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1 Le mercredi 6 mai 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Les accusés Prlic et Coric sont absents]
5 [Le témoin vient à la barre]
6 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, bonjour à
10 toutes et à tous.
11 Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.
12 Merci, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
14 En ce mercredi, 6 mai 2009, je salue M. Stojic, M. Pektovic, M. Pusic. Je
15 salue également M. le Témoin, le général Praljak. Je salue Mmes et MM. les
16 avocats. Je salue M. Scott, M. Stringer et tous leurs collaboratrices ainsi
17 que toutes les personnes qui nous assistent.
18 Tout d'abord, je vais donner la parole à M. le Greffier qui a un numéro IC
19 à nous donner.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 L'équipe 2D a déposé sa réponse à l'objection de l'Accusation à la
22 demande qui avait été faite pour versement de pièces par le biais de Dragan
23 Juric. Ce sera la pièce IC 1008. Merci, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
25 Bien. Avant de continuer l'interrogatoire principal, la Chambre par
26 ma voix a trois choses à dire.
27 Premièrement : la Chambre invite la Défense de M. Praljak par
28 l'intermédiaire de son avocat, Me Kovacic, à télécharger avant l'audience
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1 tous les documents qu'elle compte présenter au moment de ses questions. Il
2 faut que ces documents soient téléchargés dans le système e-court de telle
3 façon que le greffier puisse faire apparaître sur l'écran les documents.
4 Bien sûr, on a réglé la question par l'ELMO en mettant le document sur
5 l'ELMO, mais le principe c'est de télécharger avant l'audience. Nous vous
6 invitons donc à faire le nécessaire.
7 Deuxièmement, concernant la question du temps, pour éviter toute mauvaise
8 interprétation sur le décompte du temps, quand un Juge pose une question
9 sur un sujet donné, il est clair que ce temps n'est pas décompté à
10 l'accusé. Mais toutefois, il faut que l'accusé réponde de manière
11 synthétique et brève à la question du Juge. La dernière fois, à titre
12 d'exemple, le Juge Prandler a posé une question sur la Croatie et la
13 Hongrie, et M. Praljak a fait une réponse qui a duré quasiment une demi-
14 heure. C'est beaucoup trop. Si la Chambre estime qu'il y a des abus dans la
15 durée des réponses, nous déciderons de défalquer ce temps du temps global.
16 Nous invitons instamment M. Praljak à faire un effort sur ses réponses
17 concernant donc les questions posées par les Juges.
18 Maintenant, quand il y a à la suite d'une question mal posée par l'avocat,
19 question directrice ou réponse de M. Praljak qui part peut-être dans tous
20 les sens, à ce moment-là, le temps occupé pour régler l'objection, parce
21 que M. Stringer va se lever pour faire objection, ce temps sera pris sur le
22 temps de l'accusé et ne sera pas imputé sur le temps des Juges, surtout si
23 un Juge intervient pour rétablir le problème et pour inviter l'accusé à
24 répondre. A ce moment-là, l'accusé répond mais c'est sur son temps. Voilà
25 la deuxième chose que je voulais dire.
26 Troisièmement, hier à la fin de l'audience, il y a eu des échanges sur le
27 fait que les Juges avaient constaté que M. Praljak débordait souvent sur
28 des sujets plus ou moins éloignés du sujet principal. Sur ce, Me Karnavas a
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1 fait une suggestion en invitant M. Praljak et son avocat à se consacrer sur
2 les faits et puis, éventuellement, d'aborder peut-être des sujets de
3 réflexion au cas par cas. La Chambre renouvelle instamment à M. Praljak
4 l'obligation qu'il a de répondre aux questions surtout à partir des faits,
5 car c'est ça qui intéresse principalement les Juges. Nous attendons de M.
6 Praljak qu'il nous donne dans son propre intérêt des renseignements très
7 précis sur des faits qu'il a eu à connaître, qu'il connaît et qui sont
8 susceptibles de nous renseigner pour la manifestation de la vérité. Tout
9 discours qui partirait en tous sens doit être recadré.
10 A titre d'exemple, et je vais prendre un exemple au hasard, si on aborde un
11 sujet sur le contrôle des soldats, nous attendons de M. Praljak qu'il parle
12 de son expérience personnelle sur le contrôle des soldats. Nous savons
13 qu'il est allé sur le front, il nous l'a dit, et qu'à ce moment-là il nous
14 dise voilà, moi sur le front, voilà les problèmes concrets auxquels j'étais
15 confronté. Ce n'est pas la peine de nous parler de Hagel, de Kierkegaard ou
16 d'Engels pour parler de cela. Qu'il reste collé aux faits, car c'est ça qui
17 nous intéresse. Parce que dans le jugement, nous dirons que le commandant
18 militaire a fait part de tel ou tel événement. Et toute référence
19 psychologique, politique, et cetera dans le cas d'espèce aura peu ou guère
20 d'importance, voire aucune.
21 Donc, la Chambre invite à nouveau, comme l'a dit mon collègue le Juge
22 Trechsel hier, à rester dans les faits. Il a pu apparaître entre les Juges
23 une différence d'appréciation, mais il n'y a pas de différence
24 d'appréciation, c'est-à-dire que moi, comme mes collègues, nous voulons que
25 M. Praljak reste dans les faits.
26 Si par moment, il peut aborder un sujet en disant : Oui, mais en
27 matière de commandement, j'avais à faire face à des ivrognes pour telle ou
28 telle raison, et cetera, ça il peut le dire. Mais à ce moment-là, qu'il ne
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1 rentre pas dans une théorie sur l'alcoolisme, qui n'a aucun intérêt.
2 Voilà. Alors, nous rappelons cela pour que l'audience se déroule de
3 la meilleure façon possible, qu'il n'y ait pas d'objections à tout bout de
4 champ, que M. Praljak puisse développer sa défense de manière linéaire,
5 calme et tranquille sans être interrompu; que tout le monde puisse prendre
6 les notes et écouter ce qu'il dit; que son avocat puisse poser des
7 questions de manière claire; que les réponses soient synthétiques et
8 claires, et tout ça pour la manifestation de la vérité.
9 Voilà ce que je tenais à dire, et j'espère que tout le monde aura compris,
10 tout le monde aura réfléchi et que, Monsieur Praljak, vous ferez un effort
11 en ce sens, et surtout en ayant en tête les directives suivantes : je dois
12 m'attacher aux faits et être synthétique dans mes réponses.
13 Nous ne sommes pas dans une enceinte universitaire ou pendant des heures et
14 des heures on peut gloser sur tout et n'importe quoi. Nous sommes en
15 matière pénale, qui est une matière précise où nous devons prendre nous, en
16 tant que Juges, des conclusions. A ce moment-là, vous devez répondre
17 précisément aux questions sans déraper dans des domaines qui sont peut-être
18 intellectuellement intéressants, mais qui peuvent être très éloignés.
19 Bien. J'espère que tout le monde a compris.
20 Maître Kovacic.
21 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
22 Messieurs les Juges. Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire.
23 Nous avons compris vos instructions, et nous nous efforcerons de nous
24 adapter dans la mesure du possible, et suivre l'ordonnance indiquée, bien
25 que nous ayons terminé avec les parties introductives qui avaient pour but
26 de vous montrer un contexte plus vaste pour déterminer et préciser les
27 événements qui se sont produits.
28 A des fins d'information pour les Juges de la Chambre, il y a eu une
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1 question concernant les documents auxquels s'est référé le général Praljak
2 pour ce qui est du calcul du nombre d'obus, par exemple, pour ce qui est du
3 pont est en partant des rapports du Bataillon espagnol et des dépenses de
4 munitions et d'artillerie de la part de la JNA. Ce sont des chiffres qui se
5 rapportent au EC00559. Il s'agit d'un premier document, où Praljak a
6 calculé ou plutôt additionné les obus -- d'où des quantités que la SpaBat a
7 porté dans ses rapports ECM dans la deuxième moitié de 1993.
8 Le 3D01727 constitue des normes de dépenses de munitions d'artillerie en
9 application des théories de la JNA, c'est coordonné avec ce qui se fait
10 dans les autres armées, et ça permet de voir ce que l'artillerie peut
11 utiliser dans des conditions normales. Alors, je tiens à vous dire quels
12 sont les documents auxquels vous pouvez vous référer.
13 LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 Interrogatoire principal par M. Kovacic : [Suite]
16 Q. [interprétation] Bonjour, Général Praljak.
17 R. Bonjour, Monsieur Kovacic.
18 Q. Je voudrais revenir quelque peu en arrière ou, plutôt, j'aimerais que
19 nous terminions avec le sujet découlant de votre biographie. Oui, je
20 demanderais au greffier, étant donné que j'ai sauté une petite partie, de
21 nous donner le petit classeur avec les données biographiques.
22 R. En attendant que cela nous soit distribué, je vous remercie, Messieurs
23 les Juges, je voudrais que vous compreniez que je n'avais pas eu
24 l'intention de faire le malin ou de donner des cours. Les renseignements
25 que j'ai avancés ont eu pour motivation un souhait qui était le mien, pour
26 que l'on sache bien ce qui s'est passé à nous, ce qui s'est passé avec les
27 autres et qu'on place ceci en corrélation l'un avec l'autre. Est-ce qu'on a
28 été les pires ? Est-ce qu'on ne pouvait pas être un peu meilleurs ? Et je
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1 voudrais m'en tenir au document, mais je veux que vous compreniez que je
2 n'avais pas pour intention autre chose, si ce n'est de vous parler d'un
3 problème incroyablement grave et compliqué qu'est la guerre, pour qu'on
4 puisse le voir sous tous ces aspects.
5 Q. Mon Général, quelques questions pour aller vite. Je vous prie de vous
6 pencher sur le classeur où il y a des documents en lien avec votre
7 biographie. Il y a des documents portant nomination et destitution de
8 fonctions en Bosnie-Herzégovine pour l'année 1993.
9 Et là, à ce sujet, une question. Quel a été votre statut en 1992 en
10 Bosnie-Herzégovine ? Vous nous avez dit, me semble-t-il, que vous avez
11 séjourné là-bas un certain temps, et puis après, vous êtes parti et vous
12 êtes revenu. Donc en quel statut êtes-vous intervenu en 1992 en Bosnie-
13 Herzégovine ?
14 R. En 1992, je suis venu le 10 avril 1992 pour être nommé commandant
15 d'un théâtre de guerre qui s'appelle l'Herzégovine du sud-ouest, et c'est à
16 ces fonctions que je suis resté, me semble-t-il, un mois et demi. Après, il
17 y a eu un remplaçant qui est venu, et je suis retourné en Croatie pour être
18 ministre adjoint chargé du IPD, des activités d'information de propagande.
19 Q. Je vous prie maintenant de prendre cette chemisette, et le
20 premier document que je me propose de vous montrer est le P 02604, et bien
21 que cela soit déjà une pièce à conviction, j'aimerais que vous nous donniez
22 deux phrases pour indiquer de quoi il s'agit.
23 R. C'est une requête que j'adresse au ministère de la Défense de la
24 République de Croatie pour me permettre de me rendre en Bosnie-Herzégovine
25 afin de m'y battre, parce que l'agresseur était déjà très fort en
26 effectifs, et j'ai demandé à être rayé des rangs de l'armée croate.
27 Q. Et vous avez présenté cette demande quand ?
28 R. Le 1er juin 1993.
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1 Q. Merci. Alors je vous demande de vous pencher sur le document
2 d'après, le 3D 00278. C'est également une pièce à conviction, mais je
3 voudrais que l'image soit tout à fait claire.
4 R. Le 15 juin, on a accepté ma demande et le ministère de la Défense
5 m'a destitué de mes fonctions, démis de mes fonctions au sein du ministère
6 de la Défense de la République de Croatie.
7 Q. Le document suivant, P 03683, et j'aimerais que vous vous
8 penchiez sur le 3D 00279. Il s'agit de documents identiques, mais je ne
9 pense pas pouvoir le dire pour ne pas que je témoigne moi-même, je crois
10 que le premier document c'est un P, c'est un document qui vient des
11 communications par paquet, et l'autre c'est l'original signé par le
12 signataire. Général Praljak, veuillez expliquer ce que signifie ce
13 document.
14 R. Le 24 juillet 1993, le commandant du HVO Mate Boban m'a nommé
15 commandant du HVO, et c'est là que le général Milijov Petkovic informe les
16 unités du HVO de la HZ HB du fait que c'est moi qui suis nommé commandant
17 de l'état-major principal du HVO par M. Mate Boban.
18 Q. Je vous remercie. Document suivant. Alors c'est justement, avant
19 de passer à autre chose, soyons clairs. Est-ce qu'à partir de la date de
20 cette information de jure vous étiez commandant de l'état-major principal
21 du HVO de la HZ HB ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Alors le document suivant c'est le 6235. Je vous prie de vous
24 pencher sur ce document. Il s'agit du 29 octobre 1993. Qu'est-ce que vous
25 avez demandé par ce document ?
26 R. J'ai présenté une demande auprès du commandant suprême des forces
27 armées de la HR HB, M. Mate Boban. Et j'ai envoyé ce même document pour
28 information au ministre de la Défense, mais je pense qu'à l'époque il
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1 n'était pas encore ministre de la Défense, il était responsable du
2 département de la Défense.
3 Mais ce sont des erreurs ou des choses dont je ne tenais pas trop
4 compte. Je n'ai pas eu le temps de prendre en considération la totalité des
5 détails et c'était des temps où on ne prêtait pas tellement attention aux
6 détails. Alors j'ai parlé d'arythmie cardiaque et de discopathie qui sont
7 la cause de mon état de santé mauvais. Et je demande à ce que je sois démis
8 de mes fonctions avant le 15 novembre 1993, de mes fonctions de
9 commandement de l'état-major du HVO, et que j'allais transmettre mes
10 fonctions au général Milivoj Petkovic ou à l'officier désigné par les soins
11 du commandant suprême.
12 Q. Merci, Général Praljak. Je pense que la question qui se pose maintenant
13 de façon naturelle, si les Juges ne la posent pas, je vais la poser moi-
14 même. Vous avez jusqu'à la fin juillet et août, septembre, octobre, vous
15 avez été commandant de cet état-major. On a entendu des témoignages à ce
16 sujet. Quelle était votre situation, votre condition psychophysique à ce
17 moment-là, au bout de ces trois mois de combat et de guerre ?
18 R. Je ne pourrais pas dire que c'était cela la seule et unique raison, ce
19 mauvais état de santé. J'étais très fatigué. Cela a été exténuant, il y a
20 eu des jours et des jours d'absence de sommeil. Nous avons eu une guerre
21 permanente, ça n'arrêtait jamais. Ça allait du jour au lendemain, et le HVO
22 était une armée qui avait beaucoup de problèmes. Et l'offensive de l'ABiH
23 s'était produite sur un territoire très grand. Il y a eu des problèmes
24 d'approvisionnement de la Bosnie centrale, de Vitez, Kiseljak, et autres.
25 Comme par exemple, Zepce.
26 Il y a eu un problème d'approvisionnement en toutes sortes de choses. Bien
27 sûr, le plus gros des problèmes c'était la fatigue des combattants et leur
28 faible nombre. Et ils étaient très dispersés parce que les lignes de front
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1 étaient très longues et le problème le plus important c'était la
2 mobilisation. C'était une catastrophe, en termes simples, parce qu'il
3 n'avait pas possibilité de la mettre en œuvre. On pouvait appeler les gens
4 sous les drapeaux, mais s'ils ne répondaient pas présents, il n'y avait
5 aucune possibilité des les contraindre à venir. Ils pouvaient aller où ils
6 voulaient, quand ils voulaient, comme ils voulaient. Et là-bas, l'autorité
7 de l'Etat, l'autorité civile ou militaire là-bas ne pouvait entreprendre
8 aucune mesure. Ce qui fait que le HVO faisait avec ce qu'il lui restait.
9 C'était des combattants constitués par des volontaires. Et de ce point de
10 vue-là, tous les efforts déployés par Bruno Stojic et moi-même notamment
11 n'ont pas donné beaucoup de résultats. Ça c'est d'un.
12 De deux, il y a un élément qui m'a particulièrement dérangé, à savoir
13 qu'entre-temps il y a eu augmentation de l'influence des directions
14 municipales vis-à-vis de l'armée, et des fois il était impossible de faire
15 exécuter des ordres. Il y a eu des obstructions, toutes sortes de ruses ont
16 été déployées et, en termes simples, certaines municipalités, qui n'étaient
17 pas sur le coup direct de l'offensive venant d'Uskoplje et autres, ne
18 fournissaient pas volontiers leurs effectifs et n'ont pas soutenu l'effort
19 général qui s'avère indispensable si l'on ne veut pas perdre la guerre, si
20 on ne veut pas être battu.
21 Et le commandant, lui, au niveau opérationnel dans une armée est
22 celle ne pas perdre la guerre, ne pas laisser celui qui t'attaque te
23 vaincre, indépendamment de l'identité de l'attaquant.
24 Q. Merci, je vous demande de vous pencher sur le 3D 0028 --
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, puis-je enchaîner
26 sur la question que vous avez posée, qui portait sur les problèmes de
27 santé.
28 Vous avez dit que vous souffriez d'arythmie cardiaque et de
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1 discopathie. Est-ce que vous avez confectionné cette idée ou est-ce que
2 vous aviez des preuves ? Est-ce que vous aviez un dossier médical pour
3 étayer cela ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, même avant la guerre j'avais de graves
5 problèmes de discopathie, et ça allait jusqu'à avoir à certains moments
6 besoin de me coucher à même le sol pendant 30 jours sans pouvoir bouger. Et
7 la situation avec ma colonne vertébrale est mauvaise, bon, j'arrive à
8 fonctionner, mais même en temps de guerre il m'arrivait d'être coincé dans
9 le dos et j'avais beaucoup de mal à me déplacer et alors on exerçait des
10 pressions sur mon dos, on me donnait des piqûres.
11 Pour ce qui est du cœur, physiologiquement parlant le cœur va bien,
12 mais il y a eu certains problèmes, mais c'était dû notamment aux efforts.
13 Ce n'était pas si grave mais avec la discopathie cela prenait des
14 dimensions considérables. Ce n'était pas la vérité pleine et entière, je
15 pouvais supporter des efforts encore, mais j'ai estimé que dans cette
16 espèce de répit, puisque l'offensive musulmane avait été brisée et on a eu
17 un répit, donc j'ai estimé que pendant ce répit il fallait qu'il y ait une
18 relève.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
20 M. KOVACIC : [interprétation] Alors je voulais vous référer au document 3D
21 00280.
22 Q. Veuillez, je vous prie, tirer au clair ce que c'est que ce document, et
23 de quoi est-ce la conséquence ?
24 R. C'est la conséquence de ma demande. C'est ce document qui vient en
25 réponse, c'est daté du 8 novembre 1993, M. Mate Boban me démet de mes
26 fonctions avec l'explication qui est avancée, et c'est le général Ante Roso
27 qui vient à ma place.
28 Q. Donc au point 1 de ce document, il s'avère que vous êtes relevé de vos
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1 fonctions sur la base de votre propre demande, comme on l'a vue pour des
2 raisons de santé, et il dit lui du 29 octobre 1993. Or, le document est
3 daté du mois de novembre. Alors vous avez appris le 8 novembre de
4 l'existence de ce document, n'est-ce pas ?
5 R. Non, non, c'est erroné. Il dit ici, suite à la demande personnelle du
6 29 octobre, donc c'est le 29 octobre que j'ai adressé ma demande, et le 8
7 novembre il a été fait droit à ma demande. Il n'y a aucun problème à cela.
8 Q. Donc ici c'est la date du document que vous avez envoyé vous-même,
9 n'est-ce pas ?
10 Bon. Merci. Alors au paragraphe 2, en même temps Boban désigne le nouveau
11 commandant; est-ce bien cela ?
12 R. Oui, je l'ai déjà dit.
13 Q. Bien. Merci.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, je vais vous poser une question
15 délicate, mais moi je fais mon travail et je ne peux pas laisser dans
16 l'ombre certaines choses.
17 Comme vous le savez, les Juges ont le nez dans ce dossier depuis
18 plusieurs années, et donc nous avons maintenant une connaissance de
19 plusieurs documents. Nous voyons ces documents qui établissent de manière
20 claire que le 29 octobre vous avez demandé votre départ de vos fonctions
21 pour raisons de santé. Et tous les documents qui suivent vont concrétiser
22 votre demande sur le plan administratif puisque vous allez être relevé de
23 vos fonctions suite à votre demande. Très bien, c'est une lecture. Mais en
24 tant que Juge, je dois vérifier certains éléments.
25 Vous savez, comme moi, que l'attaque du village de Stupni Do a eu
26 lieu le 23 octobre, c'est-à-dire six jours avant votre demande de
27 démission. Nous avons entendu ici l'ambassadeur américain, rappelez-vous,
28 qui a dit clairement, et je cite de mémoire qu'ils avaient demandé à
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1 Tudjman le départ des responsables. Alors il y a deux possibilités.
2 Je rappelle que vous témoignez sous serment, vous avez dit que vous
3 direz toute la vérité, et donc votre réponse vous engage. Il peut y avoir
4 deux situations. Première situation, vous êtes malade et effectivement,
5 comme vous l'avez dit, il faut que vous abandonniez vos fonctions parce que
6 c'est très difficile, il faut être efficace 24 heures sur 24 et, comme le
7 dit votre document, vous estimez que vous ne pouvez pas. Ça c'est une
8 première vision de votre départ, mais il peut y avoir une deuxième vision
9 que je me dois d'examiner avec vous.
10 La deuxième vision c'est que dès que la communauté internationale est
11 informée de ce qui se passe à Stupni Do, à ce moment-là comme vous le savez
12 il y a une remontée de l'information par les différentes branches, et nous
13 savons que M. Tudjman en sera informé d'autant qu'il a des services secrets
14 qui travaillent pour cela, et il est parfaitement au courant de tout ce qui
15 se passe. Et qu'à ce moment-là on vous fait comprendre qu'il faut partir et
16 que pour éviter les problèmes la solution classique c'est de dire, on est
17 malade, on s'en va.
18 Alors, Monsieur Praljak, sous la foi du serment aujourd'hui, quelle
19 était la réalité de la situation le 29 octobre 1993 ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur le
21 Président, comme on dit, que Dieu me vienne en aide, je dis ici la vérité,
22 rien que la vérité et toute la vérité. Personne, ni le président Tudjman ni
23 Mate Boban n'a pour quelque raison que ce soit demandé que je donne ma
24 démission.
25 Il est exact que les raisons qui ont été avancées, la discopathie,
26 l'arythmie, ne sont pas les raisons majeures pour lesquelles j'ai demandé à
27 être déchargé. Ils étaient la forme choisie pour que je demande cela, mais
28 pour ce qui concerne Stupni Do, je n'ai absolument aucun lien avec cela, au
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1 contraire. Toutes les actions qui ont été entreprises jusqu'au tout dernier
2 jour, vous avez vu un document dans ce sens, jusqu'à la dernière soirée
3 avant mon départ, j'ai signé une demande visant à ce que cela soit résolu
4 plus rapidement, de façon accélérée.
5 Parce que le général Petkovic était tellement épuisé lorsqu'il est
6 revenu de Stupni Do qu'il a demandé quelques jours de congé et que je lui
7 ai accordés. Nous pourrons vous fournir les dates exactes. J'ai signé ce
8 document le 8, le jour où j'ai été démis de mes fonctions, je pense que
9 c'était le 8 novembre 1993.
10 La véritable raison de mon départ c'était le désaccord qui était le
11 mien, désaccord par rapport à l'importance des efforts qui avaient été
12 consacrés pour ne pas perdre cette guerre. Cela a trait dans une large
13 mesure à feu Mate Boban et à sa façon de conduire et d'organiser ce que
14 l'on appelle la HZ HB. Je ne veux pas dire ici --puisque j'étais aussi
15 soldat, je ne veux pas dire que je n'étais pas d'accord avec la politique,
16 avec tous ces accords qui ont été signés par lui, notamment dès le départ,
17 lors de toutes ces conférences internationales, mais ce dont il s'agissait
18 c'était simplement la chose suivante; une partie de la population, à vrai
19 dire, ne participait pas à cette guerre ou ils participaient trop peu.
20 Si bien que moi, avec ceux qui restaient, les hommes qui restaient,
21 c'était comme si nous guerroyons pour Dieu c'est qui. Une réunion s'est
22 tenue à Split au cours de laquelle je demandais que Mate Boban quitte ses
23 fonctions, que l'on intensifie tous ses efforts. A cet égard, j'ai
24 également émis des critiques. J'ai dit que ce qui est à Grude aurait dû
25 être à Mostar, que les bureaux ne devraient pas ressembler à ce qu'ils
26 étaient. En Croatie, on a une expression pour dire que quelque chose ne va
27 pas du tout, que j'ai employée à ce moment-là. C'est "buzabistra" [phon],
28 lorsqu'on a envie de dire qu'à un endroit c'est trifouiller les oies, en
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1 fait, et que rien ne va là-bas comme il faut. Donc j'ai critiqué les
2 efforts en termes d'organisation et j'ai demandé que l'on nomme des
3 inspecteurs pour les municipalités concernées. Il y avait une forme de
4 démocratie qui a résulté de ce chaos qui régnait.
5 Mais aussi loin que je puisse m'en souvenir, toute ma vie j'ai œuvré
6 en faveur de la démocratie. Lorsque vous avez des réunions qui se tiennent
7 dans les municipalités qui portent sur des sujets oiseux et qui résultent
8 en la rédaction de lettres totalement absurdes, sans faire aucun effort
9 réel pour que les choses avancent, je peux dire de par ma propre expérience
10 que nous étions dans une situation dans laquelle les choses étaient
11 intenables. Nous étions face à une attaque ciblée, nous parlons déjà de la
12 seconde année de la guerre, et nos hommes étaient complètement épuisés. Les
13 attaques visaient déjà à une avancée, à une percée en direction de la côte.
14 Nous montrerons des documents qui sont relatifs à deux réunions qui sont
15 tenues juste avant mon départ, réunions des commandants des forces armées
16 qui ont demandé un certain nombre de choses aux autorités civiles afin que
17 l'on ne perde pas la guerre. C'était là la raison pour laquelle j'ai
18 demandé à partir.
19 Je voudrais juste terminer, Monsieur le Président. Jadranko Prlic --
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous arrêter, parce que vous aurez
21 l'occasion de revenir sur cela. Vous m'avez dit, vous avez répondu
22 pleinement à ma question, qu'indépendamment de la question de la santé,
23 vous aviez un désaccord avec Mate Boban. Ça, c'est enregistré. Vous m'avez
24 dit sous la foi du serment que votre départ n'avait rien à voir avec la
25 question de Stupni Do, donc c'était ça l'objet de ma question.
26 Maintenant, sur le détail, et cetera, les deux réunions à Split et à
27 autres, on aura l'occasion d'y revenir. Bien.
28 Maître Kovacic.
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1 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Peut-être juste cette phrase, pour finir, Général Praljak.R. Je
3 voudrais ici dire une chose dont j'estime qu'elle est essentielle.
4 Après la guerre, M. l'Ambassadeur Galbraith a donné un discours
5 politique, il me semble que c'était à Slavonski Brod, et il a fait comme il
6 se trouvait dans une république bananière. Il donnait des leçons, et moi,
7 j'ai rédigé un texte dans lequel j'ai dit que ce type de comportement,
8 indépendamment --
9 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais pourrions-
10 nous savoir exactement sur quel temps nous sommes en train de parler. Est-
11 ce que c'est le temps de l'accusé, le temps des Juges ? Pourrions-nous
12 savoir.
13 M. KOVACIC : [aucune interprétation]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Là, c'est le temps de l'accusé.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai écrit que cela n'était pas correct, que
16 nous sommes un Etat souverain et que les ambassadeurs même d'états qui sont
17 des puissances majeures ne peuvent pas tenir ce type de discours politique
18 en place publique. M. Galbraith m'a alors répondu en me disant, en me
19 demandant au nom de quoi je donnais mon avis, moi qui aurais détruit le
20 vieux pont de Mostar, ce à quoi j'ai dit que j'émettais simplement mon
21 opinion. J'ai, en tout cas, demandé cette démission de mes fonctions de
22 façon tout à fait autonome, et sans que cela ait le moindre lien avec
23 Stupni Do. J'ai écrit également à la FORPRONU, et tout cela sera éclairci
24 ultérieurement.
25 M. KOVACIC : [interprétation]
26 Q. Le document suivant est le 3D 00948. C'est la passation des pouvoirs
27 entre vous et le général Roso. C'est en date du 9 novembre. Dites-nous
28 comment cette passation des pouvoirs s'est effectuée, et quand exactement.
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1 Est-ce que c'était la journée d'avant ? Combien de temps cela a-t-il duré ?
2 R. Cette passation des pouvoirs a été effectuée à 7 heures 30 ou 7 heures
3 45, le 9 novembre 1993, à Grude. J'ai signé ce document. Il y a ici rien à
4 ajouter, à ceci près que la journée précédente, le 8 novembre, au cours de
5 l'après-midi, j'ai rencontré, aux alentours de Livno, le général Roso. Nous
6 avons eu un entretien assez long au cours duquel je lui ai exposé
7 l'ensemble de la situation sur le théâtre des opérations, et je lui ai dit
8 tout ce que j'estimais être pertinent et nécessaire en cette occasion.
9 Q. Qu'avez-vous fait après la signature de ce document le 9 novembre 1993,
10 au matin ?
11 R. Je suis monté en voiture et je suis rentré chez moi à Zagreb.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, ce document sur la passation des
14 pouvoirs, vous nous l'avez dit 7 heures 45, le 9 novembre, vous nous avez
15 dit tout à l'heure que pendant la journée d'avant, le 8 novembre, vous avez
16 eu l'occasion de vous entretenir avec le général Roso des questions qui
17 étaient en cours. Dans votre souvenir, lui avez-vous tout dit ? Lui avez-
18 vous fait un panorama complet de la situation, en détaillant point par
19 point le positionnement du HVO sur le terrain, les problèmes qu'il y avait,
20 les opérations à mener, voire des sanctions à prendre ? Est-ce que vous
21 avez fait une passation dans les règles de l'art ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, tous les faits et
23 les données dont je disposais, j'en ai fait état très précisément au
24 général Roso. Ce n'était pas si difficile que cela, à vrai dire, car le
25 général Roso était déjà antérieurement membre du HVO. Il était commandant à
26 Livno. Il avait été à Mostar au moment où la ville a été libérée, après mon
27 départ. Il s'agissait donc d'une personne qui connaissait plutôt bien la
28 situation, puisque lui aussi venait de cette même zone. Tout a été dit au
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1 sein des locaux de l'état-major, dans une pièce où nous nous trouvions.
2 L'adjoint du commandant d'état-major, qui était un général à la retraite de
3 la JNA, lui a fait état de l'ensemble des problèmes liés à la mobilisation,
4 au moral des troupes, ainsi qu'est-ce que nous connaissions, ce que je
5 pouvais savoir au sujet de Stupni Do et de tout ce que nous avions
6 entrepris à cet égard. Donc, tout ce que j'estimais à ce moment être
7 essentiel, je le lui ai transmis sans la moindre réserve.
8 M. KOVACIC : [interprétation] Merci.
9 Q. Général Praljak, juste pour éviter des questions ou commentaires peut-
10 être inutiles, lorsque vous parlez du général Roso,
11 et que vous dites qu'il avait été déjà précédemment à Mostar après votre
12 départ, et cetera, à quel moment vous référez-vous ?
13 R. A l'année 1992.
14 Q. Merci. Aux fins du compte rendu d'audience uniquement, ce document,
15 numéro 3D 00948, que nous venons d'examiner, est exactement identique au P
16 006556, qui a déjà le statut de pièce à conviction.
17 Alors, Général Praljak, le dernier document dans cette chemise figure sous
18 le numéro 4D 00834. Je pense qu'il a déjà été présenté dans ce prétoire. Je
19 voudrais juste corriger, aux fins du compte rendu d'audience, c'est le 4D
20 00834.
21 On m'avertit que cela avait mal versé au compte rendu d'audience. Le
22 précédent était le 3D 00948. C'est un document qui est identique au P
23 06556, qui est déjà une pièce à conviction.
24 Je reviens maintenant à la pièce 4D 00834. Par rapport à nos bases de
25 données, c'est littéralement le dernier document que vous ayez signé en
26 votre qualité de commandant de -- un instant. Non, excusez-moi. C'est
27 exact. La copie est mauvaise. Alors, dites-nous si c'est le cas ou non.
28 R. Il s'agit d'un document qui a été rédigé pour le général Milivoj
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1 Petkovic pour la simple raison suivante. Je peux vous expliquer cela.
2 De par mon arrivée au poste de commandant de l'état-major principal
3 du HVO, la situation était la suivante, j'y avais été déjà précédemment, un
4 peu plus tôt, aussi bien au mois de juin que début juillet, et ce, jusqu'au
5 mois d'octobre ou au mois de novembre. J'avais été à Boksevica, sujet que
6 nous aborderons ultérieurement. C'était en 1993, et je connaissais
7 parfaitement la situation sur le plan militaire. Je pense qu'il est
8 important de l'expliquer, puisque nous en sommes déjà à cette situation
9 telle qu'elle se présentait. Lorsque je suis arrivé, j'ai fait la demande
10 suivante, parce qu'il y a toujours une tendance à organiser les choses sur
11 le papier d'une certaine façon, et ensuite envoyer des ordres ou des
12 courriers.
13 Or, la situation sur le terrain était très mauvaise pour nous. J'ai
14 donc mis sur pied un état-major qui probablement n'existait nulle part
15 ailleurs, tel qu'il était organisé. Il devait être sans doute assez gênant
16 pour le général Matic, qui de par son passé au sein de la JNA pensait que
17 les choses devaient être beaucoup plus carrées. Il y avait un commandant de
18 l'état-major puis son adjoint, il y avait le responsable aussi de l'état-
19 major et son propre adjoint dans cette structure, et cela pour les raisons
20 suivantes, parce qu'on peut imaginer que le commandant des forces armées
21 est assis dans une pièce, que des rapports lui parviennent, qu'il rédige
22 des ordres et que ses ordres sont suivis. Mais dans la réalité, les choses
23 ne se passent pas comme ça. Dans la mesure où la réalité n'est pas conforme
24 à cela, il ne faut pas faire semblant, il ne faut pas faire comme si la
25 réalité était conforme à ce que vous imaginez.
26 A cet instant-là, les commandants, Petkovic et moi-même, avions
27 l'obligation de nous rendre sur le terrain, de quitter nos bureaux et
28 d'oublier toutes ces réflexions très fréquentes et souvent erronées portant
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1 sur l'armée qui est censée fonctionner comme un mécanisme absolument
2 parfait. De nombreux témoins ont confirmé cela ici. J'ai estimé que le
3 danger principal pour nous était la percée de l'ABiH après la tombée de
4 Bugojno ou d'Uskoplje et Rama. Cela aurait entraîné la défaite totale du
5 HVO, si bien que je me suis rendu sur ce théâtre des opérations.
6 La zone de Mostar et la zone sud devaient être prises en charge du
7 point de vue de l'état-major principal par le responsable de l'état-major
8 dont je ne me souviens pas du nom. Le chef d'état-major, Tole. Quant au
9 général Milivoj Petkovic, lui devait concentrer son action sur la tenue de
10 Kiseljak, de Vares et de la Bosnie centrale, pour que ces localités ne
11 tombent pas. Il a même été spécialement nommé pour conduire des
12 négociations où, comme vous le savez, de nombreuses personnes de la
13 communauté internationale appelaient tous les jours pour avoir des
14 entretiens, aussi bien des journalistes, que la FORPRONU, que les
15 observateurs, et cetera. Si bien que l'on pouvait passer toute sa journée
16 dans ces différents entretiens. En temps de guerre c'est tout à fait
17 impossible et ça n'a rien à voir avec les désirs qui auraient pu être émis
18 de ne pas discuter avec toutes ces personnes, mais c'est lié à la situation
19 de guerre.
20 Après son retour de Kiseljak, le général Petkovic était véritablement
21 épuisé. Il a demandé à ce qu'on lui accorde cinq ou six jours. Je ne lui ai
22 pas vraiment accordé cinq ou six jours, mais un peu moins que cela.
23 Ensuite, puisque lui aussi était pleinement disposé à se rendre compte de
24 la situation sur le terrain, j'ai signé cet ordre qui était le tout
25 dernier.
26 Q. Merci. Alors, vous avez dit précédemment : Je suis alors parti à Zagreb
27 le 9 novembre. Ma question est la suivante : est-ce qu'ensuite, au cours de
28 ces événements de guerre, vous êtes revenu en Bosnie-Herzégovine, Général
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1 Praljak ?
2 R. Oui. En janvier 1994, je suis revenu, mais à titre personnel cette
3 fois-ci, et sur une base totalement volontaire. Je suis revenu à Uskoplje.
4 Je n'occupais plus aucune fonction officielle, car ni suite à mon départ,
5 ni ultérieurement la situation ne s'est améliorée. Je pense même que vers
6 la fin de la guerre elle était encore plus difficile. Si bien que les
7 forces de l'ABiH ont, de nouveau, été dans une position de dominer le HVO à
8 Uskoplje. Je pense pouvoir dire que j'étais un bon commandant et que mes
9 soldats m'aimaient et me respectaient, car j'étais avec eux la plupart du
10 temps, et ils m'ont appelé pour que je leur vienne en aide. Je suis donc
11 venu en janvier 1994.
12 Je me suis présenté devant le général Roso et devant le commandant de
13 la zone opérationnelle, qui était alors le général Vrbanac, je suis resté
14 là-bas et j'ai continué à me battre pendant trois ou trois semaines et
15 demie. Je pense que cela a donné d'assez bons résultats, et ce, jusqu'à ce
16 que nos percées deviennent manifestes. C'est alors qu'Izetbegovic a de
17 nouveau exigé un cessez-le-feu. J'affirme encore une fois la chose
18 suivante, à chaque fois que l'ABiH réussissait dans ses attaques contre
19 nous et avançait, Alija Izetbegovic enfreignait les accords de cessez-le-
20 feu, alors qu'à l'inverse, chaque fois que nous, nous avions l'avantage
21 tactique et que nous arrêtions leurs offensives, comme ça a été lors de
22 l'opération Neretva en 1993, ainsi qu'à Uskoplje, ils demandaient un
23 cessez-le-feu qui était signé et que nous respections.
24 M. KOVACIC : [interprétation] Merci. Alors, juste une question technique --
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Petite question au passage, Monsieur
26 Praljak.
27 Lorsque vous êtes revenu en novembre, comment étiez-vous habillé ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais en uniforme militaire, sans aucun
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1 insigne.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Aucun insigne de votre rang ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, aucun.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, vous revenez, vous nous l'avez dit,
5 moi c'est la première fois que j'apprends cela, à Uskoplje en janvier 1994,
6 puis là, vous nous dites que vous vous êtes battu pendant trois semaines.
7 Mais alors, j'avais cru comprendre que quand le 9 novembre, vous retournez
8 à Zagreb, vous êtes réintégré dans le cadre militaire croate, puisque vous
9 nous l'avez dit la dernière fois, on va vous confier les archives. Mais
10 vous aurez peut-être l'occasion de nous dire ce que vous alliez faire
11 pendant cette période. Et voilà, que pendant trois semaines vous quittez
12 votre fonction officielle en Croatie. Alors, vous aviez une permission,
13 vous étiez en congé, vous étiez déserteur ? Par quel miracle vous pouvez
14 quitter votre emploi et pendant trois semaines partir dans un autre pays ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est précisément ce
16 que j'essaie d'aborder lors de l'introduction.
17 Bien entendu, lorsque vous procédez à cette séparation entre un Etat
18 puis un autre, et cetera, on aboutit à cela. J'ai essayé d'expliquer que
19 j'étais citoyen à la fois croate et de la Bosnie-Herzégovine. Je n'ai pas
20 pris de congé. Je n'ai pas déserté. Je me suis fondé sur ce principe
21 fondamental qui valait dans l'armée croate, à savoir que si l'on veut
22 partir se battre en tant que volontaire en Bosnie-Herzégovine, alors c'est
23 quelque chose que l'on va permettre aux personnes concernées en vertu de ce
24 principe fondamental. Il n'y avait pas de contraintes pour partir de cette
25 façon. Il n'y avait pas d'ordre. Mais tous les citoyens croates, qu'il
26 s'agisse de Musulmans ou de Croates, qui souhaitaient se rendre en Bosnie-
27 Herzégovine à cette fin, pouvaient le faire et ils retrouvaient leur poste
28 à leur retour. Cela concernait aussi bien les Musulmans, et j'ai cité à cet
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1 égard un certain nombre d'exemples sur lesquelles nous reviendrons, et les
2 Croates, parce que ça valait également pour moi. Lorsque je suis revenu en
3 Croatie on m'a demandé de constituer les archives de l'armée croate, les
4 archives étaient complètement désorganisées. Je leur ai dit que je n'avais
5 aucune connaissance en matière d'archives mais qu'une chose était certaine,
6 à savoir que je pouvais avec l'énergie et la force qui était la mienne
7 rassembler autant de matériaux que possible, que j'allais organiser cette
8 collecte, et qu'ensemble les personnes qui étaient compétentes en matière
9 d'archives allaient prendre la relève.
10 On a commencé à travailler dans le bâtiment d'une caserne à Zagreb
11 qui était censé remplir toutes les conditions nécessaires au besoin de la
12 constitution d'archives. On a commencé à collecter également des objets,
13 des enregistrements vidéo et audio. Ensuite lorsque j'ai été appelé par ces
14 hommes en Bosnie j'étais en liaison avec tout le monde, on m'a dit alors
15 que la situation était tout à fait critique et qu'une percée des forces
16 adverses était possible, je suis parti par ma propre et libre volonté.
17 Bien entendu, si l'Etat croate avait voulu prendre des sanctions il
18 l'aurait fait, mais il n'a rien fait en ce sens. Personne ne m'aurait
19 empêché de partir, car j'estimais qu'il s'agissait là de ma patrie au même
20 titre que la Croatie. On ne pouvait pas dissocier ces deux parties dans la
21 guerre. J'estime justement que cette séparation formelle et mécanique que
22 vous-même, Monsieur le Président, vous utilisez en tant qu'occidental, a
23 précisément mené à cette façon d'envisager les choses, pacifier la guerre
24 en Croatie, et puis ensuite on passera à la Bosnie. Mais il ne s'agissait
25 pas d'une guerre qui était menée par des Etats, elle était menée par la
26 JNA, et cela conformément à la pensée politique serbe contre ceux qui
27 n'étaient pas Serbes, qu'il s'agisse de Musulmans, de Croates, au début
28 c'était des Slovènes. Il s'agit d'une guerre qui n'est pas liée à la notion
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1 d'Etat.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous arrête. Vous nous avez dit que de
3 vous-même vous êtes reparti. Bon, très bien. Vous vous imaginez bien que
4 pour un occidental ça pose toute une série de questions. Mais vous avez dit
5 qu'il est très difficile pour un occidental de comprendre certaines choses,
6 et effectivement on comprend mal, mais nous serons mieux éclairés au fur et
7 à mesure.
8 Bien, Maître Kovacic.
9 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il y a
10 juste une chose dans le compte rendu d'audience. Tout d'abord,
11 malheureusement, cela a déjà disparu mais je vais vous dire exactement où
12 ça se trouve.
13 Q. Monsieur Praljak, lorsque vous avez répondu à cette question qui était
14 liée au dernier document que vous avez signé, le 4D 00834, c'est à la page
15 19, lignes 7 et 8 du compte rendu d'audience, vous avez parlé de Boksevica.
16 Ce qui est entré au compte rendu d'audience c'est la chose suivante, que
17 vous avez été là-bas précédemment en juin, début juillet, et ce, jusqu'en
18 novembre, octobre, novembre 1993.
19 R. Non. C'est environ jusqu'au 12 juillet 1993 que j'y ai été.
20 Q. Merci. C'est clair à présent.
21 R. Très brièvement, s'il vous plaît. Monsieur le Président, si je puis
22 simplement faire une remarque sur mon temps.
23 Le général de Gaulle non plus ne s'est pas conformé aux instructions
24 du gouvernement français quant à la façon dont il convenait de combattre,
25 et auprès de qui il était censé se rendre. Il a mené ses troupes et
26 lorsqu'il a reçu l'ordre de ne pas rentrer à Paris, ordre d'Eisenhower, il
27 a malgré tout envoyé Leclaire avec la 3e Division pour y entrer car c'était
28 sa capitale et son Etat, il n'a pas tenu compte des ordres qu'il avait
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1 reçus. C'est tout ce que je voulais dire à titre d'information.
2 Q. Merci. Après ce départ en janvier 1993, vous n'êtes plus revenu dans
3 cet Etat jusqu'aux accords de Dayton ?
4 R. Non. Je suis revenu également lorsque nous avons libéré Bihac. Le
5 général Blaskic était à la tête du Grand état-major à ce moment-là. Les
6 gars m'ont dit de venir et de me trouver à ses côtés au moment où il a
7 procédé à faire cela. C'est ce que j'ai fait, je suis resté peut-être
8 pendant deux semaines. On a libéré Kupres de concert avec l'AbiH, arrivée
9 du nord. C'était après les accords de Washington. Nous avons procédé à
10 libérer la partie droite du champ de Livanjsko Polje, et je suis revenu par
11 la suite à Zagreb où j'ai repris mon poste. Et la dernière question que
12 vous alliez me poser, j'ai pris part à l'opération Tempête de Hrvatska
13 Kostajnica, de cette localité-là jusqu'à Dvor sur Una. De nouveau je
14 n'étais que simple soldat, je n'occupais aucun poste, et c'est avec le
15 premier char que je suis entré dans Dvor sur Una et j'ai hissé le drapeau
16 croate sur le pont. J'étais présent lorsque les chars serbes se sont mis à
17 écraser des réfugiés qui empruntaient ce pont pour se rendre en Bosnie-
18 Herzégovine, de Knin et d'ailleurs; je suis resté pendant deux jours par la
19 suite pour apporter mon assistance pour qu'on déblaie les voies de
20 communication, pour prendre en charge les gens. J'étais avec mes gars parce
21 que j'avais eu l'occasion de faire la guerre avec eux pendant six mois et
22 ils me faisaient confiance, même si formellement je n'avais aucun droit de
23 commande. C'était la fin de mes engagements sur ce plan-là.
24 Q. Très bien. Mais qu'on soit tout à fait précis pour ce qui est du temps,
25 la libération de Bihac ?
26 R. Non, mais ça n'a rien à voir avec Bihac.
27 Q. Mais c'est Bihac qui y figure.
28 R. Non, c'est Hrvatska Kostajnica et Dvor sur Una.
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1 Q. Mais avant cela vous avez parlé de Kupres.
2 R. Non, non, non, j'ai parlé de Kupres, ça n'a rien à voir avec Bihac.
3 C'était la libération de Kupres et de la partie droite de Livanjsko Polje.
4 Q. Vous étiez là au côté de Blaskic ?
5 R. Oui.
6 Q. Et c'était à quel moment vous pouvez préciser le mois ?
7 R. Je ne sais pas.
8 Q. Alors --
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Une autre bizarrerie, vous nous avez parlé de ce que
10 vous avez fait dans le cas de l'opération Tempête que je découvre
11 également. Pour qu'il n'y ait pas d'erreur, cette opération Tempête s'est
12 menée par la Croatie, par la République de Croatie ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] L'opération Tempête, oui, c'est la République
14 de Croatie qui l'a lancée, mais elle s'est étendue sur la Bosnie.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quand le 9 novembre vous retournez à Zagreb,
16 vous retournez dans un grade, quel grade aviez-vous dans l'armée croate ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais général de brigade à la fin de la
18 guerre.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Le 9 novembre, le 10 novembre 1993, quel est votre
20 grade exact dans l'armée croate ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Général de division.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes général de division. Puis là, vous nous
23 dites que dans l'opération Tempête vous étiez sur le premier char, vous
24 avez hissé le drapeau, et vous avez dit : J'étais simple soldat. Alors
25 c'est là où vraiment je ne comprends plus rien. Parce que comment un
26 général peut se retrouver simple soldat sur un char ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout simple, Monsieur le Président, vous
28 n'arrêtez pas de me demander des faits, donc ce sont des faits adaptés à
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1 votre théorie aux faits. La théorie sur l'armée telle qu'on souhaite
2 l'entendre ici, ce n'est pas une théorie valable. Tout simplement le fait
3 est qu'en 1995, l'opération Tempête est lancée, je suis encore militaire
4 croate, mais je n'ai aucun poste ni aucune fonction dans cette opération.
5 Il y a une harangue disant que c'est moi qui ai détruit le pont de
6 Mostar, et ça a pris des proportions planétaires, même le président Franjo
7 Tudjman a fini par prêter foi à cela dans une lettre. Je me suis trouvé
8 pendant longtemps dans cette guerre, et lorsque l'opération a été lancée,
9 je m'y suis joint. Le titre de général de brigade, cela ne m'intéressait
10 pas comme on conçoit cela dans l'armée française, dans la légion étrangère
11 ou ailleurs. Je voulais prendre part à cette opération. Je me suis rendu là
12 où je me trouvais à Kostanjica, les troupes qui se trouvaient sur ce champ
13 de bataille depuis six mois se sont réjouis en me voyant, bien sûr qu'ils
14 allaient m'écouter. Même les commandants allaient prendre mes conseils, mes
15 avis.
16 Soyons précis, je ne me tenais pas sur un char. Je marchais à côté
17 d'un char, et on avançait. On ne pouvait pas avancer trop vite parce qu'on
18 ne voulait pas couper la route des réfugiés qui se rendaient par là de Knin
19 vers la Bosnie-Herzégovine. Je les ai vus depuis une colline, j'ai vu leurs
20 chars écraser les civils. J'étais là avec ce premier groupe, je suis entré
21 dans Dvor Na Uni et j'ai demandé qu'on apporte le drapeau croate que j'ai
22 placé. Je m'en félicitais, j'étais très satisfait et très fier. Je suis
23 resté pendant deux journées de plus parce que, bien entendu, on se détend
24 après l'action, et il y avait beaucoup de choses à faire, des voitures en
25 panne, des morts sur les routes, et il y a des gens qui se mettent à
26 célébrer. Tout le monde cherche la détente, mais moi, je ne me détendais
27 pas. Je continuais à travailler, et à ce moment j'ai donné des instructions
28 à des gens, ce n'était pas par écrit, mais on m'écoutait, ce n'était pas de
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1 la manière dont on procède dans
2 l'armée comme vous avez appris à le concevoir. Mais j'appelais untel,
3 untel, je disais fais ceci, fais cela, prenons en charge les Serbes,
4 donnons-leur à manger, déblayons, nettoyons, et cetera.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, merci.
6 M. KOVACIC : [interprétation]
7 Q. Très bien. Nous pourrions peut-être aborder un autre sujet que vous
8 esquissez dans vos propos liminaires.
9 M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce que je peux demander à M. l'Huissier
10 de venir ici, je vais lui donner un classeur.
11 Q. Prenons maintenant la scène politique croate en 1989 et 1990, la
12 création des partis politiques, j'aimerais savoir si vous êtes actif sur le
13 plan politique à ce moment-là, et si oui, de quelle manière. C'est le
14 classeur d'en bas, Général, voilà.
15 Nous n'allons pas parcourir les documents, Mon Général. Dans un premier
16 temps, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous avez pris part à
17 ces événements politiques très intenses ?
18 R. Je faisais partie de ce groupe de citoyens de la République de Croatie
19 qui souhaitait la décomposition de la Yougoslavie et qui aspirait à ce que
20 la Croatie entre dans le rang des démocraties occidentales en tant qu'état
21 indépendant. Nous croyons que cet objectif était accessible, c'était notre
22 aspiration, et j'espère que vous n'y verrez pas de déclaration pathétique,
23 mais j'étais prêt à donner ma vie pour cela.
24 Vers la fin de l'année 1988, j'avais déjà répondu à une question des
25 Juges portant là-dessus, et je prie les Juges de bien vouloir croire que
26 tout ce que j'affirme sur l'opération Tempête ou autres, je peux l'étayer,
27 j'ai des déclarations de témoins qui portent là-dessus. Pour chacune des
28 affirmations pour lesquelles je n'ai pas préparé de preuves sur une demande
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1 émanant de la Chambre, je peux les fournir. Je peux fournir ces preuves.
2 Si je vous dis qu'au moins 15 ans avant le début de la guerre je
3 répétais incessamment à tout un chacun qui était prêt à m'écouter qu'une
4 guerre allait éclater. J'expliquais comment cette guerre allait évoluer,
5 j'ai même essayé d'évaluer le nombre de victimes dans cette future guerre,
6 et d'après moi au moins 50 000 victimes tomberaient du côté croate, là, je
7 me suis trompé --
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre avocat a posé une question très intéressante
9 pour les Juges, c'est que votre avocat voudrait que vous nous décriviez la
10 situation politique en Croatie en 1989 et 1990.
11 Comme vous le savez, dans l'acte d'accusation, il y a une entreprise
12 criminelle dans lequel il y a des responsables politiques croates qui sont
13 mentionnés, et il est intéressant d'avoir un aperçu de la situation
14 politique en Croatie, à savoir d'où venait Tudjman sur le plan politique,
15 quelles étaient les autres composantes, vous-même, comment vous situiez-
16 vous sur ce plan, et cetera. Votre avocat vous pose la question et là, vous
17 partez en digression. Pouvez-vous vous reconcentrer sur la question de
18 votre avocat, ça nous serait très utile.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, bien entendu, j'écoute
20 mon Défenseur, mais ça n'a pas commencé en 1988 ou 1989. Ça a commencé bien
21 avant, et ça ne s'est jamais terminé. Vous avez toujours eu en prison en
22 Croatie des gens depuis 1918, puis 1945 et non pas un nombre insignifiant
23 de personnes. Vous avez un processus de révolte continu en Croatie.
24 Sur la scène politique croate on voit apparaître à ce moment-là Franjo
25 Tudjman, qui se trouvait en prison depuis je ne sais pas pendant combien
26 d'années. Marko Veselica, lui aussi en prison pendant 10 ans. Seks, qui
27 s'était trouvé aussi en prison. Vlado Veselica, qui était à la tête du
28 HCLS, lui aussi condamné à la prison. Tous ceux qu'on voit se manifester à
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1 ce moment-là, vous avez parmi eux des gens qui ont fait 10 ans, 15 ans de
2 prison, et qui ont vu qu'une possibilité, et c'est la réalisation d'un
3 rêve.
4 Et puis d'autre part, après le décès de Tito, vous avez la
5 décomposition de la Yougoslavie qui s'effondre comme un château de cartes
6 et les Serbes se disent que le moment est venu. Au Kosovo, ils connaissent
7 toute une série de problèmes. Là, ils ont eu dans les mines dès le début
8 des années 1980 des rébellions qu'ils ont étouffées. Ils ont annulé des
9 dispositions constitutionnelles. C'est impossible --
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, je vous rappelle
11 une fois de plus que vous avez été averti. Je vous averti à nouveau. Vous
12 êtes ici en tant que témoin.
13 Me Kovacic, votre conseil, vous a demandé quelle était la situation
14 en 1988 et 1989 en Croatie. Vous vous y trouviez à ce moment-là, donc vous
15 pouvez nous parler des faits à l'époque. Or, au lieu de décrire les faits,
16 vous êtes en train de faire quelque chose de complètement différent,
17 quelque chose que vous ne devez pas faire. On vous l'a dit plusieurs fois.
18 Vous êtes en train de faire un discours, comme si vous étiez ici pour
19 témoigner en tant qu'expert historique. Vous n'avez pas été appelé en tant
20 qu'expert historique. Vous êtes ici en tant que témoin. C'est vous-même qui
21 l'avez décidé. Donc je répète ce que vous a déjà dit le Président de la
22 Chambre. Vous n'êtes pas ici pour faire des sermons historiques ou de
23 grandes leçons historiques sur ce qui s'est passé en 1918. Vous êtes ici
24 pour nous dire quelle était la situation politique en Croatie en 1988 et
25 1989, d'après votre expérience personnelle.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, si vous parvenez à
27 trouver quelqu'un qui à un moment quelconque a fait de la politique --
28 permettez-moi de --
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, Monsieur Praljak, et vous
2 n'êtes pas censé polémiquer. Chaque fois qu'un Juge vous dit quelque chose,
3 vous vous disputez avec lui, vous ripostez. Vous lui répondez. Ecoutez,
4 c'est un comportement qu'on pourrait qualifier d'outrage parce que vous
5 manquez de respect envers la Chambre. Un témoin n'est pas ici pour
6 critiquer les conseils que lui prodiguent les Juges, surtout si le conseil
7 consiste à rappeler quel est le règlement. Car chaque témoin a l'obligation
8 de se conformer aux règlements. La chambre l'a décidé, ça s'applique aussi
9 à vous. Je vous en prie, ne commencez pas à ergoter avec moi parce que ce
10 n'est pas correct. Ecoutez bien la question qui vous est posée par votre
11 avocat.
12 M. STRINGER : [interprétation] Permettez-moi une suggestion, Monsieur le
13 Président, Messieurs les Juges, car j'ai l'impression que Me Kovacic est un
14 avocat confirmé. Il sait où il veut mener le général, manifestement, ces
15 deux hommes se sont préparés, ils connaissent leurs objectifs. Alors plutôt
16 que de poser une question sans doute fort générale au général, plutôt que
17 de lui demander quelle était la situation politique pendant ces deux
18 années-là, peut-être Me Kovaci pourrait-il poser des questions -- pas
19 directrices, mais en tout cas, il pourrait lui poser une série de questions
20 qui permettrait au témoin de répondre de façon plus courte, pour mieux
21 circonscrire l'objectif.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, vous avez écouté avec intérêt ce
23 qu'a dit M. Stringer, qui essaie également de contribuer à son niveau à ce
24 que l'interrogatoire soit fructueux pour tout le monde. Et donc il vous
25 invite à poser des questions un peu plus précises, voire un tantinet
26 directrices pour faciliter les choses. Bien entendu, les Juges sont très
27 vigilants, mais vous avez une latitude pour que M. Praljak reste bien dans
28 les clous des réponses. Bon, il est vrai que ça peut être intéressant de
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1 savoir ce qui s'est passé en 1980, mais comme l'a dit excellemment mon
2 collègue, nous, ce qui nous intéresse, c'est 1988-1989, parce que ce sont
3 des années qui préfigurent ce qui va se passer en 1990-1991. Et donc on est
4 dans ce cadre.
5 Bien, Maître Kovacic, il reste 10 minutes avant la pause, allez-y.
6 M. KOVACIC : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président. Juste
7 une observation.
8 Il me semble que le général a prononcé deux phrases uniquement disant
9 que ce processus politique s'amorce dès 1918 et après, il a commencé à
10 énumérer quelques personnes qui, elles, en 1989, commencent à participer à
11 la vie politique en Croatie. Il a donné leurs noms. Il a dit : Voilà, ce
12 sont des personnes qui ont passé des années en prison. Ils ont vu que le
13 moment des changements est venu. Ce n'était que deux phrases d'introduction
14 en répondant à ma question.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question ? Est-ce
16 que vous voulez la vérité de ma part ou vous voulez un raccourci de la
17 vérité ? On ne peut pas résumer tout à des formules toutes simples. Cela
18 n'est pas vrai, cela n'est pas possible. Si vous me le demandez, alors ce
19 ne sera pas la vérité. Mes réponses ne seront pas la vérité parce que ça
20 n'a pas commencé en 1988 ou 1989. Ça a commencé bien avant, bien en amont.
21 C'est beaucoup plus complexe.
22 Monsieur le Juge Trechsel, je n'ai pas l'intention de quelque manière
23 que ce soit de minimiser l'importance de ce Tribunal, mais il s'agit d'une
24 situation très complexe. Je ne peux pas simplifier à outrance pour obtenir
25 un modèle qui ne sera pas vrai. Mais vous avez 500 ouvrages qui ont été
26 publiés là-dessus, vous pouvez en prendre connaissance de ce qui s'est
27 passé dans ces ouvrages. Mais j'y ai pris part. Je voulais tout simplement
28 introduire ceux qui ont joué des rôles sur cette scène politique à la tête
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1 de différents partis politiques. Ne m'interrompez pas, je ne suis pas une
2 amibe, je ne suis pas un légume. Je ne veux pas faire outrage au Tribunal.
3 Je veux simplement faire en sorte que ma déclaration soit précise, claire
4 et vraie.
5 Mais vous êtes dans tout un état, la Yougoslavie est en ébullition,
6 effervescence. Comment voulez-vous simplifier ça ? Personne ne peut le
7 faire. Si on pouvait le faire, plusieurs comme moi, nous pouvons verser des
8 --
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, la Chambre n'est pas en désaccord
10 avec vous sur ce point, mais comme nous savons que votre expert va venir --
11 puisqu'il y a votre expert historique qui viendra, il aura certainement
12 l'occasion d'aborder à nouveau ces sujets; raison de plus pour vous de vous
13 concentrer à l'essentiel. Et d'ailleurs -- donc consacrez-vous à
14 l'essentiel parce qu'on reviendra. Et d'ailleurs, Monsieur Praljak, comme
15 je sais que --
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, l'essentiel, tout à fait, 1988, à
17 l'automne --
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé, mais je ne saurais garder le
19 silence. Il me faut protester parce que c'est tout à fait hors de propos,
20 incorrect la façon dont vous me parlez, dont vous me faites des leçons sur
21 ce que je dois dire et sur la façon dont je dois poser des questions. C'est
22 inacceptable. Je dois le dire et le répéter.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Général, répondez parce que -- bon, si vous estimez
24 que vous n'avez pas outragé quiconque, dites-le-nous. Bon, parfois j'ai
25 constaté qu'il y a quelques erreurs dans les traductions qui peuvent amener
26 des incompréhensions. Donc si vous avez à dire que vous n'avez voulu
27 outrager personne, il me semble que vous l'aviez dit. Redites-le pour
28 éviter tout quiproquo.
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1 Maître Karnavas.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
3 Juges.
4 Si j'ai bien compris ce que disait le général Praljak, je ne pensais
5 pas qu'il voulait vexer qui que ce soit, sous quelque forme que ce soit.
6 Peut-être que là il y a quelque chose qui n'est pas passé dans la
7 traduction. Mais si j'ai bien compris, il a été tout à fait respectueux
8 envers le Juge Trechsel. Le général Praljak veut indiquer que lorsqu'il
9 était acteur de ces événements, il ne parle pas en tant qu'historien, même
10 si l'on parle de faits historiques, de questions historiques. Ce qui, bien
11 sûr, va déboucher sur les événements qui vont se passer plus tard. Mais il
12 a vécu pendant cette période et il essaie de dresser le contexte de tout
13 ceci, de tout ce qui va finalement s'ensuivre.
14 Mais ceci étant, je pense que M. Stringer a tout à fait raison, je
15 pense que si on cerne mieux les questions, si on les cerne mieux, on
16 pourra avancer étape par étape. Parce que sinon, on a l'impression que
17 c'est une espèce de dialogue historique, ou plutôt, un monologue historique
18 qui se fait ici. Et c'est peut-être là qu'est née la confusion.
19 M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce qu'il serait utile de faire la pause
20 maintenant pour que le conseil puisse mieux façonner ses questions ?
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est de manière très claire, je pense,
23 que je me suis exprimé. Mais loin de moi, et je sais pas pourquoi ça n'a
24 pas été traduit, loin de moi un désir quel qu'il soit de minimiser ici
25 l'importance de qui que ce soit. Monsieur le Juge Trechsel, je vous prie de
26 bien vouloir ne pas prendre mes propos de cette manière-là. Cette intention
27 n'existe pas en moi, d'aucune manière un manque de respect devant cette
28 Chambre, de ce Tribunal. Je suis bien en peine, mais vous dites les
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1 historiens. Mais quels historiens ? Vous dites "30 ans plus tard, ils
2 sauront mieux que moi qui l'ai vécu." Moi, je l'ai vécu pendant 30 ans. Et
3 les experts, moi aussi je suis expert pour parler de ces sujets. Pendant 30
4 ans, j'ai eu l'expérience de cette situation de près, j'y ai vécu, j'y ai
5 travaillé. Aucun expert qui vous rendra un récit concis, ne pourra vous
6 représenter toutes les subtilités de ce qui s'est produit là-bas. Donc je
7 serai très bref, très concis, oui. Alors, Messieurs les Juges, en 1988, les
8 premiers rassemblements se produisent.
9 Est-ce que je peux continuer pour cinq minutes ?
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Permettez-moi de réagir.
11 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Juge, vous aviez dit que nous
12 allions faire la pause, alors maintenant je suis un peu perdu. Est-ce qu'il
13 doit continuer, le général Praljak, ou est-ce qu'on fait la pause ?
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais je pense qu'on est dans une
15 phase préalable à la phase. On essaie de ficeler ce qui était un peu --
16 Chez moi, on dit qu'on tire sur les vaches qui volent.
17 Monsieur Praljak, vous venez de faire la preuve de ce que j'essayais de
18 vous dire. Vous dites, je suis le meilleur expert qui soit. Je ne le
19 conteste pas. Qui suis-je ? Moi, je ne suis pas expert, et j'accepte que
20 vous êtes peut-être expert. Mais nous avons une procédure pénale qui est
21 toujours un peu formelle, voire formaliste. Le fait est que êtes ici en
22 tant que témoin, c'est ça votre rôle. Vous n'avez pas un rôle d'expert.
23 Nous avons un Règlement de procédure et de preuve qui fait clairement la
24 distinction entre ces deux statuts, ces deux conditions sont régies
25 différemment. Nous avons un devoir à respecter, et pour veiller à l'équité
26 du procès, nous insistons pour que ce Règlement soit respecté.
27 Je comprends que ça vous semble désagréable, vous vous sentez un peu
28 ligoté, mais malheureusement, je suppose que c'est le ressenti de tout
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1 témoin. C'est peut-être quelque chose de nouveau pour vous, d'être comme ça
2 un peu limité. C'est facile à imaginer, et je partage peut-être même votre
3 sentiment d'ailleurs. Peut-être que moi aussi je serais déchiré, comme
4 vous, si j'étais à votre place. Mais à ce moment-là, vous seriez peut-être
5 à ma place et vous me rappelleriez le Règlement.
6 Merci.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
8 vous avez pu voir grâce à ces documents, ces documents que nous avons vus,
9 les ordres, et cetera. Là, je répondrai par un "oui" ou un "non". Si Me
10 Kovacic me pose des questions aussi simples, on avancera très vite. On est
11 arrivé quelque part, on a fait quelque chose, on est malade, on n'a pas
12 fait de choses, et cetera. Mais là, ma tentative de synthétiser c'est une
13 tentative qui vole en éclat à un moment donné, parce que je n'arrive plus à
14 synthétiser, parce qu'on perd la vérité lorsqu'on synthétise à outrance. On
15 n'a plus de modèle. La réduction va au-delà des limites. Donc bien sûr,
16 après, on se retrouve dans les digressions, et cetera.
17 Donc comme j'ai dit, quand on parlera de choses très précises, factuelles,
18 je suis allé quelque part, j'ai fait un ordre, j'ai fait ceci, ça c'est
19 clair, c'est limpide. Mais la situation en 1988 et tout cela, bon
20 j'abrégerai. J'abrégerai mais c'est complexe, et j'ai peur qu'on perde de
21 vue la vérité. J'ai cité Shiller [phon] à un moment donné. C'est dans la
22 multitude que réside la vérité.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause, mais réfléchissez à ce que je
24 vous dis en quelques secondes.
25 Imaginons que vous soyez Américain et que je vous pose la question de nous
26 dire quelle est la situation politique aux Etats-Unis en 1988 et 1989. Le
27 témoin américain répondrait, voilà, il y a deux partis, les Républicains et
28 les Démocrates. Et puis c'est tout. Il s'arrête là. Il ne va pas aller
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1 parler de la Guerre de sécession ni la guerre contre le Mexique. Voilà.
2 C'est ça. Essayez d'être synthétique.
3 Bon. Alors, nous allons faire 20 minutes de pause, et nous reprendrons dans
4 20 minutes.
5 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.
6 --- L'audience est reprise à 16 heures 10.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
8 Je crois que Me Khan veut intervenir pendant quelques minutes pour un
9 sujet.
10 M. KHAN : [interprétation] Oui, tout d'abord, bonjour à tous.
11 Je vous remercie de me donner la parole. C'est un point très bref.
12 Nous avons l'intention aujourd'hui de déposer deux requêtes portant sur
13 l'admission d'éléments de preuve documentaires. Troisième point aussi,
14 cette requête pour l'admission d'élément de preuve portant sur la
15 coopération et les relations entre les forces du HVO et de l'ABiH. Cela ne
16 fait que six pages uniquement, mais c'est l'admission d'environ 80 [comme
17 interprété] documents. Donc, j'aimerais avoir une prolongation de délai,
18 s'il vous plaît, pour pouvoir déposer à 10 heures demain matin au plus
19 tard.
20 J'en ai parlé avec M. Stringer d'ailleurs, et très gentiment il ne
21 soulève pas d'objection, l'Accusation ne soulève pas d'objection. Donc,
22 j'aimerais avoir votre autorisation.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre qui vient de se consulter et vous donne
24 cette autorisation.
25 M. KHAN : [interprétation] Nous vous remercions.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Khan.
27 Maître Kovacic, vous avez à nouveau la parole.
28 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
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1 Q. Monsieur Praljak, je vous ai demandé tout à l'heure, 1988-1989,
2 création de partis politiques en Croatie. Veuillez nous en dire quelque
3 chose.
4 R. Je vais être bref. En 1988, la Yougoslavie, Milosevic est au pouvoir.
5 Le mémorandum de l'Académie des sciences et des arts de Serbie concernant
6 leurs souhaits et aspirations politiques est sur la table déjà. A Belgrade,
7 on imprime des billets, on fait marcher la planche à billets, et il y a
8 démantèlement de l'organisation financière. L'économie est en débandade et
9 catastrophe. Il y a de grands meetings qui se déroulent au Kosovo, meetings
10 de Serbes. Il y a suppression de l'autonomie du Kosovo et de la Vojvodine,
11 ce qui est une atteinte à la constitution de la République socialiste
12 fédérative de Yougoslavie.
13 En Croatie maintenant, en 1989, en février, il y a réunion d'un groupe de
14 personnes. Ils sont à peu près 150. C'est l'Association croate des
15 écrivains, où je suis présent aussi. Il y a création, un début de
16 communauté démocratique croate en gestation, parce qu'en Yougoslavie il n'y
17 a pas de système pluripartite. Le premier parti à avoir été créé en
18 Croatie, mais dans le cadre de l'Alliance socialiste, parce qu'il n'y a pas
19 de possibilité officielle d'avoir assisté à un pluripartite, alors il y a
20 cette grande organisation en Yougoslavie qui s'appelle l'Alliance
21 socialiste, et dans le cadre de cette alliance socialiste, par des astuces
22 juridiques, il y a eu la création du HSLS pour ce qui est de devenir parti
23 au sein de l'Alliance socialiste. Le HSLS est construit par Slavko
24 Goldstein, un Juif croate. Il y a aussi Budisa [phon], l'un des chefs du
25 mouvement des étudiants de 1971. Il a fait cinq ans de prison. Vlado
26 Gotovac, un écrivain, six ans de prison.
27 Le HDZ est composé, pour l'essentiel, par Tudjman. Il a fait deux ou
28 trois ans de prison; Mesic, un an et quelque de prison; Seks, prison;
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1 Milas, prison; Muhamed Zulic [phon], c'est un Musulman lui, et je pense
2 qu'il a fait de la prison aussi; Perica a fait 14 ans de prison.
3 A l'époque au HDZ, il y avait Marko Veselica, qui a fait 11 ans de
4 prison. Au HSS, Parti paysan croate, à la tête duquel se trouve un dénommé
5 Stipac, un homme assez âgé qui a fait trois fois de la prison du temps du
6 Royaume de la Yougoslavie. Il a été mis en prison par le régime d'Ante
7 Pavelic, et ensuite il a été mis en prison du vivant de Tito.
8 L'homme numéro deux était un dénommé Zvonimir Cicak qui, lui, avait
9 écopé de quatre ans de prison. Vous avez cette alliance croate avec Racan
10 et le Parti populaire croate est dirigé par Savka Dapcevic-Kucar,
11 ex-président des communistes de Croatie, et Tripalo, lui aussi ex-
12 communiste, qui ont été expulsés du parti en 1971, à l'occasion du
13 printemps de Croatie. Il y avait un Serbe, Srecko Bijelic, et d'autres.
14 Pour ce qui est de ce HDZ en création, il y a déjà une scission qui
15 s'opère, parce qu'il y a des rivalités entre Marko Veselica, qui à l'époque
16 n'était pas encore sorti de prison, mais il avait une interdiction de
17 parler en public. Donc il lui était à l'époque interdit en application de
18 la loi de s'adresser au public. Marko Veselica, avec son frère, l'autre
19 Veselica, Vlado Veselica, créent le HDZ dont je fais partie aussi. Il y a
20 en plus à des fonctions assez élevées, Djordje Pribicevic, qui est Serbe,
21 et moi, je suis secrétaire général de ce parti.
22 C'est ainsi que l'année 1989 passe ainsi.
23 L'INTERPRÈTE : Il s'agit du HDS et non pas du HDZ encore.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a des déplacements vers le terrain, c'est
25 des campagnes électorales, mais ce n'était pas une vraie campagne
26 électorale, c'est autre chose. Bien sûr tout ce qui se produit à l'époque
27 est contraire à la législation en vigueur en Yougoslavie. En application de
28 la législation de l'époque, et si l'Etat était ferme et si Tito avait été
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1 vivant, on aurait tous fait de la prison à long terme. Mais il y a
2 démantèlement du pays et personne n'a plus la force d'envoyer tous ces gens
3 à la prison.
4 Voilà, c'est brièvement tout ce que je saurais vous en dire.
5 M. KOVACIC : [interprétation]
6 Q. Nous avons un enregistrement à montrer tout à l'heure aux Juges. Il y a
7 des éléments intéressants. Vous nous avez laissé entendre la chose jusqu'à
8 présent, mais veuillez dire quelques phrases encore à l'intention des
9 Juges. Pourquoi vous, Slobodan Praljak, vous rejoigniez ces gens qui créent
10 à l'époque des partis ?
11 R. C'était ma libre volonté, mon souhait.
12 Je vais juste vous ajouter une précision. A l'époque, il y a des
13 statuts de partis qui sont rédigés, il y a des déclarations politiques qui
14 sont rédigées où l'on explique ce que l'on cherche à faire, ce que l'on
15 voudrait faire. Par exemple, moi, lorsqu'il y a rédaction des statuts de
16 ces proclamations, c'est un énorme travail que nous reprenions auprès
17 d'autres partis en Allemagne, en Italie. On s'inspire parce qu'on ne sait
18 pas trop faire. Nous ne sommes pas des experts en la matière. Donc, on
19 rassemble la documentation, on traduit et on pose des cadres pour ce qui
20 est de la rédaction d'un statut d'un parti moderne. Alors on copie, on
21 élabore, on ajoute, et cetera.
22 Q. Mon Général, afin d'éviter tout malentendu et toute mauvaise
23 compréhension de la substance des événements à l'époque, lorsque vous avez
24 énuméré tous ces gens qui sont des militants politiques, et vous avez
25 indiqué aussi combien de prisons avaient fait les uns et les autres. Quels
26 étaient les délits en question pour lesquels ils se sont faits condamner ?
27 Etaient-ils des voleurs, des brigands, ou quoi ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de répondre à cette question, Général Praljak,
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1 vous n'avez pas répondu à la question de l'avocat, qui était une question
2 très importante, qui est même au cœur de votre personnalité, c'est de
3 savoir pour quelle raison vous êtes rentré dans ce parti ? Ça, vous n'avez
4 pas répondu. Est-ce que vous êtes rentré, parce que -- voilà, c'est ça
5 qu'on veut savoir. Pourquoi vous êtes rentré dans ce parti, dans celui-là
6 et pas dans un autre, et pour faire quoi ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, laissez-moi vous dire
8 d'abord qu'il y avait de très petits écarts entre les partis. J'ai apporté
9 ici, et je crois qu'il y aura certainement des questions à ce sujet, j'ai
10 les statuts, les déclarations liées au programme de ces partis, et cetera.
11 C'était toujours le même récit; démocratie, liberté, liberté de la presse,
12 liberté d'expression, organisation démocratique des élections, système
13 pluripartite, puis au sein de tout ceci, quel type d'économie, économie
14 libre, libre marché, liberté d'investir.
15 Enfin, l'organisation politique qui est celle de la Suisse, de la
16 France et des autres pays. Donc nous voulions, en termes simples, devenir
17 un pays tel que ces pays occidentaux. Alors l'Occident, l'Occident,
18 l'Occident, c'était comme des perroquets qu'on répétait. C'était cela, le
19 fondement, donc économie, système, liberté, démocratie. Dans tous ces
20 partis, on disait quels devaient être les libertés, les droits civiques,
21 les libertés des hommes, les normes les plus élevées au niveau européen
22 pour ce qui est des minorités nationales, et ainsi de suite. C'est ça les
23 fondements.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Votre avocat devrait enchaîner sur une
25 autre question, mais s'il n'enchaîne pas, je vais vous poser la question
26 qu'il aurait dû, lui, vous poser. Manifestement, il n'a pas la question,
27 alors.
28 Vous venez de nous dire les raisons; démocratie, liberté, liberté de la
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1 presse, liberté de la parole, système électoral, multipartite, et cetera.
2 Très bien. Marché au point de vue économique, libre marché,
3 investissements. Très bien. Mais voilà une question que je vous pose qui
4 normalement aurait dû être posée par votre avocat ou qui sera peut-être
5 posée par le Procureur dans le cadre du contre-interrogatoire, mais moi
6 j'essaie de gagner du temps.
7 Est-ce que vous êtes rentré, vous, dans ce parti pour la Grande-
8 Croatie ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, Monsieur les Juges, à
10 l'époque il ne s'agissait pas de Grande-Croatie. Nous ne parlions pas du
11 tout encore de sortir du rang du cadre de la Yougoslavie. On voulait
12 réaménager la Yougoslavie pour en faire une communauté confédérale et que
13 les républiques, comme la République de Yougoslavie, se voient octroyer des
14 droits plus grands, qu'elle soit une partie confédérale qu'on puisse
15 disposer de son argent, qu'on ne lui prenne pas son argent pour l'envoyer
16 ailleurs. Donc que l'on fasse en sorte que - oui, je parle trop vite,
17 n'est-ce pas, oui - donc on voulait rester au sein d'une confédération
18 pluripartite parlementaire et une démocratie à économie de marché. Je ne
19 dis pas que personne n'envisage ça serait faux, mais on n'avait pas
20 envisagé d'aller au-delà de ceci, et on pensait qu'il ne serait pas si
21 facile de sortir de la Yougoslavie. On voulait, donc, réorganiser.
22 Maintenant pour ce qui est d'une Grande-Yougoslavie, Messieurs les Juges,
23 jamais nulle part personne n'a jamais prononcé le mot. Il n'y a pas eu
24 d'idée ou de pensée ou de référence à la Grande-Croatie. Je vous l'affirme
25 et le réaffirme, jamais personne, nulle part. Or moi, j'étais parmi ces 100
26 ou 200 personnes qui, au sein de cet Etat, ont participé à tout ceci du
27 début à la fin.
28 M. KOVACIC : [interprétation]
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1 Q. Pour éviter des questions complémentaires par la suite et afin que les
2 choses soient tout à fait claires, vous avez concrètement parlé, participé,
3 vous avez été secrétaire général du HDS. Comment ça s'appelait au juste ?
4 R. Parti démocratique croate.
5 Q. Je vous ai demandé tout à l'heure autre chose. Vous nous avez cité bon
6 nombre de personnes qui étaient devenues des chefs de parti, des chefs
7 politiques qui ont fait de la prison. Pourquoi ? Quel type de catégorie de
8 prisonniers constituaient-ils ?
9 R. Ils ont été condamnés pour des délits de paroles et pour atteinte à
10 l'ordre juridique et constitutionnel.
11 Je crois que Mme Alaburic serait mieux nous l'expliquer parce qu'elle sait
12 mieux formuler la chose. Propagande, ennemi, c'était l'accusation la plus
13 fréquente.
14 Q. Une fois accusé, c'était six mois d'abord, puis après c'était trois
15 ans, puis alors atteinte à l'ordre constitutionnel juridique, c'était six
16 ans. C'était [inaudible] qu'on sortait à chaque fois. Je vais vous dire
17 encore que Tudjman, ex-communiste; Mesic, ex-communiste; Seks, ex-
18 communiste; Marko Veselica, ex-communiste; Vlado Veselica, ex-communiste;
19 Goldsajn, communiste. Un instant. Cicak, non. Racan, communiste; Tripalo,
20 communiste; Savko Dadcevic, communiste; Srecko Bijelic, communiste; Djordje
21 Privicevic, communiste aussi. Donc tout ça, ce sont dans la plupart des
22 cas, il y en avait qui ne l'était pas, mais la plupart était des renégats
23 du parti communiste. Ils sont entrés en conflit avec les autres, et
24 c'étaient, disons, des communistes réformistes.
25 Q. Merci. Vous venez d'accélérer dans le désir de nous faire gagner du
26 temps. Alors je crois qu'on pourrait nous montrer ce disque, ce DVD, et
27 c'est un peu ce qui couronne les efforts déployés en vue de la création des
28 partis, et peut-être, Monsieur Praljak, pourrait-il ensuite nous dire
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1 quelques mots après. Le numéro de la vidéo est 3D 03140.
2 M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce qu'il y a un problème technique,
3 Monsieur le Greffier ? Si ça prend quelques minutes, je peux passer à autre
4 chose, puis nous y reviendrons.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je tiens à vous dire que j'ai appelé le
6 technicien pour vérifier le problème.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais poser une question.
8 Maître Kovacic, vous nous avez préparé un document avec des scripts pour
9 les vidéos. Peut-être serait-il utile de savoir à quel élément dans ce
10 dossier se réfère la vidéo que nous allons voir ?
11 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, oui et non. Si mes
12 souvenirs sont bons, cette vidéo a une transcription. Vous avez la
13 transcription en croate. Enfin, non, vous n'en avez pas besoin, mais vous
14 avez l'anglais vous pourrez suivre. C'est tout petit comme enregistrement.
15 Entre 1:19 et 1:35, ça fait 16 secondes pour la première séquence.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant ce temps, je pourrais vous dire de
17 quoi il s'agit.
18 Comme d'un coté il y avait aggravation de la situation au niveau de la
19 Yougoslavie, et d'un autre côté, la Ligue des Communistes de Croatie cédait
20 du terrain dans les refus pour ce qui était de la mise en place d'un
21 système pluripartite en Yougoslavie. Cela a notamment été dit lorsqu'il y a
22 eu cette scission entre les communistes à l'occasion du congrès de la Ligue
23 des Communistes de Croatie se sont opposés à Milosevic, qui voulait
24 chapeauter la totalité des Communistes en Yougoslavie, et le congrès a été
25 abandonné par les Croates et les Slovènes. La Ligue des Communistes de la
26 Croatie, en passant par le biais de ces instances de l'Etat qu'elle
27 contrôlait a décidé d'autoriser en Croatie cette organisation pluripartite.
28 La totalité des partis s'est déplacée pour signer et contresigner la
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1 régularité de la décision.
2 J'ai été élu au devant de ce parti pour tenir un petit discours. J'ai fait
3 un discours, j'ai remercié tout un chacun et je sais à peu près ce que j'ai
4 dit, bien que cela a dû être perdu quelque part. je crois avoir dit que
5 j'étais heureux de voir que la Ligue des Communistes de Croatie, au bout de
6 30 ou 40 ans, sortir de la clandestinité pour devenir un parti légal en
7 Croatie, parce que la Ligue des Communistes de Croatie, à l'époque, s'était
8 enregistrée elle-même en tant que parti. Comme ils étaient au pouvoir, ils
9 n'avaient pas besoin de s'enregistrer. Ça c'est d'un.Deuxièmement, j'ai dit
10 aussi que le temps ou le moment était venu où nous n'avions plus à avoir
11 l'obligation d'être anti-communistes. Il est venu le temps pour nous d'être
12 non-communistes tout court, parce que quand il y a une organisation
13 unipartite tel que cela a été le cas, moi j'étais contre l'organisation,
14 j'étais anti-communiste. Maintenant que la Ligue des Communistes de Croatie
15 constitue l'une des possibilités s'offrant aux citoyens lors du vote, je
16 suis non-communiste. Je les considère désormais comme étant une
17 organisation légale, on a le droit d'être communiste, on a le droit d'avoir
18 son parti, d'avoir un programme en matière d'élections et de se présenter
19 devant le peuple à des élections libres et s'il l'emporte, qu'il règne.
20 Mais qu'il règne quatre ans, pas à l'infini. Au bout de quatre ans, il faut
21 se représenter. Et j'ai dit cela au nom de tous les partis. Je me souviens
22 de ces quelques phrases parce que c'était une date des plus importantes en
23 République de Croatie.
24 Un tout petit détail en particulier, l'équipe de télévision qui était
25 censée filmer cela était en retard et on m'a fait revenir deux fois pour ce
26 qui est de la signature. Une fois, ils étaient en retard et la deuxième
27 fois, la caméra n'avait pas chauffé dans une mesure suffisante, elle n'a
28 pas enregistré. Jusqu'à ce moment-là, jusqu'à ce que cela ne devienne
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1 légal, l'association d'individus pour créer des partis était illégale. Les
2 individus avaient peur de tomber sous la coupe de la loi.
3 Lorsque le journal télévisé à la télévision nationale a publié que
4 c'était devenu légal, il y a eu accession massive et affiliation massive de
5 gens et activités politiques massives.
6 M. KOVACIC : [interprétation] Merci. Je crois que nos techniciens sont
7 prêts et qu'on peut faire passer la vidéo.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, voici cet acte de signature officielle
10 et de cérémonie de signatures, et c'est là que je m'adresse. Mais on a
11 effacé le son. On voit là les représentants de différents partis. C'est
12 donc là la fin du récit. On appelle cela "Vreme Plob" [phon], c'est-à-dire
13 Voyage dans le temps à notre télévision. Je ne sais pas pourquoi le son
14 s'est perdu, c'est l'une des erreurs à l'occasion de l'enregistrement et le
15 Juge Antonetti m'a justement posé la question de savoir pourquoi ça a été
16 réenregistré par-dessus de vieilles bandes. Ils n'avaient pas suffisamment
17 de bandes, j'imagine. Alors, j'ai après eu des suspicions et mon premier
18 salaire à l'époque était l'équivalent de 80 marks allemands.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : On a vu la bande en quelques secondes, mais j'ai pu
20 constater qu'il y avait une grande affiche avec quelqu'un sur l'affiche.
21 Alors, c'était qui sur cette affiche ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas prêté attention. Est-ce qu'on peut
23 me remontrer l'enregistrement ? Je n'ai pas prêté attention.
24 [Diffusion de la cassette vidéo]
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'était avant. Ici, on ne verra rien du
26 tout.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais bien sûr, c'est Tito dans son uniforme de
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1 maréchal.
2 M. KOVACIC : [interprétation]
3 Q. Général Praljak, ajoutons ceci, pour ce qui est des gens qui n'ont pas
4 été présents. Dans quels locaux y a-t-il eu cet enregistrement officiel des
5 partis ?
6 R. C'était dans les locaux de l'Alliance socialiste ou dans ceux de la
7 Ligue des Communistes de Croatie. Je pense que c'était plutôt la Ligue des
8 Communistes de Croatie, pas dans le bâtiment officiel mais à Vranica. Je
9 crois que c'était Vranica.
10 Q. Comme vous l'avez dit, la RSFY en sa qualité de fédération, existe
11 encore en dépit du fait que le parti communiste se soit décomposé, puisque
12 les délégations de la Slovénie et de la Croatie ont quitté le congrès des
13 communistes à Belgrade. Cependant, une crise commence en Yougoslavie --
14 R. Non. La crise en Yougoslavie a commencé bien avant.
15 Q. Je suis d'accord. Je n'ai pas été assez précis. Là, je veux dire que
16 l'apogée de la crise s'installe ?
17 R. Oui.
18 Q. S'il vous plaît, expliquez-nous maintenant pour ce qui est de ces
19 quelques journées, on en arrive à la pointe de la crise. Il y a eu ces
20 élections, il y a eu indépendance et ainsi de suite.
21 R. Non, non. Il n'y a pas de pointe, de pic émergent ou de point
22 culminant. La crise, c'est en 1968 avec le soulèvement. En 1971 aussi. En
23 1974, lorsqu'il y a eu changement de la constitution. Il y eu crise en
24 1980. La crise ne fait que croître, il n'y a pas de point culminant.
25 A ce moment-là en Bosnie-Herzégovine, il y a création ou mise en
26 place d'un pluralisme politique en Croatie et en Slovénie aussi, c'était
27 même avant le cas. Tout s'embrase. C'était un processus compliqué et
28 complexe, et je n'en dirai pas plus. Je ne veux rien atténuer. Je pense
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1 avoir dit clairement ce qui se passait. Par la suite, il y a des
2 préparatifs pour les premières élections parlementaires.
3 Q. Bien. Que se passe-t-il après les élections ? Quels sont les résultats
4 des élections ?
5 R. Après les élections, il y a création, plutôt, la victoire. Comme le HDZ
6 était fort, face à lui il y a eu création d'une coalition. Ça s'appelait la
7 Coalition de l'entente populaire. Il y avait le HDZ, le HLSS, le HSLS, le
8 parti libéral, le parti démocratique, le parti paysan, le parti populaire.
9 Il y avait les démocrates chrétiens, croates, et eux tous ensemble
10 choisissent leurs candidats pour se présenter aux élections. Il y a donc
11 cette coalition d'un côté et le HDZ de l'autre côté. Le HDZ a remporté non
12 pas la majorité absolue, mais il a eu la majorité des votes. Le parlement
13 s'est constitué en application des règles, des résultats électoraux. Voilà.
14 Q. Tout à l'heure, une question similaire vous a été posée par le
15 Président de la Chambre : Quelle est la réaction du gouvernement fédéral de
16 la RSFY ?
17 R. Ils n'ont pas la force de réagir.
18 Q. Donc en Croatie, le Parlement croate commence à œuvrer. Il a été élu à
19 des élections pluripartites. Quelles sont les plus importantes des
20 décisions adoptées au départ ?
21 R. Je ne saurais vous le dire. Je n'ai pas fait partie du Parlement
22 croate, et j'en sais long mais je ne vais pas me perdre en conjectures. Il
23 y a des procès-verbaux, si quelqu'un veut lire il n'a qu'à lire, je ne veux
24 pas en parler.
25 Q. Bon. Peut-être pourrions-nous maintenant voir un enregistrement pour
26 montrer quelle a été l'ordre des événements pour que vous puissiez nous en
27 parler.
28 M. KOVACIC : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre maintenant une
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1 espèce de compilation d'enregistrements, le 3D 3549.
2 Q. Général, nous allons voir quelques enregistrements correspondant à
3 l'évolution ultérieure de la situation. Voyons cet enregistrement puis vous
4 commenterez.
5 [Diffusion de la cassette vidéo]
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux commenter pendant que l'enregistrement
7 tourne. Nous sommes donc le 28 octobre 1991, c'est un canon de la JNA, et
8 là, nous avons Dubrovnik. On voit ici précisément quelles étaient les
9 positions au-dessus de Dubrovnik et comment ils pilonnent cette ville.
10 C'est un enregistrement ici qui a été filmé par la télévision du
11 Monténégro. On voit clairement de quoi il s'agit. Ici c'est le territoire
12 de la République de Croatie et ils sont arrivés à partir du territoire.
13 Voyez comment ils tirent à partir de la zone de Konavle, qui est très près
14 de Dubrovnik, la façon dont on pilonne cette ville. Ils sont arrivés de
15 Bosnie-Herzégovine et du Monténégro. C'est très court. C'est la télévision
16 slovène ici qui a repris ces images. Donc on voit la mer Adriatique, et on
17 voit comment ils pilonnent sans qu'il y ait la moindre possibilité de
18 riposter d'une façon équivalente.
19 A ce moment-là à Dubrovnik, nous voyons des bâtiments de guerre de la JNA
20 et l'aviation de la JNA. Il y a un répéteur sur le mont Srdj jusqu'au sud
21 de Dubrovnik. On a aussi vu des bâtiments de la marine qui tirent eux aussi
22 et les défenseurs de Dubrovnik ont réussi à contrer une attaque importante
23 sur le mont Srdj juste au-dessus de Dubrovnik. Une bataille décisive a eu
24 lieu là, dans laquelle ont aussi participé pas mal de volontaires
25 d'Herzégovine, des Croates qui étaient des citoyens de Bosnie-Herzégovine.
26 Certains d'entre eux ont péri.
27 C'est de cette thèse dont je parle, il s'agissait ici d'une attaque
28 émanant d'une des options politiques d'un peuple visant toutes les autres
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1 options et tous les autres peuples qui n'entraient pas dans ce cadre et
2 n'étaient pas conformes à l'idée d'une Grande-Serbie et tous ceux qui
3 entravaient sa réalisation, que ce soit sur le territoire de la Bosnie-
4 Herzégovine, de la Croatie ou de quelque autre endroit que ce soit, au
5 Kosovo ou ailleurs.
6 M. KOVACIC : [interprétation]
7 Q. Quelle partie voyons-nous ici ?
8 R. C'est probablement quelque part à l'intérieur, c'est Vukovar. Cette
9 ville a été rasée, et on a tiré sur elle environ 700 000 projectiles, c'est
10 l'estimation minimale. Les hommes qui ont défendu cette ville avant qu'elle
11 ne tombe, je pense que tout un chacun le sait, ont quand même réussi plus
12 ou moins à arrêter cette attaque, ils ont porté des pertes sévères à la
13 JNA. Des centaines de chars ont été détruits, et cetera, et cela a arrêté
14 dans une large mesure cette attaque et a montré aux Serbes que la force et
15 le courage de ceux qui avaient décidé de défendre leur territoire, que
16 leurs armes seules ne leur permettaient pas de l'emporter.
17 Ce que je savais lors de conversations de jour en jour avec de
18 nombreuses personnes, c'est la chose suivante, à savoir tout le monde
19 s'accordait pour dire que la Croatie ne tiendrait tout au plus qu'un mois,
20 trois à cinq semaines, et qu'elle ne parviendrait pas à s'opposer à une
21 armée aussi puissante que la JNA. Nous pensions autrement, notre opinion
22 était différente, et indépendamment de toutes ces statistiques, nombre de
23 projectiles, nombre d'avions, nombre de chars, tout cela ne tenait pas
24 compte de la volonté de combattre des personnes.
25 Ici, nous avons Sisak, qui est environ à une vingtaine de kilomètres
26 à l'est, j'y étais pendant un certain temps. J'ai commandé une zone qui se
27 trouvait de l'autre côté de la Sava, sur la rive droite. C'était au niveau
28 d'un pont, et les jeunes hommes dont j'étais le supérieur ont réussi à
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1 défendre ce pont. Nous voyons ici la raffinerie de Sisak en flammes.
2 Pour autant que je le reconnaisse, c'est Zadar ici. C'est leur percée
3 vers Zadar et Sibenik. On ne doit pas faire cela mais c'est Zadar ou
4 Sibenik en tout cas, c'est l'une de ces deux villes sur la mer Adriatique
5 où ils essaient d'opérer une percée.
6 Là, c'est le pilonnage du pont de Sibenik. N'est-ce pas, Général
7 Petkovic ? Vous étiez là-bas.
8 Q. Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, le général Petkovic vivait
9 à Sibenik à l'époque, il est parfaitement au fait de la situation.
10 R. Voilà, c'est la destruction de la ville, ainsi que ça s'est passé. Je
11 pense que tout cela est déjà très clair. Il n'y avait aucune sélection des
12 objectifs. Ils ne se préoccupaient de savoir ce qui allait être détruit ni
13 qui allait être tué. La ville de Dubrovnik entière est un monument
14 culturel, ils ont tout simplement tiré sur tout, tout détruit, les hôtels
15 les plus importants ont été incendiés ainsi que les monuments culturels, et
16 cetera, et cetera.
17 Q. Avant de passer à l'enregistrement et au DVD
18 événements à Zagreb, c'est le document 3D 003148, je vais vous poser une
19 question pour que nous ne revenions pas ensuite en arrière.
20 On voit ici qu'on défend cette Croatie qui est attaquée à partir d'un
21 certain nombre de positions. Mais qui à vrai dire défend la Croatie à ce
22 moment-là ? La Croatie ne disposait pas d'une armée, c'est la Fédération
23 qui a son armée ?
24 R. Non, elle n'avait pas d'armée, elle n'avait pas non plus le droit d'en
25 organiser une. Les premières armes que la Croatie s'est procurée, elle l'a
26 fait de façon légale pour ses forces de police, en provenance de Hongrie.
27 Il était permis que la police achète des armes et le gouvernement hongrois
28 a accepté de fournir une aide en la matière en vendant me semble-t-il
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1 environ 30 000 Kalashnikovs. C'était là le fondement de l'approvisionnement
2 en armes, à ce moment-là il y avait 20 à 25 000 volontaires qui défendaient
3 la Croatie. On avait à ce moment-là déjà organisé la Garde nationale et on
4 avait formé les quatre brigades de la Garde nationale, l'une à Zagreb, la
5 seconde à Sisak, la quatrième à Split, et la troisième en Slovénie
6 orientale.
7 L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, avec votre
8 permission je souhaiterais intervenir car le général Praljak en mentionnant
9 mon nom et Sibenik a parlé d'attaque, on pourrait donc interpréter que moi
10 avec la JNA j'ai attaqué Sibenik, on pourrait donc arriver à un malentendu.
11 Je voudrais avec votre permission demander au général Praljak s'il
12 sait qu'à l'époque j'ai été à la tête de la défense de Sibenik du côté
13 croate.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le sais. Le général Petkovic était à
15 l'époque le commandant de Sibenik au sein de l'armée croate, et il a réussi
16 à défendre avec succès Sibenik précisément sur ce pont qui se trouve à
17 l'entrée de Sibenik.
18 L'ACCUSÉ PETKOVIC : [interprétation] Merci.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc les volontaires en dehors de ces unités
20 de la Garde nationale, mais il s'agissait de brigades réduites qui
21 comptaient jusqu'à 1 500 membres au maximum. Tout le reste était des
22 volontaires. C'est ainsi que c'était organisé.
23 Et ça signifie la chose suivante, Messieurs les Juges. Moi-même,
24 après avoir participé à tous ces événements, après que la situation
25 politique se soit développée comme on l'a vu, je ne souhaitais pas
26 m'occuper de politique, car d'un point de vue de chercheur, la politique
27 m'intéresse, mais pour m'en occuper au sens strict, non, cela ne
28 m'intéressait pas.
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1 Donc je suis sorti du HDS au printemps 1991, et c'est traité dans les
2 éléments biographies que nous avons vus. Au printemps 1991, j'ai vaqué à
3 certaines de mes affaires privées, mais j'ai aussi travaillé pour la
4 Westdeutscher Rundfunk, ou plutôt pour l'un de leurs journalistes, car je
5 disposais d'une petite équipe. Un de mes collègues, Zivko Krsticevic et
6 moi-même, nous avions une caméra de télévision qui était à nous, et cela
7 signifie beaucoup à l'époque. Nous avions tout le matériel nécessaire pour
8 faire des prises de vue, et ce journaliste de la Westdeutscher m'a engagé
9 pour que je lui vienne en aide.
10 Donc j'ai passé quatre à cinq jours en Slovénie à faire des prises de
11 vue pour lui, et puis j'ai pris des contacts avec des gens car j'en
12 connaissais de nombreux. Puis ensuite nous avons filmé l'arrivée des mères
13 qui sont arrivées de Serbie à Zagreb, car les mères serbes se sont
14 également élevées contre cette guerre. Il y avait un mouvement important
15 des mères en provenance de Serbie qui sont arrivées à Zagreb, donc qui se
16 sont rendues dans cette 5e Région militaire de la JNA. Et je me souviens
17 qu'il y avait un rassemblement important tenu par les généraux qui se
18 trouvaient encore à Zagreb à l'époque, et ces mères ont exigé qu'on leur
19 rende leurs enfants. Donc tout en Serbie - je ne parle pas des Serbes ici,
20 mais de la pensée politique serbe et de la JNA - tout n'était donc pas si
21 noir et blanc que cela en Serbie.
22 Et c'est alors que j'ai fait des prises de vue et qu'a commencé cette
23 agression contre la République de Croatie. A un moment donné, au début du
24 mois de septembre, le 3 septembre, j'ai rencontré un de mes amis qui était
25 à la tête des réservistes de la police, je lui ai demandé où il allait, il
26 m'a dit, je vais à Sunja, je lui ai demandé si je pouvais y aller avec lui,
27 il m'a dit, oui, tu peux y aller avec moi. Et je suis donc arrivé à Sunja
28 dans un habit de randonnée, j'avais un fusil d'assaut qui m'avait été
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1 offert par un avocat allemand qui avait un grand cabinet à Bohn. J'avais
2 été en Allemagne et j'avais un permis de résidence là-bas - cette arme
3 était plus un trophée qu'autre chose - et c'est ainsi que je suis arrivé
4 là-bas.
5 Quelque temps après, on m'a nommé commandant sur place en vertu du
6 comportement et du mérite qui avait été le mien et j'y suis resté jusqu'en
7 mars 1992.
8 Q. Très bien. Alors c'est un processus, une évolution naturelle. Nous
9 parlerons de la Sunja en détail ultérieurement.
10 Mais je voudrais que nous revenions un petit peu en arrière. Peut-
11 être pourrions-nous maintenant, si nous l'avons, regarder cet
12 enregistrement vidéo -- non, nous ne l'avons toujours pas.
13 Je voudrais donc que nous revenions un petit peu en arrière, avant
14 que la JNA n'attaque la Croatie, ce que nous avons montré, la JNA est
15 d'abord intervenue en Slovénie, pourquoi et comment tout cela s'est-il
16 déroulé en Slovénie ?
17 R. Comme je l'ai dit, j'étais sur place à l'époque de cette guerre. En
18 Slovénie, au titre de l'aide qui m'avait été demandée par ce journaliste de
19 la Westdeutscher Rundfunk, et ils avaient essayé de percer jusqu'à la
20 frontière de la Yougoslavie. Il y avait eu des tirs.
21 Q. La JNA, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, c'était la JNA qui a essayé de se positionner jusqu'à la
23 frontière, mais les Slovènes étaient organisés, ils avaient modifié tous
24 les panneaux indicateurs sur les axes de communication, si bien qu'à moins
25 de connaître toutes ces contrés, vous ne pouviez pas y retrouver. Et tout
26 cela était une forme d'opérette, si vous voulez, parce qu'il y avait une
27 intention tout à fait claire de la part des dirigeants serbes, à savoir que
28 ces derniers souhaitent perpétuer la Yougoslavie mais sans la Slovénie,
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1 qu'ils laisseraient la Slovénie se séparer du reste. Et c'est pour cela
2 qu'on peut considérer cette guerre comme une forme de manifestation, donc
3 c'est pourquoi ils se sont retirés de Slovénie et ils ont réparti les armes
4 en provenance de Slovénie en les envoyant en direction de la Bosnie-
5 Herzégovine.
6 Quant aux convois qui sont passés par la Croatie, bien entendu qu'il
7 est arrivé un certain nombre d'attaques auto-organisées visant ces wagons
8 afin de pouvoir prendre possession d'une partie des chargements, si ces
9 derniers n'étaient pas suffisamment surveillés. Car tout le monde était
10 déjà conscient que la guerre était imminente et qu'il fallait être en
11 mesure de se défendre.
12 Q. Alors passons maintenant de la Slovénie à la question de la ville de
13 Zagreb à titre d'illustration, puisque vous avez abordé cela, donc les
14 événements liés à la caserne du maréchal Tito.
15 [Diffusion de la cassette vidéo]
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, arrêtez-vous là, s'il vous plaît. Je
17 pense que l'Accusation ici posait une question à l'un des témoins quant à
18 la question de savoir comment la Croatie avait réagi à l'attaque portée
19 contre la Slovénie. Mais la Croatie, puisqu'elle ne disposait pas d'une
20 armée, ne pouvait pas réagir. Il y avait eu des entretiens entre Kucan et
21 les dirigeants croates et Tudjman, quant à la possibilité de mettre en
22 place une alliance militaire. Mais j'imagine qu'ils ne savaient pas de quoi
23 il pouvait s'agir puisqu'ils n'avaient pas d'armée.
24 Ici dans la partie sud de Zagreb, au-delà de la rivière Sava se
25 trouvait une importante caserne de la JNA qui portait le nom du maréchal
26 Tito, et on l'appelait la "Marsalka" de façon usuelle.
27 Alors il n'y a pas encore de guerre en Croatie à ce moment-là et l'on a
28 entendu des rumeurs selon lesquelles les chars de cette caserne étaient
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1 partis en direction de la Slovénie. Ici nous voyons une manifestation
2 spontanée et populaire qui s'oppose à la sortie de ces chars en direction
3 de la Slovénie. J'ai été présent lors de ces événements - on fera un arrêt
4 sur image et vous verrez - et avec un de mes caméramans, d'ailleurs je
5 pense que c'est l'une des ces prises de vue que nous avons là, j'ai été
6 présent et vous verrez que les gens jetaient des pierres, qu'ils tiraient
7 contre ces chars, et bien entendu la riposte est arrivée en provenance de
8 la caserne, on a tiré à plusieurs reprises sur la foule et un jeune homme
9 est mort.
10 Et maintenant vous pouvez faire tourner l'enregistrement.
11 [Diffusion de la cassette vidéo]
12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
13 "Il est ici installé environ 2 000 soldats. Dans les casernes se trouvent
14 également les unités de chars les plus importantes en Croatie. La Garde
15 nationale a dit que pendant des mois elle a encerclé, bloqué la caserne,
16 des tirs retentissaient en permanence. Le commandant a menacé de raser
17 l'ensemble de la ville de Zagreb si la Garde nationale attaque. Les
18 premières unités de la caserne Marsalka sont parties en direction de la
19 Bosnie. La caserne sera vidée dans quelques jours. La Garde nationale et
20 l'armée ne sont pas arrivées à un accord au terme duquel ces unités ne
21 doivent pas être utilisées dans des combats mais les Croates se doutent
22 qu'elles se regroupent en Bosnie justement pour venir en aide et en soutien
23 aux unités en Slavonie orientale.
24 Les autorités municipales ont annoncées qu'il a été tiré en
25 provenance du convoi qui se trouve à Karlovac contre les membres de la
26 Garde nationale croate. Ceci constitue les abords du pont Mladost à 19
27 heures 30. La situation est calme devant la Marsalka une heure plus tard.
28 Mais tout a commencé avec la sortie des véhicules de transport et autres
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1 véhicules de cette caserne de Zagreb, selon la télévision de Slovénie. Cela
2 a entraîné un désordre au sein des citoyens de la ville de Zagreb.
3 Impuissants face à la sortie des unités armées, ils ont lancés des pierres
4 et des bouteilles d'essence contre les véhicules SVB. Il s'en est suivi des
5 tirs nourris dont le résultat selon l'agence Ila [phon] est un mort et sept
6 blessés. En ce moment, la situation est calme devant la caserne. Il n'y a
7 personne, pas de véhicules militaires. Il n'y a pas de désordre devant la
8 caserne."
9 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un enregistrement où on voit ce jeune
11 homme qui a été tué. Nous devrions le montrer. On y voit aussi ma personne.
12 J'essaie d'avertir les gens, je leur dis de ne pas tirer en direction de la
13 caserne car il y aura une riposte.
14 Alors ce que vous avez vu là, c'est la résistance du peuple croate
15 par rapport à la guerre en Slovénie.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc c'est le passage des chars en provenance
18 de Slovénie en direction de Banja Luka, donc la JNA se réfugie en quelque
19 sorte en Bosnie-Herzégovine. Et cette idée a été avancée en permanence par
20 Alija Izetbegovic, à savoir que la JNA allait être le garant de la sécurité
21 des citoyens de la Bosnie-Herzégovine. Mais une erreur aussi monumentale
22 est tout simplement incompréhensible pour moi.
23 M. KOVACIC : [interprétation]
24 Q. Général, nous avons vu juste quelques indications montrant cette
25 situation à différents endroits en Croatie, à Zagreb, et ailleurs. Mais
26 pour que les choses soient tout à fait claires pour tous, est-ce que la
27 RSFY existe toujours de fait et d'un point de vue juridique à ce moment-là
28 ?
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1 R. Oui. C'est toujours un sujet reconnu pour le droit international.
2 Q. Est-ce qu'au moment même des ces mêmes événements que nous venons de
3 voir, donc le recours à la force, est-ce que se déroulent simultanément des
4 pourparlers politiques à l'échelon de la fédération, par exemple, entre les
5 présidents des six républiques concernant un changement du système ?
6 R. Ces pourparlers sont interminables et en quantité considérable, mais
7 laissons cela pour la partie qui sera traitée en même temps que le livre
8 que nous avons prévu.
9 Mais alors tous les présidents des républiques se sont mis d'accord
10 pour tenir des réunions communes dans chacune des villes des différentes
11 républiques. Que cela soit à Split, à Sarajevo, à Skopje. Donc ils se
12 rencontraient, ils discutaient, la communauté internationale s'est
13 également impliquée. Et j'ai dit qu'il a eu 43 rencontres entre Milosevic
14 et Tudjman. J'ai également dit qu'Alija Izetbegovic a été présent à un
15 certain nombre de ces réunions, la plupart d'entre elles, mais cela nous
16 aurons l'occasion d'y revenir dans le livre. Donc ce que nous avons ce sont
17 des efforts considérables de la partie croate afin de parvenir d'une façon
18 ou d'une autre à une solution politique normale de cette situation sans
19 qu'il y ait guerre. Ces efforts ont été innombrables, considérables. Ils
20 comprenaient des concessions, mais la limite qui était impossible à
21 dépasser du point de vue croate était la suivante, il fallait que la
22 Croatie soit dans un cadre confédéral, l'unité confédérale de la
23 Yougoslavie qui devait être dotée d'un système démocratique parlementaire,
24 mais les Serbes n'étaient absolument pas disposés à aller dans ce sens.
25 C'est la politique qui est à l'origine de toute guerre.
26 Q. Alors peut-être juste encore un détail que nous n'avons peut-être pas
27 vu dans ces différents enregistrements lors de tous ces pourparlers
28 politiques et de ces actions et tentatives diplomatiques. Je crois que nous
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1 avons tous encore en mémoire un incident particulier lorsqu'il y a eu une
2 attaque de roquettes visant le bureau de la présidence de Zagreb. Pouvez-
3 vous nous donner juste quelques détails ?
4 R. Le 25 juillet 1991, après que l'on soit arrivé au bout de ces
5 pourparlers qui ont duré un an, le Parlement croate a pris une décision au
6 terme de laquelle la Croatie devenait un Etat indépendant et au terme de
7 laquelle tous les liens avec la Yougoslavie étaient rompus. Cependant, la
8 Communauté européenne qui entretenait encore l'espoir que l'on puisse
9 arriver à une solution globale a exigé de la Croatie quelle reporte de
10 trois mois l'application de cette décision et que l'on essaie de négocier
11 pendant encore trois mois, donc un moratoire de trois mois. Entre-temps, la
12 guerre a commencé à battre son plein. Tout ce que nous avons vu à
13 Dubrovnik, à Sibenik, et cetera, s'est poursuivi. Et après trois mois, on
14 était allé encore plus loin de toute possibilité de solution politique que
15 le 25 juin. Donc à l'expiration de ces trois mois, les appareils de
16 l'aviation serbe ont bombardés le Banski Dvori, c'est-à-dire le palais
17 présidentiel du président de la République de la Croatie, Franjo Tudjman.
18 A ce moment, se trouvait auprès de lui le président du gouvernement
19 fédéral, le Croate, Ante Markovic, il y avait donc le Dr Franjo Tudjman
20 également, qui se trouvait encore là-bas. Mesic y était-il ? Markovic était
21 présent, Franjo Tudjman. Je m'en souviendrai à un moment ou un autre. Et
22 avant toute chose, les organisations qui fournissaient des renseignements
23 étaient au fait de l'endroit exact où se trouvait le président à chaque
24 moment. Et par chance, il est sorti de la pièce où il se trouvait pour
25 prendre un café au moment où les missiles sont tombés. Donc ce dont il
26 s'agissait c'est qu'ils voulaient le tuer. Non seulement lui, mais
27 également Markovic et puis cette autre personne qui était aussi un
28 dirigeant important, le président du Parlement croate. Je pense que c'était
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1 Seks, qui était encore là. Non seulement c'était évident qu'ils voulaient
2 le tuer, mais qu'ils étaient parfaitement au fait, à la minute près de
3 l'endroit où se trouvait telle ou telle personne.
4 Après cela, des explosifs ont été posés sous le bâtiment de la
5 communauté juive de Zagreb, et cela a évidemment été attribué à la Croatie
6 oustachi, cela a fait le tour de tous les journaux. Et rapidement, le
7 gouvernement croate a découvert qui a organisé cela. C'était une
8 organisation de grande envergure du KOS qui s'appelait "Opera" et tout cela
9 a été révélé.
10 Mais pour chaque élément au sujet desquels Messieurs les Juges pourraient
11 souhaiter m'interroger, je suis en mesure d'apporter des éléments de preuve
12 l'étayant.
13 Q. Très bien. C'est plutôt une description de l'ensemble de la situation
14 que je voulais que nous reprenions ici.
15 Il y a ici une négation au compte rendu d'audience. Peut-être que
16 nous devrions corriger cela immédiatement avant que cela ne suscite des
17 questions. Il est consigné que l'on aurait constaté que cela n'était pas
18 des Oustachi, mais que c'était le KOS, le Service de contre-renseignement
19 yougoslave.
20 Très bien. Pièce 3D 02657. Est-ce qu'on pourrait l'expliciter un
21 petit peu. Il s'agit là d'un livre qui est le produit, le résultat d'un
22 travail sur un projet de Djonlic, les résultats de la guerre menée contre
23 la Croatie. Est-ce que vous pourriez peut-être nous présenter cet ouvrage ?
24 Nous souhaitons le verser au dossier. Est-ce que vous pouvez nous dire
25 également quel rôle vous avez joué dans la réalisation de ce livre ?
26 R. Quelle que soit votre décision là-dessus, ce livre, il a vu le jour à
27 une période où on nous a laissés partir.
28 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Kovacic,
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1 excusez-moi. Auriez-vous l'obligeance de nous indiquer où nous pourrions
2 trouver ce que vous venez juste de mentionner ? 3D 0265, cette pièce-là, où
3 pourrait-on la trouver ? C'est dans quel classeur ?
4 M. KOVACIC : [interprétation] C'est dans un classeur qui se présente comme
5 ceci, sous le numéro 1, au tout début, 5, 6.
6 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie.
7 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous en prie.
8 L'INTERPRÈTE : Livre réalisé sous la direction de Tomislav Djonlic, qui
9 s'intitule : "Petit aperçu historique du mal contre la Croatie."
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, ce qui a constitué le fondement de mes
11 préparatifs qui devaient me permettre de me défendre, c'était une réflexion
12 que j'ai menée. Je me suis demandé de quelle manière je pouvais aider la
13 Chambre, les Juges, le Procureur lorsqu'il s'agit de choses très
14 compliquées, très complexes. Comment est-ce que je peux leur permettre de
15 les comprendre mieux, et c'est là que je suis arrivé à cette idée d'avoir
16 un livre, de faire faire un livre, et c'est ce qui montre tout le respect
17 que j'éprouve pour ce Tribunal. Je cherchais à présenter tous les éléments
18 d'information pertinents portant sur ce qui m'a semblé, ce qui à mon sens
19 était nécessaire pour comprendre la situation.
20 Je me suis adressé à M. Tomislav Djonlic, qui est un jeune historien,
21 et je lui ai dit : Voilà ce que nous pouvons faire. Nous allons faire un
22 aperçu nous permettant de voir ce qui a précédé, quels sont les événements
23 qui ont précédé la guerre en Croatie. De manière très succincte, nous
24 allons reprendre les différentes publications, la bibliographie, et nous
25 allons montrer l'évolution des événements : les conquêtes, les tueries, les
26 pillages, les destructions. Nous allons reprendre cela de manière très
27 synthétique. Voilà. C'est la partie qui nous montre de quoi il s'agit ici;
28 le Moyen Age en Croatie; l'administration italienne dans des régions
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1 annexées 1941 à 1945; le royaume de Yougoslavie; les crimes chetniks en
2 Croatie, en Bosnie-Herzégovine; l'Etat indépendant de Croatie; Jasenovac et
3 d'autres camps qui étaient gérés par les Oustachi; Blajburg, des
4 liquidations qui ont eu lieu après la guerre; les folksdeutcher, et
5 quelques éléments de 1945 à 1989; l'histoire de la Yougoslavie, Ozna, la
6 forme bureau, Udba. C'est ce que nous avons préparé. Pour commencer, je ne
7 m'attarderais pas sur l'histoire, mais prenons la page 23, le royaume de
8 Yougoslavie.
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, vous êtes sûr que
10 vous êtes pas en train de vous embarquer à nouveau dans des travaux qui
11 relèveraient plus de ceux d'un expert que d'un témoin ? J'ai l'impression
12 que c'est un travail historique, sorte de très bonne facture, sans doute,
13 mais je me demande si cela a grand-chose à voir avec votre expérience
14 personnelle.
15 M. KOVACIC : [interprétation] L'idée est la suivante, Monsieur le Juge,
16 compte tenu des critères qui nous dirigent lorsqu'on verse au dossier des
17 documents, nous avons estimé qu'il s'agit là d'un travail de qualité qui
18 peut nous permettre de comprendre beaucoup d'éléments qui concernent le
19 paragraphe 15 de l'acte d'accusation, à savoir tout ce qui a précédé la
20 guerre. Le paragraphe 15, est-ce qu'il existe une entreprise criminelle
21 commune ? Nous nous sommes dit que nous allions nous faire gagner du temps
22 en définitive si nous avons ici la position exprimée par le général sur
23 toute une série d'éléments. Ça nous permettrait de verser ce document au
24 dossier dans sa totalité, parce que je ne pense pas qu'on gagnera en le
25 versant au dossier page par page.
26 Le général vient de nous expliquer quelle a été l'intention, la
27 finalité de ce livre. Nous l'avons fait traduire, puisque nous estimons
28 qu'il est précieux, qu'il est de qualité. Je vous ai expliqué pourquoi je
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1 pensais qu'il allait constituer un apport considérable. Peut-être que juste
2 quelques chapitres peuvent nous être présentés par le général pour qu'on
3 comprenne quel est le fondement, qu'est-ce qui nous pousse à en demander le
4 versement. Il n'y a que des faits, une présentation factuelle des faits,
5 ici, pas de prises de positions, de jugements, et cetera.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il n'y a qu'une présentation factuelle,
7 pas de positions.
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais répondre à Me Kovacic.
9 Je vous remercie de votre explication. Dans la mesure où vous posez des
10 questions uniquement pour présenter le document, là je n'ai aucune
11 objection à soulever.
12 M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.
13 Véritablement, je souhaite vous convaincre qu'en définitive on aura
14 gagné du temps.
15 Q. Je vous en prie.
16 R. Page 34, 3D34-0062, crimes chetniks en Croatie, en Bosnie-Herzégovine.
17 Les premières armes que nous avons données immédiatement, c'étaient pour
18 Gorazde, Foca, et cetera. Pour quelles raisons ? Parce que tout Croate
19 cultivé savait qu'en Bosnie-Herzégovine les Chetniks avaient tué, pendant
20 la Seconde Guerre mondiale, au moins 33 000 Musulmans, surtout en Bosnie
21 orientale. Donc toute personne dotée de bon sens, par exemple, Susak ou
22 moi-même, lorsque nous avons donné ces armes, c'était en se disant : Mais
23 ils ne sont pas en train de se préparer pour cette guerre. Ils vont se
24 faire égorger par les Chetniks comme ils leur ont fait de 1941 à 1945.
25 Donc, vous avez ici juste une énumération. Cela vous montre, pour ce qui
26 est de ces unités serbes, pendant la Seconde Guerre mondiale, qui se
27 disaient être du côté de la coalition anti-fasciste, combien de personnes
28 elles ont tué. Donc, il n'y a rien à ajouter à cela. Ce sont que des faits.
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1 A Mrkonic Grad, un tel chiffre, à Sanski Most, le chiffre. Donc, je ne vois
2 pas ce que je pourrais ajouter. J'affirme simplement qu'il en est ainsi.
3 Dans le secteur de Srebrenica, prenons le point 32. Vous voyez, dans
4 le secteur de Srebrenica, les crimes du 18 août 1941 jusqu'en 1942, une
5 partie des déclarations du 29 janvier du président du district de
6 Srebrenica. Le chiffre exact de victimes ne peut pas être connu, mais
7 environ 1 000 personnes ont été tuées dans ce district, puis il y a des
8 dégâts matériels, et cetera.
9 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas le texte sous les yeux.
10 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, j'ai essayé de ne
11 pas vous interrompre, à propos de votre débit surtout, mais je tiens à vous
12 rappeler, dans l'intérêt de l'interprétation, de ralentir. J'aimerais aussi
13 demander à Maître Kovacic, lui aussi, de ne pas poser des questions trop
14 rapidement. Vous parlez beaucoup trop vite. Je vous remercie.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je vais faire des efforts à
16 l'avenir.
17 Paragraphe 34, situation à Visegrad. Encerclé. Ce sont les autorités du
18 district de Visegrad qui sont à l'origine des informations. La population
19 de ce district, à partir du 2 septembre 1941 jusqu'à aujourd'hui, traverse
20 la période la plus noire de son histoire. Les villages ont été incendiés.
21 La population se meurt dans les rues de la ville à cause des maladies et
22 d'une pénurie alimentaire, chassée de leur foyer par des bandits chetniks.
23 Jusqu'à aujourd'hui, des Croates, des Musulmans et des Catholiques qui ont
24 été tués sont au nombre de 5 000, et ce chiffre grandit toujours.
25 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas le texte sous les yeux.
26 LE TÉMOIN : [interprétation]
27 Paragraphe 37. Le 19 août 1942, les Chetniks, pour la deuxième fois,
28 prennent Foca. Cinq milles Musulmans se sont enfuis vers Sarajevo, et Draza
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1 Mihajlovic a fait savoir, il est à la tête des Chetniks, le 23 août, qu'à
2 l'intention du 42e Commandement chetnik, il dit : Hier, j'ai terminé
3 l'action jusqu'à Usta, Klina et le col de Jahorina. D'après les
4 informations que nous avons jusqu'à présent, entre 1 000 et 3 000 Musulmans
5 ont été égorgés. Toutes les unités, bons combattants, encore meilleurs
6 pillards. Chute de Foca bien reçue, bien accueillie. Les Musulmans
7 s'enfuient massivement vers Sarajevo.
8 Ou bien, prenons le paragraphe 41, l'expulsion des Croates de Stolac et de
9 Dubrave. Une centaine de Croates ont été égorgés pendant ce processus. De
10 toute la région de Stolac, dix à 15 000 Croates ont été chassés, et cetera.
11 Ou bien au paragraphe 46. Suite à ces opérations à la mi-octobre
12 1942, les Chetniks se sont acheminés vers Prozor, Rama, Sujica, Livno,
13 Makarska, cet axe-là, côte adriatique jusqu'à l'embouchure de la Neretva.
14 En passant par Rama et Prozor, les Chetniks ont atteint une montagne. Ils
15 ont tué 200 Croates et Musulmans dans la zone de Mostar. Ils ont égorgé ou
16 jeté dans des fosses, et cetera, 1 616 personnes --
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'est pas sûr du chiffre.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] -- dont 340 étaient des Musulmans et le reste
19 des Croates civils. Une question se pose ici : où sont les Oustachi ? Où
20 sont les Oustachi qui devraient normalement défendre cela ?
21 Donc je m'adresse à la Chambre. L'Etat indépendant croate s'est
22 trouvé diviser, je l'ai montré une fois, en deux. Il y avait, d'une part,
23 une zone gérée par les Allemands, et, d'autre part, la zone gérée par les
24 Italiens. Les Oustachi, ils n'avaient pas le droit de se rendre dans la
25 partie sud gérée, administrée par les Italiens. Ils n'avaient pas le droit
26 de franchir la ligne de séparation. Donc, comment voulez-vous que cet Etat
27 soit indépendant, puisque il est administré par des forces d'occupation. En
28 bref, les Italiens ne permettaient pas aux Oustachi de se rendre sur leur
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1 partie du territoire, mais ils permettaient l'accès aux Chetniks, en
2 revanche.
3 Nous pouvons également montrer Jasenovac et d'autres camps oustachi au 56.
4 Là, pour ce qui des chiffres du mythe de Jasenovac, le nombre de personnes
5 tuées à Jasenovac varie de 50 000 à 1 million. En fonction des différents
6 historiens, des besoins de différentes propagandes, ces chiffres ont été
7 exagérés. Aujourd'hui, il y a un chiffre qui est utilisé. Peut-être un peu
8 plus ou un peu moins de 75 000 personnes juives, tziganes, serbes, croates,
9 qui ont été tuées. C'est le chiffre qui est écrit dans le camp de
10 Jasenovac.
11 Il n'y a pas d'appréciation ici, pas d'évaluation. Il n'y a que de
12 simples faits. Je me suis bien gardé de juger, d'apprécier ces chiffres où
13 nous avons Blajburg et les liquidations de l'après-guerre.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, nous avons entendu
15 ça à l'envie, si je puis dire. J'aimerais bien savoir quel est le lien avec
16 l'acte d'accusation qui nous intéresse aujourd'hui, car je dois vous avouer
17 que je ne vois pas vraiment le lien. Ce n'est pas du tu quoque ici, c'est
18 du elequoque [phon]. Pourriez-vous nous expliquer peut-être quelle est la
19 relation entre tout ce que vous êtes en train de nous dire et l'acte
20 d'accusation qui nous intéresse ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je répondrai sur un point uniquement.
22 Nous avons vu ici un document. Il y a longtemps, me semble-t-il. Je ne sais
23 pas si on s'en souvient encore. Dans ce document, dans ce texte, il est
24 dit, au sujet d'un meurtre à Rama, qui l'a vengé, son père. Donc, c'est un
25 meurtre qui a été commis, accompagné d'une phrase : "Il a vengé son père."
26 Donc ceci nous permet de savoir que cette vengeance a lieu pour venger ces
27 meurtres qui se sont produits à Rama entre 1941 et 1945. Je ne vois pas
28 comment vous l'expliquez davantage.
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, mais je ne sais pas qu'il
2 existe d'excuse ou de justification au titre du droit humanitaire
3 international permettant de tuer un civil. On ne peut pas justifier le
4 meurtre d'un civil uniquement du fait de la vengeance.
5 M. KOVACIC : [interprétation] Si je peux enchaîner sur ce qui vient d'être
6 dit par le général Praljak. Dans l'acte d'accusation, il est dit que
7 l'ensemble de ces événements pour lesquels les accusés sont accusés, qu'ils
8 se sont produits en tant que conséquences, sous différentes formes de
9 culpabilité, de responsabilité pénale, mais en tant que conséquence des
10 activités des forces croates qui découlent, de nouveau, de l'entreprise
11 criminelle commune. Pour replacer cela dans un contexte, j'aimerais bien me
12 servir d'exemples.
13 Prenons un dossier au pénal pour meurtre. Quelqu'un est inculpé
14 d'être responsable, coupable d'un meurtre, et souvent comment se défend la
15 personne. Il dit : ce n'est pas moi. Quelqu'un d'autre a tué. Parfois cette
16 défense, elle est vraie, parfois elle n'est pas vraie. Parfois elle
17 réussit, parfois elle ne réussit pas. De même, ce serait une affaire au
18 pénal classique. Mais cette même personne dit : ce n'est pas moi. Elle dit
19 c'est le domestique. Là, nous, on ne dit pas que c'est le domestique qui
20 l'a fait. Nous, on cherche à démontrer clairement quelles sont les
21 circonstances de l'événement, y compris le contexte historique, la
22 révolution historique, pour que vous, Messieurs les Juges, pour que vous
23 puissiez apprécier, pour que vous puissiez savoir s'il est réel d'évoquer
24 le fait que l'ensemble des événements mauvais, 1991, 1993, en Bosnie-
25 Herzégovine se sont produits uniquement à cause des agissements ou des
26 manquements d'agir du côté du HVO ou, de manière générale, disons, de cette
27 entreprise criminelle prétendue à qui on reproche ces actes qui se trouvent
28 accusés. Nous souhaitons vous illustrer toutes ces causes, ces facteurs
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1 dont des éléments historiques et des conséquences historiques, qu'est-ce
2 qui a agi sur la situation en Bosnie, tout ce qui s'est produit n'est pas
3 le fruit d'un plan, et c'est ce que la Défense cherche à démontrer.
4 Premièrement, il n'y a pas de plan, et deuxièmement, même s'il y avait eu
5 un plan tout ceci n'aurait pas pu en être une conséquence. Voilà, telle est
6 la cause de la Défense.
7 Quelle est la manière la plus simple de procéder ?
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] M. Karnavas semble absolument prêt à
9 se lever.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Si je peux ajouter quelque chose, je
11 comprends bien où va le général. Je pourrais peut-être vous aider à couper
12 son nœud gordien.
13 Nous connaissons bien la théorie de l'Accusation. Nous savons ce qui
14 est allégué dans l'acte d'accusation. Le général Praljak essaie d'établir
15 deux faits, deux choses. Tout d'abord, il n'y avait pas de plan. Mais
16 surtout deuxièmement, en tant que commandant avec des responsabilités de
17 commandement, avec la possibilité aussi de commander et de contrôler de
18 façon efficace les troupes sur le terrain, si j'ai bien compris la théorie
19 qu'il essaie de défendre et que nous adoptons d'ailleurs, .tant donné
20 l'historique, des individus ont agi de leur propre chef et dans ces
21 circonstances il aurait été extrêmement difficile puisque ici il n'y a pas
22 d'armée entraînée. Il n'y a pas d'officiers auxquels on devrait s'attendre.
23 Il y a cet historique, avec cette vengeance qui existe. Des individus
24 agissent de leur propre chef et le commandant de fait a du mal à contrôler
25 qui que ce soit, à contrôler les actions de tout un chacun. C'est pour ça
26 que nous avons toute cet historique qui nous est décrit.
27 C'est un baril de poudre en tant que tel. Les gens avaient beaucoup
28 souffert pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les choses étaient brutales,
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1 et ces personnes ont agi de leur propre chef, pas du tout suite à un plan
2 concerté. La personne qui commande les troupes ne peut être responsable des
3 agissements de tous s'ils n'ont pas la capacité de les contrôler, parce
4 qu'il y a aussi ces individus qui ne sont pas nécessairement contrôlés qui
5 agissent de leur propre chef pour arriver à régler des vieux comptes, si je
6 puis dire. C'est ça le but à mon avis, c'est pour cela que tout ceci nous
7 est décrit.
8 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pour reprendre la position de Me
9 Kovacic, alors on est en train d'essayer de juger le viol du cuisinier, et
10 on s'explique en disant que l'oncle de la servante a été tué à un moment ou
11 à un autre. Mais ce n'est pas ça. Nous sommes en train de parler d'un crime
12 qui a été commis par un parti qui n'est pas impliqué dans l'affaire, --
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Non, mais tout ceci vous est donné pour
14 mieux comprendre le contexte historique parce que toutes les choses ne sont
15 pas arrivées comme ça par hasard dans l'abstrait. L'abstraction la plus
16 totale. Ça peut être important quand même pour ceux d'entre nous qui n'ont
17 pas cet historique, en tout cas pour ceux qui ont vécu cette période,
18 c'était encore à vif. C'était à fleur de peau, et la situation était prête
19 à exploser, et on vous donne toutes ces informations pour mieux comprendre
20 le contexte historique et pour mieux comprendre par la suite pourquoi des
21 individus de leur propre chef se sont livrés à ces agissements.
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ce qui m'inquiète c'est le chemin
23 que l'on prend. On s'éloigne de plus en plus des faits qui se trouvent dans
24 l'acte d'accusation, et plus on s'éloigne plus on parle et plus les faits
25 deviennent -- tout ceci s'étend.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Je comprends, c'est pour ça que Donia vient
27 pour nous parler du XVe siècle, je me demandais où nous étions et nous
28 allions, c'est vrai. Mais à l'époque personne ne m'a écouté.
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est du tu quoque, du véritable tu
2 quoque, Maître Karnavas, n'est-ce pas ?
3 M. KARNAVAS : [interprétation] Ecoutez, je prends ça comme un compliment.
4 M. KOVACIC : [interprétation] Une seule phrase suite à ce que j'ai déjà dit
5 et, bien entendu, je rejoins ce qui vient d'être dit par mon confrère.
6 Entre autres, ce cadre historique que mon confrère vient d'exprimer très
7 bien apporte une réponse à une question : qu'est-ce qui est dans l'esprit
8 des gens qu'on doit commander et contrôler ? C'est une situation de défense
9 très difficile, chaotique, et cetera, mais avant tout qu'est-ce qu'ils ont
10 à l'esprit ? Voilà.
11 Ma consoeur me suggère d'ajouter une phrase. Dans un dossier
12 classique de meurtre, entre autres il nous faut poser la question de mens
13 rea. Il faut savoir ce qui a entraîné ce meurtre pour qu'on puisse
14 apprécier la question de mens rea.
15 Q. Le général Praljak voulait ajouter quelque chose.
16 R. Nous viendrons plus tard à ce que je dois dire, à savoir des exemples
17 que je dois apporter, et ces exemples qui me permettront de démontrer que
18 tout cela doit être connu pour bien agir.
19 Voilà un exemple que vous avez vu, Messieurs les Juges, dans un de
20 mes documents de Rama, où je dis combien de militaires j'ai, et quelle est
21 la situation sur le plan général, et cetera, et j'ai dit que j'ai des
22 volontaires de la 5e Brigade de la Garde. Elle a été mise sur pied et a
23 fonctionnée en Slavonie orientale. Maintenant la question serait la
24 suivante : pourquoi la Croatie envoie des militaires, pourquoi on envoie
25 ceux de Slavonie ? Pourquoi elle n'envoie pas ceux de Split, Zadar, ou
26 Sibenik ? Pourquoi de
27 Slavonie ? Parce que c'est en Slavonie qu'il y avait beaucoup de
28 "folksdeutchers" qui eux ont été chassés. Leurs biens ont été pris, et des
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1 Hongrois en partie ont été chassés, c'est là qu'on a installé des
2 Monténégrins de régions arides, en partie des Herzégovins, des Serbes du
3 Kosovo, de 1948 à 1951.
4 On a tourné un film là-dessus, "Un train sans horaire." On embarquait
5 les gens et on les mettait dans des maisons. C'est pourquoi vous avez des
6 descendants de ces gens qui viennent d'Herzégovine et qui ont des noms de
7 famille herzégovins, c'était des volontaires qui sont venus combattre en
8 bas. C'est l'explication à la question qui est de dire, pourquoi, viennent-
9 ils de la 5e Brigade et non pas de la 4e qui elle est basée à Split. On sait
10 qu'il s'agit de descendants qui sont en Herzégovine depuis quelque temps et
11 qui ont des sentiments patriotiques.
12 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, je ne voudrais pas
13 vous arrêter pendant vous expliquez votre cause, mais j'aimerais ajouter ma
14 voix à celle du Juge Trechsel, nous vous demandons vraiment de vous
15 concentrer sur les faits; en fait l'acte d'accusation. Je sais que bientôt
16 nous allons aller en pause, mais j'ai quand même quelque chose à dire avant
17 la pause, tout ce que vous nous racontez est très intéressant, tous ces
18 détails historiques sont passionnants, je ne suis pas seulement juriste
19 international, je suis aussi historien donc tout ceci m'intéresse; j'ai
20 toujours été très proche du sort de votre pays et de l'histoire de l'Europe
21 centrale. Mais je répète, je réitère ce qui a déjà été dit, veuillez vous
22 concentrer sur l'acte d'accusation, parler de l'acte d'accusation et de ce
23 qui est dans l'acte d'accusation, nous ne sommes pas ici pour faire un
24 colloque sur l'histoire en général et surtout l'histoire de l'ex-
25 Yougoslavie, cela ne nous mène à rien.
26 Nous perdons du temps. Vous perdez votre temps, surtout, temps qui
27 pourrait être utilisé à bien meilleur escient. La Chambre de première
28 instance, et je parle bien de tous les Juges, n'est pas contre le fait que
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1 vous présentiez votre cause autant que vous le vouliez. Mais nous
2 considérons vraiment que vous pourriez vous y prendre autrement. On n'est
3 pas là pour écouter une leçon d'histoire. Ceci est parfaitement contre-
4 productif et ne vous sert pas à grand-chose.
5 Je vous remercie.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Les Juges se sont exprimés, et je dois
7 aussi m'exprimer. Et là, je serai sur un positionnement différent que je me
8 dois d'expliciter afin qu'il n'y ait pas d'incompréhension.
9 Dans l'acte d'accusation qui est reproché à l'accusé, il y a deux chefs de
10 responsabilité tirés de l'article 7(1), et 7(3) du Statut. Comme tout le
11 monde le sait, l'article 7(1) vise principalement à imputer une
12 responsabilité à un individu qui aurait ordonné, commis, et on rentre
13 évidemment dans la théorie de l'entreprise criminelle commune des crimes.
14 L'article 7(3), lui, concerne plus précisément la responsabilité du
15 supérieur hiérarchique qui n'aurait pas fait le nécessaire pour éviter les
16 crimes. L'accusé Praljak doit donc répondre de ces deux chefs de
17 responsabilité.
18 Si je comprends bien la théorie de la Défense, mais qui vaut d'ailleurs
19 pour tous les accusés, il y a au niveau de la Défense une contestation de
20 la responsabilité au titre du 7(1), et notamment au titre de l'entreprise
21 criminelle commune. La Défense conteste l'existence même d'une entreprise
22 criminelle commune quelconque. Si j'ai bien compris de la part de la
23 Défense, il y a donc des crimes qui ont été commis, ce que ne semble pas
24 contester le général Praljak dans certains cas, mais que si ces crimes ont
25 été commis, c'est pour d'autres raisons que celles tirées de l'entreprise
26 criminelle commune.
27 Ce seraient des crimes qui auraient été commis soit pour se venger de
28 ce qui a pu se passer antérieurement dans l'histoire, d'où ce document
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1 établi par M. Tomislav Djonlic, qui permettrait de comprendre les
2 mécanismes au niveau du mens rea des auteurs des crimes, soit les crimes
3 commis n'auraient rien à voir avec l'histoire, mais pourraient, comme dans
4 Stupni Do, être le fait de soldats qui voulaient se venger de la mort de
5 leurs camarades tués quelques jours, quelques semaines auparavant. Voilà.
6 En quelques instants, j'ai résumé la position des uns et des autres.
7 En tant que Juge pénaliste qui ai derrière moi des décennies de
8 procès pénaux, une infraction doit être caractérisée par l'actus reus et le
9 mens rea. Donc, le Juge pénal doit au niveau du mens rea rechercher si
10 l'accusé avait l'intention de commettre des crimes et caractériser cette
11 intention. Tout le débat est là. Voilà ce que je tenais à dire sur cette
12 question qui est très importante, puisqu'on est, nous en tant que Juges, à
13 la frontière de la théorie du Procureur étayée dans son acte d'accusation
14 et de la théorie de la Défense étayée par tout ce qui a été dit, par tous
15 les éléments de preuve et par les documents qu'on nous met sous les yeux.
16 En tant que Juge impartial ne prenant partie ni pour la théorie de
17 l'un ni pour la théorie de l'autre, je me dois en tant que Juge pénaliste
18 d'examiner à la loupe ce que la Défense me présente, et je ne peux pas en
19 mon âme et conscience écarter d'un revers de main des éléments qui me sont
20 présentés. Je peux le faire quand j'estime que ça n'a aucune pertinence et
21 qu'on perd son temps, mais je ne peux pas quand il y a des documents tels
22 que j'ai, le document sous les yeux, dire que ceci n'a aucun intérêt.
23 Voilà ce que je tenais à dire pour que ça soit au transcript.
24 Il est 6 heures moins quart. Nous allons faire la pause, mais je donne la
25 parole à mon collègue.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, excusez-moi. Ce que le
27 Président vient de dire pourrait être mal compris, comme si ça voulait dire
28 que les autres Juges de la Chambre sont d'un avis différent ou manquent
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1 d'impartialité ou n'ont pas d'expérience en droit pénal. Ce n'est sûrement
2 pas le cas. Moi, je ne vois aucun inconvénient à cette démarche. Je suis
3 tout à fait d'accord. C'est simplement que nous avons peut-être des
4 différences d'opinion quant à la pertinence de ce qui nous est soumis ici,
5 c'est-à-dire qu'il y a une distance entre le fait historique dont on
6 discute et l'acte d'accusation. Et c'est là peut-être, s'agissant de cette
7 distance, qu'il n'y a pas nécessairement conformité ou coïncidence de
8 points de vue, mais sur le principe, il n'y a aucune différence quant à
9 notre démarche.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] En quelques mots, pour bien enfoncer le
11 clou, à Kalabrita, pratiquement tous les habitants de la ville avaient été
12 tués par les Nazis qui se sont vengés de ceux qui avaient attaqué les Nazis
13 à l'époque. Si vous alliez dans cet endroit aujourd'hui, je peux vous le
14 garantir, l'incident est toujours aussi vif que le jour où il s'est passé.
15 S'il y avait une autre guerre, si des soldats allemands se retrouvaient sur
16 ce sol, je peux vous le dire, ceux qui ont survécu, c'est eux qui sont les
17 enfants des gens qui ont connu ça. Ils ne ménageraient pas leurs efforts
18 pour se venger. Je ne dis pas que c'est justifié. Je dis simplement qu'ici,
19 on est en face de certains faits historiques qui sont très bruts, très vifs
20 et à fleur de peau. On vit dans un monde très sophistiqué, peut-être que
21 tout le monde ne pense pas comme nous, malheureusement. C'est simplement ce
22 que je voulais dire.
23 Merci beaucoup de votre compréhension, Messieurs les Juges.
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Tout ce que j'ai dit, je ne l'aurais
25 pas dit si on avait parlé de crimes commis par des Musulmans sur les
26 Croates. Mais ici, on parle de crimes commis par des Serbes. C'est ça que
27 je trouve, c'est un peu éloigné, pour vous montrer la différence, comme je
28 la vois.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il est 6 heures moins dix, 6 heures moins le
2 quart, en fait, 6 heures moins dix. Nous allons faire 20 minutes de pause,
3 et nous reprendrons avec les questions de Me Kovacic.
4 --- L'audience est suspendue à 17 heures 48.
5 --- L'audience est reprise à 18 heures 11.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
7 Maître Kovacic, pour éviter des problèmes, je crois qu'il y a un
8 problème qui est lié à la technique des questions, je pense que tous les
9 Juges aimeraient connaître quel est le but de présenter un document. Donc
10 dans le cas d'espèce, si vous aviez procédé de la manière suivante, je
11 pense qu'on aurait évité tout problème. Vous auriez pu demander à M.
12 Praljak : est-ce vous qui avez demandé à cet historien de faire ce travail
13 ? Il aurait répondu oui. Vous lui auriez demandé mais pour quelle raison
14 avez-vous voulu qu'il fasse un travail historique. M. Praljak aurait
15 répondu, parce que je veux démontrer que le passé historique a pu avoir une
16 influence sur certains soldats lors de certaines opérations. Et à ce
17 moment-là, vous lui auriez dit, est-ce que vous avez des exemples à citer ?
18 Lui, il aurait peut-être cité des exemples, et cetera. Alors vous auriez pu
19 enchaîner en lui disant, pourquoi vous voulez mettre en évidence la
20 question du passé historique ? Et là, il aurait dit que c'est pour montrer
21 le rôle de la vengeance parfois. Et alors vous lui auriez dit, mais
22 pourquoi la vengeance ? Parce que là, à ce moment-là, il aurait dit, c'est
23 pour dire que ce n'est pas dans le cadre d'une entreprise criminelle
24 commune que certains ont commis des crimes, mais dans un autre cadre.
25 Et à ce moment-là, vous aurez embrayé en lui disant, mais est-ce que
26 vous avez des exemples, et cetera. Comme ça, les Juges auraient compris.
27 Sinon, c'est vrai que quand on voit ce document qui est très important avec
28 des tas de références d'articles, la première réaction qu'on peut avoir : à
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1 quoi ça sert ? D'autant que tous les sujets quasiment on les a déjà évoqués
2 et on en a déjà parlé.
3 Essayez de réfléchir de quelle manière vous pouvez nous aider pour
4 nous faire comprendre ce que vous voulez démontrer. Et comme ça, tout le
5 monde comprendra. Et comme l'ont dit mes deux collègues, nous, tout ce que
6 nous demandons, c'est de comprendre, d'avoir un maximum d'éléments pour
7 nous permettre de saisir le problème et pour délibérer après sereinement.
8 De ce point de vue, il n'y a aucune divergence entre les Juges qui tous à
9 leur niveau, les quatre Juges oeuvrent pour la manifestation de la vérité.
10 M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'accepte
11 entièrement vos instructions.
12 Vous savez qu'une partie du problème c'est le temps, et M. Praljak
13 sait comment les témoins ont témoigné, quelles sont les choses dont ils ont
14 discuté, et j'ai estimé qu'en posant des questions directes, sans couper
15 par outre mesure, que je pourrais gagner du temps. Or, je n'y arrive pas,
16 c'est évident, et il y a des débats qui en découlent par la suite. Donc je
17 vais m'efforcer de le faire. Allons de l'avant.
18 Q. Mon Général, afin d'établir un lien entre la théorie et le comportement
19 pratique sur le terrain, pourriez-vous nous dire si vous vous souvenez d'un
20 exemple ou d'une situation où vous jugeriez que vous avez entravé la
21 perpétration d'un crime, et ce, notamment grâce à vos connaissances, à
22 votre éducation en matière d'histoire et en sociologie ? Donc vous auriez
23 peut-être pu anticiper une situation de perpétration d'un crime et vous
24 auriez envisagé certaines séquelles, raison pour laquelle vous avez été à
25 même d'empêcher la chose. Vous souvenez vous d'une situation de ce genre ?
26 R. Oui. Messieurs les Juges, d'abord je voudrais vous dire que la plupart
27 des renseignements figurants dans le livre rédigé par Djonlic en
28 concertation avec moi - il a accompli une bonne partie des tâches
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1 techniques notamment - jamais jusqu'à la chute du communisme il n'y a eu
2 présentation publique de la chose en Yougoslavie. C'était des données
3 plutôt secrètes.
4 Jamais en Yougoslavie on osait parler ni de Blajburg, ni --
5 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi. Nous faisons objection, le
6 témoin ne répond pas à la question qui lui a été posé.
7 M. KOVACIC : [interprétation] Je pense que le général Praljak a le droit de
8 faire une phrase ou deux en guise d'introduction. Il cherche à placer les
9 choses dans le contexte, et il me semble que l'intervention de mon confrère
10 est prématurée.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je voulais faire une brève introduction.
12 J'affirme qu'il est normal, par exemple, le Général Petkovic ou Nika, elle
13 a entendu parler de Blajburg en 1990. C'était un sujet tabou. On ne devait
14 pas en parler. On ne devait pas le faire savoir, on ne devait pas dire
15 combien de personnes à l'étranger ont été tuées par les services secrets
16 yougoslaves.
17 Et en 1992, par exemple, il y a un évènement où je me trouvais être
18 commandant en Herzégovine du sud-ouest et où nous étions censés nous
19 emparer de la caserne à Capljina, la caserne de la JNA à Capljina. La
20 Bosnie-Herzégovine se trouvait déjà être reconnue comme Etat, et l'armée
21 populaire yougoslave était une puissance armée étrangère dans ce pays-là.
22 Il y avait des combats en cours et nous avons eu dans une seule unité
23 quatre morts et 17 blessés.
24 A un moment donné, j'étais à ce moment-là en train de négocier avec le
25 général Perisic, je vais sauter tout cela, mais à un moment donné, lui,
26 avec toutes les armes qu'il avait, il avait pilonné Capljina et les sites
27 autour de la caserne, et il y a eu une attaque, un assaut à l'hélicoptère
28 et il a fait sortir beaucoup de gens de cette caserne. Mais il est resté
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1 quand même 30 soldats de la JNA à l'intérieur de la caserne. A un moment
2 donné, je ne veux pas vous donner la date, mais ces gens-là se sont rendus
3 au matin.
4 Et là je voudrais qu'on passe à huis clos partiel parce que je me
5 propose de citer des noms.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, huis clos.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
8 Monsieur le Président.
9 [Audience à huis clos partiel]
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6 [Audience publique]
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors c'était des gens qui, ayant travaillé en
8 Allemagne, s'étaient fait de l'argent.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président. Nous
10 sommes de nouveau en audience publique. Merci.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors je disais, ces gens avaient acheté un
12 autocar qui coûtait 200 à 250 000 marks allemands, et ils transportaient
13 les gens travaillant à l'étranger jusqu'à Duvno, Livno, Siroki Brijeg et
14 que sais-je. Alors je n'ai pas de loi qui me permettrait de confisquer cet
15 autobus. Je ne pouvais pas le lui saisir. Je peux le prier. Il pourrait
16 être bombardé et il risquerait de perdre son autocar, je ne peux lui
17 garantir rien du tout. Et c'était son pétrole en plus, son diesel. Et donc
18 quand je m'attendais à une réponse, il y avait ces deux jeunes gaillards
19 qui étaient haineux et qui voulaient tuer tout le monde.
20 Alors, comment les stopper ? Il n'y avait pas d'autre moyen que de vous le
21 montrer. Il faut que je sois plus bestial qu'eux. Donc je m'étais dit que
22 s'ils se lançaient, il faut que je tue le premier, il faut que j'aie des
23 flammes dans mes yeux. Ce n'est pas un entretien d'homme civilisé à homme
24 civilisé.
25 Et il y en avait un qui s'est pointé, j'ai sorti mon pistolet et je lui ai
26 mis le canon dans la bouche. J'avais les yeux écarquillés et j'étais prêt à
27 tirer. Bien sûr, devant toute cette passion, et si vous voulez, je peux
28 vous le montrer, vous allez avoir le sang glacé, vous allez voir qu'il faut
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1 que vous ayez l'aspect d'une bête sauvage. Et quand ils ont vu ça, ils se
2 sont arrêtés. Et je les ai mis de côté, je les ai écartés.
3 J'ai fait monter les gens à bord de l'autobus. Bien sûr, la première des
4 choses à faire, étant donné qu'il y avait au fil de toute l'histoire plein
5 d'antagonismes, je les ai fait passer en Croatie, et je les ai fait emmener
6 à Metkovic, et c'est ainsi que je les ai sauvés.
7 Alors si je m'étais comporté de façon strictement militaire, il y avait des
8 prisonniers, il y avait des jeunes gars qui représentaient la police
9 militaire, moi, j'étais général, j'avais donné des ordres et je pouvais
10 aller vaquer à mes affaires, donc ces gens-là ou une bonne partie de ces
11 gens-là auraient été tués.
12 Je vais vous donner d'autres exemples ultérieurement, mais du fait de
13 connaître les faits historiques et du fait d'avoir étudié la psychologie
14 sociale pendant deux semestres, ça m'a permis d'anticiper de façon autre
15 les choses.
16 Vous allez pouvoir entendre les témoignages de ces gens-là, et les
17 noms que je vous ai évoqués, je vais vous dire comment ça s'est passé. Il y
18 en a un qui me dit, que vais-je faire ? Alors je lui dis, écoute, mon cher,
19 soit a, je te fais passer de l'autre côté vers les Serbes, ou alors b, tu
20 vas en Croatie, ou c, tu vas vers des pays tiers, ou alors, rejoins les
21 rangs du HVO. C'est les tiens. Tu vis là, dans cette région. Il est parti
22 au HVO, il est devenu capitaine et il a spécialisé par la suite avec un
23 coup de main de ma part. Il vit, il travaille et il a des enfants. C'est la
24 raison pour laquelle j'ai voulu intervenir de la sorte.
25 J'affirme que si ces jeunes gars qui s'appelaient la police militaire
26 avaient pris les choses en main, ils n'auraient pas eu la force de
27 s'opposer, parce que la volonté, le désir ardent de ces vengeurs était plus
28 fort que leur volonté de s'y opposer. Et moi, je m'y suis opposé et je vais
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1 vous donner des dizaines d'exemples de ce type. C'est ce type de guerre que
2 nous avons eu là-bas, et c'est la tentative que j'ai effectuée. Et je ne
3 veux pas par là, Messieurs les Juges, vous jouer du tra-la-la.
4 Il faut qu'on comprenne bien les choses. Voilà, c'est le récit.
5 Mais si voulez voir quel est l'aspect de l'homme qui doit s'opposer avec la
6 volonté d'autrui de tuer, je vais vous le montrer, et vous allez voir que
7 ça n'a rien à voir avec le comportement d'un homme civilisé. Il faut que
8 vous soyez une bête féroce, et encore, c'est peu dire. Voilà comment les
9 choses doivent être surmontées et je l'ai fait de la sorte.
10 Q. Je vous remercie de ce descriptif, je crois que la démonstration est
11 claire. Mais une question se pose à moi. S'agissant de l'incident que vous
12 venez de nous décrire avec le détail dramaturgique nécessaire, vos
13 connaissances en matière de théâtre et de la nature humaine vous ont-elles
14 aidé aussi ?
15 R. Oui, bien sûr. J'aurais pu être moins en colère et que ça paraisse plus
16 dangereux encore, mais peu importe. Il faut que vous vous placiez dans une
17 situation où vous vous diriez que vous êtes capable de tuer pour empêcher
18 que cet homme ne tue d'autres personnes. Et là, vous vous dites que vous
19 allez peut-être, vous allez probablement vous arrêter au dernier
20 millimètre, mais ce n'est pas sûr, parce que c'est un moment de rupture où
21 vous n'êtes pas tout à fait certain du fait de savoir si l'instinct va
22 maîtriser l'esprit ou l'esprit va maîtriser l'instinct, ou alors vous allez
23 le faire vous n'allez pas le faire. Autre chose qui se poserait comme
24 question, et les Juges vont peut-être me poser la question aussi, qu'ai-je
25 fait de ces deux gaillards ? Rien -- oui, je vais ralentir. Je n'ai pas le
26 temps de m'occuper d'eux, j'aurai été chargé de les désarmer. Mais voyez-
27 vous j'ai remporté une victoire, si je m'étais aventuré à les désarmer, je
28 ne savais pas d'où ils venaient, ce n'étaient pas des gens de là-bas. Je ne
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1 suis pas sûr que la victoire était complète, ils auraient pu peut-être
2 refuser de rendre leurs armes, et si là, là peut-être j'aurais dû tirer et
3 j'aurais perdu l'avantage que je me suis fait dans cette espèce de
4 règlement de compte avec la haine dont ils faisaient preuve.
5 J'ai remporté une victoire à ce moment-là. J'ai quand même gardé 30
6 personnes vivantes. J'ai trouvé un autobus et ce n'était pas facile, j'ai
7 quand même réussi à faire sortir ces gens à l'extérieur d'un territoire où
8 ils pouvaient périr.
9 Bien sûr, oui, en vouloir plus, oui, peut-être aurais-je pu les
10 capturer, les désarmer, les traduire devant la justice, mais ce n'était pas
11 possible à ce moment-là.
12 Q. Merci. Pour changer maintenant de sujet.
13 Au cours des deux ou trois derniers jours, Général Praljak, vous avez dit à
14 plusieurs reprises, directement ou de façon implicite, que dans toutes les
15 parties de la Bosnie-Herzégovine -- à partir de toutes les parties de la
16 Bosnie-Herzégovine sont menées des opérations d'agression dirigées contre
17 la Croatie. Nous allons nous reporter à des ouvrages d'auteurs qui ont
18 participé justement de l'autre côté pour voir ce qu'était leur propre plan,
19 ce qu'eux-mêmes ont déclaré.
20 Pouvez-vous vous reporter à la pièce 3D 02654, c'est une pièce séparée et
21 il y a là des pages qui sont -- 3D 03541, donc les numéros de ces pièces
22 sont 3D 02654 et 3D 03541. L'auteur est Nebojsa Jovanovic. Le titre est
23 "Avançons vers Zagreb." Il s'agit des réservistes serbes et d'un journal en
24 "Compagnie des réservistes serbes," c'est le sous-titre de l'ouvrage.
25 J'attire votre attention là-dessus parce que nous avons vu précédemment
26 comment des attaques étaient menées contre les villes croates.
27 R. Je vois que cela a été édité en 2001 ou 2002. L'éditeur, M. Pavicic,
28 qui est mon ami, s'est adressé à moi. Il m'a demandé si au sein du Club des
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1 écrivains croates j'étais disposé à présenter l'ouvrage d'un écrivain serbe
2 qui s'appelle Nebojsa Jovanovic. J'ai répondu pourquoi pas, mais je
3 souhaite pouvoir lire ce livre. Il me l'a donné à lire, je l'ai lu. Ce
4 n'est pas une littérature qui présenterait vraiment de l'intérêt, mais
5 c'est écrit de façon honnête, c'est de la prose de guerre qui nous montre
6 le déroulement des événements, et Pavisic m'a expliqué qu'il avait
7 rencontré ce jeune homme à Francfort le 12 octobre 2001, et qu'il était
8 historien. Ils ont eu une conversation. Pavicic lui a demandé, est-ce que
9 vous nous avez pilonnés ? Il a répondu oui. Où ça, à Vukovar ? Non, à
10 Karlovac. Est-ce que vous avez pilonné Zagreb, lui a-t-il demandé, il a
11 répondu, oui. Y compris le palais présidentiel ? Il a répondu oui,
12 également. Afin de sauter l'ensemble de cette histoire, il lui a dit à la
13 fin qu'il n'a pas écrit au sujet du pilonnage du palais présidentiel parce
14 qu'autrement il n'aurait pas pu publier son ouvrage et que même ainsi il
15 avait eu des difficultés.
16 Je me rappelle cette anecdote intéressante, parce que c'est le moment où
17 Janisa Kostelic a remporté quatre médailles de ski à Salt Lake City, et il
18 y a eu beaucoup de gens qui se sont rassemblés sur cette place. C'est alors
19 que Nebojsa Jovanovic et moi étions allés prendre un café à l'époque et je
20 lui ai répondu c'est à cause de toi, parce que tu es arrivé de Belgrade.
21 Donc en page 15, il écrit la façon dont les Serbes ont été mobilisés. En
22 page 16 ou plutôt 17, ce qui est important, c'est que la question de savoir
23 combien ils étaient, il répond environ 4 300 dans cette brigade
24 d'infanterie. On demande est-ce que vous partiez en direction de la
25 Croatie, il répond oui, on se dirige vers la Croatie.
26 Puis en page 18 il parle de la façon dont ils ont parcouru une
27 cinquantaine de kilomètres par le chemin, par la route de Sabac, c'est
28 encore en Serbie, et d'autres parties de la Serbie.
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1 Puis nous avons la page 26, c'est le 3D 33166, et il a explique qu'un
2 lieutenant-colonel et un major ont été envoyés d'urgence de Novi Sad,
3 qu'ils ont découvert que ces deux personnes avaient été présentes au cours
4 des événements en Slovénie, et que l'un d'eux avait même été blessé à cette
5 occasion, que tous deux avaient pris part à la guerre en Slovénie.
6 La page suivante, il dit que c'était avant l'aube, que tous les
7 préparatifs en cours avaient été faits pour se mettre en route en direction
8 de Croatie.
9 C'est la référence 3D 331867, et il dit que à ce moment-là, ils sont
10 déjà passés en Bosnie-Herzégovine, ils ont passé la clôture métallique sur
11 la Drina, ils sont passés en Bosnie-Herzégovine autour de ces montagnes
12 environnantes qui sont très élevées, et il affirme, nous étions gênants
13 pour les "bulas" qui est un terme péjoratif pour désigner les Musulmans. Il
14 fait état ici de cette anecdote où l'un deux fait des clins d'œil à une
15 femme "bula" et il l'insulte et lui adresse des propos insultants du type
16 "nique ta mère turque."
17 Ensuite à la page suivante, page 88, il dit qu'ils ont déjà parcouru
18 300 kilomètres, qu'ils ont fait le plein d'essence, et que leur colonne
19 poursuit son chemin et puis ensuite quelqu'un lui dit qu'à Kostajnica il
20 n'y a plus de danger. Kostajnica c'est une ville en Croatie.
21 M. STRINGER : [interprétation] Je suis désolé, mais est-ce que nous
22 sommes sur la pièce 3D 03541 ou la 3D 02654 ?
23 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Les deux numéros pour les mêmes je
24 crois dans mon classeur.
25 M. STRINGER : [interprétation] Parce que moi je travaille à partir de ce
26 qui est dans le prétoire électronique, dans l'e-court, mais je ne trouve
27 pas le document dans le système. Le numéro 3541, je ne le trouve nulle
28 part.
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1 M. KOVACIC : [hors micro]
2 M. STRINGER : [interprétation] Ce n'est pas là, je ne le trouve pas.
3 M. KOVACIC : [interprétation] On a le 3D 03541.
4 M. STRINGER : [interprétation] Très bien. Pourrais-je avoir le numéro de la
5 page et le numéro de la pièce, sa cote ? Parce que je ne vois vraiment pas
6 de quel document on parle.
7 M. KOVACIC : [interprétation] Je pense que nous avons des copies
8 supplémentaires en papier, et en anglais qui plus est.
9 Le général Praljak a commencé à partir de la page de la version
10 anglaise. Non, nous n'avons pas de document papier, je suis désolé, je me
11 suis trompé. Nous avons tout envoyé. Si ça peut vous aider le général
12 Praljak a commencé dans la version anglaise à partir de la pièce 3D 401654.
13 M. STRINGER : [interprétation] Il n'y a pas de traduction pour cette pièce
14 qui finit par 3541.
15 M. KOVACIC : [interprétation] Nous avons tout communiqué. Vendredi ils
16 avaient la liste. On va vous prêter notre classeur. On a tout communiqué et
17 tout est dans le système.
18 M. STRINGER : [interprétation] Il n'y a pas de traduction de la pièce qui
19 finit par 3541 dans le prétoire électronique.
20 M. KOVACIC : [interprétation] On peut vous prêter notre classeur. Un grand
21 nombre de pages ont été communiquées vendredi à l'Accusation.
22 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous travaillons à
23 partir de l'e-court avec tous ces documents, parce que nous ne voulons pas
24 être inondé de papier. Si les documents et leur traduction ne sont pas dans
25 l'e-court, pourtant un critère nécessaire, dans ce cas nous allons soulever
26 une objection.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, 3541 c'est dans l'e-court ou pas, a
28 priori oui, puisque à l'écran --
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1 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite
2 simplement dire que c'est il y a cinq minutes à peine que j'ai extrait de
3 l'e-court la version croate et la version anglaise de chacun des deux
4 ouvrages. Peut-être que le commis aux affaires du Procureur pourrait porter
5 assistance à mon estimé confrère pour qu'il retrouve ces mêmes versions. Je
6 les ai devant moi qui s'affichent.
7 M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je sais que c'est dans
8 l'e-court parce que mes collaborateurs me l'ont dit et je l'ai vérifié en
9 personne. Voilà maintenant ça s'affiche à l'écran.
10 M. STRINGER : [interprétation] On a qu'à poursuivre. Je vais m'enquérir
11 auprès de ma commise aux affaires. Je ne sais pas si ça a été communiqué ou
12 pas. En tout cas, on n'a pas la traduction. On voit le document dans sa
13 version originale mais n'a pas la traduction dans l'e-court. Peut-être que
14 c'est en train d'être téléchargé. Peut-être que ça mis un petit peu à être
15 téléchargé. Je ne sais pas si ça va être un problème si ça met autant de
16 temps.
17 M. KOVACIC : [interprétation] Mais je le vois là tout de suite. Je le vois
18 en anglais sur l'e-court. Alors est-ce qu'on travaille avec le même
19 système, oui ou non ? Cela dit, ce n'est pas grave, on peut vous donner un
20 classeur. On a un classeur on peut vous le fournir. Ce n'est pas du tout un
21 problème. Si vous voulez ce document nous serons ravis de vous prêter le
22 classeur en anglais.
23 M. STRINGER : [interprétation] Tout à fait. Tout à fait. Parce que vraiment
24 je ne sais pas ce qui se passe, c'est un problème avec le système. Peut-
25 être que c'est disponible pour la Défense mais pas encore communiqué à
26 l'Accusation, je ne sais pas. Mais en tout cas, ce qui est certain c'est
27 que nous n'avons pas la traduction en anglais dans le système électronique.
28 M. KOVACIC : [interprétation] Comment ça se fait que le Greffier l'ait ? On
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1 travaille tous avec le même système pourtant.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je tiens à dire pour le compte rendu que
3 je n'ai que la version originale de la pièce 3D 3541. Je n'ai pas de
4 traduction.
5 M. KOVACIC : [interprétation] Mais nous on l'a, on voit la page en anglais
6 dans notre système à nous.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, pour des questions techniques il
8 faut nous indiquer précisément le numéro de la page de la traduction du
9 livre, pour que nous puissions l'intégrer si c'est nécessaire dans le
10 jugement. Deuxièmement, il y a également un autre problème de date. Ce
11 soldat serbe, Monsieur Praljak, il parle de quelle époque, 1992, 1993 ?
12 Quelle époque ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'automne 1991, Monsieur le Président.
14 M. KOVACIC : [interprétation] On voit dans le texte.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Automne 1991. Bien.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est l'automne 1991. Page 46 en croate,
17 3D 331870. Il dit, à Prijedor j'enlève ma chemise, et il m'arrose jusqu'à
18 la ceinture. C'est lui qui pose la question, il explique à Hasan, celui est
19 à côté du camion. Je tiens uniquement à dire qu'ils sont près de Prijedor
20 en Bosnie-Herzégovine, et que c'est auprès de Hasan qu'il se lave. Ce n'est
21 pas une situation de guerre en Bosnie-Herzégovine du tout.
22 M. KOVACIC : [interprétation]
23 Q. Un instant, s'il vous plaît, Général Praljak. Page anglaise 3D
24 401657. C'est la page que je signale pour la traduction.
25 [Le conseil de la Défense se concerte]
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, on a un document d'un soldat
27 serbe qui raconte ce qu'il a fait. Bon, très bien. Maintenant posez la
28 question à M. Praljak pour mettre en évidence ce que vous voulez démontrer,
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1 parce que là pour le moment je ne vois pas du tout où vous voulez aller.
2 J'ai écouté avec attention tout ce qui a été dit mais moi ce qui m'importe
3 c'est quelle démonstration vous voulez faire.
4 M. KOVACIC : [interprétation] Précisément j'allais y venir. Le général
5 Praljak voulait simplement parcourir en diagonale le texte pour qu'on
6 puisse nous tirer nos conclusions.
7 Q. Général Praljak, vous venez de nous donner lecture de quelques
8 paragraphes intéressants, mais quel est le message que nous envoient ces
9 récits ? Qu'est-ce que vous en avez conclu ?
10 R. Que la JNA non seulement par ses forces agissantes mais également de
11 par la mobilisation en Serbie transporte ses hommes en passant par la
12 Bosnie-Herzégovine sans aucun problème, sans aucune résistance, aucune
13 entrave, et les emmène en Croatie près de Karlovac dans la Banja pour
14 qu'ils combattent près de Gornji Vidusevac qui se situe tout près de Sunja.
15 Peut-être que cet homme se trouvait être mon adversaire là-bas également.
16 Je tiens à illustrer mon propos. Premièrement il s'agit d'une guerre
17 des Serbes contre les autres; et deuxièmement, la Bosnie-Herzégovine à
18 l'époque s'était déjà dotée de son Parlement, avait son président de la
19 présidence, et cetera, tout simplement n'a pas bougé du petit doigt pour
20 empêcher l'agression contre la République de Croatie, agression menée
21 depuis son territoire.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, ce que vous dites nous le savons. Enfin, nous
23 le savons parce que ça déjà été dit, à savoir qu'Izetbegovic avait dit ceci
24 n'est pas notre guerre. Très bien. Mais à l'automne 1991, sur le plan de
25 l'Etat, l'Etat reconnu par la communauté internationale à l'époque c'est la
26 Yougoslavie. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est donc la Yougoslavie. D'après vous, est-ce que
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1 l'appareil de l'Etat yougoslave en 1991 avait le droit de déplacer ses
2 troupes au travers des républiques ? Pour vous faire comprendre, prenons le
3 cas des Etats-Unis, est-ce que le président des Etats-Unis a le droit de
4 faire déplacer ses troupes à travers tous les Etats des Etats-Unis ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Le président américain, Monsieur le Président,
6 a ce droit tout à fait. Mais le président américain ne peut pas déployer
7 ses troupes pour attaquer la Pennsylvanie. Là, la Croatie venait de
8 déclarer sa souveraineté, elle l'a déjà fait, et c'est l'expression de la
9 volonté du peuple, et la Bosnie-Herzégovine l'a fait.
10 La reconnaissance internationale, quant à elle, ce n'est pas une
11 reconnaissance céleste. La Bosnie-Herzégovine avait son Parlement, à ce
12 moment-là, avait son caractère d'étaticité, avait son gouvernement et donc
13 du moins formellement, par la voie des déclarations, pouvait résister à ce
14 que des forces la traversent qui vont attaquer un autre Etat. Donc la
15 Croatie est un Etat de par la volonté de son peuple, et puis en fin de
16 compte, tout autre Etat peut choisir s'il veut la reconnaître ou pas.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, ce que vous dites est intéressant.
18 Je ne vais pas citer des cas actuels pour ne pas donner lieu à une
19 quelconque polémique. Mais prenons aujourd'hui un Etat X et une partie de
20 cet Etat X, il y aurait un territoire Y qui fait partie de l'Etat X qui se
21 déclare indépendant, parce qu'ils réunissent les politiques du coin et ils
22 s'autoproclament indépendants. D'après vous, est-ce que l'Etat X serait en
23 droit d'intervenir pour faire respecter l'Etat X en envoyant des troupes
24 contre ceux qui se sont autoproclamés indépendants ?
25 Je pourrais citer des cas précis, mais je préfère ne pas le faire. Je
26 reste sur des hypothèses X, Y.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il peut le faire, Monsieur le Président,
28 l'Etat peut le faire sur son territoire, mais la Yougoslavie c'est un Etat
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1 fédéral qui se compose d'Etats constitutifs, et d'après la constitution,
2 ils ont droit à l'étaticité, et aussi ils peuvent choisir d'exercer leurs
3 droits, allant de l'autodétermination jusqu'à la sécession. Et on ne peut
4 pas contester la jouissance de ce droit. Donc nous sommes entrés dans cette
5 Yougoslavie avec certaines conditions. Les partisans sont rentrés dans la
6 Yougoslavie suite aux décisions de l'AVNOH et du ZAVNOH. Donc ils ont
7 déclaré, voilà, nous allons créer cet Etat, nous allons jouir de notre
8 droit, et avec le temps, ce droit s'est un petit peu effacé. Mais après de
9 grandes révoltes, on l'a fait revivre le droit des peuples à choisir
10 l'autodétermination jusqu'à la sécession. Dans les années '70, il y a eu
11 beaucoup de contestations. La Macédoine, la Slovénie, la Croatie, la
12 Bosnie-Herzégovine, sont les Etats qui ne l'ont pas contesté. Seule la
13 Serbie a contesté ce droit.
14 Donc au moment où on attaque ces Etats, pour des raisons que je peux
15 expliquer, parce que Alija Izetbegovic s'est dit qu'il allait se maintenir.
16 Je ne veux pas dire de mal de lui, ce sont des appréciations politiques, je
17 ne juge pas. Il savait quelle était leur puissance, il était très
18 impressionné par ça. Il avait peur pour son peuple, mais le fait est que
19 ceux qui sont attaqués depuis son territoire le perçoivent différemment. Et
20 en fin de compte ils disent, mais pourquoi vous n'avez pas résisté,
21 pourquoi vous ne vous êtes pas opposés ? Vous avez vu que les citoyens de
22 Zagreb se sont opposés. Vous verrez, il y a eu un mort et je suis dans la
23 foule.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour résumer ce que vous dites, pour que je
25 comprenne bien et vous direz si j'ai bien compris ou pas.
26 Vous dites que la JNA n'avait pas le droit d'aller en Croatie en traversant
27 la Bosnie-Herzégovine parce que la constitution fédérale et la constitution
28 des Etats permettaient à une République comme celle de la Croatie de
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1 s'autoproclamer, et que donc ça a empêché le pouvoir fédéral, via la JNA,
2 d'intervenir en Croatie. Est-ce que j'ai bien résumé ce que vous venez de
3 dire ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Exact. L'armée populaire yougoslave n'aurait
5 dû attaquer ni la Slovénie, ni la Croatie après la proclamation de leur
6 indépendance en tant qu'expression de leur peuple. Ce sont des unités
7 constitutives de la Yougoslavie qui ont fait part de leur souhait de se
8 séparer de la fédération. La JNA aurait pu y rester, comme l'armée russe
9 est restée en Allemagne de l'est pendant des années, elle était rémunérée,
10 ce n'était pas un problème qu'un tel nombre d'hommes restent sur place, les
11 officiers, et cetera. Mais pas l'agression. L'agression, c'est la volonté
12 exclusive d'étendre la Serbie jusqu'à Virovitica, et cetera. C'est un autre
13 plan. Et d'après tout ce que j'en sais, ce n'est pas autorisé, ce n'est pas
14 permis.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur des sujets compliqués, on peut faire court en
16 faisant un effort de synthèse.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé, je dois dire que je
18 suis assez surpris d'entendre que la fédération dans sa constitution a une
19 clause qui permet à chaque Etat constitutif de faire sécession s'il en a
20 envie ou de son propre gré. Je ne pose pas cette question au témoin qui
21 n'est pas juriste, mais je pense qu'il serait quand même très utile pour la
22 Chambre si à un moment ou à un autre ces textes étaient étudiés et
23 présentés et avec leur interprétation habituelle aussi. Ça serait très
24 certainement utile.
25 Une suggestion pour l'avenir, mais je pense que ça nous serait utile, parce
26 que je suis très surpris par cela, mais je pense que ce n'est pas le bon
27 moment pour en parler.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Du temps du communisme, il y avait un principe
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1 qui n'a jamais été violé, le principe de Lénine, le droit du peuple à
2 l'indépendance jusqu'à la sécession. C'est Lénine qui l'a proclamé le
3 premier, bien sûr. Ils ont pensé que jamais ça n'allait se réaliser, que
4 leur système allait être éternel, mais jamais personne n'a osé nier ce
5 principe fondamental du marxisme-léninisme, le droit du peuple à
6 l'autodétermination allant jusqu'à la sécession.
7 Donc les communistes ont pensé qu'à l'infini, que jamais ils n'ont résolu
8 le problème national en Yougoslavie, et c'est la raison pour laquelle ils
9 n'ont jamais cherché à modifier ce principe, ce principe depuis le début du
10 communisme jusqu'à la fin.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : L'interrogation de mon collègue est importante parce
12 qu'il veut savoir, et moi aussi et je pense que le Juge Prandler et le Juge
13 Mindua c'est pareil, nous voudrions savoir si dans la constitution
14 fédérative, ce droit est inclus. Parce que là vous parlez de principe
15 léniniste. Très bien. Mais nous, ce que nous voulons savoir, est-ce que ce
16 droit de l'autodétermination est inscrit dans la constitution fédérative ?
17 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'aimerais ajouter une chose. Il y a
18 très longtemps, il y a 30 ans, j'ai étudié la constitution de la République
19 fédérative de Yougoslavie, la constitution de 1974, et je dois dire que je
20 suis d'accord avec M. Praljak. Le droit à l'autodétermination, jusqu'à la
21 sécession d'ailleurs, est inclus dans la constitution, sous réserve, bien
22 sûr, de certaines procédures et de certaines règles. Mais c'est inscrit
23 dans la constitution. Donc je suis tout à fait d'accord avec ce que dit M.
24 Praljak. Je vous remercie.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors on va arrêter parce que c'est quasiment 19
26 heures. Vous savez qu'hier on a déjà joué les prolongations. Demain, on ne
27 jouera pas les prolongations.
28 Je remercie le Juge Prandler de nous avoir apporté ce complément comme
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1 quoi ce droit est dans la constitution de la République fédérative.
2 Comme vous le savez, nous nous retrouverons donc demain à 14 heures 15. Je
3 souhaite à tout le monde une bonne fin de soirée, à moins que Me Kovacic --
4 M. KOVACIC : [interprétation] J'ai une question technique suite à ces
5 objections.
6 Nous venons de vérifier cela, nous l'avons à l'écran, une copie de
7 l'ensemble de la liste envoyée au Procureur, les numéros de pages. C'était
8 le 1er mai qu'on l'a envoyée. Je ne souhaite pas qu'on nous reproche
9 quoi que ce soit quand on nous étiquette comme quoi on ne fait pas notre
10 travail. On a envoyé cela, 3D jusqu'à 02654. Je n'accepte pas qu'on me
11 reproche des erreurs qui n'ont pas eu lieu. Lorsque ça se produit, je dis
12 mea culpa, mea maxima culpa, mais là, ça n'a pas eu lieu, pas d'erreur.
13 M. STRINGER : [interprétation] Les listes nous ont été envoyées de façon
14 très efficace par le conseil, nous sommes reconnaissants d'ailleurs, mais
15 le Règlement prévoie que les pièces qu'ils vont présenter au témoin soient
16 dans le système électronique dans sa version originale et la traduction en
17 langue anglaise. Je peux le confirmer. Je peux le confirmer.
18 Monsieur le Président, il y a peut-être des problèmes techniques ou des
19 caractéristiques techniques qu'on ne connaît pas à propos du système
20 électronique, mais le greffier non plus n'arrive pas à voir la version en
21 anglais. Je n'invente rien et je connais quand même assez bien le système
22 e-court. Je le connais plutôt bien. Je le connais tellement bien qu'avec ce
23 témoin, sachant que vous allez employer des centaines de documents, nous
24 avons décidé de ne pas gâcher d'argent ou de temps pour avoir des copies
25 papier. Je ne travaille qu'avec le système électronique en ce qui concerne
26 les choses qui concernent les documents présentés par le biais de ce
27 témoin. Donc nous sommes censés être un Tribunal sans papier, j'essaie de
28 le faire. Donc les traductions doivent être dans e-court --
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites on est censé être un Tribunal sans
2 papier, je m'inscris en faux. Je m'inscris en faux. Moi, je ne travaille
3 qu'avec du papier, les papiers du bureau du Procureur et les papiers de la
4 Défense. Je ne travaillerai jamais avec le système e-court parce que ce
5 n'est pas facile pour regarder un document dans tous ces aspects, c'est un
6 handicap. Voilà. Et donc la règle que vous imposez n'existe pas, sauf dans
7 votre esprit.
8 M. STRINGER : [interprétation] Bien, je suis tout à fait d'accord avec
9 vous. J'ai parlé trop rapidement. Moi aussi j'ai du mal à me passer de
10 papier. Mais nous, nous faisons des copies papier des documents que nous
11 allons utiliser.
12 Et pour le compte rendu je tiens à dire que - et c'est surtout pour
13 M. Kovacic que je fais référence ici à la pièce qui est la 3D 03541 - c'est
14 celle-là qu'on ne trouve pas. On ne trouve la traduction en anglais, on ne
15 sait pas où elle est. Alors peut-être qu'il pense que je parle de l'autre
16 document, mais ce n'est pas vrai. Il n'a qu'à venir me voir après la séance
17 d'aujourd'hui et nous lui montrerons à quoi ressemble notre écran. Il ne me
18 croit pas, il peut regarder.
19 Mais je soulève cela à nouveau parce que ça arrive très souvent,
20 enfin c'est arrivé souvent et je ne voudrais pas qu'il y ait un problème
21 technique qui nous empêche de voir la traduction.
22 Mme PINTER : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais que la
23 réponse soit faite dans le prétoire afin que vous aussi vous entendiez de
24 quoi il s'agit.
25 Le 1er mai, notre commise aux affaires a envoyé la liste des
26 documents, et sur cette liste il est écrit 3D 02654, 3D 03541, et en plus
27 extrait de l'ouvrage, "Prenons Zagreb", de l'auteur Nebojsa Jovanovic, et
28 on cite les pages de l'original, commentaires. La traduction anglaise est
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1 jointe au 3D 02654. Alors est-il seulement possible d'indiquer plus
2 clairement et de façon plus exhaustive le fait que le document et la
3 traduction ont été fournis et qu'il s'agit ici d'un malentendu dans lequel
4 le Procureur s'est retrouvé. Notre équipe a travaillé de façon considérable
5 pendant tout le week-end, samedi et dimanche, et il est absolument hors de
6 question que nous n'ayons pas fait notre travail. Je vous remercie.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison tous les deux. Le mieux c'est que
8 vous vous voyez après. M. Stringer va vous faire voir sur son écran qu'il
9 n'y a pas, et puis le greffier qui va jouer à Sherlock Holmes va essayer de
10 savoir pourquoi ce document qui a été envoyé le 1er mai n'est pas dans le
11 système e-court. Et je demande à M. le Greffier de faire preuve d'esprit
12 inventif pour essayer de nous faire comprendre où est le problème.
13 Nous nous retrouverons demain à 14 heures 15, et je m'excuse d'avoir joué
14 une fois de plus les prolongations.
15 L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : lors du premier tiers de
16 l'audience d'aujourd'hui la première fois où le général Praljak a mentionné
17 le retour du général Petkovic c'était le retour non pas de Stupni Do mais
18 de Kiseljak.
19 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le jeudi 7 mai 2009, à
20 14 heures 15.
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