Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 7 mai 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Prlic et Coric sont absents]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, pouvez-vous appeler l'affaire,

  8   s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   tous. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 11   Merci, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce jeudi, 7 mai 2009, je salue M. Stojic, M. Petkovic et M. Pusic. Je

 14   salue M. Praljak qui témoigne en qualité de témoin. Je salue également Mmes

 15   et MM. les avocats. Je salue M. Stringer et tous ses collaborateurs et

 16   collaboratrices, et je salue également toutes les personnes qui nous

 17   assistent.

 18   Concernant notre audience de ce jour, nous irons dans un premier temps

 19   jusqu'à 16 heures. On fera une pause de 20 minutes. Il y aura une pause et

 20   nous reprendrons après jusqu'à 18 heures.

 21   Deuxièmement, j'ai une courte décision orale à rendre à huis clos partiel.

 22   Monsieur le Greffier, nous passons à huis clos partiel.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes

 24   à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 39748-39749 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : En audience publique.

  6   Monsieur le Procureur.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Juste une autre chose très rapidement,

  8   Monsieur le Président. Vous le remarquerez peut-être dans les quelques

  9   semaines, Mme Winner ne sera pas présente pour des raisons personnelles.

 10   Aujourd'hui, nous avons un autre commis qui est très compétent, M.

 11   Sébastien van Hooydonk. J'espère que je ne massacre pas trop son nom. C'est

 12   lui qui va travailler avec nous aujourd'hui, mais parfois d'autres jours

 13   aussi.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre par mon intermédiaire salue l'arrivée de

 15   ce commis pour le bureau du Procureur, et formule nos meilleurs vœux pour

 16   que son travail soit le plus efficace possible et nous permette de tous

 17   bien travailler. Je le salue.

 18   Maître Kovacic, je vous donne la parole, et il me semble que jusqu'à

 19   présent vous avez dû utiliser environ quatre heures, quelque chose comme

 20   ça.

 21   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous

 24   sommes informés du temps, et nous nous efforçons à chaque fois de nous

 25   informer en temps utile auprès du greffier.

 26   Interrogatoire principal par M. Kovacic : [Suite]

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Général Praljak.

 28   R.  Bonjour.


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  1   Q.  Je propose de continuer. Hier, nous avons vu un enregistrement DVD

  2   il nous a été donné de voir l'attaque de la JNA lancée sur des villes

  3   croates sur le littoral, Sibenik, Zadar, Split, Dubrovnik. Vous avez parlé

  4   également des dangers militaires encourus par la République de Croatie

  5   étant donné que depuis le territoire de l'ABiH, la JNA était forte et elle

  6   avait transféré ses armes; entre autres, le Président de la Chambre,

  7   Monsieur Antonetti, a posé des questions au sujet de la possibilité pour la

  8   JNA de passer en direction de Split, en direction du littoral. Alors, est-

  9   ce que vous pourriez nous en dire quelques mots ? Est-ce que c'était

 10   possible, est-ce que c'était dangereux ?

 11   R.  Bonjour à tous dans le prétoire. Bonjour, Messieurs les Juges.

 12   Monsieur le Juge Antonetti, à l'occasion de ce que j'ai dit clairement il

 13   n'y a pas longtemps, à savoir que l'armée populaire yougoslave se trouvait

 14   non loin de Mostar et avait déjà pris le territoire Stolac, Nevesinje et

 15   Trebinje en direction de Dubrovnik, ces intentions d'une manière générale

 16   et les intentions de la JNA visaient à la création d'une Grande-Serbie. A

 17   cet effet, le mieux serait de montrer, et là je n'ai mis qu'un livre à la

 18   disposition mais il y en a d'autres, c'est le livre du Général Cokic, qui a

 19   joué un rôle éminent en la matière. Il s'agit d'un livre intitulé "Le début

 20   de la fin". Le 3D 03546, 3D 03546. Au tout début, on peut voir le --

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak,

 22   pourriez-vous dire à la Chambre dans quel classeur nous allons trouver ce

 23   document. Nous avons maintenant à peu près six classeurs.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Le premier.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 26   M. KOVACIC : [interprétation] C'est le classeur numéro un, Monsieur le

 27   Juge. Avant vous avez juste la stature de la déclaration de M. Praljak.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci beaucoup.


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  1   M. KOVACIC : [interprétation] Si je ne m'abuse, le premier classeur c'est

  2   celui dans lequel se trouve la déclaration de M. Praljak. Et je pense que

  3   le deuxième, il est numéroté classeur numéro 2. Disons que c'est le premier

  4   dont on a besoin qui contient ces documents. Vous allez trouver une liste

  5   reprenant les documents en début du classeur.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, la Chambre a un classeur qui est la

  7   déclaration de M. Praljak. Ensuite, on a trois classeurs numérotés 1, 2 et

  8   3. Puis on a des petits documents qui sont --

  9   M. KOVACIC : [interprétation] Ce que vous venez de mentionner, 1, 2, 3.

 10   Numéro 1.

 11   M. LE JUGE MINDUA : C'est le classeur qui est marqué numéro 2.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Pendant qu'on recherche le document, je

 14   choisirais l'occasion de relever que si on était un Tribunal sans papier,

 15   on serait tous en train de regarder le document dès maintenant. Merci. Et

 16   je remercie la Défense Praljak, car nous avons maintenant le document en e-

 17   court, donc pas de problèmes de côté-là.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Stringer, vous avez raison. Mais quand

 19   il y a un document qui fait des dizaines de pages, à ce moment-là sur

 20   l'écran on n'a pas le temps matériel de regarder les dizaines de pages, et

 21   que le document écrit, ça nous permet de le feuilleter très vite, de lire

 22   en diagonale et donc de mieux travailler. Voilà. Mais vous êtes peut-être

 23   un as de l'écran, parce que je vous reconnais bien, volontiers.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, Jevrem Cokic, c'est un général de la

 25   JNA. Le livre est intitulé "Début de la fin," 3D 03546. Le livre a été

 26   publié, et on le voit à la page d'après, en 2008.

 27   Maintenant, je voudrais qu'on se penche sur la version serbe, page

 28   12. Il s'agit du 3D 410614, deuxième paragraphe. Dans le deuxième


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  1   paragraphe, le général en question explique les problèmes qui sont ceux de

  2   son point de vue, à savoir qu'il y avait des forces de droites séparatistes

  3   nationalistes. Ces forces voulaient procéder à des sécessions et au

  4   démantèlement de l'Etat fédéral aux fins de la création d'Etats autonomes

  5   avec leurs propres armées. Les structures de la Défense territoriale ont, à

  6   cet effet, été mises sous leur commandement à elles, à ces forces, et le

  7   tout a démantelé la substance même de l'armée de l'intérieur.

  8   Puis au-delà de ceci, il dit que les forces armées de la République

  9   socialise fédérative de Yougoslavie étaient constituées des forces armées

 10   ainsi que des forces territoriales, qui étaient l'armée des républiques et

 11   des provinces, et que cette Défense territoriale relevait des compétences

 12   des directions respectives des républiques et provinces. Puis au-delà de

 13   ceci, il dit que ceci a généré de graves problèmes du point de vue du

 14   commandement parce qu'il y avait six commandements républicains de

 15   provinciaux et un commandement de l'armée fédéral; le tout était complexe

 16   et fort problématique.

 17   Puis il indique que vers la mi-1980, et c'est le plan de 1986 que je vous

 18   ai déjà montré, la direction militaire avait procédé à une réorganisation

 19   de la JNA avec l'adoption d'un planning intitulé "Unité." En substance, on

 20   voulait restructurer l'organisation totale des forces armées de la RSFY,

 21   aussi a-t-il été procédé à un grossissement des entités au sein de la JNA

 22   par la création de districts militaires. On a également montré comment ces

 23   districts militaires ont été créés pour coïncider avec les frontières

 24   imaginées de la Grande-Serbie, partant des corps d'armée qui étaient

 25   présents jusque-là. A l'époque, cela coïncidait plus ou moins avec les

 26   frontières des différentes républiques. Or maintenant, cela a été départagé

 27   en quatre théâtres ou quatre districts militaires.

 28   J'aimerais maintenant que nous passions à la page 217 de la version serbe


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  1   originale, où l'on voit que la direction militaire a pour mission de

  2   réaliser les décisions relatives à la défense du reste de la Yougoslavie

  3   sur la ligne des frontières occidentales des territoires, là où il y a

  4   majorité de la population serbe. Je crois que là c'est la phrase cruciale.

  5   La direction militaire avait donc pour mission de réaliser une décision

  6   portant défense du reste de la Yougoslavie, c'est-à-dire sans la Slovénie

  7   et sans la partie de la Croatie qui se trouve à l'ouest de la frontière

  8   Karlobag-Karlovac-Virovitica, et ce, sur l'axe qui coïncide avec la

  9   majorité serbe au niveau de la population. Alors qu'entendait-il par

 10   majorité serbe de la population, on ne le sait pas, eux ils le savent. Mais

 11   on dit aussi qu'aux fins de réaliser tout ceci, on était parti de

 12   l'évaluation de la situation en Dalmatie et en Herzégovine, et on a

 13   envisagé ce qui allait se passer dans la période à venir. C'est la raison

 14   pour laquelle il y a eu planification de regroupement des effectifs

 15   existants en Bosnie-Herzégovine, et acheminement d'effectifs depuis

 16   d'autres territoires. Puis on dit, début de préparatifs en vue de la

 17   réalisation de la décision portant défense de ce qui restait de la

 18   Yougoslavie. Quand on dit localité ici, ce sont des territoires. Ce sont

 19   les éléments cruciaux. C'est la Dalmatie et l'Herzégovine.

 20   Il a été convoqué par le général Blagoje Adzic en fin juin qui, lui, était

 21   chef du Grand état-major de la JNA, et celui-ci, il a présenté la situation

 22   et lui a dit qu'il avait été décidé de créer un groupe opérationnel pour ce

 23   qui est de la réalisation d'une mission en Dalmatie et en Herzégovine. Le

 24   général qui rédige ce livre a été désigné pour en être le commandant. Il

 25   s'est vu confier la mission de planifier d'urgence des opérations, de créer

 26   un commandement du groupe opérationnel, et de mettre en place un groupe

 27   opérationnel censé réaliser ces opérations au niveau de la Dalmatie et de

 28   l'Herzégovine, et ce, en coopération avec la JNA et la Défense territoriale


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  1   se trouvant sur ce territoire.

  2   En page suivante, 218 maintenant, il continue à relater ce récit et il dit

  3   que le commandement du groupe opérationnel, avec les unités accessoires de

  4   l'état-major, était censé être créé à partir d'officiers en provenance des

  5   effectifs d'inspection des forces armées, des unités du 1er District

  6   militaire situées dans le secteur au sein large du terme de Sarajevo et

  7   avec un certain nombre d'officiers en provenance du Grand état-major de

  8   l'armée de Yougoslavie. Il continue pour dire que le tout était censé être

  9   fait en coopération avec la Défense territoriale sur le secteur Dalmatie et

 10   Herzégovine, donc qui est la partie qui englobe la Bosnie-Herzégovine, et

 11   la JNA devait requérir la participation du Corps de Knin.

 12   J'aimerais que sur la carte on nous fournisse l'opportunité de montrer le

 13   tout, les emplacements, parce que la carte est sur le rétroprojecteur.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez

 15   aider M. Praljak. Il voudrait utiliser le rétroprojecteur pour vous montrer

 16   ces quelques lieux très importants.

 17   Les Juges de la Chambre ont une carte de la Yougoslavie, et ça peut

 18   toujours servir. 

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on voit Knin en Croatie. Je vais mettre

 20   un numéro 1, ici [Le témoin s'exécute]. Le Corps de Knin, des parties du

 21   Corps de Sarajevo - je vais mettre un numéro 2 [Le témoin s'exécute] - puis

 22   le 37e Corps d'Uzice et du 1er District militaire, Uzice, c'est en Serbie.

 23   Je ne vais pas maintenant chercher cette ville. Puis le 2e Corps de

 24   Titograd, Titograd se trouve au Monténégro, et là je mets un numéro 3 [Le

 25   témoin s'exécute]; et le District maritime militaire, en réalité, c'est

 26   tout le littoral, toute cette partie-ci. Suite à cela, il enchaîne pour

 27   dire qu'ils sont en train d'envisager comment faire tout ceci, car la

 28   situation est chaotique tant en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine, et il dit


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  1   qu'il ne s'est rien échangé, mais la mise en œuvre de ce plan était une

  2   tâche prioritaire. Il dit que lorsqu'on lui a confié cette mission, il a

  3   conçu ces idées principales pour ce qui est des activités offensives par

  4   des moins forces terrestres depuis la Krajina de Knin et l'Herzégovine. Et

  5   voilà, je vous montre l'Herzégovine, [Le témoin s'exécute], et ici c'est la

  6   Krajina de Knin [Le témoin s'exécute], et avec les forces maritimes depuis

  7   la mer, il s'agissait de briser les effectifs croates sur l'Herzégovine et

  8   la Dalmatie et rejoindre les effectifs de la JNA dans la Krajina de Knin et

  9   la Bosnie occidentale. En termes simples, il voulait venir de ce territoire

 10   de Knin [Le témoin s'exécute], et de la Bosnie occidentale [Le témoin

 11   s'exécute], briser les effectifs se trouvant à Split, à Sibenik et à Zadar,

 12   et sortir sur cet axe-ci [Le témoin s'exécute].

 13   En raison de la confidentialité, dit-il, des choses, il y a eu

 14   participation au planning des commandants de corps d'armée. Il y avait le

 15   colonel Milosav [phon] Kostic, des effectifs de je ne sais quoi, puis le

 16   commandant du 2e Corps situé à Titograd, Remija [phon] Radomir, puis Corps

 17   de Knin, Ratko Mladic, puis le général de division, Milan Torbica du Corps

 18   d'Uzice - Milan Torbica est mentionné plus loin dans les ordres relatifs

 19   aux attaques de Mostar - et le commandant, le capitaine de vaisseau, Risto

 20   Juric [phon], commandant du secteur maritime militaire à Boka. Boka

 21   Kotorska, c'est ici. Je vais mettre là un numéro 4 [Le témoin s'exécute],

 22   mais ce district militaire maritime était plus large. Dans une première

 23   étape, il était envisagé de recourir à ces effectifs qui se trouvaient face

 24   aux effectifs croates dans la Krajina de Knin, pour maîtriser Ravni Kotari

 25   et s'emparer de Zadar. Ravni Kotari, c'est ici [Le témoin s'exécute]. C'est

 26   tout ce secteur qui se trouve en arrière-plan de Zadar. On appelle cela

 27   Ravni Kotari, alors je mets "RK" pour simplifier. Alors, s'emparer de Zadar

 28   et Sibenik et menacer Split depuis l'ouest. Ils étaient censés s'emparer de


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  1   Zadar, numéro 5, Sibenik numéro 6, et taper et frapper contre Split depuis

  2   l'ouest.

  3   Depuis les plateaux de Kupres, Kupres est ici et je vais mettre un

  4   numéro 7 maintenant [Le témoin s'exécute], depuis ces plateaux de Kupres,

  5   il s'agissait de maîtriser le territoire au sens large du terme de Livno -

  6   Livno, c'est ici, donc tous les environs de Livno, je vais mettre un numéro

  7   8 [Le témoin s'exécute] - empêcher les conflits interethniques et les

  8   percées de l'armée croate vers la Bosnie-Herzégovine. Bien entendu, il

  9   serait tout à fait ridicule de dire que les paramilitaires croates font des

 10   incursions en Bosnie, parce que nous arrivions à peine à nous défendre sur

 11   ce qui restait de notre territoire à cet endroit.

 12   Puis par la suite, il prévoit de cette manière-là, une fois la

 13   mission accomplie, de passer à l'attaque depuis Igalo et Trebinje dans le

 14   secteur au sens large de Dubrovnik et de Popovo Polje. Voilà donc vers

 15   Dubrovnik et le secteur de Popovo Polje, c'est à l'arrière-pays. Voilà,

 16   j'inscris le chiffre 9 [Le témoin s'exécute] - vers la côte adriatique,

 17   briser les forces oustachi et prendre le contrôle de la Dalmatie au sud,

 18   puis l'Herzégovine de l'est et la vallée de la Neretva pour empêcher le

 19   blocus des casernes de la JNA et empêcher les conflits interethniques.

 20   D'après leur avis, tout ce qui se situe dans ce secteur, ce sont des

 21   Oustachi. Tout ce qui les dérange, tous les Croates, tout simplement sont

 22   des Oustachi, à leurs yeux, et c'est ce qui leur permet, ce qui leur sert

 23   de prétexte pour agir comme ils agissent. En même temps, ils mettent en

 24   péril la voie de communication principale le long de la côte adriatique.

 25   Une première étape devait prendre entre sept et dix jours, puis il y a une

 26   deuxième étape qui suit depuis la rivière Neretva vers Split [Le témoin

 27   s'exécute]. Ils avaient leurs positions sur les rives gauche et droite de

 28   Mostar. De là, ils avancent vers Split. En direction de Split, une partie


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  1   de leurs forces agit le long de l'axe Drnis-Split [Le témoin s'exécute].

  2   Donc c'est à l'arrière de Split. Ils agissent également depuis les

  3   hauteurs.

  4   La mission de ces forces est de se servir de l'appui des forces maritimes

  5   et de s'emparer de la Dalmatie. L'étape devait prendre 12 à 15 jours, que

  6   sont les délais de l'accomplissement de la mission, et cetera.

  7   Nous n'avons plus rien à ajouter.

  8   Page 245, à présent, s'il vous plaît. C'est la 3D41-0618.

  9   Il dit qu'il savait que des parties du 37e Corps d'armée étaient déjà dans

 10   les rayons de regroupement, de rassemblement. Il y avait la 33e Brigade des

 11   partisans, et cetera, il donne une énumération, le 37e Corps qui se situe

 12   en Herzégovine. Là on voit une photographie qui, malheureusement, n'est pas

 13   de très bonne qualité. On voit des colonnes de chars en mouvement.

 14   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous vous rappellerez peut-être

 15   un événement. Les Herzégovins ont arrêté à un moment donné une colonne, une

 16   brigade blindée qui avançait vers le plateau de Kupres. Ils avaient du café

 17   et du thé et ils se sont mis à converser, et cetera, puis M. Izetbegovic

 18   est arrivé. Il a demandé qu'on le laisse avancer vers Kupres. Cette brigade

 19   qu'on a laissée passer vers Kupres, c'est elle qui a été l'un des

 20   principaux protagonistes de cette attaque prévue. Bien entendu, les gens

 21   étaient au courant de cela. Instinctivement, ils l'ont compris. Bien sûr,

 22   parfois, les hommes politiques n'avaient pas vraiment une grande marge de

 23   manœuvre. Je ne sais pas que ce soit mal, a priori. Mais le peuple a bien

 24   compris qu'il ne fallait pas laisser passer une telle force, parce que ça

 25   allait se retourner contre eux.

 26   Page 246, à présent, 0619. Il dit que du poste de commandement du 37e Corps

 27   à Nevesinje [Le témoin s'exécute] - Nevesinje, c'est tout de suite à côté

 28   de Mostar, à l'est de Mostar. Ce n'est pas noté ici. Nevesinje, j'inscris


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  1   le nombre 10. Il donne l'ordre au commandant des forces opérationnelles de

  2   se mettre en mouvement. Jusqu'à minuit du 20 septembre, ils doivent

  3   atteindre le secteur d'Ivkino Selo, Nevesinjslo Polje de Nevesinje. Je

  4   précise que nous sommes bien en 1991. Et cetera, et cetera.

  5   Puis, page 247, 3D toujours, 41-0619, il dit pendant que les unités

  6   étaient en train de se rassembler en Herzégovine, dans ce même temps, en

  7   Serbie-et-Monténégro, on a poursuivi la mobilisation des unités qui

  8   devaient arriver pour constituer le groupe opérationnel. Des unités du 37e

  9   Corps sont stationnées dans le secteur de Nevesinje et de Mostar. Le 2e

 10   Corps était dans le secteur de Stolac, Ljubinje, Trebinje et Igalo. C'est

 11   cette partie-ci de l'Herzégovine orientale. Puis nous avons des parties du

 12   4e Corps dans le secteur de Mostar. La 9e Région maritime avait ses forces

 13   le long de la côte et certaines parties dans la vallée de la Neretva. Ils

 14   ont des positionnements fixes, c'est l'aéroport.

 15   Puis prenons 3D 41-0620 à présent, page 352. C'est en retour des

 16   soins qu'il a reçus, il revient en tant qu'état-major de l'armée yougoslave

 17   en novembre 1992. J'ai trouvé, au poste du chef d'état-major, le général

 18   Zivota Panic. Je le connaissais comme étant un officier capable qui

 19   communiquait bien, qui était un homme agréable, un bohémien, qui avait des

 20   ambitions de leader. Il a été placé en tant que général, qui a commandé des

 21   unités de la JNA pendant l'opération en Slavonie orientale et le Srem

 22   occidental. Voilà. J'inscris le 11. [Le témoin s'exécute] Cela sous-entend

 23   Vukovar et le secteur qui se situe dans les environs. Il poursuit pour dire

 24   que c'était certainement une bonne recommandation pour le poste qui lui a

 25   été confié. Donc il a été nommé à ce poste.

 26   Ce qui vient confirmer tout ce que nous savons. Tous les documents,

 27   tous les faits que nous connaissons viennent l'étayer. Je peux vous en

 28   démontrer d'autres.


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  1   Je demande un numéro IC pour cette carte.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, veuillez donner un numéro,

  3   s'il vous plaît. 

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit le numéro IC 1009. Merci.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Veuillez m'en excuser.

  6   Je voulais annoter les choses ici. Ce n'est pas très beau ce que j'ai

  7   fait, mais ce n'est pas ça le plus important.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] La carte dont nous nous sommes servis, c'est

  9   3D 03545. Le document sous ce numéro-là, vous l'avez, la Chambre l'a; alors

 10   nous pouvons nous en resservir.

 11   Q.  Une question, Mon Général, qui constitue un enchaînement sur ce que

 12   vous venez de dire. Vous avez cité l'auteur, et à plusieurs reprises, il

 13   dit la Dalmatie et l'Herzégovine comme étant une entité. Est-ce que ce

 14   détail est quelque chose d'important ? Pourriez-vous nous en parler de

 15   manière synthétique, est-ce que cela vient confirmer la thèse que d'un

 16   point de vue militaire il s'agit là d'un champ de bataille unique, que pour

 17   cette opération militaire de la JNA que les frontières entre le différents

 18   états n'ont aucune pertinence ?

 19   M. STRINGER : [aucune interprétation]

 20   M. KOVACIC : [interprétation] Je peux reformuler, si vous voulez.

 21   Q.  Général Praljak, en plus de ces activités de la JNA, qu'est-ce que cela

 22   vous permet de voir sur le plan des territoires des différents états ?

 23   R.  Mais je ne pense pas qu'il vient de répéter cela encore une fois. Il

 24   dit nous allons nous emparer de tout ce qui reste de la Yougoslavie. Il n'a

 25   pas à l'esprit les différentes républiques du tout. Aux yeux de la JNA, il

 26   existe un projet qui est celui de conquérir et de préserver la Yougoslavie

 27   le long de la ligne allant de Virovitica et Karlovac, jusqu'à Karlobag.

 28   Donc ce n'est pas contestable.


Page 7762

  1   Q.  Oui, je sais, Mon Général, que cela vous paraît clair, mais il faut que

  2   ce soit clair à toutes les personnes présentes dans le prétoire.

  3   R.  Mais il le réitère à deux ou trois reprises dans son livre.

  4   Q.  Fort bien. Merci.

  5   Est-ce que vous avez des questions, sinon je vais passer à un autre sujet.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, j'ai deux petites questions

  7   techniques, parce qu'en produisant un document, vous imaginez bien que le

  8   Juge va le regarder. A la page 217, il y a deux choses qui m'ont frappé.

  9   Ce général de la JNA dit ceci : Il parle des unités paramilitaires

 10   croates. Alors, en quelques mots, pouvez-vous nous dire qu'est-ce que c'est

 11   que ces unités paramilitaires croates ? Page 217 de son livre.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce qui a été fait en Croatie, à ses yeux,

 13   ce sont des unités paramilitaires. A ce moment-là, c'est tout à fait clair

 14   que la Croatie, qui n'a pas encore proclamé son départ de la Yougoslavie,

 15   qu'elle ne peut pas encore avoir sa propre armée, mais elle a mobilisé les

 16   services de la police jusqu'à un niveau qui lui était permis à ce moment-

 17   là. J'en ai parlé brièvement hier. J'ai dit que les premières armes que

 18   nous avons été en mesure d'acheter légalement, nous les avons achetées

 19   grâce à l'Etat hongrois. Pour ce qui est de la police, nous avons été en

 20   droit d'acheter des armes, et de l'Etat hongrois, de manière tout à fait

 21   licite, nous avons acheté 30 000 Kalachnikovs et les munitions nécessaires.

 22   La création de la Garde nationale a été autorisée, pas de l'armée.

 23   Donc ce sont un certain nombre d'unités qui ont compté plusieurs milliers

 24   d'hommes. Lorsque ces unités ont été déployées le long des lignes jusqu'où

 25   ont percé les unités de la JNA, aux yeux de la JNA, c'étaient des unités

 26   paramilitaires. Moi aussi, j'étais un paramilitaire. Nous étions tous des

 27   paramilitaires. Toute tentative de résistance a été qualifiée de

 28   paramilitaire.


Page 7763

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce général décrit la situation en 1991. Depuis 1945

  2   - ça faisait presque 40 ans - cette armée nationale populaire yougoslave

  3   existe. Dans cette armée, il y a toutes les composantes serbes, croates,

  4   musulmanes. Vous êtes d'accord avec

  5   moi ? Et nous savons et vous l'avez dit, beaucoup d'éléments de preuve nous

  6   l'ont établi. Il y a dans les structures de commandement, parfois, quand le

  7   numéro un est Croate, le numéro 2 est Musulman, et le numéro 3, Serbe, et

  8   vice-versa, et cetera.

  9   Voilà que dans ce livre qu'il écrit, lui, où il parle de 1991, il

 10   qualifie les croates d'Oustacha. Comment est-ce possible que ce général

 11   qualifie les Croates, qui sont dans le camp opposé,

 12   d'Oustacha ? Est-ce que vous avez une explication à donner ? Alors que

 13   pendant des décennies, il y a eu cette armée qui fonctionnait et voilà que,

 14   en raison du démantèlement, aussitôt on emploie ce type de mots. Quelle est

 15   l'explication ? C'est facteur sociologique, psychologique ou c'est pour

 16   faire de la propagande ? Vous êtes un spécialiste, puisque vous avez dirigé

 17   un département en la matière. Pour quelle raison il emploie le mot

 18   "Oustacha," page 217 toujours ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur les Juges,

 20   premièrement, vous venez de dire si le commandant et l'adjoint est un

 21   Croate, non ce n'est pas vrai. C'était vrai pour des structures politiques

 22   en Bosnie-Herzégovine, par exemple, mais pas dans la structure militaire.

 23   La plupart des officiers au sein de la JNA, à tous les échelons,

 24   c'étaient soit des Serbes soit des Monténégrins par rapport à l'ensemble de

 25   la population. Il y a évidemment moins de Musulmans. Je vous ai montré en

 26   partie ces statistiques et il y avait donc très peu de Musulmans. Les

 27   Albanais ne pouvaient quasiment connaître de promotion. Vous avez un

 28   Albanais qui s'est trouvé au sein de l'armée croate, le général Ademi. Mais


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  1   ça c'est l'armée croate. Au sein de la JNA, c'est uniquement en théorie

  2   qu'il aurait pu être promu au grade de général. Je n'en connais aucun. Les

  3   Croates, c'était un peu plus difficile.

  4   En 1991 -- premièrement, je vais dire la chose suivante. La JNA se

  5   voit opérer à cet homme de transfert. Le général qui est au commandement de

  6   l'aviation de la JNA, Tus, il part. Spegelj part. Je me souviens de deux

  7   Serbes aussi, il y en a eu bien plus; Sumanovac, qui était commandant, puis

  8   le général Agotic, qui était à la tête de l'aviation de l'armée croate. Je

  9   ne sais pas si le général Imra Agotic est un Hongrois en fait. Je ne me

 10   souviens plus. Puis un autre Serbe, Jezercic, il se transfère dans l'armée

 11   croate. Puis vous avez un Slovène, Gorinsek, était général, il passe

 12   également de la JNA dans l'armée croate. Donc ça c'est un nombre très

 13   considérable. Il est resté peut-être deux ou trois Croates au moment où il

 14   s'exprime au sein de la JNA. Tous soient ont quitté l'armée, soient sont

 15   passés dans l'armée croate.

 16   Puis votre deuxième question, je vais essayer d'être aussi bref que

 17   possible. A partir de 1945, pendant toute la période qui a suivi, les

 18   Croates qui osaient s'exprimer à haute voix en disant qu'ils étaient

 19   Croates, déclarés Croates, ils étaient considérés comme des Oustachas. Si

 20   on se taisait alors ça pouvait passer, mais la propagande serbe voulait

 21   qu'on soit Oustacha dès que publiquement on osait se déclarer Croate,

 22   c'était quasiment comme si on avait dit, je suis Oustacha. C'était un

 23   reproche, énormément. En Bosnie-Herzégovine, l'Etat croate indépendant

 24   était imposé comme étant de la responsabilité collective des Croates.

 25   C'était insupportable, c'était très difficile de vivre avec ce poids.

 26   Pendant des décennies, cela a duré.

 27   Permettez-moi deux exemples. Prenons, par exemple, on avait besoin

 28   d'un crédit pour construire des voies de chemin de fer entre Belgrade et


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  1   Bar. Il s'agit d'investissements que doivent consentir conjointement les

  2   Serbes et les Monténégrins pour que les Croates ne s'y opposent pas.

  3   Pendant des mois qui précédaient, vous aviez toujours une propagande très

  4   importante contre des Oustachi qui était diffusée pour calmer les Croates

  5   et les empêcher de s'exprimer.

  6   Prenez une agence de voyages "Yugo-Tourist," basée à Belgrade.

  7   Pendant très longtemps, elle imprimait toutes sortes de prospectus, de

  8   brochures touristiques. A aucun moment, jamais dans ces brochures, pour

  9   aucune saison, aucune année, on a vu mentionner le terme "La Croatie." Si

 10   vous vouliez venir passer vos vacances à la mer en Croatie, vous veniez en

 11   Istria, en Dalmacija, dans la riviera de Dubrovnik, mais jamais Croatie. Si

 12   c'était plus au sud, alors c'était la côte monténégrine. Alors le

 13   Monténégro, ça c'était déjà désigné. Voilà, très brièvement un aperçu

 14   historique.

 15   C'est difficilement supportable. Nous étions tous des Oustachi en

 16   bloc. Le général Tus, le général Agotic, et le général Gorinsek était un

 17   Slovène, donc tous ceux qui sont passés sont devenus du jour au lendemain

 18   des Oustachi, des collègues d'hier.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 20   M. KOVACIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président.

 21   Q.  Mon Général, vu la situation en 1991, l'agression est lancée, il y a eu

 22   un certain nombre de réactions sur le plan international, bien entendu.

 23   Vous en avez déjà parlé, vous en reparlerez. Très concrètement, le

 24   président des Etats-Unis d'Amérique, quelle est la position qu'il a adoptée

 25   par rapport à cette situation ? Quelle est la politique qu'ils ont tenté de

 26   mener ?

 27   R.  Voyez-vous, il y a eu cette propagande concernant les Croates. Même

 28   avant, donc ce n'est pas quelque chose qui commence en 1945, après le


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  1   régime d'Ante Pavelic, qui a été comme il a été, mais même avant il y a eu

  2   cette propagande de diffusée. De par le monde, ça créé des sentiments

  3   négatifs à l'égard de la Croatie. On n'y coupera pas. La création d'une

  4   Croatie indépendante, ça relevait d'une opération de haute voltige, parce

  5   qu'il y avait beaucoup de préjugés négatifs dans des milieux diplomatiques

  6   et politiques depuis 1945.

  7   Les généraux Bobetko et Tudjman, et cetera, tous des partisans qui ont

  8   participé à la lutte antifasciste. Ils ont tous dû se déclarer non-

  9   Oustachi, et cetera. Il était très difficile de briser ces clichés établis.

 10   Puis pour de nombreuses raisons que j'ignore, on souhaitait que la

 11   Yougoslavie se maintienne. La Croatie, finalement, semblait devenir un

 12   petit Etat, et qui allait pouvoir s'occuper de cela, puis il y avait bien

 13   d'autres problèmes plus importants sur le plan international; le mur de

 14   Berlin est tombé, plus le pacte de Varsovie, la réunification allemande.

 15   L'Union européenne, du moins comme on le disait à l'époque, les Français,

 16   les Allemands, et tous ceux qui se rendaient chez nous, que tout simplement

 17   c'est un moment mal choisi que nous avons remporté notre guerre, qu'aucune

 18   politique commune n'est encore mis sur pied au nom de la Communauté

 19   européenne.

 20   Le fait de réitérer sans arrêt nos principes de base, nos souhaits, nos

 21   aspirations, comment nous souhaitions mettre sur pied cet Etat, comment

 22   nous n'avions aucune inspiration par rapport à nos voisins, que les Serbes

 23   de Croatie - je vais vous montrer des documents par la suite, documents

 24   très importants, ce qu'on écrivait dans le journal "Le soldat croate," qui

 25   était l'expression de nos positions, qu'il s'agisse du commandant suprême

 26   Tudjman ou du ministre de la Défense Susak ou des généraux les plus

 27   importants, moi-même, et cetera. Vous verrez toute une série de faits.

 28   Il fallait faire ses preuves par rapport à l'ensemble de ces


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  1   désinformations et ces informations négatives qui n'étaient pas fondées sur

  2   nos aspirations, ni sur les conclusions que nous adoptions ni sur les

  3   textes des contrats signés, en particulier. Voilà, j'ai préparé ici

  4   quelques pages pour illustrer les positions.

  5   Bill Clinton, le président américain, il en parle dans le livre

  6   intitulé "Ma vie," et il dit quels sont tous les problèmes de base, tous

  7   les malentendus qui se sont manifestés dans le monde occidental face à

  8   cette situation, surtout qu'avant cela, il y a eu la guerre du Golfe.

  9   L'Amérique s'est jointe tardivement à un autre processus, puis elle est

 10   venue gêner les projets des Français et des Britanniques. Ensuite ce sont

 11   eux qui, à leur tour, se sont mis donc à gêner les Américains par rapport

 12   aux projets que l'Amérique a conçus en Bosnie-Herzégovine.

 13   Et tout cela a eu des conséquences très négatives sur la Bosnie-

 14   Herzégovine, parce que le commun des mortels, ainsi que les militaires, se

 15   disaient un plan vient d'être signé, donc c'est terminé.

 16   Mais lorsque vous trahissez des attentes, surtout dans une situation

 17   de guerre, par la suite, vous avez un degré de chaos de plus qui

 18   s'installe. On reprend des signatures, des cessez-le-feu. On reprend des

 19   textes, des plans de paix des Croates qui sont toujours les premiers à

 20   signer d'ailleurs. Finalement, c'était toujours rejeté soit par

 21   Izetbegovic, moins souvent, soit par Karadzic, toujours. Et tout repart à

 22   zéro, vous avez de nouveau un degré de chaos de plus.

 23   Le pire, c'est que dans toutes les nouvelles propositions de la

 24   Communauté internationale, à chaque fois on reconnaît les conquêtes que

 25   vient de faire une des parties entre-temps, depuis le dernier accord.

 26   M. KOVACIC : [interprétation] Est-ce que nous avons ce livre sous les yeux

 27   ? Peut-être serait-il intéressant de savoir qu'elle a été la position par

 28   rapport à l'embargo sur les importations d'armes.


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  1   Q.  Les Américains, d'après Clinton, ont changé d'avis par rapport à cet

  2   embargo qui a été imposé en 1991. 

  3   R.  Monsieur Kovacic, très brièvement.

  4   Page 387, 3D 33086, vers la fin de la page, je passerai quelques

  5   phrases. Il dit qu'en 1992 la Communauté européenne a reconnu la Bosnie en

  6   tant qu'Etat indépendant.

  7   Q.  Je vais peut-être aider la Chambre. 0839 pour la Chambre, pour le texte

  8   en anglais. Non. Excusez-moi, excusez-moi, je me suis mal exprimé.

  9   R.  487, 3D33-0826.

 10   Q.  Mais en anglais, ce n'est pas le même chiffre.

 11   R.  C'est en avril 1992 que la Communauté européenne a reconnu la Bosnie.

 12   Voilà. C'est un premier fait que l'on retrouve encore aujourd'hui. L'Etat

 13   s'appelle la Bosnie-Herzégovine, et non pas la Bosnie, comme on le voit

 14   ici. C'est la Bosnie-Herzégovine. Bien entendu, du point de vue des grands,

 15   on se dit quelle importance. Bosnie, Bosnie-Herzégovine, tout le monde dit

 16   Bosnie. J'estime que ça a un certain nombre d'implications politiques très

 17   négatives. Il dit que c'est la première fois depuis le XVe siècle que cet

 18   Etat retrouve son indépendance, ce qui est exact. Entre-temps, les unités

 19   paramilitaires serbes ont continué de terroriser la population musulmane, à

 20   tuer des citoyens, voilà. On ne mentionne même pas les Croates, alors que

 21   c'était fait à l'encontre des Musulmans et des Croates.

 22   Il est dit que Milosevic a prétendu retirer son armée de Bosnie,

 23   tandis qu'en fait il a placé cela sous le commandement de Ratko Mladic et

 24   il leur a laissé les armements, les réserves, et cetera.

 25   Prenons 3D 330827. "Tentatives d'imposer des sanctions économiques".

 26   Il est dit qu'au départ, Boutros-Ghali, les Français et les Anglais y

 27   ont opposé une certaine résistance parce qu'ils ont estimé qu'il fallait

 28   donner une opportunité à Milosevic pour mettre fin à la vague de violence


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  1   qu'il avait déclenchée. Mais nous avons estimé que c'était absurde de lui

  2   donner la possibilité de mettre fin aux actes de violence qu'il avait

  3   déclenchés. Ça n'a aucun sens. C'est lui qui avait un objectif, et cet

  4   objectif, on ne pouvait l'invalider que si on menaçait Milosevic de

  5   bombardements.

  6   Il est dit ici que l'embargo posait un autre problème, à savoir les Serbes

  7   avaient suffisamment d'armes et de munitions pour pouvoir combattre pendant

  8   des années et que finalement, la seule conséquence du maintien de l'embargo

  9   c'était d'empêcher les Bosniaques de se défendre virtuellement. Il aurait

 10   fallu dire ici Bosniens et Herzégovins. Ils disent qu'on a pu s'en sortir

 11   en 1992, qu'on a réussi à se procurer des armes en soumettant des forces

 12   serbes, mais je ne vois pas qui aurait pu l'emporter sur eux. Et puis,

 13   grâce à des livraisons de moindre importance de Croatie qui ont réussi à

 14   échapper au blocus de l'OTAN. Oui, ça c'est vrai, il y a eu des livraisons

 15   très importantes, le maximum que la Croatie a pu faire sous l'embargo.

 16   Et là M. Clinton dit qu'il a proposé qu'on mette fin à l'embargo sur

 17   l'armement et que les Européens se sont focalisés sur la fin du recours à

 18   la violence.

 19   Le premier ministre britannique allait forcer les Serbes à mettre fin

 20   au siège des villes bosniaques, et puis et ils ont envoyé 8 000 soldats

 21   pour protéger des convois. Je ne sais pas s'ils ont vraiment protégé ces

 22   convois. Il en ressort de ce texte et, bien sûr, je ne souhaite accuser qui

 23   que ce soit. Les pays occidentaux, je ne sais pas pour quelle raison, à

 24   aucun moment n'ont vraiment fait face aux faits, à la vérité factuelle des

 25   événements qui avaient cours en Yougoslavie.

 26   C'est la raison pour laquelle vers la fin de cette page, M. Clinton

 27   dit à partir du moment où il est devenu président, et si je ne trompe pas

 28   c'était au début de l'année 1992, comme toujours, l'embargo sur les armes


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  1   et le soutien européen au Plan Vance-Owen a faibli. Il a rendu plus faible

  2   la résistance des Musulmans contre les Serbes. Même si on commençait à voir

  3   manifestement les preuves des massacres qu'ils avaient commis sur des

  4   citoyens musulmans et à quel point ils commettaient des violations des

  5   droits de l'homme.

  6   Mais il dit dans la phrase suivante : Au début du mois de février,

  7   j'ai décidé de ne pas apporter mon soutien au Plan Vance-Owen. Je suis

  8   profondément convaincu, d'après ce qu'on savait, ça a été catastrophique

  9   parce que les Américains ont dit, et je pense que Lord Owen le dit dans son

 10   livre également, je pense que M. Karnavas en a parlé, qu'ils étaient amers,

 11   aigris, il y avait du ressentiment parce que les Américains ont dit : Mais

 12   oui, vous et votre plan.

 13   Il dit qu'il a rencontré le premier ministre canadien, M. Brian Mulroney,

 14   qui lui a dit qu'il n'aimait pas le plan. Plusieurs jours plus tard, ils

 15   ont mis sur pied une nouvelle proposition et M. Warren Christopher a

 16   déclaré que les Etats-Unis d'Amérique souhaitaient désormais prendre part à

 17   tout cela.

 18   Puis il continue et dit que le chemin est encore long jusqu'à ce qu'une

 19   politique unifiée soit mise sur pied.

 20   "Au début de l'année 1992, pendant notre première rencontre, le président

 21   français François Mitterand m'a permis de comprendre que même s'il avait

 22   envoyé 5 000 militaires français en Bosnie pour livrer l'aide humanitaire,

 23   il était moins que moi prône à voir une Bosnie unitaire avec les Musulmans

 24   à sa tête. Je ne voudrais pas tirer de conclusions."

 25   C'est ce qui est écrit ici. C'est le président des Etats-Unis

 26   d'Amérique qui s'exprime. Je n'ai rien à ajouter.

 27   Puis il dit que le 26 mars, il a rencontré Cole. Cole aurait accepté

 28   qu'on lève l'embargo sur les armes. Cole était favorable à mettre fin à


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  1   l'embargo contre les armes. Mais j'ai constaté que Cole et Clinton

  2   n'étaient pas en mesure de convaincre les Britanniques et les Français, qui

  3   considéraient que la levée de l'embargo n'allait que prolonger la guerre et

  4   compromettre les forces des Nations Unies, leur porter tort.      

  5   Bien sûr, je ne souhaite pas commenter cela non plus, mais nous pouvons en

  6   conclure, si nous concluons quelque chose, c'est qu'ils attendaient que les

  7   Serbes remportent une victoire rapide et que par là, la guerre trouvera une

  8   fin. Qu'ils remportent les territoires avec lesquels ils s'estimeraient

  9   satisfaits et suite à quoi, ils s'arrêteraient plutôt que de confisquer les

 10   armes de la deuxième ou troisième partie, et que de cette façon, en les

 11   laissant nous vaincre rapidement, cela mènerait à la paix.

 12   Il est dit que le 26, Izetbegovic était à la réunion au palais

 13   présidentiel où était présent également l'assistant chargé de la Sécurité

 14   nationale, Gore, et qu'il était à l'origine de notre succès demandant la

 15   levée de l'embargo. Ensuite a été élargie la zone d'interdiction aérienne

 16   pour les Serbes.

 17   Les personnes qui ont vu sur le terrain ce qui s'est passé ont

 18   exprimé très clairement leur position en ce sens.

 19   Ils ont vu le nettoyage ethnique en œuvre, l'écrivain Elie Wiesel,

 20   qui a survécu à l'holocauste, a demandé publiquement au président

 21   d'entreprendre encore plus d'efforts afin de mettre un terme aux violences.

 22   Jusqu'à la fin du mois, l'équipe chargée de la politique étrangère a

 23   proposé que s'il était impossible d'arrêter les Serbes, il fallait lever

 24   l'embargo frappant les Musulmans encore une fois. On ne mentionne même pas

 25   les Croates, ce qui est incompréhensible pour moi, et cetera, et cetera.

 26   Ensuite il est question à la fin des premiers 100 jours, nous étions

 27   encore loin d'une solution satisfaisante de la crise en Bosnie-Herzégovine.

 28   Les Britanniques et les Français ont rejeté les tentatives de Warren


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  1   Christopher, et ont réaffirmé leurs droits d'être les acteurs principaux

  2   dans la résolution de ces crises.

  3   Nous, sur le terrain, le savions. Nous savions qu'il existait une

  4   forme de compétition entre ces états pour savoir lequel d'entre eux allait

  5   apporter une solution. C'est une espèce de compétition entre Etats

  6   européens avec les Etats-Unis, dans différentes configurations pour savoir

  7   qui allait se voir attribuer le mérite de la résolution des situations sur

  8   le terrain. En réalité, personne ne s'efforçait de trouver une solution

  9   efficace à cette même situation.

 10   Le Président Clinton estimait qu'il faudrait deux ans pour trouver une

 11   solution et que 250 000 personnes perdraient la vie, mais ces chiffres sont

 12   inexacts puisqu'il y a eu environ 98 000 morts de toutes parts, dont 64 000

 13   ou 5 000 étaient des Musulmans. En pourcentage, c'était eux qui avaient le

 14   plus grand nombre de morts. Environ 26 000 Serbes et 8 000 Croates sont

 15   morts approximativement, je ne connais pas les chiffres par cœur.

 16   Ensuite, il est dit quelque chose dont j'estime que c'est très important.

 17   Je me suis retrouvé dans quelque chose que Dick Holbrooke a désigné comme

 18   étant le manquement collectif en matière de sécurité le plus important en

 19   Occident au cours des 30 dernières années. Tout était visible, tous les

 20   faits étaient disponibles pour qui voulait bien les voir.

 21   Par conséquent, Messieurs les Juges, je pense, et nous l'avons proposé au

 22   début de la crise, que la crise yougoslave pouvait être résolue très

 23   simplement. Il fallait simplement envoyer les forces de l'OTAN ou de

 24   quelque autre entité, les disposer sur la frontière et déclarer fermement

 25   qu'il n'y aurait pas de guerre, ensuite trouver une solution, un

 26   aménagement intérieur en se conformant aux plus hauts standards en matière

 27   de droits des minorités nationales. En Croatie, cette proposition a été

 28   répétée à de nombreuses reprises sans succès, malheureusement.


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  1   Alors, voilà ce qui est dit : Holbrooke dit que l'interprétation erronée de

  2   l'histoire des Balkans, puisqu'on estimait que les conflits ethniques

  3   étaient très anciens et beaucoup trop ancrés pour qu'une puissance

  4   extérieure s'en mêle. Ça a été évidemment erroné, cet affrontement n'avait

  5   pas une nature ethnique, mais il était lié à des prétentions étatiques.

  6   Deuxièmement, l'échec évident de la stratégie yougoslave après la Guerre

  7   froide, la perte d'importance de cette position stratégique, mais cela est

  8   exact, car la Yougoslavie se trouvait au confluant entre l'Occident et

  9   l'Est et montrait à l'Occident l'exemple d'un communisme différent, bien

 10   qu'en réalité, il n'ait pas été si différent que cela, et de par la fin de

 11   l'Union Soviétique, la Yougoslavie s'est retrouvée sans aucune importance

 12   stratégique.

 13   Troisièmement, victoire du nationalisme sur la démocratie en tant

 14   qu'idéologie dominante de la Yougoslavie post-communiste, je ne peux pas y

 15   souscrire, car aucune forme de nationalisme n'a vaincu la démocratie. Cette

 16   dernière est composée de deux parties, à savoir que tout d'abord on

 17   introduit dans la législation les normes démocratiques nécessaires et,

 18   ensuite, que les personnes qui sont nées, ont grandi pendant la période

 19   communiste, apprennent les normes du comportement démocratique.

 20   Il faut évidemment pas mal de temps pour cela, et le meilleur exemple

 21   est l'Allemagne de l'Est. L'Allemagne de l'Est, la Prusse, et cetera,

 22   représentaient avant le début de la Seconde Guerre mondiale des zones qui,

 23   dans une large mesure, étaient bien plus développées économiquement que

 24   d'autres, la Bavière par exemple. Après 40 années passées au sein d'un

 25   système communiste, la psychologie du peuple prussien, par exemple, a

 26   énormément changé. Les Prussiens, qui étaient considérés comme attachés à

 27   l'ordre de façon viscérale, dans le cadre de l'Allemagne de l'Est, ont

 28   adopté un comportement typique du socialisme. Les sociologues allemands en


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  1   ont conclu que les personnes qui avaient vécu en Allemagne de l'Ouest d'un

  2   côté et celles qui avaient vécu à l'est d'autre part se retrouveraient sur

  3   un pied d'égalité lorsque les enfants qui avaient été à la crèche en

  4   Allemagne de l'Est, une fois que ces enfants seraient morts.

  5   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] -- des remarques des interprètes, je

  6   vous demande à vous et à tous qui se trouvent ici dans ce prétoire de tenir

  7   compte du fait que les interprètes souffrent beaucoup parce que tout le

  8   monde parle sans faire attention au travail que font les interprètes. Ça

  9   serait ma première remarque.

 10   Deuxième remarque, je ne vois pas où se trouve la pertinence. Prenons un

 11   exemple de ce dernier sujet de la façon dont se sont comportés les

 12   Prussiens. Qu'est-ce que ceci a à voir avec l'acte d'accusation ? Nous en

 13   avons parlé hier. Je ne veux pas perdre davantage de temps sur cette

 14   problématique, mais je vous rappelle, Maître Kovacic, que notre mission ici

 15   consiste à examiner l'acte d'accusation. Parlez, bien sûr, pour soutenir

 16   vos arguments, car nous sommes prêts à vous écouter.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Le Juge Prandler a parfaitement raison. Notre souci

 18   à nous, c'est l'acte d'accusation. Ce que vous dites, ayez toujours en tête

 19   ce qui est écrit dans l'acte d'accusation, voilà.

 20   Je n'ai pas lu le livre de M. Bill Clinton, je le regrette, mais je ne l'ai

 21   malheureusement pas lu. D'un autre côté, ça vaut mieux parce que ça me

 22   permet d'être totalement neutre par rapport à ce que vous venez de dire à

 23   l'instant. Je n'ai pas lu le livre, mais vous, vous avez dû le lire. Comme

 24   vous avez prêté serment, je vous fais tout à fait confiance dans la réponse

 25   que vous allez m'apporter.

 26   Dans le livre de M. Clinton, est-ce qu'il évoque, et là, je reste collé,

 27   comme l'a dit le Juge Prandler, à l'acte d'accusation, est-ce que M.

 28   Clinton, quand il écrit ce livre, je présume qu'il l'a écrit entouré


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  1   évidemment de ses conseillers, des gens du département d'Etat, des Services

  2   secrets et CIA, et cetera, donc son livre avait de meilleures sources,

  3   puisque quand un ancien chef d'état écrit, il ne peut pas se permettre de

  4   raconter n'importe quoi. Donc on peut penser que ce qui est écrit est

  5   sérieux, très sérieux.

  6   A partir de là, est-ce que dans ce livre, M. Bill Clinton, évoque les

  7   trois sujets qui me préoccupent : la question de la Grande-Croatie ? Est-ce

  8   qu'il dit que M. Tudjman avait la volonté de faire une OPA [phon] sur

  9   l'Herzégovine afin de reconstituer la Banovina ? Est-ce qu'il le dit ?

 10   Deuxièmement, vous avez parlé tout à l'heure d'épuration ethnique,

 11   mais je crois comprendre que c'est les Serbes. Mais est-ce qu'il dit à un

 12   moment donné qu'il y a eu une épuration ethnique en Bosnie-Herzégovine du

 13   fait des Croates de l'Herzégovine ? Est-ce qu'il le dit dans son livre ?

 14   Voilà les deux questions qui me préoccupent, autant préciser que je

 15   ne sais absolument pas ce qui est dans le livre et d'autant plus que dans

 16   le classeur que nous a donné Me Kovacic, je n'ai pas les traductions en

 17   anglais.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous prie dans bien vouloir accepter mes

 19   excuses du fait que je m'égare de temps en temps, et je vous remercie pour

 20   cet avertissement. Ce sont des choses qui arrivent parfois. Je vais

 21   maintenant uniquement m'en tenir à des constatations.

 22   A aucun moment dans cet ouvrage je n'ai trouvé la mention par M.

 23   Clinton que Franjo Tudjman aurait parlé d'une Grande-Croatie, premièrement.

 24   A aucun endroit dans cet ouvrage que j'ai lu, pour ma part, je n'ai

 25   trouvé que Bill Clinton ait fait mention d'une purification ethnique opérée

 26   par les Croates en Bosnie-Herzégovine. Ce que je souhaitais montrer avec

 27   cet ouvrage à l'appui, c'est la chose suivante, à savoir que les puissances

 28   occidentales étaient en désaccord, et il est dit ici que pour certains


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  1   gouvernements européens, il n'était pas souhaitable qu'il ait un Etat

  2   musulman au  cœur des Balkans, cela correspondait à une peur de voir

  3   s'installer une base pour l'importation d'idéologie extrémiste, bien que

  4   les résultats de leur propre manquement étaient déjà similaires.

  5   Alors ce que je voulais montrer, c'était donc la chose

  6   suivante : la guerre en Bosnie-Herzégovine a été modérée par un comité

  7   international particulièrement mal organisé. Et j'affirme, Messieurs les

  8   Juges, que les représentants de ces différents états sur le terrain

  9   suivaient les politiques de leurs états respectifs. Les Britanniques par

 10   rapport à leur propre état; les Français adoptaient les positions de leur

 11   propre état; et les Américains, ceux des Etats-Unis. Ils créaient ainsi une

 12   confusion infinie, et toute cette histoire n'a fait que prolonger la guerre

 13   et créer un chaos que dans l'acte d'accusation on essaie de nous imputer à

 14   nous. J'estime que c'est très important. Par exemple, ici, Clinton dit un

 15   peu avant qu'il souhaitait lever l'embargo, ensuite il dit : J'étais contre

 16   la décision de la levée de l'embargo contre les armes qui a été proposée

 17   par le sénateur Dole, parce que je craignais que cela n'affaiblisse les

 18   Nations Unies et leur position.

 19   Alors ce que nous nous savions de par nos propres contacts, ce qui

 20   nous a été dit, j'affirme qu'après cela les Américains ont affaibli ce même

 21   embargo. Leur 6e flotte ne procédait plus au contrôle des transports

 22   d'armes en Adriatique. Ils passaient également sous silence l'atterrissage

 23   des avions qui venaient de Turquie, l'arrivée d'armes provenant d'autres

 24   états que je ne citerai pas afin qu'on ne les accuse pas.

 25   Tout cela, il le laissait faire. Ce n'est que les premiers vols qui

 26   venaient de la Turquie et de l'Iran, c'étaient les deux pays dont il

 27   s'agissait. Ce n'est que pour les premiers vols qu'ils ont autorisé une

 28   partie seulement des armes qui étaient arrivées, car ils ont vu sur le


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  1   terrain que ce que faisait les différents gouvernements n'était tout

  2   simplement pas bon, qu'il n'était pas possible de permettre ces tueries

  3   entre peuples et que l'on interdise à deux peuples de s'armer. J'estimais,

  4   Monsieur le Juge, pour des raisons personnelles, que de nombreux officiers

  5   qui servaient sur place, au sein des forces des Nations Unies, donc des

  6   Français, des Espagnols, qui nous venaient en aide. Je savais qu'ils nous

  7   aidaient, mais de façon cachée. Ils n'avaient pas le droit de le faire

  8   publiquement, mais ils comprenaient que c'était une façon de bien agir.

  9   Je n'ai plus rien à ajouter sur ce sujet. Nous allons en finir avec

 10   cela. Mais, ensuite Clinton décrit la façon dont il a imaginé cette

 11   confédération, c'est l'accord de Washington. Il a exercé des pressions sur

 12   Izetbegovic et sur Franjo Tudjman, afin que dans le cadre de cette

 13   fédération des Croates et des Musulmans en Bosnie-Herzégovine s'installe

 14   cette solution. Mais il a fait pression pour qu'il y ait une confédération

 15   entre la Croatie et cette fédération. Alors pour moi, aujourd'hui, ce n'est

 16   pas du tout clair. Je ne vois pas du tout quelle était la logique sous-

 17   jacente à cela. Mais c'est ainsi que cela était, car si cette fédération

 18   croate ou musulmane était entrée en confédération avec la République de

 19   Croatie, alors la Republika Srpska aussi serait entrée en confédération

 20   avec la Serbie. Cela aurait impliqué que la Bosnie-Herzégovine n'existe

 21   plus --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Une dernière question pour aller au cœur du sujet,

 23   parce que vous voyez bien que toutes mes questions maintenant sont centrées

 24   sur des éléments essentiels.

 25   Ma dernière question est la suivante : à la place où vous êtes, il y

 26   a plusieurs mois, nous avions l'ambassadeur américain à Zagreb qui est venu

 27   témoigné ici. Vous l'avez, comme moi, entendu. Je me souviens parfaitement

 28   qu'il nous avait dit que quasiment tous les jours il voyait M. Tudjman ou


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  1   il lui téléphonait, mais en permanence, il était près de M. Tudjman;

  2   notamment en novembre 1993, quand il y a eu les événements de cette

  3   localité Stupni Do. Vous-même, vous avez exercé des fonctions de

  4   responsabilité dans le gouvernement croate, puisque vous avez été ministre

  5   adjoint de la Défense à un moment donné, puis après vous êtes parti dans le

  6   HVO, puis vous êtes reparti à Zagreb à compter du 9 novembre 1993. Mais

  7   dans les diverses positions que vous avez occupées, est-ce que vous avez

  8   senti que la politique de M. Tudjman était sous contrôle américain ou que

  9   c'était une politique totalement indépendante ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie sincèrement pour ces

 11   questions, Monsieur le Président.

 12   La politique de Franjo Tudjman était très clairement dirigée,

 13   conformément à ses aspirations, vers un but. Afin d'atteindre ce but dans

 14   les circonstances qui prévalaient, il répétait en permanence comme un

 15   perroquet - je ne veux ici vexer personne - il répétait qu'il était

 16   impossible de créer un Etat croate qui ne serait pas en conformité et ne

 17   bénéficierait pas de l'accord de la communauté internationale. A l'époque,

 18   il s'était efforcé en permanence de comprendre ce que la communauté

 19   internationale et l'Occident souhaitaient. Donc il y avait les

 20   Britanniques, il y avait les autres, et il a en permanence procéder à

 21   l'adaptation de tout cela avec un et un seul but, à savoir que la Croatie

 22   soit démocratique, qu'elle soit dans le cadre de frontières qui étaient

 23   celles décrites dans le rapport de la commission Badinter. Evidemment, il

 24   était obligé de se conformer à ce qu'on lui disait. Ce ne sont pas des gens

 25   qui viennent vraiment négocier, ils viennent pour dire vous devez faire ça

 26   et si vous ne le faites pas, nous allons introduire un embargo, nous ferons

 27   ceci et cela. Nous étions tout simplement trop faibles pour discuter sur un

 28   pied d'égalité.


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  1   L'ambassadeur des Etats-Unis n'est pas quelqu'un avec qui je peux

  2   discuter d'égal à égal. Indépendamment de ce que je peux penser de cette

  3   conversation qui, de son point de vue peut-être d'égal à égal, mais il

  4   appartient à une grande puissance qui se rend sur place. Franjo Tudjman ne

  5   pouvait pas dire à Galbraith : Aujourd'hui je ne peux pas vous recevoir. Ce

  6   n'est pas quelque chose qu'il pouvait se permettre, au contraire du

  7   président de la République française, par exemple.

  8   Alors, Monsieur le Président, ce qui a crée un malentendu, par ailleurs je

  9   le sais très précisément, cela émane de certaines positions de Franjo

 10   Tudjman qui ont été citées de façon erronée. Il y avait deux aspects. L'un

 11   était purement pragmatique dans les déclarations du président; nous allons

 12   faire ceci, nous allons faire cela. Et l'autre volet était une tentative

 13   d'explications historiques que les autres ne souhaitaient pas écouter et

 14   qui concernait ce qu'ils convenaient d'entreprendre afin de trouver la

 15   meilleure solution possible dans cette région. En tant qu'historien pendant

 16   20 ou 30 ans avant la guerre, il a écrit ce qu'il pensait dans ses

 17   différents ouvrages, et il ne cessait de répéter ce qu'avaient adoptés

 18   comme solutions les pays scandinaves. Il en était pratiquement obsédé de

 19   cette façon dont les pays scandinaves avaient réussi à installer une

 20   solution pacifique. Il pensait qu'il fallait utiliser ce même modèle, mais

 21   évidemment, il n'a pas toujours tracé une ligne de partage claire dans ce

 22   qu'il relevait de l'explication historique et ce qui avait trait à la façon

 23   dont il convenait concrètement de mettre les choses en œuvre. Si bien que

 24   cela a été très certainement une source de malentendu. Les gens ont mélangé

 25   l'un et l'autre volet, et les Américains qui venaient sur place n'avaient

 26   absolument pas le temps d'essayer de comprendre l'histoire ni ce qui se

 27   passait. Ils venaient comme s'ils étaient patrons d'une entreprise pour

 28   dire : Toi, tu fais ceci et toi, tu fais cela.


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  1   M. KHAN : [interprétation] Puis-je demander, Monsieur le Président,

  2   que M. Praljak ne parle pas si vite, car parfois il est difficile de

  3   suivre. Ce serait sans doute utile.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Essayez de ralentir, Monsieur Praljak.

  5   Bien. Maître Kovacic.

  6   M. KOVACIC : [interprétation] Très bien.

  7   Q.  Alors je pense que nous avons fait le tour de ceci et qu'il n'y a plus

  8   de questions supplémentaires. Peut-être pouvez-vous juste vous référer à

  9   l'écran et vous verrez à ce moment-là, si vous regardez de temps en temps à

 10   l'écran, à quel point le compte rendu d'audience est en retard. Cela vous

 11   donnera une idée de la nécessité qu'il y a de ralentir.

 12   Alors vous avez répondu par rapport à cette thèse essentielle concernant

 13   l'existence de positions différentes des puissances influentes, des

 14   puissances occidentales qui ont exercé une influence sur l'évolution de la

 15   situation, notamment en Bosnie-Herzégovine. Nous avons donc différentes

 16   positions. Mais dites-nous, s'il vous plaît, comment les Britanniques

 17   envisageaient la situation ? Nous venons d'envisager les Etats-Unis et la

 18   position qui était la leur, mais quelle était la position des Britanniques

 19   ? Si nous prenons Margaret Thatcher, par exemple, dans un premier temps,

 20   elle accuse Milosevic. Elle l'accuse d'être responsable de la guerre. Elle

 21   dit : S'il n'y avait pas Milosevic, il n'y aurait pas eu de guerre. Alors

 22   est-ce que les Britanniques comprenaient les raisons sous-jacentes de tout

 23   cela ?

 24   R.  Je vais essayer de répondre très lentement. Je voudrais juste dire

 25   encore qu'à un endroit M. Clinton dit la chose suivante : Nous n'avons pas

 26   appliqué strictement l'embargo sur les armes, car nous savions qu'il

 27   s'agissait de la survie même de la Bosnie. Par ailleurs, les armes

 28   arrivaient par l'intermédiaire de la Croatie. Elles ne pouvaient pas


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  1   arriver par la Bosnie. Alors, nous en aurons fini ainsi.

  2   Maître Kovacic, la baronnesse Thatcher, à l'époque, n'était plus active sur

  3   la scène politique britannique. Elle avait déjà quitté. Mais j'affirme qu'à

  4   partir de l'ouvrage qu'elle a écrit, c'est "L'art de diriger un Etat," on

  5   peut voir que la baronnesse Thatcher met le doigt de la façon la plus

  6   pertinente sur ce qui s'est passé, les problèmes qui se sont présentés et

  7   que c'est elle qui comprend le mieux quelles sont les relations de cause à

  8   effet, qu'est-ce qui s'est passé avant, quels ont été les précédents et

  9   qu'elle comprend le mieux qui a fait quelle erreur et pourquoi cette guerre

 10   s'est autant prolongée. Ce que je dirais, c'est que ce qui est écrit là, on

 11   peut y souscrire et le signer sans la moindre réserve. Elle a dit dans ce

 12   livre très clairement de quoi il s'agissait. Et la question pour elle se

 13   posait de nouveau, de savoir quel est le lien avec l'acte d'accusation,

 14   mais je vais dire peut-être deux ou trois choses.

 15   Par exemple, regardez comme cette phrase est bien formulée. Elle

 16   parle d'une politique dans laquelle chaque sentiment de nature nationale

 17   est considéré comme relevant du "nationalisme." Elle dit la chose suivante.

 18   C'est la page 15 de l'introduction. C'est le

 19   3D41-0098. Elle dit :

 20   "Rares étaient ceux qui parmi nous étaient à ce point dépourvus de sens

 21   tactique qu'ils n'avaient pas remarqué --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] 3D02642.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors je vais certainement demander à ce que

 27   certains sujets qui, à mon avis, concernent l'acte d'accusation, j'aimerais

 28   qu'on parcoure un peu ces quelques --


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  1   Mais on va faire la pause ?

  2   Justement, je vais continuer. Alors 3D41-0098, en page 15.

  3   Rares étaient ceux parmi nous qui avaient une telle absence de tact pour

  4   remarquer que, pour avoir de bonnes relations de bon voisinage, il faut

  5   avoir des clôtures solides.

  6   Alors si on se penche un tant soit peu sur l'histoire de la Croatie

  7   et si l'on constate combien de problèmes il y a eu avec les autres Etats,

  8   alors au moment où il a été créé des frontières avec la Hongrie, les

  9   relations entre la Croatie et la Hongrie se trouvent être parfaites.

 10   L'INTERPRÈTE : Répétez le numéro de la page.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est 15. Non, je me suis trompé. Excusez-moi,

 12   25 en chiffres romains. 3D41-0098.

 13   Parfois il convient de mettre des clôtures pour avoir des relations de bon

 14   voisinage. Nos relations avec l'Italie sont parfaites; avec l'Autriche,

 15   c'est excellent; avec la Hongrie, c'est excellent. Tout ça c'étaient des

 16   pays, au cours de l'histoire, où on a eu des problèmes avec. Alors nos

 17   relations avec les Serbes vont être excellentes. C'est déjà en train de

 18   s'améliorer dans dix, 15, 20 ans, en attendant de résoudre certains

 19   problèmes en suspens."

 20   Alors je vais sauter tout ceci.

 21   M. KARNAVAS : [interprétation] Quand M. Praljak lit une citation, qu'il

 22   donne le paragraphe. De cette façon, les interprètes peuvent retrouver le

 23   passage correspondant. Les Français, n'ayant ni d'anglais ni le B/C/S

 24   souvent. Merci.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, à l'avenir quand vous préparez un

 26   document, essayez toujours d'avoir à l'esprit de nous donner, bien entendu,

 27   la page en B/C/S, puis la page en anglais, si vous en êtes capable, mais a

 28   priori pour qu'immédiatement les anglophones se précipitent sur le texte


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  1   pour pouvoir vous suivre.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  3   Alors page 224 de la traduction, version anglaise, 3D41-0104. Voilà

  4   la version anglaise. Il s'agit du deuxième paragraphe et on parle des

  5   "Tribunaux pénaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda." Deuxième paragraphe,

  6   disais-je, où il est dit :

  7   "La création d'un tribunal pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda…" Et

  8   cetera :

  9   "…a constitué un fait par lequel l'Occident et la Communauté internationale

 10   ont reconnu leur échec. En ex-Yougoslavie, Slobodan Milosevic et les

 11   représentants de la politique qu'ils conduisaient s'étaient servis de

 12   l'armée yougoslave et des bandes paramilitaires d'extrémistes serbes aux

 13   fins d'entamer une guerre contre la population non-serbe."

 14   Donc, non pas la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, mais contre la

 15   population non-serbe :

 16   "Milosevic a fait la chose d'une façon si barbare et si éhontée, et

 17   ce, au vu et au su de l'Occident, qu'il eut été impossible pour l'Europe et

 18   les Etats-Unis d'Amérique de passer outre." Un peu plus loin, il dit: "Qui

 19   plus est, à plusieurs reprises il a été adressé des signaux qui, à

 20   Belgrade, ont été interprétés comme étant un feu vert, entre guillemets,

 21   pour la poursuite de ce type d'activité. Une fois que la plus grande des

 22   puissances au monde, l'Amérique, au tout début des conflits en 1991, ait

 23   apporté des évaluations, en série mais erronées, pour essayer de façon

 24   tenace de rendre coupable tant la victime que son agresseur, il a, au

 25   final, fallu répondre à ce sentiment d'horreur qui saisissait de plus en

 26   plus le reste du monde."

 27   Page 244, il s'agit du 3D33-0728, le tout premier passage, une phrase qu'on

 28   nous a toujours enseigné dans l'histoire, à savoir que :


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  1   "Bismarck une fois a dit : Les Balkans entiers ne valent pas les

  2   ossements d'un grenadier de Poméranie."

  3   Bon nombre de gens seraient d'accord avec cette opinion formulée par

  4   le chancelier de fer. Je crois que des opinions de ce type pendant la

  5   guerre, on en a entendu pas mal, mais je ne serais pas, moi, de l'avis de

  6   M. Bismarck. Car quand il s'agit de personnes qui venaient là où ils

  7   appartenaient des petits livrets où on leur enseignait toutes choses sur

  8   nous comme si on était des tribus, il y a eu de telles erreurs et un tel

  9   mépris, un tel dénigrement, qu'il était plutôt pénible de prêter une

 10   oreille attentive à tout cela.

 11   Page 245 maintenant. Il s'agit du 3D33-0729, paragraphe 2, au milieu. Ça

 12   commence par "L'Occident."

 13   "L'Occident, au final, est bel et bien intervenu pour essayer de préserver

 14   la vielle Yougoslavie ensemble. Aussi, a-t-il exercé de grosse pression

 15   dans l'opinion publique à l'encontre de ceux qui avaient osé souhaiter en

 16   sortir. Les pays occidentaux ont, entre autres, imposé un embargo sur les

 17   importations d'armes, ce qui a fait que l'agresseur s'est vu placer dans

 18   une position incomparablement meilleure, et c'est ce qui a encouragé

 19   l'agression."

 20   La baronne Thatcher, dans la suite, dit que l'Occident a servi

 21   d'intermédiaire pour ce qui est de bon nombre de cessez-le-feu, a envoyé

 22   également bon nombre de menaces, et elle estime qu'il eut été préférable de

 23   ne pas s'en mêler de la sorte et nous laisser résoudre les problèmes entre

 24   nous.

 25   En page 248 -- non, non, on ne va pas y aller.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Général. Monsieur le Président,

 27   je voudrais juste poser une question. J'ai gardé le silence jusqu'à

 28   maintenant, et je vais continuer à garder le silence, parce qu'il semble


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  1   que la Chambre de première instance, en dépit des admonitions au général

  2   Praljak à essayer de rapprocher davantage sa déposition de ce qui est

  3   allégué dans l'acte d'accusation, si la Chambre de première instance veut

  4   bien qu'il poursuive, mais juste pour le compte rendu, ce qui est présenté

  5   dans sa déposition, selon l'Accusation, n'est pas pertinent. Il est en

  6   train de donner lecture de livres de différentes personnes, d'hommes

  7   politiques, le président, le premier ministre, toutes sortes de choses qui

  8   sont intéressantes sans doute. Peut-être que ce qu'il veut dire c'est que

  9   la communauté internationale est responsable des crimes dont il est accusé.

 10   Si telle est la position, qu'il le dise. On peut le lui laisser dire. Je

 11   veux dire qu'il semble que ce soit la direction dans laquelle il va. Mais à

 12   notre avis, ceci est dénué de pertinence.

 13   Je ne vais pas faire d'autres objections, parce que je pense qu'en

 14   fin de compte nous perdons le fil et nous perdons du temps, mais voilà la

 15   position de l'Accusation. Il s'agit d'une déposition qui est dénuée de

 16   pertinence. Elle n'est pas liée aux crimes qui sont allégués dans l'acte

 17   d'accusation, et ne comprennent aucun des crimes commis par les Serbes.

 18   Telle est notre position. Je veux simplement dire ceci pour le compte

 19   rendu, s'il vous plaît.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : -- l'appui de l'Accusation, vous avez produit des

 21   résolutions du Conseil de sécurité, vous avez produit des articles de

 22   presse, de la presse britannique. Vous avez produit différents documents.

 23   Pourquoi ne voulez-vous pas qu'un accusé produise des documents émanant des

 24   responsables politiques américains, anglais, français, je ne sais lesquels

 25   encore, qui parlent de ces événements ? Pourquoi interdire un accusé d'en

 26   parler ?

 27   Monsieur Praljak, concernant le livre de Mme Thatcher, moi, je ne l'ai pas

 28   lu - je pense que mes collègues non plus ne l'ont pas lu - la seule


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  1   question, et j'en viens toujours à l'objectif de mon collègue, le Juge

  2   Prandler, et il a tout à fait raison, nous, c'est l'acte d'accusation. Ma

  3   question est ultra simple : est-ce que Mme Thatcher, dans son livre, parle

  4   à nouveau des trois sujets que j'ai évoqués tout à l'heure; il y a le livre

  5   de M. Clinton, la Grande-Croatie, l'épuration ethnique ? Voilà les sujets

  6   importants. Est-ce qu'elle en parle, ou, comme j'ai eu l'impression, elle

  7   ne parle que des Serbes ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur les trois éléments que vous avez

  9   mentionnés, la baronne Thatcher n'a attribué rien du tout à la direction

 10   croate ni à Franjo Tudjman, pas un seul. Elle reproche, elle parle des

 11   Serbes, elle parle de l'attitude de l'Occident; elle parle donc de qui a

 12   commencé la guerre, comment la guerre a évolué, et quel a été le

 13   comportement de la communauté internationale dans tout ceci.

 14   Messieurs les Juges, à l'acte d'accusation on parle d'une entreprise

 15   criminelle commune, et d'abord on dit qu'on a voulu morceler la Bosnie-

 16   Herzégovine, et ici il est question de M. Clinton. Si j'avais pu finir,

 17   j'aurais pu dire que c'était lui qui a créé la Fédération des Croates et

 18   des Musulmans en Bosnie-Herzégovine et qui a amené Alija Izetbegovic et

 19   Franjo Tudjman pour signer à Washington une confédération avec la Croatie.

 20   Il a morcelé la Bosnie-Herzégovine. Donc je ne suis pas non intelligent. Ne

 21   m'attribuez pas des crimes de guerre avant que les Juges ne se prononcent.

 22   Donc ça se rapporterait à Praljak a fait ceci ou cela, et là, point ne

 23   serait nécessaire de le faire.

 24   Maintenant, on est en train de parler du rendement ou des résultats

 25   de l'embargo, parce que Mme Thatcher a compris ce qui, en Bosnie-

 26   Herzégovine, a été fait par cette masse de Bosniens expulsés par les Serbes

 27   et qui s'est emparée des territoires où il y avait jusque-là eu un

 28   équilibre entre les Croates et les Serbes, et c'est ce qui a


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  1   substantiellement généré un conflit entre les Croates et les Musulmans.

  2   M. le Procureur peut ne pas être d'accord, mais moi, je suis en train

  3   de prouver que cela a bel et bien été l'étincelle qui a provoqué le

  4   conflit, parce que cette perturbation de l'équilibre, quand il y a des

  5   dizaines de milliers de gens qui s'emparent d'appartements ou de

  6   territoires, et sans pour autant qu'on ne leur garantisse la possibilité de

  7   rentrer chez eux, c'est des gens qui sont acerbes, qui sont dans

  8   l'amertume, qui ne croient personne, qui se battent pour la subsistance, la

  9   survie, sans tenir compte de quoi que ce soit ou de qui que ce soit.

 10   Je n'affirme pas que ça ne se serait jamais produit, mais s'agissant

 11   des conflits à Mostar ou des conflits à Travnik, s'il n'y avait pas eu ce

 12   que je suis en train de qualifier d'occupation pacifique sur le plan

 13   ethnique, du fait de personnes chassées par les Serbes, peut-être y aurait-

 14   il eu guerre, peut-être y aurait-il eu conflit, mais ça aurait été beaucoup

 15   plus difficile, ça se serait produit plus tard et il n'y aurait pas ce même

 16   résultat. Et c'est très important pour l'acte d'accusation que de le

 17   savoir.

 18   J'affirme, donc, que la méconnaissance de ces éléments-là fait de

 19   l'acte d'accusation une construction logique. Or, moi, j'estime qu'une

 20   femme du monde politique et un homme politique, Clinton, avaient pensé

 21   différemment.

 22   Or, autre chose encore, chose importante me concernant quant à l'acte

 23   d'accusation, lorsqu'on sait que la durée de la guerre qui est une variable

 24   tout à fait distincte et qui influe sur tout individu pour ce qui est de la

 25   potentialité de voir briser son potentiel d'avoir des compensations, ça

 26   augmente avec la durée de la guerre et c'est ce qui est écrit dans tous les

 27   manuels de psychologie sociale. Plus la guerre dure, de façon

 28   exponentielle, vous allez avoir plus d'individus qui vont caler, qui vont


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  1   succomber par la faim, la fatigue, le désespoir. Dans l'acte d'accusation,

  2   on veut mettre ça sur le dos d'autrui pour dire que ça a été organisé.

  3   Alors, c'est très important. Ou alors, voulez-vous dire que je suis

  4   complètement ignare en la matière. J'aimerais, donc, que les Juges

  5   m'entendent. A vous maintenant, Messieurs les Juges, de déterminer ce que

  6   vous allez en faire. C'est votre droit.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire le break.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Peut-être pourrait-on m'aider après

  9   la suspension de séance.

 10   Si vous regardez la page 42, lignes 8 à 12, je dois reconnaître que je n'ai

 11   absolument pas compris ce que M. Praljak essayait de dire là. Peut-être que

 12   ça a été perdu à l'interprétation. Suspendons la séance et peut-être qu'on

 13   pourra éclaircir les choses après la suspension de séance.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Arrêtons 20 minutes.

 15   --- L'audience est suspendue à 16 heures 03.

 16   --- L'audience est reprise à 16 heures 27.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 18   Maître Kovacic.

 19   M. KOVACIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Praljak, peut-être pourriez-vous nous expliquer la question

 21   qui a été évoquée par M. le Juge Trechsel à la page 42, lignes 8, 9, où

 22   vous avez dit que les conflits à Mostar et Travnik, dans ces circonstances

 23   d'occupation pacifique sur le plan ethnique faites par les réfugiés qui ont

 24   été le fait des Serbes, est-ce qu'il y a quelque chose qui manque, là ?

 25   R.  Oui, je peux le faire. Monsieur le Juge Trechsel, quand j'en arrive à

 26   un passage ou au paragraphe évoqué par Mme Thatcher, je vais une fois de

 27   plus l'expliquer de façon précise et lente.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, je n'ai pas besoin


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  1   d'une indication de paragraphe. J'ai besoin d'une retraduction de ce que

  2   vous avez dit entre les lignes 8 et 12, parce que là, vous y parlez du fait

  3   que le conflit aurait pu être évité,

  4   s'il n'y avait pas eu d'occupation ethnique pacifique, et ceci me paraît

  5   très étrange. Je ne pense pas que c'est ça que vous vouliez dire. Si vous

  6   pouvez vous rappeler ce qu'en fait vous vouliez dire et le dire lentement,

  7   à ce moment-là les interprètes pourront le traduire. C'est un problème

  8   linguistique que j'ai ici.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Certes. C'est simple. Ces vagues de réfugiés

 10   arrivant, surtout des Musulmans que les Serbes de Bosnie-Herzégovine ont

 11   chassé de leurs maisons, bon nombre d'entre eux étaient partis en Croatie

 12   et un grand nombre encore sont restés en Bosnie centrale. De la sorte, il y

 13   a eu perturbation de l'équilibre ethnique entre les Musulmans et les

 14   Croates, et ceci a constitué un facteur important qui a contribué à la

 15   guerre ouverte qui s'est déclarée entre ces deux populations en mars 1993.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. C'est très clair maintenant.

 17   Ça veut dire quelque chose, c'est sensé, et je vous suis reconnaissant.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous permettez que je termine ma phrase,

 19   Monsieur le Juge Trechsel.

 20   Ce que je viens de citer est écrit littéralement de la sorte à la page 261

 21   de la version croate par Mme Thatcher, en anglais c'est 3D 33-0743,

 22   paragraphe 3.

 23   J'affirme que ces vagues de réfugiés qui ont perturbé l'équilibre ethnique

 24   à Mostar et en Bosnie centrale ont contribué de façon substantielle à ce

 25   conflit qui a éclaté entre ces deux parties, les Musulmans et les Croates,

 26   à savoir l'ABiH et le HVO, parce que ces personnes expulsées dans les

 27   circonstances générales sentaient qu'ils n'avaient aucune espèce de

 28   garantie pour ce qui est de rentrer chez eux. Nombreux sont ceux qui ne


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  1   sont pas rentrés chez eux de nos jours et qui ne rentreront jamais. Ils

  2   étaient pleins d'amertume. En termes simples, ils demandaient un espace

  3   vital pour pouvoir y habiter, et ni à Travnik, ni à Mostar -- la population

  4   qui s'y trouvait, s'il n'y avait pas eu perturbation ethnique des

  5   arrivants, je n'affirme pas qu'il n'y aurait pas eu de conflit, mais

  6   probablement n'aurait-il pas eu lieu, et si oui, pas dans cette envergure.

  7   Or la page que je viens de citer évoque justement ce que Mme Thatcher dit à

  8   ce sujet, la même chose. Qui plus est, elle dit que ceux qui ont été

  9   expulsés par les Serbes, la finalité c'était entre autres de générer des

 10   conflits entre les Musulmans et les Croates. C'est ce qu'elle dit.

 11   Je voudrais maintenant revenir à la page 250.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, malheureusement je n'ai pas les

 13   pages que vous dites. Certes, il y a eu un problème technique, mais dites

 14   exactement la phrase qu'elle prononce, comme ça cela sera au transcript. Ça

 15   va faire deux, trois lignes. Dites exactement ce qu'elle dit sur ce

 16   problème.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous donner lecture de la chose. Page

 18   261 de la version croate. En version croate il s'agit du 3D33-0743. Je cite

 19   :

 20   "On estime que 900 000 personnes ont cherché refuge dans les pays voisins

 21   ainsi qu'en Europe occidentale, alors qu'il y en a 1,3 millions à avoir été

 22   déplacées à l'intérieur même de la Bosnie. Le fardeau de l'accueil d'un si

 23   grand nombre de personnes, notamment en Croatie et en Bosnie, était

 24   insupportable.

 25   "Ces vagues de réfugiés apportaient de l'instabilité, et c'est ce qui a

 26   constitué la finalité de la chose. L'arrivée de milliers de réfugiés

 27   musulmans en Bosnie centrale, qui a perturbé l'équilibre ethnique entre les

 28   Musulmans et les Croates, constitue un facteur important ayant contribué à


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  1   une guerre ouverte qui s'est déclarée du reste entre eux en mars 1993."

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Un instant, Monsieur Praljak. Page anglaise

  3   en affichage électronique, 3D33-0632, et la page du livre en version

  4   anglaise 301, et l'intitulé c'est "War against Bosnia," "Guerre contre la

  5   Bosnie."

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci d'avoir lu cela. Les Juges apprécieront

  7   et voilà.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais maintenant revenir à la page 250

  9   de la version croate. Comment cela diffère-t-il chez

 10   moi ?

 11   M. KOVACIC : [interprétation] Ce n'est pas la version anglaise. Je voudrais

 12   que vous nous donniez lecture du numéro de la page originale et de

 13   l'affichage électronique.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Page 250. Je vais parcourir rapidement. 3D33-

 15   0732. C'est le chiffre titre en bas. Dans le première paragraphe, Mme

 16   Thatcher après avoir rendu visite à Vukovar en 1998 dit que toute personne

 17   au moins une fois de sa vie devrait faire face à la réalité matérielle du

 18   mal qu'elle a vu Vukovar, elle a vu à quel point le mal a un visage que

 19   personne ne saurait oublier. Au paragraphe 3, elle dit que cette année-là

 20   la région de la Slavonie orientale a pacifiquement été récupérée par la

 21   Croatie grâce au gouvernement de la Croatie, et les Nations Unies ont

 22   réalisé un premier grand succès en matière de réintégration, c'est le

 23   général Klein qui s'est trouvé à la tête de ces opérations de

 24   réintégration. Puis elle dit, je cite :

 25   "En outre, je croyais, tout comme je le croyais depuis le début même, en

 26   été 1991, que la Croatie, en sa qualité de nouvel Etat démocratique, avait

 27   besoin de tout le soutien dont elle pourrait bénéficier, ainsi que ce

 28   soutien qui lui a jusque-là été accordé par l'Occident était trouvé, pour


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  1   ainsi dire, négligeable. Aussi ai-je accepté l'invitation du président, le

  2   Dr Franjo Tudjman et du gouvernement aux fins d'effectuer cette visite à

  3   tant de reprises reportée à plus tard."

  4   Dans les deux paragraphes qui suivent, elle parle de l'appartenance

  5   de la Croatie à cette Europe méditerranéenne et que le reste de la Croatie

  6   appartient à l'Europe centrale. Elle dit que Dubrovnik est une très belle

  7   ville et que le bombardement de Dubrovnik a été l'un des actes tactiques

  8   des plus bêtes de la part de Belgrade. Elle dit aussi que le bombardement

  9   de Dubrovnik --

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak. Mais

 11   vraiment, il n'est pas nécessaire que Mme Thatcher nous dise ça. Parce que

 12   ceci est vraiment sans aucune pertinence, tout le monde le sait, cela, les

 13   membres de la Chambre sont parfaitement au courant de cela.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience et pour

 15   nous faciliter la lecture, ce qui vient d'être lu par le général Praljak

 16   est situé page 3D33-0626. Page en anglais 288, du livre en anglais, de

 17   l'original. Un sous-titre, "Vukovar." Une petite image apparaît d'une carte

 18   sur cette même page. Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous avez lu une partie du livre.

 20   Il y en a peut-être une autre que vous auriez pu lire et que je découvre à

 21   l'instant, que je vais résumer très vite pour que nous gagnions du temps.

 22   Apparemment, deux ans avant 1993, disons 1991, Mme Thatcher avait apporté

 23   son soutien à la Croatie et d'après ce qu'elle dit, on devait lui donner

 24   une récompense comme Docteure à l'Université de Zagreb. Et voilà qu'il y a

 25   l'événement d'Ahmici, c'est ce qu'elle dit et du coup, elle n'y a pas été.

 26   Elle a supprimé sa visite et elle dit que c'étaient des attaques faites par

 27   des Croates extrémistes. Alors, est-ce que vous avez un commentaire à faire

 28   ? Parce que vous vous appuyez sur le livre autant que vous vous appuyez sur


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  1   tout ce qui est écrit, et lui est directement lié à l'acte d'accusation.

  2   Alors, voilà ce qu'il y a d'écrit. Qu'est-ce que vous en dites ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis au courant de cela, Monsieur le

  4   Président. Mme Thatcher était attendue, mais elle a annulé son déplacement

  5   suite à ce qui s'était produit à Ahmici. Ahmici était à la une des médias

  6   sur le plan international et elle a estimé que le moment ne se prêtait pas

  7   à ce qu'elle rende visite à la Croatie. On s'est demandé quel était le lien

  8   entre la Croatie et Ahmici. Mais tout simplement, c'est comme ça que ça

  9   s'est passé.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne répondez pas à l'autre versant de ma

 11   question. Pourquoi elle parle de Croates extrémistes ? Est-ce que vous avez

 12   une réponse ? Puisque c'est écrit, là.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'avais pas compris. Sinon, j'aurais

 14   répondu.

 15   On ne peut pas contester, Monsieur le Président, qu'il y a eu un certain

 16   nombre de groupes en Bosnie-Herzégovine. C'est au sujet d'Ahmici qu'elle en

 17   parle. Elle parle d'extrémistes lorsqu'elle évoque cet événement-là. C'est

 18   comme ça que je l'ai compris. Pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine, il y

 19   a eu, oui, du côté des Croates ainsi que du côté des Musulmans, des groupes

 20   qui échappaient à tout contrôle et c'étaient des groupes extrémistes, il

 21   n'était pas possible de les contrôler, ils agissaient de nuit.

 22   Tout simplement, de jour, il se peut que ce soit par exemple, un

 23   groupe appartenant au HVO. Mais personne ne savait ce qu'ils faisaient à

 24   partir du moment où ils étaient rentrés chez eux des lignes de front, et

 25   lorsqu'ils se trouvaient chez eux à passer 15 ou 20 jours en permission.

 26   Compte tenu de ces circonstances, ce n'était pas possible. Qu'il s'agisse

 27   de Franjo Tudjman ou d'autres, nous disions tous que dans ces nouvelles

 28   démocraties, comme elle le dit, avec les problèmes qui étaient les nôtres,


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  1   il n'est pas possible de reprocher cela à la direction croate ou celle de

  2   la HZ HB qui, par tous les moyens essaie de mettre fin à ces pratiques.

  3   Hélas, il s'agit là d'une tâche ardue, même dans des Etats qui sont des

  4   démocraties stables, qui ne sont pas en guerre.

  5   Tout simplement, c'était quelque chose que nous vivions mal, tout

  6   simplement parce qu'on se trouvait coupable, mais il était impossible de

  7   savoir comment faire pour empêcher ça. C'est de l'impuissance, au sens

  8   classique du terme.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic.

 10   M. KOVACIC : [interprétation] Je vous remercie.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais poursuivre brièvement.

 12   Examinons quelques points en vitesse. 259, c'est la page de la

 13   traduction croate, deuxième paragraphe.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Vous me direz de quelle page il s'agit en

 15   anglais, s'il vous plaît.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce paragraphe, Mme Thatcher a dit

 17   que les dirigeants occidentaux, face à cette menace, elle a à l'esprit la

 18   Yougoslavie, ont commis trois erreurs fondamentales.

 19   Premièrement, ils ont essayé de préserver la Yougoslavie et c'est

 20   ainsi qu'ils ont fait comprendre à l'armée yougoslave que les pays

 21   étrangers n'allaient pas s'opposer à ses tentatives d'utiliser la force

 22   pour empêcher la sécession. Deuxièmement, la communauté internationale a

 23   imposé l'embargo, et ce faisant, les Slovènes, les Croates et les Bosniens

 24   se sont vu privés de leurs droits à la défense.

 25   Troisièmement, je cite, "en essayant d'agir de 'manière impartiale'

 26   en répartissant la responsabilité ou la culpabilité pour ces événements"

 27   tandis qu'en fait, une partie était l'agresseur tandis que l'autre était la

 28   victime, l'Occident est devenu d'une certaine manière un complice pour des


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  1   crimes commis, dans des crimes commis."

  2   Ça n'a nullement été et je cite Mme Thatcher, "un grand moment européen,"

  3   tel qu'affirmé à l'époque par le ministre des Affaires étrangères

  4   luxembourgeois, Jacques Poos. C'était un moment de honte européenne.

  5   Dans le dernier paragraphe, elle dit que la Croatie s'est vue occuper à peu

  6   près un tiers de son territoire, et je cite :

  7   "Les forces des Nations Unies se sont contentées d'observer

  8   passivement un nettoyage ethnique constant des Croates depuis des régions

  9   croates. Au fur et à mesure que la Croatie se renforçait, elles se sont

 10   mises à agir en tant que protecteurs des agresseurs serbes."

 11   Entre-temps, Milosevic et la direction militaire, qui se sont vu

 12   accorder par des négociateurs internationaux le droit de retirer les armes

 13   lourdes de Croatie en Bosnie, désormais se sont trouvés dans

 14   l'impossibilité de s'en servir contre la population non-serbe du coin.

 15   Mme Thatcher dit : 

 16   "Ce qu'on aurait dû faire ? Premièrement, lorsque les peuples

 17   constitutifs ont fait part de leur souhait de quitter la Yougoslavie, on

 18   n'aurait pas dû essayer de la maintenir à tout prix. Deuxièmement, la

 19   partie attaquée aurait dû se faire reconnaître le droit à une défense

 20   légitime."

 21   Troisièmement, il aurait fallu condamner l'agression menée contre la

 22   Slovénie et la Croatie dès le début, pendant la première phase et imposer

 23   un ultimatum suite auquel une action militaire aurait eu lieu. Des attaques

 24   aériennes auxquelles se serait joint l'approvisionnement en armes des

 25   régions qui se situent dans l'encerclement inouï, qui aurait sans aucun

 26   doute permis de sauver Vukovar et d'autres villes croates.

 27   Pour terminer, Messieurs les Juges, sur le plan politique, sur le

 28   plan militaire, nous n'avons eu de cesse de dire que cette guerre,


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  1   d'emblée, aurait pu être arrêtée d'une manière tout à fait efficace. On

  2   aurait dû se placer sur les frontières, nous permettre de nous armer pour

  3   pouvoir nous défendre, et l'agression serbe n'aurait quasiment remporté

  4   aucun succès. Cela aurait été simple et efficace.

  5   Je me garde bien d'accuser qui que ce soit, mais comme cela a été

  6   décrit ici, l'Occident n'a pas su se repérer dans la situation, et c'est ce

  7   qui nous a mis dans une situation où nous sommes aujourd'hui.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  9   Q.  Pour qu'on puisse retrouver ces pages 48 et 49, ce que vient de lire le

 10   général Praljak, c'est la page 3D33-0631; la page suivante, 0632, en

 11   réalité ce sont les pages 298 et 299 du livre de la baronne Thatcher

 12   intitulé "Les guerres balkaniques."

 13   Je vous remercie.

 14   R.  J'ai omis de répondre à quelque chose au Juge Trechsel. Le fait que la

 15   guerre se prolonge avec des attentes déçues concerne directement l'acte

 16   d'accusation, tous les mois, c'est de manière exponentielle qu'on a vu

 17   grandir le nombre de personnes qui avaient perdu tout espoir. Sur le plan

 18   éthique, ils ne trouvaient pas d'appui, le chaos n'avait cesse de grandir,

 19   les problèmes s'accumulaient dans ce type de guerre, dans ce type de

 20   désorientation, manque de repères parce qu'on s'était attendu à être aidé

 21   par l'Occident, ce qui n'a pas eu lieu. Cela concerne directement l'acte

 22   d'accusation.

 23   J'affirme que ce que l'on appelle la direction politique et militaire du

 24   HVO, y compris moi-même, le prix des efforts consentis n'ont pas pu

 25   résoudre ces problèmes. Je l'ai toujours affirmé. Indépendamment des heures

 26   consacrées à ce travail tous les jours, et ce n'était pas moins de 20

 27   heures tous les jours, indépendamment de notre courage et du reste, on n'a

 28   pas su mettre fin au chaos. On n'a pu le faire et encore une fois, même si


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  1   je me rendais sur place aujourd'hui, je ne sais pas ce que je pourrais

  2   faire de mieux que ce j'ai fait à l'époque. J'ai fait ce que j'ai pu à

  3   l'époque.

  4   Q.  Je vous remercie, Général Praljak. S'il n'y a pas de questions.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai des questions de suivi sur ce document que je

  6   découvre de ce fait. Mes questions sont quasi-immédiates.

  7   Tout d'abord, Monsieur Praljak, je vais vous donner la grille de lecture de

  8   mes questions. En tant que juge pénaliste, j'essaie d'aller au fond des

  9   choses et d'avoir une vision claire de tous les éléments soumis par un acte

 10   d'accusation, y compris les éléments qui n'y sont pas. A titre d'exemple,

 11   quand un juge pénal doit examiner une catastrophe aérienne, il peut

 12   conclure que l'avion s'est écrasé parce que le moteur a été défaillant et à

 13   ce moment-là, le juge pénal conclut à la cause.

 14   Mais s'il fait son travail complètement, il se rendra compte

 15   qu'effectivement le moteur était défaillant, mais qu'au moment de la

 16   défaillance du moteur, il y a un signal qui s'est allumé et les pilotes qui

 17   étaient ivres morts n'ont pas tenu compte du signal, alors que s'ils

 18   avaient tenu compte du signal, ils auraient pu rétablir la situation. C'est

 19   ma démarche dans tous les domaines. Je pratique comme cela et j'essaie

 20   d'avoir une vue complète de tous les problèmes.

 21   Depuis trois ans que nous sommes là, je me rends compte que le

 22   phénomène, l'élément serbe, est un élément dont il faut tenir compte dans

 23   l'appréciation de l'acte d'accusation, et Mme Thatcher le dit dans son

 24   document, à la page 302 dans la version anglaise. Elle dit qu'alors même

 25   qu'ils représentaient 31 % de la population, ils occupaient 70 % du

 26   territoire. Ça, c'est une donnée qu'on ne peut pas éclipser. Mais elle va

 27   au fond des choses, semble-t-il, car c'est un ancien premier ministre

 28   britannique; donc ce qu'elle dit est certainement supérieur à ce que peut


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  1   dire un journaliste ou quelqu'un qui, pendant quelques heures, est sur

  2   place parce que quand elle écrit quelque chose, elle doit le faire à partir

  3   d'études de renseignements divers, et elle n'écrit pas n'importe quoi. On

  4   voit dans son livre qu'il y a une critique assez explicite du plan Vance-

  5   Owen, où elle semble dire qu'il y a eu une conséquence. Les conséquences,

  6   c'est que les parties, que ça soit les Musulmans, les Serbes et les

  7   Croates, ont voulu prendre des contrôles de territoires et ça a entraîné

  8   évidemment des conflits. Donc, c'est ce que l'on voit. Mais elle semble

  9   mettre de côté les Croates parce que dans son -- dans les pages que nous

 10   avons -- je n'ai pas le livre en entier, mais dans les pages que nous

 11   avons, elle parle des Serbes, et puis également, elle parle des Musulmans

 12   avec le phénomène des Moudjahidines; elle parle donc de cela. Mais

 13   curieusement, je ne vois pas dans les pages quoi que ce soit sur le siège,

 14   je dis bien entre guillemets, "le siège de Mostar."

 15   Alors, vous qui avez lu le livre, est-ce qu'elle parle à un moment donné de

 16   Mostar dans son livre ? Si elle n'en parle pas, pour quelle raison, d'après

 17   vous ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai lu ce livre. Et

 19   juste pour préciser une phrase, la bibliographie portant sur cette guerre

 20   comporte maintenant 2 000 livres. J'en ai lu moi-même 28.

 21   Alors, les négociateurs se rendent à Genève, à d'autres endroits, et c'est

 22   toujours des pressions que ça exerçait sur le plus faible dans ces

 23   endroits. Il n'y avait pas de position de principe --

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous aurons l'occasion de revenir là-dessus.

 25   Répondez clairement à ma question. Est-ce qu'elle parle de Mostar et si

 26   elle n'en parle pas ? Mais pourquoi elle n'en parle pas ? Parce que le

 27   "siège" de Mostar, je dis siège entre guillemets, elle aurait dû en parler.

 28   Et si elle n'en parle pas, quelle est la raison d'après vous ?


Page 7802

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne peux que me

  2   lancer dans des conjectures, je ne sais pas pourquoi elle ne parle pas de

  3   Mostar. A moins qu'elle était au courant de ce que j'affirme.

  4   Le début du conflit en Bosnie centrale, d'après moi, et je peux

  5   supposer qu'elle a partagé ces éléments d'informations, ça a été commencé

  6   par le Moudjahid et l'ABiH, et ce déséquilibre sur le plan ethnique, parce

  7   qu'ils ont compris, à la table de négociations, mise sur pied par la

  8   communauté internationale, qu'ils reconnaissaient les régions qui étaient

  9   sous contrôle militaire.

 10   Donc comme l'ABiH n'avait pas suffisamment de moyens pour récupérer

 11   les territoires pris par les Serbes, alors logiquement, ils se sont tournés

 12   contre les Croates. Donc c'est la raison pour laquelle il y a ces théories

 13   qu'au moins 8 000 personnes du HVO ont attaqué deux corps d'armée de

 14   l'ABiH, qui n'a rien à voir avec la raison militaire. D'ailleurs je

 15   m'appuierai sur des livres rédigés par des généraux musulmans pour

 16   illustrer mon propos. Ensuite ils ont lancé une action vers le sud, vers

 17   Mostar, puis au-delà jusqu'à Ploce et Neum, et c'est le commandant des

 18   forces musulmanes qui l'a écrit et pas Praljak, c'est lui qui le dit dans

 19   son livre. Donc c'est d'une manière toute à fait claire et tout à fait

 20   limpide qu'il l'explique. Parce que s'ils avaient pu remporter une victoire

 21   ainsi, ils se seraient présentés à la table de négociations disant : Voilà

 22   l'Occident a tendance à reconnaître des solutions qui sont déjà sur place.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : J'en tire la conclusion que vous n'avez pas

 24   d'explication précise à donner.

 25   M. KOVACIC : [interprétation] Aux fins du compte rendu de l'audience, quand

 26   vous avez posé la question, le général a commencé par dire non, et il a

 27   ajouté une explication. Il a dit non pendant que j'étais encore en train de

 28   vous interpréter, donc c'est la raison pour laquelle ça n'a pas été


Page 7803

  1   consigné au compte rendu d'audience.

  2   Q.  Général, nous avons perdu beaucoup de temps donc je propose de ne pas

  3   aborder la question de Richard Holbrooke.

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi vous dites qu'on a perdu beaucoup de

  6   temps ?

  7   M. STRINGER : [interprétation] Nous n'avons pas entendu votre dernière

  8   remarque, parce que le canal est occupé en anglais.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Je demandais à me Kovacic pourquoi il avait dit

 10   qu'on avait perdu beaucoup de temps. Donc il a répondu en disant qu'il

 11   avait l'impression qu'on avait pris du retard, voilà.

 12   M. KOVACIC : [interprétation] Nous pouvons reprendre. Très bien. Donc je

 13   propose que l'on ne cite pas Richard Holbrooke.

 14   Q.  Contentons-nous peut-être juste de quelque chose que nous avons déjà

 15   abordé aujourd'hui et ça a été résumé par le Président Antonetti. Est-ce

 16   qu'il y a un endroit dans le livre de Holbrooke, non seulement dans

 17   l'extrait que nous avons, mais où que ce soit ailleurs sur ces pages, est-

 18   ce qu'il mentionnerait éventuellement une politique de Grande-Croatie ?

 19   R.  En lisant ce livre de Richard Holbrooke intitulé "Terminer la Guerre,"

 20   je n'ai nulle part trouvé quelque chose de semblable.

 21   Q.  Je vous remercie. Est-ce que dans ce livre il affirme que les Croates,

 22   qu'il s'agisse de Croates de Bosnie-Herzégovine ou de Croatie en tant qu'un

 23   Etat ayant une armée, qu'ils se livrent au nettoyage ethnique des Musulmans

 24   en Bosnie ?

 25   R.  Je n'arrive pas à me rappeler précisément cela. La première chose si,

 26   mais là, je ne suis pas certain.

 27   Q.  Très bien. Est-ce qu'il y a une mention des intentions éventuelles de

 28   la République de Croatie de procéder à l'annexion des parties de Bosnie-


Page 7804

  1   Herzégovine ?

  2   R.  Au mieux des mes souvenirs actuels, j'ai lu beaucoup de livres, mais je

  3   pense que non.

  4   Q.  Très bien. Laissons de côté Holbrooke. Nous avons signalé son livre. De

  5   par ses fonctions, c'était un des protagonistes qui ont pu disposer

  6   d'informations pertinentes.

  7   Passons au livre du Dr Alois Mock, sous la direction de Herbert

  8   Vyitska.

  9   Excusez-moi. Est-ce que M. le Greffier pourrait nous aider. Nous avons de

 10   nouveaux numéros. Est-ce que vous pourriez distribuer cela à la Chambre,

 11   s'il vous plaît. Non, non, excusez-moi. D'après ce qu'on me dit, seul

 12   monsieur Praljak et moi-même avons les nouveaux numéros, et vous vous avez

 13   les anciens pour le compte rendu d'audience. Donc 3D03552 pour le prétoire

 14   électronique. Dans vos dossiers 3D0 -- excusez-moi. Non, c'était 3D02649

 15   dans vos classeurs, et en partie, 3D03538.

 16   Monsieur Praljak, prenez, s'il vous plaît, le nouveau jeu relié que

 17   je vous ai remis.

 18   R.  Je parlerai très brièvement.

 19   Q.  Ma question sera la suivante. Pour commencer, dites aux Juges de la

 20   Chambre, s'il vous plaît, quelle est la raison pour laquelle vous estimez

 21   que les positions du Dr Mock sont pertinentes. Est-ce que vous pouvez

 22   l'expliciter, s'il vous plaît. Et deuxièmement, est-ce qu'il rejoint, dans

 23   ses positions, les positions de la baronesse Thatcher, que nous avons vues

 24   de manière approfondie à l'instant ?

 25   R.  J'affirme avoir lu le livre intitulé "Des Balkans de la Croatie,"

 26   rédigé par Alois Mock. J'affirme que le ministre des affaires étrangères

 27   autrichien de l'époque était un fin connaisseur de la situation en ex-

 28   Yougoslavie, pratiquement dans tous ses aspects; économique, politique,


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  1   problématiques nationales, et cetera. Dans cette guerre, de manière

  2   générale, il a joué un rôle important de modération, et aussi l'attention

  3   de ceux qui s'adressaient directement à l'Occident pour attirer leur

  4   attention sur des points essentiels. J'affirme que le Dr Mock, sur nombre

  5   de points, rejoint dans ses conclusions celles de Mme Thatcher.

  6   Q.  Est-ce que vous souhaitez faire ressortir en particulier quelques-unes

  7   de ces affirmations, qui sont particulièrement intéressantes aux yeux de la

  8   Défense ?

  9   R.  Ça pourrait nous mener loin dans des débats. J'affirme que c'est de

 10   manière claire et précise qu'il identifie des problèmes très semblables

 11   aussi identifiés par Mme Thatcher, puis je pourrais m'exprimer pendant des

 12   heures là-dessus, mais je ne voudrais pas m'étendre trop, parce que cela ne

 13   plairait pas à MM. les Juges.

 14   Q.  Très bien. Le document suivant 3D03553, l'auteur Brendan Simms,

 15   "Grande-Bretagne et la destruction de la Bosnie." Pour commencer, pourriez-

 16   vous nous dire quelle thèse contenue dans ce livre vous a incité à nous

 17   demander de présenter ce livre comme comportant une des explications

 18   possibles de la situation ?

 19   R.  S'agissant des positions de M. Brendan Simms, ce qui les illustre le

 20   mieux, c'est le titre de la publication. C'est "Le moment le plus honteux :

 21   La Grande-Bretagne et la destruction de la Bosnie."

 22   Q.  Monsieur Praljak, est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, citer le

 23   numéro de la page dans le prétoire électronique pour qu'on puisse se

 24   retrouver ?

 25   R.  C'est le titre. 3D410203. Je pense que c'est la page de garde qui

 26   illustre le mieux les propos repris par l'auteur dans le livre, à savoir

 27   "La plus grande honte." Si je me proposais de procéder à des

 28   démonstrations, et il faut savoir qu'il s'agit là d'un livre qui a été


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  1   rédigé par quelqu'un qui connaissait parfaitement la situation de manière

  2   très approfondie, il parle de la campagne de nettoyage ethnique qui a

  3   accablé la population musulmane de Bosnie. C'est la page 7, c'est le tout

  4   début du livre.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les besoins du transcript, qui est M. Simms ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. C'est un politologue. C'est

  7   quelqu'un qui travaille sur le plan des analyses politiques.

  8   M. KOVACIC : [interprétation]

  9   Q.  Vous aviez l'intention d'aborder une partie qui se trouve dans la

 10   préface, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  C'est la page 3D41-0785.

 13   R.  Je cite une demi-phrase de cette page :

 14   "Ces Serbes se sont fixés comme objectif de créer un Etat uniquement

 15   pur d'où aurait été effacée toute trace de l'héritage musulman précédent."

 16   Ensuite il est dit la chose suivante, ils ont procédé à un nettoyage

 17   ethnique et je cite :

 18   "Durant la majeure partie de l'année 1992, il n'y a pas eu de guerre en

 19   Bosnie, mais il s'est agi d'un massacre dans lequel les cercles militaires

 20   serbes, armés jusqu'aux dents et bien organisés, ont mis à profit

 21   l'avantage dont ils disposaient à l'égard de civils sans défense."

 22   Q.  Très bien.

 23   R.  Ainsi de suite, ainsi de suite. Ce qui est important, bien sûr, ici :

 24   il parle du comportement des cercles autant militaires que civils

 25   britanniques. C'est la page 9 de la préface, je cite :

 26   "C'est pourquoi l'affirmation la plus récente des défenseurs de Milosevic à

 27   La Haye --"

 28   Q.  Pouvez-vous dire la page ?


Page 7807

  1   R.  C'est la page 9 de la préface. C'est le 3D41-0206.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai une observation à faire. Je ne

  3   sais pas si ça concerne uniquement le compte rendu, mais le numéro qui a

  4   été donné pour ce document à la page 58, ligne 6, c'est le 3D03553. Et je

  5   viens de passer je ne sais pas combien de minutes à essayer de le retrouver

  6   et de voir que ce n'est pas le bon numéro. C'est un faux numéro. Il me

  7   semble tout au moins dans mon classeur qu'il y a deux numéros, 3D03100 et

  8   3D03529. Alors ça serait vraiment très utile si on pouvait donner ces

  9   chiffres ou ces numéros avec beaucoup de soins et d'une façon exacte, parce

 10   que nous perdons du temps et pendant qu'on essayait de les retrouver, nous

 11   n'arrivons pas à comprendre tout ce que dit le témoin.

 12   Donc je l'ai retrouvé maintenant, mais c'est une observation qui vaut

 13   pour la suite.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Oui. Malheureusement, il y a eu une

 15   confusion, Monsieur le Juge, qui résulte de ce que nos collaborateurs ont

 16   essayé de résoudre la confusion qui s'est présentée hier et sur laquelle

 17   mon confrère a attiré l'attention. Nous avons donc essayé de mettre en

 18   œuvre une nouvelle approche en mettant tous les documents dans le même

 19   dossier e-court. Donc ce que nous utilisions avant n'était pas la meilleure

 20   solution, mais il semblerait que maintenant la nouvelle solution ne soit

 21   pas la meilleure non plus. Tout cela était préparé à l'avance, donc nous

 22   sommes bien en peine désormais pour essayer de faire mieux.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Je comprends bien

 24   qu'il y ait certaine confusion. Merci.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors si je puis me permettre, c'est la page 9

 26   en chiffres romains de la préface dans la traduction croate. Et maintenant

 27   si vous pouviez juste dire à la page à laquelle ça correspond dans la

 28   traduction anglaise. Brendam Simms donc. Je vais dire juste une ou deux


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  1   choses brièvement à ce sujet.

  2   Sur cette page numéro 9 de la préface --

  3   M. KOVACIC : [interprétation]

  4   Q.  Très bien. Nous pouvons lire cela. C'est le numéro à partir de la page

  5   3D41-0785 jusqu'à 3D41-0790 dans le système e-court.

  6   R.  Oui. Donc je cite :

  7   "Par l'intermédiaire du Conseil de sécurité des Nations Unies à New

  8   York et le conseil de l'OTAN à Bruxelles, c'est pendant trois longues

  9   années que les Britanniques se sont opposés au recours aux forces aériennes

 10   de l'OTAN. Parallèlement, les hommes politiques et les diplomates

 11   britanniques considéraient en fin de compte une Serbie "forte" comme étant

 12   la meilleure garantie de la paix dans les Balkans. Les intermédiaires

 13   britanniques étaient très disposés à s'entretenir avec les Serbes, alors

 14   qu'ils se montraient d'une arrogance violente à l'égard des Bosniaques. Ils

 15   se sont efforcés, de toutes les façons possibles et imaginables, de saboter

 16   les plans américains visant à une intervention militaire. Il en résulte que

 17   la toute dernière affirmation en date, qui est celle des défenseurs des

 18   conseils de la Défense de Milosevic à La Haye, à savoir que les Lords

 19   Carrington et Owen lui auraient donné "feu vert," "me surprenne absolument

 20   pas."

 21   Ensuite il dit qu'une telle politique a complètement compromis la

 22   réputation internationale, a miné la réputation internationale de la

 23   Grande-Bretagne. Ensuite, en page 28, nous ne sommes plus dans la préface,

 24   mais c'est en page 28 de la version croate.

 25   Q.  Si je peux juste interrompre. C'est la page 3D41-0790 dans le système

 26   e-court. C'est bien cela.

 27   R. Je cite ce passage qui est au milieu :

 28   "Bien sûr, lorsque les commandants des Nations Unies sur le terrain ont


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  1   demandé une intervention militaire, les hommes politiques britanniques ne

  2   se sont pas précipités pour ce qui était de leur donner satisfaction. 'Il

  3   n'y a pas de cessez-le-feu,' se plaignait le général Abdulrazek en décembre

  4   1992. 'Aucun progrès n'a été fait. La situation empire.' Tous nos efforts

  5   visant à sauver des vies et à restaurer les services les plus élémentaires

  6   sont restés sans effet."

  7   Ce général a demandé que l'on impose un délai aux Serbes de Bosnie et cela,

  8   en recourant à une menace d'utiliser la force. "Il n'est plus possible",

  9   écrivait Le Guardian, concernant l'intervention militaire, "de se livrer à

 10   des discours complaisants selon lesquels les personnes présentes sur le

 11   terrain y sont opposées. Rien ne s'est passé et rien n'a bougé. On n'a fait

 12   aucun progrès lorsque le commandant des Nations Unies français, le général

 13   Cot, a demandé des frappes aériennes au début 1994, ce sur quoi il a été

 14   immédiatement démis de ses fonctions par le secrétaire général des Nations

 15   Unies."

 16   Enfin, pour finir et afin que nous voyons à quel type de propagande nous

 17   avions affaire, là, en page 29.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] C'est la page immédiatement après celle où

 19   nous nous trouvions. Merci.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Brandon Simms dit la chose suivante, il

 21   montre un exemple d'une petite fille, Irma

 22   Hadzimuratovic, qui a été touchée par des obus serbes. Sa mère a été tuée,

 23   elle est tombée dans le coma. Il dit que son cas n'avait rien

 24   d'exceptionnel. D'innombrables enfants ont été victimes de blessures

 25   similaires, mais grâce aux efforts de la BBC et de la presse tabloïde, le

 26   destin d'Irma n'a été qu'à un très court moment un sujet d'attention et

 27   d'intérêt pour l'opinion publique britannique. Une intervention rapide du

 28   premier ministre a abouti à ce que l'on transporte par avion cette petite


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  1   fille, accompagné par autant de publicité qu'il était possible et des coûts

  2   démesurés.

  3   Je continue de citer :

  4   "Les agences humanitaires sur le terrain qui connaissaient bien le

  5   caractère particulièrement critique des évacuations auxquelles avaient

  6   procédé les Britanniques pour ce qui était des adultes blessés, ont adopté

  7   une position pleine de mépris par rapport à cet événement. Sjlvana Foa,

  8   représentante du HCR pour les relations avec le public, a insisté sur le

  9   fait que Sarajevo n'était pas un supermarché de patients."

 10   Je cite : "S'agit-il que la Grande-Bretagne ne souhaite que les

 11   enfants ? Peut-être qu'elle ne souhaite que des enfants blonds aux yeux

 12   bleus ? Des enfants âgés de moins de six ans ?"

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak, mais

 14   je suis encore perdu. C'est une accusation contre la Grande-Bretagne qui

 15   est peut-être justifiée, c'est intéressant, mais je ne vois aucun rapport

 16   avec l'acte d'accusation. C'est aussi quelque chose dont vous n'avez pas

 17   été témoin. Est-ce que vous étiez là ? Est-ce que vous avez vu quoi que ce

 18   soit de cela ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation]  Un instant, simplement. Est-ce que je peux

 20   ajouter quelque chose ?

 21   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, c'était ce que je voulais faire.

 22   Peut-être que je peux maintenant poser cette question qui va dans ce sens.

 23   Q.  En lisant ce dernier extrait et le précédent, quelle était l'impression

 24   que vous souhaitiez faire comprendre ou plutôt, quelle était l'influence

 25   que vous souhaitiez mettre en évidence pour ce qui est de la situation ?

 26   R.  Je voulais dire la chose suivante : je n'ai pas cité cela pour accuser

 27   la Grande-Bretagne. Ce n'est pas mon intention. Cependant, le HVO et moi-

 28   même avons transporté 10 000 blessés de l'ABiH en direction de la Croatie,


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  1   et cela veut dire qu'il y a eu au moins 8 000 fois où une ambulance a dû

  2   transporter un blessé à Split. Nous avons transporté des centaines de

  3   blessés provenant de l'hôpital de Mostar. C'est un ou deux hélicoptères

  4   dont disposait le HVO, je n'ai jamais réussi à monter à bord de ces

  5   derniers car ils étaient en permanence utilisés pour le transport des

  6   blessés, y compris des blessés musulmans.

  7   Il y a eu plus de publicité faite en Grande-Bretagne autour de cette

  8   unique opération de transport d'une petite fille qu'autour de tous les

  9   efforts que nous avons mis en œuvre pour plus de 10 000 personnes, j'ai lu

 10   dans un rapport ce qui s'était passé lorsqu'à Rama j'ai pris en charge un

 11   enfant qui était malade de leucémie et que j'ai assuré son transport vers

 12   Split et alors, j'ai emmené une équipe de télévision afin qu'elle filme ce

 13   que nous faisions. C'est ce que j'ai fait à Uskoplje. Les accusations dont

 14   nous étions la cible arrivaient quotidiennement alors que nous ne pouvions

 15   nous battre par aucun moyen que ce soit contre quelqu'un qui refuse

 16   obstinément de tenir compte des faits. Dans le rapport qu'ils ont fait nous

 17   concernant, ils ont écrit exactement ce que leur demandait le gouvernement

 18   britannique, ils mentaient purement et simplement. Jamais, dans aucun

 19   rapport, ils n'ont fait état simplement du fait qu'il y avait des

 20   Moudjahidines en Bosnie centrale.

 21   Monsieur le Juge Trechsel, c'est ce que je voulais dire à ce sujet, et

 22   c'est pourquoi j'ai cité ces passages.

 23   Q.  Merci. Je pense qu'il n'est pas utile que nous nous attardions

 24   davantage sur cet ouvrage.

 25    R.  Non.

 26   Q.  S'il n'y a pas de questions supplémentaires, je souhaiterais passer à

 27   un chapitre entièrement nouveau.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous avez lu ce livre et vous avez


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  1   constaté qu'il s'appuie beaucoup sur un certain nombre de témoins qui sont

  2   venus témoigner ici, notamment ceux du Bataillon britannique, et qu'il y a

  3   des éléments dans le livre qui sortent directement de la bouche de témoins

  4   qui sont venus déposer.

  5   Ce professeur de Cambridge qui a écrit ce livre, quelle est votre, enfin,

  6   qu'est-ce que vous voulez ? Je vous ai écouté avec attention, mais qu'est-

  7   ce que vous voulez mettre en évidence ? Est-ce que vous voulez mettre en

  8   évidence que les Britanniques ont mal compris ce qui se passait ? Vous

  9   mettez en cause le fait même qu'ils ont sous-estimé la menace des

 10   Moudjahidines. Quel est le temps fort que vous voulez nous faire comprendre

 11   par la production de ce livre que nous découvrons tous ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est très simple, Monsieur le Juge. Ma

 13   conviction profonde est que les Britanniques qui, depuis des siècles, sont

 14   excellents en matière politique, avaient exactement compris ce qui était en

 15   train de se passer avec les Moudjahidines car il était impossible de ne pas

 16   le comprendre. Ils étaient particulièrement bien informés concernant les

 17   événements en Yougoslavie, et pour ce qui était de la guerre en Bosnie-

 18   Herzégovine, j'affirme que c'est en suivant la politique qui était celle du

 19   gouvernement britannique et de leur direction militaire également que nous

 20   avons ici caractérisé comme une politique honteuse par Brendan Simms, que

 21   c'est dans ce cadre-là que leur représentant donnait des rapports et

 22   faisait état de façon erronée et mensongère des faits, et cela, en se

 23   pliant à la version qui arrangeait la politique britannique et le

 24   gouvernement britannique - ce dernier était favorable aux Serbes - et

 25   faisait preuve d'arrogance à l'égard des Musulmans et du HVO. Non seulement

 26   avec arrogance, mais avec inexactitude parce que leur rapport ne correspond

 27   pas aux faits.

 28   Eux, lorsqu'ils voyaient par exemple trois hommes qui venaient de


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  1   Croatie ou qui portaient l'uniforme du HVO, ce qu'ils voyaient, c'était

  2   toute une brigade du HVO. Ils n'ont jamais écrit une seule ligne positive à

  3   ce sujet. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu une poignée de personnes qui

  4   l'ont peut-être fait, mais les preuves sont absolument limpides, le HVO, le

  5   HZ HB, avec toutes les structures et les ressources dont ils disposent,

  6   parviennent à transporter 10 000 blessés de l'ABiH et que personne n'écrive

  7   la moindre ligne positive à ce sujet, on doit se demander comment cela est

  8   possible.

  9   Vous avez vu, Messieurs les Juges, ici, lorsque des membres du Bataillon

 10   espagnol ont déposé, que c'est à quatre reprises et sous ma propre

 11   direction que nous avons évacué, par hélicoptère, des blessés de Mostar

 12   est. En dehors de leurs rapports confidentiels, dans aucun article de

 13   journal, nulle part au monde, il n'y en a eu la moindre trace. C'était une

 14   situation dans laquelle vous ne pouviez absolument pas montrer quoi que ce

 15   soit à ces personnes, car vous étiez transparents pour eux, qui avec un

 16   grand sourire, vous donnaient à savoir qu'ils écriraient ce qu'ils avaient

 17   envie d'écrire et rien d'autre. Si vous répondiez à une invitation pour une

 18   réunion, on se comportait arrogant envers vous. Si vous n'y veniez pas, on

 19   vous le reprochait.

 20   Je donne un exemple, leur commandant d'Uskoplje m'a demandé de venir

 21   à une réunion à Rama, et j'ai dit oui. Dans une pièce qui faisait 6 ou 7

 22   mètres carrés où je me trouvais, alors qu'il avait un rang de trois ou

 23   quatre échelons inférieur au mien, il est entré avec plusieurs soldats,

 24   l'arme au poing, il s'est assis et ces soldats étaient en là permanence

 25   avec l'arme pointée. C'était l'attitude qui était la sienne. Bien entendu,

 26   je lui ai dit de sortir parce que je ne saurais tolérer d'être ainsi

 27   humilié. Je n'aurais pas accepté de vendre ma dignité d'aucune façon que ce

 28   soit. Il m'a demandé qui j'étais pour interdire à ses soldats d'être


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  1   présents.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pour commencer, vous vous êtes

  3   plaint de la mauvaise presse des Anglais. Maintenant, vous parlez d'un

  4   commandant à Uskoplje. Si je ne m'abuse, Uskoplje, ça s'appelait aussi

  5   Gornji Vakuf. Alors, est-ce que c'est un

  6   Britannique ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Le commandant d'Uskoplje était

  9   Britannique ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Vakuf, Uskoplje, je suis croate et je dis

 11   "Uskoplje," mais c'est la même chose.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais le commandant, c'est un

 13   commandant du BritBat ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ça. Est-ce que c'était le bataillon ou

 15   une partie du bataillon dans cette zone, je l'ignore. Mais en tout état de

 16   cause, c'était un soldat.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, c'est important de le

 18   préciser parce que ce n'était pas compréhensible qu'il s'agissait d'un

 19   Britannique. On vous écoutait, peut-être avez-vous parlé trop vite. Très

 20   bien, merci.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour les besoins du transcript, dans le livre, à la

 22   page 198, le colonel Bob Stewart écrit ceci : Plusieurs de ces soldats --

 23   en parlant des soldats, quelques-uns sont des soldats professionnels, mais

 24   ils sont tous de braves hommes. Voilà ce que le colonel Bob Stewart disait

 25   à propos des commandants militaires. On pourrait passer des heures sur ce

 26   livre.

 27   Maître Kovacic.

 28   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


Page 7816

  1   Je voudrais maintenant passer à un autre sujet. C'est le travail du général

  2   Praljak au sein du ministère de la Défense de la République de Croatie.

  3   Messieurs les Juges, vous disposez d'un classeur qui porte l'intitulé

  4   "Ministère de la Défense de la République de Croatie."

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Stringer.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir une cote, Monsieur

  7   le Président ?

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Mais pourquoi ? Numéro de pièce à conviction,

  9   mais --

 10   M. STRINGER : [interprétation] Maître Kovacic, je dis qu'on passe à un

 11   autre sujet et il vous a demandé de consulter un classeur à propos du

 12   ministère de la Défense de la République de Croatie, et j'avais cru

 13   comprendre que c'était une nouvelle pièce.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] J'aide simplement les Juges à retrouver le

 15   bon classeur, et puis nous allons passer en revue les documents.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est dans quel classeur ?

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Normalement, sur la tranche de classeur, vous

 18   devrez avoir "ministère de Croatie" ou "ministère de la Défense."

 19   Il y a de nombreux documents ici. Malheureusement, nous n'avons pas assez

 20   de temps pour tout passer en revue. Notre intention est de voir simplement

 21   à travers deux ou trois documents, de façon brève, quelles étaient les

 22   activités du général Praljak qui nous en donne un aperçu de ces activités

 23   au sein du ministère de la Défense. Il accomplissait toutes sortes de

 24   tâches, à savoir les tâches dont il fallait que quelqu'un s'acquitte à un

 25   moment donné, et c'était lui qui s'en chargeait.

 26   Cela est pertinent du point de vue de l'acte d'accusation, je le dis pour

 27   que nous évitions certaines questions parce que l'acte d'accusation affirme

 28   que le général Praljak représentait une forme de liaison permanente entre


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  1   le ministère de la Défense de la République de Croatie et le HVO de la HZ

  2   HB; si je puis me permettre de caricaturer cela quelque peu, il aurait été

  3   au sein du ministère de la Défense de la République de Croatie, un

  4   ambassadeur sui generis du HVO, alors nous allons simplement attirer

  5   l'attention sur un certain nombre de points pour montrer de quoi il s'agit.

  6   Q.  Général, qu'on ait d'abord le document 3D00482. Pour commencer. C'est

  7   vers le début.

  8   R.  Pourquoi sautons-nous les deux premiers ? Je préfèrerais les lire moi-

  9   même pour qu'on aille plus vite.

 10   Puis-je, Messieurs les Juges, redonner lecture du numéro ? Et faire

 11   le commentaire ? Je pense qu'on irait plus vite ainsi.

 12   Q.  Vous pouvez, bien sûr, mais dans ce cas-là nous n'allons pas passer en

 13   revue tous ceux que nous avions prévus.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre avocat qui vous pose la question. Il vous dit

 15   voilà tel document. Il vous pose la question puis vous répondez.

 16   M. KOVACIC : [interprétation] Nous pourrions prendre n'importe lequel de

 17   ces documents à vrai dire, mais je me suis efforcé de choisir ceux qui sont

 18   les plus intéressants ou les plus typiques.

 19   Donc le premier document dans le classeur est le 3D00375.

 20   Q.  Reportez-vous à ces premières phrases et dites-nous ce dont il

 21   s'agit.

 22   R.  C'est un document du 22 octobre 1992, le consulat général des Etats-

 23   Unis a prié -- je voudrais juste dire très brièvement, l'obligation de

 24   l'IPD était celle --

 25   Q.  Général, tout d'abord, dites-nous quelle est l'appellation exacte de

 26   l'IPD, car il y a beaucoup de malentendus à ce sujet ?

 27   R.  Activité relative à l'information et au moral des troupes. Il se charge

 28   aussi des questions politiques, pas uniquement au sein de l'armée. L'IPD


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  1   était une section assez importante. Il y avait une section où se trouvaient

  2   des psychologues qui étaient chargés de l'état psychologique dans les

  3   unités. Ensuite toutes les unités, jusqu'à l'échelon des bataillons et des

  4   compagnies, avaient leurs représentants chargés de l'IPD. Il y avait là les

  5   problèmes liés à la prise en charge des blessés, à l'état de l'unité, puis

  6   les conversations avec les journalistes, les informations qu'il fallait

  7   fournir à ces journalistes.

  8   Dans ce cadre on trouvait également le journal, "Le soldat croate,"

  9   en tant qu'organe officiel du ministère de la Défense. Il avait la fanfare

 10   aussi, et cetera, et cetera. D'une certaine façon, tout ce qui se trouvait

 11   en dehors du ministère, lorsqu'ils avaient besoin, par exemple, quelqu'un

 12   qui filme des prises de vue et qui a besoin d'un char ou une personne qui

 13   s'intéresse à la collecte de nouvelles expressions qui apparaissent au sein

 14   des forces armées.

 15   Toutes ces personnes s'adressaient au sens le plus général à cette

 16   section à ce département, à la tête duquel je me suis trouvé jusqu'à mon

 17   départ. Ici entre autres, on voit que c'est une dame du consulat américain

 18   qui demande à ce que l'on aide (expurgé) afin qu'il puisse se rendre à

 19  Zadar, Split et Ploce pour examiner tout cela. Soit dit en passant,(expurgé)

 20   (expurgé) a été ultérieurement attaché militaire et était en charge de

 21   l'aide humanitaire des Etats-Unis, ce qui était une couverture tout à fait

 22   habituelle pour les personnes qui sont chargés de tâches différentes.

 23   M. KOVACIC : [interprétation] Je voudrais que l'on expurge cette dernière

 24   phrase du compte rendu d'audience, car il s'agit d'un témoin qui tombe sous

 25   le coup de l'article 70, donc il ne faudrait pas en parler en audience

 26   publique.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, faites une ordonnance tout de

 28   suite. Bien, continuez.


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  1   M. KOVACIC : [interprétation]

  2   Q.  Donc, je vous prie, de ne pas mentionner le nom et la fonction, mais

  3   décrivez seulement.

  4   R.  Oui. C'est de cela qu'il s'agit. C'est leur demande.

  5   Bien entendu, j'ai tout de suite fourni une personne de ma section

  6   qui parle parfaitement l'anglais et qui a un diplôme d'université et, dans

  7   le deuxième document, 3D00376, cet homme nous remercie pour l'aide et

  8   l'organisation exceptionnelle que nous avons fournie, et cetera, et cetera.

  9   Et soit dit en passant, à aucun moment personne ne s'est vu refuser l'aide

 10   qu'il demandait, quel que soit le pays d'où il venait. Tous les moyens qui

 11   étaient disponibles ont été mis à disposition, qu'il s'agisse d'une demande

 12   de voyage ou d'une demande visant à s'informer des positions qui étaient

 13   les nôtres, et je l'affirme sous serment, nous étions entièrement ouverts

 14   et au degré maximum dans le HVO. Les journalistes, toutes les organisations

 15   quelles qu'elles soient, toutes ces personnes pouvaient se rendre là où

 16   elles le souhaitaient indépendamment de quelques plans militaires ou de

 17   défense que ce soit.

 18   Q.  Très bien. Continuons, le numéro suivant est le 3D00482.

 19   R.  Il s'agit du 13 janvier 1992. Il a déjà été fait mention de ce document

 20   ici. Donc c'est une délégation tout à fait représentative qui est venue de

 21   France. Je n'ai pas à les énumérer, nous avons ici la liste des personnes

 22   qui sont venues. De l'autre côté de la table nous étions assis moi-même et

 23   le général Tus. Tout y est dit. Tus parle, bien entendu --

 24   Q.  Attendez, Mon Général, laissez tomber ce que dit le général Tus. Je

 25   voudrais qu'on passe au passage après Tus, en page 2 de la note. Je dis à

 26   l'attention des Juges qu'il s'agit du 3D19-0232, puis on ira aux pages 234

 27   et 235 en affichage électronique.

 28   Dites-nous ce que vous avez dit à l'occasion de cet entretien ?


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  1   R.  C'est dit en terme simple. J'ai dit au général Quesnot que les Serbes

  2   voulaient une Grande-Serbie et, pour cela, ils étaient prêts à renoncer à

  3   20 % ou un peu moins des territoires, ce qui ne les intéressaient pas. Donc

  4   cette histoire relative à l'Herzégovine qui se séparait en direction de la

  5   Serbie, ça venait des sources de propagande serbe, et je vais le montrer en

  6   étayant la chose avec certains documents.

  7   Ici il est dit qu'ils avaient proposé aux Croates d'obtenir l'Herzégovine

  8   occidentale, mais de leur prendre la Krajina et le reste. Je dis ici qu'on

  9   avait promis aux Musulmans un Etat musulman. C'était des positions

 10   clairement énoncées par Alija Izetbegovic. Avant le début des élections, il

 11   a dit soit un Etat civil ou une guerre civile. Je vais vous montrer ce

 12   document. Je parle du fait qu'ils étaient favorables à ce type d'Etat. Ils

 13   n'étaient pas prêts pour la guerre. Ils ont eu beaucoup de morts à

 14   l'occasion du nettoyage ethnique, et maintenant, ça je le sais de première

 15   main, parce que je me suis entretenu avec Alija Izetbegovic, lui, ne

 16   voulait débloquer sa révocation --

 17   Q.  Attendez, Mon Général, il y a quelque chose au niveau de la traduction

 18   ou de la copie. Vous avez eux, les Musulmans ont souffert le plus.

 19   R.  Oui. J'ai dit que les positions croates, depuis le début, sont claires.

 20   Nous parlons de la Bosnie-Herzégovine, les territoires appartenant aux

 21   Croates. Quand on dit "appartenant aux Croates," on parle tout le temps de

 22   cela, mais ça n'appartient pas aux Croates seuls. Ce serait depuis le début

 23   du plan Cutillero et de la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine. Il y

 24   avait un préalable pour la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine, à

 25   savoir que l'on ferait en sorte que ce serait trois groupes ethniques, mais

 26   on laisse entendre que c'est ethniquement pur, mais j'ai dit non, notamment

 27   aux Croates. Alors on parle de territoires où les Croates sont

 28   majoritaires, et cela coïncide avec les frontières de la Banovina croate,


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  1   datant du partage de la Yougoslavie en 1939, parce qu'il y a une

  2   explication qui vient juste après : Conformément au recensement de la

  3   population de 1981 -- je répète que les Croates s'emploient en faveur d'une

  4   Bosnie-Herzégovine entière en sa qualité d'Etat et en faveur de droits à

  5   l'intention de Croates en tant que peuple constitutif. Les problèmes entre

  6   Musulmans et Croates en Bosnie-Herzégovine sont la résultante d'objectifs

  7   différents de luttes politiques. Les Croates luttent en faveur d'un Etat de

  8   Bosnie-Herzégovine avec une autonomie pour les Croates, donc pour les

  9   parties qui sont notamment habitées par les Croates, alors que les

 10   Musulmans se battent pour un Etat civil.

 11   Alors sous la notion d'Etat civil, il est question de mise en minorité des

 12   autres par ceux qui sont les plus nombreux. Nous étions contre cet Etat

 13   uniquement civil. On ne peut pas avoir un Etat qui ne serait pas civil,

 14   mais s'il n'est que civil alors la population, qui ne constitue que 18 % de

 15   la population, ne peut protéger ses intérêts en aucune façon.

 16   Là je continue -

 17    Q.  Alors vous dites "Etat civil," et mous nous sommes servis d'un autre

 18   terme qui décrit peut-être mieux les choses. Vous souvenez-vous du terme

 19   utilisé ?

 20   R.  Etat unifié ou unitaire. Mais tout ça, c'est la même chose. Quand vous

 21   dites "dans un Etat pluriethnique avec des peuples qui sont constitutifs"

 22   et quand vous ne parlez que d'un Etat civil, cela signifie unitaire, car en

 23   termes simples, c'est la majorité des citoyens qui prend des décisions. Or,

 24   cela ne permet pas de protéger les intérêts de la minorité. Or en Croatie,

 25   nous avons maintenant une protection des intérêts minoritaires et ils ont

 26   directement des sièges au Parlement, indépendamment du fait qu'ils soient

 27   500 ou 700.

 28   Plus loin il est dit de façon cristallement claire que les Serbes, l'ennemi


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  1   commun, avaient fait en sorte que les bonnes relations entre les Croates et

  2   les Musulmans soient rapprochées ou éloignées en fonction des activités de

  3   cet ennemi commun.

  4   Alors je dis, sans erreur aucune, Messieurs les Juges, lorsque nos

  5   relations se fondaient sur l'existence d'un ennemi commun, mais on n'avait

  6   pas quand même résolu le problème fondamental, c'est l'aménagement

  7   politique interne du pays.

  8   Donc il découle de ceci, lorsqu'il y a une prise de territoire par

  9   les Serbes et lorsque les appétits des Serbes sont satisfaits, il y aurait

 10   des problèmes qui surviendraient entre les Musulmans et les Croates; a)

 11   parce que d'un, il leur restait trop peu de territoire. Donc on dit ici que

 12   les relations mutuelles seront fonction des activités de l'ennemi commun.

 13   Les Croates étaient mieux organisés. Ils avaient commencé plus tôt à

 14   protéger leur territoire. Les Musulmans, au début, avaient évité les

 15   combats. Ils avaient simulé des départs en tant que réfugiés et ils avaient

 16   parlé d'unités qui n'existaient pas sur le terrain. Et parmi les

 17   combattants, cela créait des différences psychologiques considérables.

 18   En d'autres termes, lorsqu'une population constitue 17 %, donc lorsqu'ils

 19   sont 2,7 fois moins nombreux que les Musulmans, a accepté le début de la

 20   guerre, à avoir 50 % du fardeau de la lutte.

 21   Q.  Bien.

 22   R.  Je suis convaincu, dis-je plus loin, que 80 % des Musulmans

 23   accepteraient une intervention conjointe sans problèmes, tout comme les

 24   autres Croates. Comme le Juge l'a demandé tout à l'heure, il y a un grand

 25   nombre d'ex-officiers de la JNA, Musulmans, qui n'oeuvrent pas en faveur de

 26   leur peuple. Alors je ne peux rien prouver à cet effet, mais je suis

 27   souvent allé dans bon nombre de régions, et je dis qu'il y a eu beaucoup

 28   d'officiers de l'ex-JNA qui sont venus dans l'ABiH, mais ils étaient en bon


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  1   nombre à travailler pour le KOS, à savoir œuvrer contre le intérêts des

  2   Musulmans et des Croates. Lorsque je viendrai à parler de Mahmuljan, je

  3   vais vous montrer comment cela était devenu évident.

  4   Q.  J'attire votre attention sur --

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Il y a une phrase ou

  6   une expression que vous avez utilisée que je voudrais vous demander

  7   d'éclairer à propos des Musulmans, page 74, lignes 21 et 22. Vous dites

  8   ceci : "Ils ont simulé le statut de réfugiés." Cette phrase m'étonne, car

  9   nous avons longuement entendu parler de grands nombres de réfugiés, mais

 10   cette expression, "des réfugiés simulés."

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, c'est une

 12   interprétation erronée. Ils n'ont rien simulé du tout. Ce n'est pas exact.

 13   Ils allaient être réfugiés et ils ont simulé l'existence d'unités.

 14   Dans le livre qui sera présenté ici, Sefer Halilovic affirme qu'il dispose

 15   d'une armée de 250 000 hommes. Bon sang, 250 000 hommes.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Vous avez répondu à ma

 17   question.

 18   M. KOVACIC : [interprétation] Cela suffit. On en parlera ultérieurement.

 19   Q.  La partie donc que vous avez évoquée, vous l'avez épuisée ? Alors en

 20   dernière page, page 4, le passage tout en bas, est-ce que dans ce dernier

 21   passage il est transmis de façon fidèle votre position concernant le rôle

 22   de la FORPRONU ?

 23   R.  Oui. Exact.

 24   Q.  En termes simples, dites-nous simplement quel est le message à entendre

 25   ici ?

 26   R.  Le message, c'est que nous, à savoir la direction de l'Etat croate,

 27   avait accepté la présence de la FORPRONU. Elle avait même souhaité que la

 28   FORPRONU vienne. Alors je dis que la FORPRONU est constituée de contingents


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  1   très variés et qu'il y a des unités professionnelles qui font bien leur

  2   travail et il y en a d'autres qui ne le font pas si bien. Enfin je ne vais

  3   pas dire qui le fait bien et qui, de mon avis, ne le fait pas bien, mais il

  4   y a eu de la contrebande, il y a --

  5   Q.  Vous êtes en train de parler de la FORPRONU en Croatie là ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Autre question à ce sujet. Est-ce qu'ultérieurement, en 1993 --

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la dernière question, parce qu'il va falloir

  9   qu'on termine. Posez la dernière question.

 10   M. KOVACIC : [interprétation] Il me faut 30 secondes.

 11   Q.  Est-ce que plus tard en 1993, lorsque vous rencontrez une fois de plus

 12   la FORPRONU, d'autres troupes venant d'autres pays, mais c'est la même

 13   organisation, est-ce que la critique est la même fondamentalement ?

 14   R.  Oui, c'est la même. Nous avions les zones UNPA, protection des Nations

 15   Unies, on a quand même eu 600 civils de tués et 500 soldats de tués et ils

 16   étaient là pour mettre de l'ordre. Alors il y a eu des unités brillantes,

 17   très professionnelles venant de certains pays, et il y a eu aussi des

 18   ivrogneries, de la prostitution, de la contrebande et toutes sortes de

 19   choses. Alors je dis, une fois de plus, pas tous. La plupart étaient des

 20   brillants professionnels, mais comme partout ailleurs, il y a eu les

 21   autres.

 22   M. KOVACIC : [interprétation] Je ne pense pas que nous ayons --

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : On va arrêter. Je vous annonce que vous avez

 24   utilisé, cette semaine, sept heures et 20 minutes. On a eu du mal à

 25   démarrer mais maintenant, je crois que le général Praljak a bien compris

 26   quelles sont les préoccupations des Juges. Nous essayons d'être vraiment

 27   collés à l'acte d'accusation. Quand votre avocat vous pose une question,

 28   intégrez tout de suite cette donnée et vous serez beaucoup plus efficace.


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  1   Je pense que la semaine prochaine, on aura beaucoup moins de problèmes, ça

  2   nous permettra d'aller beaucoup plus rapidement et certainement, on

  3   tournera entre 10 heures et 12 heures de votre témoignage.

  4   Vous avez le week-end pour vous préparer, à partir des documents qui

  5   restent. Vous avez compris quel était notre objectif. C'est celui d'écouter

  6   tout ce que vous nous dites mais que ça soit très utile pour votre défense.

  7   Ainsi, ça permet également aux Juges de poser des questions à partir des

  8   documents, bien que moi au départ j'attendais la fin. Mais bon, quand je

  9   vois que dans certains documents que j'ignore totalement qui a des éléments

 10   intéressants, je me permets de faire une question de suivi.

 11   Voilà ce que je tenais à vous dire. Je pense que ça se passera de

 12   mieux en mieux.

 13   Je souhaite à tout le monde une bonne fin de journée, et nous nous

 14   retrouverons lundi à 14h15, étant précisé que la semaine prochaine nous

 15   sommes de matinée.

 16   [Le témoin quitte la barre]

 17   --- L'audience est levée à 18 heures 00 et reprendra le lundi 11 mai 2009,

 18   à 14 heures 15.

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