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1 Le mercredi 16 septembre 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [L'accusé Coric est absent]
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
10 tous dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, l'Accusation
11 contre Prlic et consorts. Je vous remercie.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
13 En ce mercredi 16 septembre 2009.
14 Monsieur le Greffier, le témoin n'entend pas.
15 Vous m'entendez, Monsieur le Témoin ?
16 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, ça marche. C'est mercredi, je vous salue,
18 Monsieur le Professeur, en premier, je salue MM. les accusés. Je salue Mmes
19 et MM. les avocats. Je salue M. Scott, ses collaborateurs et
20 collaboratrices, ainsi que toutes les personnes qui doivent prêter leurs
21 concours à notre audience.
22 Je vais tout d'abord donner la parole à M. le Greffier, qui a un numéro IC
23 à nous donner.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
25 Certaines parties ont présenté des listes de documents devant être versés
26 au travers du témoin Slobodan Praljak. La liste soumise par l'équipe 3D
27 recevra la cote IC 1306. La liste présentée par l'équipe 1D recevra la cote
28 IC 1308 [comme interprété]. La liste soumise par 4D recevra la cote IC 1049
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1 [comme interprété]. La liste présentée par l'équipe 5D recevra la cote
2 1040, la liste présentée par l'Accusation recevra la cote IC 1041. Je vous
3 remercie.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
5 Je vais poser une question en même temps à Me Kovacic et à Me Alaburic. La
6 Chambre a constaté en regardant le planning que le dernier témoin de la
7 Défense Praljak est prévu pour le mardi 20 octobre, ça sera le Témoin 3DA,
8 qui aura déjà commencé à témoigner dès le mercredi 15 octobre. Et le
9 premier témoin de la Défense Petkovic commencera lui, selon le calendrier,
10 le lundi 2 novembre 2009. De ce fait, la Chambre constate qu'il y aura un
11 trou d'une semaine et demie. Est-ce qu'on peut avoir des explications ?
12 Maître Alaburic.
13 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être serait-il
14 préférable que je prenne la parole avant ma collègue, et que je vous
15 informe, s'agissant de ce dernier Témoin 3DA, nous ne sommes pas encore
16 certain de pouvoir le faire comparaître. Je ne veux pas entrer dans le
17 détail, mais il y a deux obstacles. D'un, c'est le fait de savoir si nous
18 allons avoir suffisamment de temps de le faire, étant donné que tout a été
19 calculé dans des intervalles de temps très courts. Et s'il y a des
20 rallonges, on n'aura pas le temps d'entendre. Et il n'a pas encore dit
21 clairement qu'il était disposé à venir. Or, comme nous avons une
22 déclaration signée par ses soins, on l'a déjà mise dans nos requêtes en
23 application du 92 bis. Donc quand on se sera rapproché de la période de
24 temps en question, on verra si on pourra le faire comparaître ou renoncer
25 avec présentation de sa déclaration en application du 92, ou alors le
26 laisser en 92 bis sans pour autant l'emmener ici viva voce. Merci.
27 Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
28 les Juges. Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire. Il est exact de
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1 dire qu'entre le temps imparti au général Praljak, comme on le sait, et
2 l'emploi du temps préparé par la Défense du général Petkovic, il y a un
3 écart de six jours ouvrables exactement. Cet écart a été fait compte tenu
4 du fait que la Défense du général Praljak, dans la première moitié du mois
5 de septembre, présentera une requête pour se faire autoriser de verser au
6 dossier des déclarations de témoins en application du 92 bis, chose que nos
7 confrères ont fait du reste lundi passé.
8 Lorsque nous avons reçu les listes en application du 65 ter de la part de
9 toutes les Défenses y compris celle du général Praljak, on a pu voir quels
10 sont les témoins, et entre autres les témoins 92 bis, auxquels compte la
11 Défense du général Praljak, et à ce titre, nous avons estimé que parmi ces
12 témoins, il y a certainement des témoins qui, aux yeux de l'Accusation, et
13 peut-être aux yeux de certaines équipes de la Défense pourraient être
14 intéressants pour être contre-interrogés. Alors je pourrais d'ores et déjà
15 vous énumérer certains noms, mais ce n'est que l'opinion de la Défense du
16 général Praljak pour ce qui est d'estimer que ce seraient des témoins très
17 importants parce qu'ils en savent long concernant les événements de
18 l'Herceg-Bosna dans la période qui nous intéresse.
19 Nous avons estimé que pour ces témoins-là, il faudrait à peu près
20 cinq ou six jours au moins. Et nous avons estimé de façon rationnelle que
21 nous pourrions entamer notre Défense, la présentation de notre cause, le 2
22 novembre. Au cas où les Juges de la Chambre en décideraient autrement, nous
23 sommes tout à fait disposés à commencer avant. Et dans ce cas-là, nous
24 tomberons dans un problème qui est celui de présenter 60 jours avant
25 l'audition d'un témoin expert le rapport préparé par ses soins. Le
26 témoignage du témoin expert Gorjanc, nous l'avons présenté le 2 septembre.
27 Donc les 60 jours prennent fin le 2 novembre. C'est la raison pour laquelle
28 nous demanderions, au cas où il faudrait que nous commencions avant le
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1 délai prévu, que la Chambre réduise le délai imparti, non pas pour faire
2 non pas 60 jours mais seulement 50 jours. Donc ce sont les raisons qui nous
3 ont motivés. Si vous avez d'autres questions, je peux vous apporter des
4 explications. Merci.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Deux choses que je vois tout de suite dans vos
6 propos. L'argument du témoin expert Gorjanc, dont l'audition ne pourrait
7 commencer que le 2 novembre, là-dessus, il n'y a pas de problème. Ce n'est
8 pas lui qui pose le problème. A ce moment-là, il viendra après le 2
9 décembre ou au mois de décembre, ce n'est pas un problème, sauf si vous
10 exigez absolument qu'il témoigne en premier, et là, en la matière, on n'en
11 est pas là. Ça, c'est un problème. Mais le deuxième problème que vous
12 soulevez, et qui moi, évidemment, m'a causé un choc quand je vous ai
13 écouté, les 92 bis, le général Praljak en propose plus de 150. Depuis ce
14 matin, 6 heures, je suis dans sa requête et je l'ai travaillée, j'ai fait
15 le tri personnel des uns et des autres. Je ne sais pas ce que la Chambre
16 décidera parce qu'on n'en a pas discuté, mais c'est un travail colossal que
17 les Juges vont être amenés à faire, parce qu'il faut d'abord lire les 150
18 déclarations, lire les résumés, les références aux points de l'acte
19 d'accusation, savoir si cela vient corroborer d'autres témoins, et cetera.
20 Donc c'est tout un travail pour aboutir, le cas échéant, à une nécessité
21 d'un contre-interrogatoire. Donc ça c'est déjà un problème et ça ne va pas
22 se résoudre en 24 heures. Et à mon avis, ça ne va pas se résoudre d'ici le
23 15 octobre. Mais même pour le cas où il s'avérerait qu'il y ait des 92 bis
24 qui doivent être contre-interrogés, à ce moment-là, il y a un autre
25 problème qui se pose : c'est le temps, sur quel temps on va les prendre,
26 ceux-là. Car jusqu'à présent, ça n'a jamais été envisagé, sur quel temps.
27 Quand la Chambre a fixé 55 heures pour le général Praljak, c'était tout
28 compris, y compris la possibilité théorique qu'un 92 bis devienne un 92
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1 ter, voire un viva voce.
2 Je relie cela à ce que je suis en train de voir dans l'affaire Karadzic,
3 où, dans la présentation qu'a fait le Juge Kwon de l'affaire à venir
4 Karadzic, il a indiqué clairement qu'il y aurait deux témoins viva voce,
5 des 92 ter et des 92 bis. Donc les Juges ici ont pris conscience maintenant
6 qu'il faut certainement réduire les viva voce. La preuve en est dans
7 l'affaire Karadzic, il n'y en aurait que deux, c'est donc tout dire. Alors,
8 est-ce que parmi les 92 bis, il y en a qui sont d'une telle importance
9 qu'il faut qu'ils viennent ? Je n'en sais rien. Je sais pas. Mais même
10 s'ils sont de cette importance, il faut d'abord qu'entre les quatre Juges
11 on en parle et puis qu'ensuite on résolve la question du temps, parce que
12 ça, ça n'a pas été intégré dans nos discussions. Quand nous avons décidé
13 d'accorder du temps, c'était tout compris, y compris la possibilité
14 théorique qu'un 92 bis devienne viva voce.
15 Maintenant, faire venir hors temps ces témoins du général Praljak, ça pose
16 un problème. Donc vous voyez, tout ça est extrêmement compliqué.
17 Evidemment, tout le monde va y réfléchir, les Juges vont en débattre. Nous
18 avons du temps pour cela puisque le dernier témoin sûr c'est au moins le 14
19 octobre. Le 3DA, il est entre parenthèses pour le moment. Ce qui pourrait
20 être fait utilement, c'est que la Défense Petkovic intègre déjà le fait
21 qu'en théorie, dès le 19 octobre, elle pourrait faire venir un témoin qui
22 n'est pas nécessairement l'expert. Il peut y avoir d'autres témoins que
23 l'expert.
24 On a pris note de ce que vous avez dit. Les Juges vont en discuter
25 entre eux. Ce n'est pas d'une urgence telle qu'on doive statuer dans la
26 seconde ou dans la minute, et puis on vous dira ce qu'on en pense.
27 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le
28 permettez, juste une petite requête. La Défense du général Petkovic est
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1 tout à fait consciente du fait qu'il vous appartient de décider de
2 l'évolution de ce procès et il vous appartient de décider de la comparution
3 et de l'ordre de comparution de certains témoins. Je voudrais quand même
4 vous demander de faire en sorte que la Défense du général Petkovic soit
5 placée dans la même situation que les confrères qui ont présenté leur cause
6 avant moi, c'est-à-dire qu'ils commençaient la présentation de ces éléments
7 à décharge lorsque l'on aura terminé à part entière, c'est-à-dire lorsqu'on
8 aura fini d'entendre la totalité des témoins de la Défense du général
9 Praljak.
10 Je pense que je n'ai pas à vous exposer en particulier les motifs et
11 le fait que nous avons préparé notre Défense compte tenu de ce que nos
12 confrères, dans les présentations préalables, ont déjà fait. Et en
13 respectant les décisions des Juges de la Chambre, nous ne voulons pas
14 fatiguer les Juges avec des faits que nous estimons prouvés. Et nous avons
15 donc estimé et nous estimons encore que suite à la Défense du général
16 Praljak, il y a des faits qui seront prouvés et nous ne souhaiterions pas
17 présenter des éléments de Défense se basant sur la même chose.
18 Donc, en application du 92 bis, il y a aussi des gens qui ont fait
19 partie de l'état-major principal du HVO et qui étaient haut placés dans la
20 structure militaire de l'Herceg-Bosna. Donc il serait particulièrement
21 intéressant du point de vue de la Défense du général Petkovic d'entendre
22 ces témoins avant que de commencer à présenter nos éléments à décharge.
23 Donc nous ne voudrions pas que les témoins de la Défense du général Praljak
24 soient, par exemple, modifiés et soient entendus en application du 92 bis
25 pour être par la suite entendus une fois que nous aurons présenté nos
26 éléments à décharge pour le général Petkovic. Merci.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, est-ce que vous voulez dire un mot
28 sur ce qu'a dit Me Alaburic ou bien vous ne dites rien ?
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1 M. SCOTT : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à
2 tous. J'ai quelques points à soulever. Tout d'abord, je vous souhaite la
3 bienvenue, je dis bonjour, bien sûr, à tout le monde. Je salue tout le
4 monde.
5 Et je me lève, mais je tiens tout d'abord à vous présenter un nouveau
6 membre de notre équipe, M. Jonathan Struggles, qui a déjà travaillé au
7 bureau du Procureur il y a quelques années. Ensuite, il a travaillé en
8 dehors des Nations Unies. C'est un citoyen britannique, mais il est membre
9 du barreau new-yorkais. Et il est déjà avec nous depuis un moment mais il
10 n'est venu en prétoire qu'une fois. Mais je pense qu'à l'avenir il sera
11 plus présent dans le prétoire. Donc nous vous le présentons.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre le salue et lui formule ses meilleurs
13 vœux de réussite au sein du bureau du Procureur et évidemment, l'écoutera
14 avec attention lorsqu'il interviendra, notamment en apportant toute son
15 expertise en matière de common law. D'autant plus que les Juges sont
16 particulièrement à l'écoute des avocats puisque comme vous le savez, les
17 avocats maintenant peuvent devenir Juges de ce Tribunal puisqu'on a deux
18 juges sur 14 Juges permanents qui étaient avant avocats et qui ont plaidé
19 devant des Juges, donc vous avez tous la capacité d'être juge et c'est ce
20 que je vous souhaite aux uns et aux autres.
21 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. Merci et je suis sûr que M.
22 Struggles apprécie ces mots.
23 Pour en revenir aux propos de Mme Alaburic, l'Accusation aimerait d'abord
24 faire quelques propos liminaires à propos de l'aspect procédural des
25 choses. Nous avons remarqué, en effet, qu'au début de la semaine, la
26 Défense Praljak avait déposé une requête 92 bis où il y avait 155 témoins,
27 je pense. Et comme l'a dit Mme Alaburic, je pense qu'on peut dire qu'un
28 certain nombre de ces témoins sur cette liste sont des témoins de haut
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1 niveau, si je puis dire. Je ne vais pas donner de noms, bien sûr. Il y aura
2 peut-être des mesures de protection, je ne sais pas. Donc je ne donnerai
3 pas de noms, mais il y a des noms, en tout cas, sur cette liste, qui sont
4 quand même des acteurs de premier plan dans la situation qui nous
5 intéresse.
6 Donc il serait presque certain que l'Accusation demandera à être en
7 mesure de contre-interroger certains de ces témoins. Je ne peux pas vous
8 dire combien, mais sur 155 témoins en tout, même si on vous demandait un
9 contre-interrogatoire pour uniquement 20, vous savez quand même que
10 lorsqu'il y a des témoins importants, on prend presque une semaine.
11 Donc cela pourrait demander jusqu'à 20 semaines pour contre-
12 interroger ces au moins 20 témoins sur les 155. Si on en arrive à 20. Peut-
13 être on arrivera à 40, 50, je ne sais pas. Donc il y a un problème
14 visiblement, parce que nous allons avoir besoin de temps et de voir aussi
15 et de faire un gros effort de notre part.
16 L'Accusation va très certainement demander un délai supplémentaire
17 pour répondre. J'espère qu'on ne va pas nous demander de répondre à cette
18 requête si étoffée dans les 14 jours habituels. C'est impossible. Donc nous
19 allons très certainement déposer une requête de prorogation de délai dans
20 la semaine. Comme vous l'avez dit, en effet, je ne pense pas que la
21 situation va se résoudre d'ici le 14 octobre, ce qui fait que nous avons un
22 trou dans notre planning.
23 Bien sûr, nous attendons de voir comment les choses vont évoluer.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous remercie. Les Juges, bien entendu, vont lire
25 ce que vous avez dit et on va en débattre entre nous. Nous voyons bien le
26 problème. Peut-être que mon collègue peut vous demander quelque chose.
27 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je veux être certain que je vous ai
28 bien compris. Nous devons attendre une requête que vous allez déposer où
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1 vous allez demander une prorogation de délai pour répondre à la requête
2 Praljak; c'est bien cela ?
3 M. SCOTT : [interprétation] Tout à fait.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est bien cela ?
5 M. SCOTT : [interprétation] Je sais que du côté de l'Accusation, nous en
6 parlions. J'en parlais avec M. Stringer, par exemple. Vous savez que
7 lorsqu'il y en a un au prétoire, l'autre est en train de traiter les
8 affaires, et je pense que M. Stringer est en train de préparer la requête.
9 Vous l'aurez soit à la fin de cette semaine soit au début de la semaine
10 prochaine.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais dire deux choses au témoin avant de vous
12 redonner la parole, Monsieur Scott.
13 Monsieur le Témoin -- oui, Monsieur Kovacic.
14 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être pour alléger
15 la situation du point de vue de ce sujet de planification. D'abord, pour ce
16 qui est de la proposition de la part de mon confrère pour ce qui est d'une
17 rallonge de son délai, je ne m'y oppose pas, bien sûr. Nous avons été dans
18 une situation analogue, nous, en tant que Défense, lorsqu'il s'agissait
19 d'étudier les dossiers de l'Accusation et lorsque le Procureur avait
20 présenté des demandes d'audition en application du 92 bis, on nous a
21 accordé le temps nécessaire et raisonnable qu'il fallait. Un autre élément
22 que je voudrais évoquer pour ce qui est de la planification, c'est ce qui
23 suit : d'ici à la fin de cette semaine, avec une réserve peut-être pour la
24 journée de juste après le week-end, nous allons présenter une requête pour
25 ce qui est des témoins qui comparaîtront en application du 92 quater. Ils
26 ne sont pas beaucoup; ils sont trois ou quatre. On est en train de vérifier
27 les détails. Nous avons reçu une information disant qu'une personne de la
28 liste 92 bis est décédée, donc le 92 quater, de trois, pourrait passer à
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1 quatre. Mais on va vous présenter la requête d'ici la fin de la semaine.
2 Merci.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
4 Monsieur le Témoin, deux éléments avant de donner la parole à M.
5 Scott. Je voudrais savoir, pour me permettre d'apprécier la crédibilité de
6 vos réponses, si, avant de venir ici, vous aviez suivi le témoignage du
7 général Praljak qui a occupé votre place pendant plusieurs mois ? Est-ce
8 que vous avez suivi ça de très près ou pas ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Pour des obligations tout à fait autres,
10 je n'ai eu que deux ou trois fois l'occasion de voir sur internet et suivre
11 sur internet le témoignage.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous avez suivi sur internet deux ou trois fois
13 le témoignage. Vous avez suivi tout le transcript entier ou quelques bribes
14 de l'audience ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai suivi que certains segments parce que
16 j'avais d'autres obligations. J'enseigne. Je fais des recherches. J'ai un
17 travail qui est le mien, et pour suivre tout cela, il faut un temps de
18 travail à part entière.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Jurcevic, lorsque vous êtes
20 venu ici à La Haye, avez-vous eu l'occasion de jeter un œil sur les comptes
21 rendus d'audience de la déposition de M. Praljak, lorsque vous étiez en
22 récolement ici à La Haye ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, parce que tout ce temps-là, vendredi et
24 samedi, et même dimanche et lundi matin, je l'ai passé avec les équipes de
25 Défense.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Et le conseil de la Défense ne vous
27 a pas présenté certains passages du compte rendu d'audience du témoignage
28 de M. Praljak ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas un seul fragment, rien que les
2 documents qui, comme par exemple, m'ont été montrés, comme celui que M.
3 Karnavas m'a montré ici. Mais on ne m'a pas montré le reste.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, pour que l'audience se déroule le mieux
6 possible, il reste au Procureur environ deux heures et demie pour vous
7 poser des questions. Son temps lui est très précieux. Il vous l'a dit. Il
8 voulait six heures de temps. La Chambre lui a accordé trois heures, donc il
9 travaille sur le fil du rasoir. Il a beaucoup de questions. Il a trois
10 classeurs de documents à vous présenter, donc c'est lui qui mène
11 l'interrogatoire. De ce fait, quand il vous pose une question, la réponse,
12 de manière générale, doit être : Oui, non, je ne sais pas ou je ne
13 comprends pas la question. Puis si le Procureur veut approfondir, si vous
14 dites non, il peut vous dire, Pourquoi, expliquez, et cetera, et à ce
15 moment-là vous embrayez.
16 C'est une procédure de "common law." Vous avez fait des études de droit et
17 vous savez que c'est très surprenant par rapport à quelqu'un qui relève du
18 système romano-germanique. Donc c'est très étonnant. Moi-même, la première
19 fois, j'étais sidéré de découvrir qu'il y avait des questions directrices
20 et j'en avais fait état. J'ai un témoin qui est Me Ibrisimovic, car il
21 était dans l'autre procès, j'étais vraiment stupéfait, mais on m'a dit,
22 c'est la pratique. Comme c'est la pratique -- ce n'est pas dans le
23 règlement, c'est la pratique. Donc la pratique, et puis, les avocats qui
24 vous posent les questions sont généralement américains ou britanniques. Il
25 y en a un nouveau qui vient d'arriver. Donc il va continuer comme cela.
26 Eux, ils posent des questions directrices dont la réponse est : Je suis
27 d'accord, je ne suis pas d'accord, je ne sais pas, et cetera. Donc rentrez
28 dans ce canevas, et s'il veut que vous développiez, il vous le demandera,
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1 parce qu'il a toute une stratégie, il a tout préparé, il a dû passer des
2 semaines. Donc tout est organisé et les questions s'enchaînent aux
3 questions. Du coup, si vous partez dans un terrain dans lequel il ne veut
4 pas que vous alliez, ça lui porte préjudice. Vous comprenez cela ?
5 Et vous avez compris également que quand les Juges vous posent des
6 questions, ils les posent différemment. Mais il se trouve qu'on est dans
7 une procédure où le Procureur remplit même en son office, il vous pose des
8 questions, c'est lui qui a la maîtrise de son ton, et il peut vous dire :
9 Répondez précisément à ma question. Voilà. C'est ça. On peut le déplorer,
10 mais c'est comme ça. C'est la pratique de ce Tribunal. J'espère que ça se
11 passera bien.
12 Monsieur Scott, je vous donne la parole.
13 Monsieur le Professeur.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, en tenant compte de
15 tout ce que vous venez de dire à l'instant, et ayant réfléchi à cela, ayant
16 été incité à cela également par la dernière demi-heure d'audience d'hier,
17 j'ai réfléchi avec soin à cette situation qui est la mienne ici en ma
18 qualité de témoin participant au contre-interrogatoire, je suis
19 parfaitement conscient d'être sous serment. Je dirai donc la vérité, rien
20 que la vérité et toute la vérité. Et conformément aux instructions que m'a
21 fournies l'Unité chargée de la Protection des Victimes et Témoins, je suis
22 tout à fait responsable et passible de poursuites au pénal si je ne me
23 conforme pas à ces instructions. En ma qualité de personne éduquée,
24 instruite, j'ai préparé une déclaration que j'ai signée, et je voudrais
25 vous demander la permission de pouvoir présenter cette requête après avoir
26 entendu les recommandations et les avertissements que vous m'avez adressés,
27 pour que la suite de ce contre-interrogatoire puisse se dérouler dans les
28 meilleures conditions. J'ai préparé six exemplaires, y compris pour les
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1 interprètes, pour que cela puisse se dérouler --
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment. Votre déclaration n'entre pas dans le
3 code procédural. Les témoins n'ont pas à faire de déclaration écrite. Je ne
4 sais pas ce qu'il y a dedans. Je vais consulter mes collègues pour leur
5 demander leur position, et on va vous dire tout de suite si on l'accepte ou
6 pas.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être puis-je vous venir en aide, Monsieur
8 le Président…
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, la Chambre qui vient de
11 délibérer sous vos yeux rappelle que nous sommes dans la phase du contre-
12 interrogatoire, que dans cette phase le témoin n'a que le devoir de
13 répondre aux questions du Procureur. Il n'a pas à interférer dans cette
14 procédure par une déclaration liminaire, par un écrit quelconque. Voilà.
15 Malheureusement, c'est comme cela, donc nous ne pouvons pas recevoir votre
16 déclaration.
17 Oui, Monsieur le Professeur.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la
19 première phrase de ma déclaration s'énonce comme :
20 "En fonction des règlements du Tribunal, je n'ai le droit de
21 communiquer avec personne en dehors du Tribunal."
22 Compte tenu de cette règle, je n'ai plus d'autre choix que de
23 m'adresser à vous suite à l'audience du 15 septembre, et compte tenu du
24 déroulement des 30 dernières minutes de ma déposition et des doutes qui en
25 découlent. Par conséquent, nous n'avons pas besoin de continuer avec cette
26 déclaration qui est la mienne, mais je voudrais simplement que vous
27 puissiez entendre cela puisqu'il s'agit d'événements peu clairs qui se sont
28 déroulés et qui ont été abordés lors du contre-interrogatoire, si bien que
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1 le Président de la Chambre lui-même a conclu une des sessions en disant que
2 la question de savoir à quoi le Procureur avait passé 25 minutes de son
3 temps n'était pas clair du tout. Je ne remets en aucun cas en cause le
4 droit de M. le Procureur de mener son contre-interrogatoire comme il
5 l'entend, mais j'ai également été surpris par cela hier. Quand je suis
6 revenu à ma chambre d'hôtel, j'ai longuement réfléchi à cet événement et à
7 sa signification ambiguë dans ce procès, y compris les conséquences
8 possibles pour --
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme j'ai dit tout à l'heure, il y a une réponse à
10 cette déclaration que nous ne connaissions pas. Le Procureur vous pose une
11 question, vous écoutez bien la question, et il vous pose une question par
12 rapport à sa stratégie accusatoire. Donc vous écoutez la question, si vous
13 êtes d'accord avec lui, parce que la question, elle est suggestive, vous
14 lui dites : Je suis d'accord; puis il continue. Si vous n'êtes pas d'accord
15 avec la question, vous lui dites : Je ne suis pas d'accord, ou non; et à ce
16 moment-là, il va voir s'il doit continuer dans cette voie ou s'il change de
17 cap. Mais c'est lui qui est aux commandes; ce n'est personne d'autre que
18 lui. Et vous, vous répondez aux questions. S'il change de cap, les Juges
19 verront qu'il a posé une question, vous avez dit "non". Le Procureur n'a
20 pas insisté et les Juges verront quelle valeur attribuer à tout cela.
21 Voilà, c'est ça. Si maintenant vous ne pouvez pas répondre à la question du
22 Procureur, vous lui dites : Je ne peux pas répondre, puis là vous verrez ce
23 qu'il dira.
24 L'avocat de la Défense aurait dû vous le dire. Quand vous témoignez, il y a
25 deux axes. Le Procureur, dans le cas du contre-interrogatoire, va poser des
26 questions sur votre crédibilité, parce que lui, sachant que vous êtes un
27 témoin à décharge, il essaie de vous décrédibiliser. C'est ça la procédure.
28 Donc il va essayer sur ce plan-là de faire comprendre à la Chambre que ce
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1 que vous dites a peut-être à faire le tri. Puis deuxièmement, sur le fond
2 de l'affaire, dans votre rapport vous avez dit des choses, et lui peut être
3 d'accord avec certaines et en désaccord avec d'autres. C'est par ses
4 questions qu'il va mettre cela en évidence. Après toute l'audience, à ce
5 moment-là, la Défense demandera l'admission de votre rapport. Le Procureur
6 pourra s'y opposer, puis la Chambre dira si votre rapport est admis en
7 intégralité ou partiellement dans tel ou tel domaine.
8 Mais si la Chambre estime que votre rapport n'a pas à être admis, il
9 restera au transcript les questions et les réponses. Voilà, c'est ça la
10 procédure. Vous pouvez en être étonné; vous n'êtes pas le premier,
11 d'ailleurs. Plusieurs personnes qui étaient avant vous nous ont dit la même
12 chose que vous, y compris des juristes de renom. Ils ont dit les mêmes
13 choses que vous. Ils étaient étonnés. Mais à chaque fois, je leur ai
14 expliqué, voilà, c'est comme ça que ça se passe.
15 Ça s'est passé comme ça, de manière identique, quand le Procureur a fait
16 venir ses propres témoins. La Défense a, par des questions, mis en cause la
17 crédibilité et a attaqué le fond. Donc ce que vous "subissez", entre
18 guillemets, ça a été déjà le sort des témoins de l'Accusation. Maintenant,
19 vous êtes témoin de la Défense, voilà comment ça se passe.
20 Vous avez compris cela ? Bien.
21 Maître Kovacic.
22 M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vois que vous vous
23 efforcez véritablement d'expliquer la situation dans laquelle nous sommes
24 au témoin. Peut-être serait-il bon, puisque je n'ai pas le droit de
25 m'adresser à lui, que vous lui disiez, vous lui précisiez que la Défense a
26 toujours l'opportunité de poser des questions supplémentaires pour demander
27 des précisions pour ce qu'il a voulu dire. Merci.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Me Kovacic, qui est un excellent avocat et qui
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1 pourrait aussi peut-être un jour être juge, rappelle qu'il a la possibilité
2 lui aussi, après les questions du Procureur, de vous poser des questions
3 supplémentaires. Comme c'est lui qui vous a fait venir, s'il sent que dans
4 votre réponse sa thèse est en difficulté, il reviendra par derrière pour
5 poser des questions supplémentaires. Ça, c'est le garde-fou. Vous voyez, le
6 système est équilibré. Alors vous, vous avez l'impression d'être ballotté,
7 mais c'est ça. Alors écoutez bien les questions du Procureur et répondez.
8 Monsieur Scott, je vous redonne la parole.
9 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à vous.
10 Je remercie les consignes données par les Juges de la Chambre ainsi que
11 l'assistance qu'elle a fournie.
12 LE TÉMOIN : JOSIP JURCEVIC [Reprise]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 Interrogatoire principal par M. Scott : [Suite]
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
16 R. Bonjour, Monsieur.
17 Q. Je souhaite immédiatement aborder quelque chose qui a été abordé sous
18 la forme de réponses aux questions du Juge de la Chambre et de Me Alaburic,
19 je souhaite parler de Jasenovac, qui est ce camp de concentration de la
20 Deuxième Guerre mondiale. Vous avez abordé ce sujet à plusieurs reprises.
21 Vous avez rédigé un ouvrage qui porte le titre qui ressemble au "Mythe de
22 Jasenovac." Donc je vais vous poser la question, lorsque vous êtes venu
23 dans ce prétoire ces deux derniers jours, et compte tenu des commentaires
24 que vous avez faits sur ce thème en particulier, vous vous êtes un petit
25 peu adouci, me semble-t-il, sur ce point. Vous avez passé le plus clair de
26 votre carrière à défendre et à minimiser et à nier ce qui s'est passé à ce
27 camp à Jasenovac, n'est-ce pas ?
28 R. Non, c'est inexact.
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1 Q. Jasenovac était un camp de concentration notoirement connu, géré par
2 les Oustachi du gouvernement de l'Etat indépendant croate, n'est-ce pas ?
3 R. Je l'ai confirmé en répondant également aux questions posées par la
4 Défense hier, et cela se trouve confirmé dans toutes mes déclarations
5 publiques.
6 Q. Si je regarde mes notes, en 1998 vous êtes l'auteur d'un livre qui a
7 été publié qui s'intitule "La création du mythe de Jasenovac." Dans cette
8 ouvrage, Monsieur, vous avez essayé de minimiser le champ et la portée des
9 crimes qui ont été commis dans ce camp, et ce sur une période de dix à 15
10 ans, je crois. C'est une de vos réalisations sur le plan professionnel, me
11 semble-t-il.
12 R. C'est entièrement faux. Je souligne que j'ai précisé hier le fait que
13 cet ouvrage, "Création du camp de Jasenovac", représente mon mémoire de
14 troisième cycle que j'ai présenté à la faculté de Zagreb. Il aborde la
15 méthodologie et l'approche qui a été celle des autorités communistes qui
16 ont utilisé abusivement la notion des victimes de la guerre. Et j'ai obtenu
17 la note la plus élevée pour ce travail de fin d'étude.
18 Q. En réalité, Monsieur, votre ouvrage était une des choses qui a été
19 fêtée, me semble-t-il, ou en tout cas vous avez reçu une promotion, ou en
20 tout cas, votre ouvrage a fait l'objet d'une promotion à l'institut.
21 C'était bien le livre portant sur le mythe de Jasenovac, n'est-ce pas ?
22 R. Mon ouvrage a fait l'objet d'une promotion à de nombreux endroits et
23 j'ai également rencontré différentes difficultés avec les autorités croates
24 en raison des points de vue que j'y présentais. On m'a proposé de modifier
25 deux phrases dans cet ouvrage avant sa publication dans ce contexte. Ces
26 phrases avaient trait aux recherches de Franjo Tudjman sur la question, et
27 on m'avait proposé de devenir le principal historien en République de
28 Croatie si j'acceptais de modifier ces deux phrases, ce que je n'ai pas
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1 accepté.
2 Q. C'est quelqu'un qui vous a contacté au nom du gouvernement croate pour
3 censurer votre ouvrage ?
4 R. Non. Personne n'est venue me voir qui aurait appartenu au gouvernement
5 de la Croatie, mais c'était une personne qui occupait une place
6 relativement importante au sein du HDZ, et c'était un de mes collègues de
7 la faculté d'histoire qui avait fait ses études en même temps que moi.
8 C'était Zlatko Stublic.
9 Q. Monsieur, nous n'avons pas le temps pour les raisons qui vous ont été
10 expliquées par le Président de la Chambre d'aborder tous ces documents dans
11 le détail, malheureusement, mais simplement pour que les Juges de la
12 Chambre comprennent bien et que l'on puisse comprendre de quoi il s'agit
13 ici précisément, je vais vous demander de vous reporter, ainsi que les
14 Juges de la Chambre, à la pièce P 11005 et P 11007, que vous trouverez dans
15 votre troisième classeur. Encore une fois, j'indique aux Juges de la
16 Chambre que je n'ai pas l'intention de parcourir dans le détail ces
17 documents.
18 Monsieur, vous avez continué à publier des articles et vous avez eu de
19 multiples réponses et de réactions de personnes qui n'étaient pas d'accord
20 avec votre position, qui la rejetaient, c'est une position absolument
21 terrible, comment peut-on minimiser ces crises. C'est quelque chose qui
22 s'est poursuivi, c'est un dialogue continu, si on peut l'appeler ainsi, au
23 niveau de la presse, au niveau des publications que vous avez faites, sur
24 vos travaux qui sont controversés, n'est-ce pas ?
25 R. Il y a eu un débat à ce sujet, un débat qui était marqué par un grand
26 manque de professionnalisme, et ce document que vous présentez ici
27 représente ma réponse suite à la publication d'un texte de Zorica Stipetic,
28 membre de la structure communiste la plus radicale qui appartenait au
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1 comité central de la Ligue des communistes au sein de la commission
2 politique et idéologique, et cette personne est connue au sein de l'opinion
3 publique pour ses positions radicales et ses règlements de compte
4 particulièrement véhéments avec tous les opposants au régime.
5 J'ai au sein de ce débat également mis en avant certaines positions et
6 vérités fondamentales que j'avais avancées dans mon travail de fin d'étude,
7 qui avaient été passées en revue par une partie importante de la communauté
8 scientifique en Croatie, y compris le jury, la commission scientifique
9 devant laquelle j'ai soutenu.
10 Q. En réalité, Monsieur, une des premières questions que le Président de
11 la Chambre vous a posée lundi, il vous a demandé si vous aviez déjà
12 témoigné. Vous dites avoir témoigné dans une affaire. Je crois que vous
13 avez oublié de dire que vous avez témoigné comme témoin à charge, comme
14 témoin expert, concernant les camps de concentration de Jasenovac. Vous
15 avez témoigné au nom d'un des commandants du camp, M. Dinko Sakic, n'est-ce
16 pas ?
17 R. M. le Président m'a demandé de façon très claire au début de ma
18 déposition si je m'étais trouvé dans une situation semblable mais liée à ce
19 même sujet, à ce même thème qui est celui de la guerre patriotique croate.
20 J'ai répondu à cette question extrêmement précise. Alors, ce que vous
21 énoncez ici est exact aussi, à savoir que j'ai déposé lors de ce procès que
22 vous avez cité en qualité d'expert. Cela a fait l'objet d'un
23 enregistrement, et au début du procès, la façon dont j'étais cité à
24 comparaître --
25 Q. Je vous remercie. Pardonnez-moi de vous avoir coupé. Vous savez que
26 nous avons des contraintes de temps très importantes. Je vais vous demander
27 de regarder, Monsieur, le classeur devant vous, la pièce P 10987. Ça doit
28 se trouver dans le troisième classeur. P 10987, un article de HINA qui est
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1 le service de presse croate, service de presse nationale. Et ici on parle
2 de votre témoignage dans cette affaire, et dans cette affaire, vous êtes
3 témoin à décharge, "le mythe de Jasenovac." Au troisième paragraphe --
4 quatrième paragraphe de ce document en anglais, dans les deux versions, je
5 suppose.
6 A la fin de ce paragraphe, vous dites -- ou l'article dit, pardonnez-moi,
7 mais ici on parle de votre témoignage.
8 "Le premier à mettre le doigt sur le fait que Jasenovac était un mythe
9 était Franjo Tudjman, a dit Jurcevic."
10 C'est bien ce que vous avez dit dans votre témoignage dans le procès Cakic,
11 vous avez dit qu'en effet c'est le président Tudjman qui a dit pour la
12 première fois que Jasenovac était un mythe ?
13 R. Non, c'était inexact. Il est l'un de ceux qui se sont penchés sur ce
14 sujet et qui s'exprimaient en ce sens. Ce mot, ce terme de "mythe",
15 signifiait que le régime communiste n'autorisait pas que l'on entreprenne
16 des recherches scientifiques objectives concernant les victimes de la
17 Seconde Guerre mondiale en général et le camp de Jasenovac en particulier.
18 Q. Monsieur, sauf votre respect, vous parlez de façon codée. Lorsque vous
19 parlez de données objectives, est-ce que vous voulez dire en réalité que
20 cela n'a pas été aussi terrible qu'on le pensait ? Le nombre de victimes
21 était moins important. On a retrouvé quelques corps seulement, quelques
22 squelettes seulement. C'est ce que vous dites dans votre témoignage. Vous
23 dites au monde entier que vous souhaitez défendre les actes du gouvernement
24 croate, que Jasenovac n'était pas aussi terrible que cela. C'est bien votre
25 position, n'est-ce pas ?
26 R. Non, c'est entièrement faux et nous en trouvons la confirmation, y
27 compris dans un fragment de ce document auquel vous vous référez,
28 d'ailleurs. J'y dit que pour ce qui concerne le mythe de Jasenovac, une des
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1 premières personnes à en avoir parlé, c'est l'académicien serbe Vlaso
2 Bogdanov [phon], c'est l'avant-dernier paragraphe et je continue à citer
3 qu'il a déclaré que toutes les recherches concernant Jasenovac abondent
4 dans le sens de l'existence d'une généralisation réactionnaire, chauviniste
5 et selon laquelle tous les Croates seraient des Oustachi.
6 Q. Excusez-moi, Monsieur, nous devons avancer. En général, vous avez suivi
7 les pas du président Tudjman. Par exemple, après la publication de son
8 ouvrage en 1980, le président Tudjman a rédigé cet ouvrage pour minimiser
9 les crimes pendant la Deuxième Guerre mondiale contre les Serbes, les Juifs
10 et les Rom, "Les déserts de la réalité historique." C'est exact, n'est-ce
11 pas, que vous avez suivi les pas du président Tudjman tout au long de votre
12 carrière pour ce qui est de défendre le gouvernement croate ?
13 R. C'est entièrement inexact, et je viens de souligner les difficultés que
14 j'ai rencontrées à l'époque où Franjo Tudjman était président à l'occasion
15 de la publication de mon ouvrage. Si j'avais accepté de modifier ces seules
16 deux phrases concernant les recherches de Franjo Tudjman, la situation
17 aurait été tout autre. Mais j'ai refusé cela et l'ouvrage a été publié,
18 reprenant donc ma thèse de troisième cycle.
19 Q. Ecoutez, Monsieur, vous saviez que le président Tudjman soutenait le
20 régime de l'Etat indépendant croate, n'est-ce pas, l'Etat indépendant
21 croate ?
22 Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais soulever
23 une objection à cette question. Il faudrait préciser la base factuelle sur
24 laquelle elle repose. Je ne veux pas maintenant entrer dans les détails
25 concernant l'ancienne Yougoslavie et quelle était la position et quels
26 étaient les ouvrages du président Tudjman.
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Il y a aussi une question de pertinence. Je
28 ne sais pas s'il y a une tendance thématique que Tudjman était un fasciste,
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1 qu'il était raciste, que cela faisait partie de son ADN, et maintenant
2 qu'il devient président, il traduit dans la réalité ses pensées, ses
3 sentiments, tout ce qui existe dans son ADN. Je crois que ceci est
4 parfaitement ridicule. Regardons l'acte d'accusation et tenons-nous en à
5 l'acte d'accusation. L'Accusation souhaite avoir davantage de temps alors
6 que l'Accusation aborde des domaines qui n'ont rien à voir avec l'acte
7 d'accusation. Pourquoi ceci est-il pertinent ? Pourrions-nous avoir une
8 décision là-dessus ? Moi, je m'oppose pour des raisons de pertinence.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Procureur est sur le terrain de la crédibilité.
10 Il vous dit d'abord, le président Tudjman a écrit un livre sur ce camp de
11 Jasenovac, je crois en 1980. Le Procureur vous dit, vous-même, vous avez
12 écrit et vous êtes d'accord ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1989.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous-même, vous avez écrit en la matière puisque
15 c'est la thèse de votre mémoire de troisième cycle sur ce camp. Le
16 Procureur vous demande de confirmer si votre point de vue est le même que
17 le président Tudjman. Vous avez répondu non sur certains points, et cetera.
18 Le Procureur continue la démonstration. Il vous dit que le président
19 Tudjman était dans la même ligne que l'Etat qui avait mis en place ce camp.
20 Et à ce moment-là, il vous demande ce que vous en pensez. Vous pouvez dire,
21 Vous faites une erreur, je suis d'accord ou je ne suis pas d'accord. Et
22 voilà que les avocats profitent des questions pour faire des objections.
23 Mais cette affaire de Jasenovac me semble extrêmement claire, Monsieur le
24 Témoin. Il y a deux problèmes : un, y a-t-il eu des victimes, vous pouvez
25 peut-être nous dire, Oui, il y en a eu; et puis deux, quel est le chiffre,
26 car tout le problème est là. Les Serbe disent, c'est dans votre document, 1
27 400 000 victimes. Vous, vous dites certainement moins, manipulation des
28 victimes. Peut-être que vous pourriez nous dire de votre point de vue, il y
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1 a eu X victimes et puis, tout devient clair. Mais vous n'avez pas répondu
2 au niveau du chiffre, donc le Procureur continue son argumentaire en vous
3 demandant si vous pouviez associer M. Tudjman à cet Etat qui avait mis en
4 place ce camp. Moi, c'est ce que j'ai compris.
5 Peut-être que Me Karnavas a compris différemment puisqu'il est debout.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, deux points, Monsieur le Président.
7 Lorsque vous dites que je saisis cette occasion, cela laisse l'impression
8 qu'il y a peut-être des mobiles inavouables de la part des conseils de la
9 Défense parce que nous faisons cette objection. Mais ce qui est plus
10 important, M. Scott fait des affirmations sur ce que croyait M. Tudjman, et
11 cetera. Il s'agit de simples affirmations. Il ne s'agit pas de faits
12 prouvés. Lorsque vous mettez tous les éléments ensemble, c'est comme si
13 nous avions accepté sa thèse de ce que pensait Tudjman et ça, c'est les
14 prémisses dont il se sert pour poser sa question. C'est un fait qui n'a pas
15 été établi, et si les Juges de la Chambre pensent que Tudjman était
16 fasciste, dans la mesure où il s'identifiait à et croyait et acceptait tout
17 ce que faisait un autre gouvernement dans des temps historiques passés,
18 nous nous trouvons dans une situation assez dangereuse.
19 Je n'ai entendu aucun témoignage du côté de l'Accusation qui aurait établi
20 un lien avec ce fait-là, que Tudjman était tel ou tel et pensait telle et
21 telle chose. Et maintenant, il qualifie son ouvrage, ses travaux et ses
22 pensées. C'est quelque chose qui n'a pas été étayé dans ce prétoire. On
23 laisse entendre maintenant, c'est une question facile qui assume qu'il
24 s'agit ici de faits prouvés. Et c'est la raison pour laquelle je m'y
25 oppose.
26 Si M. Scott souhaite retourner les choses et dire ici de façon
27 hypothétique ce que le président Tudjman a écrit ou fait, ceci n'a plus de
28 sens. Je m'y oppose en raison de la pertinence de ces questions par rapport
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1 à l'acte d'accusation. Et je pense que dans cette institution, j'ai droit à
2 une décision. J'ai droit à une décision. Je n'ai pas droit à un discours.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous voulez répondre à ce qu'a dit
6 M. Karnavas ?
7 M. SCOTT : [interprétation] Oui, très brièvement, Monsieur le Président,
8 très brièvement, je dois vous dire. Monsieur le Président, je crois que
9 ceci est manifestement inapproprié et pour plus d'une raison. Je crois que
10 ceci porte directement sur la crédibilité du témoin et ses différents
11 écrits qu'il a abordés tout au long de sa carrière. Cela se trouve dans son
12 curriculum vitae. Les Juges de la Chambre ont posé des questions là-dessus.
13 Donc ceci porte vraiment sur sa crédibilité.
14 Ce procès a été très long, nous avons entendu beaucoup d'éléments de
15 preuve, mais ce qui a été présenté comme preuve à propos de Franjo Tudjman,
16 de sa vision politique, cela remonte au Dr Donia au début de l'affaire, et
17 cetera. Ses points de vue sur les Musulmans et les Croates, les rapports
18 entre les Musulmans et les Croates, ou les Musulmans sont vraiment des
19 Croates de confession islamique, tout ceci sont des points qui ont été
20 évoqués dans cette affaire. Et vous, Monsieur le Président, vous avez cité
21 ceci à plusieurs reprises dans l'acte d'accusation auquel fait référence M.
22 Karnavas. Franjo Tudjman est cité comme étant un de dirigeants de
23 l'entreprise criminelle commune et ses points de vue sont tout à fait
24 pertinents dans cette affaire et on revient à la crédibilité du témoin.
25 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le
26 permettez, juste une phrase. Je pense que tout ce problème pourrait être
27 surmonté de façon à demander à M. Scott de présenter les bases factuelles
28 de sa question et de faire un résumé en une phrase quelles étaient les
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1 positions prises par Franjo Tudjman au sujet de Jasenovac. On peut le
2 résumer en une phrase. Mon confrère, M. Scott, a certainement lu le livre
3 en question, donc il peut nous donner la phrase pour qu'on sache quelle est
4 sa position, et je crois que nous allons pouvoir en parler de façon tout à
5 fait simple.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va rendre sa décision sur l'objection. La
7 Chambre rejette l'objection au motif que le Procureur est sur le terrain de
8 la crédibilité et que donc il pose des questions pour tester la crédibilité
9 du témoin. Voilà quel est le sens de notre décision.
10 Monsieur le Professeur, vous levez la main.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, je suis d'accord avec ce
12 que vous venez de dire. Je comprends parfaitement bien qu'il s'agit d'une
13 question de crédibilité me concernant, et si je défendais véritablement la
14 déposition en ma qualité d'expert sur un sujet, notamment sur un sujet
15 aussi important que celui de Jasenovac et les victimes de la Deuxième
16 Guerre mondiale, alors si je défendais des positions idéologiques,
17 ethniques et autres et non pas la vérité scientifique, là je reconnaîtrais
18 que je serais tout à fait incrédible [phon] pour l'affaire qui vous
19 intéresse. Sachant que nous allons aller dans cette direction et que nous
20 allons perdre pas mal de temps, ma déclaration visait à prévenir du
21 gaspillage de temps et les questions relatives à ma crédibilité. Mais je
22 suis tout à fait d'accord pour ce qui est de parler dans le détail de ma
23 vie personnelle, de mon travail scientifique de recherche à titre
24 individuel pour que vous ayez une idée de ma crédibilité. Je suis tout à
25 fait disposé à répondre aussi longtemps qu'il le faudra pour que la
26 question de crédibilité, du point de vue de la Chambre, puisse être
27 soupesée et je suis prêt à présenter tout fait afin que les Juges de la
28 Chambre puissent juger de ma crédibilité scientifique sur tous les sujets
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1 abordés par mes soins. Je suis donc à votre disposition, je suis d'accord
2 et je demande à la Défense de ne pas faire objection. Je suis tout à fait
3 disposé à défendre mes thèses, et tout particulièrement ma dignité
4 professionnelle et individuelle. S'agissant des recherches que j'ai
5 effectuées au niveau de la Deuxième Guerre mondiale et j'ai écrit des
6 ouvrages sur l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale --
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci de témoigner. Donc je redonne la parole à M.
8 Scott.
9 Monsieur Scott, vous pouvez continuer.
10 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous
11 avons perdu ce qui m'intéresse au compte rendu depuis un petit moment.
12 Q. Mais je pense vous poser une question. La question que je veux vous
13 poser, c'est la suivante. Je vous présente ma thèse. Je considère que ce
14 que vous avez dit était tout à fait en lien avec les opinions de M. Tudjman
15 sur ces sujets-là. D'ailleurs, Franjo Tudjman était un supporteur de l'Etat
16 indépendant de Croatie et des personnes qui étaient à la tête de cet Etat.
17 Il les a d'ailleurs loués à un moment et était leur supporteur à l'époque.
18 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je me sens mal, Messieurs les Juges. Je
19 me sens mal, je suis malade, et je vous demande de me permettre de quitter
20 le prétoire du fait de ce malaise que je ressens à l'instant.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Si, Monsieur Praljak, vous ne vous sentez pas bien,
22 vous pouvez aller vous reposer.
23 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vous remercie.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, allez vous reposer et vous reviendrez
25 quand ça ira.
26 L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Et que l'on ajoute aussi à l'acte
27 d'accusation que je suis accusé de fascisme aussi --
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, c'est un autre problème.
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1 Monsieur Scott.
2 M. SCOTT : [interprétation] Si je puis attirer votre attention et
3 l'attention du prétoire sur la pièce 007695 qui se trouve dans le deuxième
4 classeur.
5 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Je pense --
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Prlic.
7 L'ACCUSÉ PRLIC : [interprétation] Je crois que le témoin n'a pas répondu à
8 la question. On lui a demandé une question, ensuite Praljak s'est levé.
9 Donc je pense que le témoin devrait répondre à la question.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez -- ça m'a échappé.
11 Monsieur le Professeur, le Procureur a développé sa thèse, puis le
12 général s'est levé ayant un malaise. Il va se reposer, il va revenir,
13 j'espère, rapidement. Pouvez-vous répondre à la question que vous a posée
14 M. Scott ? Si vous l'avez oubliée, il peut vous la reposer.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, pour les besoins des Juges de la Chambre
16 et pour les besoins que je ressens aussi, j'aimerais que la question se
17 repose.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Scott.
19 M. SCOTT : [interprétation] Puis-je regarder le transcript pour retrouver
20 la question.
21 Q. Donc, Franjo Tudjman soutenait l'Etat indépendant de Croatie et des
22 personnes qui étaient à sa tête. Il a d'ailleurs chanté leurs louanges à
23 l'époque et les soutenait activement, n'est-ce pas ?
24 R. Je comprends que ce contre-interrogatoire, comme l'a dit M. le
25 Président de la Chambre, est un contre-interrogatoire et que chacun a le
26 droit de présenter ses opinions. Moi, en réponse à cette question, je vais
27 présenter un fait qui, de façon indubitable, est ceci, et tout le reste,
28 c'est des interprétations : de 1941 à 1945, Franjo Tudjman, pendant la
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1 Deuxième Guerre mondiale, lorsqu'il existait cet Etat indépendant croate,
2 faisait partie du mouvement communiste partisan, un fusil à la main. Donc
3 il s'est battu l'arme au poing contre cet Etat croate indépendant. Ça,
4 c'est un fait tout à fait inéquivoque [phon].
5 Q. Passons, s'il vous plaît, à la pièce P 07695 que vous trouverez dans le
6 deuxième classeur. Il s'agit du PV d'une réunion à laquelle a assisté le
7 président Tudjman le 27 janvier 1994. Veuillez, s'il vous plaît, prendre le
8 classeur numéro 2 et la pièce P 07695.
9 M. SCOTT : [interprétation] Je pense que l'huissier va venir vous aider.
10 Q. Donc il s'agit du procès-verbal d'une réunion qui a eu lieu dans le
11 bureau de M. Tudjman le 27 janvier 1994. Plusieurs personnes y ont assisté.
12 J'attire votre attention sur la page 7, premier paragraphe, à la fois dans
13 la version en anglais et dans la version en croate. Dans ce paragraphe, le
14 président Tudjman prend la parole et dit, je cite :
15 "Nous ne devons pas oublier que la majorité des Croates étaient en faveur
16 de l'Etat indépendant de Croatie pendant la Deuxième Guerre mondiale, pas
17 les Oustachi mais le NDH. Nous ne devons pas oublier que sans ces Croates
18 radicaux, nous n'aurions pas pu gagner la guerre avec les Serbes et notre
19 guerre avec les Musulmans aujourd'hui."
20 R. Bien, d'après ce qui était écrit ici, oui. Je ne sais pas si cela est
21 véritablement bien consigné. Ça, je ne le sais pas.
22 Q. Donc M. Sakic qui était la personne pour la Défense de laquelle vous
23 êtes allé témoigner en ce qui concerne le camp de Jasenovac, il a été
24 condamné d'un grand nombre de crimes, meurtre, famine, cruauté mentale,
25 cruauté physique, exécution de prisonniers. Il a eu une peine de 20 ans,
26 n'est-ce pas ?
27 R. Il a été condamné. Je ne me souviens plus à combien d'années.
28 Q. Un Croate a-t-il jamais été condamné de crime de guerre envers lequel
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1 vous n'auriez pas eu de sympathie ?
2 R. Je n'ai jamais été contre la conduite d'un procès, s'agissant de
3 quelque type de guerre que ce soit. En ma qualité de citoyen de la
4 République de Croatie, avec une orientation humaniste et démocratique, je
5 suis très porté à la poursuite de toute personne qui a fait ce type de
6 choses. C'est dans l'intérêt de la société croate. Je n'accepterais jamais
7 de participer à quelque acte que ce soit qui s'y opposerait. Et en guise de
8 preuve à cet effet, il y a le Procureur qui m'a contacté il y a un an ou
9 deux de cela pour aider le Procureur à déterminer certains faits concernant
10 l'affaire Gotovina. Et c'est de mon plein gré et très volontiers que j'ai
11 accepté de le faire en apportant des textes publiés par mes soins
12 susceptibles d'aider et sans pour autant que cela ait été matière à
13 connaissance ou à recherche de la part du Procureur. Donc votre
14 constatation est tout à fait inexacte.
15 Q. Je vais maintenant vous parler d'un homme appelé Tihomir Oreskovic.
16 Vous avez quitté une manifestation publique pour aller le voir après qu'il
17 ait été condamné pour 15 ans en ce qui concerne des crimes commis à Gospic.
18 Donc vous étiez dans une manifestation publique et vous l'avez quittée pour
19 aller lui parler, pour être avec lui lorsqu'il partait en prison, n'est-ce
20 pas ?
21 Et M. Branimir Glavas, lui aussi a été récemment condamné, le 8 mai 2009,
22 condamné à dix ans de prison pour des crimes de guerre commis contre les
23 Serbes, et publiquement, vous êtes allé le voir, vous l'avez défendu. Vous
24 avez dit que s'il arrivait quoi que ce soit, s'il mourait de faim en
25 faisant une grève de la faim en prison, ce serait la faute du premier
26 ministre. Enfin, vous l'avez défendu publiquement, n'est-ce pas ?
27 R. Ça, non. Il n'en est pas ainsi. Le Dr Slobodan Lang, un humaniste
28 croate, a lancé une initiative conformément aux normes internationales de
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1 protection de prisonniers et de ceux qui font la grève de la faim, étant
2 donné que le détenu Branimir Glavas était sur le point de mourir. Un
3 certain nombre de médecins qui savent très bien ce que c'est que le droit
4 humanitaire m'ont demandé à ce que je me joigne à leur opinion pour que
5 l'on respecte le droit humanitaire international, c'est-à-dire le droit de
6 ceux qui font grève de la faim, et j'y ai pris part.
7 Q. Monsieur, mais vous dites sur votre propre site Web que le procès de M.
8 Glavas était "très certainement un procès politique qui traitait de ce qui
9 s'était passé lors de la deuxième Yougoslavie," n'est-ce pas ?
10 R. C'est exact, parce que ce procès s'est tenu pour des motivations
11 politiques, et c'est ce que j'ai dit, parce que de cette façon, tout
12 jugement rendu dans l'affaire Glavas ne pourrait être considéré comme étant
13 objectif, car les scissions au sein du HDZ, parti au pouvoir, quand Glavas
14 a quitté ce parti, on a entamé le procès. Jusque-là, on s'est tu. J'ai
15 parlé des motifs qui ont été les leurs, qui étaient donc politiques et qui
16 rendent le jugement incrédible. Or, comme on le sait, toute institution
17 internationale pour ce qui est des appréciations relatives à la Croatie, et
18 j'en ai parlé en public, je suis tout à fait d'accord, l'Etat croate
19 d'aujourd'hui est un Etat des plus corrompus au monde et en Europe
20 également. Cela se rapporte notamment à la justice croate et c'est le
21 problème principal pour ce qui est d'entraver l'accession de la Croatie
22 vers l'Union européenne. Mais pour ce qui est de ces processus
23 internationaux, je suis tout à fait d'accord.
24 Mme ALABURIC : [interprétation] Juste une intervention. Les interprètes
25 n'ont pas bien entendu un mot prononcé par le témoin. Le témoin a dit "le
26 plus corrompu des Etats." Le mot "le plus corrompu" n'a pas été consigné.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
28 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Madame Alaburic.
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1 Q. Vous dites qu'il s'agissait d'un procès politique et c'est justement
2 une opinion que vous avez à propos de ce Tribunal. Vous considérez qu'il
3 s'agit d'une institution politique tout à fait incompétente qui est en
4 dessous de tous les standards de l'expérience humaine. Vous avez dit cela à
5 propos de ce Tribunal, n'est-ce pas ?
6 R. C'était une question qui se rapportait au sujet de ce Tribunal dans les
7 premiers jours au sujet d'un article que j'ai publié, qui est tout à fait
8 accessible, ça se trouve sur mes pages Web, et j'ai parlé là des aspects
9 historiques et politiques de ce Tribunal de La Haye et j'ai avancé le fait
10 que, malheureusement, le Tribunal a été créé, et c'est le seul Tribunal à
11 avoir été créé par une décision du Conseil de sécurité et non pas de
12 l'assemblée générale des Nations Unies, et que ce Tribunal a des
13 attributions tout à fait limitées pour ne pas pouvoir juger --
14 Q. Je vous interromps. Passons tout simplement à vos propres propos. La
15 pièce P 11009, que vous trouverez dans le troisième classeur. Page 6 de la
16 version en anglais. Il s'agit d'un article que vous avez écrit, j'espère
17 que vous allez retrouver ce document.
18 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Scott.
19 M. SCOTT : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre,
21 mais vous devez nous donner le temps de trouver les documents. Donc vous
22 nous dites que c'est bien le troisième
23 classeur ?
24 M. SCOTT : [interprétation] C'est cela.
25 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Ensuite, la pièce
26 P 11009 ?
27 M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolé d'aller un peu trop vite.
28 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Oui. Merci.
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1 M. SCOTT : [interprétation] Donc c'est le troisième classeur, pièce P 11009
2 et c'est la page --
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Et la référence de la version croate, s'il
4 vous plaît.
5 M. SCOTT : [interprétation]
6 Q. C'est le même numéro de pièce. C'est le paragraphe qui commence par :
7 "Tout ce qui est déclaré se reflète très clairement, entre autres…"
8 Je vais le lire.
9 "Tout ce qui est déclaré se reflète clairement, entre autres choses, dans
10 la création du Tribunal de La Haye et de ses activités passées, qui sont
11 bien en dessous du niveau des standards juridiques internationaux qui
12 avaient été atteints il y a un certain temps et en dessous des pires
13 expériences existant dans le monde des relations internationales jusqu'à
14 présent."
15 C'est ce que vous pensez de ce Tribunal, n'est-ce pas ?
16 Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Scott. Il s'agit du P
17 11009. On n'a pas traduit en version croate la référence du document. Le
18 témoin a demandé quel était le document en version croate. Je n'ai pas
19 voulu vous interrompre pendant que vous posiez votre question.
20 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai pas entendu la
21 traduction mais je vois en fait qu'il s'agit en effet de la pièce P 11009.
22 Q. P 11009.
23 R. Le document est sur le moniteur, Monsieur. J'aimerais que vous
24 m'indiquiez - il est sous mes yeux - de quelle partie êtes-vous en train de
25 parler ? J'aimerais suivre la version croate originale rédigée de ma main.
26 M. SCOTT : [interprétation] Pourrait-on avoir l'aide du système
27 électronique pour avoir la page correspondante à la page anglaise en
28 croate. Pouvez-vous, s'il vous plaît, faire défiler le texte en croate. Je
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1 pense que c'est au moins trois pages plus loin.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Et j'aimerais que l'huissier m'aide à
3 retrouver le texte intégral dans le grand classeur.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense que c'est la page 6,
5 dernier paragraphe avant le chapitre suivant.
6 M. SCOTT : [interprétation]
7 Q. Ce sont bien vos propos concernant ce Tribunal, n'est-ce pas ?
8 R. Vous venez de donner lecture d'une phrase sur tout le texte qui est
9 scientifiquement intégrée dans ces différentes parties, donc pour avoir une
10 vue objective de mon opinion relative au Tribunal de La Haye, il convient
11 de lire aussi les autres parties du texte et l'élaboration que j'ai faite -
12 -
13 Q. Très bien. Passons donc à la page 9 de la version en anglais de ce
14 document.
15 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Scott, je suis désolé, à la
16 page 7 de ce document, j'ai une question à poser au témoin à propos de la
17 page 7 du texte en anglais.
18 Chapitre 1, "Importance des activités du Tribunal de La Haye," on
19 trouve le paragraphe 1, et dont le témoin n'a pas parlé, et je cite :
20 "Après tout, il n'a pas été fondé par l'assemblée générale, mais par
21 le Conseil de sécurité, qui est un concept parfaitement obsolète, qui a
22 utilisé tous les moyens pour maintenir et répliquer la soi-disant légalité
23 non justifiée portant sur l'inégalité des entités internationales qui
24 existent depuis des siècles, en d'autres mots, la discrimination qui existe
25 entre les puissants et les pauvres."
26 Voici ma question. Connaissez-vous les compétences de l'assemblée
27 général d'un côté et du Conseil de sécurité de l'autre coté par rapport à
28 la charte des Nations Unies, et si oui, pouvez-vous nous dire pourquoi,
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1 d'après vous, le fait que ce Tribunal ait été établi par le Conseil de
2 sécurité et non pas par l'assemblée générale est important ? J'aimerais
3 bien savoir ce que vous pensez de cela.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge. Je me
5 félicite de l'occasion que vous me fournissez d'avancer un exposé, parce
6 que cette objection n'est pas seulement faite par moi. Il est tout à fait
7 clair qu'au sein du Conseil de sécurité sont représentés les membres
8 permanents et des membres provisoires, et le Conseil de sécurité pour sûr
9 n'a pas de légitimité globale mondiale comme c'est le cas de l'assemblée
10 générale. Je suis donc certain ou je veux croire, j'espère, j'ose espérer,
11 que si la décision avait été prise par l'assemblée générale des Nations
12 Unies, les attributions de ce Tribunal auraient été beaucoup plus grandes.
13 Ça aurait été au niveau des attributions du tribunal de Nuremberg, et c'est
14 ce que je dis dans cet article.
15 J'ai comparé le tribunal de Nuremberg et ses attributions, ses compétences,
16 pour ce qui est de juger certaines organisations. J'ai analysé les
17 principes de Nuremberg et je considère que la justice internationale, comme
18 je l'ai indiqué dès le premier jour, devrait avoir des compétences et des
19 attributions bien plus grandes que cela n'est le cas. Et malheureusement,
20 bon nombre d'attributions de ce Tribunal de La Haye découlent du fait que
21 ces compétences se trouvent extrêmement réduites. Et je regrette le plus
22 possible que ce Tribunal n'ait pas la possibilité de juger, je le regrette
23 en tant qu'individu, pour ce qui est de l'agression et des crimes contre la
24 paix, et qu'il ne peut pas juger certaines collectivités, notamment
25 certains Etats.
26 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Docteur Jurcevic, je vais vous
27 interrompre. Vous avez répondu, certes, mais je ne suis pas vraiment
28 satisfait. Ce que je voulais vous dire, c'est que si vous écrivez tout
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1 cela, vous devez savoir que l'assemblée générale n'est pas en droit de
2 mettre en place ce type d'organe judiciaire comme le TPIY. Donc je suis
3 assez étonné que vous preniez la liberté d'écrire sur des sujets que vous
4 connaissez mal ou peu.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais que l'on reste sur ce
6 texte que nous avons sous les yeux. Au point numéro 4, vous critiquez le
7 fait qu'il n'y a pas droit à indemnité si un accusé finalement est
8 acquitté. Ce n'est certainement pas satisfaisant, mais en tout cas, vous
9 êtes en train de dire que c'est justifié scientifiquement. Mais connaissez-
10 vous les normes concernant les droits de l'homme en matière internationale
11 ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis au courant. J'accède à ces
13 questions et problèmes non pas du point de vue juridique, mais du point de
14 vue d'un aspect historique et politique. Je présente mes opinions de façon
15 légitime et je n'ai pas du tout l'intention de les imposer à qui que ce
16 soit d'autre.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La question du droit aux indemnités
18 est une question juridique. C'est un droit. "Droit", donc ça a à voir avec
19 le droit, avec la loi. Savez-vous que ni la convention européenne des
20 droits de l'homme ni l'avenant international portant sur les droits
21 humanitaires ou tout autre instrument contraignant juridique donne droit à
22 une indemnité à toute personne qui aurait été détenue et qui aurait
23 finalement été acquittée. Le saviez-vous ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne considère pas -- plutôt, je suis
25 d'accord pour dire qu'il y a un aspect juridique à ce problème. Ce que
26 j'estime, c'est que ce qui importe le plus, c'est l'aspect éthique et
27 social qui devrait être aménagé par le droit. J'estime et je défends encore
28 cette opinion, en ma qualité d'humaniste, qu'une personne qui a été détenue
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1 pour quelque raison que ce soit a droit à voir satisfaites ces réclamations
2 ou ces revendications, et du point de vue des droits de l'homme, je pense
3 que cela est tout à fait justifié. Est-ce que la chose est réglementée par
4 le droit ou pas, je n'entre pas dans la question. Je parle de normes
5 éthiques et sociales, et je pense que cela se trouverait justifié même du
6 point de vue du droit.
7 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, tous les Juges sont intervenus sur
9 l'article que vous aviez rédigé qui est à la cote P 11009. Vous avez
10 exprimé un point de vue. Vous êtes une personnalité importante de la
11 Croatie. Vous nous avez dit que vous allez être candidat à l'élection
12 présidentielle. Donc en théorie, peut-être que vous allez être un jour un
13 chef d'Etat, d'où une certaine importance à ce que vous dites. De mon point
14 de vue, ce qui paraît fondamental, c'est que vous ayez face à vous des
15 Juges qui vous posent des questions en toute impartialité, en toute
16 indépendance, et ne vous donnent pas l'impression d'être des Juges
17 politiques. C'est ça qui m'importe. Donc si vous avez le sentiment que les
18 questions sont biaisées, il faut me le dire, mais si vous n'avez pas ce
19 sentiment, reconnaissez néanmoins que les quatre Juges qui sont devant vous
20 font leur travail de juge, comme ils le feraient s'ils étaient juges à
21 Zagreb, juges à Belgrade, ou je ne sais où.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Dans des
23 conversations, je pense que c'est tout à fait approprié, y compris dans le
24 cadre de votre règlement, donc dans l'entretien que j'ai eu avec l'Unité de
25 Protection des Victimes et des Témoins, lorsqu'on m'a demandé comment je me
26 sentais, j'ai répondu que je me sentais bien mieux que ce que j'ai ressenti
27 dans des situations similaires lorsque j'ai déposé devant des tribunaux en
28 Croatie. Et il ne me viendrait pas même à l'esprit, en tant que personne
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1 instruite et éduquée, de considérer votre approche dans ce prétoire au
2 courant de ces quelques jours, ou vos questions, de les envisager à la
3 lumière de ce que j'ai écrit dans cet article.
4 J'écris clairement, au chapitre de mes motifs, que ce sur quoi je
5 m'intéresse, c'est la mise en place d'une justice internationale sur la
6 base de normes qui doivent être au moins égales à celles dont disposent les
7 Etats, donc qu'il doit s'agir de système efficace et indépendant qui agit
8 dans l'intérêt de chaque citoyen individuel du monde entier, y compris moi-
9 même. Et je pense qu'il s'agit là de compétences qui ne dépendent pas de
10 personne, y compris les Juges de la présente Chambre, de personnes qui font
11 leur travail, mais malheureusement, cela ne peut pas aller non plus au-delà
12 des compétences que la juridiction en question s'est vue attribuer. Je suis
13 convaincu que c'est là un problème majeur qui entrave l'efficacité de ce
14 Tribunal et qui se situe au-dessous de ce qu'a accompli le tribunal de
15 Nuremberg qui a été en mesure de prononcer des jugements très rapidement.
16 Le problème est que si les procès ne sont pas suffisamment rapides,
17 ils n'envoient pas un message clair indiquant que le crime ne paie pas, à
18 la différence du tribunal de Nuremberg et du tribunal de Tokyo qui ont
19 envoyé des messages très clairs en ce sens et rapidement. Et je pense que
20 c'est là un acquis civilisationnel fondamental que chaque tribunal devrait
21 reprendre à son compte. Malheureusement, cela ne dépend pas des juges eux-
22 mêmes car ils jouissent de compétences limitées.
23 Et je pense que c'est que vous auriez compris si vous aviez pu
24 prendre connaissance de l'intégralité du texte ou des autres textes lorsque
25 je parle, par exemple, des expériences en camps de concentration et des
26 droits de l'hommes, mais je compare de façon tout à fait explicite les
27 situations en présence, et je dis que malheureusement le droit
28 international humanitaire et le droit international en général accordent
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1 une protection de plus en plus forte aux détenus des camps. Mais que
2 malheureusement, ce que vivent ces personnes ne cesse d'empirer en raison
3 du manque d'efficacité des tribunaux. Malheureusement, cela était le cas
4 aussi dans l'ex-Yougoslavie où on a créé plus de 500 camps un peu partout
5 au cours des années de guerre, camps qui ont opéré entre 1991 et 1995. Et
6 malheureusement, à ce jour, nombre de ces histoires tragiques dont je suis
7 familier n'ont pas fini dans un prétoire.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : 20 minutes de pause.
9 --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.
10 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
12 Monsieur Scott, vous avez la parole.
13 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Avant de poursuivre, je pense que ceci a dû être corrigé au compte rendu
15 d'audience. Je souhaiterais citer que quelques minutes avant la pause, une
16 des questions du Juge Trechsel, lorsqu'il a fait référence à une question
17 qui avait été soulevée par M. Praljak, en fait, on a attribué ce
18 commentaire au Juge Prandler. Je souhaitais simplement que ceci soit
19 précisé, s'il vous plaît.
20 Q. Monsieur, cela ne fait que quelques jours que nous sommes ensemble,
21 mais je vois quelque chose qui ressemble un petit peu à un schéma. Vous
22 avez parlé de Jasenovac et d'autres choses en dehors de ce Tribunal, et
23 lorsque vous êtes ici, devant les Juges de la Chambre, vous essayez
24 d'adoucir votre position pour paraître plus modéré, plus raisonnable. En
25 réalité, vous avez dit avant la pause, à titre d'exemple, vous avez dit que
26 vous ne laissez jamais entendre l'idée que cette Chambre de première
27 instance ni ces Juges ne joueraient de jeux politiques, mais c'est
28 exactement ce que vous avez dit par le passé, n'est-ce pas ?
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1 R. Non. Ce que vous venez de dire, Monsieur le Procureur, est inexact,
2 surtout pour ce qui est du premier constat que vous faites. En effet, je
3 suis connu au sein de l'opinion publique croate exactement pour être à
4 l'opposé de ce que vous avez dit. Je suis connu pour être quelqu'un qui
5 prend position pour des principes, et ce, de façon très claire. Et je suis
6 quelqu'un qui est particulièrement apte à distinguer différentes positions,
7 quelles soient scientifiques, étiques ou autres, et de les défendre de
8 façon particulièrement claire. Or, je pense que tout ce qui a été dit dans
9 le prétoire a probablement été consigné avec exactitude, et après la
10 question qui m'a été posée par M. le Président, j'ai eu l'occasion de
11 fournir une explication plus détaillée.
12 Pour ce qui est du texte que nous avons sous les yeux, je vous prie
13 de vous y reporter dans le détail pour voir quelle est ma motivation. Cette
14 dernière, à vrai dire, parle de la question de savoir comment on peut
15 renforcer la justice internationale, car j'estime que cette dernière est
16 nécessaire.
17 Q. Monsieur, je souhaite simplement être très transparent, pour reprendre
18 quelque chose que vous avez dit, vous étiez capable d'établir une
19 différence entre vos points de vue scientifiques et vos points de vue
20 politiques et vos points de vue sur le monde. Je souhaite vous dire que ces
21 pages de vos rapports ressemblent beaucoup au point de vue d'un historien,
22 sur l'histoire de la Yougoslavie, les notes en bas de page, les cinq
23 premières pages environ de votre rapport, à mon sens, et c'est la question
24 que je vous soumets, sont des pages qui sont relativement bien écrites. Le
25 problème qui se pose, c'est que je parle de l'équilibre de votre rapport et
26 vous passez d'un historien à un militant politique. Vous êtes là pour
27 épouser une vision politique pour défendre les Croates et ces hommes,
28 n'est-ce pas ?
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1 R. C'est inexact. Je respecte le droit qui est le vôtre d'avoir votre
2 propre opinion quant à mes travaux scientifiques et historiques, cependant,
3 cette opinion qui est la vôtre, étant donné que vous êtes juriste, n'est
4 pas l'opinion d'un professionnel, d'un expert. Et je pense que l'analyse
5 scientifique de mes travaux, y compris cette expertise, est bien sûr
6 ouverte à la critique et à toute expertise à laquelle on souhaiterait
7 procéder, et à condition que l'on procède en suivant une telle méthode, je
8 suis d'accord pour que l'on émette des critiques. Mais il s'agit d'un
9 travail cohérent, exhaustif, et personne n'a exercé la moindre influence
10 sur moi. Dans ce travail, il n'a pas été émis la moindre exigence à mon
11 égard pour que je formule mes conclusions dans tel ou tel sens.
12 Q. Si le temps nous le permet, nous allons parler de votre rapport et de
13 ce que vous avez fait. Mais je vais revenir à ce que vous avez dit à votre
14 article à la page 9 de l'anglais, à la page 8 de la version croate. Ceci
15 nous est utile. Il s'agit du paragraphe numéro 8, page 9 de l'anglais,
16 paragraphe 8; et la page 8 en croate. Vous dites ceci :
17 "Le Tribunal de La Haye, qui est un Tribunal ad hoc, a déformé son objectif
18 initial au moment de sa création, parce que depuis 13 ans et depuis sa
19 création, elle n'a pas nommé les principaux auteurs et les a encore moins
20 condamnés, et le Tribunal ne le fera pas avant la fin de son mandat. Par
21 voie de conséquence, le Tribunal n'a pas répondu à son devoir légal…"
22 Et vous poursuivez à la phrase suivante et vous dites que le Tribunal a
23 encouragé la perpétration de ces crimes de guerre, n'est-ce pas ?
24 R. Ce que vous venez de lire, la première phrase, vous l'avez fait
25 correctement, mais je vous prie de bien vouloir également lire la seconde
26 phrase, car elle est tout aussi brève, et vous ne l'avez interprétée de
27 façon inexacte.
28 Q. Veuillez vous reporter à la page 10 de l'anglais, s'il vous plaît, de
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1 ce même article, en croate c'est la page 9, "on parle ici de la République
2 de Croatie," je ne vais pas tout lire précisément, parce que nous n'avons
3 pas le temps. Mais vous avez le texte sous les yeux et tout un chacun a le
4 texte sous les yeux. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute que si je qualifie
5 à tort quelque chose, je serai rapidement corrigé.
6 Ce que vous dites dans ce paragraphe-ci, pour l'essentiel, c'est qu'un des
7 problèmes qui se pose au niveau des travaux de La Haye.
8 "La répétition incessante de ce concept qui a déjà réalisé les effets
9 psychologiques et sociaux qui indique que l'on ne peut pas y croire et que
10 cela mène à l'apathie…"
11 Vous poursuivez en disant :
12 "Si la vérité à La Haye était inscrite dans les ouvrages scolaires
13 croates, ceci aurait un effet très délétère sur la Croatie, y compris la
14 désintégration de la société croate."
15 Vous dites en somme que la République croate et bon nombre de
16 citoyens qui sont des hommes bons, si certaines personnes sont condamnées
17 pour crimes de guerre, vous pensez que ceci va provoquer la chute de la
18 république, de la République croate ? C'est ce que vous dites, Monsieur ?
19 C'est bien là votre position, que la République croate ne peut pas gérer ce
20 problème-là ?
21 R. Monsieur le Procureur, je suis tout à fait satisfait de vous voir
22 arriver à ce paragraphe, mais pour être tout à fait objectif, il faudrait
23 au moins donner lecture du paragraphe précédent. Bien entendu, vous avez
24 fait usage de votre droit de recourir à des fragments pour porter atteinte
25 à ma crédibilité, mais pour bien comprendre ce paragraphe, il faut se
26 reporter au précédent où je parle des activités de cette institution où
27 vous intervenez, le Tribunal de La Haye et notamment le bureau du
28 Procureur. Je parle de certains aspects qui sont inacceptables du point de
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1 vue civilisationnel et social. J'affirme que cela ne préoccupe absolument
2 personne parmi les responsables du Tribunal de La Haye, puisque Mme le
3 Procureur général donne des conférences ici et là en affirmant que
4 l'objectif était de réécrire une nouvelle vérité historique en ce qui
5 concernait les Balkans. C'étaient les termes qu'elle a utilisés. Le
6 problème est que ces vérités historiques sont en opposition flagrante avec
7 les faits objectifs. Le Tribunal de La Haye se présentait comme un tribunal
8 dans la vie politique et publique et énonçait ses propres positions comme -
9 -
10 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Un instant, Monsieur le Professeur, je
11 voudrais juste signaler, avec mes excuses, que dans toute cette réponse qui
12 était en train d'être donnée aux pages 43 et 44, la dernière réponse du
13 professeur à partir de la ligne 21 de la page 44, jusqu'à la ligne 12 de la
14 page 45, pendant toute la durée de cette réponse, M. le Témoin parle non
15 pas du Tribunal mais du bureau du Procureur du Tribunal. Donc il ne parle
16 pas du Tribunal en tant qu'institution, mais du bureau du Procureur. Je
17 pense que cela devrait être corrigé au compte rendu. Le témoin peut dire si
18 j'ai raison ou non.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas l'interprétation ou le compte
20 rendu et je ne suis pas compétent pour en juger, mais nous avons les
21 enregistrements et le compte rendu. Je parle, et vous avez raison de le
22 dire, du bureau du Procureur, du bureau du Procureur en tant
23 qu'institution, qui s'est exprimé publiquement avec des positions
24 politiques et autres, et cela en se présentant comme s'il représentait
25 l'ensemble du Tribunal, alors que le bureau du Procureur n'est que l'une
26 des parties dans les procès. J'estime qu'il n'est pas bon non plus de voir
27 certaines organisations internationales, comme elles l'ont fait, s'adresser
28 au bureau du Procureur pour lui demander son avis autour de certaines
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1 questions politiques. J'estime que cela entame leur crédibilité et ne
2 contribue pas à l'acceptation de la justice internationale au sens le plus
3 large. Et c'est de ce point de vue-là que j'ai analysé les conséquences…
4 M. SCOTT : [interprétation]
5 Q. Monsieur, pour ce qui est de la façon dont vous qualifiez le Tribunal
6 et vous citez différents extraits de votre article de 13 pages -- je suis
7 convaincu que les Juges de la Chambre liront l'ensemble de l'article et
8 pourront en juger et tirer des conclusions. Mais je souhaite parler du
9 paragraphe précédent -- en fait, vous cautionnez ce que dit M. Praljak,
10 vous dites que c'est lui qui reprend le flambeau et qui se bat contre le
11 Tribunal de La Haye sur ces questions-là, n'est-ce pas ?
12 R. J'ai écrit de façon très claire, et non pas uniquement dans le présent
13 texte, que le système étatique, et notamment le système des archives, tel
14 qu'il existe en Croatie, se trouvait être dans un état catastrophique. Et
15 j'ai dit que l'un des problèmes qui se pose au bon fonctionnement de la
16 justice, y compris du Tribunal de La Haye, est le problème du manque de
17 documents qui fait l'objet de reproches continues de la part du bureau du
18 Procureur - j'ai déjà dit que j'ai donné une déclaration détaillée au
19 bureau du Procureur concernant la mise en place des archives - et j'ai été
20 membre de 2004 à 2009 du conseil du gouvernement --
21 Q. Je vais vous interrompre. Ceci n'est pas la question que je vous ai
22 posée. Je crois que --
23 M. SCOTT : [interprétation] Si je puis terminer ma phrase --
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, je viens de lire dans le
25 transcript, mais vous l'avez dit que de 2004 à 2009, vous avez été membre
26 du conseil du gouvernement, j'ai cru comprendre, pour les archives. C'est
27 ça que vous confirmez ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant cette période, en fait, c'est la durée
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1 de vie qui a été celle de cette institution, cette institution s'appelait
2 le conseil du gouvernement de la République de Croatie visant à assurer la
3 préparation des Amicus curiae devant paraître devant les tribunaux
4 internationaux et les cours, et cela concernant au premier chef le présent
5 Tribunal. J'y suis intervenu à titre professionnel en tant qu'historien et
6 je peux peut-être encore dire que lors des sessions qui ont porté les
7 fondations de cette institution, on a posé la question de savoir s'il ne
8 fallait pas défendre la Croatie. C'est ce que l'on a avancé. Et je suis
9 intervenu à cette occasion en rejetant de me livrer à cela si c'était ce
10 que l'on attendait de moi. J'ai dit que j'accepterais d'intervenir dans ce
11 conseil à condition que les critères sur lesquels je serais amené à
12 travailler seraient exclusivement ceux de la vérité scientifique objective.
13 Et c'est dans ce contexte-là que j'ai félicité le général Praljak, car il
14 représente à lui seul la seule et unique institution existante en Croatie
15 qui collecte de façon systématique des matériaux et des documents.
16 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Jurcevic, Monsieur le
17 Professeur, je vais vous demander de tenir compte de ces règles.
18 Je vais également demander à M. Scott de parler un petit peu plus
19 lentement de façon à marquer une pause entre les questions et réponses. Je
20 vous remercie.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Je remercie mon collègue d'être intervenu, parce
22 qu'effectivement, dans vos propos, il y a de temps en temps des trous.
23 Essayez de ralentir.
24 Ce que vous dites m'apparaît intéressant, mais vu sous l'angle
25 suivant : il y a quelques mois ou quelques semaines, la Défense du général
26 Praljak a mis en évidence qu'il y avait quelques documents qui, de son
27 point de vue, étaient des faux. J'ai posé des questions pour savoir quel
28 était le mobile de ceux qui auraient falsifié ces documents pour introduire
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1 des documents faux à l'examen des Juges. Alors, vous qui avez quelques
2 connaissances au niveau des archives, vous aviez participé pendant quelques
3 temps à cette forme de conseil. Est-ce qu'à votre connaissance il y a eu
4 certains qui, pour tromper le Tribunal, auraient eu la tentation de mettre
5 des faux documents dans les éléments de preuve ? Vous en avez entendu
6 parler de cela ou jamais ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas de preuve concrète à l'appui de ce
8 que vous indiquez, Monsieur le Président. Mais j'ai procédé par déduction
9 et en recourant à certaines autres méthodes qui m'ont permis d'acquérir la
10 conviction qu'il y a eu pas mal de tentatives en ce sens sur le territoire
11 de la République de Croatie, pour ce qui était des informations qui
12 m'étaient accessibles, et il est très probable que cela ait été le cas
13 également ailleurs en ex-Yougoslavie. A l'appui de ce que vous avancez,
14 nous trouvons également le fait que l'ancien Procureur du Tribunal, Mme Del
15 Ponte, dans les derniers jours avant la fin de son mandat, a demandé la
16 réouverture du procès Blaskic. Et pour autant que je le sache, il y avait
17 eu certains groupes politiques en Croatie qui avaient fait usage du pouvoir
18 dont ils disposaient pour falsifier, dans des objectifs politiques, des
19 documents, et ceci afin d'induire en erreur le bureau du Procureur du
20 Tribunal de La Haye. J'en ai parlé à plusieurs reprises dans les médias,
21 tout à fait publiquement, en Croatie.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces groupes, c'est qui au juste ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, d'un point de vue
24 politologique [phon], en Croatie, il faut dire que ce sont des groupes
25 d'intérêts qui sont au pouvoir, groupes d'intérêts qui sont organisés sous
26 la forme de différents partis politiques et qui défendent exclusivement
27 leurs intérêts de partis. Leurs intérêts, que ce soit dans les
28 institutions, dans les autorités et partout ailleurs où ils exercent leur
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1 pouvoir, sont leur priorité unique. Et tout le reste, qu'il s'agisse de
2 l'Europe et de l'Etat croate, de la nation croate, du monde entier, de la
3 société croate, tout cela ne constitue que des moyens aux fins de la
4 réalisation de ces intérêts. Et comme j'ai souvent l'occasion de le dire en
5 public, il s'agit d'un système totalement corrompu et irresponsable pour ce
6 qui est d'exercer le pouvoir. Une des conséquences en est ce que nous avons
7 dit, à savoir du point de vue de la vérité historique, de la préparation de
8 l'avenir et des affaires qui se déroulent actuellement, tout cela est posé
9 sur des bases complètement erronées.
10 M. KOVACIC : [interprétation] Si vous me permettez de corriger le compte
11 rendu d'audience. Page 49, ligne 10, le témoin a dit - et je suis tout à
12 fait sûr d'avoir entendu, puisque j'ai suivi ce qu'a dit le témoin en
13 croate - le parti dirigeant et les groupes d'intérêts, donc les intérêts de
14 ce groupe constituent un parti. Il a dit que ces intérêts ont la priorité.
15 Il n'a pas parlé de parti en réalité. Donc les intérêts du groupe
16 constituent leur priorité. Peut-être que le témoin pourrait confirmer cela.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, vous souscrivez au correctif
18 ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je confirme. J'ai dit que pour ces
20 différents groupes d'intérêts, c'était leurs propres intérêts en tant que
21 groupe ou en tant que parti politique, étaient la première des priorités,
22 et que c'était cela, cette politicocratie [phon] ou oligarchie de parti au
23 sujet de laquelle j'ai beaucoup eu l'occasion de m'exprimer.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.
25 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, mais pourriez-vous
26 citer des noms ? Pourriez-vous nous donner des noms de groupes ? Ceci est
27 très vague. Je ne dis pas cela n'est pas vrai, mais pourriez-vous nous
28 donner le nom d'un ou certains groupes qui d'après vous ont mélangé des
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1 faux documents avec les autres documents qui ont été présentés à cette
2 Chambre ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit ne pas disposer de preuves
4 concrètes, mais en procédant par déduction et en me fondant sur de nombreux
5 événements qui se sont déroulés dans la vie publique croate, y compris
6 cette demande de réouverture de procès; pour cette dernière, par exemple,
7 je pense que cela a été fondé en partie sur le fait qu'au sommet des
8 services de police et de renseignement de l'époque en Croatie, y compris
9 des pans entiers de la Défense, il y a eu précisément ce type de phénomènes
10 qui se sont produits. Et ce n'est pas un cas isolé. Mon point de départ
11 scientifique ou hypothèse de départ, qu'il est évidemment particulièrement
12 difficile de prouver dans son intégralité aujourd'hui, j'ai procédé par
13 analogie. Il y a beaucoup de déductions et d'analogies auxquelles on peut
14 procéder qui vont dans ce sens.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
16 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.
18 M. SCOTT : [interprétation]
19 Q. Vous pensez qu'un des principaux problèmes en rapport avec le
20 Tribunal, ce n'est pas le Tribunal, mais le fait que certains gouvernements
21 croates ont coopéré avec le Tribunal et d'après vous c'est là où les choses
22 ont commencé à dérayer, que le gouvernement croate n'aurait jamais dû
23 coopérer avec ce Tribunal en tout premier lieu, n'est-ce pas ? C'est bien
24 votre point de vue ? Page 12 de l'anglais, et la page 11 et 12 en croate
25 pour les personnes présentes dans le prétoire.
26 Vous dites que ceci se trouve dans ce passage. L'origine du problème,
27 c'est la coopération du gouvernement croate avec le Tribunal, n'est-ce pas
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1 R. C'est inexact. Ma motivation principale et l'intérêt principal qui ont
2 été les miens de façon tout à fait cohérente et systématique, à chaque fois
3 que j'ai eu l'occasion de m'exprimer, c'était la chose suivante :
4 j'affirmais qu'il fallait refonder en profondeur le système juridique
5 croate en particulier et les institutions de l'Etat croate en général afin
6 que ces derniers soient en mesure de faire face à la réalité des crimes qui
7 s'étaient produits sur le territoire de la Croatie. Et c'est une véritable
8 honte pour moi, mais au-delà de ma personne, pour toute la société croate,
9 que de voir nos institutions envoyer un message qui revient à dire que nous
10 sommes un gouvernement incompétent. Car comment pouvons-nous avoir un Etat
11 souverain reconnu internationalement et qui pourtant est incapable de
12 poursuivre comme il se doit les perpétrateurs de crimes sur son propre
13 territoire ? C'est l'argument fondamental que j'avance, mais il est ici
14 présenté hors contexte. Mais je sais ce que je fais. Je sais quels sont les
15 arguments en présence, mais je n'ai jamais remis en question cette
16 question. Au fil des années, j'ai simplement avancé la position qui la
17 mienne comme je viens de l'expliquer.
18 Q. Comme vous le dites, Monsieur, les Juges disposent de l'article dans
19 son intégralité.
20 Dario Kordic, que symbolise Dario Kordic par rapport à sa participation en
21 Bosnie-Herzégovine en 1992 et 1993 ?
22 R. A ma connaissance, il importe de dire que j'ai rencontré Dario Kordic
23 pour la toute première fois il y a quelques mois, lorsque je lui ai rendu
24 visite à Graz, dans la prison où il purge sa peine. Avant cela --
25 Q. Pardonnez-moi, je vais vous donner une chance. Nous devons gérer notre
26 temps tout de même. Je vais vous demander de vous reporter à la pièce P
27 11050 dans votre troisième classeur. Pendant que les Juges de la Chambre
28 regardent ce document, vous dites avoir rendu visite à M. Kordic, et vous
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1 avez rendu visite à M. Kordic le 3 août 2009, il y a quelques semaines,
2 n'est-ce pas, aux environs de cette date, n'est-ce pas ? C'est exact,
3 n'est-ce pas, Monsieur ?
4 R. Oui, à peu près à ce moment-là.
5 Q. Et vous avez dit - ceci se trouve à la fin du troisième paragraphe, à
6 partir du bas. Donc si vous vous tournez soit vers l'anglais soit vers le
7 croate, sautez deux paragraphes, et à la fin de ces paragraphes, la
8 question que je viens de poser. Vous dites, et je cite :
9 "'En raison de l'importance symbolique de Dario Kordic, surtout en tant que
10 représentant du peuple croate en Bosnie-Herzégovine, j'étais heureux de
11 pouvoir lui rendre visite', a dit Jurcevic."
12 Donc lorsque vous parlez de son importance au plan symbolique, c'était la
13 question que je vous ai posée il y a quelques instants, quelle est
14 l'importance au plan symbolique de cet homme au niveau de ce Tribunal, au
15 niveau de ce procès et de la Chambre d'appel qui l'a condamné à une peine
16 de 25 ans d'emprisonnement pour crimes de guerre? Quelle est cette
17 importance symbolique ?
18 R. La réponse se trouve dans le paragraphe précédent. Elle est liée à la
19 réponse à la question précédente qui figure dans ce texte. Il est écrit
20 explicitement que les structures dirigeantes de la Croatie sont les auteurs
21 principaux d'une falsification politique, juridique et tout à fait
22 publique, et cela indique que ces mêmes institutions et personnes qui ont
23 joué un rôle-clef en Croatie sont en réalité les plus grands criminels de
24 guerre. Et j'affirme que Dario Kordic, en fait, a été sacrifié en l'espèce.
25 Je ne peux pas l'avancer comme un fait, mais il y a un grand nombre de
26 personnes qui le connaissent et, à la lumière du jeu qui s'est déroulé en
27 Croatie, il a été le bouc émissaire.
28 Q. Pardonnez-moi, Monsieur, au cours des dernières minutes, vous venez de
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1 nous dire que vous ne pouvez rien prouver. Le Président de la Chambre vous
2 a posé des questions à propos de ce que vous alléguez, et vous avez répondu
3 en disant, Je ne peux pas vraiment prouver ceci, cela, bla bla. Je ne peux
4 pas vraiment répéter qu'il y avait quelque chose d'erroné eu égard à la
5 condamnation de Dario Kordic. Mais en réalité vous ne pouvez rien prouver,
6 d'après les déclarations publiques, en tout cas.
7 R. Je ne sais pas ce qu'on vous a traduit. Ce n'est pas ainsi que je me
8 suis exprimé. J'ai clairement dit que je ne pouvais pas le prouver jusqu'au
9 bout. Quand je dis "jusqu'au bout," je comprends, je suis suffisamment
10 instruit pour comprendre de quoi il s'agit. Comme je l'ai dit ici, je ne
11 peux pas avancer ici de preuve concrète pour écarter toute suspicion pour
12 ce qui est d'affirmer qu'il n'en est pas ainsi.
13 Q. Monsieur, dans votre déclaration, le paragraphe que nous venons de
14 lire, au-dessus on peut lire ceci :
15 "Kordic a été condamné dans un procès politique qui se fondait sur
16 des éléments de preuve falsifiés et des déclarations falsifiées qui ont été
17 pour l'essentiel préparés par les structures dirigeantes de la Croatie."
18 Je vais placer ceci dans le contexte et vous rappeler le procès Kordic
19 devant ces trois Juges. Il a fait appel devant les Juges. Ses conditions
20 ont été retenues. Sa peine d'emprisonnement de 25 ans a été confirmée. Est-
21 ce vous dites qu'ensemble, tous ces Juges qui siègent à la Chambre d'appel
22 ont été induits en erreur lorsqu'ils ont prononcé cette condamnation dans
23 le cadre d'un procès politique ?
24 R. Monsieur le Procureur, je sais que vous êtes un juriste très expert en
25 la matière. Je ne suis pas aussi qualifié que vous, mais je sais aussi le
26 fait que les Juges de la Chambre prennent des décisions partant des
27 éléments de preuve qui ne sont pas avancés ou procurés par les Juges de la
28 Chambre mais par les conseils de l'Accusation ou de la Défense. Compte tenu
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1 de ce que vous venez de dire, ça ne tient pas debout. Je comprends
2 parfaitement bien comment les Juges de la Chambre prennent leurs décisions.
3 J'ai clairement indiqué ce que vous avez lu ici, à savoir qu'il s'agit de
4 déclarations fausses qui ont été mises sur pied par les structures
5 dirigeantes de la Croatie. Vous n'avez pas lu la phrase qui explique la
6 chose et qui suit : Il en découle le fait que Carla Del Ponte, de ce fait,
7 a présenté une demande de révision du procès du général Blaskic, mais les
8 Juges de la Chambre, compte tenu d'un manque de temps ou de moins de
9 ressources, n'ont pas accepté cette requête.
10 Q. De toute façon, cette requête est de notoriété publique. Elle est
11 publique, donc tout le monde peut la lire.
12 Enfin, de toute façon, revenons à votre opinion. Vous dites que des
13 personnes comme Dario Kordic et les trois généraux qui sont accusés dans
14 l'affaire Gotovina ainsi que les personnes qui sont accusées en l'espèce,
15 ici, vous considérez que les autorités croates devront une certaine
16 gratitude à toutes ces personnes; c'est bien cela ?
17 R. Non. Je n'ai jamais dit cela. J'ai dit dans certaines situations à
18 l'occasion de sessions du conseil, et j'ai élaboré de façon très
19 approfondie, je parle du conseil de la République de Croatie, je l'ai dit
20 en public, j'ai dit que malheureusement, dans les jeux politiques en
21 Croatie, l'intérêt n'est pas celui de déterminer qui est-ce qui est
22 responsable des crimes qui ont été commis, mais conformément aux intérêts
23 politiques, l'on se satisfait de sacrifier des personnes. Lorsqu'il s'agit
24 du cas des trois - et là, je suis au courant de la chose - je sais que l'on
25 juge partant de la chaîne hiérarchique --
26 Q. Je vais y revenir dans une minute, mais suite à ce que vous avez dit,
27 passons au paragraphe qui est juste au-dessus de celui que nous regardions
28 précédemment, où il est écrit "Fausses déclarations." Vous dites, et je
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1 cite :
2 "La structure des dirigeants croates sont ceux qui ont créé les faux, les
3 faux publics, légaux et politiques qui ont fait d'institutions et de
4 personnes méritoires en Croatie des soi-disant criminels de guerre. Ceci
5 n'est jamais arrivé ailleurs, mis à part au sein de l'entité nationale
6 croate. En principe, ils sont tous victimes du manque de gratitude des
7 autorités croates et les victimes sont tous les Croates qui se retrouvent
8 accusés…"
9 C'est bien ce que vous avez écrit ?
10 R. La traduction que j'entends dans mes écouteurs diffère et pourrait être
11 interprétée différemment de ce qui est dans le texte original. Je parle
12 d'une absence de honte et de l'ingratitude des prétendues autorités
13 croates, parce que j'estime que ces autorités ne pourraient porter cet
14 épithète ou qu'elles méritaient cet épithète, parce que les Croates qui ont
15 été jugés en provenance de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et de
16 l'émigration, qu'ils sont victimes de cette insensibilité parce qu'ils ont
17 été choisis pour être jugés, y compris dans les procès en Croatie, où l'on
18 juge des commandants qui sont en deuxième ou troisième position et on
19 exonère ceux qui ont été en tête de file dans la situation concernée. On a
20 jugé du fait de la position occupée dans la hiérarchie, y compris les trois
21 qui sont jugés par le Tribunal à La Haye. Donc on ne juge pas ceux qui se
22 trouvaient au sommet de la pyramide du commandement, mais on juge les
23 commandants de secteurs.
24 Et j'ai aussi dit que les individus qui se trouvaient au-dessus dans
25 la hiérarchie ont été interrogés mais ont été relâchés pour des raisons
26 idéologiques et je dirais politiques aussi.
27 Q. Bien. Passons maintenant à la pièce P 1149, la pièce qui se trouve
28 avant celle que nous venons de regarder. Vous avez mentionné le procès
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1 Gotovina plusieurs fois, donc nous allons voir ce texte.
2 Et voici une déclaration que vous avez faite le 2 septembre 2009, il y a
3 moins de deux semaines. Et là encore, vous avez affirmé que :
4 "Le Tribunal de La Haye est principalement et tout d'abord un
5 tribunal politique où des intérêts géopolitiques sont réalisés et qui sont
6 contraires à la vérité historique."
7 Voici ce que vous avez déclaré le 2 septembre 2009, n'est-ce pas ?
8 R. Cette brève interview a fixé le nombre de mots et de lettres que je
9 pouvais prononcer pour répondre à des questions. Et j'ai donc répondu
10 conformément à la chose, et ceci est conforme aux exposés de motifs et
11 explications que nous avons entendus à ce sujet. Je maintiens ceci avec
12 l'explication que j'ai apportée en répondant à une question du Juge, et
13 j'ai argumenté par rapport à l'article qu'on a vu tout à l'heure concernant
14 le Tribunal de La Haye. J'ai donné des arguments pour dire qu'il y a des
15 intérêts géopolitiques et historiques qui concourent pour se retrouver à un
16 seul et même endroit. Donc j'ai donné un certain nombre de textes assez
17 fournis pour ce qui est de l'historiographie et de la pensée politique pour
18 argumenter. Mais pour une vérité pleine et entière, comme le serment que
19 j'ai prêté ici l'exige, il faut s'en tenir à la totalité de ce que j'ai
20 écrit et dit.
21 Q. Bien. Mais donc en principe, vous maintenez vos propos. Passons donc au
22 paragraphe suivant, en dessous de celui qui nous intéressait.
23 "De ce fait, en suivant avec attention les audiences et tous les petits
24 jeux en cours au Tribunal de La Haye, malheureusement, un verdict de
25 culpabilité et une peine très lourde risquent d'être le sort d'Ante
26 Gotovina et les deux autres généraux, ainsi que les six autres Croates de
27 BiH."
28 C'est-à-dire les six accusés en l'espèce, n'est-ce pas ? En ce qui vous
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1 concerne, c'est un tribunal politique et ce Tribunal a déjà décidé
2 arbitrairement de condamner les six personnes qui sont dans le box ?
3 R. Non.
4 Q. Enfin, c'est quand même ce qui est écrit ?
5 R. Moi, j'ai parlé non pas de cette Chambre, et si je pensais cela, je le
6 dirais, ici. Je me suis exprimé dans des situations bien plus difficiles en
7 Croatie, même quand la vie était en question. J'ai articulé de façon claire
8 ma pensée. Donc à la question du Juge qui préside aux travaux de cette
9 Chambre, j'ai répondu comme je le pensais.
10 Q. Je suis désolé, il n'y a qu'une seule affaire en cours où il y a six
11 accusés. Et c'est ici, c'est cette affaire, dont vous dites, "en suivant
12 ces audiences," on parlait de ces audiences-ci, et vous dites qu'avec
13 "grande certitude" les six Croates de la BiH seront très certainement
14 condamnés. C'est ce qui est écrit, quand même ?
15 R. Ça, c'est une évaluation en raison des jeux qui surviennent et j'ai dit
16 où et autour du Tribunal de La Haye, y compris tout ce que j'ai déjà
17 indiqué jusqu'à présent.
18 Q. Très bien.
19 R. C'est une évaluation que je fais. C'est une évaluation en ma qualité de
20 citoyen et j'ai répondu à la question du journaliste comme c'est dit ici.
21 Si vous voulez une interprétation, moi, je peux vous l'apporter sans
22 réserve aucune. Si vous me posez la question, je pense que j'ai le droit de
23 vous l'apporter.
24 Q. Bien. Donc je vais reprendre vos propos et parler de l'affaire
25 Gotovina.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai une question à propos de ce
27 document que nous avons à l'écran. Au début de l'audience, Monsieur
28 Jurcevic, vous avez affirmé que vous aviez à peine suivi le témoignage du
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1 général Praljak, donc vous avez dit que vous avez très peu écouté les
2 audiences.
3 Et là, vous écrivez :
4 "…en suivant de très près les audiences…"
5 Donc je remarque qu'il y a une différence dans vos propos. Où est la vérité
6 ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est un texte très court. J'ai suivi le
8 procès --
9 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] S'il vous plaît, ce n'est pas une
10 question de longueur. Vous dites ici, dans ce texte, que vous avez suivi
11 "avec attention" les audiences. Or, ce matin, en répondant à la question,
12 vous avez dit quelque chose de complètement différent. Vous ne pouvez pas
13 dire que c'est la même chose. Dites-nous quand est-ce que vous avez dit la
14 vérité, dans ce document ou lors de vos propos de ce matin ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris, Monsieur le Juge, et je vais
16 répondre de façon concrète. Il n'y a pas d'équivoque pour ce qui est du
17 fait de dire que dans l'affaire Praljak, j'ai suivi l'affaire, comme je
18 vous l'ai dit ce matin, une fois que j'ai rédigé mon rapport d'expert. J'ai
19 suivi très attentivement l'affaire Gotovina parce que c'est beaucoup plus
20 important pour la société croate et il y a beaucoup plus d'éléments qui
21 sont en présence ici. Je parle donc de la totalité des procès en cours à La
22 Haye et en Croatie, parce qu'en Croatie, il y a bon nombre de procès qui
23 sont liés au Tribunal de La Haye. Donc les deux déclarations sont exactes.
24 Vous m'avez posé ce matin une question concrète et je vous ai répondu de
25 façon sincère, et si j'avais suivi ce procès de près, ça aurait été
26 légitime parce que c'est public. Mais du fait de mes obligations, j'ai
27 préféré suivre l'affaire Gotovina parce qu'il y a bien plus d'éléments en
28 jeu. Et d'après cette interview et les textes que vous avez sous les yeux,
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1 ça se voit, s'agissant des questions qui se rapportent à Gotovina, vous
2 voyez, de l'opinion de ce journaliste, que c'est beaucoup plus important,
3 sur les six en question ici, la presse est bien plus silencieuse en
4 Croatie.
5 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'aimerais éclaircir un point, bien
6 entendu, toute personne est en droit d'assister et de regarder tout procès,
7 c'est évident. Donc je ne veux pas qu'il y ait de malentendu à ce propos.
8 Monsieur Scott, c'est à vous.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, si je puis ajouter juste une
10 phrase, s'il vous plaît. La question de ce matin était très précise - et je
11 vous demande de vérifier le compte rendu et il y a un enregistrement aussi
12 - la question était strictement délimitée : dans quelle mesure j'ai suivi
13 le procès du général Praljak et ce qu'il a pu dire ici. Il est vrai de dire
14 ce que j'ai dit étant donné que j'ai rédigé une expertise et que j'ai
15 utilisé des documents écrits liés au général Praljak et je comprends ce qui
16 se passe dans ce procès. Rien ne saurait me surprendre et je ne pense pas
17 que le général Praljak ne puisse présenter ou dire quoi que ce soit
18 d'essentiel ou d'important sans que je n'aie connaissance de la chose.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est une perte de temps.
20 Finalement, vous n'avez rien ajouté.
21 Monsieur Scott, c'est à vous.
22 M. SCOTT : [interprétation]
23 Q. Vous avez passé un peu de temps à parler sur l'affaire Gotovina, donc
24 j'aimerais que nous regardions la fin de la page. Vous dites qu'il y a
25 trois raisons expliquant ce qui se passe soi-disant dans cette affaire.
26 Tout d'abord, les structures du pouvoir en Croatie qui viennent de
27 l'ancienne Yougoslavie communiste. Ensuite, les cercles internationaux et
28 troisièmement, les éléments-clés venant de la soi-disant équipe de Défense
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1 d'Ante Gotovina
2 A nouveau, là, vous annoncez des choses mais vous dites que vous ne pouvez
3 pas les étayer, mais cela dit, ça ne vous empêche pas de les affirmer;
4 c'est bien cela ?
5 R. Je souligne que je fais la différence entre les déclarations publiques
6 brèves, mais par méthode de déduction partant de tout ce qui se produit
7 dans la Défense Gotovina, il peut être tiré la conclusion - je dis bien, il
8 peut être tiré la conclusion - partant de certains faits et gestes qu'il
9 m'a été donné de suivre, en ma qualité d'un intervenant public, il peut
10 être donné la possibilité de conclure que ce qui se rapporte aux éléments-
11 clés de ce qu'il est convenu d'appeler la Défense d'Ante Gotovina, y
12 compris la participation de l'Etat à ceci, parce que l'équipe de Défense
13 d'Ante Gotovina est constituée de bon nombre d'intervenants liés à l'Etat,
14 aux renseignements qui lui sont des éléments favorables. Et compte tenu de
15 l'importance symbolique d'Ante Gotovina en Croatie, il y a véritablement de
16 grands jeux qui sont en cours de développement et c'est une opinion que
17 j'ai donnée de façon publique.
18 Q. Mais avant d'en finir avec cet article, j'aimerais que l'on parle de ce
19 qu'on a dit ce matin. Au point numéro 4 de cet article, on vous pose une
20 question. C'est une question qu'on vous a posée il y a deux semaines :
21 "Quelle est votre opinion sur Jasenovac et Bleiburg ?"
22 Vous répondez :
23 "Jasenovac et Bleiburg sont les symboles de la victimisation suite à la
24 guerre, portant sur la Deuxième Guerre mondiale…"
25 Je ne vais pas vous contester ça mais vous poursuivez en disant :
26 "Néanmoins, ceux qui gouvernent la Croatie à l'heure actuelle empêchent la
27 société croate d'obtenir des informations objectives à propos de ces
28 expériences tragiques."
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1 En fait, vous parlez en code, mais vous êtes en train de dire qu'il
2 faudrait tout simplement réduire le nombre des victimes alléguées dans le
3 cadre de ces deux camps. C'est bien cela ?
4 R. C'est un exemple -- bien entendu, je respecte le droit de M. le
5 Procureur qui est celui d'arracher les choses de leur contexte, mais c'est
6 ici approprié pour ce qui est de montrer la méthode solistique [phon] qui
7 mène à des conclusions erronées. Très souvent dans l'opinion publique
8 croate on m'a posé la question de savoir combien il y a eu de victimes à
9 Jasenovac, que je le dise, moi. Moi, je ne l'ai jamais dit, je savais où se
10 trouvait le piège et j'ai toujours dit ce qu'il y avait d'objectif, à
11 savoir que malheureusement, on ne nous permet pas la détermination du
12 nombre des victimes de Jasenovac. Mais indépendamment du fait de savoir
13 quel était ce chiffre, c'est un crime de commis, donc un crime où l'on a vu
14 les pires des types de délits imaginables, d'après les normes qui sont
15 celles de notre civilisation et qui sont celles aussi du droit
16 international. Je n'ai jamais dit et je n'ai jamais opté en faveur d'un
17 chiffre donné, partant de mes recherches et j'ai eu mon diplôme de
18 troisième cycle - je le signale une fois de plus, ça a été soutenu devant
19 un jury compétent - je n'ai jamais pu me prononcer concernant le chiffre
20 parce que, comme on le dit ici, on interdit l'accès à des informations
21 objectives et l'on interdit l'accès à l'opinion publique à ce qui s'est
22 passé véritablement. Donc c'est contraire à ce que vous voulez laisser
23 entendre ici, Monsieur le Procureur.
24 M. SCOTT : [interprétation] Je ne sais pas si les Juges de la Chambre ont
25 une question à propos de ce document et cette série de questions. Sinon, je
26 passe à autre chose. Bien. Je vais passer à autre chose.
27 Q. J'aimerais parler de la façon dont vous avez préparé votre rapport. M.
28 Praljak et vous, avez-vous jamais collaboré sur quelque ouvrage que ce soit
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1 ? Avez-vous écrit un livre ensemble, préparé des documents ensemble, mis à
2 part le livre portant sur le vieux pont, puisque vous nous avez déjà dit
3 que vous y avez écrit la préface de ce livre portant sur la description du
4 vieux pont à Mostar ? Y a-t-il d'autres ouvrages à propos desquels vous
5 auriez collaboré avec M. Praljak ?
6 R. Je pense l'avoir dit. M. Praljak, je l'ai rencontré physiquement pour
7 la première fois de la vie, à ce moment-là, en 1992, au ministère de la
8 Défense de la République de Croatie. Par la suite, nous n'avons pas eu de
9 relation ni proche ni autre, et peut-être --
10 Q. Il n'est pas impossible de répondre par oui ou par non. Avez-vous
11 jamais collaboré avec M. Praljak pour écrire des livres ensemble ou des
12 articles, mis à part celui sur la destruction du pont de Mostar ? Vous
13 pouvez répondre par "oui" ou par "non."
14 R. Donc je viens de vous dire que j'ai passé très peu de temps avec lui et
15 que je n'ai pas vu cet homme pendant dix, 12 ou 14 ans par la suite, et je
16 ne pense pas avoir -- Donc ma réponse est négative. Exception faite de ce
17 vieux pont, je n'ai rien fait en commun avec M. Praljak. Pour des raisons
18 de précision, j'ai envisagé, pour ce qui est de cette réponse, qu'il
19 fallait parler de la période depuis laquelle je m'intéresse aux archives de
20 M. Praljak. Donc je suis allé aider du point de vue de rendre cette base de
21 documents la plus accessible possible et la plus publique possible. Mais
22 mis à part ce fait, je n'ai rien rédigé au côté de M. Praljak.
23 Q. Est-ce que cela veut dire que vous l'avez aidé à mettre sur pied la
24 base de données ? Quelle base de données ?
25 R. Je ne l'ai pas aidé en personne. Il y a une équipe du général Praljak,
26 qui sont des informaticiens et autres intervenants dans différents domaines
27 que j'ai aidés, compte tenu que je suis l'un des experts en matière
28 d'archives, base de données et entre autres pour ce qui est de ce fameux
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1 conseil du gouvernement de la République de Croatie. J'ai fait une esquisse
2 de la base de données telle qu'elle devait se présenter. Et je pense que
3 c'est important de le dire votre question. Même certains collègues qui, à
4 titre officiel au sein du conseil, ont demandé à voir de quoi avait l'air
5 cette base de données du général Praljak et j'ai proposé qu'une base de
6 données informatique soit faite de meilleure façon encore au niveau de
7 l'Etat pour que ce soit rendu accessible à tout un chacun : les tribunaux,
8 l'opinion publique, les médias, les intervenants scientifiques, afin que
9 l'on puisse faire des recherches de façon objective. Il y a à cet effet un
10 procès-verbal où j'ai été en présence du Dr Krabac [phon] et d'autres
11 personnes.
12 Q. Mais savez-vous qu'une grande partie des éléments dont M. Praljak vous
13 a parlé lui ont été fournis par le bureau du Procureur ?
14 Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Juge, je me dois de réagir parce
15 que des allégations faites de la sorte par l'Accusation ne sont pas
16 argumentées. Nous avons collecté, ou plutôt le général Praljak a collecté
17 bien plus de documents que nous n'en avons reçus de la part du Procureur,
18 et s'agissant de ce que nous avons reçu par ses soins, on l'avait déjà.
19 Donc nous avons demandé des choses au sujet de Konjic, au sujet de
20 Jablanica et des secteurs où nous n'avions pas eu de documents.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors si vous me le permettez, je peux
22 répondre moi aussi à cette question. Mon intérêt primordial n'était pas
23 celui d'apprendre comment le général Praljak s'était procuré des
24 renseignements. Ce qui m'intéressait c'est de faire en sorte que ces
25 renseignements soient archivés de façon professionnelle, qu'ils soient
26 regroupés de façon qualitative pour que l'on puisse procéder à des
27 recherches informatiques par notion ou par d'autres éléments de référence
28 s'agissant de chercheurs. Je ne peux pas en parler autrement. Ça ne
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1 m'intéressait pas outre mesure, donc ce n'était pas ma priorité que de
2 déterminer comment tel ou tel document ou renseignement était parvenu à la
3 base du général Praljak. Ça, je ne le sais pas.
4 M. SCOTT : [interprétation]
5 Q. Je ne sais pas très bien comment ceci pourrait vous être traduit en
6 croate, mais en tout cas en anglais, on a déjà entendu parler du concept de
7 nègre. Quand quelqu'un écrit un livre, quelqu'un le publie, mais tout le
8 monde sait que le livre a été écrit par un nègre, pas quelqu'un d'autre.
9 Donc dans les cercles littéraires, on appelle cela des nègres. N'avez-vous
10 jamais servi de nègre à M.
11 Praljak ?
12 R. Pas seulement pour M. Praljak. Je connais la coutume dont vous êtes en
13 train de parler. C'est assez massif comme phénomène en Croatie, et il y a
14 des gens qui acquièrent des titres académiques de cette façon. J'ai
15 toujours refusé catégoriquement de signer quoi que ce soit non rédigé par
16 moi. Compte tenu du fait que je considère que mes écrits sont des ouvrages
17 d'auteur, et je m'identifie à ce que j'écris, je n'accepterais jamais
18 l'éventualité d'écrire pour quelqu'un d'autre, d'être le nègre de quelqu'un
19 d'autre, pour que celui-ci vienne rien que signer à la fin.
20 Alors, pour ce qui est de ce livre relatif au vieux pont, il s'agit d'un
21 recueil de document. Ça, c'est un fait.
22 Q. Nous avons un rapport, rapport que les Juges ont sous les yeux, et là
23 vous nous dites sous serment que vous avez écrit chaque mot de ce rapport
24 vous-même; c'est bien cela ?
25 R. Comme je vous l'ai déjà dit en début de la journée d'aujourd'hui, j'ai
26 supposé dans quelle direction ça allait avancer. Dans l'un des points de la
27 déclaration que j'ai rédigée, il est dit comme suit --
28 Q. Répondez à ma question.
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1 R. [aucune interprétation]
2 Q. Par oui ou par non. Je n'essaie pas de vous interrompre, mais c'est une
3 question qui demande un oui ou un non. Si vous répondez "oui," je vous
4 poserai des questions; et si vous répondez "non," je vous poserai d'autres
5 types de questions. C'est tout.
6 R. Bien.
7 Q. Donc je reprends. Dans ce rapport, c'est vous qui avez fait les
8 recherches, c'est vous qui avez tout écrit, c'est votre produit. C'est le
9 produit de votre travail et uniquement de votre travail ?
10 R. Donnez-moi cinq secondes. L'expertise, je l'ai rédigée et j'en suis
11 l'auteur de façon tout à fait autonome, d'après les normes objectives et
12 scientifiques et avec la meilleure intention humaine dans le cadre du
13 meilleur de mes possibilités. Pour ce qui est de la rédaction d'expertise
14 et des préparatifs pour ce témoignage d'expert, je n'ai eu aucune activité
15 contraire au droit ou déshonorable, et on ne m'a pas proposé chose
16 pareille. Donc je pense avoir signé ceci, et comme j'ai rédigé ce texte, je
17 voudrais que les Juges le garde. Si les Juges de la Chambre l'acceptent, je
18 peux vous donner une copie de ce que j'ai signé pour --
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Ne mélangeons pas les problèmes. Le Procureur vous
20 demande si le rapport, vous en êtes l'auteur, à savoir est-ce que c'est
21 vous qui avez bien rédigé les notes de bas de page, et cetera. Vous
22 répondez oui. Et sur ce, vous embrayez en nous donnant ce fameux document
23 que nous n'avons pas pris. Peut-être que dans ce document vous dites la
24 même chose, mais le fait que vous avez dit à M. Scott : "C'est moi qui fais
25 ce rapport." Voilà. Donc si j'ai bien compris votre rapport, vous n'avez
26 pas délégué cela à un étudiant, à quelqu'un que vous auriez payé, à je ne
27 sais qui. C'est vous qui l'avez rédigé.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est précisément cela, et jamais dans ma vie
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1 je n'ai fait ça. Tout ce que j'écris, je l'écris seul.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Ma question va faire un petit pont avec ce qu'on a
3 vu déjà tout à l'heure. On a découvert que vous avez vu M. Kordic au mois
4 d'août. Quand vous êtes allé voir M. Kordic, vous saviez que vous deviez
5 venir témoigner ici ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela était tout à fait clair lorsque j'ai
7 accepté de rédiger ce rapport d'expert. Il est habituel dans ce cas-là
8 d'être cité à comparaître. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent
9 éventuellement empêcher que cela ne se produise.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Lorsque vous avez été rendre visite à M. Kordic en
11 Autriche, vous avez avisé la Défense de M. Praljak en disant, Je vous
12 informe, je vais voir M. Kordic ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la première fois que je rencontrais M.
14 Kordic lorsque je lui ai rendu visite en prison. Mon épouse était présente
15 et une amie de M. Kordic aussi. Nous n'avons pas du tout fait mention des
16 affaires en cours au Tribunal de La Haye. Nous avons parlé de sujets tout à
17 fait ordinaires, mais qui ne vous intéresseront --
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Peut-être que ma question été mal traduite, alors je
19 la repose. Quand, au mois d'août, vous rendez visite à M. Kordic dans sa
20 prison, est-ce qu'avant d'y aller ou après y avoir été vous avez dit à Me
21 Kovacic, Voilà, je vous informe que je vais voir M. Kordic ou je vous
22 informe que je l'ai vu ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne l'ai pas fait.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Et pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'estimais que cela n'était pas essentiel et
26 que c'était mon affaire à moi que de savoir si j'allais rendre visite ou
27 non à M. Kordic. J'estimais que ça n'avait rien à voir avec l'affaire en
28 l'espèce. Je n'y ai pas du tout pensé ni réfléchi, très sincèrement.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Saviez-vous que Me Kovacic avait été un avocat de
2 Cerkez ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que Me Kovacic est intervenu depuis
4 une dizaine d'années devant ce Tribunal, mais au cours de nos rencontres,
5 nous n'avons pas abordé ces différents détails. Et ce point en particulier
6 que vous avancez, je l'ignorais.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.
8 Monsieur Scott.
9 M. SCOTT : [interprétation]
10 Q. Monsieur, dans votre rapport, en l'examinant attentivement, il y a deux
11 personnes en particulier que vous nommez à l'appui de ce que vous dites, et
12 je dois vous dire que certains passages se reposent quasiment entièrement,
13 sinon entièrement sur M. Praljak. Voici vos sources, Miroslav Tudjman, le
14 fils du feu président Tudjman; c'est exact, n'est-ce pas ?
15 R. Non, ce n'est pas exact. Je me réfère à des documents qui sont
16 accessibles au sein de la base de données du général Praljak. Je me réfère
17 également à des documents qui ont été publiés en différents endroits, y
18 compris un recueil de documents concernant la Bosnie-Herzégovine qui a été
19 publié par Miroslav Tudjman. Donc c'est un ouvrage qui regroupe des
20 documents.
21 Et dans l'expertise que j'ai rédigée figurent en notes de bas de page les
22 références de ces documents, tout comme d'autres sources de ces documents,
23 mais j'ai également porté les références permettant de retrouver ces
24 documents dans l'ouvrage de Miroslav Tudjman.
25 Q. Monsieur, nous allons laisser de côté les 60 premières pages de votre
26 rapport, qui vont au-delà du champ de ce procès. Donc la première partie du
27 rapport, nous allons la mettre de côté, mais je souhaite aborder les 100
28 dernières pages de votre rapport. Vous citez soit M. Praljak ou un livre de
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1 Praljak ou le site internet de Praljak environ 110 fois; est-ce exact ?
2 R. Je ne sais pas si c'est exact, car je ne me suis pas penché sur ce
3 type de décompte, et je n'ai repris à mon compte aucune position ou opinion
4 de M. Praljak. J'ai utilisé des documents pour lesquels j'estime qu'il ne
5 s'agit pas de faux. Si, en revanche, vous pensez qu'il s'agirait là peut-
6 être de faux, je vous prie de bien vouloir argumenter.
7 Q. Effectivement, il est exact de dire que de grandes parties de votre
8 rapport reposent sur M. Praljak. Un exemple, à titre d'illustration,
9 lorsque vous parlez du chapitre qui évoque les rapports entre la République
10 de Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Ceci se trouve aux pages 132 à 177 de
11 votre rapport. Ceci se fonde quasiment entièrement sur M. Praljak, n'est-ce
12 pas ?
13 R. C'est entièrement inexact. Rien dans le présent rapport ne se fonde sur
14 la personne de M. Praljak, mais cela repose sur des documents dont la
15 provenance est précisément indiquée. La plupart des documents dans cette
16 partie fait l'objet de références tout à fait exactes et on en indique la
17 provenance dans le texte. Je ne pense pas avoir utilisé des documents du
18 général Praljak, mais des documents de différentes institutions, des
19 documents provenant de sources serbes, croates, bosniaques et d'autres
20 parties internationales, des documents pertinents pour mon expertise.
21 Q. Dans nombre de vos citations, en réalité, vous ne donnez aucune autre
22 source ou citation hormis le site internet de M. Praljak. Vous ne donnez ni
23 numéro de page ni numéro de document. Vous dites, Confer un site internet ?
24 R. Je suis un scientifique qui sait très bien comment on utilise les
25 ressources scientifiques en matière de documents. Donc j'indique dans le
26 texte de mon rapport très clairement à chaque fois si c'est le président de
27 la Bosnie-Herzégovine, la HV, le HVO ou qui que ce soit d'autre qui a émis
28 un document. On voit très bien dans le corps du texte qui et l'auteur du
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1 document, et j'indique également des références aux pages, parce qu'il est
2 simple de vérifier dans ce cas-là si ce document existe ou non sous cette
3 forme.
4 Q. Bien, ceci, Monsieur, n'est tout simplement pas exact. Si vous regardez
5 les notes en bas de pages 309, 310, 392, 474, 475, 480 --
6 M. LE JUGE PRANDLER : [aucune interprétation]
7 M. SCOTT : [interprétation] Pardonnez-moi.
8 Q. 480, 490, 491, 601, 606, 617, la seule information dont disposent les
9 Juges pour évaluer votre rapport, c'est une citation de
10 www.SlobodanPraljak.com --
11 M. KOVACIC : [interprétation] C'est exactement ce qu'a dit le témoin dans
12 ses réponses précédentes. Il a dit que les références faisaient référence
13 aux numéros des pages, et il parlait de ces pages-là, des pages sur
14 internet. C'est exactement ce qu'il a dit.
15 M. SCOTT : [interprétation] Non.
16 M. KOVACIC : [interprétation] Ne faites pas de grimace.
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]
18 M. KOVACIC : [interprétation] Je l'ai entendu en croate.
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est malin, mais c'est un peu
20 étrange, parce que scientifiquement parlant, vous dites, "Je vais vous
21 citer le numéro de page," ensuite, par numéro de page, on entend un numéro
22 d'un document de plusieurs pages que vous mettez en avant. Ensuite, on
23 retrouve la citation ou la source ici. Lorsqu'on parle du site internet,
24 ceci s'appelle, dans certains cas, dans certaines langues "page", mais on
25 ne sait pas ce qu'on y trouve. Il y a beaucoup de choses sur une page
26 internet. Ceci n'a pas la précision à laquelle s'attend un Juge lorsqu'on
27 lui donne une référence et un numéro de page. Ceci n'est pas à la mesure
28 des attentes par rapport à ce type d'affirmation. Peut-être que les choses
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1 sont différentes en croate. Je ne suis pas en mesure de faire un
2 commentaire là-dessus.
3 M. KOVACIC : [interprétation] Pardonnez-moi. Je suis tout à fait d'accord
4 avec votre affirmation, mais lorsque le témoin parlait précédemment, et il
5 a dit : Oui, je faisais référence aux pages du site de Praljak. Si nous
6 résumons tout ceci -- avant cela, il a dit qu'il y avait une base de
7 données parfaite, la page de Praljak. Donc quelquefois, au lieu d'aborder
8 le détail, c'est l'impression que j'en ai retirée de toute façon, je crois
9 que nous devrions poser la question directement au témoin pour qu'il
10 précise. C'est l'impression que j'ai eue, compte tenu de ce que j'ai
11 entendu en croate.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.
13 Monsieur Scott.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la
15 question me concernait, alors est-ce qu'il serait possible de lever ces
16 doutes pour que --
17 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Non, non. Pardonnez-moi, ceci est
18 une erreur. Je ne vous ai pas posé la question à vous, je viens d'avoir un
19 échange de point de vue. Au cours de cet échange, Me Kovacic a eu
20 l'amabilité de m'expliquer ce qui pourrait être l'objet d'un malentendu sur
21 le plan linguistique.
22 M. SCOTT : [aucune interprétation]
23 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, mais ce sont les
25 Juges de la Chambre qui disent qui va prendre la parole.
26 Et maintenant que le conseil de la Défense se lève, ils bénéficient
27 d'un privilège certain.
28 Maître Tomanovic.
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1 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Il me semble que
2 nous sommes arrivés à un malentendu. Le témoin souhaiterait pouvoir
3 répondre à la question de M. Scott à laquelle il n'a pas eu l'occasion de
4 répondre. Il n'avait pas l'intention de vous répondre à vous.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était précisément ce que je souhaitais
6 avancer, Monsieur le Juge. Je ne souhaitais pas répondre à quelque question
7 que ce soit sans votre permission, mais simplement souligner que dans ce
8 débat, on a laissé passer le fait que M. Scott avait posé une question, et
9 avec votre permission je souhaiterais pouvoir y répondre, mais uniquement
10 avec votre permission.
11 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Allez-y.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Juste pour rappel, M. Scott a fait état de
13 notes qui, d'un point de vue méthodologique, seraient censées compromettre
14 mon expertise, mais - que M. Scott me corrige si c'est inexact - il a fait
15 mention de la note numéro 409, et j'ai ouvert cette page, et il est dit :
16 Adresse publique d'Alija Izetbegovic à la télévision de Sarajevo, le 10
17 juin 1991. Et ensuite, je renvoie au fait que cet enregistrement peut être
18 consulté --
19 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, il a dû y avoir un
20 malentendu. 309, c'était le premier numéro de cette note en bas de page.
21 Cela se trouve sur le 309, page 96.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. J'ai entendu "309." Il y a eu
23 beaucoup de chiffres. Je vais me reporter à la note 309. Voilà, j'y suis
24 alors. Comme vous le dites, il y a dans cette note un www, et ainsi de
25 suite, mais quand vous vous reportez au corps du texte, vous voyez qu'il
26 s'agit d'un rapport portant au transfert de moyens financiers, et j'ai
27 écrit ici très précisément de quel document il s'agit. Il s'agit d'un
28 document de 2000 qui émane de la République de Croatie, et j'affirme que
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1 c'est un document particulièrement important pour le Tribunal, car on y
2 voit le mode de financement du HVO par la République de Croatie. Et il n'y
3 a absolument aucun doute quant au fait que c'est de façon très scientifique
4 et de façon très précise qu'il est ici possible d'identifier de quel
5 document il s'agit et de quoi l'on parle.
6 Donc, je vous en prie, Messieurs les Juges, on peut voir à partir de cet
7 exemple que M. le Procureur a utilisé le droit qui est le sien, comme il
8 l'entend, mais moi, je souhaite ici pouvoir éclaircir les choses. Donc je
9 vous prie de vous reporter au début de cette citation, et je vous prie de
10 bien vouloir constater que c'est de façon tout à fait scientifique que
11 j'explique de quoi il s'agit. Je fournis tous les éléments nécessaires pour
12 que chacun puisse s'y reporter. C'est un document, par ailleurs, très
13 important qui a trait du mode de financement du HVO par la République de
14 Croatie, la façon dont cela s'est produit. Et toute personne qui est
15 intéressée par cela a la possibilité de localiser ce document et d'obtenir
16 des éléments de connaissance supplémentaires. Je n'ai extrait que
17 l'essentiel. Ils parlent ici dans ce document de façon très objective de ce
18 qui s'est produit et de la façon dont cela s'est produit. Je pense que j'en
19 donne une interprétation correcte, à savoir de quoi on parle, quelles sont
20 les indications qu'on y trouve. Donc je laisse cela à votre appréciation,
21 Messieurs les Juges.
22 M. SCOTT : [interprétation] Pardonnez-moi, j'avais le sentiment que les
23 Juges étudiaient quelque chose par rapport à la question et que vous auriez
24 peut-être des questions supplémentaires.
25 Q. Je vais maintenant vous demander de vous reporter à M. Miroslav Tudjman
26 que j'ai évoqué il y a quelques instants. De même, je vais vous dire qu'en
27 analysant votre rapport, vous concentrez sur ces parties qui portent sur
28 l'événement, qui ont trait à ce qui s'est passé après 1990, et dans cette
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1 partie-là de votre rapport, vous citez le nom de Miroslav Tudjman 164 fois,
2 votre deuxième source la plus souvent citée; est-ce exact ?
3 R. Ce n'est que partiellement exact. Je ne connais pas le chiffre exact.
4 J'estime que ce n'est pas pertinent. Mais si vous examinez les choses de
5 plus près, vous verrez que le plus souvent en première position de la
6 référence se trouve la source originale, et ensuite seulement on indique la
7 source secondaire où l'on peut retrouver ce document plus facilement. La
8 presse croate et les éditeurs croates ont publié très largement les
9 différents documents utilisés par Miroslav Tudjman, et il est beaucoup plus
10 difficile d'y accéder pour les Juges de la Chambre ou toute autre personne
11 qu'en se référant à l'ouvrage de Miroslav Tudjman. Mais dans la plupart des
12 cas, je fournis les deux références aux deux sources. La première référence
13 est l'originale, et c'est là la pratique courante en matière scientifique,
14 à savoir que l'on précise si un document original a été publié dans un
15 recueil de documents, si jamais cela est plus facile d'accès, qu'il
16 s'agisse de l'accès par les Juges de la Chambre, le bureau du Procureur ou
17 qui que ce soit d'autre. C'est une pratique bien établie et pas uniquement
18 en Croatie.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Prlic.
20 L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Une correction à apporter, page 27 [comme
21 interprété], ligne 10. Parce que le témoin a dit qu'à propos du livre de
22 Miroslav Tudjman, "le livre de documents," c'est important parce que ce
23 livre, cet ouvrage, concerne des milliers de documents. Il a parlé en fait
24 de "livre de documents" et ici, au compte rendu, nous n'avons que le mot
25 "livre".
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, si Messieurs les Juges
27 souhaitent avoir une vue exacte de ce que c'est que cet ouvrage de Miroslav
28 Tudjman, en plus des documents que regroupe cet ouvrage, qui est un recueil
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1 de documents, Miroslav Tudjman a rédigé une introduction d'un certain
2 nombre de pages, une préface, en fait, j'ignore combien de pages se
3 trouvent dans cette préface ou cette introduction. Mais à aucun moment dans
4 mon expertise je ne me suis appuyé sur ces interprétations qui sont celles
5 d'un amateur concernant les événements en République de Croatie et en
6 Bosnie-Herzégovine. Je ne me suis appuyé que sur les documents qu'il a
7 collectés. Par conséquent, citer Miroslav Tudjman comme étant une de mes
8 sources ne repose absolument sur rien. Il n'y a aucune partie de cette
9 préface de Miroslav Tudjman dont je ne pourrais dire qu'il s'agit de texte
10 politiquement motivé et qui relève de l'amateurisme. C'est une position
11 systématique que j'ai par rapport à ce qu'écrit Miroslav Tudjman dans cette
12 préface. Je n'ai utilisé aucune partie de cette préface et je voudrais que
13 les Juges de la Chambre puissent en tenir compte.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.
15 M. SCOTT : [interprétation]
16 Q. Effectivement, en rapport avec certaines sources dans l'ouvrage de
17 Miroslav Tudjman, un de ses ouvrages, 98 de ses sources faisaient référence
18 à des articles de journaux sélectionnés et réédités par M. Tudjman, n'est-
19 ce pas ?
20 R. J'ignore leur nombre exact, mais bien entendu les journaux sont
21 également des sources. Miroslav Tudjman n'a pas écrit ces articles de
22 journaux, ni ne les a falsifiés; il les a pris comme source légitime qu'il
23 fallait également préparer. Quant à leur nombre exact, je ne peux vous dire
24 car je n'ai pas procédé à ce décompte.
25 Q. Mais c'était la sélection qu'il avait faite ? Autrement dit, Miroslav
26 Tudjman opérait un filtrage de ce que contenaient les médias croates et
27 c'est lui qui a choisi ces articles de journaux ainsi que dans ces
28 documents, n'est-ce pas ?
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1 Mme ALABURIC : [interprétation] Juste une objection, Messieurs les Juges,
2 car il pourrait y avoir un malentendu par rapport à la compréhension que
3 nous en avons en langue croate. Lorsque nous parlons d'articles de journal,
4 nous sous-entendons qu'il s'agit d'un texte d'auteur, d'un journaliste ou
5 d'un collaborateur, alors qu'ici, dans le débat que nous avons, il s'agit
6 de documents qui avaient également fait l'objet d'une publication dans les
7 médias, juste pour éviter tout malentendu.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, cette remarque de Mme
9 l'Avocate est tout à fait exacte. Dans cette ouvrage de Miroslav Tudjman,
10 on trouve, en très grande majorité, des documents qui, à l'époque, dans les
11 années '90, avaient été publiés dans les médias, et il les a simplement
12 repris en tant que tels, ou alors il les a repris dans d'autres ouvrages ou
13 dans des archives. Si bien qu'il ne s'agit absolument pas d'articles dans
14 lesquels on procède à des commentaires. Il ne s'agit pas de textes
15 d'auteurs, mais il s'agit d'articles authentiques que j'ai repris. Donc ce
16 sont les seuls documents que j'ai utilisés. C'était la priorité pour moi.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.
18 M. SCOTT : [interprétation]
19 Q. Nous allons mettre de côté les articles de journaux. Si j'ai bien
20 compris les propos du conseil de la Défense, ces articles rédigés par des
21 journalistes, alors les autres éléments contenus dans ces documents, si
22 vous voulez -- lorsqu'un journaliste dit qu'il obtient un exemplaire d'un
23 document, d'une source, et la source entière est imprimée dans le journal,
24 c'est cela dont vous voulez parler ?
25 R. Cela dépend de chaque cas individuel. Si vous avez un exemple concret,
26 je vous prie de le préciser. Chaque document est spécifique. Par
27 conséquent, nous ne pouvons pas ici généraliser. Il y a des documents qui
28 sont repris, recopiés à partir de l'original, donc en partant de
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1 l'institution dont le document émane. Il y a d'autres documents qui sont
2 repris à partir des journaux ou autrement. C'est un ouvrage
3 particulièrement volumineux. Par conséquent, je pense qu'il serait
4 regrettable de généraliser que ce ne serait pas pertinent. Mais si vous
5 avez un exemple concret --
6 Q. Non, maintenant nous parlons de méthodologie générale à ce stade. Je ne
7 souhaite pas parler de ce sous-élément. Quelle que soit la situation, que
8 ce soit des articles rédigés par les journalistes ou différents ouvrages
9 qui ont été réédités, c'est Miroslav Tudjman qui procédait à la sélection
10 de ces documents, donc c'était un filtrage qui était effectué par Miroslav
11 Tudjman, n'est-ce pas ? A l'appui de ce que vous avez écrit, vous avez dit
12 que c'était motivé politiquement, que c'était amateur au niveau des
13 conclusions.
14 M. KOVACIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai une objection pour
15 ce qui est de la question qui vient d'être formulée. Cet ouvrage de
16 Miroslav Tudjman est disponible dans le prétoire électronique sous la
17 référence 3D 00320, et pour ne pas maintenant donner lecture de plusieurs
18 numéros de pièces sous lesquels différents accords figurant dans cet
19 ouvrage ont été versés, je souhaiterais juste dire que mon estimé confrère
20 pose des questions très générales au témoin. Mais j'estime qu'il faudrait
21 présenter ces exemples précis et concrets au témoin. Et je sais de quoi il
22 s'agit ici, car ces exemples particuliers ne représentent rien d'autre
23 qu'un fac-similé d'un accord, par exemple d'un document qui a été publié en
24 tant que fac-similé en tant que photographie de ce document dans la presse
25 croate à l'époque où de tels documents n'étaient pas accessibles à qui que
26 ce soit, à tout un chacun.
27 Si bien que Miroslav Tudjman utilise, dans cet ouvrage, différents
28 documents émanant d'archives ou alors des fac-similés qu'il reprend à
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1 partir des journaux. Donc il ne s'agit pas d'articles de journaux, alors
2 qu'ici on insinue qu'il s'agirait d'un article de journal au lieu de
3 présenter au témoin le document concret dont il s'agit pour que l'on voie
4 de quoi il s'agit.
5 Par exemple, au cours de l'interrogatoire principal, juste à titre
6 d'information, nous avons utilisé la pièce 3D 00320, que je viens
7 d'évoquer. Vous l'avez vue, et il est dans le prétoire électronique.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Très brièvement, Messieurs les Juges. Je
9 crois que l'objection que je fais porte moins sur la pertinence. Je crois
10 que ce que fait M. Scott, il remet en cause l'appréciation de Miroslav
11 Tudjman de ces documents en qualifiant les propos du témoin. C'est une
12 technique bien connue, en indiquant que ce qui a été présenté aux Juges de
13 la Chambre à un moment donné sont, en fait, les pensées de Tudjman par
14 opposition aux documents que contient l'ouvrage, que les documents en tant
15 que tels. Donc s'il souhaite récuser Tudjman ou ce que Tudjman qualifie
16 dans son ouvrage, à supposer que ces qualifications étaient présentées par
17 les parties, je dois dire que c'est une technique parfaitement légitime que
18 la sienne, parce que ce monsieur a donné son avis sur le caractère de cet
19 ouvrage en indiquant que c'était d'un amateur.
20 En revanche, si les documents de cet ouvrage ont été présentés par
21 les parties, et comme ce monsieur l'a indiqué, étant donné qu'il n'a
22 regardé ces documents, qu'il n'a vu ces documents que comme des sources qui
23 sont des sources originales, à supposer que ces documents aient été publiés
24 dans des journaux, et cetera, je ne pense pas à ce moment-là qu'il s'agisse
25 de questions appropriées. Je pense que vous comprenez la différence. Vous
26 avez d'un côté un ouvrage et des commentaires. Les commentaires sont ceux
27 de Tudjman. Le commentaire n'a pas été présenté par les parties dans cette
28 affaire, donc ne fait pas l'objet du contre-interrogatoire, si vous me
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1 posez la question, parce que ce n'est pas la question qui est posée ici. La
2 question qui s'est posée, c'est si ce témoin avait adopté ces documents et
3 s'en était servi.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je crois que la question que
5 pose l'Accusation, qu'il pose au témoin, c'est que le témoin s'est reposé
6 beaucoup sur la collection de documents, l'ensemble de documents édités par
7 Miroslav Tudjman, et l'idée qui sous-tend cela, c'est qu'il peut s'agir
8 d'une collection assez unilatérale et avec un parti pris. Par conséquent,
9 je crois qu'il est légitime de poser cette question au témoin.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis d'accord avec vous dans une certaine
11 mesure. Mais s'il s'agit de l'univers tout entier, le document qu'il a
12 regardé en fait, vous avez tout à fait raison, il ne s'agit pas de
13 documents de l'univers.
14 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ce serait au témoin de répondre ?
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Je pense que --
16 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ce serait, je crois, le --
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Non, non. Je --
18 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est une bonne proposition.
19 M. KARNAVAS : [interprétation] Je suis offusqué par ce commentaire, Juge
20 Trechsel.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [aucune interprétation]
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous suggérez que cet homme aurait pu se
23 reposer sur cet ouvrage, et moi je --
24 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Ce n'est pas ma proposition.
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Si vous vous reportez à nouveau au compte
26 rendu d'audience, vous constaterez que ce que fait M. Scott est une
27 technique tout à fait habile. Il essaye de faire adopter les commentaires
28 de Tudjman en indiquant que cet homme s'est reposé sur ces commentaires. Il
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1 y a deux questions ici qui se posent : premièrement, qu'il s'est reposé sur
2 ces documents, oui, mais il a précisé ce sur quoi il s'est reposé par
3 ailleurs, et on peut lui poser cette question-là.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je dois admettre, Maître Karnavas,
5 le fait que ceci était de l'œuvre d'un amateur, n'était peut-être pas
6 quelque chose de tout à fait nécessaire. Par ailleurs, nous avons, je
7 crois, clarifié les choses, et nous pouvons poursuivre. Monsieur Scott.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, on a passé beaucoup de temps dans cette
9 question. Alors je vais synthétiser tel que j'ai compris le débat entre le
10 Procureur, vous, Me Karnavas, mon collègue.
11 Miroslav Tudjman, qui est le fils de feu Tudjman, sauf erreur de ma part,
12 rédige un livre. Ce livre contient une série de documents qu'il s'est
13 procurés, on ne sait pas comment, mais il y a des documents, et dans ce
14 livre, il donne son point de vue à partir de certains documents. Le
15 Procureur vous pose la question sur le livre, et vous, vous dites oui,
16 c'est un point de vue d'un amateur.
17 Là-dessus, je suis un peu étonné, voire interloqué, voire stupéfait.
18 J'avais cru comprendre, lors du témoignage du général Praljak, que Miroslav
19 Tudjman avait été chef des Services secrets. Si le chef des Services
20 secrets, à partir de documents à connotation politique, donne un avis
21 d'amateur, ça fait bizarre. J'ai en tête, par exemple, des livres écrits
22 par l'ancien directeur de la CIA sur des problèmes politiques. Personne n'a
23 dit que c'était un amateur. Alors pourquoi vous, vous dites que M. Miroslav
24 Tudjman était un amateur ? Ça, je ne le comprends pas.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
26 vous remercie tout particulièrement d'avoir poser cette question, car cela
27 permettra d'éclaircir un grand nombre d'éléments. J'essaie d'économiser le
28 temps dont nous disposons et je répondrai brièvement, mais cette question
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1 est importante. Miroslav Tudjman n'a pas seulement été chef du
2 renseignement, il est également professeur d'université et docteur en
3 sciences de l'information.
4 Quand je dis que ses positions étaient celles d'un "amateur", je le
5 dis au sens plein en essayant d'abréger. Je dis cela pour dire qu'il n'est
6 pas politologue, que ce n'est pas un historien émérite et que, par
7 conséquent, ses commentaires ou ses points de vue, du point de vue de
8 l'approche scientifique qui est la mienne, ne sont pas pertinents. Ils
9 peuvent être intéressants, par ailleurs, de la façon que vous avez décrite,
10 ils peuvent traduire l'existence d'une certaine situation, mais ce que
11 j'affirme, c'est que du point de vue de l'interprétation de la situation,
12 ils relèvent d'une forme d'amateurisme, car il ne dispose pas d'un titre
13 d'historien ou de docteur en sciences politiques. Il est docteur en
14 informatique, en revanche. Je souhaiterais présenter mes excuses si cette
15 notion "d'amateurisme" que j'ai utilisée a peut-être prêté à confusion,
16 j'aurais pu utiliser un synonyme peut-être.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] au cœur de ce débat, est-ce que dans
18 votre rapport d'expertise que nous avons, vous vous êtes basé totalement
19 sur le livre et les documents de Miroslav Tudjman ou vous vous êtes basé
20 partiellement ou vous n'en avez pas tenu compte ? Voilà, il ne peut pas y
21 avoir de question plus claire.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La question est
23 tout à fait claire. Je me suis appuyé en partie sur ces documents et j'ai
24 repris des documents, non seulement à partir de Miroslav Tudjman, mais
25 également à partir des sources sur lesquelles lui-même s'est appuyé, des
26 documents pertinents. Par exemple, la reconnaissance de la Bosnie-
27 Herzégovine par la République de Croatie, différents documents
28 internationaux, et ainsi de suite. Donc la réponse est oui, mais
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1 partiellement, et cela dans la mesure où cela s'est avéré nécessaire. Si
2 ces documents, par exemple, je ne pouvais pas les retrouver dans une autre
3 source. Mais presque tous les documents que j'ai cités et qui émanent de
4 cet ouvrage de Tudjman ont fait l'objet d'une référence précisant quelle
5 était la source originale. Et j'ai cité l'ouvrage de Miroslav Tudjman en
6 seconde position, parce que cela était plus pratique pour rendre ces
7 documents accessibles, car ils figurent précisément dans son ouvrage.
8 Mais je vais toujours citer la source primaire, qu'il s'agisse de la
9 presse, des archives ou d'autre chose. C'est simplement la pratique
10 scientifique courante, comme je l'ai déjà dit, que de citer la référence du
11 document dans les archives et d'éviter à autrui la peine d'avoir à aller
12 chercher ces documents dans les archives si jamais il figure -- fidèlement
13 repris dans un ouvrage, dans une collection de documents, il est usuel de
14 faire figurer cette seconde référence aussi. J'ignore si cela a été bien
15 interprété ou si c'était suffisamment clair.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause de 20 minutes. Le Procureur
17 pourra revenir après la pause s'il veut sur ce sujet. Je rappelle que le
18 Procureur a déjà utilisé une heure 38 minutes, donc il lui reste une heure
19 20.
20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 36.
21 --- L'audience est reprise à 13 heures 00.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
23 M. SCOTT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Q. Avant de passer à autre chose, j'aimerais que nous continuions à poser
25 quelques questions à propos de ce document de Miroslav Tudjman. Alors il y
26 a au moins trois différents éléments venant de Miroslav Tudjman que vous
27 citez dans votre rapport, l'un qui s'appelle "La vérité sur la Bosnie-
28 Herzégovine," il s'agit de la pièce 1D 00410, en tout cas c'est l'une des
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1 cotes qu'il a reçues. Je n'essaie pas d'être critique ici, mais je pense
2 que différents passages ont peut-être reçu des cotes différentes à
3 différents moments. Au moins, nous avons la cote 1D 00410 qui se réfère à
4 ce document de Miroslav Tudjman appelé "La vérité sur la Bosnie-
5 Herzégovine."
6 Ensuite, il y a un autre livre de Miroslav Tudjman appelé "Le temps du
7 parjure," cote 3D 00855, et un dernier ouvrage de Miroslav Tudjman employé
8 par M. Jurcevic, il s'agit du journal de Miroslav Tudjman, enfin c'est une
9 série de journaux appelée "Sécurité nationale et l'avenir." Donc je voulais
10 que ça soit clair.
11 J'aimerais que nous nous attachions maintenant sur l'ouvrage de
12 Miroslav Tudjman appelé "Le temps du parjure." Tout d'abord, pourriez-vous
13 nous dire --
14 R. Monsieur le Juge, j'ai compris la dernière des phrases prononcées et la
15 question, mais je ne sais pas si elles font partie de la question, les
16 éléments complexes dont a parlé M. le Procureur au tout début de cette
17 audience. Il a fait toute une série de constatations et d'évaluations, et
18 je ne sais pas si je dois me prononcer sur le tout ou sur le dernier
19 segment. Si c'est le dernier segment, j'aimerais qu'on le répète et qu'on
20 exclue les commentaires, ou alors je dois répondre aux commentaires aussi.
21 Q. Je vais répéter la question de tout façon. Il est vrai que pour le
22 compte rendu, j'ai fait certaines déclarations reprenant la discussion qui
23 avait eu lieu avant la pause et j'ai voulu mettre au compte rendu qu'il y
24 avait au moins trois différentes sources provenant de Miroslav Tudjman qui
25 étaient reliées aux travaux effectués par M. Jurcevic. Je voulais que ça
26 soit au compte rendu, et je veux toujours que ce le soit.
27 Maintenant, en ce qui concerne ce dernier livre que j'ai cité, c'est-à-dire
28 "Le temps des parjures," qui a été publié par Miroslav Tudjman à Zagreb en
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1 2006, j'aimerais savoir si vous avez aidé Miroslav Tudjman, l'ex-dirigeant
2 des Services secrets croates et fils de l'ancien président de la Croatie,
3 si vous l'avez aidé à rédiger cet ouvrage ?
4 R. Non, dans la rédaction de ce livre ou de quelque autre livre que ce
5 soit rédigé par M. Tudjman. Je n'ai donc pas apporté mon aide et je ne suis
6 pas en relation proche, collégiale, amicale ou autre. Il me semble que l'un
7 de ses livres, sur bien des fois de sa présentation, j'ai été convié à une
8 présentation et j'ai été sollicité pour intervenir pour ce qui est de
9 l'importance de la signification de cet ouvrage compte tenu de certains
10 intérêts croates, mais je n'ai pas aidé M. Miroslav Tudjman à rédiger ce
11 livre, pas plus qu'il ne m'a aidé lui-même, moi.
12 Q. Bien. Dans le premier classeur, regardons la pièce
13 3D 00855. Il s'agit du premier classeur.
14 R. [aucune interprétation]
15 Q. Donc je répète la cote. Il s'agit de la pièce 3D 00855 dans le premier
16 classeur.
17 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Monsieur Scott, vous êtes certain
18 que cela se trouve bien dans le premier classeur ?
19 M. SCOTT : [interprétation] J'avais cru comprendre que toutes les pièces
20 côtés Défense se trouvaient dans le premier classeur. C'est un 3D, donc ça
21 devrait être dans le premier classeur.
22 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.
23 M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Juge, avez-vous retrouvé le
24 document ?
25 M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Tout à fait. Merci.
26 M. SCOTT : [interprétation] Très bien.
27 Q. Tout d'abord, si nous pouvions avoir la première page dans ce document
28 qui nous vient de la Défense Praljak. Il s'agit visiblement de la copie
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1 personnelle du général Praljak et on y trouve une annotation personnelle de
2 Miroslav Tudjman dans l'exemplaire du livre de M. Praljak.
3 R. Ce qui est écrit à la main là ?
4 Q. Oui.
5 R. Oui, je vois.
6 Q. Donc la dédicace est la suivante :
7 "Cher Slobodan, la vérité est le seul chemin menant à la justice et à
8 la liberté. Ceci est ma dette, ma dette envers vous et toutes les victimes
9 de l'injustice et des mensonges.
10 "Très sincèrement,
11 "Miroslav Tudjman."
12 C'est bien ce qui est écrit, n'est-ce pas ?
13 R. Oui. D'après ce que je peux lire, oui. Peut-être que certaines lettres
14 ne sont pas conformes, mais au fond c'est tout à fait exact.
15 Q. Il y a une date, 4 juin 2006, si je ne m'abuse. Donc c'est juste
16 quelques semaines après le début de ce procès, puisque les déclarations
17 liminaires ont eu lieu en avril 2006. En fait, vous voyez la date. La date
18 est donc du 4 juin 2006.
19 R. Oui. Je pense que devant on voit ZGB, ça veut dire Zagreb. Je vois la
20 date, oui.
21 Q. Donc sur cette page de garde, je regarde évident la version en anglais.
22 Si vous regardez l'autre côté de la page de garde, il y a d'autres noms, et
23 si je ne m'abuse, on trouve le vôtre, Professeur Dr Jurcevic. Le voyez-vous
24 ?
25 R. Exact, je vois.
26 Q. Le mot que l'on trouve juste au-dessus de votre nom, si vous pouvez
27 nous aider, peut-être pourriez-vous le lire à haute voix, et ainsi, par les
28 cabines, nous saurions quel est ce mot.
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1 R. Au-dessus on a écrit que je suis l'un des lecteurs de ce livre, c'est-
2 à-dire que la maison d'édition, une fois que le livre a été prêt pour
3 impression, a demandé des recommandations de la part d'un lecteur pour ce
4 qui est de la publication. Quand c'est arrivé pour impression, on accordait
5 des fonds de la part de certaines institutions, ministère de la Culture ou
6 autres, en demandant une opinion émanant de l'expert, et l'un des experts
7 était moi, pour ce qui est de savoir s'il était utile de faire imprimer ce
8 livre.
9 Une fois que celui-ci a été rédigé, ça, c'est fait. Donc je n'ai en
10 aucune façon ni coopéré ni suis intervenu sur quelque texte que ce soit de
11 M. Miroslav Tudjman. C'est la maison d'éditions Detecta qui m'a demandé
12 d'être le lecteur. Ils publient généralement des écrits modernes, et je
13 suis souvent l'un de ceux qui sont sollicités pour donner une opinion
14 concernant la recommandation relative à l'impression. J'ai, au moins pour
15 une dizaine de livres publiés par Detecta, fourni une opinion suite à
16 sollicitation. J'ai aussi indiqué que j'ai présenté ce livre, mais j'étais
17 l'un des présentateurs, j'étais l'un sur 12. Je ne sais plus trop vous
18 dire.
19 Q. Bien, pour que le compte rendu soit clair, vous dites "présenter le
20 livre." Qu'est-ce que cela veut dire exactement ?
21 R. C'est une chose usuelle en Croatie. Lorsqu'un livre est publié dans un
22 espace médiatique, il est procédé à une présentation au public. On invite
23 des gens à titre individuel ou il y a une invitation publique. Donc lorsque
24 la maison d'éditions fait la publicité du nouveau livre mis sur le marché,
25 il y a, suite à invitation de cette maison d'éditions, des gens qui sont
26 conviés à en parler. On a pensé donc pouvoir inviter des gens qui sont
27 susceptibles de dire quelque chose d'intéressant à l'intention de l'opinion
28 publique croate. Et comme vous avez pu voir cela dans mon CV, j'ai
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1 participé à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de présentations
2 de ce type.
3 Q. Très bien. Je vous remercie. En fin de compte, vous avez fait la
4 promotion d'un livre de Miroslav Tudjman. Vous avez dit au public que
5 c'était un livre intéressant, donc vous avez servi M. Tudjman ou servi à la
6 promotion de son livre ?
7 R. Je n'ai pas fait la promotion de la vente.
8 Q. Je vous demande une chose, et je suis très prudent lorsque je pose
9 l'autre question. Vous dites, vous avez présenté ce livre, vous nous l'avez
10 décrit. En fait, ce que vous nous avez dit, c'est que vous avez assuré la
11 promotion du livre ?
12 R. Oui. Vous essayez de dire quelque chose d'inexact, et j'affirme que
13 cette partie-là est inexacte. Je n'ai pas participé aux activités de
14 marketing, chose qui est d'habitude payée, et en ma qualité de lecteur, je
15 n'ai pas été rémunéré parce que ce n'est pas habituel en Croatie. J'ai
16 parlé de la signification qu'avait ce livre et qu'avaient les sujets
17 abordés par ce livre pour l'opinion publique croate.
18 Q. J'entends bien. Vous avez fait ça à titre gratuit. Très bien.
19 Hier, en réponse à une question du Président de la Chambre en ce qui
20 concerne le livre de Lord Owen - ce n'est pas essentiel, mais je pense bien
21 que c'était ce livre - M. Antonetti vous a demandé si vous avez lu ce
22 livre, enfin, quelqu'un vous posé cette question en tout cas, et voici
23 votre réponse. Hier, vous avez dit :
24 "Réponse : Oui, je l'ai lu. C'était il y a longtemps, mais lorsqu'on lit ce
25 type de mémoire, il faut toujours le prendre avec circonspection, avec une
26 certaine réserve en ce qui concerne les faits, parce que les gens qui ont
27 participé essaient toujours de se protéger, de se décrire en se protégeant,
28 de se justifier, de justifier leurs actions et de, si possible, se donner
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1 le beau rôle."
2 Voici ce que vous avez dit hier.
3 Donc, à de nombreuses reprises vous vous êtes servi pour votre
4 rapport de M. Praljak et des œuvres de Miroslav Tudjman et avez-vous aussi
5 utilisé une certaine circonspection lorsque vous avez utilisé ces ouvrages,
6 comme vous l'avez dit dans votre réponse aux Juges ?
7 R. Oui, ce que j'ai dit en répondant à la question de je ne sais plus qui,
8 vous l'avez cité de façon exacte, et j'affirme encore que dans tous les cas
9 de figure, y compris le cas de figure de M. Praljak, je ne sais pas s'il a
10 rédigé des mémoires, lui, je ne sais pas si M. Tudjman l'a fait, ou si en
11 partie, mais j'estime que ceci constitue des sources auxiliaires. Et la
12 question d'hier a été posée dans un contexte - je pense que c'était Mme
13 Alaburic qui l'avait posée - au sujet de certains faits, et j'ai indiqué
14 que j'avais lu ce livre il y a longtemps, mais que je n'ai pas estimé cela
15 pertinent pour ce niveau d'analyse. Et pour répondre concrètement à votre
16 question, je dirais que conformément à ce que j'ai dit au sujet de M. Owen,
17 M. Praljak ou M. Miroslav Tudjman, c'est la même raison qui m'a animé pour
18 ne pas mettre cela dans mon expertise.
19 J'ai aussi précisé qu'il n'y avait aucune citation émanant de points
20 de vue formulés par M. Praljak, M. Miroslav Tudjman ou quelqu'un d'autre.
21 Si oui, veuillez me les indiquer, ces endroits.
22 Q. Bien. Poursuivons. Je tiens à dire pour le compte rendu -- enfin, je
23 vous affirme quelque chose et vous me corrigerez si je me trompe. Dans
24 votre rapport d'expert, qui dans la version anglaise fait presque 190 pages
25 en interligne simple, vous ne citez absolument pas ce que nous appelons ici
26 le compte rendu présidentiel, c'est-à-dire le compte rendu des réunions
27 entre le président Tudjman et d'autres personnes qui ont souvent eu lieu
28 dans le bureau du président Tudjman ou parfois ailleurs, mais à aucun
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1 moment vous n'avez cité ce type de documents dans votre rapport pourtant
2 étoffé ?
3 R. Exact. A l'introduction du troisième chapitre qui est intitulé
4 "Attitudes de la République de Croatie vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine
5 et explications méthodologiques," j'apporte des explications concernant la
6 façon dont j'ai procédé, quels sont les documents que j'ai utilisés, et
7 j'ai dit que le centre de gravité avait été mis par mes soins sur ce qu'il
8 y avait de plus pertinent, à savoir les documents officiels relatifs aux
9 institutions de la République de Croatie, à savoir président, Parlement,
10 gouvernement. Et il y a toute une série de documents, témoignages, mémoires
11 en provenance du premier ministre dont je ne me suis pas servi.
12 Q. En tant qu'historien, et vous nous avez dit être historien, qu'en
13 omettant de faire référence aux comptes rendus présidentiels que cette
14 Chambre a utilisés et que les équipes de la Défense aussi ont utilisés et
15 que le bureau du Procureur a aussi utilisés, vous ne trouvez pas qu'en tant
16 qu'historien, vous auriez quand même pu prendre en compte ces comptes
17 rendus présidentiels ? C'est quand même une omission grave en tant
18 qu'historien de ne pas les avoir pris en compte ?
19 R. Non, pas du tout. Ces transcriptions, je les ai suivies très
20 attentivement lors de la publication par les médias et il y a plusieurs
21 livres de publiés à ce sujet. J'ai comparé cela avec d'autres livres et
22 documents, par exemple, le recueil de documents du premier ministre d'un
23 des gouvernements en Croatie, M. Franjo Greguric, puis toute une série de
24 textes de mémoires. Et ces éléments officieux, je ne m'en suis pas servi.
25 Dans mes propos d'introduction en page 154, j'explique quel est le niveau
26 auquel se situe mon approche. L'expertise ne se trouve pas trop volumineuse
27 pour ce qui est des expertises présentées devant ce Tribunal. Si j'étais
28 allé m'occuper de ces niveaux-là, il eut fallu augmenter les autres
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1 contenus également. Ça a été expliqué à l'avant-propos, et à l'avant-propos
2 notamment du chapitre 3, page 154 de la version croate. Si nécessaire, je
3 peux en donner lecture. Les Juges pourront donc voir comment j'ai procédé.
4 Q. Vous n'avez pas besoin de le lire. Nous l'avons sous les yeux. Voici ce
5 que je vous affirme. Vous n'avez pas fait référence aux comptes rendus
6 présidentiels pour la bonne raison que leur contenu, en fait, n'était pas
7 du tout adapté aux conclusions que vous vouliez tirer, c'est tout ?
8 R. Cela n'est pas du tout exact. Ces transcriptions sont très
9 volumineuses, sont très peu concrètes et ce ne sont pas des documents
10 officiels. Mis à part ce fait, je ne me suis pas servi de toute une série
11 d'autres documents du même type. Je me suis servi de documents officiels,
12 tant au niveau de la présidence que d'autres institutions dont on a donné
13 toute une série de listings dans ce livre. Et j'ai parlé de ce qui s'est
14 passé.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Professeur, j'ai peut-être mal compris ou ça a mal
16 été traduit. En parlant des transcripts présidentiels, vous dites, Ce ne
17 sont pas des documents officiels. Quand j'ai entendu cela, je me suis dit,
18 Pourquoi dit-il cela ? Saviez-vous que le bureau du Procureur, dans le
19 cadre d'une demande d'assistance au titre de la coopération, a demandé à la
20 Croatie de lui fournir tout document en sa possession pertinent par rapport
21 aux événements qui s'étaient déroulés dans l'ex-Yougoslavie. Et dans ce
22 cadre, le gouvernement croate a transmis ces transcripts présidentiels. Et
23 là, vous dites, Ce n'était pas des documents officiels. Alors j'ai du mal à
24 comprendre. Pouvez-vous m'éclairer ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Les transcriptions, ce sont des réécritures
26 d'entretiens qui se sont produits dans le bureau du président avec des
27 interlocuteurs différents dans des situations variées, et cetera, et cela
28 constitue certainement une source historique valable lorsque l'on se
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1 penchera sur l'activité qui était celle du président lui-même du point de
2 vue du fonctionnement de l'institution concernant toute une série de
3 problèmes.
4 Cependant, lorsqu'il s'agit de questions aussi complexes que celle de la
5 mission qu'on m'a confiée, à savoir la rédaction de ce rapport d'expert, et
6 ici, on voit quelles étaient les missions fondamentales à la demande de la
7 Défense. Au (a), c'est-à-dire page 5 de mon texte, il est dit : Cette
8 expertise a été rédigée à la demande de la Défense du général Slobodan
9 Praljak au sujet du procès en justice diligenté contre lui et d'autres
10 personnes devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. La
11 Défense a demandé la rédaction d'une expertise qui s'occuperait de ce qui
12 suit : (a) territoire de la BiH et événements jusqu'en 1995, notamment
13 compte tenu du démantèlement de l'ex-Yougoslavie et des événements en
14 Bosnie-Herzégovine entre 1990 et 1995; et (b) - ce qui importe pour la
15 question posée - l'attitude adoptée par la République de Croatie vis-à-vis
16 de la Bosnie-Herzégovine avec un aperçu particulier relatif aux phénomènes-
17 clés qui démontrent et expliquent les éléments particuliers qui étaient
18 ceux de l'attitude de la Croatie vis-à-vis de la Bosnie-Herzégovine pendant
19 la période entre 1991 et 1995. Je ne vais pas tout vous relire. Vous pouvez
20 vous pencher vous-même sur ce texte. J'indique que l'auteur de l'expertise
21 a convenu avec la Défense du général Praljak le cadre temporel, territorial
22 et autres pour ce qui est de cette analyse. Le reste est confié à d'autres
23 méthodologies, procédures, interprétations de cause à effet et présentation
24 des résultats obtenus dans les recherches. Et je sais - je ne cite plus -
25 je sais que par mes activités et partant des conseils --
26 M. SCOTT : [hors micro]
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous arrêter, Professeur. Bon, vous avez
28 répondu longuement. Je constate que vous nous dites que vous avez répondu à
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1 ce qu'on vous avait demandé et que donc vous n'avez pas mis l'accent sur
2 les transcripts.
3 Monsieur Scott. Rassurez-vous, le temps qu'il a parlé ne vous est pas
4 décompté.
5 M. SCOTT : [interprétation]
6 Q. Bien, Monsieur, c'est intéressant, parce que si je fais un retour en
7 arrière il y a quelques instants, Miroslav Tudjman, vous ne citez pas les
8 comptes rendus présidentiels de M. Tudjman, mais vous faites référence au
9 journal "La sécurité nationale et l'avenir" de Miroslav Tudjman. Vous
10 faites, semble-t-il, référence à des rééditions des procès-verbaux de
11 réunions de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Donc, apparemment, vous
12 trouvez que c'est tout à fait acceptable de faire référence à ces comptes
13 rendus d'audience avec M. Izetbegovic, mais vous estimez que cela ne
14 convient pas s'il s'agit des procès-verbaux des réunions où aurait
15 participé le président Tudjman, n'est-ce pas ?
16 R. Il s'agit là de l'une des questions qui sont plutôt très complexes et
17 qui comprennent toute une série de sous-questions.
18 Tout d'abord, j'ai cité --
19 Q. Pardonnez-moi, mais pas vraiment. Nous manquons de temps, surtout
20 aujourd'hui. Il ne me reste plus que 15 minutes. Encore une fois, c'est une
21 question à laquelle vous pouvez répondre par "oui" ou par "non", en tout
22 cas la première partie. Il y a un suivi, il est vrai.Vous avez cité dans
23 votre rapport - et je peux vous demander de vous y reporter - page 73,
24 notes en bas de page 2 à 6 [comme interprété]; page 18 [comme interprété],
25 400 à 402, notes en bas de pages; page 122, note en bas de page 416.
26 Vous citez à maintes et maintes reprises dans votre rapport des procès-
27 verbaux des réunions avec le président Izetbegovic, alors que vous laissez
28 complètement de côté les procès-verbaux des réunions auxquelles a assisté
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1 le président Tudjman; oui ou non ?
2 R. C'est à titre très marginal que j'ai cité des réunions officielles de
3 la présidence de Bosnie-Herzégovine, dans un contexte très limité, et ceci
4 exclusivement afin de préciser ce qu'il en était de la situation de cette
5 présidence, et ceci afin d'argumenter un fait essentiel en l'espèce, à
6 savoir que les autorités centrales de la Bosnie-Herzégovine, la présidence
7 et autres institutions, dans certaines périodes critiques de l'histoire de
8 la Bosnie-Herzégovine, souffraient d'un isolement complet. C'est pourquoi
9 j'ai cité des portions de ces procès-verbaux à partir desquels on peut voir
10 qu'ils ne disposaient même pas d'une liaison téléphonique avec le reste du
11 monde, avec l'extérieur. Et c'est uniquement à cette fin que j'ai cité ces
12 extraits et pour montrer aussi un certain nombre d'autres détails lorsqu'il
13 était nécessaire d'expliquer une situation bien précise. C'est dans ces
14 conditions-là que j'ai cité ces sources-là. Quant à ce à quoi vous vous
15 référez comme étant le magazine de Miroslav Tudjman, ce n'est pas son
16 magazine - je crois que c'est le magazine émanant d'une association au sein
17 de laquelle il exerce une certaine fonction - j'ai uniquement utilisé les
18 documents qui y sont cités et je me suis appuyé sur un texte rédigé par un
19 auteur dont j'ai oublié le nom. Je ne m'en souviens pas maintenant. Donc je
20 n'ai pas utilisé des journaux de Miroslav Tudjman, et si jamais je l'ai
21 fait, je vous prie de bien vouloir m'indiquer à quel endroit j'aurais fait
22 cela.
23 Q. Monsieur, vous avez indiqué que ces journaux constituaient une source.
24 Certains de ces procès-verbaux de réunions ont été réédités à nouveau,
25 réédités dans le journal de Miroslav Tudjman. Encore une fois, ce n'est pas
26 le lieu -- parce que plutôt que de vous reporter à d'autres sources, vous
27 vous tournez vers des archives ou les bureaux de la présidence, encore une
28 fois vous vous reposez sur Miroslav Tudjman qui met à votre disposition les
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1 éléments dont vous avez besoin. Bon. La seule question que je vous ai posée
2 un peu plus tôt, la question que je vous ai posée, c'est : Oui, vous vous
3 êtes reposé sur les procès-verbaux des réunions avec Alija Izetbegovic,
4 mais vous ne citez pas, vous ne faites pas référence à des procès-verbaux
5 de réunions avec Franjo Tudjman, n'est-ce pas ?
6 R. En partie, oui -- en fait, vous avez posé trois questions, encore
7 une fois. En introduction, vous suggérez une chose, puis ensuite, vous
8 posez une première question d'où il ressortirait une situation dans
9 laquelle on me contraindrait à répondre quelque chose qui ne correspondrait
10 pas à la vérité, mais je suis contraint de dire toute la vérité et rien que
11 la vérité --
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, mais je crois que
13 c'est assez offensant ce que vous venez de nous dire. Vous pouvez répondre
14 par oui ou par non et vous avez délivré un long discours et vous avez, pour
15 l'essentiel, répondu par l'affirmative. Le Procureur vient de vous demander
16 de confirmer ceci, et plutôt que de faire cela, vous donnez des réponses
17 longues et vous prenez du temps qui ne devrait pas être ainsi perdu.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Professeur, le Procureur essaye de
19 comprendre, en vous posant des questions - mais il n'y a pas que lui, je
20 pense que tout le monde dans cette salle essayent également de comprendre -
21 comment se fait-il qu'un expert comme vous, à partir du rapport
22 d'expertise, vous avez mis de côté les transcripts présidentiels ? Et le
23 Procureur vous dit, en revanche, vous avez évoqué des transcripts
24 concernant la présidence d'Izetbegovic. Je dois vous dire qu'hier, c'est
25 avec une grande satisfaction que j'ai vu ces documents qui m'apparaissent
26 très intéressants parce qu'on a le point de vue du côté Izetbegovic et de
27 tous ceux qui sont autour de lui sur les problèmes. Et donc ça,
28 effectivement, c'est intéressant. Mais à ce moment-là, dans la balance,
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1 pourquoi ne pas avoir fait pareil et mettre les transcripts où Tudjman
2 rencontre Izetbegovic, Lord Owen, Susak, Praljak, et cetera ? Pourquoi ne
3 pas avoir mis tout cela en balance ?
4 Car, Monsieur le Professeur, vous avez écrit des ouvrages, vous avez
5 fait des recherches, et vous savez que la pratique de ce Tribunal, quand il
6 y a des experts qui viennent, c'est qu'au niveau de la crédibilité il y a
7 toujours des questions qui vont être posées sur la méthodologie, et là, il
8 peut y avoir un vide méthodologique. Pourquoi ne regarder qu'une partie et
9 pas l'autre ? Et c'est ça que le Procureur essaie de trouver. Donc, comme
10 le dit excellemment mon collègue, ce n'est pas la peine de partir dans des
11 discours. Répondez par oui ou par non, ou donnez-nous l'explication. Vous
12 avez peut-être fait une erreur. Vous n'aviez pas le temps. Moi, je suis
13 prêt à tout écouter, mais encore faut-il qu'on ait une explication qui
14 tienne la route au point de vue recherche, au point de vue expertise.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai parfaitement
16 compris votre question et je vais m'efforcer d'être aussi bref que possible
17 en vous expliquant pourquoi j'ai en toute conscience procédé ainsi. Je n'ai
18 pas traité de personnes particulières dans cette expertise. Ce n'est pas ce
19 qu'on m'a demandé de faire et cela n'était pas possible non plus. La raison
20 pour laquelle je me suis appuyé sur des procès-verbaux qui ne nous disent
21 pas -- comme on l'affirme ici, avec imprécision, qu'il s'agit de
22 transcripts d'Alija Izetbegovic. En fait, il faut dire qu'il s'agit de
23 procès-verbaux de la présidence au sein de laquelle étaient inclus les
24 trois peuples constitutifs, et ces procès-verbaux permettaient de montrer
25 les relations tout à fait concrètes entre ces trois communautés à l'échelon
26 de la présidence. Et cela s'est avéré pertinent, de mon point de vue,
27 seulement à certains moments, afin d'étayer certaines affirmations qui
28 étaient étayées par ailleurs.
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1 Afin de voir quelles étaient les relations au sein de cet organe
2 politique qu'était la présidence de la Bosnie-Herzégovine et qui a
3 représenté un acteur-clef des relations constituantes au sein de la Bosnie-
4 Herzégovine, j'ai estimé qu'il était beaucoup plus pertinent d'utiliser des
5 documents publics, officiels, et reflétant la communication avec la
6 communauté internationale, si bien que pour ce qui est des transcripts
7 présidentiels où l'on voit Franjo Tudjman, j'estimais qu'il n'était pas
8 pertinent d'utiliser ce que pouvait affirmer Franco Tudjman, car, si vous
9 les examinez attentivement, on y trouve de tout en vérité.
10 Je me suis penché sur cela, et si on voulait élaborer un ajout
11 géographie de Franjo Tudjman sur la base de ces procès-verbaux, on pourrait
12 faire tout ce que l'on veut. On pourrait le présenter comme le pire homme
13 de l'histoire ou sous tout autre angle que l'on aurait choisi. Et ce
14 n'était pas mon approche ni la thèse que je souhaitais défendre.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Essayez de ralentir. Alors vous nous avez
16 expliqué - je synthétise en une phrase - vous avez estimé que ces documents
17 ne répondaient pas à la demande qui vous avait été faite par la Défense du
18 général Praljak et que donc vous n'avez pas jugé utile de vous y attarder.
19 Bon, moi, c'est ce que j'ai compris dans votre réponse.
20 Bien, alors Monsieur le Procureur, il nous reste encore une dizaine
21 de minutes.
22 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. J'informe tout le monde : le greffe vient
24 de nous indiquer qu'il y a eu un petit problème technique ce matin. Il y a
25 22 secondes des bandes d'audiovisuelles qui ont été effacées. Il s'agit de
26 la portion de l'audience qui s'est déroulée - alors écoutez bien - entre 9
27 heures 54 minutes et 25 secondes et 9 heures 54 minutes et 47 secondes. Le
28 greffe nous indique que le service informatique présente à tout le monde
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1 ses excuses. Bien, alors les 22 secondes, je ne sais pas ce qu'il y a, mais
2 on aura le transcript qui nous permettra de vérifier.
3 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Nous allons revenir sur cette question et j'espère que nous pourrons
5 terminer sur ce point aujourd'hui. Je vais revenir aux citations et
6 références faites à M. Praljak. Lorsque je dis "M. Praljak", je ne veux pas
7 parler de lui personnellement. Il a publié différents documents dont il est
8 l'auteur et dont il porte la responsabilité, et cetera. Je vous demande de
9 bien vouloir regarder, s'il vous plaît, un passage, tout ce passage qui
10 porte sur l'armement et l'équipement des unités de l'ABiH. Et je m'excuse
11 parce que, dans ma présentation, je n'ai pas cité de numéro de page; je
12 m'en excuse. Ceci se trouve - si je regarde la table des matières -
13 malheureusement, cette dernière ne comporte pas les numéros de page non
14 plus. Un instant, s'il vous plaît.
15 R. C'est le chapitre II, sous le chapitre 3, et cela se situe en page 187
16 dans la version croate, si je puis apporter mon concours.
17 Q. En anglais, cela se trouve à la page 156. Si nous regardons ce passage,
18 Monsieur, si nous regardons les notes en bas de page, je souhaite demander
19 aux Juges de la Chambre de regarder les notes en bas de pages précisément.
20 Si je ne me trompe pas - si je me suis trompé, on peut me corriger - à
21 l'exception de la note en bas de page 576, toutes les autres notes en bas
22 de page dans cette partie de votre rapport citent comme source M. Praljak,
23 n'est-ce pas ?
24 R. Il s'agit des références correspondant aux documents pertinents. C'est
25 ainsi que je les ai conçues et je considère qu'il n'est absolument pas
26 pertinent de savoir si ces documents résident au sein d'une archive croate
27 ou d'une archive britannique. Alors si vous avez une objection relative à
28 l'importance de ces documents ou à la correction ou non de la référence qui
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1 en est donnée, soit. Peut-être que pour vous c'est important, mais pour
2 moi, dans mon travail, il n'était pas important de savoir qui a collecté
3 ces documents ou l'endroit où ils se trouvent. Ce qui était important pour
4 moi, c'était le document en lui-même.
5 Q. En anglais, ceci se trouve à la page 156. En anglais, ça se trouve au
6 quatrième paragraphe au niveau des chiffres romains III
7 partie qui m'intéresse c'est à la page 156 de l'anglais, mais à l'alinéa
8 III-3, "Armer et équiper," sur cette même page, sous cet intitulé. Si je
9 peux vous être utile, le cinquième paragraphe sous cet intitulé-là.
10 R. Donnez-moi juste un instant, s'il vous plaît.
11 Q. Ceci illustre quelque chose où je veux en venir. Vous dites dans ce
12 paragraphe, et je cite :
13 "De nombreux MORH, je pense que ceci représente le ministère de la
14 Défense croate, les documents de ce ministère signés par les plus hauts
15 représentants, y compris ceux qui datent de conflits partiellement armés
16 entre les Musulmans de Bosnie et les Croates dans la République de Bosnie-
17 Herzégovine, RBH, (entre les derniers mois de l'année 1992 et les premiers
18 mois de 1994), précisent que les armes, l'équipement militaire et la
19 nourriture pour l'ABiH étaient envoyés depuis la RH," la République de
20 Croatie.
21 Monsieur, la question que je vous pose c'est celle-ci : l'impression
22 que vous donnez, dans l'esprit du lecteur, lorsque vous parlez de nombreux
23 documents, et vous étayez cela et vous mettez entre parenthèses entre les
24 derniers mois de 1991 [comme interprété] jusqu'aux premiers mois de 1994,
25 nous avons l'impression que vous disposez de documents pour étayer cette
26 affirmation. Mais si nous regardons les documents que vous citez juste en
27 dessous -- le dernier document que vous citez est un document qui est daté
28 du mois de mars 1993.
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1 Les Juges de la Chambre savent depuis un certain nombre de mois déjà,
2 puisque ce sont des questions qui ont été débattues dans ce procès, quand
3 et à quel moment l'aide a été fournie, si cette aide en grande partie,
4 peut-être pas chaque élément, mais cette aide en grande partie a cessé
5 d'être fournie lorsque le conflit entre les Musulmans et les Croates a
6 éclaté en Bosnie-Herzégovine vers cette année 1993. Donc vous laissez
7 entendre qu'il existe une pléthore de documents qui, depuis la fin de
8 l'année 1992 et jusqu'au début de 1994, étayent cette affirmation, mais
9 vous ne citez aucun document, en réalité. C'est bien ce qu'on peut lire
10 ici, n'est-ce pas ?
11 R. Dans ce dont vous avez donné lecture - vous avez correctement lu et
12 cité - pour ce qui concerne cette partie de la phrase qui fait état de
13 conflit partiel entre les forces armées bosniennes musulmanes et croates en
14 BiH, je mentionne les données qui figurent entre parenthèses pour rappeler
15 aux lecteurs la période approximative de la durée de ces conflits. Ensuite,
16 je précise juste après qu'il s'agit d'armes, d'équipement, de nourriture et
17 autres. Quant aux autres chapitres qui se trouvent dans mon rapport
18 d'expert, donc l'aide humanitaire et les autres chapitres confirment cela -
19 -
20 Q. Monsieur --
21 R. -- au-delà de tout doute. Et à cet endroit précis je ne pouvais pas non
22 plus faire une infinité de citations.
23 Q. Nous allons peut-être en terminer sur ce point. Je me remets bien sûr
24 entre les mains des Juges de la Chambre.
25 La question que je vous pose d'une manière ou d'une autre, que vous
26 ayez suivi ce procès ou non, quelquefois vous nous dites que vous avez
27 suivi ce procès de temps en temps, et de temps en temps, vous dites que
28 vous avez tenté de le suivre; en tout cas, la question qui se pose dans
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1 cette affaire, vous aviez l'impression qu'une question était posée quant au
2 moment où cette aide a été fournie. Et vous avez fait une déclaration. Vous
3 avez dit qu'il existait, d'après vous, un nombre très important de
4 documents pour étayer cette affirmation entre avril 1992 [comme interprété]
5 et jusqu'au premier mois de 1994 compris, et vous dites qu'il y a des
6 documents pour étayer cette position. Vous ne nous avez pas montré un seul
7 document, n'est-ce pas ? La réponse est un "oui" ou un "non".
8 Note en bas de page 580, qui fait état d'un document qui est daté de
9 décembre 1992; je vois une note en bas de page 581, je crois, qui fait état
10 du mois de mars. C'est un document du mois de mars 1993, et c'est la fin.
11 C'est tout, n'est-ce pas ?
12 M. KARNAVAS : [interprétation] Pour être juste envers le témoin, la
13 façon dont la question est posée. On allègue quelque chose ici. Peut-être
14 qu'il devrait regarder -- c'est une question multiple.
15 M. SCOTT : [interprétation] C'est possible. Je vais reposer ma question. Je
16 crois que c'est assez simple.
17 Q. Encore une fois, Monsieur, je vous dis que dans ce paragraphe, c'est
18 vos propres termes que j'utilise ici :
19 "De nombreux documents du ministère de la Défense croate signés par
20 les plus hauts représentants, y compris ceux qui datent de la période,
21 indiquent qu'entre les Bosniens et les Croates de la République de Bosnie-
22 Herzégovine, entre les derniers mois de 1992 et les premiers mois de 1994,
23 indiquent que les armes, l'équipement militaire et la nourriture à
24 destination de l'ABiH ont été envoyés par la République de Croatie," mais
25 en réalité, vous ne citez aucun document qui étaye ces fait-là à ce moment-
26 là, n'est-ce pas ? Je veux parler de la période qui va après le mois de
27 mars 1993 au premier mois de l'année 1994, n'est-ce pas ?
28 R. Pour ce qui concerne ces deux notes en bas de page, numéros 580 et 581,
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1 j'ai cité environ une dizaine de documents. Mais ce rapport d'expert
2 constitue un tout, et l'ensemble de ce chapitre ainsi que les autres notes
3 de bas de page en témoignent également. Bien sûr, si on ne se réfère qu'à
4 ces deux notes de bas de page, ça correspond à un nombre limité de
5 documents, mais si on compare aux autres notes de bas de page, on a peut-
6 être même plus de documents, et si l'on compare aux notes de bas de page et
7 aux références qui ont trait au même sujet - on voit de la nourriture,
8 d'équipement et d'armes qui figurent dans les autres chapitres - il est
9 possible de conclure qu'il ne s'agit pas uniquement de la période de 1992 à
10 1994, mais au --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Le Procureur pourra continuer demain sur ce sujet.
12 Je pensais qu'il n'y avait pas une audience après nous, mais on vient de me
13 dire qu'il y a l'affaire Perisic, et donc je ne veux pas déborder. Là,
14 malheureusement, j'ai débordé de trois minutes et je risque de me faire
15 tirer les oreilles par mes autres collègues.
16 Donc nous nous retrouverons demain à 9 heures. Je vous remercie.
17 M. KOVACIC : [interprétation] Lorsque nous allons reprendre demain matin à
18 9 heures, je souhaite que l'Accusation montre ce document qui est débattu
19 maintenant, parce que le témoin ne connaît pas par cœur tous les documents
20 et le document qui est cité ici. Vous constaterez pourquoi ceci est
21 important. Je crois qu'il faut lui montrer le document dont nous parlons
22 maintenant, qui est le 3D 2633. Merci.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors à demain, 9 heures.
24 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le jeudi 17
25 septembre 2009, à 9 heures 00.
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