Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 27 août 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour chacun

 10   dans le prétoire et hors du prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 12   consorts. Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 14   En ce jeudi 27 août 2009, je salue M. Praljak, je salue MM. Prlic, Stojic,

 15   Petkovic, et Pusic. Je salue Mmes et MM. les avocats,  M. Stringer et

 16   toutes ses collaboratrices ainsi que les personnes qui nous assistent.

 17   Nous allons donc terminer cette semaine par la fin du contre-

 18   interrogatoire mené par M. Stringer à partir de classeurs. Donc je donne la

 19   parole à M. Stringer.

 20   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

 21   [Le témoin répond par l'interprète]

 22   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Bonjour à tous, bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les

 24   personnes également hors du prétoire.

 25   Contre-interrogatoire par M. Stringer : [Suite]

 26   Q.  [interprétation] Bonjour, Mon Général.

 27   R.  Bonjour, Monsieur Stringer.

 28   Q.  Mon Général, je demanderais à M. l'Huissier de bien vouloir vous

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  1   remettre le classeur qui contient six documents simplement. Je crois que

  2   nous arrivons à la fin de ce classeur, Mon Général. Hier, nous en étions

  3   arrivés à la pièce P 03458.

  4   Vous avez trouvé ce document, Mon Général ?

  5   R.  Je l'ai trouvé, Monsieur Stringer.

  6   Q.  Je vous ai donc posé quelques questions au sujet de ce document et

  7   ensuite nous avons suspendu l'audience d'hier. C'est un rapport qui date du

  8   15 juillet 1993, qui émane du chef du SIS de Tomislavgrad, et qui est

  9   adressé à la direction du SIS. Dans ce rapport il est question de la

 10   situation à Prozor, et l'auteur du rapport évoque en particulier les crimes

 11   et les actes de terreur qui ont lieu et qui visent la population musulmane

 12   de Prozor.

 13   Mon Général, hier, à la suspension de l'audience, je venais de vous

 14   interroger au sujet de vos responsabilités par rapport aux civils qui se

 15   trouvaient dans les zones tombées sous le contrôle du HVO; vous vous

 16   rappelez ces questions ?

 17   R.  Je me les rappelle.

 18   Q.  Et vous avez établi une distinction, ou en tout cas, vous avez parlé de

 19   vos responsabilités, si je vous ai bien compris, vos responsabilités par

 20   rapport aux positions du HVO sur le front, c'est-à-dire les lieux où vous

 21   meniez des combats, n'est-ce pas ?

 22   R.  Exact. Je m'en souviens, Monsieur Stringer.

 23   Q.  Je voudrais qu'un point soit bien précisé avant que nous passions à

 24   l'examen du document suivant. Mon Général, ce que je soutiens devant vous,

 25   enfin, je vais peut-être formuler les choses un peu différemment, parce que

 26   nous parlons désormais de la journée du 15 juillet 1993, c'est-à-dire d'un

 27   moment où le général Petkovic était chef de l'état-major principal du HVO,

 28   à savoir le plus haut responsable militaire au sein du HVO. Est-ce bien le

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  1   cas ?

  2   R.  Il occupait le poste le plus important au sein de l'état-major vis-à-

  3   vis des unités qui relevaient de la responsabilité de cet état-major.

  4   Q.  Et à ce moment-là, à savoir la date du 15 juillet 1993, vous commandiez

  5   des unités du HVO sur le terrain dans la zone de Prozor; est-ce exact ?

  6   R.  Non, Monsieur. Le 15 juillet 1993 je ne me trouvais plus sur le

  7   territoire de l'Herzégovine, car après la fin de l'opération de Boksevica

  8   je suis rentré à Zagreb où je suis resté jusqu'au 24 et j'y ai repris mes

  9   fonctions.

 10   Q.  Nous avons déjà parlé de cette opération. Le 15 juillet 1993, Mon

 11   Général, dites-nous, je vous prie, puisque vous êtes entré en fonction en

 12   qualité de commandant de l'état-major principal du HVO neuf jours après le

 13   jour où ce document a été rédigé, considérez-vous que le 15 juillet, en

 14   tant que chef de l'état-major principal, c'est le général Petkovic qui

 15   assumait la responsabilité de la protection des civils qui se trouvaient

 16   dans les zones sous contrôle militaire du HVO ?

 17   R.  Je ne considère pas que ce soit le cas, Monsieur. Cela est impossible.

 18   Cela ne correspond pas aux règlements militaires. Il est impossible qu'une

 19   armée protège ou soit responsable de territoires situés hors de la zone de

 20   responsabilité lui incombant. C'est seulement en cas d'arrivée d'une force

 21   d'occupation sur les lieux, comme cela s'est passé en Irak, par exemple,

 22   qu'on peut l'envisager. Mais même dans un cas comme celui-là, vous le

 23   constatez à partir de l'exemple de l'Irak que je viens de donner, Bagdad,

 24   et cetera, l'armée n'est pas en mesure d'assurer la protection de tous ces

 25   civils. C'est simplement impossible.

 26   Q.  Ce rapport, Mon Général, évoque la zone de Prozor et les Musulmans. Je

 27   vais lire un passage qui se trouve en page 2 de la version anglaise :

 28   "Ils enlèvent aux Musulmans les bijoux, l'argent et tous les objets de

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  1   valeur --"

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une question à vous poser, parce que je vous

  3   écoute très attentivement, comme vous vous en doutez, et puis vous venez de

  4   poser une question au général Praljak qui me semble être une question très

  5   juridique. Le général Praljak a répondu, mais apparemment avec le bon sens

  6   semble bien connaître toute la jurisprudence.

  7   Vous lui posez la question, vous êtes responsable des civils. Alors

  8   moi, Monsieur Stringer, je voudrais savoir sur quel fondement juridique

  9   vous dites ça. L'accusé vous répond en disant : Moi, je suis responsable de

 10   la zone de commandement dans la zone militaire. Et il me semble, sauf

 11   erreur de ma part, que dans la jurisprudence des tribunaux de Nuremberg,

 12   concernant un général de la Wermacht, il avait été effectivement dit qu'en

 13   cas d'occupation le général est responsable des civils, mais en zones

 14   d'occupation. Alors moi je voudrais être un peu clair dans ce que vous

 15   dites, est-ce que de la part de l'Accusation le fait que dans le cas d'une

 16   guerre civile ou dans toute autre forme de guerre, la zone de commandement

 17   militaire implique une compétence sur le sort des civils.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que nous

 19   parlons peut-être de deux choses différentes. Le général nous a détournés

 20   de notre direction principale. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas le statut

 21   du HVO. Je ne m'intéresse pas au fait de savoir s'il s'agissait d'une force

 22   d'occupation ou pas. Ce qui m'intéresse davantage c'est d'apprendre de la

 23   bouche du général ce que lui croit avoir été ses responsabilités ou les

 24   responsabilités de son prédécesseur, le général Petkovic, pas au sens

 25   juridique, mais au sens factuel. Le commandant ou le chef de l'état-major

 26   principal du HVO a de nombreuses responsabilités factuelles qu'il est tenu

 27   d'assumer. Il commande, il planifie, il déploie des hommes et ce que je

 28   m'efforce de faire, c'est interroger le général quant à sa façon de voir ce

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  1   qu'il en était. Est-ce que oui ou non, au nombre de ses responsabilités

  2   factuelles, en qualité de commandant, il y avait la nécessité de protéger

  3   la population civile contre les crimes. Est-ce qu'à son avis ceci fait

  4   partie des responsabilités qui lui incombaient ? Donc voilà la raison pour

  5   laquelle je pose les questions que je pose.

  6   Q.  Mon Général, je vais essayer de fragmenter les choses. Dans ce rapport,

  7   il est question de crimes commis à l'encontre de la population musulmane et

  8   dont les auteurs sont principalement des policiers militaires, comme c'est

  9   écrit dans le texte. Pouvons-nous, vous et moi -- ou plutôt, partons du

 10   principe, si vous voulez bien, que ces Musulmans se trouvaient dans un

 11   quartier de Prozor qui était sous le contrôle des forces armées du HVO,

 12   donc de l'armée HVO; d'accord ? Pouvons-nous nous mettre d'accord sur ce

 13   point avant de poursuivre le débat ?

 14   R.  Monsieur Stringer, Prozor n'était pas sous le contrôle des forces du

 15   HVO.

 16   Q.  Je ne vous demande pas, mon Général. D'ailleurs, je vais vraiment

 17   insister auprès de vous pour que vous vouliez bien écouter précisément mes

 18   questions et y répondre avec le plus grand soin.

 19   Il y avait une partie de Prozor qui était sous le contrôle des forces

 20   armées du HVO. Ceci est-il exact ?

 21   R.  Non. Pourquoi vous attendez-vous que j'accepte cette formulation de

 22   "sous le contrôle du HVO" ? Le HVO, dans certaines parties de Prozor, de la

 23   municipalité de Prozor, tenait des lignes de front faisant face à l'armée

 24   de la Republika Srpska à l'ouest. Le HVO tenait également des lignes de

 25   front face à l'armée de Bosnie-Herzégovine dans le secteur et la

 26   responsabilité du HVO consistait à maintenir l'ordre sur ces fronts. Si ces

 27   fronts étaient proches d'un village ou de plusieurs villages ou si le front

 28   se trouvait dans un village, le HVO était responsable de veiller à ce que

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  1   ses hommes ne commettent rien de contraire à la loi dans ces villages ou

  2   dans les maisons de ces villages. Le HVO était responsable dans le sens où

  3   il lui incombait d'émettre un ordre pour faire connaître aux troupes la loi

  4   de la guerre et la leur donner en exemple pour que cette loi dicte leur

  5   comportement. Le reste c'était la responsabilité des autorités civiles.

  6   Q.  Très bien, mon Général. Derrière les lignes de front tenues par le HVO,

  7   il y avait des zones où des civils musulmans habitaient et ces zones

  8   étaient sous le contrôle des forces armées du HVO, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, Monsieur. Ces zones n'étaient pas sous le contrôle des forces

 10   armées du HVO. En effet, les hommes étaient dispersés dans 50 à 60 villages

 11   de la municipalité de Prozor et ces hommes pouvaient aller jusqu'à Mostar,

 12   et cetera. Ces gens habitaient là et comme tout le monde de par le monde,

 13   ils couraient certains risques vis-à-vis de voleurs éventuels ou de

 14   cambrioleurs, mais ils n'étaient pas sous la responsabilité du Conseil

 15   croate de Défense et de son état-major principal. Je vous le dis très

 16   clairement.

 17   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Stringer, excusez-moi de

 18   vous interrompre, mais je ne comprends pas très bien la situation. Dans

 19   votre réponse précédente, vous avez dit que le HVO tenait des lignes de

 20   front face à l'armée de la Republika Srpska à l'ouest et face à l'armée de

 21   Bosnie-Herzégovine ailleurs. Donc cela c'était dans certaines zones de la

 22   municipalité de Prozor. Et vous avez dit que le HVO était responsable de la

 23   tenue de ces fronts et que si les fronts en question étaient proches d'un

 24   village ou dans un village ou proches de plusieurs villages, il incombait

 25   au HVO de veiller à ce que les hommes du HVO ne commettent pas quelque

 26   chose de contraire à la loi dans les maisons de ces villages ou dans ces

 27   villages, je vous cite.

 28   Donc j'ai du mal à comprendre vraiment que dans le même temps vous

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  1   puissiez dire que vous ne comprenez pas la question posée par l'Accusation

  2   et j'ai du mal à comprendre que vous puissiez dire que vous n'étiez pas là

  3   pour porter la responsabilité du maintien de l'ordre sur ces lignes de

  4   front. Alors, qu'est-ce qui se passe ? Est-ce qu'il y avait un vide, une

  5   lacune ? Est-ce qu'il y avait des villages totalement désertés où il n'y

  6   avait pas un seul habitant, où il n'y avait pas d'ordre civil ? Je pense

  7   vraiment qu'il conviendrait de répondre à la question posée par

  8   l'Accusation. Je vous remercie.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Prandler, je ne sais pas ce

 10   qu'on vous a interprété. J'ai dit que sur ces lignes de front, le

 11   commandement du HVO était responsable, donc c'est le commandant qui a cette

 12   zone sous sa responsabilité et ses subordonnés hiérarchiques qui portent

 13   cette responsabilité. J'ai dit que le HVO était responsable sur le front,

 14   mais que l'intérieur du territoire s'étend ensuite sur plusieurs centaines

 15   de kilomètres à l'arrière et que si l'on parle de toute la profondeur de ce

 16   territoire en dehors de la ligne de front ou même juste derrière la ligne

 17   de front, le HVO n'est pas responsable. En tout cas, à ma connaissance, une

 18   telle responsabilité n'existe dans aucune armée, en tout cas, dans aucune

 19   loi militaire dont j'ai pris connaissance, que j'ai lu. Sauf s'il y a des

 20   forces d'occupation.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais essayer, pour aider à la compréhension,

 22   parce que c'est très compliqué. Imaginons qu'on est à Prozor, on va

 23   transposer Prozor dans cette salle d'audience. Il y a une ligne de front du

 24   HVO qui est incarné, par exemple, par Me Karnavas, Me Khan et Me Nozica.

 25   Voilà la ligne de front du HVO. Et puis l'endroit où se trouvent les Juges,

 26   il y a la ligne de front de l'ABiH. Est-ce à dire, d'après ce que vous

 27   dites, que les civils qui sont derrière la ligne de front, par exemple, Me

 28   Alaburic qui serait civile, elle, elle ne rentre pas dans la zone de

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  1   responsabilité du HVO parce qu'elle est "outside", elle est en dehors de la

  2   ligne de front. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact, Monsieur le Juge Antonetti. Il existe

  4   un pouvoir civil, une police civile. Il existe évidemment un contrôle qui

  5   s'exerce sur les soldats, eux aussi peuvent commettre des actes, mais le

  6   commandement militaire est responsable du front. Vous avez vu le document

  7   dont je suis l'auteur qui évoque un village, le village de Pridris [phon]

  8   qui était exactement sur la ligne de front. Il y avait des habitants, il y

  9   avait même des vaches et j'étais responsable de toutes ces vies, parce que

 10   leurs vies étaient en danger à ce moment-là. J'étais présent physiquement

 11   et j'ai déménagé les êtres humains et les vaches de tous les groupes

 12   ethniques d'un endroit à un autre pour qu'ils ne subissent pas les

 13   conséquences des combats menés par le HVO. C'est là que s'arrête la

 14   responsabilité du commandant. On ne peut pas étendre la responsabilité du

 15   commandant sur des villages qui sont à 50 kilomètres, puis encore à 50

 16   kilomètres plus loin, et cetera. Selon ma connaissance des règlements, ce

 17   n'est pas le cas.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai compris votre réponse. Je donne la parole à mon

 19   collègue.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais aborder un autre aspect

 21   de la question, Monsieur Praljak.

 22   Les troupes du HVO placées sous les ordres de l'état-major principal

 23   étaient divisées en plusieurs zones opérationnelles. Elles n'étaient pas

 24   divisées en plusieurs lignes. Une zone c'est une surface dont on peut

 25   tracer les limites sur une carte. Une zone c'est un secteur, ce n'est pas

 26   une ligne. Est-ce que je me trompe ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas du tout. Les zones, dans le sens où nous

 28   l'entendons, incarnent la limite des lignes. Quand on parle de ligne de

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  1   front, on trace la ligne et on dit : y compris telle et telle cote, y

  2   compris tel et tel point topographique, et puis on trace la ligne de bout

  3   en bout. Et en général, l'unité la plus petite qui tient une telle ligne

  4   est un bataillon, et ensuite la brigade tient les lignes qui lui

  5   reviennent, et Siljeg tenait la ligne qui lui revenait. Donc on ne parle

  6   pas ici de zones qui correspondent à des territoires ou à des espaces. On

  7   parle de zones qui sont parfaitement circonscrites, et il est dit que

  8   jusqu'à la limite de ce village, c'est un tel et un tel qui exerce le

  9   commandement; ensuite, sur la ligne de front qui va jusqu'à tel autre

 10   village, c'est un autre homme qui exerce le commandement. Voilà ce qu'on

 11   appelle des zones. Une zone n'est pas un espace qui a plusieurs kilomètres

 12   carrés de surface.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne suis toujours pas convaincu

 14   qu'il s'agisse d'une ligne. Il y a une ligne, ça, je ne le conteste pas.

 15   Mais ensuite, pour défendre cette ligne, il faut d'autres instances

 16   militaires. Par exemple, l'artillerie se trouve en général derrière la

 17   ligne, quelquefois à plusieurs kilomètres de distance. Et puis, il y a des

 18   besoins logistiques à satisfaire. Il y a les dépôts de MTS qui se trouvent

 19   derrière les lignes. Donc ce serait une idée absurde que de dire que sur le

 20   plan mathématique, l'armée tient une ligne et que la ligne c'est une droite

 21   qu'on peut tracer sur le papier avec un crayon d'un point à un autre. Vous

 22   venez de développer devant nous une conception qui n'est pas du tout

 23   convaincante.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose que je peux dire c'est ce que

 25   j'ai vu écrit dans tous les règlements militaires. Il ne s'agit pas de ma

 26   conception, Monsieur le Juge Trechsel, mais c'est la façon dont les choses

 27   fonctionnent. Un canon qui se trouve derrière une colline, et cetera, est

 28   lié à la zone opérationnelle par des moyens d'observation, et cetera. Mais

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  1   d'après les règlements, on ne place pas des mortiers ou des canons dans des

  2   endroits habités par des personnes, et les obusiers non plus. Ils sont en

  3   général derrière une colline.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : M. le Juge Mindua veut poser une question.

  5   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur Stringer, excusez-moi.

  6   Monsieur le Témoin Praljak, dans plusieurs droits nationaux, lorsque

  7   l'état de guerre est déclaré sur le territoire d'un Etat ou d'une province

  8   ou d'une localité, l'autorité politique peut prendre la décision de

  9   remplacer les autorités civiles du territoire en question par les autorités

 10   militaires. Alors, la question que je me pose, s'agissant justement de ces

 11   zones opérationnelles avec au devant la ligne de front, est-ce que dans

 12   votre expérience, lorsque vous étiez sur la ligne de front au-dedans de

 13   votre zone opérationnelle, les autorités civiles continuaient-elles à

 14   travailler ? Je voudrais parler des autorités provinciales, municipales,

 15   des tribunaux civils, et cetera.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, toutes ces structures du pouvoir civil

 17   fonctionnaient dans toutes les municipalités qui se trouvaient derrière les

 18   lignes tenues par le HVO, que ce soit face à l'armée de la Republika Srpska

 19   ou face à l'ABiH au moment où les conflits ont commencé. Il est exact,

 20   Monsieur le Juge Mindua, que lorsque vous vous emparez d'un territoire

 21   pendant un certain temps, tant que l'autorité civile n'est pas rétablie

 22   sous forme de protectorat ou sous forme de nomination de tel ou tel

 23   responsable, comme les Anglais l'ont fait à l'époque, un commandant

 24   militaire qui s'est emparé du territoire est également pendant un certain

 25   temps responsable du territoire en tant que tel. Mais là, il ne s'agissait

 26   pas pour nous de territoires dont nous nous étions emparés. Dans le

 27   territoire en question, les autorités civiles fonctionnaient dans toutes

 28   les municipalités, complètement. Dans de bonnes ou de moins bonnes

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  1   conditions, c'est sûr, mais ça, ce n'est sans doute pas l'objet des

  2   questions qui me sont posées ici. Mais il existait un maire, il existait

  3   toutes les structures civiles, la police civile, toutes les instances, tous

  4   les pouvoirs civils existaient.

  5   M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Ma dernière question sur ce sujet : vous

  6   avez dit "derrière la ligne de front". Selon vous, derrière, c'est quelle

  7   distance à peu près ? C'est en nombre de mètres, de kilomètres ? Quelle est

  8   la distance selon vous quand vous parlez de derrière la ligne de front ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette distance où le contrôle peut s'exercer

 10   dépend du terrain sur lequel on se trouve. Si vous vous trouvez sur une

 11   ligne de front déterminée et que derrière vous il y a une petite colline,

 12   vous allez bien sûr, à peu près au début de la ligne de front qui est votre

 13   responsabilité, déployer des gens pour que personne ne puisse venir vous

 14   attaquer par derrière. Donc un petit poste de contrôle à 200 mètres ou 300

 15   mètres derrière la ligne, tout cela, ça dépend de la configuration du

 16   terrain, de façon à ne pas être attaqué de dos par surprise. Mais je parle

 17   uniquement sur le plan militaire. Cela se fait uniquement en fonction des

 18   besoins de protection de vos soldats qui pourraient être mis en danger par

 19   un petit groupe d'ennemis qui viendrait dans le dos et vous attaquerait et

 20   tuerait ces soldats, ce qui, bien sûr, est arrivé, à Capljina, par exemple,

 21   les 26 soldats qui ont été tués en profondeur derrière la ligne, si vous

 22   vous souvenez de ce qu'on a lu dans un document. Et puis, il y avait aussi

 23   les cuisiniers qui ont été tués, dont on a parlé. On a montré des

 24   photographies de ces hommes qui ont été tués par l'ABiH à 10, 15 kilomètres

 25   à l'arrière. Il s'agit, dans des cas de ce genre, d'introduction de petits

 26   groupes terroristes dans la profondeur du terrain qui peuvent se mettre à

 27   tuer des civils. Mais là, c'est une situation différente.

 28   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Donc, j'ai compris que ça peut varier

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  1   de 200 mètres, en cas de colline, par exemple, ou jusqu'à 15 kilomètres,

  2   comme dans le cas où des militaires du HVO ont été tués. C'est bien ça ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Monsieur le Juge Mindua, il est

  4   impossible de contrôler 15 kilomètres. C'était des hommes qui avaient fait

  5   une percée importante en profondeur. Cela arrive. On peut s'enfoncer en

  6   profondeur jusqu'à 50 kilomètres, mais le plus souvent, sur ces lignes de

  7   front, il n'y avait même pas de défense dans le dos, pas du tout. Mais

  8   enfin, la distance peut aller jusqu'à 100 mètres. Cela dépend de la

  9   possibilité d'une attaque dans le dos et de la nécessité donc d'assurer une

 10   protection des soldats qui sont sur la ligne, mais rien de plus, en

 11   fonction de la configuration du terrain.

 12   M. LE JUGE MINDUA : Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Praljak, mais

 14   vous parlez de percée à l'arrière, percée de quoi ? S'il n'y a pas de HVO

 15   derrière, il n'y a pas de nécessité de percer. Ce sont des hommes qui se

 16   promènent, qui se baladent. Le HVO, apparemment, ne contrôlait pas

 17   l'intérieur. Il n'avait rien à voir avec ce qui se passait à l'intérieur ou

 18   en profondeur, et ceci, je dois dire, ne me paraît pas très convainquant.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas modifier votre avis sur le plan

 20   de la vraisemblance de ce que je dis, mais je peux vous affirmer que c'est

 21   ce qui est écrit dans tous les règlements militaires. Un commandant sur le

 22   terrain peut contrôler une route d'arrivée jusqu'à sa ligne. Sur une

 23   distance de 100 mètres ou 50 mètres, le commandant va peut-être mettre deux

 24   soldats qui vont voir ce qui se passe au niveau de la route qui amène à la

 25   ligne de front, mais ça, c'est le contrôle de la ligne de front. Ce n'est

 26   pas le contrôle du territoire. Une armée ne peut pas contrôler un

 27   territoire, c'est absurde. Maintenant, que l'on place une batterie

 28   antiaérienne dans une ville anglaise à l'époque de la Seconde Guerre

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  1   mondiale qui risquait d'être frappée par des bombardiers allemands, cela ne

  2   signifie pas que l'armée contrôle l'intégralité du territoire de

  3   l'Angleterre parce que simplement il y a des autorités civiles en

  4   Angleterre. Je ne comprends pas comment vous ne comprenez pas cela, mais je

  5   crois que j'en sais un peu plus que vous.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense qu'il n'est pas nécessaire

  7   de répéter ce que vous avez déjà dit.

  8   Monsieur Stringer, à vous.

  9   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel.

 10   Monsieur le Président, je m'apprête à ne pas m'écarter du sujet dont nous

 11   sommes en train de parler, et je ne voudrais pas donner l'impression que je

 12   vais changer de sujet. En revanche, je m'apprête à passer à un autre

 13   document, ce qui devrait sans doute faciliter mon interrogatoire.

 14   M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi, j'attendais que mon collègue de

 15   l'Accusation s'interrompe, puisqu'il vient de dire qu'il allait passer à un

 16   autre document.

 17   Pour le compte rendu d'audience, j'aimerais m'assurer que tout est

 18   tout à fait clair, y compris lorsqu'on le reprendra plus tard. Nous n'avons

 19   pas jusqu'à présent élevé d'objection par rapport à l'utilisation de ce

 20   document, et l'Accusation utilise ce document au cours de son contre-

 21   interrogatoire. Nous n'avons pas fait objection parce que nous ne voulions

 22   pas sembler apporter notre aide au témoin. Mais je pense qu'à présent il

 23   est de mon devoir de dire ce que j'ai à dire pour que ce soit consigné au

 24   compte rendu d'audience.

 25   Lorsque mon collègue de l'Accusation a demandé hier à M. Praljak, au

 26   début de son interrogatoire sur ce document, page 19, ligne 5 du compte

 27   rendu d'audience -- non, excusez-moi, c'était avant la page 91 -- la

 28   question était assez longue, et lorsque cette question a été soumise au

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  1   témoin, le témoin a immédiatement répondu qu'il n'avait jamais, jusqu'au

  2   jour d'hier, vu ce document, et qu'il n'avait aucune connaissance à ce

  3   sujet. En dépit de cela, une longue série de questions a continué à être

  4   posée au témoin sur ce document. Le document en tant que tel, comme vous

  5   avez pu le constater, n'apporte aucun fondement à ce que l'Accusation

  6   puisse poursuivre l'interrogatoire à son sujet vis-à-vis du témoin. Le

  7   témoin a dit : Non, je n'ai jamais vu ce document. Il a ajouté qu'il ne

  8   l'avait jamais vu ici non plus. Et donc il ne l'avait jamais vu à l'époque,

  9   et ce document aurait dû cependant lui être soumis au préalable, mais il ne

 10   lui a pas été communiqué. Alors le résultat de cela c'est qu'il n'y a aucun

 11   fondement pour que des questions soient posées au témoin au sujet de ce

 12   document.

 13   La Chambre de première instance a respecté ce principe à tout moment

 14   et depuis trois ans et demi que nous passons dans ce prétoire, la Chambre a

 15   dit qu'il était impossible d'interroger un témoin dès lors que le témoin

 16   disait n'avoir jamais eu le document en question sous les yeux.

 17   L'Accusation a un peu modifié sa façon de procéder aujourd'hui, et elle

 18   profère aujourd'hui des hypothèses, mais ce qui s'est passé hier s'est

 19   passé.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : On n'est certainement pas d'accord avec vous, parce

 21   qu'effectivement, vous avez raison, ce document, M. Praljak ne le connaît

 22   pas. Et le 15 juillet, il le dit lui-même, il était retourné à Zagreb. Donc

 23   difficulté pour lui de donner des réponses à des faits très précis. Mais en

 24   réalité, vous avez vu le Procureur, par les questions, et c'était

 25   intéressant parce que moi j'ai découvert le problème de la zone

 26   opérationnelle. Je pensais innocemment que la zone opérationnelle couvrait

 27   une zone géographique. Or, M. Praljak soutient, à l'appui, dit-il, mais ça,

 28   on va vérifier, des règlements militaires, que la zone opérationnelle ne

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  1   concerne uniquement que la zone où se trouve l'armée dans le cadre de

  2   lignes de front. Et le Procureur, lui, pose des questions de principe parce

  3   qu'il a pris ce document mais il aurait pu prendre d'autres documents, car

  4   lui, pour le Procureur, et vous l'avez compris, il estime que le

  5   commandement du HVO avait une responsabilité sur les civils, car s'il y a

  6   pillage, meurtre, et cetera, il y a donc une question de responsabilité.

  7   Donc il utilise ce document, mais sur une question de principe. Donc sur

  8   les questions de principe, le général Praljak a répondu en disant que de

  9   son point de vue à lui sa responsabilité couvre la zone, et le reste, c'est

 10   l'autorité civile. Voilà.

 11   Donc votre objection était intéressante, mais sur le plan général

 12   elle n'avait pas d'intérêt parce que les questions auraient pu être posées

 13   au travers d'un autre document, car là on était sur des questions de

 14   principe.

 15   Alors, continuez, Monsieur Stringer.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je crois que la correction s'impose

 17   d'elle-même. Au compte rendu d'audience, nous lisons que M. Praljak a

 18   déclaré que sa responsabilité portait sur la zone, alors que je crois que

 19   vous avez dit que votre responsabilité portait sur la ligne de front, ce

 20   qui n'est pas la même chose.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Praljak, votre responsabilité, elle

 22   couvre la ligne de front, c'est-à-dire la zone de la ligne de front, même

 23   si ça ne fait que quelques mètres ou quelques centaines de mètres. C'est

 24   uniquement ça, pas le territoire en arrière.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact. Seulement la ligne de front. En fait,

 26   quand on parle de ligne de front et quand on parle de zone, c'est la même

 27   chose. C'est comme ça qu'on les appelle, et voilà.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. On a compris.

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  1   Bien. Monsieur Stringer.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Pour poser quelques questions de suivi. Mon Général, il est absurde,

  4   n'est-ce pas, de laisser entendre que votre seule responsabilité en tant

  5   que commandant militaire portait sur le tout petit secteur de la ligne de

  6   front et que vous, en tant que commandant de l'état-major principal du HVO,

  7   n'assumiez aucune responsabilité vis-à-vis des secteurs qui étaient sous le

  8   contrôle militaire du HVO et qui se trouvaient derrière la ligne de front ?

  9   C'est une proposition absurde, n'est-ce pas, une proposition que vous êtes

 10   en train d'avancer uniquement aux fins d'éviter votre responsabilité eu

 11   égard aux crimes qui ont été commis dans certains secteurs placés sous le

 12   contrôle du HVO, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, ce n'est pas le cas, Monsieur Stringer. Si votre théorie était

 14   applicable, il y aurait 150 officiers américains de haut rang qui seraient

 15   assis ici parce qu'ils ont été incapables d'exercer un contrôle sur la

 16   situation en Iraq, Iraq dont ils s'étaient emparés par la force militaire.

 17   Ce sont des faits bien connus aujourd'hui. Le sens à donner au mot contrôle

 18   est bien connu. Lorsqu'on établit un gouvernement à un endroit, qui est

 19   responsable de cette situation ? Ils sont, les Américains, responsables de

 20   tous ceux qui ont été tués là-bas ?

 21   Q.  Par ailleurs, votre description à l'instant de ce qu'est une zone de

 22   responsabilité ou une zone opérationnelle est également absurde, lorsque

 23   vous prétendez que la zone opérationnelle ne se compose que du secteur bien

 24   circonscrit de la ligne de front et pas de l'intérieur ou de l'arrière ou

 25   des zones sous contrôle du HVO qui sont tombées derrière la ligne de front,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si on développe ici de

 28   nouvelles théories et si on met en place de nouveaux règlements, de

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  1   nouvelles lois au sujet du sens à donner aux mots, je n'ajouterai pas un

  2   mot. Je n'ai rien à dire de plus. Il est manifeste que l'on essaye ici de

  3   mettre en place des règles de la façon dont on mène la guerre qui sont tout

  4   à fait nouvelles et qu'on essaie de mettre en place des droits nouveaux

  5   pour une armée et des responsabilités nouvelles pour un commandant. Mais

  6   nous ne cessons de parler de ces questions, nous ne nous référons pas aux

  7   manuels, aux manuels juridiques, par exemple, ou aux lois de la guerre, il

  8   faudrait que ce soit fait de la part de l'Accusation.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 10   avec votre autorisation, même si le général Praljak a déjà répondu à cette

 11   question, j'aimerais élever une objection par rapport aux deux questions

 12   précédentes de M. Stringer pour les raisons suivantes : M. Stringer a

 13   interrogé le témoin en lui demandant si une théorie était absurde ou pas et

 14   il demande au général Praljak de répondre à une question formulée dans ces

 15   termes. Mais M. Stringer n'a pas dit pourquoi il serait absurde qu'un

 16   commandant soit responsable uniquement d'une ligne de front et que les

 17   autorités civiles soient responsables du territoire qui se trouve derrière

 18   la ligne en question ou de la population qui l'habite, donc je considère

 19   qu'interroger ou plutôt contre-interroger le témoin de cette façon n'est

 20   pas acceptable. Je vous remercie.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Avec le respect que je dois au conseil, je

 22   ne suis pas d'accord avec elle. Donc je continue l'examen du document

 23   suivant, mais le sujet reste le même.

 24   Q.  Mon Général, le document suivant est la pièce P 04177. Nous sommes

 25   maintenant dans la période qui vient après votre prise du commandement de

 26   l'état-major principal du HVO. Ce document date du 14 août 1993, et il y

 27   est écrit qu'il s'agit d'un rapport de Luka Markesic adressé au SIS de la

 28   Communauté croate d'Herceg-Bosna à Mostar. Et avant de discuter des

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  1   questions que nous avons déjà évoquées, passons en revue cette pièce et

  2   parlons de la situation factuelle sur le terrain à Prozor à la mi-août

  3   1993.

  4   Page 2 de la version anglaise, Mon Général, et dans votre version je vous

  5   indique, Mon Général, qu'il s'agit du paragraphe qui fait suite au nom

  6   d'Ante Pavlovic. L'endroit du texte où il est fait mention d'un nouveau

  7   commandant qui s'appelle Ante Pavlovic.

  8   M. KOVACIC : [interprétation] Objection.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. KOVACIC : [interprétation] Objection. Je considère que l'Accusation,

 11   avant d'interroger le témoin au sujet de ce document, a le devoir de

 12   demander au témoin s'il l'a déjà vu, s'il connaît ce document et ce genre

 13   de chose, et c'est seulement après, si le témoin répond par l'affirmative

 14   et donne le fondement nécessaire pour l'examen de ce document, c'est

 15   seulement après que le témoin peut répondre à des questions concernant ce

 16   document. Sinon, l'Accusation peut utiliser ce document comme exemple de

 17   l'évolution des événements, ce qu'il a déjà fait d'une certaine façon avec

 18   le document précédent.

 19   Je vous remercie.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un peu

 21   surpris par ce type d'objection, très franchement. Nous avons ici un récit

 22   factuel de la situation qui prévalait à Prozor à la mi-août. Le général qui

 23   était commandant de l'état-major principal du HVO à l'époque, nous savons,

 24   étant donné ce qu'il a déjà dit dans sa déposition, qu'il avait fait de ce

 25   secteur particulier l'une de ses principales priorités, en tant que

 26   commandant, et qu'il consacrait une grande partie de son temps à ce

 27   secteur. Je vais passer en revue avec le général ce document. Nous allons

 28   établir ce qu'il savait des événements en train de se dérouler dans le

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  1   secteur, et sur la base de cela nous allons poursuivre la discussion au

  2   sujet de ce qu'il pensait être ou ne pas être sa responsabilité par rapport

  3   aux crimes commis par les Musulmans dans le secteur. Le document va

  4   également nous démontrer, en fait, que le général Praljak se trouvait dans

  5   le secteur au moment où le document était rédigé et qu'il était sur le

  6   terrain en train d'employer les unités de la police militaire et de la

  7   police civile dans des opérations de combat. Donc il est tout à fait

  8   acceptable de l'interroger au sujet de ce document.

  9   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président --

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, de prime abord, je ne voyais pas

 11   le problème puisque vous vouliez poser des questions. J'ai écouté Me

 12   Kovacic, et en vous écoutant l'un et l'autre, je me suis posé la question

 13   par rapport à l'article 7(3) du Statut. S'il y a des faits commis

 14   susceptibles de recevoir une qualification pénale, la responsabilité du

 15   supérieur hiérarchique peut être mise en œuvre au titre du 7(3), aux

 16   strictes conditions que vous savez. Encore faut-il qu'il en ait eu

 17   connaissance, et cetera. A ce moment-là, si vous alliez sur ce terrain, il

 18   fallait demander à M. Praljak, un : Le 14 août, vous étiez bien commandant

 19   du HVO ? Réponse : Oui. Deux : Avez-vous eu connaissance de ce document,

 20   oui ou non ? On ne sait pas. S'il vous dit oui, vous continuez. S'il vous

 21   dit non, vous lui demandez : Pourquoi ? Et après quoi, il vous dit : Je ne

 22   suis pas au courant, là vous lui demandez le fait même que vous n'êtes pas

 23   au courant.

 24   Mais, en revanche, il est dit dans ce document qu'il s'est passé telle et

 25   telle chose, étiez-vous au courant ou pas, parce que là vous êtes sur le

 26   terrain du 7(3).

 27   M. STRINGER : [interprétation] Sauf votre respect, Monsieur le Président,

 28   je suggérerais que la réalité des choses c'est que nous ne sommes pas

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  1   limités au 7(3). Cela pourrait également avoir un rapport avec le 7(1),

  2   ainsi que tous les problèmes liés à l'entreprise criminelle commune, donc

  3   je ne suis pas tout à fait d'accord avec les limites qui viennent d'être

  4   proposées.

  5   Il est de pratique courante - autrement dit, cela se passe régulièrement et

  6   de façon routinière - que les témoins se voient soumis des documents qu'ils

  7   n'ont jamais vus précédemment. On les interroge sur les actions ou les

  8   événements décrits dans ces documents en leur demandant si ces descriptions

  9   correspondent à leur façon de voir la situation à l'époque ou ce qu'ils en

 10   connaissaient, et c'est précisément l'intention qui existe ici.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, je suis totalement d'accord avec

 12   vous, mais je vous dis, quand je vois quitte ou double avec l'entreprise

 13   criminelle, si par hasard, si par les éléments du dossier il n'y a pas

 14   d'entreprise, il n'y a pas du 7(1), il reste dans l'acte d'accusation 7(3).

 15   C'est dans l'acte d'accusation. Donc si vous, vous ne voulez pas couvrir

 16   tout le champ, c'est à vous de prendre vos risques. Mais d'un point de vue

 17   technique, il vaut mieux couvrir tout le champ. Mais vous avez raison, on

 18   n'est pas obligé que l'intéressé connaisse le document. Ça, vous avez

 19   parfaitement raison.

 20   Alors continuez.

 21   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Général --

 23   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

 24   permettez, un point simplement. Je suis entièrement d'accord avec votre

 25   position. Le témoin n'a pas nécessité de connaître le document. Je suis

 26   tout à fait d'accord. Mais il faut l'établir, l'interrogatoire ou le

 27   contre-interrogatoire doivent établir cela, nonobstant le fait que cela

 28   relève du 7(1) ou du 7(3) ou de l'entreprise criminelle commune. Si le

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  1   Procureur interroge le témoin au sujet de faits qui sont évoqués dans ce

  2   document, cela s'est toujours fait jusqu'à présent. Il faut d'abord établir

  3   si le témoin a déjà vu ce document, ensuite celui qui interroge va plus

  4   loin et si le témoin dit ne pas avoir déjà vu le document, il lui demande

  5   s'il est au moins au courant des événements qui figurent dans le document.

  6   Je sais pourquoi j'élève mon objection, parce que quand on voit l'auteur du

  7   document et quand on voit le sceau apposé sur le document, on voit que cela

  8   n'a aucun rapport avec l'état-major. Ce n'est pas nous qui avons commencé,

  9   et le Procureur le sait très bien. On voit très bien qui est l'auteur de ce

 10   document et on ne voit pas qu'un quelconque exemplaire de ce document ait

 11   été adressé au témoin. Par conséquent, je suis d'accord avec vous sur le

 12   fait qu'ensuite le Procureur peut poser toutes les questions qu'il veut,

 13   mais d'abord il lui incombe d'établir le lien entre le témoin et ce

 14   document. Est-ce que le témoin sait quelque chose de ce qui est écrit dans

 15   ce document ? Et ensuite on peut entrer dans le détail.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Kovacic, le Procureur a déjà posé des

 17   questions sur Prozor. Deuxièmement, il a déjà posé des questions à partir

 18   de documents du SIS. Troisièmement, l'auteur de ce document, on a déjà vu

 19   des documents de cet auteur, Luka Markesic. Bien. Donc il y a toute une

 20   série d'éléments qui ont déjà été vus, discutés. C'est un document

 21   supplémentaire qui couvre la période du mois d'août. On a vu déjà des

 22   périodes antérieures. Donc il y a une ligne de conduite. Les fondements, on

 23   les sait déjà, c'est-à-dire que le Procureur veut savoir est-ce que M.

 24   Praljak était au courant de ce qui s'était passé au mois d'août à Prozor,

 25   et cetera, alors même que toute une série de documents montrait qu'il

 26   s'était déjà passé des choses dans les mois antérieurs.

 27   Continuez, Monsieur Stringer.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aurais

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  1   une question à poser à M. Stringer.

  2   J'avoue ne pas très bien voir en quoi le fait pour vous de demander au

  3   témoin s'il a déjà vu ce document pourrait constituer un obstacle dans

  4   votre travail.

  5   M. STRINGER : [interprétation] Je vais poser la question, Monsieur le Juge.

  6   Q.  Mon Général, ce document est un rapport, comme nous l'avons déjà

  7   indiqué, dont l'auteur est Luka Markesic, que nous avons évoqué déjà à

  8   plusieurs reprises, rapport adressé au SIS de la Communauté croate

  9   d'Herceg-Bosna à Mostar. Avez-vous vu ce document le 14 août 1993 ou à peu

 10   près à cette date ?

 11   R.  Non. Le 14 août, je sais avec exactitude que j'étais en plein dans les

 12   combats qui se menaient au sud de Mostar, et par la suite je n'ai pas vu ce

 13   document, je ne l'ai vu qu'ici, à mon arrivée à La Haye en qualité

 14   d'accusé.

 15   Q.  Très bien. Ce document évoque un certain nombre d'événements survenus à

 16   Prozor, et j'aimerais vous interroger sur ces événements pour vous demander

 17   de confirmer ou d'infirmer la réalité de ces événements.

 18   En page 2 de la version anglaise, après avoir fait référence au

 19   nouveau commandant, Ante Pavelic, Markesic évoque la chute de Konjic, de

 20   Bugojno et d'une partie de Gornji Vakuf, et évoque les réfugiés, femmes,

 21   enfants, personnes âgées venus de toutes ces localités et arrivés à Prozor.

 22   Et puis il écrit :

 23   "Au départ, ils, c'est-à-dire les réfugiés, ont été logés dans des

 24   maisons croates, mais lorsque leur nombre a crû, on a commencé à les

 25   installer dans des maisons et des villages musulmans. Ainsi, la population

 26   musulmane de la municipalité de Rama se trouve toute entière dans trois

 27   centres de regroupement; à Podgrodze, Duge et Lapcanje [phon].

 28   "La réinstallation de ces Musulmans est faite par la police

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  1   militaire, sous le commandement d'Ilija Franjic."

  2   Alors, ma première question, Mon Général, est la suivante : est-ce

  3   que vous avez été informé du relogement des Musulmans de Prozor qu'on a

  4   fait partir de leurs maisons pour les mettre dans des centres de

  5   regroupement afin de faire de la place aux réfugiés croates qui arrivaient

  6   ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Est-ce que vous avez été au courant, comme c'est indiqué ici, du fait

  9   que la police militaire du HVO ordonnait aux Musulmans de quitter leurs

 10   domiciles afin de les placer dans des centres de regroupement ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Markesic poursuit en écrivant :

 13   "L'arrivée des soldats et des civils dans la municipalité a provoqué une

 14   augmentation du crime, de la prostitution et de l'extraction des Musulmans

 15   hors des prisons ainsi que de leur liquidation, a provoqué également une

 16   augmentation de l'extorsion de bijoux, d'argent et d'autres objets de

 17   valeur pris aux Musulmans, ainsi que des liquidations après extorsion."

 18   Pour que tout soit clair sur le plan de l'interprétation et de la

 19   traduction, Mon Général, est-ce que nous pouvons convenir, ou en tout cas,

 20   est-ce que vous conviendrez avec moi que j'ai raison lorsque je dis que

 21   lorsque Markesic parle de liquidation ici, il parle de meurtres, de

 22   personnes qui sont tuées ?

 23   R.  C'est probablement de cela qu'il parle.

 24   Q.  Markesic poursuit. Je passe à la page suivante de la version anglaise,

 25   je cite :

 26   "Des hommes entrent également dans des maisons musulmanes, et les jeunes

 27   filles sont dénudées devant leur père, et vice versa. Tout ceci se passe de

 28   façon systématique et depuis déjà pas mal de temps, même si nous avons

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  1   informé le président du HVO, Mijo Jozic, le commandant de la brigade et les

  2   commandants de la police militaire et de la police civile au sujet de ces

  3   faits par écrit."

  4   Et puis il poursuit en disant qu'il met en pièces jointes des rapports de

  5   gardiens de prison et qu'il met également en pièces jointes des

  6   déclarations de femmes musulmanes qui ont été violées. Un peu plus loin, il

  7   écrit :

  8   "De telles choses sont principalement le fait de soldats de la région et de

  9   certains membres de la police militaire. Ainsi, le service de Sécurité est

 10   incapable de résoudre tous les problèmes parce que la collaboration avec la

 11   police militaire s'agissant de prévenir de tels actes est impossible, étant

 12   donné que les auteurs de ces actes se trouvent dans ses rangs. Pour le

 13   moment, nous sommes parvenus à faire pression sur le commandement et sur la

 14   présidence du HVO pour qu'il soit mis un terme à de tels actes grâce à

 15   notre unification."

 16   Je saute un paragraphe. Un peu plus loin, Markesic déclare :

 17   "La police militaire exécute l'ordre venu d'en haut qui demande que les

 18   Musulmans dont l'âge se situe entre 16 et 60 ans soient placés en détention

 19   dans des conditions particulières, c'est-à-dire que tous les hommes soient

 20   emprisonnés sans exception, y compris ceux qui ont moins de 16 ans ou plus

 21   de 60 ans, et que des traitements particulièrement inhumains leur soient

 22   appliqués."

 23   Je passe à la page suivante de la version anglaise. Je saute un ou deux

 24   paragraphes, et nous voyons que Markesic, un peu plus loin, écrit :

 25   "On sait depuis déjà quelque temps que des membres de la police militaire

 26   ont été impliqués dans la prise de véhicules au milieu de convois d'aide

 27   humanitaire et de la vente de ces véhicules sur le marché normal. Le

 28   commandant de la police militaire admet ouvertement qu'il a autorisé le

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  1   pillage du convoi."

  2   Et quelques paragraphes plus bas, il écrit :

  3   "Il importe de remarquer que la police militaire sur le terrain participe à

  4   des opérations d'attaques quotidiennes et que son crédit en tant qu'organe

  5   qui réussit ces actions est très diminué auprès de la population en raison

  6   de ces actes. En ce qui concerne des cas concrets, nous voyons la logique

  7   qui préside à de telles actions. C'est simplement que les temps étant ce

  8   qu'ils sont, il est difficile d'exposer tout le monde."

  9   Et un peu plus bas, dans le paragraphe suivant, il évoque les questions

 10   liées au moral des troupes et écrit :

 11   "La police civile est incapable de régler tout cela, de faire face à la

 12   situation, et récemment elle a très souvent été sur le terrain sous le

 13   commandement du général Slobodan Praljak."

 14   Donc, Mon Général, ce document évoque un certain nombre de sujets sur

 15   lesquels j'aimerais vous interroger.

 16   Conviendriez-vous avec moi, Mon Général, que partir du principe que

 17   Markesic rend exactement compte de la situation nous permettrait de

 18   conclure que la police militaire de Prozor est incontrôlable au mois d'août

 19   1993 ?

 20   R.  Je ne peux pas commenter. Je ne peux rien dire d'autre que ce qui est

 21   écrit dans ce document. Je ne peux pas vous dire si ce qui est écrit ici

 22   est vrai ou pas. Je ne connais pas ce document. Tout ce que je peux répéter

 23   c'est ce que j'ai déjà dit par rapport à cette période à partir du 24.

 24   Écoutez, je ne sais pas.

 25   Q.  Je ne vous demande pas de répéter ce que vous avez déjà dit, Mon

 26   Général. Je vous demande si, et je rappelle que vous étiez commandant de

 27   l'état-major principal du HVO à ce moment-là, si à votre avis la police

 28   militaire du HVO était incontrôlable à Prozor.

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  1   R.  Comme vous venez de le constater dans cette phrase, la police militaire

  2   se bat bien lorsqu'on l'emploie à mener des combats. Et puis Markesic

  3   déclare également que le crédit gagné par les policiers militaires,

  4   lorsqu'ils se sont battus pour défendre le secteur, a disparu en raison

  5   d'actes de ce genre. Il continue en disant que tout ceci a eu une incidence

  6   sur le moral d'un grand nombre d'hommes de la Brigade de Rama et sur

  7   l'ensemble des troupes. Donc de nombreux soldats ne sont pas d'accord avec

  8   ce qui s'est fait et leur moral s'en trouve réduit. Lorsque la police

  9   militaire était sur le front, elle était bien sûr sous le commandement de

 10   celui qui commandait cette partie de la ligne de front, et ensuite de la

 11   brigade, de la zone opérationnelle, et lorsque Praljak était sur le

 12   terrain, sous la responsabilité de Praljak également, mais la police

 13   militaire se battait bien.

 14   Q.  Parlons de cela. Ces unités de police militaire, vous nous avez

 15   longuement dit dans votre déposition que vous les avez employées vous-même,

 16   personnellement, dans des combats. Le fait est, n'est-ce pas, Mon Général,

 17   que vous avez fermé les yeux sur les crimes commis par les policiers

 18   militaires parce que vous souhaitiez qu'ils continuent à être auprès de

 19   vous sur le terrain et à se battre, à participer aux combats. C'est le

 20   choix que vous avez fait, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non, Monsieur Stringer, je n'ai pas fermé les yeux sur quoi que ce

 22   soit, jamais. Les combats se déroulaient, je le répète pour la dixième,

 23   vingtième ou trentième fois, les combats étaient terriblement intenses.

 24   Q.  Mon Général, vous avez vu les actes criminels commis par les policiers

 25   militaires du HVO à Prozor et vous n'avez rien fait à ce sujet, ceci n'est-

 26   il pas un fait ?

 27   R.  Non, Monsieur Stringer.

 28   Q.  Vous nous dites que vous n'étiez pas au courant de ce qui était en

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  1   train de se passer, des crimes qui étaient commis ?

  2   R.  Non, je n'ai connu aucun de ces crimes pour la simple raison que

  3   personne ne m'en a informé. Et compte tenu de l'intensité des combats et de

  4   la charge de travail que cela créait pour moi, je ne me rappelle pas avoir

  5   passé deux nuits dans le même lit. Donc si vous voulez me dépeindre la

  6   situation avec angélisme et me dire qui était responsable de quoi et me

  7   dire que j'étais responsable de tout, faites-le, mais ce n'est pas exact.

  8   Moi, je m'efforce de vous décrire la situation réelle dans cette période de

  9   guerre. Vous dites que c'était quelque chose que je savais. La personne qui

 10   sait quelque chose a le devoir de déposer plainte au pénal. C'est son

 11   devoir. Personne ne savait.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne l'avez pas vu. Très bien. Le Procureur vous

 13   dit : Etiez-vous au courant ? Vous avez répondu : Non, je ne savais pas.

 14   Très bien. Moi, maintenant, je vais vous poser une question sous un autre

 15   plan.

 16   Imaginons qu'à l'époque vous auriez appris le 14 août qu'à Prozor se

 17   déroulaient tous ces événements. Qu'auriez-vous fait ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais appelé ce même homme, je lui aurais

 19   dit d'appeler au téléphone son supérieur hiérarchique pour demander

 20   l'arrestation de ces hommes, car c'était son devoir de déposer une plainte

 21   au pénal et parce que c'est également son devoir qu'il accomplisse les

 22   devoirs qui lui incombent conformément à la loi et aux règlements

 23   applicables, ainsi que conformément à la voie hiérarchique. C'est ce que

 24   j'aurais demandé à l'auteur de ce rapport, je lui aurais demandé non pas de

 25   rédiger un rapport mais d'agir conformément à ses compétences et

 26   responsabilités officielles. Moi, personnellement, je ne suis pas habilité

 27   à procéder à des arrestations. Je n'ai pas à ma charge la police militaire

 28   ni la possibilité de découvrir qui est le perpétrateur d'un acte, qui a

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  1   incendié une maison, par exemple. Moi, je ne comprends pas comment on peut

  2   présenter des choses dans une approche aussi totale.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que le document est arrivé au département

  4   de la Défense le 18 août sous le numéro 693. Il y a le cachet et le tampon

  5   de réception. Dans votre souvenir, est-ce qu'à un moment donné M. Stojic

  6   vous aurait dit ceci : Général Praljak, nous avons eu toute une série de

  7   rapports comme quoi la criminalité est galopante, il y a des faits graves

  8   qui se produisent. Qu'est-ce que l'armée peut faire pour aider la police

  9   militaire, le procureur militaire, la police civile ? Est-ce qu'à un moment

 10   donné vous avez eu une conversation avec M. Stojic, ou vous n'avez pas eu

 11   de conversation sur ce sujet ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'en ai pas parlé avec M. Stojic. Je

 13   n'ai pas parlé de ce sujet.

 14   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,

 15   s'il vous plaît. Il ne s'agit pas d'une objection. Il ne peut y en avoir à

 16   une question d'un Juge, mais je voulais attendre que le témoin réponde. Je

 17   pense simplement que concernant cette hypothèse qui a été avancée par M. le

 18   Président, il faudrait savoir si M. Stojic s'est jamais vu remettre ce

 19   rapport que nous avons sous les yeux ou s'il lui a jamais été adressé. Le

 20   cachet mentionne que ce rapport est arrivé au SIS, mais du point de vue du

 21   protocole et du numéro qui y figure, on ne voit pas qu'il s'agit du

 22   département de la Défense où était M. Stojic. Mais je souhaite très

 23   simplement qu'il figure donc au compte rendu d'audience que rien dans ce

 24   rapport ne permet d'établir que M. Stojic avait connaissance de ce rapport.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est une possibilité que j'avais envisagée et la

 26   réponse catégorique de M. Praljak peut également couvrir le fait que M.

 27   Stojic n'a pas eu connaissance de cela et, ne l'ayant pas eu, il n'en a pas

 28   parlé à M. Praljak. Bon. Donc tout ça est parfaitement logique.

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  1   Monsieur Stringer.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Alors, Général, conviendrez-vous avec moi qu'au mois d'août 1993, le

  4   chef du SIS de la HZ HB était M. Lucic ?

  5   R.  C'est exact. Conformément à toutes les informations dont je dispose,

  6   c'était M. Ivo Lucic.

  7   Q.  Il était un membre du département de la Défense du HVO, n'est-ce pas ?

  8   Il y était rattaché ?

  9   R.  A ma connaissance, oui.

 10   Q.  Alors, Général, si nous revenons au document relatif à la situation à

 11   Prozor, il me semble que vous avez quelque peu oublié quelle était la

 12   position qui avait été la vôtre concernant le 14 août 1993. Peut-être que

 13   vous avez pu vous permettre le luxe d'intervenir et d'être impliqué

 14   simplement dans certaines activités de combat et de limiter votre attention

 15   uniquement à ces événements-là, mais il est un fait, n'est-ce pas, Général,

 16   que lorsque vous avez pris en charge le commandant de l'état-major

 17   principal du HVO, vous avez accepté également l'éventail de responsabilités

 18   beaucoup plus large que les responsabilités relatives uniquement à

 19   certaines opérations de combat. N'est-ce pas exact de dire cela ?

 20   R.  Alors, quelles responsabilités ? Pouvez-vous me citer, en vous fondant

 21   sur quelque document que ce soit, quelles sont les responsabilités

 22   incombant au commandant de l'état-major principal ? Si tel est le cas, nous

 23   pouvons en discuter.

 24   Q.  Dans ce cas-là, parlons de cette responsabilité qui vous incombe à vous

 25   en tant que supérieur hiérarchique des commandants des zones

 26   opérationnelles, par exemple. Il est un fait, par exemple, que tout ce qui

 27   se situe dans cette chaîne de commandement remonte à vous ou part de vous

 28   en descendant vers les zones opérationnelles, pour tout ce qui s'y produit,

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  1   n'est-ce pas ? Et tout ce que nous avons vu se passe dans cette zone

  2   opérationnelle, n'est-ce pas ?

  3   R.  Monsieur Stringer, cela ne se passe pas dans une zone opérationnelle,

  4   mais dans le territoire d'une municipalité.

  5   Q.  Excusez-moi, Général. Alors est-ce que Prozor ne se trouve pas dans la

  6   zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest et ces unités de la

  7   police militaire ne sont-elles pas subordonnées à leur zone opérationnelle

  8   lorsque vous y avez recours dans des opérations de combat ?

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 10   j'ai une objection à cette question, mais en vue d'obtenir un

 11   éclaircissement, car je suppose qu'il s'agit d'une maladresse ou d'une

 12   erreur dans la formulation.

 13   On ne peut pas subordonner ou resubordonner une unité à une zone

 14   opérationnelle car il s'agit d'une entité territoriale. On peut la

 15   subordonner à un commandant donné, en revanche. C'est pourquoi il me semble

 16   que la question est peut-être insuffisamment précise, et peut-être est-ce

 17   la raison pour laquelle le général ne peut y répondre. Lorsqu'on parle de

 18   subordination, c'est toujours relativement à un commandant précis.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer.

 20   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble que le

 21   général sait exactement de quoi je parle.

 22   Q.  Général, vous souhaitez que l'on précise quelles sont les

 23   responsabilités vous incombant. Donc manifestement, vous ignorez quelles

 24   étaient vos responsabilités en votre qualité de commandant de l'état-major

 25   principal du HVO. Est-ce que c'est le chemin que nous sommes en train

 26   d'emprunter ? Vous vous attendez à ce que ce soit moi qui vous précise

 27   quelles étaient les responsabilités vous incombant ?

 28   R.  Non, Monsieur Stringer. Je connais parfaitement les responsabilités qui

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  1   m'incombent, mais ce que je pense c'est que vous-même, soit vous ne savez

  2   rien concernant l'armée, soit vous inventez des choses, soit vous inventez

  3   un cas complètement fictif et particulier pour le HVO qui n'est valable ni

  4   aux Etats-Unis, ni pour l'armée britannique, ni française. Je pense que

  5   vous êtes en train d'inventer un système complètement spécifique peut-être

  6   et ça ne serait pas bon.

  7   Q.  Alors votre position est la suivante, dans ce cas-là, c'est que bien

  8   que vous ayez été le commandant de l'état-major principal du HVO et à ce

  9   titre l'officier supérieur des commandants de vos zones opérationnelles, de

 10   Siljeg, par exemple, que malgré cela, votre seule responsabilité se

 11   limitait au théâtre de certaines opérations de combat particulières, et ce,

 12   au jour le jour ? Est-ce ainsi que je dois comprendre votre déposition ?

 13   R.  Il y a cette responsabilité relative à une unité qui a été mobilisée et

 14   redéployée à un endroit particulier, que l'on fait embarquer dans des

 15   autocars et dans des camions pour se diriger vers un lieu bien précis. A ce

 16   moment-là, cette unité intègre l'aile militaire et c'est là que commence

 17   cette responsabilité. L'unité en question arrive à un lieu précis, se

 18   subordonne à un commandant donné, est déployée dans des tranchées ou dans

 19   des bunkers et c'est là la responsabilité de commandement et du commandant,

 20   du bas au haut de l'échelle.

 21   Q.  Ces unités de la police militaire auxquelles on fait référence ici et

 22   qui sont impliquées dans des opérations de combat où elles se distinguent -

 23   - je voudrais juste vous donner lecture, une fois encore, de ce passage.

 24   Markesic dit :

 25   "Il faut signaler que la police militaire se rend sur le terrain

 26   quotidiennement pour participer à des opérations de combat, si bien que le

 27   crédit gagné parmi la population est gâché ou perdu de par les actions

 28   citées plus haut."

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  1   Alors, Général, je pense que nous pouvons convenir, en nous fondant sur

  2   votre témoignage à ce sujet que ces unités de la police militaire qui

  3   participaient à des opérations de combat sur le terrain étaient

  4   subordonnées à la zone opérationnelle ou à la brigade, du point de vue

  5   opérationnel, à ce moment précis, n'est-ce pas ?

  6   R.  C'est exact. Et à partir du moment où l'on dit précisément à quel

  7   commandant ils sont subordonnés, à quel endroit et pour quelle mission

  8   précise et lorsque cela est achevé, l'unité en question n'est plus

  9   subordonnée à ce commandant et ne s'intègre plus d'aucune façon au système

 10   auquel elle avait été intégrée ou rattachée au moment où cette

 11   subordination cesse.

 12   Q.  Alors, à un moment donné, vous avez déclaré, vers le début de votre

 13   interrogatoire principal, la chose suivante : Malgré leur subordination à

 14   la zone opérationnelle à cet effet, ces hommes demeuraient des policiers

 15   militaires et se trouvaient toujours appartenir à la structure de la police

 16   militaire et de son administration, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Alors, la police militaire à laquelle on se réfère ici était partie

 19   prenante à des opérations de combat pendant la journée, et pendant qu'ils

 20   n'étaient plus en service pendant la nuit, ils participaient, ces mêmes

 21   hommes, à des activités criminelles. Par conséquent, dans les zones

 22   opérationnelles où les commandants utilisent ces unités sur le terrain, ces

 23   mêmes commandants ont la responsabilité de ces mêmes unités de la police

 24   militaire lorsqu'elles se livrent à des activités criminelles en dehors de

 25   leur service, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non, ce n'est pas exact. Ils ne couraient pas dans une direction

 27   pendant le jour et puis dans une autre pendant la nuit. On dit ici que

 28   l'offensive musulmane s'est quelque peu apaisée le 14 et c'est pourquoi

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  1   j'ai quitté la zone. A l'époque -- alors, laissez-moi répondre, s'il vous

  2   plaît. Je vous ai dit que la période temporelle devait être très

  3   précisément déterminée, que l'on disait à qui ils étaient subordonnés, à

  4   quel endroit et pour quelle mission. Ce n'était pas pour deux heures

  5   simplement, mais dans des conditions très précises.

  6   Q.  Et pendant la période de cette subordination, ce que vous nous dites

  7   c'est que personne ne répond des actes qu'ils pourraient commettre, des

  8   crimes qu'ils commettent ?

  9   R.  Pendant la durée de cette subordination, ils répondent au commandant

 10   qui a autorité sur eux, qui leur donne des ordres. Mais lorsque l'on

 11   établit l'existence d'irrégularité, les sanctions incombent à la structure

 12   au sein de laquelle ils se trouvent. Par conséquent, le commandant, s'il

 13   apprend l'existence de tels actes, a l'obligation d'en référer.

 14   Q.  Alors ces unités de la police militaire dont il est question ici, vous

 15   nous dites que pendant la durée de leur subordination à la zone

 16   opérationnelle, les responsables représentant la zone opérationnelle ne

 17   peuvent rien faire pour leur demander de rendre des comptes en raison de

 18   crimes de guerre qu'ils ont commis et qu'en revanche, ce n'est que

 19   l'administration de la police militaire qui peut entreprendre quelque chose

 20   après la fin de cette resubordination ?

 21   R.  Cela dépend du type d'infraction pénale dont il s'agit. Donc un

 22   commandant qui a été présent lors de la commission d'une infraction pénale,

 23   par exemple, un meurtre, peut et doit procéder à une arrestation, désarmer

 24   le perpétrateur, et cetera. Et il doit également en référer au supérieur

 25   hiérarchique qui ensuite devra diligenter une enquête, entreprendre les

 26   mesures nécessaires pour que ces perpétrateurs soient poursuivis et jugés,

 27   comme cela est fait partout ailleurs dans le monde.

 28    Q.  Général, vous nous décrivez là un processus extrêmement idéalisé, mais

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  1   personne ne s'intéressait vraiment à ce que les choses se passent ainsi. La

  2   seule chose qui vous intéressait c'est de pouvoir recourir à ces unités

  3   dans vos opérations de combat et ça ne vous intéressait absolument pas de

  4   les punir. Vous ne vous intéressiez à rien d'autre que de pouvoir recourir

  5   à eux dans des opérations de combat, n'est-ce pas ?

  6   R.  Non, c'est inexact, Monsieur Stringer. Je ne peux pas faire quelque

  7   chose dont je n'ai même pas été informé. Et dans ces conditions que nous

  8   connaissons bien où il faut engager une énergie, un temps considérable, si

  9   vous êtes en train d'opérer du cœur un patient, vous ne pouvez pas, tout

 10   d'un coup, dire, on va maintenant arrêter et puis on va faire autre chose.

 11   Je répète encore une fois qu'on ne peut pas comprendre toute l'étendue du

 12   problème si on ne comprend pas l'intensité de l'offensive musulmane à cet

 13   instant précis et l'importance de leurs effectifs, ainsi que les problèmes

 14   posés par la présence de 15 000 réfugiés et d'une armée en train de fuir

 15   aussi. C'est tout simplement impossible.

 16   Q.  Alors vous êtes au courant des réfugiés de Bugojno, Général. Et il est

 17   un fait que vous êtes parfaitement au courant de ce qu'était la situation à

 18   Prozor. Vous savez que ces réfugiés ont été déplacés pour être placés en

 19   centre de détention et pour faire de la place pour des réfugiés croates.

 20   Vous savez que les Musulmans ont été terrorisés et liquidés. Mais il est

 21   également un fait que vous n'avez rien fait à ce sujet, que cela ne vous

 22   intéressait pas, que la seule chose qui vous intéressait c'était de mener

 23   vos opérations de combat; n'est-ce pas là la vérité ?

 24   R.  Non. Vous inventez, Monsieur Stringer, complètement. C'est absolument

 25   inexact ce que vous dites. Et vous le répétez pour la cinquantième fois, et

 26   moi, pour la cinquantième fois je vous dis que ce n'est pas vrai, que la

 27   situation n'était pas telle que vous la décrivez. Voyez également le

 28   document suivant et vous verrez.

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  1   Q.  Alors, ce que vous avez dit dans votre déposition le 12 mai de cette

  2   année, au début de votre interrogatoire principal, est la chose suivante,

  3   vous avez parlé du recours à la police militaire :

  4   "J'ai dit de façon très précise qu'un tel recours à la police militaire

  5   entraînait une diminution considérable de l'aptitude de la police militaire

  6   pour ce qui est de s'acquitter de ses tâches, des tâches lui incombant en

  7   temps normal et qu'il en résulterait logiquement une recrudescence de la

  8   criminalité. Il était également à prévoir une diminution du nombre de

  9   perpétrateurs arrêtés pour ce qui est des crimes commis."

 10   Vous souvenez-vous de cette déposition, de cette déclaration que vous avez

 11   faite ?

 12   R.  Oui, je m'en souviens, c'est ce que j'ai dit.

 13   Q.  Donc ce que vous êtes en train de me dire c'est que vous avez pris une

 14   décision tout à fait consciemment, vous avez fait le choix de recourir à la

 15   police militaire dans des opérations de combat en sachant pertinemment que

 16   cela entraînerait très probablement une recrudescence de la criminalité,

 17   comme on le voit dans ce document, criminalité dirigée contre la population

 18   civile, n'est-ce pas ?

 19   R.  Mon choix a été conscient, rationnel, raisonnable et je l'assume

 20   aujourd'hui encore, car tout commandant de toute armée aurait pris la même

 21   décision, qu'il s'agisse d'un Américain ou de quelqu'un d'autre, puisque le

 22   devoir premier qui lui incombe est d'empêcher la chute que nous aurions

 23   connue si je n'avais pas agi ainsi. Quant à la connaissance dont je

 24   disposais, comme la connaissance de toute autre personne, par exemple, dans

 25   une situation où vous recourez à la police de New York, vous l'engagez dans

 26   une certaine mission, et puis il n'y a plus de courant, vous avez tout d'un

 27   coup une recrudescence de la criminalité, c'est quelque chose de tout à

 28   fait prévisible. Vous allez avoir des milliers de crimes qui seront commis,

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  1   des voleurs, des meurtriers vont agir ou tout au moins, un grand nombre

  2   d'entre eux vont en profiter pour agir, et il n'y a rien que vous pourriez

  3   faire contre cela, et cela ne signifie pas que vous allez laisser, par

  4   exemple, les Japonais vous vaincre plutôt que de recourir à la police pour

  5   empêcher cela.

  6   Q.  Pour ce qui est de justifier vos décisions, la question est un peu plus

  7   complexe, parce que vous aviez besoin de ces unités de la police militaire

  8   pour combattre et vous saviez que si vous les sanctionniez, si vous les

  9   punissiez, les mettiez aux arrêts, vous les retireriez du théâtre des

 10   opérations pour qu'ils ne soient plus en train de prendre pour cible la

 11   population civile et que vous perdriez de bons combattants, donc vous avez

 12   décidé de les maintenir en tant que combattants et de tolérer les crimes

 13   qu'ils commettaient, n'est-ce pas ?

 14   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi. J'ai juste une brève

 15   objection.

 16   Le Procureur parle constamment d'unités de la police militaire. Jusqu'à

 17   présent je me suis tue mais il faut vraiment que je me lève maintenant car

 18   dans aucun des documents que nous avons examinés jusqu'à présent nous

 19   n'avons vue cette notion d'unités. Nous avons vu des cas qui sont cités où

 20   on parle de policiers militaires et de soldats. Est-ce qu'ils étaient au

 21   nombre de cinq, de six, de deux, qui, pendant toute la durée de cette

 22   période, ont entraîné des désordres. Nous l'ignorons. Nous ne savons pas

 23   qui étaient ces hommes, quels étaient leurs noms et quel était leur nombre.

 24   Il n'y a pas du tout ici la moindre notion d'unités. Si le Procureur sait

 25   de quelles unités il s'agit, qu'il le dise. Qu'il dise : je dispose

 26   d'informations indiquant qu'il s'agit de telle et telle unité, de tels et

 27   tels effectifs, et qu'il continue en posant ainsi la question au général

 28   Praljak. Mais cette façon de présenter les choses en parlant d'unités est

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  1   tout à fait absurde. Il faut, si l'on veut parler d'unités, dire de combien

  2   d'hommes il s'agit et de quelles unités il s'agit. Nous ne voyons pas du

  3   tout cela dans les documents.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite par ailleurs dire qu'il y a un

  5   nombre considérable, comme partout, un nombre considérable de policiers

  6   militaires qui se sont battus tout à fait dignement et honorablement et qui

  7   ont accompli leur devoir de façon tout aussi honorable, la très grande

  8   majorité d'entre eux. Il y a eu, en vertu d'une loi purement statistique et

  9   logique, des individus parmi eux qui ont commis des crimes, et l'on pouvait

 10   s'attendre également de façon tout à fait logique et statistique à une

 11   augmentation de la criminalité, mais des policiers militaires qui se sont

 12   bien battus, qui ont été blessés, qui ont été tués au combat, ils ont

 13   constitué l'énorme majorité, à vrai dire.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je reviendrai là-dessus quand je poserai -- j'ai

 15   quelques questions à poser, mais je laisse M. Stringer terminer.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Je voudrais juste répondre très brièvement

 17   au conseil. Nous parlons de la pièce P 04177. Je parle des crimes et de la

 18   police militaire auxquels il est fait référence dans ce document.

 19   Monsieur le Président, j'en ai terminé avec mes questions concernant ce

 20   document. Peut-être la Chambre a-t-elle des questions à son sujet.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, j'ai quelques questions.

 22   Je suis sur ce rapport qui est fait par Luka Markesic, et a priori, je n'ai

 23   aucun élément me permettant de penser qu'il ne reflète pas l'exacte

 24   situation. Je constate qu'il y a beaucoup de détails et donc je pars a

 25   priori d'une situation qui se déroule comme il l'écrit. En lisant ce

 26   rapport, je constate qu'il y a six personnes dont il faut examiner le rôle.

 27   Ce rapport fait état du président du HVO de Prozor. La deuxième personne,

 28   c'est le commandant de la brigade. La troisième personne qui semble jouer

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  1   un rôle, c'est le commandant de la police militaire. La quatrième personne,

  2   c'est le commandant de la police civile, car il y a des faits commis par la

  3   police civile. La cinquième personne, c'est le directeur de la prison, Mato

  4   Zadro [phon] qui lui dénonce des faits. Et la sixième personne, c'est

  5   l'auteur de ce document.

  6   Partant de là, lorsqu'on regarde le document, on constate que l'auteur du

  7   rapport met en cause le président du HVO et le commandant de la police

  8   militaire, et il dit que le commandant de la police militaire s'est placé

  9   sous les institutions de la municipalité, le HVO, le président du HVO, et

 10   du commandant de la brigade. Et il cite une preuve en disant que quand

 11   quelqu'un quitte la municipalité, il faut qu'il y ait la signature et le

 12   sceau du président du HVO. Donc on est dans une situation très particulière

 13   à Prozor. Quand on regarde ce document, on a l'impression que l'autorité

 14   municipale incarnée par le président du HVO joue un rôle important et que

 15   le commandant de la police militaire s'est mis en quelque sorte sous ses

 16   ordres. Mais là encore, il ne peut rien se passer. Malheureusement, comme

 17   le dit le document, il se passe énormément de choses et notamment des

 18   pillages de convois et le commandant de la police militaire ouvertement dit

 19   qu'il a été autorisé à piller les convois.

 20   Le document dit également que la police militaire participe à des combats,

 21   donc on peut comprendre qu'à ce moment-là, en liaison avec le commandant de

 22   la brigade, ils participent à des combats, puis après ils vont se livrer à

 23   des activités criminelles. C'est ce que nous dit le document.

 24   Partant de là, à votre connaissance, le président du HVO de Prozor, quelle

 25   personnalité avait-il ? Un individualiste, quelqu'un qui avait sa propre

 26   politique, qui faisait ce qu'il voulait, qui n'obéissait à personne, ou

 27   bien était-il étroitement dépendant de la structure civile du HVO ? Si vous

 28   ne savez pas, vous dites "je n'en sais rien" et je passe à une autre

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  1   question.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ignore, Monsieur le Président. Je

  3   répéterai 100 fois s'il le faut que l'intensité des combats qui avaient

  4   lieu avec les unités qu'on a décrites à l'époque où je me trouvais sur

  5   place, si vous vous référez au document suivant, par exemple, cela

  6   représentait un tel engagement de temps, d'énergie, de force, qu'après 20

  7   heures de travail quotidien dont je m'acquittais en passant en revue la

  8   ligne de front et en faisant toutes les autres tâches qui m'incombaient, je

  9   m'écroulais tout simplement pour essayer de dormir un peu. Je ne pouvais

 10   tout simplement pas faire plus que ce que j'ai fait et je répondais pour ce

 11   dont je devais répondre. On ne peut pas inventer un système qui ne

 12   correspond pas du tout à la réalité, enfin, selon moi, chacun procède comme

 13   il le souhaite.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez vu que tout à l'heure l'avocate de M.

 15   Coric a soulevé la question : mais c'est qui ces unités de police militaire

 16   ? La police militaire qui est mentionnée ici, d'après vous, est-ce que ce

 17   sont des gens qui dépendent de la chaîne de commandement de la police

 18   militaire avec à la tête M. Coric, ou bien ce sont des personnes qui se

 19   qualifient policiers militaires parce qu'ils sont dans la Brigade de

 20   Prozor, la Brigade Rama, et ils se sont baptisés police militaire sans pour

 21   autant dépendre de M. Coric ? Vous pouvez nous renseigner ou c'est

 22   impossible ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble qu'ils appartenaient à un

 24   bataillon de la police militaire qui se trouvait appartenir à la structure

 25   de commandement de M. Coric.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc pour vous ils appartenaient à un bataillon

 27   qui relevait de la structure de commandement de M. Coric. Bien.

 28   Vous me dites qu'au mois d'août, la situation sur le plan militaire était

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  1   tellement grave que vous, vous étiez uniquement occupé au combat et dans

  2   ces combats la police militaire jouait un rôle, ce qui fait que vous ne

  3   vous êtes pas occupé de tout cet aspect. Bon. Et M. Stringer a insisté, et

  4   il a eu raison, parce qu'il voulait que vous précisiez si vous vous sentiez

  5   responsable de la police militaire, et j'ai cru comprendre que votre

  6   réponse c'est dire, Non, sauf quand ils sont subordonnés à une brigade qui

  7   est placée sous mon autorité. C'est ça votre réponse ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors si j'analyse, quand ils sont subordonnés

 10   à une brigade et qu'ils combattent, là, si jamais ils commettent un crime,

 11   là vous avez un rôle à jouer. Mais quand ils ne sont plus subordonnés et

 12   ils sont de retour chez eux dans leurs maisons, en permission de sortir ou

 13   dans un café, à ce moment-là vous dites, Moi, je n'ai rien à voir, ce n'est

 14   pas mon rôle ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, le commandant ne répond plus. Je

 16   veux dire, s'il apprend quelque chose, il entreprendra quelque chose, mais

 17   là il va y avoir l'enquête et des poursuites engagées par d'autres organes.

 18   Et encore une fois, si on voit que ça s'est produit il faut protéger le

 19   bâtiment, et cetera. Mais tout cela c'est au conditionnel, si, si, si. Et à

 20   ce moment-là par les temps qui courraient ce n'était pas possible.

 21   Et M. Stringer me posera des questions sur le document suivant et il verra

 22   que j'ai considérablement amélioré la situation sur le terrain, comme dans

 23   toutes les situations où je me suis trouvé. J'ai cherché à persuader, à

 24   m'entendre, à empêcher la chute de Vakuf, et cetera.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause, il nous reste encore quelques

 26   minutes.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, je vous écoute cet

 28   après-midi et je me souviens qu'à un moment donné M. Stringer vous a soumis

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  1   que vous étiez au courant du fait qu'en envoyant la police militaire au

  2   front ça aurait normalement causé une escalade de la criminalité. Donc il

  3   estimait que vous étiez au courant de cela et vous, vous dites que c'était

  4   inévitable, que la situation était tellement tendue et que la nécessité de

  5   combattre l'ennemi justifiait le fait de verser les policiers au combat, ce

  6   qui exposait les civils à un plus grand risque de subir la criminalité.

  7   Est-ce que je vous ai bien compris ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Malheureusement, il en a été

  9   ainsi. Vous avez bien compris. Donc ce que j'avais su précédemment sur la

 10   criminalité, des centaines de chiffres, de données que j'avais reçues sur

 11   le code pénal, la criminalité, le nombre de policiers, je savais, je ne

 12   suis pas idiot. Donc si on réduisait le nombre de policiers militaires sans

 13   doute ça allait être comme dans tout autre ville du monde, ça allait causer

 14   plus de crimes de commis. Ça j'en étais conscient. Mais sur le plan

 15   militaire la situation exigeait qu'une partie de ces forces de policiers

 16   militaires soit versée au combat. J'ai demandé d'avoir le droit de les

 17   engager, donc un droit de principe, et c'est ce que j'ai fait,

 18   malheureusement, il en a été ainsi.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit qu'en raison des nécessités dues au

 20   combat, vous envoyez la police militaire sur la ligne de front. Mais je

 21   vais au niveau de Prozor, si vous aviez su ce qui se passait, tel qu'est

 22   décrit le document, vols, viols, incendies, attaques de convois, policiers

 23   militaires corrompus, tout ce qui est décrit, si vous aviez su cela, est-ce

 24   que néanmoins vous auriez dit, Allez au combat, en sachant que le fait de

 25   dire, Au combat, ça allait accroître la commission des crimes. Puisque si

 26   les policiers militaires sont au combat, ils n'exercent pas un certain

 27   contrôle, reste néanmoins les policiers civils qui eux commettent des

 28   crimes. Parce que le document n'est pas uniquement consacré aux policiers

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  1   militaires, mais concerne aussi la police civile. Alors est-ce que dans

  2   cette hypothèse, ayant connaissance de ce document, vous les auriez

  3   néanmoins envoyés au combat ?

  4   La question est peut-être difficile, je ne vous oblige pas à répondre. Vous

  5   pouvez dire, Je n'en sais rien. Donc j'essaie de voir quelle aurait été

  6   votre réaction.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une question difficile, Monsieur le

  8   Président Antonetti, c'est une question très difficile, mais de bonne foi

  9   et pour autant que je puisse je vais vous répondre.

 10   A un moment donné, il est exact de dire que même la police civile je l'ai

 11   prise pour l'emmener au front parce qu'il y a eu un endroit, la percé du

 12   front, donc il y avait le risque tout comme le 2 -- du 1er au 2, il y a eu

 13   la chute de Vakuf, 30 kilomètres de front sont tombés. Et moi, j'étais sur

 14   un char à la mitrailleuse, j'étais le premier dans un premier temps à

 15   défendre, à rattraper cette ligne. Après ils sont venus, mais tout le monde

 16   s'était enfui. Ils ont incendié tous les entrepôts, leurs propres maisons,

 17   voire même un entrepôt de munitions, ils l'ont fait sauté. Ils ont égorgé

 18   leur propre bétail pour qu'il ne soit pris par les Musulmans. Donc dans une

 19   telle situation et en ayant à l'esprit ce qui s'était passé à Bugojno,

 20   probablement j'aurais envoyé cette police, quelle qu'elle soit avec moi, et

 21   qu'ils répondent par la suite de ce qu'ils ont fait comme crime. Mais là

 22   vous aviez 40 000 personnes qui se sont trouvées engagées dans une

 23   catastrophe.

 24   Enfin probable, honnêtement je vous dis que dans une telle situation,

 25   même une telle police, si je l'avais su -- mais quand on dit "police

 26   militaire", plus tard, en 1994 - le colonel Skender en parlera, je pense,

 27   un officier haut gradé de la légion étrangère - vous avez eu un conflit

 28   entre deux unités du HVO, deux morts, cinq blessés. Et ils m'ont appelé

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  1   pour que je calme la situation.

  2   Donc on ne peut pas vivre en dehors du monde tel qu'il se présente.

  3   C'est en tout honneur que je me suis acquitté de mes obligations. Mais il

  4   aurait fallu se trouver là-bas.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, terminez avec le dernier document

  6   avant l'unique pause de cette journée.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Est-ce à 16 heures, Monsieur le

  8   Président ?

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : "Yes."

 10   M. STRINGER : [interprétation] Juste pour enchaîner, suite à quelques

 11   déclarations que nous avons entendues de la part du général depuis quelques

 12   instants. Page 39 943, s'il vous plaît, du compte rendu d'audience par le

 13   programme sanction, si vous pouvez afficher cela.

 14   Q.  Le Président vient de vous poser une question, Général, il vous a

 15   demandé qui avait la responsabilité des unités de la police militaire, et

 16   vous avez dit :

 17   "Je crois qu'ils appartenaient au bataillon de police militaire qui faisait

 18   partie de la chaîne de commandement de M. Coric."

 19   C'est à la page 39, ligne 10. Alors, à l'écran vous avez la

 20   transcription de ce que vous avez dit en l'espèce plus tôt. Voilà ce que

 21   vous avez dit en parlant de la même chose. Vous avez dit :

 22   "Il est également vrai…"

 23   Ligne 17, je cite :

 24   "Il est également vrai que compte tenu d'une offensive intense menée par

 25   l'ABiH, j'ai demandé de la part de Mate Boban, et après également de la

 26   part de Bruno Stojic, qui était la deuxième instance, qu'une partie de la

 27   police militaire soit placée à ma disposition et prenne part à la défense.

 28   C'était toujours des officiers de police militaire, mais sur le plan

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  1   opérationnel, c'était moi leur commandant."

  2   Donc vous avez laissé entendre qu'ils faisaient partie de la chaîne de

  3   commandement de Coric à l'instant, mais le fait est, Général, que pour ce

  4   qui est des crimes commis par les policiers militaires subordonnés à vous à

  5   des fins opérationnelles, c'était vous qui aviez la responsabilité de ces

  6   crimes et de vous occuper de ces crimes dans la zone opérationnelle. N'est-

  7   ce pas vrai ?

  8   R.  Non, non. La subordination opérationnelle, je l'ai expliquée par cinq

  9   fois. Je ne sais pas combien de fois faut-il le faire pour que vous --

 10   Q.  Très bien, merci. Donc je vous soumets la chose suivante : vous étiez

 11   au courant de ces crimes, mais, Général, vous êtes en train de nous dire

 12   que même si vous étiez au courant, vous n'aviez aucune responsabilité, il

 13   ne vous appartenait pas de vous occuper de ces auteurs de crimes ?

 14   R.  Je ne peux plus formuler de commentaires suite à vos questions

 15   hypothétiques. Si vous aviez su telle ou telle chose, tout cela, ce sont

 16   des conjectures à un degré tel que je n'ai pas de réponse à votre question.

 17   Je me refuse de répondre à des questions hypothétiques.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, parfois, je formule des hypothèses.

 19   Tout le monde peut formuler des hypothèses. Bon. Là, le Procureur formule

 20   une hypothèse. Il vous dit, elle est très claire : Si vous aviez eu

 21   connaissance de crimes à l'époque, qu'est-ce que vous auriez fait ? C'est

 22   facile à répondre. D'ailleurs, vous aviez répondu tout à l'heure dans

 23   l'hypothèse que j'avais formulée.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, mais il y a

 25   30 ou 40 minutes que nous avons réglé cette question. Si j'avais su ce qui

 26   est écrit dans ce document, l'auteur de ce document, je lui aurais dit :

 27   Agis d'office. Il t'appartient de savoir de qui il s'agit, de faire saisir

 28   le procureur, que ton supérieur le long de la ligne du SIS qui a la

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  1   responsabilité de la sécurité de la police militaire relève de leurs

  2   fonctions enquête, mette en prison, et cetera. Donc l'auteur de ce document

  3   est tenu d'agir d'office, pas Praljak, pas quelqu'un d'autre.

  4   Donc c'est un agent du FBI qui s'adresse à quelqu'un d'autre en disant :

  5   Voilà, nous avons un certain nombre de problèmes. Mais non, c'est à eux

  6   d'identifier les problèmes, d'apporter les preuves, de remettre cela au

  7   procureur aux Etats-Unis qui traduira devant la justice cet homme. Donc on

  8   opère une confusion. On inverse les thèses, ici. On écrit quelque part :

  9   une centaine de véhicules ont été incendiés dans la banlieue parisienne, et

 10   quoi maintenant ? Donc un policier qui rédige un document de ce type-là.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je voudrais que l'on s'attarde un

 12   petit peu sur ce point.

 13   Vous auriez dit au responsable de faire son devoir. Et ça aurait été qui ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Le SIS a la responsabilité de la sécurité, le

 15   service de Sécurité.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien, merci. Vous avez emmené

 17   et prélevé une partie importante de policiers militaires. Comment est-ce

 18   qu'ils auraient pu faire cela ? Ils n'avaient pas la capacité de le faire.

 19   Comment est-ce qu'ils auraient pu le faire, puisque vous avez prélevé leurs

 20   moyens, leurs effectifs, pour qu'ils combattent la criminalité ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 14 août, cet homme écrit : La situation

 22   s'est calmée. Donc, bien sûr, ils ont repris leurs postes. Et ils peuvent,

 23   même s'il y a eu des lacunes, des défaillances, le faire à posteriori,

 24   faire amener les auteurs des infractions.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ça n'aurait pas véritablement

 26   aidé les victimes, mais c'est une démarche possible.

 27   Le Président Antonetti vous a soumis une question hypothétique. Donc si

 28   vous aviez su ce qui était en train de se produire, non pas ce que vous

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  1   auriez fait, mais est-ce que vous auriez agi de la même façon ? Donc si

  2   vous aviez été mis au courant de manière plus détaillée et plus précise des

  3   crimes commis, est-ce que néanmoins vous auriez donné l'ordre d'envoyer les

  4   policiers au front ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais j'ai déjà répondu. La question est

  6   difficile, mais imaginons que dans toute l'Herceg-Bosna, par la chute de

  7   Vakuf et Prozor, il se produit ce qui est arrivé à Bugojno, à Travnik, ce

  8   qui est arrivé aux Croates, il est très probable que j'aurais agi de cette

  9   manière, que j'aurais pris tout homme armé pour empêcher la chute puisqu'à

 10   ce moment-là, je suis le commandant qui a une priorité, comme tout

 11   commandant de toute armée, cette priorité de ne pas subir une défaite,

 12   défaite par rapport à son armée et à son peuple. Avant cela, on a eu

 13   Konjic, on a eu Travnik. Donc placer son armée et son peuple dans une

 14   situation où il y a des centaines de morts, d'expulsés, et cetera. Donc il

 15   est très probable, Monsieur le Juge Trechsel, qu'en dépit de ces

 16   connaissances, donc d'informations, j'aurais agi de la même façon. Je ne

 17   voudrais pas vous mentir. C'est très probable. Bien sûr, on ne peut pas

 18   affirmer avec une certitude totale.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur Praljak. Nous

 20   semblons communiquer mieux aujourd'hui parce que là encore, vous avez

 21   répondu à ma question. Merci.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, je vous assure que

 23   c'est ce que je cherche à faire à tout moment. Si je n'y réponds pas, ce

 24   n'est pas parce que je cherche à éviter la réponse, mais c'est parce que ça

 25   dure trop longtemps et c'est trop complexe pour qu'on puisse éviter tout

 26   malentendu, et non pas parce que je souhaiterais qu'il y ait des

 27   malentendus.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause parce qu'on risque d'être en

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  1   bout de bande. Donc on va faire 20 minutes et puis on reprendra vers 16

  2   heures 20, et on arrêtera à 18 heures.

  3   --- L'audience est suspendue à 16 heures 03.

  4   --- L'audience est reprise à 16 heures 23.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, vous avez la parole.

  6   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie. Excusez-moi, j'étais en

  7   train de vérifier ce qu'il en est de la pièce suivante, pour être sûr qu'on

  8   pourra tous voir cette pièce.

  9   Nous avons beaucoup parlé de la P 034 -- excusez-moi, 4177. Pendant

 10   la pause, je suis arrivé à la conclusion que nous avons épuisé ce document.

 11   C'est le point de vue de l'Accusation et il est temps de passer à un sujet

 12   différent. Le sujet suivant, c'est un document que nous avons aperçu hier

 13   et je souhaite revenir à l'examen de celui-ci.

 14   Q.  Général, 3D 00484. Général, c'est un de vos documents. C'est un

 15   rapport, vous en avez parlé pendant l'interrogatoire principal, à son

 16   début. C'est un rapport d'Ante Prkacin sur les efforts déployés par lui

 17   pour atteindre la ligne de front de Jajce, en octobre 1992.

 18   R.  Oui.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience,

 20   Monsieur le Président, il me semble que la Défense Praljak sera d'accord

 21   avec moi là-dessus, la première traduction faite de ce document, il y a

 22   assez longtemps, d'après ce que j'ai compris par la Défense Praljak, ce

 23   n'était pas la plus parfaite des traductions. Donc nous avons une nouvelle

 24   version de la traduction. Nous avons fait la distribution, nous l'avons

 25   communiquée à toutes les parties, y compris aux Juges de la Chambre. C'est

 26   également téléchargé dans le prétoire électronique ou c'est en train d'être

 27   téléchargé. Donc voilà la traduction. Nous avons une double interligne ici,

 28   pour être certain que c'est bien du même document que nous parlons, et en

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  1   haut, à droite, ET 3D 19-0240. Juste pour m'assurer que nous avons la

  2   nouvelle traduction faite par le Tribunal, pas l'ancienne. La traduction

  3   que vous avez à l'écran, ce n'est pas la bonne. La traduction exacte, donc,

  4   n'est pas encore dans le prétoire électronique. Si nous sommes tous

  5   d'accord, je peux continuer. Nous travaillerons avec des copies papier. En

  6   fait, nous pouvons faire afficher par sanction la bonne traduction.

  7   Q.  Général, reprenons ce que vous avez dit précédemment, page 41 851 du

  8   compte rendu d'audience de votre déposition, le 23 juin de cette année.

  9   C'est ce que vous avez témoigné, c'est ce que vous avez dit et vous parlez

 10   de la chute de Jajce. Et je voudrais contester ce que vous en dites et je

 11   voudrais le faire sur la base de ce rapport.

 12   Je vais vous donner lecture d'une partie de votre déclaration du mois

 13   de juin portant sur la chute de Jajce. Vous avez dit :

 14   "Jajce est tombé entre les mains des Serbes, une unité vient de Croatie.

 15   Elle comporte environ 270 hommes, à 80 % des Musulmans et à 20 % des

 16   Croates et ce sont des volontaires qui se sont portés volontaires pour

 17   apporter leur contribution à la défense de Jajce."

 18   Puis, je vais passer quelques lignes. Puis vous dites :

 19   "Cette unité conjointe, avec une telle composition ethnique, n'a pas

 20   pu parvenir en Bosnie centrale jusqu'à Travnik parce que les unités

 21   musulmanes et les hommes politiques musulmans empêchaient ces hommes d'y

 22   arriver. Ils ont passé trois journées à bord d'un bus en route de Gornji

 23   Vakuf à Travnik. On leur a fait subir de mauvais traitements et ça a été le

 24   début d'une préparation organisée de la part de l'armée de Bosnie-

 25   Herzégovine et de certains faisant partie de la direction du SDA pour la

 26   conquête future de la Bosnie centrale.

 27   Puis, je saute quelques lignes :

 28   "Ça a été une nouvelle terrible, terrible et c'était très étonnant;

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  1   et en fait, cela reflétait les tendances sur le plan militaire et politique

  2   parmi les Musulmans et c'est ce que j'affirme."

  3   Donc, Général, je voudrais contester ce témoignage. Je voudrais

  4   étayer mon propos à l'aide du rapport de M. Prkacin. Donc il essaie

  5   d'arriver de Grude à Jajce. Il dit que son déplacement commence le 28

  6   octobre 1992 et vous voyez, au tout début du document, la deuxième phrase,

  7   il dit :

  8   "Le premier problème, même si ce n'était pas un problème majeur,

  9   c'est quelque chose qui s'est produit au poste de contrôle, à 7 ou 8

 10   kilomètres entre Tomislavgrad et Prozor, au moment où la police militaire

 11   du HVO n'a pas accepté notre laissez-passer, c'est-à-dire l'ordre signé,

 12   approuvé par M. Petkovic, qui était le chef d'état-major du HVO. Ils ont

 13   exigé que l'on procède à un compte, qu'on dresse une liste de soldats. Et

 14   l'un des soldats m'a demandé : 'Est-ce qu'il y a des Balijas ? Je les

 15   tuerai tous.' Et compte tenu de la composition de l'unité, cette question a

 16   été plutôt bizarre."

 17   Et puis, il dit que dans la suite des événements, Prkacin a pu

 18   résoudre la situation et ils ont pu passer.

 19   Donc avant de passer à autre chose, Général, vous avez dit dans votre

 20   déposition qu'il est vrai que ce groupe de soldats que Prkacin emmène à

 21   Jajce, que c'était surtout des Musulmans; c'est exact ?

 22   R.  C'est exact, à 80 %, je pense, c'était des Musulmans.

 23   Q.  D'accord. Et c'est un groupe de militaires du HVO, ce sont surtout des

 24   Musulmans; Ante Prkacin les emmène. Est-ce que ce sont des hommes qui

 25   seraient passés récemment du HOS dans les rangs du HVO et que M. Prkacin

 26   avait eu à voir avec eux pendant les mois qui ont précédé ?

 27   R.  Pour l'essentiel, c'était des volontaires arrivés de Croatie, ceux

 28   qu'avait amené M. Prkacin. C'était des volontaires du HOS. Ils n'ont pas

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  1   rejoint le HVO, ils sont restés le HOS et parmi eux, il y avait à peu près

  2   80 % de Musulmans; et à Capljina, il y a eu le recomplètement pour aller

  3   vers la Bosnie centrale.

  4   Q.  Donc quelques lignes plus loin, Prkacin dit :

  5   "Nous sommes arrivés à Prozor vers 7 heures parce que la situation sur la

  6   route était très difficile."

  7   Il dit : "J'ai pris contact avec Glasnovic et puis deux autres groupes et

  8   cette section antiterroriste de 30 hommes de Siroki Brijeg, avec d'autres,

  9   étaient en train de m'attendre." Puis, il dit : "Nous avons attendu pendant

 10   deux heures à peu près à ce que les hommes soient prêts et nous avons

 11   attendu longtemps pour trouver un véhicule pour transporter 20 hommes."

 12   Puis il dit qu'ils ont pris la route pour Vakuf vers 20 heures et

 13   qu'à leur tête il y avait la police. Puis il dit qu'ils sont arrivés à

 14   Bugojno et que c'est de manière conjointe, par la police militaire du HVO

 15   et l'ABiH, que le contrôle a été exercé, et que l'ABiH a demandé une

 16   demande écrite de passage afin de répondre par écrit.

 17   Puis, le paragraphe suivant, il évoque une rencontre avec le

 18   commandant Sead Dautovic, c'est un commandant de l'ABiH, il l'a bien

 19   accueilli mais il a demandé une liste de soldats et ça a été refusé.

 20   Et pour ce qui est des lignes qui suivent, il parle de Dautovic qui

 21   entre en contact avec M. Lendo. Je pense que vous avez parlé de ce monsieur

 22   à un moment donné. Et en fin de compte, on donne un laissez-passer à

 23   Prkacin. Il dit que c'était plutôt étrange, car une escorte policière

 24   allait leur être donnée et une escorte par le groupe antiterroriste qui

 25   allait les protéger, mais en fait, avait pour mission de les détruire si

 26   jamais leurs hommes prenaient une position de manière inquiétante. Et

 27   Prkacin dit qu'il a accepté cela quasiment sans poser aucune condition

 28   puisqu'il voulait arriver au plus vite à Jajce mais que la réaction a été

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  1   forte parmi les membres de la police du HVO. Ils ont dit que c'était

  2   inacceptable. Donc il décrit quelles sont les difficultés qu'ils ont

  3   rencontrées, les conditions avec ce passage du HVO.

  4   Puis, il parle de Bugojno. Il dit qu'il y avait MM. Suvalic et Bilos

  5   qu'il a trouvés au QG de la police militaire de Bugojno. Et il dit qu'ils

  6   n'ont pas vraiment apprécié la situation et que c'est peu dire. Puis, il

  7   parle aussi d'un groupe antiterroriste de Siroki Brijeg qui comptait 30

  8   hommes. Et puis il dit :

  9   "Il y avait un autre groupe de ce type. Leur commandant est venu me

 10   demander la permission d'attaquer des membres de l'ABiH qui nous ont

 11   encerclés. Predrag Mandic (Lija), le chef du groupe de Siroki Brijeg, a

 12   fait quelque chose de comparable. Il m'a dit qu'il était prêt et qu'il

 13   fallait que je leur donne le signal quand le moment est bon."

 14   Et puis il dit qu'ils sont revenus à Bugojno et des représentants de

 15   l'ABiH, Dautovic, et du HVO, Zivko, se sont mis d'accord pour les laisser

 16   passer. Il a fallu qu'ils attendent pendant cinq heures pour que cela soit

 17   fait. Et puis Prkacin dit qu'il était agacé et nerveux de tout ça, et puis

 18   :

 19   "Le commandant de Siroki Brijeg, Mandic, était catégorique et il a dit :

 20   'Je suis prêt à combattre, je n'ai pas peur de mourir, mais ça, c'est une

 21   mission kamikaze. Ça n'a pas de sens. Tuta (son supérieur Tuta Naletilic)

 22   m'a donné l'ordre de bien réfléchir avant d'aller où que ce soit; donc je

 23   me dis que ceci n'a pas de sens et que c'est trop dangereux, donc je vais

 24   rentrer…'"

 25   Donc est-ce que cela correspond à ce que vous en saviez en octobre 1992, à

 26   savoir que Predrag Mandic était un subordonné de Mladen Naletilic, Tuta ?

 27   R.  Je ne peux pas en parler. Je ne sais pas à quel moment il a été -- ce

 28   n'est pas une question à laquelle je peux répondre avec certitude.

Page 44011

  1   Q.  Ça va. Je ne voudrais pas que vous essayiez de formuler des

  2   conjectures.

  3   R.  Mais j'ai bien peur que vous sautez pas mal de choses qui sont

  4   contenues dans ce document, que c'est une partie de sabotage de l'ABiH qui

  5   escorte le convoi, qu'ils ont encerclé le convoi, qu'ils ont pointé leurs

  6   Zolja sur le convoi et qu'il y a des hommes qui ont été formés à Split et

  7   qui sont originaires de Bosnie centrale. Donc je maintiens ce que j'avais

  8   dit.

  9   Q.  Non, vous avez raison, Général. Je ne vais pas donner lecture de la

 10   totalité du document. J'essaie de lire certains extraits. Tout un chacun

 11   peut lire l'intégralité du document. Je voudrais juste avoir un aperçu

 12   général de ce qui s'est passé et des endroits où ils se sont trouvés. Et je

 13   pense que nous avons tous pu voir qu'il s'est produit un certain nombre de

 14   choses qui ont créé beaucoup de tension et comment la situation évolue.

 15   Et je vais poursuivre. Donc il dit qu'ils sont arrivés à un accord à

 16   Bugojno, ils étaient prêts à partir. Donc, page 3, en haut de la page 3 de

 17   la version anglaise. Il dit qu'au moment où ils étaient prêts à partir,

 18   l'ABiH leur a refusé le passage le long de la route au sujet duquel ils

 19   avaient précédemment donné leur accord, mais on leur a proposé ensuite un

 20   itinéraire alternatif via Vakuf et Pavlovica.

 21   Ensuite, il parle du passage d'un certain nombre de barrages sans

 22   difficulté. Il dit qu'ils ont atteint le poste de contrôle de Sebesic, où

 23   l'officier chargé du commandement était Ivica Cobanac. Il dit que les

 24   hommes de ce dernier ont manifesté une opposition considérable à l'égard

 25   des Musulmans, ce qui a constitué une perturbation supplémentaire pour les

 26   Musulmans de son unité. Il dit :

 27   "Je suis allé avec M. Cobanac dans son bureau. Il a promis de laisser

 28   passer le convoi malgré le fait qu'il haïssait les Turcs plus que les

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  1   Serbes, parce qu'ils avaient tué davantage de ses hommes que les Chetniks,

  2   mais il disait que nous ne pourrions pas passer de façon sûre aux deux

  3   barrages suivants qui avaient été établis à titre à moitié privé, des

  4   barrages musulmans, parce qu'il y avait aussi des hommes là-bas qui

  5   haïssaient les Croates et les criminels. Donc il a proposé de dégager le

  6   terrain avec des lance-roquettes, des RPG et des armes antichars."

  7   Alors, Général, nous parlons d'une période où ces hommes s'efforçaient de

  8   passer à travers des zones qui étaient très proches de la zone de Prozor,

  9   où il y avait des activités de combat entre l'ABiH et le HVO qui avaient

 10   déjà été engagées depuis plusieurs jours, n'est-ce pas ? Nous parlons de la

 11   période autour du 28 octobre 1992.

 12   R.  Non, cela concerne Bugojno et la zone autour de Bugojno et de Travnik.

 13   Ici, toutes ces unités de volontaires, on les a laissées passer pour

 14   qu'elles puissent participer à la Défense de Jajce, qui était menacée par

 15   une chute imminente.

 16   Q.  Général, ce que j'essaie de mettre en évidence, c'est qu'en raison des

 17   événements se déroulant simultanément à Prozor, en même temps que ce qui se

 18   passait à Bugojno, il y avait une tension et une défiance considérable, et

 19   beaucoup de peur également, et cela était présent sur toutes les routes et

 20   dans tous les postes de contrôle, n'est-ce pas ?

 21   R.  Non. Le HVO laissait passer les unités, malgré ce Cobanac. C'est ce qui

 22   est écrit ici. Il a d'ailleurs subi un véritable massacre de la part des

 23   Moudjahidines plus tard.

 24   Q.  Je voudrais vous demander la chose suivante : si l'ABiH, en se fondant

 25   sur les événements de Prozor, était réticente pour ce qui était de laisser

 26   passer un groupe d'une certaine importance, un groupe armé de soldats du

 27   HVO à travers son territoire, cette réticence aurait été pour le moins

 28   justifiée, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Non, ce sont des Musulmans et s'ils ne veulent pas laisser passer une

  2   telle unité composée à 80 % de Musulmans, je veux dire, comment est-ce

  3   qu'on pourrait utiliser une telle unité de quelque façon que ce soit contre

  4   l'ABiH ? C'est inexact. Au contraire, cela appuie ce que j'ai dit. A ce

  5   moment-là déjà, l'ABiH considérait le HVO comme une force qu'il faudrait

  6   écraser à l'avenir. Il y avait au moins 200 Musulmans dans cette unité et

  7   cela n'aurait pu que montrer le fait que ces hommes accompagnant Prkacin

  8   étaient au sein d'une unité où il n'y avait pas de distinction sur une base

  9   ethnique et qu'ils voulaient combattre ensemble, conjointement à Jajce.

 10   Q.  Mais ce que nous avons vu, Général, jusqu'à présent, ce qui s'est passé

 11   à deux de ces points de contrôle, en réalité, c'est bien la composition

 12   ethnique de ce groupe, de cette unité qui a entraîné une réaction hostile

 13   au sein du HVO. Ils ne voulaient pas laisser passer des Balijas, ils ne

 14   voulaient pas laisser passer les Turcs, et s'ils l'ont fait, ils l'ont fait

 15   avec réticence et cela a certainement contribué à un retard et à une plus

 16   grande suspicion encore, n'est-ce pas ?

 17   R.  Il est vrai qu'il y a eu des individus qui se sont comportés ainsi,

 18   mais le HVO réussissait à contraindre de tels individus à laisser passer

 19   les convois, les convois passaient. Cependant, ce n'est pas le HVO ni le

 20   général Petkovic qui a décidé d'affecter un groupe antiterroriste à

 21   l'escorte de cette unité pour qu'il les tienne en joug. Un individu, c'est

 22   un individu et la position de l'état-major, position que l'on arrive à

 23   mettre en œuvre parfois avec de grandes difficultés, c'est autre chose.

 24   Ici, c'était la position de l'ABiH, alors que dans notre cas il ne

 25   s'agissait que d'individus et même dans le cas de Cobanac, parce qu'il

 26   affirme que l'ABiH a tué beaucoup plus de ses hommes, ce qui est exact,

 27   c'est une chose, mais il n'en dit pas moins qu'il va laisser passer le

 28   convoi parce qu'il en a reçu l'ordre. Alors que les autres après ne

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  1   laissent pas passer parce que l'équipe suivante, le poste de contrôle

  2   suivant, c'était des Moudjahidines pour la majorité à Rostovo.

  3   Q.  Donc Prkacin parle de poursuivre le chemin en direction de ces barrages

  4   musulmans, et je ne vais pas tout lire, je voudrais juste revenir au bas de

  5   la page 3 en anglais. Il dit qu'il a ordonné qu'ils fassent machine

  6   arrière, qu'ils reviennent en arrière. Il dit :

  7   "…cela se poursuivait en profondeur dans la forêt et le long d'un sentier

  8   de mauvaise qualité et sous la pluie, j'ai essayé de trouver un hébergement

  9   à Bugojno ou à Vakuf par l'intermédiaire de la police, mais ils ne

 10   souhaitaient pas nous permettre de garer les autocars. Ils nous ont, au

 11   lieu de cela, escortés jusqu'à Prozor où nous sommes arrivés après minuit.

 12   Nous n'avons pas été en mesure d'assurer un hébergement sur place, si bien

 13   que les hommes ont été obligés de dormir dans les bus."

 14   Alors, Général, Prkacin revient à Prozor, il n'est pas en mesure de trouver

 15   un hébergement pour ses hommes. Et ensuite, il est dit :

 16   Le matin suivant, le 29, ils se regroupent et il dit qu'ils sont rejoints

 17   par une section de l'ABiH originaire de Mostar, il dit qu'ils reçoivent

 18   l'assurance qu'ils seront escortés par des hommes de la police jusqu'à

 19   Travnik, jusqu'à des casernes importantes où les hommes pourront se reposer

 20   et manger enfin, après 60 heures.

 21   Il dit ensuite, je cite :

 22   "Cette fois-ci, nous avons réussi à rejoindre Travnik malgré des

 23   difficultés mineures (un certain nombre de retards à plusieurs endroits, un

 24   camion qui avait été, de façon délibérée, laissé sur la route par des

 25   Musulmans dans les villages d'Opare)…

 26   "Il nous a fallu près de 20 minutes pour le déplacer, mais à présent

 27   -- je faisais face à des défis, j'étais contraint de fournir un hébergement

 28   et d'obtenir des informations concernant la réalité de la situation à

Page 44015

  1   Jajce. Ils mont amené à Vitez afin de voir le commandant de la zone

  2   opérationnelle, M. Blaskic. Je me suis enquis d'un éventuel hébergement et

  3   des locaux, des bâtiments ont été envisagés pour prendre en charge 20 à 50

  4   hommes, mais ils étaient à 30 kilomètres de distance." Il continue, je cite

  5   :

  6   "Ils ont donné leur accord. Blaskic a choisi M. Filipovic pour

  7   m'accompagner jusqu'à Travnik. Mais M. Filipovic ne s'est pas acquitté de

  8   cela. Au lieu de prendre des décisions et d'émettre des ordres, il s'est

  9   contenté de faire des propositions et de prier ce qui n'amenait aucun

 10   résultat."

 11   Ensuite, les unités qui sont avec Prkacin se retrouvent dans la zone

 12   opérationnelle de Bosnie centrale. Le commandant de la zone opérationnelle

 13   les remet ensuite aux bons soins de Filipovic pour qu'il leur trouve un

 14   hébergement et le HVO ne peut même pas trouver des lits pour ses propres

 15   hommes.

 16   Il continue en disant :

 17   "Je sais que les officiers de l'ABiH ont promis d'apporter leur aide en

 18   matière d'hébergement pour ce qui était des hommes qui étaient dans des

 19   pièces dépourvus de lits, mais cela n'a pas donné de bons résultats. Ils

 20   n'ont réussi à libérer qu'une seule pièce sans lits ni couvertures et la

 21   plupart des hommes sont restés dans les bus."

 22   Ensuite, il continue. Nous sautons juste un paragraphe et il dit :

 23   "Nous avons quitté Travnik, nous nous sommes dirigés vers Turbe, notre

 24   véhicule a été la cible de tirs d'armes d'infanterie légère."

 25   Et je vais maintenant avancer à la page suivante en anglais. Il parle des

 26   événements et de ses observations lorsqu'il essayait d'arriver jusqu'à

 27   Jajce pour voir quelle était la situation sur place. Il dit :

 28   "Nous avons aussi vu un certain nombre de civils et de soldats se

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  1   dirigeant, marchant vers Jajce [comme interprété]."

  2   Voyez-vous cet extrait, Général ?

  3   R.  Il les a vus marcher vers Travnik.

  4   Q.  "Nous avons rencontré des obstacles qui avaient été dressés pour

  5   empêcher le passage de véhicules en direction de Jajce."

  6   Il parle de tout cela et en substance, il dit que :

  7   "Après tout ce qui s'était passé, ils avaient été obligés de renoncer

  8   et de partir vers Travnik. Nous n'avons pas pu retrouver les membres du

  9   HVO, dit-il, et nous avons suggéré au commandant de l'ABiH de dégager la

 10   route. Ils ont promis de faire ainsi, mais ils n'ont pas réussi à le faire

 11   parce qu'ils avaient réessayé entre 3 et 4 heures de l'après-midi, ensuite

 12   encore une fois, mais ont échoué une nouvelle fois en la matière. Nous

 13   avons réussi, en revanche, à faire autre chose. A ce moment-là, nous

 14   voyions un très grand nombre de soldats se déplacer de façon désordonnée à

 15   partir de Jajce en direction de Travnik. En nous entretenant avec certains

 16   d'entre eux, nous avons découvert que de notre côté, à savoir du côté du

 17   HVO et de l'ABiH, il y avait une désertion qui était en train de se

 18   produire le long des flancs."

 19   Il continue ensuite en parlant de différentes choses qu'ils ont essayé de

 20   mettre en place pour faire face à la situation.

 21   Et à la toute fin, il conclut :

 22   "Je pense que Jajce devrait être considérée comme la dernière leçon et le

 23   dernier avertissement qui nous sont donnés. Nous ne pouvons pas gagner

 24   cette guerre en menant le combat ainsi et face à un tel ennemi. Participer

 25   à une guerre de défense ne signifie pas exclusivement se défendre. Nous

 26   devons renoncer à des combats basés uniquement sur des tranchées…"

 27   Il continue.

 28   Général, je me rends compte que j'ai pris un certain temps pour passer en

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  1   revue ce document et que je n'ai pas tout lu - chacun peut en prendre

  2   connaissance - alors, Général, dans votre déposition vous reprochez à

  3   l'ABiH ou à la direction politique musulmane le fait d'avoir un certain

  4   nombre d'objectifs ainsi que d'avoir contribué à la chute de Jajce. Mais ce

  5   que nous voyons ici c'est que toute cette tension et ces difficultés

  6   rencontrées sur le terrain ont contribué au fait que ces soldats ne sont

  7   pas arrivés jusqu'à Jajce et à la chute de Jajce. Et nous voyons que ce

  8   n'est pas le résultat d'une volonté politique profondément enracinée ou

  9   d'un désir émanant de la direction politique musulmane. C'est ce que je

 10   souhaite vous soumettre. Est-ce que vous en conviendrez avec moi ?

 11   R.  Je n'ai pas besoin d'en convenir avec vous car je n'ai pas dit, pour

 12   autant que je m'en souvienne, que la chute de Jajce ait été causée par une

 13   telle attitude envers le général de l'ABiH, qui était Ante Prkacin. Il

 14   était général de l'ABiH. Par conséquent, si Jajce est tombée, c'est pour

 15   des raisons tout à fait différentes dans le détail desquelles je ne suis

 16   pas entré.

 17   Je ne pense pas que vous puissiez trouver, dans quelque déclaration

 18   que j'ai pu donner, une accusation à l'encontre d'un homme politique comme

 19   quoi il aurait été responsable de la chute de Jajce ou que j'aurais établi

 20   un lien entre la chute de Jajce et cet événement. Cet événement-ci, j'en ai

 21   parlé d'un point de vue complètement différent, à savoir que l'ABiH a fait

 22   preuve d'une attitude tout à fait incompréhensible à l'égard d'une unité

 23   composée de quelque 270 hommes parmi lesquels il y avait au moins 200

 24   Musulmans et qui souhaitaient apporter leur contribution pour que Jajce ne

 25   tombe pas. Alors, Jajce serait peut-être tombée de toute façon, cela, on ne

 26   le sait pas, mais un tel comportement montre tout simplement que les choses

 27   se sont déjà fissurées très profondément, et cela à très haut niveau, non

 28   pas juste au niveau de quelques individus.

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  1   Q.  Dans votre déposition, plus tôt, je lis que vous avez établi un lien

  2   entre la chute de Jajce et les objectifs politiques des Musulmans. Je

  3   voudrais vous en donner de nouveau lecture. C'est de nouveau en page 41

  4   851. Vous dites :

  5   "J'affirme que ceci représentait le début de préparatifs organisés de la

  6   part de l'ABiH et de certains membres de la direction du SDA aux fins d'une

  7   conquête ultérieure de la Bosnie centrale, car comment pouvez-vous avoir

  8   confiance en les bonnes intentions de quelqu'un en matière de combat

  9   conjoint avec une telle unité après la chute de Jajce, si on ne laisse pas

 10   passer vers Jajce une telle unité à un prix aussi élevé, qui est donc la

 11   chute de Jajce ? C'était quelque chose de tout à fait terrible que de

 12   prendre conscience de cela, c'était très surprenant, et cela reflétait à

 13   vrai dire les tendances qui étaient présentes au sein de l'armée des

 14   Musulmans et de leur direction politique dans la période suivante. C'est ce

 15   que j'affirme."

 16   Général, ce que j'affirme se fonde sur ce rapport. Ce que nous voyons c'est

 17   que Prkacin n'a pas été en mesure d'arriver à destination.

 18   R.  C'est ce que je dis aussi.

 19   Q.  Ce que nous voyons dans ce rapport c'est qu'il y a eu un très grand

 20   nombre de facteurs, aussi bien du côté du HVO que de l'ABiH, qui ont

 21   résulté en retards, en tensions, en une situation conflictuelle, et qu'il

 22   est tout simplement impossible d'attribuer la chute de Jajce ou l'échec de

 23   Prkacin, pour ce qui était d'arriver à temps à Jajce, à juste une des deux

 24   parties au conflit. C'est ce que je souhaite vous soumettre.

 25   R.  Je vous serais reconnaissant de bien vouloir donner lecture du passage

 26   exact où j'ai dit que la chute de Jajce aurait été liée à cela. J'ai dit

 27   qu'après la chute de Jajce, cela reflète les réflexions et la situation qui

 28   ensuite allaient amener à autre chose. Et je pense qu'à ce moment précis

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  1   j'avais tout à fait raison, que les estimations auxquelles j'avais procédé

  2   étaient justes. J'ai mis en œuvre tous mes efforts pour que ces estimations

  3   ne se réalisent pas, et j'ai continué jusqu'au mois de mai.

  4   Malheureusement, tout cela a été en vain et j'en reste à 100 % à la

  5   déclaration que j'ai donnée, qui était tout à fait exacte, et ce n'est pas

  6   ce que vous dites, à savoir que j'aurais établi un lien entre la chute de

  7   Jajce et cet événement, l'arrivée de cette unité.

  8   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis prêt à passer

  9   au classeur suivant.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai deux questions. L'une relativement facile, et

 11   la deuxième sera assez compliquée.

 12   La première c'est les "check-points", où là, à partir de ce document, on

 13   voit qu'il y a un incident à ce point de contrôle. Nous avons vu de

 14   nombreux documents où il est toujours fait état des "check-points".

 15   D'ailleurs, pas plus tard qu'il y a quelques jours, nous avions un document

 16   de M. Petkovic qui marquait la nécessité d'assurer ces contrôles. J'ai

 17   réfléchi à cette question depuis un certain temps, et pouvez-vous me dire

 18   si dans la doctrine de la JNA, pour peu que vous la connaissez, parce que

 19   c'est de nature hautement militaire, est-ce que dans l'ex-Yougoslavie la

 20   doctrine de la JNA, des généraux yougoslaves, était de contrôler dans le

 21   territoire de l'ex-Yougoslavie toutes les routes de communication par des

 22   "check-points", compte tenu de la topographie qui, à ce moment-là, en

 23   faisant un contrôle, ça permet d'assurer en quelque sorte cette notion

 24   chinoise de communisme chinois, c'est-à-dire la Défense populaire. Et donc,

 25   est-ce que dans l'ex-Yougoslavie et notamment en République de Bosnie-

 26   Herzégovine, les "check-points" correspondaient à une stratégie militaire

 27   qui était que par cela on arrivait à contrôler le mouvement des troupes de

 28   l'ennemi.

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  1   Donc ça c'est une question assez facile qui est de nature militaire.

  2   Pouvez-vous répondre ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux répondre en me fondant sur mes

  4   propres connaissances correspondant non seulement à la JNA mais également à

  5   toutes les autres armées. Sur les routes, la police militaire a

  6   l'obligation de procéder à des contrôles en des points précis, contrôles

  7   des déplacements opérés par les convois, par les soldats, et ceci afin

  8   d'avoir connaissance de ce qui se passe et de ne pas permettre que se

  9   produise quelque chose qui du point de vue militaire serait inacceptable.

 10   Et cela correspond à tout ce que j'ai pu voir, aussi bien dans la

 11   littérature que dans les films, c'est ce qu'on observe dans toute guerre.

 12   On établit des points de contrôle où l'on contrôle donc tous les véhicules

 13   qui passent dans les zones où se déroule un conflit. C'est ce que je puis

 14   dire en me fondant au mieux sur mes connaissances.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors une sous-question et j'aurai terminé avec

 16   cette question des "check-points". Nous avons vu de nombreux documents où

 17   on s'aperçoit que parfois il y a des incidents aux contrôles, et là il y en

 18   a un. Nous avons vu par plusieurs documents que certains, des deux côtés,

 19   semble-t-il, HVO, ABiH, avaient mis en place, au moment de ces contrôles,

 20   peut-être hors de toute autorité, des taxes qu'ils percevaient lorsque les

 21   gens passaient. Une voiture arrivait, il fallait payer une taxe pour

 22   continuer le chemin. A votre connaissance, est-ce que c'était un système

 23   qui avait lieu, qui était organisé, ou bien des comportements individuels

 24   de soldats qui étaient là aux "check-points" et qui se disaient : Je joins

 25   l'utile à l'agréable en taxant ceux qui passaient aux points de contrôle ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] En dehors des points de contrôle réguliers, si

 27   vous voulez, qui ont été établis en des lieux précis et qui étaient sous le

 28   contrôle de la police militaire, il arrivait également qu'une brigade

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  1   établisse son point de contrôle.

  2   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le

  3   Président. Il y a une erreur très importante au compte rendu d'audience.

  4   C'est en page 63, ligne 6. Le général Praljak a dit : "En dehors des points

  5   de contrôle réguliers," alors qu'au compte rendu d'audience, il a été

  6   consigné : "En dehors des points de contrôle irréguliers." Il me semble que

  7   cela est très important et qu'il serait bon que le général répète ce qu'il

  8   a dit. Je vous remercie.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc en dehors des points de contrôle

 10   militaires réguliers, qu'il s'agisse de ceux de l'ABiH ou du HVO, mais en

 11   tout état de cause, des points de contrôle de la police militaire, il

 12   arrivait parfois aussi qu'un commandant, lorsque son unité se rendait sur

 13   le théâtre des opérations ou en revenait, mette en place un point de

 14   contrôle pour vérifier que tout le monde était bien placé. Cependant,

 15   Messieurs les Juges, le nombre de points de contrôle sauvages était tout

 16   simplement trop élevé.

 17   Je suis passé juste après Prkacin en direction de la Bosnie centrale

 18   et je pense que j'ai été arrêté au moins une quinzaine de fois par des

 19   individus absolument invraisemblables. Et j'affirme que la seule chose qui

 20   m'a permis de passer c'était mon aptitude de réalisateur et d'acteur qui

 21   m'a permis de passer ces points de contrôle. C'était ma capacité à estimer

 22   le comportement qu'il convenait d'adopter pour réussir à passer. Je

 23   pourrais vous donner des détails si vous le souhaitez. C'était des hommes

 24   qui, après quelques jours, se livraient à un vol, des larcins; puis ils

 25   passaient à un autre endroit et puis ils disparaissaient. Ils revenaient

 26   sur la route pour poser quelques blocs, quelques rochers pour établir un

 27   barrage ou quelques rondins de bois, et ils avaient leurs propres armes

 28   avec eux.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Ma deuxième question qui est de nature assez

  2   compliquée.

  3   Je vous ai écouté pendant ces semaines et à plusieurs reprises vous avez

  4   parlé de Jajce, de cette localité, qui semble-t-il, sauf erreur de ma part,

  5   est célèbre pour ses chutes d'eau. Et là, voilà qu'en fin d'après-midi M.

  6   Stringer vous sort un document sur Jajce et vous pose des questions sur la

  7   concordance entre une action éventuelle d'Izetbegovic, des Musulmans, et la

  8   chute de Jajce. Alors on va essayer d'être clair.

  9   Vous avez dit qu'à Jajce, face aux Serbes, il y avait les Musulmans

 10   et le HVO qui étaient sur la ligne de front. Et puis ceci a sauté, des

 11   unités ont quitté les lieux et ça a été, semble-t-il, assez catastrophique

 12   puisqu'il y a eu des départs de nombreux réfugiés dont, semble-t-il, je dis

 13   ça sous toute réserve, 20 000 réfugiés Musulmans qui partent dans toutes

 14   les directions.

 15   Est-ce que ce facteur des réfugiés qui, selon certains, posait un

 16   double problème à Izetbegovic, d'une part les loger quelque part, où

 17   allaient-ils aller ? Deuxièmement, allait-il les utiliser dans le cadre de

 18   ce qu'on appelle les conclusions des réflexions Vance-Owen ? Certains

 19   semblent dire que Izetbegovic profitait de cette situation, qui était des

 20   milliers de gens sur les routes, des tas de réfugiés, un affaiblissement

 21   certain du HVO dans cette débandade, qu'à ce moment-là, il aurait pu

 22   planifier une attaque avec Halilovic et les autres contre le HVO, ce qui

 23   pourrait expliquer d'une certaine façon les événements de Prozor. Donc il

 24   pourrait y avoir un lien : Jajce, les réfugiés, l'exploitation politique

 25   co-militaire de la situation par Halilovic et Izetbegovic, et les

 26   événements de Prozor. Est-ce possible ? Est-ce impossible ? Qu'est-ce que

 27   vous me dites ?

 28   Je vous pose cette question, Général Praljak, parce qu'au terme du

Page 44024

  1   Statut, les Juges qui devront à la fin du procès statuer sur votre

  2   éventuelle innocence ou culpabilité, ont aussi la mission de dire ce qui

  3   s'est passé. Donc dans un jugement, il faudra, d'un moyen ou d'un autre,

  4   expliquer l'enchaînement de tous ces événements. Donc moi, à titre

  5   personnel, j'ai besoin de ce type de questions et de réponses pour essayer

  6   de comprendre qu'est-ce qui s'est exactement passé. Donc je vous soumets un

  7   événement qui a pu se passer. Vous me dites: C'est exact, c'est faux. Et

  8   vous me dites pour quelles raisons.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas de lien de cause à la

 10   conséquence entre la chute de Jajce et les événements de Prozor. Je pense

 11   qu'il n'y en a pas. C'est pour répondre à votre première question.

 12   A Jajce vivaient des Musulmans et des Croates, en proportion à peu près

 13   égale. L'ABiH et le HVO défendaient Jajce, peut-être le HVO l'a-t-il fait

 14   avec des effectifs un peu plus importants. Mais Jajce, compte tenu de la

 15   façon dont elle était défendue, ne pouvait pas se maintenir d'un point de

 16   vue militaire, car l'entonnoir qui va de Travnik à Jajce était complètement

 17   contrôlé par les Serbes, il leur était particulièrement difficile. Vous

 18   voyez que Prkacin dit qu'ils tiraient d'une distance de 200 mètres sur ce

 19   chemin. Ce que j'ai essayé de faire ensuite là-bas, ce corridor, si vous

 20   voulez, était complètement contrôlé par la VRS. Et d'un point de vue

 21   militaire, Jajce serait tombée cinq jours plus tôt ou cinq jours plus tard,

 22   mais elle serait tombée. Compte tenu de la situation militaire, c'était

 23   extrêmement difficile d'agir. Et des réfugiés croates arrivaient, ainsi que

 24   de nombreux membres du HVO qui eux aussi ont réussi à se frayer un chemin.

 25   Ils se sont arrêtés en Croatie, à Makarska, et ainsi de suite. Et ensuite,

 26   ils demandaient que leur solde leur soit versée. Et les Musulmans de

 27   l'ABiH, au lieu d'agir de façon logique et de se rendre à Tuzla en

 28   direction de Srebrenica et de Sarajevo, ont pris le chemin de Gornji Vakuf,

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  1   où il n'y avait pas de danger en provenance de la VRS. Et ensuite, ils ont

  2   provoqué des désordres, des désordres qui ont suivi. Alors pourquoi

  3   déplacer une brigade en direction de Vakuf alors que vous êtes censés vous

  4   battre contre des Serbes qui ne sont pas présents à Gornji Vakuf ? Et la

  5   ligne qui était tenue par l'armija, face à des positions ennemies, était

  6   une ligne qui n'était pas très étendue. Les réfugiés qui étaient des

  7   réfugiés Musulmans sont restés à Vakuf et la majorité d'entre eux également

  8   à Travnik, ont entraîné des changements de la constitution ethnique de la

  9   population. Et ce sont des problèmes qui se présentent de façon tout à fait

 10   logique et naturelle. La présence de ces personnes entraîne des problèmes

 11   nouveaux. Elles se rendent compte qu'elles ne reviendront pas dans les

 12   zones contrôlées par les Serbes et elles recherchent un espace où elles

 13   pourront s'installer par tous les moyens. Ce sont des personnes qui sont

 14   épuisées, désespérées, fatiguées, c'est une véritable bombe à retardement.

 15   Excusez-moi. Ce sont des gens qui sont à la recherche d'un espace où ils

 16   pourront se maintenir. Et c'est un problème considérable face auquel le HVO

 17   et les Croates ont la perception suivante, ils se disent : Mais attendez

 18   une minute, jusqu'à hier nous étions 40 ou 50 % ici, et maintenant nous

 19   nous retrouvons à n'être plus que 17 %.

 20   Et c'est là que l'engrenage se met en route, et c'est là également

 21   que nous avons un certain nombre d'événements tout à fait révélateurs.

 22   Pourquoi refuse-t-on le passage à une telle unité ? Ce n'est plus de Jajce

 23   qu'il s'agit. Il n'y a plus de défense à Travnik. Jusqu'à Sarajevo, il n'y

 24   a plus rien. Alors pourquoi ne pas laisser passer cette unité, pourquoi ne

 25   pas permettre la constitution de ligne ? Vous avez vu le pouvoir qui est

 26   celui de Filipovic par rapport à cette caserne et pour ce qui est des

 27   commandants de l'ABiH. A ce moment-là, Messieurs les Juges, en dehors de

 28   tout organigramme, j'ai repris à ma charge le commandement à Travnik, les

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  1   ordres visant à creuser des tranchées, au déminage, et cetera.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais j'en tire deux conclusions dans ce que

  3   vous dites. Un, il n'y a aucun rapport avec les événements de Prozor. Et

  4   deux, vous dites ceci, et ça me paraît important et c'est livré à la

  5   réflexion de tout le monde, c'est que ces réfugiés ont modifié des

  6   compositions ethniques. Et vous avez cité le cas où parfois, dans certaines

  7   localités, il y avait 40 %, et du fait de l'arrivée de tous ces réfugiés,

  8   ça pouvait tomber à 17, 7 %. J'ai bien gardé ça en mémoire et je

  9   réfléchirai sur cette question ultérieurement.

 10   Bien. Alors, je vais redonner la parole à M. Stringer.

 11   Oui, Monsieur Praljak.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il vous plaît, ayez à l'esprit que c'est à

 13   ce moment-là qu'on se radicalise. C'est dans ce type de situation que voit

 14   le jour le radicalisme, parce que des solutions radicales sont plus

 15   acceptables dans ce type de situation que ceux qui cherchent à calmer le

 16   jeu.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 18   Dépêchez-vous et comme ça on va distribuer les nouveaux classeurs.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je bois trop d'eau ici.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, on aura un nouveau classeur ?

 22   Attendez. Je le cherche.

 23   M. STRINGER : [interprétation] Oui. "Liste numéro 7" s'intitule ce

 24   classeur. Peut-être que l'huissier pourrait profiter de cette absence brève

 25   du général pour remplacer ce classeur numéro 6 par le nouveau classeur.

 26   [Le témoin vient à la barre]

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors on va commencer.

 28   M. STRINGER : [interprétation]

Page 44027

  1   Q.  Vous avez un nouveau classeur qui a été placé sur la table devant vous,

  2   Général. Nous allons avancer dans le temps et nous allons parler de la

  3   situation à Gornji Vakuf.

  4   Prenez la première pièce, P 00643, s'il vous plaît. Général, la date est

  5   celle du 24 octobre 1992, le commandant est le colonel Siljeg, l'ordre

  6   d'agir.

  7   Le 24 octobre, Général, si j'ai bien compris, vous n'êtes pas encore arrivé

  8   dans ce secteur de Prozor; est-ce exact ?

  9   R.  Oui, c'est exact. Je n'étais pas encore arrivé.

 10   Q.  Est-ce que vous avez appris que le colonel Siljeg avait émis cet ordre

 11   d'agir, et j'en donne lecture :

 12   "Placez la ville sous son contrôle."

 13   C'est la Brigade Ante Starcevic de Gornji Vakuf qui est le destinataire :

 14   "Placez la ville sous son contrôle et contrôlez toutes les voies de

 15   communication. Et de manière déterminée, éliminez toute attaque menée sur

 16   les unités du HVO."

 17   Saviez-vous que colonel Siljeg avait émis cet ordre avant votre arrivée

 18   dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest ?

 19   R.  Je ne le savais pas. Il a donné cet ordre à Ante Starcevic à Gornji

 20   Vakuf.

 21   Q.  Prenons le document suivant, puis je vais vous poser quelques questions

 22   sur les deux.

 23   Alors, P 00460. Général, cela se présente de manière un peu inhabituelle

 24   pour ce qui est de la forme.

 25   R.  Pas 460. Qu'est-ce que vous avez dit ?

 26   Q.  P 00460.

 27   R.  Oui, oui, je vois. Pardon.

 28   Q.  Dans la version originale, il semble qu'il y a deux communications par

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  1   paquet distinctes sur une page. C'est la première seulement qui

  2   m'intéresse, en haut, qui porte la date du 27 octobre 1992, vous voyez en

  3   haut à gauche.

  4   Donc, Général, le colonel Siljeg appelle cela rapport urgent demandé et il

  5   s'adresse aux brigades de Bugojno, Gornji Vakuf et Prozor, et il dit :

  6   "Nous avons besoin sur-le-champ de recevoir des informations sur la

  7   situation à Bugojno, Gornji Vakuf et Prozor. Appréciez la possibilité

  8   d'emprunter des routes le long de la route Prozor-Gornji et cetera, donnez

  9   l'appréciation sur la possibilité d'éliminer les forces musulmanes à Gornji

 10   Vakuf."

 11   Puis il demande qu'on établisse un contact avec le commandant Jure Smidt et

 12   d'informer des résultats.

 13   C'est le 27 octobre, Général. Le précédent document c'était celui du 24

 14   octobre. Les deux documents -- enfin, pour commencer : le deuxième

 15   document, celui que nous avons sous les yeux, est-ce que vous étiez au

 16   courant de l'existence de cet ordre ou de cette requête, demande de la part

 17   de Siljeg que l'on élimine les forces musulmanes de Gornji Vakuf quand vous

 18   êtes arrivé dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest ?

 19   R.  Non --

 20   Q.  Je vais continuer. Général, est-ce que nous pouvons convenir que ces

 21   deux ordres ont été émis avant la chute de Jajce ? On le voit dans le

 22   rapport de M. Prkacin que nous venons de parcourir.

 23   R.  Je pense que c'est vers le 27 ou le 28 qu'il y a eu la chute de Jajce.

 24   Ça dépend un peu de la manière dont on définit la chute, quand tous les

 25   évacués, toutes les personnes qui fuyaient sont partis ou quand toutes les

 26   lignes de front ont été prises.

 27   Q.  Bon, mais il y a quelques instants, page 66 du compte rendu d'audience

 28   d'aujourd'hui, ligne 17, vous avez dit, et je vous cite :

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  1   "Pourquoi déplacer une brigade à Vakuf ?"

  2   Nous parlons de l'ABiH, et pourquoi déplaceraient-ils une brigade à Vakuf

  3   après la chute de Jajce plutôt que de la redéployer ailleurs, comme Tuzla ?

  4   Et je vous demande, Général, sur la base de cela, la chose suivante -- en

  5   fait, je vous soumets qu'après la chute de Jajce, l'ABiH devait envoyer une

  6   brigade à Vakuf afin de s'occuper de ce type d'action et de tentatives

  7   menées par le HVO de placer la ville de Gornji Vakuf sous leur contrôle.

  8   Est-ce que ce ne serait pas la raison qui aurait incité l'ABiH à envoyer

  9   une de ses brigades à Vakuf ?

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Objection. Spéculation. De toute évidence,

 11   le témoin ne savait pas ce qu'ils avaient à l'esprit à ce moment-là.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, le général a

 13   dit, il a attribué des motivations à l'ABiH. Il a dit, Ils auraient dû

 14   faire ceci, ils auraient dû envoyer une brigade à un autre endroit. Donc il

 15   est tout à fait correct de se servir de ces documents pour suggérer au

 16   général autre chose, de savoir qu'ils avaient des raisons légitimes.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, de deux choses l'une, ou le général Praljak

 18   peut répondre ou il dit, je ne peux pas répondre. S'il peut répondre, ça

 19   peut être utile à la manifestation de la vérité. S'il ne peut pas répondre,

 20   il dira, mais je ne savais pas qu'existait ce document, je n'en savais

 21   rien.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur Stringer, c'est

 23   un ordre d'agir, ce n'est pas un ordre d'attaquer et il se lit de manière

 24   très précise : "Libérer la communication Gornji Vakuf - Prozor." Donc

 25   l'armée de Bosnie-Herzégovine avait déjà interrompu cette communication et

 26   ne permet pas à Tokic [phon], le commandant de brigade de Vakuf, de se

 27   rendre dans ses locaux. Quand il dit de placer la ville sous le contrôle,

 28   ça ne veut pas dire conquérir la ville, prendre la ville. Ça veut dire,

Page 44030

  1   empêchez, éliminez par votre déploiement, empêchez qu'il n'y ait une

  2   attaque sur le HVO et voyez si vous pouvez dégager la communication vers

  3   Gornji-Vakuf, Bugojno et le reste des unités du HVO et de l'ABiH.

  4   Autrement, comment Merhamet va-t-il passer pour apporter des armes aux

  5   Musulmans si les voies de communication sont interrompues, c'est ce que le

  6   document suivant vous dit, signé par Susak ou Praljak.

  7   M. STRINGER : [interprétation]

  8   Q.  Général, le fait est que juste avant la chute de Jajce, Siljeg émet des

  9   ordres à ses brigades demandant que ses brigades apprécient la possibilité

 10   d'éliminer la brigade musulmane ou les forces musulmanes de Gornji Vakuf,

 11   donc il envisage des opérations visant à éliminer les forces de l'ABiH à

 12   Vakuf. Si c'est le cas, ça donne une raison légitime à l'ABiH de répondre

 13   en déployant sa brigade là-bas.

 14   R.  Non, ce n'est pas exact. On apprécie la possibilité d'éliminer après

 15   avoir dit, Il n'y a pas de circulation sur les voies de communication

 16   Prozor-Vakuf-Bugojno-Travnik. L'agression a déjà commencé, mais sauf que ce

 17   n'est pas une agression menée par le HVO. Il dit, Si nous n'avons pas de

 18   voies de communication, bien sûr --

 19   Q.  Avançons un petit peu dans le temps, voyons le document suivant, P

 20   01068.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Avoir de voir le document suivant, je reviens au

 22   premier document. J'ai un document militaire et j'essaie de l'analyser sur

 23   un plan militaire.

 24   Le colonel Siljeg envoie à la Brigade Ante Starcevic un document, un

 25   ordre disant, Mettez la ville sous votre contrôle, contrôlez toutes les

 26   routes, mais il rajoute, et je crois que c'est important, on ne peut pas

 27   éclipser ça, Afin de prévenir une attaque sur les unités du HVO. Donc en

 28   termes militaires, Général Praljak, se pourrait-il, parce que

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  1   malheureusement, on pose des questions parce que ceux qui écrivent les

  2   documents ne sont pas là - évidemment, dans un autre procès de manière

  3   inquisitoriale on aurait vu tout ça, mais ici, ce n'est pas possible. Donc

  4   je suis obligé de faire des hypothèses. Se pourrait-il que le colonel

  5   Siljeg ait eu des informations aux termes desquelles il y avait une

  6   possibilité d'attaque sur le HVO, et que lui, en termes militaires, pour

  7   contrer cela - je dis contrer, je ne dis pas pour attaquer - la première

  8   action militaire qu'il ordonne c'est de contrôler les routes ? Est-ce que

  9   militairement c'est une possibilité ou pas ?

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste un point technique. Il n'est

 11   pas dit, du moins pas dans la traduction, il n'est pas dit "afin d'empêcher

 12   une attaque," il est dit "et empêcher l'attaque," donc c'est une

 13   juxtaposition et non pas une relation de cause à effet.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le document en B/C/S, pouvez-vous me lire la

 15   phrase ? Qu'est-ce qu'il est dit exactement ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] "Placez la ville sous son contrôle. Contrôlez

 17   les voies de communication, et de manière déterminée, éliminez toute

 18   attaque sur les unités du HVO. Gardez contact avec la brigade du HVO, Eugen

 19   Kvaternik de Bugojno et la Brigade du HVO Rama de Prozor. Communiquez entre

 20   vous, et si possible, de manière conjointe, libérez la voie de

 21   communication Gornji Vakuf-Prozor."

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, comme le dit mon collègue, est-ce

 23   qu'en réalité c'est cumulatif, il faut faire deux choses, contrôler les

 24   routes et éliminer toute attaque contre le HVO.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, sauf que placer la ville sous son

 26   contrôle, ça ne signifie pas s'emparer militairement de la ville, ça veut

 27   dire là où il y a des points importants, se mettre en état d'être prêt à

 28   agir du côté du HVO et prévenir toute attaque sur le HVO. Et toute

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  1   communication est déjà coupée.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Je passe tout de suite au deuxième document puisque

  3   le Procureur fait un lien avec les deux documents et il a raison. Dans le

  4   deuxième document, est-ce qu'il n'y a pas une lecture où le colonel Siljeg

  5   demande à la Brigade Eugen Kvaternik et aux autres brigades, parce que vous

  6   voyez que la différence entre les deux documents c'est que le premier n'est

  7   adressé qu'à une brigade, par contre, le deuxième document est adressé à

  8   trois brigades. Et qu'à ce moment-là il demande une évaluation de la

  9   situation, notamment la possibilité de passer sur les routes de passage et

 10   la possibilité d'éliminer les forces musulmanes à Gornji Vakuf, et à ce

 11   moment-là d'établir une connexion avec le fameux Jure Smidt et puis

 12   d'attendre les résultats. Alors, est-ce que le deuxième document est une

 13   demande d'évaluation de possibilité, sans pour autant être un ordre

 14   d'attaque, ou bien c'est un ordre d'attaque ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'y a aucune attaque. Il demande un

 16   rapport. Il dit, donnez une appréciation, une évaluation de la possibilité

 17   de passer, donc ça veut dire qu'il n'y a pas la possibilité d'emprunter ces

 18   voies, parce que l'ABiH a bloqué les voies de communication. Un commandant

 19   digne de ce nom dit, Appréciez, évaluez les forces que nous allons peut-

 20   être attaquer si nous ne parvenons pas à débloquer tout le HVO de la Bosnie

 21   centrale. C'est la guerre. Mais ce n'est pas le HVO qui est à l'origine de

 22   ces deux documents. C'est l'ABiH qui commande cette guerre. Elle bloque

 23   toutes les voies de communication.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernière question. Si je pars de l'hypothèse

 25   où effectivement le colonel Siljeg aurait décidé d'attaquer, de prendre le

 26   contrôle de Gornji Vakuf, de faire des prisonniers, et cetera, est-ce qu'il

 27   n'y aurait pas eu dans cette hypothèse un ordre tout à fait différent; les

 28   ordres qu'on a vus, classiques, avec point 1, point 2, point 3, l'attaque

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  1   commence à telle heure, vous me rendez compte minute par minute, et cetera,

  2   et cetera ? Est-ce qu'on n'aurait pas eu cet ordre classique ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Vous avez déjà vu les ordres

  4   d'attaque au sens classique du terme, mais vous avez vu que pendant les

  5   jours suivants, on parle des entretiens à Bugojno, Rama, Vakuf et Travnik.

  6   J'ai pu démener cette situation. Donc on a pu libérer les voies pour qu'on

  7   circule, on a défendu Travnik, et jusqu'au 11 janvier 1993, la situation

  8   était plutôt convenable. Je suis allé voir les unités de l'ABiH, on a

  9   planifié des actions communes, j'ai vu leurs commandants, et cetera, et

 10   cetera.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Juste une question qui s'impose

 13   logiquement, Général.

 14   Il est écrit ici : "Nous demandons de toute urgence des éléments

 15   d'information, entre autres sur la possibilité d'utiliser les voies de

 16   communication…" puis le reste n'est pas pertinent. Donc vous dites que cela

 17   veut dire qu'il n'y a pas de possibilité de passage, mais je ne comprends

 18   pas pourquoi est-ce que vous interprétez cela comme ça. Je me réfère à la

 19   page 74, ligne 21, qui va bientôt disparaître.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais la phrase est logique. Il demande

 21   l'évaluation de la possibilité d'emprunter ces voies. Donc il y a ce Smidt,

 22   et cetera, comme il y a l'évolution des entretiens à Bugojno, à Travnik, je

 23   pense, c'est mon avis, donc est-ce que ces entretiens auront pour issue

 24   qu'on débloquera les routes, et c'est ce qui s'est passé. Donc donner

 25   l'évaluation de la possibilité de passage, ça veut dire comment avancent

 26   les entretiens.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Kovacic.

 28   M. KOVACIC : [interprétation] Mais lorsqu'il disait que les voies de

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  1   communication n'étaient pas ouvertes, M. Praljak parlait du document 460,

  2   et c'est ce qui ressort de la dernière phrase, tandis que ce document que

  3   vous employez maintenant -- excusez-moi, c'est dans 643, la dernière phrase

  4   dans le premier document, où il dit que les voies de communication ne sont

  5   pas praticables. C'est le document auquel se réfère M. Praljak. Et le

  6   dernier document, 460, est celui dont vous parlez.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, et 460, c'est quelques jours

  8   plus tard, mais je pense que nous avons là une question et une réponse, et

  9   je ne souhaite pas commenter à présent.

 10   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais je voulais simplement

 11   dire qu'avant votre question, une page avant votre question, lorsqu'il a

 12   dit qu'il avait compris que les voies de communication étaient bloquées,

 13   qu'il l'a compris sur la base du document du 24 octobre.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ça me fascine que vous sachiez à ce

 15   point ce que pense le témoin. Je pense qu'il lui appartient de dire ce

 16   qu'il a à l'esprit et que ce n'est pas la tâche de ses conseils. Et de

 17   toute façon, cela ne portera pas de fruits. Ce n'est pas désagréable, mais

 18   je ne pense pas que ce soit la première tâche de ce Tribunal.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Mais je voulais simplement aider. Deux

 20   minutes avant votre question, il a dit quelque chose en se fondant sur ce

 21   document. C'était évident. Et j'ai lu le document d'une manière attentive,

 22   les deux documents. Excusez-moi, je voulais juste aider.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne remets pas en question

 24   l'intégrité de vos intentions.

 25   Monsieur Stringer.

 26   M. STRINGER : [interprétation]

 27   Q.  Passons au document suivant, P 01068. Général, nous avons là un rapport

 28   du Bataillon britannique du 6 janvier 1993, donc c'est plus tard et cela

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  1   concerne la situation à Gornji Vakuf le jour en question. Vous venez de

  2   nous parler de routes et de la situation eu égard aux routes. Je sais que

  3   vous affirmez que l'ABiH avait coupé un certain nombre de voies de

  4   communication et de routes en forçant le HVO à se servir de l'aide de la

  5   FORPRONU pour atteindre son QG.

  6   Au deuxième paragraphe, ici, il est dit, ligne 3 :

  7   "Commentaire : Il y a un barrage à ce poste de contrôle pour forcer la

  8   population musulmane de Hare pour se déplacer à Prozor et pas à Gornji

  9   Vakuf. Donc il y a une escalade de tensions de toute évidence dans la zone,

 10   ce qui se traduit par la présence du HVO au poste de contrôle."

 11   Puis le paragraphe suivant :

 12   "A peu près à 15 heures lundi après-midi, le HVO a hissé un drapeau

 13   oustacha dans la ville. Les Musulmans ont réagi, un militaire bosnien a

 14   essayé de retirer le drapeau. Un policier du HVO a tiré à ce moment sur un

 15   soldat de l'armée bosnienne…"

 16   Monsieur le Président, je ne vais pas continuer avec cette question tant

 17   qu'on ne s'est pas calmé dans le prétoire. Il y a trop de choses qui me

 18   distraient. Me Kovacic peut-être ne se rend pas compte à quel point sa voix

 19   résonne. Il a une voix qui porte. Je suis sûr qu'il est un bon chanteur.

 20   M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je demande cela,

 22   mais ça fait 58 jours que l'on dépose. Est-ce qu'on pourrait terminer 15

 23   minutes plus tôt aujourd'hui ? Je suis un petit peu à bout de forces.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, aujourd'hui, on devait terminer

 25   donc à 18 heures. Bon, je sais que vous êtes fatigué; moi-même, enfin, tout

 26   le monde, on est tous extrêmement fatigués parce que tous les documents

 27   appellent de notre part une attention extrême. Moi, quand je vous pose des

 28   questions, je les pose dans un stress dont vous n'avez pas idée parce qu'il

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  1   faut que je sois extrêmement prudent dans la formulation de mes questions,

  2   donc ça m'oblige à une tension nerveuse immense, ce qui fait qu'à la fin de

  3   l'audience je suis complètement vidé. Je me mets à votre place et je pense

  4   également que vous, vous êtes aussi dans la même situation, parce que vous

  5   vous demandez si derrière les questions il y a des pièges ou autres, et

  6   donc vous devez être dans un stress.

  7   Bon, si vous voulez terminer, moi, je ne vois aucun inconvénient, parce

  8   qu'autant que vous répondiez sans être fatigué, en votre possession totale.

  9   Donc je vous ai dit, quand vous voulez qu'on arrête, on arrête. De toute

 10   façon, on n'est pas à 15 minutes près. Donc, on va arrêter. Je crois que

 11   mes collègues sont entièrement d'accord avec cela.

 12   Nous continuerons, Monsieur Stringer, avec le classeur lundi prochain. Il y

 13   aura encore combien de classeur après ? J'ai cru comprendre qu'il y en

 14   avait quelques-uns encore.

 15   M. STRINGER : [interprétation] A ce stade, il n'en reste qu'un, mais il y

 16   en aura davantage lundi.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, c'est ça que je voulais savoir. Vous avez

 18   combien de classeurs encore ?

 19   M. STRINGER : [interprétation] Ils ne sont pas encore constitués, ces

 20   classeurs. Mais pour ce qui est des questions à soulever, ce sont des

 21   sujets qui sont regroupés dans les classeurs, donc il nous faudra parler de

 22   camps, de manière générale, ensuite des documents relatifs à la campagne

 23   d'arrestation d'été 1993, les événements à Capljina, Stolac, Herzégovine du

 24   sud. Puis, des documents qui portent sur la ville de Mostar. Ensuite,

 25   quelques documents supplémentaires, pas beaucoup, sur Vares, par exemple.

 26   Et comme j'ai dit, nous allons probablement revenir à la question de la

 27   nature internationale du conflit armé et quelques questions de coopération

 28   avec la VRS. Donc il reste encore quelques sujets.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à fait. Je vois le nombre de classeurs dont

  2   vous aurez besoin, il y en aura un certain nombre.

  3   Bien. Alors, très bien. Monsieur Praljak, on va arrêter et on se reverra

  4   lundi prochain. D'ici là, reposez-vous bien. Je souhaite donc à tout le

  5   monde une bonne fin d'après-midi.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

  7   Juges.

  8   [Le témoin quitte la barre]

  9   --- L'audience est levée à 17 heures 46 et reprendra le lundi 31 août 2009,

 10   à 14 heures 15.

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