19   recensement de la population, qui n'est pas une chose utilisée. Je n'ai

 20   rien copié. Je vous ai dit que c'était dans les recommandations et c'est

 21   des recommandations qui sont en vigueur pour le territoire de l'ex-

 22   Yougoslavie. Je ne peux pas affirmer que ces recommandations sont tout

 23   aussi valables pour les Etats-Unis d'Amérique et autres pays.

 24   Q.  Professeur, ce n'est pas ce que vous avez dit. Je vais vous donner

 25   lecture une nouvelle fois du passage : "Nous relevons que la méthode des

 26   proportions, elle n'est pas utilisé et n'a jamais été utilisée dans le

 27   cadre de recherches scientifiques réalisées par des experts sur les

 28   mouvements de population. Elle a été utilisée occasionnellement dans le

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  1   domaine de la statistique jusqu'aux années 1990…"

  2   Ensuite, vous rajoutez : "Mais sur recommandation des Nations Unies,

  3   cette méthode a été exclue de toute recherche effectuée par des experts du

  4   fait du manque de fiabilité des résultats obtenus en application de cette

  5   méthode."

  6   Voici quelle est ma question : pouvez-vous me dire quand les Nations Unies

  7   ont dit, ne l'utilisez plus et comment ?

  8   R.  Je vous l'ai dit. "Recommandations pour le recensement de la population

  9   mises en œuvre à partir de 2000." Ca ne se rapporte pas à la première

 10   partie que vous avez lue, parce que je dis que je n'ai pas connaissance de

 11   l'utilisation de cette méthode proportionnelle dans les recherches

 12   scientifiques et techniques parce que ce n'est pas recommandé par les

 13   Nations Unies. Les recherches ont des experts qui les effectuent.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  Professeur, vous avez répondu à ma question. Merci. Passons à la pièce

 17   P 10758, P 10758. Il s'agit du manuel des Nations Unies sur les migrations,

 18   classeur 3, mais cela va s'afficher à l'écran de toute façon.

 19   Mme WEST : [interprétation] Je répète le numéro de la pièce, P 10758.

 20   Merci.

 21   Q.  Ce manuel émane du site Web des Nations Unies, il a été téléchargé la

 22   semaine dernière. Regardez la page 3 en B/C/S, page 5 en anglais.

 23   Dans cet extrait, est dit la chose suivante : "Outre les registres des

 24   ménages, la quantité d'information…" --

 25   R.  Je n'ai pas le texte sous les yeux.

 26   Q.  Un instant. Le voici. Suivez.

 27   "Outre les registres relatifs aux ménages, la quantité d'informations

 28   recueillies par les pouvoirs publics à d'autres fins peut être utile au

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  1   moment d'estimer les migrations. Aux Etats-Unis, les données de base sur

  2   les flux des migrations entre Etats sont tirées des registres fiscaux, des

  3   dossiers fiscaux, parce qu'une majorité importante de ménages américains

  4   remplit une déclaration d'impôts chaque année, et parce que la loi les

  5   oblige à inscrire leur numéro de sécurité sociale et leur adresse actuelle

  6   sur les formulaires, les ordinateurs sont en mesure de mettre en

  7   correspondance les dossiers pour des années adjacentes et de comptabiliser

  8   le nombre de ménages ayant déménagé.

  9   "Toutefois, parce que les personnes ayant de faibles revenus ne sont pas

 10   obligées de remplir une déclaration d'impôts, et parce que les personnes

 11   entrant dans la main-d'œuvre ou arrivant dans la pays n'ont pas rempli de

 12   déclaration d'impôts au cours de l'année précédente, seulement environ 80 %

 13   de la population est couverte par cet exercice de recoupement. Bien que les

 14   taux de migration se fondent seulement sur des correspondances entre

 15   dossiers, lorsque ces taux sont appliqués à la population totale, on part

 16   de l'hypothèse selon laquelle la population non couverte se déplace au même

 17   taux"Wetrogan et Long, 1990, ont comparé ces taux au recensement pour des

 18   périodes comparables et ont découvert que les différences entre ces

 19   différents groupes étaient limitées."

 20   Vous serez d'accord avec moi pour reconnaître que ce dont parle ce manuel

 21   des Nations Unies, c'est que même si les taux de migration sont fondés sur

 22   des recoupements, des correspondances, lorsque les taux sont appliqués à la

 23   population locale, on parle d'une méthode ici distributive ou

 24   proportionnelle.

 25   R.  --utilisée.

 26   Q.  Merci. Mais êtes-vous d'accord avec moi, Professeur, pour dire qu'il

 27   est inhabituel que les Nations Unies recommandent cette méthode sur leur

 28   site internet s'ils ne la recommandaient pas ?

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  1   R.  Ce que l'ONU fait ici n'a rien à voir avec la publication officielle

  2   des données liées à la statistique de la population. Je n'ai pas nié la

  3   méthode proportionnelle. Cette méthode existe et est utilisée, cependant,

  4   un travail, une étude scientifique et professionnelle, vraiment je ne peux

  5   pas affirmer pour l'ensemble des publications, mais d'après mes

  6   connaissances, s'agissant des migrations, et notamment des migrations

  7   forcées ne se déterminent jamais en appliquant la méthode proportionnelle,

  8   car à chaque fois l'on sait en avance ce qui sera obtenu comme résultat,

  9   surtout si votre base est un petit chiffre.

 10   Q.  Merci, Professeur.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] C'est une réponse qui répond -- et nous

 12   parlons de deux situations, une aux Etats-Unis où les gens se déplacent de

 13   manière volontaire, et une où les gens sont obligés de se déplacer parce

 14   qu'il y a une guerre. Donc les gens sont déplacés pendant et après la

 15   guerre, c'est deux raisons qui fait que le témoin nous dit qu'on ne peut

 16   pas comparer l'une avec l'autre. Il faut qu'on lui donne une explication

 17   pleine et entière.

 18   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

 19   permission je souhaite clarifier quelque chose.

 20   Dans la partie que Mme West a citée de la publication de notre

 21   témoin, clairement elle est en train de parler d'un échantillon non

 22   représentatif et des données d'échantillons non représentatifs qui sont

 23   ensuite distribués sur un ensemble plus important, à la différence de

 24   l'exemple citée par Mme West, qui porte sur un échantillon représentatif de

 25   80 %, ensuite ça peut se redistribuer sur le reste.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame le Témoin, sur cette question de

 27   méthode proportionnelle, Mme le Procureur vous présente un document émanant

 28   des Nations Unies, mais apparemment utilisé aux Etats-Unis d'Amérique sur

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  1   les flux migratoires, qui permet d'être contrôlé par la question des taxes

  2   et impôts. A ce moment-là, on peut se rendre compte de certains faits, bien

  3   que ce document on puisse le discuter.

  4   Mais Me Karnavas a fait part tout à l'heure d'une objection qui est pour

  5   lui de ne pas confondre les migrations normales des migrations forcées, et

  6   que de ce fait, on ne peut pas appliquer la même méthode dans le cas d'une

  7   migration forcée ou normale.

  8   Vous qui est l'experte, qu'est-ce que vous pensez de cela ? Est-ce

  9   qu'une méthode s'applique à tout type de migration, ou doit appréhender les

 10   questions des migrations forcées avec des instruments d'analyse plus

 11   perfectionnés ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] La méthode peut être appliquée à tous les

 13   types de migration, mais la question est de savoir à quel point ceci est

 14   logique. Ici vous avez une partie des données qui est petite, et sur la

 15   base de ces proportions-là, vous transférez l'échantillon à un ensemble

 16   plus grand. Donc vous transférez ce que vous obtenez sur la base de 100 à

 17   400, ou sur la base de 140 000, vous transférez cela à 400 000 [comme

 18   interprété], et vous considérez qu'il s'agit à chaque fois de déplacements

 19   forcés. Or, il ne s'agit pas toujours de déplacements forcés. Compte tenu

 20   de leur fiabilité, il faut savoir qu'il y à la fois les migrants

 21   volontaires et forcés.

 22   Or, vous les traduisez tous en migrants forcés et vous n'utilisez pas

 23   un échantillon plus grand pour transférer vers le plus petit, mais vous

 24   prenez un échantillon plus petit et vous transférez suivant la méthode

 25   proportionnelle les mêmes résultats sur un ensemble deux fois plus grand.

 26   Logiquement, le résultat va être deux fois plus grand.

 27   Si un expert a 10 ou 20 % de faits connus et les transfère au 80 %

 28   qui reste, il sait très bien en avance qu'il obtiendra un chiffre beaucoup

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  1   plus élevé.

  2   Par exemple, hier nous avons parlé de 130 [comme interprété] cas de causes

  3   de décès connus, et l'expert a transféré cela à 404 cas, alors qu'à la

  4   place d'avoir 70 victimes de pilonnages estimées comme --

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : -- très concret vous présenter, et vous allez me

  6   dire vous en tant que démographe comment ce cas aurait pu être résolu.

  7   Imaginons que dans un village X, ce village apprend que le village Y,

  8   qui est à 50 kilomètres, a été pris par une force armée et que les

  9   habitants du village X, qui sont à 50 kilomètres, décident de quitter le

 10   village X, parce qu'ils pensent peut-être qu'ils risquent à leur tour

 11   d'être sous le feu de la mitraille ou d'être capturés, et ces gens-là

 12   quittent le village X.

 13   Le démographe qui examinerait cette situation au point de vue des

 14   migrations forcées, est-ce que les habitants du village X sont

 15   comptabilisés comme des migrants forcés ou des migrants volontaires ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question bien complexe pour moi, car

 17   on sait exactement quels sont les migrants forcés. Il existe une définition

 18   juridique. Il s'agit soit d'un réfugié ou d'une personne déplacée par la

 19   force.

 20   Mais si je dois répondre directement à votre question d'après la

 21   manière dont je l'ai comprise, ce qui est très important, c'est de savoir

 22   combien de temps ces personnes sont restées ailleurs. Si au bout de trois,

 23   cinq jours ils sont revenus, c'est autre chose. Si la personne est partie

 24   en raison de la peur, ça peut être une motivation personnelle. C'est la

 25   crainte qui les a motivés à partir.

 26   Donc la réponse directe à votre question impliquerait que j'ai besoin

 27   de savoir d'autres motivations, est-ce que cet exode a duré plusieurs

 28   jours, est-ce que leur crainte était justifiée. Je suppose que dans une

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  1   guerre, toutes les craintes sont justifiées. Je le suppose, probablement.

  2   Est-ce que ces personnes-là auraient pu revenir au bout d'un certain temps

  3   ou bien si, par la suite, toutes ces personnes étaient des personnes

  4   internement déplacées, et ainsi de suite, donc pour répondre concrètement

  5   il me faut avoir d'autres faits, car il peut s'agir de personnes déplacées

  6   volontairement ou de manière forcée. Ou plutôt, non pas volontairement,

  7   mais si c'est vraiment au sens littéral du terme que ces personnes-là sont

  8   déplacées par la force.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans mon cas, la question est complexe et un

 10   démographe aurait une réelle difficulté. Il faudrait qu'il approfondisse

 11   toutes les circonstances pour se déterminer. C'est bien ce que je dois

 12   conclure de votre réponse ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, et surtout si le démographe a

 14   devant lui les instructions de l'OSCE disant que les personnes déplacées

 15   volontairement et par la force sont des personnes déplacées. L'OSCE tient

 16   compte du fait que dans toute une série de circonstances, les gens

 17   partaient de leur propre gré. Ils ne caractérisent pas les migrations en

 18   tant que migrations forcées, et ce, lors de l'inscription des électeurs.

 19   Un démographe doit connaître la complexité de la situation et doit

 20   connaître les définitions concernant des phénomènes et des événements

 21   différents qu'il étudie; surtout s'il est en train de les comparer.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West.

 23   Mme WEST : [interprétation] Merci. Je voudrais que nous nous reportions au

 24   P 10727, s'il vous plaît. Je répète, la pièce P 10727. A la page 29 de la

 25   version anglaise, page 1 de la version en B/C/S.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'aurai à l'écran, c'est ça ? Je trouve

 27   cela plus facile.

 28   Mme WEST : [interprétation]

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  1   Q.  Professeur, avez-vous entendu parler de Jean-Paul Sardon ? C'est un

  2   démographe français qui a déposé pour la Serbie dans l'affaire CIJ. Est-ce

  3   que vous avez entendu parler de lui lorsque la Bosnie a attaqué la Serbie

  4   pour génocide à la CIJ ?

  5   R.  -- pas les publications de ce monsieur.

  6   Q.  Bien. Je voudrais vous lire une partie de sa déposition auprès de la

  7   CIJ et poser une question. Le titre, c'était "Victimes de la guerre en

  8   Bosnie-Herzégovine". Numéro 1.

  9   Il est dit : "Estimer le nombre de victimes au conflit est une question

 10   tellement délicate et tellement symbolique des conflits interethniques qui

 11   ont accompagné le démantèlement de l'ex-Yougoslavie que très souvent, on a

 12   tendance à les traiter sur un plan émotionnel plutôt que sur un plan

 13   purement scientifique rigoureux.

 14   "Un certain nombre de chiffres circulent, qui sont choisis en fonction des

 15   sensibilités de ceux qui les traitent, sans pour autant vérifier leur

 16   validité ou vérifier leur source." Donc il y a un certain nombre de sources

 17   qui sont données ainsi que des chiffres.

 18   Après cela, il continue sa déposition en disant : "Ainsi, nous avons vu les

 19   estimations du nombre de personnes qui ont été tuées et qui vont de 20 000

 20   à 328 000, un rapport extraordinaire qui va de 1 à 16. La plupart de ces

 21   estimations circulent sans que quiconque sache exactement quelles en sont

 22   les sources ni sur quelle base ces chiffres sont obtenus - partant du

 23   principe, évidemment, qu'il ne s'agit pas d'une sorte de génération

 24   spontanée.

 25   "La première observation qui peut être faite lorsque l'on essaie d'analyser

 26   ces estimations, c'est que leur niveau dépend dans une large mesure…" --

 27   R.  Je n'ai plus la suite devant moi. Merci.

 28   Q.  Je pense que vous l'avez maintenant sous les yeux.

Page 35096

  1   Je reprends : "La première observation qui peut être faite lorsque l'on

  2   analyse ces estimations, c'est que leur degré dépend largement de l'origine

  3   géographique des auteurs. Les estimations faites en Bosnie-Herzégovine sont

  4   toujours plus élevées que celles qui sont faites à l'extérieur du pays. La

  5   moyenne des estimations locales dépasse 247 000 personnes par rapport à la

  6   moitié de ce chiffre, 118 000, qui constitue la moyenne des estimations

  7   faites à l'étranger. Ceci est relativement fréquent dans des situations de

  8   ce type : le côté de la victime a toujours tendance à surestimer ses

  9   pertes. De surcroît, la plupart des chiffres locaux prennent en compte

 10   l'augmentation du pourcentage de mortalité imputable à la détérioration des

 11   conditions de vie observées pendant la guerre.

 12   "Malheureusement, que ces figures proviennent de l'intérieur ou de

 13   l'extérieur de l'ex-Yougoslavie, il n'est vraiment pas aisé de voir comment

 14   les auteurs sont arrivés à ces conclusions. Cela n'est pas dit au moment de

 15   la publication de manière générale; néanmoins, il y a un certain nombre de

 16   méthodes qui peuvent être utilisées :

 17   "On peut utiliser les statistiques des registres de décès de l'institut de

 18   Sarajevo de santé public.

 19   "On peut comparer les populations estimées depuis le dernier recensement et

 20   la population actuelle.

 21   "On peut combiner ces deux méthodes."

 22   Mme WEST : [interprétation] La page suivante en anglais.

 23   Q.  "Le plus grand problème de ce type de travail, c'est le manque

 24   d'évaluation critique de la qualité et des sources qui sont ainsi

 25   utilisées, et en partie les données données par les instituts de santé

 26   publique concernant les décès. Nous savons que les nombres des décès sont

 27   souvent surestimés parce qu'il y a des doublons, des décès qui sont comptés

 28   deux fois.

Page 35097

  1   "Parmi toutes les estimations auxquelles nous avons eu accès, il y en a une

  2   qui est manifeste pour sa qualité, celle qui a été préparée par Ewa Tabeau

  3   et Jakub Bijak, des démographes qui viennent du bureau du Procureur du

  4   TPIY."

  5   Professeur, ma question est la suivante : bien que vous ayez une piètre

  6   opinion du rapport en l'espèce, est-ce que vous voyez ici qu'un expert

  7   qualifié dans le domaine ne soit pas d'accord avec votre avis concernant la

  8   qualité du travail d'Ewa Tabeau ?

  9   R.  Je ne peux pas accepter une question ainsi formulée. Je ne suis pas

 10   d'accord avec le travail de Mme Ewa Tabeau dans les rapports qu'elle

 11   présente devant le Tribunal.

 12   S'agissant de l'évaluation du Dr Tabeau concernant le nombre total de

 13   victimes, elle a même donné une interview que j'ai lue dans notre presse où

 14   elle démentit le fait que le Tribunal de La Haye aurait déterminé le

 15   chiffre de 200 à 300 000. Elle a donné une évaluation qui se fonde sur une

 16   grande source de données, et je pense qu'elle a fourni une évaluation qui,

 17   à son avis, est la plus pertinente.

 18   Q.  Professeur, vous ne répondez pas à ma question --

 19   R.  Excusez-moi, alors je n'ai pas compris la question. Est-ce que vous

 20   pouvez être précise dans la question.

 21   Q.  Est-ce que vous voulez bien concéder que des experts qualifiés dans

 22   votre domaine ne sont pas d'accord avec votre évaluation de son travail ?

 23   La réponse que je vous demande est est-ce que vous observez cela ?

 24   R.  Je ne l'admets pas.

 25   Q.  Merci.

 26   Mme WEST : [aucune interprétation]

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire la raison pour laquelle je ne

 28   l'accepte pas.

Page 35098

  1   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, la question était est-ce

  2   qu'elle concède le fait. La réponse est non. Très bien. Nous avons terminé

  3   les questions.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] -- questions supplémentaires.

  5   Nouvel interrogatoire par M. Karnavas :

  6   Q.  [interprétation] Si vous avez la bonté, Professeur, de nous donner une

  7   réponse plus étayée de la question qui a été posée. Je sais que cela

  8   n'intéresse pas le Procureur, mais nous cela nous intéresse.

  9   R.  Tout d'abord, il ne s'agit pas ici de l'évaluation du travail de Mme

 10   Tabeau et surtout de l'ensemble du travail effectué par le Dr Tabeau. Mais

 11   il s'agit ici de l'évaluation selon laquelle l'évaluation la plus objective

 12   peut être est celle, justement, présentée par le Dr Tabeau. Donc

 13   l'Accusation me demande si le monsieur qui a écrit cela a évalué le travail

 14   du docteur.

 15    Mais il a voulu que ses estimations parmi d'autres estimations qu'il

 16   évoque ici soient les plus correctes et moi, je suis d'accord avec cela.

 17   Ces estimations là sont probablement les plus correctes, soi dit je ne les

 18   ai pas étudiées de près mais je ne suis pas d'accord pour dire qu'il s'agit

 19   ici de l'évaluation du travail de Mme Tabeau peut-être d'une petite partie

 20   de son travail.

 21   Q.  Je voudrais vous poser encore quelques questions. On vous a posé la

 22   question de savoir si vous avez étudié les registres de l'hôpital. Et vous

 23   avez dit, oui, et vous vouliez montrer comment vous aviez procédé lorsque

 24   vous avez étudié ces registres. Vous cherchiez donc quelque chose puis vous

 25   avez été coupée.

 26   Alors cela nous intéresse aussi. Comment est-ce que vous avez compulsé ces

 27   rapports ? Cela nous intéresse. Est-ce que vous voulez bien nous le montrer

 28   ?

Page 35099

  1   R.  Oui, je dois simplement dire que mon aperçu -- ce résumé est l'aperçu

  2   de base des sources de données et l'évaluation de ces sources de données

  3   qui peuvent être utilisées par un démographe ou pas. Et je souhaite vous

  4   montrer ce à quoi ressemble cette source de données et de quoi l'on tirait

  5   tous les chiffres et toutes les causes de décès.

  6   J'ai ici une page du registre de morts de Bosnie.

  7   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que vous voulez le montrer sur le

  8   rétroprojecteur.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez nous montrer, s'il vous plaît, ce qu'est ce

 10   document. Il faudra lui donner un numéro IC à un moment donné. Donc d'où

 11   est-ce qu'il provient, et est-ce que vous voulez bien nous expliquer les

 12   choses.

 13   R.  Il s'agit là d'un document du registre de l'hôpital de guerre de Mostar

 14   que j'ai obtenu au sein du département démographique de l'Accusation. Ici,

 15   nous n'avons qu'une page, mais ce registre contient beaucoup plus de pages.

 16   Il y a souvent des problèmes, des pages qui manquent ainsi de suite.

 17   Et j'ai apporté cela en tant qu'exemple. Autrement dit, en regardant cela,

 18   j'ai pris ma décision sur l'importance et la valeur et plus précisément, la

 19   fiabilité de cette source de données. Si vous y prêtez attention, vous

 20   verrez qu'il s'agit des noms et des prénoms des personnes qui ont été

 21   admises à l'hôpital, que l'on inscrit seulement leur nom, leur prénom et

 22   leur date de naissance. Et s'agissant de certaines personnes, il est

 23   indiqué si la personne est un militaire ou pas.

 24   Ensuite, il s'agit des diagnostics rédigés par le médecin. Moi-même, je ne

 25   suis pas un médecin et je ne saurais dire, mais si j'ai déployé tous mes

 26   efforts afin de traduire au moins ce qui est devant moi pour savoir ce que

 27   ça signifie.

 28   Si ces diagnostics, d'après le Dr Tabeau, sont à la fois les causes de la

Page 35100

  1   mort, je ne trouvais la réponse nulle part. Elle distribue ces données

  2   selon la cause du décès. Je suppose qu'elle a bénéficié de l'aide d'un

  3   médecin, mais je ne peux pas extrapoler.

  4   Mais ce que j'essaie de dire, c'est que même de bons experts en médecine

  5   doivent interpréter ces termes en latin. Et je considérais que si vous

  6   traitez de causes du décès, il faut indiquer soit, je dispose de l'aide de

  7   tel ou tel médecin ou soit j'ai l'acte de décès. Or, je n'ai trouvé ni l'un

  8   ni l'autre,

  9   Puis, vous avez un grand nombre de cases où notamment la case

 10   correspondante aux diagnostics où rien n'est inscrit. Par exemple, vous

 11   pouvez voir ici des cases où aucun diagnostic n'est inscrit.

 12   Donc quels que soient les efforts que vous allez déployer ou bien, par

 13   exemple, il y a des endroits où la date de naissance manque.

 14   Donc en tant que tel, ce registre n'est pas fiable en tant que source

 15   de données. Il exige que vous vous décidiez seulement s'agissant des cas où

 16   vous pouvez dire, oui, ceci est fiable.

 17   Dans son rapport, Mme Tabeau énumère d'autres éléments. Par exemple, elle

 18   dit, il manque un certain nombre de pages. Par exemple, les pages allant de

 19   190 à 215. Mais elle assume que ces pages-là contiennent les mêmes faits et

 20   donc elle fait un calcul concernant le nombre de personnes qui aurait pu

 21   être mentionnées dans les pages qui manquent, ensuite elle transfère cela

 22   au chiffre total.

 23   Q.  -- utilise une méthode acceptable comme preuve scientifique en tant que

 24   démographe ?

 25   R.  Un témoin expert démographe est tenu d'aborder la source de données de

 26   façon lui permettant d'arriver aux données avec au moyen un minimum de

 27   fiabilité.

 28   Puisque le Dr Tabeau ne considère pas, n'évalue cette source de données

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  1   comme inacceptable, mais plutôt elle dit qu'elle contient beaucoup de

  2   problèmes, mais elle considère que cette source est acceptable. Je ne suis

  3   pas d'accord avec elle. Je ne vois pas pourquoi elle peut considérer que

  4   c'est acceptable alors qu'il y a des pages qui manquent, alors qu'elle

  5   n'indique pas dans son rapport qui l'a aidé à comprendre les diagnostics

  6   qui, selon elle, seraient les causes de la mort. Moi, je ne m'y connais pas

  7   en ces diagnostics. Peut-être effectivement, ils entraînent la mort, peut-

  8   être pas, mais je ne le sais pas.

  9   Q.  J'ai encore deux ou trois questions à vous poser, dont l'une porte sur

 10   le recensement. Comme je l'ai compris de votre déposition lorsqu'il y avait

 11   l'interrogatoire principal, on parlait d'une lecture optique, ensuite on a

 12   dit que cela avait été informatisé, c'est-à-dire que les fiches avaient

 13   d'abord été scannées optiquement, ensuite informatisées; est-ce exact ?

 14   R.  Oui. Tout ceci était optiquement scanné.

 15   Q.  Je pense que vous avez dit aussi que la Bosnie-Herzégovine est l'une

 16   des républiques pour lesquelles les noms étaient scannés en même temps avec

 17   les fiches.

 18   R.  Oui. C'est ce que j'ai vu ici à La Haye.

 19   Q.  Est-ce que vous savez si les instructions transmises à ceux qui étaient

 20   sur le terrain à savoir qui remplissaient les fiches --

 21   Mme WEST : [interprétation] Objection.

 22   M. KARNAVAS : [interprétation] Est-ce que je peux terminer ma question ?

 23   Mme WEST : [interprétation] Pardon. Vous pouvez continuer votre question.

 24   M. KARNAVAS : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous savez si en remplissait ces fiches, il y avait des

 26   instructions qui ont été données quant à savoir s'ils devaient utiliser les

 27   caractères cyrilliques ou l'alphabet latin, utiliser des majuscules, et

 28   cetera ? Y a-t-il eu des instructions qui ont été données afin d'avoir une

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  1   approche à uniformiser ?

  2   Mme WEST : [interprétation] Objection. Cela va au-delà de la portée des

  3   contre-interrogatoires.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Non, cela ne signifie pas que nous sommes en

  5   dehors du champ de cette question supplémentaire. Nous parlions de

  6   changement de noms et la manière dont le bureau de démographie du bureau du

  7   Procureur a décidé de changer ces noms. Et ceci fait partie du champ qui

  8   nous intéresse pour savoir si les experts du bureau du Procureur décident

  9   sur la base de noms que les personnes étaient de telle ou telle ethnie.

 10   Donc je pense que cela fait véritablement partie du champ de ces questions

 11   supplémentaires.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, répondez.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] En Bosnie-Herzégovine, deux alphabets étaient

 14   utilisés, le latin et le cyrillique. Et les deux pouvaient être utilisés.

 15   Personne ne donnait de recommandation d'écrire en latin ou en cyrillique.

 16   Tout simplement la recommandation disait vous avez plusieurs cases et

 17   veuillez inscrire une lettre par case.

 18   Q.  Alors est-ce qu'ils devaient utiliser des lettres majuscules ? Est-ce

 19   qu'il y avait une instruction ou ils avaient eu le loisir de remplir cette

 20   fiche comme ils voulaient ? On leur a demandé d'écrire comme ils pouvaient

 21   ?

 22   R.  Vous savez, personne ne donnait de recommandations. Je trouve cette

 23   question un peu étrange. Personne ne vous donnait de recommandation quant à

 24   la manière dont il fallait écrire. Vous pouviez le faire comme vous

 25   vouliez. Simplement, il ne fallait pas mettre deux lettres dans une seule

 26   case.

 27   Q.  Bien. Sur la base d'une lecture optique, les noms étaient-ils tapés à

 28   la machine sur une liste particulière ou est-ce qu'on laissait les choses

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  1   en l'état dans les registres ?

  2   R.  C'était laissé sous forme originale conformément à la manière dont ça a

  3   été scanné.

  4   Q.  Donc il n'y avait pas de traitement ultérieur ? On ne faisait pas un

  5   nombre de liste particulière qui était tapée à la machine, des noms ?

  6   R.  Dans la statistique, ceci n'est jamais fait. Un nom et un prénom, ce

  7   n'est pas une donnée. Personne ne s'y intéresse, sur le plan statistique,

  8   je dis. Quant aux autres républiques, par exemple, la Serbie, elle

  9   n'inscrivait pas le nom et le prénom. Au Monténégro, l'on n'inscrivait pas

 10   cela.

 11   Q.  Bien

 12   R.  Je ne peux pas garantir pour la Croatie.

 13   Q.  Fort bien. Mais savez-vous si tous les noms étaient lisibles et si ces

 14   noms ont bien été orthographiés lorsqu'ils ont fait l'objet de cette

 15   lecture optique ? Voilà donc l'objet de ma question.

 16   R.  D'après l'aperçu des documents originaux, je peux dire qu'il y avait

 17   beaucoup d'erreurs dans les noms et les prénoms. Parfois c'était lisible,

 18   parfois non. Parfois il y avait des symboles étranges.

 19   Q.  Comment procédait-on pour corriger ces erreurs ? Comment arrivait-on à

 20   cette conclusion ? Comment procédait-on pour être sûr que les noms étaient

 21   bien orthographiés ?

 22   R.  D'après ce que l'expert du bureau du Procureur a rédigé, avec l'aide de

 23   certaines personnes, experts, avec des noms et prénoms originaires de cette

 24   région.

 25   Q.  Oui, mais ma question est la suivante : l'a-t-on jamais fait

 26   officiellement en 1991 ? C'est ça ma question.

 27   R.  [aucune interprétation]

 28   Q.  Oui.

Page 35105

  1   R.  Si vous parlez des instances statistiques, jamais personne, je vous le

  2   répète, n'a contrôlé, procédé à la rectification ou à la rédaction de

  3   documents avec tous ces noms.

  4   Q.  Très bien. J'aimerais revenir à la réponse précédente que vous avez

  5   donnée. Si j'ai bien compris, le bureau du Procureur, par le truchement de

  6   ces experts, a essayé de corriger les noms.

  7   Est-ce du point de vue démographique ou statistique, méthode acceptable ? Y

  8   a-t-il des normes ?

  9   R.  Je n'en ai jamais entendu parler. Je ne peux pas croire qu'il puisse y

 10   avoir des normes pour ce qui est du nom et prénom, comment procéder pour

 11   rectifier une erreur pour rendre les choses correctes. On ne peut donc dire

 12   si c'est bon ou pas, à moins de prendre les cartes d'identité ou des

 13   papiers d'identité officiels que chaque habitant a avec la bonne

 14   orthographe de son nom et de son prénom.

 15   Q.  Savez-vous au moins si le bureau du Procureur a établi une liste de

 16   tous les noms qu'ils ont jugés douteux et qu'ils ont corrigés, pour savoir

 17   si au moins nous avons une liste de ces noms permettant de séparer les noms

 18   entre ceux qui étaient connus et ceux qui méritaient une correction ?

 19   R.  Je ne sais pas si le bureau du Procureur dispose d'une telle liste.

 20   Q.  Très bien. J'en viens à l'une des questions ressortie du contre-

 21   interrogatoire. D'après vos réponses, j'ai compris que vous avez mis en

 22   doute, disons, l'assurance qualité ou le contrôle qualité, si je puis dire.

 23   Vous avez parlé de cette personne ou de ce nom, Mirsad Halilovic, je crois,

 24   et vous avez montré qu'il y en avait 89.

 25   Et dans le cadre de la réponse que vous avez donnée à ce moment-là, vous

 26   avez dit que bien qu'il y ait pu y avoir mise en correspondance avec les

 27   JMBG, donc les numéros d'immatriculation, d'autres paramètres pouvaient

 28   être utilisés de façon à établir une correspondance avec d'autres noms. En

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  1   d'autres termes, lorsque ces numéros d'immatriculation n'étaient pas

  2   disponibles, d'autres paramètres pouvaient être utilisés.

  3   C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas, avant que je vous pose la

  4   question suivante ?

  5   R.  Vous avez bien compris. Si je n'ai pas le JMBG, on a utilisé le nom et

  6   prénom, et ainsi de suite. Mais nous ne savons pas si quoi que ce soit a

  7   été bel et bien fait en application du JMBG. Donc je ne peux pas vous le

  8   dire.

  9   Q.  Alors procédons par étapes. Ça aide en général. Hormis ce qu'on a pu

 10   corréler avec les numéros d'immatriculation, le bureau du Procureur a-t-il

 11   conservé trace de la manière, de la méthode utilisée pour établir les

 12   autres correspondances, à l'aide d'autres méthodes que la prise en compte

 13   du JMBG, de façon à ce que vous puissiez, vous, voir ces noms et vérifier

 14   si la correspondance avait été faite convenablement ?

 15   R.  D'après ce que j'en sais, non. Car nulle part dans aucun rapport il

 16   n'est fait mention de chose pareille à avoir été faite.

 17   Q.  J'ai cru comprendre de votre part que pour augmenter le nombre, ils

 18   n'ont cessé de changer la clé pour augmenter, pour gonfler en quelque sorte

 19   le nombre de correspondance, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, dans ce cas-ci, pour augmenter, gonfler le chiffre. Il y a des cas

 21   où on a diminué le chiffre. Mais c'était en fonction de ce dont ils avaient

 22   besoin.

 23   Q.  Plus précisément, s'agissant des différentes clés qui ont été utilisées

 24   pour établir ces différents recoupements, y a-t-il, dans les documents du

 25   bureau du Procureur, quelque chose qui vous permette, en tant que

 26   démographe, de dire qu'il y a eu établissement de correspondance à hauteur

 27   de 30 ou 40 % grâce au nombre JMBG, 20 % des recoupements ont été réalisés

 28   à l'aide d'une autre méthode, par exemple, la date de naissance; 10 %

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  1   encore à l'aide d'une autre méthode ?

  2   Y a-t-il quoi que ce soit que vous puissiez examiner, vous, en tant

  3   que démographe, et qui vous permette de conclure la manière dont les

  4   chiffres présentés ont été obtenus au final ?

  5   R.  Ça n'existe pas. Dans aucun des rapports que j'ai eu l'occasion de

  6   lire, nulle part il n'a été indiqué la statistique des mises en

  7   correspondance.

  8   Q.  Bon. Une dernière question : en tant que démographe, si vous deviez

  9   suivre cette approche, du fait des sources disponibles et des contraintes

 10   liées à ces sources, en tant que démographe, conserveriez-vous trace de ce

 11   travail, de sorte que si quelqu'un souhaitait se pencher sur ce travail et

 12   procéder à une vérification de la qualité, ces données pourraient être

 13   mises à sa disposition ?

 14   R.  Oui, ça, ça aurait été la façon professionnellement correcte de

 15   procéder.

 16   Q.  Une dernière question relative à l'OSCE. Nous avons examiné un

 17   paragraphe et on nous a dit que des gens avaient été recueillir des

 18   informations.

 19   Ma question est la suivante : savez-vous si les personnes chargées de

 20   recueillir l'information pour le compte de l'OSCE étaient des représentants

 21   d'organisations internationales ou de la communauté internationale, en

 22   d'autres termes, des étrangers ou bien des personnes locales ?

 23   R.  Je ne le sais pas pour sûr parce que partant des instructions, il ne

 24   m'est pas donné la possibilité de déterminer qui est-ce qui a procédé aux

 25   inscriptions, annotations. Je sais que les étrangers ont organisé tout cela

 26   et ils ont donné des instructions [inaudible], ils ont également surveillé.

 27   Etait-ce des étrangers qui parlaient aussi le B/C/S pour ce qui est de la

 28   façon de procéder aux inscriptions, ça on ne le dit nulle part.

Page 35108

  1   Autre chose encore que je dois dire : lorsque je dis faire des entrées,

  2   c'est une autre façon directe de procéder. Maintenant, de là à savoir

  3   comment on a mis cela sur des bandes magnétiques et tout le reste, ça,

  4   j'imagine que c'est les gens de l'OSCE qui l'ont fait.

  5   Q.  "Des gens de l'OSCE," c'est-à-dire des étrangers, des locaux ou les

  6   deux ?

  7   R.  Je ne sais pas s'il y a eu des gens du cru au sein de l'OSCE. Quand je

  8   parle de l'"OSCE" je pense pour l'essentiel à des étrangers -- je pense aux

  9   étrangers.

 10   Q.  Merci.

 11   M. KARNAVAS : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Je vous remercie

 12   beaucoup. Merci de votre présence ici.

 13   Mme WEST : [interprétation] Pourrais-je poser une question supplémentaire,

 14   Monsieur le Président.

 15   M. KARNAVAS : [interprétation] Mais il n'y a pas de possibilité de

 16   questions supplémentaires, Monsieur le Président. Dans ce système-ci, ce

 17   n'est pas possible. D'ailleurs, l'Accusation l'a dit de manière très ferme,

 18   c'est la partie qui appelle le témoin qui a le dernier mot. Je ne suis pas

 19   enclin à autoriser --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West, Me Karnavas a raison sur le plan de

 23   principe; mais la Chambre, dans sa décision, avait dit en cas de

 24   circonstances exceptionnelles. Quelles sont les circonstances

 25   exceptionnelles qui motiveraient le fait que vous avez une question de plus

 26   à poser ?

 27   Mme WEST : [interprétation] Oui, bien sûr. En l'occurrence, voici

 28   l'impression qui est donnée à la Chambre, à savoir qu'il y a des

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  1   informations très importantes qui existent, qui n'ont pas été prises en

  2   compte par le bureau du Procureur ou qui n'ont pas été partagées par le

  3   bureau du Procureur. Je fais référence, notamment, à la page 66, question

  4   10.

  5   Ma question est simplement de savoir si ce témoin a jamais demandé ces

  6   informations. Je crois que ceci préciserait les choses pour la Chambre. Je

  7   crois que --

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne sais toujours pas très bien ce à quoi

  9   elle fait référence, Monsieur le Président. Elle a eu tout le temps

 10   nécessaire lors du contre-interrogatoire. Nous avons été très clairs lors

 11   de l'interrogatoire principal, nous avons communiqué des documents au

 12   bureau du Procureur qu'ils auraient dû utiliser, après toutes ces années,

 13   avec une unité spécialisée, avec les millions de dollars investis dans tout

 14   ceci, mon témoin a dû acheter les documents et les communiquer au bureau du

 15   Procureur. Ce n'est pas un facteur imprévisible. A la page 66, je ne trouve

 16   pas la référence en question; alors, la Chambre de première instance ici,

 17   dit-on, se trouve dans une position désavantageuse.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, avant de consulter mes collègues, si je

 19   comprends bien, Madame, la question que vous voulez poser est de savoir, en

 20   posant la question au témoin, si Mme l'Expert a-t-elle ou n'a-t-elle pas

 21   demandé au bureau du Procureur des informations complémentaires, notamment

 22   par rapport à certains éléments.

 23   C'est tout ce que vous vouliez lui demander ?

 24   Mme WEST : [interprétation] Oui, en effet, oui.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 27   Madame le Témoin, vous avez entendu la question de Mme West. Pouvez-

 28   vous répondre à cette question de nature très technique.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Si ça se rapporte à la statistique des mises

  2   en correspondance -- est-ce que j'ai bien d'abord compris la question ?

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West.

  4   Mme WEST : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.

  5   Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme West :

  6   Q.  [interprétation] La question porte sur les recoupements statistiques

  7   dont a parlé M. Karnavas, alors pour être tout à fait claire, la question

  8   était --

  9   R.  Je comprends fort bien s'il s'agit de la statistique des mises en

 10   correspondance.

 11   Dans l'affaire de Srebrenica, j'ai demandé au département démographique de

 12   me communiquer la statistique des mises en correspondance et tous les

 13   critères qui ont été mis en correspondance. J'ai obtenu 71 critères de mise

 14   en correspondance en 2004. Et en 2008 ou 2007, plutôt, je dois l'avoir

 15   indiqué, je dois avoir indiqué cela dans mon rapport. On m'a répondu, de la

 16   part de cet établissement chargé de la démographie, qu'il y a eu des

 17   milliers et des milliers de cas où on a utilisé des méthodes visuelles pour

 18   procéder aux mises en correspondance.

 19   On ne m'a pas répondu dans le concret. On ne m'a pas dit : "Ceci a été fait

 20   de la sorte, ceci a été fait de cette autre sorte." J'ai cela dans mon

 21   rapport. Je peux vous en donner lecture. Je possède un document où le

 22   bureau du Procureur indique qu'il y a eu des milliers et des milliers de

 23   cas où on a procédé à l'utilisation de méthodes visuelles pour ce qui est

 24   de décider des mises en correspondance.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West, la réponse convient-elle ?

 26   Mme WEST : [interprétation] Je crois que je devrais poser une autre

 27   question.

 28   Q.  Je suppose que vous répondez non ? Parce que vous avez parlé de

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  1   l'affaire Srebrenica. Mais dans cette affaire-ci, avez-vous demandé les

  2   informations, votre réponse est non ? Je suppose que c'est cela que je dois

  3   comprendre.

  4   R.  Dans cette affaire-ci, je ne l'ai pas demandé car c'est la même

  5   méthode; une fois qu'on ma répondu dans un cas de figure, y a-t-il un sens

  6   à reposer la même question, à représenter la même

  7   requête ? Toutes les expertises faites par Mme le Dr Tabeau ont eu recours

  8   à la même méthodologie, du moins, toutes celles qui ont trait à la

  9   structure ethnique et je pense que dans toutes mes expertises à moi, il y a

 10   cette observation, ce reproche lié à ce fait, à savoir qu'il n'y ait pas

 11   ces données statistiques.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Mme a répondu en disant qu'elle n'avait pas demandé

 13   puisque la fois d'avant, dans Srebrenica, on lui avait répondu dans le sens

 14   qu'elle a décrit à la page 69.

 15   De ce fait, Madame le Professeur, je tiens au nom de mes collègues, à vous

 16   remercier d'être venue pendant toute cette semaine à La Haye apporter votre

 17   témoignage. Je vous souhaite, bien entendu, un bon voyage de retour et la

 18   poursuite de vos activités de démographe.

 19   Je vais demander à M. l'Huissier de bien vouloir vous raccompagner.

 20   [Le témoin se retire]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, au revoir.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme tout le monde le sait, nous reprendrons nos

 23   travaux le 12 janvier, puisque Me Karnavas a terminé tous ses témoins, sauf

 24   le témoin expert.

 25   Cet expert est prévu le 12 janvier; est-ce bien cela, Maître Karnavas ?

 26   M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, effectivement, c'est exact, Monsieur le

 27   Juge.

 28   J'ai une question que j'aimerais soulever. C'est une question technique,

Page 35112

  1   simplement. Ce vendredi, nous sommes censés déposer notre requête relative

  2   à tous les documents, 1 500 ou 1 600 documents dont nous allons demander le

  3   versement par voie de requête et nous devrons, bien sûr, fournir des

  4   explications à l'appui de cette demande.

  5   Nous sommes en train de terminer ce travail. Mais pour être tout à fait

  6   sûrs, nous aimerions, disons, pouvoir disposer d'une semaine supplémentaire

  7   avant de déposer la requête, pour être sûrs, vendredi prochain, nous vous

  8   en serions très reconnaissants. Nous ne pensons pas que quiconque serait

  9   lésé. Notre date initiale, nous l'avions choisie, parce que nous allions

 10   conclure la présentation de nos éléments de preuve aujourd'hui. Or, nous

 11   allons vraisemblablement terminer au cours de la première ou de la deuxième

 12   semaine de janvier. Je pense donc que personne ne serait lésé si nous

 13   obtenions une semaine supplémentaire.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que dans la requête pour l'admission, il y a 1

 15   600 documents et il faut que vous répondiez à toutes les exigences posées

 16   par la ligne directrice.

 17   Position du Procureur ?

 18   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation n'a pas

 19   d'objection à une prorogation du délai en faveur de la Défense, à la

 20   condition que la Chambre de première instance accorde du temps

 21   supplémentaire, un temps important pour que l'Accusation soit en mesure de

 22   préparer sa réponse. Bien entendu, l'Accusation n'avait pas fait objection

 23   lorsque nous avons demandé effectivement de déposer une requête et que la

 24   Défense avait demandé également un temps supplémentaire pour déposer sa

 25   réponse.

 26   Il s'agit aussi évidemment des vacances de fin d'année, chacun va sans

 27   doute rentrer chez soi. Alors peut-être que l'on pourrait nous donner

 28   jusqu'à la mi-janvier, voire même plus tard pour déposer une réponse à la

Page 35113

  1   requête et, bien sûr, il n'y a pas d'objection à ce que le conseil de la

  2   Défense dispose d'une semaine supplémentaire pour déposer sa requête.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors la Chambre qui vient de délibérer, comme

  6   vous l'avez vu, fait donc droit à la requête de Me Karnavas et donc reporte

  7   le dépôt de ses écritures au vendredi d'après puisque ça devait être fait

  8   prochainement. Donc on fait droit à sa requête et de même, compte tenu du

  9   fait qu'il y aura des pages et des pages, parce qu'il y a beaucoup de

 10   documents, le Procureur est donc autorisé à faire sa réplique pour le 20

 11   janvier 2009 au plus tard.

 12   Voilà, comme je l'ai indiqué, nous reprendrons nos travaux le 12 janvier,

 13   puisque ça sera donc le dernier témoin de Me Karnavas. Et après quoi nous

 14   entamerons la semaine d'après le premier témoin de la Défense de M. Stojic

 15   dont nous avons eu le plan de travail pour les mois de janvier, février,

 16   mars et avril.

 17   Alors pour le mois d'avril, je précise qu'a priori le dernier témoin qui

 18   est prévu, comme le 13 avril est un jour férié et que d'habitude la Chambre

 19   prend quelques jours à la mi-avril parce que c'est au milieu du semestre,

 20   le dernier témoin qui est sur la liste sera reporté au lundi 20 avril. Donc

 21   il n'y aura pas d'audience le 14, 15 et 16 avril. Il suffira de décaler ce

 22   témoin, d'autant plus que pour lui ça sera préférable, parce que sinon

 23   d'ailleurs il aurait été obligé de revenir le lundi d'après, puisque vous

 24   l'aviez prévu sur quatre jours alors que dans cette semaine nous n'avions

 25   que trois jours. Donc ce sera tout le bénéfice pour ce témoin.

 26   Est-ce que M. Scott ou M. Stringer ont des sujets à aborder.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : La Défense non plus.

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  1   Bien, comme vous le savez, la Chambre va rendre quelques décisions sur des

  2   requêtes pendantes. Nous allons les rendre très rapidement et nous nous

  3   consacrerons à cela pour le moment. Donc nous nous retrouverons tous au

  4   début de l'année prochaine. Et d'ici là, je vous souhaite aux uns et aux

  5   autres de bien travailler, parce qu'il y a beaucoup de travail devant tout

  6   le monde, travail très important. Nous allons faire le nécessaire, en ce

  7   qui concerne la Chambre, de rendre les quelques requêtes - il n'y en a pas

  8   beaucoup en souffrance - dans les meilleurs délais afin que l'on puisse

  9   repartir en début d'année sur un bon pied, à savoir que toutes les

 10   décisions auront été rendues, sauf cette requête d'admission qui elle ne

 11   pourra être traitée qu'après le 20 janvier puisque le Procureur nous fera

 12   part de sa réplique à ce moment-là.

 13   Voilà, donc la séance de ce jour est terminée et je vous dis à bientôt.

 14   --- L'audience est levée à 12 heures 38 et reprendra le lundi 12 janvier

 15   2009, à 14 heures 15.

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