Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 3 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   tous dans le prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et

 12   consorts. Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 14   En ce jeudi 3 septembre 2009, je salue M. Praljak, je salue MM. les

 15   accusés, Mmes et MM. les avocats, M. Stringer et tous ses collaborateurs

 16   ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.

 17   J'ai cru comprendre qu'il y avait quelques avocats qui voulaient intervenir

 18   pour diverses questions. Je donne la parole à Me Alaburic en premier.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 20   bonjour. Bonjour à tous dans le prétoire.

 21   La Défense du général Petkovic a une requête orale à présenter et je

 22   demande donc trois minutes pour la présenter. Cette requête concerne les

 23   documents et les sujets relatifs aux crimes que l'ABiH a commis sur des

 24   Croates sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et principalement dans

 25   les régions connues en l'espèce sous le nom de Communauté croate d'Herceg-

 26   Bosna.

 27   Jusqu'à présent au cours de ce procès, les questions relatives à ce sujet

 28   ont été interdites, compte tenu qu'il s'agit de questions relatives au quid


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  1   pro quo et que les crimes commis par le HVO ne peuvent pas être justifiés

  2   grâce aux crimes commis par l'ABiH. C'est ainsi que les documents, qui

  3   prouvent que des membres de l'ABiH ont commis des crimes contre des Croates

  4   en Bosnie-Herzégovine, n'ont pas pu être versés au dossier. C'est une

  5   pratique de ce Tribunal et c'est sur la base de cette position de la

  6   Chambre que les équipes de Défense ont préparée, leurs témoins ainsi que

  7   les documents qu'elles s'apprêtent à soumettre à la Chambre dans le cadre

  8   de leur défense.

  9   Dans l'affaire Gotovina et consorts qui est jugée par ce Tribunal, la

 10   Chambre de première instance en date du 7 août 2009, a rendu une décision

 11   par laquelle elle demande à l'Accusation de communiquer à la Défense tous

 12   les documents relatifs aux crimes que l'armé de ce qui était à l'époque la

 13   Krajina, la Krajina serbe sur le territoire de la Croatie a commis contre

 14   des Croates dans la période allant de 1991 jusqu'au début de l'opération

 15   Tempête, à savoir août 2005.

 16   La Chambre de première instance, dans sa décision, déclare ce qui suit,

 17   point 11, et je cite en langue anglaise :

 18   "La Chambre fait remarquer que les éléments de preuve montrant que les

 19   auteurs allégués des crimes eux-mêmes allégués dans l'acte d'accusation

 20   auraient commis ces crimes par vengeance et en représailles de crimes

 21   commis par les Serbes contre les civils croates et que ceci pourrait être

 22   pertinent en ce qui concerne la détermination permettant de savoir si des

 23   crimes avaient été commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune

 24   au quelle auraient participé les accusés. Ces éléments de preuve peuvent

 25   donc fournir une alternative raisonnable aux allégations de l'Accusation en

 26   ce qui concerne l'entreprise criminelle commune."

 27   Au paragraphe 13, la Chambre de première instance dit une nouvelle fois

 28   qu'au point 13, la Chambre de première instance poursuit disant :


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  1   "Que l'existence des éléments de preuve pourrait étayer la thèse de

  2   la revanche et de représailles et servir à la Défense lorsqu'elle prépare

  3   sa thèse."

  4   Que ceci était donc fondamental pour l'exercice d'un droit réel à la

  5   Défense.

  6   L'Accusation en l'espèce n'a pas fait appel de cette décision de la Chambre

  7   et l'Accusation a donc commencé à recueillir les éléments pertinents. Nous

  8   considérons qu'il s'agit donc là de jurisprudence de ce Tribunal et que sur

  9   la base de cette jurisprudence nous proposons à la présente Chambre de

 10   première instance de rendre une décision similaire ici même, et donc de

 11   demande à l'Accusation dans les affaires Halilovic, Hadzihasanovic et Delic

 12   de recueillir tous les documents relatifs aux crimes commis contre les

 13   Croates et de les communiquer aux équipes de Défense.

 14   Deuxièmement, que si l'Accusation est en possession de documents de

 15   même nature émanant d'autres procès que les affaires que je viens de citer,

 16   elle les communique également aux équipes de Défense.

 17   Troisièmement, nous demandons conformément à la décision de la

 18   Chambre de première instance de l'affaire Gotovina, nous proposons à la

 19   Chambre de première instance de cette affaire-ci de déclarer que

 20   l'Accusation n'est pas tenue de fournir les documents mentionnés dans les

 21   jugements car -- les jugements sont des documents publics, et par

 22   conséquent, la Défense respecte la règle de rapidité de la procédure pour

 23   accéder à ces documents, mais que l'obligation faite à l'Accusation

 24   concerne les autres documents, y compris protégés par l'article 70 de ce

 25   Tribunal.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 27   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   Bonjour à tous, Messieurs les Juges. Bonjour à tout le monde dans ce


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  1   prétoire. J'espère pour qu'on n'ait pas besoin de perdre du temps sur ce

  2   point, ce point qui est très compliqué. A

  3   notre avis, la Chambre de première instance devrai demander à la Défense

  4   Petkovic de déposer une requête écrite. L'Accusation y répondra, et ensuite

  5   la Chambre pourra décider. Bien sûr, la Chambre de première instance n'est

  6   pas tenue par aucune décision prise par une autre Chambre de première

  7   instance. Donc à notre avis, c'est ainsi qu'il convient de procéder.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   L'INTERPRÈTE : Les interprètes vous entendent, Monsieur le Juge.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Maître Alaburic, la Chambre de première

 11   instance a donc pris note de ce que vous demandez, mais elle estime que

 12   ceci doit faire l'objet d'une requête écrite. Compte tenu de l'importance

 13   du sujet, ce qui permettra également aux Défenses soit de s'associer à vous

 14   soit de faire leurs propres écritures, le Procureur fera valoir son point

 15   de vue, et la Chambre rendra une décision en la matière. Voilà. Donc le

 16   plus tôt possible ce sera le mieux.

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie, de

 18   votre décision. Nous allons mettre un point final à nos écritures lundi.

 19   Mais nous demandons simplement que délibération les dates limitent soient

 20   rapprochées de façon à ce que nous ayons une décision plus rapidement

 21   possible.

 22   M. STRINGER : [interprétation] Nous sommes opposé à cette demande. Cela

 23   fait des années que nous sommes ici dans ce procès. Il n'y a aucune raison

 24   équitable permettant de réduire le temps dont l'Accusation a droit pour

 25   répondre nous avons droit à 14 jours. Nous ne voyons pas pourquoi nous

 26   aurions droit à moins de jours tout d'un coup.

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Tout d'abord, j'aimerais mettre au compte

 28   rendu que nous nous associons à la demande Petkovic. Nous en avons parlé


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  1   avant l'audience, et la décision ne dit rien de ce que ce que nous avons

  2   dit depuis tout le début du procès. Donc je vois que la Chambre de première

  3   instance a pris en compte les commentaires que j'ai faits à leur vie en ce

  4   qui concerne cette affaire.

  5   Cela dit, l'Accusation dans l'affaire précédente a pris une position qui à

  6   mon avis est parfaitement honorable et qui a été décidée par la Chambre de

  7   première instance, si l'Accusation avait un produit différent ici, je pense

  8   que la Chambre de première instance doit lui expliquer pourquoi, parce que

  9   dans un Tribunal international, on ne peut pas avoir deux poids deux

 10   mesures où dans une affaire un individu a plus de droits qu'un accusé dans

 11   une autre affaire. Il faut que le bureau du Procureur ait une seule voix,

 12   s'exprime d'une seule voix. Ils ne peuvent pas utiliser une approche à la

 13   carte, comme a dit M. Stringer hier, on n'est pas dans un menu on peut

 14   choisir.

 15   Donc je demande à la Chambre de première instance qu'il écrive au Procureur

 16   et qu'il donne sa position car nous ne considérons pas que les Procureurs

 17   puissent choisir la position qu'ils auront selon l'affaire.

 18   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation rejette

 19   totalement les remarques qu'il vienne d'être faites par M. Karnavas. Chaque

 20   affaire est différente. Une équipe de l'Accusation peut choisir une

 21   position dans une affaire ça ne signifie pas qu'une autre équipe de

 22   Procureurs doivent avoir exactement la même position dans une autre

 23   affaire. Je ne vois pas pourquoi on perd notre temps si précieux sur ces

 24   grands discours et ces éphénements [phon]. Ça ne sert à rien. Ecoutez, on a

 25   qu'à attendre les requêtes et nous verrons.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Laissons attendre les requêtes. Quand la

 27   requête est enregistrée, le règlement prévoie que l'Accusation a 14 jours

 28   pour y répondre. Voilà c'est la procédure.


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  1   Maître Nozica.

  2   Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Pour le compte

  3   rendu d'audience, je voudrais dire simplement que la Défense de M. Stojic,

  4   en proposant des documents à verser au dossier, a proposé de nombreux

  5   documents qui relèvent de la catégorie qui vient d'être évoqués par la

  6   Défense du général Petkovic, c'est la raison pour laquelle je tiens à

  7   joindre totalement ma voix à ce qui vient d'être dit publiquement au cours

  8   de la présente audience, et nous allons déposer nos écritures dès qu'elles

  9   seront demandées. Merci.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Y a-t-il d'autres interventions d'avocats ?

 11   Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense du général

 12   Praljak, pendant toute la présente affaire a déposé des documents

 13   appartenant à cette catégorie de façon à montrer que rien ne s'est passé

 14   par génération spontanée, c'est la raison pour laquelle nous joignions

 15   notre voix à celle de Me Alaburic, nous considérons que sa requête est tout

 16   à fait acceptable, et nous associerons à cette requête.

 17   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Me Alaburic a dit "quid pro quo;"

 18   l'interprète pense qu'il devrait s'agir de "tu quoque."

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 20   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience,

 21   simplement nous nous associons à la requête qui vient d'être faite.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Tous les avocats sont donc intervenus, il n'y a plus

 23   d'autre intervention.

 24   Bien, alors hier au moment où nous étions pris par le temps, parce qu'il

 25   restait que quelques minutes, il y a une question qui a été posée par le

 26   Juge Trechsel, et à la traduction française que j'ai reçue, j'ai eu un

 27   problème de compréhension, après quoi j'ai indiqué donc hier que je

 28   regarderais le transcript. La version anglaise me semble aussi me poser


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  1   quelques problèmes, de ce fait, le mieux ça serait que le Juge repose sa

  2   question et comme ça tout sera clair.

  3   LE TÉMOIN : SLOBODAN PRALJAK [Reprise]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

  6   Président. J'ai relu ma question, et je suis tout à fait d'accord avec

  7   vous; elle manque un peu de clarté. Je vais donc essayer de la rendre plus

  8   intelligible dans la mesure de mes moyens.

  9   Donc le contexte, tout d'abord, il y a deux documents, l'un est un ordre

 10   donné par Mate Boban et envoyé à la fois, enfin ce qui nous concerne, au

 11   ministère de la Défense et à l'état-major principal.

 12   M. STRINGER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre. Mais

 13   pour le compte rendu, je tiens à dire, c'est vrai que c'est une nouvelle

 14   journée, il faudrait peut-être dire qu'il s'agit de la pièce P 05104, c'est

 15   le document de M. Boban, et ensuite le document P 05188, l'ordre subséquent

 16   envoyé par M. Praljak.

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Vous avez tout à fait le

 18   droit de m'interrompre, puisque je vous ai interrompu à un grand nombre de

 19   fois donc. C'est tout à fait juste de le faire. Merci pour ces

 20   [imperceptible].

 21   Donc nous avons un ordre de M. Boban, tout d'abord, et ensuite un ordre qui

 22   est signé par vous-même, Monsieur Praljak, qui lui est envoyé aux zones

 23   opérationnelles, donc aux différentes entités qui sont sous votre

 24   commandement.

 25   Vous nous avez dit que vous -- que sur ordre que vous avez relayé, l'ordre

 26   de M. Boban non pas dans sa totalité mais en excluant, plus

 27   particulièrement, le troisième point qui portait sur les prisonniers, cela

 28   dit, vous avez joint à votre ordre, l'ordre de M. Boban, et vous l'avez


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  1   joint dans sa totalité. Vous n'avez pas biffé certains passages. Dans votre

  2   propre ordre, vous avez fait des commentaires bien précis, et bien

  3   particulier, au point 5, en tout cas, concernant le point 5 de l'ordre de

  4   M. Boban mais pas d'autres. Donc vous dites que vous n'avez pas relayé

  5   l'ordre qui était au point numéro 3, cela on ne peut pas le vérifier au vu

  6   des documents que nous possédons. Puisque les documents ne le montrent pas.

  7   Voici comment j'ai interprété vos propos, j'ai cru comprendre que vous nous

  8   disiez que :

  9   "D'un côté, vous avez relayé l'ordre total de M. Mate Boban, mais

 10   cela, parce que c'était évident et du fait des limites aux compétences de

 11   l'armée, du fait que l'armée n'avait pas toute compétence dans le domaine

 12   où vous n'avez pas relayé la totalité de l'ordre en ce qui concerner en

 13   tout cas les prisonniers."

 14   Je pense qu'on peut aussi dire que vous considériez que les personnes

 15   recevant votre ordre avec l'ordre de Mate Boban allaient comprendre que le

 16   point numéro 3 ne les regardait pas, le point numéro 3 de l'ordre de Mate

 17   Boban. Donc c'était exclu de façon implicite. Vous ai-je bien compris, est-

 18   ce que c'est ce que vous essayez de nous dire, hier ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais simplement dire au

 22   premier paragraphe, comme cela doit se faire, j'ai parlé de la nécessité de

 23   lire l'ordre de M. Boban. Je considérais à l'époque et je le considère

 24   encore aujourd'hui qu'il était correct que je laisse la décision de Mate

 25   Boban telle qu'elle était et qu'il fallait que les hommes la lisent, en

 26   prennent connaissance. Mais dans mon ordre au point 3, je dis que

 27   s'agissant de ce qui figure aux points 5 et 6, et cetera, et cetera,

 28   d'ailleurs c'est écrit noir sur blanc au point 6, les responsables doivent


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  1   connaître leurs affectations par écrit avant d'être envoyés en mission.

  2   Donc il faut que les hommes lisent l'ordre de Boban tel qu'il est écrit, et

  3   dans mon ordre, je reprends la partie de l'ordre de Boban qui concerne

  4   l'armée. Si j'ai bien compris ce que vous venez de dire, je dirais que vous

  5   l'avez interprété correctement.

  6   Mme PINTER : [interprétation] Pour chacun dans le prétoire, j'appelle votre

  7   attention sur le document 3D 000915, c'est un document des archives d'état

  8   de la Croatie, à la lecture duquel il ressort manifestement qu'il existait

  9   un autre ordre auquel cet ordre de Mate Boban vient s'ajouter. Cet ordre a

 10   été envoyé par le général Praljak, et d'après ce que nous voyons, parce que

 11   c'est une question qui a été évoquée hier, et il s'agissait de savoir si

 12   l'ordre de Mate Boban existait en pièce jointe à l'ordre de Slobodan

 13   Praljak --

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Madame Pinter, nous n'avons pas ce

 15   document sous les yeux. Je pense que c'est un document que vous pouvez

 16   utiliser dans le cadre de vos questions supplémentaires. Mais vous pourrez

 17   poser toutes questions.

 18   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, très bien. Mais ce

 19   que je souhaitais c'est que puisque nous parlons de ce sujet maintenant,

 20   tout soit clair à la fin de la discussion, qu'on n'ait pas à y revenir.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. Je pense en effet vous

 22   êtes de bonne foi, vous avez de bonnes intentions, mais je pense qu'il est

 23   temps maintenant de rendre la parole à M. Stringer.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, la question de mon collègue, je le

 25   remercie, était parfaitement claire. J'ai bien compris et j'ai bien compris

 26   votre réponse. De ce fait donc je n'ai plus de problème particulier. En

 27   vous écoutant, Mate Boban fait un ordre que vous recevez et vous, vous

 28   transmettez l'ordre de Boban ainsi que votre ordre. Puis aux échelons


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  1   inférieurs normalement tout le monde est censé lire tous les documents;

  2   c'est bien cela ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ça.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi, dans votre ordre à vous, au point 5, vous

  5   dites que les commandants directement subordonnés sont directement donc

  6   responsables de l'exécution de l'ordre que vous avez émis ? Est-ce à dire

  7   que cette phase laisse penser que M. Boban, étant commandant suprême, il

  8   pouvait s'adresser lui aussi directement aux commandants de brigades, ou

  9   bien il était obligé de passer par la chaîne de commandement ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Le commandant suprême peut émettre des ordres

 11   adressés directement aux brigades mais, en général, habituellement, il

 12   passe par la filière de commandement, c'est-à-dire qu'il adresse l'ordre à

 13   l'état-major principal, l'état-major principal aux commandants de zones

 14   opérationnelles, les commandants de zones opérationnelles aux commandants

 15   de brigades, et cetera. Mais s'il le veut, il peut sauter la voie

 16   hiérarchique. Il peut adresser l'ordre directement.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Merci.

 18   Monsieur Stringer.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Contre-interrogatoire par M. Stringer: [Suite]

 21   Q.  [interprétation] J'ai certaines séquences vidéo que j'aimerais vous

 22   montrer, et une fois que nous les aurons vues, je vous poserais des

 23   questions.

 24   Il s'agit de la pièce P 00977.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "-- Jablanica au nord de Mostar en zone musulmane, un peu plus tôt au

 28   moment de leur libération. Leurs goêliers [phon] croates se sont amusés à


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  1   les faire courir sous le feu de leur mitrailleuse, quatre d'entre eux sont

  2   auraient ainsi été abattus au seuil de la liberté. Leur [imperceptible]

  3   extrême laissait supposer de mauvais traitements. Leurs témoignages ont

  4   révélé des atrocités : entassés dans des hangars, affamés, assoiffés,

  5   obligés pour survivre de boire leurs urines, leur --"

  6   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons reprendre, et peut-être que nous

  7   pourrons avoir une interprétation.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   " …au nord de Mostar en zone musulmane. Un peu plus tôt au moment de leur

 11   libération, leurs goêliers croates se sont amusés à les faire courir sous

 12   le feu de leur mitrailleuse. Quatre d'entre eux auraient ainsi été abattus

 13   au seuil de la liberté. Leur [imperceptible] extrême laissait supposer de

 14   mauvais traitements. Leurs témoignages ont révélé des atrocités; entassés

 15   dans des hangars, affamés, assoiffés, obligés pour survivre de boire leurs

 16   urines. Leur détention dans les camps croates de Dretelj et Gabela confirme

 17   une fois de plus l'horreur quotidienne qui continue de régner dans les

 18   camps de prisonniers en Bosnie. Selon les témoignages recueillis par le

 19   Haut-commissariat aux Réfugiés, ils étaient régulièrement battus ou

 20   torturés par brûlure de cigarettes, ils seraient morts sous les coups.

 21   Lorsque les soldats croates du HVO étaient ivres, ils s'amusaient à tirer à

 22   la mitrailleuse sur les hangars où ils étaient détenus; 30 d'entre eux

 23   auraient ainsi été blessés. Tortures physique mais aussi psychologiques,

 24   ils étaient obligés de chanter des chants injuriant les Musulmans. Les

 25   délégués du HCR les décrivent aujourd'hui dans un état de désespoir et

 26   d'humiliation extrême, 2 000 à 2 500 prisonniers musulmans seraient

 27   toujours détenus dans les camps croates de Dretelj."

 28   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]


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  1   M. STRINGER : [interprétation]

  2   Q.  Bien. La Chambre de première instance devra décider si les allégations

  3   sur tout ce qui est dit dans les conditions régnant dans les camps, sont

  4   véridiques ou non. Mais ma question sera un peu différente. Au début de ce

  5   texte, ce texte qui date du 31 août, nous savons que les prisonniers ont

  6   été libérés du camp de Dretelj à ce moment-là. Nous savons d'après d'autres

  7   éléments de preuve, donc l'ordre venant de Boban en date de septembre de

  8   quelques semaines après, septembre 1993, il dit qu'il y a des prisonniers

  9   de guerre et que les conditions de vie de ces prisonniers de guerre doivent

 10   respecter les normes internationales.

 11   Donc j'aimerais tout d'abord vous demandez, si vous étiez au courant

 12   de tout cela. Si vous avez fait quoi que ce soit après le rapport de

 13   Mazowiecki, donc c'était quand même un événement qui a fait beaucoup de

 14   bruit dans les médias. Avez-vous vu cette séquence, avez-vous entendu

 15   parler des conditions de vie de ces hommes lorsqu'ils étaient à Dretelj,

 16   ces hommes qui avaient été libérés ?

 17   R.  Non, Monsieur. Je ne peux que répéter que je ne sais pas quand

 18   cette vidéo a été tournée, à l'époque, je ne regardais pas la télévision.

 19   Je n'en avais ni le temps ni la possibilité. Tout ce que je peux dire c'est

 20   que si je me souviens bien, le 1er septembre, j'ai autorisé une équipe de

 21   télévision de CDF d'entrer dans les lieux. Maintenant, je ne sais pas si

 22   c'était à Dretelj ou ailleurs.

 23   En ce qui me concerne, j'ai agi ainsi à leur demande. On a pu montrer

 24   les images qui ont pu être tournées non seulement là-bas mais ailleurs.

 25   Moi, je n'avais aucun renseignement, et je ne cesse de vous dire quel était

 26   mon devoir vis-à-vis des règlements des forces armées donc des lois et vis-

 27   à-vis de la nation qui présidait à l'époque sur les champs de bataille.

 28   Q.  Très bien. Mon Général, j'aimerais vous ramener sur ce que vous avez


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  1   dit le 24 [comme interprété] juin 2009 dans le cadre de votre déposition

  2   dans ce procès. Il s'agit de la page 41 999 du compte rendu d'audience.

  3   Vous étiez en train d'examiner un document, et dans le document on pose des

  4   questions à Alija Izetbegovic. Dans ce même document, Alija Izetbegovic dit

  5   ne pas avoir connaissance du camp de Pogorelica. Il dit encore une fois

  6   dans le document :

  7   "Je ne savais pas que le camp de Pogorelica existait. J'en avais entendu

  8   parler à Rome seulement lorsque les médias en ont parlé, c'est-à-dire

  9   lorsqu'ils ont mentionné que la SFOR était entrée dans le camp."

 10   Vous avez fait un commentaire sur cette déclaration faite par Izetbegovic

 11   dans votre déclaration, Mon Général, et voici ce que vous avez dit. Vous

 12   avez dit :

 13   "Maintenant, comment est-ce possible que ce camp pouvait fonctionner avec

 14   tous ces services, mener à bien tout ceci, les agences qui étaient placées

 15   sous le contrôle d'Izetbegovic, et comment se faisait-il qu'il n'avait pas

 16   connaissance de ce camp ?

 17   "C'est tout à fait impossible -- cela aurait été impossible --"

 18   Ou plutôt -- non, excusez-moi, c'est moi qui vais maintenant corriger ce

 19   que je viens de dire. En fait, la question qui vous avait été posée à

 20   l'époque c'était :

 21   "…comment est-ce possible qu'un camp puisse exister et fonctionner avec

 22   tous ces services, mener à bien toutes les tâches, faire tout ce que le

 23   camp faisait et avoir toutes ces agences qui étaient placées sous le

 24   contrôle d'Izetbegovic, et est-ce qu'il aurait ne pas pu avoir connaissance

 25   de ce camp" ?

 26   C'est ce qu'on vous avait demandé.

 27   Vous avez répondu :

 28   "C'est impossible. C'est tout à fait impossible; 50 % de la population de


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  1   Bosnie-Herzégovine avait connaissance de ce camp. C'était presque un secret

  2   public."

  3   Mon Général, je vais maintenant vous demander si la même logique s'applique

  4   concernant votre propre connaissance des camps du HVO. C'était un secret

  5   public. Secret public notoire. Tout le monde savait exactement ce qui se

  6   passait dans ces camps; les médias couvraient ce qui se passait là-bas.

  7   Lorsque vous aviez dit que vous n'aviez absolument aucune connaissance de

  8   l'existence de ces camps, c'est tout à fait faux, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, Monsieur Stringer, et ce n'est pas une bonne comparaison. Ce n'est

 10   pas la bonne période de temps non plus. Rien de tout cela n'est exact.

 11   Tout d'abord, la position de M. Izetbegovic et la mienne sont deux

 12   positions différentes. C'est Mate Boban qui était au courant de Gabela.

 13   Deuxièmement, dans le camp de Pogorelica, nous n'avions pas des

 14   prisonniers; c'était un camp où étaient détenus des Mujahedin. Ce camp a

 15   existé après la fin de la guerre. C'était un camp de Mujahedin pour la

 16   formation et l'entraînement de combattants d'al-Qaeda qui ensuite devaient

 17   participer à des opérations, y compris aux Etats-Unis. Il n'y avait pas de

 18   guerre à ce moment-là, les journaux ont écrit à ce sujet. Donc ce dont il

 19   s'agit ici c'est tout d'abord le fait que la position et la situation

 20   d'Izetbegovic et la mienne ne sont pas les mêmes. La période de temps ne

 21   correspond pas. Ensuite Pogorelica n'était pas un camp de prisonniers.

 22   Franchement, je n'irais pas jusqu'à dire qu'Izetbegovic était au courant de

 23   tous les camps dans lesquels l'ABiH avait emprisonné et détenu des dizaines

 24   et des dizaines de Croates, et j'ai des preuves à cet effet que nous

 25   pourrons peut-être verser au dossier. Donc la comparaison n'est pas bonne.

 26   La période de temps ne correspond pas. La position de M. Izetbegovic et la

 27   même n'est pas la même. Il ne s'agit pas ici d'un camp de prisonniers au

 28   sens strict. C'est après que les informations sont apparues concernant


Page 12330

  1   l'existence du camp de Dretelj en septembre. Dans la mesure où j'ai été en

  2   position de l'apprendre, on a mis fin à l'existence de ces camps parce que

  3   tout le monde a compris ce qui était en train de s'y passer.

  4   Je pense que très peu de personnes étaient au courant de ce qui s'y passait

  5   et que ces personnes étaient pour la plupart à l'intérieur des camps eux-

  6   mêmes.

  7   Q.  Oui, mais lorsque Mate Boban a donné l'ordre que les camps soient

  8   placés à un niveau international et des standards, des normes

  9   internationales, vous n'avez rien fait, n'est-ce pas, pour faire en sorte

 10   que cet ordre soit relayé. Vous n'avez pas mis en œuvre l'ordre de Boban,

 11   n'est-ce pas, pour ces camps ?

 12   R.  Monsieur Stringer, il y a des services compétents pour cela. Le

 13   commandant de l'état-major principal ne pouvait rien faire en la matière

 14   car il n'en avait pas les attributions, n'avait pas le devoir de faire cela

 15   et n'avait pas à sa disposition non plus les moyens nécessaires.

 16   Q.  Si je me souviens bien de ce que vous avez dit hier, Monsieur, vous

 17   nous aviez dit que vous ne saviez pas qui ou quelle entité avait

 18   juridiction, n'est-ce pas ? Est-ce que c'est ce que vous dites ? Qui

 19   étaient les responsables, finalement ?

 20   R.  C'est exact. Je ne suis pas sûr pour ce qui est de savoir quel était

 21   l'organe compétent. C'est quelque chose que vous avez abordé dans le

 22   prétoire, donc effectivement on pourrait aller jusqu'au bout de cela.

 23   Q.  Très bien, oui.

 24   Mon Général, la pièce suivante est la pièce P 0--

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, je reviens à la vidéo. Quand je

 26   vous ai posé des questions pendant six jours, rappelez-vous, je m'étais

 27   posé la question : est-ce que j'allais vous passer cette bande vidéo ? 

 28   Rappelez-vous, Général Praljak, au début, je vous ai posé des questions sur


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  1   la question des prisonniers, puis quand vous avez dit que ça ne relevait

  2   pas de votre compétence, je n'ai pas insisté, je n'ai pas pensé et prévu de

  3   vous passer cette vidéo. Voilà que le Procureur vous passe cette vidéo.

  4   Vous avez noté que c'est une émission de TV 5 qui est une chaîne

  5   francophone, mais qui a été fait à partir de documents de HTV ? HTV est une

  6   chaîne croate, je crois, est-ce que vous êtes d'accord que HTV est une

  7   chaîne croate ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je peux comprendre que vous, vous étiez

 10   sur le front et que vous n'aviez pas vu cette émission. Très bien. Une

 11   chaîne croate prend ces images qui sont diffusées dans le monde entier,

 12   parce que TV 5 couvre le monde entier.

 13   Les services de Renseignements croates regardent tout ce qui se passe dans

 14   un conflit, quel qu'il soit. C'est une hypothèse que je formule, je n'ai

 15   aucun élément me permettant de faire un constat, donc je présume qu'en

 16   Croatie quand on a vu cette émission on a dû peut-être se poser des

 17   questions et qu'à ce moment-là, MM. Tudjman, Bobetko, Susak, et cetera se

 18   disent, mais on voit des gens qui sont libérés et qui sont maigres; qu'est-

 19   ce qui s'est passé ? Les journalistes expliquent qu'on a tiré à la

 20   mitraillette sur eux, on en a tué quatre. Ça pose un problème. A ce moment-

 21   là, M. Tudjman aurait pu demander, via la chaîne de commandement militaire

 22   de l'armée croate, d'essayer de se renseigner pour savoir qu'est-ce qui

 23   s'est passé ? Donc ma question est la suivante : à l'époque, personne ne

 24   vous a appelé pour vous dire : on vient de voir une émission; personne ne

 25   vous a appelé ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Tout d'abord, à

 27   partir de ce que nous avons entendu dans ce prétoire et à partir de ce que

 28   je sais, moi, il est évident que Franjo Tudjman a immédiatement réagi. Mate


Page 12332

  1   Granic a été dépêché sur place, des réunions ont commencé à s'enchaîner.

  2   Donc les gens ont appris exactement ce qui s'était passé après ce qui a été

  3   montré dans ces images. Le jour d'après, la ZDF s'est présentée auprès de

  4   moi. Je les ai laissés passer. Ils ont ensuite tourné d'autres images

  5   encore qui ont été diffusées, et cela a suscité un véritable scandale. Vous

  6   avez vu mon interview en 1995, moi en tant que Croate j'ai honte de cela.

  7   Dans cette autre interview, j'ai qualifié cela de crime. Ensuite un autre

  8   journaliste est arrivé, puis Vulliamy a demandé à pouvoir se rendre sur

  9   place, donc cela a constitué un début de réponse et le message qui était

 10   envoyé c'était qu'il fallait faire connaître cela qu'il ne fallait rien

 11   dissimuler. Alors d'autre part, lorsque Granic est arrivé, les services

 12   compétents ont commencé également le travail qui était le leur et moi je

 13   suis resté occuper aux tâches qui étaient par contre les miennes, et c'est-

 14   à-dire le combat et la défense du territoire. Croyez-moi, d'un point de vue

 15   du déroulement dans le temps lorsque l'on s'occupe du transfert des

 16   relocations des blessés de Mostar Est, de l'affrètement d'hélicoptères et

 17   ainsi de suite, je ne sais pas comment vous l'expliquer, mais je n'étais

 18   pas au courant. J'ai appris tous ces éléments à posteriori à mesure que

 19   l'on avançait dans le temps mais, pour autant que je m'en souvienne, il y a

 20   eu des réunions tenues à Makarska, et cela a fait grand bruit. Ce n'est

 21   qu'après qu'on a commencé à travailler à la résolution de ce problème qui

 22   ensuite a été effectivement traité, résolu.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] Très bien. Donc si j'ai bien compris,

 24   la chronologie d'après vous est la suivante : Tudjman, constatant cela, à

 25   ce moment-là, envoie Granic sur place, et suite à l'arrivée de Granic, va

 26   se dérouler toute une série d'événements, et vous dites que vous-même ZDF

 27   est venu vous demander une autorisation que vous avez accordée, Vuliamy, et

 28   cetera. C'est ça la chronologie ? 


Page 12333

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, mais franchement, lorsque j'en ai

  2   discuté avec les gens, j'ai compris que les membres du HDZ - ou excusez-moi

  3   - de la HZ HB, eux aussi ont appris et compris pour la première fois que

  4   ces événements se déroulaient sur place d'une façon tout autre que ce

  5   qu'ils avaient imaginé. Je ne peux dire que ce que j'ai fait, à savoir que

  6   j'ai laissé passer un premier, puis un second et un troisième journaliste,

  7   et à partir du 10 septembre jusqu'au 15 octobre, j'ai participé

  8   exclusivement aux activités de la guerre. Je me suis acquitté des problèmes

  9   des blessés, l'affrètement d'hélicoptères, et tout le reste. Il faut ici

 10   assembler toute la documentation pertinente pour voir ce qui était ma

 11   position à cet égard.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 13   M. STRINGER : [interprétation]

 14   Q.  Mon Général, à la page 17, ligne 2, vous avez dit que, sur la base de

 15   ce que vous saviez, Franjo Tudjman a réagi immédiatement, que Mate Granic

 16   avait été envoyé sur le terrain, des réunions avaient eu lieu --

 17   R.  Pour autant que je le sache.

 18   Q.  Attendez, je n'ai pas encore posé de questions. Ce sont des noms que

 19   vous avez donnés pour la première fois liés à ces événements. Je vous ai

 20   demandé qui était responsable, qui avait la juridiction. Est-ce que vous

 21   êtes en train de nous dire maintenant que c'était Tudjman et Granic qui

 22   avaient réellement la juridiction, qui étaient compétents ? En fait, il

 23   semblerait que ces deux personnes soient les seules personnes qui aient

 24   réagi à cela.

 25   R.  Non, je n'ai pas dit cela, Monsieur Stringer. Ce que j'ai dit c'est la

 26   façon dont moi j'ai appris à posteriori ce qui s'était passé, et j'ai dit

 27   également que j'ai appris une partie de ces éléments ici dans ce Tribunal.

 28   A mesure que les réunions se succédaient j'ai vu que Tudjman avait réagi,


Page 12334

  1   ce qui ne signifie pas que Prlic, Stojic et les autres n'avaient eux pas

  2   réagi non plus, n'avaient pas réagi du tout, donc ne faites pas,

  3   n'établissez pas des liens qui sont erronés ici.

  4   Q.  Mon Général, je ne fais que vous posez la question suivante : Tudjman a

  5   réagi, Granic, enfin il a envoyé Granic sur le terrain donc ce que vous

  6   êtes en train de nous dire, mon Général, c'est que c'est Tudjman et Granic

  7   qui avaient l'autorité, qui avaient la compétence en la matière, et que

  8   c'est eux qui devaient s'occuper de ce problème des camps ?

  9   R.  Non, je n'ai pas dit cela. Ce que j'ai dit c'est exactement ce que j'ai

 10   énoncé, à savoir que d'après les éléments que j'ai appris ultérieurement

 11   car, à l'époque, je ne savais rien de tout cela, ni ne suivait l'évolution

 12   des événements, j'ai vu donc qu'une réaction a été enclenchée après que les

 13   caméras de la télévision ont montré ce qui se passait. A partir de ce que

 14   j'ai appris à posteriori, il y a eu un état -- un véritable l'état

 15   d'urgence, un signal d'alarme a été tiré à partir du moment où les gens ont

 16   compris ces événements au sujet desquels je me suis déjà prononcé.

 17   Q.  Tudjman a envoyé Granic sur le terrain pour qu'il s'occupe de la

 18   situation car ni vous ni d'autres personnes du côté politique du HZ HB

 19   n'allaient faire quoi que ce soit pour résoudre la situation des camps ?

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges, j'ai une

 21   objection à cette question. Je ne me suis pas levée jusqu'à présent car je

 22   pensais que cela poursuivrait un cours différent.

 23   Mais le Général Praljak a répondu en parlant du président Tudjman

 24   parce que Monsieur le Président a posé une question portant sur le moment

 25   et les conditions dans lesquelles le président Tudjman a entrepris quelque

 26   chose. Il me semble qu'il est maintenant particulièrement inadéquat

 27   d'établir un lien entre la réponse à cette question précise et le

 28   comportement qui était celui des responsables officiels de la HZ HB en


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  1   Herceg-Bosna.

  2   M. STRINGER : [interprétation] Je suis tout à fait en désaccord avec mon

  3   éminente consœur, le Général vient de nous parler de Tudjman. Il vient de

  4   dire que ce dernier a envoyé Granic sur le terrain, donc c'est une question

  5   qui est tout à fait appropriée, une question de suivi.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, la Chambre est d'avis que le Procureur peut

  7   poser des questions de suivi sur la connaissance qu'avait M. Praljak du

  8   rôle des uns et des autres.

  9   M. STRINGER : [interprétation]

 10   Q.  Mon Général, en fait les camps qui avaient été fermés étaient fermés

 11   parce que Granic et parce que Tudjman voulaient que ces camps soient

 12   fermés, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, Monsieur Stringer, je ne peux convenir de cela. Vous me dites que

 14   ce sont eux qui ont résolu cela et non pas nous. Mais si moi je laisse

 15   passer des équipes de journalistes de télévision afin qu'elles révèlent ce

 16   qui se passe à l'intérieur, et ma seule signature les autorisant à faire

 17   cela prouve que ma position est qu'il ne faut rien dissimuler et que, s'il

 18   y a quelque chose d'anormal qui se passe, il faut le révéler au monde

 19   entier. C'est ce que je vous dis. Ce que je vous dis c'est ce que j'ai

 20   appris a posteriori, y compris à partir de différentes dépositions devant

 21   ce Tribunal, à savoir que la communauté internationale avait appris

 22   l'existence de cela, que Tudjman en était conscient, et que des efforts ont

 23   été faits dans ce sens.

 24   Q.  Prenons maintenant quelques commentaires que vous avez faits dans le

 25   cadre de votre interview avec la BBC. Nous vous avons montré ceci hier

 26   lorsqu'on vous a parlé de ce sujet, et je voudrais montrer donc une

 27   séquence vidéo pour voir ce que vous aviez à dire sur la question des

 28   camps.


Page 12336

  1   M. STRINGER : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, il s'agit

  2   de la séquence vidéo que nous avons montrée hier, tiret P 0 09258. Il

  3   s'agit des pages A -- 8 et 9 de la traduction en langue anglaise.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  6   "L'intervieweur : [aucune interprétation] 

  7   "Praljak : Il m'est un peu difficile d'en parler car en tant que Croates je

  8   ressens de la honte en raison de ces événements. Je ne peux pas dire que je

  9   puisse considérer cela comme quelque chose de normal. Il n'y a jamais eu de

 10   guerre ou d'armée qui lorsqu'elle a été confrontée à une nécessité de

 11   mettre des personnes en détention ne l'ait pas fait. C'est quelque chose de

 12   tout à fait habituel. Vous devez bien héberger quelque part des prisonniers

 13   de guerre. Et si vous en avez de nombreux, c'est un problème, l'Herceg-

 14   Bosna n'était pas préparée à accueillir des prisonniers de guerre, ni à la

 15   situation d'un conflit avec les Musulmans. Personne n'était vraiment

 16   préparé à cela. A un certain moment, nous avons été contraints de réagir

 17   très rapidement parce que c'était une question d'heure que celle de savoir

 18   qui allait désarmer, qui.

 19   "Donc vous vous retrouvez à un moment donné dans une situation dans

 20   laquelle si jamais vous ne réagissez pas en désarmant votre ennemi, c'est

 21   lui qui va vous désarmer et vous allez tout perdre. Et je ne pense pas que

 22   nous aurions pu nous relever de cela. Je suis prêt à accepter la

 23   responsabilité pour ces décisions portant sur leur désarmement, à partir du

 24   moment où tout a commencé, car il n'y avait plus de confiance. C'était une

 25   situation dans laquelle il était devenu trop dangereux, trop risqué

 26   d'attendre et je suis disposé à prendre la responsabilité du désarmement à

 27   Livno, à Prozor, à Vakuf, et cetera. Mais je ne suis pas du tout disposé à

 28   prendre la responsabilité de ce qu'était ces camps."


Page 12337

  1   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  2   M. STRINGER : [interprétation] Nous aurons besoin d'une seconde, Monsieur

  3   le Président. Avec votre permission, nous voulions en fait poursuivre le

  4   visionnement de cette séquence.

  5   Très bien. Merci. Nous allons revenir à la partie en question. Pour

  6   l'instant, nous n'arrivons pas à la trouver, elle nous échappe, Monsieur le

  7   Président. Mais ce que nous proposons de faire c'est de passer à une autre

  8   vidéo de la BBC dans laquelle cette conversation se poursuit. Il s'agit de

  9   la pièce P 09470.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 12   "Praljak : Donc lorsque le désarmement a commencé, lorsqu'il a fallu

 13   accueillir ces prisonniers, j'ai dit que j'étais sur le départ, j'ai dit à

 14   Bruno Stojic, qui était ministre de la Défense : Bruno, faites bien

 15   attention à ce que vous allez faire, ne faites rien dont nous aurions honte

 16   a posteriori. Il ma dit pour ce qui concerne notre prison pour laquelle

 17   j'ai compétence, c'est-à-dire cette d'Heliodrom, soit certain que nous

 18   entreprendrons tout ce qui sera nécessaire pour qu'il n'y ait rien

 19   d'anormal et dont nous ayons à avoir honte. Mais sur place je savais que

 20   c'était une zone sous contrôle civil et non pas militaire. Je savais qu'il

 21   se produirait des choses car nous n'étions pas en mesure de contrôler cette

 22   partie du territoire. Lorsque je suis revenu sur place, j'ai compris que

 23   les gens avaient déjà commencé à parler de la mauvaise situation dans les

 24   camps. M. Sakota est venu, il a fait usage de son autorité personnelle pour

 25   s'opposer à certains petits chefs locaux et de s'assurer que les hommes

 26   étaient bien traités comme des êtres humains. En d'autres termes, il a

 27   empêché le pire… je pense que les gens lui ont été reconnaissants de cela…

 28   j'ai personnellement émis des ordres concernant l'un de ces prisons,


Page 12338

  1   Dretelj… Dretelj et Gabela, en fait.

  2   "L'intervieweur : Pourriez-vous répéter.

  3   "Praljak : Oui, j'ai demandé personnellement que le camp de Gabela soit

  4   correctement organisé avec des paillasses, de l'eau, des douches, de la

  5   nourriture pour ces hommes… ces camps étaient dans les conditions qui sont

  6   prévues par les lois et coutumes de la guerre. A ce moment-là, plusieurs

  7   équipes se sont rendues sur place pour tourner des vidéos. Ils craignaient

  8   de voir les mêmes choses que ce qui avait pu être filmé dans les camps

  9   serbes.

 10   "J'ai ordonné que les journalistes soient autorisés à entrer. Après tout,

 11   moi-même j'ai été journaliste, et je sais de quoi il s'agit, qu'il est

 12   préférable de loin d'admettre les journalistes, nous ne souhaitions pas que

 13   cela se produise. Ce n'était pas du tout notre point de vue par rapport aux

 14   Musulmans. C'était simplement une forme de folie ou d'erreur qui se produit

 15   parfois après que beaucoup de nos propres hommes ont été tués dans

 16   l'attaque sur Siberni Logor [phon], le camp nord. Beaucoup d'entre eux ont

 17   été massacrés. Dans ces cas-là, vous êtes dans un tel état psychologique et

 18   votre sang est dans une telle ébullition que vous n'êtes plus en mesure de

 19   réfléchir de façon efficace pour ce qui est de la mise en place d'un camp.

 20   Nous les avons laissés passer; notre point de vue c'était laissez-les

 21   filmer ce qu'ils peuvent voir. Nous ne pouvons pas échapper à cela. Nous

 22   avons fait cela; nous en avons honte. Mais il n'y a rien que nous puissions

 23   y changer au fait que nous l'ayons fait. Donc la seule chose que nous

 24   puissions faire, c'est de laisser voir cela, puis faire tout ce qui est en

 25   notre pouvoir pour empêcher la reproduction de cela à l'avenir. Les

 26   journalistes ont filmé, et nous avons survécu…

 27   "Cependant, je ne peux pas accepter ces accusations selon lesquelles nous-

 28   mêmes ou moi - bien que je ne l'ai pas fait personnellement - ayons détruit


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  1   le vieux pont et attaqué Mostar. Nous devons nous rendre compte que dans

  2   les deux camps cela représente une véritable -- cela a entaché les deux

  3   camps."

  4   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  5   M. STRINGER : [interprétation]

  6   Q.  Mon Général, vous avez soulevé un certain nombre de questions et je

  7   vais vous poser des questions de suivi.

  8   Donc, mon Général, dans la première partie vous avez dit qu'au cours du

  9   processus de désarmement, lorsque les camps avaient été ouverts, il fallait

 10   bien placer des gens quelque part, et vous avez également dit qu'alors que

 11   vous partiez, vous vous étiez entretenu avec M. Stojic, et vous lui avez

 12   dit : "Bruno, fais attention, ne fait pas quelque chose dont on aurait à

 13   rougir."

 14   Maintenant, mon Général, la raison pour laquelle vous aviez parlé à Bruno

 15   Stojic de ceci c'est parce que le ministère de la Défense avait été

 16   effectivement partiellement au moins responsable de l'organisation et du

 17   traitement qui avait été accordé aux prisonniers dans le camp, n'est-ce pas

 18   ?

 19   L'INTERPRÈTE : Précision de la cabine française : le texte de la seconde

 20   interview ne nous a pas été fourni.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, cela n'est pas dit ici de cette

 22   façon; ce que je dis, je le dis de façon très précise, et j'en reste à ce

 23   que j'ai dit.

 24   Avant tout, il s'agit d'une interview, j'y énonce un certain nombre de

 25   thèses, et je --

 26   M. STRINGER : [interprétation]

 27   Q.  Général, vous ne répondez pas à ma question.

 28   R.  Non. Donc la réponse est non. Manifestement, Bruno Stojic -- alors si


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  1   l'on se fonde sur ceci, Bruno Stojic dit : non, l'Heliodrom se trouve dans

  2   le cadre de mes attributions, mais les deux autres prisons ne s'y trouvent

  3   pas. D'où cela découle-t-il, je l'ignore, et je ne sais pas qui en est

  4   responsable. Je m'entretiens simplement avec Bruno Stojic. Il me dit que

  5   l'Heliodrom est sous notre contrôle et il ne me dit rien de plus, c'est

  6   écrit noir sur blanc ici.

  7   Q.  D'accord, très bien. Donc tout ce que vous nous avez dit jusqu'à

  8   maintenant concernant la responsabilité à l'Heliodrom n'était pas la

  9   vérité. En réalité, comme vous venez de nous dire maintenant, vous et Bruno

 10   Stojic étiez responsables de l'Heliodrom, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je ne suis pas responsable pour l'Heliodrom. Est-ce que Bruno Stojic

 12   l'est, lui me dit que dans le cadre de cet accord, il le serait, alors est-

 13   ce qu'il l'est ou non responsable, je l'ignore; cependant, à partir de ce

 14   que je dis ici, il est évident que je ne suis pas compétent pour cela.

 15   C'est ici les propos de quelqu'un qui revient de Boksevica manifestement.

 16   Q.  Très bien, Général. Ce que vous avez dit ici en réalité c'est que :

 17   "Pour ce qui concerne nos prison à l'Heliodrom qui étaient placées

 18   sous ma responsabilité, je peux vous dire que je suis sûr qu'ils font

 19   l'impossible pour empêcher que des choses désagréables se passent."

 20   Donc est-ce que vous êtes en train de nous dire, Général, que l'Heliodrom

 21   qui était une prison d'enquête militaire du HVO était en réalité placée

 22   sous votre responsabilité, n'est-ce pas ?

 23   R.  Non, elle ne se trouvait pas dans le cadre de mes attributions. Dans

 24   une interview de cette nature où l'on me demande des explications

 25   concernant des événements précis, on ne peut pas faire comme s'il

 26   s'agissait d'une enquête ou d'une procédure judiciaire. Dans une interview

 27   de cette nature, l'on explique un certain nombre de choses. Il peut se

 28   trouver amener à avancer des éléments qui ne correspondent pas entièrement


Page 12341

  1   aux faits, et moi, dans une interview comme celle-là, j'ai essayé

  2   d'expliquer au nom de tous ce qui, selon moi, c'était produit, et j'en

  3   reste à ce que j'ai dit à cette occasion.

  4   Q.  Très bien. Donc vous maintenez ce que vous avez dit dans cet entretien

  5   ?

  6   R.  Monsieur Stringer, j'en reste aux faits qu'il s'est agi d'une tentative

  7   d'explication des événements et non pas d'une procédure judiciaire ou d'une

  8   enquête où l'on établit exactement ce qui s'est produit.

  9   Q.  Très bien. Vous êtes en train de dire la vérité dans cette interview,

 10   ou est-ce que vous mentez au journaliste ?

 11   R.  Monsieur Stringer, dans cette interview, j'énonce une vérité qui est

 12   fondamentale, mais il est possible que j'omette une partie de la vérité

 13   factuelle. Car c'est ce que l'on fait dans ces interviews on ne peut pas

 14   tout dire. Ce que je dis c'est la position par rapport aux camps, ce qui

 15   s'est passé, de quoi il faut avoir honte, ce que je dis c'est la substance

 16   de la vérité. Quant à la vérité factuelle, dans ce type de situation, on ne

 17   peut pas l'énumérer. Ce que j'énumère moi dans cet entretien, dans cette

 18   interview ça ne peut pas être assimilé à une enquête. Ce que j'énonce c'est

 19   la substance de ma propre position, la vérité.

 20   Q.  Très bien. DONC --

 21   Mme PINTER : [interprétation] Monsieur Stringer, je demanderais à ce que

 22   l'Accusation nous montre où figure ce passage au compte rendu d'audience

 23   dans lequel le général aurait déclaré que l'Heliodrom était sous sa

 24   compétence, sous sa responsabilité au cours de l'interview ? Je cherche le

 25   passage, je ne le trouve pas.

 26   M. STRINGER : [interprétation] Si vous regardez la traduction en anglais de

 27   la pièce P 09470, en bas à droite, on voit la numérotation page 1, 2, 3, et

 28   ça se trouve en haut de la page 2, en fait, qui porte aussi la mention


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  1   manuscrite 30, numéro 30.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi aussi, je pourrais trouver le passage, si

  3   on me disait en quelle page de la version croate du texte ce passage

  4   figure.

  5   M. STRINGER : [interprétation]

  6   Q.  Nous n'avons qu'à regarder la vidéo, et vous n'aurez qu'à vous entendre

  7   le dire.

  8   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : il formule la même remarque que le

  9   général Praljak à l'instant. Ils leur seraient aisés de trouver les

 10   passages dans les documents si les numéros de pages leur avaient été

 11   donnés.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Praljak : L'encerclement. Quand les camps existaient et quand il a fallu y

 15   placer des gens, je sais que j'étais en train de partir - il y a eu un

 16   court intervalle où je n'étais pas présent - je me souviens que j'ai dit à

 17   M. Bruno Stojic, qui était ministre de la Défense : Bruno, faites bien

 18   attention ne faites rien dont nous pourrions avoir honte. Et lui m'a dit

 19   que s'agissant de notre prison celle de l'Heliodrom qui était sous ma

 20   responsabilité je pouvais être sûr qu'ils allaient tout faire pour que rien

 21   de déplaisant ne s'y passe. Bien sûr on sait que des choses déplaisantes

 22   risquent toujours de se passer, mais nous ne sommes pas prêts à maîtriser

 23   l'ensemble des risques, même s'il est possible que, et ce n'est pas sous le

 24   contrôle de l'armée. Ces lieux ne sont pas sous le contrôle de l'armée."

 25   M. STRINGER : [interprétation]

 26   Q.  Vous parlez quand même de cette conversation avec Bruno Stojic qui a eu

 27   lieu pendant que le désarmement était en cours lorsque le camp a été

 28   établi. Vous faites référence à une période transitoire très courte, et


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  1   donc d'après, je tiens à vous dire qu'au cours de cette période -- que

  2   cette période transitoire en fait commence vers le 11 juillet 1993. Nous

  3   avons déjà parlé d'ailleurs précédemment. C'est lorsque vous avez quitté

  4   Boksevica, vous vous êtes rendu à Mostar. Vous avez rencontré M. Boban. Je

  5   crois que vous avez déjeuné avec le général Petkovic. Vous avez pris un

  6   bain, vous avez sans doute passé la nuit chez Bruno Stojic, peut-être, on

  7   n'est pas sûr. Ça c'était le 11 juillet 1993, alors que les arrestations et

  8   le désarmement commençaient et ensuite vous avez quitté les lieux. Et vous

  9   n'avez pas réapparu avant le 24 juillet, lorsque vous êtes revenu pour

 10   prendre le commandement de l'état-major principal.

 11   Donc cette période transitoire, lorsque vous avez eu cette conversation

 12   avec Bruno Stojic, ça devait être vers le 11 juillet, n'est-ce pas ?

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes excuses,

 14   mais il me semble que nous n'avons pas fait toute la clarté sur la position

 15   de l'Accusation eu égard à l'objection soulevée par Me Pinter quant à la

 16   teneur de cette interview. A l'instant même, en comparant la version croate

 17   et la version anglaise du texte, ainsi que les mots que nous entendons à la

 18   diffusion de la vidéo, je vois qu'il y a eu transcription erronée, car le

 19   général Praljak, durant cette interview, cite M. Bruno Stojic, qui lui dit

 20   : "Ne t'inquiète pas. Ce genre de chose ne se passera pas à l'Heliodrom

 21   parce que l'Heliodrom est sous ma responsabilité." Mais ces mots n'ont pas

 22   été consignés à la transcription comme un discours indirect. De sorte que,

 23   quand on lit la transcription, on a l'impression que ce qui est dit c'est

 24   que l'Heliodrom est sous la responsabilité du général Slobodan Praljak,

 25   alors que c'est tout à fait le contraire de ce qui a été dit, car dans la

 26   diffusion des images on constate que ce n'est pas cela qui a été dit, mais

 27   que c'était Bruno Stojic qui avait l'Heliodrom sous sa responsabilité.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais pouvoir


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  1   répondre.

  2   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  3   M. STRINGER : [interprétation] Oui, maintenant il va dire maintenant qu'on

  4   lui a présenté la réponse de la part du conseil du général Petkovic lui a

  5   présenté la réponse. On lui a montré la vidéo deux fois; il a dit qu'il

  6   disait la vérité mais elle était virtuelle si ce n'était pas la vérité

  7   factuelle en tout cas. Donc il a eu deux occasions de reprendre les mots

  8   qui lui étaient attribués. Donc, à mon avis, ce qui est en train de se

  9   passer dans ce prétoire est tout à fait inapproprié.

 10   L'INTERPRÈTE : Le général Praljak a dit : en effet, ce que vient de dire Me

 11   Alaburic est exact.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Maintenant je vous donnerais --

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie. Je vous en prie. Le Juge ne

 14   parle pas croate. Il n'a plus entendre que l'interprétation.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur le Président,

 16   je pense que nous pouvons comparer, vous connaissez tous suffisamment les

 17   langues pour comparer. Première page du total de 8 pages de la version

 18   croate tout à fait au début, le texte commence par les mots, je cite :

 19   "S'agissant du désarmement," et le texte anglais de ce passage commence au

 20   milieu de la page 30.

 21   Si vous vous penchez sur les propos de M. Stojic -- pardon, si vous vous

 22   penchez sur ce que le général Praljak a dit que M. Stojic avait dit -- non,

 23   non, non, il faut vraiment préciser ce point, Monsieur le Président,

 24   Messieurs les Juges.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]

 26   L'INTERPRÈTE : Monsieur le Juge Trechsel, micro, les interprètes ne vous

 27   entendent pas.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Si nous avons cette discussion, je pense


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  1   qu'on ne devrait pas l'avoir en présence du témoin, parce que le témoin --

  2   on lui souffle les réponses en ce moment donc on lui souffle les réponses.

  3   Donc il ne faut pas que le témoin soit là si nous voulons avoir cette

  4   discussion avec Mme Alaburic.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Je suis d'accord. Pour ce qui me concerne,

  6   il n'y a pas de problème. Pas de problème de poursuivre le débat en

  7   l'absence du général Praljak, mais je crois qu'il est très simple de

  8   comparer les textes et de constater que la traduction anglaise n'est pas --

  9   M. STRINGER : [interprétation] -- une décision de la Chambre, s'il vous

 10   plaît, tout de suite.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Stringer, ce qui est dit ne m'avait pas

 12   échappé, parce que la question se pose de savoir qui dit sous la

 13   juridiction. Est-ce que c'est Stojic, ou c'est Praljak ? Voilà c'est ça

 14   tout le débat, et je crois que la réponse on l'a dans l'interview qu'il

 15   donne lui, pas dans ce qui va dire aujourd'hui, ou il peut embrayer sur ce

 16   qu'a dit Me Alaburic. Mais la réponse elle est dans la vidéo. Alors le

 17   mieux c'est de revoir la vidéo, et à ce moment-là, chacun en tirera ses

 18   conclusions.

 19   Bien. Alors, Monsieur le Procureur, pouvez-vous repasser une nouvelle fois

 20   la vidéo, et puis on verra bien ce que M. Praljak dit en croate, et ça va

 21   nous être traduit dans la continuité ?

 22   Attendez, attendez, parce que --

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais à gauche là, dans la salle, on vous a

 25   posé une question.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Praljak, on va vous demander de

 27   quitter pendant quelque temps la salle d'audience. Ce qui vous permettra

 28   d'aller où vous voulez et puis, tout en restant ici, bien entendu.


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  1   [Le témoin quitte la barre]

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Puis, pendant ce temps-là, on va regarder à nouveau

  3   la vidéo.

  4   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : ils acceptent d'interpréter mais sur

  5   un sujet aussi sensible, ils indiquent qu'ils n'ont pas de texte sur papier

  6   et qu'ils suivent le déroulement des sous-titres à toute vitesse à l'écran.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais réagir à ce que nous

  8   avons entendu. Je remarque qu'il y a des différends dans les comptes

  9   rendus, dans les transcripts, en ce qui concerne le script croate, comme

 10   l'a dit Mme Alaburic, les mots sont présentés  s'agissant de notre prison

 11   qui est sous ma juridiction, c'est-à-dire qu'il dit que c'est lui qui a la

 12   compétence. Mais ça, c'est un script uniquement. La personne qui a

 13   transcrit le script, elle l'a mis entre guillemets. Mais, bien sûr, les

 14   guillemets on ne les trouve pas dans l'interview. Donc il va être difficile

 15   de savoir si ces guillemets correspondent bel et bien aux propos de M.

 16   Praljak dans l'interview. Il faudrait peut-être que nous écoutions plutôt

 17   la version croate, c'est ça qui va nous donner l'idée, on va voir si ces

 18   guillemets sont bel et bien implicites dans ce que dit le général Praljak

 19   dans la vidéo.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon collègue --

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Bien, si nous parlons du désarmement. Il y avait des camps, il fallait

 24   faire quelque chose, et je sais que je n'étais pas sur place. Il y avait

 25   cet inter règne, et je me rappelle que j'ai dit à M. Bruno Stojic, qui

 26   était ministre de la Défense : Bruno, prenez grand soin de ne pas faire

 27   quelque chose dont nous pourrions avoir honte. Lui, m'a dit que, s'agissant

 28   de notre prison, de l'Heliodrom qui est sous ma juridiction, je pouvais


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  1   être sûr qu'ils allaient tout faire pour empêcher quoi que ce soit de

  2   déplaisant. Bien sûr, on savait que des choses déplaisantes arriveraient

  3   parce que nous n'étions pas capables de tout maîtriser. Même si… et ce qui

  4   se faisait là-bas, en bas, n'était pas sous la maîtrise de l'armée. C'était

  5   simplement une partie civile. C'est ainsi que les choses avaient été mises

  6   en place. Et, à mon retour, j'ai compris d'après ce que les gens ont

  7   commencé à dire que les camps avaient mauvaise figure --"

  8   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  9   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi un

 10   point. Quand M. Praljak rentrera dans le prétoire et il a demandé que ce

 11   passage soit situé dans son texte en langue croate, je propose qu'on lui

 12   remette ce passage du texte. Il a été un peu difficile à localiser dans

 13   l'ensemble du document. Mais le croate est la langue maternelle de M.

 14   Praljak, et je peux vous dire que, moi-même, parlant la même langue, je

 15   vous affirme qu'il ne peut y avoir aucun doute et que le général Praljak

 16   dans sa phrase dit très clairement sans que le moindre doute soit permis

 17   quant au fait que ce serait du langage direct ou indirect, M. Stojic m'a

 18   dit la chose suivante, et la traduction réalisée par l'Accusation montre

 19   bien cette chose, à savoir que toute la phrase est entre guillemets. Là, il

 20   ne peut y avoir le moindre doute, pas une once de doute. Merci.

 21   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes excuses.

 22   Moi-même, j'ai pour langue maternelle la langue croate, je ne vois

 23   absolument pas en quoi il est évident qu'il faille mettre des points

 24   d'interrogation sur l'interprétation de cette phrase. Je considère que la

 25   traduction anglaise est tout à fait exacte, qu'elle est bonne, que le texte

 26   a été bien traduit parce que M. Praljak déclare, "je lui ai dit," et puis

 27   ensuite il cite ce qu'il a dit à son interlocuteur. Plus bas dans le texte,

 28   il n'y a pas de citation. Par ailleurs, lorsqu'il parle des prisons sous


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  1   contrôle militaire ou qui ne sont pas sous la maîtrise de l'armée, il dit,

  2   je considère que et le texte est traduit tout à fait correctement. Donc

  3   demandons finalement à M. Praljak ce qu'il pense et ce qu'il a dit entre

  4   guillemets ou pas, s'agissant de notre maîtrise ou notre contrôle. Si M.

  5   Stojic a utilisé le mot "notre" pour parler de la prison, il voulait parler

  6   de lui-même et de M. Praljak comme faisant partie de la même communauté, de

  7   la même partie.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Je voulais rajouter au transcript, dans la

  9   traduction française, l'interprète qui traduit le croate en français

 10   directement sans passer par l'anglais, dit, que Stojic parle de "nos

 11   prisons." C'est ce que dit à ce moment-là, Stojic au général Praljak, mais

 12   qu'ensuite Praljak dit : "Laquelle est sous ma juridiction." Dans la

 13   version française, M. Praljak reconnaît que la prison est sous sa

 14   juridiction. Voilà, moi, c'est la traduction française, mais elle vaut ce

 15   qu'elle vaut. C'est ce que dit l'interprète.

 16   Bien. Alors, Monsieur Stringer, est-ce qu'on peut faire revenir M. Praljak,

 17   puisque c'est vous qui avez demandé qu'il sorte ?

 18   M. STRINGER : [interprétation] Oui, avant de le faire rentrer dans le

 19   prétoire, j'aimerais dire que je parle le croate parce que je pourrai

 20   ainsi, moi aussi, participer aux débats. Malheureusement, je suis

 21   [imperceptible] des interprètes. Voici ma suggestion : peut-être est-elle

 22   appropriée, mais je ne sais pas si les interprètes - le service

 23   linguistique qui eux sont neutres finalement - puissent prendre position,

 24   peut-être de la façon dont M. Praljak s'exprime, on peut avoir du fait de

 25   ses inflexions, du ton de sa voix, on peut avoir quelque chose d'évident.

 26   Moi, je ne peux travailler qu'à partir d'une traduction écrite, traduction

 27   que croyez-moi nous avons vérifiée à de nombreuses fois avant de venir en

 28   prétoire, parce que c'est essentiel, évidemment.


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  1   Mais ce serait peut-être bon d'avoir les points de vue des interprètes.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors la Chambre est d'accord avec cette idée et

  3   demande donc au Greffe de faire une traduction par le service compétent des

  4   propos tenus par le général Praljak lors de son interview dans la vidéo qui

  5   nous a été passée. Voilà.

  6   Bien. Oui, Maître Kovacic.

  7   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte rendu

  8   d'audience, je tiens à dire que je suis totalement, entièrement d'accord

  9   avec cette façon de procéder. Nous avons la langue croate dans cette vidéo,

 10   langue parlée dans la vidéo, on l'entend très bien, et c'est la langue

 11   originale, n'est-ce pas, sans l'ombre d'un doute. Nous avons la

 12   transcription croate, qui à notre avis est tout à fait exacte et fidèle

 13   donc si l'on confie à trois interprètes ou traducteurs professionnels la

 14   tâche d'écouter cela ensemble, cela devrait convenir.

 15   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, toutes mes excuses,

 16   puisqu'une objection était soulevée par nous. Nous disons maintenant que

 17   nous sommes tout à fait d'accord avec cette procédure et nous admettrons la

 18   traduction qui nous sera donnée après examen de cette vidéo.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour une fois que tout le monde est d'accord, on ne

 20   peut que s'en réjouir. Alors est-ce qu'on va faire rentrer M. Praljak ?

 21   Monsieur Stringer, oui.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. STRINGER : [interprétation] Je passais à un autre volet de mon contre-

 24   interrogatoire. Je suis désolé.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Le Procureur va passer à un autre sujet. Simplement,

 26   je vous dis quand vous n'étiez pas là, la Chambre a demandé au service de

 27   Traduction de nous traduire les propos que vous aviez tenus lors de cette

 28   interview. 


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  1   Voilà. Bien. Monsieur Stringer, il nous reste dix minutes avant la pause.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si je peux ajouter une petite chose,

  3   il ne nous faut pas uniquement une traduction mais aussi un nouveau script,

  4   une nouvelle transcription pour voir si on entend bel et bien ces

  5   guillemets dans la voix de M. Praljak.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Si je puis prendre la parole. Ce qui est

  7   important, c'est ce qu'il n'a dit pas ce qui est écrit, ce qu'il a dit ses

  8   propos, ses mots. Donc plutôt que de leur demander d'écrire une

  9   dissertation sur leur interprétation, le mieux c'est de demander aux

 10   cabines quelle est leur interprétation, parce qu'eux, ils écoutent, c'est

 11   eux qui écoutent. Il ne s'agit pas d'un texte écrit, c'est une interview

 12   orale. Ce qui est important c'est ce que le témoin a dit à l'époque, parle

 13   par le -- dans sa voix parce qu'ils vont discerner en se basant sur les

 14   inflexions de la voix exactement ce qu'il voulait dire. A mon avis, c'est

 15   comme ça que ça marche. En tout cas, c'est ainsi que cela serait traité

 16   dans ma juridiction.  

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Le service de Traduction va écouter la bande et ils

 18   vont traduire, et comme il y a le B/C/S et l'anglais, je présume qu'il y

 19   aura plusieurs traducteurs qui vont se pencher, ils vont écouter et

 20   traduire. Enfin ça -- que ça va se faire.

 21   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de cabinet française : quand on met par

 22   écrit des guillemets, c'est la traduction d'une inflexion de la voix.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : On verra bien. Attendons la suite.

 24   Monsieur Stringer.

 25   M. STRINGER : [interprétation]

 26   Q.  Général, je vais reprendre où nous étions lorsque nous avons été

 27   légèrement envoyés sur une voie originale.

 28   Donc je parlais de la conversation que vous aviez avec Stojic et je vous


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  1   demandais surtout ce qui se passait pendant cet interrègne si court pendant

  2   cette période transitoire à laquelle vous avez fait allusion lorsque vous

  3   êtes parti, lorsqu'il y a eu le désarmement, lorsque les camps ont été

  4   créés, vous n'étiez pas là. Voici ce que je vous affirmais, je disais que

  5   cette période transitoire avait commencé aux environs du 11 juillet 1993,

  6   lorsque vous avez quitté Boksevica, que vous avez vu M. Stojic pendant un

  7   petit moment, ensuite vous avez pris un bain et puis vous êtes retourné à

  8   Zagreb.

  9   Est-ce que d'après vous cette conversation, à laquelle vous

 10   faites référence, a bel et bien eu lieu ce jour-là, à ce moment-là ?

 11   R.  Ce que j'évoque là c'est une période de temps. Quand je dis que j'étais

 12   absent, j'évoque la durée de mon absence. Un interrègne ça a une autre

 13   connotation qui peut laisser entendre un changement de responsabilité ou ce

 14   genre de chose. Moi, j'étais à Boksevica, je crois que c'était le 11 que je

 15   suis parti pour Zagreb, après avoir pris un bain chez M. Stojic et avoir

 16   dîné chez lui, et puis je suis revenu le 24. Donc ce que j'ai fait, quand,

 17   où je me trouvais quand, nous savons ce qui s'est passé à Boksevica et ce

 18   que j'ai fait après le 24.

 19   Q.  Vous parlez du processus de désarmement qui a commencé au début de

 20   juillet 1993. Vous dites lorsque le camp a été créé, et je vous cite là

 21   vous dites :

 22   "Alors que je partais, alors que je partais il y a eu un interrègne très

 23   court où je n'étais pas présent."

 24   Donc voici ce que je vous affirme : cette période où vous n'étiez pas

 25   présent, c'est la période qui coure du 11 juillet 1993 au 24 juillet 1993.

 26   Vous êtes d'accord avec moi ?

 27   R.  Il est exact que je n'étais pas présent, mais il ne s'agissait pas

 28   d'une absence de gouvernement ou d'un interrègne avec ces connotations de


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  1   responsabilité.

  2   J'ajouterais que dans l'interview on me pose des questions, on me demande

  3   des explications, et moi, j'explique et je présente ma position morale. Il

  4   ne s'agit pas d'une déclaration de faits. Il s'agit de l'exposé d'un point

  5   de vue moral et d'un point de vue moral qui porte sur quelque chose qui est

  6   possible, éventuel, qui risque de se produire.

  7   Q.  Bien. Je vais passer à un autre passage de ce texte, un peu plus bas et

  8   vous dites :

  9   "Lorsque je suis revenu, j'ai compris d'après ce que les gens disaient

 10   déjà, que ça se passait mal dans les camps."

 11   Donc ça c'est le 24 juillet 1993, lorsque vous avez pris votre

 12   commandement. Donc voici ce que vous nous dites : même lorsque vous êtes

 13   rentré, vous saviez que les choses ne se passaient pas bien dans ces camps,

 14   vous étiez au courant. Vous étiez au courant de ce qui se passait dans ces

 15   camps, ces camps dont vous aviez parlé avec Stojic avant votre départ. Donc

 16   vous aviez au moins parlé d'un camp avec lui ?

 17   R.  Ce n'est pas exact, Monsieur Stringer. Si vous regardez ce qui vient

 18   après, vous verrez ce qu'il en est. Je ne dis pas, après mon retour. Vous

 19   savez ce qui s'est passé à ce moment-là. Je le répète, ce dont je parle

 20   c'est du fait que j'ai autorisé les journalistes à intervenir et puis il me

 21   semble que je me souviens qu'après avoir lu l'interview dans le Globus,

 22   j'ai appelé les gens de Capljina parce qu'ils manquaient de couvertures et

 23   que j'ai donné l'ordre qu'on distribue des couvertures. Il me semble que

 24   j'ai ce souvenir. Je ne m'en souviens pas exactement, exactement. Mais tout

 25   cela, quand je dis après mon retour, cela ne veut pas dire le lendemain

 26   même mais on a laissé entrer les journalistes et puis alors, je vous en

 27   prie, ne faites pas, parce que si l'interprétation et la traduction est

 28   bonne en dehors d'une petite erreur possible, parce qu'à l'époque on


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  1   exigeait pas de moi que -- et puis d'ailleurs je ne connaissais pas tous

  2   les faits. Donc j'explique ma position.

  3   Q.  Très bien. Merci. Vous dites :

  4   "Personnellement, j'ai donné des ordres à propos de l'autre à Dretelj. Il y

  5   en avait un à Dretelj et l'autre à Gabela. J'ai demandé qui" - et le

  6   journaliste vous interrompt, et vous reprenez : "Oui. J'ai demandé

  7   personnellement que le camp de Gabela soit organisé de façon correcte avec

  8   des paillasses, de l'eau, de quoi se laver, de la nourriture, et cetera. Ce

  9   type de camps -- il faut que ce type de camps, à un certain niveau, ce soit

 10   les droits de la guerre qui le demandent. Il y avait déjà certaines équipes

 11   de journalistes qui attendaient pour qu'on leur permettre de filmer. Bien

 12   sûr, les gens avaient peur et on se rendait bien compte que les gens

 13   avaient peur de voir la même chose que ce qu'ils avaient vu dans les camps

 14   serbes."

 15   Donc vous saviez quelle était la situation qui régnait à Gabela. Vous

 16   saviez que c'était de situations, des conditions qui n'étaient pas au

 17   niveau des normes internationales. Vous le saviez. Et de ce fait, vous avez

 18   donné des ordres pour qu'à Gabela, on organise les choses correctement et

 19   qu'on respecte les normes, n'est-ce pas ?

 20   R.  Votre interprétation n'est pas exacte. Si vous avez regardez l'image

 21   quand on me pose la question, je ne parviens pas à me rappeler Gabela. Je

 22   ne sais même pas si elle a été mentionnée, mais parlez et transcrire ce qui

 23   est dit ce n'est pas la même chose. Vous verrez à mon visage que j'essaie

 24   de fouiller ma mémoire, Gabela ou Dretelj, je ne parviens pas à me

 25   rappeler. Il est possible que j'ai donné des renseignements, mais après que

 26   les journalistes aient diffusé des renseignements au sujet de ce qui se

 27   passait à Gabela. Malheureusement --

 28   Q.  Oui. Mais ici on voit quand même que vous avez donné l'ordre qu'on


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  1   nettoie le camp parce qu'il y avait des équipes de journalistes qui

  2   attendaient d'avoir l'autorisation de rentrer. Donc vous avez demandé que

  3   l'on nettoie un peu le camp pour que les médias ne voient pas ce qui s'est

  4   passé vraiment. Voilà ce qui s'est passé en fait, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non, Monsieur. Vous verrez à examiner la déclaration de Mme Ivanisevic

  6   qu'elle m'a appelé à Citluk et que j'ai donné l'autorisation pour elle de

  7   se rendre immédiatement dans le camp et cela a tout déclenché. Je n'ai pas

  8   pu appeler qui que ce soit pour dire nettoyez tout, parce qu'une équipe de

  9   journalistes arrivent. Non, elle est allée à Citluk, et je lui ai envoyé

 10   par fax l'autorisation. Je l'ai signée, vous le verrez dans sa déclaration,

 11   vous le verrez dans sa déclaration à elle. Vous n'êtes pas en droit

 12   d'interpréter cette interview comme un exposé de faits précis. Comme vous

 13   le constaterez à l'image, je me tiens le front, j'essaie de me rappeler le

 14   nom des camps, et cetera. Ici vous, vous tirez un exposé des faits d'une

 15   interview dans laquelle je ne fais que tenter d'expliquer ce qui s'est

 16   passé et de donner mon point de vue personnel qui est exprimé très

 17   clairement.

 18   Q.  Dernière question juste avant la pause. Dans cette interview, vous

 19   dites : "J'ai demandé personnellement que le camp de Gabela soit organisé

 20   de façon correcte," donc vous êtes en train de nous dire que, là, vous

 21   mentiez lors de cette interview, c'est faux, vous ne disiez pas la vérité ?

 22   R.  Ni l'un ni l'autre n'est exact. Ce que je vous dis c'est qu'il est

 23   possible que - aujourd'hui je n'arrive même plus à m'en souvenir - il est

 24   possible que j'aie demandé à la caserne de Capljina de leur envoyer des

 25   paillasses, des matelas; après que les journalistes -- ou plus précisément,

 26   l'hebdomadaire Globus ait montré ce qu'il en était. Donc cinq, six ou sept

 27   jours après, j'ai vu ce qui avait été publié.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Nous pouvons faire la pause.


Page 12356

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est l'heure de la pause. Nous allons faire 20

  2   minutes de pause.

  3   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

  4   --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  6   Monsieur Stringer.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Mon Général, j'aimerais passer maintenant à la deuxième partie de la

  9   séquence vidéo de la BBC que nous n'avons pas pu vous montrer tout à

 10   l'heure, nous l'avons retrouvée. Il s'agit de la partie II, c'est la

 11   continuation de ce que nous vous avons montré hier lorsque vous parliez du

 12   désarmement. Nous allons donc vous montrer la suite, nous ne voulons pas

 13   vous montrer la séquence vidéo depuis le début. Donc il s'agit de la pièce

 14   P 09258, en bas de la page 8 en anglais, et je crois que c'est vers la page

 15   11 dans la traduction en B/C/S.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Il fallait réagir très rapidement. C'était une question d'heure que

 19   de savoir qui allait désarmer qui.

 20   "Et vous vous trouvez dans une situation dans laquelle, si jamais vous ne

 21   désarmez pas votre ennemi, c'est lui qui vous désarmera et vous perdrez

 22   absolument tout. Je suis disposé à accepter la responsabilité pour ce qui

 23   est de cette décision portant désarmement, à partir du moment où tout cela

 24   a démarré, parce qu'on est dans une situation où il est beaucoup trop

 25   dangereux de continuer à attendre et de prendre ce risque. Il n'y a plus de

 26   confiance. Donc je suis prêt à prendre cette responsabilité pour ce qui est

 27   du désarmement à Livno, Prozor, Vakuf, et cetera, mais je ne suis pas

 28   disposé à accepter la responsabilité des conditions dans ces camps. Il faut


Page 12357

  1   dire ici que malheureusement, ce n'était pas l'armée qui était en charge de

  2   ces camps. L'armée disposait non pas d'un "camp," c'est un mot assez chargé

  3   de sens, disons plutôt une prison à l'Heliodrom. Elle a été contrôlée par

  4   des organisations internationales et humanitaires. C'est un centre de

  5   détention qui satisfaisait aux critères applicables, aux conditions qui

  6   étaient nécessaires. Alors, soyons réalistes. Bien entendu, il y a eu des

  7   excès, des incidents, c'est tout à fait certain. On ne peut pas s'attendre

  8   à ce que dans une période aussi troublée que celle que nous avons connue,

  9   nous ayons réussi, bien que nous nous y soyons efforcés à empêcher ce type

 10   de débordement à 100 %."

 11   L'INTERPRÈTE : Le son devient complètement inaudible.

 12   [Voix sur voix]

 13   "Dans le deuxième, je ne sais pas, manifestement il s'est passé

 14   quelque chose d'inapproprié qui n'était pas bon, au moment où je suis

 15   arrivé sur place, après avoir été absent une nouvelle fois du terrain. Il

 16   faudrait déterminer exactement quand. J'ai demandé que tout soit fait pour

 17   que règnent dans ce camp les conditions nécessaires, celles qui sont

 18   exigibles, car j'ai même laissé les journalistes entrer voir la situation

 19   telle qu'elle était mauvaise, parce qu'il aurait été pire de ne pas les

 20   laisser entrer. Donc j'ai demandé que l'on laisse entrer les équipes des

 21   journalistes, bien que j'aie connu la situation qui prévalait. Je savais

 22   que cela allait nous retomber dessus, mais j'estimais que cela permettra

 23   d'apporter une solution que de faire connaître tous ces faits à l'opinion

 24   publique. Bien sûr, je ne peux justifier rien de ce qui s'est passé, mais

 25   tout ce qui était en mon pouvoir, tout ce qui était en notre pouvoir du

 26   point de vue militaire, nous l'avons fait. Pour ce qui est de ceux qui en

 27   sont responsables, je pense qu'il faut chercher un peu au-delà de l'armée.

 28   "Journaliste : Vous vous êtes rendu dans ces centres de détention ?"


Page 12358

  1   "Praljak : Non. Je suis allé à l'Heliodrom qui semblait être dans des

  2   conditions correctes. Mais quand je suis allé sur place, lorsqu'ils m'ont

  3   dit à vrai dire, le danger de perdre des territoires était tellement

  4   important que dans les zones où je me suis trouvé, je me suis consacré à la

  5   guerre pour la plus grande partie du temps où j'étais présent. C'est ce que

  6   j'ai déjà dit. Et j'aurais pu me consacrer à la question des camps, et

  7   j'aurais pu essayer de résoudre les problèmes plus rapidement, mais dans ce

  8   cas-là nous aurions perdu des territoires et cela n'aurait mené à rien."

  9   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 10   M. STRINGER : [interprétation]

 11   Q.  Mon Général, hier sous serment, vous nous avez dit que vous n'étiez

 12   jamais allé à l'Heliodrom en 1993, que vous ne vous y êtes trouvé qu'une

 13   seule fois, et ce, en 1992 pendant l'été. Est-ce que ceci rafraîchit votre

 14   mémoire, à savoir qu'effectivement vous vous y étiez rendu, vous étiez allé

 15   à l'Heliodrom, et que vous estimiez que, d'après vous, c'était correct ?

 16   R.  Non, Monsieur Stringer. J'en reste au fait que je ne suis pas allé à

 17   l'Heliodrom. Je le répète ici, dans cette émission qui s'intitule "La mort

 18   de la Yougoslavie." On m'a dit que j'allais être emmené à parler de sujets

 19   généraux; et je m'y exprime en parlant au nom de tous. J'essaie d'apporter

 20   des explications au nom de tous et de façon plus spécifique en tant que

 21   combattant sur -- je fais comme si j'étais sur la première ligne de front,

 22   en fait. J'essaie d'expliquer la façon dont j'ai compris la situation a

 23   posteriori.

 24   Je n'étais pas à l'Heliodrom en 1993.

 25   Q.  Très bien. Merci. Général alors, lorsque vous parliez de l'Heliodrom,

 26   vous parliez d'autres camps. Lorsque vous avez dit ici que vous vous étiez

 27   rendu sur l'Heliodrom et que vous aviez rendu visite à l'Heliodrom et que

 28   tout semblait correct, vous ne disiez pas la vérité en fait aux


Page 12359

  1   journalistes, n'est-ce pas ?

  2   Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges. Juste une

  3   objection concernant la question qui est posée. A partir de ce que nous

  4   avons vu, M. Praljak a dit que l'Heliodrom n'était pas un camp mais un

  5   centre de détention, une prison militaire. Là, dans la question, on nous

  6   dit "à l'Heliodrom et dans les autres camps," c'est la formulation utilisée

  7   qui suggère que le général Praljak aurait dit que l'Heliodrom ait été un

  8   camp. C'est ma remarque et là, nous avons tous entendu ce que le général

  9   Praljak a déclaré au sujet de l'Heliodrom. Merci.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas nier que j'ai dit cela, mais je

 11   ne précise pas l'année. En 1993, je ne suis pas allé à l'Heliodrom, c'est

 12   tout à fait sûr, à aucun moment. On peut suivre chaque journée de ma

 13   présence sur le terrain à partir du 24 septembre conformément aux ordres et

 14   suivant le déroulement des opérations de combat.

 15   M. STRINGER : [interprétation]

 16   Q.  Nous pouvons recommencer tout depuis le début, si vous souhaitez. Nous

 17   pouvons montrer la séquence vidéo depuis le début que nous vous avons

 18   montré hier --

 19   R. Oui, faites-le. 

 20   Q.  -- car tout ceci commence avec la question des centres de détention, et

 21   le journaliste fait une référence au 17 juillet 1993, on parle de

 22   l'existence de ces centres et c'est à ce moment-là qu'on a publié les

 23   informations, à savoir que ces centres existaient, ensuite vous parlez de

 24   la décision sur le désarmement des Musulmans. Donc en fait, le contexte ici

 25   porte sur le HVO, le conflit de l'ABiH au cours de l'année 1993; n'est-ce

 26   pas ? Vous ne parlez pas de 1992 ici.

 27   R.  Monsieur Stringer, ici j'utilise le pronom "nous," on me demande ce que

 28   je sais au sujet des événements qui se sont déroulés, et j'apporte une


Page 12360

  1   explication. Je dis que dans une telle situation de conflit, de débordement

  2   et de haine, je dis ce qu'il en a été. Alors, le journaliste aurait dû

  3   préciser exactement les dates, et vous pouvez l'entendre, je le dis

  4   d'ailleurs au journaliste, je lui dis, je ne sais pas exactement à quelles

  5   dates c'est --

  6   Q.  D'accord.

  7   R.  -- et je ne suis pas face à une procédure d'enquête. Je vous explique

  8   le sens des événements.

  9   Q.  Mon Général, vous dites : "L'armée avait une prison. Mais n'employons

 10   pas le mot terrible 'camp,' c'est une prison l'Heliodrom." L'armée avait

 11   une prison à l'Heliodrom.

 12   Alors, mon Général, vous nous dites, en fait, que la prison de l'Heliodrom

 13   était placée sous la juridiction de l'armée ?

 14   R.  C'est inexact. Sous la compétence de "l'armée," c'est dans un sens

 15   élargi, car qui exerçait le contrôle à Gabela sur place, sur le terrain, je

 16   pense qu'aujourd'hui encore on ne le sait pas. Il faudrait commencer à la

 17   base, au plus bas de la hiérarchie.

 18   Q.  Alors, commençons à partir du haut et descendons vers le bas. En

 19   parlant de l'Heliodrom. Vous parlez de --

 20   R.  Oui, vous pouvez, si vous le souhaitez.

 21   Q.  -- Donc l'armée élargie d'une certaine façon, est-ce que vous faites

 22   ici référence à la police militaire peut-être ? Est-ce que lorsque vous

 23   parlez de l'armée au sens large, est-ce que vous voulez dire que c'est la

 24   police militaire qui avait une prison à l'Heliodrom ?

 25   R.  Monsieur Stringer, une prison d'instruction militaire c'est quelque

 26   chose que l'on peut expliquer avec précision. Lorsque je parle de l'armée,

 27   je parle de la prison militaire. C'est une partie de l'armée, et non pas de

 28   l'état-major principal. Je ne peux pas dire exactement à qui cette


Page 12361

  1   responsabilité revient.

  2   Q.  Mon Général, dites la vérité. Arrêtez de protéger vos collègues. Dites-

  3   nous la vérité. Quelle section de l'armée, quelle branche de l'armée était

  4   responsable de la prison militaire de l'Heliodrom ?

  5   R.  Monsieur Stringer, je n'essaie de protéger personne. Vous avez vu que

  6   j'ai recours ici au pronom "nous" en reprenant à mon compte d'une certaine

  7   façon une forme de culpabilité ou de responsabilité morale au nom de tous,

  8   en essayant d'expliquer ce qui s'est passé. Je parle dans le style qui est

  9   le mien, en tant que Croate, en tant qu'être humain, comme vous voudrez. Je

 10   ne protège personne. Mais protéger quelqu'un ou accuser quelqu'un en se

 11   fondant sur des données non vérifiées ou des faits à propos desquels on n'a

 12   pas de certitude, ce sont des deux choses différentes. Moi, j'ai été tout à

 13   fait fidèle à la vérité et très correct dans cette interview, et j'en reste

 14   là. Maintenant, vous me demandez de collaborer à cette entreprise visant à

 15   mettre en accusation mes collègues. Moi, je réponds des compétences qui ont

 16   été les miennes, de mes actes, des documents qui ont émanés de moi, j'en

 17   suis responsable devant ce Tribunal. Je vous dirais tout ce que je suis en

 18   mesure de dire à leur sujet.

 19   Q.  Général --

 20   R.  -- quant à vous, faites le travail qui est le vôtre mais moi, je ne

 21   peux rien faire d'autre que de répondre au mieux de mes connaissances pour

 22   ce qui me concerne et sans protéger quiconque.

 23   Q.  Général, lorsque vous avez dit que l'armée avait une prison à

 24   l'Heliodrom, vous nous dites ce que vous pensiez. Quelle branche de l'armée

 25   avait cette prison à l'Heliodrom ?

 26   R.  Les prisons militaires chargées des enquêtes appartiennent à l'armée;

 27   alors qui nomme le directeur ? Qui nomme les autres personnels ? Je

 28   l'ignore, Monsieur Stringer. Pouvez-vous comprendre que "je ne le sais pas"


Page 12362

  1   ? Je l'ignore. En revanche, je sais que ce n'est pas l'état-major

  2   principal.

  3   Q.  Général, descendons un peu et prenons la dernière phrase, juste avant

  4   la question suivante posée par le journaliste. Dans cette phrase, vous

  5   dites :

  6   "Je crois que vous devriez chercher les responsables à l'extérieur de

  7   l'armée."

  8   R.  Non pas il faut chercher un peu au-delà, mais il faut chercher au-delà

  9   des structures de l'armée. Mais peut-être que vous pouvez repasser cet

 10   extrait pour que les interprètes interprètent exactement ce que j'ai dit.

 11   Je ne dis pas qu'il faut chercher un peu, mais je dis "qu'il faut

 12   rechercher ces responsabilités en dehors de nos structures."

 13   Q.  Il y a peut-être un malentendu ou il y a peut-être une question

 14   d'interprétation, on verra. Vous pouvez me corriger si je me trompe, vous

 15   faites référence à Dretelj et à Gabela, ici, n'est-ce pas, et vous dites

 16   pour cette prison-là : "Je crois que vous devriez chercher les responsables

 17   en dehors de l'armée." Est-ce que vous voyez cette phrase ?

 18   R.  Je souhaiterais qu'on puisse faire passer de nouveau cette partie pour

 19   que je puisse réentendre ce que j'ai dit. Il me semble que je n'ai pas dit

 20   "un peu," mais il faudrait le repasser une nouvelle fois.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Dans la seconde prison, je ne sais pas. Manifestement, il s'est également

 24   produit là-bas des événements qui n'étaient pas bons. Et au moment où je

 25   suis venu sur place, parce que j'ai de nouveau été absent du terrain, il

 26   faudrait déterminer précisément les dates de mon absence, mais lorsque je

 27   suis revenu, j'ai exigé que l'on entreprenne toutes les mesures nécessaires

 28   pour que cette prison soit mise au niveau de ce que les lois et coutumes de


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  1   la guerre exigent pour ce qui est des conditions qui prévalent, que l'on

  2   laisse rentrer les journalistes indépendamment de ces conditions."

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   M. STRINGER : [interprétation]

  5   Q.  Mon Général, voilà, nous pouvons peut-être y aller étape par étape et

  6   nous vous montrerons le reste après. Pour la partie dont vous venez de

  7   parler, vous dites que vous vous  étiez absenté pendant certain temps,

  8   ensuite vous êtes revenu, et vous dites :

  9   "Lorsque je suis retourné, car de nouveau j'ai été absent pendant un

 10   certaine période, je devrais vérifier les dates, dès que je suis arrivé,

 11   j'ai tout fait et j'ai exigé que l'impossible soit fait afin que les camps

 12   soient mis dans les conditions dans lesquelles correspondent au droit

 13   international de la guerre."

 14   Alors, mon Général, lorsque vous êtes arrivé le 24 juillet pour

 15   prendre le commandement de l'état-major principal du HVO, vous saviez

 16   quelle était la situation du HVO, vous saviez quelle était la situation au

 17   camp et vous aviez demandé que le corps respecte les normes; est-ce que

 18   c'est exact ?

 19   R.  Non. Au moment où je suis arrivé sur place, il y a eu ensuite une

 20   période où j'ai de nouveau été absent, ce qui signifie que j'étais au

 21   combat, c'est exactement ce que cela veut dire. Je dis dans l'interview, Il

 22   faudra déterminer exactement les dates en question. En d'autres termes, je

 23   dis au journaliste, Je ne suis pas en train de manipuler des faits et des

 24   dates précises, ce n'est pas l'objet de notre entretien. J'étais à Vakuf.

 25   Je laissais passer un convoi. Il y avait des combats. C'est de cela qu'il

 26   s'agit, j'étais absent. Ensuite les journalistes sont arrivés, alors dans

 27   ce prétoire, nous essayons de déterminer des dates, alors que dans cette

 28   interview je parle de quelque chose de complètement différent. N'essayez


Page 12364

  1   donc pas de m'entraîner sur ce terrain. Je dis exactement au journaliste :

  2   "Il faudrait déterminer avec précision les dates dont il s'agit."

  3   Q.  Très bien --

  4   R.  Vous essayez de tirer des conclusions --

  5   Q.  Très bien. Si vous faites référence aux journalistes, je sais que

  6   vous nous avez parlé d'un journaliste qui était venu vous voir, si je ne

  7   m'abuse le 5 septembre. Est-ce que c'est de cette période-là que vous

  8   parlez ?

  9   R.  Non, Monsieur Stringer. Le 1er septembre, la représentante de

 10   l'équipe de la ZDF m'a appelé de Capljina. J'ai envoyé de Citluk une

 11   approbation par fax. Ensuite ce reportage a été enregistré. Ensuite le 5 ou

 12   le 6, le journaliste de Globus arrive. Ensuite c'est Vulliamy qui est

 13   arrivé le 9, je crois. Vous avez entendu tout ça.

 14   Ma position est très claire. J'ai laissé passer tous ces

 15   journalistes, ensuite je suis allé me battre. N'essayez pas ensuite de

 16   mélanger les faits et des conclusions a priori qui sont pour le moment

 17   confuses. Vous revenez à l'assaut au moins cinq fois de suite.

 18   Q.  Dans l'approbation que vous avez donnée à Citluk concernant le camp de

 19   Dretelj, permettant accès au camp de Dretelj, au moins l'installation de

 20   Dretelj, si vous voulez.

 21   R.  J'ignore, Monsieur Stringer, si c'était Dretelj ou Gabela. Il y a une

 22   déclaration disponible qui est celle de Mme Ivanisevic. On peut la citer à

 23   comparaître, que ce soit de votre fait ou du fait des Juges de la Chambre,

 24   et elle pourra vous dire comment l'entretien s'est déroulé et tout le

 25   reste.

 26   Q.  Très bien. Lorsque vous avez dit ici que les camps ou les installations

 27   devaient faire honte aux Croates, est-ce que vous faisiez référence aux

 28   installations de Gabela et Dretelj ?


Page 12365

  1   R.  Je ne sais pas. Je parle ici de moi-même. Je dis moi-même, en tant que

  2   Croate, j'ai honte. Je pense à ces faits que j'ai pu voir moi-même jusqu'en

  3   1995, non pas en 1993, mais en 1995. En 1995, j'avais appris un certain

  4   nombre de faits. Je dis dans cette interview qu'en tant qu'être humain et

  5   tant que Croate, j'ai honte de cela.

  6   Q.  Ensuite lorsque vous dites qu'il faut chercher les responsables, vous

  7   dites :

  8   "Il faut chercher les responsables en dehors des structures militaires"

  9   A qui faisiez-vous référence exactement lorsque vous avez parlé de ces

 10   personnes qui étaient responsables en dehors des structures militaires ?

 11   R.  Rechercher quelque chose, cela signifie chercher. Le fait qui ressort

 12   de ceci, c'est que l'armée n'est pas responsable de cela et que dans ces

 13   conditions, il faut chercher au-delà, rechercher. C'est le devoir des

 14   organes chargés des enquêtes, et pas mon devoir.

 15   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai attendu que l'on

 16   en termine avec la question. Mon collègue de l'Accusation a commencé à

 17   diffuser la vidéo, mais ne l'a pas diffusée jusqu'au bout. J'insiste sur ce

 18   point, parce qu'encore une fois, il y a une erreur, en tout cas, une

 19   contradiction entre les versions anglaise et croate. Dans la version

 20   anglaise, il est dit :

 21   "Cherchez quelqu'un en dehors de l'armée."

 22   Dans la traduction croate, je crois qu'il est écrit, je cite :

 23   "Je pense que l'on peut rechercher la responsabilité un peu au-delà

 24   de nous y compris."

 25   Il n'y a pas le mot "armée." Donc j'aimerais que l'on rediffuse pour

 26   voir, sur l'instance du général Praljak, quelle est la version de la vidéo.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Nous allons passer le reste jusqu'à la fin.

 28   Voilà. La partie dont vient de faire allusion le conseil se trouve à la


Page 12366

  1   fin.

  2   [Diffusion de la cassette vidéo]

  3   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  4   "D'abord, il fallait laisser entrer les journalistes, parce que la

  5   condition n'était pas aussi mauvaise que celle que les journalistes

  6   pensaient. J'ai demandé que l'on fasse entrer les journalistes, et nous

  7   devions accepter ce qui était, car nous savions que c'était ainsi, nous

  8   savions que cela allait nous retomber sur la tête, mais qu'au moins cela

  9   serait réglé plus rapidement, y compris grâce à la pression exercée par

 10   l'opinion publique internationale et par nous-mêmes, je pense que ceci a

 11   ensuite été résolu. Bien entendu, je ne peux pas justifier tout ce qui

 12   s'est passé, mais s'agissant de ce que nous pouvions faire du côté

 13   militaire, je crois que nous l'avons fait, et je pense qu'il faut

 14   rechercher la responsabilité un peu au-delà de nous."

 15   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il est dit :

 17   "Il faut rechercher la responsabilité un peu au-delà de nous."

 18   Mais c'est la différence entre le langage parlé et le langage écrit.

 19   Quand je dis : "Ecoutez, Messieurs, l'armée a fait ceci ou cela, et

 20   recherchez un peu au-delà de nous," cela signifie rechercher au-delà de

 21   nous. C'est la différence de subtilité entre le langage parlé et la

 22   froideur de la langue écrite. C'est la raison pour laquelle quand on écrit

 23   quelque chose on doit autoriser la publication et c'est cela qui pose tous

 24   ces problèmes avec les transcriptions écrites, parce qu'il y a une

 25   intonation. Quand les mots "un peu au-delà de nous" sont prononcés, cette

 26   intonation est très claire, je dis qu'il faut rechercher un peu au-delà de

 27   nous, mais malheureusement pour ceux qui ne comprennent pas la langue

 28   croate, cette intonation n'est pas entendue.


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  1   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

  2   question à poser au témoin concernant cet extrait vidéo, à moins que vous

  3   ne souhaitiez dire quelque chose --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. En fait, des questions techniques sur la vidéo.

  5   J'ai constaté à la vidéo que votre montre marquait midi moins 5 à peu près.

  6   Dans votre souvenir, l'interview a commencé à quel moment ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, il faisait jour. Malheureusement, ils

  8   sont arrivés avec une caméra de mauvaise qualité, avec un micro tourné vers

  9   moi et on entendait à peine celui qui menait l'interview. Donc, Monsieur le

 10   Juge, il faisait jour, ça c'est certain, mais quelle heure exactement, je

 11   ne peux pas vous le dire.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Cette vidéo, vous l'avez vue. Est-ce que, d'après

 13   vous, elle restitue tout ce que vous avez dit ou bien ils ont fait des

 14   coupes estimant qu'il y a des sujets qui ne méritaient pas d'être diffusés

 15   ? Ou bien elle est totalement intégrale de A à Z ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons discuté

 17   longtemps. Je crois que cela a dû faire au moins deux heures de vidéo,

 18   sinon plus. Le cœur de cette discussion portait sur les explications

 19   nécessaires au sujet du démantèlement de la Yougoslavie. Donc j'ai parlé de

 20   sujets politiques et sociologiques, j'ai parlé de la situation de guerre,

 21   j'ai parlé de la façon dont la haine se propage. Le débat n'était pas

 22   concentré sur les faits, n'était pas concentré sur des dates précises.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand on regarde la vidéo, on a l'impression que

 24   vous êtes dans un petit bureau, parce qu'on voit accrochée votre veste

 25   militaire. Le bureau semble assez petit. Est-ce que vous me confirmez que

 26   le bureau était petit ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Très petit bureau.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce bureau, il y a vous, il y a normalement


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  1   celui qui filme, puis il y a le journaliste qui pose des questions. Mais

  2   j'ai remarqué à plusieurs reprises dans la vidéo, vous répondez au

  3   journaliste, vous le regardez, puis de temps en temps, vous fixez vos yeux

  4   dans une autre direction. Je me suis demandé s'il n'y avait pas quelqu'un

  5   d'autre qui était là pendant l'interview.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je crois me rappeler que la secrétaire

  7   est entrée deux fois et que je lui ai dit, Laisse tomber, ça je viens de le

  8   voir sur les images. Comme on était à contre-jour, il était peut-être

  9   difficile de distinguer mon visage à contre-jour, donc il y avait peut-être

 10   un ingénieur de la lumière qui faisait les éclairages sur ma droite.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous me dites, sous la foi du serment, que personne

 12   ne contrôlait vos propos ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je confirme absolument, je parlais librement

 14   de la façon dont je --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 16   M. STRINGER : [interprétation]

 17   Q.  Mon Général, est-ce que vous avez encore la vidéo à

 18   l'écran ? Monsieur le Président, je sais que rien ne vous échappe, mais

 19   rien n'échappe à notre commis à l'affaire également.

 20   Est-ce que vous portez la même cravate aujourd'hui que vous portiez pendant

 21   l'interview ?

 22   R.  Comme vous le voyez, chez moi tout dure des siècles. Simplement, je

 23   suis devenu un peu plus vieux, mes cheveux sont plus blancs, mais tout le

 24   reste est pareil. Je suis encore en possession du costume que vous voyez

 25   sur l'image.

 26   Q.  Mon Général, je vais maintenant sauter quelques documents dans le

 27   classeur et je vais passer à l'avant-dernier document qui porte la cote P

 28   06729, 6729. Vous verrez, Mon Général, que ce document porte sur la période


Page 12369

  1   après que vous ayez quitté le commandement de l'état-major principal et que

  2   vous soyez rentré à Zagreb. En effet, il s'agit d'un rapport du SIS et du

  3   secteur de la police militaire concernant Gabela et l'Heliodrom, et le

  4   document est envoyé au colonel Biskic. Mon Général, ce qui arrive ici,

  5   c'est que ce rapport qui a été envoyé à Biskic, en fait la personne qui a

  6   rédigé ce rapport, il s'agissait de M. Cvitanovic, remet ce rapport à

  7   Biskic à la suite d'un ordre oral fait par Biskic. En se basant sur cet

  8   ordre, il s'est rendu dans ces deux installations pour voir à quoi

  9   ressemblait la situation. Ensuite on a fait un rapport à Biskic. Je ne vais

 10   pas passer tout en revue. Mais il parle de Gabela d'abord.

 11   D'après ce document, il y avait 300 prisonniers de guerre dans chacune de

 12   ces installations. Il y avait 1 268 prisonniers de guerre. Tous les

 13   prisonniers de guerre sont des personnes de nationalité musulmane, de sexe

 14   masculin. Certains d'entre eux sont âgés de moins de 18 ans et d'autres

 15   âgés de plus de 60 ans.

 16   Ici, on peut lire :

 17   "Un contact bref avec les prisonniers de guerre a été fait et mon

 18   impression était que plusieurs de ces personnes avaient été enlevées de

 19   leurs demeures, rues, travail, alors que d'autres personnes avaient été

 20   capturées dans le cadre des opérations de combat.

 21   "Quoiqu'il n'y a pas de chiffres précis nous permettant de voir dans

 22   quelles catégories ces derniers appartiennent, et rien n'a été fait pour

 23   séparer ces personnes en deux catégories de personnes, puisque toutes ces

 24   personnes sont là, sont hébergées dans les installations."

 25   Ensuite il parle des conditions, et cetera. Je ne vais pas passer en revue

 26   toutes les conditions.

 27   Pour ce qui est de l'Heliodrom, c'est à la page 5 en anglais, il parle de 2

 28   600 prisonniers de guerre qui appartiennent à la même catégorie de


Page 12370

  1   prisonniers de guerre que les prisonniers précédents.

  2   Mon Général, si vous vous rappelez Marijan Biskic est venu déposer dans

  3   cette affaire et il a dit qu'il était arrivé en Bosnie-Herzégovine le 8

  4   novembre, et que le général Roso lui avait confié une mission selon

  5   laquelle il était l'assistant chargé de la sécurité de Roso ainsi

  6   qu'assistant dans la police militaire --

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

  8   Objection. Mon estimé collègue, M. Stringer, n'a pas expliqué jusqu'au bout

  9   ce qu'a dit le témoin Marijan Biskic. Le témoin Marijan Biskic a dit que le

 10   général Roso l'a nommé aux fonctions que vient d'évoquer mon collègue, M.

 11   Stringer, en raison du fait qu'à ce moment-là, un nouveau poste avait été

 12   ouvert au ministère de la Défense et que pendant quelque temps, deux, trois

 13   semaines à peu près, il est resté au sein de l'état-major principal après

 14   quoi, une fois que les documents relatifs à la structuration interne du

 15   ministère de la Défense, il a été nommé au poste d'assistant du ministre

 16   chargé de la Sécurité. Ensuite, si nous citons tout ce que Marijan Biskic a

 17   dit au sujet de ses fonctions en Bosnie-Herzégovine, je pense qu'il faut

 18   qu'elles soient précisées correctement, ces fonctions.

 19   M. STRINGER : [interprétation]

 20   Q.  Je regarde le compte rendu à la page adéquate. Je pense que la Chambre

 21   de première instance verra exactement qu'elle était la responsabilité de

 22   Biskic et ce qu'il a dit.

 23   En mars, on lui a demandé la chose suivante :

 24   "Lorsque vous êtes arrivé en Bosnie-Herzégovine le 8 novembre 1993, vous a-

 25   t-on donné une mission bien précise ?"

 26   La réponse est la suivante :

 27   "Le général Roso m'a donné une mission, j'étais son assistant chargé de la

 28   sécurité et assistant chargé de la police militaire aussi. Il m'a donné cet


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  1   ordre oralement."

  2   C'est ce que j'ai avec moi. Le document que nous regardons date du 18

  3   novembre, dix jours après cette nomination orale de M. Biskic par le

  4   général Roso.

  5   Voici ma question : pendant votre mandat de commandant de l'état-major

  6   principal du HVO, avez-vous demandé à ce que l'on vous fasse rapport des

  7   conditions qui régnaient à l'Heliodrom, à Dretelj ou à Gabela ?

  8   R.  Monsieur Stringer, vous pouvez demander des rapports à vos subordonnés.

  9   Les rapports suivent la filière, la voie de subordination. Je ne suis pas

 10   en droit de demander un rapport à qui que ce soit qui ne fait pas partie de

 11   la structure hiérarchique sous mon commandement.

 12   Q.  Très bien. Donc vous nous dites que lorsque vous étiez chef de l'état-

 13   major principal du HVO, vous n'aviez pas le pouvoir de demander que l'on

 14   diligente une enquête pour qu'on vous fasse rapport de ce qui se passait

 15   dans les camps, les prisons ?

 16   R.  C'est exactement ce que je dis.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Encore un point, Monsieur le Juge Antonetti.

 18   Avant que l'image ne disparaisse de l'écran, j'ai bien examiné l'image et

 19   c'est exact, il y avait un réflecteur à droite de la caméra sur ma gauche

 20   parce que j'ai vu le reflet de la lumière sur le cintre laqué.

 21   Q.  J'aimerais revenir donc au témoignage de M. Biskic, le 5 mars 2007.

 22   Non, passons d'abord au document suivant, le P 06805. Il s'agit d'un

 23   document en date du 22 novembre 1993 qui émane du chef de l'administration

 24   de la police militaire. Cela semble être M. Lavric, l'exemplaire n'est pas

 25   très lisible malheureusement. Donc il s'agit d'un rapport sur les

 26   prisonniers de guerre. Je ne vais pas passer en revue tous les alinéas mais

 27   je vais reprendre la déposition de M. Biskic, je vais vous présenter ce

 28   qu'il a dit. Il parlait justement de cette pièce. A la page 15 087 du


Page 12372

  1   compte rendu, il dit et je cite à propos de cette pièce, donc cette pièce

  2   06805, il dit :

  3   "C'est un document où M. Lavric, le chef de l'administration de la police

  4   par intérim répond à un ordre venant de moi, et répond à propos de

  5   questions qui sont posées sur les centres de rassemblement ou les prisons -

  6   - enfin, les centres où se trouvent les prisonniers de guerre."

  7   A la page 15 088, on lui pose la question suivante :

  8   "Suite à ces informations préalables que vous avez reçues en novembre 1993,

  9   quelle mesure, si tant est que vous en ayez prise, avez-vous prise en ce

 10   qui concerne les centres de Rassemblement ou centres de Prisonniers de

 11   guerre se trouvant sur le territoire de l'Herceg-Bosna ?"

 12   Il répond de la façon suivante, et je cite :

 13   "J'ai déjà dit qu'une fois qu'on a reçu les premières informations, j'en ai

 14   informé le ministre Jukic et le chef d'état-major principal du conseil de

 15   la Défense croate, le général Roso. Suite à cela, le général Roso a donné

 16   un ordre interdisant que l'on fasse sortir ou qu'on libère les détenus et

 17   disant qu'ils devaient absolument être retournés, et Jokic, lui, a fait

 18   donner l'ordre ou l'a mandaté, a mandaté le vice-ministre de la santé, en

 19   lui demandant de mettre sur pied une équipe de médecins qui pouvaient aller

 20   rendre visite à ces centres de rassemblement, ces endroits où se trouvaient

 21   les détenus."

 22   Ensuite un peu plus loin :

 23   "J'ai proposé que ces problèmes soient résolus et je l'ai fait aussi lors

 24   de réunions à l'état-major principal et au ministère de la Défense de la

 25   Communauté croate d'Herceg-Bosna."

 26   Donc ici, ceci se déroule deux semaines après votre départ de l'état-major

 27   principal du HVO. Tout d'abord, on voit que de grands efforts sont faits

 28   pour que l'on rende compte de la situation dans les camps. Les rapports


Page 12373

  1   remontent jusqu'au chef de l'état-major principal, le général Roso.

  2   R.  Nous revenons au fait déjà indiqué que ce qui est écrit est écrit. Moi

  3   je ne suis plus là. Il est écrit que le rapport est arrivé jusqu'à Roso

  4   même si très franchement, à la lecture de ce que je viens de voir, 80 % de

  5   ce qu'il y avait à résoudre était déjà résolu. J'ai entendu tout ce qui a

  6   été dit au sujet de ce qui se passait au moment où ils sont arrivés au mois

  7   de septembre. C'est sur cette base que je me prononce.

  8   Q.  Deux semaines après avoir pris son poste, le général Roso et ses

  9   équipes en savaient bien plus que vous sur les camps, bien plus que vous ne

 10   le saviez à l'époque, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non. Non, je ne crois pas qu'ils en savaient plus, je ne pense pas

 12   qu'ils s'occupaient de la chose. Ici, ce ne sont que des papiers. Et il

 13   convient maintenant de regarder de près qui a fait quoi sans se contenter

 14   de constater que quelqu'un en vitesse a mis quelque chose sur le papier. Il

 15   faut voir qui a réellement fait quelque chose, sur quelle base il l'a fait

 16   et avec quel succès. Ça c'est autres chose que d'écrire simplement des

 17   papiers parce qu'il y a eu beaucoup de papiers écrits sans que les

 18   problèmes ne soient résolus.

 19   Q.  Oui, mais Biskic dit que ces rapports ont fait l'objet de discussions à

 20   l'état-major principal et au ministère de la Défense. Et c'est parce que

 21   l'état-major principal et le ministère de la Défense ont justement les

 22   entités qui sont responsables de ces camps de prisonniers, de ces

 23   installations de détention. Ces deux entités en sont responsables.

 24   R.  Ce n'est-ce pas exact. Ce que Roso et Biskic voulaient faire, c'était

 25   leur problème. Comment ils allaient le faire, avec quel succès ils le

 26   feraient, c'est leur problème. Par ailleurs, à ce moment-là, l'attaque de

 27   la Bosnie-Herzégovine était déjà pratiquement terminée.

 28   Q.  Je vous remercie. C'était leur problème.


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  1   R.  Je vous en prie.

  2   Q.  Bien. Passons à autre chose, à moins qu'il y ait des questions venant

  3   des Juges de la Chambre. Nous pouvons passer au classeur suivant. C'est le

  4   classeur numéro 10.

  5   M. STRINGER : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, Monsieur le

  6   Président, c'est notre dernier classeur.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai besoin vraiment d'une minute, Monsieur le

  8   Président.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   M. STRINGER : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, il y aura quelques

 11   pièces supplémentaires qui seront présentées après ce dernier classeur,

 12   mais ce ne sera pas un véritable jeu de pièces en classeur. Ce sera juste

 13   quelques feuilles volantes, rien de plus.

 14   [Le témoin vient à la barre]

 15   M. STRINGER : [interprétation]

 16   Q.  Nous allons aborder un autre sujet, nous allons parler de la ville de

 17   Mostar pendant votre mandat en tant que chef de l'état-major principal du

 18   HVO. Première pièce, la pièce P 03983. Le général Tole nomme Mijo Jelic en

 19   tant que commandant de la défense de la ville de Mostar. Au point numéro 5,

 20   il est écrit que l'état-major principal du HVO doit prendre le commandement

 21   de la défense de Mostar.

 22   Etiez-vous au courant de cela à l'époque ?

 23   R.  J'ai appris cette nomination plus tard, Zarko Tole --puisque, comme je

 24   l'ai déjà dit, nous nous étions un peu répartis les tâches car il ne

 25   pouvait pas y avoir un état-major classique où tout le monde est assis au

 26   même endroit. Très franchement, je suis un peu étonné de voir qu'il nomme

 27   Mijo Jelic, ça c'est dit dans un paragraphe et qu'au paragraphe 5, il est

 28   question de la reprise du commandement par l'état-major principal du HVO.


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  1   Mais enfin, c'était son droit d'écrire les choses comme cela et je tiens à

  2   ce que ce soit bien compris, je n'ai pas abrogé, annulé cet ordre.

  3   Q.  Précédemment nous avons vu des documents à propos de ce M. Jelic. Il

  4   avait fait partie des structures de la police militaire, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui. Il était commandant de la Brigade d'Assaut légère de la Police

  6   militaire.

  7   Q.  Mais ici, on voit que l'état-major principal reprend le commandement de

  8   la défense de Mostar et nomme Mijo Jelic responsable de ce commandement.

  9   Est-ce ainsi que l'on doit interpréter cet ordre ?

 10   R.  Sur le plan militaire, ce n'est pas très clair. Je lis la même chose

 11   que vous, mais la défense de la ville de Mostar se trouve dans la zone

 12   opérationnelle de M. Mijo Jelic. D'après les ordres et tout le reste, elle

 13   est sous le commandement du général de brigade Lasic et ensuite de l'état-

 14   major principal, et que sais-je.

 15   Q.  Enfin, on voit que l'état-major principal reprend la responsabilité de

 16   la défense de Mostar qui, auparavant, relevait de la zone opérationnelle,

 17   n'est-ce pas ? Maintenant, la responsabilité relève de l'état-major

 18   principal. C'est bien ce qui est écrit, n'est-ce pas ?

 19   R.  C'est ce qui est écrit au point 5, même si sur la base des rapports

 20   ultérieurs, je sais qu'il n'en a pas été ainsi, mais que le commandant de

 21   cette partie aussi était Lasic et que Mijo Jelic était un commandant, un

 22   bon combattant, un bon organisateur, d'après tous les renseignements dont

 23   je disposais et dont disposait manifestement aussi M. Zarko Tole.

 24   Q.  Mais alors, cela semblerait dire qu'à cette époque-là M. Jelic était

 25   subordonné directement à l'état-major principal et ne relevait donc plus

 26   directement de l'administration de la police militaire. Peut-on être

 27   d'accord sur ce point ?

 28   R.  Du point de vue du commandement de la défense de la ville, oui. Du


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  1   point de vue du commandement de la défense de la ville, il était

  2   responsable devant la zone opérationnelle indépendamment de ce qui est

  3   écrit au paragraphe 5. Car il est possible que -- enfin, je ne sais pas, je

  4   ne peux pas commenter la pensée de Tole à l'époque, je n'étais pas sur

  5   place. Je suis arrivé sans doute dix ou 11 ou je ne sais pas exactement

  6   combien de jours plus tard.

  7   M. STRINGER : [interprétation] Pour le compte rendu, il y a une erreur

  8   justement au compte rendu. Il s'agit de la pièce P 03983.

  9   Q.  Pièce suivante, maintenant --

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, ce document de Tole peut être

 11   surprenant à divers titres. Nommer le commandant de la défense de Mostar,

 12   c'est un acte important. Qui était le commandant avant Jelic ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble qu'il n'y avait pas une partie à

 14   part consacrée à la défense de Mostar. La zone opérationnelle était divisée

 15   en secteur sud et secteur nord, pour autant que je m'en souvienne, et c'est

 16   le commandant de la zone opérationnelle, M. Lasic, qui a continué à en

 17   assurer le commandement. Alors, qui étaient ses subordonnés dans les

 18   différents secteurs ? Je ne peux pas m'en souvenir.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous dites que c'était le commandant de la

 20   zone opérationnelle, M. Lasic, qui était responsable. Bon, très bien.

 21   Dans la chaîne de commandement, ce document dit et c'est écrit que

 22   c'est maintenant l'état-major principal qui va donc s'occuper de la défense

 23   de la ville de Mostar; c'est au paragraphe 5.

 24   Alors dans ce canevas, qu'est-ce qu'il devient M. Lasic ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça signifierait qu'à gauche et à droite de

 26   Mostar on a Lasic qui commande et que Mijo Jelic ensuite répond devant

 27   l'état-major principal.

 28   Je ne peux pas, Messieurs les Juges, interpréter ce qui est écrit,


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  1   mais je pense que ce n'est pas logique d'un point de vue militaire. Je ne

  2   comprends pas pourquoi Tole a écrit cela en cet instant précis. Il est le

  3   chef de l'état-major donc il a le droit de faire ceci d'un point de vue

  4   hiérarchique. Mais, pour moi, d'un point de vue militaire cela décrit la

  5   logique.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Au mois de -- où est pris ce document, vous êtes --

  7   le 6 août, vous êtes-vous le commandant du HVO; comment expliquez qu'à ce

  8   moment-là, ce n'est pas vous qui signez ce document ? Vu évidemment des

  9   conséquences importantes sur Mostar au niveau du commandement et de la

 10   chaîne de commandement que M. Tole fasse de lui-même, cela sans que vous

 11   soyez au courant, et apparemment vous dites que vous n'étiez pas au

 12   courant. Bon, donc étonnement.

 13   Ou bien ça donne du crédit à la thèse que vous avez développé, comme

 14   quoi vous étiez trois à vous répartir les zones géographiques entre Tole,

 15   Petkovic et vous, et que chacun s'occupait de la zone géographique.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Dans la

 17   situation telle qu'elle se présentait, la défense ne pouvait être assurée à

 18   partir d'un seul et unique endroit et diriger à partir de là. Pas plus que

 19   la règle -- les cinq règles des trois C, nous n'avions pas donc le

 20   contrôle, les communications, le commandement. Nous n'avions pas les

 21   conditions nécessaires pour que cela puisse se faire ainsi, à savoir que

 22   l'on soit assis à l'état-major et que l'on émette simplement des ordres.

 23   Donc les commandants devaient se rendre sur le terrain. Moi, je suis allé à

 24   Gornji Vakuf. Tole s'est vu confier le sud, selon mon estimation, il ne

 25   pouvait pas opérer de percée là-bas, et Petkovic continuait les

 26   négociations. Il était censé poursuivre au nom du HVO toutes les

 27   négociations. J'en ai informé le général Morillon, et il fallait donc

 28   s'occuper autant que possible de Kiseljak, de Vares, ainsi de suite. Dans


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  1   le cadre de ces négociations, il ne pouvait en être autrement car vous ne

  2   pouvez pas -- lorsque vous ne disposez pas des conditions nécessaires, vous

  3   pouvez faire comme si vous les aviez.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Des compétences sur le terrain s'étaient faites en

  5   accord avec Mate Boban, ou dans le dos de Mate Boban ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] On ne m'a pas demandé d'approbation mais ça

  7   n'était pas dans son dos. C'était un accord entre le responsable de l'état-

  8   major, entre l'adjoint de Boban, et c'est ainsi qu'on a procédé, ces trois

  9   officiers qui se sont assis, et qui ont pris acte de la situation telle

 10   qu'elle se présentait ont décidé de la façon dont il convenait de procéder.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 12   Monsieur Stringer.

 13   M. STRINGER : [interprétation]

 14   Q.  Pièce suivante, la pièce P 04719, il s'agit d'un document qui a été

 15   écrit environ trois semaines plus tard. 1er septembre 1993. C'est le

 16   document P 04719.

 17   Nous avons déjà regardé ce document précédemment lors du contre-

 18   interrogatoire je vous posais des questions à propos de toutes ces unités

 19   que l'on retrouve au paragraphe 1. C'est un autre passage de ce document

 20   qui m'intéresse.

 21   C'est la deuxième section, intitulée : "Mission," ça se trouve à la

 22   deuxième page de la version en anglais. Je tiens à vous dire pour le compte

 23  rendu, qu'il s'agit d'un ordre donné par vous le 1er septembre 1993, portant

 24   sur l'organisation des structures de commandement et des opérations

 25   défensives dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est.

 26   R.  Oui, j'ai le document. Je l'ai.

 27   Q.  Reconnaissez-vous ce document comme étant un ordre émanant de votre

 28   main ?


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  1   R.  Oui, c'est un document que j'ai signé.

  2   Q.  Dans la section intitulé : "Mission," point numéro 3, il est écrit, et

  3   je cite :

  4   "Dégager Mostar des forces du MOS (rive droite) et dans le cadre des

  5   opérations offensives s'en suivant prendre le contrôle de Mostar et de

  6   Bijelo Polje."

  7   Ensuite point numéro 2. Vous dites :

  8   "La zone opérationnelle du sud-est de l'Herzégovine doit être divisée en

  9   trois secteurs, secteur sud, secteur défense de Mostar, et secteur nord."

 10   Avant de passer à autre chose, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec

 11   moi pour dire que d'après ce qui est écrit ici au 1er septembre 1993, à

 12   partir du 1er septembre 1993, l'un des objectifs éventuel du HVO des forces

 13   du HVO est de dégager les forces du MOS de Mostar en tout cas en ce qui

 14   concerne la rive droite, donc dégager -- chasser les forces de l'ABiH de la

 15   rive droite de Mostar, et ensuite grâce à une offensive contrôler la ville

 16   totale de Mostar et de Bijelo Polje ?

 17   R.  C'est exact. L'une des missions possibles du HVO consistait en cela, à

 18   savoir conquérir au moyen d'une contre-offensive -- ou plutôt, défaire au

 19   moyen d'une contre-offensive l'ennemi d'alors qui attaquait l'Armée de

 20   Bosnie-Herzégovine, et nettoyer Mostar en le débarrassant des forces du

 21   MOS, c'est pourquoi ce terme de <<nettoyer>> est toujours mal interprété.

 22   C'était des forces du MOS qu'il s'agissait – et là encore, il s'agit des

 23   préparatifs usuels. Il ne s'agit que de préparatifs, et j'essaie de les

 24   secouer un peu.

 25   Q.  Très bien. Nous parlions de l'ordre du général Tole nommant Jelic.

 26   Parlons un petit peu maintenant du secteur défense de Mostar, parce que

 27   l'on va au paragraphe 2(2), vous décrivez ce secteur justement, secteur

 28   défense de Mostar. Avez-vous trouvé ce passage ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Vous dites et je cite :

  3   "Le secteur de la défense de Mostar comprendra la 2e Brigade et les

  4   compléments actuels de la défense de Mostar - sans 1/3 de brigade."

  5   Il semblerait que ça soit cela.

  6   Ensuite zone de responsabilité du secteur de défense de Mostar, et à la

  7   page 3, en anglais, il est écrit :

  8   "Le commandant Mijo Jelic de l'état-major du secteur représentera l'état-

  9   major de la défense de Mostar avec certains de brigades et leur poste de

 10   commandement sera à Mostar."

 11   Donc si vous voulez me laisser passer à la pièce suivante, je poserai les

 12   questions après. Donc tout d'abord, regardons la pièce P 04777. Ce document

 13   porte la date du 3 septembre 1993. Il s'agit d'un ordre sur la signature de

 14   Miljenko Lasic, et en haut, mon Général, je crois que nous pouvons être

 15   d'accord pour dire que c'est le général Lasic -- ou plutôt, le colonel

 16   Lasic -- le général de brigade Lasic fait référence à l'ordre que nous

 17   avons vu il y a quelques instants, c'était votre ordre à vous. Il y a un

 18   certain nombre de numéros de référence. Donc est-ce que vous seriez

 19   d'accord avec moi, mon Général, que dans le document Lasic, ce que nous

 20   avions vu c'est qu'il mettait en œuvre votre ordre. Il exécutait votre

 21   ordre à vous, en fait il l'envoyait le long de la chaîne de commandement ?

 22   R.  C'est exact. Nous pouvons en convenir. Mais il n'en reste pas moins ce

 23   que j'ai dit, à savoir que c'est Miljenko Lasic qui assure le commandement.

 24   Quant à moi, ce n'est que le 1er septembre que j'ai procédé à ce partage,

 25   cette division, mais uniquement pour ce qui concerne la zone

 26   opérationnelle, il n'y a aucune mention au fait pour ce qui concerne le

 27   commandement de l'état-major principal. C'est Miljenko Lasic qui assure le

 28   commandement des trois secteurs.


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  1   Q.  Très bien, justement c'était ma question. Je voulais préciser quel

  2   était le statut, à savoir la défense de Mostar appartenait à qui dans la

  3   chaîne de commandement pendant cette période ?

  4   Donc, mon Général, est-ce que vous nous dites que la défense de Mostar

  5   relevait du commandement de la zone opérationnelle ?

  6   R.  En effet, cela ressort des deux documents.

  7   Q.  Donc Mijo Jelic était le commandant néanmoins du secteur Mostar ?

  8   R.  C'est exact, c'est écrit ici qu'il est le commandant du secteur de

  9   Mostar.

 10   Q.  Bien. Donc cette partie-là de l'ordre de Tole est restée alors que

 11   l'autre partie, à savoir de placer la défense de Mostar directement sous le

 12   commandement de l'état-major principal semblait être mis à l'écart.

 13   R.  Cela ne fonctionne tout simplement pas comme cela, alors qu'une partie

 14   de la défense de Mostar puisse répondre devant l'état-major, non, ça ne

 15   marchait pas comme ça. Cela devait passer par la zone opérationnelle et

 16   s'inscrire dans son cadre.

 17   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 18   M. STRINGER : [interprétation]

 19   Q.  Mon Général, vous parliez un peu trop rapidement. Les interprètes m'ont

 20   demandé de répéter ce que vous avez dit un peu plus lentement, s'il vous

 21   plaît.

 22   Vous nous disiez :

 23   "Et bien, les choses ne fonctionnaient de cette façon-là, et je ne l'aurais

 24   pas accepté."

 25   Vous vouliez dire, et en partie, et c'est là qu'ils vous ont perdu.

 26   Je ne sais pas si vous voulez reprendre à partir de ce moment-là.

 27   R.  Il ne s'agit pas pour moi d'avoir retrouvé quelque chose acceptable ou

 28   non, je savais que Mijo Jelic avait été nommé par Tole. En revanche qu'il


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  1   ait attribué cela à l'état-major, non, je n'en disposais pas. Ici, les

  2   choses sont restées dans l'état où elles devaient être. Mijo Jelic assure

  3   le commandement d'un tiers de cette zone opérationnelle, et il est

  4   subordonné au commandant Miljenko Lasic, qui lui-même est subordonné à

  5   l'état-major. C'est ainsi que les choses se présentaient et devaient se

  6   présenter.

  7   Q.  Bien. Donc, mon Général, pendant cette -- à l'époque, en fait, vous

  8   étiez satisfait de cette chaîne de commandement, pour ce qui est de la

  9   défense de Mostar, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, Monsieur Stringer. Ils n'ont pas perdu, ils n'ont pas été défaits,

 11   par conséquent je n'avais pas de raison d'être insatisfait du fait qu'ils

 12   repoussaient avec succès les attaques de l'ABiH. 

 13   Q.  Je vais maintenant passer à la pièce suivante, à moins qu'il n'y ait

 14   des questions.

 15   Mon Général, il s'agira de la pièce P 04420. C'est un rapport de la MOCE,

 16   rapport confidentiel, Monsieur le Président. Nous pouvons en parler si vous

 17   le souhaitez mais il ne faudrait pas le montrer à l'extérieur de cette

 18   salle d'audience.

 19   Mon Général, reconnaissant le fait que vous receviez ces rapports à

 20   l'époque, il s'agi ici de rapports de la MOCE. Vous ne receviez pas ces

 21   rapports à l'époque, il s'agit de rapports de la MOCE, datés du 22 août

 22   1993. Il s'agit d'un rapport du centre de Coordination régional de la MOCE,

 23   basé à Zenica, et on parle de la situation humanitaire désespérée à Mostar.

 24   Ici on peut voir :

 25   "Ce centre régional" - au paragraphe 1 - "ce centre régional a parlé de

 26   façon régulière de la détérioration dramatique de la situation humanitaire

 27   dans la partie assiégée de Mostar. La partie orientale musulmane compte

 28   environ 55 000 personnes coincées sous des tirs constants depuis le 9 mai,


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  1   à savoir plus de trois mois avec aucun convoi humanitaire depuis le 2

  2   juin…"

  3   Mon Général, d'abord, serez-vous d'accord avec affirmation selon laquelle

  4   il existait une situation dramatique, c'est-à-dire que la situation

  5   humanitaire s'était détériorée de façon dramatique à Mostar Est, en date du

  6   22 août 1993 ?

  7   R.  Non, je n'en pourrais en convenir.

  8   Q.  Vous concluez sur la base de quoi exactement ? Est-ce que vous étiez

  9   informé de la situation à Mostar Est afin de pouvoir faire cette conclusion

 10   ?

 11   R.  Sur la base des rapports dont je disposais et de mon assistant chargé

 12   du renseignement militaire concernant la situation aussi bien dans les

 13   lignes ennemies qu'ailleurs, je n'ai disposé d'aucune information indiquant

 14   qu'il y ait eu une situation dramatique, en rien. Donc les tirs dont il est

 15   fait état ici en date du 5 mai, tirs dont il fait état, je ne dirais pas

 16   son nom puisqu'il est protégé, et bien, il faut souligner qu'il ne dit pas

 17   qui a attaqué qui, il ne dit pas de quel type d'arme l'ABiH disposait, et

 18   il ne dit pas que le 30 juin --

 19   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : phrase non terminée.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] -- vous n'avez qu'à regarder les

 21   enregistrements vidéo des organisations internationales montrant la

 22   population de Mostar Est, vous verrez qu'ils ont l'air d'aller plutôt bien,

 23   qu'ils ont des vêtements et tout le reste.

 24   M. STRINGER : [interprétation]

 25   Q.  Mon Général, au début du paragraphe 2, on fait une référence à un

 26   convoi qui a été mené par Cedric Thornberry qui est entré dans Mostar de

 27   l'Est, ici on parle de hier, donc le 21 août 1993.

 28   Donc M. Thornberry est venu déposer dans cette affaire, vous vous en


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  1   souviendrez, peut-être. Vous vous souviendrez peut-être de son témoignage,

  2   et en fait, pour pouvoir arriver dans Mostar de l'Est, M. Thornberry et son

  3   convoi devaient obtenir l'accord du HVO; est-ce que c'est exact ? Parce

  4   qu'il était impossible de se rendre dans Mostar Est en véhicule sans passer

  5   par le territoire du HVO, n'est-ce pas ?

  6   R.  Monsieur Stringer, les convois avaient l'approbation du HVO

  7   indépendamment de ce que vous sous-entendez par HVO. Le problème des

  8   convois qui entraient dans cette zone pendant une courte durée était lié à

  9   l'agression à laquelle procédait l'ABiH en tirant sur la route,

 10   premièrement. Deuxièmement --

 11   Q.  Mon Général, vous n'avez pas répondu à ma question.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   Q.  Ma question était de savoir s'il était possible de passer si ces

 14   convois devaient d'abord avoir l'approbation du HVO pour entrer dans Mostar

 15   Est, car il fallait qu'ils passent par un territoire qui était tenu par le

 16   HVO; est-ce que c'est exact ou pas ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Donc pour qu'un convoi humanitaire se rende dans Mostar Est, vous nous

 19   dites qu'il pouvait arriver de Mostar Est sans passer par le territoire

 20   occupé par le HVO ?

 21   R.  C'est une absurdité. Ils devaient traverser un territoire qui n'était

 22   pas contrôlé par le HVO, mais il devait passer par la route et conformément

 23   à tous les ordres émis par moi-même, par Petkovic, par Mate Boban, ils

 24   avaient toute latitude et ils ne pouvaient pas être arrêtés en chemin.

 25   Alors 1 ou 2 % peut-être des convois ne sont pas passés et bien nous avons

 26   enquêtés là-dessus.

 27   Q.  Oui, je comprends, mais les routes qu'ils devaient emprunter pour

 28   arriver dans Mostar Est, ces routes étaient placées sous le contrôle du


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  1   HVO, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non. Elles ne l'étaient pas, l'ABiH les contrôlait du côté nord; du

  3   côté est, ces routes étaient sous le contrôle de la VRS; du côté sud, le 15

  4   août, elles étaient sous le côté de l'ABiH à Blagaj. Par conséquent,

  5   montrons les cartes et puis nous pourrons en discuter.

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   R.  Ici on est train de parler comme si --

  8   Q.  Donc vous nous dites que ce convoi aurait pu passer directement dans

  9   Mostar Est, ces camions qui transportaient la farine et d'autres denrées

 10   alimentaires, donc tous ces convois pouvaient aller de Jablanica jusqu'à

 11   Mostar Est sans passer par le point de contrôle tenu par le HVO; est-ce que

 12   c'est ce que vous nous dites ?

 13   R.  C'est exact. A partir de Jablanica, il pouvait passer et s'y rendre

 14   jusqu'à ce que l'ABiH ne détruise la deuxième voie de circulation via

 15   Bijelo Polje 3,02s jusqu'à ce que le pont soit détruit par l'ABiH.

 16   L'ensemble de la route était contrôlé par l'ABiH jusqu'à l'entrée actuelle

 17   de Mostar.

 18   Q.  Fort bien. Donc à l'entrée de la ville de Mostar, que ce passait  à cet

 19   endroit-là ?

 20   R.  De quelle entrée de Mostar parlez-vous, l'entrée sud ou l'entrée nord ?

 21   Q.  Nord.

 22   R.  La partie nord de la ville de Mostar et Bijelo Polje ainsi que le pont

 23   de Bjelica et la route en direction de Jablanica était sous le contrôle de

 24   l'ABiH. Quant au HVO était de l'autre côté de la Neretva, la route passait

 25   suffisamment loin de la Neretva et les positions du HVO pour qu'on puisse

 26   l'emprunter sans aucun problème.

 27   Q.  Mon Général, le document suivant porte la cote P 04470, donc P 04470.

 28   Reconnaissez-vous ce document, mon Général ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  C'est un laissez-passer que vous avez émis à Mme Sally Becker pour

  3   qu'elle puisse traverser jusqu'à la rive gauche ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  C'est en date du 24 août 1993, donc deux jours après le rapport de la

  6   MOCE que nous avons vu il y a quelques instants. Est-ce que vous vous êtes

  7   entretenu personnellement avec Mme Becker ? Est-ce qu'elle est venue vous

  8   voir ? Est-ce que vous lui avez parlé personnellement ou bien est-ce que

  9   c'est par le biais d'autres personnes que vous avez entendu parler du fait

 10   qu'elle avait besoin d'un laissez-passer ?

 11   R.  Je dois vous dire que je n'arrive plus à m'en souvenir avec exactitude

 12   au milieu de tous ces événements. Je pense que j'ai eu l'occasion de la

 13   rencontrer, faire sa connaissance, mais je souhaiterais laisser cela en

 14   suspens.

 15   Q.  Vous souvenez-vous si Mme Becker vous a jamais parlé de la situation

 16   humanitaire dans Mostar Est ?

 17   R.  Monsieur Stringer, si je n'arrive même pas à me rappeler si j'ai eu une

 18   conversation avec elle, il en découle logiquement que je ne peux pas me

 19   rappeler non plus de ce que nous aurions éventuellement abordé.

 20   Q.  N'avez-vous jamais lu son livre ? Elle a écrit un livre sur ses

 21   expériences en Bosnie-Herzégovine ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Mon Général, si une personne pouvait simplement arriver dans Mostar Est

 24   depuis Jablanica, pourquoi alors Mme Becker devait-elle venir vous voir et

 25   vous demandez un laissez-passer pour pouvoir traverser les points de

 26   contrôle contrôlés par le HVO pour se rendre sur la rive gauche ?

 27   R.  Monsieur Stringer, la route de Jablanica mène jusqu'à Konjic, puis

 28   Tarcin, Visoko, et enfin c'est une route qui mène à Visoko également.


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  1   Comment Sally Becker pourrait-elle faire tout ce chemin-là pour aller à

  2   Mostar Est ? Elle vient de Split et elle veut procéder à l'évacuation d'un

  3   enfant et elle s'adresse à nous pour pouvoir passer; et si vous voyez ce

  4   qu'il est écrit ici, on lui fait droit à sa demande.

  5   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : le Général Praljak part dans

  6   différentes directions, impossible de suivre en même temps.

  7   Reprise des débats.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Un commandant de l'état-major agit ici

  9   précisément comme il convient. Vous, vous contentez de sortir des phrases

 10   de leur contexte.

 11   M. STRINGER : [interprétation]

 12   Q.  Non, je ne fais que vous posiez la question, mon Général. Elle n'est

 13   pas obligée de passer par les points de contrôle du HVO pour -- ou plutôt,

 14   non, je vais reformuler ma question. Vous dites qu'elle est venue de Split.

 15   Vous nous dites donc que le HVO contrôlait l'accès depuis le sud; c'est ça

 16   ?

 17   R.  Non seulement à partir du sud, Monsieur Stringer, mais nous avons une

 18   ligne concernant le contrôle de cette route au sud. Du côté gauche, c'est

 19   le HVO, et du côté droit, c'est l'ABiH. Mais ne nous engageons pas ici dans

 20   des débats scolastiques. Il faut amener une carte dans ce prétoire pour

 21   voir précisément les choses. Moi, je commande aux soldats du HVO en leur

 22   disant vous ferez ceci ou cela. L'ABiH pouvait tirer comme elle l'a fait

 23   d'ailleurs, les Serbes également. Ils l'ont fait. C'était une situation de

 24   guerre. Nous sommes une armée avant toute chose. Moi, je dis à mes soldats

 25   : nous, en tant qu'armée, nous allons laisser passer, et cetera.

 26   Q.  Très bien, mon Général. Puisque nous parlons maintenant de l'accès dans

 27   Mostar Est, depuis le nord, si je vous comprends bien, vous nous dites que

 28   n'importe qui pouvait venir de Mostar Est depuis Jablanica et qu'il n'était


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  1   pas obligé de passer par un territoire tenu par le HVO depuis le nord ou à

  2   partir du nord, en revenant du nord. Est-ce que c'est exact ?

  3   R.  Ça, c'est totalement exact.

  4   Q.  D'accord. Mais pour arriver dans Mostar Est depuis le sud, est-ce que

  5   vous nous dites qu'on peut arriver dans Mostar Est depuis le sud, et est-ce

  6   qu'on peut arriver à Mostar sans passer par le territoire contrôlé par le

  7   HVO ?

  8   R.  Monsieur, écoutez, suivons un ordre. De Metkovic à la frontière croate,

  9   il y avait des contrôles croates. Depuis là et jusqu'à Blagaj, jusqu'au

 10   début de la région de Mostar, il pouvait y avoir des postes de contrôle du

 11   HVO que ce soit tenu par la police militaire ou d'autres. A partir de cet

 12   endroit-là, depuis Blagaj, sur les 7 ou 8 kilomètres qui séparent Blagaj de

 13   Mostar, il y avait sur la droite le HVO en partie. Sur la gauche de l'ABiH,

 14   et en haut sur les collines face à l'armée de la Republika Srpska. Qui

 15   allait tirer ?

 16   Q.  Donc si je vous ai bien compris --

 17   R.  Je vous en prie, 2 kilomètres avant l'entrée de Mostar Est, il y avait

 18   encore l'ABiH, s'il vous plaît.

 19   Q.  Donc si je vous ai bien compris, pour arriver dans Mostar Est depuis le

 20   sud, il était nécessaire de passer par les territoires tenus par le HVO et

 21   par l'ABiH, n'est-ce pas ?

 22   R.  Non. La route jusqu'à 2 kilomètres avant l'entrée dans Mostar, c'est

 23   seulement la route qui était contrôlée par le HVO. Mais les Unités de

 24   l'ABiH - et je ne peux encore pas vous les montrer en l'absence d'une carte

 25   - étaient très proches sur les petites collines, très peu élevées, qu'ils

 26   se trouvent à droite de la route quand on entre dans Mostar. Ensuite il y

 27   avait les collines plus élevées où se trouvait l'ARSK et ses canons, et

 28   puis 2 kilomètres avant l'entrée de Mostar, il n'y avait plus de HVO, et


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  1   là, commençait l'ABiH. C'est là que j'ai amené le convoi qui est mentionné

  2   en rapport avec cet homme, enfin le convoi qui a été arrêté dans son

  3   trajet. C'était juste avant le poste de contrôle contrôlé par l'ABiH à

  4   l'entrée de Mostar.

  5   Q.  Mon Général, examinons de nouveau les déclarations que vous avez faites

  6   dans l'interview pour la BBC. Dans ce cas-ci, vous parlez de Mostar.

  7   R.  [aucune interprétation]

  8   M. STRINGER : [interprétation] Pour le compte rendu, il s'agit de la pièce

  9   P 09258. En bas de la page 6, en anglais.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 12   "En ce qui concerne Mostar, très honnêtement, si la guerre devait se

 13   développer encore, j'avais un plan quant à la façon de s'emparer de la rive

 14   gauche, même si - et je répète - que les pressions internationales étaient

 15   énormes et les accusations contre nous disant que nous faisions à Mostar la

 16   même chose ce que les Serbes faisaient à Sarajevo, nous n'avions pas le

 17   droit de planifier une opération destinée à prendre Mostar.

 18   L'intervieweur : Vous avez dit que vous n'aviez pas le droit, qui vous l'a

 19   interdit ?

 20   Praljak : Le président Tudjman. C'est le président Tudjman qui nous a

 21   demandé de ne pas toucher à Mostar. Nous étions autorisés à mener la guerre

 22   en dehors de Mostar, et cetera, mais s'agissant de la ville elle-même…

 23   parce que les pressions des milieux internationaux et de l'opinion publique

 24   internationale était telle, ils prétendaient que nous… je pense encore une

 25   fois que tout cela était totalement injustifié. A un certain moment j'ai dû

 26   laisser ce convoi passer. Après tout, il y avait une décision et je l'ai

 27   appliquée. Vous voyez, nous avons essayé d'être des soldats au premier sens

 28   du terme. Une décision politique avait totale priorité sur une décision


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  1   militaire. On ne peut pas procéder, participer à la création d'un Etat à

  2   partir de 20 centres de direction mais à partir d'un seul. Et les autres

  3   qui avaient le droit de poser des questions, de commenter, de proposer,

  4   devaient appliquer la décision qui avait été prise, indépendamment de --

  5   nonobstant le fait de savoir que c'était contre les sentiments de l'armée à

  6   ce moment-là, et cetera. Je pense que les hommes et moi je l'ai fait

  7   également, nous l'avons donc fait correctement, nous étions conscients du

  8   fait qu'un ordre doit être exécuté. Dans le cas précis, cet ordre venait de

  9   Mate Boban, mais en tout état de cause du président Tudjman, globalement,

 10   je veux dire. Je ne suis pas en train de déterminer qui était responsable

 11   de tout ce qui était en train de se passer, mais manifestement il y avait

 12   une politique destinée à protéger globalement les intérêts nationaux

 13   croates."

 14   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 15   M. STRINGER : [interprétation]

 16   Q.  Mon Général, pendant que vous étiez le chef de l'état-major principal

 17   du HVO, est-il exact de dire que c'est le président Tudjman qui élaborait

 18   les politiques militaires pour ce qui est de Mostar ?

 19   R.  Non, Monsieur. Ça aussi, il importe de bien comprendre. Je suis en

 20   train de parler de Mate Boban je suis en train de parler d'une réunion à

 21   laquelle a participé Mate Boban en présence de Franjo Tudjman qui s'est

 22   exprimé, et bien entendu il faut que chaque élément soit bien compris ici;

 23   les pressions exercées par la communauté internationale; pression sur les

 24   Croates, et donc, bien sûr, sur la Croatie, et sur Franjo Tudjman, était

 25   très importante. Les choses qui étaient dites étaient des mensonges,

 26   étaient totalement fausses, étaient contraires à la vérité --

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  -- je vous prie. Ici il s'agit d'interprétation et pas de fait. Si vous


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  1   ne me permettez pas de dire de quoi il était réellement question, mais que

  2   vous fragmentez tout, nous n'arriverons à rien. Alors, je vous en prie. Ici

  3   les choses sont dites très clairement. Les pressions globales --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Praljak, laissez le Procureur poser les

  5   questions, et s'il apparaît que les questions méritent d'autres

  6   développements, il sera toujours temps de compléter. Donc laissez le

  7   Procureur démontrer sa thèse, et puis après vous la contesterez globalement

  8   si vous voulez.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon. 

 10   M. STRINGER : [interprétation]

 11   Q.  Mon Général, nous avons regardé il y a quelques instants un document

 12   qui était un ordre à vous où on a envisagé les préparatifs pour une prise

 13   éventuelle de Mostar. En fait, vous nous dites que vous n'auriez pas été en

 14   mesure de faire cela puisque le président Tudjman ne vous l'aurait pas

 15   permis. Est-ce que c'est exact ?

 16   R.  Ce n'est pas exact. Mate Boban, parce que les décisions stratégiques

 17   telle qu'une éventuelle décision de prise de Mostar. D'abord je veux

 18   revenir à cet ordre. Dans cet ordre, il est dit :

 19   "Préparer et prendre des mesures pour examen ultérieur par moi."

 20   Elles n'ont pas été prises et n'ont pas préparé ces mesures.

 21   Vous n'avez pas lu le passage qui dit :

 22   "Il faut préparer et prendre les mesures."

 23   Donc il n'y a pas de plan. Il n'y a pas de vérification du projet. Il

 24   n'y a pas d'application. On ne peut pas prendre des décisions en partie et

 25   ne pas en prendre en partie. Là, il s'agit de préparatifs on est au stade

 26   de la préparation.

 27   Q.  Excusez-moi, Mon Général, c'est moi qui dois poser des questions.

 28   M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, c'est l'heure de la


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  1   pause, n'est-ce pas ?

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire 20 minutes de pause, et on va reprendre

  3   à 1 heure moins 20 -- 1 heure moins 10, plutôt.

  4   --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.

  5   --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

  6    M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  7   M. STRINGER : [interprétation]

  8   Q.  Général, avant la pause, nous regardions le clip vidéo, 9258, séquence

  9   vidéo de Mostar. Vous nous avez dit la chose suivante : vous avez fait

 10   référence à un convoi en haut de la page 7, en anglais. Avez-vous le compte

 11   rendu, s'il vous plaît ? Donc c'est le paragraphe où il est écrit : "Le

 12   président Tudjman nous a demandé en fait de ne pas toucher à Mostar." Avez-

 13   vous trouvé ce passage ?

 14   En haut de la page 7, en anglais.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] En fait c'est la page 8 en bas, qui

 16   concerne le B/C/S.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, oui, j'ai le passage sous les yeux.

 18   M. STRINGER : [interprétation]

 19   Q.  En descendant vous dites :

 20   "A un moment, j'ai dû laisser passer ce convoi. Après tout, c'était

 21   une décision et je l'ai mise en œuvre."

 22   Donc vous parlez de ce convoi, mais vous parlez de convoi que nous avons vu

 23   sur la vidéo, n'est-ce pas ? Vous êtes monté sur le char et vous avez dit

 24   aux gens de s'écarter. C'est à ce convoi-là que vous faisiez allusion ?

 25   R.  Exact.

 26   Q.  Bien. Donc vous nous dites que vous avez employé la force pour

 27   permettre à ce convoi de rentrer dans Mostar Est, ce n'était absolument pas

 28   pour améliorer les conditions qui y régnaient, dans un but humanitaire,


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  1   mais c'est parce qu'on vous a donné l'ordre; c'est Tudjman qui vous avait

  2   donné l'ordre ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Parce qu'il était de l'intérêt politique des Croates d'être perçus

  5   comme étant une nation aidant à l'acheminement de l'aide humanitaire dans

  6   Mostar, n'est-ce pas ?

  7   R.  Non, j'ai laissé passer le convoi après qu'un représentant de la

  8   communauté internationale, Mate, Granic, M. Prlic, ne sont pas parvenus à

  9   le faire. A ce moment-là, M. Prlic est venu me voir, il m'a demandé si je

 10   parviendrai à le faire, et je l'ai fait. Mais pourquoi s'est-il passé ainsi

 11   ? Parce que encore une fois c'est la population qui a arrêté le convoi.

 12   C'est un problème politique, mais bon, on ne peut pas régler le problème

 13   par des voies politiques, on ne peut pas tirer sur la population pour la

 14   faire partir, donc j'ai utilisé ma capacité à organiser cela et à faire

 15   cela rapidement; et le convoi a pu passer pour des raisons humanitaires et

 16   en raison du fait que c'était l'objectif politique et l'objectif de toutes

 17   les structures, que le convoi passe et qu'il soit interdit de l'arrêter

 18   dans son trajet. Et là, le président Tudjman n'a rien à voir avec ça.

 19   Q.  Alors pourquoi faites-vous référence au président Tudjman dans cette

 20   interview ? C'est vous qui faites référence au nom du président Tudjman

 21   lorsque vous parlez de Mostar donc à propos de convoi justement, donc c'est

 22   une décision politique, vous avez accepté cette décision politique et vous

 23   l'avez mise en œuvre. Vous avez fait en sorte que ce convoi puisse rentrer

 24   dans Mostar Est sur décision politique.

 25   R.  Non, là, il n'y a pas de Franjo Tudjman dans tout ça. Franjo Tudjman

 26   est en rapport une rencontre bien particulière qui s'est tenue à Split, à

 27   la fin du mois d'octobre 1993, et pour laquelle nous avons le PV qui a été

 28   présenté ici. Si l'on peut parler d'une volonté politique, parce que si on


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  1   commence comme ça, on peut parler de la volonté politique de M. Prlic, de

  2   la mienne et d'autres. Mais, là encore, j'ai été amené à m'occuper de

  3   quelque chose qui n'était pas purement de nature militaire. Laisser passer

  4   un convoi par Citluk, et bien, ce n'est pas précisément l'armée qui devrait

  5   s'occuper de cela. Mais personne d'autre ne pouvait le faire, et Praljak se

  6   trouvait là par hasard et pouvait le faire. Donc c'est Praljak qui a été

  7   censé appliquer la volonté politique non pas de Franjo Tudjman mais de

  8   Prlic, pas parce que Prlic n'avait pas la volonté politique de le faire,

  9   mais parce qu'il n'en avait pas les moyens.

 10   Q.  Mais lorsque vous dites ici une décision politique a la priorité

 11   absolue sur une décision militaire, si je vous cite. Vous voulez dire que

 12   les militaires ont l'obligation d'exécuter les décisions politiques, les

 13   politiques, les mesures sont prises par les hommes politiques et les

 14   militaires sont dans l'obligation de mettre en œuvre ces mesures.

 15   R.  Non, l'armée n'exécute pas la volonté politique de n'importe qui, mais

 16   la volonté politique de Mate Boban qui était commandant suprême et

 17   président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna porte sur des décisions

 18   stratégiques de nature militaire. Ça, je l'ai déjà expliqué. Donc la

 19   défense c'est une chose, mais par exemple, le fait d'approuver une contre-

 20   offensive à Mostar, dans une situation comme celle-la pouvait et devait

 21   être planifiée par l'état-major principal avec autorisation du commandant

 22   suprême; autrement dit, du politique.

 23   Q.  Donc, dans ce cas, ce n'est pas seulement le commandant suprême Boban,

 24   mais c'est aussi Tudjman, qui avait interdit toute opération visant à

 25   capturer Mostar, n'est-ce pas ?

 26   R.  Monsieur, il faut tenir compte de la date -- d'abord, de la date. Cette

 27   requête, cette demande, cette explication, des raisons pour lesquelles il

 28   n'y a pas eu approbation, là, Franjo Tudjman intervient, requête,


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  1   explication, assistance. Pourquoi ? Parce que la communauté internationale

  2   lui tordait le bras à lui, sur des bases totalement injustifiées, sur des

  3   présomptions que la Bosnie-Herzégovine n'existait plus, et cetera. Mais

  4   vous savez qu'est-ce qu'ils font, eux, ils vous donnent d'abord des

  5   informations qu'ils fabriquent de toutes pièces, ensuite ils vous tordent

  6   le bras et vous expliquent que les choses en sont pas ce qu'elles sont. Bon

  7   d'accord, allez-y.

  8   Q.  A la fin, vous dites, et je cite :

  9   "C'est une politique qui protégeait très clairement la totalité des

 10   intérêts nationaux croates."

 11   Donc Tudjman ne voulait pas que vous attaquiez Mostar, en tout cas,

 12   Mostar Est, parce que la réaction internationale serait extrêmement

 13   négative en ce qui concerne la Croatie, ferait un effet néfaste ?

 14   R.  Ils liaient le plus souvent la situation qui prévalait en Croatie et

 15   celle qui prévalait en Bosnie-Herzégovine, et c'est écrit ici sur blanc,

 16   s'agissant de Mostar, et je vous parle très franchement. Si la guerre

 17   devait continuer à se développer, moi, j'avais un plan dans ce cas-là pour

 18   prendre la rive gauche. Ensuite je parle des pressions internationales,

 19   parce que pour la communauté internationale, il n'y a pas d'offensive en

 20   1993, il n'y pas d'Uzdol, il n'y a pas de Grabovica, il n'y a rien du tout.

 21   Donc on prend des renseignements différents de la réalité, ensuite on tord

 22   le bras de Franjo Tudjman, et on lui dit : il faut que vous perdiez pour

 23   que la Croatie -- autrement dit, ces pressions étaient exercées sur la

 24   Croatie par-dessus nos têtes. Nous, nous étions des otages, et nous ne

 25   pouvions pas mener la guerre dans les mêmes conditions que la menait l'ABiH

 26   sur la base de renseignements contraires à la vérité.

 27   Q.  Tout à fait. Nous sommes d'accord là-dessus. Les buts et objectifs

 28   militaires du HVO étaient limités, et les limites venaient de Zagreb, parce


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  1   qu'il était dans l'intérêt national, en fait, c'était l'intérêt national de

  2   la Croatie qui était l'essentiel.

  3   R.  Non, comme ça, non. Quand une armée m'attaque et qu'elle arrive à la

  4   frontière occidentale, le devoir et le droit d'un commandant militaire,

  5   dans n'importe laquelle guerre aurait consisté à répliquer à cette

  6   offensive par une contre-offensive, notamment quand l'armée ennemie a tout

  7   fait pour vous démolir. Puis après cela, ils sont devenus très faibles,

  8   très faibles, et franchement, si nous nous étions comportés comme eux,

  9   après prise d'une décision politique, il est certain que j'aurais pu

 10   m'emparer de la partie est de Mostar. Mais il y a eu la décision conjointe

 11   de Franjo Tudjman et de Mate Boban qui disait : non, non. Toujours la paix,

 12   constamment la paix. Or la paix est mise en avant chaque fois que les

 13   Musulmans sont en train de perdre. Mais quand l'ABiH était en position de

 14   nous démolir, alors tout le monde l'a bouclé, tout le monde gardait le

 15   silence.

 16   Q.  De toute façon, nous allons passer à la pièce suivante, la pièce P

 17   10963.

 18    Vous souvenez-vous avoir accorder une interview à un moment ou à un autre

 19   au cours de l'automne 1993, alors que vous étiez encore chef de l'état-

 20   major du HVO, donc vous avez accordé cette interview à Roy Gutman, qui

 21   était journaliste pour "Newsday," qui était un correspondant européen,

 22   enfin l'un des correspondants européens de ce magazine.

 23   R.  Je m'en souviens, oui.

 24   Q.  On trouve ici l'article qui a été publié le 21 décembre 1993, par M.

 25   Gutman, d'après son voyage à Mostar et les discussions qu'il a eues avec

 26   vous, entre autres. Donc je ne vais pas passer la totalité de cet article

 27   en détail. On parle de la situation dans Mostar Est. Tout en bas de la

 28   première page de la version originale, qui est en fait vers le haut de la


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  1   deuxième page en croate, je vous cite :

  2   "Le commandant Slobodan Praljak a justifié la destruction de la Vieille

  3   Ville aux motifs que les Britanniques avaient détruit complètement Dresden

  4   au cours de la Deuxième Guerre mondiale et que les Etats-Unis avaient

  5   employé la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki. 'Les pays occidentaux

  6   ne peuvent pas se déclarer moralement supérieurs'."

  7   Donc c'est une citation que l'on vous attribut. Ensuite il poursuit, et je

  8   cite :

  9   "Il" - c'est-à-dire vous - "ne s'est absolument pas excusé d'avoir coupé

 10   toutes les routes terrestres allant vers la Bosnie centrale, ce qui a

 11   obligé plus d'un million de civils à lutter contre la famine en plein

 12   hiver. 'Je l'ai fait,' a dit le chef d'état-major dans une interview juste

 13   avant qu'il soit démis de ses fonctions au mois dernier. 'La guerre c'est

 14   la guerre. La civile guerre c'est toujours une guerre totale'."

 15   Sont-ce vos termes, les termes que vous avez employés : "La guerre c'est la

 16   guerre. Et la guerre civile est toujours une guerre totale" ?

 17   R.  Je n'ai pas dit ça. Monsieur Stringer, après un certain temps, après

 18   plusieurs mois, je ne sais plus exactement combien, quand finalement j'ai

 19   reçu ce texte dont un certain Gutman était l'auteur, je lui ai répondu en

 20   lui envoyant une lettre dans laquelle j'indiquais qu'il avait totalement

 21   faussement interprété mes propos. Je me souviens très particulièrement du

 22   fait qu'il m'a imputé des mots relatifs au "Lebensraum" de Nazis; autrement

 23   dit, il a fait un parallèle entre ces Nazi et moi-même, et je lui ai dit

 24   que cela, pour moi, était incompréhensible et qu'il aurait dû avoir honte

 25   en tant que professionnel d'utiliser des mots comme cela et de déformer à

 26   ce point les positions politiques de son interlocuteur. Je crois que je

 27   pourrais retrouver les mots exacts que j'ai utilisés en m'adressant à lui.

 28   Inexact.


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  1   Q.  -- en terminer avec ce sujet, je comprends bien que vous contestez tout

  2   ceci, je vais sauter environ cinq paragraphes pour justement parler de ce

  3   dont vous nous parlez, et je cite :

  4   "Praljak a défendu le siège de Mostar et toute la guerre contre les

  5   Musulmans comme étant un 'kampf fur Lebensraum,' ce qui signifie "une

  6   bataille pour l'espace vitale," qui est une phrase qu'il n'avait pas

  7   entendu en Europe depuis le IIIe Reich d'Aldof Hitler. Il faisait référence

  8   ici au déséquilibre ethnique provoqué par l'influx des réfugiés

  9   principalement Musulmans venant des régions nord et est de la Bosnie

 10   conquise par les Serbes dans des régions que des Croates avaient dominé

 11   pendant des siècles."

 12   Donc je comprends bien quelle est votre position. Vous contestez le fait

 13   d'avoir employé le terme "Lebensraum" dans l'entretien que vous avez

 14   accordé à M. Gutman; c'est cela ?

 15   R.  Monsieur, quand vous dites que l'on conteste le déséquilibre, or j'en

 16   ai parlé des dizaines de fois, et quand ce monsieur utilise le terme de

 17   "Lebensraum," et qu'il dit que ces mots n'ont pas été entendus depuis

 18   Hitler et qu'il m'impute l'emploi de ce terme, j'ai répondu, et encore

 19   aujourd'hui, je m'oppose à cet homme. D'ailleurs, il ne m'a pas répondu. Il

 20   ne m'a pas dit comment un journaliste, qui a eu le prix Pulitzer, peut

 21   savilir [phon] en utilisant un terme comme celui-là, c'est une honte

 22   m'imputer à moi les mots prononcés par Hitler et les Oustachi, et cetera,

 23   en disant que nous cherchons à rétablir un espace vitale alors que nous

 24   parlons simplement, et la réalité c'était que nous voulions simplement

 25   créer un équilibre ethnique, rétablir un équilibre ethnique à nos dépends,

 26   alors, écoutez, je vous en prie.

 27   M. STRINGER : [interprétation] Je vais passer à la pièce suivante, Monsieur

 28   le Président, à moins qu'il y ait des questions.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Praljak, j'ai une question sur le document.

  2   Vous savez, mais ce n'est pas une surprise pour vous, j'ai toujours dit que

  3   quand un journaliste met entre guillemets, c'est que les propos ont été

  4   tenus; sinon, c'est une entorse à la règle déontologie des journalistes.

  5   Moi, je ne connais pas ce Roy Gutman. Vous avez dit qu'il a eu le prix

  6   Pulitzer. Bon. Vous avez certainement raison. Mais il vous prête des

  7   propos. Puis il y a surtout la phrase qualifiée de Nazi qui réapparaît, et

  8   là, il la met entre guillemets. Je me souviens que vous aviez travaillé en

  9   Allemagne, et que vous aviez quelques connaissances de la langue allemande.

 10   Donc peut-être qu'ayant quelques connaissances de la langue, de l'histoire,

 11   vous avez pu sortir ce terme. Alors là vous êtes sous la foi du serment,

 12   vous contestez formellement tous les propos qui sont entre guillemets.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Notre discussion

 14   était longue, longue. Quand, dans une longue discussion --

 15   parce que je vais vous dire une chose. M. Gutman, parce qu'il avait

 16   découvert Manjaca, a reçu le prix Pulitzer, et c'est certainement un très

 17   bon journaliste; ça c'est indubitable. Quand vous passez plusieurs heures,

 18   assis face à un tel journaliste, et puis permettez-moi de dire de moi-même

 19   que je sais parler. Donc quand lui, à partir de toute cette longue

 20   discussion, où j'ai expliqué beaucoup de choses, il tire peut-être que j'ai

 21   prononcé le mot "Lebensraum" mais c'était dans le cadre d'une explication

 22   très précise de ma part, pas "Lebensraum." Nous n'allons pas chasser les

 23   Polonais, les Français et les Ukrainiens parce que nous allons nous battre

 24   jusqu'au dernier tronçon de terrain. Ce que je voulais dire c'est que nous

 25   allions défendre le territoire jusqu'au bout contre les Serbes et les

 26   Musulmans de même pour que la Bosnie-Herzégovine puisse survivre. Lui, il

 27   utilise par écrit le mot "Lebensraum. Il ajoute que c'est une expression

 28   qu'on n'a pas entendue depuis la Seconde Guerre mondiale et depuis Hitler,


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  1   et Mon Dieu, il parle du siège de Mostar avec moi. Alors comment peut-il

  2   prononcer de tels mots en parlant du siège de Mostar, et cetera, et cetera,

  3   alors qu'il n'y a pas eu siège de Mostar ? Donc c'est une attitude non

  4   professionnelle. C'est quelque chose de très vile. Je lui ai répondu par

  5   écrit. J'ai demandé à ma fille de traduire ma réponse en anglais. Vous

  6   pouvez parler à ma fille par téléphone, si vous le voulez. Elle peut venir

  7   ici témoigner et confirmer ce que je vous ai dit.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] -- juste une question à propos de ce

 10   même texte. Ici il est écrit que vous aviez comparé - je crois qu'il parle

 11   de la - vous aviez comparé la destruction de la vieille ville de Mostar à

 12   ce que les Anglais avaient fait de Dresden. Vous en souvenez avoir fait

 13   cette comparaison, d'avoir évoqué la ville de Dresden ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, le Bataillon

 15   espagnol a dénombré chaque obus qui est tombé sur la partie orientale de la

 16   ville qu'elle vienne des Serbes ou des Croates, sur toute la partie est de

 17   la ville. C'est impossible. Je n'ai pas détruit Mostar.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je lis ce qu'a écrit M. Gutman.

 19   C'est sur la première page, dernier paragraphe :

 20   "Le commandant Slobodan Praljak a justifié la destruction de la vieille

 21   ville en expliquant que la Grande-Bretagne avait rasé Dresden au cours de

 22   la Deuxième Guerre mondiale et que les Etats-Unis avaient employé la bombe

 23   atomique contre Hiroshima et Nagasaki."

 24   Voilà ce qui m'intéressait dans ce passage.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est inexact. C'est inexact. Moi, je me suis

 26   probablement opposé à sa position de supériorité morale, et je n'ai pas

 27   détruit Mostar. Un nombre minimal d'obus a été tiré et la ville n'a pas été

 28   détruite par les Croates mais par les Serbes. Vous avez vu les photos.


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  1   C'est ici un mensonge et non-sens complet.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui, je comprends, j'accepte le fait

  3   que vous n'ayez pas dit : "J'ai détruit Mostar." Ça je suis d'accord avec

  4   vous concernant ces termes. Mais travaillons par hypothèse, la comparaison

  5   avec Dresden, Nagasaki et Hiroshima, c'est quelque chose que vous avez

  6   l'habitude de faire ici dans ce prétoire quand même. Vous nous faites

  7   souvent référence à l'Irak, à Abu Ghraib, et cetera. Donc cela vous

  8   ressemble quand même donc je ne vous accuse pas d'avoir détruit Mostar,

  9   vous-même, absolument pas. Ce n'est pas ma question. Mais je pense que

 10   cette comparaison avec Dresden, Hiroshima, Nagasaki, c'est quand même une

 11   façon de parler qui vous ressemble ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai pu faire cette comparaison mais

 13   uniquement au titre d'une opposition à son attitude supérieure d'un point

 14   de vue moral. Ces gens venaient comme si rien ne s'était passé dans

 15   l'histoire et ils faisaient tout d'un coup, et tout d'un coup des Croates

 16   extrêmement malveillants -- avaient fait leur apparition et auraient mené

 17   la guerre comme s'il s'était agi du premier conflit qui n'avait jamais eu

 18   lieu sur le terrain. Mais je vous en prie, je ne pouvais pas admettre que

 19   cet homme me donne des leçons sans tenir compte tout en ignorant la réalité

 20   du terrain et de l'histoire. Nous avons mené cette guerre de la façon la

 21   plus correcte qu'il était possible de le faire. J'ai honte de ce qui s'est

 22   passé mais nous nous sommes efforcés de réduire l'ampleur de tout ce qui

 23   peut se produire de négatif dans une guerre; un nombre minimal d'obus a été

 24   tiré sur mes ordres.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous, Monsieur le Juge.

 27   M. STRINGER : [interprétation]

 28   Q.  Nous allons maintenant regarder une nouvelle vidéo. Il s'agit de la


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  1   pièce P 06365. Il s'agit d'un documentaire qui a été fait par Jeremy Bowen.

  2   C'est en date du -- c'est septembre 1993.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "Ça ne s'améliore pas la nuit; 500 Musulmans ont réussi à se mettre à

  6   l'abri."

  7   M. STRINGER : [interprétation] Je pense que c'est allé un peu vite en

  8   besogne. Les interprètes n'ont peut-être pas eu le temps de trouver le

  9   document. Nous allons reprendre pour nous assurer que l'interprétation est

 10   faisable.

 11   L'INTERPRÈTE : De la cabine française : les interprètes n'ont aucun

 12   document papier.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Donc c'est la pièce P 06365, et les pages --

 14   L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont trouvé les pages. En cabine B/C/S,

 15   français, les interprètes n'ont pas une ligne écrite.

 16   M. STRINGER : [interprétation]

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   "La situation ne s'améliore pas la nuit; 500 cent Musulmans venaient d'être

 20   dévalisés et chassés de Mostar Ouest par les Croates. Pour se mettre en

 21   lieu sûr plus ou moins, pour se mettre dans un lieu plus ou moins sûr, ils

 22   ont dû traverser la Neretva sur un pont fait de cordes et de planches. Les

 23   soldats bosniaques leur ont indiqué par où passer. Les Croates tiraient sur

 24   ceux qu'ils venaient de transformer en réfugiés. Quelques heures seulement

 25   auparavant, avant que les bandes croates ne viennent les chercher, ne les

 26   forcent à traverser la ligne de front, ils se pensaient en sécurité, ils

 27   s'étaient installés pour la nuit. Les mitrailleuses croates n'ont cessé de

 28   tirer et les réfugiés ont continué à arriver. Ils essayaient de tuer des


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  1   femmes et des hommes âgés, des mères et leurs enfants. Elle a eu si peur

  2   qu'elle ne pouvait à peine marcher mais elle essayait de calmer ses deux

  3   fils. Chaque nouvelle famille doit être nourrie et logée. Nous sommes face

  4   à un crime de guerre dont l'objectif est froidement calculé, augmenter la

  5   pression qui pèse sur les autorités militaires de Mostar Est. La brutalité

  6   des expulsions fait passer avec force le message avec les extrémistes

  7   croates un compromis n'est ni possible ni souhaitable. Les réfugiés ont

  8   passé leur première nuit à Mostar Est dans un théâtre détruit par les

  9   bombes. En une nuit, ils ont tous perdu leurs maisons et leurs biens. Ils

 10   ont parlé de persécutions, de viols et d'assassinats.

 11   "On les a conduit à un petit bois. On a extrait mes fils de la voiture, on

 12   les a emmenés dans ce bois. On m'a dit qu'ils leur avaient tranché la

 13   gorge. Je vis uniquement parce qu'il le faut, seulement parce qu'il le

 14   faut. Qu'est-ce que c'est que cette vie ?"

 15   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 16   M. STRINGER : [interprétation]

 17   Q.  Qu'avez-vous fait pour mettre un terme à ces expulsés de Mostar

 18   qui étaient donc chassés de Mostar Ouest, comme nous l'avons vu ici ?

 19   R.  Ici, avant tout nous voyons un groupe de personnes qui traversent, pas

 20   plus d'une dizaine de personnes différentes. Donc cette histoire selon,

 21   qu'il y aurait eu 500 personnes ne trouvent aucune confirmation ici. Je ne

 22   sais pas pourquoi ils ont traversé.

 23   Tout ce que l'armée avait l'obligation de faire, avait trait au fait qu'il

 24   y avait 8 000 Musulmans à Mostar. Alors est-ce que comme cela a été très

 25   probable il y a eu des cas individuels d'expulsion, je ne sais pas. Mais

 26   lorsque vous avez 8 000 personnes qui vivent dans une zone et une offensive

 27   de cette nature, cela en dit long quant à la position et au pouvoir et à

 28   l'autorité qui sont les vôtres, qui sont tous absolus.


Page 12405

  1   Q.  Général --

  2   R.  Il s'agissait d'opérations illégales et non pas d'opérations qui

  3   avaient été planifiées, approuvées. Je ne pouvais rien interrompre, car je

  4   n'étais au courant de l'existence de ces opérations.

  5   Q.  Mon Général, vous ne saviez pas que ceci se passait, c'était à Mostar,

  6   il y avait eu un secteur de défense de Mostar qui avait été établi, d'après

  7   votre ordre que nous avons examiné, il y a quelques instants. Le fait est,

  8   mon Général, que tout comme les camps, tout comme les arrestations et tout

  9   comme tout le reste, vous savez très bien que tout ceci se passait de façon

 10   systématique à Mostar, mais ça vous importe peu; est-ce que c'est exact ?

 11   R.  Ce que vous dites est inexact. Pas un moindre détail, pas un moindre

 12   fait que vous énonciez n'est exact. Ici, nous avons juste un document ayant

 13   trait à la traversée de certaines personnes. Nous n'avons aucun document

 14   attestant qu'il y ait eu des expulsions, aucun nom, rien du tout. La

 15   personne qui est venue pour tourner ces images avait l'intention de tourner

 16   des images montrant l'ABiH, c'est ce qu'il voulait, lorsqu'il est venu en

 17   septembre.

 18   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] J'étais en train d'attendre la fin

 19   de l'interprétation, et de nouveau je souhaite répéter que effectivement je

 20   n'aime pas faire ce genre de geste, je n'aime pas interrompre, mais je dois

 21   vraiment vous demander, Monsieur Praljak, de parler plus lentement.

 22   Effectivement M. Stringer devrait également parler plus lentement, car vous

 23   aussi, vous êtes emporté par votre thèse. Donc, de nouveau, je souhaiterais

 24   vous demander et vous dire qu'il est dans votre intérêt des deux de parler

 25   plus lentement et de ménager des pauses entre les questions et les

 26   réponses. Merci.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Prandler. Veuillez

 28   croire que tout cela va très vite dans ma tête, et puis cela m'échappe.


Page 12406

  1   C'est déjà le 52e jour de ma déposition, veuillez croire que je fais des

  2   efforts. Mais vous vous retrouvez à entendre des thèses avec lesquelles

  3   vous n'êtes pas du tout d'accord. C'est difficile d'opérer une séparation

  4   entre la partie intellectuelle et les émotions, et le corps. C'est tout

  5   simplement impossible, malheureusement.

  6   M. STRINGER : [interprétation]

  7   Q.  Passons maintenant à la pièce suivante, dans le classeur, mon Général.

  8   Il s'agit de la pièce portant la cote P 04495.

  9   Mon Général, c'est un rapport en date du 25 août 1993, émanant de Mladen

 10   Knezovic, Siroki Brijeg, artillerie mixte de roquettes, Régiment de Siroki

 11   Brijeg. On peut lire :

 12   "Opérations de combat :

 13   "A partir des petites heures du matin, de la journée précédente, le feu a

 14   été dirigé sur des cibles dans Mostar. Les opérations intenses contre des

 15   cibles de Mostar ont duré jusqu'à 15 heures --"

 16   Ici on peut lire des "chars T-30," mais je crois qu'il faudrait lire

 17   "T-130."

 18   "-- étaient d'abord utilisés pour tirer sur plusieurs positions de

 19   tir."

 20   Ensuite, on décrit dans ce texte cet événement.

 21   Mon Général, est-il exact de dire que des rapports avaient été faits par

 22   les unités appropriées, envoyés à l'état-major principal concernant leur

 23   emploi, l'emploi de l'artillerie et sur les cibles à Mostar et sur le fait

 24   qu'on ait tiré sur des cibles ? Ceci était une -- c'étaient des rapports,

 25   n'est-ce pas, qui étaient envoyés à l'état-major principal; est-ce exact ?

 26   R.  Oui, pendant une certaine période de temps. En général, cela arrivait à

 27   la zone opérationnelle, et puis ensuite on précisait les tableaux de tir,

 28   l'utilisation qui avait été faite des munitions sur une période de dix


Page 12407

  1   jours, 15 jours, 20 jours, il y avait différents rapports à cet égard qui

  2   arrivaient à l'état-major aussi.

  3   Q.  D'accord. Donc est-ce que c'était l'état-major principal qui devait

  4   coordonner la quantité des munitions, de fournir la quantité des munitions

  5   dont ils avaient besoin; est-ce que c'était ce type de choses, de questions

  6   qui étaient abordées pour déterminer quelle munition devait être employée ?

  7   De quelle façon est-ce qu'on allait l'employer ?

  8   R.  Le responsable de l'artillerie à l'état-major contrôlait l'utilisation

  9   des munitions, les stocks de munitions disponibles. Il y a un responsable

 10   de l'artillerie au sein de la zone opérationnelle également, pas uniquement

 11   dans l'état-major. Il suit l'évolution de tout cela, et en informe soit

 12   moi-même, soit quelqu'un d'autre au sein de l'état-major concernant donc la

 13   situation et puis l'état des réserves disponibles.

 14   Q.  Pour rester sur le même sujet, et pour rester sur le même sujet,

 15   j'aimerais que l'on affiche la pièce suivante, alors il s'agit de la pièce

 16   P 04520.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : En regardant le document, il y a l'équipage du T-130

 18   qui ont été blessés, et puis quand vous regardez au point 4, il y a le

 19   déploiement des armes et il semble qu'il y a plusieurs autres tanks. Il y

 20   en aurait un à Orlovac, ça doit être celui où l'équipage était blessé,

 21   Kozica, Tepcici, Debelo Brdo, et Planinica. Donc si je comprends bien, il y

 22   avait au moins cinq tanks.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur, le T-130 c'est un canon -

 24   - ce n'est pas un char, c'est un canon. Là, il est question de cibles, donc

 25   cibles militaires et il est question aussi du fait que la logistique

 26   responsable de ce char qui est assez loin sur les arrières, parce qu'il y

 27   avait l'ABiH et son artillerie entre les deux. Donc vous voyez qu'il y a

 28   des gens qui sont blessés. Il y a échange de tir entre les deux groupes et


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  1   on lit ici, de nom de Orlovac qui est un canon de 130, il est dit que les

  2   cibles militaires ont été respectées. Donc l'élimination des cibles a été

  3   respectée. Ils ont trouvé la cible. Ils ont touché la cible et voilà ce qui

  4   s'est passé. Il n'est pas question de chars ici.

  5   L'ACCUSÉ PRLIC : [interprétation] Il y a une erreur. Il y a une erreur dans

  6   la traduction en croate. Il est indiqué, je cite :

  7   Ce qui veut dire :

  8   "Des servants de canons."

  9   Alors qu'en anglais, on peut lire, je cite :

 10   "Les servants de chars."

 11   En pas -- en s'adaptant pas, c'est-à-dire l'équipage du canon et pas celui

 12   du char. Donc là, il y a une faute de traduction très claire.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est écrit ici que M. Marko Stojicic, le

 15   chef de l'état-major, responsable des cannons, a été blessé --

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Que cinq ou six hommes ont été blessés au

 18   total et qu'il y a eu nécessité de les transporter au centre médical.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Grâce à l'aide de M. Prlic, je comprends

 20   maintenant que, quand il y a marqué T-130, c'est un canon et ce n'est pas

 21   un char; alors que dans la version anglaise, il y avait l'équipage d'un

 22   tank, donc c'est un canon, ce n'est pas un char.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'ai dit. C'est ce que, moi, je

 24   vous ai dit.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Et 130, c'est 130 millimètres; je suppose

 26   ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

 28   M. STRINGER : [interprétation]


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  1   Q.  Mon Général, la pièce suivante porte la cote P 04520. Le rapport a été

  2   rédigé le lendemain, le 26 août 1993. C'est un rapport qui semble avoir été

  3   signé au nom du commandant de la Zone opérationnelle Miljenko Lasic. Au

  4   point 1, je le rapporte -- porte sur l'opération de Rastani, et l'emploi

  5   des armes antiaériennes. Donc ce que ce rapport fait ici c'est qu'il décrit

  6   les positions de tir sur des armes de défense antiaérienne employées au

  7   cours de l'opération de Rastani. Ensuite, au point 2, nous pouvons lire que

  8   dans le rapport on fait référence au PAM 14.5/4, positionné à Crne Stijene,

  9   en direction de Kucejko, ayant pour objectif de tirer sur Brana et les

 10   objectifs dans Vrapcici, et de donner l'appui aux hommes de Tuta dans le

 11   cadre de l'opération de Rastani.

 12   Mon Général, est-ce que c'est exact effectivement que l'artillerie du HVO

 13   avait été déployé en tant qu'appui pour les hommes de Tuta pour l'opération

 14   de Rastani ?

 15   R.  Encore une fois, les canons antiaériens, les mitrailleuses anti -- une

 16   mitrailleuse antiaérienne de 14,5 de calibre n'est pas un canon à

 17   proprement parler. C'est un fusil mitrailleur de taille un peu plus grande

 18   que ce que porte l'infanterie. Je n'ai aucune raison de mettre en doute le

 19   rapport de M. Mico Lasic car il est précis, exhaustif. La liste des cibles

 20   est indiquée clairement, les directions aussi. Donc j'aurais tendance à ne

 21   pas --

 22   L'INTERPRÈTE : note de l'interprète : phrase non terminée.

 23   M. STRINGER : [interprétation]

 24   Q.  Très bien. Maintenant passons au paragraphe suivant, je saute un

 25   paragraphe, ici on fait référence au fusil donc à la batterie antiaérienne

 26   PAM ciblant le cimetière d'Orlac; est-ce que vous voyez cela ?

 27   R.  Non. Non, je ne vois pas ce passage.

 28   Q.  Pour revenir sur le rapport, donc au point 1, il y a plusieurs points,


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  1   plusieurs alinéas, et le quatrième alinéa, au paragraphe 1, porte sur ce

  2   que je viens de citer.

  3   R.  Oui, oui, je l'ai trouvé, je l'ai trouvé.

  4   Q.  Donc :

  5   "Le PAM 14.5 au cimetière, position de tir d'Orlac est une nouvelle

  6   arme pour le sud-est d'Herzégovine qui est arrivée de l'armée croate par le

  7   biais du pilote, Bato Sunjic, qui était l'un des hommes de la Compagnie

  8   d'Orlovac."

  9   Mon Général, est-ce que vous étiez au courant que l'armée croate envoyait

 10   des armes dans la Zone opérationnelle du sud-est d'Herzégovina pour donner

 11   l'appui aux opérations militaires au cours de cette période ?

 12   R.  Ce n'est pas l'armée croate qui a envoyé ces hommes mais ces armes sont

 13   venues de l'armée croate, et manifestement, c'est Sunjic qui les a

 14   apportées. Donc il est exact, Monsieur Stringer, que des hommes

 15   s'efforçaient de se procurer des armes par tous les moyens. Alors si vous

 16   dites que c'est l'armée de Croatie qui a donné l'ordre de cet envoi

 17   d'armes, il est certain que cet ordre n'a pas existé; mais que Sunjic ait

 18   apporté un fusil mitrailleur antiaérien de 14,5 millimètres de calibre, ça

 19   c'est certainement exact, et que cette arme soit passée par les différents

 20   endroits indiqués c'est possible aussi.

 21   Q.  Donc vous ne savez pas de quelle façon il s'est procuré ceci de l'armée

 22   croate ?

 23   R.  Non, non.

 24   Q.  Ensuite je passe trois points plus bas. Donc c'est le troisième alinéa

 25   à partir du haut de la page 2, on fait une référence ici a 20/1 "Oerlikon

 26   Pact," et on peut dire -- on peut lire que ceci est tiré sur des

 27   installations du camp du nord; est-ce que vous voyez cela ?

 28   R.  Oui, oui. Cela a tiré sur les VP. Dans le texte, cela veut dire


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  1   "position militaire de coop et du camp nord." Là, il est question d'un

  2   canon antiaérien de calibre 20 millimètres avec un seul canon parce que

  3   cette arme peut avoir 1, 2, 3 ou 4 canons. Celui-là manifestement en avait

  4   un.

  5   Q.  Bon. Très bien. En fait on peut dire ici que cette arme a été reçue par

  6   l'armée croate, et ce, par le biais d'Ivica Mandic, qui était le commandant

  7   du poste militaire de Pula, qui a fourni également les servants du "Pact,"

  8   commandé par M. Jelic, et tout ceci d'après l'accord de M. Mijo Jelic et de

  9   M. Cule. Donc, non, non, mon Général, est-ce qu'il serait juste de dire que

 10   vous ne saviez pas de quelle façon ils se sont procurés cette arme ? Mais

 11   il semblerait que l'arme provient d'une certaine façon de l'armée croate.

 12   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : ce fusil mitrailleur pouvait avoir 1,

 13   2, 3, ou 4 tubes.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Stringer, cette arme n'a pas été

 15   envoyée par l'armée croate, parce que quand vous dites "envoyer par l'armée

 16   croate," cela veut dire que quelqu'un a rédigé un ordre, indiquant que

 17   l'armée croate procurait cette arme. Maintenant est-ce que cela s'est passé

 18   dans le cadre d'un marché privé, je ne sais pas, mais en tout cas, l'ABiH,

 19   comme le HVO, se procurait leurs armes dans des conditions comme celles-ci

 20   par tous les moyens possibles. Je suppose que vous êtes au courant

 21   aujourd'hui.

 22   M. STRINGER : [interprétation]

 23   Q.  D'accord.

 24   M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, avant que mon éminent

 25   confrère ne pose ses questions suivantes, je voudrais simplement rappeler

 26   le greffier d'audience que mon éminent confrère a demandé cinq minutes

 27   avant la fin pour aborder une question vers la fin.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors il vaudrait peut-être mieux arrêter


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  1   maintenant parce qu'il est déjà 40. Bon, on continuera lundi, Monsieur

  2   Stringer. On aura largement du temps.

  3   Bien. Alors je vais donc donner la parole à l'avocat qui voulait intervenir

  4   pour la fin.

  5   Maître Nozica.

  6   Mme NOZICA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Très grand merci

  7   à vous.

  8   Je vous demanderais seulement que nous puissions discuter ma requête à huis

  9   clos partiel, s'il vous plaît.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Greffier.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel. Merci.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 44413 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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 27   [Audience publique]

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : En audience publique j'indique que nous continuerons


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  1   lundi à 14 heures 15, et d'ici là je vous souhaite donc une bonne fin de

  2   journée.

  3   --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le lundi 7 septembre

  4   2009, à 14 heures 15.

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