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1 Le lundi 22 juin 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Les accusés Prlic et Coric sont absents]
5 [Le témoin vient à la barre]
6 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,
8 s'il vous plaît.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
10 Monsieur les Juges. Bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-04-74-T, le
11 Procureur contre Prlic et consorts. Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.
13 En ce, lundi 22 juin 2009, je salue en premier M. Praljak, je salue ensuite
14 M. Pusic et M. Petkovic et M. Stojic. Je salue également les accusés qui ne
15 sont pas présents pour des raisons diverses. Je salue Mmes et MM. les
16 avocats, ainsi que les avocats qui ne sont pas présents. Je salue également
17 M. Stringer et tous les membres du bureau du Procureur ainsi que leurs
18 collaborateurs et collaboratrices, ainsi que toutes les personnes qui nous
19 assistent.Je vais d'abord, en premier lieu, donner la parole à Mme la
20 Greffière qui a des numéros IC à nous donner.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
22 La liste de l'Accusation intitulée "Objections de l'Accusation aux
23 documents versés par le truchement de Slobodan Praljak par sa Défense" sera
24 la pièce IC 1030.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.
26 La Chambre va rendre deux courtes décisions. C'est d'abord sur l'incident
27 d'interprétation du 18 juin 2009.
28 Suite à un signalement de l'accusé Praljak à l'audience du 18 juin
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1 2009, la Chambre a enjoint le greffe à diligenter une enquête sur des
2 propos supposément offensants qui auraient été tenus par un interprète lors
3 de cette audience.
4 Le 19 juin 2009, par courrier électronique adressé à la juriste de la
5 Chambre, Me Kovacic a précisé que trois de ses collègues, qui à l'audience
6 du 18 juin écoutaient la cabine d'interprétation en B/C/S, lui ont rapporté
7 que les propos de l'interprète en question n'étaient pas offensants. Me
8 Kovacevic est d'avis, puis une enquête sur cet incident n'est donc pas
9 nécessaire.
10 Compte tenu de cette information, la Chambre estime qu'il n'y a pas
11 lieu de donner suite à cet incident. Cependant, elle invite tous les
12 interprètes à s'abstenir de tout commentaire personnel en cabine
13 d'interprétation lorsque le micro est ouvert.
14 Deuxième décision orale qui est un peu plus longue, et je vais aller
15 lentement parce que ça peut paraître complexe.
16 Décision orale clarifiant le dépôt des listes IC.
17 A l'audience du 15 juin 2009, l'Accusation a demandé à la Chambre de
18 bénéficier d'un délai de sept jours à compter du dépôt de la dernière liste
19 IC déposée par la Défense Praljak pour déposer ses objections. Le même
20 jour, la Chambre a fait droit à cette demande. La Chambre décide proprio
21 motu d'apporter sur la procédure de dépôt des listes IC des objections et
22 des réponses, les précisions suivantes.
23 La Défense Praljak a déposé durant l'interrogatoire de l'accusé
24 Praljak plusieurs listes IC. L'Accusation doit déposer ses objections à ces
25 listes IC ce jour même. La Chambre comprend que cette organisation permet
26 aux parties de se préparer au mieux pour la suite de la comparution de
27 l'accusé Praljak. Néanmoins, la Chambre tient à rappeler aux parties que
28 conformément à sa décision orale du 18 mai 2009 et aux prescriptions de la
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1 ligne directrice numéro 8, la décision finale sur l'admission des pièces
2 n'interviendra qu'à la fin de l'audition de l'accusé Praljak.
3 Afin de pouvoir rendre cette décision, la Chambre demande à toutes
4 les parties de bien vouloir déposer le jour suivant la fin de la
5 comparution de l'accusé Praljak de nouvelles listes IC d'admission de
6 pièces.
7 En ce qui concerne la Défense Praljak, sa nouvelle liste IC
8 d'admission de pièces pourra reprendre les listes IC déposées au cours de
9 l'audition de l'accusé Praljak. Elle pourra également être éventuellement
10 différente, à charge pour la Défense Praljak, de l'indiquer à la Chambre.
11 Il en sera de même pour l'Accusation si celle-ci dépose au cours de son
12 contre-interrogatoire des listes IC d'admission de pièces. Les autres
13 parties pourront déposer leurs listes IC demandant admission de pièces à
14 l'issue de l'audition de l'accusé Praljak.
15 A l'issue de l'audition de l'accusé Praljak et le jour suivant le
16 dépôt de toutes les listes IC, demandant admission de pièces, les parties
17 pourront déposer leurs objections. L'Accusation déposera une nouvelle liste
18 IC comportant les objections qu'elle souhaite éventuellement soulever
19 contre les listes IC de toutes les parties. Cette liste IC comprendra les
20 objections déposées au cours de l'audition de l'accusé Praljak ou être
21 éventuellement différentes, à charge pour l'Accusation, de l'indiquer à la
22 Chambre. Les listes IC comportant des réponses aux objections pourront être
23 déposées le jour suivant le dépôt des listes IC comportant des objections.
24 Bien. Je vous invite à relire ça à tête reposée parce que ça peut
25 paraître très compliqué, mais c'est très simple, mais il faut tout lire. Et
26 quand vous aurez tout lu, vous comprendrez que c'est très simple, à savoir
27 que quand M. Praljak aura terminé, à ce moment-là il y aura de nouvelles
28 listes IC qui seront, elles, définitives et qui reprendront le cas échéant
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1 les mêmes listes antérieures ou le cas échéant elles pourront être
2 légèrement différentes. Mais à ce moment-là, il faudra l'expliquer à la
3 Chambre. Voilà.
4 Donc lisez cela tranquillement et puis après vous comprendrez, sinon,
5 on va partir dans les explications interminables.
6 Donc la Chambre a estimé qu'il convenait, pour clarifier tout cela,
7 de rendre cette décision afin que vous compreniez qu'en réalité il peut y
8 avoir donc une liste IC qui est déposée, par exemple, aujourd'hui, des
9 objections qui seront faites par le Procureur, et puis à la fin, quand M.
10 Praljak aura terminé au mois de juillet, à ce moment-là il y aura une
11 nouvelles liste IC qu'on pourrait dire liste IC consolidée.
12 Bien. Monsieur Stringer, je vous vois un peu dubitatif. Simplement
13 lisez. Vous lirez dans votre langue la décision orale, et puis s'il y a des
14 choses que vous ne comprenez pas, demandez à la juriste de la Chambre, elle
15 vous expliquera cela entre quatre yeux.
16 On va continuer maintenant les transcripts présidentiels puisque nous
17 avions arrêté la semaine dernière.
18 LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 Questions de la Cour : [Suite]
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Et je demande à Mme la Greffière - comme nous avons
22 une nouvelle greffière, j'espère qu'elle pourra suivre - d'afficher la
23 pièce P414 et la page 41.
24 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi
25 d'interrompre. Je vous présente donc mes excuses.
26 Bonjour à toutes et à tous. En attendant que l'on retrouve ce
27 document, Monsieur le Président, je vous fais part d'une crainte que j'ai
28 sur le rythme prévu par la décision que vous venez de nous présenter. La
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1 Défense du général Praljak, en théorie, à la fin, devra s'exprimer sur ces
2 éventuelles objections pour ce qui est de six listes en tout, puisque nous
3 ne savons pas s'il y aura soumission des listes de la part de toutes les
4 équipes, mais il nous faudra passer en revue, en une seule journée, toutes
5 ces listes de la Défense et de l'Accusation et présenter nos objections, le
6 cas échéant; ce qui nous place dans une situation légèrement désavantageuse
7 par rapport aux autres Défenses.
8 Par conséquent, éventuellement, s'il y avait lieu, pourrions-nous
9 demander par avance, je ne sais pas, demander un temps raisonnable qui nous
10 sera nécessaire pour revoir les six listes. Je suppose -- enfin, c'est ce
11 que j'anticipe, que la liste du Procureur sera longue; donc il nous sera un
12 petit peu difficile de le faire en une journée.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous enregistrons votre demande, et puis la Chambre
14 va délibérer et on rendra une décision orale sur la question.
15 Monsieur Stringer.
16 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais
17 simplement rejoindre les réserves et préoccupations exprimées par Me
18 Kovacic, parce que si j'avais l'air un peu hésitant, c'est parce que
19 j'avais quelques craintes. On dit que les autres parties devaient déposer
20 leur réponse le lendemain du dépôt de la liste IC. C'est ça qui
21 m'inquiétait un peu. Nos listes IC déposées aujourd'hui contiennent des
22 réponses à quelque 240 documents. Il faut un bout de temps pour examiner
23 tous les comptes rendus d'audiences, voir ce qui s'est dit, pour voir s'il
24 faut faire objection ou pas. Alors je ne sais pas combien de pièces les
25 autres équipes de la Défense vont peut-être nous montrer partant de leur
26 contre-interrogatoire. Moi, la seule préoccupation que j'avais, et je suis
27 sûr que c'est vrai aussi pour Me Kovacic, il faudra peut-être un peu plus
28 de temps pour que les parties déposent leurs réponses et leurs éventuelles
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1 objections une fois que la liste est déposée.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons intégrer également ce que vous venez de
3 dire et on rendra une décision qui donnera, soyez-en sûrs, satisfaction à
4 tout le monde.
5 Monsieur Praljak, nous avons donc un transcript présidentiel du 29 août
6 1992. Cette réunion avait commencé à 18 heures et s'est terminée à 19
7 heures 20. Il y avait M. Izetbegovic, M. Mate Boban, Manolic et M. Susak.
8 Vous, vous n'étiez pas présent. Et au cours de cette réunion, comme vous le
9 voyez, c'est au début, M. Tudjman va déclarer que les villes de Nevesinje
10 et Gacko n'avaient aucune raison d'être incluses dans la région croate mais
11 que le problème se posait pour la région bosno-croate de la Posavina.
12 Qu'est-ce que M. Tudjman a voulu dire ?
13 R. Il souhaitait dire que pour ce qui est du découpage interne des régions
14 ou des entités, ou quelque soit cette structure administrative interne de
15 la Bosnie-Herzégovine, en Posavina croate, dans certaines municipalités,
16 les Croates constituaient la majorité. Je connais cette transcription. Cela
17 se passe après la Conférence de Londres. Et là encore, on essaie de voir
18 comment organiser la structure interne de Bosnie-Herzégovine. Gacko et
19 Nevesinje sont peuplées de Serbes, bien entendu, et en fin de compte, il
20 faut voir quelle est leur position sur l'aménagement de cet Etat.
21 Il est question de l'embargo également parce qu'à ce moment-là, il y
22 avait des pressions considérables exercées sur la Croatie pour qu'elle ne
23 donne pas des armes à l'armée de Bosnie-Herzégovine ni au HVO. Et je sais
24 que M. Alija Izetbegovic propose aussi une sorte d'Etat musulmano-croate de
25 Bosnie-Herzégovine. Donc on cherche une structure interne de la Bosnie-
26 Herzégovine.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons regarder là-dessus document P 466,
28 page 54.
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1 R. C'est bien 466, Monsieur le Président ?
2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- 66.
3 R. Juste une observation. Dans le document 414, c'est de manière tout à
4 fait claire que M. Mate Boban propose un commandement conjoint entre l'ABiH
5 et le HVO.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous aurons l'occasion de revenir sur les
7 questions de commandement conjoint.
8 On va regarder maintenant la page 54. Je vérifie qu'elle est bien à
9 l'écran. Voilà. Cette réunion a lieu le 11 septembre 1992. Il y a M. Susak,
10 Monsieur Praljak, vous êtes présent; Agotic, Lukic et Radic, plus M.
11 Tudjman. Et M. Tudjman va dire que la Croatie insistera sur le fait que les
12 régions qui appartenaient à la Banovina croate faisaient partie de la
13 Croatie démographiquement et géopolitiquement. Vous voyez, c'est ce qu'il
14 dit.
15 Comment vous interprétez qu'il fasse une référence à ces régions de
16 la Banovina qui, de son point de vue, tel que l'on le voit, faisaient
17 partie démographiquement et géopolitiquement de la Croatie ? Vous, vous
18 étiez présent à cette réunion; donc vous avez dû entendre cela. Comment il
19 faut interpréter ces propos ?
20 R. C'est très clair, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Dans ce
21 qu'avait été la Banovina croate, sur le plan démographique, la population
22 croate constituait la majorité. A présent, lorsqu'on cherche à aménager sur
23 le plan intérieur la Bosnie-Herzégovine, il dit qu'il faut tenir compte du
24 fait que ce territoire, cette partie des municipalités, qui est sur le plan
25 démographique croate, où les Croates constituent la majorité, que la
26 Bosnie-Herzégovine doit être organisée de telle sorte que cette population
27 qui vit là, là où elle constitue la majorité et qu'elle a les mêmes droits
28 que les deux autres peuples. Il dit : Ils appartenaient au passé sur le
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1 plan démographique, sur le plan géopolitique, à la Croatie, bien entendu
2 qu'il y a des intérêts de la République de Croatie qui sont en jeu, parce
3 que quand il s'agit de la vallée de la Neretva, de l'Herzégovine, la Bosnie
4 centrale, si on en expulse les Croates, ça n'arrange pas la Croatie que la
5 JNA et l'armée de la Republika Srpska, finalement, l'ABiH se présente. Donc
6 ce n'est pas juste. Donc on parle au passé et on parle de la structure
7 interne de la Bosnie-Herzégovine.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : A l'origine, je n'avais pas l'intention de vous
9 poser la question, mais je vous demande de regarder toujours ce que dit M.
10 Tudjman. Le troisième paragraphe, il va parler de leur souhait de créer un
11 Etat islamique. Or, vous, à plusieurs reprises, vous avez parlé de cela, et
12 M. Tudjman en parle.
13 Au mois de septembre 1992, est-ce qu'en Croatie l'émergence d'un Etat
14 islamique faisait courir des risques qui étaient tels que toutes les
15 autorités avaient bien cela à l'esprit, et c'est pour cela que M. Tudjman
16 en parle ?
17 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Le SDA était composé
18 d'individus qui, en tant que jeunes Musulmans, s'étaient trouvés en prison
19 dans le passé. Vous savez, ce sont des quadragénaires, quinquagénaires, et
20 ils se sont retrouvés en prison à cause de leurs idées. A partir de ce
21 moment-là, on ne peut pas imaginer qu'ils vont abandonner ces idées-là une
22 fois sortis, une fois présentée cette plateforme politique, la déclaration
23 islamique à laquelle ils n'ont jamais renoncé. Puis finalement, nombreux
24 sont ceux au sein de la communauté internationale qui évoquent cette
25 crainte, ce danger, alors ce danger a dû exister.
26 Dans le dernier paragraphe ici, Tudjman dit que notre engagement, donc
27 l'engagement de la Croatie, doit être tel qu'il faut préserver la
28 population croate là-bas, que notre situation n'empire pas, que nous devons
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1 être prêts à arrêter tout engagement sur-le-champ à partir du moment où
2 tous seront forcés à mettre fin à leurs opérations; les uns comme les
3 autres, les Serbes et les Musulmans. Lui, il n'arrêtait pas d'espérer à
4 l'issue de toutes ces conférences que c'est ce qui allait se produire,
5 qu'il allait y avoir une réaction plus forte de la part de la communauté
6 internationale et qu'on allait appliquer, mettre en œuvre, l'une de ces
7 propositions avancées à partir de Cutileiro.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons passer maintenant à un document où il y
9 a plusieurs pages importantes. C'est le P 00498, et je vais demander la
10 première page, la page 67.
11 Ce document, c'est une réunion qui se déroule à Zagreb le 17 septembre
12 1992. Elle est présidée par M. Tudjman. Il y a les représentants du HDZ de
13 la République de Bosnie-Herzégovine.
14 Page 71, vous regardez tout en haut de la page, apparemment M.
15 Tudjman déclare que le problème de la Bosnie-Herzégovine revêt une
16 signification historique et géopolitique pour la Croatie. Le préambule de
17 la constitution croate posait que la préservation de l'Etat impliquait la
18 réalisation de la Banovina croate.
19 Monsieur Praljak, vous vous rappelez que dans la constitution il y
20 avait un rappel de la question de la Banovina croate. A la page 67, M.
21 Tudjman rappelle cela. Apparemment, vous n'étiez pas présent à cette
22 réunion, mais dans le souvenir que vous avez de l'époque, est-ce que la
23 question de la Banovina était d'une telle importance constitutionnelle que
24 ça faisait débat au sein de la société croate ?
25 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans le préambule de
26 la constitution croate, il est cité aussi les quasiment huit siècles de
27 notre union personnelle avec la Hongrie, l'Autriche, l'Empire Ottoman, et
28 cetera, pour ce qui est de la constitution croate. Mais la Banovina est
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1 présente, et il ressort clairement de ces propos la question de la Bosnie-
2 Herzégovine, dit Franjo Tudjman. Oui, mais la Banovina constitue une
3 défense du peuple croate en Bosnie-Herzégovine. Il parle de la Bosnie-
4 Herzégovine, la protection. Là, quand il parle de la "Banovina", c'est pour
5 évoquer la défense du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, là où ce peuple
6 est majoritaire.
7 Il dit aussi dans la suite que la Croatie est venue en aide aux
8 Croates de Bosnie-Herzégovine et que cette aide a permis que soient
9 défendus les Croates, non seulement cela, mais aussi a permis de sauver la
10 Bosnie-Herzégovine.
11 Il dit aussi, si on devait perdre cela face aux Serbes, il se
12 produira ce qui s'est produit aujourd'hui dans la Republika Srpska; 200 000
13 Croates se sont exilés de là-bas et ils ne sont pas revenus à leur foyer.
14 Donc il est un homme politique très réaliste et il sait que sous
15 l'hypothèse que les Serbes l'avaient remporté, 300 000 Croates se seraient
16 exilés en Croatie. Monsieur le Président, ils ne seraient pas restés là,
17 ils ne seraient pas restés dans une entité qui se serait appelée la
18 Yougoslavie.
19 De toute évidence, il s'agit d'une entité qui s'appelle la Bosnie-
20 Herzégovine, il s'agit des intérêts du peuple croate qui vit également en
21 Bosnie-Herzégovine et c'est là que va cette aide. Elle est envoyée
22 également à l'ABiH, aux Musulmans, au même titre sinon plus pour leur
23 combat face aux Serbes.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la page 69 qui éclaire, peut-
25 être, pour ce que vous venez de dire. Regardons la page 69. C'est le
26 troisième paragraphe où ça commence : "En d'autres termes…"
27 Le président Tudjman déclare donc que la Croatie avait défendu
28 l'Herzégovine à travers le HVO afin d'y établir un gouvernement croate, et
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1 il exprime son intention de maintenir ce gouvernement. Tudjman appelle à
2 travailler à l'unité de l'organisation militaire et du pouvoir politique.
3 Il semble par ces propos que l'on voit ici que M. Tudjman est partisan
4 d'une République de Bosnie-Herzégovine, où le HVO aurait un rôle. Et comme
5 il y a un gouvernement déjà établi, M. Tudjman semble souvenir cela. C'est
6 au paragraphe 3.
7 Qu'est-ce que vous en dites ?
8 R. Là encore, nous avons une preuve à l'appui d'une version toujours
9 identique, toujours la même. Premièrement, Franjo Tudjman, qui est un
10 général issu de la Seconde Guerre mondiale, sait comment Tito est parvenu à
11 tromper Churchill. Là où on est défait, battu, personne ne nous ramènera
12 là-bas. Aucune instance représentant la communauté internationale ne nous
13 ramènera là-bas. Donc il continua une guerre. Quand une guerre est en
14 cours, il faut parvenir à se défendre.
15 Deuxièmement, maintenir le pouvoir croate là où nous nous sommes défendus,
16 c'est précisément ce que le HDZ a reçu dans ces documents; reconnaît toutes
17 les instances légales de Bosnie-Herzégovine, tant qu'elles ne s'apprêtent
18 pas à se rattacher à la Yougoslavie. Le HZ HB cessera d'exister à partir du
19 moment où on a trouvé une solution pour l'aménagement intérieur de la
20 Bosnie-Herzégovine. Vous l'avez-vous vu dans le texte de M. Jaganjac. Je
21 dis, le HZ HB n'existe pas, car nous avons signé le plan Vance-Owen, nous
22 ne pouvons discuter que des détails, si les Musulmans venaient à accepter
23 le plan Vance-Owen.
24 Puis vous voyez dans le dernier paragraphe il dit clairement ce sont
25 les Musulmans qui souhaitent la guerre, et il répète : Il ne nous faut pas
26 entrer en querelle avec les Musulmans. Il ne faut pas se disputer avec eux.
27 Je suis d'accord, mais de même nous ne pouvons pas reconnaître d'être
28 systématiquement placés en minorité par eux, d'être toujours placés sous le
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1 contrôle d'Alija Izetbegovic ou des Serbes. Il veut dire nous devons être
2 sur un pied d'égalité. En Bosnie-Herzégovine, les Croates sont un peuple
3 sur un pied d'égalité.
4 Il continue là où j'ai dit, moi, que les Musulmans se trouvent aussi
5 dans des centres de rassemblement de réfugiés, dans des cafés, à
6 l'étranger, qu'après la guerre avec les Serbes, le moment serait venu pour
7 une guerre contre les Catholiques. C'était en fonction de leur souhait
8 d'être majoritaires en Bosnie-Herzégovine, d'avoir un Etat --
9 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Nous avons une erreur importante, page 12,
10 ligne 18 du compte rendu d'audience. Le général Praljak a dit : "Le HZ HB
11 cessera d'exister." Or, c'est le HDZ qui est consigné au compte rendu
12 d'audience.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
14 On va regarder la page 70. A l'origine, je ne pensais pas vous
15 interroger sur cela, mais à midi, en regardant à nouveau le transcript, je
16 me suis dit que c'était important.
17 Vous voyez, M. Tudjman parle des Moudjahidines, et il les mentionne
18 comme quoi ils seraient peut-être 1 100 à 1 300. Ils viendraient du Soudan,
19 de l'Afghanistan, de l'Iran. Cette théorie des Moudjahidines, vous l'avez,
20 vous, développée il y a depuis très longtemps dans vos multiples questions
21 que vous avez posées aux différents témoins. Et là, M. Tudjman confirme
22 qu'il y a 1 300 Moudjahidines.
23 Ma question est la suivante : quand vous, vous étiez commandant du
24 HVO, est-ce que les renseignements qui étaient portés à votre connaissance
25 vous permettaient de savoir qu'il y avait face à vous l'ABiH, mais qu'au
26 sein de l'ABiH il pouvait - j'emploie le conditionnel - y avoir plus de 1
27 000, peut-être à 1 300 combattants étrangers, bien que les Moudjahidines
28 pouvaient aussi recouvrir des locaux, mais disons cette catégorie de gens,
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1 est que vous aviez face à vous une force de 1 300 individus ? Est-ce que
2 vous aviez conscience de cela, car M. Tudjman en parle ?
3 R. Oui, Monsieur le Juge, nous en avions parfaitement conscience. Nous
4 avions des renseignements, et partant de tout ce que je savais à l'époque
5 et ce que j'ai appris par la suite, j'affirme que le nombre des
6 Moudjahidines en Bosnie-Herzégovine - des ressortissants étrangers, il
7 s'entend - dépassait les 5 000. Il y en avait qui venaient et d'autres qui
8 repartaient, mais à l'époque où j'étais là-bas, je pense qu'ils étaient, à
9 un moment donné en 1993, donc deuxième semestre, ils excédaient 4 000, ces
10 combattants étrangers au sein des rangs de l'ABiH.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous nous avez montré une vidéo
12 que je connais bien où on voit un échange de prisonniers, des soldats du
13 HVO contre des Moudjahidines, et tout ça sous le parrainage de la FORPRONU,
14 et on voit à Zenica cet échange. Parmi ceux qui ont été échangés, il y
15 avait quelques Moudjahidines qui avaient été capturés par le HVO.
16 L'échange, de mémoire, a dû intervenir au mois d'avril. C'était après le
17 kidnapping de M. Totic.
18 A l'époque, est-ce qu'on avait porté à votre connaissance les
19 interrogatoires des Moudjahidines ? Est-ce qu'ils vous avaient expliqué ce
20 qu'ils faisaient, comment ils étaient arrivés là, quel était leur but ?
21 Est-ce que vous aviez connaissance de cela ou pas ?
22 R. On a reçu pas mal d'information à ce sujet, tant des pays desquels ils
23 étaient arrivés, pour ce qui est de leur nombre et pour ce qui est de leurs
24 agissements. Alors, il y a plusieurs facteurs qui interviennent. Il y a
25 d'abord en partie l'acceptation d'Alija Izetbegovic et de certains de ses
26 officiers. Il y a eu des résistances parmi la population musulmane vis-à-
27 vis de ces Moudjahidines, parce qu'ils les malmenaient aussi, parce que de
28 leur avis, ce n'était pas de bons Musulmans qu'ils avaient face à eux parce
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1 qu'ils buvaient, les filles ne portaient pas de voile, et cetera. Mais
2 toujours est-il qu'ils avaient publiquement et clandestinement bénéficié du
3 soutien de M. Izetbegovic, de Dzemal Merdan, de Fikret Muslimovic, et
4 toutes ces informations-là, on les avait sur notre table.
5 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
6 Président.
7 J'aimerais vous poser une question, Monsieur Praljak. A la même page, au
8 deuxième paragraphe, je lis la dernière phrase. Il est écrit, et je cite :
9 "Ils pensent qu'il y a quatre millions de citoyens turcs ayant des
10 origines en Bosnie qui sont préparés et qui sont prêts à s'organiser pour
11 revenir en Bosnie-Herzégovine."
12 Ça, ça me surprend énormément. Je n'en ai jamais entendu parler. Ce
13 n'est pas grave que je n'en ai pas entendu parler, évidemment, mais je suis
14 très surpris. Ça me paraît être un nombre énorme, un nombre complètement
15 disproportionné et parfaitement ridicule. Je trouve ça parfaitement
16 ridicule que M. Tudjman parle de quatre millions de citoyens turcs.
17 Nous savons tous que la présence turque en Bosnie-Herzégovine s'est
18 terminée au XIXe siècle, en 1878 au plus tard, donc parler de quatre
19 millions de Turcs qui auraient leurs origines en Bosnie-Herzégovine, ça
20 paraît être tout à fait surprenant et difficile à étayer. J'aimerais savoir
21 quel est votre point de vue à ce propos ?
22 R. Mon opinion, Monsieur le Juge, est contraire à la vôtre. Ce sont des
23 faits. Ce sont des faits qui sont vrais. Vous pouvez le vérifier de nos
24 jours encore.
25 Voilà de quoi il s'agit : il y a eu deux grands exodes de Musulmans
26 depuis la Bosnie-Herzégovine --- trois, disons. D'abord, après le congrès
27 de Berlin en 1879 -- 1878, lorsque l'Autriche s'est vu confier la Bosnie-
28 Herzégovine pour la gérer, et il y a eu notamment un grand exode lorsque,
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1 par annexion, l'Autriche est devenue chargée de gérer la Bosnie-Herzégovine
2 en 1908, et les Musulmans qui pendant plusieurs siècles ont régné dans la
3 région, surtout les classes supérieures, ne pouvaient pas accepter ce
4 changement substantiel dans l'organisation interne de l'Etat, et un très
5 grand nombre de Musulmans a quitté la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et
6 le Sandzak. Notamment, après la Première Guerre mondiale, lorsque les
7 Serbes, en leur qualité de forces victorieuses, se sont vus confier la
8 gestion de l'ex-Yougoslavie, de cette ancienne Yougoslavie. Là aussi, il y
9 a eu un grand exode. Et il y a en Turquie une énorme population de gens qui
10 étaient venus de l'ex-Yougoslavie.
11 Le chiffre n'est pas du tout exagéré. Vous pouvez vérifier cela,
12 Monsieur le Juge. Je pense que ce type de renseignement doit exister. Si ça
13 vous intéresse, je peux retrouver ce que cela constitue à peu près.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc si on comprend bien, après le congrès de
15 Berlin, il y a eu un exode important de Musulmans qui, sachant que
16 l'Autriche allait "gérer" le pays, sont partis en Turquie, et après la
17 Première Guerre mondiale, en raison de l'hégémonie des Serbes, il y a eu un
18 second exode. Et ce qui fait que presque 90 ans après, ça a pu atteindre 4
19 millions de Turcs dont les origines, arrière grands-parents étaient en
20 Bosnie. C'est ça que vous dites ?
21 R. Oui, c'est en particulier en 1908 qu'il y a eu un grand exode, et après
22 la Première Guerre mondiale, lorsque les Serbes ont supprimé le droit
23 terrien des Agas et des Beys. Ils ont procédé à cette réforme agraire très
24 célèbre. Et lorsque la terre a été distribuée à la population, au peuple,
25 c'est là qu'il y a eu de gros départs. Mais ceci se rapporte à la
26 Yougoslavie toute entière. Il y a la Macédoine aussi et il y a le
27 Monténégro, le Sandjak. Donc les Musulmans ont quitté en direction de la
28 Turquie. Et c'est ce chiffre-là. Il n'y a pas que la Bosnie-Herzégovine.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la page 71, Madame la Greffière.
2 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Désolée, je ne voudrais pas
3 poursuivre cette discussion. Je n'aimerais surtout pas empêcher le
4 Président de poser ses questions. Mais j'aimerais juste dire, je suis
5 certain que ces chiffres sont exagérés. Je connais un peu l'ex-Yougoslavie.
6 Je connais un peu l'histoire de cette région. Je sais ce qui s'est passé au
7 XIXe siècle et au XXe siècle. Je pense vraiment quand même que ces chiffres
8 font partie de ce qu'on a appelé la "menace musulmane", et je ne pense
9 vraiment pas que ce soit étayé par des faits.
10 Je vous remercie.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, j'ai fait venir la page 71.
12 Regardez le dernier paragraphe de la page où Tudjman dit que lors des
13 négociations qu'il a eues avec Izetbegovic, celui-ci avait refusé de signer
14 un accord militaire, ce qui aurait permis aux Croates de s'engager
15 directement en Bosanska posavina.
16 De votre point de vue, pourquoi Izetbegovic a refusé de signer cet accord
17 militaire ?
18 R. Parce qu'il espérait signer un accord avec les Serbes au détriment des
19 Croates. Il pensait qu'avec eux, il aboutirait à cet accord historique. Et
20 si en termes clairs, il venait à y avoir signature d'un accord militaire
21 avec les Croates, il y aurait option claire et nette pour ce qui est de
22 savoir qui est l'agresseur et qui aide celui-ci. Ce n'était pas la
23 politique d'Izetbegovic. Lui, il voulait jouer sur toutes les tables et il
24 pensait aboutir à un accord avec celui qui était le plus fort. Et si les
25 Serbes ne lui avaient pas fait ce qu'ils lui ont fait, il aurait fait cet
26 accord avec eux contre les Croates. Et de la sorte, il n'a fait que signer
27 un accord relatif aux parties limitrophes, chose qui a interdit à la
28 Croatie d'envoyer de troupes régulières parce qu'il n'y a pas eu d'accord
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1 militaire; et c'est comme ça qu'on a perdu la Posavina.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la page 78, parce qu'il y a peut-être
3 une raison pour laquelle M. Izetbegovic ne voulait pas signer l'accord.
4 On va le voir à la page 78, premier paragraphe. Voilà, on y est.
5 Alors là, Tudjman s'est déclaré en faveur de la signature d'un accord entre
6 la Croatie et la Bosnie qui aurait autorisé la Croatie à interférer
7 légalement en Bosnie-Herzégovine. N'était-ce pas là finalement la raison
8 qui faisait que M. Izetbegovic était un peu réticent ? Car là, vous voyez
9 que M. Tudjman dit que s'il y avait eu un accord, la Croatie légalement
10 aurait interféré en Bosnie-Herzégovine. Là, c'est ce qu'il dit. Qu'est-ce
11 que vous en pensez ?
12 R. C'est exact, Monsieur le Juge, mais légalement pour ce qui est de la
13 défense, si vous établissez la corrélation, il s'agit de la défense de la
14 Posavina. Donc il y a des Musulmans et des Croates qui se sont faits
15 expulser, qui se sont faits tuer là-bas. Donc il s'agissait de défendre là-
16 bas. Il ne dit pas que cette armée irait à Gacko et Nevesinje, pas là où il
17 y a des Serbes, mais là où les Serbes veulent expulser soit des Bosniens
18 soit des Croates. Et vous avez vu combien de Bosniens et de Croates ils ont
19 chassé de la Bosnie-Herzégovine.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder le document P 524, page 10. C'est une
21 réunion du Conseil national de Défense qui se tient le 26 septembre. Vous y
22 êtes, Monsieur Praljak, il y a aussi M. Mesic, Lukic, Saranic, Susak, et
23 bien entendu M. Tudjman. Et au cours de cette réunion, M. Tudjman annonce
24 que la situation politique et militaire est difficile et que la conclusion
25 d'un accord pourrait justifier l'engagement de la Croatie, semble-t-il, en
26 Herzégovine. M. Tudjman dit que la situation militaire est difficile donc,
27 et que finalement, peut-être que la solution viendrait d'un accord qui
28 permettrait un engagement de la Croatie aux côtés de la Bosnie-Herzégovine.
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1 Vous qui étiez présent à cette réunion, est-ce que vous vous souvenez de
2 cela ?
3 R. Oui. Je puis ajouter seulement que c'est toujours la même histoire qui
4 se continue. On voit Tudjman parler et dire que les Serbes devraient peut-
5 être cesser de taper sur Jajce si on leur donnait la centrale. Puis il dit
6 qu'il faudrait se trouver côte à côte avec les Musulmans pour pouvoir
7 défendre nos positions; il faut comprendre aussi les Serbes. Mais il dit
8 que sans cette solution en Bosnie-Herzégovine, il n'y aura pas de solution
9 en Croatie non plus; de Knin à Baranja.
10 C'est une position politique claire et conforme au principe. En temps de
11 guerre, on ne veut pas attaquer les uns ou les autres, on ne veut pas la
12 guerre. On veut une Bosnie-Herzégovine indépendante avec un peuple croate
13 qui serait souverain et constitutif. Et c'est tout le récit de toutes ces
14 années avec toutes les difficultés que cela a impliqué; parce qu'avec la
15 communauté internationale qui avançait constamment des propositions
16 toujours nouvelles.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, vous voyez également tout de suite
18 après que M. Tudjman dit que Panic avait dit devant les Nations Unies que :
19 "Nous avions 30 000 soldats réguliers et 10 000 soldats irréguliers."
20 Panic, je ne sais pas qui c'est, mais je suppose que ça doit être
21 l'ambassadeur de M. Milosevic. Oui ?
22 R. Ce Panic, à l'époque, c'était le président de la Serbie. Milosevic
23 était président de la Yougoslavie. Panic est un Serbe et c'est important.
24 Il était citoyen américain; ça fait 30 ou 40 ans qu'il résidait en
25 Amérique, et il était entrepreneur là-bas. Les Américains, d'une certaine
26 façon, ont réussi à le faire entrer en Serbie. Cependant cet homme,
27 malheureusement autant qu'il ait eu de la bonne volonté, autant il avait
28 peu de notion en matière de politique, et il y a eu plein d'errance de sa
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1 part et malheureusement tout est tombé à l'eau. C'était quelqu'un qui était
2 complètement démuni d'information au sujet de la situation. On lui avait
3 dit qu'il y avait 30 000 soldats réguliers croates. Que voulez-vous que je
4 vous dise à ce sujet ? Vous avez pu voir que nous, on avait du mal à
5 trouver dix soldats ici, dix soldats là-bas, et encore moins 30 000.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc Panic a exagéré les chiffres?
7 R. Oui, c'est absurde.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la pièce P 00866. On va regarder les
9 pages 8, 9 et 10.
10 C'est une réunion qui se tient le 5 décembre 1992, il y a Bobetko et Susak.
11 D'après le document que j'ai, vous n'êtes pas présent. M. Tudjman va dire
12 au travers de ces trois pages que la Croatie avait sécurisé le territoire
13 croate en Bosnie-Herzégovine, territoire de l'ouest qui revêtait une
14 importance stratégique pour la Croatie. Il va dire que le peuple croate de
15 Bosnie-Herzégovine bénéficie d'une indépendance totale dans la région de HZ
16 HB, ainsi que d'une reconnaissance internationale, et qu'il avait le droit
17 aussi à la partie de la Bosanska Posavina. Il va affirmer que la
18 reconnaissance des droits des Croates de Bosanska Posavina était possible à
19 travers une démarcation des frontières et que l'intérêt historique et
20 stratégique de la Croatie est de ne pas laisser la région de Cazin, Bihac
21 et la Krajina aux mains des Serbes, étant donné la position géopolitique et
22 stratégique de la Croatie.
23 Au cours de cette réunion, M. Tudjman fait le point de la situation au mois
24 de décembre et dit que pour la Croatie, le territoire croate de l'ouest a
25 une importance stratégique. Vous êtes d'accord avec ce que dit M. Tudjman ?
26 R. Oui.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : On voit que dans plusieurs transcripts
28 présidentiels, M. Tudjman parle toujours de la Bosanska Posavina. Pourquoi
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1 cet intérêt constant et à chaque fois quasiment à toutes les réunions, il
2 parle de cette région ?
3 R. Parce que là-bas, il y avait 150 000 Croates. Ils résidaient dans cette
4 région, et pour un peuple de quatre millions de personnes, ce n'est pas
5 petit et ce n'est pas non plus négligeable, s'il s'agit de vaches et encore
6 moins s'il s'agit de personnes humaines.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, c'est l'explication que vous donnez pour
8 l'intérêt que montrait M. Tudjman pour cette région.
9 Alors on va avancer dans le temps, on va passer maintenant au mois de
10 février 1993, par le document P 01544 et la page 24.
11 C'est une réunion qui a eu lieu le 24 février. C'est le Conseil
12 national de la Défense; la réunion a eu lieu à 18 heures, va durer une
13 heure et demie. Il y a Sarinic, Manolic, Vedric, Jarnjak, Bobetko, Tus,
14 Sanader, Sansevic, Tudjman, Pasalic, Greguric. Apparemment, vous n'y êtes
15 pas dans cette réunion. Mais à la page 24, Tudjman semble déclarer que les
16 Croates devaient rester sur la position selon laquelle la Bosnie-
17 Herzégovine devait rester indépendante, mais uniquement en tant qu'union de
18 trois peuples constituant.
19 Il semble que M. Tudjman reconnaisse l'indépendance de la Bosnie-
20 Herzégovine et ne la remet pas en compte, mais il souhaite qu'il y ait une
21 union des trois peuples constituant. Quelle est votre perception de ces
22 propos ?
23 R. Toujours pareille, à savoir que la Bosnie-Herzégovine est
24 indépendante; elle doit l'être. Et c'est comme ce qui est dit dans la
25 constitution de la Bosnie-Herzégovine. Franjo Tudjman comprend parfaitement
26 la constitution de la Bosnie-Herzégovine. Et à cette réunion dont j'ai eu
27 vent, il y a les relations entre Franjo Tudjman et la Turquie, enfin la
28 Croatie et la Turquie. C'était excellent comme relation. Hido Biscevic, qui
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1 était membre de notre gouvernement, était un ambassadeur qui était chargé
2 des relations et la Turquie a aidé la Croatie. Le président Demirel avait
3 rendu visite à plusieurs reprises à la Croatie et il a parfaitement bien
4 compris les positions prises par M. Franjo Tudjman.
5 Et si je puis le dire, dans une émission récemment, il y a un bon
6 journaliste croate qui se déplaçait à Ankara ou Istanbul, je ne sais plus
7 trop, et c'est en propos très bons qu'il s'exprime à propos de Franjo
8 Tudjman; bien que lui maintenant soit retraité, il n'occupe pas de
9 fonction, il n'exerce pas de fonction. Ça vous dit combien de réfugiés
10 originaires de la Yougoslavie il y a en Turquie. Mais je trouverai le
11 chiffre et je vous le donnerai. Ici, dans cette partie, il est question du
12 Tribunal international chargé des crimes de guerre, là où je me trouve
13 actuellement. Donc les choses sont tout à fait claires. Toutes les
14 structures du pouvoir en Croatie ont pris des positions claires, le
15 Parlement, le gouvernement, Franjo Tudjman, le peuple, l'armée; tout était
16 clair pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine avec toutes les difficultés
17 que cela comportait, avec cette politique changeante de Izetbegovic, de la
18 communauté internationale, les Moudjahidines, l'agression dont on a fait
19 l'objet, l'embargo sur la vente des armes, et cetera, et cetera.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, vous venez de parler du Tribunal
21 international pour l'ex-Yougoslavie. J'avais l'intention de vous poser
22 cette question à la fin de mes questions, mais autant la poser tout de
23 suite puisque vous venez d'aborder le problème.
24 Ces derniers temps, je me suis interrogé sur le fait de savoir quand notre
25 Tribunal ici a été créé, qu'est-ce qui se disait à Zagreb, dans les
26 réunions auxquelles vous participez sous la présidence de M. Tudjman,
27 notamment au niveau du Conseil national de la Défense. J'ai l'impression
28 que nous n'avons pas tous les transcripts. Il y a peut-être des transcripts
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1 qui n'ont pas été versés ou que la Chambre n'a pas eus, parce que comme
2 vous le savez, les documents sont introduits à la demande des parties. Et
3 ce que je voudrais savoir, quand vous êtes sous la foi du serment et que
4 vous êtes censé dire toute la vérité.
5 Dans les réunions auxquelles vous avez participé à Zagreb, est-ce que
6 la notion même de ce Tribunal qui allait un jour demander des comptes aux
7 uns et aux autres, est-ce que c'a été discuté au niveau du gouvernement ?
8 R. Oui. Et là aussi, dans ces transcriptions que vous avez, il y a ces
9 discussions. Vous verrez les positions de Franjo Tudjman. Il estime que ce
10 Tribunal est nécessaire, qu'il convient d'enquêter sur les crimes de
11 guerre, que ce sera une bonne chose. M. Milas, un juriste qui a vécu
12 pendant de longues années à Vienne, est sceptique, lui, quant à la manière
13 dont sera administrée la justice devant ce Tribunal. J'étais au courant de
14 ces discussions. Dans "Le soldat croate", nous avons repris cela, et
15 cetera. Nous étions favorables à ce Tribunal, Monsieur le Président. Mais
16 lorsque je dis un certain nombre de termes, là, je pense à la coopération
17 avec le Tribunal pénal au sens où on coopérera et non pas où on sera livré
18 dans chaque acte d'accusation qui aura été rédigé pour quelque raison que
19 ce soit ici.
20 Donc il y avait cette proposition française sur 70 pages visant à la
21 création de ce Tribunal, et il en est question ici. Donc la Suède et un
22 autre gouvernement avec ses juristes devaient examiner cela, et puis les
23 Américains sont venus et ils ont jeté ça à la poubelle, et puis ils ont
24 adopté une procédure qui n'est pas adaptée, les Américains et les
25 Britanniques, donc le droit continental, il y aurait eu un juge
26 d'instruction où on aurait cherché à savoir si je suis un criminel. C'était
27 ça la voie envisagée et non pas cette liberté de rédiger tout, tout ce qui
28 ne passe par la tête, et puis pendant cinq ans, on passe son temps à
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1 démontrer son innocence. Donc pendant cinq ans, on envisage quelqu'un sous
2 l'angle de sa responsabilité pénale.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre un point de départ qui est facile
4 pour moi, puisque vous n'étiez pas concerné : Ahmici. Quand il y a eu les
5 événements d'Ahmici, avec les retombées médiatiques connues, y a-t-il eu
6 des réunions du gouvernement, M. Tudjman, est-ce que personne ne s'est dit
7 : mais il y a Ahmici, il s'est passé des faits graves qui vont certainement
8 appeler de la part de la communauté internationale des demandes d'enquête
9 et que ça risque de remonter à nous. Personne n'a parlé de cela ?
10 R. Monsieur le Président, on a parlé et on a écrit à l'infini là-dessus.
11 Malheureusement, on n'a pas véritablement œuvré sur des enquêtes de
12 qualité. A 200 kilomètres, à 800 kilomètres, à 1 000 kilomètres de
13 distance, tout le monde savait tout, mais il n'y a pas eu de bonne enquête
14 menée sur le terrain. La première version, c'était qu'il n'y a pas eu un
15 seul fusil entre les mains des Musulmans. Pendant deux ou trois ans, il y a
16 eu ce procès ici, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant que les
17 Juges n'admettent que les Musulmans, en avril 1993, étaient armés, qu'ils
18 avaient leurs propres unités, mais une quantité énorme.
19 Mais lisez les transcriptions.
20 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais nous
21 nous opposons à ceci, parce que ceci ne répond pas du tout à la question
22 posée par Monsieur le Président, est-ce qu'on a discuté à Zagreb, dans ces
23 cercles-là, d'Ahmici.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Praljak, vous essayez de nous dire
25 qu'il y a eu un défaut d'enquête, et cetera. Mais moi, ma question, elle
26 était très précise : est-ce qu'à Zagreb, au niveau du général Tus, de vous-
27 même, de Bobetko, de Susak, de M. Tudjman, de M. Sanader, de M. Mesic, est-
28 ce que vous avez discuté de la création du Tribunal avec, inévitablement,
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1 dans les années à venir, des enquêtes avec des risques potentiels de
2 poursuite ? C'est ça, ma question.
3 Maintenant, ce que vous venez de dire, oui, la Chambre d'appel
4 confirme plus ou moins ce que vous venez de dire, mais ce n'est pas ça que
5 -- moi, ce que je veux savoir, est-ce que vous avez discuté du risque qu'un
6 jour on demanderait des comptes aux responsables politiques ou militaires ?
7 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, non seulement on en a
8 parlé, mais on demandait que ce Tribunal voie le jour. Il ne suffit pas de
9 dire que nous évoquions cela. On demande ici, dans ces transcriptions, que
10 ce Tribunal soit créé. Vous avez vu aussi toute une série de textes dans
11 "Le soldat croate", dans cette publication-là.
12 La Croatie faisait partie des pays qui parmi les premiers ont demandé
13 la création de ce Tribunal pour enquêter sur chacun des crimes, pour
14 rechercher tous les criminels. C'était ça qui était prévu dès le départ.
15 Prenez connaissance de ces transcriptions, les propos de Franjo Tudjman,
16 j'ai noté cela, je n'ai pas la page 01867502. Milas dit une chose, et puis
17 01867506, Tudjman dit toujours, et je vais vous en donner lecture.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors dites ce que dit Tudjman.
19 Mme PINTER : [aucune interprétation]
20 R. Voilà, car ils viendront sous le coup du Tribunal international pour
21 les crimes de guerre. Et la suite : Mais dans ce sens-là également, c'est
22 un phénomène positif. Mais nous ne pourrons certainement pas éviter qu'il y
23 ait enquête sur les crimes de guerre sur notre territoire également, mais
24 bien entendu, comme je l'ai déclaré ouvertement à tous, dans le cadre de
25 ces entretiens diplomatiques entre hommes d'Etat, s'il vous plaît,
26 Messieurs, je vous en prie, une agression s'est produite contre le
27 territoire croate, sur le sol croate, des crimes, et cetera.
28 Et dans la suite, pour que je ne cite pas tout cela :
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1 "La décision portant création du Tribunal international doit être
2 tirée à profit de notre côté afin de renforcer l'état de droit dans notre
3 pays."
4 Dans la suite :
5 "Jusqu'à présent, nous nous déclarions favorables à un état de droit,
6 et c'est le cas."
7 En d'autres termes, par conséquent, notre citoyen doit comprendre que
8 nous sommes tenus devant la communauté internationale, que c'est une
9 obligation devant la communauté internationale et que ceci correspond
10 également à notre intérêt, et par conséquent, que de ce point de vue-là
11 également il convient de le respecter. Par conséquent, profitons-en, et là
12 il entend de la création du Tribunal international, pour mettre fin à ce
13 comportement arbitraire et à toute forme de terrorisme.
14 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il ne s'agit pas de pures
15 paroles. La Croatie est favorable à la création d'un Tribunal international
16 de Justice. C'est un point de départ pour l'état de droit aux yeux de la
17 Croatie, pour Tudjman et pour tous les autres, y compris moi-même. Je l'ai
18 dit publiquement à plusieurs reprises.
19 A l'époque, j'avais quelques réserves pour ce qui est du terme
20 coopération et organisation ainsi qu'influence politique, lorsqu'on allait
21 placer sur un pied d'égalité les différentes responsabilités et
22 culpabilités. Et encore aujourd'hui, je maintiens ce reproche. J'ai des
23 documents à l'appui, beaucoup de documents. Ne m'en voulez pas que les
24 actes d'accusation aient été rédigés sur instructions politiques, et que le
25 travail a été de très mauvaise qualité. Oui, oui, j'ai raison, Monsieur le
26 Procureur, de dire cela.
27 M. STRINGER : [interprétation] Objection à ce genre de discours, Monsieur
28 le Président. C'est sans aucune pertinence et ceci ne répond pas à votre
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1 question non plus.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Général Praljak, donc M. Tudjman - vous avez
3 lu la page - mentionne que ce Tribunal permettra, si on comprend bien,
4 d'élucider certains crimes, et que donc il n'y avait pas de sa part des
5 obstacles à l'existence de ce Tribunal. Bon, c'est important. La page est
6 au transcript.
7 Je vais passer au P -- Oui.
8 R. Non, non, ce n'est pas un obstacle. Il dit que nous le souhaitons parce
9 que nous aspirons à un état de droit. Monsieur le Président Antonetti, il
10 faut tourner autrement la phrase. Nous le souhaitons parce que nous sommes
11 attachés à l'état de droit. C'est la raison pour laquelle nous avons
12 proposé ce Tribunal, nous le souhaitons et nous allons lui apporter notre
13 soutien.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour cette précision.
15 Nous allons regarder la pièce P 02122, page 8.
16 C'est une réunion qui a lieu le 27 avril 1993. La date est importante, 27
17 avril 1993. Il y a beaucoup de monde. Il y a le général Tus, M. Tudjman,
18 Bobetko, Greguric, Manolic, Mesic, et cetera.
19 A la page 8, on voit que M. Tudjman déclare que l'intérêt stratégique
20 de l'ouest et de la Croatie est de coopérer avec les Musulmans, mais qu'il
21 fallait rester attentif à garder les territoires de la Bosnie-Herzégovine
22 qui intéressent la Croatie. M. Tudjman semble dire deux choses. La première
23 chose c'est qu'il y a la nécessité d'une coopération avec les Musulmans,
24 mais que deuxièmement il faut rester attentif, il faut regarder ce qui se
25 passe. Quel est votre commentaire ?
26 R. C'est exact. Je suis d'accord moi aussi. Coopération avec la Bosnie-
27 Herzégovine mais pas de telle sorte qu'à la fin d'un processus de paix on
28 se retrouve éventuellement nous à une minorité absolue partout en Bosnie-
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1 Herzégovine après qu'il y a eu l'expulsion des Musulmans et des Croates des
2 territoires occupés ou conquis par les Serbes, et qu'on n'aura rien obtenu,
3 et que de Sandzak on fasse réinstaller les Musulmans en Bosnie-Herzégovine.
4 Donc en d'autres termes, pour éviter une catastrophe ethnique, on se
5 retrouve occuper comme si la France se trouvait rattachée à l'Inde pour
6 constituer un Etat commun. Et on verrait combien il y a de Français au bout
7 de quelques années en France, peu.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la page 16 qui parle d'un nettoyage
9 ethnique. Je demande la page 16 à l'écran. Voilà.
10 C'est le quatrième paragraphe, où Tudjman déclare que :
11 "Tout le monde ne permettra pas de faire le nettoyage ethnique."
12 La phrase est un peu ambiguë, on ne sait pas si ça concerne les
13 Serbes ou tout le monde. Mais Tudjman évoque la question du nettoyage
14 ethnique. Est-ce que, Monsieur Praljak, vous voyez les termes qui sont
15 employés par M. Tudjman en personne, nettoyage ethnique ?
16 R. Oui, Monsieur le Président. A ce moment-là, le nettoyage ethnique de la
17 part des Serbes avait déjà pris des proportions très importantes. Vous
18 voyez, ils se sont installés à Baranja, à Vukovar, 30 à 35 000 personnes
19 ont été installées là-bas. Donc il dit, de même on peut militairement
20 s'emparer de Knin mais on aura perdu du sang mais on retrouvera un accord.
21 Il espère toujours un accord entre personnes raisonnables.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Si M. Tudjman dit que le monde, c'est-à-dire la
23 communauté internationale, ne permettra pas le nettoyage ethnique, même si
24 dans le cas d'espèce, il s'agit des Serbes. S'il dit cela, est-ce que sa
25 phrase peut s'appliquer également aux Croates, ou il pourrait penser
26 également que la communauté internationale ne permettra pas aux Croates,
27 quels qu'ils soient, un nettoyage ethnique ?
28 R. Oui, Franjo Tudjman espérait que la communauté internationale n'allait
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1 pas autoriser un nettoyage ethnique. Mais hélas, ça a été autorisé, et
2 malheureusement, ça a été mené au terme sans encombre. Quand vous verrez le
3 nouveau recensement de Bosnie-Herzégovine en 2011, probablement, si vous
4 comparez cela à la situation en 1991, le nettoyage ethnique a été mené à
5 bien dans une très grande partie de la Bosnie-Herzégovine, à Vares,
6 Sarajevo. Seul là où il y a des Croates, ça n'a pas eu lieu, en Republika
7 Srpska également. Là où les Croates ont défendu le territoire, là, il n'a
8 pas eu lieu.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la pièce P 02302, page 7.
10 Il s'agit d'une réunion qui a lieu le 11 mai 1993, la date est importante,
11 car le 11 mai c'est deux jours après le 9 mai, comme tout le monde a
12 compris. Cette réunion a lieu à 20 heures 30 et va se poursuivre jusqu'à 22
13 heures 30. Il y a M. Tudjman, M. Sanader, M. Mesic, Manolic, Susak,
14 Bobetko, Tus, et apparemment vous n'êtes pas présent.
15 A la page 7, M. Tudjman va intervenir en disant que :
16 "Ils, c'est-à-dire les Musulmans, peuplent des zones avec des
17 réfugiés venant de Bosnie centrale et orientale. Ceci non seulement à
18 Mostar mais également dans d'autres lieux purement croates de Bosnie-
19 Herzégovine où ils ont changé et sont en train de changer la composition
20 nationale de ces lieux."
21 Donc c'est la question des réfugiés qui sont Musulmans et qui par leur
22 nombre vont changer les compositions ethniques. Alors ce qu'il dit est
23 vrai, exagéré ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
24 R. Non, ce n'est pas exagéré. C'est exact, Monsieur le Président. Dans les
25 transcriptions vous retrouverez cela à plusieurs reprises de ma bouche. En
26 1992, j'ai dit que l'occasion ethnique s'est produite par les Musulmans
27 chassés de la part des Serbes initialement là où les Croates avaient été
28 majoritaires. Donc ce ne sont ni les Musulmans, ni les Croates qui
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1 arrivent, ce sont des êtres humains. Nous ouvrons la voie du salut. Nous
2 les accueillons dans la région de Posusje. Tout simplement, on accueille
3 des êtres humains en Croatie, Mostar, Capljina, dans la région de Posusje.
4 Mais à la fin de la guerre, ces gens, ils deviennent des citoyens. Et en
5 fait, ce qui s'est produit, c'est que vous avez perdu des espaces, des
6 territoires où vous aviez été majoritaires. Pour quelle raison ? Parce que
7 quelqu'un a chassé les Musulmans pour qu'ils viennent s'installer là. Et
8 Tudjman dit dans certaines localités où cela se produit, Boban, Susak,
9 Tudjman, sont insultés par les gens parce que ceux-là arment les Musulmans
10 qui, après, se retournent contre nous.
11 Mais les gens, ils ne sont pas bêtes. Tout le monde savait tout, je
12 vous en persuade. Ce peuple a une conscience très élevée, vu ce qu'il a
13 connu dans l'histoire. Donc c'est très difficile à Tudjman à ce moment-là
14 de donner des armes qui soient utilisées contre cette population. Il
15 faudrait essayer d'envisager cette situation, se mettre à leur place.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Même dans ce texte, M. Tudjman parle de la situation
17 de Mostar, où il dit, c'est écrit, qu'il y a à Mostar des réfugiés
18 musulmans qui arrivent. Donc ils vont modifier la composition ethnique de
19 Mostar, mais quand je dis de Mostar, c'est est et ouest.
20 Si ce que dit M. Tudjman est vrai, quand les réfugiés arrivent à
21 Mostar est, de votre point de vue, ils arrivent parce que ce n'était que la
22 seule destination possible pour eux ou bien on les a encouragés à venir là
23 pour créer en quelque sorte un abcès de fixation à Mostar est ? Donc
24 j'essaie de savoir si l'arrivée de ces Musulmans à Mostar est était quasi-
25 automatique parce qu'ils ne pouvaient pas aller ailleurs que là, ou bien
26 les a-t-on encouragés à venir là, et donc à s'agréger dans Mostar est ?
27 R. Quand ces réfugiés arrivent en 1992, ils commencent à arriver de la
28 partie orientale de Bosnie-Herzégovine, je pense qu'à ce moment-là, il n'y
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1 avait pas ce genre d'idée. Ils pouvaient, bien entendu, partir en Croatie
2 comme des dizaines de milliers l'ont fait. Mais avec le temps et surtout
3 après la chute de Jajce, toutes les informations consistaient à dire qu'un
4 certain nombre de cercles au niveau de la direction musulmane distribuaient
5 un certain nombre de leurs réfugiés dans des régions où il y avait un
6 équilibre entre les Croates et les Musulmans - Bugojno, Travnik, Novi
7 Travnik, Mostar - donc un équilibre avant la guerre. Donc l'excédent
8 partait vers la Croatie en partie, et une partie était retenue dans ces
9 secteurs avec une aide très considérable de la part des Croates pour les
10 prendre en charge. Là d'où les Serbes étaient partis, par exemple, à
11 Mostar, on leur attribuait des logements, de manière bien supérieure, dans
12 la partie ouest de Mostar, dans la partie ouest, pas la partie est. Donc on
13 attribuait des logements aux Musulmans surtout parce que là, il y avait eu
14 plus de logements.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi de vous interrompre. Vous avez employé
16 un mot tout à l'heure "étaient retenus." Quand vous avez dit cela, je me
17 souviens qu'on a eu des témoins qui expliquaient que les Musulmans à Mostar
18 est pouvaient partir mais qu'en réalité, l'ABiH les empêchait de partir.
19 Alors moi, j'essaie de comprendre. Si on pilonne Mostar est, si le HVO
20 pilonne Mostar est, un civil qui ne combat pas, lui, sachant qu'il est
21 pilonné, son désir c'est de s'enfuir, c'est de quitter les lieux. A ce
22 moment-là, s'il quitte les lieux, il vient diminuer l'équilibre ethnique.
23 Donc en pilonnant, si le HVO a pilonné, est-ce qu'il n'y avait pas un
24 objectif de les faire partir pour rétablir l'équilibre ? Mais quand le HVO
25 constate qu'ils ne partent pas, à quoi ça a servi à ce moment-là de
26 continuer à pilonner ? Est-ce qu'au niveau des instances militaires vous
27 avez eu ce type de débat, à savoir qu'est-ce qu'il fallait faire ? A moins
28 que vous me disiez d'ores et déjà que le pilonnage ce n'était pas vous,
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1 mais les Serbes.
2 R. Vous avez posé beaucoup de questions en une, Monsieur le Président
3 Antonetti. Il y a beaucoup de constatations erronées là, également.
4 Donc j'ai dit qu'il y a eu des périodes. Les premiers arrivés des
5 réfugiés à Mostar, 35 000 en 1992; alors ça, c'est un problème. Là, ils ont
6 été pris en charge, acceptés et je pense que la population musulmane et la
7 direction musulmane non plus n'avaient pas formulé, articulé l'idée de
8 manière claire qu'il faut qu'ils restent là. Mais plus tard en 1993, fin
9 1992, après la chute de Jajce, donc fin 1992, début 1993, on voit
10 s'esquisser de manière plus claire le souhait que les réfugiés musulmans
11 chassés par les Serbes, pour un certain nombre d'entre eux, restent sur ce
12 territoire, là où la population croate avait été soit égale soit
13 majoritaire aux Musulmans.
14 En 1993, après le 30 juin 1993, le HVO n'a jamais pilonné les civils.
15 Vous l'avez affirmé comme étant une hypothèse ou une thèse, mais moi, je la
16 rejette, je la conteste. Vous avez vu le HVO en six mois a tiré à peu près
17 600 projectiles, 250 tirés par les Serbes. Ces obus ont visé des cibles
18 militaires, et vous avez vu combien de fois ils ont placé leurs mortiers
19 près de l'hôpital. Et qu'est-ce qu'ils voulaient par là ? Comme dans toute
20 autre série de cas à Sarajevo, ils voulaient provoquer une réaction des
21 victimes civiles qu'ils allaient après exhiber aux yeux de la communauté
22 internationale pour qu'ils désignent la partie adverse comme étant des
23 criminels.
24 Monsieur le Président Antonetti, en quatre ou cinq mois de leurs
25 attaques, 600 obus de ce côté-ci, mais c'est insignifiant du point de vue
26 de la guerre. Jamais, en plus, ça n'a été dirigé vers des endroits où il y
27 avait des civils. Et si on avait tiré sur des civils à Mostar, on n'aurait
28 pas eu 524 combattants morts. Et il n'y a pas eu de morts parmi les civils.
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1 Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de personnes qui se soient faites tuer,
2 que Dieu m'en préserve, mais le HVO apportait un soin tout particulier à
3 cela. Même les mortiers mobiles transportés sur des camions. Vous savez,
4 lorsque l'ambassadeur américain est venu ici, il est venu à Mostar est, et
5 on l'a entendu ici. Ils tiraient toujours profit de cette situation. Ils
6 tiraient toujours sur nous; à ce moment, on avait toujours des victimes,
7 des blessés et des morts. Et si on ripostait sur le plan militaire, à ce
8 moment-là, eux, ils disaient à Galbraith : Voyez-vous bien qu'ils nous
9 tirent dessus. Et bien entendu, Galbraith n'avait pas vu l'emplacement de
10 leurs mortiers sur tel ou tel véhicule près de lui, qui étaient en train de
11 tuer mes gars.
12 C'était un jeu perfide pendant toute la guerre. Dans des analyses
13 très précises de la plume des observateurs militaires occidentaux et des
14 journalistes, ça a été élucidé jusqu'au bout.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez donc répondu à mes hypothèses que
16 j'ai formulées. Il n'y avait pas de constat mais que des hypothèses. Nous
17 allons faire 20 minutes. Il me reste pour les transcripts présidentiels,
18 une douzaine de transcripts.
19 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.
20 --- L'audience est reprise à 16 heures 13.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
22 On va faire venir le document P 02466, et la page 10.
23 On a la page 10.
24 Monsieur Praljak, il s'agit d'une réunion qui se tient le 20 mai 1993,
25 commence à 18 heures jusqu'à 19 heures 30, et il y a M. Mesic, Manolic,
26 Valentic, et beaucoup de monde dont Bobetko, Tus, Pasalic, Tudjman, et
27 cetera. Au cours de cette réunion, et vous le voyez à la page 10, M.
28 Tudjman va dire que la Croatie ne peut accepter de perdre des zones qui
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1 faisaient partie de la Banovina, même si un grand nombre de réfugiés dont
2 la plupart sont Musulmans s'y trouvent. La Croatie ne peut pas non plus
3 accepter que les Musulmans changent la structure démographique de Mostar et
4 de Travnik, puisque dans le cas contraire, le sud de la Croatie et la
5 Dalmatie seraient mis en danger. M. Tudjman dit plusieurs choses. Il y a
6 une référence très nette à la Banovina, et également une référence très
7 nette au fait, comme vous l'avez dit, les modifications de Mostar et de
8 Travnik.
9 Comment vous interprétez à votre niveau les propos de M. Tudjman ?
10 R. Ici, M. Tudjman parle de la Banovina justement dans le sens où il faut
11 l'entendre. Les régions, et ça paraît hypothétique, mais pris avec des
12 réserves, comme il y avait une majorité absolue de Croates ou de majorité
13 relative de Croates, on ne pouvait pas permettre qu'il y ait changement de
14 l'image démographique. Or, l'agression menaçait de modifier cette image
15 démographique, notamment après l'agression de l'ABiH, puisqu'on s'était
16 défendu à l'égard des Serbes. Stoltenberg, dit-il, a compris la chose, Owen
17 aussi. Il s'est entretenu en tête-à-tête à Split avec Izetbegovic, et il
18 dit que le conflit entamé avec les Croates était une politique de suicide,
19 et ainsi de suite. Il dit que cela ferait à peu près encore 140 000
20 réfugiés croates de plus, et je ne sais combien de Musulmans. Donc c'est
21 une politique cohérente.
22 Il ne faut pas que la guerre modifie la structure ethnique de l'Etat.
23 Bien entendu, il dit qu'il faut protéger les Croates. C'est pour cela qu'on
24 s'est battu. Nous n'avons menacé personne ni juridiquement ni d'une façon
25 autre. Cette Banovina n'a rien à voir avec l'Etat de Croatie. C'est la
26 Bosnie-Herzégovine et c'est la position des Croates au sein de la Bosnie-
27 Herzégovine. Et voilà les plans dressés par la communauté internationale.
28 Tout ceci se trouve sur le même tracé depuis Dayton et Washington. On a
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1 voulu contraindre les uns et les autres et on a fini par partager, procéder
2 à un partage de la Bosnie-Herzégovine pour en faire deux Etats.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer au mois de juin avec la P 02719, la
4 page 40.
5 C'est une conversation entre M. Tudjman et M. Izetbegovic qui est
6 assez longue. Apparemment, la conversation a commencé, semble-t-il, à
7 minuit passé, c'est-à-dire qu'elle devait être importante.
8 Ce qui m'intéresse c'est la page 40. Je vérifie à l'écran. Voilà, nous
9 avons la page 40. Izetbegovic accuse, semble-t-il, Mate Boban de se
10 déclarer en faveur du plan Vance-Owen, mais de tout faire pour en empêcher
11 la mise en œuvre. Donc il y a une critique de Mate Boban qui, semble-t-il,
12 jouait, lui, un double jeu, tout en disant, je suis d'accord avec le plan
13 Vance-Owen, il ferait tout pour que ça ne marche pas. C'est ce que dit M.
14 Izetbegovic.
15 Qu'est-ce que vous dites de cela ? Est-ce que c'était la position
16 traditionnelle de M. Boban, ou M. Izetbegovic dit des choses qui ne sont
17 pas vraies ?
18 R. Ce que M. Izetbegovic dit ici c'est une contrevérité flagrante et
19 intégrale. Les Croates ont été les premiers à accepter de tout cœur le plan
20 Vance-Owen, et on a vu l'engagement de Prlic et tout ce que la HZ HB a fait
21 pour passer à une organisation des choses en application du plan Vance-
22 Owen, et il y a eu sabotage complet de la partie musulmane et de la part
23 d'Alija Izetbegovic.
24 Puis on dit qu'on s'est attaqué à Mostar. Ce n'est pas vrai. Vous
25 avez vu le plan de l'ABiH en avril pour ce qui est de s'attaquer à la
26 Bosnie centrale et à Mostar. Donc ceci est un mensonge. Est-ce que c'est un
27 mensonge parce que les siens lui disent les choses autrement, je ne sais
28 pas ça. Je ne pense pas qu'il a été désinformé au sujet de la situation
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1 telle qu'elle se présentait.
2 Pour finir, moi, je suis allé demander qu'on me donne des hommes pour
3 qu'on apaise la situation, pour qu'on calme la situation. Jamais il n'est
4 intervenu en la matière. Il a dit : j'appellerai dans deux jours, dans
5 trois jours. Il se pencherait sur la chose et le tout tombait à l'eau au
6 final.
7 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Je m'excuse.
8 Page 37, ligne 22, le général a dit : "Alors il dit, on a attaqué
9 Mostar." Or le compte rendu dit "la Bosnie-Herzégovine." C'est là que se
10 trouve l'erreur.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, M. Izetbegovic dit ici que Mate Boban,
12 ou, à savoir le HVO, se serait attaqué à Mostar, chose qui n'est pas
13 exacte.
14 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Une fois de plus, en page 38 il n'y a pas
15 le mot "Mostar" à la ligne 9.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est corrigé. On va passer au mois de juillet, par
17 le document P 03240, page 63.
18 Nous sommes le 6 juillet. C'est la 14e session du Conseil de la Défense
19 nationale, réunion qui commence à 22 heures et qui va se terminer à 23
20 heures 30. Il y a M. Tudjman, MM. Greguric, Zerkovic [phon], Vedris et
21 d'autres personnes. Apparemment, Monsieur Praljak, vous n'êtes pas présent
22 à cette réunion. Mais peut-être vous connaissez ce document, et on va
23 regarder la page 63.
24 A la page 63, c'est après l'intervention de Valentic. Tudjman reprend la
25 parole et va parler de Jablanica avec la centrale hydroélectrique. Il
26 semble que M. Tudjman a demandé à Bobetko et à Susak de prendre le contrôle
27 de Jablanica. Là, vous allez nous expliquer qu'est-ce que ça veut dire, de
28 prendre le contrôle. Nous sommes le 6 juillet. Qu'est-ce qu'il a voulu dire
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1 en disant de prendre le contrôle ?
2 R. Je ne peux pas le commenter de façon précise, mais ici, M. Valentic
3 peut être en train de parler de Herceg-Novi. Le problème de Herceg-Novi,
4 c'est plus au sud de Dubrovnik. Ça n'a rien à voir avec la phrase de Franjo
5 Tudjman. De quoi s'agissait-il ? Il s'agissait de l'eau potable pour
6 Herceg-Novi et du courant pour Dubrovnik. Herceg-Novi c'est au Monténégro.
7 Herceg-Novi est approvisionné en eau potable depuis le secteur de
8 Dubrovnik. Or, Dubrovnik s'approvisionne en énergie électrique depuis une
9 centrale serbe en Bosnie-Herzégovine, non loin de Trebinje. C'est sur les
10 hauteurs de Dubrovnik. Ils ont essayé de trouver un arrangement pour faire
11 en sorte qu'Herceg-Novi obtienne de l'eau potable et que Dubrovnik obtienne
12 de l'électricité.
13 Alors ce que le président pense au sujet de la centrale, on peut
14 estimer uniquement que la Croatie et le secteur de l'énergie en Bosnie-
15 Herzégovine étaient reliés l'une à l'autre, et les centrales en Croatie
16 donnaient de l'électricité en Bosnie-Herzégovine. Or, vous avez vu,
17 Messieurs les Juges, ici, un témoin à qui j'ai posé la question de savoir,
18 pour ce qui est de cette électricité en provenance de Jablanica, ils
19 laissaient passer l'eau. Ils ne voulaient pas mettre l'électricité dans le
20 système commun de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine. Donc l'eau, on
21 l'a laissée partir, sans pour autant l'exploiter pour fabriquer de
22 l'électricité. Mais ils prenaient l'électricité de la Croatie pour
23 maintenir leur système électroénergétique en place. Alors je ne sais pas ce
24 que le président avait à l'esprit ici.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer au mois de septembre, maintenant. Le P
26 04740, page 10. C'est une réunion qui commence à 10 heures et qui se
27 termine à 11 heures 45. Il y a toujours M. Mesic, Manolic, Greguric, Susak,
28 Granic, Bobetko, Tudjman, Boban, puis d'autres. Vous, vous n'y êtes pas.
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1 Au cours de cette réunion, Tudjman va dire qu'il y a eu un entretien avec
2 le général Bobetko en présence de Mate Boban, au cours duquel ils ont
3 constaté devoir naturellement aider la Herceg-Bosna dans le secteur de la
4 défense, et il va dire que seuls les volontaires originaires de la Bosnie-
5 Herzégovine, qu'ils fassent partie de l'armée croate ou pas, seront
6 autorisés à défendre ces zones.
7 Ça m'a paru intéressant, Général Praljak, et vous le voyez à la page 10,
8 parce que M. Tudjman parle des volontaires, et pour lui, ça ne peut être
9 que des volontaires originaires de la Bosnie-Herzégovine, et non pas des
10 Croates qui ne seraient pas originaires de la Bosnie-Herzégovine.
11 Ce qu'il dit M. Tudjman, est-ce que ça entre dans ce que vous nous
12 avez dit jusqu'à présent, comme quoi les volontaires étaient originaires de
13 la Bosnie-Herzégovine ?
14 R. Oui, Monsieur le Juge, c'était la position qui a été mise en œuvre de
15 façon conséquente. Si je puis ajouter ici une chose importante -- c'est
16 quelle année déjà, 1993 ? Oui, 1993. Tudjman est en train de dire que
17 s'agissant de la situation vis-à-vis de Belgrade, de la Serbie, du
18 Monténégro, il y a eu des rumeurs qui ont couru et il dit qu'il faut
19 contrecarrer la chose. Et il indique qu'il a dit en public et répété, je
20 cite que :
21 "Il n'y avait et qu'il n'y a eu aucun accord portant sur le partage de la
22 Bosnie entre la Croatie et la Serbie. Il n'y en a pas."
23 Point. A une session de sa direction la plus restreinte, il leur dit
24 que ces rumeurs il faut les contrecarrer parce qu'il n'y en a pas eu et il
25 n'y en a pas d'accord pour ce qui est d'un partage de la Bosnie-
26 Herzégovine. Il s'agit maintenant de l'année 1993, Monsieur le Juge.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer au mois d'octobre et notamment à Fikret
28 Abdic. J'ai constaté que ce transcript pouvait être intéressant.
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1 P 05997, pages 3 et 4. Page 3 et 4, parce que c'est M. Abdic qui
2 parle; il est donc intéressant de voir ce qu'il dit. C'est en pages 3 et 4.
3 Je vérifie sur l'écran que tout le monde a bien cela. Il faudrait montrer
4 ce que dit M. Abdic. Voilà. Parce que ça va continuer après.
5 Il va proposer la reconnaissance mutuelle de la Herceg-Bosna et de la
6 province autonome de Bosnie ouest et la signature d'un accord de paix.
7 Tudjman va lui répliquer en disant que la province qui serait dirigée par
8 Abdic aurait une place en Croatie en tant que province autonome.
9 Alors il semblerait, Monsieur Praljak, que dans les discussions entre M.
10 Abdic et Tudjman - dont on a le compte rendu - il y aurait un projet qui
11 équivaudrait à ce que la Croatie reconnaisse la province autonome qui est
12 sous la tutelle d'Abdic et qu'il y ait un accord de paix entre les deux, et
13 à partir de là, M. Tudjman lui dit que cette province aurait une place en
14 Croatie en tant que province autonome.
15 Et de mémoire, à l'époque de l'ex-Yougoslavie, il me semble qu'il y
16 avait deux provinces autonomes, mais je parle sous votre contrôle, Monsieur
17 Praljak, vous êtes le spécialiste, moi, je ne le suis pas, je suis un
18 modeste Juge qui essaie de comprendre. Mais il me semble qu'à l'époque il y
19 avait la Vojvodine et le Kosovo comme provinces autonomes dans l'ex-
20 Yougoslavie. Or est-ce principal qu'ici entre Abdic et Tudjman on essaie de
21 mettre en place une province autonome et puis la Croatie pourrait, dans un
22 accord de partenariat ou je ne sais quoi, collaborer avec elle de manière
23 étroite ?
24 Vous avez la conversation entre les deux devant vous, aviez-vous à
25 l'époque entendu parler de cela ? Parce que ça voudrait dire si ce projet a
26 cours, c'est un démantèlement de la République de Bosnie-Herzégovine, parce
27 qu'une partie risquerait de basculer en Croatie.
28 R. Monsieur le Juge, d'abord il n'y a pas, à l'époque, de provinces
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1 autonomes de Vojvodine et du Kosovo. Ça a été grandement supprimé à ce
2 moment, en sabotant la constitution de la République socialiste fédérative
3 de Yougoslavie, et c'est là unilatéral. Personne n'a réagi dans le monde.
4 La direction serbe, avec Milosevic à sa tête, a supprimé l'existence de ces
5 deux provinces autonomes en dehors de tout droit véritable. Et il s'agit de
6 la Vojvodine et du Kosovo.
7 M. Abdic ne parle pas de la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine mais il
8 parle de la reconnaissance de la République croate d'Herceg-Bosna et sa
9 province autonome; et il a participé aux négociations de Genève. Il avait
10 une espèce de province autonome avec une importance que personne ne
11 connaissait.
12 On ne savait pas ce qui allait être reconnu au final, parce que ça a
13 tout le temps évolué. Et il dit ici qu'il prend appui sur la Croatie. Il
14 dit qu'il profiterait des infrastructures de l'Etat croate. On en est loin
15 d'une sécession. On parle d'intérêt stratégique. Et M. Abdic dit que la
16 Bosnie que les Serbes ne contrôlaient pas débouchait du côté de la Croatie,
17 ce qui est tout à fait exact.
18 Donc il s'agit là d'une conversation entre deux hommes sur ce qui se
19 passerait lorsque telle chose arriverait. Mais personne ne sait à ce
20 moment-là quel va être le sort de la Bosnie-Herzégovine.
21 Et à ce moment-là, Monsieur le Juge, il était grandement question de
22 tout ceci à l'occasion de la totalité des contacts diplomatiques, et ainsi
23 de suite. On disait qu'après la guerre, la Bosnie-Herzégovine pourrait
24 difficilement subsister et qu'il vaudrait peut-être mieux procéder de la
25 sorte. Alors ce sont des considérations de possibilités mais il n'y a pas
26 de contrat ou de traité de signé.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison. M. Abdic parle de la
28 reconnaissance par la République d'Herceg-Bosna et vice versa. Comment se
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1 fait-il que ça n'a pas pu se réaliser car sur le plan politique c'était un
2 bon moyen d'une part pour démanteler une partie de la République de Bosnie-
3 Herzégovine et d'avoir un accord avec des Musulmans qui étaient quand même
4 assez nombreux dans le cadre d'une reconnaissance mutuelle ? Pourquoi ce
5 projet dont Tudjman et Abdic évoquent n'a pas vu le jour ? Qu'est-ce qui
6 l'a empêché ?
7 R. Monsieur le Président, personne n'avait eu l'idée de mettre cela en
8 œuvre sans confirmation ou entérinement de la part de la communauté
9 internationale. Ici, on parlait de ce qui se produirait si ceci, si cela.
10 Donc si à l'occasion de ces négociations, il y aurait eu accord de la part
11 des Serbes et des Musulmans dont Izetbegovic et des Croates dans le cadre
12 de cette direction musulmane qui dirait qu'elle voulait un Etat
13 indépendant, chose dont j'ai déjà témoigné ici à plusieurs reprises, alors
14 le problème qui se posait c'était de savoir qui aurait combien de
15 territoires. C'est pour ça qu'on s'est battus.
16 La guerre a eu lieu pour les territoires et non pas parce que chacun
17 voulait vivre à part séparément des autres. Mais ça n'a pas été diligenté
18 du côté croate. Alors ça ne s'est pas réalisé pour une raison simple. Parce
19 qu'il y aura ingérence puissante de la part des Américains qui vont faire
20 pression sur Izetbegovic et Tudjman pour qu'il y ait une fédération et
21 confédération entre Musulmans et Croates sur les territoires qui n'ont pas
22 été encore pris ou occupés par les Serbes. Et ensuite cette fédération-là,
23 ils voulaient la placer en relation confédérale avec la République de
24 Croatie. La chose est cristalement claire pour ce qui est du texte des
25 accords de Washington.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, à votre connaissance, est-ce que M.
27 Abdic Fikret a participé aux négociations à Genève ?
28 R. Certaines négociations, oui.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Et à votre connaissance, il avait une
2 reconnaissance, une dimension internationale ou bien on considérait qu'il
3 était négligeable ?
4 R. Ça dépend des combinaisons. On n'a pas à considérer la chose comme
5 étant tout à fait importante. Lorsque les tendances à la séparation étaient
6 plus fortes, on acceptait, puis lorsqu'un plan était servi sur la table, on
7 n'acceptait plus le précédent et ainsi de suite. Donc cela dépendait des
8 jeux politiques en cours.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va quitter M. Abdic pour aller maintenant
10 au mois de novembre, quelques jours avant votre départ.
11 C'est la pièce P 06454 et la page une. La page P 06454. C'est une région à
12 Zagreb, toujours, 5 novembre dans la villa Dalmatia à Split. Ce n'est pas
13 Zagreb, c'est à Split. Il y a donc M. Tudjman et apparemment, il y a
14 également Boban, Prlic et vous-même, Monsieur Praljak, et Petkovic. Vous
15 vous souvenez être dans cette villa, 5 novembre ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est la villa de fonction du président ?
18 C'est quoi cette villa ?
19 R. C'est l'ex-villa à Tito. C'est l'une des villas que dans chaque grande
20 ville de Yougoslavie avait à sa disposition Tito.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous voyez à la page numéro 1 que Tudjman va
22 dire que le problème de la République de Bosnie-Herzégovine regarde le
23 peuple croate en Bosnie-Herzégovine mais aussi l'Etat croate et son futur,
24 notamment pour les frontières.
25 Cette phrase me semble intéressante parce que M. Tudjman, de manière
26 claire, dit que le problème est celui du peuple croate en Bosnie-
27 Herzégovine, mais il dit également que ça concerne aussi la Croatie; donc
28 ça peut également avoir des effets sur les frontières. Qu'est-ce qu'il a
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1 voulu dire, M. Tudjman, est-ce qu'il voulait souligner la complexité du
2 problème ?
3 R. Oui, c'est de façon explicite à des dizaines d'endroits qu'il
4 l'indique, que le problème de la Bosnie-Herzégovine était de nature
5 politique, historique, psychologique, et c'était extrêmement complexe. Il
6 indique aussi que la communauté internationale très souvent ne comprend pas
7 la complexité du problème et il répète que le problème de la Bosnie-
8 Herzégovine, c'est le problème de la population croate au sein de la
9 Bosnie-Herzégovine.
10 Penchez-vous sur la carte, Messieurs les Juges, que vous avez 100
11 fois vue et revue, il est certain que ce qui importe c'est de savoir si à
12 Bihac, par exemple, en s'appuyant sur Knin et les Serbes en Croatie, on
13 aurait des Serbes ou des Musulmans. Il est très important aussi de savoir
14 qui est-ce qui se trouverait aux frontières de la Croatie, est-ce que ce
15 sont les Croates de la Bosnie-Herzégovine ou est-ce qu'au final ce serait
16 une partie tout à fait autre qui serait hostile à celle-ci. Alors comme on
17 aboutissait à la paix de façon si pénible et si lente, Franjo Tudjman
18 n'avait disposé d'aucune espèce de garantie pour le cas où les Musulmans et
19 les Serbes se seraient mis d'accord pour prendre une partie de la Croatie.
20 Personne n'aurait bougé le petit doigt dans le reste du monde pour une
21 telle chose; comme cela a été d'ailleurs fait pour Cyprus, Prevo, et
22 cetera, et cetera. Donc il ne faut pas être trop optimiste de ce point de
23 vue là, pour ce qui est de la politique mondiale.
24 Ici, sa position est cristalement claire. Les Croates de Bosnie-
25 Herzégovine doivent déterminer leur propre destinée, mais la Croatie, parce
26 qu'il s'agit de Croates et parce qu'elle a ses frontières là-bas, est
27 intéressée par la façon dont cela viendrait à être résolu. C'est
28 cristalement clair. Je l'ai dit à l'époque, je le dis de nos jours encore.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'aimerais qu'on voie la page 2, parce qu'il
2 va y avoir les provinces 3 et 8 qui vont être abordées par M. Tudjman. Je
3 ne pensais pas poser la question au départ, mais il m'apparaît important
4 maintenant de la poser.
5 Donc page 2, dernier paragraphe; voyez la dernière ligne. De manière très
6 claire, M. Tudjman évoque le plan Vance-Owen et dit qu'il devrait y avoir
7 une union des républiques croate et musulmane, ce qui explique tous les
8 documents qu'on a vus. Au départ, j'avais été très surpris au début du
9 procès quand je voyais "union des républiques." Je dois vous avouer que je
10 ne comprenais pas du tout ce que ça voulait dire, mais au fil du temps,
11 j'ai compris. Et je vois que là, M. Tudjman dit que la solution en réalité
12 c'est une confédération finale, c'est-à-dire il y aurait une union des
13 républiques et puis il y aurait une confédération avec la Croatie. Qu'est-
14 ce que vous en dites, Monsieur Tudjman -- Monsieur Praljak ? Vous étiez
15 aussi à la réunion.
16 R. Malheureusement, je ne m'appelle pas Tudjman. Lui, il était très
17 éduqué, très intelligent et très sage. Je le suis bien moins. Je ne me
18 sous-estime pas.
19 Mais toujours est-il que les choses sont claires. Ici, l'offensive
20 musulmane a échoué, et en dépit de tout ce qui s'est passé depuis des mois
21 et des mois, le président d'un Etat, d'une façon tout à fait calme dit, on
22 va créer une union musulmane et croate en Bosnie-Herzégovine. Et alors,
23 avoir des liens les plus étroits possible avec la Croatie avec une
24 confédération possible. Il propose, il ne l'impose pas. Il dit que dans le
25 cadre de l'établissement de ces liens, ces liens devraient être les plus
26 étroits avec la Croatie jusqu'à l'établissement d'une confédération avec
27 l'Etat croate. Donc cela est possible.
28 Et par la suite, les Américains ont repris la chose pour en faire des
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1 bases pour ce qui est des accords de Washington. Puis ils ont laissé tomber
2 comme si de rien n'était, comme si ça n'avait jamais été mis sur le tapis
3 lorsque ça les arrangeait.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne sais pas si votre mémoire est bonne, mais
5 comme M. Prlic n'est pas là, je ne vais pas insister. S'il avait été là,
6 j'aurais mis la page à l'écran. C'est à la page 53 - je ne l'ai pas en ma
7 possession. Mais à la page 53, M. Prlic a dit qu'au sein de l'Herceg-Bosna,
8 il y avait un personnel de qualité insuffisante. Et vous-même, vous êtes
9 intervenu pour dire qu'il y avait un faible niveau de compétence militaire
10 au sein du HVO. Vous vous rappelez de cela ? Vous nous l'avez déjà dit
11 oralement, mais il y a une preuve qui est ce document où M. Prlic parle de
12 la faible qualité des hommes et puis vous, vous embrayez en disant qu'il
13 faudrait aussi faire des changements.
14 R. C'est exact. Je me souviens en partie de ce qu'avait dit M. Prlic et
15 j'ai lu son discours par la suite. Je suis tout à fait d'accord avec ses
16 propos, et je sais ce que moi j'ai dit. Mais si vous m'y autorisez, deux
17 minutes, je tiens à dire quelque chose.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
19 R. En particulier pour ce qui est de l'Herzégovine mais aussi en bonne
20 partie pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, dans son ensemble.
21 Premièrement, il y avait un grand nombre de personnes qui ont émigré tout
22 de suite après 1945.
23 Deuxième chose : un nombre colossal de personnes venues de ces
24 régions arriérées est parti travailler à l'étranger. Pour ce qui est du
25 pourcentage, les Croates ont fait cela bien plus que les deux autres
26 peuples. Donc les recensements de 1991 ne sont pas exacts pour ce qui est
27 du nombre total de Croates, car vous avez un très grand nombre de Croates
28 en Allemagne, en Autriche, en France qui ne sont pas venus participer au
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1 recensement.
2 Troisièmement, prenez, par exemple, le cas de l'Herzégovine occidentale. De
3 fait, vous n'aviez pas une seule usine. Nous tous qui sommes partis
4 d'Herzégovine occidentale, nous sommes restés après nous installer surtout
5 en Croatie. Puis après, un certain nombre de personnes sont restées à
6 Zagreb.
7 Un grand nombre d'Herzégovains et aussi de Croates de Bosnie-
8 Herzégovine s'opposaient à ce qu'on reste en Yougoslavie. Il y en a
9 beaucoup qui avaient été emprisonnés dans l'ex-Etat. Par rapport aux deux
10 autres peuples, pour ce qui est des Croates de Bosnie-Herzégovine, il y
11 avait de manière tout à fait claire très peu d'intellectuels, disons cela
12 comme ça, au conditionnel. Un nombre colossal d'Herzégovains sont restés à
13 Zagreb. Des milliers et des milliers y sont diplômés des facultés sur
14 place. Là, d'où ils étaient originaires, il n'y avait pas
15 d'"intelligentsia," des gens qui auraient pu être mis à profit. Ces gens,
16 ils ne sont pas revenus de Zagreb. Ils étaient rares, moi, par exemple.
17 Qu'il s'agisse de l'armée ou des institutions civiles, il y avait un manque
18 de personnes de qualité qui auraient pu faire du travail. Voilà, c'est
19 exact.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va toujours rester au mois de novembre, le
21 lendemain, parce que le lendemain il y a une réunion.
22 C'est la pièce P 06485, et j'aimerais voir la page 2. C'est au palais
23 présidentiel, 6 novembre, il y a M. Tudjman. Ce qui m'intéresse, c'est
24 uniquement ce qu'il va dire à la page 2. Je vérifie que vous avez bien la
25 page 2. Voilà.
26 Il va dire qu'il était important de prendre le contrôle de Gornji
27 Vakuf, mais en restant couvert par l'envoi de volontaires uniquement. Et il
28 va dire qu'il pourrait peut-être mettre directement une brigade du HV à
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1 Mostar afin de rendre disponible une brigade du HVO, en précisant que cette
2 brigade ne se livrerait qu'à des opérations de défense.
3 Alors M. Tudjman parle de deux choses : la Gornji Vakuf, mais il dit
4 là, il faut qu'il y ait des volontaires, et il envisage l'hypothèse de
5 mettre une brigade de l'armée croate à Mostar pour rendre disponible une
6 brigade du HVO. Mais à ce moment-là, s'il y a une brigade de la HV, elle ne
7 serait que dans des opérations de défense.
8 Qu'est-ce que vous en dites ?
9 R. C'est exactement ce que le président est en train de dire, ici. Il y a
10 le problème de la chute de Gornji Vakuf, et vous avez vu que les
11 commentateurs militaires, les experts, les étrangers qui sont venus
12 s'exprimer ici en parlent également. C'est la question de notre maintien
13 là-bas, de notre survie. Si, près de Gornji Vakuf et Rama, il y a une
14 percée, hormis une petite partie de l'Herzégovine occidentale, nous n'avons
15 plus où nous établir, où nous déployer, où avoir notre front. Ça, c'est une
16 première chose. Deuxièmement, malheureusement, le souhait de conquête des
17 Musulmans en direction de la mer, à savoir au sud de Mostar n'a pas disparu
18 à ce moment- là, et Franjo Tudjman dit que si cela venait à se passer et
19 s'ils poursuivaient leur avancée vers Mostar, il ne serait pas exclu
20 d'avoir recours à l'armée croate pour le défendre. Ça ne s'est pas produit,
21 mais il faut savoir ce que souhaitent les Musulmans.
22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'agissant de M.
23 Izetbegovic et de ses entretiens portant sur la question du nombre de
24 Musulmans en Bosnie centrale, j'ai préparé ici un extrait du recensement de
25 1991 -- 1981 à 1991, donc, pour Travnik, Novi Travnik, Vitez, Busovaca,
26 Kiseljak, Kresevo et Vares. Je l'ai ici. C'est signé. Si vous souhaitez
27 l'examiner, vous pouvez le prendre comme preuve. On voit que M. Izetbegovic
28 ne dit pas la vérité. Il parle en fait de la partie de la Bosnie centrale
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1 qui est déjà occupée ethniquement, parce que les Croates sont majoritaires,
2 ici.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut le mettre sous l'ELMO, oui.
4 Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, Messieurs
5 les Juges.
6 Aux fins du compte rendu d'audience, page 50, ligne 1, puis 2 et 3,
7 il y a une erreur. Il est dit que, d'après le général : "Nous avions pris
8 la décision de libérer une partie du territoire tenue par les Musulmans."
9 Mais le général a dit il y avait un souhait du côté musulman de conquérir
10 des territoires.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
12 Mme PINTER : [interprétation] Ils aspiraient toujours aux conquêtes, mais
13 d'après le compte rendu d'audience, il semblerait que c'est le HVO qui
14 voulait conquérir. C'est une erreur.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Puisque malgré le cessez-le-feu qui avait été
16 signé, l'offensive de l'ABiH se poursuivait, au sud de Mostar également,
17 Tudjman anticipe sur l'évolution à venir, et il dit qu'il faudrait peut-
18 être que la HV vienne apporter son secours au HVO pour qu'il n'y ait pas de
19 conquête de territoires croates. Cela ne s'est pas produit, mais je pense
20 que sa décision était logique, puisqu'à ce moment-là les Musulmans avaient
21 déjà signé un accord de cessez-le-feu qu'ils ne respectaient pas, puisque
22 la guerre s'est poursuivie en 1994.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, gardez votre document, parce que
24 quand tout à l'heure j'aborderai vos moyens de défense, vous aurez
25 l'occasion de l'évoquer. Je veux terminer avec les transcripts. Il m'en
26 reste très peu.
27 Je voudrais qu'on fasse venir le P 07198.
28 M. STRINGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Excusez-
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1 moi de vous interrompre.
2 Je sais que plusieurs avocats nous ont aidés en intervenant quand ils
3 pensaient qu'il fallait apporter des corrections au compte rendu, mais je
4 ne sais pas si ce qui s'était passé ici maintenant était une mauvaise
5 interprétation faite par les interprètes en cabine, chose sur laquelle les
6 avocats ont attiré l'attention, ou est-ce que c'était plutôt une
7 proposition de précision. Je ne sais pas. Je n'affirme rien ici, mais ce
8 n'était pas ce genre de correction habituelle où on apporte une précision
9 sur un mot, un terme, une correction de ce genre. Je pense qu'ici, en
10 l'occurrence, quand on verra la mouture définitive du compte rendu, ce
11 serait utile d'entendre ce qu'a dit le général pour voir si ça avait bien
12 été interprété en premier lieu, et dans l'affirmative, toute précision
13 qu'il aura apportée pourra être gardée, si effectivement il y avait une
14 erreur d'interprétation. Mais il faudrait peut-être revoir ou réécouter, il
15 ne peut pas maintenant avoir une mouture définitive sans faire cette
16 vérification.
17 Merci.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter, vous voulez répliquer ?
19 Mme PINTER : [interprétation] Ce n'était pas une suggestion à l'adresse du
20 général. C'était par souhait d'apporter une correction.
21 Vous savez qu'à la fin de chacune de nos journées d'audience, nous
22 présentons des demandes aux fins de corrections du compte rendu d'audience,
23 et là, nous avons enregistré une demande de procéder à l'écoute de la
24 totalité des propos du général. Par la suite, on verra qu'il s'agissait là
25 d'une correction et non pas d'une suggestion.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait, repassez la bande audio pour
27 savoir exactement quels ont été mes propos. J'ai dit exactement ce qui
28 avait été apporté comme correction.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : On va passer à la P 07198, page 21 et page 22.
2 C'est une réunion qui se tient postérieurement à votre départ, parce
3 qu'elle se tient le 15 décembre 1993. Il y a plusieurs personnes, mais à un
4 moment donné on va parler de vous. Je ne sais pas où vous, vous êtes le 15
5 décembre, mais manifestement vous n'êtes pas à cette réunion. Mais le
6 général Tudjman va parler de vous. Regardez, c'est à la fin de l'avant-
7 dernier paragraphe. Il y a marqué "Général Praljak."
8 Tudjman, au cours de cette réunion, va dire qu'il avait pris des
9 mesures, envoyer des hommes en Bosnie-Herzégovine, et que le général
10 Praljak pensait que les Croates faisaient une erreur en Bosnie-Herzégovine;
11 que lui-même avait dit à Praljak d'aller en Bosnie-Herzégovine, et que deux
12 semaines plus tard, ce dernier admettait s'être trompé.
13 Qu'est-ce que ça vous inspire, les propos de M. Tudjman à votre égard ?
14 R. C'est assez abrégé et peu clair, Monsieur le Président, Monsieur les
15 Juges.
16 Il m'est arrivé, comme à tout un chacun, d'avoir des remarques eu
17 égard à certains comportements du côté des fonctionnaires ou de la
18 direction croate. Parfois, il y avait peut-être trop de colère, ou j'étais
19 emporté par des émotions quand on entendait ce que faisaient les Musulmans.
20 Mais pendant tout ce temps-là, jusqu'à la fin du mois de mai, je
21 m'employais encore à ce qu'on œuvre, et c'est ce qu'on faisait d'ailleurs,
22 à ce qu'on œuvre sur une recherche de langage commun avec l'ABiH, un
23 dénominateur commun.
24 Puis je suis revenu en mai, et j'ai dit à Franjo Tudjman que ce que j'avais
25 imaginé qui allait se produire sur le plan politique, je pensais que ça
26 allait l'emporter et qu'on allait créer un bon accord, une bonne alliance
27 avec les Musulmans. Mais je lui ai dit : Là, c'est terminé. Ils nous
28 attaquent. Et c'est la raison pour laquelle, à partir de ce moment-là, j'ai
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1 demandé de partir là-bas et d'apporter mon aide.
2 Cela concerne des petites erreurs qui ont pu se produire. Par
3 exemple, le problème des plaques d'immatriculation des véhicules. Par
4 exemple, les Musulmans s'y opposaient et disaient : Mais pourquoi est-ce
5 qu'il y a l'indication HZ-HB ? Puis les Autrichiens ne reconnaissaient
6 aucune maison d'assurance, aucun assureur pour la carte grise de Sarajevo.
7 Ça semble être des détails, de menus détails techniques, mais après ils
8 sont mal interprétés. Aux yeux des Musulmans, c'est une manière d'imposer
9 nos plaques d'immatriculation, mais si on n'avait pas ces plaques
10 d'immatriculation, on ne pourrait pas se rendre en Autriche, pas plus qu'en
11 Suisse, parce qu'on ne pouvait pas avoir la carte grise. J'avais dit de
12 manière tout à fait limpide que la décision musulmane d'attaquer le HVO à
13 la fin du mois de mai et au mois de juin était une décision qui avait mûri,
14 et que par tous leurs moyens militaires ils allaient nous attaquer.
15 Donc je me suis trompé sur le plan de cette tentative de calmer le
16 jeu. C'est à cela que cela se réfère.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la page 22, parce qu'il y a un petit
18 détail qui m'a interpellé, et je voudrais que vous nous en parliez. Page
19 22, toujours le même document. Voilà.
20 Regardez le deuxième paragraphe, où il parle des fautes, "mistakes."
21 Tudjman va parler d'Ahmici et Stupni Do, et va dire ceci est terrible. Mais
22 ce qui m'intéresse, c'est après, parce que le "ils" au pluriel, je me dis,
23 mais c'est qui le "ils" au pluriel. Ça doit être les Musulmans. Tudjman dit
24 :
25 "Ensemble avec les Anglais, et ils ont donné des uniformes noirs,
26 puis ça était filmé. Tout ça pour compromettre la Croatie."
27 Qu'est-ce qu'il a voulu dire, M. Tudjman, sur Ahmici ?
28 R. Premièrement, il dit que c'est atroce. Donc c'est terrifiant. Puis
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1 deuxièmement, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne voudrais
2 pas rentrer dans une problématique juridique, mais --
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, vous parlez si
4 vite qu'on a perdu pratiquement la moitié de ce que vous avez dit. Faites
5 marche arrière. Reprenez au début de votre réponse au Président, parce
6 qu'on ne voit rien au compte rendu d'audience.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, recommencez.
8 R. La phrase fondamentale de Tudjman sur Ahmici et Stupni Do c'est qu'il
9 s'agit là d'atrocités, que ce sont des atrocités. Puis deuxièmement, ce que
10 nous savions et ce que j'affirme ici devant cette Chambre, devant ce
11 Tribunal, à partir du KOS et des différentes unités musulmanes, les Sevas
12 [phon], les Cygnes noirs, puis pour ce qui est de différents protagonistes
13 internationaux que nous ne connaissions pas suffisamment, dont les
14 aspirations nous ne connaissions pas suffisamment, et M. Izetbegovic était
15 au courant. Ils ont commis un certain nombre de crimes de la façon dont
16 s'exécutent les différents services secrets, et ils fabriquaient des cas.
17 Donc ce qui est important, sur Ahmici nous avons 1 000 fois, voire
18 plus d'informations que sur Uzdol, Doljani, et cetera, pris ensemble,
19 Konjic. Mais est-ce que c'est un hasard. Ça ne peut pas être un hasard. A
20 la télévision croate j'ai fait mon enquête. Ahmici ont été mentionnés 1 000
21 fois dans différents contextes. Pour ce qui est du crime de Trusina près de
22 Konjic, deux fois, deux mentions, donc deux pour 1 000. C'est de manière
23 organisée que l'on a fabriqué le chaos. De manière organisée on a fabriqué
24 le chaos et des mensonges. Des centaines de services secrets, des dizaines,
25 ont fait en sorte qu'on ternisse l'image de la Croatie en s'acquittant de
26 basses besognes.
27 Là, vous voyez que Tudjman ne sait pas qui sont tous ceux qui font
28 cela. Il ne sait pas pourquoi cela se produit.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, qui avait la
3 responsabilité et le contrôle de la télévision croate ?
4 R. Le gouvernement croate, en apparence, mais il est resté au sein de la
5 télévision des employés d'avant la structure. C'est toujours la même. Il
6 n'y a pas eu de purge idéologique, hélas, hélas, en Croatie.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais est-ce que ce n'est pas le
8 gouvernement croate qui devait veiller à ce qu'il y ait moins de
9 partialité, que ce ne soit pas aussi unilatéral, moins ce que vous dites ?
10 Qui est-ce qui aurait pu changer les tas de choses ?
11 R. Les autorités croates, s'ils avaient pu le faire, mais ce n'était pas
12 possible, Monsieur le Juge Trechsel. Mais si on touchait ne serait-ce qu'à
13 un seul journaliste en Croatie, toutes les institutions, à commencer par
14 l'Amnistie international, se dressaient pour dire que la Croatie était en
15 train d'étouffer la liberté des journalistes. Ces journalistes étaient
16 venus d'un système où ils avaient travaillé pendant 30 ans, 40 ans, pour un
17 régime totalitaire. Un très grand nombre de ces gens était favorable à la
18 Yougoslavie et non pas à la Croatie. Mais on n'a pas le droit de toucher à
19 ces gens-là, parce qu'à ce moment-là, c'était une attaque à la liberté
20 d'expression, et cetera. Si vous faites l'addition à la fin, vous avez 1
21 000 fois Ahmici et deux fois Tusina, à ce moment-là, vous vous rendez
22 compte qu'il y a là un problème. Je ne parle même pas du vieux pont.
23 C'est à peine un fois que j'ai le droit de dire à la télévision que je n'ai
24 pas fait cela, une fois on m'a donné ce droit. Et puis des dizaines de
25 fois, n'importe quel journaliste pouvait dire que c'est Praljak qui a
26 détruit le vieux pont. C'était ça le journalisme chez nous.
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'en reste là, je ne suis pas tout à
28 fait convaincu. Il y d'autres médias.
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1 Enfin, laissons ceci de côté car je voudrais revenir à ce que je vois
2 à la page 22 du transcript présidentiel, quand le président Tudjman dit
3 ceci : --
4 Je cite :
5 "Essayons donc d'influencer les dirigeants musulmans pour qu'ils
6 mettent fin à la guerre avec les Croates et pour qu'on s'entende sur une
7 démarcation qui serait acceptable pour la Croatie."
8 Pourquoi est-ce que M. Tudjman dit ici démarcation au sein de la
9 Bosnie-Herzégovine, si je comprends bien. Pourquoi est-ce qu'il faudrait
10 qu'une telle démarcation soit acceptable aux yeux de la Croatie ?
11 R. Pour protéger les Croates de Bosnie-Herzégovine, Monsieur le Juge
12 Trechsel, donc une délimitation en Bosnie-Herzégovine de telle sorte que ce
13 soit acceptable. En fin de compte, il faut bien que la Croatie prenne soin
14 de ces gens-là. Ce n'est pas envisageable que les Croates soient chassés de
15 la Bosnie-Herzégovine. Donc c'est un sentiment de devoir pour protéger ces
16 gens-là, la politique a été telle pendant toute cette période. Donc
17 lorsqu'on parle de délimitation en Bosnie-Herzégovine, et d'ailleurs, on ne
18 peut pas toujours dire délimitation en Bosnie-Herzégovine entre les
19 Musulmans et cetera, vous avez là des formules abrégées. Mais le sens de la
20 phrase est clair.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, moi aussi je le pense, la
22 signification est très claire. Il parle d'un accord, d'un accord qui ne
23 peut être qu'un accord conclu entre les Croates d'Herceg-Bosna et les
24 Musulmans d'Herceg-Bosna. Qu'est-ce que la Croatie vient faire là dedans,
25 pourquoi doit-elle être satisfaite ? Parce que c'est la gardienne des
26 Croates d'Herceg-Bosna ? Est-ce que Tudjman pense qu'on ne peut pas leur
27 faire confiance s'il y a accord ? Pourquoi faut-il satisfaire la République
28 de Croatie ?
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1 R. Monsieur le Juge Trechsel, pour la simple raison que si les Musulmans,
2 mais attendez, c'est le moment où ils lancent une offensive. La Croatie ne
3 peut pas se féliciter si le HVO perd la guerre là-bas et si après il faut
4 signer un accord avec les Musulmans comme quoi il n'a à sa disposition que
5 l'Herzégovine occidentale. Bien sûr que la Croatie a des intérêts à
6 défendre là-bas. La Croatie a un intérêt en Bosnie-Herzégovine, à savoir de
7 défendre la population croate, et ce, de telle manière de ne priver
8 personne de rien, mais d'autre part, il ne faut pas non plus se laisser
9 battre.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ce n'est pas ce qui est écrit
11 là. Il est écrit là, Essayons de nous mettre d'accord sur une démarcation
12 et d'influencer le leadership musulman pour arrêter la guerre et donc de se
13 mettre d'accord sur une démarcation qui doit être acceptable aux yeux des
14 Croates et des Musulmans de Bosnie-Herzégovine. Ça je suis d'accord, mais
15 pourquoi est-ce que cela devrait aussi être acceptable aux yeux de la
16 Croatie ?
17 R. Monsieur le Juge, attendez, je vous en prie. Voilà ce qu'il dit, je
18 cite : "Essayons d'avoir un impact sur cette direction musulmane." Donc
19 essayons d'avoir une incidence sur cette direction musulmane pour qu'elle
20 mette fin à la guerre avec les Croates, qu'elle accepte ce type de
21 délimitation qui sera acceptable pour la Croatie, pour que de telle
22 manière, pour créer ainsi des conditions de votre maintien à Sarajevo, donc
23 que les Croates, il y en a 30 000 à Sarajevo, y restent, puissent se
24 maintenir, et je reprends, pour qu'on se maintienne en Bosnie centrale.
25 Donc que les Croates se maintiennent en Bosnie centrale. Et par la suite,
26 vous voyez, vous comprenez, il faudra qu'il s'appuie sur l'occident.
27 Maintenant il faut expliquer aux Musulmans ou essayer de faire en sorte
28 qu'ils mettent fin à leurs attaques, que l'on parvienne à réaliser une
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1 délimitation de telle sorte que les Croates se maintiennent en Bosnie
2 centrale et à Sarajevo.
3 Et dans un deuxième temps, l'occident, aux yeux de Franjo Tudjman, a
4 beaucoup plus de valeur qu'il n'en a à mes yeux. Il est question ici d'une
5 solution acceptable pour la Croatie à partir de ce moment-là. Parce que
6 d'après la constitution, le président Tudjman doit se soucier, tout comme
7 la France doit se soucier des intérêts de tous les ressortissants français,
8 même des Français à Québec, l'Italie doit faire la même chose pour des
9 ressortissants italiens en dehors des frontières italiennes. C'est la même
10 chose pour tous les pays, s'agissant de tous leurs ressortissants où qu'ils
11 se trouvent et le même vaut pour nous. Donc après toutes ces phrases sur la
12 Bosnie-Herzégovine, il y a une chose qui reste, à savoir est-ce que la
13 Croatie est satisfaite, bien sûr que la Croatie doit se féliciter si elle
14 parvient à préserver les Croates dans leur foyers millénaires en Bosnie-
15 Herzégovine et où, jusqu'à il y a quelques siècles, ils ont constitué une
16 majorité absolue.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, nous allons passer à la pièce
18 P 07464, et la page 54.
19 C'est une réunion qui a eu lieu le 2 janvier 1994. Vous n'êtes pas
20 bien entendu présent. A 10 heures 45 du matin, il y a Susak, Sagmatic
21 [phon], Sarinic, Tudjman et d'autres personnes. La page 54 m'a paru
22 intéressante concernant les propos de M. Tudjman. Tout le paragraphe où il
23 parle, c'est au milieu, et on peut résumer comme suit. Il affirme que si
24 les Serbes de la Bosnie-Herzégovine rejoignaient la Serbie, l'Herceg-Bosna
25 rejoindrait la Croatie. Et il ajoute, que si les Serbes de Bosnie-
26 Herzégovine rejoignent la Serbie, les Croates ne pouvaient pas accepter de
27 rester seuls dans l'union. M. Tudjman replace toute la problématique
28 Serbes, Musulmans, Croates, et il avance comme idée que si les Serbes de la
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1 Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire la Republika Srpska rejoignent la Serbie,
2 il faudrait que les Croates de l'Herceg-Bosna rejoignent la Croatie. Voilà
3 ce qu'il dit.
4 Est-ce en ces termes que le débat, en janvier 1994, avait lieu ?
5 Puisque personne ne savait comment ça allait déboucher, tout le monde
6 connaissait l'existence de la Republika Srpska. Qu'est-ce que vous en dites
7 ?
8 R. Votre interprétation est juste, et ce qui est écrit ici est également
9 juste. Vous avez vu, dans le texte précédent, Tudjman parle de survie,
10 parce que le mot-clé, ce n'est pas satisfaire la Croatie, mais la survie
11 des Croates en Bosnie centrale. Chose logique, il nous l'indique, si la
12 communauté internationale, et il en est bien question depuis un moment, à
13 savoir que si l'on fait en sorte que la Republika Srpska sorte de l'union,
14 et Alija avait signé cela au mois de septembre 1993, alors il y aurait un
15 droit pour cette République d'Herceg-Bosna de quitter aussi cet union,
16 parce que dans le cas contraire, il y aurait mise en minorité systématique
17 et ils disparaîtraient. Ce n'est pas une question juridique, c'est une
18 question démographique, parce qu'il n'y a plus de Croates à Vares, à Zenica
19 et à Sarajevo. Ça, c'est de facto. Penchez-vous sur la situation de nos
20 jours. On sait exactement quelle a été l'évolution démographique après la
21 guerre.
22 Deuxièmement, il dit, l'union musulmane, ou la république musulmane, nous
23 lui proposons tous les liens possibles avec la Croatie, et il énumère. La
24 République de Bosnie, serait disposée, en tant que République de Croatie, à
25 conclure toutes sortes de traités allant jusqu'à un traité confédéral ou
26 une union confédérale, comme bon leur semblera. Une fois de plus, on leur
27 propose une union, une alliance avec les Musulmans telle qu'ils voudront
28 bien la choisir.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons regarder -- il reste trois
2 documents, trois transcripts. Le P 07475, page 6.
3 C'est une réunion avec Tudjman, Susak, Bobetko, au palais
4 présidentiel, et ce transcript m'a paru très important pour la raison
5 suivante. Monsieur Praljak, je présume que vous avez tous les jugements
6 rendus par ce Tribunal dans l'affaire Naletilic, dans l'affaire Kordic,
7 dans l'affaire Blaskic. Et vous savez que le Procureur, dans ses écritures,
8 les reprend, et notamment reprend la question du contrôle global. Et vous
9 savez que la Chambre d'appel définit le contrôle global caractérisant le
10 conflit armé international du fait que la Croatie pouvait participer aux
11 opérations militaires, car le contrôle global va au-delà du contrôle
12 effectif. Il faut également participer à des opérations militaires. C'est
13 ce que la Chambre d'appel dit.
14 Partant de ce que dit la Chambre d'appel, non pas que je suis aux
15 ordre de la Chambre d'appel, mais j'examine ce que disent les uns et les
16 autres, je me suis plongé dans ce transcript où, manifestement, Général
17 Praljak, vous voyez que les participants à cette réunion s'intéressent de
18 très près aux opérations militaires qui se passent à Novi Travnik, Vitez,
19 Busovaca, et que l'on rentre dans le détail. Je ne vais pas passer en revue
20 toutes les pages, mais vous voyez que tous les participants rentrent dans
21 le détail.
22 Comment vous expliquez, Général Praljak, que M. Tudjman, qui a la
23 Croatie dans son champ de responsabilités, va tenir une réunion qui va
24 durer une heure, de 10 heures 50 à 11 heures 40, où il rentre dans le
25 détail d'opérations militaires sur des événements qui se déroulent dans un
26 Etat autre ?
27 R. Il m'est difficile de concevoir cela pour une raison simple. Les
28 opérations militaires sont étudiées à l'état-major américain, par exemple,
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1 pour chaque point du globe. Les troupes françaises, il y en a en France, il
2 y en a à la pointe orientale de l'Afrique, mais il n'y a pas eu d'actions.
3 Tout commence par une déclaration du ministre de la Défense au journal
4 "Oslobodjenje" disant que l'ABiH devrait s'emparer de la totalité des
5 territoires allant jusqu'à la mer. Et ils le font pendant des mois, et ça
6 faisait déjà cinq mois qu'ils attaquaient, et le devoir de toute --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Pendant que vous parlez, je vais demander à Madame
8 la Greffière de nous afficher la page 7. Bien, continuez.
9 R. Messieurs les Juges, il se comprend, si on se penche sur ce que j'ai
10 déjà dit auparavant, il convient de veiller à la survie de la population
11 croate en Bosnie centrale; je dis bien survie, survie des Croates à
12 Sarajevo. Et une fois de plus, je souligne, survie. Mais au nom du ciel, il
13 faut qu'on fasse en sorte que les hommes survivent. Si les Français et les
14 Américains n'y ont pas veillé pour que, par exemple, on survive à
15 Srebrenica, qu'on survive à Bihac, Franjo Tudjman s'en tient à une
16 réflexion humaine élémentaire. Il ne signe pas un accord concernant une
17 zone protégée pour laisser faire tout un chacun ce que bon lui semble. Il
18 tient à la survie de la population croate en Bosnie-Herzégovine, et il ne
19 veut pas que soient expulsées 300 000 autres personnes pour qu'ici on
20 puisse débattre du fait de savoir si c'est un conflit international ou pas.
21 Il y aurait eu génocide, expulsion et nettoyage ethnique, et nous, on
22 aurait encore deux hommes de plus sur le banc des accusés. Et ce serait
23 tout.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Regardez le milieu de la page. Dreznica, est-ce bien
25 en Bosnie-Herzégovine ?
26 R. Oui. Dreznica, c'est juste un peu au-dessus de Mostar.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Regardez ce que dit M. Tudjman, mot à mot. Il dit :
28 "Attendez une minute, Janko."
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1 En parlant avec Bobetko, Janko c'est Bobetko, vous êtes d'accord ?
2 "Si vous prenez," puis il reprend : "Si nous prenons Dreznica," quand
3 il dit "nous", c'est les Croates, les Croates de Zagreb. Vous voyez ce
4 qu'il dit là. Quand vous voyez cette phrase, on a vraiment l'impression,
5 Général Praljak, que M. Tudjman, Bobetko, Susak, sont en train de regarder
6 le déroulement très précis des opérations militaires en Bosnie-Herzégovine.
7 Je rajoute que tout ça semble être fait à partir d'une carte.
8 R. Oui, Monsieur le Juge, on fonctionne à partir d'une carte en République
9 croate d'Herceg-Bosna, qui a été présentée pour signature. Quand il dit
10 "nous", il parle de Croates, et ce type de phrase à une table, ce n'est pas
11 du langage juridique; c'est du langage non juridique. Il dit, Janko, Si on
12 prenait Dreznica, et le président Tudjman ne le sait pas. Alors il dit, là,
13 On lancerait une grande offensive, alors ce ne serait pas une grande
14 offensive, puis il dit, Peu importe Dreznica. Il convient de maintenir, de
15 préserver la survie des Croates en Bosnie centrale. Que Muslimovic, ou
16 l'autre, comment il s'appelait ce général, Alagic, Alagic s'est emparé de
17 Vares déjà. Ils se sont emparés de Fojnica. Ils se sont emparés de Travnik.
18 Ils ont peuplé cela de leurs gens. Et il s'agit de sauver ce qu'il restait
19 du peu qu'il est resté de Croates, et ils sont encerclés ceux-là, donc il
20 s'agit de les préserver. Donc ici il est question d'une route partant de
21 Gornji Vakuf et allant vers Kiseljak, il faut donc qu'on fasse une route
22 pour qu'il y ait une voie de communication avec ces gens. Il ne s'agit pas
23 d'une offensive, non pas de conquête, mais il s'agit de les sauver. Il
24 s'agit de sauvetage.
25 Parce que les Musulmans disent, Il faut qu'on ait des frontières
26 occidentales. Mais on ne peut pas dissocier l'un de l'autre. On ne peut pas
27 se pencher sur ce que fait Franjo Tudjman si on ne sait pas ce qu'à ce
28 moment-là est en train de faire l'ennemi.
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1 Si on vous dit, on s'attaquera à la France. Et là, la question qui se pose
2 c'est où allez-vous protéger les frontières de la France ? L'Amérique
3 défend ses frontières n'importe où dans le monde là où elle se sent
4 attaquée - oui, je vais aller plus lentement - en Afghanistan, en Irak, et
5 peut-être ce sera demain en Corée du nord. Et si l'Iran continue à
6 fabriquer des bombes atomiques, la question qui se pose c'est de savoir :
7 qui est-ce qui va les bombarder ?
8 Donc il y a des menaces, et il faut répondre aux menaces par quelque chose.
9 On ne conquerra rien, on ne conduit pas une guerre, et soi-dit en passant,
10 Monsieur le Juge, tout ceci ça n'a rien donné du tout. Rien du tout.
11 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, vos réponses sont
12 bien au-delà des questions qui vous ont été posées. Vous êtes en train de
13 nous parler de ce que pourraient faire les Etats-Unis, de ce qui se passe
14 en Corée du nord à l'heure actuelle, et cetera, ce n'est vraiment pas
15 pertinent.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois que mon collègue a une question.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, tout à fait. J'aimerais que
18 vous regardiez la page suivante, s'il vous plaît, la page 8. Je vais vous
19 en donner lecture. Deuxième phrase :
20 "De ce fait, cette frontière, si nous arrivons à la tenir militairement et
21 aussi politiquement, nous pourrons tenir Novi Travnik, Vitez, Busovaca, on
22 pourra obtenir Bugojno, Gornji Vakuf, et nous en avons besoin et il nous
23 faut l'obtenir pour avoir 17,5 %."
24 Quand on lit ce qu'a dit M. Tudjman, ça ne semble pas avoir trait à quoi
25 que ce soit à sauver des gens. C'est uniquement obtenir 17,5 % et rien de
26 plus.
27 R. Je ne sais pas, j'ai du mal à en parler à ce procès. Mais, Monsieur
28 Trechsel, qui a abattu les Croates à Bugojno entre-temps ?
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1 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé.
2 R. [aucune interprétation]
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne vous ai pas posé de question à
4 propos de meurtre éventuel. Vous nous dites qu'il vous est difficile d'en
5 parler. Vous n'avez pas besoin d'en parler. Vous n'avez qu'à nous dire, "Je
6 ne sais pas, je n'ai pas de réponse bien claire à ce propos," vous avez le
7 droit. Vous n'étiez pas là de toute façon.
8 R. J'y étais, Monsieur le Juge Trechsel. D'abord, j'y étais, non pas à
9 cette réunion. Mais j'étais à l'époque.
10 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous parle de la réunion, je ne
11 vous parle que de la réunion.
12 R. Vous n'avez pas à être à une réunion pour savoir qu'il y a 17,5 % de
13 territoire qu'il y en a de Croates en Bosnie-Herzégovine, et les Croates
14 disposent de 36 % des territoires dans les cadastres, en leur propriété.
15 Alors y aurait-il conquête si nous défendions les 17,5 % des territoires
16 habités par nous ? Et où y aurait-il conquête de Bugojno, où on nous a
17 abattus, expulsés et exterminés ? Le sens de toute chose se trouve dans les
18 corrélations, la signification de ce langage c'est dans le contexte.
19 Moi, je ne perds pas le contexte et chaque mot a un contexte, et c'est le
20 contexte qui donne sa signification aux mots, et prélever les mots ça ne
21 sert à rien. Excusez-moi.
22 Franjo Tudjman dit, par exemple, ça fait 2 % de moins de territoire pour ce
23 qui est du nombre des Croates sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.
24 Donc il ne s'agit pas de conquérir mais de sauver. Il s'agit d'un
25 sauvetage, d'abord, il y a eu attaque éhontée de la part des Serbes et
26 ensuite de l'ABiH.
27 Alors de quoi parle-t-on ? Il eut fallu qu'on se laisse abattre, égorger,
28 expulser, se faire taper par tout le monde, armer l'ABiH, et ce n'est que
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1 là qu'on n'aurait pas été coupable. Mais moi, je n'aurais accepté une telle
2 chose.
3 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, je n'ai absolument
4 pas évoqué ce que les gens devaient faire, vont faire ou ce qu'ils devaient
5 tolérer. Je vous ai juste demandé de nous expliquer cette phrase où on
6 mentionne ces 17,5 %.
7 Je vous remercie.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Transcript P 07485, et j'aimerais voir la page 7.
9 Monsieur Praljak, c'est la 34e session du Conseil de Défense, il y a
10 Greguric, Tudjman, Bobetko, Susak, et cetera. Vous n'êtes pas à cette
11 réunion, alors que nous savions qu'à l'origine vous étiez dans ce Conseil
12 de Défense. Est-ce à dire, Monsieur Praljak, quand vous êtes revenu, on
13 vous a interdit de participer à ce type de réunions ?
14 R. Non, on ne m'a pas interdit, à un moment donné, j'ai demandé moi-même
15 de mon plein gré à sortir de ces rangs du VONS. Si vous voulez entendre les
16 raisons, je peux vous les donner.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que c'est vous-même qui avez quitté ce
18 conseil.
19 Je vais aborder ce que dit M. Tudjman à propos de Mate Boban. Et c'est à la
20 page 7, ça me semble intéressant. D'après ce qu'il dit, il dit qu'il a été
21 informé du retrait de Mate Boban; qu'il en a informé les personnes dans le
22 monde, se plaignant du fait que Boban était le principal obstacle à la
23 coopération avec les Musulmans. Et il dit qu'il n'est pas à l'origine de sa
24 nomination. Vous voyez, c'est ce qu'il dit.
25 Qu'est-ce que vous en pensez ?
26 R. Je n'ai pas à en penser. Je sais ce qui s'est passé. D'après moi, j'ai
27 demandé la chose à Split. J'ai demandé par des phrases très claires la
28 révocation potentielle de M. Boban, non pas pour ces raisons-là, mais pour
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1 la raison suivante, il fallait mieux organiser l'Herceg-Bosna. Parce que
2 ces pressions exercées contre Franjo Tudjman pour ce qui est de révoquer
3 Mate Boban, c'était des pressions exercées à l'encontre de celui qui est le
4 plus faible. C'est-à-dire quand vous avez un lapin, toutes les autres bêtes
5 lèvent la patte et lui pissent dessus. C'est là vérité des relations
6 internationales. Chacun appuie là où on a le moins fort.
7 Et c'est pour ça que je suis sorti du VONS, je ne voulais plus que l'on
8 cède sur la base du fait d'être le moins fort. Notre fondement était
9 cohérent et équitable, et le fait que quelqu'un ait été pressé de stopper
10 la guerre en obligeant le moins fort à accepter toutes sortes de compromis,
11 moi je ne voulais plus signer cela. Et c'est ce qui fait qu'il y a eu ces
12 signatures de Dayton. Les Croates ont perdu leur entité, les Serbes ont
13 obtenu leur Etat, parce que c'est le moins fort qui, dans les relations
14 internationales, se fait pisser dessus. Et moi, je ne voulais pas
15 l'accepter et je ne l'accepterai pas de nos jours encore.
16 Et c'est pour cela qu'il y a eu cette pression pour enlever Mate
17 Boban de ses fonctions. Il n'était pas contre la coopération avec les
18 Musulmans. Il ne voulait pas céder aux Serbes et Musulmans au détriment de
19 son propre peuple, au-delà de toute mesure raisonnable; et de ce point de
20 vue-là, il avait raison. Et personnellement, j'étais contre le fait de
21 l'engager pour une meilleure organisation de la HZ HB. J'ai expliqué
22 comment, pour pouvoir résister à toute pression, qu'il s'agisse de pression
23 américaine, française ou que sais-je encore, qui serait non conforme au
24 principe, injuste, inéquitable et qui créerait un Etat qui ne subsiste pas.
25 Vous voyez, maintenant, au bout de 15 ans, la situation est pire que celle
26 qu'on avait pendant la guerre.
27 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je ne voudrais pas vous interrompre,
28 Monsieur Praljak, mais je crois qu'il y a un problème dans le compte rendu.
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1 Lorsque vous avez dit quelque chose, je crois que vous vouliez dire le
2 contraire en fait de ce que vous avez dit. Je vous cite à partir de la
3 ligne 4 :
4 "Et personnellement, j'étais contre sa participation dans les efforts
5 visant à mieux structurer la HZ HB afin de pouvoir résister à toute
6 pression venant des Etats-Unis, de la France ou d'où que ce soit."
7 Il me semble qu'au contraire, il y a peu de temps, vous vous plaigniez du
8 fait que Boban n'était pas suffisamment fort pour résister de lui-même et
9 pour exiger une réorganisation. Je pense vraiment que vous avez dit une
10 chose, il y a quelques minutes et maintenant, vous dites quelque chose qui
11 semble être complètement contraire.
12 Pourriez-vous clarifier la chose ?
13 R. C'est moi qui vous remercie, Monsieur le Juge Prandler. Cela est tout à
14 fait vrai. D'une certaine façon, à Split -- en fait, on n'a pas tout
15 consigné au compte rendu d'audience lorsque j'ai parlé de Mate Boban, et ça
16 s'est passé justement comme vous le dites. C'était peut-être aussi parce
17 qu'il avait trop été à ces réunions, et il a omis de s'occuper des
18 formations et il n'a pas non plus diminué la quantité de mauvaise
19 démocratie au niveau des municipalités. Donc il n'a pas établi des
20 structures plus fermes de gestion à l'égard de cette communauté croate
21 d'Herceg-Bosna. Et de mon avis, c'est de cela qu'il est coupable. Alors sa
22 culpabilité ici est énoncée comme s'il ne voulait pas coopérer avec les
23 Musulmans parce qu'on avait contraint Franjo Tudjman, et on a fait du
24 chantage pour ce qui est des territoires croates pris par les Serbes. Il
25 était constamment exposé à des chantages, et la Croatie aurait donc
26 contraint Mate Boban à céder au détriment de la population croate en
27 Bosnie-Herzégovine.
28 Et c'est ce qui s'est passé à Dayton. Les Croates ont dû céder et
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1 leur sort en Bosnie-Herzégovine est très mauvais; et les Serbes ont été
2 récompensés d'un Etat après tout ce qui s'est passé là-bas. C'est ainsi que
3 la politique au niveau mondial est conduite. C'est puissant comme
4 politique, mais moi, je ne suis pas d'accord avec. Et c'est la raison pour
5 laquelle je m'y suis opposé et j'ai demandé à ne plus faire partie du VONS.
6 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous aurez peut-être remarqué à la
7 page 7, Monsieur Praljak, à la fin du paragraphe du milieu, le président
8 Tudjman parle d'une conférence, du fait qu'il y a un accord avec
9 l'administration internationale de l'Union européenne; là, je cite : "Sur
10 Mostar qui est habituellement reconnue comme étant la capitale de la
11 République de Bosnie-Herzégovine."
12 Est-ce que vous pourriez nous expliciter cette déclaration, ma foi,
13 assez surprenante ?
14 R. Ils ont demandé à gérer à part Mostar. Pourquoi seulement Mostar
15 ? On ne le sait pas. Et ils ont adopté une loi électorale à Mostar, qui est
16 toujours en vigueur de nos jours, et qui est une loi électorale unique au
17 monde. Indépendamment du nombre de ressortissants de tel ou tel autre
18 groupe, il faut qu'il y ait parité entre Croates et Musulmans. On n'est pas
19 obligé d'avoir cela à Sarajevo ni à Tuzla, mais à Mostar, oui, on est
20 obligé de l'avoir. Et c'est de cela que je parle. On abat celui qui est le
21 moins fort.
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé. Vous n'avez peut-être pas
23 compris le sens de ma question. C'est la première fois que j'entends dire
24 ici ou que je lis qu'on considère Mostar comme étant la capitale, non même
25 pas d'Herceg-Bosna, mais de la Bosnie-Herzégovine. C'est ce que dit ce
26 texte.
27 R. Non, non, c'est une erreur, Monsieur le Juge Trechsel. C'est dans ce
28 type de sténogramme. Non, non, la capitale de la Bosnie-Herzégovine, c'est
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1 Sarajevo. C'est une erreur, et ça arrive dans ce type de transcripts.
2 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je le supposais, mais --excusez-moi
3 auprès des interprètes, parce que moi aussi, je suis coupable d'un
4 chevauchement. Mais je disais, oui, je le supposais, mais je voulais que
5 vous le précisiez. Merci.
6 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis vous aider.
7 L'erreur fondamentale dans la traduction de cette phrase de cette
8 transcription présidentielle, c'est que dans le texte anglais, le mot
9 Mostar est d'habitude reconnu comme -- or, en croate, on dit : "C'est la
10 ville soit dit en passant qu'on reconnaît comme étant la ville principale."
11 Donc, "soit dit en passant," et en anglais, ce serait "by the way,"
12 reconnue comme étant la ville principale.
13 Donc "usually", en anglais, ça devrait s'énoncer comme "by the way,"
14 "soit dit en passant." Donc le président l'a indiqué en passant. Ce n'est
15 pas cela la substance ou l'objectif poursuivi. Peu importe.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour terminer les transcripts, dernier texte, et
17 après on fera la pause, c'est le P 07910. Alors, P 07910, page 35. Voilà.
18 Il faut regarder donc les deux premiers paragraphes. Il s'agit à
19 nouveau d'une réunion qui a lieu le 20 février 1994, à 9 heures 30 du matin
20 jusqu'à 11 heures. Il y a Susak, Zubak, Granic, Sokul, Matic, Akmanadzic et
21 Caspar, plus Tudjman. Tudjman va dire que les Croates devaient être
22 attentifs à ne pas laisser les Musulmans influencer les Croates de
23 l'Herceg-Bosna, qu'ils devraient accepter, puisque les mondes les y
24 forçaient, la division de la Bosnie-Herzégovine, tout en garantissant la
25 non-islamisation des régions croates en Bosnie et en Croatie. M. Tudjman
26 dit maintenant qu'il y a la non-islamisation. Ça, au moins, de son point de
27 vue à lui, c'est positif. Mais il dit également que les Croates de la
28 Bosnie-Herzégovine ne doivent pas se laisser influencer par les Musulmans.
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1 Qu'est-ce que vous pensez de cela ?
2 R. L'islamisation a cours, Monsieur le Président Antonetti, et combien ?
3 Là, c'est la peur qui s'exprime. Là, il est question de peur, à savoir que
4 les Musulmans, dans ce nombre agrandi, là-bas à 50 %, tout simplement
5 qu'ils vont islamiser les Croates. Il va y avoir le principe "Un homme, une
6 voie". Donc l'occident pousse Franjo Tudjman vers une confédération avec 2
7 400 000 Musulmans, car il ne souhaite pas que les Musulmans se dotent de
8 leur propre Etat, parce qu'après, ils auraient peur de l'Iran, de l'Arabie
9 Saoudite, de l'influence qu'ils exerceraient sur cet Etat. Et voilà ce
10 qu'ils font, ils en font cadeau aux Croates. Et nous, nous avons peur.
11 C'est plus de 50 % de Croates en tout. C'est trop de monde.
12 Je pourrais en parler pendant des heures. La France, l'Algérie, vous
13 avez vécu tout cela, vous connaissez, vous savez à quoi ça ressemble. C'est
14 une peur. Donc comment réconcilier le souhait de l'occident avec les
15 intérêts nationaux croates ? Mais ces intérêts nationaux croates ne sont
16 dirigés contre personne; mais il faut bien qu'on y veille quand même, à nos
17 intérêts nationaux. On y a droit.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. C'est l'heure maintenant. On va faire une pause
19 de 20 minutes, et je reprendrai après la pause avec le document qui est
20 dans la liste 6, qui est le 4D 01317, mais qui a l'autre numéro, il y a
21 aussi P 00592. Donc on fait 20 minutes de pause.
22 --- L'audience est suspendue à 17 heures 50.
23 --- L'audience est reprise à 18 heures 12.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
25 Alors nous avons le document. Je voudrais qu'on regarde l'article 27.
26 Voilà, on a l'article 27. Général Praljak, j'ai estimé nécessaire de
27 vous présenter l'article 27 par rapport à votre responsabilité tirée de
28 l'article 7(3). Je vous ai déjà posé des questions, mais il faut être
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1 complet par rapport à l'objet même du champ de compétence d'un commandant
2 d'unité militaire qui, en l'espèce, assumait le commandement le plus
3 important, puisque vous étiez le commandant militaire du HVO.
4 Ce document est un décret sur les cours militaires. Donc je n'entre pas
5 dans le détail de tous les articles, mais ce qui m'a paru important, c'est
6 l'article 27 qui semble - je dis bien qui semble - imposer à un commandant
7 militaire, quel que soit son niveau, de prendre des mesures nécessaires
8 pour prévenir le crime et pour ordonner également des enquêtes.
9 Donc dans cette responsabilité, et c'est au paragraphe 2 de l'article
10 27, vous voyez que celui qui doit être informé, c'est le procureur
11 militaire. Vous nous avez dit, à propos de notre document, que vous vous
12 contentiez d'informer le SIS et la police militaire. Il m'apparaît une
13 contradiction entre cet article qui vous fait l'obligation d'être informé
14 de tout ce qui se passe, puis la saisine d'un service qui peut ne rien
15 faire.
16 Alors première question : quand vous avez pris votre commandement, est-ce
17 que vous saviez que l'article 27 existait ?
18 R. J'étais au courant, oui. J'étais au courant avant. C'était comparable
19 dans l'armée croate. Je le connaissais.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre mémoire, quel était le procureur
21 militaire de Mostar et de la région de Mostar ? Et deuxième question :
22 l'avez-vous rencontré ?
23 R. Je ne sais pas qui avait la charge du secteur de Mostar. Beaucoup de
24 temps s'est écoulé, puis vu la situation à l'époque, je n'arriverais à me
25 rappeler le nom et je ne l'ai pas vu. Je n'ai pas eu de réunion avec lui.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous n'avez pas eu de réunion avec lui. On va -
27 -
28 R. Non.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : -- d'un cas hypothétique, c'est comme ça qu'on
2 comprend mieux.
3 Imaginons que dans vos effectifs, vous ayez un soldat qui commet un
4 crime, par exemple, un viol sur une civile, et que vous le poursuivez. Est-
5 ce qu'il vous est arrivé d'ordonner la poursuite et de vous tenir au
6 courant de la suite de la procédure ?
7 R. Dans certains cas, oui; dans d'autres, non. Ça dépend un petit peu de
8 ce que je savais et qui s'était chargé du travail par la suite. Donc
9 empêcher un acte, cette formulation-là, empêcher, on le peut en agissant
10 sur le plan de l'éducation, en formant les gens. Ça, c'est une première
11 chose.
12 Deuxièmement, lorsque vous avez un chef de compagnie, c'est la plus petite
13 portion d'une unité qui avait la charge d'un territoire. Si ce chef de
14 compagnie avait vu ou avait appris ou était présent au moment de l'acte, il
15 était tenu de --
16 Malheureusement, ces actes contraires à la loi étaient commis de
17 nuit, de manière clandestine, secrète, en échappant au contrôle. Le plus
18 souvent, c'est a posteriori qu'on l'apprenait. Mais l'enquête elle-même, il
19 était plus difficile pour un commandant de la lancer, puisque s'il n'avait
20 pas vu et si quelqu'un n'est pas venu se présenter en tant qu'auteur, il
21 faut lancer, comme dans toutes les sociétés, une enquête contre un auteur
22 inconnu. Je pourrais vous citer, à titre d'exemple, toute une série de cas
23 de figure. Si j'étais présent à ce moment-là, je maîtrisais l'homme et je
24 le traduisais en justice. A des échelons inférieurs, tous mes commandants
25 étaient tenus de le faire, jusqu'aux chefs de compagnies.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question sur le sujet, ensuite on passera à
27 autre chose.
28 Vous vous rappelez, on a vu un rapport sur la criminalité à
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1 Prozor/Rama, où il était mentionné que des policiers militaires
2 commettaient des infractions. Donc vous imaginez bien que si le commandant
3 confie à la police militaire, qui commet elle-même l'infraction, il ne se
4 passera rien. Dans cette situation où, vis-à-vis de la police militaire,
5 vous avez des doutes et des suspicions, qu'avez-vous fait ?
6 R. Le rapport que vous avez vu et des rapports qui parvenaient soit du
7 SIS, soit de la police militaire elle-même, étaient envoyés à ceux qui
8 étaient tenus d'entreprendre des mesures. Par conséquent, il fallait, bien
9 entendu, que ces enquêtes étaient menées, Monsieur le Président, Messieurs
10 les Juges. Je pourrais énumérer, mais il vaudrait mieux peut-être que M.
11 Coric s'en charge sur le plan statistique, le nombre de ces enquêtes, et
12 cetera. Mais prenons Rama, on entend des coups de feu pendant la nuit, mais
13 qui en est
14 l'auteur ? La question n'est pas si ça a lieu. La question est de savoir
15 qui le fait. Malheureusement, ils ne le font pas de telle sorte que vous
16 puissiez les voir. Ils le font en cachette. Puis devant votre impuissance
17 de les identifier, je vous ai dit à plusieurs reprises, on organise des
18 réunions, on fait de la formation, éducation, on leur demande d'en rendre
19 compte eux-mêmes, de faire tout ce qu'ils peuvent eux-mêmes.
20 Malheureusement, souvent, on ne pouvait guère agir. Vous pouvez vous
21 représenter la situation.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais arrêter sur ce thème et maintenant je vais
23 passer à ce qui va constituer la fin de mes questions, qui seront en deux
24 volets. Tout d'abord, je vais vous poser des questions sans faire référence
25 à des documents. C'est à partir de votre Défense que vous avez développée
26 dans le mémoire préalable suite au mémoire préalable de l'Accusation. Donc
27 je vais vous poser des questions d'ordre général, puis une fois qu'on aura
28 terminé cela, je reviendrai aux écritures du 9 avril où je porterai
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1 l'accent sur certains paragraphes de vos écritures, et là, j'aurai à peu
2 près une cinquantaine de documents à vous présenter. Ce qui est essentiel
3 pour vous, c'est la présentation de votre Défense que vous avez déjà
4 exposée dans des écritures.
5 En premier lieu, vous dites que l'Accusation a une vision
6 caricaturale de la réalité historique. Pouvez-vous me développer
7 ceci ?
8 R. Je ne sais pas ce qu'avaient à l'esprit les avocats lorsqu'ils évoquent
9 cette vision caricaturale. Vraiment, cette phrase ne vient pas de moi. Je
10 regrette.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Deuxième question. Le mémoire préalable de vos
12 avocats, vous l'avez lu ou pas ? Je sais que vous n'avez pas lu le mémoire
13 préalable de l'Accusation, mais celui de vos avocats, vous l'avez lu ou
14 pas, parce que, que vous ne lisiez pas celui de l'Accusation passe encore,
15 mais votre propre Défense esquissée par vos avocats, vous ne l'avez pas vue
16 ?
17 R. En partie, si, en vitesse, mais je ne me suis pas trop appesanti là-
18 dessus. Je pensais que nous aurions l'occasion d'exposer des faits pendant
19 cette procédure et que ce serait clair.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est dit que l'Accusation occulte le rôle joué par
21 les Serbes de Bosnie et la JNA. En quoi le positionnement des Serbes a eu
22 des effets sur votre action, sur le HVO, et cetera ? En quoi le problème
23 serbe a joué un rôle important que l'Accusation n'a pas du tout ou très peu
24 indiqué dans l'acte d'accusation ou dans le mémoire préalable ?
25 R. Si vous m'y autorisez, deux ou trois minutes à ce sujet.
26 Hélas, il n'y a pas de guerre dont les conséquences ne seraient pas
27 effrayantes dans le domaine de la violation du droit international
28 humanitaire, aujourd'hui comme de par le passé. Plus quelqu'un produit du
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1 chaos, plus sur le terrain il va se produire du pire. Ceux qui s'y trouvent
2 sont confrontés à un problème terrifiant de résoudre ces problèmes. Donc
3 les Serbes et la JNA, avec des centaines de milliers d'expulsés, des
4 personnes tuées, le pilonnage des villes, tout cela a rendu la population
5 complètement désorientée. Les gens ont perdu leurs repères éthiques, et ce
6 qui s'est produit dans ce chaos, c'est propre à celui-ci. Lorsqu'on se
7 trouve pris là-dedans, parfois on ne peut pas le maîtriser, et je pense
8 qu'on ne peut pas imputer la responsabilité à ceux qui ont fait tout ce
9 qu'ils ont pu dans ce genre de situation.
10 Par exemple, en France, vous avez 8 000 victimes d'accidents de la
11 route, indépendamment de tous les efforts, ou dans des usines, vous avez un
12 tel nombre de personnes qui perdent leur vie au travail.
13 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, désolé, je dois
14 vous arrêter, parce qu'il est tout à fait hors de propos de faire ce genre
15 de comparaison, parce qu'ici nous parlons de crimes de guerre qui n'ont
16 rien à voir avec des accidents de la circulation. Vous allez peut-être
17 parler de la grippe mexicaine. Ecoutez, restez sur le sujet qui nous
18 occupe.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, ma question était très précise, car
20 c'est votre Défense. Donc j'ai mis en évidence la thèse du Procureur.
21 Maintenant, dans un souci de totale impartialité, je mets en évidence votre
22 thèse. Et dans votre thèse, il est écrit que les Serbes ont joué un rôle.
23 Alors c'est ça que je vous demande.
24 Quel rôle ont-ils joué qui a eu toutes ces conséquences ? Sans rentrer dans
25 un plan général, dites-nous en quoi l'action des Serbes a eu des
26 conséquences sur les Musulmans et sur les Croates.
27 R. C'était catastrophique de tous les points de vue : social,
28 psychologique, économique, ethnique, moral, tout ce que vous voulez.
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1 Lorsque vous avez 700 000, 800 000 réfugiés dans un Etat de quatre millions
2 d'habitants, quand vous avez ce nombre de morts et de blessés. Prenons
3 Mostar, alors c'est là que commence à s'engendrer le chaos et que les
4 normes de la civilisation se perdent au point où certains individus ne
5 peuvent plus contrôler cela. Et c'est ça l'essentiel. Donc les conséquences
6 ne peuvent pas par la suite m'être imputées à moi, parce que je n'étais pas
7 capable de tout contrôler.
8 Donc ma défense est tout à fait simple. Slobodan Praljak a fait tout,
9 absolument tout, sur tous les plans, à tous les moments afin de réduire; et
10 j'ai réduit en Bosnie centrale, à Mostar, et partout. Donc c'est la
11 question-clé : qui aurait pu faire davantage et comment ?
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il faut que quelqu'un vous le
13 dise. A un moment donné, les interprètes sont intervenus pour dire qu'ils
14 n'avaient pas réussi à vous comprendre. C'est après le moment où vous avez
15 dit, "ma défense est très simple." Veuillez répondre à partir de là.
16 R. Voilà ma défense est très simple. Prenons toutes les raisons - et je ne
17 vais pas les reprendre maintenant - lorsque pour toutes ces raisons, une
18 situation comparable à ce qui s'est produit en Herzégovine voit le jour,
19 alors il y a un effondrement des normes qui sont propres à la civilisation.
20 Ma défense consiste à dire que tous les efforts que j'ai déployés, vu mon
21 engagement en tout point, à tout moment, ces efforts ont apporté des fruits
22 substantiels afin de réduire cela, sans aucun doute.
23 Alors, que cela n'ait pas suffi, j'aimerais bien savoir qui aurait pu
24 faire plus et comment, par quel moyen, par quel acte, par quelle manière.
25 Donc lorsqu'on m'aura déclaré coupable, qu'on me dise, Voilà, moi, j'aurais
26 fait plus que toi, là, par tel ou tel moyen. Voilà c'est tout ce que
27 j'espère obtenir de ce procès.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les écritures que vos avocats ont déposées,
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1 vous dites que les Serbes de Bosnie-Herzégovine ont boycotté le référendum.
2 Alors pour vous, le fait qu'ils ont boycotté le référendum, quelles en
3 étaient les conséquences ?
4 R. La conséquence c'était qu'il y a eu un arrêt de fonctionnement total de
5 l'Etat. Ils se sont emparés de 70 % de la Bosnie-Herzégovine, ils ont mis
6 sur pied leurs propres autorités. Et militairement, ils se sont emparés de
7 ce pourcentage, ils ont crée un -- et de ce fait, l'Etat n'existait plus
8 que sur papier. Donc Sarajevo est encerclée, les infrastructures sont
9 détruites, les gens chassés, et cetera, et cetera.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que le fait qu'une des trois composantes -
11 puisque nous savons que les trois peuples constituant sont Serbes, Croates
12 et Musulmans - qu'un des trois ne participe pas au référendum, est-ce que
13 ça pouvait présager qu'il y aurait des problèmes ?
14 R. Monsieur le Président Antonetti, depuis des années, tout un chacun
15 aurait pu voir les indices. Tout un chacun qui se serait penché sur la
16 situation en Bosnie-Herzégovine ou en Yougoslavie. Ces indices, il y en a
17 eu par dizaine. Et là, cet élément-là était explicitement clair. C'était
18 une position politique adoptée par les Serbes qui ont dit, Voilà, cet Etat,
19 nous ne le souhaitons pas comme les autres le souhaitent.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Sans entrer dans le détail, pouvez-vous m'indiquer -
21 parce que c'est écrit, vous l'indiquez, vous dites que les Serbes de la
22 Bosnie-Herzégovine et la JNA ont attaqué en 1991 et printemps 1992 -
23 pouvez-vous me dire quand ça a commencé, quelle date, quel endroit ? Mais
24 d'une manière très synthétique. Ne rentrez pas dans le détail. C'est juste
25 pour avoir l'arrière-plan.
26 R. En 1991, ils viennent à Mostar, ils commencent à créer tous les
27 problèmes. En 1992, ils pilonnent, ils tuent des civils à Mostar, à Grude,
28 en Posusje, à Siroki Brijeg, à Ljubuski, à Bijeljina, de même à Foca, Ravno
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1 en 1991, à Uniste, même avant cela. C'est une partie frontalière vers Knin,
2 quand ils ont expulsé la population, et personne n'a réagi contre cela, et
3 cetera, et cetera.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Toujours dans vos écritures auxquelles je me
5 réfère, comme je me suis référé aux écritures de l'Accusation.
6 Dans vos écritures, vous dites que la HZ HB et le HVO ont été mis en
7 place dans un but défensif. Est-ce que vous pouvez expliciter cela ?
8 R. Justement, c'est de cela qu'il s'agit. Si vous ne vouliez pas
9 être expulsé ou abattu, comme on l'a déjà vu faire en Croatie, à Vukovar,
10 Ilok et ailleurs, à Dubrovnik, il fallait résister. C'est un droit et c'est
11 un devoir. Un droit et un devoir. Le devoir et le droit en question, un
12 certain nombre de personnes y ont eu recours. Ils ont organisé les
13 municipalités pour se défendre contre la force brute. C'est le devoir de
14 tout citoyen, homme, enfin de tout un chacun. C'est la raison pour laquelle
15 il y a eu création de la HZ HB, pour qu'il y ait défense. Et la HZ HB s'est
16 défendue ainsi que la Bosnie-Herzégovine. Moi, j'y ai pris part en 1992,
17 avec de bons résultats et j'en suis fier.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites dans vos écritures que c'est par
19 nécessité, j'insiste sur le mot nécessité, que les Croates de Bosnie-
20 Herzégovine ont créé le HVO et un gouvernement exécutif civil du HVO qui,
21 d'après vous, devait être temporaire et devait fonctionner comme un
22 gouvernement de guerre. Donc vous dites dans votre défense que c'est par
23 nécessité. Pouvez-vous expliciter cela ?
24 R. Oui, je peux. La nécessité c'était de se défendre. La nécessité aussi
25 c'était le fait que M. Alija Izetbegovic n'en a pas pris compte du tout.
26 Quelques jours à peine avant l'agression complète sur Sarajevo, il affirme
27 la chose suivante. Il dit, Pour faire la guerre, il faut deux. Voilà. Comme
28 quoi il ne veut pas se battre; et c'est probablement la raison pour
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1 laquelle les Serbes n'allaient pas se battre non plus. Ce sont des bêtises.
2 Il n'a pas réagi à Unista, il n'a pas réagi pour ce qui est de Ravno,
3 exception faite de la phrase que ce n'était pas leur guerre. Oui, mais
4 voyez-vous, c'était ma guerre à moi. Le fait d'incendier le village de
5 Ravno et de tuer autant de gens là-bas, c'était la guerre à Praljak, ce
6 n'était pas celle d'Izetbegovic mais c'était celle à Praljak, comme le
7 disent tant de documents, tant qu'il n'y aura pas la fin de toute cette
8 histoire-là, par un accord ou un traité international, qui donnerait
9 naissance à la paix.
10 Alors, du moins certains d'entre nous avaient espéré qu'une force viendrait
11 par respect des principes pour mettre un terme à tout cela; et ça ne s'est
12 pas passé -- enfin ça s'est passé en 1995 seulement, mais pas d'une façon
13 équitable. Ça a apporté la paix mais ça n'a pas apporté la justice.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors dans cet état de fait, vous indiquez que les
15 Croates se sont organisés et armés pour se défendre des attaques de la JNA
16 et des Serbes de Bosnie avant que les Musulmans en fassent autant. Donc
17 vous dites que c'est vous, les Croates, qui, en premier, vous vous êtes
18 organisés et armés. Là aussi, pouvez-vous nous donner des faits très précis
19 et des
20 exemples ?
21 R. Oui, je peux le faire. Sur le territoire où je me trouvais, c'était
22 plus clair, Mostar, Capljina, puis Bugojno, Kupres, Livno, et ainsi de
23 suite, les Croates, du fait d'avoir vu ce qui s'était passé en Croatie. Là,
24 les choses sont claires. Il ne faut pas être trop malin. Vous avez à
25 regarder les images de la télévision, on voit que les gens sont en train de
26 vous abattre, de vous expulser de là-bas et vous comprenez que ça ne
27 manquerait pas d'arriver là aussi. C'est clair comme le jour.
28 Or, le fait que les Croates se soient organisés, s'ils se sont organisés,
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1 mais les Musulmans y ont pris part autant qu'ils le voulaient et ont fait
2 partie des unités du HVO sans problème aucun. En d'autres termes, nous
3 n'avons pas créé des unités croates, mais nous avons organisé la Défense de
4 cette région avec la totalité des Musulmans qui se sont portés présents et
5 avec tous ceux qui voulaient se battre.
6 Voilà, c'est la réponse que je vous apporte.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous dites - et ça peut être intéressant -
8 vous dites que les forces sous le contrôle des Musulmans de la Bosnie-
9 Herzégovine ne se sont consolidées qu'entre la fin de l'été et de l'hiver
10 1992, donc fin de l'été et hiver 1992. Alors qu'est-ce que vous pouvez nous
11 dire sur la constitution des forces musulmanes ?
12 R. Les forces musulmanes, déjà auparavant, avaient une organisation qui
13 s'appelait la Ligue patriotique. C'était formel, il y avait un grand nombre
14 de ceux qui s'étaient présentés qui en ont fait partie, mais en termes
15 simples, les assurances de leur direction disant qu'il n'y aurait pas de
16 guerre ont fait qu'il y a eu des lenteurs pour ce qui est des têtes des
17 Musulmans pour bien comprendre que la guerre était devant la porte. Il y a
18 eu plus d'attaques de la part des Serbes, concernant ce qu'ils avaient fait
19 à Bijeljina ou Foca, et là, au fur et à mesure que ces événements se
20 produisaient, il y avait de plus en plus de Musulmans dans les rangs de
21 l'ABiH. L'armée a cru, compte tenu de ce qui s'était passé à Sarajevo, à
22 Bihac, et ainsi de suite. Donc, Messieurs les Juges, en termes simples --
23 du point de vue mental, ils étaient en retard par rapport aux Croates, pas
24 parce qu'on était plus intelligent, mais parce que ça nous était arrivé à
25 nous autres avant que ça ne leur arrive à eux. Et ils ont été convaincus
26 par Alija Izetbegovic du fait que la JNA serait le gardien de la paix en
27 Bosnie-Herzégovine, mais au nom du ciel.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites également, concernant les textes
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1 fondateurs de la HZ HB - vous savez, on l'a vu - c'est notamment la
2 décision du 18 novembre 1991 portant création de la communauté croate de
3 l'Herceg-Bosna. On ne va pas rediscuter de cela, mais vous dites ceci : ce
4 texte, d'après vous, montre l'inquiétude de la communauté croate en 1991 -
5 puisque ce texte date de novembre 1991 - inquiétude qui serait motivée par
6 le fait qu'Izetbegovic pourrait faire le choix de faire partie d'une
7 Yougoslavie dominée par les Serbes. Si on vous comprend bien, les Croates
8 de la Bosnie-Herzégovine avaient peur qu'Izetbegovic fasse le choix serbe
9 et fasse partie, en définitive, d'une Yougoslavie qui serait dominée par
10 les Serbes et qu'en réaction à cela, si on comprend bien, il y a la
11 constitution de la communauté croate de l'Herceg-Bosna.
12 Est-ce bien cela ?
13 R. Oui. Prenez une mathématique simple. Il y a Uniste. Ça fait partie de
14 la Bosnie-Herzégovine. Ç'a été occupé en été 1991 et on a annexé les
15 territoires en direction de Knin. La direction de la Bosnie-Herzégovine
16 passe la chose sous silence.
17 Petit b; il y a des soldats croates de Kostajnica qui sont capturés
18 et on les remet au camp des Serbes. Tout le monde se tait encore.
19 Petit c; l'attaque est lancée contre Ravno à deux reprises. Ce qu'ils
20 n'ont pas détruit et abattu la première fois, ils l'ont fait la deuxième
21 fois. M. Izetbegovic dit : Ce n'est pas notre guerre à nous, parce qu'à
22 Ravno c'est tous des Croates.
23 Petit d; il établit un accord historique avec Milosevic. J'en ai déjà
24 parlé. Que voulez-vous, je vous prie, que nous allions penser et que
25 vouliez-vous qu'on aille faire aussi ?
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vais aborder un autre sujet qui est
27 totalement contraire à la thèse de l'Accusation, mais vous l'avez développé
28 abondamment, qui est pour vous le fait que les Croates n'ont pas attaqué
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1 les Musulmans de Bosnie.
2 Selon vous, c'est l'ABiH qui a attaqué les villes de Konjic et Klic
3 en mars 1993, et ce, avant les combats d'Ahmici et Sovici. Vous dites
4 également qu'ils ont attaqué, en juin 1993, le village croate de Bijelo
5 Polje. Et vous dites que le HVO avait des raisons de penser que la
6 stratégie de l'ABiH visait notamment à occuper une portion de la côte de la
7 République de Croatie sur l'Adriatique. Et pour vous, vous ajoutez,
8 confirmé en septembre 1993 avec le lancement par l'ABiH de l'offensive
9 Neretva-1993.
10 Donc pour résumer votre position, elle est totalement contraire à la
11 thèse du Procureur. C'est l'ABiH qui a attaqué et qui avait pour objectif,
12 semble-t-il, principal, c'était d'atteindre la côte de l'Adriatique. Vous
13 nous l'avez dit X fois, mais pouvez-vous, de manière très concentrée, nous
14 développer cette argumentation qui sera, bien entendu, au transcript.
15 R. L'ABiH a attaqué en premier à Travnik. Elle a nettoyé Travnik de ses
16 Croates. L'ABiH a attaqué à Konjic et elle a nettoyé Konjic de ses Croates
17 et du HVO. L'AbiH, au mois d'avril, a établi des plans d'attaque contre
18 Mostar, partie ouest. Le 9 mai, ils ont essayé de mettre en œuvre l'attaque
19 en question. L'ABiH, à la date du 30 juin 1993, s'est attaquée aux forces
20 du HVO, au campement nord, ainsi qu'à Bijelo Polje. Leurs membres au sein
21 du HVO ont organisé une insurrection armée contre leur propre unité et ont
22 tué et capturé bon nombre de Croates. L'ABiH s'est attaquée à Bugojno et a
23 nettoyé Bugojno de ses Croates. L'ABiH a lancé une offensive à partir de
24 Bugojno et ça a duré jusqu'à ce qu'ils ne soient venus à comprendre qu'ils
25 n'étaient pas en mesure de prendre un bout du littoral qui ne leur
26 appartenait pas.
27 L'ABiH s'est attaquée sur un front de 200 kilomètres pendant
28 plusieurs mois. L'ABiH, aux côtés de l'administration musulmane, a passé un
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1 accord avec les Serbes au mois de septembre pour rétablir la paix et pour
2 procéder à un partage de la Bosnie-Herzégovine. Tout cela, ce sont des
3 faits qui sont indéniables. L'ABiH s'est attaquée à Vares et a chassé les
4 Croates de là-bas, et ainsi de suite.
5 Si le Procureur a des éléments de preuve concernant les attaques ou les
6 activités offensives de la part du HVO, je demanderais à ce qu'il les
7 montre aux Juges de la Chambre, exception faite de restitution tactique de
8 territoire et déplacements légers ça et là de la ligne de front où que ce
9 soit et à quelque moment que ce soit.
10 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Praljak, j'aimerais vous
11 demander une question : pourriez-vous nous donner des dates ? Vous parlez
12 de tous ces événements et il serait utile, à nous et à tout le monde
13 d'ailleurs, d'avoir des dates. Je sais que vous n'êtes peut-être pas
14 préparé à nous donner des dates exactes, mais pourriez-vous au moins
15 essayer de le faire afin que nous ayons des faits pour que nous sachions
16 vraiment ce qui s'est passé, où ça s'est passé, quand ça s'est passé, en ce
17 qui concerne ces attaques qui, selon vous, ont eu lieu avant que le HVO ne
18 prenne la moindre mesure.
19 R. A Konjic, les attaques commencent fin mars 1993. A Travnik, les
20 attaques commencent au mois de juin 1993, début juin 1993. Alors Bugojno --
21 non, d'abord à Mostar. A Mostar, les préparatifs d'attaque et les ordres
22 sont donnés et ils datent d'avril 1993. Ils ont lancé une attaque le 9 mai
23 1993. Le 30 juin 1993, ils se sont attaqués au campement nord, où il y
24 avait des unités du HVO. Ensuite à Bijelo Polje, à Stolac, ils ont commis
25 des meurtres. Ils ont désarmés, là où ils le pouvaient, les gens du HVO.
26 Donc ces soldats du groupe ethnique musulman faisant partie du HVO ont
27 désarmé des combattants du HVO et du groupe ethnique croate conformément
28 aux instructions émanant du 4e Corps. L'attaque de Bugojno commence à peu
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1 près vers la mi-juillet 1993, puis ça s'enchaîne pour une attaque sur
2 Vakuf. Et ces attaques-là durent jusqu'en 1994 avec une intensité plus ou
3 moins grande.
4 Alors ce qu'eux qualifient d'offensive en 1993, ça commence au mois de
5 septembre 1993, il s'entend, et les commandants musulmans ont déjà fait
6 coulé de l'encre à ce sujet. Je n'ai rien à ajouter. Cela n'est que la
7 continuation d'une offensive déjà entamée en Bosnie centrale en direction
8 de Vitez, Busovaca, Kiseljak, Novi Travnik.
9 Puis ça continue avec des cessez-le-feu signés et non respectés par
10 eux jusqu'à la signature des accords de Washington.
11 A Vares, ils attaquent quatre ou cinq avant le 23. Donc avant Stupni
12 Do, c'est là que commencent les attaques lancées par le 3e Corps. Il y a
13 des ordres émanant de ce corps qui sont là et j'ai cité le livre du général
14 qui était à la tête de tout cela, il s'appelle Alagic.
15 Alors le rapport des forces en Bosnie centrale entre les unités du HVO et
16 les deux corps de l'ABiH était tel, et ces gens sont encerclés, le rapport
17 était supérieur à 1 : 10.
18 Alors je laisse tout un chacun conclure du commandant qui, quand bien
19 même il le voudrait sans prendre de considération des possibilités
20 logistiques de soutien - qui ne peuvent être apportées que par hélicoptères
21 - comment voulez-vous lancer des actions offensives quand le rapport des
22 forces est de 1 : 10 ? Nous, on s'est défendus et on a eu du mal à rester
23 là où on était. Tout ceci du point de vue politique et militaire se
24 trouvait être défini par les accords passés avec les Serbes au mois de
25 septembre 1993. Il y a eu un accord politique et un accord militaire sur ce
26 qu'ils souhaitaient obtenir. Heureusement, on n'était pas si faible que
27 cela. Moyennant grands sacrifices et gros efforts, on a réussi à résister.
28 J'étais chef d'état-major à l'époque, et de ce point de vue-là, je n'ai
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1 rien à me reprocher à moi ni à mes soldats ni à mes officiers. On a eu du
2 mal à se défendre, mais on a réussi. Voilà, c'est la réponse que je
3 pourrais vous apporter, Monsieur le Juge Prandler.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Le rapport de 1 : 10 va me permettre de poser la
5 dernière question puisqu'on va terminer dans quelques minutes.
6 Vous dites dans vos écritures - on l'a déjà indiqué, mais je le
7 rappelle - vous dites : Si les Croates avaient vraiment voulu attaquer les
8 Musulmans de Bosnie, ils l'auraient fait en été ou automne 1992, lorsque
9 les Croates étaient au faîte de leur puissance militaire par rapport aux
10 Musulmans de Bosnie. Donc vous dites que si c'étaient vous les attaquants,
11 vous l'auriez fait avant 1992, au moment même où ils étaient en voie de se
12 constituer. Pouvez-vous me développer cela pour les quelques minutes qui
13 nous restent ?
14 R. Oui, je peux le faire. Si j'avais eu - mais je ne suis quand même pas
15 bête à ce point-là pour ne pas me faire comprendre. Donc je vais vous
16 parler de moi - s'il y avait eu un plan, j'aurais été censé faire réaliser
17 en 1992, je n'aurais pas distribué plus de fusils aux Musulmans qu'aux
18 Croates. Nous n'aurions pas, nous autres, après la libération de Stolac,
19 lorsqu'il n'y avait pas de Musulmans là, on a fait revenir tous les
20 Musulmans qui voulaient revenir, on les a entraînés, on a organisé des
21 brigades composées de Musulmans, on les a armés. Tout le temps, on leur a
22 livré des armes et des munitions, pendant toute la durée de la guerre. Mais
23 au nom du ciel, je vous l'affirme ici de voix claire et nette, en 1992,
24 s'il y avait eu un plan, quel qu'il soit, j'aurais pu, à Mostar, désarmer
25 chaque Musulman et placer sous notre contrôle Vakuf, Rama et tout le reste,
26 et non pas aller me battre de façon sanglante contre ses crétins et faire
27 revenir 85 % des Musulmans qui avaient fui.
28 Nous n'avons pas voulu la guerre contre les Musulmans, ni à l'époque
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1 ni à quelque moment que ce soit. Toutes les transcriptions disent qu'il est
2 question de défense et qu'il est question de survie de Croates, et qu'il
3 s'agit des 17,5 % du territoire potentiel que les Croates devraient avoir
4 pour s'autogérer sur ce territoire. C'est le minimum des minimums. C'était
5 la politique. C'était la position de nous tous, et c'est ainsi qu'on s'est
6 comportés à l'égard des blessés, tant qu'à l'égard des réfugiés et tant
7 qu'à l'égard de la population, du point de vue des médicaments, du point de
8 vue des armes.
9 Je n'arrive pas à comprendre que quelqu'un puisse rédiger ce type
10 d'acte d'accusation. Je n'arrive pas à le comprendre. Vous avez des
11 milliers de documents qui disent le contraire.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça c'est un autre problème.
13 Il est 19 heures. Nous allons arrêter. Général Praljak, demain, je vais
14 terminer sur le plan général votre système de Défense, puis après,
15 j'entrerai dans le détail, alors gardez ça pour demain, parce que vous
16 aurez l'occasion de l'introduire demain. Demain, je reprendrai les
17 écritures du mois d'avril où là, il y a une cinquantaine de documents, et
18 je ferai comme je l'ai fait avec le Procureur. Je dirai que vous avez écrit
19 ceci dans le mémoire, il y a un document qui étaye cela, et je vous
20 demanderai vos commentaires. Comme j'ai préparé ça depuis très longtemps,
21 j'irai très vite aux questions essentielles.
22 Donc j'invite les autres Défenseurs à se préparer au contre-
23 interrogatoire. Je ne sais pas qui commencera, mais j'aurai certainement
24 des questions de mes collègues. Mais quand mes collègues auront terminé, il
25 faudra que la Défense se prépare à contre-interroger M. Praljak. Vous avez
26 toute la nuit pour y penser.
27 Nous sommes cette semaine du matin, donc on se retrouvera demain à 9
28 heures. Je vous souhaite à tous une bonne fin de soirée.
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1 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le mardi 23 juin 2009,
2 à 9 heures 00.
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