Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 4 mai 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Prlic et Coric sont absents]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  9   toutes et à tous.

 10   Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce lundi 4 mai 2009, je salue en premier MM. les accusés. Je salue Mmes

 14   et MM. les avocats. Je salue tout le bureau du Procureur, ils sont tous là.

 15   Je salue également M. l'Huissier, M. le Greffier et toutes les personnes

 16   qui nous assistent.

 17   Je sais que M. le Greffier a quatre numéros IC à nous donner.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est vrai, Monsieur le Président.

 19   L'équipe 2D a déposé sa réponse aux objections du Procureur aux documents

 20   versés par le truchement d'Ivan Bagaric. Ce sera la pièce IC 997. Quelques

 21   parties ont déposé leurs listes de documents versés par le truchement de

 22   Dragan Juric. La liste 2D portera la cote IC 998. La liste 4D sera la pièce

 23   999 et la liste de l'Accusation portera la cote IC 1000. Monsieur le

 24   Président, merci.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. 

 26   Bien. Aujourd'hui, nous allons donc commencer la partie de la Défense de M.

 27   Praljak.

 28   La Chambre a été saisie vendredi dernier d'une demande par l'Accusation


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  1   d'une audience du type 65 ter ou d'un débat à l'audience afin de limiter

  2   l'ampleur du témoignage de M. Praljak. La Chambre constate que le délai de

  3   réponse pour les autres parties est au 15 mai. Donc la Chambre statuera sur

  4   cette requête après le 15 mai. En tout état de cause, la Chambre va

  5   procéder dès maintenant à la déclaration 84 bis de M. Praljak. Et dans le

  6   cadre de cette déclaration 84 bis, M. Praljak va prêter serment, comme

  7   l'avait indiqué la décision antérieure rendue par cette Chambre, et je

  8   demanderais dans quelques instants si M. Praljak jure de dire toute la

  9   vérité, rien que la vérité. Après quoi, M. Praljak fera sa déclaration qui

 10   est prévue pour une durée d'une heure 30, ce qui peut nous amener donc à la

 11   fin de la journée.

 12   Et une fois cette phase procédurale accomplie, M. Praljak déposera en

 13   qualité de témoin et il viendra s'installer devant nous au banc des

 14   témoins. Et là, M. Praljak relira la déclaration solennelle qui est

 15   présentée à tous les témoins.

 16   La Défense de Praljak nous a communiqué un calendrier, donc M. Praljak va

 17   répondre à l'interrogatoire principal pendant plusieurs jours et nous

 18   aurons également à fixer le temps pour le contre-interrogatoire des autres

 19   témoins.

 20   Concernant les questions qui pourraient être posées à M. Praljak par les

 21   Juges, en ce qui me concerne et je ne parle qu'en mon nom, je

 22   n'interviendrai dans cette phase que lorsque M. Praljak aura répondu aux

 23   questions de son avocat et lorsque les autres avocats l'auront, le cas

 24   échéant, contre-interrogé. Et ce n'est qu'à ce moment-là je poserai des

 25   questions que j'articulerai en trois thèmes, que j'indique tout de suite à

 26   M. Praljak pour qu'il n'y ait pas de surprise ou d'interrogation

 27   quelconque.

 28   Je lui poserai des questions tout d'abord à partir des éléments qu'il


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  1   abordera dans ses réponses mais qui seront uniquement consacrées par

  2   rapport à l'acte d'accusation et au mémoire préalable. Et je lui poserai

  3   des questions à partir des documents qui figurent en note de bas de page du

  4   mémoire préalable. Ça, ça sera le premier temps de mes questions.

  5   Le second temps sera uniquement consacré aux documents qui lui seront

  6   présentés par son avocat lors de son témoignage.

  7   Et le troisième temps sera consacré, le cas échéant, aux questions

  8   qui lui seront posées par les autres avocats. Donc, je décomposerai mes

  9   questions en trois temps : premier temps, l'acte d'accusation et mémoire

 10   préalable; deuxième temps, les documents qu'il présentera; et troisième

 11   temps, les documents et questions posés par les autres avocats.

 12   Voilà. Maintenant je laisse la parole à mes collègues qui vont

 13   indiquer comment ils comptent procéder le cas échéant.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pas vraiment, Monsieur le Président.

 15   C'est simplement une observation. Ligne 16, on va bientôt la voir sortir de

 16   l'écran. Vous avez dit jusqu'à la fin de la journée ou c'est plutôt

 17   "jusqu'après la première pause."

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette précision. Voilà.

 19   Alors, Monsieur Praljak, vous allez vous lever. Je vais vous demander si

 20   vous allez dire toute la vérité, rien que la vérité. Et vous allez me

 21   répondre, je le jure ? Alors, Monsieur Praljak, allez-vous dire toute la

 22   vérité, rien que la vérité ?

 23   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Antonetti,

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je dirai la vérité, rien que la

 25   vérité et toute la vérité.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Praljak.

 27   Bien. Alors Monsieur Praljak, je vous laisse la parole maintenant pour

 28   votre déclaration au titre de l'article 84 bis du Règlement.


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  1   [Déclaration liminaire de la Défense Praljak]

  2   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vous remercie.

  3   Je salue tous et toutes dans le prétoire, les Procureurs, les avocats, les

  4   Juges, et tous ceux qui sont ici pour accomplir une tâche.

  5   Et c'est parce que j'ai gardé espoir d'obtenir trois heures et on a réduit

  6   la chose à une heure et demie. Je demanderais à tout un chacun d'ouvrir le

  7   classeur qui est remis et je vais commencer à partir du point numéro 15.

  8   Et ce, c'est l'intitulé de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine.

  9   La JNA s'est attaquée à la Croatie. Le champ de bataille est la Yougoslavie

 10   entière. Les Serbes insurgés, à savoir l'armée de la soi-disant Krajina aux

 11   côtés de la JNA s'est attaquée à la Croatie. Et le champ de bataille, c'est

 12   le territoire de la Yougoslavie entière d'où viennent donc ces soldats et

 13   leur armement. La JNA, les soldats de la Krajina, l'armée de la Republika

 14   Srpska s'attaquent à la Croatie. Le champ de bataille, c'est le territoire

 15   entier à partir duquel ces attaques sont lancées, à savoir les territoires

 16   à partir desquels viennent les soldats qui participent aux dites attaques,

 17   les territoires où il est produit les moyens militaires nécessaires à ces

 18   attaques ainsi que la totalité des territoires et routes qui servent au

 19   transport de ces MTS. La JNA et toutes les autres armées serbes ne se sont

 20   pas attaquées seulement à la Croatie mais aussi à l'ensemble des

 21   territoires ainsi qu'aux populations qui vivent à l'est de la frontière

 22   Karlobag-Karlovac-Virovitica parce que c'est la frontière déterminée pour

 23   faire partie de la Grande-Serbie.

 24   Sur la totalité du territoire des attaquants, sur le territoire qui, en

 25   matière de droits de guerre internationale se trouve être défini par notion

 26   de champ de bataille, la Croatie s'est trouvée autorisée à riposter par la

 27   force militaire, à condition de le pouvoir. La Bosnie-Herzégovine, en sa

 28   qualité de territoire et en sa qualité d'Etat, s'est attaquée à la


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  1   République de Croatie. La Croatie, en application du droit international,

  2   avait le droit de riposter par l'envoi de ses propres troupes sur n'importe

  3   quelle partie du champ de bataille au cas où elle était capable de le

  4   faire.

  5   Au référendum qui s'est tenu le 19 mai 1990, il s'est prononcé en faveur

  6   d'une République de Croatie autonome et indépendante plus de 93 % des

  7   votants. A l'occasion de ces élections pluripartites parlementaires et

  8   démocratiques qui se sont tenues au printemps 1990, il a été procédé à

  9   l'élection des membres du Parlement croate.

 10   Le 25 mai [comme interprété] 1990, ici il y a une erreur, 1991, il faut

 11   entendre 1991, une prise de décisions constitutionnelles portant sur la

 12   souveraineté et l'autonomie de la République de Croatie et une déclaration

 13   portant proclamation d'une République de Croatie souveraine et autonome.

 14   C'est le droit juridique constitutionnel qui porte création de la

 15   République de Croatie.

 16   Les reconnaissances internationales constituent un acte politique

 17   déclaratif de soutien à ce nouvel Etat. Mais l'Etat lui est créé par l'acte

 18   qui est le prononcé de la volonté du peuple.

 19   Au 30 juillet 1991, le Parlement de la Lituanie a adopté une

 20   résolution reconnaissant l'indépendance et la souveraineté de la République

 21   de Croatie. La reconnaissance de la part de la France, des Etats-Unis

 22   d'Amérique, de l'Angleterre, de l'Allemagne constitue politiquement un

 23   élément plus important. Mais en ce qui me concerne personnellement, la

 24   reconnaissance de la République de Croatie par la Lituanie, et un peu plus

 25   tard par l'Islande, se trouve moralement plus important à un degré

 26   incomparable que les reconnaissances qui ont suivi lorsque la Croatie, en

 27   dépit des prévisions qui disaient qu'elle allait être vaincue, a réussi à

 28   se maintenir. Et tous, mis à part la Lituanie et l'Islande ont attendu


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  1   d'abord que ces expectatives ou ces pronostics soient réalisés.

  2   Alors est-ce que le président Alija Izetbegovic, le président de la

  3   présidence de Bosnie-Herzégovine voulait, pouvait ou souhaitait : A,

  4   empêcher les attaques de la République de Croatie à partir du territoire de

  5   la Bosnie-Herzégovine; B, empêcher que soient emmenés des soldats croates

  6   emprisonnés depuis le Kostunica croate vers les camps serbes en Bosnie-

  7   Herzégovine; C, empêcher la prise de Unista sur le territoire de la Bosnie-

  8   Herzégovine par des unités appartenant à Martic; D, empêcher les massacres

  9   du village de Ravno ou est-ce pour lui, je cite ce qu'il a dit : "Ce n'est

 10   pas notre guerre"; E, empêcher l'attaque de Dubrovnik, Slavonski Brod,

 11   Okucane, et cetera; F, empêcher la mobilisation des citoyens de la Bosnie-

 12   Herzégovine dans les rangs de la JNA. Pour ce qui est de poser la question

 13   où peut et où ne peut pas aller l'armée croate en application de la

 14   définition juridique en temps de guerre de ce qui est champ de bataille ou

 15   pas n'importe peu. L'armée croate avait le droit de se rendre sur le

 16   territoire de la Bosnie-Herzégovine parce qu'à partir de ce territoire-là

 17   il y a eu agression contre la Croatie, et de l'avis de la Croatie c'est un

 18   champ de bataille.

 19   M. Alija Izetbegovic, lui, n'a pas souhaité signer un accord

 20   militaire avec Franjo Tudjman. Afin de ne pas mettre en colère outre mesure

 21   les Serbes, alors il ne peut pas ou il ne veut pas protéger la Croatie vis-

 22   à-vis de cette agression de l'Etat à la tête duquel il se trouve. Il ne

 23   peut pas ou il ne souhaite pas protéger les Croates au sein de la Bosnie-

 24   Herzégovine. Il ne peut pas assurer la chose ni à l'égard des Musulmans,

 25   lui, Alija Izetbegovic, car il n'exerce pas le pouvoir vis-à-vis des 70 %

 26   du territoire de l'Etat où il se trouve être le président de la présidence.

 27   Mais il se comporte comme quelqu'un au pouvoir et signe un accord d'amitié

 28   et de coopération avec la République de Croatie, et cet accord permet à


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  1   l'armée croate d'intervenir dans les territoires frontaliers. En même

  2   temps, il négocie un accord historique avec l'agresseur.

  3   L'armée croate n'a pas traversé la frontière pour entrer dans le territoire

  4   de la Bosnie-Herzégovine mis à part l'action de libération de Dubrovnik,

  5   car cela s'était avéré indispensable en raison de ce territoire très étroit

  6   sur lequel les actions devaient être réalisées. Les volontaires de l'armée

  7   croate, et dans l'armée de Croatie il y avait quelque 15 000 volontaires

  8   originaires de la Bosnie-Herzégovine, s'en sont revenus chez eux pour aider

  9   à la défense de la Bosnie-Herzégovine. Malheureusement, ils n'ont pas été

 10   en nombre suffisant. Ce chiffre n'a jamais dépassé 500 à 600 volontaires

 11   véritablement engagés, du moins jusqu'au 9 novembre 1993 lorsque j'étais

 12   commandant de l'état-major du HVO.

 13   Dans la suite, à l'intention des Juges et des autres, j'ai mis à la

 14   disposition des passages du livre portant sur le droit international, parce

 15   que j'ai estimé que c'était nécessaire pour moi de l'étudier aux fins de

 16   pouvoir rédiger tout ceci.

 17   C'est dans le livre du "Droit international numéro 3" dont les auteurs sont

 18   Andrassy, Bakotic, Sersic et Vukas. En page 4 il est dit :

 19   "En application du droit de guerre classique, le champ de bataille et le

 20   territoire entier où les parties belligérantes peuvent préparer et mettre

 21   en œuvre des hostilités. Ce champ de bataille englobe en premier lieu le

 22   territoire des Etats en guerre, les terres, les eaux maritimes internes, la

 23   mer territoriale, et l'espace aérien au-dessus. Les activités de guerre

 24   peuvent, elles, avoir lieu sur toutes les parties qui ne tombent pas sous

 25   la souveraineté de quelque Etat que ce soit."

 26   Aussi en application du droit de guerre classique, le champ de bataille est

 27   englobé également par la mer et les territoires n'appartenant à personne

 28   (terra nullius).


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  1   Alors tout ce qui est dit ici figure également dans le livre du Dr Pr Gavro

  2   Perazic, c'est un Serbe, il s'agit d'un manuel. Et en page 7 on dit que :

  3   "Le champ de bataille et les territoires de l'Etat en conflit, ces

  4   territoires et les autres territoires qui ne tombent pas sous la

  5   souveraineté des Etats, et peuvent devenir champs de bataille en

  6   application du droit international s'il y a des préparatifs à y être

  7   effectués ou des opérations de combat à y être conduites."

  8   Sur la carte qui figure après, le 3D 03254, j'ai montré un passage tiré

  9   d'un livre de Salzburg montrant comment l'Amérique pendant la Deuxième

 10   Guerre mondiale a envoyé à bon nombre de pays de l'aide sous forme de

 11   crédits, de prêts, entre mars 1941 jusqu'à septembre 1946, avec les

 12   montants qui sont des dollars de l'époque. On n'a pas calculé l'équivalent

 13   de nos jours, mais c'était des montants énormes.

 14   Alors sur le 3D 03254, on a montré l'Europe suite aux conquêtes nazies. Et

 15   ici on voit sur l'exemple de la Norvège qu'à partir du moment où les

 16   troupes de l'Allemagne nazi, à savoir de la Wermacht ont occupé la Norvège,

 17   la Grande-Bretagne a bien sûr envoyé des forces d'expédition sans consulter

 18   le gouvernement de marionnettes en Norvège, parce qu'il s'agissait de

 19   l'utilisation de ports pour utilisation des forces allemandes, donc

 20   bateaux, sous-marins, et cetera, pour aller ailleurs dans l'Atlantique

 21   nord. Alors la carte d'après, et celle que je veux montrer maintenant c'est

 22   le 3D 20324 [comme interprété].

 23   Il s'agit des combats célèbres en Afrique du nord entre les troupes de la

 24   Wermacht, sous le commandement du maréchal Rommel, et au début les forces

 25   britanniques puis ensuite les troupes américaines sous le commandement du

 26   maréchal Montgomery. Donc, dans son avancée vers l'Egypte, la Wermacht

 27   voulait s'emparer des sources de pétrole, elle voulait contrôler les voies

 28   maritimes et les alliés ni anglais ni américains ne se sont considérés


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  1   empêchés en application de la définition internationale du champ de

  2   bataille de s'opposer à ces forces-là où qu'elles se soient trouvées. C'est

  3   la raison pour laquelle il y a eu des combats de menés pendant plusieurs

  4   années et on voit par exemple la bataille de Kasserine où Rommel a perdu la

  5   bataille. 

  6   Sur les autres cartes qui commencent par un numéro en bas à droite qui est

  7   le numéro 12, à l'intention des Juges, du Procureur et des personnes dans

  8   le prétoire, on montre la disposition des forces armées de la RSFY dans le

  9   cas d'une agression potentielle des forces du pacte de Varsovie, et on

 10   connaît cela comme étant le plan S-1. Alors ça prendrait trop de temps que

 11   d'étudier et d'expliquer tout ceci dans le moindre détail, mais il y a

 12   plusieurs éléments qui se trouvent être clairs, à savoir que les attaques

 13   étaient attendues depuis la Hongrie, depuis la Roumanie et depuis la

 14   Bulgarie. Et les réserves stratégiques, à savoir la dernière ligne de

 15   défense se trouvait en Bosnie-Herzégovine, ou plutôt dans la partie

 16   centrale de la Bosnie-Herzégovine.

 17   La carte d'après porte le numéro 13, montre le déploiement des forces

 18   armées, et c'est à cet effet qu'il y a eu des exercices militaires, des

 19   manœuvres militaires qui se sont déroulées pour ce qui est des forces

 20   armées de la RSFY dans l'hypothèse d'une agression des forces de l'OTAN.

 21   Une fois de plus on voit les axes d'attaque depuis l'Italie et l'Autriche

 22   et notamment les axes en provenance de la mer, de l'Adriatique. Et on voit

 23   que les axes se sont plus déplacés ou la dernière ligne de défense s'est

 24   déplacée plus à l'est, vers la Serbie. Donc ces manœuvres ont constamment

 25   eu lieu. Le général Petkovic, lorsqu'il faisait partie des rangs de la JNA

 26   en Slovénie, très souvent a dû creuser des tranchées, faire sortir ces

 27   unités pour des simulations d'attaques en provenance de l'Occident.

 28   La carte numéro 14 nous montre les zones de l'insurrection armée serbe en


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  1   Croatie. Dans la partie inférieure, on a décrit ce qui est important de

  2   dire ici, c'est qu'il y a eu quelque 25 % du territoire de la République de

  3   Croatie de pris dans 11 municipalités à majorité de la population serbe, où

  4   il y avait quelque 144 344 Serbes, à savoir 24,9 % du nombre total des

  5   Serbes en Croatie. Dans les 91 autres municipalités, il y avait 75 % du

  6   nombre total des Serbes de la Croatie, et eux n'ont pas fait l'objet de

  7   quelque représaille ou mauvais traitement que ce soit de la part des

  8   autorités croates, si l'on excepte les cas particuliers ou les exceptions

  9   qui existent.

 10   Alors sur la carte 15, on voit l'axe d'agression envisagé vers la Croatie

 11   et la Slovénie, et on voit la légende explique tout, le déploiement des

 12   corps d'armée, des brigades et du reste. Bien entendu, s'il y a des

 13   questions, je me propose d'apporter des explications plus détaillées, et

 14   ce, à l'occasion du contre-interrogatoire.

 15   Sur la carte numéro 16, il y a un plan d'attaque contre la République de

 16   Croatie après le retrait de la JNA de la Slovénie au mois de juillet 1991.

 17   Ceci est un petit complément à l'égard de ce qui figure à la carte

 18   précédente.

 19   A la carte numéro 17, on montre la situation militaire et politique en

 20   Croatie entre le mois de décembre 1991 et le mois de janvier 1992, on voit

 21   les territoires occupés de la République de Croatie ainsi que les axes de

 22   l'attaque. En l'occurrence, ce sont les axes de défense tels qu'envisagés,

 23   sans beaucoup de succès pour ce qui est de l'armée croate.

 24   3D 03173, ce sont des cartes que j'ai déjà montrées dans ce Tribunal, dans

 25   ce prétoire, il s'agit de la répartition de la JNA par zones ou régions

 26   militaires en 1985. Et on voit les modifications survenues au niveau de la

 27   carte suivante, 3D 03175. Dans le cadre des aspirations militaires et

 28   politiques déjà déterminées pour ce qui est de l'éventualité d'un


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  1   démantèlement de la Yougoslavie où l'on voit survenir une modification

  2   substantielle pour ce qui est de l'organigramme territorial de l'armée

  3   populaire yougoslave, et ceci coïncide avec les positions politiques

  4   avancées par le mémorandum et les souhaits de Milosevic et des autres

  5   disant que si déjà la Slovénie veut s'en aller, tant mieux et tant pis,

  6   mais si la Croatie veut quitter la Yougoslavie, il n'y aura qu'un tout

  7   petit bout au-dessus de Zagreb entre Virovitica et Karlobag que les Serbes

  8   considèrent ne pas être leur territoire à eux. 3D 003189 [comme interprété]

  9   est également une pièce à conviction --

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak. Je

 11   voudrais juste que vous vous rendiez compte qu'il y a un petit problème

 12   dont vous n'êtes peut-être pas bien conscient.

 13   Vous nous donnez des numéros de référence dans le prétoire électronique,

 14   comme 3D 00859, mais je ne retrouve pas ce numéro sur les cartes, sur

 15   aucune des cartes. Vous nous avez donné un grand nombre de numéros qui

 16   portent sur les cartes, mais je n'ai pas trouvé les numéros sur ces cartes.

 17   Vous avez donné le numéro de page aussi, et je me suis rendu compte que

 18   vous parliez de cartes qui portaient en fait un autre numéro de page. Donc

 19   il faudrait faire attention à cela, il serait peut-être plus utile sans

 20   doute de nous donner les titres des cartes puisque la dernière carte que

 21   nous avions je crois que le titre était "Situation militaro-politique en

 22   Croatie, décembre 1991 à janvier 1992." Donc si vous nous donnez le titre

 23   en entier, ce sera plus simple pour nous de suivre.

 24   La carte suivante dont vous allez parler, si je ne me trompe, comporte

 25   comme intitulé en haut à gauche le numéro "1985". Je ne sais pas si c'est

 26   correct ou non, c'est juste pour que qu'est-ce que vous dites soit bien

 27   compris par la Chambre et puisse être suivi par la Chambre.

 28   Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais juste


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  1   apporter une explication. Le général Praljak a reçu une liste de documents

  2   au sein du système e-court simplement afin que l'on puisse aussi afficher à

  3   l'écran les cartes dont il est question. Quant au général, lui, il aborde

  4   les cartes dans le même ordre, strictement dans le même ordre que celui

  5   dans lequel elles sont rangées dans le classeur qui a été remis, si bien

  6   que dans ce classeur ne figurent pas les numéros e-court, puisque vous avez

  7   reçu une version papier. Ce n'est qu'aux fins de l'affichage sur écran

  8   qu'on a également tenu compte des numéros e-court afin de pouvoir procéder

  9   à cet affichage.

 10   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Alors, nous avons maintenant la carte

 11   qui porte le numéro de page 18, en bas à droite, et qui correspond à

 12   l'année 1985. En 1985, la structure territoriale de la JNA était telle

 13   qu'indiquée ici, donc la 1ère, la 2e, la 3e armée, et cetera, la 5e Armée

 14   autour de Zagreb. Et tout cela est particulièrement important pour la

 15   raison suivante. En effet, dans la carte suivante qui correspond à l'année

 16   1987, on voit qu'on assiste à une réorganisation très importante de la JNA,

 17   conformément, comme je l'ai déjà dit, aux aspirations politiques de la JNA

 18   et des dirigeants serbes, tel que déjà expliqué dans le mémorandum de

 19   l'Académie des sciences de Serbie, à savoir que par l'intermédiaire de la

 20   désintégration de l'ex-Yougoslavie, la Slovénie peut sortir de l'ex-

 21   Yougoslavie. Mais pour ce qui concerne les autres parties de l'ex-

 22   Yougoslavie, seule la partie de la Croatie délimitée par une ligne

 23   Virovitica-Karlovac-Karlobag peut sortir de la fédération yougoslave. C'est

 24   un territoire particulièrement petit. Et tout le reste du territoire de la

 25   Croatie ne pourrait pas en sortir. Donc, cela correspondait à cette

 26   conception qui était celle du groupe préparant la guerre et qui considérait

 27   que tout le reste de la Croatie appartenait à l'entité nationale serbe.

 28   La carte suivante correspond à l'année 1992 et nous montre "le


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  1   développement opérationnel des forces armées de la RSFY". C'est la pièce 3D

  2   00859. Elle nous montre comment les unités de la JNA ont été positionnées

  3   et déployées après qu'elles aient quitté le territoire de la République de

  4   Slovénie. On voit donc que le 3e Corps d'armée s'est rendu au Monténégro,

  5   et c'est le même corps d'armée qui, ensuite, a procédé aux attaques contre

  6   Mostar et cette région. Le 10e Corpus de Knin s'est déplacé en Bosnie-

  7   Herzégovine, le 9e également en Bosnie-Herzégovine, et cetera.

  8   Sur la carte suivante, on voit la répartition des forces de la JNA en

  9   Bosnie-Herzégovine à la date du 20 mars 1992. On voit de façon tout à fait

 10   exhaustive la répartition de ces unités, leur nature; on a le 5e, le 10e

 11   Corps d'armée, et on voit combien de soldats et combien de soldats

 12   volontaires sont présents au sein de chacun. Là encore, c'est une pièce à

 13   conviction qui est le 3D 00859.

 14   Et à titre informatif, j'ai ajouté un tableau ensuite qui indique le

 15   nombre d'enfants blessés et décédés à Slavonski Brod à partir du moment où

 16   l'artillerie a commencé à procéder à des tirs à partir de la Bosnie-

 17   Herzégovine et comme conséquence de cela. Et je n'ai rien d'autre à ajouter

 18   à ce document.

 19   Je passe au point 16, à savoir malentendus potentiels dans des Etats qui

 20   procèdent à des changements de leur système politique, dans des Etats qui

 21   non seulement procèdent au changement de leur système politique mais sont

 22   en pleine gestation, se constituent en des Etats qui non seulement

 23   modifient leur système politique, sont en gestation, mais également doivent

 24   conduire une guerre contre un agresseur. Dans ce type d'Etat, ni le

 25   président de la République de Croatie, ni le président de la présidence ou

 26   la présidence de la Bosnie-Herzégovine, ni le gouvernement, ni les

 27   ministres, ni l'armée qui permet la création et la survie de l'Etat, ni

 28   même les commandants de cette armée, ni la police militaire, ni quelque


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  1   autre structure sociale que ce soit ne correspondent à la signification que

  2   recouvrent les mêmes dénominations dans les pays dont sont originaires MM.

  3   les Juges et les membres du bureau du Procureur. Il s'agit ici d'une erreur

  4   très fréquente qui provient d'une approche nominaliste stricte, à savoir

  5   que l'on attribue à ces termes la signification d'un concept appartenant à

  6   l'Etat et la culture et la civilisation dont est originaire l'observateur.

  7   De là, il découle une erreur de communication et un malentendu,

  8   puisque c'est par un même mot que l'on désigne des significations très

  9   différentes, ce qui peut donner lieu à une interprétation, elle aussi

 10   différente, voire complètement erronée, du système dont il est question.

 11   J'ai eu de nombreuses occasions d'observer ce type de cas de la part de

 12   tous les observateurs qui ont eu l'occasion d'être présents sur nos

 13   territoires pendant la durée de la guerre. J'ai observé un manque de

 14   connaissances chez les personnes qui sont venues et trop de clichés, tant

 15   sur le plan culturel, civilisationnel que politique, qui ne sont valables

 16   que dans les pays d'origine des personnes qui se sont efforcées de modérer

 17   la crise. Par exemple, les conceptions liées à l'armée, armée en tant que

 18   corps organisé, juridiquement légitime, disposant de traditions, de modes

 19   de financement, opérant une sélection positive, disposant de moyens de

 20   soutien psychologique et d'importants moyens, tant matériels qu'humains,

 21   ainsi qu'exerçant un contrôle permanent et une surveillance constante de

 22   chacun de ses segments, et cetera.

 23   Egalement, j'ai observé le même cas avec la conception de la société

 24   démocratique qui serait censée fonctionner à partir du moment où l'on passe

 25   une loi établissant des élections libres. La conception ou le cliché

 26   concernant l'Etat de droit, qui serait introduit dès que de bonnes lois

 27   seraient mises en place concernant les services de police et leur

 28   efficacité, ou plutôt, le critère correspondant au travail de la police qui


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  1   intervient lorsque certains citoyens viennent à endosser tel ou tel

  2   uniforme ou insigne, rien de tout ça n'est particulièrement simple, et nous

  3   avons affaire à des malentendus qui sont particulièrement complexes,

  4   généralement, depuis plusieurs décennies.

  5   La sociologie est une science complexe, et tous ceux qui

  6   s'intéressent à la société et à ses problèmes sont bien au courant des

  7   erreurs les plus fréquentes : a) la réduction du système que l'on observe

  8   au niveau qui est celui de sa propre ignorance; et b) l'introduction

  9   d'hypothèses erronées à chaque fois qu'on a besoin d'expliquer tel ou tel

 10   phénomène. Je ne souhaite pas que l'on s'imagine que cela signifie la chose

 11   suivante, à savoir que tous ceux qui ne disposent pas de cela ont le droit

 12   de commettre des crimes. Bien sûr que non. Mais la désorganisation qui peut

 13   entacher tout système social entraîne nécessairement un nombre croissant de

 14   tous ceux qui, au cours du temps, et cela pour de nombreuses raisons, 

 15   franchissent les limites de ce qui est permis. C'est pourquoi je pense que

 16   ce n'est qu'une analyse exhaustive et de grande ampleur, analyse portant

 17   sur les cas individuels qui se sont présentés.

 18   Seule une telle analyse peut nous donner la réponse à la question de

 19   savoir si les délits au pénal et les crimes ont été encouragés, si on les a

 20   permis en ne les punissant pas, en les passant sous silence, en n'y

 21   souscrivant de façon tacite ou bien s'ils correspondent à la distribution

 22   statistique habituelle des phénomènes indésirables amenés par toute guerre

 23   et toute situation sociale chaotique.

 24   Pour tous ceux dans le prétoire que cela intéresse, j'ai préparé de courts

 25   extraits de l'ouvrage de Len Deighton, "Guerre éclaire ou Blitzkreig",

 26   ouvrage sur la Seconde Guerre mondiale. J'ai notamment repris l'extrait qui

 27   explique la façon dont s'est déroulé et comment il a été possible que les

 28   troupes de la Wermacht menées par les généraux Rommel, Manstein et Guderian


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  1   aient pu, tout près de l'endroit où nous nous trouvons en Belgique dans les

  2   Ardennes, briser, pour ainsi dire, aussi facilement la résistance des

  3   divisions françaises et du corps expéditionnaire britannique.

  4   Et je voudrais donc lire seulement la chose suivante de la page 4. "Une

  5   chose était claire. Quoi qu'ils fassent, quelque jeu qu'ils choisissent de

  6   jouer, les alliés se trouveront dans une situation particulièrement peu

  7   enviable, et cela, uniquement en raison du refus obstiné des Belges de

  8   participer à leur propre défense. Cette position des Belges s'est

  9   finalement confirmée lorsque l'ambassadeur Belge à Londres a rendu visite

 10   au ministère britannique des Affaires étrangères quelques heures à peine

 11   après l'entrée des troupes allemandes dans son pays. Il a donc rendu visite

 12   au ministère des Affaires étrangères britanniques et a remis une note de

 13   protestation au nom de son gouvernement, note de protestation adressée

 14   parce que l'armée britannique avait franchi la frontière franco-belge afin

 15   de se battre contre l'envahisseur sans y avoir été officiellement invitée

 16   par la Belgique."

 17   En page 5, j'ai fait figurer un extrait en caractère gras pour

 18   montrer à quoi peuvent ressembler des troupes bien entraînées et

 19   organisées. Voilà. Alors, je lis :

 20   Voilà ce qu'un officier britannique a écrit au sujet d'une unité du

 21   9e Corps d'armée, il s'agit de l'armée française, du 9e Corps d'armée qui

 22   était particulièrement important :

 23   "Il est rare de voir une unité militaire aussi désorganisée et dont

 24   les hommes prennent aussi peu soins d'eux. Les soldats étaient pratiquement

 25   tous -- aucun d'entre eux n'étaient rasés, leurs chevaux, on voyait bien

 26   qu'ils n'en n'avaient pas pris soin non plus. Sur les visages des soldats,

 27   on ne pouvait lire aucune trace de fierté, que ce soit une fierté d'eux-

 28   mêmes ou par rapport à leur unité. Mais ce qui m'a le plus marqué, malgré


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  1   tout, c'était l'expression de leurs visages, expression insatisfaite,

  2   insoumise et rétive. Et bien que l'ordre leur ait été adressé de saluer à

  3   gauche, ils sont passés à côté de nous et pratiquement aucun d'eux n'a pris

  4   la peine de nous saluer."

  5   Alors, parmi les causes principales du faible moral des troupes françaises

  6   en 1940, on cite généralement l'alcool, la propagande, et cetera. Et

  7   pendant ces quelques mois d'inaction quasi-totale, ce phénomène

  8   d'alcoolisme et autres ont pris des proportions si massives que les chemins

  9   de fer ont dû organiser des pièces spéciales au sein des stations pour que

 10   soient accueillis les soldats ivres morts.

 11   Bien souvent, les Juges de cette Chambre posent des questions sur l'état de

 12   communication dans les forces armées, qui contacte qui, à quelle vitesse,

 13   dans quel délai on peut contacter quelqu'un ou réagir à telle ou telle

 14   situation. Voyons l'état de désordre et de chaos qui régnaient au sein des

 15   troupes françaises, au sein du commandement des troupes françaises et des

 16   unités de l'armée britannique qui lui était subordonnée. C'est en pages 7,

 17   8 et 9. Les soldats britanniques étaient sous le commandement direct

 18   d'officiers français puisque le corps expéditionnaire britannique était

 19   petit.

 20   Mais il est dit que la structure même de commandement français était

 21   si rigide qu'il était purement et simplement impossible d'y faire passer

 22   les ordres nécessaires à une réaction prompte. Plus loin, il est dit que

 23   les officiers ne pouvaient pas contourner ce mauvais système de

 24   commandement. Et il est dit à quel point le soutien qu'a reçu le général de

 25   brigade Charles de Gaule s'est avéré insuffisant et même négligeable

 26   lorsqu'il s'est efforcé de poursuivre la lutte contre les Allemands avec

 27   ses hommes qui, après avoir perdu la guerre avec les Allemands, ont signé

 28   un armistice avec eux le 21 juin, un accord de paix. Le général français


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  1   Gamelin, si je prononce bien son nom, a été à l'origine de la stratégie

  2   française. Il nommait les commandants des unités et il émettait des ordres

  3   non seulement aux unités françaises qui combattaient les forces allemandes,

  4   mais également les unités françaises qui combattaient les italiens, celles

  5   qui étaient dans l'Afrique du nord et en Syrie également. Cependant, il est

  6   intéressant pour moi de noter qu'il ne disposait pas d'un état-major.

  7   Le commandement opérationnel des forces alliées en France du sud-est

  8   était une tâche qui incombait au général Georges qui était major. Mais même

  9   le chef d'état-major de ce général a reconnu que ces officiers n'étaient

 10   pas tout à fait sûrs de la question de savoir où s'arrêtait la

 11   responsabilité du général Gamelin et où commençait la sienne. Et

 12   finalement, lorsqu'ils ont perdu la guerre, et quand il a répondu à la

 13   question de savoir à quelle vitesse il pouvait envoyer des ordres sur le

 14   théâtre des opérations, il a répondu que cela prenait généralement 48

 15   heures pour atteindre le théâtre des opérations. Dans le choc avec les

 16   unités allemandes, les trois généraux qui étaient les plus près du front

 17   ont eu à faire face à un adversaire qui disposait de bonnes communications

 18   et a une armée face à laquelle les divisions françaises n'avaient

 19   simplement qu'une chance de tenir. 

 20   Et je voudrais également dire quelque chose au sujet de la peur des chars.

 21   Lorsque Guderian a procédé à une percée sur la ligne de la 5e Division.

 22   C'est à la page 10, "Le poste de commandement de la 55e Division

 23   d'infanterie" -- je vais commencer un peu plus haut. Excusez-moi.

 24   Il est intéressant de constater que la première pierre de cette

 25   véritable avalanche catastrophique n'a pas chuté à cet endroit-là. Ce n'est

 26   peut-être pas là que la ligne s'est brisée. Ce qui a déclanché cette

 27   avalanche c'est ce qui s'est passé vers 18 heures 30, trop tard déjà, ce

 28   jour qui ressemblait à un jour d'été ordinaire, où le commandant d'une


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  1   unité d'artillerie française, qui avait été déployée près du village de

  2   Chaumont, a envoyé un rapport selon lequel les chars allemands avaient

  3   opéré une percée jusqu'à la colline de Marfais.

  4   Ce rapport était complètement inexact, mais chaque commandant

  5   français qui avait souhaité rejeter ce rapport comme une manifestation

  6   hystérique de la peur a bien rapidement dû changer d'avis, lorsque peu de

  7   temps plus tard un colonel d'artillerie français, originaire de Bulson

  8   [phon], un peu plus au sud de Chaumont, a lui aussi envoyé au commandement

  9   de son corps d'armée un rapport, lui aussi prématuré, et dans ce rapport il

 10   affirmait que les combats s'étaient rapprochés de façon menaçante de son

 11   propre poste de commandement, si bien qu'il devait ou bien se retirer ou

 12   bien se faire à l'idée que son unité allait être encerclée. Et on parle

 13   ensuite dans la suite de ce même texte d'un afflux de déserteurs et de

 14   réfugiés. On y parle aussi du courage et du moral du 213e Régiment

 15   d'infanterie de l'armée française qui, malheureusement, bien que ses

 16   soldats aient été capables de marcher sur des distances allant jusqu'à 100

 17   kilomètres, n'a pas réussi à arriver pour participer aux combats. Et cela

 18   ne représente que quelques courts échantillons de ce qui échappe

 19   constamment à notre attention en raison même des conditions qui prévalent

 20   dans ce prétoire, à savoir les conditions chaotiques de la guerre.

 21   Je vais maintenant passer au point 17, "La volonté, l'intention, l'action

 22   et le pouvoir."

 23   Si nous interrogions les personnes et nous leur demandions si elles

 24   souhaitent que les problèmes de la faim, des maladies causées par la

 25   misère, les problèmes de la guerre, de la criminalité, des meurtres,

 26   trouvent une solution, elles répondraient par oui. Pourquoi alors ne

 27   parvenons-nous pas à trouver une solution à cela ? Pourquoi la Baroness

 28   Statures [phon] a-t-elle besoin de quelques années pour venir à bout du


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  1   problème des excès des supporteurs britanniques ? Pourquoi faut-il

  2   plusieurs mois au ministre de l'Intérieur français Sarcozy pour venir à

  3   bout des désordres causés par des citoyens français, donc des meurtres, des

  4   incendies, des destructions de véhicules et de magasins dans les banlieues

  5   des villes françaises ? Comment se fait-il que les personnes qui sont aux

  6   responsabilités en France n'aient pas été en mesure d'empêcher que tous ces

  7   véhicules soient incendiés à l'occasion du Nouvel An ? Mille deux cents

  8   cette année, et au cours des dix dernières années si on fait le total ça

  9   représente plus de 30 000 véhicules. Comment se fait-il que le gouvernement

 10   grec ne soit pas en mesure de mettre un terme à des désordres qui ont duré

 11   plusieurs mois qui étaient causés par ses propres citoyens à Athènes ?

 12   Comment se fait-il que l'armée américaine ne soit pas en mesure d'arrêter

 13   le meurtre de plusieurs centaines de civils en Iraq, un pays d'où ont été

 14   chassés ou qu'ont fui plus de 4 millions d'Iraquiens ? S'agit-il de

 15   nettoyage ethnique ? S'agit-il de personnes qui ont été chassés ou qui ont

 16   simplement fui pour sauver leur peau ? Qui est responsable de cela et

 17   comment peut-on l'empêcher ? Pourquoi les catholiques et les protestants en

 18   Irlande du nord se sont-ils affrontés de façon sanglante pendant des

 19   décennies ? Et tout cela à l'intérieur de ce qu'on appelle le monde

 20   civilisé. Cela ne nous fait-il pas mal que de constater la façon dont la

 21   Chine, il y a 20 ans de cela, a détruit une civilisation et une culture

 22   toute entière au Tibet, et ce qu'elle continue à faire en maintenant tout

 23   un peuple à la limite même de la survie ? Et que pouvons-nous faire en la

 24   matière ? Pourquoi ne pouvons-nous rien faire ? Il n'est pas besoin de

 25   continuer à énumérer parce que la liste serait trop longue.

 26   Mais quand, à la fin, dans toute cette mer du mal qui inonde le

 27   monde, quand à la fin nous apprenons qu'il s'est passé quelque chose, dans

 28   combien de cas allons-nous vraiment trouver les auteurs de tels actes ?


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  1   N'est-ce pas une route longue et difficile qui passe entre le fait d'avoir

  2   appris que quelque chose s'est produit et le moment où l'on trouve l'auteur

  3   ? Et quels sont les moyens organisationnels, technologiques dont nous

  4   devons disposer pour trouver et découvrir ces auteurs ?

  5   L'incapacité de faire quelque chose pour empêcher ou découvrir des

  6   crimes est un sentiment désespérant, mais ce n'est pas un crime. Autrement

  7   dit, il s'agit là d'un sentiment de désespoir mais il ne s'agit pas là d'un

  8   acte criminel.

  9   Je passe au point 18, entreprise criminelle commune ou bien entreprise

 10   jointe commune. On a beaucoup écrit sur des groupes sociaux, de grands

 11   groupes, de petits groupes, des groupes professionnels ouverts ou fermés,

 12   plus ou moins organisés, hétérogènes, unis, idéologiques, et cetera. Quelle

 13   est la logique qu'on a employée pour choisir justement ce groupe des

 14   accusés ? Le Procureur dit tous les membres du HDZ, tous les membres du

 15   HVO, et cetera. Mais ensuite il dit : "Mais il y en a qui n'en font pas

 16   partie." Quelqu'un qui a étudié un petit peu la logique, et en

 17   réfléchissant d'ailleurs, si on ne pense pas que réfléchir n'est rien

 18   d'autre qu'une activité chimique du lobe frontal, quelqu'un qui réfléchit

 19   n'aurait jamais écrit "tous," en ajoutant qu'il y en a qui ne font pas

 20   partie de cela. Parce que s'ils ont tous fait partie de cela, ceux qui

 21   n'ont pas fait partie de cela ne peuvent pas exister. Donc s'ils n'ont pas

 22   tous participé à cela, il faut savoir quels sont ceux qui n'ont pas été

 23   membres de ce groupe, et pourquoi il y en a quatre parmi eux qui sont

 24   décédés et six seulement qui sont encore vivants ? Quel était le critère

 25   qu'on a adopté pour les choisir ?

 26   La question qui est encore plus difficile est la question du

 27   phénomène social de guerre et des causes de la guerre, et l'essence même de

 28   ce phénomène. Il s'agit là de phénomènes qui sont extrêmement complexes et


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  1   qui ont des liens de cause à effet. Tout a une influence sur tout. Nous

  2   avons des milliers, des centaines de milliers de variables qui agissent

  3   entre elles pour arriver à des équations différentielles extrêmement

  4   complexes sans jamais pouvoir trouver de solution véritable.

  5   Nous avons deux grandes théories du XXe siècle qui sont importantes

  6   pour comprendre de quoi il s'agit. La première, c'est la théorie du

  7   déterministe du chaos. Autrement dit, vous pouvez avoir de petits

  8   changements à l'entrée d'un système, et si on les intègre de façon rapide,

  9   il va y avoir de grands changements non prévisibles au sein même de ces

 10   systèmes.

 11   Et je pense que là c'est quelque chose qui est très important,

 12   justement, très pertinent pour la situation telle qu'elle était en Bosnie-

 13   Herzégovine, parce qu'il y a eu des éléments répétitifs qui ont fini par se

 14   retrouver dans une singularité hors contrôle. Ensuite, nous avons la

 15   théorie électrodynamique Bohr, Heisenberg, Schrodinger, Dirac, Planck, et

 16   cetera. Parce que là nous avons la théorie des probabilités qui constitue

 17   une façon logique de comprendre, ensuite il y a aussi le principe de

 18   complémentarité, qui va comme suit : aucun phénomène naturel véritable ne

 19   peut pas être déterminé par des mots qui viennent du discours quotidien.

 20   Pour pouvoir déterminer une telle chose, il faut au moins deux éléments

 21   complémentaires. Les exemples pour cela : la vie, les objets quantiques,

 22   système physique, et cetera, car il n'y a pas de science sans l'art, il n'y

 23   a pas de beauté sans laideur, il n'y a pas de bonté sans mal, et la lumière

 24   du soleil, quand elle passe par un prisme, fait un arc-en-ciel, mais quand

 25   elle passe par une loupe, elle brûle. Et pourquoi tout ceci est important

 26   pour nous ? Je vais vous répondre de deux façons. Tout d'abord, je vais

 27   répondre si on me pose la question, et ensuite, je vais aussi essayer de

 28   présenter des documents qui n'ont pas été présentés jusqu'alors pour


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  1   comprendre toute la vérité en l'espèce.

  2   Dix milles à 15 000 guerres ont existé dans l'histoire, et leur nombre

  3   défini de la définition même de la guerre. On a eu plus de 500 guerres

  4   après la Deuxième Guerre mondiale, plus de 200 interventions militaires

  5   plus ou moins importantes des Etats-Unis d'Amérique après la Deuxième

  6   Guerre mondiale. Nous avons une guerre jamais terminée entre le Japon et la

  7   Russie, ensuite, une guerre jamais terminée entre la Corée du Sud et du

  8   Nord, entre la Chine et l'Inde, l'Inde et le Pakistan, les Tigres et les

  9   Tamouls, le Moyen-Orient, les Basques, l'Islande du Nord, l'Afrique, et

 10   cetera, et cetera. Jamais le nombre de guerres plus ou moins importantes

 11   n'a représenté un chiffre inférieur à 25 ou 30. Il y a eu 25 guerres entre

 12   la France et l'Allemagne au cours des 300 dernières années.

 13   Ensuite vous avez la famine et les maladies. Dix millions d'enfants

 14   périssent tous les ans de faim; 100 millions de personnes ont été tuées par

 15   le communisme, et cetera, et cetera; 25 000 jeunes filles tombent enceinte

 16   après avoir été violées chaque année aux Etats-Unis, et ceci ne représente

 17   pas le nombre de femmes violées, c'est tout simplement le nombre de femmes

 18   violées qui sont tombées enceinte.

 19   Et la justice, les procureurs, les juges, quand, il y a 2 300 ans,

 20   quand on a jugé Socrate parce qu'il a mal enseigné les jeunes, qu'est-ce

 21   que il y avait vraiment de moral là-dedans ? Il y a eu des procès à Rome,

 22   il y a eu des procès communistes, nazis, des procès de races, de classes,

 23   et tout cela au cours du XXe siècle. L'Amérique, déjà en 1962 a, par la

 24   force des armes, empêché la ségrégation raciale dans les écoles.

 25   Est-ce que toute l'histoire de l'humanité n'est autre chose qu'une

 26   entreprise criminelle commune ? Je vous demande de bien me comprendre. Je

 27   ne suis pas là pour écrire la morale, mais là, je m'adresse au bureau du

 28   Procureur, n'utilisez pas des termes aussi pathétiques quand vous invoquez


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  1   la justice et ce terme obscure qui est la communauté internationale. Si

  2   jamais il se trouve que je suis coupable de quoi que ce soit, je vais être

  3   coupable devant les victimes, parce que c'est les victimes que je respecte.

  4   A travers les pages qui suivent, même si cela peut paraître étrange que je

  5   m'occupe de cela, je me suis penché aussi sur la doctrine même de

  6   l'entreprise criminelle commune, surtout quand il s'agit des écritures du

  7   Pr Marijan Damaska, qui était le professeur, justement, à l'Université de

  8   Yale, aux Etats-Unis d'Amérique, où il enseignait justement ce sujet,

  9   l'entreprise criminelle commune. Et à la page 4, vous allez voir quelques

 10   citations, mais je ne veux pas les énumérer, vous les trouverez dans le

 11   document. Et j'attire votre attention là-dessus parce que je ne veux pas me

 12   poser en donneur de leçons, surtout pas aux Juges, que je respecte, bien

 13   entendu, mais les Juges sont ici, bien sûr, pour écrire les lois et pour

 14   faire fonctionner la justice. Mais tout le monde a le droit de réfléchir à

 15   la justice, et donc je l'ai fait, parce que je me suis toute ma vie

 16   intéressé à l'éthique, à la déontologie et le rapport qui existe entre la

 17   justice et la moralité.

 18   Et donc à la page 4 (a), vous allez trouver qu'il faut qu'il existe

 19   un plan commun, un dessein commun, l'intention, mais je ne veux pas

 20   m'attarder là-dessus.

 21   Ensuite à la page 5, il dit à quel point ce terme de l'intention commune

 22   est mal défini, et cetera. Mais moi ce que je veux faire ici c'est de vous

 23   donner lecture de ce qui figure à la page 6, comment se comportait la

 24   communauté internationale, et là c'est un extrait du livre de Florence

 25   Hartmann, donc il s'agit des hommes protégés qui, par la décision des

 26   membres permanents du Conseil de sécurité, avaient été protégés. On leur a

 27   garanti la survie, la vie dans cette enclave. Je cite :

 28   "Paris, Londres et Washington ont omis, en 1995, à prendre toutes les


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  1   mesures nécessaires pour empêcher qu'un génocide se produise qui, petit à

  2   petit, s'est préparé sous nos yeux."

  3   Déjà en 1993, les représentants internationaux clairvoyants ont dit

  4   que le resserrement de l'étau autour de cette enclave encerclée, ils ont

  5   dit qu'il s'agissait là d'un génocide lent.

  6   Pendant toute la dernière offensive contre Srebrenica entre le 6 et

  7   le 11 juillet 1995, les grandes forces n'ont jamais cessé d'affirmer que

  8   les forces serbes, en dépit de leur avancement flagrant, n'ont aucune

  9   intention de prendre le contrôle de l'enclave. En feignant la surprise, ils

 10   ont, sans bouger le petit doigt, laissé Mladic entrer dans la ville le 11

 11   juillet 1995. Ensuite, je vais sauter quelques phrases. Jacques Chirac a

 12   jeté la lumière sur cela. Il a essayé de convaincre ses partenaires

 13   d'intervenir.

 14   Le 11 juillet, le président français conseille la Grande-Bretagne,

 15   les Etats-Unis d'Amérique et l'Allemagne de reprendre l'enclave par la

 16   force. Ensuite, la France se tourne vers le Conseil de sécurité et dit à

 17   nouveau qu'elle est tout à fait prête à mettre ses hommes à la disposition

 18   pour toute opération militaire jugée utile et réalisable.

 19   Le 13 juillet, Chirac persiste et téléphone à Bill Clinton en lui

 20   disant : Vous avez les hommes à Srebrenica, ils sont en danger de se faire

 21   égorger s'ils ne sont pas aptes à porter des armes. Ils ont été séparés des

 22   femmes. Les peuples civilisés doivent s'opposer à cette forme de fascisme,

 23   et il faut absolument qu'ils mettent en œuvre une opération militaire

 24   décisive et limitée." Mais Clinton, qui n'était pas enclin à voir les

 25   troupes américaines engagées dans l'action en Bosnie, il refuse. Kofi

 26   Annan, qui est toujours le chef des opérations du maintien de la paix

 27   auprès des Nations Unies, considère que la proposition française n'est pas

 28   réaliste et n'est pas réalisable, et ensuite on connaît la suite des


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  1   événements.

  2   Ensuite, on peut lire que Carla del Ponte sait que les forces

  3   internationales étaient aussi responsables des crimes perpétrés à

  4   Srebrenica, et l'a dit clairement :

  5   "Les forces internationales savaient qu'il allait y avoir des

  6   massacres importants qui allaient être commis à Srebrenica. Ils en ont

  7   parlé et ils n'ont rien fait pour les empêcher."

  8   Et cetera, et cetera. Mme Carla del Ponte, dans son livre, écrit à la

  9   page 9 de mon texte : Un des Procureurs du Tribunal, un Canadien, très bien

 10   connu dans les cercles pour son humour, utilisait les aphorismes pour bien

 11   montrer quelle est la différence entre les Serbes et les Croates qui

 12   essayaient d'empêcher le fonctionnement du Tribunal : "Les Serbes sont des

 13   bâtards," disait-il, "alors que les Croates, ce sont des bâtards perfides."

 14   J'ai envoyé cette lettre à des dizaines d'adresses pertinentes avec

 15   l'aide de mes avocats en affirmant que del Ponte a utilisé un verbe dans

 16   une forme qui indique -- répétitive, donc en perspective, qui montre que

 17   là, il ne s'agit pas de quelque chose qui a été dit une fois. Il s'agit là

 18   de quelque chose qui a été répété, réitéré. Il s'agit de propos

 19   chauvinistes, d'une attitude chauviniste et raciste à l'égard des Croates.

 20   Ensuite, ce qu'elle fait, c'est qu'elle répète finalement les propos de ce

 21   procureur sans prendre aucune distance; autrement dit, elle est tout à fait

 22   d'accord.

 23   Si, par hasard, moi, Slobodan Praljak, si j'avais écrit quelque chose

 24   de semblable à quelque moment que ce soit de ma vie et sous quelque forme

 25   que ce soit par rapport à quelque peuple que ce soit ou groupe ethnique à

 26   l'époque où il y avait la guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie,

 27   j'aurais été condamné, rien que pour ça, à cinq années de réclusion

 28   criminelle.


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  1   Maintenant, je passe au paragraphe 19, quid pro quo ou tu quoque, comme on

  2   dit ici devant ce Tribunal, l'attaque de la JNA sur la Croatie et la

  3   Bosnie-Herzégovine a été aidée par les formations de Serbes du cru, armés,

  4   et cette attaque a mis en marche des centaines de milliers de réfugiés qui

  5   quittaient les villages brûlés. Les camps, les civils tués, les

  6   destructions, les viols étaient partie intégrante de cette agression.

  7   Comme dans les relations sociales, il n'existe rien d'autre qu'une

  8   loi de cause à effet, action-réaction. A partir du moment où, auprès des

  9   individus ou de groupes petits, organisés, mais qui n'étaient placés sous

 10   aucun contrôle, à partir du moment où le seuil d'acceptabilité pour

 11   supporter la souffrance a dépassé toutes les limites, vous avez eu

 12   vengeance chez les Croates et chez les Musulmans. Cela se produit dans

 13   toutes les guerres. Avec le temps et à cause de la mixité de la population,

 14   cette guerre en Bosnie-Herzégovine a commencé à ressembler à une guerre

 15   civile. Les Musulmans, à cause des conquêtes serbes des différents actes,

 16   pouvaient à peine subsister en Bosnie-Herzégovine, et puisqu'il y avait cet

 17   embargo sur les armes imposé par les forces internationales, ces Musulmans,

 18   ils ont accepté l'aide des Moudjahidines. Les Moudjahidines ont apporté un

 19   nouvel élément dans cette guerre, dans ce chaos qui courait déjà, un

 20   élément de la guerre sainte et qui a été très importante dans cette idée

 21   qui consistait à attaquer les Croates.

 22   C'est absolument clair qu'un commandant, quel que soit son niveau, ne

 23   doit jamais prendre des décisions qui seraient contraires au droit

 24   international de la guerre. Ceci n'est pas contesté. Mais ce qui est

 25   contesté, c'est la thèse du Procureur, et j'ai bien peur que les Juges ne

 26   réduisent le système tout entier aussi de la même façon; autrement dit, que

 27   l'incapacité de diriger dans cette situation chaotique représente en soi la

 28   culpabilité.


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  1   Il y a un humaniste intellectuel qui dit qu'en 1992, il est arrivé à

  2   Mostar pour aider, mais ce qu'il a trouvé c'était une situation chaotique,

  3   alors il est rentré chez lui. Donc, la plupart de ces faux intellectuels

  4   racontaient des histories dans les salons, dans leur cercle fermé,

  5   racontant les histoires sur ceux qui sont restés sur place, et s'il y a

  6   quelque chose qu'il n'aime pas dans ce qui s'est passé dans la guerre,

  7   c'est sur cela, ceux qui sont restés qu'ils jettent le blâme. Ils auraient

  8   pu, disent-ils, s'ils avaient voulu. Moi, je méprise le rôle de ces

  9   spectateurs théâtraux de la guerre. Ce que je dis à 98 % des hommes dont

 10   j'étais le commandant, je leur dis : Honneur à ceux qui ont décidé de

 11   défendre Thermopylae. Je cite le poète grec, Kavafis. Je respecte leur

 12   mort, je respecte leurs blessures, leur courage, le fait qu'ils ont gelé

 13   dans les tranchées, mal habillés, mal chaussés, mal nourris, je respecte

 14   leur désespoir quand ils réfléchissaient au sort de leurs familles, ce qui

 15   allait se passer avec leurs familles s'ils mourraient. Ils étaient mal

 16   armés. Très souvent, leur objectif n'était pas clair. Ils ne comprenaient

 17   pas l'objectif de cette bataille qui avait beaucoup trop d'orchestrateurs

 18   qui n'avaient pas suffisamment de principes et pas beaucoup de moralité.

 19   Ce qu'on ne savait pas c'est quelle serait exactement la position du peuple

 20   croate dans cet Etat pour lequel ils se battaient, car se sont le peuple

 21   qui font les Etats, ce n'est pas l'inverse.

 22   Puis, il faut aussi ajouter, pour être tout à fait vrai, que même les

 23   droits de guerre internationale parfois acceptent la logique tu quoque.

 24   C'est un élément que j'ai pu retrouver dans différents livres que j'ai lus,

 25   notamment le livre de M. Gavro Perazic, qui est le professeur du droit de

 26   guerre international à l'Université de Belgrade. Dans ce livre que j'ai pu

 27   lire et des livres que j'ai pu lire pendant la guerre aussi, des livres

 28   portants sur le droit international de la guerre, qu'il s'agisse de livres


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  1   écrits en Suisse ou ailleurs traduits, partout dans ces œuvres on dit que

  2   parfois quand vous avez un ennemi qui ne respecte jamais le droit

  3   international de la guerre, on a le droit à la vengeance. Ensuite, a-t-on

  4   pensé que ce mot, ce terme "vengeance" était un terme trop fort,

  5   puisqu'elle évoque l'œil pour l'œil, dent pour dent, cette idée biblique,

  6   donc aujourd'hui on parle de "représailles". Aujourd'hui, on dit que les

  7   représailles peuvent constituer une infraction au droit de la guerre qui

  8   représente une réponse aux infractions du droit de la guerre effectué par

  9   l'ennemi.

 10   Monsieur le Juge Prandler, évidemment que je n'ai jamais pensé que tu

 11   quoque est un principe de droit. J'ai toujours dit que ce principe est

 12   inévitable dans la vie réelle, dans la société, et qu'au fur et à mesure

 13   que la situation s'empire, devient plus chaotique, le rôle de ceux qui

 14   doivent prendre les décisions devient de plus en plus difficile. La

 15   difficulté s'augmente de façon exponentielle au fur et à mesure que les

 16   chaos de guerre s'accentuent.

 17   Monsieur le Juge, je dispose encore de combien de temps, s'il vous plaît,

 18   pour pouvoir m'organiser ?

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : La juriste de la Chambre m'a dit il y a à peu près

 20   cinq minutes vous aviez utilisé une heure 13 minutes. Donc il doit vous

 21   rester 15 minutes, ce qui nous permet d'arriver jusqu'à 4 heures. Vous avez

 22   l'horloge devant vous, donc faites en sorte de terminer à 4 heures.

 23   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Le point 20, crime de guerre contre

 24   crime de guerre.

 25   Quand dans la langue croate le nom "guerre" devient l'adjectif "guerrier,"

 26   on en arrive à une composante nominale, à savoir "crime de guerre." Donc

 27   crime de guerre ne peut pas être dissocié de crime. Cela devient un terme

 28   indissociable de sorte que nous avons l'orthographe croate, les vins


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  1   français, les horloges suisses. Cela donne une signification particulière

  2   au sous-ensemble de ce qui constitue l'orthographe, les vins, les montres.

  3   A un crime en temps de guerre, il faut attribuer une teneur du point de vue

  4   de la notion sous-entendue dans la pensée. L'on extrait cela à titre

  5   individuel et on le transfère vers la partie structurelle qui constitue la

  6   guerre, à savoir l'ensemble qui gère pour la politique et l'élément

  7   politique et militaire. En quoi le crime en temps de paix diffère-t-il du

  8   crime commis en temps de guerre ? Le crime de guerre c'est le crime qui

  9   découle de ce qui est le fondement, à savoir l'idée politique que l'on vise

 10   à réaliser par des moyens de guerre, par des modalités et des techniques

 11   qui englobent l'idée du crime. L'idée politique ne serait être réalisée

 12   qu'au travers de la perpétration d'un crime. C'était l'idée, par exemple,

 13   de l'Allemagne nazi pour ce qui est de sa pensée politique. C'est l'idée

 14   politique idéologique de communiste staliniste pour ce qui est de

 15   l'exécution des officiers polonais  dans la forêt de Katyn. Je ne vais pas

 16   maintenant ici expliquer la pensée politique serbe qui a conduit à

 17   l'agression vis-à-vis de la Slovénie, de la Croatie et de la Bosnie-

 18   Herzégovine, et ce qui s'est produit dans cette guerre confirme-t-il le

 19   crime de guerre dans ses fondements. Je ne vais non plus parler de cette

 20   déclaration islamique et m'enquérir sur la présentation éventuelle

 21   d'objectifs qui auraient été éventuellement réalisables sans guerre et sans

 22   crime de guerre.

 23   Mais je sais au-delà de tout doute raisonnable que les structures

 24   croates politiques et militaires en Croatie et les structures politiques et

 25   militaires croates en Bosnie-Herzégovine n'ont jamais et nulle part eu pour

 26   objectif des éléments qui n'auraient pu être réalisés que par une forme

 27   quelconque de crime de guerre.

 28   La guerre est propice à la propagation des délits au pénal par


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  1   rapport ou par exemple à une situation de temps de paix. Mais il y a bon

  2   nombre de raisons à cela que je ne peux pas toutes les énumérer. Je me

  3   propose de revenir plus tard à des éléments de sociologie psychologique.

  4   Etant donné que la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, en même temps

  5   qu'agressé, ont dû créer un Etat et modifier l'organisation politique de

  6   cet Etat, et qu'elles se sont vu occuper en partie avec des structures

  7   communales économiques et sociales détruites, et je préciserais que la

  8   Bosnie-Herzégovine l'a été plus que la Croatie. Alors le nombre de

  9   problèmes et de difficultés est difficilement imaginable pour ceux et

 10   celles qui n'ont pas connu telle chose. C'est la raison pour laquelle les

 11   crimes commis par les membres de la population croate en Croatie et en

 12   Bosnie-Herzégovine sont des crimes sans nulle doute possible, mais ce sont

 13   au-delà de tout doute raisonnable des crimes qui ont été commis en temps de

 14   guerre. Ils ne sont pas produits pour cause de mise en place d'une idée

 15   politique ou d'une volonté idéologique d'une intention de ceux qui ont géré

 16   ou qui ont donné des ordres, mais qui se sont produits en dépit des

 17   fondements, des souhaits, des volontés, des intentions, et des activités

 18   déployées. Or, comme nous ne nous servons pas du syntagme "crimes

 19   parisiens" pour les crimes qui se sont produits à Paris ou crimes

 20   américains pour tous les délits au pénal qui sont commis au fil d'une année

 21   en Amérique, ou d'une manière générale crimes civils pour tout ce qui se

 22   produit comme crime dans tout Etat civilisé en temps de paix, il s'entend,

 23   je crois qu'il est indispensable à ce même titre de faire la différence

 24   entre la signification de ces crimes commis en temps de guerre pour qu'on

 25   puisse parler d'une classification en crimes de guerre ou en crimes commis

 26   en temps de guerre.

 27   Compte tenu du nombre des délits au pénal, on pourrait être tenté de parler

 28   pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune et d'accuser les


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  1   gouvernements, les ministres, la police et les maires des pays occidentaux

  2   parce qu'ils ne réussissent pas, en dépit de toutes les ressources qui sont

  3   à leur disposition, de réduire le nombre de crimes commis pour franchir un

  4   seuil qui serait, par exemple, satisfaisant. Pour ceux qui commettent

  5   certaines formes de crimes graves, on n'arrive pas à descendre en dessous

  6   du pourcentage de 15 % du nombre total des crimes commis.

  7   Nous allons passer au 24, et si besoin est, je reviendrai au 21. Je

  8   demande à tout un chacun de passer au 24.

  9   Acte d'accusation. Les Croates, depuis 1102, se sont battus pour leur

 10   Etat, pour leur survie contre des pays qui les ont envahis, qui les ont

 11   occupés ou assiégés. A partir de 1102 et au delà, il n'y a eu que des

 12   combats pour survivre contre les percées de l'Empire Ottoman, contre

 13   Venise, contre l'Italie, contre l'Autriche, contre la Hongrie, contre la

 14   Serbie et le Royaume de Yougoslavie et contre cette création unitariste et

 15   communiste à Tito. C'est ainsi qu'en 1971, dans le cadre d'un mouvement

 16   estudiantin, puis au sein de la Ligue des Communistes de Croatie, en

 17   bénéficiant d'un énorme soutien de la population, que la Croatie a essayé

 18   d'aboutir à une autonomie et une décentralisation politique, culturelle et

 19   économique plus grande vis-à-vis de la RSFY. Entre d'autres termes, elle

 20   voulait diminuer la domination serbe et s'octroyer des droits autonomes et

 21   démocratiques plus grands. La riposte a été puissante et impitoyable. Des

 22   centaines de personnes ont été emprisonnées, des milliers et des milliers

 23   de personnes sont restées sans travail et des millions ont émigré. Dans les

 24   prisons, sans travail et dans l'immigration, il y a eu une grande majorité

 25   d'intellectuels croates à s'y être retrouvée. Et bon nombre d'émigrants

 26   notables ont été abattus à l'étranger par la police secrète yougoslave. Je

 27   vais donner comme exemple le meurtre de Bruno Busic à Paris. Vlado Gotovac,

 28   un grand intellectuel croate, poète et essayiste a été mis en accusation


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  1   pour délit verbal et pour atteinte à l'ordre autogestionnaire socialiste.

  2   Et quand on lui a demandé de se prononcer, de plaider coupable ou non

  3   coupable, il a dit: "L'acte d'accusation est absurde. Donc on saurait le

  4   faire échouer." Et il a fait cinq ou six ans de prison aux côtés de

  5   criminels.

  6   Lorsque je me suis prononcé moi-même pour plaider coupable ou non

  7   coupable pour ce qui est de l'acte d'accusation dressé contre moi, j'ai dit

  8   que j'avais compris du point de vue linguistique ce qui y figurait. Je

  9   comprends les mots de la langue que j'ai lus. Mais la logique, la pensée et

 10   la substance juridique, je ne les comprends pas. Cet acte d'accusation est

 11   absurde. Et pendant le procès, j'ai eu à lire les livres de Florence

 12   Hartmann et de Carle Del Ponte, et lorsque je me suis rendu compte du bien

 13   fondé de tous mes doutes pour ce qui est des jeux politiques qui se jouent

 14   dans et autour du bureau du Procureur, j'ai compris que les opinions qui

 15   l'emportent là-bas ont fait que le scepticisme n'a été que renforcé chez

 16   moi. Ce monde virtuel des intérêts politiques, ces récits de messages

 17   relatifs au bon et au mauvais garçon, la partialité de cette pensée ont

 18   rendu cette vérité avérée.

 19   Une fois qu'on a dit à Hagel que certains faits ne coïncidaient pas

 20   avec les fondements philosophiques, il a dit : "Eh bien, tant pis pour les

 21   faits."

 22   Je passe au 24 maintenant, "Déclaration". Jamais, nulle part et à aucune

 23   rencontre, à aucune réunion, voire assemblée que ce soit en Croatie ou en

 24   Bosnie-Herzégovine pendant la guerre de 1991 à 1995, je n'ai ouï-dire que

 25   quelqu'un aurait planifié, encouragé, toléré, passé sous silence ou de

 26   quelque autre façon que ce soit, propagé des actes au pénal qui seraient

 27   passibles de peine d'emprisonnement en application de la législation en

 28   vigueur. Je ne l'ai pas fait non plus. Vis-à-vis des membres de mon propre


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  1   peuple dans différentes occasions, j'ai proféré des injures, j'ai aussi

  2   gueulé au-delà de toute norme civilisée. Il m'est arrivé même de frapper

  3   des gens. J'ai faussement signé en tant que général, alors que je n'ai

  4   jamais été général du HVO. J'ai donné des ordres à l'occasion de certaines

  5   opérations bien qu'à titre formel je n'avais pas les attributions

  6   nécessaires pour le faire. J'ai menacé des Croates, bien sûr, par des actes

  7   ou des faits qui n'étaient pas juridiquement fondés. Et chose analogue, je

  8   vais bien sûr expliquer tout cela à l'occasion des questions qui me seront

  9   posées et je répondrai pourquoi et quelles sont les raisons pour lesquelles

 10   je l'ai fait, quelle était la finalité et la signification profonde de la

 11   chose.

 12   On nous a éduqués, on nous a appris qu'il ne fallait pas parler de

 13   soi et notamment pas parler de choses bonnes et positives parce que ce

 14   n'était pas bien élevé. Ce n'était pas une chose qu'il convenait de faire.

 15   A l'occasion de bon nombre d'interviews et d'entretiens, pendant et après

 16   la guerre, jamais et nulle part je ne me suis prononcé sur ce que j'ai bien

 17   fait et ce que j'ai eu comme bon comportement dans la guerre. Et alors ils

 18   ont commencé à mentir de plus en plus, à citer à comparaître de faux

 19   témoins, à mettre en place de fausses vérités. Et on m'a amené devant une

 20   cour en tant que criminel. Et maintenant, j'en ai marre. Je passe à la

 21   première personne au singulier, je me libère de toute considération de la

 22   décence civile ou civique et j'affirme que la loi d'Archimède et de Praljak

 23   s'énonce comme suit : un Praljak plongé, immergé dans la guerre, diminuera

 24   la quantité de mal dans cette guerre pour une unité d'un Praljak. Alors

 25   cette unité, c'est l'énergie Slobodan Praljak, la quantité quotidienne

 26   d'heures pendant lesquelles cette énergie est agissante et en ce qui me

 27   concerne, c'était en moyenne 20 heures par jour; C, la passion, à savoir la

 28   rapidité de consumation de l'énergie; D, courage; E, connaissance; F, "IQ",


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  1   coefficient d'intelligence. Et bien sûr, le tout concerne Slobodan Praljak.

  2   Dans certains éléments et tel qu'énuméré, il y a des gens qui peuvent

  3   disposer de qualités meilleures que les miennes, par exemple, de

  4   connaissances ou d'une intelligence plus grande. Mais ils ne sont pas

  5   nombreux et les différences qu'il peut y avoir entre nous ne sauraient être

  6   considérables. Je sais qu'on pourrait peut-être caractériser cela de

  7   prétention. Mais je veux bien être soumis à des questions de psychologue

  8   pour voir quel est mon coefficient intellectuel et dans quelle limite

  9   évoluent mes connaissances.

 10   Mais je ne veux pas reconnaître qu'à l'époque quelqu'un encore ait pu

 11   disposer de qualités qui, additionnées toutes ensemble, auraient donné plus

 12   d'un Praljak tel que je l'ai défini à la loi d'Archimède Praljak. En faire

 13   plus à cette position là, eh bien, il aurait fallu être le bon Dieu.

 14   Et par ceci, je viens de mettre un terme à mon exposé d'une heure et

 15   demie. Je regrette de ne pas avoir eu l'occasion d'en dire plus, mais je me

 16   propose d'en dire plus lorsque interrogé par M. Kovacic.

 17   Je remercie MM. les Juges de m'avoir écouté. Je remercie le bureau du

 18   Procureur d'avoir porté une oreille attentive à mes propos et je remercie

 19   tous les autres.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est donc l'heure de faire la pause. Nous

 21   allons faire une pause de 20 minutes et nous reprendrons après la pause.

 22   Monsieur Praljak se mettra au banc du témoin et à ce moment là, il répondra

 23   aux questions de Me Kovacic après avoir prêté serment, bien entendu.

 24   Bien, nous nous retrouverons dans 20 minutes.

 25   --- L'audience est suspendue à 16 heures 01.

 26   --- L'audience est reprise à 16 heures 25.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28    M. LE JUGE ANTONETTI : On va procéder à la prestation de serment.


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  1   Alors Général Praljak, levez-vous. Pour les besoins du transcript

  2   donnez-moi votre nom, prénom et date de naissance.

  3   LE TEMOIN : [interprétation] Je m'appelle Slobodan Praljak. Je suis né le 2

  4   janvier 1945, à Capljina.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle était votre dernière profession ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] La dernière des choses que je m'occupe à faire

  7   c'est de vaquer à des affaires juridiques au Tribunal, mais je suis parti à

  8   la retraite avant que je ne vienne ici. J'ai fait beaucoup de choses dans

  9   ma vie, beaucoup de choses, donc il faudrait énumérer tout cela.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question avant que vous ne lisiez le texte,

 11   avez-vous déjà témoigné devant ce Tribunal, et si oui, pouvez-vous nous

 12   rappeler dans quelle affaire ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges, j'ai témoigné dans

 14   l'affaire Naletilic et Martinovic en qualité de témoin de la Défense.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 16   Monsieur l'Huissier, donnez le texte du serment.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   LE TÉMOIN : Slobodan Praljak [Assermenté]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, vous pouvez vous asseoir.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous savez comment les choses vont

 24   se dérouler puisque depuis plus de trois ans vous assistez à ce procès.

 25   Vous allez donc devoir répondre à des questions que Me Kovacic va

 26   vous poser, il vous présentera des documents et vous donnerez donc votre

 27   point de vue sur les documents et à partir des questions posées. Après

 28   quoi, les autres avocats vous poseront des questions dans le cadre du


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  1   contre-interrogatoire, mais ceci c'est dans quelques semaines bien entendu

  2   puisque votre déposition va prendre du temps. Les Juges qui sont devant

  3   vous pourrons vous poser des questions, mais moi ce matin je vous ai dit

  4   quand j'interviendrai, mais je laisse le soin à mes collègues d'intervenir

  5   au moment qu'ils jugeront bon. Et puis une fois qu'on aura fait tout cela,

  6   M. le Procureur vous posera des questions dans le cadre du contre-

  7   interrogatoire.

  8   Je tiens à vous dire que dans la première phase, Me Kovacic, les autres

  9   avocats et les Juges, tout se passera bien. Mais vous savez, le Procureur,

 10   il a de par les Statuts une fonction qui est de rapporter la preuve de

 11   l'Accusation, et donc il fera comme il a l'habitude, un contre-

 12   interrogatoire qui pourra être par moment difficile pour vous et je vous

 13   demande évidemment -- je vous demanderais de garder votre calme, de bien

 14   écouter les questions du Procureur et de répondre aux questions et d'éviter

 15   toute polémique avec le Procureur qui ne fait que son travail.

 16   J'ai d'ailleurs avec intérêt lu intégralement les contre-

 17   interrogatoires qui ont été menés quand vous avez déposé, et à l'époque ça

 18   s'était bien passé. Donc il n'y a pas de raison qu'ici même ça ne se passe

 19   pas bien. Mais je vous fais toute confiance pour cela.

 20   Essayez, c'est ce que je dis à tous les témoins, mais je le dis à vous-

 21   même, d'être très précis dans les réponses que vous allez apporter. Pour

 22   vous c'est un moment très important parce que le Règlement prévoit qu'un

 23   accusé après serment peut déposer et que les Juges peuvent accorder une

 24   valeur probante à ce qui sera dit, donc c'est très important pour vous et

 25   essayez à ce moment-là d'être très précis.

 26   Et de ce fait, ayant tout dit, je vais maintenant laisser à Me

 27   Kovacic le soin de mener l'interrogatoire principal, et à ce moment-là vous

 28   répondrez à toutes les questions qu'il va vous poser.


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  1   Maître Kovacic, je vous salue à nouveau, et je vous laisse la parole.

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire.

  4   Si vous le permettez, je voudrais que l'on résolve un point technique

  5   avant de commencer. Aujourd'hui, nous avons remis une liste IC avec 17

  6   minutes de retard. On était censé remettre cette liste IC concernant le

  7   dernier des témoins, Juric Drago. Je crois qu'on a été 17 minutes en retard

  8   pour des raisons techniques, et je vous prie donc à cet effet d'autoriser

  9   le versement au dossier par les soins du greffier pour ce qui est de notre

 10   liste en corrélation avec Drago Jovic. Les lignes électroniques ne

 11   fonctionnaient pas et puis après il y a eu encombrement, et c'est la raison

 12   pour laquelle on a été en retard. Je m'excuse il s'appelle Juric, Dragan.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je consulte avec mes collègues tout de suite.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors la Chambre qui en a délibéré constatant

 16   que vous avez remis la liste IC avec 1 020 secondes de retard accepte

 17   néanmoins ce dépôt et donc demande à M. le Greffier de donner un numéro.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] La liste présentée par le document 3D au

 19   travers du témoin Dragan Juric recevra la cote IC 1001.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Bien.

 21   Maître Kovacic.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 23   Autre chose, petite observation ou deux observations brèves. Compte

 24   tenu du fait que vous avez dit que j'allais interrogé, je vais interroger

 25   en partie et en partie ce sera ma collègue, le co-conseil Mme Nika Pinter.

 26   Nous avons partagé la tâche pour être le plus efficace possible.

 27   Deuxièmement, étant donné que vous nous avez dit et vous avez dit au témoin

 28   notamment, et sans perdre de vue la façon de procéder auparavant dans ce


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  1   prétoire, nous aimerions vous inviter à interrompre sans hésiter

  2   l'interrogatoire pour poser la question qui vous intéresse au moment même

  3   parce que cela se trouverait être lié à une idée et que vous aimeriez peut-

  4   être avoir des compléments d'explication. Et je crois que M. Praljak sera

  5   toujours disposé à le faire. Nous pouvons nous adapter aisément, donc je ne

  6   vois pas d'obstacle, et je ne vois pas en quoi nous serions lésés du point

  7   de vue de nos plannings ou de nos cadences.

  8   La même chose se rapporte aux autres questions, mais on en est loin.

  9   Donc avec votre autorisation, je me propose de commencer.

 10   Interrogatoire principal par M. Kovacic :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Général.

 12   R.  Bonjour, Maître Kovacic.

 13   Q.  Bien que vous veniez de le mentionner, c'est délibérément que

 14   j'aimerais vous poser la question de votre date de naissance. Vous l'avez

 15   au compte rendu, c'est le 2 janvier 1945, n'est-ce pas ?

 16   Alors pourquoi est-ce que j'évoque la chose ? Parce qu'à l'acte

 17   d'accusation on ignore la date de naissance du général Praljak et nous

 18   avons confirmé les choses par écrit auparavant mais ce n'est pas indiqué

 19   avec précision à l'acte d'accusation. Donc vous êtes né le 2 janvier 1945.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  On sait où vous êtes né, Capljina.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Général Praljak, s'il vous plaît, étant donné que vous êtes né en

 24   Bosnie-Herzégovine à Capljina et qu'une bonne partie de votre vie vous

 25   l'avez passée en Croatie, la majeure partie me semble-t-il, quel est votre

 26   statut du point de vue de la citoyenneté ?

 27   R.  J'ai la citoyenneté des deux Etats.

 28   Q.  Donc vous avez une double nationalité ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Veuillez nous indiquer, Mon Général, si c'est légal et si c'est

  3   conforme à la législation des deux pays en question ?

  4   R.  Je ne sais pas, Monsieur Kovacic, mais si on m'a donné la citoyenneté,

  5   ceux qui ont décidé savent fort bien ce qui est conforme à la loi et ce qui

  6   ne l'est pas.

  7   Q.  Bien. Merci.

  8   Au compte rendu semble-t-il on n'a pas consigné la chose, mais il est

  9   clair qu'on a parlé de deux Etats, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Je

 10   crois que les questions posées par la suite ont rendu les choses tout à

 11   fait claires.

 12   Général Praljak, votre position subjective vis-à-vis de ce fait objectif de

 13   l'existence de deux nationalités sur le plan officiel, pourquoi vous

 14   sentez-vous citoyen de ces deux Etats à la fois ?

 15   R.  Parce que j'ai résidé dans les deux Etats, j'y ai travaillé, je suis né

 16   dans l'un des deux, j'ai vécu dans cet Etat -- enfin je me suis scolarisé

 17   jusqu'à mes 18 ans là-bas, 18 et demi. C'est dans cet Etat que vivent

 18   encore mes parents, ma sœur, son époux et deux enfants à Sarajevo, les

 19   parents à Mostar. Et très longtemps, même quand j'étais à Zagreb, j'ai été

 20   déclaré aussi comme résident à Mostar et à Zagreb à titre temporaire.

 21   C'est parce que nous avons notre pays natal au sens restreint du terme, et

 22   la plupart des personnes ressemblent davantage à des plantes qu'à des

 23   animaux du point de vue de la terre. Et moi du point de vue de la terre, je

 24   me sens ressortissant de l'Herzégovine. J'ai beaucoup de joie à arriver

 25   dans cette région, c'est une joie, c'est un plaisir quand je regagne ce

 26   pays natal qui est très aride, c'est de la pierre, et j'ai plus de joie que

 27   d'aller à Paris. Alors c'est subjectif aussi.

 28   En Croatie j'y ai résidé, j'y ai vécu, j'ai ma famille. Donc j'ai


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  1   deux Etats, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, et je sens que ces deux

  2   Etats sont les miens. Et ce n'est pas tout à fait inhabituel ailleurs dans

  3   le monde non plus.

  4   Q.  Merci. Mon Général, quelle est votre raison à vous pour ce qui est de

  5   faire en 1992, en ces temps difficiles, un déplacement vers la Bosnie-

  6   Herzégovine ?

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Kovacic, vous avez très

  8   gentiment proposé que nous posions des questions pour clarifier les choses.

  9   Monsieur Praljak, avez-vous deux passeports ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai des documents, des

 13   papiers des deux. J'ai des pièces d'identité, mais je n'ai pas pris le

 14   passeport de la Bosnie-Herzégovine. Je ne l'ai pas pris pour une raison

 15   simple, parce que les limitations en matière de voyage avec ce passeport

 16   sont bien plus grandes que cela n'est le cas avec le passeport croate. Donc

 17   en termes simples je n'ai pas deux passeports, mais les autres documents,

 18   les cartes d'identité, j'ai mes cartes d'identité des deux Etats, oui.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. 

 21   M. KOVACIC : [interprétation]

 22   Q.  Peut-être pourriez-vous maintenant répondre à la question que je

 23   vous ai posée, quels sont les motifs pour lesquels vous avez quitté en 1992

 24   pour la Bosnie-Herzégovine ? Je parle de vos raisons subjectives.

 25   R.  C'est parce que c'est avec une grande certitude ou avec beaucoup de

 26   précision dans la mesure ou dans les sciences sociales qui sont

 27   probabilistes, on peut le savoir, moi je le savais de la sorte, je savais

 28   qu'il allait y avoir une guerre en Bosnie-Herzégovine et je savais quel


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  1   type de guerre il allait y avoir en Bosnie-Herzégovine.

  2   Alors, je peux dire aux Juges, et si les autres le souhaitent aussi,

  3   je peux leur dire que je suis à même d'amener beaucoup de gens qui seraient

  4   à même de témoigner que la guerre en Yougoslavie, je l'avais prévue 15 ans

  5   avant qu'elle ne survienne.

  6   Mes connaissances sont liées aussi à mes options professionnelles, les

  7   quantités d'information affluant à moi, et tout cela me disait que cette

  8   crise yougoslave ne saurait être démêlée de façon pacifique. La seule

  9   opportunité de faire en sorte que cela soit surmonté de façon pacifique,

 10   c'est qu'il y ait ingérence extérieure de la part de la communauté

 11   internationale, à savoir des grandes puissances. Tout ce qui, du point de

 12   vue politique et social en Yougoslavie, avait cru, à partir des années

 13   1970, à savoir depuis ce printemps de la Croatie, donner à croire que cette

 14   pensée politique serbe, du point de vue social, avait pris tant d'envergure

 15   qu'elle ne permettrait pas un démantèlement pacifique de la Yougoslavie qui

 16   permettrait aux républiques qui, de par la constitution de 1974, s'étaient

 17   vu attribuer la capacité de créer des Etats, à savoir ces éléments qui

 18   étaient déjà existant lors de la deuxième session du conseil antifasciste

 19   de lutte de libération nationale de Yougoslavie, donc pendant la guerre, et

 20   notamment pendant la session du conseil antifasciste de la Bosnie-

 21   Herzégovine. Ce sont donc des sessions du mouvement partisan qui ont siégé

 22   à Toposko et qui ont défini la Croatie en tant qu'Etat et qu'elle ferait en

 23   tant que telle partie de la République fédérative populaire de Yougoslavie.

 24   Cela, bien sûr, d'autres personnes peuvent le confirmer, des

 25   intellectuels, des artistes à qui j'ai dit pendant des années ce qui allait

 26   se produire en Yougoslavie. Je le savais aussi lorsque j'étais en Croatie

 27   pendant la guerre à Sunja. Je l'ai raconté à Pesa, à de nombreux autres

 28   témoins. J'étais par ailleurs très au fait des plans de la JNA, et comme


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  1   nous le verrons ici, à partir des registres des livres des généraux de la

  2   JNA, ces plans prévoyaient les axes principaux de percée en direction de la

  3   mer, cela, à travers la vallée de la Neretva en provenance de Kupres, ce

  4   qui supposait la prise du plateau de Livno et de Kupres.

  5   Par conséquent, je me suis très clairement mis à la disposition de la

  6   création de l'Etat croate et de la résistance face à cette menace qui se

  7   dressait non seulement face au peuple mais également à l'Etat, et mon

  8   départ pour la Bosnie est la résultante de cette position morale qui était

  9   la mienne.

 10   Q.  Merci. Je voudrais revenir à quelques détails à présent. Dans l'acte

 11   d'accusation, on fait état de votre surnom. Pouvez-vous dire pour les Juges

 12   de la Chambre si vous avez un surnom, et si oui, lequel ?

 13   R.  Les surnoms, j'en ai eu de nombreux au cours de ma vie. J'avais le

 14   surnom de "Zeleni", "le vert", parce que quand j'allais à l'école à Mostar,

 15   je portais une chemise verte, et c'est pour ça qu'on m'appelait le vert. A

 16   l'université, on m'appelait Georges et à une époque, ailleurs, on m'a

 17   appelé "Sakuta" plus tard parce que je boite légèrement. Et avant cela, on

 18   m'avait appelé Hemingway. C'est en Siroki que j'avais eu cette blessure et

 19   c'est pour ça que je boitais légèrement et qu'on m'a appelé le boiteux. Et

 20   puis j'ai reçu plus tard ce surnom de "Brada,", le barbu.

 21   Q.  Alors, est-ce que la plupart de vos collaborateurs proches vous

 22   appellent le barbu, "brada" ou non ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  S'agit-il d'un surnom qui apparaît rarement en réalité ?

 25   R.  Je ne sais pas. Peut-être est-ce à quelques reprises que ce surnom a

 26   été utilisé, je ne l'ai pas vraiment accepté ni adopté. Mais bien entendu,

 27   les gens ont le droit d'utiliser ce qu'ils souhaitent. Il y a d'autres

 28   surnoms encore "Caca", "Cefe," "le vieux" également; c'était un surnom que


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  1   l'on m'a attribué.

  2   Q.  Très bien. Général Praljak, peut-être serait-il bon que les Juges de la

  3   Chambre puissent entendre également quelques détails concernant votre

  4   parcours scolaire, où a-t-il commencé, comment s'est-il terminé, quels sont

  5   les diplômes que vous avez acquis, qu'est-ce que vous avez étudié et fait

  6   ensuite. C'est ce à quoi nous pourrions passer dans un second temps.

  7   Commençons d'abord pour votre parcours scolaire.

  8   R.  Si je devais en parler en détail, cela durerait trop longtemps. Je vais

  9   donc passer assez rapidement. Les quatre premières années de l'école

 10   primaire, je les ai terminées à Rama Prozor, car mon père était en service

 11   là-bas, il était fonctionnaire de la Yougoslavie communiste. Aussi bien lui

 12   que ma mère avaient été partisans et après, ils ont travaillé à Ludoba

 13   [phon], à la sécurité de l'Etat. Ils ont beaucoup eu l'occasion de

 14   déménager. J'ai fait quatre années à Rama, les quatre premières, puis

 15   ensuite six ans à Siroki Brijeg; cela représente le fondement de mon

 16   éducation. C'est l'époque à laquelle j'ai même fait mes premiers amis et où

 17   je monte de façon décisive dans une ville et dans la société locale. Voilà.

 18   D'autres informations, je pourrais vous en donner plus tard si vous le

 19   souhaitez. Mais après, j'ai été en classe avec Gojko Susak, l'ancien

 20   ministre de la Défense de la République de Croatie. Et c'est pendant au

 21   moins trois ans et demi, sinon quatre années que nous avons été dans la

 22   même classe et nous étions amis. Mais je pense qu'on nous a séparés, on

 23   était sur le même banc en fait, et ensuite on m'a fait passer à l'avant

 24   parce qu'on n'était assez turbulents.

 25   Ensuite, j'ai fini mon lycée, trois années de lycée à Mostar, septième et

 26   huitième année de scolarité, suite à quoi, je suis parti comme la majorité

 27   des étudiants à Zagreb car il n'y avait pas de cursus adapté à l'époque à

 28   Mostar. Mais tous mes amis de Siroki Brijeg sont aussi allés faire leurs


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  1   études à Zagreb. Je me suis inscrit à l'université d'ingénierie électrique

  2   et des télécommunications. J'ai achevé mes études avec succès. J'ai

  3   travaillé à la correction de l'image chromatique des signaux de

  4   télécommunication. C'était un domaine assez en pointe à l'époque.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Vous dites 4. Est-ce

  6   que 4 c'est la meilleure note ou est-ce que c'est 5 la meilleure note, ou 1

  7   ou 6 ? Pourriez-vous le préciser ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est pourquoi je dis que ma vie a été assez

  9   complexe. Les études, Monsieur le Juge Trechsel, durent huit semestres et

 10   il y a un neuvième semestre qui est consacré au mémoire de fin d'études.

 11   J'ai mis trois ans pour faire la deuxième année, et plusieurs années pour

 12   les deux premières également. Puis une seule année pour la quatrième.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Je me suis sans doute

 14   mal exprimé.

 15   M. KOVACIC : [interprétation] Non, ce n'est pas votre faute, c'est la

 16   traduction qui a posé problème. 

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ecoutez, ce qui compte c'est que je

 18   ne vous accuse pas, Monsieur Praljak.

 19   C'est simplement que vous avez dit la note 4. Vos résultats

 20   scolaires, l'autre note, c'était 4. Mais 4, ça ne veut dire quelque chose

 21   que si on connaît l'échelle. Est-ce que c'est 1 sur 100 ou de 1 à 5, ou de

 22   1 à 10 ?

 23   Vous semblez dire que c'est sur 5; donc vous avez su 4 sur 5. C'est

 24   ça ?

 25   M. KOVACIC : [interprétation] C'est dans la traduction qu'était le

 26   malentendu.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] La note maximale est de 5, et mon mémoire de

 28   fin d'études a reçu une note excellente de 5. Quant à l'ensemble de mes


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  1   études, elles ont été sanctionnées par la note immédiatement inférieure qui

  2   est très bonne aussi, qui est celle de 4.

  3   Alors, je me suis inscrit en 1966 à la faculté de philosophie, car

  4   dès ma première année d'études, j'ai compris que je ne souhaitais pas

  5   rester ingénieur toute ma vie, et pour de nombreuses autres raisons, j'ai

  6   traversé une véritable crise à l'époque, une période d'intense remise en

  7   question. Et si vous le souhaitez, vous pourrez m'interroger à ce sujet. La

  8   raison en est qu'aussi bien mon éducation familiale que ce que j'ai appris

  9   au cours de mes études, lors des premières années, était en opposition

 10   complète avec ce que l'on m'a inculqué ultérieurement. Donc la conception

 11   générale communiste était en contradiction totale avec ce sur quoi se

 12   fondaient mon propre parcours et mon éducation. Compte tenu de cela, en

 13   l'espace de deux ans, j'ai traversé cette période de remise en question

 14   pendant laquelle je n'ai pas fait d'études, et j'ai repris mes études en

 15   1966 lorsque je me suis inscrit en philosophie et en sociologie à la

 16   faculté de philosophie de Zagreb; et c'était là une précondition pour

 17   pouvoir s'inscrire à l'Académie des beaux-arts pour faire des études de

 18   théâtre et de cinéma. C'était une précondition absolue que d'être inscrit à

 19   la faculté de philosophie de Zagreb, or, c'était ce que je voulais faire.

 20   C'était une société en évolution constante et lorsque moi, je me suis

 21   inscrit en 1968, en troisième année de philosophie, l'Académie des beaux-

 22   arts a changé son programme qui, donc, est passé à un programme de quatre

 23   ans. Et j'ai réussi, à ce moment-là, à la fin de l'année, à être l'un des

 24   trois candidats parmi 125 à être pris à cette académie.

 25   Entre-temps, j'avais travaillé, j'avais eu plusieurs emplois. Je suis

 26   également allé travailler en Suède. Je buvais beaucoup à l'époque. Je suis

 27   allé travailler en Suède trois ou quatre mois. Je faisais la plonge, je

 28   travaillais pour la société Akla [phon]. C'était une vie assez typique d'un


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  1   étudiant, une vie assez laborieuse, notamment dans ma tête. Je travaillais

  2   dur.

  3   Alors, j'ai eu mon diplôme d'ingénieur fin 1969, début 1970. J'ai eu

  4   mon diplôme de philosophie en 1970-1971, et je suis diplômé de l'Académie

  5   en 1972 avec d'excellents résultats. Mon travail de fin d'études à la

  6   faculté de philosophie portait sur la possibilité de fonder une éthique

  7   dans le cadre de la philosophie de Karl Marx; donc la question fondamentale

  8   était de savoir si dans le cadre d'un système qui envisage une histoire

  9   comme étant uniquement la résultante nécessaire des forces de production,

 10   s'il est possible, dans le cadre d'un système historique normé comme celui-

 11   là, de fonder quelque système éthique que ce soit qui supposerait une

 12   possibilité de choisir, ce qui permettait d'enchaîner ensuite sur les

 13   questions de la morale, questions qui m'occupent aujourd'hui encore avec

 14   plus ou moins de succès.

 15   Et c'est juste après avoir terminé mes études d'ingénieur que j'ai

 16   trouvé un emploi en tant que chef de laboratoire d'électronique dans une

 17   bonne école, une école technique. Je gagnais ma vie de cette façon-là.

 18   Et en 1972, après avoir été diplômé de l'Académie, j'ai donné ma

 19   démission et je suis devenu artiste à titre professionnel, si on peut dire.

 20   Je n'étais pas salarié, mais j'étais à mon compte, je touchais des

 21   honoraires. J'ai alors réalisé environ une vingtaine de représentations

 22   théâtrales. J'ai réalisé également deux films pour la télévision, une série

 23   télévisée, un long métrage avec lequel je me suis rendu à plusieurs

 24   festivals, par exemple à Mannheim, où j'avais été invité.

 25   A la fin des années 1970 et au début des années 1980, les honoraires

 26   étaient très modestes et la Yougoslavie était touchée par une crise grave

 27   sur le plan économique, et j'ai de nouveau, alors, travaillé dans une école

 28   en donnant des cours du soir. C'était une école proposant un cursus de


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  1   quatre semestres pour des adultes et qui se trouvait en dessous du niveau

  2   de la faculté. Je donnais des cours dans trois domaines, trois matières :

  3   l'électrotechnique théorique, les fondements de l'électricité --

  4   l'électrotechnique, et les automates et la régulation, ainsi que la théorie

  5   des communications.

  6   Pour ce qui est des aspects dont vous pourriez avoir connaissance et

  7   qui concernent des aspects sociaux, j'ai réalisé une pièce intitulée "Un

  8   homme est un homme," de Brecht, qui concerne la transformation d'un paysan

  9   en soldat. J'ai aussi réalisé une pièce, "Le conducteur," dont le texte a

 10   été récompensé comme le meilleur de l'année, à l'époque, et j'ai travaillé

 11   aussi avec Ronald Pekni [phon], qui avait eu le rôle principal et qui était

 12   un brillant acteur. J'ai aussi adapté deux romans pour le théâtre. L'un

 13   deux était "Orange mécanique," que le grand réalisateur anglais que l'on

 14   connaît a adapté au cinéma -- Stanley Kubrick. Je vous remercie. Cependant,

 15   Stanley Kubrick a interdit la projection de ce film dans les pays du bloc

 16   communiste, si bien que l'auteur, Anthony Burgess, m'a donné ses droits

 17   d'auteur, m'a permis d'adapter son œuvre, ce que j'ai fait à Zagreb.

 18   J'ai également travaillé sur une pièce, "Retour à midi," qui avait

 19   été écrite par une personne qui s'était échappée de l'URSS au début des

 20   années 1930. Il s'agissait d'un auteur qui, à l'époque déjà, avait décrit

 21   brillamment la façon dont fonctionnait ce système communiste et

 22   l'acceptation des gens pour ce qui était d'accuser les membres de leur

 23   entourage le plus proche sans véritable pression physique lors de procès

 24   dans ce système communiste et tout cela, dans la croyance qui était la

 25   leur, qu'ils allaient contribuer ainsi à un monde meilleur. Voilà.

 26   Après la fin du travail sur ce film, j'ai pris part à la vie politique en

 27   Croatie en étant pleinement conscient de ce qui se préparait et de

 28   l'obligation morale qui était la mienne de prendre part à cela, bien que,


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  1   tout à fait honnêtement, je n'ai jamais eu d'ambitions politiques, et je ne

  2   pense pas non plus que dans ce type de période, il faille parler de

  3   politique de la même façon que cette dernière est envisagée dans des

  4   sociétés organisées.

  5   Je pense qu'il s'agissait d'une période pré-politique, si l'on puit dire,

  6   parce que la création d'un Etat n'est pas seulement une question politique,

  7   c'est l'obligation morale de tout homme responsable. Et selon toutes les

  8   analyses dont nous disposions, il s'agissait là peut-être de la dernière,

  9   au moins d'une des dernières chances que nous Croates, peuple croate,

 10   avions de mettre sur pied un Etat dans lequel nous pourrions vivre dans ce

 11   que nous appelions un Etat civilisé à l'image des Etats occidentaux.

 12   Q.  Merci. Je ne voudrais pas entrer plus en détail dans votre parcours.

 13   Nous devons encore aborder de nombreux points. Mais je voudrais que nous

 14   abordions certains sujets généraux maintenant.

 15   Le premier d'entre eux a été abordé lors du récolement, mais comme on

 16   vous a donné moins de temps pour votre déclaration, je voudrais que vous

 17   disiez ce que vous savez de ces sujets, de quoi vous avez véritablement été

 18   témoin et ce que vous savez de la situation.

 19   Je voudrais tout d'abord vous interroger sur la situation en ce qui

 20   concerne l'approvisionnement en eau potable à Mostar en 1992 et 1993. Donc

 21   après le 30 juin 1993, et je pose cette question en lien direct avec l'acte

 22   d'accusation et l'affirmation qui y figure selon laquelle le HVO aurait

 23   utilisé l'approvisionnement en eau potable de Mostar est comme moyen

 24   d'exercer des pressions inhumaines sur cette même partie est de Mostar.

 25   Pouvez-vous nous en dire plus ? Nous avons beaucoup entendu parler de cela

 26   dans ce prétoire, mais je pense que vous êtes en situation d'établir un

 27   lien entre tous ces éléments.

 28   R.  Oui, mais juste pour revenir à la question précédente, je dois dire


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  1   pour les Juges de la Chambre qu'à l'époque de mes études, je suis allé

  2   pendant cinq étés travailler comme garçon de café en Allemagne. Donc je

  3   devais passer des examens très tôt au mois de juin, puis j'allais

  4   travailler. Je suis allé à Schwiesel, près de la frontière Suisse. J'ai pu

  5   également travailler près de Strasbourg en France, et c'est ainsi que je

  6   gagnais de l'argent. On gagnait pas mal d'argent de cette façon-là, je

  7   gagnais l'argent que j'avais besoin pour faire mes études. A la fin de ces

  8   périodes de travail comme étudiant, j'ai même reçu un certificat montrant

  9   que j'étais un bon garçon de café, un certificat de l'hôtel où je

 10   travaillais.

 11   Alors pour ce qui est l'acte d'accusation, le Procureur dit que la

 12   partie est de la ville à partir du 30 janvier 1993 n'a plus d'eau potable,

 13   et l'Accusation dit que le HVO est coupable de cela. Mais qui en 1992 a

 14   rendu inopérant les sources de Radoje à Mostar et la sources de Studenac à

 15   Rastani, sources qui approvisionnaient en eau la ville de Mostar ? Qui a

 16   fait cela en 1992 ? Qui exerçait le contrôle sur la source de Rastani et

 17   jusqu'à quand ? L'ABiH le faisait jusqu'au 24 août 1993. Qui a détruit les

 18   ponts à Mostar et les canalisations d'eau qui reliaient les sources de la

 19   rive droite de la Neretva et la partie est de la ville ? Qui a endommagé le

 20   réseau d'approvisionnement en eau, à quels endroits et de quelles façons ?

 21   Quel était l'état de vétusté de ce réseau et la situation d'un point de vue

 22   technique de ce réseau d'approvisionnement ?

 23    L'Accusation ne dit pas cela. Quelle était l'importance des pertes

 24   d'eau à cause du mauvais état des canalisations d'approvisionnement en eau

 25   avant les attaques d'artilleries de la JNA visant Mostar en 1992 ? Quelle

 26   est la capacité d'approvisionnement de ces deux sources en été, été qui

 27   s'est avéré particulièrement chaud en 1993 ? Quelle était la pression de

 28   l'eau dans ces canalisations en approvisionnement, et pourquoi était-il


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  1   nécessaire de disposer de compresseurs pour acheminer l'eau jusque dans les

  2   étages des bâtiments ? Qui a pris le générateur et la pompe qui devaient

  3   approvisionner en eau les bâtiments de plusieurs étages sur la partie est

  4   de Mostar ? Qui l'a fait, à quel moment et dans quel but ? Pourquoi, dans

  5   la période s'étendant entre juin 1992, lorsque de par la destruction du

  6   pont ferroviaire dans l'entrée nord de Mostar, il y a eu une interruption

  7   des canalisations d'eau principales à Mostar est qui acheminaient l'eau des

  8   sources de Studenac et Rastani ? Donc pourquoi dans cette période de juin

  9   1992 à août 1993, on n'a pas remplacé cette canalisation d'eau par

 10   l'intermédiaire du barrage qui se trouve à proximité?

 11   Pourquoi les autorités de Mostar est, après les attaques de l'ABiH du

 12   9 mai 1993 et le cessez-le-feu qui a pris place ensuite, n'ont-elles pas

 13   exigé une vérification, une réparation des bouches d'inspection principales

 14   sur la boulevard, et pourquoi n'ont-elles pas remis en état les tuyaux

 15   d'approvisionnement en eau passant par le vieux pont ? Pourquoi après les

 16   attaques de l'ABiH et la trahison des membres musulmans du HVO intervenus

 17   le 30 juin 1993, les autorités de Mostar est n'ont-elles jamais fait état

 18   du problème de l'eau par l'intermédiaire de la FORPRONU alors qu'elles ont

 19   fait état du problème des blessés, qui lui, a trouvé une solution ?

 20   Pourquoi ces autorités n'ont-elles pas demandé qu'on leur fournisse la

 21   dizaine de pompes qui conjointement avec l'utilisation des tuyaux

 22   d'extinction d'incendies auraient permis d'approvisionner régulièrement et

 23   en quantité suffisante l'eau nécessaire à différents endroits et provenant

 24   de la Neretva qui était souvent suffisamment bonne pour être consommée à

 25   l'époque ?

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais ça fait à peu près

 27   deux pages de compte rendu d'audience, je ne peux pas m'empêcher de le

 28   constater, que vous accumulez des questions. Toutes vos phrases se


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  1   terminent par un point d'interrogation et en fait, je pensais que vous

  2   veniez déposer en tant que témoin. Or, un témoin ne pose pas de questions.

  3   Il répond à des questions. Il dit ce qu'il a vu, ce qu'il a entendu, ou ce

  4   dont il a été témoin. Je m'interroge, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux,

  5   est-ce qu'il ne serait pas plus -- en fait, en prise directe sur cette

  6   procédure, de ne pas poser ce genre de questions, mais plutôt de vous

  7   comporter en tant que témoin et de parler comme un témoin le fait.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, il y a des

  9   questions qui contiennent en elles-mêmes leurs propres réponses. J'aurais

 10   pu à chaque fois dire ce qu'il en était, c'est ainsi. Ces questions sont

 11   d'un point de vue grammatical des questions, mais il ne s'agit pas ici de

 12   questions d'un point de vue logique. Je dis simplement que la question que

 13   nous avons là, par exemple, suggère la réponse : ils n'ont pas demandé

 14   qu'on leur fournisse une dizaine de pompes, ils n'ont pas demandé à ce

 15   qu'on résolve la question de l'approvisionnement en eau comme nous avons pu

 16   résoudre le problème des blessés. Ils n'ont pas réparé les tuyaux

 17   d'approvisionnement en eau, ils n'ont pas rétabli l'approvisionnement à

 18   partir du barrage.

 19   Il ne s'agit pas de questions, il s'agit d'affirmations qui sont exprimées

 20   sous forme de questions, de questions rhétoriques. Ce que je dis

 21   simplement, c'est que ces questions, le Procureur lui-même aurait dû les

 22   poser, tout comme il aurait dû poser la question de savoir comment l'on

 23   peut réapprovisionner des tuyaux du même réseau d'approvisionnement en eau

 24   après que ces derniers ont été vidés, quelle est la procédure technique,

 25   quelle est la procédure sanitaire. Nous aurions dû avoir des réponses

 26   fournies à ces questions concernant la façon de savoir, par exemple, qui au

 27   sein du HVO a émis cette décision en vertu de laquelle la partie est de

 28   Mostar est censée avoir vu son approvisionnement en eau coupé. Qui aurait


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  1   mis en œuvre cette décision et comment cela aurait été mis en œuvre d'un

  2   point de vue technique, mais nous n'avons rien entendu de tel, nous n'avons

  3   entendu cette affirmation selon laquelle le HVO serait responsable de cela,

  4   que ce soit la branche civile ou la branche militaire. On ne nous a

  5   présenté aucun fait en la matière. La partie est avait la possibilité de

  6   construire des tuyaux d'approvisionnement, de demander une aide financière

  7   comme cela a été fait pour l'électricité, pour les lignes de téléphone, et

  8   cetera. Ils pouvaient en parler avec la FORPRONU.

  9   Mon conseil de la Défense et moi-même avons établi une carte dans

 10   laquelle il est clair qu'ils ont montré qu'ils avaient bien une source à

 11   Rastani. J'ai utilisé cette question pour affirmer simplement que si Mostar

 12   est n'a pas d'eau, cela ne veut pas dire que c'est le HVO nécessairement

 13   qui en est responsable. Le HVO, la partie est de Mostar n'a pas demandé les

 14   pompes qui leur auraient permis d'être approvisionné à partir de la rivière

 15   Neretva.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Je ne vais plus maintenant utiliser de

 17   questions rhétoriques. 

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je veux être clair. Un témoin, le

 19   genre de réponse qu'il doit donner ce sont des réponses qui sont fidèles au

 20   bas à la vérité. Vous, vous faites allégation sur allégation, accusation

 21   sur accusation, et ça ne correspond pas tout à fait à cette idée. Je

 22   voulais simplement vous apporter mon concours pour que vous tiriez le

 23   meilleur parti possible du temps qui vous est donné dans le cadre du

 24   Règlement.

 25   Merci.

 26   Poursuivez, Maître Kovacic.

 27   M. KOVACIC : [interprétation] Je pense que nous allons résoudre cela très

 28   rapidement, car il y a un point qui n'est pas resté clair, peut-être à


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  1   cause de la traduction, peut-être à cause de la façon dont M. Praljak s'est

  2   exprimé.

  3   Parce qu'en réalité, les questions posées par M. Praljak étaient des

  4   questions rhétoriques qui contiennent déjà une réponse. Ceci a été peut-

  5   être perdu dans la traduction. C'est pour cela qu'il y a un malentendu. Je

  6   l'ai dit juste pour me rendre utile. Mais je vais terminer en posant une

  7   question pour éclaircir tout cela.

  8   Q.  Mon Général, nous avons entendu votre évaluation de ces problèmes, vous

  9   nous avez parlé de tous ces problèmes qui ont pu apparaître, et ensuite on

 10   tire des conclusions qui ne sont pas tout à fait précises, correctes, parce

 11   qu'on ne connaît pas toute la situation. Est-ce que le HVO a fait exprès ou

 12   a tout fait pour couper l'eau dans Mostar est ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Merci.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Général, je me permets de déroger à ce que

 16   j'ai dit en début d'après-midi, mais en vous posant une question sur votre

 17   CV, ça n'a rien à voir avec le fond de l'acte d'accusation.

 18   Vous nous avez dit tout à l'heure que suite à des études vous avez été dans

 19   l'électricité, après quoi vous avez été artiste, et en tant qu'artiste,

 20   c'est ce qui m'a frappé, vous avez dit que vous avez mis en œuvre plusieurs

 21   pièces et vous avez cité la pièce : "Un homme est un homme" de Bertolt

 22   Brecht. Comme vous le savez, cette pièce il y a eu deux écritures; une en

 23   1925 et une en 1938. C'est l'histoire d'un homme qui change de vie, qui va

 24   renier sa femme, et qui va devenir dans les Indes britanniques, qui va

 25   devenir soldat. Il va devenir soldat dans des circonstances particulières,

 26   parce qu'il y a une scène de pillage et il y en a un qui ne veut pas se

 27   dénoncer. A à ce moment-là, Galigay, [phon] qui est le personnage central,

 28   va intégrer cette unité de tirailleurs. Donc, il va changer de vie, en


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  1   laissant la problématique de savoir s'il va devenir un monstre ou devenir

  2   un sage.

  3   Vous-même, en mettant en œuvre cette pièce, est-ce que ça vous a

  4   entraîné après à entrer dans la chose militaire ? Est-ce que vous en avez

  5   tiré une leçon ou pas de cette pièce ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, vous avez vu quelle était

  7   ma préoccupation principale. Voyez-vous, moi, j'ai interprété cette pièce

  8   comme suit : C'est un pêcheur qui rencontre une unité anglaise qui a perdu

  9   un soldat, et ils ne peuvent pas rentrer sans ce soldat. Donc qu'est-ce

 10   qu'ils font ? De ce pêcheur simple, ils font un soldat. Ils en font un

 11   soldat, et par la suite ils détruisent tout. Vous savez, je n'étais pas un

 12   soldat dans le sens propre du terme. Je n'ai même pas fait l'armée

 13   populaire yougoslave. Je n'ai pas fait mon service militaire, parce que je

 14   n'étais pas apte à faire mon service, parce que j'ai un problème à la

 15   hanche. Je suis tombé beaucoup de fois. J'ai fait beaucoup de fractures

 16   dans la vie. J'ai subi sept opérations. J'ai été assez maladroit

 17   d'ailleurs, dans la vie physiquement.

 18   Ce qui se passe avec les intellectuels, voyez-vous, vous savez la

 19   guerre, c'est probablement la forme la plus difficile de la société

 20   humaine. Un grand nombre d'intellectuels énorme rejettent ces phénomènes,

 21   même les sociologues, parce qu'on considère qu'un humaniste, un

 22   intellectuel humaniste ne doit pas traiter de la guerre parce que c'est

 23   quelque chose de vulgaire. Il s'agit de meurtre, et ce n'est pas notre

 24   problème. Donc, souvent la guerre n'a pas fait l'objet des analyses de

 25   sociologie. La sociologie, elle, traite la situation ou la société jusqu'à

 26   la guerre et après la guerre. Mais la guerre tel quel, on la considère

 27   comme quelque chose de très particulier où se produisent des explosions, et

 28   tout devient imprévisible.


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  1   Les répercussions sur les individus, et c'est cela qui intéresse les

  2   sociologues, ce qui se passe c'est que vous avez la destruction, la

  3   décomposition totale d'un individu de son intégrité morale, et là vous avez

  4   deux variables que l'on peut isoler, qui sont très importants. Par la

  5   suite, le prix Nobel, Conrad de Laurent [phon] a traité de cela parce qu'il

  6   a participé à la Première Guerre mondiale et cela l'a préoccupé. Il a dit

  7   que ces deux variables, à savoir la force morale d'un individu et la durée

  8   des épreuves, là vous avez des choses complètement différentes, deux

  9   variables complètement différentes qu'il faut prendre en compte. Il arrive

 10   souvent que des personnes pour lesquelles on pense qu'elles aient une

 11   moralité très ferme, très stable, qu'elles craquent tout simplement à un

 12   moment donné, et d'autres personnes qui ne brillaient en rien, surtout du

 13   côté des convictions morales, et traversent la guerre et montrent un visage

 14   et leur véritable valeur dans des situations les plus difficiles. 

 15   Donc cette pièce que j'ai montée, y compris la pièce de Brecht que

 16   j'ai présentée, je peux vous dire que c'est quelque chose qui m'a toujours

 17   beaucoup intéressé. J'ai beaucoup lu au sujet de la guerre pour faire cela.

 18   J'ai beaucoup lu sur le débarquement, sur la Première Guerre mondiale, la

 19   Deuxième. Je me suis beaucoup intéressé à l'armée française qui avait tant

 20   de soldats, qui s'est beaucoup préparée à la guerre. Comment se fait-il

 21   qu'elle a pu être vaincue alors qu'elle avait tout un système élaboré, des

 22   commandements, des communications, et cetera. Je me suis penché aussi sur

 23   deux autres théoriciens de la guerre qui ont été à l'origine de la

 24   sociologie de la guerre, Klauzevitz et --

 25   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le premier nom.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant les guerres napoléoniennes, l'alliance

 27   entre la Turquie, l'Angleterre, l'Espagne, ils ont perdu une dizaine de

 28   batailles contre Napoléon, donc ces deux-là, ces deux théoriciens, se sont


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  1   posés la question, à savoir comment les armées structurées des Etats

  2   structurés avec des super-commandants peuvent perdre la guerre. Parce qu'on

  3   peut prendre une bataille, deux batailles, mais comment peut-on perdre

  4   toute une série de batailles ? Ce théoricien a commencé à étudier les

  5   cadres sociologiques de la guerre.

  6   Vous avez la France qui sort de la révolution, qui a finalement les

  7   militaires peu formés. Napoléon, à l'époque, produisait les maréchaux et

  8   les généraux encore plus rapidement que nous ne le faisions au sein de

  9   l'armée croate ou du HVO, parce qu'il n'avait pas d'autres moyens de s'en

 10   sortir, de créer son armée. Par exemple, la bataille de Borodin, des deux

 11   côtés vous aviez des pertes énormes. Cent généraux ont perdu leur vie. A

 12   l'époque, les généraux périssaient plus souvent qu'aujourd'hui. Et qu'est-

 13   ce qu'il faisait ? Il les remplaçait très rapidement.

 14   La guerre est quelque chose qui a été rejeté par les intellectuels.

 15   Je considérais que c'est quelque chose qui était très important, parce que

 16   c'est une apparition récurrente au cours de l'histoire humaine, alors même

 17   que ceci n'a jamais été vraiment étudié dans les universités, et cetera.

 18   Moi, je me suis posé la question de savoir d'où vient ce phénomène, comment

 19   se fait-il qu'il y a tellement de guerres, que cela existe depuis toujours

 20   dans de telles quantités ?

 21   Messieurs les Juges, depuis que la guerre a commencé en Bosnie-

 22   Herzégovine, il y a eu dix millions de personnes qui sont mortes pendant la

 23   guerre, au Rwanda et autres guerres, et personne n'y prête beaucoup

 24   d'attention.

 25   Je me suis penché sur le problème des bombes atomiques, Dresden, la

 26   question morale du bombardement de Nuremberg, Dresde et Hamburg. J'ai lu

 27   aussi les procès-verbaux de Nuremberg. J'avais beaucoup d'énergie et

 28   j'avais une grande capacité de travail, à la différence de tel que je suis


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  1   aujourd'hui. Donc, j'ai beaucoup lu, et je me rappelais de beaucoup de

  2   choses.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez donné une explication. Ça pourrait durer

  4   beaucoup plus longtemps, mais vous avez répondu à la question qui me

  5   préoccupait.

  6   Maître Kovacic.

  7   M. LE JUGE MINDUA : J'ai une observation, excusez-moi, mais ce n'est plutôt

  8   pas à M. Praljak que je veux l'adresser, mais c'est à Me Kovacic.

  9   Maître Kovacic, vous avez demandé au témoin de parler brièvement de

 10   son cursus scolaire et universitaire, et aussi de son parcours

 11   professionnel. Aujourd'hui, il est là, c'est le général Praljak. Juste sans

 12   parler de son parcours militaire, vous l'avez arrêté pour qu'il se mette à

 13   parler de la question de l'eau. Alors, j'ai l'impression qu'il y a quelque

 14   chose qui manque, et c'est à juste titre, d'ailleurs, je crois, qu'il y a

 15   eu ce lien entre la pièce dont on a parlé et la vie même du témoin. Alors

 16   je ne sais pas, est-ce que vous avez prévu de lui poser la question sur son

 17   parcours militaire pour que nous puissions en connaître un peu plus sur sa

 18   personnalité ?

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge, de cette

 20   mise en garde. J'ai voulu tout simplement demander à M. Praljak de nous

 21   exposer quelques éléments biographiques. Mais vu la question que vous venez

 22   de poser, il me semble que, puisque c'est tout à fait naturel de poser

 23   cette question, je propose que l'on pose cette dernière question au sujet

 24   de sa biographie, et on va revenir là-dessus.

 25   Q.  Mon Général, vous avez dit que vous êtes parti en Bosnie-Herzégovine,

 26   car vous le souhaitiez, vous étiez motivé de le faire. Puisque dans l'acte

 27   d'accusation il est indiqué que vous y êtes allé à plusieurs reprises et

 28   dans différents rôles, et c'est un fait d'ailleurs, je vais vous demander


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  1   de vous concentrer sur l'année 1992, et de nous dire brièvement quand vous

  2   y êtes allé au cours de cette année-là et ce que vous y avez fait.

  3   R.  Je vais vous répondre.

  4   Vers la fin de 1988, beaucoup de gens en Croatie comprenaient qu'on

  5   allait se retrouver dans une situation tout à fait catastrophique, et vous

  6   aviez une sorte d'opposition au système de l'époque qui commençait à se

  7   réunir de façon plutôt clandestine, cinq, dix personnes qui se réunissent

  8   pour se préparer à quelque chose. Evidemment, j'avais participé à cela.

  9   J'ai été présent au premier rassemblement qui a eu lieu en février 1990.

 10   C'était la session de fondement du HDZ, quand on a adopté sa déclaration,

 11   son programme. C'était une période tumultueuse et complexe. Il s'agissait

 12   des thèses de toutes sortes que l'on avançait, des réflexions. Je vais

 13   présenter des documents. Je pense que le Procureur souhaitera en apprendre

 14   davantage aussi.

 15   En 1991 au printemps, je n'avais plus d'obligations politiques au

 16   sein d'un parti important, parce que j'étais le secrétaire général de ce

 17   parti, donc il s'agissait là d'un organe politique et réalisationnel, et je

 18   me suis engagé en tant que soldat simple, soldat volontaire. J'avais mes

 19   bottes de soldat. Pour qu'il n'y ait pas de doute, je peux vous dire que je

 20   me serais battu, que la Croatie s'organise ou non, moi, je me serais battu.

 21   Donc, je me trouve à Sunja, sept jours plus tard, je deviens commandant, et

 22   j'y suis resté jusqu'en 1992, au mois de mars.

 23   Ensuite, je suis descendu là-bas. C'est vrai que j'en savais pas mal

 24   sur la guerre, sur la stratégie, la tactique de la guerre, parce que j'ai

 25   lu pas mal de choses. Mais il y avait d'autres choses que je ne savais pas,

 26   des informations plus précises, qu'est-ce qu'une Zolja, et cetera, les

 27   différents obus. En ce qui concerne comment creuser les tranchées, comment

 28   se protéger des obus d'artillerie, ça, je le savais théoriquement, parce


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  1   que j'ai lu des œuvres de la Première Guerre mondiale. Puis je savais

  2   comment faire avec les hommes, parce que j'avais été enseignant.

  3   J'ai toujours eu affaire à des hommes. Après cette nomination, je

  4   suis devenu adjoint du ministre de la Défense, chargé des activités

  5   psychologiques et d'information. C'était l'aile politique. J'ai organisé

  6   cela au sein du ministère. C'était un département très important. J'avais

  7   une centaine d'hommes sous mes ordres. Il y avait pas mal de psychologues,

  8   des scientifiques. Ma devise à l'époque, c'était qu'il faut bien choisir

  9   ses hommes. Si vous avez des éléments de qualité, tout va fonctionner. Cela

 10   ne sert à rien d'avoir de beaux documents, des belles résolutions et

 11   déclarations si vous n'avez pas les éléments, les hommes de qualité qui

 12   suivent.

 13   En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, les zones là-bas, j'y ai

 14   été entre le 10 avril 1992, j'ai été le commandant de la zone de

 15   l'Herzégovine du sud-est. Ensuite, je suis revenu, j'ai mené l'attaque pour

 16   libérer la rive gauche et droite de la Neretva. Je suis allé calmer la

 17   situation à Rama ou à Uskoplje. J'ai passé un mois et demi entre Travnik,

 18   Novi Travnik, Bugojno, Uskoplje, Konjic, mais il vaudrait mieux en parler à

 19   travers les documents.

 20   Il s'agissait là de beaucoup de travail. Il y a eu beaucoup

 21   d'événements, beaucoup, beaucoup d'événements. Je pourrais vous en parler

 22   pendant des heures et des heures. Sans corroborer cela par des documents,

 23   je pense que ce n'est pas très utile.

 24   Mais ce que j'ai voulu ajouter, parce que j'ai pris quelques notes,

 25   parce que vous savez, mon cerveau ne fonctionne plus comme avant, mais plus

 26   aussi agile qu'il ne l'était. Donc cet excellent livre qui s'appelle

 27   "L'éclipse à midi" de Kestler, il s'agit là d'une excellente étude du

 28   système staliniste communiste. 


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  1   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je voudrais apporter un point de

  2   correction ici. Lorsque vous parlez d'une certaine personne, il était

  3   certes juif mais ce n'était pas un -- mais il était Hongrois. J'aimerais

  4   que ceci soit noté au compte rendu.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Vous avez tout à fait raison.

  6   C'était un juif hongrois qui a fui le stalinisme et il a écrit ce livre qui

  7   est brillantissime.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Une petite correction au niveau du compte

  9   rendu d'audience. La question que je vais vous poser pour éviter tout

 10   malentendu.

 11   Q.  Mon Général, en commençant à répondre, vous avez dit : "Ensuite, je

 12   suis allé là-bas. Après Sunja, je suis allé là-bas." A quoi faisiez-vous

 13   référence ?

 14   R.  L'Herzegovine du sud-est, Mostar, Capljina, et cetera.

 15   Q.  Et après avez-vous parlé de la Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et puis encore une petite question pour être encore plus précis. Vous

 18   avez parlé de votre séjour en Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous pouvez

 19   nous dire quelle était votre fonction quand vous y êtes allé ? Est-ce que

 20   quelqu'un vous a envoyé là-bas en vous disant, Praljak, allez là-bas,

 21   faites ceci ou cela, ou bien est-ce que vous y êtes allé en tant que

 22   volontaire, parce que vous vouliez y aller ?

 23   R.  Je suis allé parce que j'ai voulu y aller.

 24   Q.  Aussi, on peut lire à la page 61, ligne 21, "Novi Sad" et en fait c'est

 25   "Novi Travnik", n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  On va continuer sur le contexte et on va pour ainsi dire ouvrir

 28   certains thèmes et ensuite on va aller plus en détail en montrant des


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  1   documents.

  2   Là je voudrais vous poser quelques questions au sujet des téléphones.

  3   Pourquoi cela était-il important et qui les contrôlait, et cetera ?

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur Praljak et

  5   Maître Kovacic, mais j'aimerais ajouter une petite question à propos de

  6   votre départ à la Bosnie-Herzégovine.

  7   Vous étiez en poste en Croatie, n'est-ce pas ? J'imagine que vous ne

  8   pouviez pas tout simplement abandonner ce poste sans en parler à quiconque.

  9   Qu'avez-vous fait exactement ? Est-ce que vous avez démissionné, est-ce que

 10   vous avez demandé une permission pour pouvoir partir ? Comment vous y êtes

 11   pris ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire la vérité. Voilà quelle

 13   était la situation. Moi, je n'ai pas demandé à être démis de mes fonctions.

 14   Je n'ai pas demandé à avoir un accord. Voilà, je vais vous raconter comment

 15   les choses se sont présentées exactement.

 16   D'après toutes les informations qui arrivent au quartier général

 17   principal et auxquelles j'ai accès, il est clair quelle est l'intention de

 18   l'armée populaire yougoslave, à savoir elle avait l'intention de percer la

 19   Neretva en allant vers Split. Donc là-bas, il existe quelques unités

 20   armées. Quand j'étais en présence de personnes tierces, j'adressais à M.

 21   Susak, "M. le ministre," mais en dehors de cela, je l'appelais, je

 22   l'adressais par son prénom, Gojko.

 23   Et autour de la date du 20 mars 1993, dans la soirée, quand on avait

 24   un petit peu moins de travail et quand on trouvait quelques instants pour

 25   nous asseoir, moi je lui ai dit, écoute, Gojko, la situation là-bas est

 26   très mauvaise et ils vont percer jusqu'à Split. Je ne vois pas comment la

 27   Croatie peut se défendre. C'est un couloir étroit. Et il m'a répondu,

 28   écoute, la situation n'est pas si mauvaise que cela. Il y a quelques unités


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  1   là-bas. Moi, j'ai encore appelé, j'ai parlé avec mon père qui a fait la

  2   guerre pendant quatre années au cours de la Deuxième Guerre mondiale puis

  3   même après la guerre, ils ont combattu quelques éléments qui étaient des

  4   résidus du système du régime oustachi, et je lui ai dit, écoute, papa,

  5   quelle est la situation là-bas ? Et il m'a dit, écoute, c'est vraiment

  6   catastrophique. Ça ne va pas bien se finir. Et moi, le lendemain, je dis,

  7   écoute Susak, toi tu dis que la situation là-bas est bonne mais moi je peux

  8   te dire que c'est le contraire de ce que j'ai appris. Moi, j'ai appris que

  9   la situation là-bas était mauvaise. Alors on a répété ça trois fois et moi

 10   je lui ai demandé de me laisser partir là-bas pour voir sur place quelles

 11   sont les chances de la Croatie par rapport au plan qu'avait l'armée

 12   populaire yougoslave et qu'est-ce qui allait se passer si jamais cette

 13   ligne allait être percée parce que la situation là-bas n'était pas bonne. 

 14   A mon retour, on s'est réuni et j'ai rencontré Gojko Susak, j'ai

 15   rencontré aussi le président de la république, Franjo Tudjman, et j'ai

 16   demandé que l'on permette aux gens originaires de cette terre, et dans le

 17   cadre du droit légitime à la défense, de nous permettre, de permettre à ces

 18   gens-là d'essayer d'organiser une défense là-bas. Et j'ai demandé aussi que

 19   l'on crée en Croatie, pour aider cette terre-là mais aussi pour pouvoir

 20   libérer Dubrovnik, quelque chose que l'on appelle ici les fronts du sud. Ce

 21   front du sud qui a été créé par l'armée croate, c'était le général Bobetko

 22   qui était à la tête de ce front du sud --

 23   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 24   les Juges. Je suis désolé de vous interrompre.

 25   Nous regardons la ligne 19 qui va bientôt d'ailleurs ne plus être sur

 26   la page. Il y a une référence au 20 mars 1993 et je me demande si ce

 27   n'était pas plutôt 1992 et s'il n'y a pas eu une erreur dans le compte

 28   rendu autour de 1992. 


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'était pas une erreur. C'était à

  2   peu près le 20 mars 1993. Ah non, excusez-moi, 1992. Oui, vous avez tout à

  3   fait raison. C'est une erreur de ma part.

  4   Donc ce front du sud devait aider les Croates et les Musulmans qui étaient

  5   prêts à se battre contre le Corps d'Uzice, le général Perisic et autres

  6   dont on a déjà entendu parler ici. Et moi, j'ai demandé à être envoyé là,

  7   sur les territoires que je connaissais le mieux, à savoir l'Herzégovine du

  8   sud-est, Capljina, Mostar. Le général Russo qui lui aussi est originaire de

  9   cette région est parti à Livno et Trnci alors qu'un autre général aussi, né

 10   en Herzégovine, a pris la partie centrale. Et moi, j'ai pris mes fonctions

 11   le 10 avril 1992.

 12   Quatre jours plus tard, le général Petkovic est arrivé et il a été

 13   nommé au poste de chef d'état-major principal et on a commencé à mettre de

 14   l'ordre dans cette situation parfaitement chaotique. On a essayé d'arrêter

 15   les percées dans la vallée de Neretva et la trahison de Mostar.

 16   Et c'est une réponse à la question qui a souvent été posée par M.

 17   Antonetti. Parce qu'avant que je n'arrive, le commandant de Mostar Ouest

 18   était M. Perak qui, à un moment donné, était le commandant du HVO et avant

 19   il était officier de la JNA et un moment donné il a ordonné qu'on évacue

 20   les civils et les soldats de Mostar, en fournissant l'explication suivante:

 21   la JNA est si puissante que la ville allait être terrassée, écrasée et il

 22   voulait se présenter en sauveteur de la ville.

 23   Heureusement, les chefs des armées des quartiers - c'étaient des

 24   toutes petites unités qui étaient créées dans différents quartiers de la

 25   ville - avaient refusé d'exécuter cet ordre puisqu'ils étaient parfaitement

 26   choqués par l'ordre donné et ils sont restés à Mostar. M. Perak a perdu

 27   sans laisser de trace et où est-ce qu'on le retrouve ? En Serbie,

 28   évidemment, où il a fait partie de l'organisation du contre-renseignement


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  1   KOS qui a eu beaucoup, beaucoup d'influence sur cette guerre. Il était un

  2   des cadres de ce service de contre-renseignement, M. Perak, qui a tout

  3   simplement voulu laisser Mostar à l'armée populaire yougoslave, mais

  4   évidemment les gars ne les ont pas laissé faire.

  5   Mais après un tel événement, les hommes n'ont plus confiance aux

  6   militaires. Vous avez une perte totale de confiance. Pendant des mois et

  7   des mois, ils ne font confiance qu'aux chefs de groupes, à leurs petits

  8   chefs qu'ils ont proclamé commandants eux-mêmes. Donc moi, mon commandement

  9   de cette zone ne vient pas du fait que j'avais un grade, non. J'ai pu

 10   commander parce que sur le terrain j'ai pu démontrer que je n'avais pas

 11   peur, que j'étais prêt à mourir, que j'allais emprunter une route

 12   dangereuse pour me rendre à Mostar une dizaine de fois, au risque de perdre

 13   ma vie, que j'allais m'exposer aux tirs, et c'est uniquement si j'arrive à

 14   survivre que j'ai le droit de commander. Ce n'est pas par nomination que

 15   vous devenez commandant dans telles armées, non, c'est par votre

 16   comportement. Il faut faire preuve d'un comportement qui va être apprécié.

 17   Dans les armées professionnelles organisées, ce n'est pas exactement le

 18   cas, mais c'est vrai qu'entre les commandements et la fonction il y a

 19   toujours une petite différence. Mais dans les armées des volontaires, et

 20   surtout après la trahison de Perak, il faut faire preuve de courage pour

 21   être accepté.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vous pose pas une question sur la JNA qui, par

 23   la Neretva, voulait aller à Split en mars 1992. Ça, ça fera partie de mes

 24   questions de fond quand je les aborderai à la fin de votre témoignage. Je

 25   reviens uniquement sur votre CV, parce que la différence dans la procédure

 26   de mon pays et celle d'ici c'est que dans mon pays, quand on juge quelqu'un

 27   pour crime contre l'humanité ou crime de guerre, on fait une enquête de

 28   personnalité, il y a un psychologue, il y a un psychiatre et on explore


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  1   tout son passé familial.

  2   Et là, tout à l'heure, vous avez donné un petit détail qui m'a

  3   interpellé parce que c'est la première fois que je l'entends et je voudrais

  4   que vous apportiez un petit complément avant qu'on fasse la pause. Vous

  5   avez dit que votre père avait quelques connaissances dans l'armée et vous

  6   avez dit qu'après la Seconde Guerre mondiale ou pendant - mais ça vous

  7   allez nous préciser - il avait combattu des membres Oustachi, des

  8   extrémistes, des résidus. Voilà, vos termes étaient exactement cela, des

  9   résidus du système oustachi. Alors qu'est-ce que votre père a fait au

 10   juste, et est-ce que ça a eu une influence sur vous ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et je

 12   précise à l'attention des Juges que pour ce procès-ci et on y viendra

 13   bientôt, j'ai préparé un résumé, un aperçu historique non pas des réunions

 14   de rois, de premiers ministres, et cetera, mais un aperçu des victimes sur

 15   le territoire de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine avant la Deuxième

 16   Guerre mondiale, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale; parce que

 17   sans ce cadre-là, il est difficile de comprendre et c'est un cadre des plus

 18   important pour ce procès. Je suis allé donc vers une simplification

 19   maximum, un abrégé pour les besoins de ce procès ou de ce Tribunal.

 20   Voyez-vous quelles ont été les destinés des gens. Mon grand-père, le

 21   père de mon père, a été emprisonné du temps du Royaume de Yougoslavie en sa

 22   qualité de nationaliste croate. Puis son fils, de par cette filière, a été

 23   emprisonné dans Mostar parce qu'il avait diffusé des tractes et tenu des

 24   discours contre l'Etat. Puis mon père, par une organisation du Gradise

 25   [phon] croate, c'était une organisation de paysans croates de politique,

 26   des frères Radic, il a eu l'opportunité d'aller faire de l'artisanat, et

 27   pendant la Deuxième Guerre mondiale, il a rejoint les rangs de l'école là-

 28   bas; il y a eu des crimes commis parce qu'il avait rejoint les partisans.


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  1   Mais il y a eu les tueries des Blidbe [phon].

  2   Sur le territoire de la Croatie, de l'Herzégovine et de la Serbie

  3   occidentale, il y a eu beaucoup de hors-la-loi. On appelle cela de façon

  4   classique de la sorte. Ils s'étaient battus contre les nouveaux

  5   communistes, ils avaient tué des fonctionnaires de cet Etat. Et à l'époque,

  6   mon père, en sa qualité d'employé de la Sûreté de l'Etat y est resté

  7   jusqu'en 1953 dans une espèce de guerre qui se perpétuait à se battre

  8   contre ces résidus du régime chetnik en Serbie et du régime oustachi en

  9   Croatie.

 10   En 1953, on a tué un voïvode chetnik Bjelica à Foca et ça s'est à peu

 11   près terminé là-bas, parce que là-bas il avait fait toutes sortes de

 12   choses.

 13   Et mon père a été mis à la retraite en 1963 par un éminent, un vilain

 14   de la politique de l'époque, Aleksandar Rankovic qui l'a révoqué de ses

 15   fonctions parce qu'il l'avait trouvé trop Croate comme cadre.

 16   Et du point de vue politique, je commence à diverger des opinions de

 17   mon père dès mes 17 ans, et bien qu'il ait tout laissé tomber après sa

 18   retraite, nous n'avons pas partagé les mêmes convictions politiques. Lui,

 19   il était resté un peu dans son âme favorable à la Yougoslavie et moi, ayant

 20   lu de plus en plus de choses et ayant appris de plus en plus de choses,

 21   j'avais fini par comprendre que cet Etat pouvait bien sûr, sous hypothèse

 22   de le rendre démocratique et avec la volonté des peuples, bien qu'il y ait

 23   eu des crimes de commis à l'égard des Allemands, des voïvodes, des Croates,

 24   des Polonais, des riches, des intellectuels, des non-Hongrois, mais que ça

 25   ne pouvait pas, en réalité, survivre. C'était une création serbe dans la

 26   réalité qui empêchait les autres peuples de se développer et que nous avons

 27   commencé à diverger du point de vue politique.

 28   Mais mon père c'était un homme intègre, honnête et qui n'a rien


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  1   profité de ce système communiste, et j'ai continué à communiquer avec lui

  2   de façon régulière jusqu'à son décès en 1993. Alors que pendant deux ou

  3   trois mois il a été dans le coma puisqu'il avait eu une hémorragie

  4   cérébrale et il est resté immobilisé.

  5   Et j'ai été le plus petit parce que tous les autres dans la famille, les

  6   hommes de la famille étaient plus grands que moi, et moi j'étais un peu

  7   attardé, c'est la raison pour laquelle j'ai probablement vaqué à des

  8   activités artistiques. Et dans toutes ces difficultés, j'ai eu beaucoup de

  9   mal à faire en sorte que cet homme énorme mais immobilisé, alité, paralysé,

 10   ait quelqu'un pour prendre soin de lui, pour trouver quelqu'un pour le

 11   retourner; il commençait à avoir des plaies au niveau du corps et il ne

 12   pouvait pas parler, il ne pouvait pas communiquer avec les autres. Maman

 13   était toute petite, toute menue, elle ne pouvait pas. Et dans cet effort

 14   énorme pour ce qui est d'apporter des explications depuis mes 17 ans

 15   jusqu'au début de la guerre, j'ai eu des positions complètement édifié

 16   concernant ce qui, à mon avis un homme écrivain, donc faisant de la

 17   littérature devait avoir. Alors j'ai cherché à en savoir plus, et il

 18   s'entend qu'en Herzégovine il y a eu des gens à qui mon père avait fait du

 19   mal dans le cadre de ses fonctions de service, et certaines de ces

 20   personnes n'entendaient pas d'une bonne oreille le nom Praljak.

 21   Je vais vous raconter une anecdote qui traduit le paradoxe de cet

 22   état.

 23   Mon père était déjà retraité, il est venu me rendre visite à Zagreb,

 24   et nous rencontrons un étudiant avec qui je m'entretenais. Là, je vous

 25   demande de comprendre la chose pour voir tout l'absurde de la situation.

 26   Après l'entretien avec cet étudiant, mon père me dit : Ne raconte pas

 27   toutes ces choses-là devant lui parce qu'il travaille pour nous. Alors cet

 28   étudiant travaillait donc pour ce service secret, et ayant fait partie de


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  1   ces services secrets, mon père me prévient qu'il ne faut pas raconter telle

  2   chose parce que je vais finir en prison. Alors ces systèmes-là sont

  3   terriblement compliqués. Cela génère énormément de frustration. Les gens

  4   ont du mal à s'y retrouver, et de ce point de vue-là, je peux vous apporter

  5   toute sorte d'information parce que je m'en suis occupé pendant bien 30 ou

  6   40 ans. 

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que c'est 6 heures moins 10, on fait une pause

  8   de 20 minutes.

  9   --- L'audience est suspendue à 17 heures 51.

 10   --- L'audience est reprise à 18 heures 12.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 12   Je crois que le Juge Prandler a une question à poser.

 13   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Effectivement, Monsieur le

 14   Président. Merci. En fait, j'avais une question que je n'avais pas

 15   l'intention de poser aujourd'hui car je voulais suivre vos conseils,

 16   Monsieur le Président, je voulais attendre le moment des questions posées

 17   par les Juges, donc après l'interrogatoire mené par Me Kovacic et par Me

 18   Pinter, mais par ailleurs, il y a quelques dernières questions qui ont été

 19   posées qui portaient sur un sujet m'intéressant. C'est pour cela que je

 20   souhaiterais poser ma question aujourd'hui. Elle est en rapport avec une

 21   des déclarations que vous faites dans le mémoire préalable et la

 22   déclaration que vous avez faite en début d'audience, avant que vous ne

 23   commenciez à déposer, avant la première pause d'aujourd'hui.

 24   Je ne trouve plus le texte exact, mais ça revenait à dire ceci, les

 25   Croates, pendant des siècles, avez-vous dit, avaient combattu un grand

 26   nombre d'ennemis, à commencer par la Hongrie à partir du XIIe siècle.

 27   Je voudrais simplement signaler que ceci n'a rien à voir avec une

 28   fierté nationale quelconque. C'est simplement pour rappeler les faits de


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  1   l'histoire, et je dirais ceci, certes, à partir du XIIe siècle, la Croatie,

  2   même si officiellement c'était un royaume croate indépendant, le roi

  3   hongrois, à ce moment-là, est devenu et est resté aussi le roi de Croatie.

  4   Au cours de ces siècles, si je me souviens bien, si je connais bien

  5   l'histoire de nos pays, c'est une espèce de cohabitation qui n'a pas, ma

  6   foi, si mal marchée. Bien sûr, il y a eu aussi des frictions, c'est

  7   inévitable quand on a ce type de coopération forcée entre des Etats ou

  8   royaumes, et puis il y a eu quelques moments un peu négatifs, moins

  9   positifs.

 10   Mais si je me souviens bien, un de ces mauvais moments est survenu au

 11   XIXe siècle, plus exactement en 1848 ou 49. A la demande  de la cour de

 12   Vienne, pendant la guerre d'indépendance des Hongrois, à ce moment-là, Ban

 13   Jelacic, Croate, a quelque part mené la guerre contre les Hongrois et il a

 14   été battu le 29 septembre 1848.

 15   Si je vous parle de cela, c'est parce que je voudrais revenir sur

 16   l'énumération que vous avez faite des événements. Vous avez dit que vous

 17   aviez combattu les Hongrois, les Autrichiens, Venise et d'autres alliances,

 18   par exemple, Napoléon aussi lorsqu'il a été dans une partie de la Croatie.

 19   Et pour parler de l'histoire moderne du XXe siècle, vous n'avez pas

 20   mentionné de notre - j'insiste sur le notre - de notre histoire de l'Europe

 21   centrale et orientale. Vous n'avez pas parlé de la guerre entre 1940 et

 22   1945, vous n'avez pas dit qu'alors il s'est passé certaines choses, et

 23   j'aimerais savoir ce que vous pensez, et c'est là l'objectif principal que

 24   je vise en posant cette question. Ce que vous pensez de ce moment-là de

 25   notre histoire, de votre histoire, de la mienne aussi, parce

 26   qu'effectivement, il y a eu des ennemis, ceux qui ont combattu ces ennemis,

 27   et vous parlez aussi de l'époque qui a vu la participation de votre père,

 28   et c'est ça qui m'a poussé à vous poser cette question-ci : votre mère,


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  1   votre père, étaient-ils des partisans ? Pourriez-vous dire que cette

  2   partie-là de votre histoire -- enfin de l'histoire de la Croatie, c'était

  3   une partie importante aussi lorsque les partisans ont combattu ceux qui

  4   s'appelaient eux-mêmes les Oustachi, le gouvernement d'Ante Pavelic, donc

  5   c'est là vraiment le cœur même de ma question. Quels sont vos sentiments,

  6   comment appréciez-vous cette période-là de l'histoire de votre pays comme

  7   du mien ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, en termes simples,

  9   j'ai voulu être bref et j'ai parcouru brièvement et rapidement cette

 10   histoire pour dire qui est-ce qui a régné sur la Croatie, bien qu'à partir

 11   de 1102, par la volonté des grands propriétaires croates, s'était placée

 12   sous l'autorité de la couronne du roi hongrois Koloman, et depuis là, nous

 13   avions créé un royaume à deux parties, et l'assemblée du Parlement croate

 14   avait certains droits inhérents à l'Etat, mais l'histoire des relations

 15   croato-hongroises se divise en deux parties importantes. L'une des parties

 16   c'est lorsque l'un et l'autre Etat ont été mis en péril par l'Empire

 17   ottoman, à savoir que les relations militaires, sociales, économiques

 18   étaient conjointes, communes. Et la deuxième partie de cette histoire date

 19   de 1848, la révolution hongroise qui a été étouffée par Ban Jelatic, le ban

 20   croate, et depuis lors les relations ont été différentes. Et il y a eu

 21   création de tangentes croato-hongroises, il y a eu partage des richesses.

 22   Je ne sais pas si vous le savez, Monsieur le Juge Prandler, mais il y

 23   a eu à l'époque beaucoup de tentatives très strictes de domination

 24   hongroise en Croatie avec introduction de la langue hongroise dans les

 25   écoles croates. Il y a eu soulèvement des citoyens hongrois. Il y a même eu

 26   des morts. Et on a voulu introduire la langue hongroise dans les chemins de

 27   fer. Il ne fallait pas mettre un autre nom du tout, et les Hongrois avaient

 28   une partie de leur territoire de l'Etat à Rijeka. C'était un lambeau de


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  1   territoire qui n'était pas sous autorité croate mais sous autorité

  2   hongroise, sous l'autorité de la couronne hongroise directement.

  3   Et de ce point de vue-là, depuis donc 1848 ou quelques années avant,

  4   lorsqu'il n'y a plus eu de danger du côté de l'Empire ottoman, jusqu'à la

  5   Première Guerre mondiale, les relations avec les Hongrois -- enfin quand je

  6   dis Hongrois, avec l'Etat hongrois de l'époque pas avec les Hongrois en

  7   tant que gens, les relations étaient plutôt tendues. La Hongrie s'était

  8   emparée d'une partie du territoire de Medjumurje qui appartient de nos

  9   jours à la République de Croatie. Après la Première Guerre mondiale, il y a

 10   eu pour ce qui est de ce territoire des combats. Et comme à l'époque la

 11   Hongrie et la Croatie se trouvaient du côté perdant, puisqu'ils faisaient

 12   partie des forces de la coalition, le problème a été tranché avec l'arrivée

 13   de l'armée serbe victorieuse qui était du côté des Britanniques, des

 14   Français, enfin des forces alliées, et donc ils ont tranché ce problème de

 15   la Croatie et des relations avec les Hongrois en plaçant ce territoire sous

 16   leur autorité.

 17   Pour ce qui est maintenant -- enfin, j'ai préparé moi cet aperçu

 18   historique plutôt bref à l'intention des Juges pour ce qui est de parler

 19   des relations qui ont évolué au fil de l'histoire. Mais bien sûr Napoléon

 20   est allé gouverner la Croatie jusqu'à Zagreb, le long de la Save et il est

 21   descendu jusqu'à -- enfin c'est lui qui a fait qu'il y a eu une perte de

 22   l'autonomie de la République de Racuz, la République de Dubrovnik. Le

 23   général Marmon [phon] a fait entrer ses troupes et cette république a cessé

 24   d'exister. Et sur les îles aussi du littoral croate il y a eu des batailles

 25   navales entre les Français et les Russes pour ce qui est par exemple du

 26   contrôle de l'île de Hrva.

 27   Donc la destinée croate a été plutôt pénible. Il y a eu échec de

 28   Napoléon, cela est repris non pas par la Hongrie mais par l'Autriche, mais


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  1   qui s'est géré de la même façon, il y a introduction de la langue

  2   allemande, il y a insurrection contre l'allemand, soulèvement, et il y a eu

  3   une déclaration célèbre de la part des Croates qui disait : "Un royaume ne

  4   prescrit pas des règles à un autre royaume." Il y avait aussi une autorité

  5   tribale qui était en place et qui visait à rendre la domination toujours

  6   plus grande. J'en parlerai plus longuement lorsque je présenterai un livre

  7   présenté rapidement à votre intention.

  8   Et pour ce qui est de la Deuxième Guerre mondiale, Monsieur le Juge

  9   Antonetti, les choses sont tout à fait claires. La Croatie à cette époque

 10   s'était divisée en deux parties. Une grande partie des Croates a rejoint

 11   les rangs des partisans, notamment la Dalmatie, l'Istrie, parce que

 12   l'Istrie avait été occupée en 1922 par les fascistes déjà, ils s'étaient

 13   battus déjà à l'époque contre la Croatie centrale aussi.

 14   A l'époque, le gros de ce mouvement partisan était venu de Croatie.

 15   Le premier groupe d'insurgés dans l'Allemagne occupé par les Nazis, cela a

 16   été créé à côté de Sisak en Croatie. Et ce groupe a été constitué d'une

 17   quinzaine d'hommes qui a commencé à se battre l'arme au point. Et parmi eux

 18   il y avait ce général Bobetko dont on a longuement parlé qui était un

 19   partisan des tout débuts. Et il y a cette autre partie de la Croatie

 20   bousculée, je ne l'ai pas trop expliqué, mais bousculée par des

 21   persécutions très importantes de la part du Royaume de Yougoslavie, qui a

 22   rejoint les forces de l'Allemagne nazie et il y a eu création de ce qu'il a

 23   été convenu d'appeler la République indépendante de Croatie, à la tête de

 24   laquelle il y avait Ante Pavelic. Les Oustachi ont commis des crimes

 25   d'envergure, notamment dans deux camps de concentration à Gradiska et

 26   Jasenovac, qui sont des centres commémoratifs de nos jours où chaque année

 27   il y a commémoration des victimes. Donc depuis la création de cette Croatie

 28   moderne, il y a toujours le président de la République croate qui est


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  1   présent, voire le premier ministre, et dernièrement c'est aussi d'éminents

  2   représentants du clergé catholique qui s'y rendent aussi. C'est une plaie

  3   douloureuse au niveau de la Croatie pour deux raisons.

  4   En effet, de mon opinion et d'après les connaissances qui sont les

  5   miennes, il y a en Croatie deux périodes. L'une court jusqu'au 9 mai 1945,

  6   date à laquelle les partisans, à savoir les combattants antifascistes se

  7   sont battus contre les effectifs, les armées nazies et fascistes. Mais à

  8   partir de 1943, notamment lorsque l'Italie a capitulé dans ce mouvement des

  9   partisans, dans cette lutte antifasciste, tous les postes-clés ont commencé

 10   à être pris par les communistes.

 11   Et à la fin de la guerre, c'est l'idéologie communiste qui l'emporte.

 12   Ils ont faussé des élections prétendument démocratiques et il y a eu

 13   commission de crimes jamais vus jusque-là que je présenterai, dont je

 14   parlerai dans le livre que j'ai évoqué tout à l'heure avec les données

 15   précises.

 16   Après ce mois de septembre 1945, rien qu'au carrefour à Dragobrat, en

 17   Slovénie et dans d'autres endroits, ils ont tué au moins 150 000 citoyens

 18   croates et soldats croates qui se repliaient en direction de l'Autriche.

 19   Une bonne partie de ces soldats s'étaient rendus au général Alexander,

 20   Anglais, et eux ils ont refusé leur reddition parce que Tito leur avait

 21   assuré que ces gens-là allaient être traités de façon civilisée.

 22   Jusqu'à ce jour, on a découvert plus de 800 charniers et en Croatie plus de

 23   je ne sais combien, 900, qui ont été des gens exécutés par les autorités

 24   communistes, et c'était notamment des gens de la population croate, parce

 25   que ces gens-là se repliaient en compagnie de ces soldats de l'Etat

 26   indépendant croate. Et les autres qui ont été capturés ont été emmenés sur

 27   les routes jusqu'à la Macédoine et ils mourraient de faim et on appelait

 28   cela le chemin de la croix, ce parcours qu'ils ont effectué.


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  1   Alors pendant cette Deuxième Guerre mondiale, il y avait les forces nazies,

  2   et il y avait de l'autre côté, de mon avis et d'après les faits, il y avait

  3   non pas une coalition antifasciste, il y avait une coalition

  4   antihitlérienne. Et cette coalition se partageait en coalition antifasciste

  5   des Etats démocratiques avec les Etats-Unis d'Amérique, l'Angleterre, les

  6   forces françaises du général de Gaulle et autres. Ce que faisaient les

  7   troupes russes et ce que faisaient les troupes de partisans à la fin de la

  8   Deuxième Guerre mondiale ce n'était pas antifasciste comme coalition mais

  9   antihitlérien. Et ces armées-là communistes de 1945 et au-delà et les

 10   Russes depuis cette forêt de Katyn où on a tué plein d'Ukrainiens, de

 11   Tchétchène, et cetera, se trouvaient au niveau de ce que faisaient les

 12   armées nazies. Le fait qu'ils se soient battus contre Hitler ne signifie

 13   pas qu'ils étaient antinazis, parce qu'il y a 100 millions de victimes, et

 14   j'ai préparé un livre d'auteurs français, "Victimes du communisme", 100

 15   millions de victimes ont été générées par le communisme. Vous allez voir

 16   des tableaux précis à cet effet.

 17   Et je ne suis pas d'accord pour ce qui est de dire qu'après ce 9 mai

 18   1945, il y ait eu à l'œuvre en Yougoslavie une autorité antifasciste.

 19   C'était une autorité communiste, et là, je vous présenterais à cet effet

 20   toutes les données nécessaires pour dire qu'il y a près d'un demi million

 21   de Volksdeutschser, c'est-à-dire des ressortissants du groupe ethnique

 22   allemand, c'étaient des citoyens de la Vojvodine, et on a expulsé 15 000

 23   Polonais qui s'y trouvaient. On a tué des milliers de ceux qu'on appelait

 24   les Kulaks, les exploitants. Donc c'était une dictature classique.

 25   Je ne sais pas si vous allez partager mon opinion, mais je ne vais

 26   sûrement pas modifier ou changer des opinions à moi. Je vous affirme

 27   qu'après la guerre en Yougoslavie, la guerre ne s'est pas arrêtée depuis

 28   1918, et c'était une guerre de faible intensité qui s'est poursuivie et des


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  1   dizaines de milliers de personnes ont connues un chemin de la croix, et je

  2   vous dirais combien de gens la police secrète de la Yougoslavie a tués au

  3   fil de ces années, combien de prêtres ont été tués.

  4   La Croatie se trouve encore divisée, et c'est le problème

  5   que nous avons rencontré lorsque nous avons créé notre Etat. Et notamment

  6   il y a eu un problème très marqué pour ce qui est de l'Herzégovine parce

  7   qu'un grand nombre de ses paysans pauvres qui cultivaient le tabac,

  8   notamment, sans savoir où ils allaient, sont allés dans l'armée d'Ante

  9   Pavelic, ils ont voulu se retirer à la fin de guerre et bon nombre d'entre

 10   eux ont été tués, exécutés. Alors que d'autres Etats après la Deuxième

 11   Guerre mondiale ont ouvert les livres, les registres pour enterrer de façon

 12   digne les innocents et en partie châtier les coupables.

 13   En Yougoslavie, tout fait de mentionner Blajburg était

 14   strictement interdit, il était passible d'une peine d'emprisonnement. Ce

 15   n'est qu'à 21 ans que j'ai eu vent de Blajburg et j'ai été stupéfait par

 16   les éléments de faits qu'on m'a communiqués. Pour ce qui est donc de ces

 17   renseignements, c'est effroyable.

 18   Dans mes livres, j'ai des ouvrages d'auteurs slaves, et si les Juges

 19   veulent bien se pencher dessus, ou du moins sur les photos de ces terribles

 20   crimes et de ces ossements que l'on a découverts il y a un mois ou une

 21   semaine. Et il y a en Slovénie dans une mine où on a trouvé 13 000

 22   personnes qui ont été jetées vivantes dans une mine. Rien que dans une

 23   mine, ils ont été ensevelis par des tranchées de chars. Et c'est des cas

 24   sans précédent. Ces gens qui ont perdu leurs proches ont vécu pendant 45

 25   ans sans oser demander comment ils ont été tués, où est-ce qu'ils ont été

 26   tués, et où est-ce qu'on les a enterrés. Cela a généré de terribles

 27   frustrations parmi ces gens-là. Et bien entendu cela a donné naissance à

 28   des comportements extrémistes parce que cette haine se perpétue notamment


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  1   lorsqu'on ne peut pas la manifester.

  2   Ce sont des questions que j'ai étudiées depuis longtemps, et je ne

  3   peux pas changer d'opinion à ce sujet. Indépendamment de ce qui s'est passé

  4   entre 1941 et 1945, c'était un combat honnête contre les Nazis. Et le 9 mai

  5   1945, les communistes sont devenus pour ce qui est de la Yougoslavie la

  6   même chose, pour ce qui est des crimes commis, crimes de toutes sortes par

  7   la commune forme, et c'est là une organisation qui a généré beaucoup de

  8   mal.

  9   Vous allez vous rappeler, Monsieur le Juge Prandler, du fait que pour

 10   ce qui est des petits peuples lorsque le ban Jelacic a étouffé en partie

 11   cette révolution à Hongrie. Karl Mark, ce grand penseur du marxisme, a

 12   déclaré que les Croates et les Slovaques et autres étaient des peuples non

 13   historiques et qu'il fallait les biffer de l'histoire ou de l'image

 14   historique de la région. Je peux vous apporter un livre qui illustre le

 15   fait qu'il en est ainsi.

 16   Il y a notamment le Dr Franjo Tudjman qui, en sa qualité d'historien,

 17   a parlé "Des grandes idées et des petits peuples" pour illustrer ces

 18   grandes idées et ces grandes décisions politiques au niveau mondial qui se

 19   sont faites au détriment des petits peuples. Et je crois que vous devez

 20   forcément le savoir, comment la Hongrie a perdu certaines parties de ces

 21   territoires, comment deux millions de Hongrois sont restés en Roumanie sans

 22   pouvoir regagner la communauté d'Etat à laquelle ils avaient appartenu

 23   jusque-là.

 24   Alors si je peux compléter, dites-le, je le ferai.

 25   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Praljak.

 26   Mais en ce qui concerne le paragraphe que j'avais cité, je ne

 27   voudrais pas rentrer dans les détails de votre réponse, parce que nous ne

 28   sommes pas ici bien sûr pour rentrer dans les détails de l'histoire de la


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  1   Hongrie et de la Croatie et du monde d'ailleurs. Mais je voudrais juste --

  2   lorsque vous parlez de l'intrusion ottomane, de Venise, de l'intrusion de

  3   Venise et de l'Italie, de l'Autriche, de la Hongrie, lorsque vous parlez

  4   ensuite de la Serbie, puis de la Yougoslavie, du Royaume de Yougoslavie

  5   ensuite, et puis de l'organisation communiste de Tito, bon, vous énumérez

  6   tous ces faits de l'histoire, certes, et je suis d'accord avec vous si vous

  7   convenez avec moi que la période entre 1940 et 1945 doit aussi être ajoutée

  8   car elle fait aussi partie de votre histoire. Je ne sais pas si vous voulez

  9   appeler ça votre histoire antifasciste, votre histoire où vous avez lutté

 10   contre le pouvoir nazi ou italien, moi, je pense dire que ce sont des

 11   luttes qui doivent être au compte rendu de toute façon.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, ce 9 mai 1945, il

 13   s'agissait de forces antifascistes. Je l'ai dit très clairement. Le

 14   mouvement des partisans jusqu'à ce 9 mai 1945 représentait des forces

 15   antifascistes et a permis à la Croatie par l'intermédiaire de l'AVNOJ et du

 16   ZAVNOJ [phon] de se replacer dans le camp des vainqueurs. Le mouvement

 17   oustachi d'Ante Pavelic n'était pas cela. Ce mouvement, cette création de

 18   Pavelic était du côté de l'Allemagne nazie, disposait de lois raciales qui

 19   ont été appliquées dans deux camps où ont été tuées environ 80 000

 20   personnes.

 21   Ma réponse est très claire.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 23   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Juge, avant de continuer, juste

 24   aux fins du compte rendu d'audience, je voudrais corriger deux erreurs qui

 25   se sont glissées avant l'interruption.

 26   Je vous prie de bien vouloir suivre, Général Praljak, pour pouvoir

 27   éventuellement confirmer, mais en page 64, ligne 8, est consigné la chose

 28   suivante, je cite :


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  1   "…et j'y suis allé deux ou trois fois ainsi, ensuite on m'a demandé

  2   d'aller là-bas afin de voir sur place…"

  3   Et cetera.

  4   Et en croate le témoin a dit que c'est lui qui a demandé à se rendre

  5   sur place. On ne lui a pas demandé de se rendre sur place.

  6   Q.  Est-ce exact ?

  7   R.  Oui, exact, c'est moi qui en ai fait la demande, je l'ai exigé même, je

  8   l'ai demandé.

  9   Q.  Très bien. Et dans cette même partie, page 65, ligne 5, nous avons en

 10   anglais, je cite, il est consigné :

 11   "…et le général Perisic et le Corps d'Uzice, nous avons tout entendu à ce

 12   sujet, et j'ai été envoyé dans cette zone, que je connais le mieux, la zone

 13   de l'Herzégovine du sud-est."

 14   Mais le général Praljak, en B/C/S, a dit, je cite : "Mais moi aussi,

 15   j'ai demandé à me rendre en Herzégovine du sud-est."

 16   Est-ce exact ?

 17   R.  Oui. C'est moi qui ai demandé à aller en Herzégovine du sud-est.

 18   Q.  Oui. Donc, au compte rendu d'audience, nous avons "le Corps oustachi,"

 19   et en fait, c'est le Corps d'Uzice.

 20   R.  Excusez-moi, je dois encore répondre très brièvement à M. le Président,

 21   qui m'a demandé la chose suivante au sujet d'expertises psychologiques et

 22   psychiatriques : est-ce qu'il serait nécessaire de procéder à ce type

 23   d'expertise pour ces personnes ? Et, Monsieur le Président, je m'y

 24   attendais. Je pense que la procédure devrait être organisée différemment,

 25   car ce sont les actes à un moment donné qui permettent de révéler la valeur

 26   et la dignité morale d'une personne donnée. C'est pourquoi il y a eu tant

 27   de témoins et de déclarations de témoins que je présente, témoins d'avant

 28   la guerre, à Sunja et après cela.


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  1   Sans entrer dans de grands débats, j'ai demandé à ces personnes de

  2   décrire l'état des faits se rapportant à un événement donné et le

  3   comportement qui avait été le mien dans ce cadre, et c'est même avant la

  4   guerre, déjà, lorsque Kemo Music, qui est Musulman, et Alez Majetic [phon],

  5   qui sont deux hommes de lettres croates et que j'ai eu l'occasion de les

  6   rencontrer lors du festival de cinéma de Pula, on m'a demandé si je

  7   sauterais dans la mer alors qu'il y avait une tempête et des vagues de cinq

  8   mètres de haut, si je sauterais, donc, à l'eau pour sauver un homme et,

  9   bien sûr, la réponse était affirmative. Ou alors, en d'autres occasions ou

 10   un imbécile s'était permis de maltraiter une femme de ménage en renversant

 11   la poubelle qu'elle avait remplie. C'est de nombreux exemples de ce type-là

 12   au moyen desquels je souhaite montrer comment Slobodan Praljak s'est

 13   comporté dans telle et telle occasion avant la guerre, pendant la guerre et

 14   jusqu'à la fin, et je maintiens chacun de ces faits, et je suis disposé,

 15   évidemment, à me mettre à disposition pour quelque forme d'enquête que ce

 16   soit, de nature psychologique ou psychiatrique.

 17   Q.  Monsieur Praljak, je voudrais revenir à l'ordre avec lequel nous avons

 18   commencé plus tôt. Je voudrais que vous nous parliez en quelques mots du

 19   système de communication téléphonique en Bosnie-Herzégovine.

 20   R.  Au printemps 1992, l'artillerie de la JNA a détruit la poste de Mostar.

 21   Le central téléphonique, lui aussi, a été détruit en même temps. La JNA

 22   avait déjà placé des explosifs précédemment, au moyen desquels elle a

 23   procédé à la destruction de tous les ponts sur la rivière Neretva, aussi

 24   bien au nord qu'au sud de Mostar, et à Mostar même, à l'exception du vieux

 25   pont, qui n'avait été que détruit. En même temps que les ponts, toutes les

 26   installations communales qui couraient sous ces ponts ont été détruites. La

 27   République de Croatie offre un petit central téléphonique permettant de

 28   desservir une centaine de numéros, offre également des câbles coaxiaux


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  1   couvrant la longueur de Mostar à Siroki Brijeg, et permet le transport du

  2   signal par l'intermédiaire de son répétiteur signé à Bijekovo [phon] à

  3   destination de Split pour les communications internationales. Cette

  4   centaine de numéros disponibles ont été répartis selon les besoins, à la

  5   fois aux Croates et aux Musulmans, au SDA également et à l'ABiH, aussi bien

  6   à des individus qu'à des organisations. Et c'est également par

  7   l'intermédiaire de cet unique lien par l'intermédiaire de Split que Tuzla,

  8   Zenica, Travnik et Bugujno disposaient de communication, ainsi que toutes

  9   les autres personnes se trouvant dans la partie non-occupée de la Bosnie-

 10   Herzégovine qui pouvaient trouver une hauteur, une montagne ou quelque

 11   répéteur que ce soit, à partir duquel il était possible d'établir une

 12   communication hertzienne avec Split. Il est impossible de montrer la

 13   moindre facture qui prouverait que qui que ce soit ait payé la moindre kuna

 14   au poste des télécommunications croates pour ces services de

 15   télécommunications-là. Or, l'Accusation affirme que tout cela a été fait

 16   dans le but que la Banovine, au moyen de ce numéro 021 pour Split, soit

 17   annexée à la Croatie. Selon cette même logique, Zenica, Tuzla, Visoko et

 18   tout cela feraient partie également de la Banovina.

 19   Q. Merci. Alors, je voudrais passer à la suite.

 20   Quelle était la situation de l'approvisionnement en électricité en 1992 et

 21   1993 en Bosnie-Herzégovine ?

 22   R.  En 1992, la JNA et la VRS ont détruit l'installation électrique de

 23   Rastani et de Kula ainsi que la mine. En détruisant les lignes à haute

 24   tension de 400 kilovolts, 220 kilovolts, 110 kilovolts, et 36 kilovolts

 25   ainsi que les transformateurs permettant l'acheminement de l'électricité à

 26   destination de Mostar, Jablanica, Konjic, Stolac, Capljina, Citluk, Siroki

 27   Brijeg, et c'est par de grands efforts couronnés de succès de la HZ HB et

 28   du HVO, et je pense ici à la branche militaire, conjointement avec toute


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  1   l'aide qui pouvait être apportée par la République de Croatie, que l'on a

  2   partiellement réparé ces dommages. Sans l'aide de la République de Croatie,

  3   cela était tout simplement impossible. C'est avec les difficultés que l'on

  4   imagine que le système d'approvisionnement en électricité a pu continuer à

  5   fonctionner en étant branché sur celui de la République de Croatie, et ce,

  6   non seulement sur le territoire couvert par Elektroprivreda, entreprise de

  7   la HZ HB, mais également sur les zones de toutes les Elektroprivreda de la

  8   Bosnie-Herzégovine qui n'étaient pas occupées par la JNA ou la VRS.

  9   Et c'est conformément aux instructions reçues de France et grâce au savoir-

 10   faire des ingénieurs et au courage des combattants du HVO à l'été 1992 que

 11   l'on a réussi à arrêter l'usine Alumini [phon] à Mostar. Il s'agissait de

 12   fours électriques. La perte qui a ainsi été empêchée avoisinait le milliard

 13   d'euros. Ce que je veux dire, c'est que si ces fours électriques n'avaient

 14   pas été éteints conformément à la procédure, il aurait fallu investir plus

 15   de moyens pour que tout cela soit correctement détruit et traité qu'il n'en

 16   est nécessaire pour construire ailleurs une nouvelle usine. C'est pour ça

 17   que nous avons ici un montant si important.

 18   Or, je répète que c'est de par cette trahison des Musulmans dans les rangs

 19   du HVO, conjointement avec l'attaque de l'ABiH sur le HVO à Mostar et dans

 20   la vallée de la Neretva, que nous voyons à ce moment-là la partie musulmane

 21   prendre possession de toutes les centrales électriques sur la Neretva.

 22   C'est en 1993, pendant l'été. La HZ HB ne recevait de courant électrique

 23   qu'en provenance d'une petite centrale électrique réversible se trouvant au

 24   sud de Capljina, et elle en recevait également en provenance de la

 25   République de Croatie.

 26   Messieurs les Juges, cette centrale électrique réversible est une

 27   installation qui produit de l'électricité pendant le jour par génération

 28   hydroélectrique, et le soir, lorsque la consommation est moindre, on


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  1   procède au pompage de l'eau vers l'amont afin que de nouveau on puisse

  2   produire le jour suivant de l'électricité --

  3   XXX FIN DE TAKE NO.069 page 87 XXX

  4   XXX Emma - TAKE NO.070 page 88 XXX

  5   -- et c'est pourquoi on l'appelle réversible.

  6   Subsiste la question de savoir pourquoi la partie est de Mostar ne

  7   dispose pas de courant. C'est parce que nous avons affaire ici à une

  8   question de nature technique et financière qui est donc complexe. Mais une

  9   chose est certaine, à savoir que le HVO ni dans sa branche civile ni dans

 10   sa branche militaire n'a rien à voir avec le fait qu'à ce moment-là il n'y

 11   a pas de courant électrique à Mostar Est, absolument aucun rapport. Si bien

 12   qu'il faudrait tout simplement savoir ici qui a coupé le courant à Mostar

 13   Est et quand exactement, à quels endroits exactement, à partir de quelle

 14   centrale électrique, quel transformateur que nous ne possédons pas, par

 15   l'intermédiaire de quelle ligne à haute tension qui n'était pas non plus

 16   sous notre contrôle, et cetera.

 17   Je voulais dire simplement la chose suivante : le droit de la guerre qui

 18   s'applique, que j'ai lu aussi bien avant la guerre qu'après afin que je

 19   puisse adopter le comportement idoine là où j'aurais eu des doutes, il dit

 20   la chose suivante, que dans un affrontement armé, on peut détruire

 21   l'approvisionnement en électricité de la partie adverse. Il est permis de

 22   rendre inopérants ses centrales électriques et ses lignes à haute tension,

 23   et dans certaines conditions également ses barrages et ses digues. Cinq

 24   ouvrages de droit international de la guerre vont dans ce sens --

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous êtes ici un témoin, vous êtes

 26   ici pour nous parler des faits, et maintenant vous êtes en train de nous

 27   présenter des arguments, vous êtes en train de nous parler de la loi, et

 28   cetera. C'est à votre conseil de faire cela en revanche, ce n'est pas à


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  1   vous.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, la décision finale

  3   vous appartient, bien sûr. Mais quand je parle des faits, je parle aussi

  4   des choses telles que je les vois, telles que je les comprends. Moi j'ai

  5   étudié cela et je vous en parle. Moi, en tant que général du HVO, en 1993,

  6   j'ai donné l'ordre de détruire une vanne au niveau d'un lac d'une centrale

  7   électrique de Mostar, parce que l'ABiH avait fermé cette centrale

  8   électrique. Il y a eu l'inondation du champ qui était au dessus et il

  9   existait la menace que toute la région au sud de Mostar allait être inondée

 10   si jamais on ouvrait d'autres vannes simultanément. Donc j'ai été obligé de

 11   donner cet ordre après avoir étudié le texte pertinent. J'ajoute donc

 12   qu'incidemment je connais ce texte, je vous parle de cela et ce que je

 13   sais, eh bien, c'est un fait aussi qui fait partie de mes connaissances des

 14   faits que je vous expose.

 15   M. KOVACIC : [interprétation]

 16   Q.  Je pense que nous avons recueilli toutes les informations importantes

 17   au sujet de l'électricité, qu'il s'agisse de vos connaissances en matière

 18   d'électricité ou bien en matière de droit de guerre, ce qui est permis et

 19   ce qui n'est pas permis. Maintenant je voudrais vous poser quelques

 20   questions au sujet des médias, sur les informations auxquelles on pouvait

 21   avoir accès par le biais des médias, la télévision, journaux, et cetera.

 22   R.  Sarajevo a fait l'objet d'une attaque en été 1992. Cette ville a été

 23   encerclée, pilonnée et détruite par l'armée populaire yougoslave et l'armée

 24   de la Republika Srpska. Le bâtiment de PTT de Sarajevo a été détruit, le

 25   bâtiment de la radio et de télévision de Sarajevo a été endommagé. Il n'y

 26   avait pas d'électricité et les répétiteurs qui se trouvaient sur les

 27   collines aux alentours étaient entre les mains de la VRS. Tous les câbles

 28   qui mènent vers Sarajevo ne fonctionnaient pas pour différentes raisons


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  1   militaires et techniques, donc les câbles n'arrivent pas jusqu'à Sarajevo

  2   et de toute façon même quand cela fonctionne, il faut une maintenance

  3   technique assez fréquente. Donc le répétiteur principal qui se trouvait à

  4   Velez au-dessus de Mostar, qui couvrait les territoires de l'Herzégovine a

  5   été détruit par la JNA et la VRS pendant l'été 1992.

  6   A l'extérieur de Sarajevo, on pouvait capter les ondes de la radio Sarajevo

  7   en partie, sur les ondes moyennes et longues, parce que les ondes courtes

  8   étaient plus difficiles à capter, parce que son passage est plus facilement

  9   empêché par les obstacles naturels, et donc ce sont des radios amateurs qui

 10   communiquent. Donc les gens à Mostar qu'est-ce qu'ils regardaient, ils

 11   regardaient le HTV, donc la télévision croate en passant par les répéteurs

 12   qui se trouvaient à Biokovo, au-dessus de Makarska. Ils écoutaient la radio

 13   Split, Zagreb.

 14   Mais là, il s'agissait d'un choix. Ce n'était pas quelque chose qui leur

 15   avait été imposé. Il en allait de même pour les journaux imprimés en

 16   République de Croatie. Il en allait de même pour des journaux étrangers,

 17   allemands, français, et cetera, ce que l'on pouvait trouver. En ce qui

 18   concerne les satellites, on pouvait capter et regarder aussi bien la BBC

 19   que le canal 5, ZDF, WDR, CNN, Rai Uno, et cetera.

 20   Donc aujourd'hui, il est pratiquement impossible de faire un blocus

 21   d'information. Dans Mostar Est, vous aviez depuis l'automne 1992 la radio

 22   Mostar qui émettait sans interruption, et d'ailleurs le HVO n'a jamais

 23   considéré que cette station était un objectif militaire. Moi, pendant que

 24   j'ai été commandant, je n'ai jamais permis que cette radio soit considérée

 25   comme un objectif militaire contrairement à ce qu'ont considéré les forces

 26   de l'OTAN quand ils ont attaqué la Serbie et quand ils ont visé la radio et

 27   télévision serbe.

 28   Et pour ne pas irriter M. le Juge Trechsel, je peux dire que dans le


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  1   droit international de la guerre, ces installations représentent les cibles

  2   militaires légitimes.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais je ne veux

  4   pas laisser cela au compte rendu, ce n'est pas possible. Je ne suis

  5   absolument pas embarrassé, en colère ou quoi que ce soit, je n'ai pas de

  6   sentiment vis-à-vis de tout cela. Mais c'est à la Chambre de s'assurer que

  7   la procédure suit les Règlements. Nous sommes ici pour parler des faits,

  8   mais nous ne sommes pas ici et vous n'êtes pas ici pour nous donner votre

  9   opinion juridique. Vous avez étudié un grand nombre de sujets, Monsieur

 10   Praljak, mais il ne me semble pas que vous ayez étudié le droit. Je ne me

 11   rappelle pas en tout cas que vous nous l'ayez dit. Je comprends bien que

 12   vous êtes un expert en de nombreux sujets, mais vous n'êtes pas expert en

 13   droit, donc c'est à votre conseil de s'en occuper. C'est dans votre

 14   intérêt.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, vous avez

 16   tout à fait raison. Je n'avais pas de mauvaise intention. Vous savez, il

 17   faudrait peut-être me permettre un petit de licence poétique, parce que je

 18   suis au fond un artiste et j'ai égaré mes réflexes. Je ne suis pas là pour

 19   évaluer vraiment la loi, ce n'est pas cela que je souhaite faire mais,

 20   Monsieur le Juge, il est impossible de dire que je n'ai jamais lu ce texte,

 21   parce que la déontologie m'intéressait, l'éthique m'a toujours intéressé et

 22   je me suis penché là-dessus, je n'ai pas vraiment étudié la loi, mais c'est

 23   plutôt dans un optique humaniste que j'ai pu étudier des textes de loi.

 24   Donc permettez-moi quelque licence et vous m'arrêtez.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est 19 heures, comme vous le savez nous

 26   sommes d'audience d'après-midi cette semaine. Donc nous nous retrouverons à

 27   14 heures 15, demain mardi.

 28   Je vous souhaite à tous une bonne soirée.


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  1   --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le mardi 5 mai

  2   2009, à 14 heures 15.

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